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HISTOIRE DE L ART
TOME DEUXIEME
'REMTERE PARTIE
ONT COLLABORÉ AU TOME DEUXIEME :
l',Mii,i; lii;iiTAUx, aucicn mcmhic tic l'Ecole fiïuiiaisc de IVonie,
piofessoiir i\ riJniversilé de Lvon.
lli-.Niii DoLciioT, munibre de rinslitiit,
Cdiiheivaleiir du Cabinet, des Estampes à la liibliolliè(|uc ^aliollale.
C" Paul Duiuuku, ancien inendjre de ri'.eole française de Home,
Conservalenr lionoiaiie au Musée du Louvre.
Camille Emaut, ancien membre de l'Ecole française de Home,
Dirccleur du Musée de sculpture comparée.
.I.-J. Grnrnr.^, mendire de l'inslilul.
Administrateur de la Manulaclure nationale des Gobelins.
AiiTiiuR Haseloff, secrétaire de l'Institut archéologique allemand de Rome.
Clément Heaton, peintre-verrier.
Raymond Kœchlin.
Emile Mâle, docteur es lettres, professeur au lycée Louis-le-Grand.
CoNiiAD DE Mandac.h, privat-doceiit ;i l'Université de Genève.
J.-J. MAnguET DE Vasselot, attaclié au Musée du Louvre.
Andhé Michel, Conservateur aux Musée;
professeur à l'Ecole du Louvre.
André Péiiaté, ancien membre de l'Ecole française de Rome,
(Conservateur adjoint du Musée de Versailles.
Maluice I'rol, professeur ii l'Ecole des Chartes.
5.'(5Gg. — Imprimerie Lahuhe, rue de Fie
^4^AK
Histoire de l'Art
DEPUIS LES PREMIERS TEMPS CHRÉTIENS
JUSQU'A NOS JOURS
Publiée sous la direclion de
ANDRE MICHEL
Conservateur aii\ ifiis.'es n;ihnn:in\. Pinfi^sseur à l'Éiole ilii Luuvre
TOMK II
Formation, expansion et évolution
de l'Art Gothique
l'REMIÈHK l'AISTIK
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I.IBRAIlilE AliiMAMi lAtlAK f Z i
-'0 2.
PARIS, 5, RUE DE MÉZIÈRES ** _ / ff / ^f
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TiMis ilriiils réserves
Droils lie Inuliirtirm el do reproclui^lion rcsprvés pour Ions les pnys,
y compris la Hollamlc.
Puljlislicd Mardi 5. nincleen hundred and six.
Privilège of Copyriglil in the Uniled Slates rcserved,
nndcr llie Act apprnved Mardi ô. 1905.
I)y Mn\ Ledcrc :ind II. Rni.rrolicr. proprielnrs of Librairie Armand Colin.
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TRODLCTION
« Gothique signifie figuréincnl grossier, dit le dictionnaire de Tré-
voux au mot .IctA/^r/Hrc: rarchiteclure gothique est celle qui est la plus
éloignée des proportions anliipu's. sans correction di' jirolil ni dr liuu
goût dans les ornements chimériques. .. Et cette définition est complétée
par deux exemples, l'un de la GrminiKiirc de l'oil-Royal : ■■ Pour ceux qui
n'ont la mémoire pleine que de mau\ais mois, leurs jtensr'cs se i'('\(MaMl
d'expressions prennent natiuvllcmcnl un air gothique »: — I autre de I-'('-li-
hien : <■ Ghirlandajo, maître de Michel-Ange, avait une manière gothiipie .>.
C'est, en quelques lignes, toute la pensée de l'âge classique sur les monu-
ments du moyen âge : ils sont le produit des invasions barbares, de ce
que les Italiens, nos maîtres d'esthétique depuis le xvi" siècle, ont appi'lé
ignominieusement i> maniera tedesca » ou <' golica ».
Dès le lendemain de la Renaissance, on peut suivre, comme jonrà
jour, chez les écrivains français, l'inintelligence croissante de lart des
cathédrales. Montaigne est encore vaguement c touché de quelque révé-
rence à considérer la vastité sombre de nos églises », mais il est plutôt
rebuté par leur mystère inquiétant. Philibert Delormc ne veut |)as .. des-
priser » cette architecture <■ appcicc cuhr les ouvriers la mode frmieoise •<: il
confesse même qu'on " y a taiet et pialiqné de fort bons traicts el dilli-
ciles », mais « aujourd'hui ceux qui ont quelque connaissance de la mnie
nrchitechrre » ne suivent plus cette façon. Du moins en avait-il. pour son
conqile, savamment appliqué les méthodes, conum^ il le pi-ouva ([luuul
il relit les voCdes de Vincennes.
Après lui, l'incompréhension et h' mépris \(nil de pair. Boilean,
pour ipii le moyen Age se prolonge juscpi'à .Malherbe. Ilétiit les idylles
T. 11. — a
Il INTHODUCTIOX
" i;'ollii(|U('.s il (le lioiiMii'tl ; .Mdlirrc. ({iniml il \;i :iiliiiircr les jiciiil uicn de
sdii iiiiii Miuiiiiid ;ui \ ;il-(Je-GrAc(!, ne luaiKiiic pas, en |iassaiil drxaiil
?Sotr(-l)aiu(', (le lailliT m des vers délcslahlcs :
Le l'adc ffoùl des nioiiiiiiicnts tîoUiicjues,
Ces monslres odieux des sièeles ignorants
One de la barbarie ont vomis les lorrenls,
Oiiand leur cours inondant pres([ui' lonic la leire
l'^it à la politesse une mortelle guerre
i;i dr la grande Home abattant les remparts
\ inl. a\ee son em]iire, éloidVer les b(\'uix-arls !
I.ii |liii\ i-ic n i'>l |ia> iiKiiiis sévère : " ( hi a ilii lai rr du si \ Ir rc (|ii dii a
lail i\f rarcliilrrjiirc' : mi a ciil irrruiiiil aliaiiddiiiii' rurdrr L;olliii|iic (|iir la
barliarir a\ail iiiliodiiil |mmii' lr> |ialai> ri |iniii- le-. Iriii|dr>,. " iiaciiie.
passaiil à ( '.lia il ir>. (•(■ril : > La cal iM^lialr dr ( '.hai-l res e>l gralidr. mais
un iirii liarliair -. l'oiir _Miiiili'>i|iiirii , ■ un iiiniiiiiiirnl iJ ordre iiollii(|ue est
une i>|iric dViiii:iuc |i(pur l'n-il (|iii le \nil. el l'àme r>l emltarrasséc
eoniiiie (|iiand <iii lui |ir(''senk' un |H)èiiii' obscur ». Jean-Jac<|uc> liousseau
[Lcllrcs sur la iiiitsi(iur friiiiraisc conrondra dans le même déd;iin •■ les
conln^-l'iiti-nes, doiiiiles fugues, ruguc> icii\ ci-m'cs et antres sottises dil'll-
ciles (pic l'urcillc ne pcul MUillVir cl (pic la laixiii ne pciil iii>lilicr •■ , t-l
ces rolc^' de barliai'ic cl de iiiaii\ai> gmil. ■ les jKirldils ilr mis rr/lisi'x
(Itillnijucs. ipii ne >iili>i>lciil ipie polir la lioiile de ceux (pii oui cil la
palieiice de |e> lairc . Il ne rolail plus ipià Icn diMiiolir. Les - gens de
goùl " n y iiianipii'i'cnl pas.
l.e> clianoines du wm'' siècle, grands eniiciiii> des jubés — en atten-
danl les révolutionnaires, exéeuleiirs lolaiiicntaires un })eu violenls de
Fespril elassique — s'élaienl mis à 1<imi\ re, cl les disciples de (Jualremère
de nuiiicv coiil iiiiii''rciil iiiél lidibipicmciil . Il> axaient appris, de leur
iiiailrc (pie rarcliilccliire du iiidncii âge c-l un prodiiil de la di»()luli(>n
de loii> le> (■■liMiieiil- (la ivli 1 1 ecl il rc grcc(|iic el n iiiia iiie. . . . Le genre de
bàlisse ainpiel on a doiiiK' le iumii (b gollii(pic e>l m- de laiil d'éléments
liélérog('>nc> cl (lan> (le> lciiip> dune lellc c(.iirii>ioii cl d'ime telle ig'no-
raiice. (pic rcxlrciiic dixcisib'' des foiiiics (pu le c()n>liluc. inspirée par le
seul caprice, n'exprime réclb^nciil à l'opiil (pie l'itlée de désordre. »
Au salon de ISIMI. Pelit-Iiadel exjiosail un projel savamment raisonné
de 1' dcslruclioii d'une église golliiipic |iai- le moyen du feu. en pioeliani
les piliers à leur base et en subsliliiaiil (\f>^ cubes de bois sec dans
rintervalb^ dcsipnds on iiicl du pdil Ihhs. cl ensuite le feu.... Tout
l'édilicc croùK' sur lui-in(''iiic eu uioiii> ilc dix minâtes. >■ C"est ainsi ipi (Ui
ÎVmODL'CTîOX ni
-• -serait de ces « ioaindes façades suM-churgèes d'xme multitude
]; e de ffi^rures îmdèceEl'es el ridiceîes », domt Mililin sis-nalail
.1 - 1^*6 rîmcohèireiic/e et i« amaii^-aîs g>oiûL U me comjfirenaîi ni
les « trois porles hamles et eîroîlles qui ^x'rvfmtl éc fe*^ \<t plus souveoJ à
d- — : ■■ — ~ J'--- - .'1;- ~-'^--- p\ .(J'unu^ :gTrotsse0r etffray:aiiîes ■>, m le monibrp
-ts dè<''Oiiii]>ès en jmàlle ifiaçioms dîifîTéireBies .>, aï
" les c<wil<»iiat-.s qoju raMi^ârrassemU riraltèoeur d, m " les g-oultlières d<oiiiit les
formes bàzarires lêioiioàgiiieiîl de reravàe d'élrc exlraordîmaîmes «^ iqei esl
le Hîoindire défaut de ces temps de superslàlâoini et dlgusorainice « où le
génie des lelires el le g<onM, des art* èïaîemt presique eoJièreiniîieiii dél™î1.s ".
Ee l¥lMii. rAcadémie des Beaux-Arts enseàgHail emcoie que '• les églises
gcd]ii<jues manquent des condilioms qu'exigerail aujourd'lnuî Tart de
ttàlir •- Enlîn. le^îjaeTÎer 1^7, Beulé consacrai! itoule une le^^on de son
cours d'arcbfologie à la Biblioilièque impériale, à •' démonlrer .> que
Fairchilecluire golhique n'est, cliez nous, ni <■ maliomale », ni » religieuse ",
Laissons, s'écriail-il, laissons les discussions qui ont voulu allxibuer
à l'Angleterre, à l'Allemagne, à la France l'invention de l'arcliiteclure
gothique; peu nous iaiporie de savoir en quelle province el dans quelle
forél a élè construit pour la première fois un arc ogival Je demande
aux cathédrales gothiques la pensée qui les a inspirées, el je ne vois rien
qui appartienne au génie français ! > Elles ne sont pas plus religieuses
que françaises; " celte architecture qui ignore les proportions idéales, la
pureté des détails et les lignes d'une perfection que l'on dit parfois
divine, prétend-elle exprimer Dieu ]j»ar la force du désordn^ el sans le
secours de la beauté? « \'oilà l'idée que d'un bout à l'autre de l'école « clas-
sique », du xvi" siècle au xix'^, on retrouve sous la plume de tous les
détracteurs de l'architecture gothique; ■ caprice, désordre, absence de
principes *, tels sont, aux yeux des esthéticiens d'académie, les plus
grands défauts d'un art où tout est pourtant logique et rationnel.
Le reniement toutefois ne fut pas aussi général qu'on pourrait le
croire, et le respect el l'amour, sinon l'intelligence, de l'œuvre des
ancêtres, ne furent pas abolis dans tous les cœurs. .Même aux jours de la
plus intolérante ortho«loxie romaine, quelques témoins humbles el obscurs
restèrent sensibles à la majesté des vieux monuments, au sourire de leurs
gardiens de pierre, aux muettes orai.sons des gisants couchés sur leurs
tombeaux. En lOttS, Sébastien Rouillard, l'auteur de Parihnùe <w HiaUm-v
«/«• la irH-<mgu^le église rfe €Aflr/re*\ o,se écrire que les statues de sa cathé-
drale sont <• images de si exquise el insigne sculpture -, qu'au " seul
aspect d'icelles, tous les Polyclètes de jadis jetteraient leurs cis. :ni\ < I
IV INTRODUCTION
Ions 1rs \ilruvos du passif voiidrnicnl iUMMidi'c ce rlief-dOnivro jiour Ir
inodrli' di' li'iii- aicliili' •liire. ■> Les cathédrales de Paris, d'Aiiiiens, de
\(i\()ii. dr lîiMirii. de SI rasbouriï, de Bourges, dAnxcire, de Mi'lz,
cui-eid an murs des w il" el xviu' siècles d"aussi l'ervenls aduiindeurs,
cl les drux l'énédiclins, nuleurs du lo//rtr/c IUlrniirc (Paris, 1717), ne
iuan(|uenl |ias de lénioigner, au passage, de leur curio.silé et de leur véné-
lalinn |i(iiir li's uinnuuicnls golld([ues rencontrés sur leur roul<'. Mais il
est éviileni , à les lire, (|ue ceux mêmes qui admiraient le plus ne <■ com-
prenaient » pas ces >■ énigmes « dont Montestjuieu s'étonnait, el quand
un courant d"opinion commença à se dessiner, quand h une curiosité gros-
sière el sans goût ■> — signalée déjà et raillée par \ Dllaire — se mit à
rechercher « avec avidité les bàtinu-nls du moyen âge ■■, on vit hi(Mi aux
explications ipii en furent essayées cjue toute intelligence en était aholie.
Les uns. ressuscilant les rêveries de Gobineau de ^Montluisiuit,
(■ ami de la jdiiloso}ihic nalui'clle el alchimiijuc », cxpliquaienl les scul-
ptures de Notre-Danu' de Paris, « leurs énigmes et ligures hiéroglyphiques
et physiques », par la science hermétique ou par les doctrines des (^ ado-
ralrurs du Soleil », et c'est pour y avoir reconnu la confirmation de ses
Ihéories asli-onomiqucs que l'auteur de VOrifiiiii' de tous /es- ciillcs, Dupuis,
préserva de la destruclion quelques-uns des bas-reliefs de la façade occi-
dentale. Pour Lenoir, l'ogive (qu'il confond avec l'arc en tiers-point) « est
une représentation de l'OEuf sacré, principe créateur de la grande déesse
Isis », et cette explication — ([ue ^I. Corroyer, de nos jours, a en quelque
mesure reprise — aurait eu peut-être plus de succès si l'auteur du Géiiii' du
r//)/.</mH/.'Jwc n'était venu révéler une beauté particulière, en dépit de ses
" proportions barbares », et une origine plus auguste de l'architecture
golhi([ue. '< Les forêts des (îaules ont passé dans les temples de nos pères,
et nos bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes...
en jambages qui appuient les murs et Unissent brusquement comme des
Ironcs Ijrisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes
obscures... loid retrace les lal)yrinthes des bois dans l'église gothique;
tout en l'ai! sentir la religieuse horreur, le mystère et la sévérité.... "
Cetle fantaisie sentimentale et poétique devint presque une doclrine
archéologique à l'usage des gens du mcuide el des peinlres romantiques.
On put voir dans plusieurs tableaux » du genre historique » un archi-
tecte vaguement « moyenâgeux », contemplant, au plus épais d'une forêt
i< druidique », le croisement des hautes branches, et trouvant tout à coup
dans l'arc » ogival » dessiné par leur courbe le principe de l'archileclure
gothique!
INTRODICTION v
Si arliitraii'C et incxarl que puisse paraître ce nom, il est Ir-op lard
pour réagir contre un si long usage. « Ogivale » sans doute vaudrait
mieux, à condition de restituer au mot ogive son véritable sens; « fran-
çaise " i>erp<''lucrail cl i-dnsaererail le souvenir de cet <■ opus francige-
num ". (piun maître \enu di' Paris en Fiance — r/c rilla Porisioisi,
f iKii-liliiis l'i-iniriic — importait à WiiupTen, où il l'ut appelé pour
construire», entre les années 12G8 et 1278, ex sccli.s lapldibiis opère /'nui-
cif/eiin, la basilique de pierre.... Mais « gothique » a prévalu, et il faut
aujourd'liui rdcnir de cette épitlièle, qui fut d"al)ord injurieuse dans la
pensée de ceux qui l'employèrent, ce qu'elle peut contenir de restitution
inconsciente aux ancêtres « bai'bai'cs i qui eurent leur part dans léla-
li()i-ati(in du système nouNeau'.
lui (pioi consiste ce système, el (pielles furent ses origines? (^est ce
que -M. Kiilarl s'est chargé d'exposer au premier chajiitre de ce Tome 11.
Ouicherat a dit que " l'histoire de l'architecture au moyen âge n'est que
l'histoire tic la lutte des architectes contre la poussée et la pesanteur
des voûtes ». En son jirincipe, l'architecture gothique fut avant tout une
trouvaille de maçon. SiM-tionncr ( haque ti'a\ée en plusieurs comparti-
menls indr'pendants, jeler il'un doubleau à l'autre des arceaux disposés
en diagonale qui formeraient comme un cintrage pcrmanenl. une armature
slalde en pierre : voilà le point de départ, (l'est à ces arcs diagonaux,
(|ui augnuMilaient la solidité' de la voûte, que l'on appliqua le nom d'arc
(iHçiifidn latin (lugere), ou ogif, et ce système de supports parut si parf;ùt
dans sa nouveauté, que pour donner une idée de leflicacité de la foi
de Philippe Auguste, défenseur et soutien de l'Eglise, son biographe
dira qu'il fut comme « l'arc ogif lii' la foi catholique » icdllioliae /idei
rilliihis (lefciisor et 0(/ix).
Où furent consti'uits les premiers arcs ogifs, et par qui? On serait
assez embarrassé de décider entre les compétitions rétrospectives des
archéologues rivaux. ^lais il n'est pas douteux que c'est en n France » (pn>
le système nouveau s'élabora, prit, si l'on peut dire, conscience de tous
ses moyens et se constitua définitivement en vivant organisme, pour se
ri''|iandic ensuite en Eur(jpe el au delà des mers.
A i'inxcntion des arcs ogifs correspondirent de nouveaux organes
d'a[ppui et de iiiilce : la pile el l'aic-ljoulanl . Dès lors les murs devinrent
1. V'oy. .Viilliyme Saint-I'aul. Annwiire de l'airhé.olngiic ffannàs, 1878. el Bulletin Monti-
meiilnl, 1805; .\lplionse Wai TElts, l'Arehitcrlure romane dans ses diverses Iransfonnations.
Bruxelles, 1880, in-8. — Raoul KozifenES, L'Architecture dite gothique doit-elle être ainsi
dénommcel {ftev. arcli.. 1802).
VI INTRODUCTION
inulil(?s f[ les voûtes s'élancèrent au-dessus des hautes nefs, sans autre
sufipori que les ogives, les arcs-boutants et les piles contrel)utantes. Du
jour où l'abbatiale de Saint-Denis, réédifiée par Suger, eut fourni comme
la démonstration publique, devant une assembléi' de rois, d'évèques, de
barons et d'abbés, des ressources et des avantages du système nouveau,
ses conquêtes se propagèrent de jirovince en province. Les catb(''drales
de Noyon, Senlis, Clinrlres. Paris, Amiens. Heims, se dressèrent au
/ milieu des villes, dont toutes les forces, la vie cl la pensive scnil>lèr(nt se
condenser en elles.
La nef de la calli('(lrale d'Aniiens. ap|)el(''e par \ iollcI-le-Duc ■• le
Partbénon de l'ai-chitecture gothique », en est l'expression la j)lus com-
jdèle peut-être. Par la hardiesse de son essor, contenu encoi'c et disci-
pliné mais d'une sou\eraine puissance, par la rigueur logique de sa
consiruclion, elle send>le prnclamer aA ec l'alli-gresse cl la solcnnitc' d'un
cliani trionqdial, cl di'niunlrci' en uicmi' temps a\('c r(''\i(leMcc d un tliéo-
rènie. la force et la souplesse de son principe générateui'.
" In vaste espace inondé d'air et de lumière a été couverl de Auùtes
) en pierres aussi légères et aussi solides que jiossible; ces voûtes ont été
élevées à une hauteur qui n'a\ait (iK-ore jamais été atteinte; plus de
miu's; la solidité de tout l'iMlilirr a>>ur(''e par un jeu de poussées et de
résistances; inie ossature d'arcs et de jtoinls (i'ap[)ui aussi minces et aussi
rai-es fpie possilih^: les ai'cs-boulanis p((rt(''s rxnclenienl à la ])lace qu'il
faut pour conlrriiiilci- ],-i grandr noùIc; le svslèiue (iV'(piilibrr parfaite-
ment connu et apj)liqué avec une rigueiu- d unr audace incroyables; le
r moins d'acuité possible donné aux arcs-doiiblaiix; le collat(''ral ('devi' à une
grande liaiilrur, coiil libuanl à doiinrr à i'inli''rieur celle inqiressi(ni d'im-
mensih' ", leis sont, rxcellcmmenl i-(''sumés par .M. Gecu'ges DurantI, le
dernier hislorirn de la cathédrale d'Amiens, les traits (pii la caracté-
risent. Dans l'unité lies ni(''m('s princijies, chaque cathédrale a sa person-
nalité, sa physionomie projire, et liMuoinnc à sa inanièi-e de l'admii dde
plasticité des lois d'où elle procède.
A l'efficacité des procédés techniques, les loicrs morales el sociales
vinrent ajouter leur collaboration mystérieuse cl IV'conde. Certes, ^'iollet-
le-Duc a jiouss('' jus(pi'au paradoxe sa thèse et a l'ail d'une vérité une
eri'cur en instituant un violent antagonisme entre l'architecture nouvelle
et celle qui l'avait pr(''cédée, et en soutenant que les la'iques, créateurs de
rai(diitectur<' golhiipie, furent sysh'matiipiemenl hostiles, sinon aux
croyances du temps et à l'esprit i-eligicux, du moins aux traditions niona.s-
ti(pies qui avaient dominé dans l'architecture romane. .MM. Anthyme Saint-
INTHUnUCTION vu
Paul et Enlart ont monlr<'' que les moines eompièienl parmi les ijiopan-a-
leurs les plus zélés du système nouveau; el M. Emile Mâle, (|ue le pro-
t(ramnie encyclopédique et iconograpliicpie donl s'inspifèrent les imo<>iers
resta lidèle et subordonné aux enseignements des docteurs et des clercs.
En réalité, la transition du loman au gotlnque lut une ('■xnlnlion nalu-
relle et presque insensildc
Mais il n'en rcslc pas moins (pi'iiii es|)iil plus liliri- circidc dans
l'immense monumeni, (pif les pierres pailcnl un langage nou\cau, (pi'nn
sentimenl plus joyeux de la crc'al iun el de la lieauli', el connue une cm'io-
sité plus éveillée, s'y luanil'estent ; ([ne les inuigiers, eliargi's d'iiilei pn^ler i \
en l'ornies vivanics les grands l'ails ('■vangéliques, les syndioles el les
dogmes dont ils n'a\aienl sans tloulc jias pénétré les mystères, preinieni 1
de pliLs en plus contact avec la nature d, Ja, vie. La [)rennèrc ère des
cathédrales l'ut niu' époque d'universelle éclosion. .\|>i'ès de longues
gestalions, l'art français y arii\e l'i une sorte d'unité, à la certitude, à la
joie de la possession conqilèle, à une incontestable suprématie. Il semble
t]u'en lui vinrent alors s'unir, se pénétrer et se féconder l'esprit du Nord '
et celui du Midi, qui' les meilleuis instincts de toulcs les races celto-
germaniqucs et latines qui axaient concouru à la l'ormation du pays et
de la nation, se concilièrent en un idéal commun dès lors iTConnaissablc,
délicieusement persuasif et «pu fut la première manil'estalidn ]ilasli(pn; jj
vraiment originale de " l'esprit frant^ais ».
Ajipuyé sur des principes d'une rigueur logique et d'une souplesse
également admirables, où toutes les tendances rationalistes et le libre
génie de la raci; li'ou\èrent leur nmyiii d exj)ression, ritdie d Une eiillnre
naissante (pu essayait de s oidonnei' en encyclopédie, unissant les eeili-
tudcs de la foi cnt-oi'c intacte aux asjiirations de l'espril et de la raison
qui commencent à jouir libremcid de leur force et, selon l'expicssion d'un
contemporain, >< font relenlir à tous les carrefours le fracas des dis-li
jiutes », groupé autour de l'architecture la plus savante et la pins origi- '
nale, i''pi-is (le beauté, cherchant dans la nalni'e consnlt(''e axcc un amour
fervent et d(''lical tons les (■'l(''nn'ids de son ornenn'idatidn. mais suboi'-
donnant ses enqu'unl^ aux exigences de sono'u\re el aux pr(''(lile(ti(His
de son goût, l'art rian(;ais du xiu' siècle fut l'Iionneur du pays el la nn-r-
veille du monde.
Ce que les chroniipn^u's rac(Mdenl de l'enlliousiasmc qui enllammait
les constructeurs de la calhédrale de Chartres, les textes qui nous mon-
trent le clergé et le peuple d'.Vmiens associés à leur évè(pie : uvceJculc
cu}isciisit Anillidiicitsi.s rU'i-i et iKipiili IdiKiitdiii ris fuisscl (I (luiiiiito llispiniluill,
VI INTRODUCTION
inutiles el les voùles s'rlancorent au-dessus des hautes nefs, sans autre
sii|i|i()rl (|ue les ogives, les arcs-boulanls et les piles conlrebutantes. Du
jour où l'abhatiale de Saint-Denis, ré('"dili(''e par Suoer, eut fourni comme
la démorisji-aiion |Mdili(|iir. dcvanl niir assemhléc de rois, d'évèques, de
barons et d'abbés, des ressources et des avantages du système nouveau,
ses conquêtes se propagèrent de province en province. Les catli(''drales
de Xoyon, Scnlis. ('.liai'l its. Paris. Ainicns, lîcinis. se dressèrent au
nnlieu tles villes, dont toutes les l'uices, la \ ie el la pensée seaddèrent se
condenser en elles.
La nef de la cathédrale d'Amiens, appelée par Viollet-le-Duc «' le
Parthénon de rarchitecture gothique », en est l'expression la plus com-
plète peut-ètie. Par la hardiesse de son essor, contenu encore et disci-
plin('' mais d'une soineraine puissaïu-e. pai- la l'igueur logi(pie de sa
conslruclioii, elle seMd>le proidamer :i\ ec ralli''gresse el la soleiiiiilc' d'un
chant triomphal, e| di'-monlrei- en même leiM|is a\ ee r(''\i(len<-e d un I h(''0-
rème, la l'orce et la sou|ilesse de son pi'incipe géuéraleui'.
« In vaste espace inondé d'air et de lumière a été cou\ erl de \(jùtes
en pierres aussi légères et aussi solides que possible; ces voûtes ont été
élevées à une hauteur qui n'avait encore jamais été atteinte; plus de
murs; la s(ditlili'' de loul l'i^diliee assur(''e par un jeu de poussées et de
l'ésistances; une ossature d'ai'cs et de points d'ap]iui aussi minces et aussi
rares que possii)le; les ares-boulanis porli''s exaclenu'nl à la place qu'il
faut ]iour eonli-ebiiler la gi'ande \oùle; le système d'équilibi'e parfaite-
ment connu et ap|diipit'' asce une rigueui' el une audace incroyables; le
moins d'acuité possible doiini' aux arcs-doidilaux; le collatéral élevé à une
grande hauteur, contribuant à donner à l'intérieur cette impi'ession d'im-
mensité ", tels sont, excellemmeiil n'^sumés ]iar M. Georges Durand, le
dernier historieu de la catliédrale d'Amiens, les liaits (pii la caracté-
risent. Dans l'unité des mi'mes principes, chaque cathédrale a sa person-
nalité, sa physionomie projire, et témoigne à sa manière de l'admii d)le
plasticité des lois d'où elle procède.
A l'efiicacité des procédés techni(pies, les loices morales et sociales
vinrent ajouter leui' cidlaboration mystéi'ieuse et féconde. Certes, ^'iollel-
le-Duc a j)oussé jusqu'au paradoxe sa thèse el a l'ail d'une vérité une
erreur en instituant un violent antagonisme entre rai<liileclure nouvelle
et celle (pd ra\ait pr(''cédé(>, et <mi soutenant que les la'iques, ci-éateurs de
rarchileclm-e gotlii([ue, furent syst(''maliquemenl hostiles, sinon aux
croyances du temps et à l'esjirit ndigieux, du moins aux Iradilions monas-
tiques qui avaient ilominé dans l'architectui-e romane. M M. A ni h vme Sa i ni-
l.NTliODUCTlON ^,„
Paul et Enlart ont montré que les moines comptèrent parmi les propaga-
teurs les plus zélés du syslcme nouveau; et .M. Emile M;\le, (me le pro-
gramme encyclopédique et iconographique dont s'inspirèrent les imafjcis
resta lidèle et subordonné aux enseignemenls des docteurs et des clercs.
En réalité, la transition du roman au gotlMCjuc lui une évolution natu-
relle et presque inscnsiMr.
Mais il n'en resle |i;in moins qu'un cspril plus lilirr ciiiulc dans
l'immense monumcnl . i\\\r lc> pirircs piiilcnl un lani;:it;i' nouviMu. qu'un
sentinu'ul jiliis joyrux de l:i (•i(''alH)n cl de Im licauh'', cl comme une curio-
sité plus éveillée, s'y UKunlcslcnl ; (|uc les imagiers, ciiargés d'inlei pn'lcr
en formes vivantes les grands taiis ('x angéliques, les symboles cl |c>
dogmes dont ils n'avaient sansdniile p:ts p('ni'ti('' les mystères, jjrennent
de p!u> en }>lus contact avec la nature ci la ^ic. La |)renuère ère des
catiiédrales l'ut une époque d'universelle é(dosion. Après de longues
gestations, l'art français y arrive à une sorte d'unité, à la certitude, à la
joie de la possession complète, à une incontestable suprématie. Il semble
i|u'en lui vinrent alors s'unii-, se pénétrer et se féconder l'esprit du Nord
et celui du Midi, ((ue les nu.'illeurs instincts de toutes les i-accs celto-
germaniques et hitines cpii avaierd concouru ;i la lormation du pays et
de la nation, se concilièrent en un idéal commun dès lors l'eccjnnaissable,
délicieusement persuasif et (pii l'id la première maïufestalion i)laslique
vraiment originale de « l'esprit français ».
Appuyé sur des principes d'une rigueur logique et d'une souplesse
également admirables, où toutes le-, Iciidances rationalistes et le libre
génie de la race trouvèrent IcuruniM'ii d'e\prc-,>ion. riche d une culture
naissante qui essayait de s'oidonner en cncNclopi'dic. unissant les ci-rii-
tudes de la foi encore intacte aux aspirations de l'esprit et de la raison
qui commencent à jouir libremenl de leur force et, selon l'expression d un
contemporain, « font retentir à tous les carrefours le fracas des dis-
putes », groupé autour de rarcliilcctuie la plussa\anlc cl la plus origi-
nale, épris de beauté, cherchant dans la nature con^idli'c avec un amour
fervent et délicat tous les éléments de sou oriicmcntation, mais miIm.i-
donnant ses emprunt > aux exigences de son o-uvre et aux prédilections
de son goût, l'art français du xiii" siècle fut l'honneur du pays et la mer-
veille du monde. -^ -
Ce que les chroniqueurs racontent de renlhousiasme qui enllaniniail
les con.strucleurs de la cathédrale de Chartres, les textes qui nous num-
trent le (dergé et le peuple d'.^micns associés à leur évécpie : iinrdcnlc
consensH Amhiaiwii^is clcri el poinili lanmaim cis fuisscl a domino iit.ipirniiim,
VIII INTRODUCTION.
doiiiif'iil riinpressioii triiiie collaboralioii universelle où Loiilcs Icsénei'gies
sociales sont imillipliées par la eominunion des cspril.s et des cœurs. Ce
ne fut qu'un moment sans doute, mais cpii eut toute la grâce et la force de
la jeun(!sse créatrice. La l'enommée de Paris s'étend dès lors sur le monde
entier; les étudiants de tous les pays y aflluent comme ;i la source.
Oilio de Fj'cysing écrit que les sciences ont émigré vers les Gaules;
César von Ileistcrbacli dit que Paris est une source de science et un
puits de docti'ine (/// l^aiisinisi cirihilr iii (jua csl /'dus hilinx acicnliar ri
jnilciis (lii'iminiiii scrijiliiniiit) (Jii pariait des maîtres de Paris connue
des Sept Sages tie la (irèce. La b'raiice en toutes clioses donna k' ton.
Qu'il s'agisse d'architecture, de sculpture ou de miniature, tous les
peuples qui avaient déjà, chacun pour son compte, plus ou moins élaboré
ou ébauché un style national, icnconirèi-ent sur leur rouir rid(''al IVaiicais,
et voulurent le suiv re.
Les « difficultés », il est vriu, commencèreid bienti'd. \\\\ d(''pit des
quêtes multipliées, des iiultilgences, des pi-(uiienades de relicpies à travers
les diocèses, même avant la lin du \ui' siècle il di'\int de plus en plus dil'li-
cile de réunir les fonds indispensables à la («uiliiiualioii des liavaux. et l'un
vit trop souvent interrompus, inachevés ou conduits avec une négligence
choquante, des édifices qui avaient été commencés dans la ferveur des
grands enthousiasmes. Le mu' siècle ne put accomplir tout ce ipi'il avait
entrepris. Son idéal se fana, comme toute chose vivante, et lit place à
d'autres formes delà vie; mais il dura assez pour s'incoi'jiorer à jamais
en des chefs-d'onivre qui témoignent ]ioui- lui.... C'est à l'histoire de la
naissance et de l'expansion de cel ail, puis de son évolution, que seroni
consacrées les deux parties de notre Tome II.
ANniiii iMicuEL.
/
MVl'.IC III
FORMATION ET EXPANSION
m:
L'ART GOTIIIOIE
CHAPITRE I
L'ARCHiTECTCRE GOTHIOUE DU XIII' SIÈCLE
I
FRANCE
Origines et caractères généraux uf style gothique. — Le slylo
gothique, ou ogival, serait mieux nommé slylc français; c'est ainsi qu'il
a été désigné au moyen fige. Le mot <> gothique » n'est qu'un terme de
mépris adopté à l'époque de la Renaissance pour désigner un art démodé,
dont on attrihuait la paternité aux barbares, par opposition aux styles
grec et romain remis en honneur; et l'on n'était pas, du reste, sans
remarquer que les races saxonnes conservaient un attachement tenace à
ce style. Cle n'était pourtant pas tout à l'ail pour elles un art national.
Lorsque, au xix" siècle, l'art classique perdit de sa vogue après avoir laissé
voir ses faiblesses, les préventions contre le style gothique tombèrent, on
se mit à l'étudier, à rechercher ses sources, et cette recherche a mené à
la constatation de l'origine française. C/esl de nos diverses provinces (pie
cet art a passé dans les autres pays chréli(Mis. Sur (piel })oinl du sol fran-
çais est-il né? — la question n'est (priniparfailement élucidée. L'Ile-de-
France et l'école de Normandie se disputent l'honneur d'avoir créé son
premier élément, la croisée d'ogives, mais il est hors de doute que l'en-
semble du style — combinaisons structurales, système de composition
et d'ornementation — s'est élaboré dans une région (jui comprend l'Ih-
de-France et la Picardie. De là, il s'est répandu avec rapidité; dans
chaque région il a donné naissance à diverses écoles par la combinaison
des traditions locales et de quelques déductions originales avec le fond
fourni directement ou indireclenienf pai' rile-d(>-I'rance.
1. l'.ir M. Cniuille IJil.irl.
i IIISTOIHE DE L'ART
Les premières manifestations du style gothique de date à peu près
cerlainc se placent dans l'Ile-de-France aux environs de ll^O; les pre-
miers ('(liliocs (juc Idn jiuisse y rattacher tout à fail, \<'rs II il); mais,
dès les dernièi'cs aum'-es du xi' siècle, des artistes aniilo-normancls avaient
commencé la cann'diale de Durliam, dont la structure est gothique. 11
semhle donc qu'en construction recelé normande ait précédé celle du
nord de la France, fait peu surprenant si l'on songe à la supériorité de ses
constructeurs romans.
Les caractères essentiels propres au style gothique sont l'emploi de
la voùle d'ogives, et une certaine plastique. L'emploi de la voûte golhique
ou voûte d'ogives dans toute sa perfection entraîne généralement celui
des arcs-boutants, mcmiires d'architecture essenlicllement et exclusi\e-
ment gothiques, mais dont beaucoup de monuments et même des écoles
entières se sont dispensés. Enfin, un caractère presque général du style
est l'emploi systématique de l'arc brisé; mais on a déjà vu (|u'il ne lui est
pas spécial et ne saurait constituer un ci'ileriinii, puisqu'il exisic dans
beaucoup d'édifices et môme dans des écoles tout entières de la j)ériode
l'omane : en Boui-gogne et en Provence sp(''cialemcnt.
L'archilecture nouvelle ne naquit pas toul armée, d'un seul coup. VAli-
s'essaie d'abord timidement dans des édifices dont la physionomie reste
toute romane, et cette période, qui commence dans quelques régions dès le
premier quarl, cl le plus souvenl dans le second quarl du \ii' siècle, se
prolonge ailleurs jusqu'en 1180 et embrasse même, en Allemagne, par
exemple, tout le xui'' siècle.
('."est seulement dans le nord-ouest de la France, et à peu près dans
les limites du domaine royal, que le style gothique a été adopté univer-
sellement dans toute sa perfection. Les autres contrées n'ont qu'un
nombre restreint d'édifices représentant le plein développement de cet art.
Du xii'' au XV'' siècle, les j>rinci])ales provinces de France ont eu leurs
écoles gothiques distincles, et les autres pays de l'Europe ont été les tri-
butaires de ces diverses écoles. Au xv' siècle, nous verrons se produire
des faits (oui difi'érents.
La vol Tii i;r i.i-: sYsriciii-: (iotihuuks. — Il l'aul définir les éléments du
style a\ant de décrire son évolution. La rruiscr d'iK/ifcs est une armature
d'arcs diagonaux qui s'entre-croisent à la clef; elle a pour fonction lie
soutenir une voûte. Ces deux arcs en croix se nomment arcs ogives, et la
moitié de l'un d'eux s'appelle branche cFogives. On peut faire rayonner
autour d'une clef commune un nombre quelconque de branches d'ogives.
Le nom d'arc ogive {arcus augiciis, adjectif du verbe augcre) signifie
(irr (le renfort. Le nom, comme la fonction, est analogue à celui de l'arc-
doubleau: c'est une extension du même principe de soutènement. Un a
LAHCIllTECTl RK COTHIOI E DU XllI SIKCLE
<r:ilini(,l lenrorcé de doiihlcaux les voûtes en berceau et les iiilerviilles
des travées de voûtes darètes; puis, pour pouvoir soutenir ces voùlcs
elles-mêmes, en faciliter la construction et en augmenter la solidité, on
imagina de bander d'autres arcs en ligne diagonale sous les arèles : ce
fut la voûte d'ogives, développement et perfectionnement de la voûte
d'arêtes. Déjà, les Romains avaient fait un premier pas dans celte voie
et avaient été près de créer la voûte d'ogives : en effet, ils ont oi'né
des arêtes de voûtes de platcs-baades saillantes, mais sans fonclioa
structurale. Ils ont fait, d'autre
part, des voûtes dont les arèles,
pour plus de solidité, sont d'un
appareil différent des quartiers ou
voùtins : en brique, par exemple,
alors que les voûtins sont des rem-
plissages de blocage, concrétion qui
tient par la force du mortier et parce
qu'elle est maintenue dans l'arma-
ture des arêtes appareillées; mais
ci's ai-rtcs ne sont ni Sdilldiilcs. ni
iiiiléiifiiddiilrs, elles sont, au con-
Irairr. solidaires des quartiers, tan-
ilis ([ue la croisée d'ogives est une
armature à la fois saillante el indi'--
pendante. On la construit d'abord;
puis, sur ses reins comme sur des
cintres permanents, on pose les voû-
tins (pii n'ont avec elle aucune liai-
son ; ils ne font qu'y reposer. La
voûte gothique est donc éminem-
ment élastique, ce qui est une garantie de solidité: en cas de tassement,
elle se déformera sans se rompre, tandis que la voûte romaine es! une
concrétion dont l'homogénéité garantit seule la solidité.
La voûte d'ogives est d'un emploi universel et extrêmement com-
mode ; elle peut épouser tous les plans, réguliers ou irréguliers. On dé-
compose la surface à couvrir en un certain non^bre de quartiers triangu-
laires suivant lesquels on trace l'armature de branches d'ogives et d'arcs-
doubleaux. Ces arcs reçoivent tout le poids de la voûte et le reportent sur
quelques points de retombée où ils se réunissent et qui sont leurs
impostes communes, irsuffd, dès lors, de donner à ces points une très
grande force de résistance pour assurer la solidité d'un édifice que l'on
pourra faire spacieux, léger, largement percé dans toutes ses autres par-
ties, le reste des murs n'élanl |ilus (pi'une cloison, non un support.
Fie. I. — Cliœur de l'i
Sl\le de transition.
I'li..t, Enla
L'Iise de Ouesniy lOisc
nilieu (lu xii' siècle.
HISTOIRE DE L'ART
L'arc-boulunl csl la coiiséqucnee nccessairc de la voùle d'ogives :
déjà rarchiteclurc romane opposait à l'cfforl des voùles non plus des
masses inertes et très épaisses, comme le faisaient les Romains, mais
d'autres forces dirigées en sens inverse : c'est ce qu'on appelle contre-
buter un an- ou une voùle. L^'arcliilecture gothique développa et étendit
ce princi}K'. La voùle dogives bien construite développe aux points de
ses retombées une pression considérable et dont la courbe s'écarlc beau-
cdup (le lu verliialc; il eût donc fallu élever dans l'axe de ces poussées des
contreforts tellement saillants qu'ils eussent
été de véritables murs transversaux; mais il
était si l'on peut dire dans l'inslinct de l'art
golliique de met Ire en jeu des forces actives
el il'évider aulant que possible la construction :
donc, aux points de la poussée des voûtes, le
maître d'œuvres vint appliquer une moitié
/ d'arc qui reçoit l'effort de cette poussée et le
v4ïansmet à une culée sur laquelle elle retombe.
1 Entre la culée et le bâtiment dont l'arc-boulant
étaie la voùle, il reste un espace utilisable et
entièrement dégagé. Dès lors, rien ne sera
pins aisé (jue de voùler de gr;uides églises
pourvues de bas côtés, en élevant la voûte cen-
trale aussi haut qu'on le veut au-dessus des
voûtes latérales : la poussée de celli'-ci est
transmise par-dessus les combles des bas côlés
aux culées qui servent de contreforts à ces
bas côtés ; quant à la poussée des voûtes laté-
rales du côté du vaisseau central, on arrivera à
l'enrayer par la hauteur même du grand vais-
seau : les piles qui séparent ses travées auront
une telle hauteur iprelles ciiargeront les piliers d'un poids suffisant pour
empêcher les assises de glisser sous la pression oblique des voûtes laté-
rales. Pour plus de sûreté, on chargera même ces piles de clochetons, et
pour la même raison on élèvera sur les culées des pinacles dont le poids
luaintiendra leurs assises, qui auraient pu glisser sous l'effort de l'arc-
boutanl. Enfin, les maîtres d'œuvres gothiques, tirant parti de Idiit. li<iu-
vèrent dans l'arc-boulant la solution d'un autre grave problème : l'écuu-
lement des eaux.
En effet, les eaux recueillies sur les vastes toitures des nefs devaient
tomber de haut et en masse sur les toitures des bas côtés, s'y infiltrer et
les détériorer. Pour parer à cet inconvénient, on les recueillit dans des
chéncaux, déversés dans des caniveaux posés sur les arcs-boutanls, (jui
FiG. '1. — AiT-lioiilant
.Ir ia t-alliéilralede Cliarln
LAHCHITEnTUnK COTHIOUE 01" XllI SII-CI
les conduisi'iil jusqu iiu |i(''iiiiirlr(' extérieur des lias ctMé's. L:'i, sur les
culées, et de même aux cliéueaux des bas côtés, de longues gargouilles
déversent les eaux le plus loin possible des murs, sans infillrer les fonda-
lions et éclabousser les paremenls.
Tel est l'organe essentiel du système structural gotiiique. A mesure
(|u'il se développe et prend conscience de ses ressources propres et de ses
moyens d'expression, les systèmes de mouluration et d'ornementation se
renouvellent aussi. 11 sera question plus loin de la Hore gothique : mais il
convient d'indiquer dès à présent le système de mouluration. Elle est
désormais calculée pour produire des efïets d'ombre et de lumière, tantôt
doux, par des surfaces arrondies, tantôt nets et tranchés, par des arêtes; et
l'art gothique crée ici un système tout dilTérent de ceux des arts antérieurs.
et répondant à une logique bien arrêtée, (le
système consiste, dune façon générale, à
emboîter des courbes convexes dans îles
courbes concaves, pour produire des ombres
puissantes et des olaiis \ igourcux : il est
déduit de l'imitation des formes végétales :
certains fruits dans des cosses, certains bou-
tons dans leur calice donnent des profils ana-
logues. Les angles droits sont très souvent coupés d'un cavel ou arc de
cercle; un certain nombre de boudins sont amincis et re(,;oi\rnl une
arête, pour mieux affirmer les lignes. D'une façon générale, on exile lis
angles droits, et l'elTet ([ui résulte de ce système a plus Ai- rrrnulr cl
moins de sécheresse que les corps de moulures de rAnli(|uil('.
L'ordre chronologique de l'adoption des élémenls (jur nous a\ons
définis correspond plus ou moins à leur degré d inqioi-lance. Les pre-
mières églises de transition n'onl de gothique (|iie la eroisée d ogives,
lourde et réservée à certaines \oùtes seulenienl. .Ius(|ue mis Nid, les
ogives n'ont guère que deux ju'ofils. soil ini sinqiie iiaïuieau a angles
droits, fréquent surtout dans le sud de la l'iance el <'n Angleterre, soil lui
gros boudin, fréquent surtout dans le nord de la l'rance: en Norniaïube,
il s'applique à un bandeau sensiblement plus large, el e est le profil des
plus anciennes ogives anglo-normandes. On trouve aussi trois boudins
accolés ou, à partir de liTiO environ, un seul boudin aminci, avec arête;
enfin, à partir de lir):)ou II Kl iusipi'à la lin du xn' siècli>,un boudin aminci
8 IIISTOIllI' ni' L'AP.T
entre deux lorcs plus niinces. \'ci-s l;i iiirmc dnle, dnns les ongles des
ogives d'épannelage ciinv se proliic un pclil lioudin, el si l'nrc esl élroil,
on ;i un groupe de deux ])Oudins rapprochés que sépare; une arête ou
une petite gorge; s'il esl jdus large, ou aura entre les boudins un méplat
cpii peul recesoir. coninic à In cathédrale d'Angers, une gorge d(''corée
d'un dessin eouranl, ici seuiis de fleurettes, ailleurs pointes de diamant.
Ouel ((ue soil le type des ogives, les douhleaux sont en général jdus
épais, cl le plus souvent sans moulure. En effet, dans la voûte d'ogives,
le Iracé ellipliquc que décrivaient les arêtes a été généralement remplacé
par un plein cintre, \Avis facile à exécuter et plus solide; les douhleaux et
les formerets ou les lunettes de la voûte n'atteignent pas la même liau-
(eur de clef; la voùle (>st donc homhée, et son poids porte non seulement
sur la croisée d'ogives, mais sur les murs, qui devi'onl resler épais el limi-
dcuicnl percés, cl sur les doutileaux (fîg. 1).
\'crs la lin du xii" siècle, dès le déhut même du siècle dons l'école
normande, des Iracés mieux étudiés donnent généralemenl la même hau-
teur de llèclie à Ions les arcs de l'armalure de la voûte; ils [n'enneni alors
la niènn' si'ction ci le même prolil, et l'armatm-e se complèle d arcs funiic-
re/.s, ajipliqués aux uuu's jioiu' soutenir les extrémités des voùtins (fig. 4).
Dès une date voisine de II.jO, quelques voûtes reçoivent en outre des
licnicn, perpendiculaires aux murs et aux douhleaux, qui relient les dou-
hleaux et formerets à la clef de la croisée d'ogives. Ce menihre plus déco-
raiif que structural, essayé à Airaines et à Lucheux en Picardie, plus tard
en Angleterre, à Roche el à Hipon, fut bientôt abandonné, sauf dans
l'école du sud-ouesl de la h'rance, qui gar<la aussi les voûtes bombées.
Une autre cond>inaison, la voùle sr.rjKiiiile. de création normande, eut
plus de succès : aux deux arcs ogives, elle ajoute un douhleau, ce qui
détermine non quatre, mais six voùtins. Exceptionnellement, les églises
de Saint-Ouiriace de Provins et de Voulton (Seine-et-Marne), bâties vers
I Hilt, ont sur h' chœur une croisée de quatre ogives. La voûte sexpartite
a (''té in\entéc pour adapter la voûte gothique à l'ordonnance de certaines
écoles, qui consiste à donner à toutes les travées le plan carré, et à faire
correspondi'e à chaque tiavée cenlralc deux tra\ées des lias côtés, de
moilic'' plus étroits, La \C)ûle sexpartite est usuelle en Normandie vers le
milieu du xn' siècle, du moins sur le territoire français de cette école.
On la trouve sur l(\s deux ahlialialcs de (laen (voûtées après coup), à
Saint-Gabriel (Calvados), etc. Dans l'Ile-de-France, elle fui adoptée
presque aussitôt : on la ^oit à Notre-Dame de Paris, commencée en
IIG"), et vers 1170 à Saint-Julien-lc-Pauvre, mais on l'abandonna au
xiii" siècle, tandis que les Champenois et Bourguignons, qui l'avaient
parfois employée aussi dès 1160, l'ont conservée jusqu'au xiv^ siècle; des
églises du milieu du xin'", comme Notre-Dame de Dijon, Saint-Jean-
LARCIIITECTriU'] GOTHlOrK lil \1|| SIKCl.i'. o
lîaplisic (le ClKiiimonl. sonl voûtées ainsi. Il esl vnii (|uc sons je ivii-nc de
saint Lonis, nn monument important de l'aris, la eliapelle de la \ iero-e
de Sainl-Germain-des-Prés, reçut des voûtes se\]iartites, mais elle était,
l'œuvre d"un Champenois, Pierre de Monlereau, et la nef de Saint-Denis,
eonstruile en l'2r)l) parle même maître, esl eham|ii'nnisc. ainsi (pie la eha-
|M'llr du chrdeaii i\r Sainl-( li'rniain . ipi'oii piuiiiail iil I liljuiT aussi au
nuMne aitiste.
L'AiiC-BOLTANT. — Le stvlc rouian de FAuvergne et du Lano-uedoc
avait éf('' tr(!\s pr('s de l'arc-ljoutanl en rlrvant des voûtes lat('>rales en deml^
berceau pour (ïpauler le berceau central \oii- lonii- I. li-. 'JlN : l'aic-bon-
lant n'est qu'une section par rapport à ces voùlcs bulaiilis. Ce nCsl pour-
Fic. 1. — Cliicur ilr Sniiil Gri-iiiaMi-.l.-Pi-.
ri'.ipres Dehio et BezoM.
tant pas dans la mé-me r(''iïion (pi'il l'ul inaugure'', mais dans celles ([ui
développe^rent la voûte d'ogives. Les premiers arcs-boulanls furenl caches
sous les toitures, car leur aspect ne paraissait pas agréable; en consé-
(picncc. ou dut monter les toits lal(''i'au\ à une liauliMw (pii \\r pri-nirllail
})as d'ou\rir des fenêtres suf'lisanles >ous les grandes voûtes, on bim, an
contraire, ap]ili(pier ces arcs trop lias, comme à la catli('dialr de Itiiiliani,
ù Saint-Germer, à la Trinili'- de (lacn. Au clueur de Saird-.Marlin-des-
(lliamps, ce n'est jias un arc-bnulani, mais nu enutrri'orl plein, biiis(|ue-
mcnt élargi sous la toiture et chargeant les doubleaux du déand)ulatoirc,
qui épaule la voûte centra!i\ sous laquelle s'ouvrent timidement des fenê-
tres trop eoui-les; Saiid-( iei-nier a des arcs-bonlants cachés: à Saiut-
Evremondde C.reiLdont on ne sauiait assez legrelter riue|)le destruction,
des arcs-boutants, cachés, avaient dû (Mre ajont('s peu api'ès la construc-
tion et s'appli(piaient trop bas. luilin, dans le clueur de Domont (Seine-el-
Oise), vers lir),"), on voit des arcs-bonlants éuierger des toitures ([u'ils
rasent encore, comme houleux de se faire voir: et au chœur de Sainl-
T. ir. - "J
1(1 IIISTOIRI-: 1)K I.ART
( i('i'iiKun-il('s-l*r(''s, consacn'' on 1 1(1.1, ces arcs scml riMncliciiirnI iiflii-inés
(lig'. 4), sans qu'ils jiislilicnl oncore par loiir (''Irgance Favcu qu'en l'aille
maître d'œuvrcs. A la lin du xu'' siècle, dans des édifices plus hardis, à
Champeaux (Seine-et-Marne), vers 1180, à Notre-Dame de Mantes, à Sainl-
Laumer de Blois, l'arc-lioutant appai'ail plus gracieux de proportions,
mais presque déponrvu d'ornement : ou n'a encore envisagé en lui ([uc
l'expédient nécessaire, (l'es! d'un pericciionnemenl iiihoduil \eis 1200
environ dans sa conslruclion qu'il tirera l'élégance île ses silhouettes:
pour (''\iler que, sous sa poussée, les assises supérieures des culées
puissent glisser, on les charge : à Mantes, on y pose quelques assises
surmontées d'un fleuron; un peu plus tard, on augmente la charge. Le
I premier type de couronnement des culées fut un petit toit surmonté d'un
1 ou de deux fleurons, et, sous son pignon, on évida parfois la pile d'une
' niche (|ui reçut uneslalue, comme à la cathédrale de Chartres.
Dès le dernier quart du xu' siècle, les maîtres d'oHivrcs oui remis en
honneur les eh('-n(niux et les gargouilles ju'csque ahau(lonn(''s dejuiis les
iiomains, et comme leurs toitures présentent une surface énorme, leurs
murs une hauteur souvent extrême, ils ont dû donner aux chéneaux plus
(l'iiupcutance, et aux gargouilles plus de longueur: la gargouille grecque
ou rouiain(^ est un mulle de lion ou un goulot aussi peu proéminent; la
gargouille gothique est un ]iei'sonnage ou un animal loul entier. C'est
aussi \-ers l'jUO que l'on imagina de poi-ler des chéneaux inclinés sur h^s
arcs-houlanls, comme à Manies, allii d'amener les eaux jusfpi'aux gar-
gouilles ménagées à lu tète des culées. Dans la seconde moitié du
xiu" siècle, à la cathédrale d'Amiens, et depuis dans d'autres églises
iuqiorlanles, le chéueau incliin'' est poi'té sur ime cloison à jour. Ainsi
pul-oH racheler la diflV'reuce de ni\eau ([u'exigenl l'arc-houlant, ap])liqué
au point (le la l'clomliée de la voùlc, et le caniveau, qui dessert un cIk''-
neau |ios(' stn- la crête des murs. Lorsqu'on n'a pas eu recours à ce pro-
c('d('', il a fallu joindre le chéneau à son caniveau par un bout de conduite
verticale qui peut s'engorger; d'autres fois, on a placé des arcs-boutants
trop haul, disposition qui amena de graves désordres dans la nef de la
cathédrale d'I^reux, et dut y l'-tre supprimée.
Plusieurs arcs-l)outanls ])eu\(Md <Mre superposés, même quand ils ne
doivent contic-huter qu une \iujte, car le jeu de forces (pii se produit à la
rencontre de l'arc et de la relomLée de la voûte peut amener un boucle-
ment du mur au-dessous du point de rencontre. On a donc renforcé et
roidi ce mur par un contrefort, ou souvent et mieux par l'application dune
colonne indépendante à fût d'une seule pierre en délit. Souvent aussi,
dans les grandes églises, on est venu appliquer plus bas un second arc-
boutant; on en rencontre même parfois trois, et celui du bas peut être
caché sous les combles. A la cathédrale de Chartres (fia:. 2), on a ima-
I.ARCHITKCTUHK (iOTHIUlE lil Mil' SlliCLIi
giiu'-, pour (Idiini'i- ;uix airs superposés une collusion cl une irsisl;uic(;
exceptionnelles, de les élrésillonner entre eux par nur suilc ilc petites
arcades, qui les rendent solidaires. A Reims, vers le milieu du xm' siècle,-
on a décoré les rampants d'une suite de erocliels.
Anes ET nxiiis, iiosi-s. — Les arcs et les baies gothiques oui une |)liy-
sionomie toute spéciale. A la tin de la période romane, la plupart des
grandes arcades étaient déjà brisées; les baies de tribunes el de clochers
avaient parfois ce même tracé; les portails ladoplaieiit raremenl encore.
Le style gothique commence par gar-
der c<'s liabiludes, mais étend peu à
peu remploi de l'arc aigu, qui devient
presque général au xui" siècle, sans
toutefois que le plein cintre soit jamais
tombé complètement en désuétude. Les
portails continuent d'avoir des vous-
sures el piédroits à ressauts ornés de
sculptures el de colonneiles; el le plus
sou\ent, sauf dans le sud-ouest, des
tympans sculptés. Les plus grands
portails romans a\aieul parfois un
trumeau central, el l'on a \u fpie,
depuis le milieu du \ii' siècle, leurs
piédroits ont élé (juelquefois garnis de
statues. Ces modes se généralisent et
se développent.
Les maîtres d'œuvres ont mis
près d'un siècle à lirci de la voûte
d'ogives loul le pjii'li (pi elle comporte
pour l'allégement d le pcrccmcnl des
murs. Les fenêtres des églises de Irausilion soûl conformes aux uujilèlcs
romans; les voûtes, qui pèsent souvent encore sur les mui-s, n'ont
pas permis de les agrandir et elles resteront telles jusqu'au \i\' siècle,
dans l'école du sud-ouest, qui conserva les voûtes bombées. Mais même
avec les voûtes à arcs d'égale hauteur et des arcs-boutants convenable-
ment appliqués et construits, les fenêtres des prennères églises gothicpics
sont encore moyennes, sou\ent en plein ciulre cl grMH'ralemenl simples.
\'ers 1170 à Sainl-Ouiriace de Provins, cl cidre llCIIel I '.'!'_' à la calbé-
drale de Soissous, elles sont plus larges el en pallie boiiclices par un
tynqian que supportent de petits arcs et des meneaux épais, analogues
à de petits trumeaux. Le tympan peut être percé d'une petite ouverture.
A la nef de (Ihartres, dans la iiremièrc iiioili(' i\\] \iii" siècle, les fenêtres
- Ciiupe lie la catlicdralc (rAiixcn
1-2
llISTOIRl-: DE L'ART
sont (le lii-juidcs liiiics en plein ciiilre, rcrcndiics en deux laïu-cllcs soute-
iiiiiil un liMul lyinpjin prier d'une idsiice h cei-eles conccnlriqucs de
Irèlles el ([ualrereuilles. A parlir du milieu du xuT siècle. Tarmalurc qui
maintient le vitrage devient une claire-voie découpée, formée de colon-
nelles minces, de pelils arcs simulés extradtissés el de trèfles, (pialre-
feuilles el rosaces insciils dans des cercles évidés enli-e eux.
I.es haies circulaires, qui n'avaient guère d'importance dans l'art
roman, prennent dans l'archileclurc gothique un grand dévelop]iemenl.
Elles dexienneni jiarfdis exlrèmemenl grandes, el se garnissenl d'une
armalure de jiieiie rayonnanle; c'esl ce qu'on appidie des ro.ves. Des l'oses
s'oiiMcnl pres(pie lonjoiirs sous la vonle dans les pignons des grandes
LAHCIIlTECTini': GOTIllOUE 1)1 Xlll' SIKCLK
éij;liscs, à la façade, au Iranscpl, cl au clicvrl ([uaïul il csl dmil. I,cni-
armature peut afTccler di\('rs Iracés : assez souvent, dans la seconde
moitié du xii" siècle et au déi)ul du xni", surtout en Bourgogne cl dans les
édifices des ordres de C.ilcauN cl de Prémontré, des loses pelilrs ou
moyennes sont garnies d Une couronne intérieure degraiuls cercles c\ idés
presque complets, clavés entre eux. On trouve aussi vers l'200 des i-oses
garnies d'un remplage dont la partie extérieure, rclalivcmcnl peu c\iili''c,
forme une cloison percée d'une suite de rosaces,
Irclles et quatrefeuilles; c'est; un dessin en har-
monie avec le premier type de remplage des
fenêtres gothiques; on le voit au transept de la
cathédrale de Laon et à la lacade de la cathé-
drale de Chartres. Kniin et le plus souvent, lar-
mature consiste en arcatures sur colonnettes qui
partent en lignes divergentes dun médaillon
circnlaii'c ceidi-al. cl la nisc a l'aspect d'une
roue; clic en j)orlait aussi le udui. In très ancien
exemple de celte disposition se voit, dès ll.~U
cn\in)n, au trans(^|)t ilc Sainl-l''licnne de l'.cau-
\ais. ( )ii cil a liréparli pour la (l(''C(iral imi sym-
holicpu' : la rose représente iiiu' raid' de /'(niiinc.
Dans les façades des prcnncrs Iciiips gothi-
(pics, les roses s'encadrent généralement d'un ari-
de décharge qui, avec ses piédroits, formi^ une
sorte de grande arcalure en plein cintre, comme
à Notre-Dame de Paris. Lu peu plus tard,
depuis le milieu environ du xiii" siècle, les
triangles inférieurs sont ajourés, comme au
transept de la même église; l'arc peut, en
même temps, prendre le tracé brisé, comme
ù la façade de la cathédrale de Reims, et sa
pointe forme un troisième triangle ajouré.
Les grandes églises de la première période golhique ont souvent des
tribunes, telles Saint-Germer, Notre-Dame-cn-Vaux de Chàlons, édidces
de transition, ou des monuments franchement gothiques comme Icscalhé-
drales de Noyon, de Laon (lig. 7i, de Paris, le chevet de Monliérciuler
à la fin du xu" siècle, l'église de Mouzon (1251) et jadis la cathédrale de
Meaux. Les tribunes de celle-ci ont été supprimées après coup, en laissant
un rang de baies au-dessus des grandes arcades; à l'église d'Iùi, on axait
commencé des tribunes, supprimées à partir de la troisième lra\cc,cn
laissant sulisisler l'ordonnance des deux élagcs d'arcades: cnliii. à la
(U':nin.sliHu
iralc de H
»ucM, (in a
iiisliiiil ou
Irili
dans la iicf.
Il
llisroilîl-: DE L'ART
)uis :i(l()[il(:- k' syslrmr des fausses Irihiines Irrs peu api'ès, en subsliluanL
aux lelouilircs des voûtes latérales
inférieures un quiilage de colonneltes
soutenant d'étroites coursicrcs, qui
font le tour des piliers du côté des
collatéraux. Vers \'2i0, les tribunes
Idudièrent en désuétude.
(Juanl au Iriforiurn, il règne sou-
\cnt au-dessus des tribunes, ou les
ii'uiplace. Dans la première période,
il est presque toujours composé d'une
suite de petites arcades étroites et
li-ès simples sur des colonnettes,
«oninie aux cathédrales de Noyon et
de Laon, à Saint-Yved de Braisne, à
p ()rbais, etc. Vers I'J'2,"), au contraire,
E. (iii adopte des baies à subdivisions et
à lympans découpés semblables à
'• ceux des fenestrages; en outre, la fe-
nélrc et b' triforium commencent à ne
alli(''drales d'Amiens et de
ciiUic.ii.-iluik' L;i.
pins faire (pi'uuc nuMue coniposilion : aux
Ij'oyes, les colonnellcs des meneaux des
fenéires descendent poser leui's l)ases sur
l'ajipui du tiibirium. Bienl(M, dans cer-
taines (■•glises, la Haison des ilcux étages
dc\ii'nl plus iiiliuii' : (ni ajdure les écoin-
eons insei-jls eulie ra|ipui des fenêtres
ei les arcs du Iriforiurn, comme à
Sainl-Sulpice-de-Favières; et, ayant ju'is
11' parli de (-(luxi-ir les bas côtés d'im
comble à double rampant, on vitre la cloi-
son extérieure du triforium, de façon à
n'en faire (pi'uiie claire-voie : dès lors, les
deux élagi's ne font |dus (pi'une seule
grande fenèlrc, dans le bas de hupudle esl
ménagée une galerie de passag(>. Tel est le ^
parti adopté dès 1250 à Saint-Denis, et Ir
i)Uis souvent dans la seconde moitié du
. , 'lu
xiirsiècle,commeà la cathédrale de Troyes.
La chapelle du château de Saint-
Germain-eii-La\(', a\ec ses triangles à jour en
niche alleiul le comble de r(''\idemenl [Uis. [),.
.t^iàJijL^
FiG. '.I. — Chapelle
•liùleau de Sainl-Gerniain-eu-Loye
{iraprès Dehiù et Be/olJ.)
ri' les fenéires ci la cor-
I.AHCHITKCTUP,!' (iOTHIOll'; hl Xlll SlKili; ir,
Slpi'OIîTS. — Les siipporls dérivent de ceux de l;i dciniric inTiode
romane : en général, les arcs des voûtes relombenl sur des lïiiseeaux de
fines colonneltes répondant aux arcs-doubleaux, ogives el fornierels. Ces
colonnettes descendent iiis(|u'au sol, ou bien, dans le vaisseau central,
reposent sur le tailloir des supports des arcades; cux-mènies, peuvent être
d'autres colonnes en faisceau, comme à Saint-Denis, uuiis ils coii.-^islcnl
plus souvent en un gros pilier rond en forme de colonne à chapiliMu
feuillu (fig. 8). Très souvent, au xiii'^ siècle, ces piliers sont canlomiés tlv.
l'Iinl Kiilarl.
Fir,. m. — Inlriicar .h
.haie lie TroV(
quatre colonnettes, dont deux r(''pon(iiMit à la seconde voussure des
grandes arcades, et les i\ru\ autres aux rclinuhées îles voûtes. Ces colon-
nettes ont souvent des fûts indépendants du fût principal, et l'ormés de
longues pièces en délit, qui peuvent se rattacher de place en ]i!ace à la
masse centrale par des tenons et des bagues.
Le même type de support peut avoir une ceintuic d'un |)lus grand
nombre de colonnettes, comme entre les deux bas côli's de Xotre-Dame
de Paris, et à la cathédrale de Bourges.
Bases, cHAPixEArx, sculpture ornementale, fleurons, crochets,
CLOCHETONS ET FRONTONS. — L'aiT.Iiilecture de transition a des bases
atliques d(''prim(''i's. dont ]<• lorc inIVTieur s'('lalc cl s'aplalil Ji''gi'Tfiii(iit
HISTOIRE DE LART
sui- l:i |iliiilli(' aliii de iiiirux cxiii-iiiicr sa l'onclioii |ioi-|;ia[r; d'aulrcs l'ois,
les bases sont surliaussrcs, mais le lorc inférieur s'aplalil toujours. Ces
bases ont généralenienl des i^riUcs; elles persistent au commencement du
xm" siècle; cependaiil, à partir di' IlOO environ, les angles des socles sont
souvent coupés pour l'acililer la circulation; enfin, au xiii" siècle, ils sont
tracés en octogone régulier, s"adaptant ainsi bien mieux au plan circulaire
de la base, qui, dès lors, perd scs'griffes. En même temps, la base
s'écrase de plus en plus sur son socle, et elle s'étale en surplomb au
centre des faces, (u'i sa saillie est souveni soulenue sur de petites con-
soles. A parlii- du milieu du xm' siècle, le tore sui)érieur peut faire place
tal(
leferme ses lèvres qui se touclienl pi-es(pie; à la
lin du xiiT' siècle, la scotie a disparu; et
la base ne serait plus qu'un groupe de
moului'cs déprimées sans effet, si elle ne
se confondait avec les moulures du socle,
généralement orné d'une ))linllii^ proni(''e
en lalon.
Les cliapiteaux de Iransilion sont
ornés de quelques animaux et surtout de
beaucoup de feuillages, moins variés
(|u'à r('|M)(pie pr(''C('Mleide, mais d'un des-
sin bien jilus pur et d'une composition
pleine de science et de goût. Les motifs
de beaucoup les plus fréquents sont la
III iir Xi.iiv.|):iiiic m- feuille d'eau lisse et à bords non décou-
pés, et la feuille d'acanthe ou d'artichaut,
l'ileh'' et ^igueur, parfois égale en beauté aux types anti-
les iuiilanl fpie de ii'ès loin.
Comme ces feuillages, les animaux, g(''néralcment fantastiques, sont
d un dessin liés pni- et témoignent d'une obsei'vation sagace de la nalure.
I)ans le dernier quart du xii" siècle, et après tous les autres membres
lie rarchiteclure gothique, apparail le chapiteau gothique, création qui,
de jiliis loin encore «pie le pri''e('(lenl , s'ins]iire du vieux type corinihien.
Le chapiteau de la lin du xn' el du xm'' siècle est une corbeille en
tronc de cône évidé, sur laqutdle s'apjiliipient (piatre larges feuilles côte-
lées qui se recourlienl sous les angles en peliles volutes ap]iol(''es ci-ochels.
Le ciochet est une sorte de bouquet de feuillages ou de boiu'geon
enroulé; il va sans cesse en s'épanouissant et en se détaillant jusqu'à la
fin du xni" siècle. Le bas de la corbeille est souvent garni d'un second
rang de feuilles à crochets ou autres alternant avec les jiremières. (îes
feuillages, sans aucime jiarenb'' avec les types de l'anticpiiti'', sont étudiés
d'après la végétation autochtone, stylisés sobi'ement et d'une façon ([ui
Irailée avec
ques, mais i\(
i.Ai'.ciUTKc.TriiE (.(>Tiii(»n'. nu xiii sii:cu'.
'nilil<'iil ;'i twïo
conserve loul rasjx^el de la réalil('' cl de la vie en lanicnanl la plaide à
ses formes prineipales. Les \ai'ic'lés sont infinies. A parlir du milieu <lu
xiu'' siècle, l'imitalion de la nature y de\icnl beaucoup plus sei\ ile el.
minulieuse, el les fenillages perdent beaucoup de l'expression (pii coii-
\ienl à un inendjre porlani : en elTet, au lieu ipu' les pi'dioles naisseid de
la corbeille, ils naissent de branches (jui \iennent s'y enguiiiandei' ou
même s'appliquer par lron(;ons comme sur une planche d'herbier. En
outre, à parlir du milieu du xiii'' siècle, on remarque dans les feuillages
un mouvemeni qui s'accenlue de plus en plus; leui-s pointes se relèvent
comme sous l'action d'un \ent \ iolent montant du sol.
Les lleurons sont des ornements propres à l'archileclure L;olhi(pu',
qui en couronne ses pignons et ses clochetons
plante stylisée, formée d'une
lige que termine un boui-geon
el que garnissent un ou Afxw
rangs de crochets, seudilables
à ceux des chapileaux el sui-
vant la nièmi- (■solulion. Plus
bas, une bague occupe la
même place que Faslragale
<lans h' chapileau. mais elle a
plus d (''paisseur el tl iuq)or-
lance. Un voit des lleurons
dès une date voisine de IIGO
à l'église de Guarbecqucs
(Pas-de-Calais); ils sont gar-
nis de quatre feuilles d'acan-
the, mais les lleurons ne deviennenl usuels qu'au xni' siècle.
Il en esl de môme des crochets, répandus à prolusion sur les angles
des flèches et des pignons ou frontons; ils ont la l'orme el suivent I'i'noIu-
tion des crochets de chapiteaux.
Les clochetons sont de petites piles, généjali'mi'ul pleines, sur-
montées de flèches; c'est un membre décoratif de l'archileclure, mais sou-
vent ils y remplissent le i-ôle d'une charge utile.
Les gal)les, frontons ou pignons décorai ifs e\islenl dès l'époque
romane sur certains portails; ils deviennent d'usage général sur les por-
tails dans la seconde moitié du xui'' siècle; on en trouve aussi sui' ipiel-
ques baies de Iriforiums ! .\miens, Clermonl : et i'eiuMres i Saiide-('.lia|»ellei.
ToiRS, CLOCUERS, KLiicmcs, coitNiciiKs. 1! MisTi! uii:s. — Les clochers
ont pris un grand développemeni, el sont plus i\\\(' jamais nond)reux
dans les grandes églises : on en voil gcnéralenicid deux à la façode, et de
T. ir. - ô
_ClMpil,.n,
(M,Hee au L..uvre.)
HlSTOlRlL I)K L'AP.T
grandes calhédralcs en ont (lualre auires aux pignons du transept ; il
peut exister aussi une tour centrale formant parfois lanterne. La lanterne
reste de règle en Normandie, et on en trouve en Champagne (cathédrale
de Laon) el eu Bourgogne
(iXotre-Dome de Dijon).
En (Mé\alion, le lype du
xu'' siècle se développe : les
étages inférieurs sont peu ornés
et peu [tercés, excepté le rcz-dc-
cliaussée, s'il forme une travée
de l'église ou du porche. Les
étages supérieurs ont de grandes
baies, et un escalier en vis occupe
une tourelle accolée h un angle
ou à une face de la lour, que
couronne souvent une llèche île
pierre aiguè. L"élage sup(''rieur
est généralement carré ; quel-
quefois octogone. Les llèchcs
carrées restent usitées en Nor-
mandie et dans le .Midi, mais,
en règle générale, elles sont
octogones. Lorsqu'elles cou-
ronnent des tours carrées, elles
sont cantonnées de clochetons,
et lorsque l'étage supérieur est
octogone, c'est à la base de cet
étage que sont placés les clo-
chetons, ce qui dégage la llèche
et lui donne une grâce plus élan-
cée : le chef-d'œuvre en ce genre
est, au xm'' siècle, la flèche de la
cathédrale de Senlis. Parfois,
les clochelons sont remplacés
par des lucarnes surmontées de
pyramides, comme vei's 11 G i au
clocher sud-ouest de la cathé-
drale de Chartres, dont la flèche est un des plus beaux types de l'art
gothique primitif. Les flèches ont généralement à la base des lucarnes à
fronton aigu, et quelquefois d'autres plus petites à diverses hauteuis ;
quel(|ucfois aussi des ouvertures en forme d'archères el de rosaces. Les
boudins qui gariiisseid les arcHcs peuvent être agrémenlés de crochels. Les
I/AUCIUTECTUHli C.OTIllorK DU XIH SIKC.M-:
î^^*
AA;\
*
+4^ 5 n: rH' t-
lli'clics sunl souvent ornées d'iinl)ricalions de l'aible relief siiuulanl sur
cluiquc assise — ou, en Normandie, de deux en deux assises — des rangs
d'ardoises taillées en pointe ou à pointe eoupée.
Les corniches peuvent quelquefois encore être fonuées d'arealures,
comme à Notre-Dame de Saint-Omer, à l'ancienne Notre-Dame de Bou-
logne, à Cliisscy (Jura); ou d'une tablette sur modillons, variété assez
répandue dans le Midi et qui, avec un dispositif spécial, est de règle géné-
rale dans les écoles de Bourgogne et de (Ihampagnc; enlîn, beaucouj) de
corniches gothiques sont formées d'un
simple corps de moulures ou d'un corps
de moulures couronnant une frise. Celle-
ci, à Notre-Dame de Paris et à Larchant,
affecte la forme exceptionnelle d'un
damier; à Notre-Dame de Laon et à
Braisne, ce sont des rinceaux; plus sou-
vent, la frise a la forme d'un chapiteau
développé et continu, à un ou deux
i-angs de feuillages, terminés, au xiii" siè-
cle, en crochets. Des balustrades sur-
montent souvent les corniches et
bordent les chcneaux. Au xiii' siècle,
elles forment le plus souvent une suite
de petites arcades Iréflées.
Ecoles; édifices imuncm'aix. —
L'architecture gothicpie a formé diverses
écoles. En France, on dislingue l'arcbi-
lecture du Nord : Ile-de-France, Picar-
die, Artois; celle de Normandie; celle de
Bourgogne et celle de Chamj)agne ; celle
du Sud-Ouest et celle du ^lidi. Le Centre
a subi des iniluences diverses, et l'on ne saurait trouver dans la vaste
région dont les cathédrales de Chartres et de Bourges sont les édifices
principaux des caractères assez définis, constants et originaux pour les
classer en une ou plusieurs écoles. (Juant à l'école de Champagne, elle
n'est guère (pi'une combinaison des pratiques des régions ([ui l'entoui'cnl.
A l'étranger, rAUemagne a subi l'influence des écoles du Nord, de la
Bourgogne et du Sud-Ouest; les Pays-Bas, celles du Nord, de la Nor-
mandie et du Sud-Ouest; l'Angleterre, celles de Champagne, Normandie
et Sud-Ouest ; la Scandinavie celles du Nord, du Sud-Ouest cl de la Nor-
mandie, cette dernière par l'intermédiaire de la Grande-Bretagne.
L'Espagne a suivi les pratiques du Midi de la France et subi l'iniUience
IllSTOllil-: l)K L'AIST
tic la Boiut;oi;nç, du Sud-Oiiesl cl des liniiuls édifices du ('.<nlrc; en Italie
icii,nc l'inllucncc bourguitiiionnc, un i>eu celle du Nord dans la Loiiiliar-
dic, cl en Fouille celle du Midi de la Fiance depuis C.liarles d'Anjou
(r20()); en Grèce, celle de la Clianijiai;ne, qui se mêle en Chypre à celles
du Xordet du]\lidi. Telle esl l'expansion extérieure des écoles françaises.
Nous indi(|uerons rapidemenl, autanf que possible avec leurs dates,
les principales églises de cliacune tic ces
écoles françaises.
/,/;■ NI Util ( II.E-ljE-l-liAM l:'. l'H MtlilE.AinOIS).
— La reconsfruction de la catliédrale de
Noyon fut commencée entre liiO et H50;
Ir transept date de 1J70 environ ; les voûtes
ont été l'cfaites après l'incendie de l'295: les
cloclicrs datent du xiii' siècle, ainsi (pie le
|iorclie, l'cmanié, en \~t~)T}, par Jean de Brie.
La cathédrale de Laon, jilus gothique, et
que l'on peut rattaciier aussi à la Cham-
pagne, fut élevée de 1 100 à L200.
Notre-Dame de l'aiis fut commencée en
IKiô, consacrée en 1182: le portail Sainte-
Anne est un }ieu antéi'iein- à cette date; en
1 i'.)(i, il ne manquait plus à la nef que deux
travées; la façade fut élevée de L208 à 1255;
les tours vers 1255; en 1257, le maître Jean
de Chclles allongeait le transept et con-
struisait le portail sud; de 12!)0à 1520. s'éle-
\èrent les clia|ielies. — L,i première [liei're
de la Sainte-Chapelle du l'alais fut posée en
I2i0; la consécration eut lieu en 1218. —
L'église de Saint-Denis, dont la consécration
avait été, en 11 il, comme l'inauguration offi-
cielle de l'architecture nouvelle, fut presque
rebâtie de 1251 à 1280 par le maître cham-
penois Pierre de Monlereau, mort en 1266. La chapelle du château de Saint-
Germain-cn-Laye me semble devoir être attribuée au môme artiste. —
L'église de Saint-Sulpicc-de-Favières,dela fin du xiif et du xiv'' siècle, par
son plan et les coursières de ses fenêtres, témoigne comme Saint-Denis et
Saint-Germniii d'une inlluence champenoise. — Si elle a\ ait été bâtie a\ec
soin et nous fût parvenue sans remaniements, la cathédrale de Be;iu\ aiseùt
été le ciief-iro'iivre de l'art gothique. Le chœur fut construit de 12i7à 1272;
en 1281, ses \oùtes trop hardies s'écroulaient ; Enguerrand Le Biche entre-
prit la restauration, terminée seulement en 1547. — L'abbatiale, aujourd'hui
(D'après Dfliic. el Bezold. )
'^1
I H.. Il' — Nc.l l;l. liVME l)i: PAlilS. MAT DE LA FAI_:ADE
A l"É1"001 li Ut* IMÎEMlÈlîEs RESTAL'MATION^ HE VIOLLET-LI; DU
IIISTOII'.H !)[■ L'ART
riiiiirc, (le (llin;ili> lui consacrée on l'21'J;celle (rOiirscainps en i'JIIJ, mais
elle marque une dale plus récenlc d'un demi-siècle. — Sainl-Frambourg de
Senlis, commencé en 1 170, est un vaisseau simple à voûtes sexparlites, el
l'un des [U'eniiers et des plus purs types de l'art gothique français. — Un
peut encore ciler les églises d'Arcucil, Créleil, Auvers, Bougival, Chani-
, [lagne, Deuil et Domont (fin du xii'^s.),
Saint-Martin et Notre-Dame d'Étam-
pes, Gonesse (fin du xii- et xiii" s.),
Luzarches, Mantes (xii" el xnf s.),
Nesle, Taverny, Trie).
La catliéiirale de C.harlres fut
incendiée en 1 1 !),"> ; le sinistre ne laissa
subsister que la crypte romane el la
façade de transition élevée de M i5 à
1170 environ. La reconstruction fut
poussée si acliveuienl qu'en ll'.IS le
chœur était consacré; vers l'iiO, on
élevait le transept, avec ses portails,
auxquels les porches furent ajoutés
environ vingt ans plus lard; en 1200,
l'ensendjle de r(''glise (''iail consacré.
— L'église Sainl-Père de (iharlres,
incendié!" en llôi. fui reconslruile
\eis I KiO ]iar le nidiiir llilduard;de
|-Ji:> à l'J.'.O, la nrf lui ivprise. Le
clMi'iirruI à peu pi'ès rcli;Ui à la lin du
Xlll' el au M\' siècle.
La cathédrale d Amiens dale de
IL'LMI à ll'NS. Le premier maiire de
l'd'uxre. IîdImtI (Ir Luzarches. (''Iail
ii'Ui|)lacé en L22"> ])ar Thomas de Cor-
mont, auquel succéda en [22^ Renaud
de Cormont. Dans la iik^uc rc'gion,
on peut ciler (-(imme églises du xiu' siè-
cle celles de Ilam, Bray-sur-Somme,
Gamaches, Picquigny; plus au nord, les vestiges des belles caihédrales
d'Arras, Thérouanne el Cambrai, les dessins de la Collégiale de Valen-
ciennes, et, parmi les rares édiflces encore debout, le cho'ur des églises de
Bourbourg et de Cappelle-Brouck (Nord\ l'église de .Maintenay, une
partie de la nef d'IIénin-Liélard et du transept de Saint-Sauve de ^lon-
Ireuil; enlin et surloul, Noire-Dame de Saint-Omei-, bàlie de la lin du xii"
au xvi' siècle; le clueur est presque cnlièremenl du xui' siècle.
l"iG. 17. — Coupe (le la calhédrale de Beauvai
(D'o|.rè.s DehioetBezold.)
l'ic;. IS. — FAÇADE DF. LA CATIlI-DIlALr; d'amikns.
IIISTOIliK 1)K LAirr
La oalii(''clral<' di- Tours se ralLaclic oncoiT à l'école du Nord. Le
chœur, coniuicncé en LJG7, n'était pas achevé en 1279, et le maître de
l'œuvre était Simon de Moi-lagnc; en l'2d7t, Simon du Mans lui avait suc-
cédé; le Iranscpl cl une jiartic de hi nef sont du xiv' siècle; la l'acade ne
l'ut achevée qu'au xvi" siècle. Dans la nuMne ville, l'église Sainl-.lulien
date du xni'' siècle, et celle des .lacohins de Li(iO.
Dans la région du Loiret, on trouve le style de transition à Saint-
Euverte d'Orléans et à Saint-Benoît-sur-Loire; à Meung, l'église Sainl-
Lyjiiiard a été reconsiruile sous Philippe Auguste sur les fondalions et
tsM:
'=-' ""i' 'i^i '«■^^■' *
Img. lu. — f;,illi(Mlr,'ilo ,\o BDurifos. porlail orculcnlnl.
en suivant Ir plan \\-cl]c d'une église romane, f'/esl à peine si la cathé-
drale de Bourges pruL être rattachée au style de l'Ile-de-France. Elle a
été commencée en l'iT.'i, consacrée en irj'ii; dans la même ville, Saint-
Pierre-le-Guillai'il, églisi' du xiii' sièt-je, li''moignc d une inllucnce cham-
penoise.
Ouaire autres écoles jjien <lislinctes ont leur piovincialisme très
caractérisé.
LA .\nHMA\hih\ — L'école de Xomianilie emphjya lieaucouji la \()ùle
sexpartite à l'époque de ti'ansition; elle adopte plus souvent cju'une autre
les chevets rectangulaires; elle fait usage d'arcs jjrisés suraigus jusqu'à
l'exagération, car il l'iihc dans les liahiludes des maîtres d'o'uvres de
tracer les gi-ands e[ les pclils ai'cs a\('c la nn'^nn^ ouverture de compas; les
lours-lanlernes restent en usage, ainsi (pw les coursièi-es ménagées dans
LAF.(;inTi:(:Tri;i-; coniini e Dr xiii sikci.k 25
li's cinlji-asures dos IV'iirln>s. les (•li;i|)i(cau\ ronds, iiiii' (li'coralion un peu
monotone et g-éoméliiiinc. l'.n -^orlanl îles convcnlions de l'ail roman, la
sculpture normandr nloiulir :i>sr/. vile dans d'aulres formes (•on\cnlioti-
nelles : elle reproihiil à saiirir, cl plus encore en Aniilelcrn- ipiCn France,
certaines feuilles de irrllc doiiiK-rs pendant la t(''te en bas ci loiiiiiées en
spirale; de petits ircllc^ cl (|ualrefeuiiles découpés comme à remporte-
pièce forment des frises; les arcatures sont toujours nombreuses. Les clo-
chers élevés et les flèches liardies et élégantes se remarquent en grand
nombre dans cette école. Son territoire s'étend depuis rembouclimc i\i- |;i
Somme, à l'abbaye de Sainl-\'alery, jusqu'en Bretagne, à Dol, à Saiid-1'ol-
de-Léon;elle remonte la vallée de la Seine jusques assez près de Paris.
Parmi ses monuments principaux, on peut signaler l'églisi» de Lessay et
celle de Pontorson (transition ;, Xoyers, le chreur de Saint-Etienne de Caen
(vers J'2II0), celui de Lonay-rAI)l)aye, de la fin du \\\" siècle: pour le
xiii° siècle, Fontaine-Henri, Langrun(\ le clio'ur de la callK'dralc de
Bayeux; la cathédrale de Lisieux, dont r;disiile l'ul rebâtie de |-2i'(i à l-.Ti.").
et le reste sans don le aussi \ er> le mi'nie Icnips. bien qu Un ail une 1 la le de
construction de I Kill à I ISS, (pii para il Irop ancienne pour IV'dilice ;ichie| ;
Saint-Pierre-sur-l)ives, lîyes.le grantl et le petit Andclys : les abbayes de
Bonport près Pont-de-l'.Vrclie, remarquable par son rc^l'ccloire. l'oiihiinc-
(ju(''rar(l a\"ec sa belle salle capilulairc, le Briniil-lleiioisl donl il ne
subsiste guère qu'une belle église, cl Morlemer; la calhédi-ale de ( loii-
tances (l'iàl à l"27i), Sainle-Mère-I'lglise. les ruines de P>il|e-l-;ioile
(Orne), la cathédrale de Séez, de P2")0 à 1575; Saint-Jacques de Dieppe:
une grande partie de la cathédrale de Bouen (dont le chœur date de 1"20'2
à 1-220. le lran>rqit de I2SI). les ]Hirlail> de 1500 environ et les chapelles
de 15(12 à 1520: le premier maiire de l'o-uvre semble avoir été Jean
d'Andeli : l'église d'Fu liSCi à 1250 . celle de Fécamp. le> rnino de
Sainl-W'andrille, le clio'ur de la cathédrale du Mans, de 1217 à 12.")i.
LA liniRGOGM-:. — (hioiipie la Bourgogne ail de très anciens excnqilcs
d'art gothique, beaucoup de ses édifices secondaires n'en onl jamais
adopté tous les perfectionnements; jusque vers 1225 on y trouve des édi-
liçcN (pii oui lous les caraclères dn slylc de Iransilion. 1 »è> I 150 cn\ iroii,
le narihex de l'abbatiale de \ ('•/.clay. a\cc sa voûte d'ogixes cculialc. en
]iréseidi' un spécimen l'orl inli''rc>>;uil : le clneur, bàli de 1105 à llsil.
ajtpartient au style golhiipu' primitif le plus pur et le plirs paifail. Le
territoire de l'école comprend, à peu de chose près, nos dépai-h'nicnls
actuels de la Haute-Marne, des Vosges, de la Haute-Saône, du Doubs, de
la Côte-d'Or, de l'Yonne, de la Nièvre, de Saône-et-Loire, du Jnia et de
l'Ain, plus une notable partie de la Suisse répondant aux am-icmies limites
de la (lomlé de Bourgogne. Son iniliMMice s'élend dans lonles les i-égions
voisines, jusque dans le I )an|iliini'> el juxpi'aux bords du iîliin: elle
T. II. — 4
'2(1 IIISI'OII'.K III'; I.AliT
s'oxfi'ce (Micoi'c au loin, cl jiis(|ii'iin\ limilcs de la (•lir(''li('nl('', |i;n' l'orcli-c
lie Cîlcaiix, jmissamincnl centralisé en Bourgogne. Les clievels rcelangu-
laircs soni IV(''(|uenls dans les ('■glises secondaires, el leur nuir hM'niinal
es! peici'' d'nn gioujM' de liois l'en(Mres suriuonic'' d'un d'il-de-iiieur. ( )n
lniu\e aussi une eliapelle rectangulaire au déanihulaloire de la cathé-
drale el à Sainl-I ierinain d Auxerre,au xiii'' et au xiv'' siècle, et, dans beau-
eouji d'autres églises, des chapelles carrées s"(iu\ieiil sui- le li-ausept aux
côtés d'une alisiile. Les porches et h^s narllu^x sont In^quenls ainsi (|ue les
tours centrales; la ^oùte sexparlite devient très usitée au xiu'' siècle, au
moment où elle lomhe en désuétude ailleurs. Des ci'ochets ornent souNcnt
les ongles des clefs de voûtes et les sommiers des arcs de triforiuni. L'an-
liiudanl n'a (''h'' einph)y('' (pi'a\ er (■('■ser\('; l'emphti de l'ai'c en pleiu cinl re
se ((inliinie ius(|irà une (''pdipie tardi\c'. Duianl la première p(''riode
g(illii(pie, heani'iiiip de l'Oses ont un reniplage de dalles appai-eill(''es en
ela\i'aux et ('•xidi'cs de eercdes (pie \ient rogner un cercle eeniral. Les
I i-ir(H'iiinis, i-ares axaiil le milieu du xni' siècle, sont |dus rn'-(picids à
pailii' de cette époque; on y remarque quelques dispositions originales :
au xin' siècle, celui de Sainl-Eusèbc d'Auxerre a des haies séparées, non
par des }iilaslres ou des tiumeaux, mais par de grosses colonnes excessi-
vement trapues; au .xiv' , celui de Saint-Germain d'Auxerre, pour ne pas
all'aihlir les contreforts, les contourne extérieurement.
Le triforium formé dune suite de simples arcatures sur colonnelles
persiste jusqu'au xiv" siècle; ses retombées s'ornent de congés sculptés.
Les tailloirs des colonnes engagées sont souvent reliés entre eux, sou-
\ent aussi lui cordon jiasse au-dessus des grandes arcades et contourne
les supports. (Juti'e le tiil'orium. les ('-glises onl, comnii.' celles île Nor-
mandie, des c()ui'si(''i'es inl(''rieures lra\ersaid remhi'asui'c des l'en<Mres.
L'éc()le de lîoui'gognc pl'odigue les encorbellements : elle alTecI ioniie les
siqiporis coupés en forme de cnnv renversé et h^s corbeaux à m(''plal
lriangvdaii-e sur la Iranche; elle l'ail un usage constant de corniilies à
modillons siiu\cnl pour\us de ce iui''|ilal, ]n'olil(''s en (piarl de rond on en
ea\i'l, el remaiMpiables pai' leui's l'act's latérales eoui'bes (pii .se rejoigiu-id
de fa(;on à former lui feston de demi-cercles sous la tablette; leurs queues
sonl tangentes enli'e elles, (les corniches i-emontent les rampants des
[lignons.
Les principaux (''diliees du .\n" siècle sonl la callnHlrale de Langres,
encore toute romane de décoration, mais pour\ue ilogiNcs et d'arcs-
boutants; Pontigny, église lomane remaniée; le clneur de l'abbaliale de
\'ézelay (H80);la cathédrale de Sens, commencée ^ers 11(10, continuée
de L2()7 à LiT'.l. Au xiii' siècle, Notre-Dame de Dijon, vers l'iiO; Semur-
ea-Auxois, Saint-Seine (L25ô), Saint-Symphorien de Nuits, Notre-Dame
de (llnny, Flavigny, la cathédrale de Chalon-sur-Saône, l'église d'Appoi-
LAUCIllTHCTCHE COTlllOIK \){ Xlll SIKCLI':
'.'7
). — r.hœiii' lie Saint-Remi
lie Reims.
J-n|uvs Delii.) et lÎLVoiil.)
ains clrniiibiilaloircs
gny; à AuxLTif, la i-allirilialc dont le clio'ur dale de l'ilà à i'i'ii, Saint
Gei-main avec son cliœnr commencé en ll*(iO, et sa in-l' du xiv' siècle
Saint-EnsèLe; les églises de Chablis, Coui-
Xolre-Dame, Flogny, Sainl-Julicn-du-Saull,
.Miclicry, Saini-Pèi-e-sons-Vézelay, Pont-snr-
Yonne, ^'el■menton, \ illeneuvc-sur-Yonne,
\'illeneuve-rAi-chevcquc, Saint-Jean de Sens,
Sainl-Mai'lin de Clamccy; la cathédrale de
Ncvers, presque reconstruite après i'211 , con-
sacrée en l."i51 ; l'église de Varzy des xiiT' et
xiv'' siècles, Sainl-Analoile de Salins (milieu
du xiii" siècle).
i-A ciiMWAGSE. — L'airliiteclurc gothique
de la Champagne n'est guère qu'une combi- Fi
naison de celles de l'Ile-de-France et de la
Bourgogne, avec ([uclques inlluences germa-
niques. Ce qu'elle a de plus original est le plan de c
dont les ti'a\ées. coiixcrles de voûtes d'ogives carrées el dr iM-ix-caux
triangulaiiTs en alternance, ne correspondent
pas à la largcuu' des chapelles rayonnantes,
(|ui s'y relient jiar trois arcades reposant sui'
deux {('gères colonnes. Ce système est adopté
à la lin du xii' siècle, à Saint-Remi de Heims
l'I à ÎNotre-Dame de Chàlons-sur-Marne; au
xiii' siècle, à Saint-Ouentin et à la cliapelle de
la \ icige de la cathédrale d'Auxerre. L'alter-
nance de Miùles cjirrées et ti'iangulaires poui'
r(iu\i'ir une galei'ie tournante a\ait (''té em-
ployée dès le ix' siècle à Aix-la-( liiapelle. (-'t's!
à l'école romane germanique (pie hi (Cham-
pagne emprunte le couronnement de certains
clochers gothiques à quatre pignons, comme
ceux de la eathédi'ale et de l'ancieinie église
Saint-Nicaise à Reims.
Les édifices les plus i-emar(piables soni,
au xii" siè(d(\ le clneur de Ndlic-l )anu>-en-
N'aux à Chàlons-sur- .Marne ll.'iT à IISj^:;!
Reims, le clnei^ir de Saint-lienii, élevé de
1170a 1100 en\ii(>n: Saint-Ouiiiace de Pro-
vins, N'oullon. Soiippcs I Seiiie-ei-Marne) ; la
•onunencée pai' le bras sud du iransiq)t vers
Fu;. 21 — Plan de ia
de Soi.ssoris
(D\iprè5 Deiiio et B
calhédi'ale de S()iss(iu>
1 IT'i, continuée pai' le clneur consacré en
'f du xiii'' siècle.
IllS'IOlIii: DE LAliT
Le pliiii lie S. liiil-Vv cd (Ir l!r;iisiic oITri' une (lis|i<i>ili()ii (irii;iii;ilc; 1 nlisidc
sinipk' 1^1 ll;iii(|ii('(' diilisidiolcs non parallèles, mais onxcilcs sur un axe
(liasioiiid, de laroii (|uc du vaisseau central on puisse vdir d'un seul eoup
d'd'il les aulcls des ciiui alisidcs ipii s"(''|iaii(iuissenl en ('■veidail. La ealln''-
di-ale de lieiuis lui élevée de I '_' 1 I à I 1(10 en\ irnn, sous la direction succes-
sive de .leaii (!'( Iriiais ( l 'j I I - I •_>:.!>. .Ie;in l.e Loup . l'_'."il-l'JI7i, (iauchei- de
iîeinis ( l'217-L_',").">), Beruard de Soissons ( lt2^^-Li'J0), Robert de Coucy
(uu.il en 151 li, Colard (I^IS), Gilles de Sainl-Nicaise (l.'yti- 15^)8). Une
étilise non moins i-em;ir(piaidi' de lieims, Saint-Nicaise, fui c()mmeue(''e
pal- Hues li ijeriiier en 12'i!*, aclie\ée \'ers 17)0(1,
d(''m(ilie au xix' siècle; on en a conservé de
lions dessins. La calli(''di-ale de ( lliàlons-sur-
Marne u élé presque rel,;iliede l-jr.Oà LJSd. On
peut ciler aussi les éi^lises de Ilans, Doi'mans,
Louv<'rey, Saintc-Meneliould, Orbais (xii" et
^gg \\]\' siècle). LssouK^s pi'ès (',li;"ileau-Tliierry
ixui" siècle); les ruines de l'abbaxe de Loncpont
(Aisne), de 12^7, cl de Mnnt-Nul re-l )auie ; une
i;-rande jiartie (\>- la CDlli'j^i.-de de Saiid-( lueidin,
dont le clionir. <nlis;i< l(' en L_''i7.e>l IceuNic dr
\ ilard de I lonileconri et s inspire de celui de
lieims; l'église de M(.u/,(.n . L.'",| :, h, ciilliédrale
de Troyes fon(l('e en LJIKi, le jiortail cl le (dotire
de Saint-,leaii-des-\ iiîues à Soissons, Saint-
.lean-liaplisle de ( '.lui iun( nd , belle église des
MU cl \i\ siècles; la cathédrale de Melz com-
meiir(''e ail Mil' siècle, continuée au xiv' , (pii eut
pour mallre (heinre l'ierre Perral, de \7A')') à
I.ISI: la calliiMliiile et Saiiil-( iengoulf de Toiil.
Les (''glisf/s ib' ( '.bampeaux, ^eI•s liSI), lirie-
(lomte-l^)berl (xin'' siècle), bi ('.liapelle-sur-( Irécy (xiii" cl xiv' siècle),
Donnemai-ie-en-Monlois, Feiiières-en-l>rie. le Lys près Melun, .Monle-
reaii, Morel lin du xii' cl xm' siècle), Hampillon i xiii" et xi\" siè(de ) : le
(dueur de la calbé-drale de Sainl-Dié, la collégiale d'l-;pinal i \2m à LiCi,"»),
celle de 1 lemireniont , les (bnrx églises de ISeurcbilteau. LV'glise Saint-
l rbain de l'royes, nn des monuments les plus parfaits de l'arl gothique,
mar(pie l'aNèneuicnl du style du xi\' siè(de; commencée en Liti^, elle
resta iiKudievée depuis l.l'iH cl a (''lé reprise de nos jours.
u: srD n/hsT. — L'arcbilerliire golbiipie du Sud-( tuesl. dile .. stvb^
i'ianlagenet ■', 1res origiiiide. procède eu pM il ie des Iradil ioii>. roiuaur> i\c bi
r(''gi(ui. Les églises oui une nef unique ou trois nefs de bauleiir sen>ilde-
menl (''gale, et comme les voûtes resleni i:(''U(''raleiiieiil lM)iiib(''es, les dou-
(Ll'n|irc,, llcIiiM l't l;e/(iKI.
CATHEDRALE DE REIMS. _PORTE NORD DE LA FAÇADE
Histoire de lArt H PII.
Librairie Armand ColmPana
[. AHCIlITKCTriiK COTlllniE lH Mil SIKCII
lilr;iu\ ri les murs rolciil rpiiis. cl les rcnrlrrs rlroih'S. L'rlriiMllco dfi
celte architecture réside dans les condiiiiaisons curieuses de ses voûtes ot
dans la gracilité de certains supports. Les che\els rectangulaires sont
lr.'> fi-i'ipients. Le premier ('dilice à date cei'taine est la nef unique de la
catJiédrale d'Angei-s. rel>àlie sur fondations romanes par l'évèque Xormand
de Doué, mort en 1!.".-J, avant rachèvoment de Fœuvre. Ce monument et
d'autres de la première période, tels que Saint-Maurice de Laval et le croi-
sillon sud de réglise
d'Asnières, ont des croi-
sées d'ogives simples et
épaisses, dont le profil
rectangulaire est allégé
de deux boudins dans les
angles, et parfois d'une
gorge médiane semée de
lleurettes.
Au xui" siècle, se
développe une second.
p('M-i()d(> : parmi les égli
ses à trois nefs, il faut
riler la cathédrale de
l'iiiliei-s. commencée dès
1 itr.'. Icrniinée en l.lTi ;
le chœur de Saint-Serge
d'Angers, les églises de
(landes (Indre-et-Loire .
du Puy-Notre-Dame cl
de Sainl-Maixent (Deux-
Sèvresl; parmi les égli-
ses à une nef, la collé-
giale de Doué (Maine-
et-Loire), et l'église (rui-
née) de Toussaint, à Angers. Dans le plan de celle-ci et de l'église
d'Asnières. on remai-que la di\ision de cliaipie liras du transept par une
colonne centrale, mince et h'gèi-e; le chuur de Saint-Serge d'Angers osl
divisé' en trois nefs jiar des suppoils sendilahles. Les supports, colonnes
ou jiilicrs en l'iusccau de colonnes, soid minces el (''lancés; les \oùles
deviennent de plus en j)lus bombées, et prennent non l'appareil, mais le
tracé général de coupoles, qui parfois reposent sur des lromp<'s en cid-ile-
rmir. parfois aussi sord des bei-ceau\ à p(''n(''l râlions. De nombienx aivs
l'ornienl larmalure de ces \ontes : elles onl des croisées d'ogives, des
liernes, el aussi des ner\ mes mulliples ci raniiliécs ou enirc-croisécs. Le
felis
■^ninl-Scii!!.' iTAiii
.■() HISTOIRE DE E'AUT
type le |)liis (■(iiii[ilel cl le plus rciiiarqualtle de ce système clail réglise de
ïous.sainl, à Angers. On ajoula des voùles de ce genre aux églises
romanes de Sainl-Jouin-dc-Marnes el d"Air\aull ( I)(Hix-Scvres).
LK MIDI. — L'arcliil(Miure golliique du Midi csl simple el nue; non
sculemcnl cpiand elle emploie la luirpie, mais même dans les édilices de
])ierre, sa ))auvrelc sculplnralc conlraslc a\cc la richesse de l'orncmenla-
tibn romane des mêmes régions. Le lerriloire de l'école, très étendu, com-
prend louL le Languedoc et la Provence, toute la Catalogne et l'Auvergne.
Les arcs-boutants, les lias côtés, les (l(''ainlndaloircs, comme aux
(•ath(''drales deCdermont, Limoges, Rodez, Touliiuse. N^irlionne, Rayonne,
sont l'ares et imités de l'architecture du Noid ; la jilupart des églises ont
une seule nef; au lieu de lias côtés, elles sont garnies de chapelles logées
entre les contreforts, et au-dessus desquelles peuvent exister des tribunes.
L'église de Lamourguié, à Narbonne, du xiii" et du xiv'' siècle, comme celle
de Rabastens el la cathédrale d'Albi, présente une ceinture continue de ces
chapelles autour de l'abside; elle a, de plus, la particularité rai'C de n'avoir
pas de voûtes, mais une charpente portée sur des doubleaux faisant fonc-
tion de fermes. Certaines églises, comme Saint-Maximin (Var), n'ont que
des chapiteaux sans sculpture; la scuiplure d'ornement est tnulTuc et con-
fuse, la statuaire rare.
Dans la région louloiisaine, rarchilrclinc doil un aspect particulier
à l'emploi de la biiquc, (|ui y est géni'ral el admirablement ent(Midu. Les
clocliers oclogoiies, pi-()C('ihnil (h^ la Iradilion romane locale, ont de nom-
breux étages; h^s clochers-arcades sont Hanqués de tourelles réunies par
des galeries de défense; de grands miichicoulis sont bandés entre les
contreforis. Les baies des riochcis all'erleul d('shac(''s parliculicrs bien
propres à ICmploi de la bii(pu' : lare en liers-jioinl y csl icmplacé [lar
l'arc en milre, el les cercles par des losanges. Des colonnettes de pierre
dure garnissent les baies des cloîtres, les baies et angles des clochers.
La brique, grande et plate, conserve sa forme romaine, et les construc-
teurs ont su reti'ouver la solidité et la majesté antiques.
I>e Midi a connu le style de transition dès 1 1 iO au moins, comme le
prou\ent la ( lyjile el le elHcur de Sainl-Gilles, les porches de Sainl-
\'iclorde Marseille et de Saint-Ciuilhem-le-Déserl , le transept tle Mague-
lonne, 8ainl-André-le-Ras, à \ icnne. On peut distinguer les imitations
de l'ail septentrional, exécutées sous la direction de maîtres d'œuvres
venus du Nord, et les monuments d'un art autochtone en partie déduit,
mais non imité servilemenl, du gothique français. Dans la premièi-e caté-
gorie, il faut classer la cathédrale de Rodez commencée en Li77, la
collégiale de Saint-Flour, la cathédrale de Razas commencée en LJôri,
l'abbatiale de \'almagne (Il(''rauln. ir^giise d'Aigne|ierse ! riiy-de-D(ime i,
et la cathédrale de ClermonI dont le clneur fui élevé de l'iT)." à |'J,S."i, par
i.AP.ciHTECTri;!; (.oTinnri' di xiii sir.ci.i':
.liMii Dcscliainps, niorl en l'JtS; l;i cnl IhmIi^iIc de lî;iy(iiiiii' (■niiiniciu'ée
en hiJÔ, celle de Lyon consacrée en l'iili, Saiiil-.Maxiniin i \'aii coniinencé
en l'2!)5, la cathédrale de Limoges comniencée eu l'jT.", l'église dlzeste
(XIII'' et xiv" .siècle). Dans la seconde caiégorie, heaucoiip [dus noinlirense,
au xiir siètde la nef de la cathédrale de Toulouse, di' l'Jll; Blasimoni,
la iicf di' la calliédrale et Sainte-Croix de liordcaiix. Saint-Macain>
^Gironde); vers L2U0, Saint-Paul-Serge ixii-xin' sièclei el Lainourguié
(xiii'-.xiv'' siècle) à Narhonne; l'église de Xajac lAveyroni, lenninée en
|-iti!l par Bérenger Jornet; à Aix, Sainl-.leaii de .Malle, coininencé eu
l'J.'l; la Soulerraine ((".l'iniseï, Saint-Bai-naid de liouiaus, Sainl-.\uloiiir
de \'i('nnois xill' i^l xiv' sièrlc, Xdll'e-Daiiie de Monihrisou Inildée eu
l'J-J."., le (diu'ur de la <'alli,-drale de Cahors ( 1 2.S.'.- 1 -Jiir. : eu -\uvergne
le> égli>rs de lîilluni.
Chastreix; la cailuMlralr
de Perpignan. Cderuioul-
riléraull ixiM' el xi\' siè-
chM, Saiule-<;,''<-ilc(r-\llii.
(•()iuuieuci''e en \"2X"1 pai-
le maître Bernard de Cas-
tanct ; la cathédrale de
Béziers de l'Jià à la liu
du xiv' siècle, celle île
Lavaur (xiiT et xiv' siè-
cle). Sainl-Loiiis-dTIyè-
i-(^s. En Corse, Saint-Do- y^^ ,, _ i:,.,,,,,
iniui(pie de Bonifacio.
LA liUKTMiM:. — La l'.rrjaguc a ('•li'' (livi>
et Técole iioi'iuaude. Dr la |iiiMuièri' pailiripiMil plus (lU moins les ('-glises
de lîridcx eue/. ( '.c'lles-dll-^lM■d . (i uillgaïup, \iil re-l )ame-(le-Lamlialle
coiisaen'T eu Li'Jd, Lidioii. Saiul-Malo. CiUM'ainlr. Mrrleveue/ (xu' el
Xlir sièrlc , la calInMlrale de \anurs xill'-x\ ' -x\ l' sièide). .\ r(''Cole uoi'-
luande. on peul rallaehei- la cailuMliali' de Tl-c'^guiei' i I '_'!)(! el I."."." , _\olie-
Damc-dc-Iveiuilion, à Lannu'ur: Saint-Dominique de .Morlaix comniencé
en l'iti.", l'église aliLaiiale île la Poinle-Saint-.Malliieii i^xm' el xiv' sièidej,
la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon ixiii' siècl(\i, celle de Dol achevée
par le chœur ipii dale de L2."il à LJfi,').
/./,' riiWTIii:. — Dans la n'^giou ilu Ceuli-e, les mouuiueuls prinripaux
sont, dans le département de l'Allier : une jjartic du chœur de Sainl-
Pourçain (imité de celui de Saint-Dcnisi el le clurur d'Lhreuil, \)ù[i vers
le déhut du xiii" siècle sur le luèiuc modèle: dans Ir dc-parleiuenl du CIkm':
l'église cistercienne de Noiilac de la liu du xu' siècle, la cathédrale di;
Bourges commencée vers i27.*i, cousacii'c en l.l'J'i; r(''glis(^ Sainl-iîonuet
dre l'école Au Sud-Oucsl
52 iiisroii!i; i)i-; i;art
(l.-ins l;i iikMiic \ill('. l'c^'iilisc (l'Ail1n\■-l<'-^ i<'iK la in'l ilc Siinccrmiics. iln
rollllliriicciiiriil il II Mil' sirclr ; S.'ii lll-( liMI il (ilir illl I>i;inc ' Xll'Cl Xlll' sirclr i,
Lcvidux <l Mc'zii rL'.s-ca-l>rciiii(' liidic;, des xiii' et xi\' siècles.
Ai;riiiri:e,Trr',i: eiviii:. MiriiAiitE kt iMoxASTion;. — L';ii-eliilei-|iire-
pil|j|i([lie lie |;i |ir'|-ii)ile i;olhii|ue esl 1res ilili'TessaM le : ;ni\ xm' el M\' siè-
cles on a eiinliiiui' d'élever des ponts, des aqueducs, des phares; les com-
munes oui ariirmi' Imir puissance par la consiruclion d'hôlels de ville et
de lielïrois. el mil eiiiln'lli leurs places de riinlailies un iiiuiiii'li I aies. I^es
eiiIrepiMs du cummeici' el les liùjiilaiix qui/ la cliarilé rde\ail eu grand
nombi'C onl élé aussi des édifices salubres, soignés el élégants.
On peut citer, le ))ont Saint-Esprit, élevé par les soins des frères
Poidifes, les ponts Saint-Martial et Saint-Etienne à Limoges, le ponl de
la Frégeoire à Najac (l'2r>S), le Ponl de \ ;ileiilré xin' siècle) à Cahors
I lig. '20), le pont de Champagnac el la llnqiie (lanli, du xm' siècle; les
pouls d'Ui'Iliez. Meiiile, Allii. l^iil ravgues, Bnurdeilles el Nyons. Les
ai'ches sont g/'iiéraleiiienl en I iers-poini ; les ciiIi'm's fornienl des éperons
I l'ianglllaires qui eiiil|ienl le enuraiil . dilllinuenl sa prise el di''ri\elil sniis
les arclies li's objets llollés.
Les fontaines onl eu une grande pari dans les préoccujialions de nos
ancèlres, el ils uni sii leur diiiiner di's l'urmes lienreiises, siiil qu'ils les
aieni adosséi's à une eolliue nu à mi mur, a\ ce un liassin cou\erl, acces-
sible par une on plusieurs arcades (exemples à Lecloure. à la fnnlaine
de llomiili'die . siiil ipi'ils aient pi'éfén'' isoler une vasque circulaire, avec
pile ceiiliale iiinnie de gargouilles (d pnri anl unclochelon ou un motif de
slaluaire, comme le Saint-Martin à (dieval, ligui'e de bronze, ([ni couron-
nail la fontaine dite du « (llievalel ", à Limoges. Sou\ent ces fnnlaines
ont deux vasipu's superposT^es : la ^•as(ple snp(''rieure. i''le\(''c siii' nii pied
au eenlre du bassin, esl percée de gargouilles .sui' son pourlonr : c'esl le
dispnsilil' ipii a |ier>isli'' dans nos fontaines modernes. 11 resle en France
très peu d'édi lices ilc ce genre antérieurs au xv' siècle. En Italie, la l'on-
laine des Galleschi de N'ilerbe montre encore un bel exemple du xm', et
la grande fontaine de P(''rouse i lig. 7 il, sculptée par Nicolas et Jean de
r^ise, au milieu du même siècle, a deux grandes vasques polygonales
superposées, celle du dessus portée sur un quillage de ])elites colonnes.
En b'rance. on Noil les vestiges d'une fontaine de ce genre, de LJdO en\i-
roii, à Laguy.
Les aulorilés communales prenaient soin d'assurer une lioniu' édi-
liti- : l'alignemenl des voies, leur pavage, leur nettoyage, l'érection et l'en-
livIi.Mi d-'s édiliiT> piil.li.-s tels (|ne riiùlel de ville el les halles.
L'hi'>lel de \ille se pi-r^selitail sous i'asjiei-t irnne maison nobli', les
bourgeois ayant comme collecl i\ ili'' les droits et pri\ilèges que les nobles
T. II. -• •)
5i HISTOIHE DE LAHT
p(»ss(''d;iiriil en hilil (|irili(li\ iiliis. L'IiiMrl de \ illc ;i\;iil dolir uni- loilf, lu
hcfj'roi, l'orlilire coniiiic un donjon, l'I des iiirouelles arinori<'<'s. I.c licITioi
coidcnnil la lianidoclic ou idoclic du lian, servanl à appolci' aux iv-unious
les uiruduTs de la couiuiuiic. l/liiMrl de \illc axail . coininc les maisons
|(ri\(''('s. SCS sallrs liaulr cl l)as>c; à la grande salir (Mail aniirxi'c luie
(dia|ii'l|('; un caliinrl conlriuul les ai'cliixrs. cl le lii'ITroi rridVniiail 1rs
cacliols (]i- la jusiice foninuinalc. De inènie (|ue le ir/.-de-(lmuss('e d'une
maison peul èlre à usage de l)Ouli([ue, eelin de la maison commune pou-
\ail èlic lariicmcnl ouvcri cl servir de liallc. Les halles ctaicnl de grands
hangars dont le vasle loil pouvail reposer sur des pignons cl des murs
l'Ii^. 'ill. — l'uni .Ir \,ili'iilir ;i C.ilidis (ITilLS).
|perei'-s dareades, sui' drs piliers ou sur de sim|)les poleanx de liois. Aux
halles iMaienl annex(''s les lialauers el 1rs pouls el mesures puhlies.
l'eu dr ees h:diuu'uls eomuHiuaux soul anl(''i'ieurs au w' siècde. ()u
peul loulel'ois eiler des portions dhôlels de ville et helTrois, tels (|ue les
helIVois de Boulognc-sur-Mer el de Bailleul (Nord) en pai-tie du xiu' siècle.
les \csliges de l'ancien hôtel Ac \ illc de Boulogne: les halles dr Saiiil-
Pierre-sur-DiM's ((lalvados), le grenier à sel du Mans; comme hàlinu'ul
eonsaer('' à la jusiice, on peut cit(M' rollieialilé de fléaux.
Les hôpitaux forment g'(''iH''ralcmcul [lytr grande" salh" lamlu'issée. bien
isolée el liien aérée, ayant au houl une (diapcllc \ isililc de loule la salle.
Le plus reniarcpiable est l'IIôtel-Dieu de Tonneire (lig. '2(Si.
L'arcliitecture privée nous a malluHU'eusement laisse'- l'orl )m'u ilv
mouuiucnls anliM-iciirs ;iu x\' siccic. Les maisons prirent un |ieii plus de
(l(''\ ehippenienl . de luxe el d'(''h''ganee. Llles gardeut (pU'l(|Ue chose lie la
disIrihuliiMi anli(pii' : les corps de logis ne sont presipu' januiis douhh's ;
I.'AncilITECTriiE COTIIK»! I-; Dl \lll SlKCl,!-]
les pirccs si" coiiiiiKUiiIrnl un suiil ilcssi-rxics ]i;ir un coiildir (jiii iniiiic
louli' une I'mci' (le r;i|ip:u-|ciiiriil . ('.rlli' Linlcl'ic [iciil (''Ire s<iil un rori-idni-
(•l(i> (le p.'irdis cl lie \ilr;ii4fs, soil une li)i;i' oumm'Ic ipii i-ii[i|ii'llc Vdlriinii
;inli(|iir. Il csl r;iri', l()uli'iV)is, siuilcn l']>]i;iiiiir. (|m Vile nilnui r 1rs (|Uiili'('
(•r)l(''s iliin |irt'';m ; cllr rrgnc en i;'(''n('T;il sur une (in dcnx rjiccs scnlcnn'iil
ilr l;i <-(inr iiiliTiiMii'i'. niiiis souxcnl il cxisir ili' ers ^alrrics ;ui rc/.-dc-
cliaussrc cl à Icliiiic sn|i<'iicnr. I):ins lc> \illcs, beaucoup de iniiisons nul
piiïiion sur rue. La pln|iai1 cduiiircnncnl un rcz-dc-chausscc cl un mi dcnx
cloii'Cs; dans les \illcs populeuses, il cxi>la dès le xil' siècle des uiaixins
à ll-ois (■•laiics. l.e rc/.-dc-(dianss(''e c^l liin|nnrs Irès simple, peu pcici''
sauf (diez li's niai'cdiands. doni la lionliipic nu les Imieanx nul accès par
une on plusieurs arcades. Sou\cid aussi, il csl lini-di'' (l'une Ing'c à arcades
(pii pcrnu'l ;nix passants
de circulci' à cnn\erl. n\i
aux lialnlanU de la niaisnn
de iircrulrc le Irais. Le pre-
mier (M agC est le plus riidic :
il a de lirandos fcnêlrcs (pu
snni le nnirccau le })lus
orn('' de la maison. C est là
(pr(''lail la ui'andc salle :
au-dessus de la liontiipu'
(diez le maridiand. dr la
salle hasse ou salle (.les
gardes dans les diMueiu'es
nobles. L'usage des cloi-
sons légères en menuiserie pour l'ornier des relends élail assez ré|iandu.
et l'on lendait même de simples tapisseries pour établir, suivant les
besoins, de jictites subdivisions dans les grandes pièces.
(In ne craignait pas de loger plusieurs dans une m('ine (diaud)re, de
manger cl de tenir cercle de conversation dans une même pièce; de voir
dresser la table ou même faire la cuisine, et de montrer son lit aux visi-
teurs, (lelte simplicité, loin d'(Mre de la barbarie, obligeait à de la leiuie.
Les pi(''ccs étaient donc sensibiemeni moins nombreuses ([u'aujour-
dlmi.
La grande salle des demeures riclies élail surtout une pièce d'appa-
rat, pour les actes de la vie officielle; elle avait de vastes dinuMisions et
l)lusieurs cbeminées; (liez le> parliculiers, (•'(■tait l'équivalent des deux
pi(''ces (pie nous nommons salon cl salle à manger, délies des palais
axaient une tribune j;)()ur les uuisici(Mis; sous celle Irilmue on logeait
r(''idiansonnerie cl la ]ianelei-ie. Les grandes salles seigneuriales élaienl
loules rcli(>es à la cliapcllc cl aux appai'l emeid s du seigiu'ur; elles a\aienl
.Ir rll..l ■l-Di.ll ,lr I'
3 fi
IIISTOIIiK DH LAlîT
Il il n'ce\;iil les Iioiiiinaucs cl iTiidiiil la
une csiiatlr |ii>rlanl un [i'('iii
juslicc.
Les clia|)cll('s privées onl deux divisions, cliapelN' liasse, (■((iiiinuni-
quanl avec la salle liasse, poiii' les scrvileiirs, el eliajielle hauie reliée aux
appartements du seigneur. Un peut citer comme licaux exemples du
xiii^si^cle celles de l'archevêché de Reims et du Palais de Paris.
Le rrlrail ou chambre à coucher avait pour dépendance la (jardc-
rohc, que nous appellerions cabinet de toilette et lingerie. Chez les
lirinces, la chamlire de retrait conimuniipiail aussi avec des caliinels où
'iM. — Gi-iiiiic snllo lie l'IIopilnl do Tonnerre (fin du xiir siècle).
logeaient des gardes, un uraloire, une c-^liidc ou cabinet de travail, une
clianibrc de pru'cmt'iit servant de salon d'audience, el une antichambre. S'il
était usuel de loger plusieurs dans une chambre et même dans un lit, il
était, du xi' au x\ i' siècle, i(''|iulé convenable d'aviiir pour chacun des
latrines distinctes et de ne pas s'y rendre ostensiblement; aussi les latrines
sont-elles multipliées et sont-elles souvent une dé]ien(lance du reirait i^t de
la gai-de-robe doni, finalement, elles prirent le nom.
Dans rarcliileclure civile, les voûtes sont rares aux étages supé-
rieurs; la jiliipart des grandes salles en sont dépourvues, tandis que
presque toutes h^s salles basses sont voûtées. La voûte d'arèles, la voûte
en berceau cl la coupole n'ont jamais cessé d'iHre en usage; les formes
des arcs sont plus variées el les arcs en plein cinire ou surbaissés sont
plus fréipicnls ipie ilans rarcliileclure religieuse.
LAiiciirrHCTUP,!-: (ioriiioci-: nr \iii sikclk
Les rli('iiiiii(''cs ont dr i;i;»nili>s (liiiicnsioiis cl un as|)(^cl iiKiiuiiiicnhil :
elles oal conservé parfois la I'oi'iik^ (Iciiii-cii'cuiaiiT, plus usiliM- à l'('|io(|ii('
romane, mais le plan reclangulair(^ est plus ri'cMpicnl : la liolle a la l'ornic
dune pyraniiile ; 1rs piédroils soni i^(''néralemenl ornés de colonnelli's.
Les cuisines drs aliliayes, cliàleaux cl aulrt^s grandes demeures sonI Ion!
à fait monnmcnlalcs : depuis le xii' jus([u"au xvi" siècle, les exemidcs suli-
sislants cl les ligures d'un cerlain nombre d'exemples disparus monlrenl
une Iradilion conslanic ; la cuisine, souvent isolée par crainte d'incendie,
Inruie une i-nlnnde (lu uii carré: la rotonde est la forme la plus ancienne:
tout auloui' s'alignent des cheminées, et, au centre de la xdi'ile, une
ouNcrlui'c ciicidaire communique avec
un grand lanternon (.l'appel.
Les escaliers peuvent être en Lois
ou en pierre, intérieurs ou extérieurs,
droits ou en vis. Beaucoup sont exté-
lienrs: les uns droits, applicpu'-s à une
façade, porh'^s sui' un grand demi-
cintre, cl couxcits d'un appentis: les
autres logés dans une tourelle carrée,
cylindrique ou à pans.
Les fenêtres ne ressemldenl pas.
en général, à celles des édillces reli-
gieux. 11 est vrai que l'on en trouve au
xiu'' et au xiv' siècle qui ont le tracé en
tiers-point, les fenestrages, parfois
même les frontons aigus des fenêtres
d'i'glises, mais elles en dilTèrent esscn-
lielleinenl |)ar l'emploi de cliàssis de
hois ou\'i'ants, au\<piels ri''p<indcnt des
l'euillures liatlant sur un linteau (pii traverse la l'eiuM re d'uni' inijiosie A
l'autre. Le tymjian est une verrière tlormante. Les armai ures de |Hei-re
sont plus épaisses, afin de résister à léhi-anlcment du liattenicnt des châs-
sis. Ces fenêtres sont exceptionnelles ; d'autres formes plus fréquentes
sont mieux apiiropriées aux dispositions de l'archileclure ci\ile : heau-
coup n'ont (pi'un linteau soutenu par un mencNui, g(''néralenn'id iii loi-nie
de colonnette ; le liideau peut, connue à l'épofpu' préciHlcnlc, être cniié
d'arcalures ou entaillé d'arcs simulés, ou encore suinundi' d un aie de
décharge. Il peut exister un tympan plein et orne, ou jiercé d'uiw ouver-
ture, parfois rectangulaire et munie d'un cliAssis ouvrant.
A partir de Iti.'O environ, commence ;'i entrer en usage un système
de fenestrage appelé rroisrc; c'est l'étrésillonnemenl d'une baie rectangu-
laire par une croix de pierre à feuillure inléi-ieure dans laipielle \ieniiiml
Uolrl V^
IIISTOII'.K DK l/AliT
IpiiIIic (jiKilic châssis el aulniil do volrls inlrricuis. Lii croisse semble
a\oii' (Hé connue des lioniains. coninie le |ii()n\enl une di'couvei'le l'aile
à Sens en IIIO."), certaines peinUires de l'oni|ii''i el cerlains l()nd)eanx
l'upeslrcs de Syi'ic; mais les plus anciennes croisées à dale ceilaine du
moyen âge sont une fenèlre du cliàleau de Boulogne, en l'JT)!, celles du
palais des comtes de Champagne à Provins, vers 1210, cl la Maison des
musiciens à Reims, vers la même dale.
Les colonnelles et autres meneaux oui généralement à leur partie
jiosl(''ri(nux' une languette de jiierre percée d"ou\i'i'lures jiour les \errous
des châssis; on préféra liientôt une
|iièce de Iiois doublant le montant
de pierre. Les embrasures forment
des sortes de niches, car le mur
c|ui s'(''len(l de l'appui de la l'enc'lre
au sol n'a jias besoin d'(''paisseur,
el il est commode cpiil soit mince
pour cju'on puisse s'appi'ochcr des
châssis et volets et se pencher au
dehors. Cette paroi s'appelle (illèi/c.
Les embrasures ont des bancs de
piei're en vis-à-vis; on y posait tles
coussins.
La jilupart des pièces sont
couvertes de planchers à poutrelles ;
celles-ci viennent s'assembler soit
sur les maîtresses poutres, dont des
corbeaux de pierre soutiennent les
extrémités, soit dans des lam-
bourdes appliquées à tous les
murs de la pièce el })i)rlées sur une suite de corbeaux. Les entretoises
sont décorées de peintures formant en général des suites d(^ médaillous,
comme dans les beaux plafonds du musée de Metz.
La société féodale, sétant beaucou}) policée, ne se résigna plus à
se conliuer ilans des tloujons obscurs; le château gothique est un palais
forlilié. Ceux de la petite noblesse rurale, spécialement dans les pays
pauvres, restèrent conformes à la tradition romane; composés d'un
donjon souvent cai lé el d'une chemise. Dans les châteaux de luxe, comme
à Coucy vers LiTiO, le donjon peut garder toute son importance et rester
isolé; mais dès le même temps, à P)Oulogne-sur-Mer (i'i")l), on voit un
cliàleau sans donjon, ceinture octogone de bâtiments autour d'uin^ espla-
nade, :i\ec tours aux angles. Là mé'nie où le (k)njon subsisli' et g:irde son
AliCHni.CTLHi: (iOTIIlOlK di mii sikcle
TWW(
I
iii(li\ idiuililr. Ir reste des liAlinienls a }M-is un gi-iind dévelopiieiiicnl : ils
s'appuieiil à rcnceinte extérieure que défendent des tours puissiuiles: ou
peut donedirc que le cliàleau cjothique est le développeuieul de la clirniisc
du eli.'deau roman, des li:'dinu'nls (pii s'y ajipuienl et des loui's (lui la llan-
([ueul. Dans ces bàlinieuls s'espacent assez à l'aise tous les ser\ icr-, d'un
palais et d'une forteresse; logis de la iiarnison, cuisines, grandi^ salie, cdia-
pelle, appartements du seigneur et de sa suite; magasins et arseiuuix.
Les donjons de l'époque de transition ont reç;u des plans vaiiés,
jtarfois compliqués a(in de ]U'ésenler un meilleur llan([uriHrMl ; le Iracé
cai-ré persiste touiel'ois. et, comuK^
lout(^s les formes simples, persis-
tera toujours dans les onivres peu
soignées; le tracé circulaire tend à
prévaloir de plus en plus, et l'on
trouve, dans la seconde moitié du
xii" siècle, le tracé cylindrique ren-
forcé d'un éperon du côté le plus
(wposé. Philippe Auguste adopta et
lit prévaloir li^ 'yp'^ cylindrique
avec porte, non plus à l'étage supé-
rieur, uKiis à rez-de-chaussée avec
ponl-lex is sur le fossé qui entoure
le diiiijiin.
A l'époque gothique, les ar-
clières se multiplient. Li'urs em-
brasures sont gainies de bant^
comme dans les l'enéfres ci\iles.
l ne des iiarlies les idus précaires , , "'"' '"'"'
' ; 1 11,,. ,.1. — lioiijcii .!.• (..Mic\.
de la l'oililicalion élait les hourds;
on a vu (pic. dès la seconde moitié du \if siècle, on les a parfois r(Mupla-
cés par des mâchicoulis portés sur de grands arcsifig. ,10). A parlir de
l'i~)0 environ, apparaît un autre système : à celte époque, le donjon de
('.ouc\ ' lig. .11 I et, d'après les dessins cpi'on en a conser\és, l'ancien don-
jon de Pont-de-l'Arche, ont reçu des consoles de pierre poui- soutenir
des hourdages. La porte de Laon, à Coucy, qui date aussi du xiu" siècle,
conserve une poutre de hourd reposant encore sur des consoles de pierre.
Les chAteaux du xiii'' siècle sont innombrables. Il faut citer aussi paimi
les plus beaux types d'arcliileclure niililaiie. les reni[iarls de ( '.arcassoniu-
et d'AitiUi'S-Mortes.
L'archileclure nutnaslique a prodnil an xui" siècle, en France cl lioi:
de F'i'ance dans les styles français, des monunienis 1res remai-quables
4-0 HISTOIRE DE EART
surloiil ceux de l'ordre de Cîleaux, qui achevait de supplauler alors le
vieil ordre de saint Benoîl, et qui, de Bourgogne et de Champagne, se
répandait jusqu'aux limites de la chrétienté, portant avec lui les
modèles d'art de la lerre natale, épures selon le goût austère de saint
Bernard.
II
PAYS-BAS
En Belgique, le style du nord de la France et de la Champagne se
comhine avec des influences germaniques dont la Champagne elle-même
n'est pas exempte ; mais l'influence française reste prépondérante. Elle
a dans Tournai un centre d'action et de rayonnement, et les moines de
Cîteaux la propagent d'autre part en élevant des monuments tels que les
belles églises de \'illers et d'Aulne. Le plan champenois de Braisne et
d'Essomes se retrouve à Saint-Martin-d'^ près et à Lisseweghe; le plan
de la cathédrale de Tournai, souvent imité, présente comme à Soissons
un déambulatoire à chapelles polygonales égales et peu profondes, réu-
nies en une seule Iravéc de voûte avec la galerie qui les dessert.
i^a Belgicpie et la Hollande ont deux remarquables monuments de
Iransition : le transept de la calhédi-ale de Tournai et l'église des reli-
gieuses de Citeaux de Kuremonde. La première est très inilucncée d'art
germanique; la seconde appartient comjilèlement à l'école rhénane et
date de 1218 à L22L On sait que le chœur ])rimitif de la cathédrale de
Tournai, fondé en H 10, n'avait été consacré qu'en 1171, et voûté vers
II!MI. Le transept est évidemment de la même construction, jicut-èire un
peu antérieur; il marque un slyle jdus récent que la nef, par laquelle la
construction a commencé. Il se termine en absides pourvues de bas côtés
et de tribunes à voûtes d'arêtes, mais dont la voûte haute repose sur six
branches d'ogives épaisses et de prolil carré, convergeant à la clef d'un
grand arc-doubleau brisé. La partie droite du transept et sa tour-lanterne
appartiennent à un style plus avancé. Les ogives y ont pour profil deux
boudins séparés par un rang de têtes de clous.
L'église de Ruremondc réunit tous les caractères germaniques : plan
Iréflé, petites tours carrées llanquant le chœur, lanterne octogone sur le
transept, nef à travées carrées répondant chacune à deux travées de bas
côtés et de tribunes, vaste narthex affectant la disposition d'un transept
occidental, et grosse lour carrée sans portail à l'ouest de ce narthex.
L'aliside de l'est a trois alisidioles desservies par un déambulatoii-e étroit
connue une simple coursière; les absides du transept sont à pans ; la lan-
L ARCHITECTIRE GOTHIQI'E DU XIII' SIKCLE 41
terne a un triibrium, et toute Tcglise est couverte de voûtes <l'o<;iv(>s,
celles du vaisseau central agrémentées de clefs pendantes. De ioiu'ds
pans de murs transversaux chargeant les doubleaux des tribunes tiennent
lieu d'arcs-boutants.
L'église abbatiale de Saint-Bavon près Gand, consacrée en 1195, dé-
molie par Charles-Quint, semble avoir été un magnifique édifice gothique
primitif. Elle avait une tour centrale, deux au transept, une quatrième à la
façade, et une cinquième sur le bas côté sud. Il n'en reste qu'un portail
latéral. L'église Saint-Martin de Saint-Trond appartient au même style,
mais elle est très simple. La belle église abbatiale gothitjue de Florcffe,
reconstruite entre M88 et 1250, a été complètement défigurée au
xviii'" siècle. Saint-Pierre de Tournai, malheureusement démoli vers le
milieu du xix" siècle, était un type charmant de l'art transitionncl. La tour
centrale carrée était flanquée de tourelles rondes et formait à mi-liauteur
une sorte de lanterne voûtée d'ogives avec triforium; une élégante galerie
régnait à la base du pignon de la façade. La haute tour carrée de Saint-
Piat, dans la même ville, présente encore un bon exemple du style de
transition ; celle d'Anloing près Tournai est presque semblable.
L'abbaye cistercienne de Villers, fondée en 1147, fut commencée seu-
lement en 1197; l'église fut achevée vers P27y sous l'abbé Arnould de
Ghistelles; reprise el agrandie au xiv" siècle, elle appartient au style fran-
çais de l'époque. L'abside à pans est simple; le transept a deux i)as côtés,
celui de l'est formant chapelles; la nef a des voûtes sexpartites dont
chaque travée répond à deux travées des bas côtés sans que cette dispo-
sition influe sur les piliers, qui sont tous en forme de colonnes. En élé-
vnlion, l'abside présente une disposition originale, à trois étages : en haut
et en jjas un rang de fenêtres simples en lancette, et entre les deux un
rang de baies en plein cintre que remplit une superposition de deux œils-
de-bœuf, ordonnance analogue à celle de quelques églises de transition de
l'Ile-de-France, Poissy, Champeaux, Moret, Notre-Dame de Paris, (".elle
disposition se répète aux extrémités du transept. Les arcs-boutants sont
très simples et, à l'extérieur, de grands arcs de décharge surbaissés son!
bandés entre les colonnes engagées sur lesquelles ils s'appliquent. Une
grande partie des bâtiments claustraux sont conservés; les plus leniar-
quables sont la cuisine et le réfectoire du xiii" siècle; la cuisine, avec sa
grande cheminée centrale, rappelle en plus grand celle de Bon|>ort.
L'abbaye cistercienne d'Orval (Luxembourg belge) appartenait à un
style jilus particulier à l'ordre : l'extrémité de transept conservée montre
trois ])aies en plein cintre, garnies d'élégantes colonnettes et surmontées
dune rose à six grands lobes circulaires ; ce débris rappelle absolument
l'art bourguignon de la fin du xu" siècle. Les églises abbatiales des Dunes
et de Ter Doest, bâties au xui' siècle, étaient les plus belles de la Bel-
T. II. — t»
12 HISTOIRE I)H LAHT
Inique; iiialhriircnsciiicnl , elles onl été délriiiles en IJ71 |);ii' les pidles-
laiils, mais à côté de In seconde suhsisle l'éiilisc pai'oissialc de Lissc-
Nvei^he, l.\pc très pur el 1res liclie de larl du xm' siècle.
Kn Hollande, l'église d'AdrlNvcrlli lui lnilic en l'Jli surir modèle de
('.lair\aux.
l/é;^lise paroissiale de Paniele à Audenaerde est dah'e de l'jri,"ipar
une iiiscri|>[i(in qni donne le nom du uiadre de l'œuvi'c, Arnould de Bin-
(dir ; en l'J.",S, elle était terminée. Clest donc un édilicc d'une i^rande
unilé, à |iart un liras du iransepi et un bas C(Mé reconstruit au xiv'' siècle.
Le déambulatoire n'a qu'une t;rande chapelle; une tour octogone s'élève
au centre du transepi ; les suj)ports sont en forme de colonnes; le tril'o-
lium esl composé de petites lancettes sur colonnelles; les fenêtres, sauf
dans les élroils pans coupés de l'abside, sont des groujies de trois
laneeiles encatirées d un arc en plein cintre.
Brux(dles conser\ e, de l'archilecture du xnrsiècle, le eli(rur de Sainte-
Gudulc, commenré \ers l'J'20, et Notre-Dame, qui, érig(''e en paroisse en
l'JIC», dut être rebâtie à cette date. Sainle-Gudule a un déambulatoire à
chap(dles peu profondes, à deux pans, avec fenêtres en plein cintre, el de
grandes l'eniMic^ liaidrs en liers-puird garnies d'un rirhc iVncsIragc el
couronnées de IVoidons aigus. ( l'est peu a})rès li'Hi (|ue l'urenl (■le\('>s le
(direur et le transepi de Notre-I)ame dite la ('.liap(dle. L'abside à jians a
de grandes ren(''li'es en jdein cintre eneadr(''es de moLdui'es et de eubm-
nettes et que ganiil un l'enestrage comme ceux de Heims. La eoi-nielie esl
senlpl(''e de l'eiiillages el de ligures grinuicantes.
Iiini liai p<issède eiii(| nupiiunieiils remarquables du xm' siècle : Saiiit-
(liK'iitin 'eu gramle parlici, Saiiil-.Iae(|iies. b:\li de l'JI'.l à LJ57 |iar
révè(|ue (laulier de Mar\is; la -Madeleine, bàlie en Li.M; Saiul-Nicdlas
(l'-ML, et surloul le elin'iir de la eall!<''drali'. (bnil il a i\r]i[ vlr (piestiun.
Les [)remiers oïd subi l'iiillui'iiee geiiiiaiiiipie. tandis ([lU' le eb(eur de la
cathédrale est un bel exemple d'ail l'iaiieais.
Saint-Martin d'âpres lui eiiiiimeiic('' en l"J'Jl,par le saïul iiaire ; en
l'ib'l, on élevait le transept el la iiel'; la l'aeade et la tour ne dalenl ([ue du
xv' siècle, dette église a le jtlan de Saint-Yved de Braisne : abside siuqile
el s(^ i-accordant au liansept par quatre (dui]>clles décroissantes tracées
en éxtiitail. J^es piopitrlions sont belles et rai(dntecluii' a beaucoup
d'élégance. Tous les |iiliers onl la l'orme de colonnes élancées à chapi-
teaux octogones ; b^ tril'oiiuin se conqiose d'une suite de baies étroites el
liaules en plein eintie dans le elin'ur, e| reposant ail eriiali\ cmeiil sur des
coloniK'ttes isob'es et coujdées, taudis ipie dans la iief elles dalenl du
xiv' siècle et sont aiguè's, ornées de redans et ir(''coincons évidés, el ]ior-
tées sur des faisceaux de colonncttes prismatiques. Le triforium du croi-
sillon nord marque une date et présente une forme intermédiaire, tandis
L'ARCHITKCTIRF. COTlIInn-: 1)1 Xlll SIKCI.H
que celui du suil a des arcades gvniiiiées plus riclies. La mse sud du
Iransept esl très ori_<i-inale par s((u li;n('. Le riin'ur a deux ('•lai;cs de
fenèU-es, géminées dans le bas, el i'oi-uiaiil en liaul des tiioupes de Irois
lancelles encadrées d"un arc en j)lein cintre (pii c<)n-es|)(in<l aux loi luercls.
Une coursière extérieure traverse ces l'enélres liantes. Parmi les foimes
originales de Saint-Martin, il faut noter des arcalures du xni' siècle, les
unes surl)aiss(''es. les autres
ayant, au lieu tlun arc, un
linteau sur corbeaux.
L'église Sainte-W'aU
burge de Furnes, construilr
de 12.10 à LJSO, fut incendiée,
eu pa|-|ie dcM l'iliie. el rebâtie
en 1,")^).". (i'esl un monument
en lu'iipie et pierre conçu sur
un vasli' plan: mais le cluxur
seul subsiste, a\i'c la partie
(irienlale (hi lranse|il el le>
l'csles d une nel'du xiv'siècle,
miséralde el inachevée. Le
clio'ui' a un déambulatoire à
cin([cbapclles ; de grandes cha-
pelles rectangulaires s'éten-
dent à l'est du transept el se
relient au il<''ambula toire,
comme ù Notre-Dame de
Saint-Omer. Les ])iliers en
pierre di' Toui-iiai uni la Inrme
di' hautes colonnes a\ l'c eha-
pileaux octogones à crochets di> faible relief; la parlie haule de I l'diliee
esl courte par rapport au déaml)ulaloire; la voûte, les chaj)ileau\ de>
colonnettes cjui reçoivent ses arcs, les l'enestrages el les ai'cs-boidanls
sont refaits au xiv'' siècle. Les arcs-boulauts Ac briipie poi-teni, sur des
claires-voies ajourées de quatrefeuilles, des caniveaux iucliuc's. Le Iri-
forium est une suite de baies étroites séjiarées |)ai' de haules coloinieites
el amorties non par des arcs, mais par des linteaux siu' eoibeaux.
A Gand, une église intéressante du xii et du xni' siètde. Saint-
Nicolas, avait originairement une tour-lanleiue voûtée d'ogives, une nel
sans voûte, éclairée ]iar des groujies de irois baies; le pignon occidental
et ceux du lran>epl sou! Ilampiés de lonielles: le diNHubulal oiic est
enl(nu'é de chapelles peu profontles du l>pe de la caihédrale de loui'uai.
A Bruges, deux urandes églises du xm' siècle, Notre-Dame el Sainl-
111' cl !«■( ,\,
ll-\l.llli
,|-V|,
U IIISTOIlîE DE L'ART
Sauveur, oui un draiuluilaloiie à cluipeiles, et des piliei's en i'aisceaux
de colonneltes, eL non de grosses colonnes uniques, comme la plupart
des autres églises du même pays. A Notre-Dame, le transept est plus bas
que le vaisseau central, et le trilVuium a été refait au xvii" siècle; à Saint-
Sauveur, il se compose dune suite d'étroites lancetles.
Les principaux édifices monastiques de Belgique sont, à Saint-Bavon
près Gand, un cloître et les ruines d'une belle salle ca[)i(ulaire de style
gotliique jiriniilif, et les ruines de \'illcrs.
Le plus bel édilicc civil esl le bàlimcni des Halles d'Ypres, élevé
L,-^ ll,,llc:,a'Vl,n
de ItiOl à ir)04. Sa façade antérieure est longue de 155 m. 10 cm.; le
bellVoi, partie la plus ancienne et la seule voûtée, occupe le centre. L'aile
de droite, ou vieille Italie, fut achevée en 1250; l'autre en 1285; l'aile en
relour ou conciergerie, au xiv" siècle seulement. L'ordonnance esl néan-
moins très homogène ; elle comprend sur la façade 4i travées pourvues
de porles au-dessus desquelles des fenêtres sont disposées comme des
tympans; l'étage supérieur a de belles fenêtres en arc brisé à remplages
découpés, et ses trumeaux sont oiMiés de niches et de statues.
Un autre bel édifice du xui' siècle, l'Hôtcl-Dieu de Gand, dit la
Bylofjue, conqu'cnd deux giaiids bâtiments en rectangle allongé, paral-
lèles et contigus; l'un est la chapelle; l'autre, qui était la salle des
malades, est plus élevé, pour\u d'un portail à deux baies dont le
I. AlîC.IlllECTURE COTHIOrK DU XIII SIKCLE
lym]i;in ^t'iiiim''. richeinenl sculplé, rejirésciile le Trépas ilc la \ iiTiço.
Le Ix'lTioi de Tournai date également du \\i\' siriTe dans sa parlie
inférieure. Cest une tour carrée isolée, garnie aux angles de tour(dl<'s
octogones à flèches de pierre. Entre les tourelles sont jjandés de gr-ands
arcs de décharge en tiers-poini, mais ces tourelles et ces arcs send)l('nt
une addition faite pour consolider la lour après l'incendie de IT)'.!!. L'ar-
chitecture primitive était donc plus que simple.
Tournai possède des restes de maisons du xui'' siècle, notamment, rue
Saint-Piat, une remarquable façade donl les
grandes fenêtres à croisées, avec colonnettes
et corbelets, ne sont séparées que par des
trumeaux presque aussi étroits que les me-
neaux, suivant un type qui deviendra usuel
dans la région aux siècles suivants. La mai-
son des Templiers, à Ypres, est remarquaidc
par les trois belles fenêtres en tiers-point et
à tympans découpés de son étage supérieur.
L'architecture civile et militaire du
xiu'" siècle est brillamment représentée au
chAteau de Gand : sa grande salle de six tra-
vées s'élève sur une salle basse dont trois
rangs de colonnes trapues portent les voûtes
d'ogives et se couronnent de puissants chapi-
teaux à crochets.
En Hollande, l'influence du nord de la
France se répand par Tournai. A Damme, au
xni° siècle, l'église ruinée de Notre-Dame a
des ])iliers en forme de colonnes à chapiteaux
octogones à croc-hets, i4 des gi-oupi^s d<^ Ir-ois
élégantes fenêtres en tiers-point dans l'em-
brasure desquelles circule une coursière; elle
n'a pas de triforium, car les bas côtés comme
la nef étaient sans voùle. L'église d'Ardenburg en Zélande a les mêmes
supports plus trapus et un triforium pareil à celui de Sainl-Jacques de
Tournai; la nef est sans voûte et les bas cùlés ont des fenêtres géminées
comme à la Madeleine de Tournai. La chapelle sud de la calhédrali' île
Bois-le-Duc date du xnf siècle. La callK'dralc drircclii, hiiliedr |-J.')i à
L267 est une très grande église dont la nef, écroulé(; en KiTi-, n'existe plus.
Le plan du chœur est analogue à celui de la cathédrale de Tournai.
Le grand jiorlail du xui" siècle de Sainl-Servais, à Maeslriclil, est
remarquable par si's nondin'uses voussures en tiers-poiid, ses piédroits
garnis de colonnelles <•! de slalues, et son tympan du Trépas et du ('ou-
-40 HISTOIRE DE L'ART
l'oniicmeiit do la Vierge, analogues aux œuvres franeaises du même temps.
Ce porlail ('lail entièrement couvert de peintures qui ont été raiVaîcliies.
iJans le nord de la Hollande, eomme en Danemark et dans un(^ })ai'-
ti(^ de liVllemagne, sous rinlluence sans doute du commerce maritime,
une série d'églises du xiu' siècle se sont inspirées de lart du sud-ouest
de la France; si, elles en ditTèrent, c'est surtout jiar l'emploi de la hriqueet
la pauvreté de l'ornemeniation. Ce sont des monuments à nef unique et à
transept saillant, divisés en travées carrées, couverts de voûtes d'ogives
l)ombécs, dont l'appareil se rajiproche de la coupole et dont la croisée
est rent'orc(''e d(^ liei'nes. A ce type aj)parliennent l'église de Stedum, C[ui
pr('S('nle une aliside comme la cathédrale d'Angers; les églises de Zuid-
Lrock et Winsclioten, qui ont le chevet carré. Dans la seconde, les fenê-
tres sont groupées par deux comme dans les modèles franc-ais. Au même
groupe se latlaciie l'église de Termondr, près An\ri-s. (|ui a, comme ses
modèles, des coui'sières iidéiieiires sur lappui des l'enêties. Des arca-
tures règneni au dedans et au dehors sous 1rs f('U(Mres de ces églises; à
Tcrmonde, celles du dehors sont de grands arcs qui encadrent les fenê-
tres, et toutes quatre ont des rangs de petits leils-de-hceuf ouverts sous
les fen(''tres principales, particularité qui n'est pas d'origine frant^-aise.
La Hollande conserve très peu d'architecture civile antérieure au
XV" siècle. L'ancien hôtel des Loteries, à La Haye, n'est autre tpie la
gi-ande salle du palais achevé |)ar Florent \' en l'2!)l ; c'est un édilice de
iiii(pie allongé, dont le pignon de façade est llancpu'' de deux tourelles
l'ondes contenant des escaliers. Elles ont encore la décoration gei'ma-
nique et romane qui consiste en plates-bandes de })eu de saillie raccordées
à une fris(^ de petites arcatures. Le milieu de la l'acade es! jicr((' d'uni'
rose entre deux fenêtres houchées en tiers-iioinl avec meneaux et tym-
[lans ornés de trèfles; un rang de (puitrefeuilles inscrits dans des cercles
surmonte ces trois haies, et le pignon est occu})é |)aj' un fcncsliage
simulé jiercé seulement de einq ouvertures du même genre.
III
ALLEIVIAGNE
Un texte célèbre affirme l'origine française du style gothique en
Allemagne; une chronique contemporaine rapporte, en effet, que l'église
de ^^'impfen-im-Thal, dont le clueur gothique date de Li.M) à 1278, fut
construite « opcrc /'rtinci<i('iw » par un maître d'œuvres niand('' de Paris.
L'Allemagne a gardé l'architecture romane jusqu'à la lin <luxin' siècle,
LARCHITECTURE GOTHIOrE DU Xlll" SIECLE 47
iiiiiis d('s le conuueiiccincnl du inènie sii'clc, l'iirl ij;ollii(|iic v lui ;i|i|)(M-lr
|i;u- des iirlisics fraurais ou par des Allemands (jui étaieni allrs Iravaillrr
eu Fruuee. Un Irouve alors des uionuuicnls oit la dreofalion i;-ollii(|uc
el quelques voûtes d'ogives s'adapleni, à une slrudure loulc romane :
c'esl le produit de la eollalioration d'artistes initiés et non inilirs au nou-
veau style; telles les églises de Munstermayfeld et Freiberg, les callir-
dralcs de \\'orms, Naumliourg, Bamberg, Bi'unswick, Padcrborn.
La ealliédrale de Bamberg l'ut r(diàlie après l'inccndir Ai- IIS."»: ci
l'JOI. (Ml y plaeail les reliques de sainte Cunégonde; en l'JT.T, cul iirn I;
cons('(raliou, et des indulgences furent accordées jiour la conlinual ion di
l'ieuvre jusqu'en 1274. Elle a le plan
germanique à deux absides, et des
voûtes d'ogives bombées; sa scul-
pture rappelle celle de Beims.
Des voûtes d'ogives ont él(''
appliquées à des nefs romanes dont
les bas ccjtés conservent la voûte
(i'ar("'les. à la cal InVlrale de ^layence,
la cathédrale et Saint-Martin de
\\'(irms, Sainl-\ il d'l']lKvangen,
Arnsbourg, Fril/.lar, tandis qu'à
vSaint-Cunibert de ( '.ologne,à Sigols-
heim et Wildenliauscn, les bas côtés
eux-mêmes sont voûtés d'ogives;
à Bacharacli, les bas côtés à \()ùtes
d'ogives sont surmontés de tribunes à voûtes d'arêtes; deux lia\éi's de
bas côtés correspondent à une travée de nef. A Sin/ig, ni("-nie s\slcnii\
loule la structure y es! romane, quoique la \oûle d'ogi\es règne
parloul. Les bas c(')li's el les tribunes ont d(^s arcades en plein cinlre:
les fiMiélies liaules oui la foi-me d'(''ventails festonnés; au centre du tran-
sept, une coupole à pendenlils est pourvue de toute une armature de
branches d'ogives, el la voûte d'ogives bombée de l'absith^ a la foiine
générale d'un cul-de-foui-. A Sainl-Ouirin de Xeiiss. les absides du tran-
sept onl des culs-de-four; la lanlerne, une coupole sur branches d ogives;
la nef. les bas côtés, les tribunes, des voûtes d'ogives et des ai-cs en liers-
|ioinl : l'ornenienlalion esl bien gothitpie. Les églises de Saiul-Maiiin de
Wcirnis. (ineli\ Hier el llo^lieim > Alsace ■,( iei'reshi'im. l!and)ei-g, b"i-il/.lar,
Kai-lsb(uirg. luikenliach. ()>nabriick, l'église de Sion à Cologne, prf--
senteid touli's le uH'me mélange d'arl roman cl golhique. la mi'nie allcr-
naiiee de tieux lra\(''es de bas côtés pai' cliaipic lra\(''e de nef. l n des
UH'illeurs tvpes du <i-enre est l'église de Munstermayfeld. du .\m siècle,
-<.,M|M-,i,.\\,,.,|lM,
48 HISTOIRE DE L'ART
Joui la tour occidcnlalc, l)arlongue à toiirollcs, rappelle certains clochers
(lu Languedoc avec lesquels cependant, elle semble n'avoir aucune
j)arenlé. Les trois larges travées de nef ont des piliers en faisceaux de
colonnes, des bas côtés, des arcs-boutants; le transept a des absidioles;
l'abside principale a une voûte bombée et une galerie extérieure surmon-
tée de frontons.
La cathédrale de Bonn, malgré ses voûtes d'ogives, a tout l'aspect
cxlérieur d'une église romane; le système de ses piliers, en faisceaux de
colonnes de diverses dimensions, le style de leurs chapiteaux à crochets,
sont parfaitement gothiques; les voûtes, de plan carré, sont sensiblement
bombées; la nef n'a pas d'arcs-boutants; ses murs épais sont allégés par
un triforium à petites arcades sur colonnettes, et par une coursière tra-
versant les embrasures des fenêtres, qui sont groupées par trois. Les dou-
bleaux à double voussure sont en tiers-point ; la j)lupart des autres arcs
en plein cintre; les fenêtres des bas côtés ont le type original et essen-
tiellement germanique en éventail festonné. Le transept se termine en
absides polygonales; le chœur simple est éclairé par des œils-de-bœuf, et,
à cause des stalles, les colonnes engagées qui reçoivent la retombée
de ses voûtes reposent sur des encorbellements sculptés et de forme
puissante.
Plus franchement gothique, et d'un style plus bomogène, l'église
Saint-Arbogaste de Rouffach est un intéressant monument du style ogival
primitif, avec l'alternance germanique des travées. La nef s'éclaire par
des groupes de trois fenêtres en lancette; les piliers ronds alternent avec
les faisceaux de minces colonnes; un cordon de billcttes relie les tailloirs
de celles de la nef; les arcs-boutants sont très simples et massifs.
D'autres importations présentent un caractère homogène, et sont le
rayonnement des écoles françaises voisines : à l'art bourguignon appar-
tiennent les principales abbayes cisterciennes et leurs dérivés, et Saint-
Sebald de Nuremberg; à la Champagne, un plus grand nombre d'édifices;
la cathédrale de Chartres n'a pas été sans influence; l'Ile-de-France a
fourni les meilleurs modèles; enfin, l'école du Sud-Ouest a exercé son
action sur le cours inférieur du Hliin : ^^'estJ1llalie et Pays-Bas. Cette
dernière et plus lointaine importation résulte des relations intimes que le
commerce avait nouées entre l'embouchure de la Loire et les ports du
nord de l'Europe.
Les églises de l'ordre de Cîteaux otïrent une grande variété de plans,
qui se rattachent presque tous aux types principaux du répertoire de
l'ordre; celle de Maulbronn, presque complètement romane, a un sanc-
tuaire carré, et quatre chapelles carrées au transept; celles de Hohenfurt
en Bohême, du milieu du xui" siècle, et de Charin (l^T'i) ont une abside à
pans et, au transept, quatre chapelles carrées; celle de Salem, dans le
I-AliCHITHCTLlHK GOTIIIOIE niJ Xlil SIKCI.E
40
gmiul-di.d.r (le Dade, a un .■lievcl plal llanqué do doubles l.as .-ùlés, (|ui
s'arrêtent au même alignement comme dans certaines églises de la Ciiani-
pagne et des régions voisines; Maishom (125.") a une vaste 'al)side à
Xcf de Saiiil-Schald ilc Xui'ciiiljci'i
doujjje di'auiliidaloire sans cliaiiclles, comme jadis Xolre-Dame de l'aris;
Ileisterbacli, œuvre romane du xiii' siècle, a un déaml)uIatoirc entouré
d'absidioles emptUécs dans un très large mur demi-circulaire. L'alibafialo
cistercienne de Maricnstall, (|ui date de l'2i.", présente un déambulatoire
T. II. - 7
uO HISTOIRE DE LAP.T
(■•Irgaiil, riUourr ilc srpi iilisidiolcs; crllc de Scdicc, en Bolirme (ItiSO),
a s('|)l cliapcllcs j)olygonal<'s |>!ar(''es de iikmik'; celle d'Aliemljerg; (12.')'))
a en oulrc deux IraviM's de douldes lias (-('ih^'s corresjKindaiil an cIkpui-, et
des lias (•(■)l(''s au li'ausejil; e'esl un ]ilan seudilalile à celui des i^i'audes
églises du nord de la France. L'e'glise cislercicnnc d'Elirach csl absolu-
mcnl conforme au modèle emprunlé à rarchitccture bourguignonne, et
reproilnil en Finance à Xoirlac (Ghei'j, Acey i.lnrai, Sainl-.lean-d'Aulpli
(Savoie), — en Anglelerie à Hoche. — en Ilalie à l-'ossanova, (lasamari et
San Galgano. On peut citer aussi comme des imilalions absolues du slyle
de la Bourgogne, le poi'che de l'abbaliale de Maulluonn, ci le cloîlre
de Saint-Malliias près Trêves.
Le plan champenois, dont le type le plus l'cmarquablc est Sainl-Yvcd
i\v Braisne (fig. 10) a été, au xnf siècle, l'cproduit à Xanlen,à Oppenlieim,
en l'iO.là Saint-lMarlin d(^ Casso^ie (Hongrie), au xiv'' siècle à Anclam.
Notic-Dame de Trêves est une comliinaison de ce système et du plan en
(pial rel'euille.
Le plan de la cathédrale de Soissons (tig. lô) avec ses chapelles
rc'uiiies au déambulatoire par un même système de voûtes, a été imité à
Lubeck, en J^T.'i dans la cathédiale. en ll'TI à Sainte-Marie. Le déambu-
latoire de la cathédrale dllalliei'sladt (xui' s. i n'a (piune chapelle; c(dui
lie la cathédrale de \'erden, bâtie en LJ'.H), n'en a pas : il peut se cdmparer
à celui de la cathédrale danoise de lioeskilde, et au plan primilit" de celles
de Paris et de Bourges. Beaucoup d'églises gothiques germaniques ont
une abside flanquée de deux absidioles ]iarallèles, comme Saint-Etienne
de ^'iennc, la cathédrale de Balisbonne (L275), et l'église dominicaine de
la nn''mi' ^ille , 127.":.
Sainle-.Marie de W'olkmai'sen est un monument de i'Jlir» à 12S0, com-
])Osé d'un sanctuaire carré et de trois nefs de trois travées, voûtées
d"ogi\'es; une tour carrée l'orme saillie à louest; le portail occi-
dental a un tympan scul[ité et un fronton: celui du sud, en tiers-
point sans tympan; les Innidins de ses voussures (int une bague f(ir-
manl clef. L'intérieur i-appelle lieaucoup les monuments contemjio-
rains de la Champagne et de la Lorraine, en particulier l'église
d'Étain. La nef de la cathédrale d'IIalberstadt, construite au xiii' siècle,
remaniée au xiv' , semble avoii' eu une jiarenté avec celle de Stras-
bourg.
Le clocher de la cathédrale de Naumbourg a sur les angles des lou-
l'elles évidées de plusieurs étages de petites arcades; il s'inspire très visi-
blement des tours de la cathédrale de Laon, mais les deux antres tours,
octogones, le plan à deux absides, la nef cou\erle d'une sim|)le voûte
d'arêtes, et beaucoup de tlidails d'ornementation encore romans, sont
j)uremenl germaniques.
LARCiHTKCTriu-; ( K niiiniK i»r xm sikci.e m
L;i (•iilli(''ilr;il(' de ^Mniideliniirii-. coinmcnci'c cii l'JIIS, ;i i-i>rn un driiiii-
liuliiloirr ;'i piliers entouré de cIkiix'IIcs rtiyoïinanlcs ;'i Irois pans, un
Irnusi'pl avec lanlernc cenlrale el (piali'e cloeliers, une nef (|ui dale sur-
(oul du xiv" siècle, di-s bas côtés el drs li-iluines. i. es louis cl lOi'dnnnauce
li(,. 57. - Callirilialr de _M,i^
de la nef ra|ipcllenl la cathédrale de Laon : nniis roi'nemenfalion dos
parties |c> |dus anciennes est romane ; cuire I •_'■.'."> el !'_'."."), dale où r(''i;lise
fut à peu près aclHné'c, rarcliitccluic cl rnincuiculaliou dexinrcnl loul à
fait gothiques. Toidc l'éiili-r c>l Noùh'c dn^ivo; le chii'ur a nu aspect
extrèmenu'iil pailicidicr : do |)ilicrs Nnirds cl trapus, où s'appli(|ucnl des
colonnes cl colouiM'Ilo. poricnl des arcades eu lancclles surcdevéc,-.: les
tribunes oui des baies si!upli'> é^l roites cl lianics; cidre ces baies, les
•'>2 IllSTOIlîl-: DE I.AlîT
Irumeaiix sont ornrs de grandes slaliies de saints jiorlées sur des
colonnes de marbre, et surmontées de dais coupant les colonnes des arcs
de la voûte; au-dessous, des bas-reliefs romans ont été remployés. La
composition est étrange et peu cobérente, et il est difficile de discerner les
remaniements des gaucberies, d'autant plus que les cbapiteaux gothiques
du meilleur style français voisinent avec des cbapiteaux romans germa-
niques, peut-être contemporains, et avec une variété hybride où Tariistc
allemand s'est essayé dans le style français, (linq lignes horizontales
s'affirment puissamment de l'imposte des arcades à l'appui des fenêtres,
l'une d'elles règne à mi-hauteur des baies de la tribune, et pourrait être
l'ancienne imposte; les moulures qui forment bagues autour des fûts
témoignent d'une influence bourguignonne. Parvenue au-dessus des tri-
bunes, l'architecture rejette foutes ces complications et tous ces vieux
souvenirs comme un lest inutile, et prend son essor.
La (•alli(''dralc de Liudiourg-sur-la-Lahn, consacrée en l'i.")."), est une
imitation de la catliédrale de Laon, alourdie par la tradition romane. Le
plan comprend une abside demi-circulaire avec déambulatoire, dont les
trois chapelles ne sont que des niches dans l'épaisseur d'un gros mur, un
transept simple avec deux absidioles empâtées dans un rectangle de
maçonnerie, une nef de quatre travées avec bas côtés, et un narthex. Des
tribunes et un triforium régnent autour de foute l'église, et se continuent
même autour du transept sans bas côtés, qui a deux chapelles rectangu-
laires au bout de chaque bras ; le narthex a un étage supérieur reliant
deux tours ; le transept a une lanterne octogone et quatre tourelles
d'angles carrées. L'ordonnance comprend des voûtes sexpartites sur le
transept, et sur le vaisseau central oi!i chaque travée répond à deux tra-
vées latérales simplement \oûtées d'ai-êtes. Les arcs-boutants soiU très
simples. Les fenêtres, comme à Laon, sont en plein cintre alors que tous
les autres arcs sont brisés ; le triforium, composé de petites arcades bri-
sées sur colonncttes, est le même que dans toutes les églises gothiques
primitives du nord de la France ; les baies des tribunes sont aussi d'un
modèle français u>ui'l : des gr(iu}>es de deux arcades dans la nef, trois
dans le transept et le cha.'ur, s'('nca(b-ent d'un arc de décharge; les piliers
garnis de colonnes qui répondent aux retombées de la voûte centrale
alternent avec des piles carrées à simple imposte. Le type des chapiteaux
à crochets est bien français, ainsi que le portail, d'une grande simplicité,
et la rose de la façade, avec sa cloison de pierre percée de neuf cercles,
tandis que les plates-bandes, les frises d'arcatures, les frontons qui sur-
montent chaque pan des tours, les arcatures extérieures de l'étage de
fciKMres, les galeries extérieures du transept eidu dcS-unliulaloii-e. niai'quent
la [lersistance des traditions locales.
I.ARC.II1TECTLIU-: (iUTIIlOUK DU XIll' SIKCI.E
L'église Sainl-Géréon de Cologne a une lolonde de l'2'i7 (jui monire
le même mélange d'art gothique français et de souvenirs romans germa-
niques. Vers la même date, la nef de Saint-Martin-le-Grand, dans la même
ville, montre, au-dessus de ses bas côtés romans, un élégant Iriforium
composé d'arcs en tiers-point sur colonneltes, des groupes de tryis ['cnv-
tres en plein cintre et des voûtes d'ogives bombées sur plan carrt''.
Notre-Dame de Trêves, commencée en ]'2'27, c'esl-à-dirc pirsqiie m
même temps que la cathédrale d'Amiens, est le premier exemple d'aichi-
tecture purement gothique en Allemagne. Le slyle français a été ^iilnplé
sans réserve; des traditions germa-
niques, le maître d'œuvres n'a retenu
(|ue la donnée générale du plan:
encore a-l-il pris le plan champenois
de Saint-Yved de Braisne avec son
abside accosb'M' d'absidioles dispo-
sées en évenlail, cl de ce plan a-l-il
fait un raballement à l'ouest pour ^ 1
produire une église à deux absides:
entre ces absides, deux autres, sans
chapelles latérales, forment tran-
sept; cependant, le plan se rappro-
che plus d'une rotonde que d'un
quatrefeuille : l'abside principale est
précédée d'un chœur, les autres,
presque égales entre elles, décrivent
un polygone à angles rentrants d
sortants iu'^cril dans un cercle. Au
centre, (pialrc piliers i-nnds canton-
nés chacun d'autant de colonnes soutiennent la lanterne carrée ; huit piles
rondes plus minces portent les voûtes et forment comme un double déam-
bulatoire à la rotonde: il existe peu de conceptions :ii-cliilecturales jdus
charmantes.
Sainte-Catherine (r( Ippcnlieini. con>lriiilc df |-JCeJ à l."I7. a le plan
de Saint-'^ \cil de iii-aisne. Une ]iartie di; la catlii'dralc de hriliourg-en-
Brisgau date du xni" siècle ; celle de Ratisbonne de j'iT'i
La chapelle d'Ebraeli, d'un style tout à fait français, a des voûtes sex-
parlites, mais elles offrent celte jiarlicularité fpie les arcs de refend des
croisées sont trait(.''s connue les antr(>s ai'cs-doidileau\. un |ieii plus (''pais
que les ogives et prolilés auti'cment.
C'est à l'inlluence ilu nord de la hi-ance (piil faut |-altacliei- >urtont la
uu)gnifique catliédi-ale de Cologne, (pu jiaiticijie de celles d .\miens et
de Beauvais. Ce chef-d'o'uvre de l'aichitecture gothique en Allemagne
FiG. 5S. — Notre-Dame île Trêves
M
iiisidii;!': iiK i.'AP.T
lui (•(iiiiincnc('' rii llMN |i;ir le iiKiiliT ( i(''i;ii'(l, (|iic lOii ci'dil ;i\(iii' ('■!(''
Grrartl xim liill; iiinis ce luuu de l'nuiillr ncsl pas ccrlain cl M. Dchio
ne rcjcilc [las I liypol lirsc (pic ce inaîlrc |M>ii\ail iMrc un l'^i'aiicais. S'il ne
Irlail, (■(■ilaincuicnl il a\ail i'lu(li('' de lirs pirs I aivliilcclurr IVanraisr,
car le plan du clucur csl |r uuMnc (pu; ((lin d'Amiens, et M. Dcliio
reiiiarqiic (pic celui-ci ne fui c(_)iiiiiicn( c (pi'cii l'_'à8; Gérard a donc connu
les dessins a\anl (pi'ils fussent
(^\(''cul(''s, et scinlile a\()ir eu un
i'(")|e iniportanl dans la construc-
tion d'Amiens, ce que conllrnK -
l'ait la co'incidencc du commen-
cement des travaux de ( ".olognc
a\ec la suspension de ceux
d'iVmiens. Le chomr de Cologne
ne l'ut, loulel'ois, consacre qu'en
ir.'i'.>.
I.'iniluence du snd-oucst de
la h'iaiice se Iraduit, on l'a vu,
dans le nord des Pays-lîas, par
une s(''rie (_r(''glises à nel' iiiii(pic;
(die n'est sans tloule pas (''Iran-
g(''i'e à la cr('-alion du l>pc g'cu'-
niani(pie dV'glises à (rois nefs
(_r(''galc liauleur (ce qui dispense
des arcs-lioulanls) sans IransepI
et sans (l('Mnd)ulaloire. dil lldUcii-
liiichc, ci c'est de c(.'lle source
(pie pi()C(''denl les voùles liom-
li(''es sur plan (•arr('', porh'^es sur
omises el sur liei'lies, (pii sont
fr('(|uentes en Allemagne, Dane-
mark el Sn(:'de. La calli('drale de
Mûnsler en Wcsljdialie a des
voûtes de celle esp(''cc. ( )r, non senlemeill une clef sculpl(''e (U-ne l'inter-
section de la ci'(>is(''e, mais à I ('■giise cislercicnne de Locciini d'aiilres
m(''daillons s'espacent sur les ogi\('s. Ilans les iikmucs (''glises el dans
])lusieurs autres, les (.■rois(''es d'ogiNcs (inl de petites (defs pendantes,
t'oi'ine (pii. en l'rance. ne se renc(Mil re pas a\ aiit le w ' si(''(de.
Le t \ pe dil lliillriih'nilic apparaît à la lin du xii' si(''(de : on en \(iil des
exemples romans à la (diait reuse de l'riill, Saint-L(''(.)nar(l de I !al is|](»nne,
lMelv.ei'ode : au xiii' si('-(de, r(''glise à trois nets de Sainte-Mai-ie-la-( iraiide.
à LippstadI, de l'ornu's tciutes golhicpies, n'a cependant que des voùles
LARClUTECTUFiE CDTIIIOUR DU XIII SIKC.
(l'iinMcs; à lîillcriicciv. l;i nef criil i-.i|r S('ul(^ a des voùlrs il dnix es ; à
Berne ei à Mcllilcr erilin. sr voiciil des cxi'iiiiili's ciiliriciinMil Noùh'-s
d'ogives. Le premier exemple IVaiidicmeul ti,()lhi(|ui' snidilr (Mrc Sainlr-
Elisabelh do Marbouri!,-, moniimenl rie\('' de l'i.là à l'iisri, cl le lypc à Irois
nefs s'y eomliine a\eela ^il■ill(• li-adiliim o-ci'mani(|ue ilii plan h(''lli-.
Le plan li'i'-lli'' scxnil à la ealli(''di'alc i\r rniiiii, ri à Sainlr-( auix Ai'
Brcslau (xiii" cl xu' s.i. A Nolre-Danu' de 1 irscs il se condiine a\cc \r
plan à deux al)sides. devenu plus rare au xiii' sircle. Lnc <''i;lise du cuiii-
mcnccnieid du xni' sircir. cidir dn llarlunyci-lici'ii'. à Iti-andrnlniri;-,
rajipelle |iai- son plan en (pial i rfcuillr rci;ulier Saial -Sal yrc de Milan: sur
Ir sanclnairr à Irois pans s'ouxrenl direetc-
menl autant d'absidioles, et les lourds piliers
couronnés de simples impostes soutiennent
des vdùlcs à (''iiaisscs ogives de prolil rectan-
gulaire. (1rs (''glises sont cxc(.>pti()nnelles.
mais celles de plan circulaire onl continué
d'(Mi-(^ assez nomlireusi's : on ]ii'ut ciler c(dle
de 1 >riiLig(dle, pnur\ne d'un lias ciMi'' el d'une
alisidiole ; en Carintliie, celle de Tullen, avec
ci'vple, et celle de Deutsch Altenhurg; dans
l'empire d'Aulrirlie. (-(die de llailliei-i;- cl la
KarUiiifkinlir de Prague, qui date de hJ77 el
tlont le plan est un octogone av(>c bas rù\v :
dans le grand-duché de Luxembourg, la belle
et curieuse chapelle à deux étages du château
de Vianden. La chapelle du château de
Kobern, de l'2I8, est une rotonde fort oiigi-
nale par son mélange d'archaïsme germainipn'
el de formes fran(;ais(>s très exactemenl reino-
dniles; les voùles du bas C(")l('- soni une sorle de demi-berceau à ner-
vures; les supi)Orts sont des i)ilici-s nmds renfore(''s de «piali-e eolon-
nelles el couronnés de chapiteaux à deux élages (pu rappidieid la callié-
drale de lieini^.
L'archileclure monasticpu' île la première période i;(>lhi(|ue a laisse''
de très beaux exemples en Allemagne, tels (|ue l'abbaye cislercieMue de
Maulbronn, avec son admirable réfectoire à deux nefs doid les vonles
retombent sur des colonnes élégantes, et son cloilre: c(dui de Noire-
Dame de Trêves, dont les baies en plein cinire encadreni des feneslrages
d'un type original: celui de Saint-Malhias près Trêves, et bien d'autres.
Des maisons du xin' siè( le se xoieni à Trêves, Nuremberg et autres
villes, el l'andiileclnre |iubli(pie a laisse'' des \-esliges, coinuK- une partie
du rez-de-cliaus--(''e de l' Ibil el de \ il le d'A ix-la-f lliapelle. ipii moidre lUie
insroiiir; di'. laist
g-raiulo salle hasso m ivclaiiuic alloniir divisrc en deux nefs siiivaiil un
type ('■galeiiiiMil usiii'l en Fi'ancc.
Parmi les yraiidcs salles de cliàleaux, une des plus lielles es! linii-
trophr de la France el de Treole germanique, el sur Irrriloiie acliicllc-
mrnl allemand, c'esl celle de Saint-riiieli ju-cs P.ihauvillc. Sur sa l'aeade
principale, six magnifiques l'enèlres m jilcin ciuliv du xui' siècle soni
idcnducs en deux haies de même Iracé sous un tympan ajouré d'une
gracieuse rosace. Celle
salle et sa salle liasse n'oid
jamais élé voûlées.
Empihf. d'aitiucue. —
L'areliitcclure de l'enqiire
d ' A u l r i c h e - 1 1 o n g r i e e s t
presque exclusivement ger-
mïuiique.
Le type des églises à
Irois nefs est usuel en Au-
hiclie et en Bohème, où
l'on peut citer Saint-Bar-
Ihélemi de Kolin, de P2(;0
environ; ses piliers, à co-
lonnes engagées, sont très
lourds; les hras du tran-
sept ne sont pas saillants
et leurvoùte repose sur cinq
l)ranclics d'ogives comme
dans certains édificescham-
jienois (Saint-Urhain de
Troyes). La façade forme
un narthex llanqué de pe-
tites tours octogones.
La calli('drale Saint-Klienne de \'ienni' date en parti(^ des xiii'' et
xiv"" siècles el n'olTre rien de remarquahic dans ces portions.
Sainl-Mathias de Budapest date également en partie du xiu' siècle.
On altiihue à \ ilard de Ilonnecourt le clueur de Saint -Martin de
Cassovie (Kassa, en allemand Kaschauj, (pii a le |ilan de Saint-^\('(1 de
Braisnc et ilale ilu xin' siècle ; la nef, ses has côtés et la façade n'ont élé
achevés qu'au .x\' siècle. \'ilard de Ilonnecourt, C[ui avait travaillé pour
l'ordre de Cileaux, et qui a fail, il nous le dit, un long séjour en Hongrie
vers le milieu du xui'' siècle, fui très juohalilement appelé dans ce pays par
cet ordi'c qui y l'ondail alors plusieuis (''talilissements inniorlants, peuplés
Vu:, il. — Ki-Iise Saiiil-M.iiliii i\f Cissovio (K;i
-a).
PORTAIL DE LA CATHEDRALE DE TRAU (Dalmatie)
Hiatmi-edclArtll PI II
Librairie Armand Colin. Pana
LAnr.ifiTKCTLîRi-: (loTiiKjri-: nr xiii sikci.e 57
de moines du iiortl dr l.-i l'ianee. pairie de N'ilaid. Des aldiaves eisier-
ciennes de lloniirie, sidisisle l'église de Saiiil-.Ialc, avec un |inilail du
xiu" siècle forl original, à \oussureeii liers-jMiiui cl à ]ii(Miroils garnis de
colonnelles el de ziiizags. Au-dosus de ce poiliul >'aiiiiiienl des slalues
dans des arcatures li'éllécs. La calliédrale de Calocza. don! des lonilles
on! l'ail retrouver qnelcjues vcsliges, semhle avoir élé aussi nu l'dilice de
si vie IVaiKiais du xm'' sicide, el nui(dicral a \u le nom d'un uiail le d'(eu\ res
dans 1 éjiilaidu' d un ceilain ^larlin Ravege ou Haveg\ .
Les provinces de l'empire qui conlinenl à i'ilalie el à rAdrialii|iH'
ont une arcliiterlure qui. ilepius le xui' siècde, mêle aux l'oi-mes romanes
germani(]ues ou lomliardes la croisi'M' d'ngives et certains orneinenls
gothiques. Le porche de Millslatl, voûté d'ogives, présente un portail
de style roman attardé, richement mais maladroitement sculpté; le
|}oiclie de la calliédrale de Traù répond au même signalement; sa scul-
pture est toutefois meilleure: certains chapiteaux ne sont pas loin du
xm'' siècle IVancais, et le porlail à lions rajipelle alisolumeni ei'ux de
rilalie.
Les ordr(_'s religieux, là comnu' ailleurs, ont importi'' et propag<'' le
style gothique : on peut citer deux cloîtres inlér(^ssant~- du xni" siè(de. l'im
à Brixen, l'autre dans le château de Kirn. La Boliènn' est ricdie en édifices
gothiques: les premiei's exemples y furent ap])oilé's par les moines de
Citeaux el par h>s B(''nédiclins : les Dominicains el les |-'raneiscains
^■im•eld l'nsuite. et le (dergi'- séculiei- les iunla. ( Inehpiel'ois. lou^ les
détails golhii[ues \icnncnt se greiTer sur une architeclure romane à |ieine
modifiée; telle est r(''glise décanale d'Lgra, l)àtie di^ l"2l'J à l'_'."(l, reslam-ée
a]U'è> inceiidii' en LJTd. Les fi'ises d'arcalui'es eu liers-poinl s(> r(dienl à
di's plates-bandes, une parlie des liaii^s soni ('-gaiement en liers-jioinl :
certains chapiteaux sont cubiques, d'autres oui les ei-oi hets du xiu' siècle
français; les meneaux ont les mêmes tracés qu'en P'rance. La (dia|i<dle
du château a deux étages, comme beaucoup de monuments similaires de
diverses contrées, ei, suivant une habitude germanique, ils soûl reliés par
une sorte de trappe, la travée centrale de l'étage inl'éi-ieur <''lanl sans
yoùle. L'étage supérieur seul a des voûtes d'ogi\es : il a trois nefs (''gales
el d'élégantes colonnes.
L'abbatiale bénédictine de Trebic appailieni au slyle germani(pie de
transition : elle a trois absides, une nef llan(pi(''e de lias côtés et dépour-
vue de transept, un narihex surmonté de deux lours. La parlie orientale,
élevée sur une crypie. pn'-enle luu' shiirhin' lr(''s curieuse : l'abside à
pans coupés, sensiblement plus ba.-^se (jue le vaisseau central, porte une
sorte de coupole à huit pans sur croisées d'ogives, et les deux lra\ées
qui la précèdent ont le même système de voùles. La disposilion iapp(dle
donc celle de la cathédrale du l'uy, ri le système des voûles c(dui de
T. II. — 8
:i8 HISTOIRE DI-: LAIîT
rarcliilociiiic du siid-ouesl de la Franco. La Iravéc ccnlralr du narihex a
la même voûte. L'abside est assez parlitulirre : dans le Ijas, une sorte de
très étruil déaudiididoire, disposition usuelle dans les écoles germanique
et normande; au-dessus, une suite de roses à rayons ; enfin, dans le haut,
de petites liaies géminées. Chaque travée du vaisseau central répond à
deux travées des lias côtés. Vn petit portail en plein cintre rappelle par
ses corbeaux et jiar son tynqian à voussure festonnée rarcliitecture de
la vallée du lîhone et surtout les portails d'Ambronay (Ain).
L'église cistercienne de Pomuk appartient en ]3artie au meilleur
style français du xiii" siècle. L'abbaye cistercienne de Ilradist, fondée à la
lin du xn' sièele, construite au xui' , garde un très lieau jiortail de la
seconde moitié de ce siècle, orné de riches rinceaux qui retombent sur
des colonncttes annelées ou descendent entre leurs fûts. L'abbaye cister-
cienne (!'< )sseg conserve une salle capitulaire du xiif siècle, avec abside,
deux piliers en forme de grosses colonnes extrêmement trapues, et des
)'etomlH''es bourguignonnes composées de faisceaux de colonncttes en
encorbellement à fûts coupés en cône. Sainte-Agnès de Prague fut bâtie
entre \\17A) et 1*20') pour des religieuses de l'ordre de Cîteaux, dans un
style gothique très pur. Quelques encorbellements coniques y décèlent
une inlluence bourguignonne ; la sculpture combine le gothique français
et la tradition romane germanique.
L'église cistercienne de IIoluMifuii a trois nefs, un transept à quatre
chapelles originairement carrées, et une ai)side à jians. De \'2"} à LJ."'.!, fut
construite pour les religieuses de Cîteaux l'abbaye de Tischnowitz en
Méranie. L'église présente un plan fréquent en Champagne. Le portail
a un tympan sculpté et des statues ; il est surmonté d'une rose dont le
renqtlage, inspiré de l'art bourguignon, est formé d'un cercle central et
dune ceinture d(^ cercles de même rayon.
Les plans sont variés, mais simples. Beaucoup de moyennes églises
ont un chœur simple, une abside à pans et une nef à collatéraux terminés
en ligne droite; une série de petites églises ont une nef à peu près carrée.
Parfois, cette nef a, comme les salles capitulaires, un support central,
ainsi cpiaux chapelles franciscaines de Pilsen, de Prague, d'I-lgra, à
Saint-^^'enzel de Kultenlierg. D'autres ont deux nefs répondant à un
sanctuaire uniipie. telles que celb^s de Sobieslau i^xiv'' s.) et de Blalna.
Les synagogues de Prague et d'Egra présentent le même plan. Le plan
tréflé se rencontre dans l'église de Sadzka, et Prague possède une cha-
pelle octogone.
Russie. F'inlande. — En Russie la cathédrale de Riga, en Finlande
celle d'Abo marquent l'extrême limite du style gothique de l'Allemagne
du Nord. Toutes deux sont en brique. La cathédrale de Riga, semble
LARCHITECTURK GOTHIQUE DU \I11= SIÈCLE 59
;n(iir ('■!('' (•oiuniencrc ;iu xiii'' siècle, pour avoir lidis iirfs d'iiiu; aivliiloc-
liiri' liés pauvre, avec arcades en liers-jioiul et piliers à ressauls reelan-
liulaircs, dans deux angles rentrants destjucls des coloiinettes (mi eneoi-
Ijellenient sont kigées en \ ue de recevoir les retoudjées d'ouives.
IV
SCANDINAVIE
L'histoire de l'areliileclure gothique est assez dillerentc en Norvège,
Suède et Danemark. La Norvège a demande linitialion gothique à
l'Angleterre; en Suède, le style gothique allemand a |)roduil la cathédrale
à trois nefs de Linko'ping et les voûtes bombées de Lund, tandis (pic
celui de la France s"y allie dans ralibaliale cistercienne de \N'arnliem. cl
sal'lirme presque sans partage à la lin du xiii" siècle dans la cathé'drair
d'Upsal. En Golland, les moines de Cîteaux et les marchands de Lùbcck,
puis les ordres mendiants, sont venus mêler au style roman, quelque peu
byzantinisé, du p;iys des apports gothi(pies d'origine bourguignonne et
surtout germanique; en Danemark, le maître de l'œuvre de Rœskilde est
venu de l'Artois; les moines de (liteaux et l'école germanique ont initié le
reste du pays à l'art gothique. La Norvège a des monuments goliiiques
sinon plus anciens, du moins plus archaïques que ceux des autres con-
trées Scandinaves; le Danemark et Gotland semblent être venus ensuite,
et la Suède plus tard. La Norvège et Golland ont bâti tout en pierre; le
Danemark presque tout en l)ri([ue; la Suède a l'ait usage de ces deux
espèces de matériaux.
LA XOrU'ÉGf. — Le style golhi([ue, s'il a été plus précoce en Norvège
que dans d'autres contrées Scandinaves, ne l'a été que relativement. Les
bas côtés de la cathédrale de Stavanger, reconstruite après un incendie
survenu en I IT'J. soni lonians et sans voûtes; les ruines de la cathédrale
de ILamar, de l'Jli.", témoignent qu'elle était également romane et sans
voûtes. Le style de transition est représenté par deux monuments de carac-
lèi'i' anglo-normand, la net" de Sainte-^Iarie de Bergen, ipii nesl pas
datée, el le transept de la cathédrale de Throndjem, qui date de II")' à
Util. Ce transept a une ioui-lanlerne, un triforium, des fenèires avec,
coursières intérieures et. à l'esl. deux chapelles cari-ées; toute l'architec-
ture et l'orncmi'ntation sont romanes à l'e\eej)lion des voûtes dogivi's
(|ui couvrent les deux chapelles: les ogives sont ornées de zigzags commit
dans beaucouj) d'églises I lansilionnelles de Normandie et surtout d Angle-
IllSTOinK DE L'ART
C.lllirill-.ilc ,1,. l.inkirlMIll
li'i'ir. |i;ii' ('\ciii|ilc .-'i Liiiilisr;n-iic. \ .r clid'iir, ircon^l mil (Kii' IV'\(M|ii('
Sii;iinl Siiii, lui liTiiiiiii'' m l'iiS. I)cs iiilliicncrs ;ing'laisrs s'y l'onl sentir
à cùl('' (le soinriiirs ciiiiiiiiiciiuis.
La iirl'dc Saiiiliz-Marie de Bei'gen l'sl un iiKinuiiienl aiii^ld-iKiiiiiaïKl,
avee li-il)inies e| [lilieis à rliapileaiix l'oiids t;oilroiiiK'S. Elle a reçu, peuL-
(Mic a|i!'ès coiiji, i\c<. \()ùles à loui'des el très épaisses croisées d'ogives,
de section leelangulaire, sans moulure.
L'ai-(diiteêture gothique du xiii" siècle était reju-ésenli''e pai- deux
abbayes de Cileaux, l'ond/'es eu 1117 par des moines anglais: Ib'ivedo,
dans une île du Ijdrd de ( llirisl iania. et Liusce ]ii-ès lîergeu : la première
(■■lail liile de Kii'kstall , près Leeds,el la seconde de h'ounlains Abbey, près
Uijion. Seule, celle de Hoved() a laissé des ruines, dans le style de la fin
du xin' siècle anglais. Le musée de (Ibrisliania a recueilli les pavements
de tene cnile incrnsti'c el des d('biis des vitraux en grisaille de l'église.
\ ers le milieu du xiu' siècle, la petite cathédrale de Stavanger reçut
un cliunu- gothi(pu' sim])le, de plan rectangulaire, dont le mur de fond
est entièrenieni ajouré d'une grande fenêtre, comme à la cathi''(lrale de
l>ol el dans un très "l'and iKunlire iréiilises d'Angleteri'c. Sons celle
LARCHIÏECTUHE (lOTIIlOUI:; Di; xm SIKCLE
lu s;illr I,;
iMu;
, où
les:
une
)iil
l'curMic. à r('xl('Ti(nir, une série de Inistes de rois el de reines soilcnl d
frise de (|ualrcrriiillr> ; le nirnie motif se voit ;i la eallirdndc (l'\drk
l'on considère les liusles comme des effigies de hienfaiteurs.
L'arelutecture civile du xnf siècle a laissé le palais royal de lier*
vaste édifice conforme au type universel des grandes salles seigni'uria
elle comprend rez-de-chaussée et salle liaule,en rectangle allongé sur
extrémité étroite duquel se détache une lour demi-cvlindri<|iir ({ni
l'ahside d'une chapelle à deux éta
en arc hrisé très aigu, avec
colonnettes à chajiiteaux
ronds de feuillage noi-mand.
I.A sii-.DE. — En Suède,
le plus ancien monument go-
lliiipie paraîl (''ire ri\glisr
cisicreicnnc de \\ arniiem.
L'ahhaye l'ut fondée en 1 1 i,~
])ar les moines de Claii'vaux.
el le cho'ur reproduit le type
de cette maison-mère ; l'église
fut commencée dans une ai'-
cliitecture purement romani',
et jiasse pour avoir <''ti'' Ici'nii-
née en ll'.l'J, mais c'est sculc-
mcnl nu miT siècle (pTcllc
re(;iil tics Noi'itrs d'ogi\rs cl
dc> >ruipl lires golhicpirs ; les
[liliers el les murs de la nef
sont romans, mais les voides
dai'èles des lias ccMés, portéi's
sur des groupes di' colon-
ncltes gothiques en encorbel-
lement, et les voûtes d'ogives de la nef. assises sur de vigoureux faisceaux
de colonnes el de pilastres en eiieorlielleiueiil . (lalenl (In milieu du
\uf siècle: l'etTet en est puissant el original. Les chapileau.x rectangu-
laires à feuillages, les culots arrondis, le prolil vigoureux des encor-
bellements appartiennent au slyle fran(;ais le iiiieux caractérisé de celle
même date. C'est aussi vers le milieu ou (lan> la seconde moilié du
xm" siècle que la cathédrale ronume de Lund re(;iii des voiltes sexparlites
très bombées relombant sur des colonneiles en eiicorbelhMuent : ce
système semble iiispiiV' de l'église cistercienne de Soroe en Danemark.
La calli('(li-a!e dl [isal e^l. en Suède, l'édilice de beaucoup le [dus
imp(u-tant el le j.liis beau, uiai> n'(>sl pas le modèle des autres nionu-
.le l.-i ( Mllii'divilc .Ir Tli
(i2
iiisTOii;i': \)i: i;ai;t
y V.... A ^ ,
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i; P-. <*' ' «' ''
f
r
^
lucnls g()llii([in's, (Idiil plusieurs sdiil anli'Tii'iii s ou rniilciii|i()i-;iins.
L'église d'Hclmslad, sans Iranscpl, prrscnli' un (li''anil)ulal(jir(' sans
chapelle, inspiré de relui de la caliH'drale danoise de lioeskikle ; le hk'uh;
plan, avee Iracé à trois pans el non denn-eireulairc, est repi'oduil à llel-
singborg; l'église de Mal-
moe rappelle quelque peu
en élévation la cathédrale
d'Upsal, mais le plan du
chœur reproduit le type de
Soissons et de Tournai;
enfin, à Linkœping, l'église
à trois nets appartient à un
modèle germanique; ses
élégants piliers en l'ais-
ecaux de colonneltcs à lui s
annneis surmontés île (dia-
pilcaux feuillus ari'ondis,
et le tra\ail de ses aica-
tures, semblent dénoter une influence anglaise; cnlln, le plan est d'une
maladresse originale, avee le transcpl à peine saillant encadré de travées
inégalement étroites, et le
déaud)ulatoire, aussi liant
(pie l'aliside, eoinnie à
(imund, composé de deux
travées triangulaires et de
I rois aul l'es en I rapè/.e (pii
s'ou\ reiil sui' des cha[)elles.
En l'287, Etienne de
Bonneuil, maître des leu-
vres du roi de France, el
dix bacheliers ou compa-
gnons sous ses ordres,
s'engagèreid à construire
à l'psal la nouvelle métro-
pide scandinaxe, uni,' église
sur le modèle de Xoli'c-
Dame de l'aris. Sur place, le mailn
expérimentés, et, comme matériaux, il n'eut (pie de la b
très dure, el fort peu abondante; aussi l'imitation de Notre-Dame se
borna-t-elle aux dispositions générales et aux proportions. Le déambula-
toire entouré de chapelles polygonales avec, au fond, une chapelle princi-
pale di'dii'e à la Vierge, rappelle les cathédrales d'Amiens et de Beauvais
i:;;lisc aljlialialc dr \\'a\
de ro'Uxre lroU\a |ieu
une luerre
LAnciiiTi'Cïnu-: (loimoui-: di: xi
SIKCLI':
05
|ilul(')l([ur celle de Paris; les jtiliers à colonnes engagées ra[)j)ellenl ceux
des nefs de Troycs, de ClermonI ou d'York; les détails son! simples el,
même socriliés: la pierre, ménagée avec parcimonie, esl réservée pour
les portails, pour les meneaux des fenêtres, pour les pelils cliapiieaux
assez mesquins de linlérieur, et pour les impostes des piédroits des fenê-
tres. Les travaux durèrent longtemps après Etienne de Bonneuil; la plu-
part des sculptures rappellent le style du xiv'' siècle; la façade était
restée inachevée. L'église eut à subir plusieurs incendies, et la restau-
ration au ciment exécutée à la fin du xhY" siècle peut être ajoutée à la liste
des sinistres qui l'ont épi'ouvé'r.
/./■; DA\i:MAHh. — Ln Dam-
mark, l'église ronde de Bjernede.
construite en HSli, esl romane, à
part une croisée d'ogives centrale,
di.sposition qui a pu exister dès
l'origine, comme à Sainte-Croix de
Ouimperlé. Peu d'années plus tard,
l'architecture gothique, encore in-
connue en Suède, fut introduite en
Danemark par larchcvcque Absa-
lon Snarr i 1 158 f 1 19 1 ), qui fit ma-
gnifiquement reconstruire dans cr
style la cathédrale de Ro^-skilde.
en remployant seulement dans le
déambulatoire des colonnes roma-
nes de granit. Le granit se mèh^
discrètement à la brique dont est
composé presque tout l'appareil de
la cathédrale. On ignore le nom du
maître d'œuvres, à coup sûr distin-
gué, qui fut l'auteur de ce bel édilice ; mais si l'un comiiarc la calliédrale
de Rœskilde avec les peintures qui nous restent de I aiicicune catlK-diale
d'Arras, on sera très frappé de leur resscmlilanre ; |r ti'anscpt de transi-
tion de la cathédrale de Tournai, la catliédrale île Noyon, lancienne
église Notre-Dame de \alenciennes présentaient des dis|)ositions tout à
l'ait analogues; celles de Laon et de Soissons ont aussi plus dune ana-
logie; c'est certainement au nord de la France, l't très |irobablement a
l'Artois, qu'appartenait l'artiste à qui nous devons cette œuvre.
La cathédrale de Ro\skilde conqirend une nef avec bas côtés el tri-
bunes, un transept simple, el mie abside à déambulatoire et tribunes;
ce déambulatoire est sans chapelle, comme à Saint-Pierre di; Doulleiis,
Mantes, Deuil, Gonesse et Sainte-Sophie de Nicosie (Chypre}, (jui
l'h.ji i;
r.nlli<Mli"ili' (ITiismI.
iiis'i()ii;i; DK i.AiiT
s'inspire de raiicii'iim' disposil idii <lc Xolrc-I );inic ilc l'iiris. L'éoljso,
ciilirrcilli'iil Miùlrc d'ooixcs. lii()lil|-c (1rs ;irr:i(lcs, (l(iu|pic;ill\ ri Ijjiics de
Iriljimcs en I ici's-|Miiiil . cl drs l'cnrliTs m plein einlre; les lenèlres du
déanilinl;ilnii-e cl des Irilmncs (pii le snriiionleid soiil, d.-ins (•li;H[ne
travée, gronjir'cs pur li-((is, celle iln ccnlre plus Ininlc (ielLe ordonnance
correspond aux voiiles disposi'es pour couvrir des Iravéesen éventail;
elles ont dans cli;icnne six liranclies d'ogives, doni deux, l'oi-nianl la
nioi[i('' d une crois(''c d'oi^iNcs
simple, du c(')l('' iidi'-rieur cor-
res|)0udanl à I arcade, cl
■,ii„, '-^ 1 (luatre relondiaid sui' la |iai-ni
Il '''l'niiif^ "^ 1^ 1 . .
î\\ '"'■/^v \ extérieure. A l'exli-rieur, les
" /"î^V, i^roupcs di' Irois ren("'li-cs des
Iriluuies du clncur s'enca-
draient sous des pignons,
comme à la calluMlrale d'Ari'as
et plus anciennemeni à la
calhédrale ani^laise de Pcler-
l)0|-|(Ug'!l. Les ll-iliimi.'s de
l'ahside pi-('>scnlcnl un as|iecl
rcinarcpialile d'('dt''^auce et de
ir'L>ère[('', car (dia(pn' li-a\(''(>
n'esl si''pai-(''e ipie |iai- une Une
ci)louue tie i»ranil. Au-dessus
lè^ne, comme à Noyon, un
Iritorium composé d'une suile
<ontinue de })eti[es haies. La
façade à deux tours, lermin(''e
senlcnu'nl au xv' siècle, esl
peu i'emar(pialjic.
(l'est aussi par ré\èque
Alisalon ((ue les moines de Cileaux Inrenl installés en IKil à Soroe
près (lopcrdiag'ue, mais il seudile ipic Icui- (''glise ait élé à l'ori^iiH' loule
romane; c'esl au xui" siècle (pi'ils y ajoulèreid des \()ùles se\pai-liles de
tracé liond)é. Sur rcmplacenieni <lc l'aMiave se voient encore la jiorle
d'entrée surmonlant le logis du portier, et six belles c(donnes de grès
monolithes provenant de la salle capitulaire ou d'autres hàtiments dispa-
rus : Irois d'entre (dies rappellent le im/illeui- style français du (enips de
Philippe Augusie pai' leurs chapiteaux à larges feuilles cl lems hases
alliques très légèiemenl déprimées.
L'de de (jolhnul, seul pays riche en pii^ire du hassin de la Baltique,
l'est aussi en monuments gothiques, d'un slyh' inqiarfail, ayant toujours
l..lUir.|i;i|r ,1,. |;,r^l,il,|r
l.ARCIIlTECTrPiK (ioTIlIOll-: Dl XIII" SIÈCLE (i:>
ii;ii-(l('' ]ii voùlc cl'ariHi's. Ils ]irurrilcal de Fai'l e,ei'inniii(|U(> voisin rt de
l'ai'l lioiirguignon. imiiorlr [lar les ( lisloiriciis (|ui avaiciil ï \r sous le
iiimi (]o Roina une inii)orlanle ahliayc au conlro de l'île.
W'isby, sa capitale, fondée au xi'' siècle par les nianliands de Lidieek,
a trois églises de transition : la cathédrale Sainte-Marie, l'altside di-
Saint-Laurent, et Saint-Clément. Sainte-Marie était l'église de la aalion
allemande dans celle grande \ ille cosmoj)olile; ses trois nel's de haideiii-
égale sont surmontées d'un étage qui était le consulal d Liilieck. Hiiel-
ques travées ont des ogives épaisses, profilées en Ixmdin. ri des (-(donnes
à chapiteaux encore romans engagés dans des piliers massifs. Les fenèti'cs
sont en plein cintre. Le chœur de Saint-Laurent, église romane de plan
byzantin, se comjiose d'une liavée droite et d'une ahside demi-circulaire
à voûtes bombées sur luanches dogives du même ])rofil et avec liernes.
Saint-Clément, ûu xni' siècle, a un chevet rectangulaire, un transept, une
nef simple, voidés d'ogives; un groupe de trois fenêtres en j)lein (■inir(î
ajoure le mur du chevet; la sculpture est encore romane. Hors de la ville,
l'église d'un ancien li(Jiiital, Saint-Georges, de la lin du xiii' siècle, montre
des particularités fréquentes en Gotland : division de la nef par une ligne
de piliers, et, sur le sanctuaire, voùti^s d'arêtes bombées appareillées à la
clef en véi-itables coupoles et retombant sur des encorbellements conicjues
d inspiration bourguignonne.
Les églises rurales présentent très souvent la division en deux nel's
avec un seul sanctuaire, et, à l'ouest, une tour carrée doul le bas serl de
baptistère; les nefs sont souvent courtes; il n'est pas rare fpie r('>glise ail
un seul })ilicr central; les voûtes d'arcles sont de règle, et l'ogive est trc's
rare: les retombées sur les murs se font sur de courts supiioi'ls (mi encor-
Itellement. Les portails sont multip]i(''s, m(''me dans de j)eliles (■■glis(>s, el
présentent un type parliculier avec leur fronton lr(''s aigu cl leur voussure
en tiers-point festonnée de lobes découpés, j)lus fi'équenls en Gotland
que dans toute autre contrée. La sculpture est archa'i(|ue et encore ronuuie.
L'enceinte de \\'isby. consl ruile en l'27S.e>l un des plus beaux échan-
tillons de l'architei-lure mililaire. l'.lle es! bàlie de pierres irrégulières, el
ses toui's carréi's ou à pans allerneni avec de grandes écliauguettes
carrées, portées sur un grand arc de décharge en tiers-point. Les poi'tes
sont percées dans des tours, et leurs passages ont des voûtes darètes.
Comme h Saint-Georges les arêtes meurent vers le sommet, où l'appareil
se transforme en coupole; il est permis de \oirdans celle particularité
une iniluence des j)rati(pies byzantines ilue aux relations ct)uunerciales si
fr(''quentes îles (iotlandais avec la Hussie el ri-]m|iii-e d'Orieid.
Une autre enceinte s'élève dans l'île de Gotland. à Thorburuen.
T. II. — y
(î(i
IIISTUIIU': DE LAl'.T
GRANDE-BRETAGNE
L'Anglclorre est, avec la France, le pays où le style gothique s'est
mondé le }ilus précoce et le plus original, et a laissé le plus de monu-
uicnls. On y (rouve, à cùlé d'importations traneaises, des variétés de ce
style qui ne doivent rien ou doivent peu aux écoles de l'autre côté de la
Planche; enlin nous verrons qu'au
xv" siècle l'Angleterre, à son tour,
a fourni ù la France les éléments
du slyle Handioyant.
AncnrrECTUHE reijgiecse. — 11
semble que le plus ancien type
connu de l'architecture de transi-
tion soit un monument anglais, la
cathédrale de Durham, comme la
(■■tahli M. John Bilson. Très proha-
hlement, les voûtes du chœur, éle-
vées en H04, étaient des voûtes
d'ogives; elles ont été refaites,
mais celles des bas côtés du sanc-
luaire, qui subsistent encore, sont
au moins aussi anciennes. Celles
is _ ( •iii ,.,i ,1,. ,1,1 ''""'"" i]r la nef sont, au contraire, un
peu postérieures, et le transept
montre une ai-chileclure plus simple dans une partie primitivement desti-
née à ne pas recevoir de voûtes; or la (•Iiioni(|ue de la construction dit
formellement (|u'après l'érection du sanctuaire, le manque de ressources
amena non seulement un ralentissement des travaux, mais l'adoption,
pour quelque temps, d'une ordonnance plus simple.
On a vu que l'école normande, comme l'école germanique, conijiosait
volontiers ses églises de travées carrées, les bas côtés ayant moitié de
largeur du vaisseau central, et deux travées latérales répondant à une
travée de voûte centrale, (le système, en Angleterre comme en France,
resta en honneur à l'avènement du style gothique : la cathédrale de
Durham reçut une croisée d'ogives par deux arcades dans le vaisseau
central, mais cette croisée est simple, tandis qu'en Normandie les plus
anciennes voûtes d'ogives sont en général sexpartiles; et cette différence
LAUCHITECTIRE GOTHIOUh: DU XIII' SIÈCLE
inonlre bien l'antérioritc des voûtes de Diuham sur celles de la Tiinilé
de Caen, par exemple. Il est à remarquer, en outre, que les voùles cen-
trales de Durliam n'ont pas de doulileaux, disposition rare.
A la cathédrale de Peterborough, dont le vaisseau central iiorle une
simple charpente, les bas côtés ont aussi des voûtes d'ogives : on a émis
jadis l'hypothèse étrange que les ogives auraient été relancées sous des
voûtes d'arêtes, opération inexécutable. On peut bien croire, il est vrai,
que des voûtes d'arèles comme celles d'Ely ont existé avant les oo-ivcs,
mais, ici comme à r)urliam,
les gaucheries cjui pourraient
être un argument en faveur
de cette opinion se rencon-
trent un peu partout dans les
parties incontestablement ho-
mogènes de l'édifice ; les arca-
tures intérieures des murs
latéraux, moulurées avant la
pose, l'archivolte d'une ar-
cade, au nord-est du transept,
entaillée pour loger une co-
lonnelte, ont, à j)remière vue,
l'aspect de remaniements, et
il est certain cjue ce n'en sont
point. Tout autre est l'aspecl
d'une partie des bas côtés de
l'église aldiatiale de Selby,
qui porte des voùles d ogives
du mili(Mi (lu xii" siècle; le
pilastre et les colonneltes qui
les reçoivent sont sans liaison
avec le support principal, et
montrent très bien (pie les xoùlo
ne s'observe à Durliam ni à Peterborough.
L'église de Sainte-Clroix, près ^\'in(•llesler, appai'tient à lui hôpital
l'ondé par Henri de Blois en IITiC; elle tut construite un peu jdus laid,
peut-être en 1 18,'), lorsque les Templiers cédèrent l'hôpital aux é\è(pies de
^^'inclIesfer. C'est un édifice de transition souvent remanié. conq)renanl
un clicxcl rectangulaire a\('e (•dllaliM-aux. un li-anse|il a\ ce iour-lanleriu'
et une nel'axcc bas côtés; le tout es! \(iril('> (rogi\i'>: -uixani une (lisp((si-
liou projire à r(''Cole normande, I ordonnance du (■lie\('t coiuiirend du
liant en ba> deux (li\i>ioii> eiilre le>(|nelle> retombe une brandie ddgiNe>,
raltaeli('e à la ebl' de la xoi'ile ilii .--anel iiaire. i,es c(dlaléraux de celui-ci
lll]r,l|;,|,. ,1,. l'cInlH
une addition. Rien de scniblab
ns
IllSTOlRli DE LART
oui des uiiivcs épaisses, à zigzags; les arcades soni aiguës; le Iriloi-iiim se
compose d'arcs enlre-croisés, cl une coursièi'e esl niénag(''e dans Fenilira-
sure des fenèlres hautes.
La calliédrale de Gloucesler, de la lin du \n' siècle, possède une
crvplc, peul-clre antérieure, dont les voùlcs reposent sur des groupes
de trois liranches d'ogives sans moulure. Les bas côtés de cette catlié-
diale onl él('' construits aussi pour des voûtes d'ogives. L'abbatiale de
Lindislarne, du milieu environ du xif siècle, avait de belles voûtes
d'ogives orn(''es de zigzags.
Les édilices de transition du milieu et de la seconde moitié du
XII'' siècle présentent des lormes analogues à celles des édifices antérieurs,
mais beaucoup plus
' Unes trexécution :
par exemple les jii-
li(M's d(^ la crypte de
lacathédraled'Vork,
l'abbatiale de Mal-
mesbury, qui a des
voûtes d'ogives sur
les bas côtés ; l'abba-
tiale de Kirkslall,
liàtie vers le milieu
du xii' siècle, qui en
a dans le chœur et
les bas côtés, la nef
('lanl couverte de
chariientes, et les
chapelles du tran-
sept ayant des ^oùtes en berceau; l'église aljbaliale ruinée de Lindis-
l'arne, dont les voûtes d'ogives sont parmi les plus anciennes de la Grande-
Bretagne.
Les églises de llomsey. Hemel-IIempstead, Ifley, la cathédrale et
Saiiit-I^ierre d'Oxford, la cryj)tc de (ïloucester, la salle capitulaire de
lîrislol. la calliédrale de ( 'diicheslei-, ont aussi des voûtes d'ogives primi-
tives.
Dans CCS monuments, la structure seule est gothique; la voûte
d'ogives, dès qu'elle apparaît, supprime beaucoup plus complèlemeni
qu'en France l'emploi des autres noùIcs. mais la décoration, encore plus
exclusivement géom('-lii([iu;' (pi'en Normandie, montre moins qu'en France
l'acheminemenl vers le style gothique. Les premières tendances gothi-
ques y sont représentées |)ar des prolils de moulures savants et vigou-
reux beaucou]) plus ('■tudiés dans des monuments comme le porche nord
\:Li\t~r Mllll.-lli.llc ,l,' LilllIisiMI-ll.
LARCHITECTURE GOTHIOl E 1)1 Xlll' SIÈCLE
(le Scll)y ri les ruines d(> la. salle caiiiluhiire de Sainle-.Marie d'York, que
dans la eailiédralc encore Irrs fruste de Ihirliani. Aux zigzags que décri-
vent ces moulures sur îles archivoltes et sur des piédroits, se mêlent
quelques petits écoinçons de feuillage d'un travail délicat, et c'est dans
de menus accessoires de ce genre qu'on peut reconnaître un style déco-
ratif qui suit la même évolution qu'en l'iance. La statuaire monumen-
tale obéit aux mêmes lois: vers 11 iO, de petites cariatides grotesques
ont été adossées aux pilastres de la retouihée des voûtes d(> la salle ca])i-
lulaire de Durham : leur mouvement déhani-li('' rappelle ccIIcn du portai!
de Souillac; les statues monumentales des portails de Chartres et de Sainl-
Gilles ont leurs équivalents, à la lia du xn" siècle, à Hochesler ei
dans le portail dé-
fruit de Sainte-Marie, f
aujourd'hui au mus(''e
d'York.
Le premier exem-
ple d'architecture pu-
l'enieiij gdthicpie e>i
prol>;d)lenH'nt. en An-
gleterre comme dans
d'autres pays, une
église cistercienne.
Labhaye de Roche
fut fondée en 11 iT
dans une ^■erdovante
vallée du Yorkshire.
Le plan est celui de
beaucoup d'églises du UK'MUe ordre : un chd'ur carré et cpiaire ehapidlo
carrées au transept: c'est tout ce qui reste de l'édilin'. avec le bas des
piliers de la nef. En élévation, Fégiise préseiilail des ienèlie-, eu plein
cintre; un Irifoi-ium aux arcs en tiers-])()inl très simples, gi'oupés deuxjiar
deux cl sans colonnettes : des arcades en tiers-point à double Noussure non
moulurée et des jiiliers. ciMrx de la uef eu faisceaux de <-ol(unn-s. ceux du
transept rectangulaii'cs à coloune> ad()ss(''es: les fùls île ces i-olonnes sont
amincis, comme dans di\(U'si's églises de transition picardes et nor-
mandes, et un cordon qui règne sous le Iriforiuiii les coutourne, selon
l'usage de l'école bourguignonne, à laquelle celle archileclure est en
jiarlie empriuiii''e. Les eliapelh's du ti'au>epl u'(''laient séparées entre elles
(|ue pai- nu miu' bas. dispo>iti(iu <pii lappelle les absidioles de \ézelay:
les chapiteaux à larges feuille> pleines cl bs prnlil> de> uuiuluies ont une
simplicité-, une beauté-, uni- purel(- (pi'ou lie ici loux e pas dans d autres
consiruetions anglaises; rordoiiuance pn'-seide nm- analogie pres(|ue
FiG. 51. — Éifli^o ablNili.ili- •h- Wnrhc
70 HISTOIRE DE L'ART
Odiiiplrlc n\rr lV'i;lisc cisloi'cicnnc do Sninl-Jean-d'AupI (Savoie); elle
;i|i|KU'l ii'iil à lu s(''i'ir (1rs iiiodrlcs courants de l'ordre.
('.I' iiKiiiuiiiciii a l'ail ('■(•ol(" : les cliaiicllos (•ai'r(''es du Iranscpi dr la
calliétli'ale di; l!i|)(iii, rcsics d'une conslruelion de la lin du mi' siècle, sont
des répliques (le celles de Roche.
La prenii(!M"e calliiMlrale c(^)niuienc(''e dans un slyle coni]il(''leuu'nt
i>ollu(|ue,sousla dii-eelidii du luailre d'œuvrcs Guillaume de Sens, en 117à
à C.anlcfbuiy. ol inie iiuporlalimi de l'arl de la Cluimpaiine. S'il n'est
aussi l'auleur (le la calli('Mlr:i!e de celle ville, (uiillainiiev a cei-|ainenienl
l'i,.. .VJ. — ClKnii- lie 1,1 cillir.li.ilc ,\r ( iMiilci-lincv.
iravailh''. cai' le eli(eiir de Canlerhury pr(''senle des ressemldances inlimes
avec l'oiddunance de la li;isili(|ue s(''nonaise : les voûlcs sexparlilcs enca-
drenl (les ren(Mres simples siu' l'apjiui (les([uelles une c()ursi(''re tra\('rse
les Irumeaux, el le Iril'orium l'oiMue sous cluKpu' IYmuMpc d(Mi\ haies suhdi-
visécs; les arcades relonil)enl sui- de e-ros piliei's en l'drme de colonnes
qui, dans la partie non tournanle de r('dilice, sont groupt-s par deux; les
tailloiis de ces j)ilicrs poricnl des (((lonnelles à lïiis monolilhcs indéj)en-
danls, lui ou Irois allernalivemenl, qui reçoivent la retomhée des voùles.
La sculpture ajipartient à l'art gothique français; elle est plus avancée que
celle de Sens, la mouluration est très analogue à celle des monuments
français contemporains, quoique plus complic|uée. 1mi 1 lil'J, (îuillaume
tomba de ses échafaudages et se blessa si gravement (pi'il dut ahan-
L'ARCHITECTURE GOTHIQUE DU Mil SIÈCLE 71
donner son t-lianlicr; l'œuvre l'iil continuée par un élève nnii'lnis, puis par
d'autres Anglais qui cessèrent de tenir compte du {ilan initial.
En 1187, une autre importation d'art français, un peu moditlée déjà
parle goût national, eut lieu à la cathédrale de Cliichester; la reconstruc-
tion partielle de cette église romane était devenue nécessaire après incen-
die; la partie orientale l'ut presque rebâtie, et les piliers de la nef conso-
lidés par l'adjonction de colonnetles golJiiipies à l'ùls indépendants.
L'ordonnance du chœur présente des [tiliers ronds en forme de colonne
cantonnés, comme à Laon et à Notre-Dame de Paris, de quatre colon-
nettes indépendantes, et ayant, comme à Chartres et à Reims, un chapiteau
à deu.v étages de feuillage superposés, dont le registre supérieur corres-
jiond aux chapiteaux de ces colonnettes. Ces supports son! la partie la
])lus purement française de l'œuvre; les moulures compliquées cl le Iri-
l'orium affirment une autre tradition.
A'ers llllO, le maître d'teuvres Geoffroy de Noyers, appelé ])ar
lévèque Hugues d'A\allon, oi'iginairc du Dauphiné, l'cconstruisit le
cha'ur et une partie du transept de la cathédrale de Lincoln. Il adopta un
plan assez original : deux absidiolcs s'ouvrent sur chaque hras du
transept : le chevet devait C-lrr pentagone, et, autour ilu déandiulaldiir,
trois absidiolcs moyennes étaient séparées pai' deux autres plus pclilis.
Les chapelles du transei)t, qui subsistent seules en pai'lie, accusent le
caractère français de cette architecture, mais il peut n'être pas
d'inspiration directe; h la grande rigueur, l'influence de Canterbury sufd-
rail à l'expliquer.
Un des plus remarquables exemples de rintluence française en
Angleterre est l'église abbatiale de Westminster. Elle date du milieu et
de la seconde moitié du xni'' siècle : le pavement du cha^ur, exécuté en
1208, témoigne que la partie orientale de l'église devait se terminer à celte
époque: il témoigne aussi que les abbés et les rois, leurs proleclcurs,
savaient emprunter à l'art de chaque pays étranger ce (piil avait de |ilus
parfait. Ce pavement incrusté fut exécute'' par le maître romain (Jdeiico.
qui vint vers 1200, à la requête d'Henri 111, paver de mosaïipies les cathé-
drales de Londres et de Canterbury, tandis que l'arcliiii^cture el la scul-
pture sont toutes proches des modèles français. Le plan du clueur com-
prenait un déambulatoire avec cinq chapelles polygonales, et des piliers
ronds cantonnés de quatre colonnettes: en élévation, la composition géné-
rale est française, mais bien des détails indiquent une anivre anglaise : des
arcs suraigus, leurs moulures, les chapiteaux ronds sans feuillage, les
frondaisons d'un dessin systématique qui tajiissenl le plein des murs au-
dessus des arcades, et les piédroits du triforium ont un style anglo-
normand caractérisé. Ce style s'affirme plus encore dans la nef, dont
l'ordonnance est analogue, avec piliers en faisceaux de colonnettes anne-
72 IIISTUIIU-: ItE LAP.T
l(''es, el d;ms les (■.\lrriiiil(''s du li'onscpl. oi'i jiliisieurs i;iMi;s i\r IViKHres se
siijperposeni enlr(> ](' poiinil r| l;i rose du pJLiiKiii-
l,es jii'emiei's édilices. d'iinporhilir.n ou d'iiispiraliou IVonçaise,
n'eurent pas (Tinnuence bien dundilc sur le jni'uiiei- slyle antjlais [Eai-hj
EnrjUsh) ou gothique primitif; en même temps (pi ils s'élevaient suivant
diverses modes françaises, récole normande eoulinuail à fournir des
artistes el des modèles, et, eomnic à l'époque romane, c'est d'éléments nor-
mands qu'elle a composé son architecture, en exagérant les tendances de
l'école et en y ajoutant des particularilc'-s propres. Le plan à chevet droit,
avec collatéi'aux, comme aux cathédrales de Laon et de Dol, est très habi-
tuel; une granile chapelle de la Vierge, de plan cai'i'é,s"v ajoute; le double
transept, qui n'existe en France qu'à Saint-Ouentin, est fréquent; les
colonnes à fûts amincis, particuliers en Fi'ance ;'i quelques églises de tran-
sition du nord-ouest, sont noudireux surtout dans ceilaines régions,
avant I'2r)0; les piliers entourés d'un faisceau de colonnettes avec bague
sont plus usuels (pi'en Normandie; les églises sans voùle plus l'i'é(pn'nles.
ainsi que les arcs suraigus, exagérés parfois jusqu'à l'outrance, les cha-
piteaux ronds, nus ou couverts d'un feuillage conventionnel, les lleui'ettes
anguleuses, les ornements géométriques, et les gorges semées de boutons
de Heurs sphériques [baU /lowcr^, qui indiquent la première moitié du
xiv'' siècle; les zigzags y persistent aussi; le iiiforium et les coursières
(pii traversent l'embrasure des fen(Mi-es oïd la m("'me strueture ((ue dans
l'ai-eliileelure de Normandie, mais la d(''coratioii y es! jiai'l ieulière. Les
églises normandes ont parfois, eoimni' la calhédi'ale de Saint-Pol de
Léon, au-dessus des arcades, une l'iise de sculpture ornementale qui ne
forun:- pas saillie sur le jiaremeni : en .Xiiyleleri'e. à N\'esiuiinsler, jiar
exemple, on au la\ab() de la cathédrale de Liuc-tiln, cette décoration
s'étendia sur tout le plein d'un mui'. Déjà au xu' siècle, la calhétlralc
romane di^ Bayeux et le chapitre de IJristol ont ime décoration analogue.
L'arc brisé est souvent d'un tracé écrasé, formant angle aigu aux
impostes, comme à Tewkesbury et au Iriforinm de Salisbury.
Les bases et autres moulures se composent des mômes éléments
qu'en France, mais peuvent présenter des combinaisons assez ditîérentes.
Dès la tin du xu' siècle, les soubassements extérieurs des édifices portent
des corjis de moulures très particuliers, habitude qui se C(jntinue durant
toute la jiériode gothique. Les moulures des arcs et arcades, comme à
l'époque romane, sont plus nombreuses et moins simples qu'en France.
On l'cmarque notanunent. dès le xiu' siè(de. aux cathédrales de Chichester
et de 'Wells par exemj)le, des boudins non seuhMuent amincis, mais agi-é-
mentés d'une arête coupée, raccordée par des contre-courbes, tracé qui ne
se répandra en France qu'à la lin de l'époque gothique. Une autre anté-
riorité de l'Angleterre se voit ilaus des voûtes d'ogives du xni' siècle.
I.AI!CHITi:CTlRI-: (iOTFHorE DU XIII SIKCI.I': 7-,
(_k>iil li^s aiiiiloi^'Ui's 110 s(? renc(>nli-cr()iil en Fr.-mco ([iic deux sirclrs iiliis
lard, oxceplion l'aile }K>iir le carré du liaiise|il de la eallK^hale d Aiiiii'us.
Ce sont des dispositions de pur caprice, telles qu'en montra deux sircles
plus tard l'architecture française dite llamboyante, inspirée de l'art hii-
tannique. Un peut citer de ces voùt(^s du xiii' siècle à la caliiédrale de
Lincoln, au transept ajouté à l'est de la cathédrale de Durhani et don-
naiil à celle éiilise la l'ornii^ d'un lau; à la calliédralr' dr Licliliejd. |)ans le
transept orienlal de Durhaui, dit des .\euf Autels, des paires de hraiiclies
d'ogives paileid en lii^iie divei-i^enle des retombées de la travée centrale,
et se réunissent de façon à dessiner une sorte d'étoile et à faire fonction de
croisée d'ogives. Dans le cho'ur de Lincoln, on trouve la travée décom-
poséi' en deux groupes de trois branches d'ogives produisant un dessin
bizarre; la nef de la même cathédrale et la cathédrale d'Ely offrent peut-
être les plus anciens cxi'mples de voûtes à liernes et liercei-ons. (les trois
types de voûtes seront usuels en France au xv'' et au xvi'' siècle.
Les voûtes de la nef de Lincoln présentent cette particnlarili' (pie
leurs tas de charge décri\enl un plan coin exe: ce tracé esl le point de
départ d'un système de vdûtes inconnu en France, mais très usilé en
Angleterre au xv' siècle.
Certains Iril'oi-iums sont d'une grande l'ichesse : à VAy 1 Liri'i-l'iriL',
Worcestcr, ^ ork T' nioiti('- du xui' sièclei, el surtout à Lincoln iclKeiir
des Anges, I'2r)r)-1'280), les colonnettcs de uiarbre sont multipliées sur les
jandiagcs des baies, et entre elles sont sculptés des feuillages; au-dessus
des arcades régnent desécoinçons ornés; à Lincoln, ilssont occupéspardc
riches sculptures représentant pour la plupart des anges aux ailes éployé(\s.
Dans le tympan des fenêtres apparaît, à la fln du xui" siècle, un tracé
plus rare en France : des quatrefeuilles sont emboîtés les uns dans les
aulies, et non encadrés dans des cercles. C'est tl'un di'-M'loppement de
cette combinaison que procèdent les tracés Oamboyanls usités en Angle-
terre au xiv'^ siècle, en France au xv'' siècle.
Certaines retomljées particulières procèdent (h\-< culols coniques de
la Normandie, mais forment des jiyramides ren\('isées beaucoup plus
inij>ortantes et plus aiguè's, sans aucun galbe, toutes hérissées d orne-
ments végétaux toulfus. Ces pyramides, [)eu gracieuses, portent (\c:^
faisceaux de colonnetles en encorbellement: de cet cnq)loi résulte lro|(
souvent un man(pu' de tenue : à Salisbury, Ely, Lincoln, Wells, le tril'o-
rium suit si peu la (li\isioii des tra\(''es qu'au lieu tle concourir à 1 ordon-
nance il semble plutôt l'inlerronquc, cl les ligues hori/.oiilales s'y al'lir-
menl ]ilus qn(^ les \crlicali's.
A jiartir du niili(Mi du xu' siècle, rien n'est |)lus frécpuMit (\\\i^ l'euqiloi
du marbre gris foncé ap|)elé l'iuhccl.', surtout dans les fuis de cohjnnetles ;
sa couleur tranche sur la blancheur des autres pierres.
T. II. — 10
iiisTOiiti': i»i: LAirr
Les cliapilcaiixsonl presque lous ronds; quelquefois, la coilieille esl
nue; le plus souveni, depuis la lin du xu' siècle, elle est garnie d'un lang
de l'euillcs, Iréllées cl contournées, d"un type tout conventionnel, dont les
IV)lioles se recourbent, et retombent sous le tailloir en formant une cou-
ronne. Vers la fin du xiii' siècle, des feuillages divers copiés de tout près
sur la nature, comme en France, se mêlent à cette ornementation styli-
sée qu'ils remplaceront au xiv' .
Les areatures entre-croisées sont beaucoup [dus fi(''(nientes à l'époque
romane dans les édifices anglo-
normands qu'en Normandie; à
l'époque gothique, les Normands
et Anglo-Normands ont eu diver-
ses combinaisons analogues :
comme le double rang d'arcad(>s
alternées du cloître du Monl-
Saint-Micbel, et une série de por-
tails sur les tableaux desquels les
areatures se chevauchent à deux
hauteurs différentes. L'Angleterre
n'a pas de ces portails, mais les
areatures qui se clievauchent y
sont un motif fréquent au xiu'' et
au xiv*" siècle. Au cours du grand
remaniement que subit la cathé-
drale de Lincoln, peu après sa
construction, des piliers en fais-
ceaux de colonnettes et un second
rang d'arcatures interverti furent
plaqués sur les murs des bas
côtés, déjà pourvus d'arcatures
liéllées. dette disposilion du double rang d'arcatures alternées se trouve
ailleurs construite tout d'un jet, par exemple sous le porche d'Ely, et dans
le second quart du xiif siècle au triforiuni de Beverley, où cette ordon-
nance a été continuée au xiv' siècle.
A partir du milieu du xiu' siècle, sous les formerets et dans les
pignons des églises s'ouvrent généralement des suites de fenêtres en lan-
cette, celles du centre plus élevées, pour suivre le tracé des voûtes; leur
aspect n'est pas exempt de monotonie. Les roses des pignons de transept
de Saint-Albans, Lincoln, York, sont des exceptions. Des fenêtres s'ou-
vrent en général jusqu'au sommet des pignons pour éclairer les combles.
Les façades gothiques diffèrent notablement de celles de France;
elles pourraient cependant avoir une parenté avec celles du domaine
riiûl Enki
1... :■'. — Ilcl.iils (lu Ir.-iMscpl
do l;ic;illiédi;ili' do Lincoln.
L'ARCHITECTURE GOTHIQUE DU XIII SIECLE 75
fraiirais des Plunlogcnols. Coniine en Normandie et en Anjou, les ana;les
de la faç;adc ont souvent des tourelles carrées surmonlck's de flèclies, el,
comme dans le sud-ouest de la France ' Pav-Xolre-Danie. ('.and'- -i ■
arcalures alignées à droite et ci gauclie du portail ahrilenl des statues;
mais ce système a re(;u plus de d(''velo|>|icnii'nl : à \\ élis, à Salisbui'v. et
]ilus tard à Hxcter. |ilusi('ui-s rangs de nirhrs se superposent du haut eu
lias de la l'acade cl Inrnu'nl une >orle de ridundiai'iuni où se logeid des
IIISTOIHK DK LART
slatucs. L'effel de ce casier momiinenlal esl diseulalile, mais iiidiseula-
blemenl original el (oui dilTéienl des alii;nenienls de stalues qui, en
France, meublent seulemeni les éljiasemenls des poiiails. Notons cepen-
dant que le revers de la façade de la cathédrale de Reims otlVe à l'intérieur
la même disposition que rcxléricur de ces façades anglaises. Notons aussi
la manie fâcheuse de couper les arcatures et qualrefeuilles par le milieu
aux angh^s des façades.
Malgré la manifeste
parenté tlu porche de Sa-
lisbury avec ceux de Saint-
Nicaise de Reims et de
Puiscaux (Loiret), le type
des portails est assez dilTé-
rent ; les tympans sculptés
et les piédroits garnis de
stalues, comme dans le
Lbcau portail sud de Un-
coin, sont très exception-
nels : en général, le tru-
meau central des grands
jiortails soutient non des
linteaux, mais des arcs tré-
llés, disposition qui existe
aussi en Normandie (Sécz)
et dans le sud-ouest de la
Fj-ance (Saint-Seurin de
Bordeaux, Saint-Macaire ! ;
le tympan est décoré d'un
oeulus, ou d'un médaillon
et d'ornements, parfois de
ligurines comme à Saint-
Urbain de Troyes. Le tym-
pan du portail nord de
^\ e-^lminstei', consacré à Salomon, était une exception, si toutefois ce
portail entièrement rcfiiit a ressendjlé originairemeut à ce qu il est
aujourd'hui.
La ti'ès originali' façade romane de Lincoln fut conqdétée au xui'' siè-
cle; elle a été aussi iniili'c à Pcterborough, où trois pignons ^'élèvent
assez arbitrairement au front occidental de la cathédrale, surmontant
autant de grandes fenêtres dont les piédi'oits descendent ius(prau sol.
C'est encore là une disposition que l'Angleterre montre dès le xu' siècle
(Tcwkesbury) et qui en France appartiendia à l'art du W .
AHC.HITKCTURE GOTHIOUK Dr XIII SIKC.r.R
yiiel(|U('s (■;iHi(''(lralos du xiii" siècle nrésenlont jiliis de >iiu|ilicilr cl
se rapproclii'iit plus des nionumenls de France, coniinc la belle nef de la
cathédrale dYork, commencée en l'JOI : a\cc ses larges fenélres dont les
meneaux descendent sur l'appui du Iriforium à frontons, et avec ses
piliers en faisceaux de colonnes et colonncttes à chajiiteaux octogonaux
bas de feuillages touffus, cette nef est très analogue à la calliédrale de
(llermont-Ferrand. Le Iransepl. du uiilieu du xui' siècle, esl d'un slvle
tout différent, purement nor-
nuintl,
La cathédrale de Salis-
bury est le type le plus pur
du premier style gothique
anglais : elle fut commencée
en l'2'20; ses voûtes dogives
simples et d'une belle venue
reposent sur des faisceaux de
colonnettes en encorbelle-
ment : les fenêtres hautes sont
petites; le hifoi-ium est une
suite coulinue de baies sui'-
baissées et refendues, (pii
n'indiquent pas nettement la
division des travées.
Dans la cathédrale de
Wells, commencée des le
xu' siècle, consacrée en l!2~)'.l,
ce défaut d'ordonnance est
encore plus frappant : le Iri-
forium forme une série de
petites lancelles d'une grande
monotonie; la voûte repose aussi sur
bellement à fûts très courts.
Ouel(|ues moyennes églises anglaises du xni' siècle non! eu qu une
nef, avec une coursièrc intérieui'c dans l'embrasure des fenêtres : un c(Mé
de l'église de Bolton Abliey, qui n'était pas voûtée, montre cette dispo-
sition, et la cathédrale de Ripon avait primilivemenl une nef unicpu'. mais
avec Iriforium, comme en témoignent les extrémilés conservées.
L'Angleterre [possède un(^ s('rie liés remarijuable d'abijayes, de cloî-
tres et de salles capilulain^s gol biques. Les abbayes cislerciennes de
Founlains. Kirkslall .\elley. Tiidern et Furness soni parmi les plus
belles ruines tlu monde, et peu d'autres monastères présenlenl un cnsendile
aussi conq)lel ; plusieurs abbayes et cathédrales conservent descloilres
gi'oupe^
dnnnelli's en encor-
HISTOIRE DE L'ART
(M surloiil d<*s saillis ciipilulain's, dig'iirs du jiliis grand inlérèl. (lommc
ailli'iirs, |iliisi('urs sont des oxcinples remarquables du slylc de transition:
«illc de Bristol, toute romane de décoration et voûtée sur ogives ornées
de zigzags (1155 à 1170); celle de iJurJiaui, tenuiuéc entre 115") et 1140,
comprenait une travée carrée qui subsiste et une large abside démolie au
xviu" siècle et rétablie de nos jours; le tout est voûté d'ogives; celles de
l'abside rctomjjaient sur de courts pilastres à cariatides adossées. La
salle capitulaire de Kirkstall a le plan rectangulaire, avec deux piliers en
faisceaux de colonnes; le style est celui de la seconde moitié du xu" siècle.
Celle de l'urness est plus vaste et di' même plan. Toutes ont la dispo-
sition normande, qui se voit aussi
en France à Fontaine-Guérard et
qui consiste à ouvrir sur le cloître
trois portails au lieu d'un portail
entre deux fenêtres. A partir du
xii'' siècle, les salles capitulaires
anglaises prennent souvent un
plan tout particulier, en forme de
rotonde, (le plan se rencontre
aussi, mais exceptionnellement,
en Espagne ; dans les autres con-
lii'es il est inconnu, et dans la
< il ande-Bretagne même il n'est
pas universel.
Ces chapitres en forme de
rotonde ont souvent un pilier cen-
tral, comme à ^^'orcester (xii" s.),
Westminster, Salisbury, Lincoln
el Lichfleld (xiir siècIeV
Comme bâtiments inonasti-
qni's rcmai-quables. il faut citer encore, à Fountains, le réfectoire, les
immenses celliers voûtés à tiuis nefs, les latrines, suite de niches exté-
rieures disposées en lile au-dessus d'un canal d'eau courante comme à
Maubuiss(jn, le logis des hôtes et l'inllrmerie, h' tout du xni' siècle; à
Kirkstall, les restes de la cuisine. Le plus beau cloître du xiu' siècle
paraît être celui de Salisbury, entièrement voûté et ajouré aussi complè-
tement que possible d'une suite d'arcades à fencstrages semblables à
ceux du cloître de Saint-,lean-de-\ ignés à Soissons. Le cloître de Lin-
coln, de la lin du xni' siècle, se compose d'une claire-voie très légère,
gracieusement décou[ié(^, et d'une voùie di' bois don! les clrfs portent de
précieuses sculptures, ligurines de loiilc soilr, d'un I)eau style el d'uni'
exécution remarqualde.
I.AIlCIIlTECTrRi: GOTIIIOUK Iil" XllI SIKCM-: 7.1
Ap.r.iiiTECTLP.E CIVILE ET MiLiTAU'.E. — L'urcliilcci lire civile esl surloiil
représentée auxiii" cl au. \iv" siècle par des manoirs. L'un des plus anciens,
le château d"Oakliam (Rutlandshire) conserve une grande salle de la (in
du xu' siècle, partagée en trois nefs par des colonnes à riches chapiteaux
de feuillage, déjà gothiques, qui portent des arcades en plein cintre el une
charpente apparente. Des statuettes assises reposent sur le tailloir des
chapiteaux; les fenêtres géminées s'encadrent à l'intérieur dans des em-
hrasures en plein cintre el onl au dehors des tympans sculptés en tiers-
point: le portail esl en plein cintre; une sculpture élégante enrichit loul(>
celle archileclure. qui peut dater de IISO à 1200. Xursie-d Courl i Kenl'i
Fie. .">S. — Les celliers de Fuiiiil;iiiis .\liijey.
et la salle royale de ^^'inchester, un siècle plus tard, présentent la même
disposition; la seconde a pour supports des faisceaux de colonnelles.
Pour le xni'' siècle, un des monuments les plus originaux est le manoir
de Stokesay. Il comprend une grande salle tenant dune part à un cellier,
et de l'autre à une galerie qui la relie à un donjon de plan octogonal ayant
une face remplacée par deux pans rentrants qui dessinent comme des
bretèches jumelles. La salle a de grandes baies en tiers-point avec tym-
pan garni dun ochIks sui' deux lancetles à haNcrse médiane. (Jes baies
s'encadrent sous une suite de })ignons latéraux. La cliarpenle, appareille
à l'intérieur, avec fermes à aisselliers courbes, esl d'un gi-and caractère.
Le manoir de Longthorpe (Norlhamplonsliire olVre une tlisposition
d'ensemble analogue.
s(i iiisToii!!-: DK i;art
Le cl]àl(>;iii d'Aydon ' .Xorlliiiiuljcrliind) esl (•onijM>s('> d'une suilc non
.syinrlriquo de liAlimonls recUingulaires el de deux enclos irréguliers,
dont lun était un jardin, laulre une cour de ferme. L'architecture appar-
tient au xui' et au xiv' siècle. La distribution est déjà compliquée.
Lai'cliitecture militaire a laissé de très beaux monuments de lépoque
de transition : le château de Conisborough, de la lin du xif siècle, avec son
imposant donjon polygonal renforcé de massifs contreforts dont la tète
devait soutenir des hourds, conserve intactes deux très belles cheminées
et une charmante chapelle de transition logée dans l'épaisseur d'une
murail!(\ Le donjon rectangulaire de Middleliam, dont la chemise et la
chapelle ont élé icbàlies au m\' siècle, esl une énorme et imjiosante con-
struction du xii' siècle, divisée du haut en bas par un gros mur de refend,
comme ceux d'Arqués el d'Hastings. Le rez-de-chaussée semble avoir été
\(iùl('' d'ogives.
\\
ITALIE
De toutes les contrées cpii employèrenl le slyle gothiipK^, l'Ilalie est
celle (|ui l'a le moins compris : la franchise et la rigueur de logique qui
soni l'essence même de ce slyh^ s'accommodaient mal, en effet, avec les
traditions ailisli(pies du peujile romain el av(^r le tempérament d'une
race plus sentimentale que logicienne, plus habile dans l'art d'arranger
que créatrice, et qui n'aime guère la \(rit(' ([u'cmbellie. Ce que l'Italie a
fait pour l'art gothique, ce fut de lui donner le nom, absurde, sous lequel
nous le désignons et qui, pour les Maîtres de la Renaissance, voulait dire
barbare et tudesque; or, pour le Romain, barliare est tout étranger
hormis le Grec, qu'il a ci'u comprendre, el à ce mot s'attache une idée
de mépris. Ainsi pensait-on du gothique en Italie au xv'' siècle, et l'on
constatait qu'au tcnqis où les peuples latins adoptaient la Renaissance,
les peuples germaniques restaient hdèles à un art qu'eux-mêmes et leurs
voisins pouvaient croire alors né chez eux. En réalité, ils se l'étaient
seulement assimilé profondémenl.
Il est faux que les Allemands aient |M>rté le style golhiquc en Italie,
comme on l'a cru, peut-être à cause de l'origine commune du gothique ita-
lien et d'une partie de l'art gothique allemand ; mais si la première impor-
tation gothique n'est pas leur l'ait, on peut leur altritmer la dernière: le
style de la cathédrale de Milan esl germanique. Le style germanique
avait aussi régné en Italie à l'époque romane. Les autres sources de
l'architecture gothique d'Italie sont toutes fran<;aises; en voici l'énunié-
ralion par ordre chronologic[ue.
I.ARCHITECTURE GOTHIQUE 1)L: XIII' SIÈCLE si
La plus iiii]Mirl:i:il(', comme la plus curieuse, csl l'inlluence de rordrc
de Cileaux qui, à la Un du xu'' et au début du xiii" siècle, initia le centre,
puis le nord de l'Italie à l'art de la Bourgogne, berceau de l'ordre.
Presque en même temps, dans la première moitié du xiif siècle, les
chanoines de Saint-Victor de Paris bAlissaient à \'erceil en Piémont une
église et des bâtiments claustraux de style français, cl peu après, la
cathédrale de Gènes s'inspirait de modèles également l'rançais. Dans le
sud, les chanoines du Saint-Sépulcre construisaient vers 1190, à Barleita,
une église de style bourguignon, et les chevaliers Teutoniques une église
de transition à Messine, ^'ers 1255, dans le royaume des Deux-Siciles,
Frédéric II. (|ui (''lait roi de Jérusalem, nccueillaii des colons IVancais
émigrés de l'Orioni latin, el parmi eux des arlistcs. Frédéric II avait vai-
nement tenté d'asservir le i-oyaunie de (iliypre ; ses troupes Ijallues et
chassées entraînèrent dans leur fuite des colons français bannis de ce
royaume pour avoir embrassé sa cause; parmi eux, un jeune gentilhomme,
habile ingénieur et maître d'ceuvres, Philippe Chinard, d'origine cham-
])enoise. Un grand noirdjr(_' tle forteresses et quelques églises bâties alors
dans l'Italie du Sud el la Sicile apparlienneni à l'art français de l'Orient
latin.
Fn même temps, l'ordre alors nouveau de Sainl-Franet>is imporlail
des modèles d'art français. C'est le centre ou le midi de la France qui,
cette fois, entre en ligne avec l'église de Saint-François d'Assise (termi-
née de 1256 à 1259). L'église Saiid-h'rançois de Piologne présenle un lype
dilTérent; elle fui élevée de P2."() à I2i0. Mais ces églises mères furent mal
imitées, et, durant la fin du xiii' et lcxi\' siècle, c'est à l'art leplus apjiauvi'i
de la Provence que les ordres de Saint-Fiançois et de Saint-Dominique,
tout-puissants dans le sud de la France, demandèrent le modèle des nom-
breuses églises qu'ils élevèrent en Italie. Leur influence fut de toutes la
moins heureuse; l'austérité de l'ordre de Cîleaux n'avait fait qu'épurer
l'architecture, la pauvreté volontaire des ordres mendiante sut la rendre
misérable.
^'ers 1270, Charles F' d'Anjou, maître du royaume des Deux-Siciles,
y amena un nouvel et plus nombreux apport de population française el
des artistes. L'histoire a i-etenu le nom du grand maître des œuvres de
Charles \", Pierre d'Angicourt. Le style adopté fut le gothique du midi de
la France. Toutes ces importations ont donné naissance à des imitations
locales, interprétations plus ou moins mallieureuses.
Bien que le style gothique soit manifestement en Ilalii' un art d im-
portation, le principe de la croisée d'ogives semble avoir été connu de
très bonne heure en Lombardic, si Ion s'en rapporte à l'emploi sinnd-
tané de ce membre d'architecture et de formes complètement romani-s à
Saiut-Ambroise de Milan, Sainl-Miciirl de Pavie, etc. Ces voûtes d'uLiives
T. ir. — Il
8'i IIISTOIRF. T)V. LABT
constilucnl un des pi'oljlrmcs les plus il('-licals de l";ii-clit'oloii'i<' du moyon
âge. Les documents éci'ils, loin d'échiii-er la queslion, l'obscurciraienl
plutôt; nous savons en effet posilivcnienl que Soinl-Ambroise fut bâti par
rarchevèque Angilbcrt (8'24-8r)0) et remanié au xi'' siècle, qu'une partie
des voûtes sV'croula en Kl'.Kl cl (pi'un des clochers datç de 112U; il semble
hors de doute que plus (^riinr lia\(''e de voùles fut refaite et que le
xu' siècle a vu s'élever non seulement un clocher, mais une grande partie
de la nef où des bases sont plantées normalement aux ogives, flelte nef
présente le style (|ui parloul lui usili'- mts le milieu tlu xii' siècle. M. le
commandeur Ri\()ira a bien prou\é que Sainl-Miehel de r'a\ir. monu-
ment toul à l'ail (bi même slyle. est du xii' siècle ; il est 'rai (pi'il suppose
Saint-Ambroisr antérieui', à cause de sa construction jilus timide, qui
n"élè\e jias la Mtùle centrale au-dessus des tribunes et n'éclaire pas la
nef, mais l'argument n'est pas sans réplique : Saint-Michel de l'a\ie,
n ayant pas darcs-boutants, est une construction dont la hardiesse pour-
rail bien n'être que de l'ignoranci', et par lapporl à hupu'lb' Saint-
Anibroise serait non un premier essai plus timide, mais l'ieuNre d un
artiste que l'expérience a i-endu plus prudent, ('.est ainsi que les plu>
anciennes églises romanes d'Auvergne, comme His, Glaine-Montégut, ont
des fenêtres hautes qui disparaissent dans les plus récentes, comme Orci-
\al, Issoire. — I^esle une autre église du xi' siècle pourvue d'une croisée
d'ogives, Saint-Flavien de Monteliascone, authenli(|uement tlatéc de lOÔ'i;
c'est une chapelle à deux étages reliés jiar une travée sans voûte infé-
rieure; le type est germanique, il lajijielle la chapelle de Scln\arzrhein-
dorf et l'église octogone du Sainl-Lsjuit à A\'isby (Gotland); quant au
style, il marque deux époques bien lraneli<'M's : à l'ouest, un prolonge-
ment du XIV' siècle dans la façade diupiel a été réencastrée l'inscription
qui donne la date de lOr)^ et le nom du maître d'ieuvres Lando; à l'est,
ime partie dont l'architc^cture est romane et dont l'étage inférieur, seul
voûté, a sur ses collatéraux des croisées d'ogives assez épaisses, de
|)rolil carré, reposant sur des colonnes adossées qui leur sont normales,
et qui rapi)ellent tout à fait celles de Milan et de Pavie. L'étage supérieur
rappelle les églises de Toscanella, dont l'une (Saint-Pierre) est liien du
XI" siècle, et plus encoi'C les églises construites à Mterbe depuis le
xn' siècle (San (iiovanni in Zoccoli, San Sistoi jusqu'au xiv'' (La Madonna
délie Rose). C'est simplement la persistance du type basilical. Un chapi-
teau bizarre, cruciforme, à angles coupés, reposant sur un fût cylindrique,
a été regardé comme annonç;ant à longue distance la forme de certains
supports gothiques, mais n'est à coup sûr qu'un morceau i-employé et
détourné de sa destination j)rimitive : un fragment de faisceau de fûts à
pans coupés surmonte d'astragale. En l'état actuel, les quatre saillies sont
sans emploi, et le dessous non seulement ne se raccorde pas au fût, mais
\n( iurKCTiiU': ootiiioue nr xiii sikcm-,
csl coiiii>k''lrinciil raliulcux, landis ([ue les lares M'ilicalcs soiil liés i)i<Mi
dressées; c'est peul-èlre un socle du xiv" siècle, l'elnuriii''.
Celle chapelle haule n"a donc rien qui puisse être ulilisr |KMir l'his-
loire des oriiiines golliiques, tandis que les voûtes d"ogivcs d'iiin' partie
dr la (diapelle basse sont bien contemporaines de leurs su})porls romans
et d'un style lombard bien caractérisé : les caractères sont les mêmes qu'à
Sainl-Ambroise. El qui pourrait prouver ipie l'inscription commémoi-ativc
remonlée dans la l'aeade du xiv" siècle provienne d'une portion d'édilice
contemporaine des plus anciennes parties conser\ées.' De l'ancienne
façade, nous n'avons pas d'autres débris; qui sait si la façade de IO.~i>,
restée debout juscju'au xiv" siècle, n'était
pas alors le seul vestige de l'édifice pri-
mitif? Un a pu, à la fin du xii' siècle,
rebâtir r('glise, sauf cette partie; cela
s'est fait des centaines de fois, les
façades romanes étant souvent plus
lielles et plus solides que le reste de
l'église; puis, au xiv' siècle, })Our
agrandir, on aura jelé bas cette façade
en cons(M'Nant l'inscriplion (|ue l'un
devait considérer di'jà connue se rap-
portant à l'église entière. S'il en est
ainsi, nous ne sommes pas rensei-
gnés sur la construction de la fin du
xu' siècle, tandis que l'insci-iplion
relaie celle du xi' , dont il ne reste
l'ien ; le cas ([ue je suppose serait ana-
logue à une joule d'exeinjiles connus.
A rin\ersc de ces monuments, on trouve
AM\-ergiie. en Allemagne, en ProAcnce, des (Mlili
>eule est gotliiquc. I^e ly|)e de la basilique n'y e>l jamais tondi('' en (l(''su('--
Uule ; il se renconlre souvent à l'cqioquc romane : à San Miniato, à l^is-
loie, à \ ilcrbe, el, jusqu'au xiv'' siècle, il reslera lV(''(pienl.
Le premier modèle golliiipie iuqiorté en Italie |iar les ( '.ishMciens est
labbaye de Fossanova, sur la \(tie Appienne, près de Terracinc. I.e ton-
daleur lui. en IlST. l'enqjereur Frédéric F', el la nuiison nn''re fut
l'abbaye d'Ilaulecdndie en Savoie, dont l'église l'Iail un modeste édifice
roman. Il l'aul donc cliei-cliei- ailleui's <pn' dans la personnalilé d(> ses l'on-
daleur> l'origiiii' du >l\le nellemeni bourguigmm de la nouvelle abbaye:
c'est sans dimle an cli,qiih-e gi'uéral di' Cîleaiiv <|ne les j)lans l'urent
arrêtés el l'artisle cli(>i>i. I.e cloilre esl lombard, mais, dès la lin du
xir siècle, l'ét-lise el le r.-lecloire luitul cunuuencés dans un tout aulrc
.-Ihl.Mli.'
1 • ro^s.-iii
,v.-,.
Ilali<
connue
en
loni
a décoi'a
ion
FiG. liO. — Ks-lise de Cas
84 iiisKiim: III'; laiît
slylc, ri Icuf iiiiHii;iii;ilii)ii ciii lieu en iniMiic Icinjis, rii l'JIIS. Le iiianli
18 juin, Iiinoreiil 111, airivr en grande ]Hiin|ic, soupa dans le réfectoire,
lojîca ses tieii.v ceiils clieN aux dans les écuries et passa la nuit; le lendc-
uiaia, au levei' du jour, il consacra IV'ylise pendant que TcnNoyé du roi
de Sicile ajiporlait au
IVrre du pape l'inM'sli-
lure du comté de Sora.
Cette solennité devait
avoir d'importantes
consé(|uences : Fossa-
nova dotait, en clTct,
rilalie d'un modèle
d'art plus parlait que
tout ce qu'on y avait
vu depuis les Grecs, et
qui m école; labbayc
devait essaimer et non
seulement lui monas-
tère, mais une universilé 'sliidiitui arliuin). De ce foyer rayonna, pendant
plus d'un siècle, sur l'Ilalie l'enseignement des maîlres ijolhiqucs. Avant
UK'nic d avoir achevé
ses bâtiments, Fossa-
nova fondait une autre
abbaye aussi impor-
tante, Casamari, con-
sacrée en septembre
l'217. L'église estd'un
slyle sensiJilcmeni
plus avancé; la salle
capitulairc et les au-
tres bâtiments claus-
traux sont du même
arl ; quant au cloître,
c'est un mélange d'art
ilalicn cl l'rançais.
A leur tour, dès i'JOX. 1rs moines de Casamari fondaient, dans les
Al)ruzzes, Sainte-Marie d'Arliona, cl peu apiès, en Toscane, San Gal-
gano, dont les travaux furent commencés aussitôt après la consécration
de Casamari, en 1218. Les moines de ces abbayes étendirent rapidement
leurs possessions et mulliplièienl leurs constructions. l']n l'JlO, ceux de
Casamari recevaient l'abbaye de Saint-Nicolas de Girgenti (Sicile!: en
\27>1 , ceux de San tialgano, l'abltaye de Sellimo, près Floi'cnce. En même
■AFiCHlTECTL'Rfc: GOTHIOUK DU XI 11' SIÈCLE
k'iiips ([UL' leurs propres édifices, les religieux maîtres d'œuvres cnlre-
prentiienl de diriger les constructions que les habitants du pays, séduits
par l'art nouveau qu'ils apportaient, venaient leur confier. C'est ainsi que,
de J259 à l'268, trois convers de San Galgano, Fra ^'ernaccio, Fra
Melano, Fra Mario, furent maîtres de l'œuvre de la cathédrale de Sienne;
la cathédrale de Piperno, proche de Fossanova, fut aussi reconstruite en
style bourguignon, à l'imitation de cette abbaye, et les moines de Fos-
sanova firent des élèves, comme Petrus Gulinari cl ses lils Morisius el
Jacobus, de Piperno, qui bâtirent et signèrent on l'2'.ll l'église d'Amaseno,
dans un style bour-
guignon antérieur '*^^^**^^
d'un siècle.
Cependant, la
prospérité et l'acti-
vité des cisterciens
devait prendre fin au
déclin du xiii'^ siècle :
les moines de Fos-
sanova, vers 12^)(l,
avaient reliàti leur
salie c a p i t u 1 a i r e
dans le meilleur style
gothique; de l'28U à
l.~)00 environ, ils re-
l)àtirenl un côté du
cloître, puis ils ces-
sèrent de consti'uire ;
Casamari s'était
achevé d'un jet cl
promptcmenl ; Arhoiia ne disposa pas des mêmes ressources, et San
(lalgano fut commencé sur un plan trop vaste; ces deux abbayes mar-
(pienl le point d'arrêt de 1 art et de la prospérité des cisterciens. A Sainte-
Marie d'Arbona, l'église, avec sa nef atro|ihiée et la salle capitulaire, ne
l'ait i|n'alouidir l'architecture de Casamari; à San dalgano, l'église est,
au riMilrairr, ti(i[i grande: on l'arlicva a\i'e peine au début du xiv'' siècle,
et la partie occidentale, bâtie par Fra Ugolino di ^lalfeo. mauvais élèxc
italien des maîtres bourguignons, n'est qu'un pastiche maladioil de la
j)arlie orientale, une iniilalioii pleine de contresens el d'archaïsmes.
L apogée de lart cistercien est marqué au milieu du xui' siècle par le
chapitre de Fossanova et j)ar l'abbaye de Sainl-^lartin, près \ ilerbe.
(êuvres d'artistes venus de Bourgogne. Ce nouvel a|)p<)il eut aussi
quelque résultat : N'iterbe. conune Piperno el comme Sienne, devint uu
■ir,. 02. — Église abbaliale de San Mailiuo, près Viterbe.
SO IIISTOIHK DE L'ART
[i)\fv (\';w\ i:()llii(iur, iii-àcc au voisinage el à l'inllucnce des moines de
Cileaux.
Ihms une parlic de I Ualic [dus \oisini' jiouilani dr la brancc. leurs
uiaîli'es d'ceuvres l'urenl moins Innireux : il semlile que rcuijdoi de la
liri(|iu\ doni ils n'avaicnl pas a]i|iris à se ser\ii- en Bourgotiiie, leur ail
(■||('' uni' jiai'lie de leurs moyens. Mais la grande inlV-riorih'^ de ces monu-
ments consiste dans leurs remaniemenls : eoinmencés trop tôt, dans an
slvle encore roman, ils ont r\r adaptés, après coup, à l'arcliitecture
g()llii(|uc: la plus runnur de ces alihaycs du ruM'd csl ( '.liiai'a\ allr pi-rs
Milan, l'onih'M- ru I I ."."p par sainl Bernard, consacrée en lL"il comme en
témoigne une insciipiion.
On sait ([ue les églises cisterciennes n'ont que des clochers de bois
ou des clochers de pierre 1res modestes. Celui de Casamari est un modèle
de ce dernier genre, l'ormé d'un seul étage carré et plus étroit que la net",
au-dessus des voûtes de laquelle il est porté sur des arcs. Le clocher de
Fossanoxa eonsliiu(\ au conlrair(\ une singulière dérogalion aux règles
dr Cileaux. 11 n'esl pas iHuuguignon . nuiis limousin, inspiré évidemment
lin pelil clocliei- iictogdue d'()lia/.ine : ipiaire de ses ai'("les coïncident,
selon la mode limousine, avec la créle des toitures; mais au lieu d'un
(■•lage, il <'n a deux, surmontés trun(^ pyramide de pierre et d'un lanlernon ;
les angles sont garnis de colonnettes saillantes comme dans les clochers
octogones gothiques d'Auvergne et de Provence. Chiaravalle, près Milan,
})ossède aussi une Jour octogone très élevée, mais c'est uni' lanterne de
hrique; (die rap}>(dle la tour de Sainl-Sernin de Toulouse.
Ce plan des églises cisterciennes d'Ilalie es! siuijile. A Valvisciolo,
1 ('g lise du xni' siècle, eneoi'e romane, n'a (pi'un iduinir carré, une nef à
basculés lerniin(''s (''galemeid en rectangle; r(''giise romane di' Sainl-
Paul-Trois-Fonlaines, piès Honu', les abbayes de Chiaravalle di Casla-
gnola, h'ossanova el Arbona oui. déplus, un li-ansept avec quatre chapelles
(•arr(''es: Chiaravalle. près .Milan, en a six: Casamari et San (jalgano
(puilre,el un bas i-CAr en regard; enlin, l'église de Sainl-.Marlin près
\ ijerlie. -,[. au lieu du (dii'xel cari'i'-. une abside polygonale, et, à l'est de
clia((ue bras de IraiisepC deux iraxées formant une chapelle h deux autels.
Toutes ces églises soni eidièi-ement voûtées, avec vaisseau central
dominant franchement les bas ciMés. mais sans arcs-boulants. L'abbaye
de \ alvisciolo, au xni' siècle, n'a encore que des voûtes d'arêtes; à Fos-
sanova, l'église, de 1180 environ à l^OS, est voûtée de même, sauf au
cari-é du transept qui possède une croisée d'ogives et de liernes; à Casa-
maii. Ai-bona el San (îalgano, la voùle d'ogives règne partout et le carré
du transept a pareillement des liernes. Ces églises ont des piliers carrés
à colonne engagée sur chaque lace.
L'ARCHITECTURE (iOTlIIOLE lU-NIII SIKCI.
S7
Les cloîlres soiil imiiiis iiih'Tessiinls (inVn l''r:iiic(' on en Msiiiiniic: li'
pins (■■li''i;iinl . M ( '.lii:ii:i\ nllr tlrllii ( lolduilui, p;ii-;iil (hiliT iln coinnicnccnicnl
du \i\' sii'cU'; ses \()ùl('s d oi;'i\('s ri'luinljcnl ^nr des rnlols de l'eiiilhiiics,
dans chaque tra\ée s ouvre une suite de peliles arcades |iorlées sur de
iincs colonncltes jumelles de marbre rouge, dont les chapiteaux canw'-s
n'ont que des moulures. La partie gothique du cloître de Fossaiioxa date
de la fin du xiu'' et du \i\' siècle; elle n"a que des \(M'dcs d';irrics: chacinr
travée a, de môme, une snilc de petites arcades eu lier^-poinl portées sui'
colonncltes jumelles de mailire l>lanc, et les jdus r('cenles ont des fnls
sculptés a\ec recherche. L'édicule cari-é' du la\alioest élé'gant ; ces moi--
cean\ d'architecture s'écartent sensildi'inenl di
nii ro\ei
d';
dèles français.
I golliiipH' (l(''rivi''
f
, — CnupcilcIjicallK'ilruloilc
Les einirons de Fossanova i'ni'eii
la I5oiu'gogne; ou peut citer
comme o:'uvres de cette école : à
Piperno, la cathédrale avec son
porche tout semblable à celui de
Saint-Philibert de Dijon; l'église
Saint-Laureni xii' s. . l'église ':'
dominicaine de Saint-Thomas- ,:-
d'Aipun, consacrée l'ii ITir/t; l'hô- p
pital des Anionins et leur cha- L
pelle bàlie en l."."() par Toballo ^
de Jauni; à Sermoneta, Sainte-
Marie, Saint-.Michel, Saint-Nico-
las; à Sezze, la cathédrale consa-
crée en 1564, Saint-Pierre, ci
' I L' ;i|>!'C- IMMII'J l-l I.CV'JJU j
l'église démolie de Saint-LaurenI ;
à Subiaco, la chapelle et la crypte-escalier de Saint-BenoM el I
de Sainte-Scolastique ; Sainte-Marie-des-l!oseau\ el Saiid-Mnic près
Sonnino; à Terracinc, l'église Dominicaine et la cliajielle de l'Annoiu^ia-
tion, par André de Piperno; à Fondi, Saint-Piei-re, Xolic-Daine-de-iion-
Secours; à Ferentino, Saint-Antoine (seconde moitié du xiii' s. , Sainl-
^'alentin;à Anagni. la calhédi'ale ; Saiiile-Marie-dn-Fleuve à (leccano.
Sainte-Marie-Majeui-c de l^'erentinu, réduction tiès élégante de Fossa-
nova, date du xiii' siècle. Elle a. comme b'ossanova. une tour centrale octo-
gone ])Oséc d'angle.
L'inlluence de San (ialgano n'a pas éti'' moins C(uisid(''ra|j|e. el a pro-
duit des monuments plus célèbres. Les archives de la calliédrale de
Sienne, j)ubliées par Milanesi, permettent de saisir la jnenve matérielle
de cette influence. Les plus anciens documenis numlreul. en LJ-'w. l'd'uvre
dirigée par un religieux de San Galgano, l'ra \Crnaccio; en l'é\rier LitiO,
il est remplacé par Fra Mclauo. couvers, (pu parail pour la dernière lois
M.rlail
HISTOIRE DE L'ART
à Sienne en l'2(iS; il ;iiir;ut réinlégré son ablmye de l'iTI ;i I27i; mais les
cisterciens continuaient de diriger l'œuvre : en I'JS'k !<• maîlre élait un
troisième religieux de San Galgano, Fra Maggio.
La coupole lomliarde du transept et le clocher non moins lombard
de la cathédrale semblent antérieurs à i2o9, cl peut-être à la prise de pos-
session des chantiers par les cisterciens; le chevet, dont les voûtes
s'achevaient en I'2(i0, rappelle par son plan rectangulaire et par ses trois
fenêtres surmontées
d'une rose, les habi-
tudes bourguignonnes;
les fenêtres hautes de
la nef sont d'un modèle
l)ien français, et. dans
loid(^ l'église, une par-
tie de l'ordonnance tant
intérieure qu'extérieure
est nettement bourgui-
gnonne : les jjiliers
carrés cantonnés de
quatre grosses colonnes
engagées, la corniche
intérieure de très forte
saillie qui règne au-
dessus des arcades, en-
lin la corniche exté-
rieure à modillons dont
les faces latérales évi-
dées forment entre eux
des cavités demi-circu-
laires, sont ;iulant de
particularités familiè-
res à l'architecture de
Bourgogne de la fin du xif et du commencement du xui" siècle, que les
moines venus de Casamari avaient enseignées à San Galgano. L'ordon-
nance des portails de l'église et du baptistère, avec baie en plein cintre
flanquée de deux baies en tiers-jioint, rappelle les porches de Saint-Phili-
bert de Dijon et de I5eaune,et le porche bourguignon de Piperno. Dans le
haut de la façade, qui date du xiv' siècle, la galerie extérieure à frontons
rappelle celle de Saint-Bénigne de Dijon, et les deux tourelles à baies
encadrées de pignons sont le diminutif d'une disposition champenoise
qu'on observe à la cathédrale et à Saint-Nicaise de Reims, ainsi qu'à la
calhédi'ale champenoise de Famagouste (Chypre). La sculptui'c de beau-
Phot Lombanli,
FiG. 04. — Cnlhodralr de Sienne.
L'ARCHITECTUHK (iOTHIOUE DF Xlll SlI-.r.LK
coup de chapilcaux est l'raiiç;aise. Fi';uit;ais également, dans ses parties
les plus anciennes, le curieux et magnifique pavement; il consiste, comme
à Saint-Bertin et Noire-Dame de Saint-Omer, Tliérouanne, .Mont-Saint-
VAo'i, Saint-Nicaise de i^'ims, en dalles oi'nées de ligures cxécuh'es en
cliamplevé, dont les creux son! rem]ilis de mastic noii-.
Toutefois, d'autres dispositions pi'ocèdenl de traditions loialcs,
comme la coupole, le clocliei', Tapparcil alterné noirci Idanc, et cerlains
pastiches du décor romain, comme les frises insérées entre les chapiteaux
et les retomhées, ou les fùls de
colonnes des portails ornés de
rinceaux. Pour les xui'" et xiv'' siè-
cles, 71 noms de maçons et de
tailleurs dimages ayant travaillé
à cette œuvre composite sont
parvenusjusqu'à nous : Milanesi
les a fait connaître, et je ne noie
ici que les cisterciens, et les
deux célèbres sculpteurs Jean et
Nicolas de Pise; on sait cpie ces
derniers ont exécuté la chaire,
de l'2ti:) à P207. Selon M. Emile
Bertaux, comme on le verra
plus loin, ces artistes auraient
pris contact antérieurcmenl.
dans rilalie du Sud avec les
artistes français de Frédéric II.
Quoi qu'il en soit, ils rencon-
trèrent à Sienne des maîtres de
France, et « l'initiation à peu
près complète à l'art des scid-
pleurs français », que Frdix de
Verneilh remarquait déjà chç/. eux, ]ieut sCxplicpu'r aiséuKMil.
Les autres églises gothiques de Sienne sont des ri'tluclions a|)}iau-
vries de San Galgano ou delà cathédrale, comme Sainl-ltoniinique, élevé
cnlie I'2'21 et 1540, et Saiiil-Fraiiçois, l'drvé de |-2'('.t à \i'^'.K iniis repris
par Fra Agostino et Fra Agnolo, franciscains, en l."'2(i. Parmi les églises
de la famille de la cathédrale de Sienne, il faut signaler la petite cathé-
drale de Grosselo, une drs jilns jolies églises d'ilalii'. poi-laiil la dale
iniliale de l^Uk el le nom du maître d'unnres siennois So/.o di [{usli-
cliino; Saint-.Vndri' d'()r\ieto. monument du milieu du xuT siècle, el
Saint-François dans la même ville; à Pise, Sainte-datherine (I'2r)d) el
Saint-Michel-du-Bourg qui passe pour l'œuvre de Nicolas de Pise ou de
90 IlISTOlIil': DE I.'AIÎT
l'i'a (iiiglicliiio, son éli'vc ; Saiiil-I )(iiriiiii<|uc de Pérousc, jilliiliiK' ;'i .Iran
de Pise, la calliédralc, Sainl-I)umiiii(|ur et Sainl-I''ranrnis dr l'raln. les
églises d'Asciano, Monlieiano, clc.
]/(''L;]ise des clianoiiics de Sainl-\ iclor à Verceil. Sainl-Aiidr(''. ]ii('--
scidc lin jilan (|iii })arli(ip<' des l'-glises eistercieniies i-\ des |)rali((ues
(•liaiii|ienoises : clievct reclangulaire. quatre ehapcUes à paiis de dimen-
sions déeroissanlcs ouveiies sur un transept simple, ime nef avec bas
côtés, une tour-lanterne octogone, deux petites tours carrées à la façade.
L'église est entièrement voidée d'ogives, les arcs-boutants sont sim})lcs et
bien construits. Les portails, les piliers, les colonnetles, les arcs-dou-
bleaux sont en })ieri'e ; dans les ogives, Irois briques alternent avec un
claveau de pierre; le plein des murs est en brique. L'architecture est un
mélange d'art lombard et d art golbicpie.
L'Italie du Sud a des églises de transition, œuvres des moines de
r( )rient hdin : chanoines du Saint-Sépulcre à Bai-letta, el chevaliers teu-
l<iiH(pi('s à Messine. Les dates exacics de ces nionuiiiriils nr nous sont
pas connues, mais ils ne |)eu\ent a\<)ir été éle\(''s qu à la lin du mi' siècle ;
l'église de Messine l'sl un éli''gant exemjde, tel qu'il pouiiait se trouver
en France mcMne ; l'église de lîailella pi'i'-senle un raiaclèie bourguignon
nettement accusé. Le pian est, toutelnis; celui des églises de l'Orient
latin. Ses trois al)sides à cul-de-i'our s'ouvrent directement sui'un transept
très peu saillant à coupole octogone; le peu d'élévation de la nef par
rappoit aux bas côt('-s, les tei'rasses, sont autant de particularités qui
rappidieni les églises de Palestine: la corniehe à uiodillons des absides
est semblable à celle du baptislèie de .lelx'il. Peut-être ces absides sont-
elles antérieures à la nef. (lelle-ci présente j)lusieurs particularités bour-
guignonnes: un narlhex dont la tribune avait à l'origine une absidiole en
encorbellement ; des arcades en tiers-point et des piliers carrés cantonnés
de trois colonnes engagées et d'un jiilastre à cliapiteau sculpté; au-dessus
de ces |(ilastres, un singulier tronçon d'i^ntablenien! , et. au niveau de leurs
tailloirs, un cordim lK)ri/.oidal de foi'te saillie: eulin et sui'toid. au sud. un
portail à fronton, \oussiires eu tiers-point el pilastres à fùls orni's de
losaees dans des cei'cles perlés el à soubassements cannelés; ces orne-
ments rapp(dlent les jiorlails de Tonnerre, Avallon, Semur-en-Brionnais.
( Juaid à la curnielie. avec les cav il(''s deuii-eireidaii'es creusées entre ses
modillons, elle rappelle loules les eoin iciies de la Bourgogne ; elle a de
plus, sur clia(pie inodilliui. lui niolif seul]it('' d'un très beau style : tètes
d'hommes et d'animaux, orm'uients divers. L'église devait avoir un
porche au delà de son narlhex avec deux tours carrées, et le transept a
]Mirl('' une loin- octogone: c'est la disposition de Paray-le-Monial el de [>a
Charité.
L'ar(diilecture gothique du règne de Fr(Wl('ric II dans l'Italie du Sud
LARCIUTIICTUHK COTIIKjrK 1)1 Mil SIKCI.I-; iil
osl surloiil civile el inililairc ; il l'iiut cependant ciler la calliédiale de
Cosenza, mélange de l'oriurs L;ollii([urs françaises cl de persistances
romanes: elle appartient à l'école du loyaume de Jérusalem. Le sanc-
tuaire est une abside à cul-de-rour. aicliaïsme qui a subsisté jusqu'à la lin
du xiv'' siècle en Chypre, et qui n'e>l pas étonnant dans cette église, vnii-
semblablement bâtie par un maître d'œuvres d'oui re-UKM'. La façade esl
percée dune grande rose et de trois portails en tiers-point; son appaii il
est alterné de deux couleurs dans le goùl lomliard. (l'csl probablenieni à
une inspii'ation Imurguignonnc (pi'esl ilTi le conlon «pii couiie à mi-iiauteur
l'ordonnance iidérieure. A toul prendre, eelle (''Liiise e-^l incohéi'i'ule et
mal com[)Osce, mais elle altesie incordeslableuienl l'inlluence frau(;aise.
Ce qu'elle a de plus remarquable esl la tombe d'Isabelle, femme de IMii-
lippe le Hardi, morte d'un accident en !'270, au cours d'une escale de la
flotte qui ramenai! le corps de saint Lduis. L'architecture l'n e>l puie-
mcnt française; t-'esl une grande arcalure subdivisée par des meneaux cl
ornée d'un tyuqian découpé: au centic, est une \ ierge ; à droite et à
gauche s'agenouillent les statues du roi et de la reine.
L'église Saint-Micliel dans la grotte de Monte Sanl" Angelo. sur le
mont Gargano en Fouille, est datée de 1274. Elle comprend un saii<luairc
carré et trois travées de nef voûtés sur ogives en tore aminci; les dou-
bleaux sont ('pais cl sans moulure, fornu's de deux liandeaux et retom-
bant sur des pilastres à simple lailloir. Une des paiois est l'ormi''e «lu
rocher oïi s'ouvre la grolle miraculcus(^ ; de ce côii'-. les pilaslres soid
très courts, et entre eux sont bandés des arcs de décharge en tiers-point.
Les châteaux de Frédéric II appartiennent presque complètemeni à
l'arl L:()llii(pie français. Le château i\r 'l'rani. (pie l'on sait brdi par l'ingi''-
nieur chy})rois Philippe Chiuard, est, comme le château de Cérines, un
rectangle avec tours aux angles; il a des fenêtres semblables à celles de
Saint-IIilarion. Le CasIcI Maniace de Syracuse occupe, comme celui de
Cérines. un îlot défendant le port. C'est aussi un rectangle à quatre tours
rondes, avec cour centrale carrée, et deux étages entièrement couverts
de voûtes d'ogives retombant sur de grosses colonnes engagées, dont les
cliapileaux octogones onl deux rangs de ci'ochcls.
Castel dcl Monte, bàli peu avani l'24(l. es! un autre château régulier
cl entièrement Mjûté; son enceinte el ses lours soni nclogones; comme la
Tour Constance d'Aigues-Mortes, il a des terrasses qui recueillent les
eaux pluviales el les écoulent dans des citernes occupant une partie des
tours. La piiric d'ciilréc c>l llanquée de pilastres cannelés el sui'monléc
d'un IVonloii qui rajipellenl certains portails bourguignons de la fin du
xin" siècle ; les voûtes du rez-de-chaussée forment des travées cariées, sur
croisées d'ogives alternant avec des sections triangulaires de ben-eaux
brisés qui rachètent le plan en trapèze. Les arcs de ces voûtes relombenl
92
HISTOIRE DE I/ART
sur ties colonnes engagées semblables à celles de Syracuse. A l'étage
supérieur, elles sont remplacées par des faisceaux de colonnettes dont
les luis Irès élargis à la base et les chapiteaux à feuilles d'acanthe ne
sont }tliiN pniciiirnl IVjiiir.iis : il en csl de même des cheminées à manteaux
coni(pirs cl (le la bande décoialivc d'appareil réticulé qui circule à mi-
hanhnr des clianibres ; il y a là une influence archaïque et germanique;
cnlin, les i)arqueis et certains revêtements de murailles étaient de
mosaïfpies slellilbrmes en marbre, œuvre d'artistes arabes. L'aménage-
nieiil ('Liil ciinforliible. chaque appartement avait des latrines pourvues
de conduites d eau.
i /église Saint-François d'Assise, en cours d'exé-
culion en l''2'29 était terminée en l^ôt), ou peu s'en
faut, car on s'occujiait de la meubler; le clocher fut
construit après l'église, et était terminé en 1259; on
s'occupait alors de fondre les cloches; en 1246, on
éle\a le niui' de soutènement du parvis, et, le
2") mai I2"i.", Innocent III consacra l'église. On
connaît deux maîtres de l'œuvre, le franciscain
Filippo da (lauipello, de 1252 à 12r)"i, et Petrus
Luprandi, cité comme témoin dans un acte; mais on
ignore quel artiste fit les plans et dirigea les premiers
travaux, et la nationalité des deux maîtres connus est
doLileuse (un village de Campello existe bien, près
d'Assise, mais il s'en trouve d'autres, et le nom
peut encore cire une ti-aduction de C.hanqieaux,
vocable assez répandu). On sait que l'édifice, bâti sur
un escarpement, comprend église haute et église
basse à demi souterraine. Chacune a une nef simple,
un transept et une abside aussi large que la nef, le tout \oùté d'ogives;
c'est le type du midi de la France et, comme dans cette région, la crypte
a uni^ suite de chapelles entre les contreforts. File est donc plus étendue
que r('glise supérieure, disposition rare qui se trouve aussi à l'église
romane tle IMonlmajour, près Arles. Comme dans les églises à une nef de
l'Anjou et du Languedoc, une coursière traverse les embrasures des fenê-
tres et passe à travers les piliers, qui sont des faisceaux de fines colonnes ;
au liansept, ce passage se transforme en Iriforiuni avec arcades, comme
à Sainl-C;qirais d'Agen. La corniche à modillons est d'un type commun
dans le midi de la France. Les contreforts sont cylindriques, particula-
rité très rare qui se rencontre à Sainte-Cécile d'Albi. A ces contreforts
ont été appliqués, sans doute après coup, des arcs-boutants lourds et très
simples. Les fenêtres sont en tiers-point, de dimensions médiocres, avec
meneau surumnlé d'un (luatrercuillc, et couronnées d'un très maigre lar-
FiG. 65.
i]v Sainl-Franc
(l'.\ssise.
LAHCHITKC.TURE COTIIIOUE Di: XIIl" SIÈCLE '.r>
mier. Les porlails sont, coinine les fcncMres, refendus en deux Lnics sur-
montées d'une petite rose qui s"encadre dans la voussure. C'est un type
assez répandu en Champagne, Bourgogne, Provence, Chypre (Villeneuve-
l'Archevéque, portail ouest; Bcaucaire, Sainte-Catiierine de Nirosie) et
Angleterre.
Sainte-CIair(^ d'Assise est une réduction misérable de Saint-François,
qui a perdu tout le charme de l'original. Les proportions sont beaucoup
moins heureuses; les faisceaux de colonneties sont remplacés par des
supports uniques, aux chapiteaux sans grâce; les fenêtres sont de simples
lancettes; l'église a des arcs-boutants, plus lourds encore, mais n'a pas
de crypte. Commencée en l'257 sous la direction de fra l'ilippo da Cam-
pcUo, elle montre bien cpie celui-ci ne peut avoir été capable de com-
poser Saint-François.
Saint-François de Bologne appartient à un tout autre type, et, seule
en Italie, cette église a un plan tout à fait développé et des arcs-boutants
bien compris. Elle fut bâtie de ItiôG à l!240, sous la direction du maître
d'o'uvres .Marc de Brescia, et du frère Jean, franciscain, qui refit de l'2M
à l'J.Mi deux arcades écroulées. En 12G1 fut élevé le clocher au sud tlu
transept; en 1290, le maître d'œuvres Bonino et son aide Niccolo con-
struisirent à côté un plus grand clocher isolé ; en 138.", on travaillait à la
façade. Le travertin a été employé pour l'encadrement des portails, quel-
ques bas-reliefs de la façade, les chapiteaux et bases des piliers, les me-
neaux et remplages des fenêtres; tout le reste est en brique.
L'église de Bologne a eu plus d'iniluence que celle d'Assise; le plan
du chœur, avec son déambulatoire à chapelles carrées, a inspiré au
xiv"" siècle, à Bologne même, l'église des Servi, et à Padoue la célèbre église
de Saint-Antoine, qui imite en même temps Saint-Marc de \ enise et com-
bine avec l'emploi des voûtes d'ogives sur le clueur et les collatéraux le.
système byzantin de trois coupoles sur tambours couvrant la nef centrale
Chaque travée de nef de Saint-François de Bologne, couverte de voûtes
sexpartites, répond à deux travées des collatéraux; le transept simple ne
dépassait pas originairement les bas côtés; le déambulatoire est moins
éh'vé que les bas côtés et a neuf chapelles carrées. Les triangles qu'elles
laissent entre elles ne sont pas remplis de maçonnerie comme dans beau-
coup d'églises, mais entre les angles sont bandés des arcs très plais
formant étrésillons et ne portant pas la loiture, car chaque chapelle a son
toit à pignon. Comme en témoignent les vides intermédiaires des cha-
pelles, les culées des arcs-boutants sont peu épaisses et portent en partie
sur les piles du déambidatoire. Dans la nef, les arcs-boutants alternent
avec de lourds é}M'i-ons dr Mia(;(uinrric plrinr qui épaidrid les refondiéi'S
pi'iiicipalrs. tandis que 1 arc-houlani cni rcspond M'ulcment à l'arc do
i-rlriMl des \()ùlcs >c\[Kiililcs : ai-cs-li(iulants cl ('•perons sendileiil ajoulés,
1)4 lllSIcmil': l)H LAUT
cl ce lui s.iiis (Idulr (jr li'M à 1-J"i(i, dans la l'crarun i\\u suivi! Ircroiilc-
mrill |i;irlirl.
'Ions les arcs et loulrs les liaies sonl en licrs-poinl ; les lenèlres
hautes du clneur sont surmontées d'(i'ils-de-h(i'uf comme à Saint-Bertrand
de r,(.uiini;es. Les supports de la nef sont lous d'égale force, malgré
l'emploi (les voûtes sexpartites el l'alternance des arcs-boutanls et des
éperons. Ce sont des piliers octogones surmontés de chapiteaux à cor-
heille lisse ou feuillue; au nord-ouest on a essayé une alternance pure-
ment décorative en décomposant deux de ces piliers en faisceau de huit
j)ilastres. Les voûtes de la nef retombent sur des pilastres à angles
coupés engagés, assis sur le tailloir des piliers; le transept cl le déandm-
latoirc onl des faisceaux de colonnettes. Les l'cnètrcs îles chapelles du
chd'ur avaient des meneaux à colonnettes et à trèfles du meilleur style
français; celles de la nef sont closes de lames de travertin criblées de
trous où s'enchâssent des lentilles de verre. Le clocher porte une flèche
et des clochetons de luiipie (•()ni(iu('s. La façade, comiiosition absurde
sans nul rapport avec l'édilice. a fait école à \'iccnce et à IMaisance.
C'est un pignon unique et trop grand, percé de trois (l•il^-(le-b<l'u^ donl
deux s'ou\ rent dans le vide au-dessus des bas ci"it(''S.
L'église Sainl-b'raiiçois de \'iterlie procède de celle d'Assise et des
éditices cisterciens. Les travaux ont été commencés après L237 ; l'édilice
est bien bâti, assez bien proportionné, et sa pauvreté voulue n'est pas sans
élégance. L'église dominicaine de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence, bâtie
en pierre, de 1277) à 1")}!), est une des meilleures constructions d'Italie;
avec sa nef peu éhnée au-dessus de bas côtés étroits, elle rappelle cer-
taines églises du cenire et du midi de la b'rance. Elle n'a pas d'arcs-
lioutants, luais des (■perons portés sur les doul)leaux des collatéraux
suffisent à épauler la voûte de la nef et. dans les lunettes de celle-ci, on a
pu encore percer des (eils-de-b(euf comme dans diverses églises françaises
(Vaugirard, Arcueil, etc.). Le sanctuaire carré s'encadre de clia]ielles
carrées, celle du nord surmontée d'une petite tour que couronnent une
flèche à quatre ]ians el (piafre l'ionlons rappelant Saint-Germain d'Auxerre
ou les clochers germaniques. La corniche à arcalures est germanique ou
lombarde; les voùles sont bombées, les doubleaux épais et sans mou-
lures. Les (piatre colonnes engagées dans les piliers cruciformes et les
colonnettes piofilées dans leurs angles ont des chapiteaux à deux rangs
de feuillages un peu mous, rappelant ceux du midi de la France.
Les monuments élevés dans le Sud. sous Charles T' et ses successeurs
immédiats, sont généralement médiocres. Le plus ancien fut une abbaye
cistercienne dédiée à la Victoire sur le champ de bataille de Scurcola
Marsicana, au Itord du lac b'ucin. Ses fondations permettent de constater
i.ARciiiTi'.cTrni': (ioTiiHiri', i»r xm sikci.h
(liii' l'riilise et les autres hàliments atlVchiieiil la inèiiie dispusilion (|iii'
(lasanuiri et Fossanova.
La })lus belle église conslruile sous Charles I'"' est Saiiil-Laurenl de
Naples. La nef a été travestie au xviu'' siècle: le clueur, siiiipleinrnl l|■;nl^-
l'ornié en magasin, a moins souffert; c'est un monumeni rare cl reniar-
qualile, car il offre le type d'une grande abside française à déaudjulaloire
avec ses chapelles rayonnantes ;
les voûtes d'ogives retombent sur
d'élégantes colonnettes. A Naples,
la cathédrale Saint-Janvier et
Saint- Dominique-Majeur ; à Lu-
cera, la cathédrale; à .Messine,
Saint-Fi'nnçois, sont des églises à
nef cl bas (•(^(('•s sans voûte, avec
trois aiisidrs polygonales voûtées
d'ogives; leuis piliers rectangu-
laires ont deux colonnes engagées
l'épondanl à la seconde voussure
des arcades, en tiers-point et Ijien
moulurées; les chapiteaux oclo-
gones feuillus appartiennent au
type du midi de la France. Sainli'-
( llaire de Naples, conforme à un
autre type provençal, a de cha(pie
côté de sa large nef une suite <le
chapelles.
l^a plus élégante peul-èli-e des
églises de Naples était la petite
église Saint-Eloi, fi-ançaise par ses
patrons les saints Floi, Denis et
Martin; française par ses fonda-
teurs Jean d'Aulnn, Guillaume de
Lyon et (iuillauiui' de Bourgogne,
et non moins française d'architec-
ture, avec sa nef et ses bas côtés voûtés d'ogives, ses Irois absides à pans
et son élégant portail nord de la lin du xin' siècle.
Le clocher de Lucera. avec ('lage oclogone élégant quoi(|u'un peu
mesquin, posé sans Iransilion sur une base carrée et couronné dune
courte tlèche de maçonnerie, esl conforme aux modèles provençaux.
11 existe au xin*" siècdc dans le sud-est de la Fiance et le nord de
litalie une école d'archilcflure, (pn^ l'on poiu rail nommer école des .\lp(^s,
mélange de gothique français cl ilc roman lombard : la cathédrale d Lm-
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HISTOIHK DK LAIîT
hriiii, Féiilise de Seyne, voiit(!'es en berceau, la calhrdrali' de Gènes, et
Saint-Sauveur, près Lavagna, dépourvues de voûtes, ont par ailleurs
les caractères du meilleur style gothique du milieu du xiii' siècle; la
sculpture et les moulures ne diffèrent pas de celles de l'Ile-de-France,
mais sont exécutées en beaux marbres blancs et noirs, et seuls l'emploi
alterné de ces mar])rcs et les frises d'arcatures raccordées à des plates-
bandes, jiersislance de deux tradilions lombardes, donnent un caractère
parliculier à ces édi-
lices. Les arcades,
les porlails, et sou-
vent les fenêtres,
sont en tiers-point;
la façade est généra-
lement percée dune
grande rose à fenes-
trage rayonnant,
aussi hardiment épa-
nouie que dansTIle-
de-France.
Les trois |)or-
lails de façade de la
cathédrale de Gènes
sont un magnifique
morceau d'art du
xHi' siècle; beaux de
proportions et de
détails, ils sontpeut-
ètre trop peu con-
nus. Dans leurs ar-
chivoltes on remar-
que des zigzags, ré-
miniscence romane
(|ui, en Normandie
ou en Angleterre, serait conforme aux haiiiludes et (pii ne se retrouve
pas dans les édidces romans du pays ; mais les chapiteaux à tailloirs scul-
ptés sont semblables à ceux de Saint-Pierre de Lisieux. d <1 aulres orne-
ments ra|)pellent les portails de Mantes.
D'autres porlails sont moins ornés, mais élégants; ils sont, en général,
surmontés d'un fronton, et souvent leur dernière voussure, par une tradi-
tion lombarde, repose sur des colonnettes détachées des piédroits;
elle peut même former une saillie proéminente au point de constituer un
véritable porche, comme à Digne, Embrun, Ancône, et très souvent ces
l.AliCIllTECTUHE (;OTIligL:E DU Xlll' SlKCl.li 07
rulunnellrs conlinuent de reposer sur des lions accroupis. On reniai'-
quera que, dans le plus pur style gothique du xiii" siècle, à la cathédrale
de Chartres, à Sainl-Julien-du-Saut (Yonne), le môme type de porche est
admis; il est prohahle qu'il dérive de la tradition lombarde par l'intermé-
diaire de modèles romans français ayant recueilli cette influence, comme
le porche de Saint-Gilles.
Les colonnes rondes trapues à chapiteaux feuillus de la cathédrale
de Gènes ne ditl'èi'ent guère des piliers français du même type. Si la scul-
pture d'ornement est digne de la France, la statuaire a gardé la rudesse
lombarde, comme en témoigne le curieux jubé du xm'' siècle de l'église de
\'ezzolano, précieux modèle de reconstitution pour les jubés français du
xiu' siècle, tels que ceux dont l'église du Bourget (Savoie), les cathédrales
de Bourges, de Chartres et de Paris conservent des frises ou débris de
frises. Le jubé de \'czzolano, encore intact, jH'ésenle un mur plein percé
d'une seule jiortc centrale en tiers-point, flanquée de deux autels; la
porte et les autels s'abritent sous une tribune portée en avant de la cloi-
son sur des arcades en tiers-point que soutiennent de jolies colonnettes
avec chapiteaux à crochets; la frise sculptée forme le parapet.
L école des Alpes possède des clochers carrés, hardis et élégants,
dont la tour reste complètement lombarde, avec des séries de petites
baies en plein cintre portées sur des colonnettes à chapiteaux barlongs,
d'ornementation et de galbe à peu près nuls; mais ces tours se couron-
nent de flèches octogones élancées; quatre pyramidions triangulaires
chargent les angles. Ces flèches rappellent par leur type, par leur
silhouette élégante et par leur hardiesse celles du nord plutôt que celles
du midi de la P^rance; elles s'en distinguent seulement par plus de sim-
plicité; semblables en cela à celles du Poitou, jamais elles n'ont ces bou-
dins d'angle qui donnent une si élégante fermeté aux flèches fi-ançaises ;
jamais non plus leurs faces ne sont guillochées d'imbrications ou percées
d'ouvertures comme en France ; leur type est toutefois d'une origine fran-
çaise incontestablr.
Dans le nord de 1 Italie, lieaucoup d'églises de brique uni un style
gothique qui mêle à l'imitation du midi de la France les traditions lom-
bardes et quelques influences germaniques. On y trouve des nefs uniques
ou triples, bordées de chapelles, une persistance du chapiteau cubique,
deux travées de bas côtés pour une de nef. Parmi les types les plus par-
faits de ce genre d'églises, il faut citer celle des Carmes de Plaisance, el
I abhaliale cistercienne de Chiaravallc di Castagnuhi.
La ^V"nélie et l'Emilie possèdent une école gothique qui n'est pas
sans inlércL ])i(n que trop souvent ses églises soient encombrées de gros
eniraits de bois étrésillonnant les arcades et les doubleaux. Ces églises
du xiii" et du XI v" siècle sont très simples; leurs supports sont des
T. II. — l">
iiisToiiii-; i)K i.AJrr
coldlllics (Ir |iiriTr :i\rc cli.ilii I ciinx à cinclirls il llli ;iii \fr> jKUnrc; cclli'S
de l;i nrlsoiil liuU'cs |i;ir ilo murs Iransverstuix portés sur l(;s doul)leaux
dos l)iis ciMi's. |ilul(")l (|ur |i;ir di's arcs-houlanls; les ahsitlcs à jiaus ont de
loniiiics rru(''li-('s cl |M(ssrili'iil larruiriil uu (li''aiuliuhitnin'. La |iirrr(' s(;
UkMi' (lisci-ririiicnl à la li|-i(|nr |m)ui' Inniiiir des sM|i|i()iis, (|urli|Mcs cuca-
drcuiciils, (les parlirs scul|ili''i's cl des cITcls de cdulcnrs. (lelle areliilee-
lure sinspireà la l'ois des modèles eislcreiens el IVaiieiseains. el <ei-laiue-
iiicnt aussi de ([uel(|ue iiinuenee française direele. Les piliei-s eu Innue île
colonnes roniles, (|ui siuil Trcquents dans ees édiliees. ne jieuNcid . eu elTel,
être imités des (_eu\ res eistcrcienues ou franciscaines du \ oisinai^i'. Le
plan des églises SainIs-Jcan-el-Paul et Saint-François (/•'ivnv') de \'cnise et
Sainte-Auastasie de A'érone com|u-end une aliside
I)olygonale simple el des eliapelles de ui("'me
plan au transept.
Sainls-Jean-et-I*aul <'st uu gi-and r'diliec de
propoi'lions Inip ('■lauec-es el de e((ii>h-uel ion peu
solide; les hautes colonni's soid à peu prè> la
seule partie de pierre; les \oùt("s u (ud jias
trarcs-houtanls, el LelTel inlTuieur est alourdi el
ii'àté par des poutres loiniaul (■Irésillons. Par uu
euiieux archaïsme, le carré du transept porte;
uiu' eoujiole sur pendentifs, ])rocédant de celles
de Saint-Mare.
A Ferrare. la cathédrale du xiii' siècle, avec
ses trois nefs et ses galeries extéi'ieurcs. est
d inspiration germaniipu'. Ln bas-relief du .Tuge-
uu'ut Dernier, insjiiré des portails français, a i-[r sculpté au IVoidiui de
la tribune du porche londiard.
A Houu', rarchiteeture gotliiipie ii'esl pas plus i-ai-e, elle esl seule-
ment [dus uK'dioei'e ipie pai-|nul ailleui-s. LV'glise Saiul-Jeau-de-Latran
a\ail rei;u an xm' >iè(de une abside 1res eurieuse qu'on a remplacée i)ar
une (eii\re d'iuie |dale baualil('' el d'une exli-i'uiie laideur, dette abside
de brique à pans eiuqii's a\ait, comme Notre-Dame de Paris, uu d(''ani-
bulatoire di\is('> en deux jiar un rang de colonnes, et dépour\u de eha-
j)elles rayonnantes; des arcs de décharge eu plein eintie existaient à
l'abside enlr(> des coidi-eforls en forme de fùls de colonnes, [.,'église des
F'ranciscains, l'.l/vf ('.(rii, dont les murs lab'u-aux sulisistent , se compose
dun vaisseau unique el sans \oùle, eu bric[ue, du style le plus misérable.
L'église dominicaine de la Minerxe semble inspirée à la fois de Casamari
cl de Saint-Fi'ançois d'.Xssise.
Dans les Abbruzes, l'arehileelnre iiiip(irl(''e pa|- les ( '.islereiens a
exci'cé sou iiillueiicc sur un eeilain nondire de [icliles (''glises : Sulmmie,
Fie. (i'.i.— Coupe de Sainte-.Vnasl
de Vérone.
. Daprès Dehio cl De/nl'l.l
i.Ai!(;iiiTi:(:Tri!i: i.nTiiiorr: nr xiii sikc.i.k
'l';iliiiac()Z/.(). ( Irliimi, Tra>Mcr(i. l'alniio. ( »rl<ina . ( iorullo. clc: l'ahsidc
(11' la riii-icu>c i''L;lisr Saiiilr-Marie-de.s-Gi"àci's. |iir-- lîosriolo, a\cc ses
jolio arcaluics cxlri-irtircr- du nirme style iiiu- la partie golliiqiie du
r-loftre de p^ossanova, et le iransepl, analogue à celui de Sainle-
.Marie-(lu-I-"Ieuve, à Ccccano, téuioi-
1 • , gnenl lrè> i-videmment de cette in-
llueni'e.
l/arcliileclure civile, comme l'ar-
cliilectui'e religieuse, s'est surtoui
développée dans les zones diniluencr
des églises et des abbayes, qui oui él(''
les premiers modèles du style gotbi-
(|Ue. et dont elle sesl souxcnl au--si
inspirée.
Le jialais de lerracine, relii' à la
— 'Jja«j-i-J_'-L' jJ_!.
Fie. 70. — r';il.ii~ ili.' la Soisiieuric i.\n"-.\iv' sii-clo
callii''diale parmi passage jeli'- >iir une \-onle au-dessus (Tune rue. dale
i\[\ xili' siècle ri coiiservi' de liè> belles l'eiiètres à arcs tj'éOés, groupés
>i)Us des arcs de di'cliarge. Le jialais de l'iperno comprend un rcz-de
cbaussée. a\ec jiorl iipies à \ nùle> d aiiMcs. aies en I iiM'S-poinl et piliers
criU'ii'oruies. el ileu\ ('lage^ à reiKMres eu liers-poiiil groii|)ées par deux
ou Irciis a\ ec cobinnelles inleiim'Mliaires. .\n-dessus de la iiorlc dentrée
100 IllSTOllîE m- I.Al'.T
s'ouvre un œil-d(>-l)œurocl{)i;'on(', à cnciulremenl I'csIoiuk'', assez original.
A Fcrenlino et à Anagni, de jolies maisons du xiii'' siècle ont, au pre-
mier étage, une loge de deux travées, largement ouverte par deux grandes
arcades retombant, à Fei-enlino sur un pilier carré, à Anagni sur une
colonne couronnée d'un cliapiieau à crochets; l'une des travées abrite un
palier; l'autre, un escalier droit qui y accède. Le para})eL du palier, à
Ferentino, était porte en avant sur des corbeaux de type bourguignon.
Plusieurs maisons de Vilerbc et d'Orvieto présentent une disposition ana-
logue et, dans celles de Vilerbc surtout, les profils apparlienniMil au meil-
leur style gothique du xni" siècle.
Le clu\teau de Prato, du xui" siècle, a un jiortail français — à part
les lions, et des consoles bourguignonnes semblables à celles de l'église
d'Ecrouves, près Tout.
A Sienne, le palais Tolomei date du xui'' siècle; bâti en pierre et non
en brique comme les autres constructions civiles de Sienne, il emprunte
à cet appareil un aspect plus monumental; comme la cathédrale, il a
subi l'inlluence de la Bourgogne : ses fenêtres en tiers-point sont garnies
de colonnettes portant deux petites arcades à redents et un quatrefeuille
dans un cercle; la retombée centrale s'orne, comme dans les iriforiums de
Bourgogne, d'un congé sculpté en haut relief, buste ou volute de feuillage.
Le palais municipal de Sienne est d'une architecture plus simple et
uniforme; il fut bâti en brique de 1289 à 1,109.
Un palais de Barletta, du xiii' ou xiv' siècle, reproduit dans sa façade
l'ordonnance intérieure des églises cisterciennes.
Les travaux publics, routes, ^Jonts, canaux d'irrigation, aqueducs,
fontaines, ports et phares, ont été l'objet d'une grande sollicitude en Ita-
lie, car les intérêts du commerce et de l'industrie étaient parfaitement
entendus des peuples et des gouvernements. On peut citer de très Ijeaux
ponts, comme celui de ^'l'•r(>n(■. La Iradilion ou l'iniilalion des a(pi('ducs à
arcades des liomains se constate, comme en 1^'rance, aux xin' el
xiv'' siècles; au d(''but du xm' , l'abbaye de (lasamari a un acpieduc de
pierre à arcades en plein cintre, portées sur de larges et lourds piliers;
un aqueduc plus élégant, porté sur des arcs en tiers-point et sur des piles
carrées couronnées d'impostes, traverse la ville de Sulmone jusqu'à la
grande place dont il alimente la fontaine, et porte en majuscule gothique
la date de \2hi'> et des vers à l'honneur du maître de l'œuvre, Durand.
A l'extérieur de la ville de Salei-ne, s'élèvent d'importants aqueducs
à arcades en tiers-point, bàlis en menues pieri-es et paraissant dater
du xiv'' siècle. Leurs piles sont minces et élevées; ils ont deux étages
d'arcades brisées et des arcs surbaissés avec évidements au-dessus des
retombées.
LARCrilTECTURI-: GOTIIIOUE I)i: XI
siKci.i-:
101
Do IpcIIcs l'onliiiiics i;ollii(iLi('s s (''Irveiil oncoi'e d;nis (|U('l<|vios villes
d'Ilalii' : oa cii trouve, coinine en France, de Iruis I.Npes : Ijossin adossé
cL décom (M't ; Itassin couvert d'une voùle portée sur un mur de fond, des
arcades et des piliers (ccst le type des imposantes l'onlaines d(^ Sienne,
Fonte Branda et Fonte Nitova, toutes deux en brique, et de celle de San
Gemignano); enfin, bassin circulaire ou polygonal isolé, avec pyramide au
centre, et parfois bassin supérieur. L'Italie en possède plusieurs tiès
beaux exemples : à Viterbe, la fontaine des Gatteschi, dite Sans-Pareille,
sur le Marcbé aux berbes, est sia^née du maître d'œuvres lleiieilictiis et
l'ii;. 71 . — rniil.-iiiii' su
datée de l'27'.l. Du bassin ci-ucifoi-nie, ('■jevi'' sur cirui degrés, émerge une
colonne soutenant une \asque à ([ualre lobes, surnutidée elle-même d'ime
colonnette portant une dernière vasque de même jilan. Dans celle-ci se
dresse un clocbcton <l'oii jaillit une gerbe d'eau; des gargouilles sont
ménagées au bord des vasques, et du soeb' du pilier central sortent des
gargouilles qui se déversent dans les quatre bassins inférieurs. A Pérouse,
la fontaine de la Place du Municipe date du xiii- siècle. Le maître de l'œuvre
fut un moine, Benvegnate de Pérouse; les sculpteurs, Jean et Nicolas
do Pisc; l'ingénieur vénitien Buoninsegna exécuta la canalisation. Une
inscription métrique célèbre leurs mérites. La funlaine se conqjoso de
deux bassins superposés : un(^ cuve à fond plat à douze côtés est portée
sur des colonnettes au-dessus d'une autre cuve à vingt-cin(j pans. Cbacune
102 lllSIOIIIi: 1)1. I.AliT
(le CCS faces l'orme un |Kiiin(Mii sciil|il('', cl au-dessus de la seconde \as(|ue
un bassin circula i ic (■■lc\(' sur inie pile porle un groupe de trois cariatides
de bronze qui. Iui-!iii"ine. soutieni une dernière vasque denii-sphérique
d'où jaillit un je! d'eau. L'eau i-et(in)lie d'un bassin dans Tauti-e; la cuve
do(l(''catione se \ ide dans le bassin iid'i'M-ieui' jiar (les gargouilles nicnagées
au bas de ses angles, orn(''s de slaluelles.
VII
SUISSE
La Suisse, qui parle trois langues, subit de même l'influence de trois
écoles d'architecture : la Suisse française est du domaine de l'école de
Bourgogne, la Suisse allemande a|)parlienl à l'école germanique, et la
partie du pays qui confine à l'Italie a pratiqué l'art lombard. Les premiers
édifici's de transition peu\enl avoir rlr, comme ailleurs, des œuvres de
l'ordre de Cîleaux; le portail cistercien de Bonmont, jirès Genève, appar-
tient à ce style, mais les abbayes cisterciennes de Suisse ne renferment,
en généi'al, que des bâtiments romans ou de style gothique avancé.
La reconstruction de la cathédrale de Bàle a élé commencée en llS't;
sa consécration a eu lieu en 1505. Dans la nef et le déambulatoire, de
style gothique primitif germanique, l'inlluence lombarde apparaît dans
les arcades en tiers-point à claveaux alternés de deux couleurs et non
extradossées. Les piliers ont des colonnes engagées simples, pour la
seconde voussure, et triples pour répondre aux arcs des voûtes; toutes
ont de gros chapiteaux cubiques lisses ou lourdement sculptés. Un puis-
sant cordon sculpté règne sous l'appui des grandes baies romanes des
triluuies, refendues en trois petites arcades à courtes colonneltes.
La cathédrale de Coire a été consacrée en 11 78. De cette époque
datent le sanctuaire et le clneur. La nef de trois travées carrées, cl ses
bas côtés éti'oits comprenant aulant de travées barlongues, ont élé lente-
ment élevées, comme le prouvent les dates des consécrations d'autels en
12i0, l'2M), vers l'iS'J, L"05, 15L_*. L'architecture est pesante, les voûtes
bombées sont portées sur d'épais doubleaux brisés et sur des ogives
sans moulures auxquelles correspondent mal les chapiteaux des lourds
faisceaux de colonnes et de j)ilastres. Dans ces chapiteaux, des frondai-
sons encore romanes se mêlent à des ligures et à des animaux il'une exé-
cution grossière. On y voit des aigles impériales, des serpents, des
scènes légendairi's, de grandes feuilles d'eau à lourdes volutes; les tail-
loirs sont également sculptés. La nef s'éclaire par des groupes de deux
I,An<.HITr:(.TL"RE (iOTIIIOlK Dr XllI SIKC
105
l'ciuMirs. I.e porloil cil plein ciiilic ;i de iiuillijiles voussures à nioiilures
golliiques el à liiies colonnelles eouronnées du classique ciiapilcau à
crocliels (lu xui' siècle. La porte du parvis appartenait au style de tran-
sition ; il en reste les montants, ornés des statues des saints Pierre et
Paul, ligures étirées en longueur eouime dans les portails l'raïu'iiis du
xu' siècle; an-ilessus, des impostes à tètes de lions alli'>lciil rinlluencc
germanique.
A Sion en \alais, Féglise de N'alère ronlienl une partie de uHune
style el île la miunc date: une plus grande partie du nui' siècle cl d"un
l)on style IVançais, cjui rappelle
les édifices bourguignons. Une
particularité rare et intéressante
est 11' juhé du xui' siècle, com-
l)Osé dun mur plein percé d'une
simple petite porte centrale en
tier.s-point. dette porte est cou-
ronnée d'une arcature tréfléc et
dun l'ronton; à droite et à
gauche, la cb'iture est ornée
d'arcalurcs surmontées d'une
frise lisse, qui devait être oruc'c
de peintures, comme étaient or-
nées de sculptures les frises des
jubés de Paris, Bourges, le
Bourget, ^'czzolano, contempo-
rains de celui-ci.
La cathédrale de Genève
appartient ]dus ncilemcni (Uiciu'c
à l'art bourguignon, a\ec une i i.., :j — (.,iiih',|i,i1,> ,ir i..iii>.iiiim'.
légère influence germanique.
(Juelques portions inférieures dalcnl de la seconde moitié du \n' >iècle,
et elle n'a été achevée qu'au xv''. b^lle pri'sente une grande |iarenlè avec
les églises de la \all(''e du i'Iièuu'. spécialiunent la cathédrale de L\<>n el
l'église de Romans.
La calliiMli-iile de Lausanne, incendiiT Ir |N juillel \-17t'>. rebâtie aloi-s
et consaer(''e le |,S orlobre 127-"i. complèlenieiil reslauri'e di> iHis jours |iar
\'iollel-le-l)ue, esl IV'dilice golhiipu' le plus parfait de Suisse : elle ;qip;ii-
tient au plus pur style bourguignon. Llle a, comme la cathéilrale de Sens,
un déambulatoire à cha})elle unique; la tour-lanterne rappelh^ celles de
Notre-Dame de Dijon et de Xotre-Daine de C.luny; comiue à (ienè\e. à
Lyon et en Bourgogne, on voil dans le elueur des pilastres earnielés. Dans
le ^■aisseau central, un liiloriuui à ai-calures simples sur colonuetlcs élé-
iiisr(»ii;i': i»i':
AItT
ganlcs, csl suriiioiilr d'iinr seconde galerie qui Iraverse les enii)i'asures
des fcnèLres cl les las de charge des voùles, et dont les baies sont dis-
posées par groupes de trois. La tour-lanterne a également un triforium.
Aux voùles sexpartites de la nef répond une alternance de supports; les
uns sont des piliers dont l'épaisseur se dissimule sous la forme agréable
d'un faisceau de colonnes de divers modules; les autres sont de deux
types originaux el élégants : à l'esl, une grosse colonne, comme celles du
déambulatoire, est accostée d'une colonnettc isolée, qui traverse son
tailloir pour nllei- chercher la retombée du doubleau central de la voùie;
à l'ouest, se groupent une colonne
moyenne et deux grosses colonnes,
toutes trois indépendantes entre elles,
disposition qui a son analogue à Am-
bronnay (Ain). La grosse tour occiden-
tale carrée surmonte un porche inté-
rieurement de plan ovale, car il forme
deux absides au nord et au sud. Elles
ont des culs-de-four nervés de bran-
ches d'ogives, cjui retombent sur des
colonnettes coupées par des dais abri-
tant des statues. Cette architecture
rappelle celle du sud-ouest de la France.
Sur la façade sud, on admire la grande
rose du transept, d'un tracé très origi-
nal, lelle que, vers le milieu du xiif siè-
cle, \'illard de Honnecourt la dessina
dans son célèbre Album. On admire
aussi le porche carré, baldaquin dont
les trois arches en tiers-point et les
voûtes relonibenl sur d'élégantes colonnettes, el dont les contreforts
d'angles ont la forme de faisceaux d'une colonne cl quatre colonnettes
soutenant des piiuieles.
La Suisse a peu d'autres églises du xiu- siècle, et elles ont peu d'impor-
tance et d'intérêt, comme l'élégante petite église Saint-François de Lau-
sanne, el la 1res modeste église de Saligny près Genève. On peut attri-
buer à cette épocpie quelques llèches de pierre octogones comme celles de
Montreux et de Saint-Maurice-en-Valais. L'archilecture monastique du
même temps a laissé f[uelques vestiges intéressants. I^e cloître de ÎVeuf-
chàlel présente une suite élégante de baies en tiers-point, refendues en
trois peliles arcades, qui soutiennent un tympan percé d'un œil-de-bœuf.
(_)n peut citer comme un joli modèle de pur style bourguignon du
xiii'' siècle le pelil monaslèrc de la ^laigrangi'. bAli par les religieuses de
— Salle bnsso i]\} c-lii'ileau
,1c ChilldlL
L'AHCHlTECTriŒ GOTllIOUE DU XIII SIÈCLE 10,',
Cilcaux, sous les murs de Fribourg. Les pignons de la chapelle sont percés
de roses à redents lobés très caractéristiques.
L'ai'cliilcclun^ inililaire csl représentée sur le lac de Genp\e, à
Chillon, par le remarquable château bien connu île tous les visiteurs de
celte l)clle contrée. C'est en l'224 que le comte de Savoie. Thomas I",
écri\ait à son châtelain Oudry de l'aire construire cet édifice et d'y
apporter tousses soins; de l'iài à l'.Mii-, le comte Pierre II y exécuta des
travaux considérables, qu'Amédée \ lit achever vers 1500. Le château
occupe un îlot voisin de la rive du lac, et dont il épouse la forme allongée
irrégulière; ses bâtiments s'étendent autour de cinq cours; les apparte-
ments regardent le côté du lac, moins exposé; trois tours circulaires
et, au sud, un grand donjon carré flanquent la forteresse. L'intérieur a
conservé une grande partie de ses dispositions anciennes : le sous-sol
divisé en deux nefs par des colonnes à cliapiteaux octogones sans scul-
pture, a des voûtes d'ogives élégantes, et l'une de ses parois est formée
par le rocher; au-dessus, subsistent des salles aux plafonds caissonnés
soutenus par des poutres robustes et par de grosses colonnes de bois ou
de fines colonnes de pierre ayant les chaj)iteaux à crochels du xiii'' siècle.
Le château de la Bâtie, qui domine. Martigny, possède un très beau
donjon cylindrique élevé de L2(iO à L2G8, sans doute par Pierre II de
Savoie. Le donjon d'Estavayer et celui de llomonl appartiennent au
inème type; le second date de 12.~ri.
ESPAGNE ET PORTUGAL
L'architecture gothique est venue directement de France en Espagne
par des voies diverses et rapides ; en effet, depuis le xf siècle jusqu'au xiii'',
les rapports des deux pays furent multiples, intimes cl fréquents. Chaque
génération de familles souveraines contractait quchpie alliance au delà
des Pyrénées, qui ne furent jamais une barrière. Les relations du clergé
n'étaient pas moins nombreuses; jusqu'au xu" siècle, les évêques de
Gérone, Barcelone et Urgel relevèrent des archevêques de Narbonne; un
grand nombre de prélats travaillèrent à faire pénétrer en Espagne l'in-
lluence française : il faut citer parmi eux les papes Pascal II, ancien moine
deCluny, et Calixte II (Guy de Bourgogne), oncle d'Alphonse Henriquez,
roi de Castillc, Galice et Léon. — les abbés deChiny saint Hugues et Pierix-
le \ énérable. Si l'on parcourt les calalogues des é\('ipies de l'Espauiu' au
T. II. — li
IlISlnlIil-, m; l.'AUT
xii' sirclc, (III rciiiar(|ii('ra que prcs(iiic loiis les sièges rurciil occupés |iar
des moines de (\;iuiiy ; les dons des rois d'Espagne afnucrenl alors à la grande
abbaye, el ses prieurés se multiplièrenl dans la péninsule; ses moines y
i'uiciil loiil-puissiinls. Le royaume de l'orlugal, au conirnire, fondé en
1! V.', au iiioiiieiil où rinlluence de saiul Bernard supplanLaiL celle de
l'ordre de Cluiiy, lui le domaine des eislereiens : en Espagne même, ils
devini-enl 1res puissants dans la secondi' uioilié du mi' et au xiii" siècle.
En Calalogne. les grandes abbayes cislercieniies de l'oi.lel cl de
Sanlas Creus furent fond(''es
])ar les moines de Eonlfroiile
juèsNarbonne, etinitièreni la
conlr(''e au style gothique. Là
connue en Italie, les mailres
d'(euvres de l'ordre se niireul
au service des évéques. Eu
i'.'-'iC), mourut un certain fi'ère
Bernard, maître des Iravau.x
de la cathédrale de Tarra-
gone : il devait a\<>ir eu un
prédéci'sseur venu de bout-
froide, car le cloître de la <a-
lliédrale présente une frap-
pante similitude a\ ce celui
de cette abbaye.
Les églises cisterciennes
('•levées en Espagne à la fin du
xii' et au xui' siècle ont les
]ilans haliitu(ds; Santas Creus
( ll")7'i a le plus usuel: sanc-
tuaire carré et quatre clia-
pelles carrées au transept.
Même })lan à l'église cluniste
de Camprodon ; à Las Huclgas près Burgos, abbaye de femmes de
Cîteaux, il est modilié par le tracé polygonal du sanctuaire; enfin, le plan
de Claii\an\ et Pontigny, déambulatoire avec ceinture de chapelles
carrées, se lioiixc à Veruela (Jl'id-ILM) en Catalogne, et, en Portugal, à
Alcobaza (1 l'i8-PJ'J'i).
En élévation, ces églises témoignent d'inspirations diverses. Poblet
et Santas (Ireus ont le style gothique primitif du midi de la France : de
grands piliers très élevés, formés de groupes de pilastres couronnés d'im-
postes; là oii les colonnes apparaissent, les chapiteaux sont nus, comme
à l'ontfroide. et les (''paisses croisées d'ogives sont de profil cari'é.
i.AHCiHTKCTir.i': (kitiiiihi; m mm sii':f;i.F.
C'est sons l;i l'oi-iiic liourti'uiiiiioniic (|uc' Ir slylc ilc I i-:ni>il ion ;i|i|iai-;ul
dans la calhédralc (l(^ Lugo, coiisacrr'c en I 177. V.i\ Lïianilr partir rinnaiic,
cl analogue dans sa nef à la (•allu''dralc d'Aiilnii. i-Wc a une (•i'ois(''e
d"ogives au earré du transept. Ce pi'oe(''dé de \()ùle paiiil commode et
s'étendit; r(''glise e()ll(''i;iale Sainl-^ ineeiil d'.Vvila avait i''l('' eommenerc
dans rai'idiilrrlure romane du Languedoc; au UKunenl (m'i (liteaux prenail
le pas sur ( '.luny, elle
l'ut coidinnr'c eu style
linui'guiguou.el .(|uand
les a\autages de la
voûte d'ogives lurent
connus, elle en reç;ut
sur la nef; on plaça
des chapiteaux en biais
siu' des pilastres à an-
gle droit, comme à
l'ontigny, pour rece-
voir les ogives. Ces
voûtes datent seule-
ment du règne de saint
Ferdinand (l'Jl 7- LiOtii.
Au contraire, l'ar-
chitecture des églises
cisterciennes d'Alco-
baza (Portugal I et Las
Huelgas procède du
sud-ouest delà France ;
la première a trois nefs
élevées avec voûtes
d'ogives bombées et
doubleaux l'^pais mou-
lui'(''s: les piliei's mas-
sifs et hauts ont de
nombi'euses et sncIIcs <'(ilnnnc> cngag(''es. Cette églis(\ du l_\pc de la
catlii''dralr de l'oilicr^- nu di' (landes, près Saumur, a l'ail ('■cdie. comuie le
moidre au \l\' >ièele IV'glise de IJallialha.
La catlnMlrale de Zauu)ra, moins le (dneur reconsi mil , esl un (■•dilice
de transition bAti dans le style de r.\(piilaine. File eut suceessi\('meul
pour ('vèques Bernard de Périgueux el .l(M('iuie di' Périgueux; mais le
second, étant mort en 1 Pi(i, a |)u tout au plus couimeiicer l'église, cpii fui
consacrée en Wl't. (Juoi (pi'il en soit, le mailic de l'o'uvi'e jiaraît bieiiètre
venu du uu'-me pa\s (ui d'une ri'gion \nisine. -.oil de l'Anjon, du P(''rigord
108
iiisrnini'; di-, laiît
ou (In Languedor, cl la caliirdraic de Salamanque, doal le mrnio Jcrùmc
l'id orciicvèque, appartiont aussi à la mcMne architecture, mais est ccrlai-
nement postérieure à son temps. Elle fut achevée avant fl78. A Sepul-
veda, l'église de la Vii-gen de las Pcùas, en partie défigurée au xviii'' siè-
cle, appartient à la même famille que la cathédrale de Salamanque; elle
a des piliers analogues et un poridie voûté d'ogives épaisses à triple liou-
din. A Toro, la collégiale, commencée apparemment vers IKiO ou 1170,
ne fut terminée qu'au xui" siècle; dans sa partie de Iransilion, clic a la
plus grande analogie avec la cathédrale de Zamora, dont elle est proche;
l'église d'Iraclie en Navarre peut se rattacher au même groupe. La nef de
Toro n'est couverte que d'un herceau hrisé, et les has côtés de la cathé-
drale de Zamora n'ont qu'une voilte
d'arêtes; la nef y est voûtée d'ogives;
à Toro, ce sont les has côtés; à Sala-
manque, c'est toute l'église qui sem-
ble, par conséquent, être moins an-
cienne, et dont la décoration est assez
différente: la scul|ilurc y est heau-
coup plus riche cl plus Une, dans le
style de l'école romane de Toulouse,
tandis qu'à Zamora, comme dans cer-
tains monuments du centre (\c la
France, les chapiteaux ne son!
qu'épannelés. Les voûtes d'ogives d<^
ces diverses églises ont des doubleaux
épais, des ogives et souvent aussi des
liernes dont le profil est composé de
trois tores; celui du centre, anguleux; enfin, non seulement elles sont
bombées, mais leur appareil est celui des coupoles ou s'en rapproche.
C'est le type de voûte que l'on trouve en France au carré du transept de
Montagne (Gironde), de Notre-Dame de Nantilly et de Saint-Pierre de
Saumur; mais ici, le système s'élend à loulcs les tra\ées. Le carn'' du
transept, dans les églises de Toi-o, Zamora et Irachc, csl surmonii' d'une
lanterne circulaire cantonnée de tourillons; celle lanlcrnc i-cposc sur des
pendentifs comme celles du Dorât (llaute-^ ienne) et de Saint-Laumer
de Blois, el elle est voûtée d'une coupole sur branches d'ogives, comme
il a pu en exister eu Languedoc ou en Poitou; à rcxtéricur, ces lanternes
affectent la foinie des clochers romans à nèclies coniques du sud-ouest
de la France, tels que ceux de Montierneuf, de Notre-Dame de Poitiers,
et de Sainte-Marie de Saintes.
La salle ca|iitulaire de Salamanque est une pièce carrée, voûtée
de m<"'nie d une coiqiole sur branches d'ogives; les quatre angles
'fi. — l.:iiilonicdc rc'nlisedcTon
i.Aiii.inTKc.Ti'iu-: Goriiinri' nu xiii sii-icue
sont rachetés, non plus ]i;ii' des ])endentifs, mais par îles I rompes.
En Espagne comme dans le sud-ouest et le centre de la Erance, il
nest ])as rare que labsidc des églises de transition ou de début de la
période gothique ait une voûte à cul-de-four sur branche d'ogives; c'est
]c cas des églises cisterciennes de \'crucla, Poblet et Alcobaza, et de la
calli('drale de Tarragone; on peul comparer ces absides à celles de Sainl-
Amand-ÎNIontrond (Cher), Chirac (Lozère), etc. Le second état du style
gothique du sud-ouest de la France se voit dans la salle capitulaire d'Al-
cobaza et dans le sanctuaire cl les cliaiielles du transept de Las lluclgas.
Les voûtes d'ogives sont portées siu' des armatures ramiiiées ; les arcs
sont profilés en boudins, et
les angles sont couverts de
voùtins en forme de trompes.
11 est à remarquerque la reine
Aliénor, fondatrice de Las
Huelgas, était fille de Henii 1!
Plantagenet.
L'église ronde du T(^mple
de Ségovie est aussi un édi-
fice de transition. L'église des
'l'empliers de Villalcazar de
Sirga, près Palencia, est un
intéressant édifice gothique
primitif, élevé au xiii'' siècle
et terminé seulement vers
t'27i. Le plan comprend un
chevet droit avec collatéraux
voûtés terminés au même
point, comme dans certaines églises champenoises (Puiseaux, Cham-
peaux), bourguignonnes (Vcrmanton), ou du centre de la France (Saint-
Junien, la Souterraine); comme ces dernières et comme la calhédrah; de
Poitiers, dont le plan est analogue, ce monument a trois nefs; les dou-
bleaux sont épais et, comme les grandes arcades, ils retombent sur des
colonnes adossées jumelles qui, avec les colonneltes des ogives, entourent
il' pilier d'un faisceau compli'l dr cnloinirs.
Le déambulatoire de la caliH'diali' (i'A\ila e>l un monument de
transition très curieux. Comme dans ccrlaiiies églises londtariles et ger-
maniques, telles que l'église cistercienne rhénane de IleistiM-bach, comme
aussi l'abbatiale de Dommariin, une suite d'absidioles est emj)àtée dans
un gros mur qui décrit au dehor- un seul demi-cercle. De |)lus, un
second déamindaloire beaue()u|i |dus él roil règne enlre le déaiubidaloire
principal r| les cliapeiles, coiiime ,'i Sainl-.Ma rii ii-dcs-Cliamps et à Saiid-
77. — Plan de la cathédrale de Tolède.
(U.i|ii-è5 Dehioet BrauM.)
11.0
nis'ioiiii': i)i; laut
I>cnis ; iui-dessus (lu l;iilluir des colonnes (|ni s(''|i:ir('nl relie ,-ill(''e ('■Iroile
du déambulaloire proprement dit, des linteaux de pierre Ibrment étré-
sillon sous les douhleaux, afin de résister à la poussée des voi^iles de la
galeiie priiieijiide. (l'estle procédé employé plus lard dans les bas côtés
étroits de la crypic de la Sainte-Chapelle de Paris. Les oi;ives sont scul-
ptées de grosses rosaces, ornement assez fréquent en Bourgogne et en
Languedoc, où il occupe cependant d'autres places; les chapiteaux sont
lisses, les colonnes i-eposent sur des socles élevés couronnés d'une mou-
lure. Les petites fenêtres des chapelles sont percées dans Taxe des contrc-
FiG. 7,S. — Transopl (!,• l,-i ,;illir,lr,ili' (!.■ Tolr.lr.
torts, disposition hi/urre (pij n'est pas très exrejtl ionnelle dans l'ouest de
la 1^'rance.
L l'Espagne a liien mieux prolilc'' (pie l'ilalie des leçons d'art i-e(;ues
des moines bourguignons et de ses relations continuelles avec la France :
le style gothique y a eu tout son épanouissement; les cathédrales de
Tolède, Burgos et Léon sont égales en mérite aux grandes églises bâties
chez nous aux mêmes dates. Il est vrai que leur style ne les en dislingue
en rien. Dans ces édifices, c'est encore rinlluence du centre de la France
qui règne : l'inspiration de Burgos et de Tolède vient de Bourges; les
auteurs de la cathédrale de Léon sont allés chercher un peu plus fai-d
leurs modèles plus au nord, à Chartres et en Champagne. L'union des
couronnes de Navarre et de Champagne à la lin du xiii' siècle n'a sans
doute pas été étrangère à ce dernier fait.
LAHCUlTECTriiK (iOTllIOlIl-: DU XIIT SIB.I.E
111
l,;i ciillMMlriilc (le P)Ui-g;os, livrée au culte eu l'jriO, a élr loïKlrc en
l'J'J(i; rllc ;i inic liiande analogie avec celle de Tolède, un peu plus léceiile.
(tu lie ((iniKiil pas le maître d'œuvrcs ; celui de la cathédrale de Tolède
élail b'raiii ais. s'appelait l'rinis l'rlri, Pierre, lits de Pierre, et mourut en
l'J'.KI. 11 esl enterré tians la cathédrale. Ces deux cathé(lrales on! , e(»iiiiiie
cille de l!oui-ees, uue douhle ceinture de bas côtés, dont la iireinière
zniie a un ti-il'orium connue le vaisseau eeiilr;d. La iii("'iiie pailieularité
e\i>le (huis les cathédrales de Lisieux
el du Mans, mais elles appart iennenl
à r(''cole normande et leur style
difTère de celui des deux églises
espagnoles, qui ont, au contraire,
beaucoup de points de ressemblance
avec celle de Bourges. Celle de Tolède
a la même forme de piliers au carré
du h'ansi'pl . et le plan de son déam-
bulatoire jiarail inspiré de celui de
Bourges tel qu'il se trouve depuis
l'addition de ses petites absidioles
espacées : mais à Tolède, on les a t'ait
alterner avec des chapelles carrées
moins profondes. Cette alternance ne
se \()il (pie là el dans un dessin de
ralliiiiii de N'ilhird de HonnecourI
doiiiK' ((iinnie le fruit de sa coUalio-
ration avec Pierre de Corbie. Le
maître d'œuvres Peints Pétri serait-il
Piei'i'c de CoiTie, mort en ce cas tr(''>
âgé, ou son lils ■.'.... La cathédrale de
Burgos ressemble aussi à celle de
Bourges ]iar les proportions surbais-
sées et la eoiiiposilion (Je son tril'o-
riuni à Iviiipan percé d'ouvertures
tréllées sous un gi'and arc de décharge. L;i principale dirr(M-eiice e>| (pic
les deux cathédrales espagnoles oui un lr;iiiNcp|. tu dessin assez, pailicu-
lier se |-enia!-(pie à la rose occidentale de ToI('m1c. Pour l'(''l résilloiiiier cl
meubler en inèiiie tenqis les coins iiif('Tieiirs de hi griindc biiic (pii IVii-
cadre. on a imaginé d'y tracer deux (|uarts de rose en sens iincrseel laii-
gents ,'i sa circonférence. Pareille combinaison cxisic à la rose occiden-
tale de Candes (Maine-et-Loire).
La caihédrale de Léon esl le plus p:iiT;nl moniiiiient gothique
(IL>|iagne; elle c>l aussi l(''g(''re, aussi (l('-licaleiiieiil ajourée qiu> les
\\-> iiisToiRi': DE i;art
ineilleurcs églises franraiscs de la seconde iiiciilic'' du xin' sir<le; elle a le
même plan que les grandes églises de France: déambulatoire à suite con-
tinue de chapelles; transept avec chapelles à Test; nef avec bas côtés;
deux tours cl un })orche à la façade; mais comme à la cathédrale de
Cologne, et à rin\erse de l'usage i'rançais, la chapelle de la Vierge esi de
même grandeur que les autres. Fondée par l'évèque D. Manrique, (pii
mourut en l^OS, la cathédrale semble n'avoir rien gardé de ce temps. On
sait qu'en J'258 et 1275 des indulgences étaient accordées pour l'œuvre,
et qu'en 1505 les travaux étaient terminés; le style appartient, en effet,
à la seconde moitié du xui" siècle, abstraction laite d'additions des xv°
et xvi'' siècles, qui n'ont pas modifié le caractère général. Les arcs-
boutants sont réduits, comme dans les monuments les plus légers de l'art
gothique, à la proportion d'étais.
Les piliers cylindriques ont trois colonnes appliquées sous les
arcades et sous les doubleaux des bas côtés; dans la nef, un groupe
de trois colonnettes, oij deux autres jîlus minces se joignent à partir du
tailloir des piliers pour porter les formerets de la voûte centrale. Dans le
chœur, les chapiteaux du pilier principal ont deux étages de feuillage et
sont accolés à des chapiteaux de colonnettes, de moitié plus courts, sous le
même tailloir : c'est la disposition bien connue des cathédrales de Char-
tres et de Reims, et les crochets des arcs-boutants rappellent cette dernière.
Comme aux cathédrales d'Amiens et de Troyes, les fenêtres à riches
armatures occupent tout l'espace compris sous les formerets, et les
colonnettes de leurs meneaux descendent jusque sur l'appui du triforium,
qui n'est guère qu'un second étage de fenestrage, mais on n'a pas été
jusqu'à le vitrer. La composition de ce triforium est assez particulière :
il comprend dans chaque travée deux baies refendues par un meneau
central, et, aux extrémités, deux lancettes simples suraiguës, telles qu'en
ont les architectures normande et champenoise. Une autre particularité
fréquente en Champagne et aussi en Bourgogne, se trouve à Léon : les
deux cordons qui délimitent le triforium ressautent en forme de bagues
autour des colonnes; onOn, disjiosition encore plus caractéristique de
la même école, une coursière inléricurc traverse les eml)rasures des
fenêtres des bas côtés.
Les portails sont très beaux; ils ont, comme ceux de France, des
tympans historiés sur plusieurs registres. C'est sur les porches latéraux
de la cathédrale de Chartres qu'a été copié le beau porche occidental. 11
se compose de même de trois travées voûtées de berceaux à nervures repo-
sant sur des linteaux, et de deux travées intermédiaires excessivement
étroites, séparant ces trois arches. Il est à remarquer que les baies
étroites, intermédiaires des trois grandes arches, n'ont pas le même
dessin (|u'à Chartres, mais sont tracées en arc suraigu, comme les haies
L'AnciIITECTl'r.l' COTIIIOUE DU XIII SIÈCLE llô
(■•iioilcs du Irilorium. (Iclle similihulc d'allernancc de largeurs el, de
ti'aeé, dans le porche et dans le triforium, lendrail à prouver que ces
parties du monument sont l'œuvre d'un même artiste. Ces arcs suraigus
ne se trouvent pas à Chartres, mais en Champagne, e( aussi à Bourges, où
les artistes gothiques d'Espagne ont puisé beaucoup d'ins]iiralions. Sous
une inlluence sans doute champenoise, l'église Saint-Pieirc de Bourges
a reçu des arcades étrangement aiguës, et des coursières dans les embra-
sures des fenêtres.
La calliédrale de Cuenca l'ut consacrée en l'JtlS; elle était certaine-
BIBBlilH
t ^^HHH^HhH^^^^^B
^^^S^^BhSb^I^^^h
Fie. Sn. — P.ill.lil ,|r 1,1 .Mlhrdr
nienl alors peu avancée. L'aii-;idc, aujourd'hui pourvue d'un déanii)ula-
loire du xv' siècle, était simj)le, el (piaire chapelles s'enivraient sur le
transept; la nef et ses bas ci'jtés seniMciil apjinrlenir au milieu ou au troi-
siénic quart du xiii- siècle. L'ordonnance est l)elle et originale, el rappelhî
l'arl champenois.
La pi'lile calli(Mli-ale du liniii-g d'Osuiia dale en parlii^ du commence-
menl du xui' siècle; sou arcliileclui'C esl un [leu lourde; ses pili(M's de
divers plans sont cantonnés de colonnelles à liague cenli'alc; les bases
alliipies déprimées ont des grid'es.
L'Espagne a de très beaux cloilres golhi([U(>s : celui de la calh(''drale
d'Avila appartient à un style sévère du milieu environ du xui" siècle, (pii
ra})pelle d'autant mieux certains édilices du centre de la France que la
Cousirui-lion l'sl imi graiiil. ( '.(•Il c piri-i-r ;i iiiqi(i-<i'' une gi'ande sobriété' de
T. II. - I.")
Mi IllSIdllU-: 1)1-: LAiiT
sciilpliiro. Los voûtes d'ogives relombenl d'une jkiiI sur des eidols lous
semblables, de rautrc sur des piliers à faisceaux de colonncttes qui sépa-
rent les grandes baies; celles-ci se subdivisent en quatre formes, et trois
simples cercles garnissent leur iympan.
Beaucoup plus ricbe est le beau cloître à deux (Mages de la catlié-
dralc de Burgos, œuvre de la seconde moitii' du xni' siècle. A l'extérieur,
les contreforts sont ornés à cliaque étage d'un gàblc sur colonncttes et
surmontés de clochetons; deux belles cornicbes de feuillage en forme de
chapiteau développé couronnent chaque étage; les larges baies, aux
archivoltes ornées de moulures et de fleurettes, sont subdivisées par de
fines colonncttes. L'intérieur est encore plus riche : des groupes de
colonncttes divisent de part et d'autre les travées, mais celles du côté du
préau portent seules la voûte qui retombe d'autre part sur des consoles
orn(''es de belles ligures d'anges. Du C(Mé inl(''rieur, les piliei-s à faisceaux
de colonnellcs que surmordiMil ces anges oui pour fonction de recevoir
les voussures d'une série de niches ménagées pour des tombeaux. Ces
voussures ont la plus opulente ornementation de feuillages variés, for-
mant deux bandeaux homogènes, mais dilTércnts entre eux : on y voit
le chêne, le houx, le sycomore, le nénuphar et autres \('gétaux; les chapi-
teaux des piliers forment des frises continues, également très belles, où se
mêlent divers animaux, notamment des singes. Au centre des tympans,
au-dessus des tombeaux, s'alignent des statues sur consoles, et un pilier
d'angle du cloître, garni de dais et de consoles, comme un jambage de
portail, porte un très beau groupe en haut relief de l'Adoration des Mages.
Le cloître de la cathédrale de Léon présente une ordonnance sem-
lilable, a\ec les mêmes enfoncements à voussures sculptées.
Ouelques salles capitulaires sont analogues aux rotondes d'Angle-
terre; le chapitre de la cathédrale de Palencia, et une chapelle du cloître
de Salamanque, bâtie vers la fin du xii'' siècle, comme salle capitulaire,
sont des piè'ces carrées doid hi parlie supérieure est ramenée })ar des
trompes au plan octogonal, el couNcrte comme les lanternes de Sala-
manque, Zamora et Toro, d'une coupole sur branches d'ogives.
IX
L'ORIENT LATIN
P.VLESTiNiî ET SviiiE. — Lcs uialheurs du royaume de Jérusalem, coïn-
cidant avec les progrès du style gothique, ont nui au développement de cet
ar! en Palcsline; mais les colons latins d'Orient ne perdaient jamais cou-
LARCHITECTURE GOTIIiOUE DU Mil' SifiCLE
115
l'nil.iil <lcrrt;liM' ,!.• r.
rage, et rOccidenl ne cessait de leur envoyer des secours. Ils ont hàli des
églises à Gaza, par cxcuiple. jusqu'aux derniers jours de leur occupation,
et les luttes à soutenir ont nécessité la construction di' iimnlxiMix dm i;\n(ip
militaires qu'on a eu inlérèl à faire, et .
qu'on a faits, selon les derniers pro-
grès de l'art. Les plus belles construc-
tions dans celte région furent les for-
teresses de Safita (Chaslel-Blanc), de
Margat, etc.
Le style gothique est nécessaire-
ment plus rare que le roman en Pales-
tine, puisque le royaume a vécu plus
longtemps sous le règne du pi'cmier
style, cl }uiis(pie. du désastre de li.sT
à la clinle linale de LJUl, il fut de ])lus
en plus r('duit. (JependanI, .lérusalem
elle-même a des morceaux de honne
architecture gothi(|ue, car la courte
réoccupiilioii (le l'r('(l('ric II, di.' l'2'2!)
à l'iil, suflil pour restaurer divers
édifices. Ce (pic nous a\ons de style
gothiciue en Syrie permet de croire que cet art, si le royaume de .léru-
salem eût vécu, y aurait été aussi prospère et aussi beau ([ue dans 1 ile de
Cliypre. La croisée
d'ogives s'est intro-
duite en Palestine et
Svric, peut-être à la
lin du xiT, peut-être
seulement au début
tlu xiii" siècle; son
enqiloi ne modilia
pas les formes archi-
tectoniques, qui ré-
pondaient parfaite-
ment à leurs be-
soins; les terrasses
qui remplaçaient les
combles il i s pen-
saient de sur(de\er: l'inlcnsili'' du soleil dispensait d'ouvrir de grandes
baies; rem|ii<ii de l'arc brisi' s'était déjà généralisé dans le style roman. On
n'avait donc rien à modilier, et quand on acce))la la croisée d'ogives comme
un procédé plus solide cl plus commode que la simple voûte d arêtes, on
110
HISTOIRE DK i;aht
Cli.-'ih'.-iu do Safila (r.li;islel-l!l;ii](;).
lions
l'adopia a\uc une (•('rlaiiie iiidin'rrenci'; soincnl encore, au xiii" siècle, on
s'en passa. L'ornenicnlalion golliii|ue, dans un pays où la végétation n'est
rien moins que luxuriante, n'inspira pas de modèles spéciaux et se réduisit
à des types im|)orlés, n'ayant ni plus de \ie ni plus d'à-propos que les
anciennes l'euillcs
d'acanthe. La déco-
ration ne fut donc
qu'un second classi-
cisme, offrant sur 1('
précédent le seul
avantage de la nou-
veauté; on radoj)ta
assez lentement et
surtout inégale-
ment, et celte adop-
tion ne coïncide pas
nécessairement avec
celle de la croisée
d'ogives. Rien ne fui
modifié aux disposi-
générales des édifices. La cathédrale Sainl-Jean-de-Samarie à
Sébaste, dit M. de Vogiié, « est, après celle du Saint-Sépulcre de Jéru-
salem, la plus con-
sidérable et la plus
ornée que les (Iroi-
sés aient élevée en
Terre Sainte; du
moins est-ce, de
toutes les églises (pii
sont parvenues jus-
qu'à nous, et dont
j'ai pu \isil('r les
ruines, celle qui, par
l'importance de ses
proportions, par le
soin apporté dans
l'exécution de ses différentes parties, fail le plus d'iionneur auxarchitectes
des Croisés, et porte les caractères les plus évidents de son origine fran-
çaise ». La cathédrale de Sébaste, bâtie dans un appareil magnifique, se
composait de trois absides précédées d'une travée de chœur et d'un tran-
sept sans saillie, que prolongeaient des bas côtés presque aussi hauts flan-
quant les ipiaire Iravées de la nef. La l'acade, d'une absolue nudité, avait
Fk 'ii — PdllHIIK llltl.lK.Ul (lu
ll.llt,lll (I ^(l^-^-ll(I AKi.kI.
LAU(;niTKC.TLT.K (lOTIIIorK Dr xiii SIÈCLE
117
deux pclilcs lours carrées sans saillie sui-raligncmenl. Des voùlcs dOt^ives
assez fortement bombées couvraient tout l'édifice; leurs doublcaux étaient
épais et sans moulures; aux piliers rectangulaires viennent s'appliquer
quatre colonnes répondant aux doublcaux et aux secondes voussures des
grandes arcades, et quatre colonnes plus petites répondant aux ogives
auxquelles leurs bases et chapiteaux sont normaux; les bases sont légère-
ment déprimées; les chapiteaux montrent d'assez médiocres combinaisons
du type corinthien et du crochet gothique.
A Torlose, l'église Notre-Dame, toute romane de slrudure, a des cha-
piteaux gothiques d'un bien meilleur
type du xiif siècle, et les fenêtres de
sa façade appartiennent au plus pur
style ogival primitif de France.
Le gros clocher carré du Saint- . i
Sépulcre à Jérusalem est gothique, ^'
commencé peut-être avant la chutr -^
de la ville sous la domination sarra-
zinc, en IhST, il dut être termim-
lorsque Frédéric II eut raciieté la
ville en rj'J'.l, car la forme de son
ancien couronnement, connu par les
gravures de Breydenbach, était ger-
maniipic, il reste aujourd'hui ileux
étages au-dessus du lez-de-chaussée,
cl l'appui des baies de lavant-dernier
étage, qui, comme le premier, avait
des groujtes de deux baies en tiers-
point très sim[ile.
A Saint-.Jean-d'Acre. Pococke \it
encore la cathédrale Saint-André.
» superbe église gothique avec un
portique ». Elle a été dessinée par Cornelis de Bruyn. C'était une église
à bas côtés et sans arcs-boutants, ayant à la façade trois portails sur-
montés d'autant de fenêtres. La fenêtre centrale était subdivisée en trois
baies sdiilciiiiiil Irois cei'cles disposés en triangle; di's arcalures r(''gnaient
entre l'appui di's baies el les portails. L(irs(|ir('H l'J'.M \r sullan Kclaonn
conquit Saint-.Jean-d'Acre, il transporta au Ç.n'wr un |Hirhiil de la cnllié-
drale; ce trophée orne encore le muristan qui porte son nom. (l'est une
o'uvre française élégante, du milieu du \ni' siècle, qui a pour traits paili-
culiers la hauteur des jambages et le tracé polygonal di's fùls.
A Athlit, place forte fondée par les Templiers en I'2IS, subsistent les
restes de d(Mix églisrs gothiques: l'une dodécagone à trois absides pen-
Fi(,. sr,. — Aiii-icn portail lic I.-i
de S'-Joan d'AiTO, Irnnsporti'
rnllir.li-.ilc
m ('..liic.
lis IIISTOIHK I)K L'ART
laii'onalcs; ruiilre, ;iii fcnlrc de la ville, formée d'une nel', de bas c(Més cl
de II ois absides. M. de \'ogué y a admiré une frise d'animaux sculptés.
('.iivL'i;i;. — C.'rsl en Il'.M (|ur liicliard (lo'ur de Lion s'empaia de
('.liyjue; ineidenl inijuévu, qui donna, en quelques jours, le résullal le
jilus durable de toutes les Croisades. Le royaume de Jérusalem devait
encore agoniser pendant un siècle, toujours plus entamé par l'ennemi
commun et toujours plus divisé contre lui-même, ne se soutenant que par
les secours de l'Europe. En l^rjO, Frédéric Barbcrousse racheta pour
quelques années Jérusalem; de L2r)0 h ltir)7, saint Louis restaura les villes
ci 1rs foris de la côte; enlin, en LJ!U, Beyrouth, puis Saini-Jean-d'Acre
iombaient définili\emenl aux mains des Sarrazins. Durant ce siècle de
lullcs cl de troubles, on l)àtit beaucoup de forteresses et l'on restaura
bien des sanctuaires; beaucoup d'argent d'Europe s'y engloutit; i)uis,
(|uand les Latins jierdirenl en Asie leurs dernières possessions continen-
lalcs, les survivants passèrent en (Ihyprc où, dej)uis pi-ès de cent ans, à
l'alni des Sarrasins, les sujets des Lusignans avaient pu coloniser et
bàlir. La ruine du royaume de Jérusalem donna l'essor au royaume de
CJivjire.
.I(''rnsalem, la Syrie et Chypre oïd puisé l'arl golhique aux m(''mes
sources; mais les plus belles constructions du continent furent des forte-
resses; celles de Chypre, des monuments religieux et civils. De plus, le
royaume de Jérusalem avait déjà loul un pass('' d'arl latin; quand le sl\le
gothique lui fut appoiié, il y rencoulra des ti'aditions romanes et s'\' uuMa
souvent; en Chy))i'e, l'ai'l gothique ne rencontra que l'art byzantin «pii.
pratiqué par un peu])le dilTérent, n'eut qu'une influence à peu piès nulle
sur les conquérants.
Dès cjuil eut acquis l'île de Chypre, Guy de Lusignan pi'it pour colo-
niser les moyens les plus sages : il assura ilès l'abord au clergé latin cl
à la nolilesse latine de riches possessions; aux commerçants, des facilités
et avantages; aux agriculteurs, des terres. La population grecque, qui par
deux fois avait prou\ é son peu de sympathie pour les conquérants, paya,
bien entendu, les frais de cette colonisation, mais on ne lui confisqua de
biens et de libertés que ce qu'il fallait pour ne pas la décourager de
concourir à la prospérité du royaume. L'Église orthodoxe fut réduite
à la portion congrue, et ses sièges ('piscopaux transférés dans des bourgs
de l'iidéi'ieur qui restèrent presque com])lèlemenl indigènes; l'arclievèque
latin fut installé dans la métropole Sainte-Sophie de Nicosie, et entra en
pjossession de ses domaines, tandis que de nombreuses familles françaises
venaient peupler la capitale. L'ancienne église byzantine, avec ses dimen-
sions exiguës et sa lourde architecture, ne pouvait satisfaire longtemps
ce clergé et ce peuple arrivés de France au moment oii l'ai'l golhique s'y
LAriCIllTECTURE GOTIIIOL'I': Dl' XIII SIÈCLE
épaiiûiiissail dans loulc sa s|ilt'iuleur. Dès ll!K", il s(MnI)l(' (|up des liavaiix
furent commencés à Sainle-Sophic, el en I'20!» rar(lie\r(|ue invilall 1a
reine Alix de Champagne à poser la première pierre d'une église qui
devait égaler les caihédrales françaises. Frère du chantre de Notre-Dame
de Paris, l'archevêque Thierry avait dû faire venir un maître d'œuvres de
rile-de-France, et la reine Alix avait certainement aussi, de son côté, fait
appel à quelque artiste de Champagne. Le chœur de la nouvelle église
reçut le plan assez particulier qu'avait alors Notre-Dame de Paris, et qui
se retrouve à Mantes, h Gonesse, à Deuil, à Doullens : un déambula-
toire sans chapelles, et ce déambu-
latoire est couronné d'une corniche
du type })articulier à la Champagne
et à la Bourgogne. L'économie
s'imposait aux constructeurs, car le
nouveau royaume n'avait pas encore
eu h- temps de s'em-ichir : ils rem-
ployèrent dans le déamijulatoire les
colonnes antiques cpie l'église by-
zantine avait une première fois em-
pruntées, et — peut-être sous l'ins-
piration de quelque maître d'oeuvres
du Centre ou du Midi — ils firent
un transept composé de deux cha-
pelles ne dépassant pas la hauteur
des bas côtes. Peut-être ce transept
est-il la plus ancienne partie de
l'église; on y trouve, en elfel, au
nord, un poi'tail qui peut dater de la
lin du xii' siècle, et ses absidioles
UKuiIrent une persistance d'art ro-
man, telle qu'on en voyait alors dans le royaume de Jérusalem. Au nord-
est du transept est accolée une chapelle du trésor, à deux étages, bâtie
vers le milieu du xiii- siècle; elle possède encore des absides à cul-de-four.
La j)ai-tie de la nef qui tient au bi'as nord du transept montre que la
cathédrale fut commencée pour recevoir des toits plats sur les bas côtés,
et un triforium dont il reste la moitié d'une baie tréOée; mais on renonça
presque aussitôt à ce projet ; le climat permettait et la pénurie de bois
ordonnait de faire des terrasses et non des charpentes; ce système ame-
nait à donner moins de hauteur au vaisseau central, le triforium devenant
inutile, rt l'on obtenait à la l'dis plus d'économie et de solidité. L'économie
siuq)osait : i-n l'ii*!». Fr('di'Tic II était venu |iorierla gucri-c dans le nou-
veau royaume. (|ui l'aillil pi'iir; lnipi''riaux r\ (lliyprois pi-ircid el l'epi-irent
l'Iiot Knla
Fic. Stl."— Ç;iliiodraIo do Nicosie.
120 IIISTOIRI- DH L'ART
Nicosie, cl la (•iilli(''(lral(' dul rcslei' à peu près slalionnaii'e jieiulaiil les
dix années qui suivirent le léLablissemenL de la paix; mais en Iti-iT-l'ilS,
saint Louis et toute la noblesse de France furent sept mois les hôtes de
Chypre, et firent largesse aux églises. Dei'rièrc leur armée venail lout un
exode de lahoureurs et d'artisans qui pensaient cohtniscr lEgypIe; en
1250, i'e\p('dili()n ayant échoué, (lliyjire, (jui en a\ail déjà absorbé les
fonds, en recueillit les épaves. A cette époque, les travaux prirent un
nouvel essor; un très beau portail de marbre blanc fut construit au sud
du transept dans le meilleur style français, et la nef reçut, comme le
chœur, des piliers ronds en forme de colonnes; leurs chapiteaux octo-
gones avaient alors des crochels de feuillages que les Turcs ont détruits
au xviT' siècle.
Les porls de Paphos, Limassol et Famagouslc avaient aussi leurs
cathédrales latines. Très malheureusement, Paphos et Limassol ont été
si souvent ravagées, que de la cathédrale de Limassol il ne reste plus une
pien-e el ([ue celle de Paphos n'esl i-c pr('' se n !('•(■ (|ue par un conircrori
tl'angle et un monceau de décombies.
A Famagouslc, Sainl-Georges-des-Lalins, construit à la lin du
xiii' siècle, offre le plan et les proportions élancées de la Sainle-Cha}>elle
de Paris, cl son style n'est pas moins pur.
Au nord de l'église des Saints-Pierre-et-Paul, un grand portail à
colonnes et sculptures de marbre est le rcnqjloi d'une œuvre plus
ancienne, car ses chapiteaux prolongés en frises de végétations variées
appartiennent à l'art français du Midi, et de la seconde moitié du
xiif siècle; la hauteur des jambages rappelle l'ancien portail nord de la
cathédrale de Nicosie et le portail de Saint-Jcan-d'Acre transporté au
Caire. Le fronton aigu date du xiv"" siècle.
Une série d'élégantes églises à net uiii(pic inil élé exécutées au
xiii'' siècle dans un style tout voisin de celui tic rile-de-France; au xiv'',
dans celui de la Pi-ovcnce ou du Languedoc.
Notre-l)ame-de-Tyr, à Nicosie, église d'une abbaye de femmes, fut
commencée à la lin du xiii" siècle; saccagée dans une émeute en LjIO
avant d'être aclievée, puis terminée assez misérablement.
L'arcliilecture mililaire a de remarquables édilices, mais en pelil
nombre, le roi s'étant l'éservé la possession des i'urteresses. On peut divi-
ser les cliàleaux en chàlcaux de plaine, de plan régulier, et chàle;nix de
montagne, suivant toutes les irrégularités d'un sol accidenté.
Les châteaux de plaine sont ceux qui défendaient les ports de Cérines,
Famagouslc et Limassol, et le château de Sigouri. Les châteaux de mon-
tagne sont Saint-IIilarion, Kanlara et Buffavent, construits au xiii' siècle,
restaurés au xiv'. Les châteaux de Cérines, Famagouslc et Sigouri
I/AncilITECTinE (lOTIlIQUE DU XIH" SIÈCIJ': l-il
niloiilaiolil le plan (\{\ caslriiiii Iiyzanlin, rcelan^-ulairi' avec lonrs
J'an-lrs.
Le pi-L'iaier exislail déjà en l'Jll; iiiiu parlie date de celle ('[HKine;
les ^'éniliens ont remanié le l'este au xvi'' siècle. Le chàleau élait loniplè-
Icnienl cnlouré d'eau; sur une pointe de Iflot du c(Ué du j>oit, on a\ail
respecté une jolie chapelle byzantine; elle était dominée par un donjon
carré à quatre contreforts adhérant à un angle de la forteresse, les autres
avaient des tours rondes; des portes donnaient sur le port et de deux
côtés sur la mer; des citernes voûtées régnaient sous une partie des bâti-
ments; le rez-de-chaussée était entièrement voûté; lélage supérieur en
[)artie seulement. Les berceaux et les voûtes d'arêtes couvraient les
citernes et les salles, des culs-de-four les étages des tours, mais la voûte
d'ogives n'apparaît nulle part ; quelques doubleaux reposaient sur des
consoles moulurées ou scupltées. Les appartements royaux avaient de
larges balcons de bois sur l'esplanade; ces balcons devaient former loge
couverte, et ils reposaient sur d'énormes et imposantes consoles de pierre
à assises profdées en quart de rond. Des créneaux refendus d'archères
bordaient les terrasses et les chemins de ronde. Le chàleau de Fama-
gouste, bâti en 1510, est analogue comme plan et emplacement. Le châ-
teau de Limassol, du xiu" siècle, rappelle le plan de celui de Foix. Il com-
prend un gros donjon carré avec tourelle d'escalier sur un angle, et une
esplanade en rectangle allongé très étroit, bordée de chambres voûtées et
percées d'archères. Cette partie a la même largeur que le donjon; l'en-
semble de la forteresse est donc un rectangle allongé.
Les châteaux de montagne sont plus vastes, et leur plan est trop
compliqué pour être défini; cependant, tous comprennent deux enceintes
successives, un baille où l'on accède du cùlé de l'intérieur des terres,
moins exposé et moins aliruj)t, et une enceinte supérieure sur le dernier
plateau. Ces châteaux ont tous de grands réservoirs à ciel ouvert, ména-
gés pour recueillir les eaux pluviales.
Le château de Buffavent est un prodige de hardiesse; son site est
presque inaccessible; ses pierres, en grande partie extraites des carrières
de la côte, ont dû être montées par des cordes et des treuils. La basse-
cour occupe un palier de montagne que domine de très haut la falaise
abrupte qui porte la seconde enceinte, suite de pièces cari-ées, citernes et
(duunbres, voûtées pour la plupart, établies sur la ci'ète d'une liaide mon-
tagne. Les deux enceintes communiquaient par un escalier laiilr' dans le
roc. Ce château n'a que peu de flanqucments dans sa première enceinte;
la partie haute n'a ni flanquemenl ni archère, et ses portes en tiers-point
n'ont pas de défense spéciale, la situation snllisait à le |irotéger. 11 n'a
jamais été pris.
Le château de Saint-liilari(»n ou I )ien-d'Aiii<iur est beaucoup plus
T. M. — Iti
insToinE i)i: i/aiît
iiniMH-liiiil . Il ;i coiisri'v (■■ !:i clKiiiclIr liy/;inliiir de l'criiiil iii;(' (1li sailli.
Une grande basse-cuur descend sur un vcrsanl de la montagne. Les murs
sont flanqués de tours rondes; la porte est précédée d'une barbacanc et
surmonli''c tl'un niàciiii-oulis à consoles sculptées. In gn)U|ie couipacl et
irrégulier de bàliuiciiis la commande cl occupe un ]ialiiT dr hi nuinlagnc^;
là soni de vasies apparlcmcnls, la cliajM'Ilc cl une gi-andc loge carrée
voùl(''c d'arêtes qui s'ouvre par Irois (''normes arcs en ticrs-poini, hors de
portée des traits, au sommet d'un roc d'où la vue est splendide. Le pla-
teau terminal de la montagne forme une dernière cnceinle; il est dominé
par deux rochers que Ton a réunis par des constructions, et dont le plus
éde\é a été couronné de deux réduits en forme de tours carrées comnuui-
dant toute la l'orleresse. llans la dernière enceinte se trouve la grande
salle seigneuriale, com-
jtrenant une salle basse
v<u"dée en lierccau
liiisi'', et une salle haute
sans voiMe, éclairée
A ers l'intérieur par des
portes- fen(Mres accé-
daid à un balcon cou-
M'rl en bois; du C('ité
di' rext(''rieur, au con-
t laire, par de très belles
t'enètres à meneaux
sui'montés de rosaces
dans le meilleur style
français du xur siècle.
De la salle basse, une porte s'ouvre sur un précipice où l'on pouvait se
(l(''barrnsser de toutes choses gênantes, immondices, objets cassés ou
personnages eneondu-auts. Par exception, une [lartie des brdiments de
Saint-Iiilariiui étaient couverts de toits aigus, ]u-('-caution contre les
neiges, dont il loud»e (pud([uefois sur ce S(uumet.
L'architecture civile était abondante et belle dans le royaume de
(Ihypre. Au xiu' siècle, les maisons de Nicosie (Haient égayées de pein-
tures (pii les faisaient ressembler à celles d"Anti<»ch(\ au dire de W'illi-
braud d'Oldenbourg. On incrustait aussi dans les façades des plats de
faïence arabe dont quelques-uns ont été retrouvés.
Chypre a possiVli'' jibisieurs monastères llorissants; le principal et le
seul bien consei-\é est Lapais, abbayi' de l'ordix' de l'i-émontr('', l'ond<''c
par Hugues III (L2(i7 f Li8i), terminée par Hugues IV (\7)11 f iriOI); un
autre monaslèie célèbre était, à Nicosie, l'abbaye de Notrc-Dame-des-
01iami)S, qui, fondée au commeiicemeut du xin' siècle, pour les cister-
M- <\r l.-i yr; s,-
de S.iiiil-llll.ii-idii.
Ih du ( Il \U II)
LARCIlITECTUni-; (.(ITIIKJIE IH XIII SIIICU'. l'jr,
(•ifns,devinl iui xiv' un couxciil de franciscains: en l'.IOI.dcs rdiiillcs m'en
onl l'ail rclromcr les fondalidus.
Grince. — Larcliilcclnre golhiquc de la (irccc csl 1res rare el assez
médiocre. Les moines de Cilcaux, qui avaient suivi les Croisés en l'204,
se firent donner par eux diverses églises, comme l'abbaye de Dafni, près
Athènes, et fondèrent en Morce quelques ('laMisseiuenls dont il lesle des
ruines. Elles sont sans caractère artisticpie, mais la voùle dogives, l'arc en
tiers-point et de grossiers chapiteaux à crochets y témoignent de l'origine
française des constructeurs. Le plus connu de ces vestiges est le porche
que les cisterciens reconstruisirent au xiu'' siècle, après un tremblement
de terre, à l'église byzantine de Dafni. 11 utilise une partie de l'ancienne
maçonnerie byzantine et se conq)ose de Irois lra^('•es: ^m ceidic, une
grande arcade en liers-poiid ; à di-nile el à gauche, des haies gi''uiiiir'es de
même Iracé, oii des colonnes aniicpies ulilis(''es poui' soulenir la r<'loiidH''e
cenli'ale onl éh'- d(''nionli''es ci eniporl(''es jiar loi'd l'ilgiii. L'oidoniiane(?
rappelait celle du porcdie de Ponligny.
Un j)elil monument pai'liellemeni voiMé d'ogives exisie à Alliènes
miMiie, au pied el à (piel(|iles pas de r,\er( i| lole, en regard de iadl'otte
(le l'an, ('/esl une mine (pie son di'jahi euieid menace d'une disparition
prochaine. Les (piarliers hondiés des ^■oùles sont l'orni(''s d Un hlocag(î
appareillé en coupole; les ogiscs relondieni sur des eulols à sculptures
byzantines (pu [ieu\(Mil pro\enii' d lui édiliee anlérieiu'. Les ogives pro-
lilées en sinqile boudin \iennenl buler sur une clef en forme de li()n(;on
de fùl oclogone, doni l'exlrémilé inférieure est taillée en pelil cidol pen-
danl. (lelle clef sendile inspin'e d'un ]ioin(;on de (diarjienle, el sa l'orme
pendanle rappelle limidemenl certains (wemples germani(pu?s ; rju'cliilec-
lure de toute l'église jieut . du reste, se rattachera l'école londiarde.
Il faut citer en Moréc les ruines du monastère de Xotrc-Danie d'l>o\ a
el l'abside de Sainte-Sophie d'Andravida.
L'église Sainte-Sophie (le l"r(''hi/,on(le est un ('ililice hyzanlin an(piel
ont collaboré des seul})teui-s gotlii(pies; un tout au moins. I']||e date de
L2ÔS à i'265. Le porche sud a un lyuqian scLilpté ([ui n'est pas sans analo-
gie avec les œuvi'es lVancais(_'s, et doid rarchi\olte. en tous cas, appar-
tient au plus jmr style finançais de répO([ue et rappidle ahsolnmenl les
cordons exécutés à la même date sur la façade de Notre-Dame de Paris.
In jteu partout en Grèce, s'élèvent des ruines de châteaux francs
don! les pi-incipaux son! ceux de Mislra et (larileiia.
l;iiiLii>i;i;.\i'HiF . — \'nir li\ii' l\. ili,i|iiln' \i.
CHAPITRE 11
FOIiJIATIOX ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTllIijUE
DU MILIEU DU Xir A LA FIN DU XllP SIÈCLE
T
LA SCULPTURE EN FRANCE'
En même temps que rarchitccluiT évolue sous l'aclion cL dans la
logique féconde de ses lois organiques, une sculpture nouvelle naît el se ,
développe sur le monument auquel elle adhère comme la plante au sol el
qu'elle anime et commente, comme d'autant de vivants idéogrammes, de;
ses statues et de ses bas-reliefs. Un style s'élaltore et un programme icono-
graphique se constitue. C'est l'œuvre de la France proprement dilc au
cours de la seconde moHié du \if siècle et au commencement du xiii' . Au
lciiqi> de saini Louis, larl IViinrais s'otTrira comme un modèle à lnulr
la (duélienté oecidenlah'. C.'rsl donc par la France qu'il convieni (\i' com-
mencer l'étude de la foiinalion cl de j'évoluiion de la sculpture golhiqiic.
Celte sculpture est l'inlcrprélalion par des artisans laïques d'un
programme élaboré jtar les clercs — interprétation docih; et lichMe,
mais pour les besoins de laquelle les imagiers prendront, au cours du
siècle, de plus en plus contact avec la nature, mère des hérésies. Ce qui,
dans la pensée et dans les livres des docteurs, était alisiraction el n|i|ia-
rence pure, devient, [>ar eux, forme tangible et réalité; ils considèrent
dans les <■ cho.ses visibles » non plus seulement « le signe des invisibles »,
comme voulait Suger, mais une création à leur usage, une matière ollerte
à leur vision et à leur génie d'artistes, si bien qu'à c('>lé de I bistoiic
morale l'I religieuse à bupielle ii> re>,lenl inlimemeid el prolondémenl
I. r.ii- M. Aiidrr Michrl.
1-Jii lUSlOllIlO DK i.Aiir
associrs. (loiil Un soiiI iii("'IIIc (|(''|)cn(liiiils. ils oui Irnr |iii)|iir liisloirc, i rllc
de Iciii' arl . de leur l('rliiii(|iic. de leur slylc, des idrlins ({ui se grou})('ronl
aidour de Icllc (ui l(dlr iiidi\ idiudilé plus ou iiiuiiis loilc, (|ui rccevronl cl
se IransmeUront; en les modifiant sans cesse, les traditions et les recettes
du métier. Ils n'étaient pas des lhéoloa;iens, mais des sculpteurs inspirés
par des lliiMilogicns : (piand ils laillaicnl. dans leur beau liais de Scnlis
ou de \ernon, le peuple de pr()|ilièles, dap('i|]'es, de saints, toute
riiisidire sacrée, qui allai! \\\vf sur la (■all](''di'ale, ils ignoraient tout ce
que les savants avaient pu accumuler sur ces figures de gloses el d'exé-
gèses; le symbole n'était pas leur affaire mais l'œuvre d'art, conli(''e à
leurs soins, et moins ils furent dogmatiques, plus ils furent humains.
Le cliantiei- où ils travaillaient n'était pas une chapelle close, un s('Miii-
naii'c ou une chamhre hanle. Vu \ili-ail de la cathédrale de ( '.luuires, oITeit
jiai' leur cor]ioraliiin à Noire Dame, au lemps de leiu- ph'iiic Ihii'aison,
nous les moidre au lra\ail,nons inli'iidiiil (hins linléTiein' iiiimiic de Icin'
<( hutle ». Ils porieni le cosluuie laïque; ils soid ((liffi's du lioiiucl lérnii'
sur les oreilles ef noué sous le menlon (pie l'on voil à Ions 1rs gens du
peuple dans les mi nia I lires du Psanlier de sain! Louis ; laiidis ipie les uns
undieul la tiernière main à une siaiue de roi ou au d(''cor d'un iliapileau,
un com[iagnon sendile ui(''diler sur qu(dque diMail d'e\(''culion iiKi(die\é;
mais lui judre, à (|ui le lra\ail a donm'' soif, \ide d'un (-(Uip un grand
verre de vin.
< '.oNSi rriTioN DU pnoi.nA.M.ME ndNo(,iiAi'unjri;. — .\\aiil d(''liidier leur
O'uvre propre, il convieni donc di; résumer le programiue iconograplii(|U('
que celte a:'uvre eul pour mission d'exprimer. L'('qioque romane |)ropie-
nient dite avail ou\'erl accès à la sculplure dans l'arl UKunimeiilal ( liii'-
lien el l'on a vu (tome 1, p. .">iS!l et suiv.) la diversité des thèmes qu'elle
avail dévelop])(''s et dans cpielle complexité laborieuse de styles et de
.moyens. La lendance de r(''p(i(p;e ^ gollii(pie .. sera d'abord d(/ siinplilier,
d'ordonner et d unilier toiiies choses; nous le veri'ons poui' la plasli(pie ;
l'cnseignenu'nt des universil(''s, les aiiiliilious encyclop(''di(pies de la
' t scolastique y (•(udi'ibuèreiil |uiissaiiiineiil pcniiloiil ce ipu est de licoiu)-
graphie.
Les cathédrales furent, elles aussi, comme luie grande « somme » de
pierre, une encyclopédie monumentale où toute la doctrine di' l'Lglise
prit corps el s'anima en parlantes images — el si de l'une à l'aulrc les
« variantes <> sont nombreuses, le llième essentiel reste parloul le même.
C'est celui de la Foi chrétienne et de renseignement de l'Lglise.
Dieu a créé le monde el l'houmie; le péché est entré dans le monde et,
avec le péché, la mort el le châtiment. Dieu a donné son lils unique, né
d'une vierge, pour le radial de riiuiuanité coupable el conda.anée. Ce fds,
FORMATION 1:T 1)I;\ Kl.OI'l'KM I:N 1 I)|': LA SCILPTI^RK (lOTlIIorK \-ii
l'iiil liomiiii'. csl m'', a V(''cu. :i ju-i'cIk''. :i MiulTrii cl csl niuri |);u'ini nous.
Il a été crucifié, il a été enseveli, il est descendu aux enfei's, il csl rcssus-
eilé d'cnire les morts, il est monté au ciel, il s'est assis à la droite du
Père; de là. il xirnili'n puLii' Jiiliit lcs\i\aiils cl 1rs morts. Les ajiiMres el
les (•\ani;-i''lisli's mil ciisriom'' celle vi''rili'': les niarUrs el les sainis en (tnl
lémoig'Mr'' ; les docteurs l'iuil c()ninienl(''e. l ne discipline morale e^l
sortie de cet enscii^nemenl. Ceux qui auront cru «1 auronl liien vécu
seront sauvés el, au jour du jugement, ils entreront ]iar la porlc d'or dans
la gloire de la .l(''rusalem ci'destc, tandis (|ue les mau\ais rece\ loni leui'
chà liment.
Autour de la ligure centrale dn Clii-isl, ([ui occupera aux tympans et aux
trumeaux une jilace d'honneur, toute (•(_■[((■ histoire sera ordonn(''cel [irendra
\\('. Les apôtres se tiendroni à droite el à gauche du Maître; les vierges
sages el les vierges l'olles, doni la paraliole n'est cpie le comnu'utaire
imagé de la venue du juge, les \crlus el les vices, dont les imagiers du
xn"' siècle axaient (h''ià repn''senli'' laiil de fois les conllils cl (pie le
xui' siècle évoipiera sur un ilième iiouxcau. seront sculpt<'s non hiin tlii
jugemenl. Les sainis et les docleui-s. s|ii'cialeiiienl vén(''rés dans le diocèse
ou dont la cathédrale possède des rcli([ues, seront représentés sur les
]>ortails latéraux et la lignée des ancêtres de Marie formera la solen-
nelle galerie des Hnis. lue place d'honneur sera toujours réservée à la
Mère de Dieu. La plupart des cathédrales : Sentis, Noyon, Laon, Paris,
Amiens. C.hai-lres, lieims seroni des A'o/rc-Drt/^c; celles de Bourges, Sens.
Auxerre l'I Limoges seront consaen''es à saint l']tienne. le premier con-
fesseur de la l''oi; celles de Poiliers el de Troyes, à saint Piei're : celle de
Bordeaux, à saint André; celle du Mans, à saint Julien; mais la \ierge
n'y perdra jamais sa place. Son culte, déjà si populaire an xn' siècle,
prendra an xiii un immense développemenl. el la ligure de Marie, plus
encore (pic celle tic ,lésus-('.lirisl , occu| era les sculpleurs.
Enlin. comme la \ ie humaim^ tout entière se développe, sous le
regard du Dieu qui l'a donnée et (pii la jugera, elle est évoquée dans les
formes essentielles de son activih'anx mnis des cathédrales. C'est d'abord
l'd'uvre des sept jours, l'apparition de l'homme, le premier conllit avec le
(h'-mon, la cliule, l'expulsion du Paradis. La loi du travail entre dans le
monde el Miici les lra\aux des mois; un calendrier di^ jiierre (''MKpiera la
Miccession (le> saisons el des cull lires, les occupai ions (lixcrses de la \ le
descham|i>; depuis les seiiiaille> el la pr(''paral ion de la \ igné jn^ipi an\
moissons, aux vendanges, à la glainh'c el à la saignée du porc, les ima-
giers raconteront t(nite !'liistoire du paysan, toute l'aclivité des cam-
pagnes féconde-,. l'iii> Cl' -eroiil les ail> liliiM'aiix. dont les universités
enseignaienl iii('lhodi(piemenl les classilicalions cl les rc'gles, el dès le
milieu (In y'\' siècle, à (Iharlres on ce! enseitiiUMnenl avail reçu nue ini-
HISTOIRE DK I.ART
pulsion |i;irl iciilirrcnioiil vive cl coiiiith' des iiKiilrcs cl des lli(V)ricicns
illuslrcs, les imagiers cmprunlcronl aux uiinialures des inanuserils de
xMareianus Capclla les figures de dame Grammaire qui. sou l'ouel à la
main, enseigne les enfants, de I^lH''toi'i((ue f|ui essaye de féaux gestes,
d'Astronomie qui mesure le ciel, de Dialectique qui coniple sur les doigts
les raisonnements qu'elle enchaîne avec subtilité.... Les éj)isodes anec-
dotiqucs de la vie familière pourronl même lrou\'er ))lace à cCAv des plus
hauts symboles.
f-ertes, lout cela n'est pas tout à l'ait une découverte du xui'' siècle
ni une nouveauté dans l'histoire de l'art chré-
tien. La nou\eaulé c'est d'avoir groujx', selon
un rythme plastique et doctrinal, ce rpii jus-
«[ue-là était plus ou moins dispersé, si iiica (|ue
l'on peut retrouver transposé et vivant dans la
pierre taillée ou dans la splendeur des vitraux,
liiul ce qu'un \'inceut de Beauvais avait con-
densé cl ordonné de la pensée et du savoir de
son siècle dans les quatre parties de sa grande
Encyclopédie, de son Grand Miroir {^jh'ciiIiuii
iiuijns] où venaient se reiléler la Nature, la
Science, la Morale et l'Histoire, c'est-à-dire la
vie et l'humanité tout entières, à la lumière de
la Foi.
On n'arriva pas du premier coup ;i cette
belle et synthétique ordonnance et on ne s'y
tint pas longtemps; elle marque raboulisscment
de longs tâtonnements; elle reste comme la
réussite harmonieuse et imposante de fout un
grand cycle de la culture humaine. Elle est dans
l'histoire de l'art chrétien ce que l'art grec du v' siècle avant le Glirist est
dans l'histoire de l'art antique; il n'est pas dans les annales morales et
artistiques de l'humanité d'époque plus remplie, et plus noblement. La
série des « portails imagés » — de Saint-Denis en France à Notre-Dame
de Paris, du milieu du xu'' siècle environ aux premières années du xiii"
(11 iO à LilO, pour donner des dates, qui ne sauraient être absolument
rigoureuses) — nous fournit comme les témoins et les jalons de ce
grand mouvement, les éléments de celle double histoire iconographique
et artistique. Mais si l'on en discerne assez nettement la courbe générale,
les difficultés .se multiplient dès qu'on veut préciser avec exactitude les
divers moments de cette évolution.
Au-dessous et de chaque côté du Christ en majesté, assis et bénissant
au tympan entre les symboles des évangélistes, le collège apostolique
iMG. 88, — La Granimaiic
avec Donal ou Priscicn
la Musique avec PyUiaycui
(Calhcdrale Je r.h.irli-ps.)
FORMATION ET DÉVF-n.OPPKMENT DE LA SCULPTURE (lOTHIOIE 1-29
vient d abord prendre place; assis ou di'lxtul, alignés au linteau, les
disciples accompagnent le Maître, en attendant que, adossés aux colonnes
des piédroits, ils occupent de chaque côté du trumeau tous les ébra-
sements de la porte centrale. Les vieillards de l'Apocalypse et l'arbre
généalogique du Christ sont placés près de lui aux cordons des voussu-
res ; mais bientôt les statues des ancêtres de Marie et des rois de Juda
se dresseront en théorie solennelle au centre de la façade, au-dessous ou
au-dessus de la grande rose, dans la « galerie des rois ». Quand l'église a
plusieurs portes, Marie occupe la seconde, escortée aux piédroits et dans
les archivoltes des c figures» typologiques et prophétiques d'Abraham, de
Moïse, de Samuel, de David, d'Isa'ie, de saint Jean-Baptiste.
Dès que le programme iconographique est complètement formulé, la
troisième porte est réservée à l'un des premiers évêques du diocèse ou '
aux saints, confesseurs et martyrs dont quelque insigne relique y est spé-
cialement vénérée. A Notre-Dame de Paris, saint Marcel occupait le
trumeau de la porte romane conservée dans la nouvelle façade ; à Amiens, -
c'est saint Firmin; à Reims, saint Rémi. Dès lors, la porte centrale, pré-
sentera aux yeux des fidèles qui franchiront le seuil de l'église la vision
du Jugement dernier. Le drame que le xif siècle avait déjà évoqué avec
une force singulière, d'après l'Apocalypse de saint Jean plus ou moins
mêlé — comme à Autun, à Conques, à Sainle-Trophime d'Arles — à la des-
cription de l'évangile de saint Mathieu, prend dès le début du xiii' siècle
sa forme définitive. De Laon à Chartres, à Paris, à Amiens, à Poitiers,
à Bourges, on retrouve — avec une progression constante dans l'anima-
tion de la mise en scène et, si l'on peut dire, dans le détail anecdotique,
— la même ordonnance générale. « Alors le signe du Fils de l'homme
paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront et elles
verront le Fils de l'homme venant dans les nuées du ciel avec puissance et
une grande gloire i. Au tympan, Jésus est assis, sans couronne, le torse
à moitié découvert, les mains levées, montrant ses plaies. Près de lui, des
anges sonnent de la trompette: à leur a[)pel les tombeaux s'ouvrent et les
morts se lèvent pour comparaître au tribunal. D'autres anges portent les
instruments de la Passion; assis aux côtés du Juge ou agenouillés à
ses pieds, deux témoins, — dont il n'est question à cette place dans aucun
texte évangélique, mais que l'imagination populaire voulut convier à une
suprême tentative d'intercession, — Marie et Jean, le disciple bien-aimé',
implorent [lour le pardon des pécheurs au moment où va être prononcée
la sentence sans appel. Comme Marie, suivant les récits qui pullulèrent
alors et où .se complut l'exégèse tendrement optimiste du peuple, avait
pris la plac(> de la nonne infidèle et volage, et accompli dans l'inté-
I. A Reims, et (lueliniefois dans l"Est, .sans doule suiis une inlliience germanique, saint
Jean est remplacé par saint Jean-Baptisle.
l'.ll HISTOIRE DK I.AliT
rieur du couvenl loulcs les làclies (|ue la fugilive avail aliaiidonnécs, pour
lui laisser le temps du repentir et du retour; comme elle avait soutenu
sur la corde de la potence le voleur qui allait mourir sans repentir, c'est-
à-dire sans pardon, il parut nécessaire et conforme à sa mission qu'à
l'heure terrible oii la justice et la colère divine demandaient compte à
(ous les hommes de l'emploi qu'ils avaieni l'ail de la vie (pii leur avait
été donnée et des moyens de grâce qui leur avaicnl été ofTerls, la média-
trice inlinimcnt indulgente et secouralilc inlcrvinl une dernière fois,
assistée de celui que le Maître expirant sur la croix lui avait légué comme
un fds. Au-dessous du Juge, l'archange saint Michel pèse dans sa balance
les ûmes inégales, et la séparation des bons et des méchanis se fait à sa
droite et à sa gauche. Les élus entrent, les mains jointes et le front
ladieux, conduits par des anges, dans la gloire de la Jérusalem céleste;
les maudits sont précipités dans la gueule ouverte de Léviathan qui est
l'enfer. Dans les voussures, la scène se continue; les anges, les chérubins,
les vierges, les confesseurs et les martyrs assistent, aux balcons du ciel, à
l'arrivée des élus ; les anges psychopompes portent à Abraham, qui les
reçoit dans son sein, les précieux fardeaux qui leur sont confiés; quelque-
! fois, à Notre-Dame de Paris par exemple, les chevaux de l'Apocalypse
/ passent dans un galop furieux, comme un rappel de l'ancien thème icono-
f graphique dont le scénario était emi)runté à la vision de saint Jean.
C'est autour de ce motif central que s'ordonna tout le poème mys-
tique, toute la représentation historique, morale, symbolique cl encyclo-
pédique que les imagiers du xiii' siècle eurent à mettre en œuvre. Dans
l'unité |)roronde de l'inspiration cl de la doctrine communes, il y eut une
grande variété de dispositifs architectoniques et d'interprétations plas-
tiques. D'un bout à l'autre du siècle, on constate dans l'évolution géné-
rale du style, dans la recherche de l'e.xpression et du mouvement, l'action
de plus en plus reconnaissable d'un sentiment nouveau, et comme une
émancipation progressive de l'artiste.
La TRANsrnoN' du « roman» al" <■ gothiole ». — Parler de transition
du « roman » au «' gothique », comme du passage d'un certain état existant
en soi à un autre état, c'est presque faire de la métaphysique et créer des
entités qui sont l'œuvre de notre esprit beaucoup plus que des réalités
vivantes. Du xii" au xiii" siècle, et des ateliers de Bourgogne, de Langue-
doc, de Saintonge et de Poitou à ceux de l'Ile-de-France, une évolution se
' fit, dont on distingue très nettement le caractère quand on compare le
L point de départ au point d'arrivée et le tympan de Vézelay par exemple
au tympan de la porte de la Vierge à Notre-Dame de Paris ; mais il est
plus difficile de marquer avec une précision certaine tous les moments et
les dates de cette transformation. Ce qui la caractérise, c'est d'abord
FORMATION ET I)f:VELOPPE.MEXT DE LA SCIEPTURE flOTIIIQrE l."l
raH(''iui;ili(Mi, |Miis la siipprcssidii Graduelle de luus les |)arlis pris roincii-
limiiicls i|ii! s'('l,uciil (''lalilis dans les aleliersd'Autun, de Vézelay, de Mois-
sae, de Tunlouse. A inesuic ([u'dii approelie d'a\anlaa-e du xiii' sièele, la /
draperie leiid à devenir plus simple, les alliludcs plus nalurelles, le slyle y
moins conlourné; une sorte d'apaisement se produit. Par quelles voies sest
llir.lr.il,- .lu M.-iii-.
faite celle I i ansl'oi'inal ion ■' A (pu'lle ép(Mpn' préeise? Si l'on admellail
pour le porlail laliTal de Saiul-.l nlien du Mans la dale propos(''e jiar
M. Fleury ci (pie, ant(''ii('nres au |iorclie proprenieiil dil, les slal ues ipii
décorent les pii'droils. les has-rolict's des tympans el les liiiuriiu's d(>s
voussuies aient pu iHre en place dès I 157, ce monument [)rendi'ait une
importance singulière. Non seulemeid 11 aui'ail précédé Saint-Denis el
Charires, mais il présenterai!, par la juxlaposillon de la o-rande ligure à
demi-reliel' encastrée au moulant delà [lurle avec les slalues-colonnes des
1Ô2 HISTOIRE DE L'ART
éhrascmcnls, un disposilif très intrrcssanl cl doiil à la poiic seittcnlrio-
nalc delà calhcdralede Tournai (porte Mantille), à Nolre-Dame-de-Vaux
de Chàlons, peut-tMre h Sainl-Ayoul de Provins, on retrouverait des simi-
laires. La transition du bas-relief à la statue s'y opère logiquement. Les
ligures plaies qui, aux piliers des cloîtres comme à Moissac, aux façades
des églises comme à Azay-le-Rideau, à Saint-Jouin de Marne, ou bien
encore aux montants des portails comme à San licmo de \'éronc ou à
Ferrare, étaient simplement plaquées au mur, s'incorporent à farchilcc-
, turc et s'unissent à son organisme, à mesure que se développe le type
nouveau des portails images. Étroitement limitées d'abord aux dimen-
sions même de la colonne où elles sont adossées, mesurant leur attitude
et leurs gestes à la rigidité impérieuse de ce support exigu, elles tendront,
dès le xiii" siècle, non pas encore à s'en affranchir, mais à s'y accom-
; moder plus librement; elles y vivront d'une vie plus indépendante jusqu'au
' jour où elles rejetteront complètement le tuteur devenu incommode pour
leurs draperies plus amples et leurs gestes plus animés.
Mais peut-on admettre pour le portail du Mans la date de 1157.' Elle
iiaraîlra un peu prématurée sans doute; moins invraisemblable toutefois
que celle du commencement du xin. i)roposéc en ces dernières années pour
la façade occidentale de Chartres.
C'est un grand malheur qu'il ne reste rien à Saint-Denis de l'étal
ancien des trois portes de Suger. Dans la description qu'il a lui-même
écrite de sa chère basilique royale, il parle avec grands détails de cer-
taines parties de la construction et du décor dont il fui l'ordonnateur,
mais il reste beaucoup trop laconique à notre gré sur beaucoup d'autres
points. Il dit expressément qu'il pourvut lui-même à l'ouverture des trois
portes, comme à l'agrandissement de la nef et de l'entrée de l'église : in
ampli ficdlumc covporis ccdesiac <i inlroiliis: cl valvannii Iripiicntionc. Ces
portes, il en fil exécuter les vantaux de bronze où la Passion, l'Ascension
et la Résurrection du Sauveur étaient représentées: mais il ne dit rien
expressément des statues qui, au témoignage de Félibien cl des dessins
exécutés pour Montfaucon, décoraient les piédroits. IV(//v/.s siiiniilrm priiici-
IKih'x. (iccif:is fusdiiliiis ri rkriis sculploribus , iiiullis r.rpciisis. niullu suiiiplii in
ranini (lccuralii}in\ ni nohili potiiciii conveniebal, cir.rinuis. Faut-il entendre
ce texte au sens étroit et l'appliquer aux seuls vantaux des portes, comme
on a voulu le faire pour en tirer argument contre la possibilité de l'exis-
tence, à la date de lliO, d'un tel ensemble de sculpture monumentale?
N'est-il pas plus vraisemblable que ces sculpteurs, choisis par Suger, ne
le furent pas seulement pour préparer le travail des fondeurs et que ce
noble portique auquel il avait donné tant de soins, fut pourvu par lui de
tout le décor plastique dont la tradition lui fit toujours honneur?
.\ce décorde sculpture et de statuaire, il lit pourtant " conlraircmeut
FORMATION ET r)É\ELOPPEMENT DE l.A SCULPTURE GOTHIQUE 155
à l'usage nouveau », une dérogation en dccidanl qu'au lynipan de la porte
de gauche, on placerait une mosaïque au lieu d'un bas-relief, et il a eu soin
de noter lui-même ce détail. Mais dans l'état oi^i les révolutions, le
temps et les restaurateurs nous ont livré le monument, il est devenu
impossible de l'interroger directement pour essayer de déchiffrer le secret
de son histoire. Les quelques têtes recueillies au Musée du Louvre dans
les anciens chantiers de la basilique et qui paraissent avoir appartenu à
une série des vieillards de l'Apocalypse, sont d'époques ditTérentes, allant
du commencement à la seconde moitié et même à la lin du xif siècle, cl
il n'est pas dit qu'elles proviennent toutes du monument lui-même. Les
dessins de Montfaucon donnent l'impression de statues de style intermé-
diaire entre celles qui sont placées aux piédroits extrêmes des portes laté-
rales et celles de la porte centrale de la façade occidentale de Chartres : quel-
ques-unes ont les jambes bizarrement croisées, comme on en voit sur
certains ivoires allemands, dans les sculptures de Moissac, à Toulouse, à
Carennac, au linteau de la porte centrale de Chartres et jusqu'au portail
de Senlis. Mais l'interprétation qu'en a donnée le dessinateur du xvu'" siè-
cle ne permet plus de se rendre compte exactement de la facture et de
l'expression des têtes.... On en est donc réduit à dire qu'il paraît vraisem-
blable que ce grand chantier de Saint-Denis fut. pour la sculpture monu-
mentale comme pour l'architecture, l'atelier décisif dans l'élaboration et,
si l'on peut dire, la proclamation du style nouveau. C'est là que la croisée
d'ogive, après une période d'obscure incubation et de tâtonnements, fit
vraiment son apparition et comme sa démonstration oflicielle et solen-
nelle. Suger avait, de tous les points du royaume et même de la chré-
tienté, convoqué tous ceux qui pouvaient collaborer dignement à l'édi-
fication et à l'ornement du temple dont il voulait faire la maison royale
de la divinité, et au sujet duquel il soutint contre saint Bernard une polé-
mique célèbre: il serait bien étonnant rpie seuls parmi les artistes du
temps, les sculplours aient été laissés de c(Ué. Si les statues dont nous
n'avons plus que le dessin ne décoraient pas les abords du >< noble por-
tique », le jour où Suger procéda à sa consécration, elles ne durent guère
tarder à y prendre place. M. W. Vôge a très ingénieusement remarqué,
dans les indications fournies sur ces statues par les dessins de Mont-
faucon, des vesliges d'iniluences languedociennes; et l'une des raisons
de résister à l'hypothèse que les ateliers de Saint-Denis auraient en
cfTet contenu et comme amalgamé dans le style nouveau des éléments
toulousains et bourguignons, est sans doute qu'elle est trop sédui-
sante.
A défaut de Saint-Denis, on peut du moins étudier et suivre à Etani-
pes, à Bourges, à Chartres, à Saint-Maurice d'Angers, et dans une série
d'éarlises comme Saint-Avoul de Provins, Notre-Dame de Chàlons. \'er-
HISTOIHE DK I/AHT
luenlon, clc, clc. les progrès de 1 :iiiii''ii;it;(;nic'iil des [lorhiils à sl;iliics
cl la l'orinalion du slylc inoiiumcnhd (|iii. après avoir élé, à ses débuts,
tributaire des écoles de Ijoui'goyne el de Languedoc alors dans le pre-
nii(n' éclal de leur (''|iaii(iuisscinenl ])r(''eoee, ne tarda pas à les inllueneei'
à son tour.
Le cœur de celle (Hude esl aujourd'hui à C-barlres. C'est là que le
style nouveau se manil'csle avec le plus d'ampleur
et de puissance, c'est là qu'il rencontra dans un
atelier qui comptait les premiers artistes du li lups.
les interprètes les plus remarquables. On iieut
expliquer de deux façons l'inégalité frajipanle de
facture et surtout de mérite que l'on remarque
entre les statues des parties extrêmes des portes
latérales et celles du portail central : ou bien des
sculpteurs d'âge et de talent très différents ont
collaboré à la même épofpie, à la même (eu\re, nu
bien cette (i'u\re a (''lé t'onduite par étapes et
c''p()(|ues successives, et il n'est jias inipossilile ipie
b's deux explications soient bonnes; il y cul dans
1(^ chantier des ouvriers d'habileté inégale, d'âge
différent et ces ouvriers n'achevèrent pas d'un seul
coup le travail. On pourrait, à ne considérer que le
style, y compter au moins deux moments successifs ;
les plus anciennes figures seraient celles des por-
tails latéraux (dont les auteurs allèrent sans doute
ensuite travailler à Étampes) et quelques-unes des
ligurines encastrées aux montants des trois portes ;
les statues du portail central et celles (pii les avoi-
sinent marqueraierd l'apogée de cet art. Dans les
statues latérales, il lesfe encore empêtré dans des
I „, ;i(i sh ii.i.iii. fornrules de draperies conventionnelles; il n'arrive
,1,, (,,ii„.ii. pas a s en dégager, même quand it copie tes cos-
(i',a„iH|u.' ,!e N.nii iiriii- , juincs cout cmporai US . Au portail central, le style
n'a plus guère de rigidité (pic celle qui résulte de l'étroite accommodation
des statues à la colonne. Tous les détails du costume et de la coiffure,
les manches pendantes cl les longues tresses — si souvent condamnées
par les |nédicalcurs (xunuie une mode immodeste el (pie I'imi \il plus
d'une fois de Indlcs dames, émues par un sermon, aller offrir en exj)iation
aux ciseaux de l'cvcque — sont dune linesse d'exécution exacte cl pré-
, cieuse. Ouanl aux ligures, elles ont l'accent même de la vie : avec leurs
'yeux aux pi'uuellcs ouvertes, leur sourii-e et leur visage d'une indi\i-
(Uudili'' si uKir(|ui''e, elles formeiil dans l'hisloii-e de la sculpture un groupe
FORMATKJX ETÎDÉVKLOPPE.Mi:XT Dl- LA SCULPTURE GOTHIOUE 15'>
vraiiiienl oxceplionnol. (le qu'elles y représeiileiil, celle sorte de réalisme
curieux, incisif et primesaulier, ne s'était pas encore rencontré à ce degré
dans l'art antérieur et ne se retrouvera guère avec une pareille intensité
dans la suite. Déjà à Corbeil, dans les deux belles stalues longtemps
connues sous les noms de Clovis el de Clnlilde — et qui n'étaient que des
rois du liber generationis —
l'acuité de l'accent s'atténue.
Les vieillards de l'Apo-
calypse, debout à la retombée
des voussures de la porte
centrale, pourraient presque
inarquer une troisième étape
el représenter l'époque inter-
médiaire entre l'art de Char-
tres à sa première période
(entre Hi5-li00 environ')
d'une part et les années d'ac-
tivité iëconde qui suivirent
l'inccntlie de H!)4 et virent, au
début du xiif siècle, construire
et décorer les portes des tran-
septs, et d'abord celles du
transept septentrional.
Nous axons au (pi'oii
])Ourrail délinir les tendances
directrices de l'évoluliiiii (pii
s'accomplit culrr ces deux
époques en disant qu'elles
provoquèrent l'élimination
graduelle de tout ce qui, dans
les traditions des ateliers an-
térieurs, n'était plus cpie la
répétition stéréotypée d'an-
ciens modèles imités servilement, inconsciemnirnl li('-iil(''s >;m- iHMiéfîce
d inventaire : par exemple, ces brusqu(.'s retroussis du Imrd iiiterii'ur des
draperies, manteaux ou tuni(pies, (Mnpiunt(''s d'aiiord aux miniatures
byzantines et dont on Acrra la ti-adition s'attarder dans ([nr!(|iii's détails
de la porte Sainte-Anne à Notre-Danu' de l'aria niiuileaiix des deux
anges qui encensent la .Madone au tympan, el de lange de l'Annoncia-
tion au linteaui. (In dirait ([ue du jour où l'on s'a\isa de clier(dier dans
la flore naturcdie. jiour les substituer au répertoire conqjosite de la gram-
maire ornementale ins(pie-là usitée. Icjus les édémenls de la scul])lure
I).ime
I :,r,
HISTOIRE DF. L'ART
(lci-(jrali\r !i'l les \i()lciilrs înliiHuir^hil ions de s;iiiil lirniniil nr l'ui'i'iil
pcut-èlrp pas élrangères à celte Iranslormalioiii, le goùl de plus en plus
efficace de la simplicité s'éveilla dans les esprits; l'œil appi'it à regarder
la naUii'e, il de\iul scnsililc à la tiràce vivanle cl des d(^slinées nouvelles
s'iHurirenl à l'acl des imagiers.
l'our martpier les étapes de celle évokilif)n deiiuis les ligures les
plus archaïques d'Etampcs, sœurs de celles de Chartres, jusqu'aux tym-
pans du Couronnement de la Merge et aux figures des prophètes du tran-
sept septentrional, c'est-à-dire de 1 1 i') environ aux premières années du
i-tiut (le la uoiimi des M II
l.c i;iiri-l cil niaje^lé. Tympan ceiiti-aj de la l'açado occiiJeiitale
di' la liasili(iuo df Chartres.
xiiT siècle, on lr(>n\erail à Charties même, à ('orbeil, à Notre-Dame de
l^aris,à la callii'drale el à Saint-Hemi de Heims,à Saint-Yved de Braisne,
à Sens, à Laon cl à Scnlis des témoins signilicatifs. Au tympan de la
porte centrale de Chartres, le Christ en majesté est déjà le précurseur du
(^irisl enseignant du transept méridional. La tète est d'une individualité
fortement et simplement soulignée; on y retrouve, mais épuré, assoupli
et paré d'une beauté nouvelle, le ty[)e dont l'ivoire de la collection Spitzer
el le tympan de .Moissac offraient le modèle plus barbare; le vêtement à
plis serrés colle au corps ipi'il recouvre tout entier el dont il dessine
les formes. La direction des plis, en dépit du parti pris triangulaire qui
se prolongera assez longtemps encore, est normale et suit logiquement
les indications du geste. Ce qui reste d'archaïsme dans le tuyaulé du
FORMATION ET nKVRI.OPPEMENT DE LA SCUI.PTl'RE GOTIIIOLE ir.7
lioid iiirérieur de la lungiie liiniquc
donne au style encore plus d'élégance
nerveuse que de sécheresse. Les apôtres
alignés au linteau, et qui furent certaine-
ment l'œuvre dun sculpteur plus attardé
dans les traditions anciennes, conlrastenl
de la façon la plus instructive avec les
admirables vieillards de l'Apocalypse,
debout à la naissance des \oussur(\s.
Ceux-ci marquiMit le poini culminant de
l'atelier qui travailla à ce jiorlail : fierté
de l'allure, liberté de la facture, person-
nalité et grandeur de l'expression, toul
en eux témoigne d'un art déjà mfir pour
les chefs-d'œuvre.
La Vierge assise au tympan de la
porte voisine, et dans laf|ui'lle M. .Mau-
rice Lanore veut, non sans vraisem-
blance, reconnaître celle que l'archi-
diacre Riclier, mort en lloO, avait offerte
itour décorer Ypiilrée de r(''glise, est au
Pli,,l ,li- la l.,.iiiiii dl•^ M II
- T\ nipan (le la porte S.Tinlo-Aiine
iXdlre-Dame (le Paris).
Phol Trompellc.
FiG. 9i. — ÉvOqiie et deux acolytes. Bas-relief
de la porte romane de la cathédrale de Reims.
église de la \'ierge cpii ilisparul a\ei
I d un maîlre phi-^ avance ou
plus génial que l'aulrur ou les au-
teurs des deux i-egisires de iias-
reliefs au-dessus desquels elle est
jilacée. Le raccord maladroit di-s
diverses parties de la composition
moins encore que la différence du
style, le module inégal des lèle>
léinoigncnt de celle inlervcnlioii
d'artistes difTérenls; el les allé-
gories des arts libéraux révèlenl
encore d'autres nuances (Tr^'en-
tion.
A Notre-Dame de Paris, la
Vierge de la porte Sainte-Anne es!
comme la so:'ur jumelle de celle de
C.harlri^s. (Mi l'avait longtemps
considérée eommt^ eontenqtoraiiie
des travaux (pie l'arcliidiaerr
l'iliennc de (îarlande lit exécuter,
eiilie IITir) el \\W. à l'ancienne
■glise v()i-^ille de Saiiil-Llieniie pour
r. 11. - 18
IIISTOini". I)K I.AliT
l'aire place à la ii<.u\cilc rallirdi'alc, ci (•'(•lail sans doulr la \irillii' iiii jicu
trop. M. de Lasleyrie la considère comme postérieure à 1180, ce qui est
peut-être la rajeunir un peu trop aussi, surtout si l'on admet, avec
M. Mortel, que le tympan de la porte septentrionale de la même façade
ait pu être en place dès 1210. Dans révolution générale de la sculpture
française au cours de la seconde moitii- du xii' siècle, la Vierge romane
de Paris devrait lofiiquemenl se placer plusieurs années avant celle qui
a été encastrée aux murs du transept septentrional de la cathédrale de
Heims et qui provient vraisemblable-
ment d'un tombeau, ainsi que l'a in-
iicMiicuscment supposé Mlle Louise
riilion cl comme semblent le prou-
\er les anges psychophores et les
rl.rcs pi-océdant aux rites funéraires
qui l'entourent. Si l'on compare
celle-ci aux culs-de-lampe de Saint-
liemi de Reims qui ne sauraient être
liostérieurs à ■1181, — s'ils sont con-
temporains de l'architecture à la-
(pielle ils sont incorporés et (pii date
de Pierre de Celles (1102-1181). —
on ne saurait la situer beaucoup plus
avant dans le xu' siècle. Mais il faut
avouer que nous en sommes encore
léduits, à dix ou vingt ans près, à des
approximations un peu flottantes. Il y
eut des ateliers retardataires qui con-
tinuèrent jusqu'à la fin du xu" siècle
un style déjà dépassé par les maîtres
précurseurs des chefs-d'œuvre du xiii' .
Encore faut-il ne pas resserrer dans
un espace invraisi^mblaidcment restreint la gestation de tout ce que le
xui" siècle allait dès ses débuts réaliser de chefs-d'œuvre et qui ne saurait
s'être élaboré en moins de temps qu'il n'en fallut à la sculpture grecque
pour évoluer du slyle éginétique à celui du Parthénon. La crise de rajeu-
nissement cpii a sini en ces dernières années dans l'archéologie romane
nous amènerait à conclure que la France — après avoir été en relard sur
l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne pendant tout le xu" siècle, — improvisa
tout à coup des chefs-d'œuvre et passa en quelques années du style du
portail royal de Chartres à celui du tympan de la Vierge de Paris (fig. 99)
ou du saint Firmin d'Amiens. Cela est tout de même difficile à accepter.
Il n'est pas arbitraire de rappeler à propos de cet art français le
■ Cul-delampe du cluKur de Saiiit-Rù
de Reims.
FORMATION ET DEVELOPPEMENT DE LA SCLEPTURE GOTIIIOUE lô'J
souvenir de la sculpture grecque telle (|u'elle se couipoiia entre le vieux
temple d'Alhéna et le Parthénon de Pliidias. Ce n'est certes pas que l'on
puisse supposer une action directe de lune à l'autre et une imitation
consciente de la part des maîtres français; mais il faut croire que des lois,
constantes à travers les civilisations et les croyances changeantes, prési-
dent à l'évolution de l'organisme vivant qu'est une école d'art. (Jue l'on
examine la facture de l'admirable tête de scribe, assis à l'angle gauche du
tympan de la porte de Sainte-Anne, occupé à transcrire l'acte de dona-
tion où interviennent sans doute Maurice de Sully et Louis VU, et qu'on
la compare à la tête de YHcraklcs conihaltant le Umreau Cretois de la métope
d'Olympie : facture par masses simplifiées de la barbe, construction du
visage par larges plans sur une
armature osseuse fortement
accusée, les <' procédés » sont
presque identiques, si l'expres-
sion d'ailleurs est fort diffé-
rente. Les analogies ne sont
pas moins frappantes si l'on
compare d'une part les dra-
peries des statues-colonnes de
Chartres et de Corbeil avec
celles du tympan de la Vierge
à Notre-Dame de Paris ou de la
Visitation de Reims et, d'autre
part, celles des statues fémi-
nines découvertes dans les
fouilles de l'Acropole d'avant
les guerres médiques avec
celles de la frise des Panathénées ou des Parques du fronton. Des unes
aux autres, la progresion fut la même ou plutôt s'accomplit d'après le
même rythme.
La Vierge du tympan de Heims est connue à la limite extrême des
teuq)s " romans » et de l'épotpie << gothique » ; elle peut servir à marcjucr
la transition; on dirait presque qu'elle nous y fait assister. Le style de
ses draperies, encore anguleux et tendu, s'anime pourtant, comme son
corps lui-même; elle n'est plus seulement le siège de l'enfant Dieu, <> le
trône de Salomon » ; elle a pris son (ils sur le bras droit d'un geste non
plus sacerdotal, mais déjà jiresque malermi... I-^lle ne reparaîtra plus
dès lors aux tympans des cathédrales que pour y èhc couronnée par Jésus
ou intercéder près de lui à l'heure du Jugement dernier.
Au moment oîi furent sculptées, à l'extrême lin thi xu siècle, des
ligures comme celles de Saint- Yved de Braisne (jui se ratlaeiienl, avec un
l'hul. Martin Sabon
de la porle Sainte-Anne
■ .1,- Paris.
110 HISTOIRE Dtl LAHT
peu plus de souplesse dans les dni[)eries h, eelles du lynipuu roman de
lieims, le slyle du xm' siècle esl né. Nous allons le voir évoluer, au
cours de ce siècle si fécond en chefs-d'œuvre, jusqu'au moment où se
manifeslcrenL les premiers symplômes de la Iransformation profonde (pii
s'accomplira à l'époque suivante.
La STATiAiriE DES GRANDES CATiiÉDUALES. — Si l'on voulail analyser
une à une les slalues qui composent le peuple innombrable qui vit aux
murs des cathédrales, on viendrait difficilement à bout de ce dénombre-
ment, et l'on courrait le risque de n'aboutir qu'à de longues et sèclies
énumérations. Et d'aulre part, à tâcher de définir en leurs moindres parti-
cularités les styles ou les nuances de slylc qu'on y relève, à classer rigou-
reusement, d'après les indications de la draperie et le module des figures,
les différentes « écoles » qui travaillèrent au grand œuvre, on risquerait
de réduire à des formules abstraites un art qui fut entre tous humain et
expressif. Il faut, dans une histoire générale, se résoudre à sacrifier beau-
coup de détails pour concentrer sur quelques types particulièrement
représentatifs les explications ou définitions essentielles.
Dans les chantiers où les imagiers travaillaient à pied d'œuvrc, la vie
devait être intense et les propos divers. Nous cherchons à travers les
siècles à démêler les sources de l'inspiration, les origines et les éléments
du style, et nous tendons à créer des entités métaphysiques que nous
substituons insensiblement dans notre déterminisme scolastique à la
réalité vivante et riche (|ui nous échappe. Il y eut sans doute des modèles
que l'on se transmettait d'atelier à atelier, des recueils de dessins, de
(< patrons .. tirés des miniatures, sortes de petits « corpus » à l'usage des
tailleurs d'iuuiges; il y eut des recettes écrites ou réduites en formules
graphiques ou géométriques, comme l'album de Villard de Honnecourt
nous permet d'en entrevoir (luelques-unes; il y eut l'influence des ivoires
bvzanlins de la plus belle épu([ue, où (pirlqne clinx' de la Ijeauté aniiipie
revivait en de petits bas-reliefs portatifs et sous la consécration chré-
tienne et (pii, rapportés en grand nondue ;q)rès la prise de Constanti-
nople en l'JOi, introduisirent dans les trésors d'églises et dans les chan-
tiers d'admirables modèles;.... mais il y eut aussi l'observation directe et
personnelle d'artisans dont les yeux et l'esprit s'étaient ouverts à la
beauté; il y eut la nature à côté des " modèles » plastiques, le génie à
côté et au-dessus des indications et directions transmises, et de tout cela
— sous la discipline du maître de l'œuvre, sous la sollicitation du grand
monument qui règle et alimente de sa propre vie organique les statues
qui le complètent et l'animent, sous l'autorité de la doctrine de plus en
plus librement interprétée mais toujours efficace — se forma la plus
admirable scul}iture monumentale qui ail jiaru dans le monde depuis la
FORMATION ET DÉVEl.OPPEME.^T DE LA SCUEPTIHE (iOTIllOUE 111
Grèce anliquc. Comme elle esl groupée el évolue, si l'on peuL dire,
autour de quel([ues thèmes iconographiques, nous essaierons de montrer
en même temps par quelques exemples l'évolution de chacun de ces
Ihèmes, de lart qui les interprète et des styles qui s'y révèlent, et nous
aurons ainsi à noter chemin faisant les influences exercées ou échangées
d'un grand clianlier à rautr(\ de Chartres à Paris, de Paris à Amiens,
d'Amiens à Reims, en attendant (|ue nous en suivions la trace et l'action
en Allemogne, en Espagne, en Angleterre et même en Italie.
— l!a>-ivlicl
<lil lr,ilisi-|.l -ciilciiliioiial <ir l:i ,mIIi.n|i;iI,> .!,■ |i,
l-lnhc le Cliii>l en niajrslé dr h, porte rcnl raie de ht faradr („•<•!. lent a le
de Cliarlre>. \c i'Awi^l cuiininnanl la \ i(.'i'g(_' de la porte du transept
septentrional, le Clirist enseignani du Inimeauet le Christ juge su|irème
du tynqian de la porte du transept un' lidinnal. nu dend-siè(dc cnxiron
s'écoula el Ion pieut ilire ipie rien nr lui phis > >ui\i ". })lus logi(pir (|iie
le passage d'un style à l'autre. A\ec un peu moins de rigidité, le prin-
cipe de la draperie est resté le nuMue au tympan du Coiirunnciiu'ul de lu
Vierge qu à celui du mi' >iè(li', cl iiK'nir ne retrouverait-on pas dans
le visage du ('.liri>t l)éni^>aut du transept méridional, dans le dessin de la
huLielie aux lèvres un peu fortes, dans la construction des p(jiiimettes >ai!-
l'i'J • IIISTOIHE DE LAlîT
lanlcs, dans la tli\isi(m de la liarlic en mèches bouclées, dans l'exjjression
(l(''bonnaire el iicnsive de sa |)hysiononiie, plus d'une anakiirie? Il ne
saurai! (Mre question ici de transformation radicale, de révolu! ion ; cCsl
un acheminement progressif, régulier et noruuil vers une inteipi(''lali(in
plus souple et comme une prise de possession paisible de la vie.
Dès le début du xiif siècle, le motif du couronnement de Marie avec,
au linteau, sa mort et son assomption, se substitue à la tradition icono-
graphique de la Vierge en majesté de l'époque romane, el il n'est pas de
thème que les imagiers de celte époque aient traité avec plus de xervcil
de grâce. Ce n'est pas dans l'évangile qu'ils en trouvaient l'indicalion.
mais dans les récils apocryphes, plus populaires que les évangiles, dont
Jacques de \ oragine devait recueillir dans sa Lcijeudc dorcc les plus
répandus ou les plus merveilleux, el que l'Eglise admit sans résistance
dans son iconograpliie, bien qu'elle ne les accueillît pas dans sa lilurgie.
FiG. 98. — Mort et résurrection île la Vierge. Linteau Je la porte centrale de Notre-Dame de Senli^.
Marie, — qui a vécu douze ans selon les uns, vingt-quatre ans selon les
autres, après le drame du calvaire, — a été avertie de sa mort prochaine
par un ange porleiir d'une branche de palmier cueillie dans le paradis.
l'Hic a demandi'' (pic « ses frères les apôtres " se réunissent à son chcxel, cl
Jésus les a miraculeusement <■ enle\(''s sur des nu(''es des endi'oils où ils
lirèchaienl n et rassemblés autour de sa mère. Il vient lui-même et dit:
« Viens, loi que j'aie élue, et je te placerai sur mon trône, car j'ai désiré ta
beauté.... » Et l'àme de Marie sort de son corps el elle s'envole dans les
bras de son fils. Puis, sur l'ordre du Maître, les apôtres portent lecorjis
dans la vallée de Josaphat et le couchent dans un tombeau tout neuf:
ils attendent trois jours, et le troisième jour, les chœurs des anges
enlèvent celle qui avait enfanté leur roi, en chantant : » Ouellc est celle
qui monte du désert? Elle est belle au-dessus de toutes les filles de Jéru-
salem, pleine de charité et d'amour. »
Les imagiers ne paraissent pas avoir retenu l'épisode de la « seconde
Annonciation ». que les miniaturistes et les ivoiriers reproduisirent assez
souvent; mais ils ont représenlé sans se lasser la mort, les funérailles et
FORMATIOX ET DÉVIÎLOr'PEMEXT DE LA SCLEPTIHE (lOTIllulE 1 'm
l'assomplion. A Senlis, le thème est traité avee une sorte de lyrisme; les
ap(Mres déposent le corps et s'empressent avec une extraordinaire anima-
tion; les uns encensent d'une main tandis qu'ils soutiennent de l'autre la
précieuse dépouille; les autres se lamentent. Malheureusement les muti-
lations subies par le bas-relief l'ont rendu en partie illisible.
L'autre côté a, par bonheur, moins souffert des injures du temps et
des hommes, et rien n'égale la grâce juvénile, l'affairement tendrement res-
pectueux et joyeux des anges qui viennent enlever du tombeau où les dis-
ciples l'avaient couchée « Celle qui enfanta leur Roi ». Les draperies col-
lantes dessinent nettement les formes et les attitudes des corps graciles et
nerveux; les gestes sont d'une justesse vivement indiquée. C'est l'art des
plus beaux chapiteaux de la façade occidentale de Chartres, épuré et vivifié
par un goût plus délicat, une expérience et une science nouvelles. Au
tympan, sous un édicule polylobé, le Christ lève gravement la main vers
sa mère pour la bénir; les draperies de son manteau à bords ondulés
rappellent celles de voussures de Saint-Yved de Braisne et la belle Vierge
provenant d'un ancien tympan de même style que l'on voit encore encas-
trée au mur du sanctuaire. Aux piédroits, les statues des patriarches
figurant Jésu.s-Christ dans l'Ancienne Loi, et dont les tètes sont modernes,
se dressent en des postures encore contournées. Ils commencent à vivre,
mais gauchement, sur la colonne où ils sont adossés, et leurs draperies
collantes, à petits plis, sont comme intermédiaires entre les draperies des
statues du portail septentrional de Saint-Denis ou de la porte Sainte-
Anne à Notre-Dame de Paris et celles des prophètes el patriarches du
transept septentrional de Chartres.
Le thème est repris, à Chartres, avec une ampleur et une grandeur
saisissantes. Ce n'est plus seulement le couronnement, mais toute l'his-
toire de Marie. Au trumeau de la porte centrale, elle est tout enfant dans
les bras de sainte Anne; le tympan de la porte latérale représente la
Nfttiviti' et VAdoraliiin îles .Marji's, tandis que, aux piédroits, se dressent
les grandes statues de VAiinoncidIloii et de la Visitntion. Les voussures
('•voquent, avec la toison de Gédéon et le buisson ardent, l'image de sa
virginité; au tympan central, son couronneincnf, sa mort et sa résuvrec-
tioti complètent le cycle légendaire. Aux ébrasements, de chaque côté de
sainte Anne : David, Samuel, Moïse, Abraham, IMelchissédec, les « figures »
(lu Christ dans l'Ancienne Loi, — Isa'ie, Jérémie, Siméon, saint Jean-Bap-
tislr, saint Pierre, tiareen tète, c'est-à-dire les prophètes qui l'annoncèrent,
le précurseur qui le baptisa et l'apôtre qui témoigne que les prophéties sont
abolies et la loi accomplie ; admirables et sévères images, aboutissement
de ce qu'avaient entrevu sans le réaliser — autant qu'on peut aujourd'hui
juger leur œuvre restaurée — les sculpteurs du transept septentrional de
Saint-Denis. Quant aux auteurs de YAnnoni-idlion el de la Visitation, ils
lii IlISTOinK DE I/ART
sonl les maîtres (le ceux qui Ijientùl eiilreronl en seène ;i la calhédrale
de Strasbourg.
L'atelier de Chartres a interprété avec moins de fougue que celui
de Senlis le thème de la mort et de la résurrection de Marie. A Laon, des
restaurations indiscrètes ont altéré la plupart des sculptures des portails.
Les tètes du couronnement sont toutes modernes; les draperies, un peu
plus étriquées qu'à Chartres, n'ont subi aucune restauration. Toutes les
scènes de la vie de Marie sculptées au linteau et au tympan sont accom-
a„ I
lilcMln(iii.-il lie Cli.-irlfCS
pagnées et commentées aux voussures non seulement par les jXnges cl
les Vertus, mais, comme M. É. Mâle l'a prouvé, par une illustration litté-
rale d'un sermon très souvent cité d'Honorius d'Autun pour la fêle de
l'Annonciation.
Il s'agissait d'élahlir que la virginité de Marie avait été annoncée
par les prophètes et symbolisée par l'Ancien Testament; la subtilité d'un
exégète du xii'' siècle n'était pas en peine de découvrir dans les textes
bildiques des arguments et des images : la toison de Gédéon sur laquelle
descendit la rosée du ciel, le buisson ardent de Moïse que le feu ne peut
consumer et au milieu duquel Dieu apparaît (telle la Vierge que pénètre
la flamme du Saint-Esprit et qui ne connut pas le feu delà concupiscence),
la verge d'Aaron qui tleurit et produisit son fruit, la porte fermée que vil
FOIiMATIOX ET DKVKI.Ol'l'EMENT DE EA S< lUEl» ILliE GUTIIIOrE I l-".
l^zj'chiel et ]i;n- hii|urllc passa lo roi des rois cl ([u il laissa rotV'rm(''0 Iclic
-Marie, Porlr du C.ii'l. loiijoiii-s inladc a|ir(''s ronraiilcincal : la pinrc drla-
chrc de la nionlaûiie <{ui in'ise la slaliie di- ?s'al)Ucliod()ii()S(»i- cl reinpiil le
monde; la iiouri'iluri' <|iir le proplièle Ahacuc l'ail j)assei- à I )aniel sans
hriser le sceau de la pierre qui ferme la fosse où il est enuiiuré..., aulanl de
" figures » imagiuécs par la dialectique suhtile et indiscrète du docleur,
converlii's pai- un clt-r,- sa\ant en proiiramme iconoii'i-aplii(|ui' el hans-
mises par celui-ci à un iinat-ier qui lr> jailla. vaillr (|uc vaille, dans la
pierre, sans y entendre malice. (In les icirouvera un (piai-t de sic(dc plus
tard aux souhassemenls de la cathédrale (rAiniens -nix. Kirn. _
Le chef-d'œuvre de celte iconographie de la \ ierge — inscparabh*
de celle du Christ — c'est, incontestablement, pour les ])remières années
du XIII" siècle, le tympan de la porte de gauche à la façade occidenlale de
Notre-Dame de Paris. Ici, un sculpteur de gi-nie s'est emparé du thème
tradiliouncl ; il en a du un'mc coup condensé les donn(M^s lilléraircs, sim-
plifié et élargi le dispositif plastique. Dans le i-egislrc inférieur, six per-
sonnages sont assis de chaque côlc- i\c l'arche d'alliance, symiiole de
T. 11. — lit
IIISTOIIŒ DE L'ART
Marie : Irois jn-oplièlcs <'l Iruis rois, — ses précurseurs el ses anrèlres;
au-dessus, en présence (lu Chrisl (|ni Im'imI el (i(•^ apôlres ({iii in(-(iilent,
deux anges, avec des précautions iulinies, un lendic el iiiiai lespeel, la
soulèvent du tombeau; — la jjrésenee de ces deux messagers doit faii-e
écarter riiypothèsc qu'il s'agirait ici de la mort de la Vierge; c'est bien
à son réveil que son fils et <i ses l'rères les apôtres >< assistent; les anges
n'ont jamais été ses fossoyeurs, mais les témoins et les agents de sa
résuri'ection ; — elle relève la tète et joint les mains ; elle \a se dresser vers
Celui qui l'apjjclle et la Ijénil. Au registre sup(''rieur, elle a pris place sur
le même trône, el tournée vers Jésus, dans un m(iu\emcHl d'Immililc'
radieuse, elle reçoit la bénédiclioii qu'il lui donne cl la coui'oime (pi'un
ange Aient poser sur sa tète. (Juel-
(pies imperceptibles traces d'ai-
cbaïsme subsistent çà et là; le bord
inIV'rieur de la tunique du Cluist et de
la rol)e de Alarie conservent encore
un souxcnir de ces plis a]dalis, tuyau-
l(''s cl connue i'epass(''S qui s'étageni
entre les pietls de la Madone j'omane
au tym])an de la porte de droite. Mais
de l'iuic à l'autre (pudie lransform;i-
lion! I.a Liraperie a trouvé, a\cc toute
sa nolilesse, sa souplesse, son liar-
monic logique, la plus belle simpli-
cil('; elle suit exactement les indica-
tions du geste cl s'y adapte avec une
justesse parfaite l'I une impeccable
eurylbmie. l/arl cnti-e en possession
de toules ses ressources; c'est Ibeure enclianl(''c où, s'ajiproebani delà
nalui-e et de la vie avec une ajiplieation encoi'c eraiidi\e el luie timidité
virginale, il s'en empare doucement, jouit de sa conquête sans abuser de
son pouvoir, tout entier au service d'un idéal qui le domine. Sur tous les
visages lleurit une pudeur cbarmante, mais qui n'efface pas le caractère el
l'expression. La figure du Clirist a l'aulorilé el la tendresse; la force cl la
bonté y éclatent en traits de huidère; celle de la Vierge tremblante
d'humilité el de joie, celles des apôtres, des projihèles cl des i-ois, pen-
sives, graves ou rêveuses, ont la sérénité de l'art aiditpu', dont la grâce
el la beauté sont ici rendues au monde, mais avec un sentiment non\eau
et après le baptême.
Au-dessus de la lêle des deux apôtres assis aux deux exti-émités du
registre central, el pour garnir le champ du bas-relief, un chêne el un
olivier infléchissent harmonieusement leurs branches. La nalui-e l'ail ici
lu.. 1(11. — L:i Vierge cl l'Enfanl.
caile occidentale de Noire-Dame d'Aiiiicii'
eau de l;i porte de druili-
FORMATION" ET DKXELOPPHMEXT DE LA SCUI.PTUni: COTHKJLE 1 i7
sciilir sa présence réelle. Elle esl ciilirT dés Icjrs dans la cathédrale à
laquelle elle prèle l'inépuisalile h(''S(ir de sa llore. Viullel-le-Duc a dit
admirablement avec quel arl savanl, cpn 1 ixnM délicat et sûr — cl suivant
quelle progression — les imagiers oiniMuanislcs surent l'uliliser;
comment la feuille de fouçtérc^ au momi'ul où rlle commence à se (h'-Mv
lopper, l'arum qui s'épanouil au luintemps dans les plaines humides de
l'Ile-de-France, où les paysans lui onl donné le nom déplante de fécon-
dité, la puissance vilah' des liouiiicons qui vont s'ouMir. - les lii>-iu's
énergiques de leurs ligrllcs naissantes» <■! gonllées de sève, les pislils,
les graines et jusqu'aux élauiincs des llcurs. fouriiirml aux premiers orne-
manisles g((llii(pies leurs modèles el leurs inspirai ions. ( l'esl a\('cces éh''-
menls (|u'ils eomiinsérenl le di'e<i|- dn cliiiMM- de \nli'e-llaiiie de Paris.
IIISTUIHE DE LAIiï
Puis, (Ir I iiiiihil iiiii (le |;i (lovr iiiii^sMiilc. ils piissml ;i i iiiiilalidii (_!(' I;i
llorc (|ui se (l(''\ cloiiiic : •• les liges snilongciil cl > iiuniigrisscnl ". les
feuilles s (iii\ i-ciil, s'(''laleiil ; les houloiis de\ieiim'iil des Heurs el des
IVuils .1; la loi-(''l el le \ei't;er, le jardin cl la prairie. — li(.'rre, eressoa.
lui. Kr,. — l!,is-n'lii>r~ svnil
I I I I \ ]M_I \1I1H II-
pei'sil, liseron, inau\c, idaulin. (''glaulicr. \ igné, érable, cliène. — la nalure
enlici'e, sont nus à e(udril)uli(in. el dans les j'euillages épanouis, à la place
des uionslres dont s'irrilail le lion sens d"un sain! Bernard, les oiseau.v
du ])on Dieu, jns(|uc sur les li>iulieau.\, \ iendronl l'aire leur nid.
Le lynipaii de la |)(>i-|e de la N'iei'gc à Xcil i-e-l lame de Paris rcsie jiai'
la conijiosition euuniic par la licanli'' une (eu\ l'c e.\ce}ili(>nnelle. C/esl la
disposilion de Senlis, de Paon, de (lliarlres (a\ec la juxiajtosilion au
KOHMATldX
i)i:\ i-:L(ti'i*E-\ii:\i de la scrij'iiiu-: (.otiiioie iv.i
lilltrjiil delà MorI cl dr la lt('-sunTcli(iir , nui lïil ii,(''ii(Tali'Uiciil ;hI(i]iI(''c.
()n hi i-clroiiM' à l.au>aniic, où les inlluences bourguignonnes se l'uni
SI iilir dans la scLdpUiic' cuMuiic dans rarc-hiteclurc, à Amiens, à l.ong-
j)ont, à Sens, où. comme à Saint-Thibault (Côle-d'On. rAssomplion esl
aussi représentée à côté de la Résurrection.
.M. Georges Durand, le dernier et le plus autorisi' (\c> iiisloiinis de
la cathédrale d'Amiens, a fixé vers 12'2ô l'oxéculion de Joule la slaluaire
du portail occidental, dont
la date exirème ne saurait
dépasser l'25(>. Liniluence
d(_' Paris y est li-ès recon-
naissablc. et sans doute,
nous ]i(Mi\(ius nous faire
une idée d'aprè> les adiui-
i-ables statues de VAiiiioii-
ciatidii, (le la Visitaliou. et
de la Pn'si'iildlidii au Tciujilc
adossées aux ]iii''droits,
des chefs-d'(euvre dont
Notre-Dame de Paris a (''lé
dépouillée. Par siui luiib''.
son Iiomogén(''ité et sa con-
servation, en dépit de quel-
ques restaurations, cette
« porte de la ^Mère-Dieu ■>
d'Amiens i-esle l'illustra-
tion monumentale la plus
complète et la plus iuqto]-
tante du culte de Mai-ie qui
soit par\ cnue jusqu'à nous.
Au trumeau. — sur lequel est sculptée, en six petils has-i-eliers, l'histoire
d'Adam, de la tentation et de la chute dont le lils de .Marie rachètera
l'humanité. — la \'ierge se dresse avec rKuTanl surle bras gauche ; elle
foule aux pieds un démon à (pieue de serpent et t("'te de l'eumie: l'Ih' jiorle
sur le voile (pii recou\re ses cheveux une richi' couronne; son ^■isage
grave et timide ne s'incline pas vers l'Hutanl et ne lui souiil pas; l'iMifanl
ne joue pas avec elle, il hénil.
Dans Fébrasenient du portail, six grandes statues à droite représentent
VAuituiicidlioii. la Visildlioii et la PrcuinilaHou; six à gauche, les rois Mai/ff:.
lli'nidc, Sdldiimii et la /-t'iur ilc Sabd . Engag(''S deux à deux en de graM's
dialogues, lange (iabriel el Mai-ie, Marie cl l-^lisahelh. Marie el le\ieillard
Siméon oITrent. dans l'unili'' du mr^iie >l\le. de- nuancer-, d'cxiu-i'ssion
Fi(,. iO-i
iUiC(li;ilc lie l'icili
150
IIISTOIRI': DE
iiussi diMiciilcinciit^lUf solircmciil noires; la \'ii'i'i4c df l:i l'isiliilioii nVsl
pas, en dépil de l'idcnlitr du vêlement cl de la lesscuddaiicc des hMes, la
répétililion pure et simple de celle de VAinioni-idUon; sous la draperie
tendue de son manteau en forme de chasuble donl le pli Iriangulaire
s'élargit, se l'évèle déj;'i sa ju'ochaine matei-nilé, ipie le geste de sa main
gauclie désigne discrétemeni ; un layoïiueuicid de joie et presque d'orgueil
maternel l'éclairé dans le grou^ie de la Prî-nenldUoii et la figui'c de Siméon.
lendant vers l'Enfant ses mains couvcrles de la Srliimla juive et s'appr('''lanl
à chanter le iY)n(r (//)/(/7//.s-, Domine'., s'illuiiiinc d'un souiire d'inlime (''nio-
lion cl de ra\isscmcnt; l'ar-
•^ change. a\ec les boucles encore
ai'chaïques de sa chevelure, a la
grâce sérieuse et juvénile d'un
enl'anl dechoîur; l'^lisabelh esl
une admiralile malrone.... Si
l'on ra|)proclie de ces statues les
plus beaux ivoires byzantins des
\' et XI' siècles, — entre l>eaucoup
d'autres la Vierge tl'Utrecht, [lar
exemple, — on se rendra compte
de la mesure dans laquelle nos
imagiers ont pu, — pour le trai-
tement de la drapei'ie, l'arrange-
menl des ^oiles sur les tètes
IV'miniues. - lirer ])ai'ti de
]iai'(Mls modèles et aussi avec
(piclle liberl('' ils s'en sonl sei'-
vis. La di'aperi(> se couipoilc ici.
i\i\ lune à l'autre ligure, avec
une grande varicl(''; loudiaiil à
l)lis droits et s'arrètant sur le cou-de-picd dans la Vierge de la Vlsilalioii,
elle déborde en ondulations comme un flot qui s'étale dans celle de la /'r.'-
sriiliiiiDii qu'on pourrait croire un peu postérieure, mais qui n'est vraisem-
blalilement (pie l'œuvre contemporaine d'un autre compagnon. Dans la
\ isiidliiiit de (lliarlres, c'est par une sorte de bouirelet arrondi que le
bord de la robe ondule au-dessus du pied; la draperie d'Amiens est
comme interm(''diaire (Mdre celle de la l'islla/ion cliariraine cl celle de
S(iii)lr Mixlrsli' du même porche septentrional.
Sous chacune de ces grandes statues, de charmantes figurines
accroupies (»(«/'//(o».yc/s) servent de supports ; dans les quatre feuilles du
soubassement, des bas-reliefs d'exécution inégale, confiés à des artistes
assun''menl moins habiles (rue ceux (uii travaillaient aux soubassements
llhc (h >l( .l( KrillIS.
l'dRMATKtX ET lUiNELOPPEMENT DE EA SCUEPTEHE COTIIIOUE IM
de la ]>uiie Sainl-Firiiiin, iciii'rscntrnl lo <■ liiiiires •• liil»li(jues de Marie
(toison de Gédéon, verge d'Aanm. ])uissoii ardent, elc), ol des épisodes
de riiistoire de saint Jean-Baptiste, des rois ]\Iages et de l'enfance du
Christ d'après l'évangile de saint .Mathieu el la légende dorée.
Dans la composition du lynipan. l'atelier de la porte d'Amiens a com-
liiiK' les influences de l'ai'is a\ec celles de Chartres. Au linteau six per-
sonnages bibliques sont assis dans l'attitude de ceux du tympan de la
porte de la Vierge à Notre-Dame de Paris, mais sculptés en ronde-bosse
et tous palriairiies ou proplièles, parmi lesquels Aaron et Moïse sont très
i-econnaissables. A la zone intermédiaire, la Mmi cl la llésiin-cihaii de-
Marie sont juxtaposées, le Conrauneiuoil occujie la zone siqiérieure. Mais
i'arl d'Amiens reste ici inférieur à celui de Paris.... L'atelier qui repi'il à
i.ongpont le même programme est tout voisin de celui d'Amiens, avec
des qualités d'exécution plus fermes et plus d'une variante d'ailleurs dans
le détail de la composition.... Mais ces comparaisons minulitnises ne sau-
raient trouver place ici.
A Reims, des inllneuro de C.liarires el d'Amiens se juxtaposent et se
mêlent à un coui-anl d'ail local profondéinenl original. Dans la série tics
patriarches de la |ioi-le de droite, c'csl l'alelier de Cliarlres (pii a fourni
i;/2
IllSTOIRK D1-: LAliT
les luodMcs cl |iriil-("'li'(' aussi les iii'lisics, à une riicxiiic coiilcniporiiiiH'
(li^s pn'iiiirrs lra\ ;ni\ (-((11(11111 s par Jean (l'< )|-)iais ( 121 l-j 1*31 '), où l'on pr(''-
para sans doiilc rc.\('M-ul ion d'un p(Hlail oeeideninl qui ne l'ul jamais exi'--
culé el tlonl on relrouverail
d'aulres \eslit>es dans les
porli's (lu iransepl sejilen-
liional, si gauchemenl en-
(■ash-(''es dans l'arcliileeture
(pii les coidicnl cl ne scni-
lilail ]ias l(^s pr(''\()ii'. A la
poiic cculralc de la l'a(;adc
occidculalc. dans la s(''ric de
\\\iuii)ii<lfi//(iii. lie la \isil(il((,ti
cl (le la l'rcsfiild/ldii (III li'iii-
l'Ir. cerlaiues slalucs soni
connue les sœurs de c(dlcN
d Amiens, alors que leurs
\(iisines i'el(''venl de Iradi-
I ions lr(''s (lifr(''renles.
La \ icr^'c de \'Ainiiiii<i(i-
liini a la jdus g-rande rcssem-
Idance a\cc celle d'Amiens,
mais l'archange r(''niois por-
leur du message divin diff(''r(^
radicalcmcnl de son cong(''-
ncTc ami(''m(is. L'aniplc maii-
leau don! il se dra|te u\cc
une Airluosih'' sa\anlc. le
souriic aigu el prescpie ma-
licieux dont il accompagne
ses paroles, les boucles t'ri-
sc'-es de sa chevelure (fig. lOG)
le placeni parmi les derniers
venus dans celle glorieuse
cohorle d'anges (pii fonl à
Noire-Dame de Reims un corl(''ge d'IionncTir cl une inconqtarahie pai-urc.
l-r.i-mciil irinir -Irh
|\hi...,- lia l.niiMV )
I. .\r III.' I
.■In-inl,.. illl I
-..ml .ni'.-ii.'iii
,!,■ Ch.iiliv- .1
.ivc- l.-iir- .-Il
|,I,I,-,T l.i sciiliilii
.i,-.,-|,.. IM |,liw..r
,|l.,l.,i;l.' ,l,' l,-| .■.■llll.-.ll:ll.' .!.■ l:.'llll-. ,-|ll\ .-(.11-
;,m j,. ,T.,is .|ii,' !.■- |.;ilii,urli.-- .!.■ Cli.-irliv-
II .-l .■-^(■iilii'l .!.■ .li-hiii^ii.T .niv li:iii>c|>l-
r,ili..r.l (■(■II.' lies |M.il.-> |.i(i|iiv II! .Iil.-
.|,|<. |,ui- .■.■II.' .In 1I..I.II.' .|iii I.'- liivir.lc. <;■.■-! .ilii-.'- l-ii(t 'liiil r.inl
,1,'s //..rr/.,-s: .•n.-iiil l-'i(l, cl. cruyiiiis-iKiiis. .I;iii~ l.-i iHviiiii''!'.' (l.-.-;idc .lii
,. l,;,lli,' (!.■ .cil.' il.- i,n,l,-s.
,1111;. ', |i.>ui- II- i|iii .■ '.•ni.' I
...iii h.iv.iil .1.' M. Ii.'^iii.-n-..
- .i l.i .l.ili- .1.' 1-Jil) .ju'il ill.l
\ r'|Mi.|iirs ii.iii^ r.'M-.-iii
i-()i!M\ii<»x i;t I)i;\ i;i.(ii'I'Emi:nt de la scuei'Ture (iOTinoui-: i.").".
Les jilus anciens veillcnl près du Clirisl,encasli"(''S aux murs de l'abside; —
Icurthéoric se développe ensuite au-dessus des piliers contrebutanls; aux
ébrasemenls des portails, ils assistent les saints martyrs ou interviennent
dans les scènes du Nouveau Testament; — ou Jugement dernier enlin, ils
se mèleni avec une nuance d'empressement souriant et courtois; en appor-
lanl à Aliiaiiaiii les petites âmes dont ils ont le dépôt, chacun d'eux fait sa
plus belle révérence.... La cathédrale de Reims est par excellence la cathé-
drale des anges. Et de ceux de l'abside à celui de l'Annonciation, on peul
suixre dans ICxpicssiiin de
plus en }tlus aigui"' du sou-
lire, dans les particularilc^
de la l'acturc de plus en
plus libre cl dans le slylc
de la draperie, révolution
lie la sculpture elle-mcnic
Le groupe Ac la Vislia-
lion s'oppose j)lus qu'il ne
se juxtapose à celui de
VAiuioiicifilliiii . lanl le ca-
ractère cl le module des
figures comme le traile-
menl de la draperie sont de
l'un à j'aulic différents. Il
imporle loulel'ois de re-
marcjuer (pic ces deux sta-
tues qui prennent, par le
contraste, une valeur extra-
ordinaire dans la série de
la façade occidentale, ne
sont pas une exception dans
la statuaire de la cathédrale
de Reims. Le Christ de l'aliside et quelques-uns des anges que je mention-
nais tout à l'heure et qui comptent parmi les plus anciens (vers 1240 et
plutôt avant qu'après cette date), sont drapés à plis nombreux d'après un
système toul pareil. \'ers la même époque, Villart de Honnecourt rem-
plissait son allium de croquis où l'on retrouve (tVr/i(.'>, //((w////(^, figures
des Api'ilrcx. de Vlù/lisc^ etc.), les mêmes caractères, la même abondance et
la même contexture des plis; au portail du transept septentrional, saini
Pierre et les apôtres ses voisins peuvent être rangés dans la même série.
Nous verrou s qui' la propagalion de ci> style S(^ fit rajiidcMnent en Allemagne'.
Callirili-.ili' ili' Hi'iiii-.
I. r.
1Û4
HISTOIRE l)K LAP.T
Esl-ce à dii'c ((u'il y cul en l-'ranci' — coiiinic en Ihilic ;i\cc >,'icol;ts
de Piseà follc dalc, ci^l-à-diic mis le miliru ri dans la seconde moitié du
xiii' siècle — des velléilés ou des lenlalives de lîenaissance « classique "?
Il n'est juis (joui eux (|ue des ligures eoniuie celles de Marie el d'Elisabeth
dans la Visihilioii de lieinis ne pouiTont (Mre rapinoeliés (|ue de modèles
i^recson grvco-roniains, et l'on ne saurait comparer |i;u' exemple la \ iei'fie
de la Yisildluni à la stèle grecque acquise ])ar le Louvre en 1880 (fig. KIT i.
sans être rra]i|ir des analogies qui s'y rencontrent tant dans le caractère
V\t:. IU',1. — SaintJose|ih, ;mi porlail cenli il (l( I i I I i,J,
df In (•.■illicMlrjilo (Ir 1 un-
de la draperie que dans la eonsti-uction de la ligure (dessin de la liouelie,
modèle des joues, facture des clieveux épais et ondulés).
Les sculptures antiques avaient abondé dans le Nord-Esl; à Reims,
à Langres, à Besancon, dans les vallées de la Meuse et de la Moselle, à
Metz, à Trêves, à Maestriclit, à Utrecht, dans la vallée du Rhin, de
^layence à Cologne, les sarcophages, les stèles et les statues avaient
couvert le sol. ^ eut-il imitation directe ]iar les imagiei's elianq)enois de
(pielques-uns dc ces modèles? On jieut le supposer, puisque ^'illard de
llonneeourl ne négligeait pas à l'occasion de dessinei' « d'après l'an-
tique '>, encore que ses dessins témoignent d'une assimilation assez j)eu
ef'licace des œuvres qui avaient attiré sa curiosité! La transmission put-
elle se faire par des ivoires?... En tous cas, il y eut transposition })lus
que co|)ie véritable, et cet incident de l'histoire de la sculpture n'eut à
riieure où il se jii'oduisil aucune conséquence durable.
X.A PRÉSENTATION AU TEMPLE
l Porte centraie de la façade de la cathédrale de Reims)
Histoire de lArtn PI m
Ll^nune Anaand Colin Paru
FOnMATlOX Kl' DEVELOPI'KME.NT DE I,A S( .ULPTUF.E (ioTllIOUE 1.".:
Dans la Pir.-:('iil(ili()ii (tu Ti'iiipli' <|iii, au iinMiK,^ poi'lail de Reims, occupe,
en face de VAininiicidliiin et de la \'isil(i/i(iii. l'idji-asemenl de gauche, deux
groupes de slaliies se juNlajMisrnI doiil
Fesprit et la t'aclure rcvchMit l'inltM-MMitioii
d'artistes appartenant à deux écoles ou gén(''-
rations différentes. A côté de la Vierge, hum-
ide el liiilide, sœur de celle de V Ali imiicidliiiii .
et du \ieillard grave et recueilli, .)(ise|di el
Anne, avec leur sourire aigu et leur miiu
tutée, manifestent plus de curiositi' (|U(
d'émotion. Joseph, avec les boucles de s;
chevelure en coup île vent el la moustachi
ijui découvre le sourire de ses lèvres pincée^
ifig. lO!» . a d(''jà l'ail- d'un ■ rapin " iiilelligeiil
et scej)lique. el c'est |u'olial(leuienl à cpudcpie
figure de ce genre, aussi émancipée el aussi
vivant(\ que pensait révêc{ue (iuillaume de
blende, quand — opposant les artistes d'au-
trefois, dociles aux directions et disciplines de
l'Eglise ordonnatrice et maîtresse de toutes
les images, à ceux de la fin du xiii' siècle, ([ui
introduisaient dans riconograjdiii^ toutes les
fantaisies de leur iiuagination — il citai! le-
vers d'Horace :
Iiiiliiril'iis filiiiii' jiiii'/is
Oiiiil/ihrl inidriiili si'iiijirr / iiil :i'iiuil iiiilcsliis,
La drapei-je. do ni les gi'auils |dis s'(''l()lfeiil
el se creuseid, s'anime (die aussi (-(imuie d'nii
souflle nou\eau.
La mé'nie prngL-es^ion s'(d)ser\e dans
l'inlerpriMatiiiii du \isagi' de Marie au cours
du xur siè(de. A la porte du transept septen-
trional de .Xolre-Hanu' de Paris, que l'on peul
clatei' de I •J,"i7 en\ ii'on ou des années (pii sui-
virent immédiatement, elle tient l'Enfant dans
ses liras non |)lus avec une gravité sacerdo-
lale. niai> a\i'c une \ ivaeili'' joyeuse ; elle le
soulcNc de\anl elle et lui sourit avec une expression triomphante de liert(''
maternelle. Au linteau et au tympan, où l'histoire de l'enfance du Christ
se mêle à la repr(''seulaliou de la l(''geiide di' Tli(''ophile xoirT. L.p. (>'2I el
iJ2i). la \i\aeilc'' du n'-eil >'aeceul ue dans le un'uie sens, l u ]ias (Micore.
l\nll-|--|l.llrM' <lf l'arisi
lIlSTdll'il': 1)1': LAHT
cL iiiic iiiiaiirr iiuu\L'llc dc\ifiulra sensililc. A la porle durc'r d'Aiiiiens,
\L'rs 1*288, Marie accueille les visiteui's et les pèlerins d'un sourire où il
semble bien que viennent se mêler un peu de çoquellerie cl un certain
désir de plaire (lig. 111). RusUin Ta appelée la « Souluclle jpicaidc ».
«' Soubrette » n'est peut-être pas trèsjuste ; mais qu'il y ait dans cette tète
inclinée et rieuse une intention de grâce plus mondaine, cela n'est pas
douteux. L'esprit du temps a fait son œuvre : à force de regarder la vie el
la nature jiour y clierclier les formes expressives de l'idéal qu'ils a^ aient à
de hi 1
llK'dr.ile (l'Amiens.
interpréter, les imagiers ont cédé à la séduction de la nature cl de la vie;
ils veulent suivre de plus près leurs indications; le modelé s'acccnlue ; les
plans se muliiplienldans la construction des ligures connue dans la dra-
perie. La sculpture tend à de\('nii' plus souj)lc et plus vi\anlc, mais elli'
est moins simple et moins nionumcnlale. .Vu ti-umeau de la poilc ccnlralc
de Reims (fig. 112), le maniérisme est déjà très sensible. La Vierge ici esl
une grande dame précieuse et un jieu guindée, qui soui-it du Ijout de ses
lèvres minces et de ses cils clignotants, selon le rilr ou le code d'une
mode et d'une élégance conventionnelles. Dès le déhid du xm" siècle, un
poète de cour, Anglais d'origine, Alexandre Neckam, uolail chez les
mondaines de son leuqis une certaine alleelalion de c dislinetion ',une
certaine recheix-lie de la nàlenr. Les joues ronces el i-oiides ('■laieiil bonnes
i(»i;.\iAii()X
i)K\ i:l(»i'I>kment dk i,a scrLPTiHK co'i'iiioui': i:.7
[luur les paysannes ; mais les IViunics dix monde se seraient crues discjua-
lifiée.s aux yeux de leurs elievaliers par un air de santé trop florissante ;
aussi s'etïorçaient-elles datténuer par le jeûne volontaire ce que leur
tempérament et la nature pouvaient leur avoir donné de sang trop riche
ou de rondeurs trop épanouies :
Allrril /<'/inuil iiiciisd nuiiiiil(/iir iriin-
I mil
El jinirsiis (iiuirr ihiUchI ijina fm-il :
.'S mil (/ii;r mm jiiiUcI silii iiislicd
\i/ii;i'tiiic riili'liir:
« ///<• ilrrrl. hir nilar rsl mus
[inmiiilis I. (iil.
Les uuniatui-isies avant les
sculpteurs s'inspirèrent de ces
nuances cliangeanles de la mode;
ils étaient, plus que les tailleurs de
pierre, en rajjports personnels avec
les gi'ands de ce monde et les mai-
Ires des élégances ; mais les sim-
ples imagiers subirent à leur (our
ces inlluences, par rcllet plus que
par contact direct, et nous en ver-
rons les elTels à la lin du xiii' el
surtout dans la première moitié du
xiv" siècle.
Pour siMvre dans tous ces dé-
lails el dans l'immense domaine de
l'art du xiu" siècle celte transforma-
tion graduelle de liconograpliie el
du slyli', u\\ gi-(is li\ re serait n(''ces-
saire el ne sul'lirait }n\s. (Ju'il
s'agisse des scènes de l'enfance ilu
Christ el de la vie de Marie depuis
l'Annonciation, ou bien de la Moi
ment de la Vierge, les remarques de cet ordre pourraient être mullipliees
el, selon les régions, à ce qu'amène de nuances changeantes la marche du
lemj)s il faudrait ajoulei' ce qu'un cerlain esprit r(''gional a pu siisciler de
diver>ilé dans le slyle. i/iiilhience de rile-de-h'rance se fera sentir par une
élégance j)lus sol)n> el plus (hdicate ; la verve hourguigiionne s'élalera en
ligures plus grasses el plus élolfées qui s'alViueroni aux conlins de la
Champagne et de l'Ilc-de-France ; le module des ((Mes ira, selon les ale-
l, de la liésurreclion ou du Couronne-
108
HISTOIRE DE I.ART
licis, s';illi)ni;('aiil jiis(iii':'i ICxirrinr liniilt^ où l.i roriiiulc se Milislilue ti
lontcolisei-valiondircclc; cl, à Amiens comnic à Hcinis, on m rclrverail
des exemples signilieatit's.
Au lympon de Doniiemarie-en-Monlois drlml du xiii' siècle , où la
\'ierge assise avec l'Enfant sur les genoux est encensée par deux anges
agenouillés et adorée par deux petits donateurs qui baisent un pan de sa
robe, la draperie est celle du porlail seplenirional de Chartres; à Villc-
ncuvc-rArcIievéque (lig. ll'i)
aux conlins de la Bourgogne
el de la Cliamjiagne, c'est,
dans les ligures des })iédroits,
une inlluence rémoise qui se
fait sentir, mais dans les par-
ties de sa statuaire oij Reims
voisine avec Amiens; au tym-
pan, inlermédiairc si l'on peut
diri' enire celui de la petite
|M>rle gauche de Sens et celui
d'Auxerre (fig. Mil l'ampleur
Ijourguignonne commence à
s'(''pan()uir.
L'ingéniosité des ima-
giers à diversilier, dans l'unib''
traditionnelle du llième ico-
nogra})iiique, le dis}iositif de
leurs bas-reliefs, comme les
archilecles l'ordonnance géné-
rale de idiaque portail, esl
\raimenl admirable. Dans
rAd<iralion des Mages, c'est
l'altitude des rois, la présence
ou l'absence de sainl Joseph, celle de l'ange — guide de la marche prodi-
gieuse à haveis h^s dései'ls et porteur de l'étoile-fanal ou bien témoin de
l'adoralion. un encensoir ou un chandelier à la main, — qui sont les élé-
ments sans cesse modifiés en cond)inaisons nouvelles de cette variété.
Pour le Coiiroimeiiu'iil ilr l<i F/oy/c — dont le culte de Marie, de plus en plus
populaire, suscita d'innombrables répétitions el oia il semblerait que les
exigences de la donnée iconographique, la précision du geste indiqué, le
fète-à-tète des deux acteurs de la scène risquaient d'enfermer les imagiers
dans un champ très restreinl d'inventions possibles, — c'est encore par
^inler^enlion des anges, qui sont comme le chœur de la divine tragédie,
du grand « mystère " évoqué par l'ai-l du moyen âge, ou bien par celle des
Fu:. 115.
do Trolls
Il 1 d I , I u <Ji k~ M II
- Tiiiiiieau et cliiasciiienl du |)()ilail
de N'illenevivc rAi-rhevèque (Vonncl.
l'OliMAIION" KT l)i:\ IJ.dPl'EMKNI DK LA SCI Ll>Tn;i: (iOTliloil'; i;,',)
liicnlu'urcux (iiii. craprrsJacqiK's de N'oragine, accompagiuiiciil Marie dans
le ciel, c'est par rallilude el le groupement de ces gracieux lémoins, que
la composition s"anime, se renouvelle et évite les redites littérales. Le
geste et l'expression des deux interlocuteurs principaux sont d'ailleurs
délicatement variés. Assis sur le même banc, la Merge et le Christ sont
tournés l'un vers l'autre. Mais il est tant de nuances possibles dans ce
dialogue surnaturel, soil que la ^'ierge s'incline pour recevoir la couronne
el allendi' liuiublcnient le uiunicnt de la recevoir, soil qu'ellr llécliisse
légèrement le genou el la lèle, soit que son fils lui-même ou un ange
vi(Minent poser sur son fronl le diadème de perles.... A Laon, à Senlis,
;'i Cliarircs, à Paris, qu'il s'agisse de la porte de la A'ierge ou du tynqtan
de la petite ^< porte rouge •>, à Amiens, à l'abbaye de Longpont, à Beau-
vais, à Auxerrc, à Mouticrs-Saint-Jean. îi Bourges, etc., etc., c'est toujours
le même motif el ce n'csl jamais la même répliipie. Dans le silence des
textes évangéliques, c'est à la légende que l'on dul rnqirunicr le scénario,
très simple d'ailleurs, et sans descriplion (■ii(()nslanci(''e, cprelle livrait à
l'imagination des imagiers, cpii ne s'en enqtarèreni vraiment (pi au
xiii'' siècle. << N'iens du Liban, mon ('/«mi.sc. dil .Jésus à Marie, viens recc-
100
HISTOIRE DE LAliT
voir la couioniK?.... Elle s'assit sur le trône à la droite de son fils. ■■ Cela
siifUi. 11 est à i-eniarqucr que c'est de ces llii-Dics simples et généraux que
l'art devait tirer les plus riches motifs. Toutes les fois qu'elle est liée à des
indications trop précises ou à des intentions d'exégèse ou de symbole Irop
compliquées, la verve plastique des artistes s'appauvrit ou se dessèche;
elle s'élève au contraire, s'émeut et s'élargit à mesure que les données
iconographiques lui ou^•l■cn[ un champ plus ^ astc où l'imaginalion. mise
Ailor.ilii.iii des M;igos. Tymp.-iii do la clia|ielle archiépiscopale de Keiiiis
en contact avec la nature, a le douljle liénélice d'un support précis et
d'une lihcrié plus gi-ande.
Parmi les monuments du .xni' siècle, il est une série où les chefs-
d'œuvre abondaient, si nous en jugeons par les fragments çà et là
retrouvés et sauvés de la ruine, et que le vandalisme des chanoines —
f gens de goût » des xvii'' et wiiT' siècles — a presque complètement
détruits: ce sont les jubés. Celui de Chartres portait, en une suite de
bas-reliefs, une iconographie de l'enfance du Christ qui devait conq^ter
parmi les plus parfaites sculptures du temps. Il remontait à Tépiscopat
de Mathieu des Champs (1247-1259), peut-être même, pour certaines par-
ties, à celui de Pierre de Mincy (1260-1276). Sébastien Rouillard nous en
a laissé cette description : « Venant à la poi'tc du chœur pour sortir de la
nef, se Irouvenl deux escaliers de pieri-e de taille par les([ucls on monte de
Fdl'.MATIOX ET DKVIirj IPI'II.MKXT DK I. A SCri.l'TI l!K liOTFlloUR llU
coslé cl d'aulrc au poulpitre, Icciuel coiilifiil I I loiscs de lonij- et de large
} toises el !) pouces. Il est artistcuiciil i'ail el basli de pierres de taille
11... 11(1. — r.ouronriemenl il'- i.é \ lu;.-, .m hum-,
.l^ 1.1 cathcdnile d'Auxeiic
|in,|,' il(_- .IroKc
l'hot- Mailiii SaK
In.. 117. — Lf- Koi- Maiji'-i aM'ili-; ]i,if l'anifc. Fraijment du jubé
d(- la c,illi.:-(Jralc de Cliartre-;.
de diverses histoires, tleurs et compartiments soutenus de colonnes de
pierre d'une seule pièce et si minces et délicates que les meilleurs archi-
T. II. — -21
HISTOIRE DE LART
tectes de ce lemp.s ù peine oseraient-ils promeltre de pouvoir laii'e
mieux.... ■■
Une autre description, de la lin du xvii'' siècle, ajoute seulement à
cette indication trop sommaire : << Il est enrichi de diverses figures qui
représentent plusieurs histoires mais n'ont garde de ressembler à celles
de la clôture du chœur et cependant sont fort belles ».
Enfln, le greffier du grenier à sel Pintard fournit ce renseignement
complémentaire : <( Ce
pul pitre est ouvragé tout
au tour d'histoires de l'An-
rien et du Nouveau Testa-
ment, de figures et de
compartiments en relief » .
En 1761, le chapitre
ayant décidé de décorer
le sanctuaire et le chœur
dont le style « gothique
ri barbare » choquait le
lion goût des chanoines
lettrés (Racine visitant la
rathédrale l'avait jugée
' assez grande mais un
peu barbare »), le jubé fut
sacrifié. 11 était d'ailleurs
en mauvais état, lézardé
et branlant. Le 25 août
1702, il fut visité par deux
architectes, Guillois, atta-
ché au service du Roi, et
Brissart de Chartres; et
Retoub dit le Franc,
maître serrurier, ayant
déclan'- (pi'il faudrait SOd livres de fer |)0ur les consolider, la démolition
en fut décidée ■■ après meure délibération ». L'évêque donna son adhé-
sion par une lettre datée de Versailles le 21 avril 1763 et conservée aux
archives déparmentales d'Eure-et-Loir. On se mit aussitôt à l'œuvre et
un mois après le chef-d'œuvre n'existait plus, o Le jubé a été détruit,
écrivait un contemporain, lorsqu'on travailla à décorer le chœur dans
l'état où il est à présent, et ce n'est pas une perte pour les arts. C'était un
monument indigne de cette superbe basilique; mais ne l'ayant pu faire
beau, on l'avait fait riche. Tous les innombrables sujets de sculpture et
petits ornements de mauvais goût dont il était surchargé, étaient dorés «i.
KiG. us. — Suinl MiiUuLHi t''rn\ant sous la dictée
de l'ange, (bas-relief provenant de Chartres}.
(Musée (lu Louvre.)
FORMATION" ET DÉVELOPPEMFiNT DE LA SCULPTURE GOTIIIOUE IOm
A Paris, à Auxerre, la dcstruclion a été plus coaiplf-lc encore. Bourges a
conservé la plupart des admirables bas-reliefs qui composaient son jubé
et que l'on pourrait comparer aux métopes des temples antiques.
L'image du Christ, dans toute cette iconographie, est intimement liée
à celle de sa INIère. Il n'est représenté isolément qu'aux tympans, où il
siège en majesté, au
xii" siècle et dans
quelques monu-
ments du commen-
cement du xiii% puis
au trumeau de la
porte centrale, où il
enseigne, entouré de
ses disciples. A
Saint-Pierre de
Moulins et à Saint-
Benoît-sur-Loire, ce
ne sont plus les sym-
boles des Evangé-
listes, mais les Evan-
gélistes eux-mêmes,
assis à leur pupitre
et écrivant, qui en-
tourent la figure de
majesté. Le même
motif reparaîtra un
peu plus tard en
Espagne, à Pmrgos
et à Léon.
Le Christ du tym-
pan de la porte sep-
tentrionale de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris, et aussi
celui du tympan du Jugement dernier peuvent nous indiquer, à di-faut
de la grande >lalue détiiiite qui se dressait au Irunieau de celle sect>ude
porte, comment les sculp[çur> du temps se représenlaient le l'ils de
l'homme qui fui le Fils de Itien. CIn peu! compléter ces indications par
deux monuments d'inq)orlance capitale ipii sont, l'un au portail méri-
dional de Chartres, l'autre à la porte centrale de la façade occidentale
d'Amiens. Le Christ de Chartres, avec sa figure plus individuelle, son
expression de bonté un |ieu Iriste, s'il n'n pns la beautt'' ]ilus classique
du ■ Beau Dieu ■' d'.\uMrii>. rsl pciil-rirc d'uiir humanili- plus émou-
1()4
IIISTOIIU': DE LAHT
vante, plus scinlilalilr ;ui - l-"ils dr riiouiiin'. - à l'un dVnlrc nous....
Autour <lr lui. 1rs (lou/.c ApiMri's. rudes figures largemcnl modelées, de
facture un yen IVusIc, mais avec une expression tout à fait éloquente
d'énergie pnMc à l'ai-linn; leurs picd> nus, d'un dessin see et nerveux,
sont di's uiorreaux d'arcliaïsnn' sa^anl el savoui-eux.
j.c Chrisl d'Aïuiens a la sérénilé pensive, l'auliu-ilé. la noidrsM' l'i la
douceur. Il esl liaili'' par larges
jdans, couuiic il con\ ieni à une
statue nionuuientale, mais d'une
cxéculi<ui plus caressée : léger
renneuieni du l'nud au-dessus de
l'arcade soui'cilièi-e, jKiunnelles
ir'gèreuieni saillaides. i'orle con-
slrucliiMi du inenliMi sous la liarlie
sé|iar(''e en houides ()pp()s(''es,
linesse de la liouclie tpii va s'ou-
w'w pour des paidles de jiaix cl
d'amour, ovale allonge'' du \ isagi!
(pi'accompagnent et qu'encadrent
les boucles soyeuses de la cheve-
lure, tout ici révèle dans une hu-
m;init('' fraternelle el supérieure
laccomplissemeiil supiiMne de ses
]dus liantes pei-lecl ions. On relrou-
vei-ail sans doule dans les jilus
lieaux ixoires byzantins du x' et
du xT siècle le type originaire de
celle iidei-pr(''lati(m de la liguri' dU
C.lirisl, — et ces })elils has-reliefs
]MU-lalirs scrvii'aienl comme de
Irait d'union entre l'art antique
el les maîtres ilu xin' siècle. Mais
l'interprélalion de ceux-ci leste originale el libre, (le n'est plus ici
le dieu païen: ce n'est jias non plus l'Apollon ou le Jupiter catholique
que la lii'naissanee placera sur ses autels et dont l'art jésuite fera, jibis
tard, une sorte de Dieu bellàli-<' >■[ complaisani : c'est le maître cl l'ami: il
enseigne et il bénil ; ses pii^ds i-ejioscnt sur le lion cl le dragon : l'aspic el
le basilic, — conformémeni aux paroles des psaumes, — symboles du
démon dont le Christ est vainqueur, sont sculptés de chaque côté du socle
où s'iMiroule la \ii:iie, - la \ l'aie \ igné - — nja siim rilis rrni — dont son
Père esl le vigneron.... Plus bas une staluelle cncastri''e dans la face anté-
rieure du trumeau — et oii l'on a voulu tour à tour r(M'onnaîtrc David.
l'IlHl Al, Il II
Fi(.. l'JO. — ï.r Cliiisl ciisei^^n.'iiil.
Ti'umc-jiu lie l,i iiorh' inili-Mk' du |iimI,'
iiii'i'iilliiii.il il.' r.li.-ii'Ucs.
FORMATION KT DKVELOPPEMKNT DE LA SCULPTURE fiOTHlOUE 16Ô
Dagoberl. Pliiliinic Auguste et même Bacchus, représonle vraisembla-
blement Salomon, que Ton retrouve également à StrasJjourg et à Sens.
Les grandes statues du Clirisl que le xiii" siècle avait taillées au tru-
meau des portails, ont été pour la
plupart détruites. Celle du ^ Beau
Dieu » lie Beims, gâtée peut-être
par des. retouches indiscrètes, est
loin de nicriler la célébrité dont
elle jouit. C'est aux tympans du
JugeuKMil dernier ([u'il faut éludicr
révt)iuli()ii (!(" la ligure du ('.liii>l
au cours du xui' siècle.
Les Apôtres groupés à la dmili-
et à la gaucliiî du « Beau Diru
d'Amiens sont — avec leurs lèle>
à l'ovale généralement très allongé
cl d'im module plus foi't qu'en au-
cune aulir des séries similaires
— très dill'érents de ceux de Char-
tres. Les imagiers se représentaient
d'ailleurs les discij)les sous les
aspects les plus variés. Tantôt, à
Bampillon. jiar exemple, ils oui
l'aspect juvénile et plusieurs même
la figure imberbe, mais c'est là une
série tout à fait exceptionnelle pour
laquelle on dirait que quelque sar-
cophage des ])remiers temps clirc'-
tiens a ]m servir, au di'diul iln
XIV'' siècle, de nioilèle aux scid-
pteurs; plus souvent, ils ont l'ex-
pression un peu rude que leur ont
donnée les maîtres de Chartres, ceux
de la porte septentrionale de
Beims et, avec une insistance sin-
gulièrement expressive, celui (jui
sculpta les statues de La ('oulnic
nu Mans. A Amiens. il> soni d'un
type plus rc'guliei' et plus \oisiu
'lui du ('.liri-l lui-m("'iue: à la
porte dorée, ils reparaissent au linli'au, pai('> d un cliaruK' pilloresqiie
nouveau el avee des vivacités d'expression <■! d'alliludc d'uiir valeur plus
ane((loli(|iic [irut-(Mi-e (pic lilurgiijue. Mais ici eiicoir li> jiertes sont
HISTOIRE DE L'ART
irréparahlcs, cl nous n'avons conser\('' (jiiunc uiininic jiarlic de l'œuvre
des ancêtres.
On aurait peine à coni])rendie l'iconotiraphie qui se développe autour
de la ligure des Apôtres et les attributs qu'ils portent, si l'on s'en tenait à
ce que les Acics des Apôlrcs nous onl appris sur eux. Mais ici encore la
légende foisonna en marge de l'iiisloiie e( (-'(^sl d'elle que s'inspirèrent les
imagiers. Sur les voyages des Apôtres, sur leurs miracles, les circons-
tances de leur mort, les Apocryphes sont pleins d'anecdotes où les maîtres
verriers plus encore que les
sculpteurs allèrent puiser les
éléments de leui's illustrations.
L'histoire de saint Jean, pres-
que tout entière empruntée à
la Légende dorée, occupa ceux-
ci plus qu'aucune autre. La
cathédrale de Lyon en donnera,
au début du xiv" siècle, une ico-
nographie presque complète; au
début du XHi'', à la porte Saint-
Jean de la cathédrale de Rouen,
dont les soubassements repro-
duisent presque exactement un
motif ornemental que l'on re-
trouve à Saint-Gilles, à Chartres
et à Etampes, le tympan repré-
sente, au-dessus de la mort de
saint Jean-Baptiste , celle de
l'évangéliste. Arrivé à l'âge de
!lil ans, l'Apôtre, dont toute la
prédication se liornait alors à répéter : " Mes enfants, aimez-vous les
uns les autres », reç;ut de Jésus-Christ cet appel : <■ Viens à moi, il est
temps que tu t'assoyes à ma table avec tes frères. » Il fit alors creuser une
fosse au pied de l'autel ; il y descendit, exhorta les fidèles et pria ; une
splendeur aveuglante l'environna tout à coup; et, quand la clarté se fut
dissipée, il avait disparu.
A côté du Christ et des jVpùlres, prenaient place, comme nous avons
dit, les docteurs, les propagateurs de la foi, h^s saints et les martyrs dont
chaque diocèse avait plus spécialement conservé le culte ou possédait les
reliques. Il y eut là pour les imagiers une matière singulièrement riche et
féconde. Il ne s'agissait pas de faire des portraits, et d'ailleurs les origi-
naux de ces portraits avaient disparu depuis trop longtemps pour qu'aucune
préoccupation iconique put être prise en considération. Les sculpteurs se
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Fie. 122. — F,u<[c i]ii " Beau Dieu » d'Amiens.
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTHIQUE IfiT
servirent de la nature pour façonner, selon l'idée et la représentation
intérieure que la tradition, la piété et la légende avaient lentement mode-
lées, les statues qui se dressaient aux trumeaux ou aux piédroiLs des
portes latérales, ou les has-reliefs anecdotiques relatant les miracles, le
i'Iint. delaLoiiiiu. de^ :il. H.
A|iôtres du portail de l'église de La Coulure, au Mans
martyre, les épisodes de la translation des reliques, elc. C'étail un champ
infini qui s'ouvrait à leur art. Plus libres ici que dans aucune autre partie
de leur tâche, provoqués à une invention moins conditionnée par la ma-
jesté ou l'abondance des traditions, obligés souvent de créer de toutes
pièces ou n'ayant à leur disposition que quelques miniatures de manus-
crits locaux, les imagiers du xiii" siècle laissèrent dans ces séries iconogra-
phiques quelques-uns de leurs chefs-d'œuvre les plus originaux. Il ne
IlISTOIHl': Dl-; I.AliT
nous est rien reslc des slalues de Nolre-Dninc de Paris; c'esl aux cliar-
manls bas-reliefs qui occonipagnaient ces slatues, que l'on peul juger de
l'uilc ^.UIll-JlJ
leur valeur, el sans doute la sainte Geneviève qui s'adossait à l'un des pic-
droits de la porte de la Vierge ressemblait beaucoup à celle qui l'ut sculptée
jM'u d'années après au trumeau de r('>glise consacrée à la sainte sur sa
FOHMATIOX ET DKVia.OPPE.MKXT IH-; T.V SCriPTrHK (iOTIIIorK Hl'.l
« inontagiK' », quand on rt'iiova une l'ois de plus In vieille ljiisili(|ue cons-
truite en exécution du vœu de Clovis à Tolbiac. Vu <lial)le e[ un ange,
juchés sur son épaule, éteignaient et rallumaient tour à lour le cierge
qu'elle portail en se rendant au pèlerinage de Sainl-Denis. Mais à Char-
tres, à Amiens, à Reims, à Saint-Leu-d"Esserent, etc.. d'admirables
témoins subsistent encore. A Notre-Dame d'Amiens, c'est saint Firmin
debout au seuil de l'église, bénissant d'un geste à la l'ois débonnaire et
énergique, et qui porte si bien sur
son visage tous les traits révéla-
teurs de la bonté active et effi-
cace. Rien de plu.s simple que celle
prodigieuse figure, de style essen-
tiellement monumental et d'expres-
sion doublement persuasive, di'
modelé large et sobre, mais où
l'accent est partout placé avec une
impeccable sûreté. A Reims, la
slalue et Thistoire de saint Rémi
occupent le trumeau et le tympan
d'une des portes du transept sep-
tentrional. A Chartres c'est, entre
vingt autres : saint Martin de
Tours, le soldat qui vint au chris-
tianisme par la charité, le grand
orateur qui chassa les faux dieux
implantés .sur le sol de la Gaule et
dont l'action conquérante amena
à l'Eglise tant de villes et tant de
provinces, le thaumartuge inépui-
sable qui allait semant devant lui
les prodiges et que la foi du moyen âge accompagna si longtemps dune
innombrable dévotion. Il est placé à la porte du porche méridional, à
côté de saint Grégoire le Grand et de saint Jérôme, et l'on peut dire
que la juxtaposition de ces trois figures met non seulement en valeur
mais en évidence la beauté singulière et diversement expressive de
chacune d'elles. Chez saint Martin tout est action : la bouche entr'ou-
verte, la tète haute, le front large, les yeux profondément enfoncés sous
l'arcade sourcilière, un mélange d'autorité, d'énergie et de bonté; à côté
de lui saint Jérôme, tenant à la main le Livre Saint qu'il a traduit, a
le recueillement et pres(|ue la timidité d'un homme de caiiinel; saint
Grégoire, avec la colombe sur son épaule, ajoute à cette expression
méditative de l'élude et de la concentration le rellet d'une inspiration
T. H. - '22
riiul. raul \iliy,
Fiii. I'2.">. — T(Mes de sainte Geneviève
^1 d'un .inse (anciennement au trumeau
du |iorlnll de l'église Sainte-Geneviève).
170
IIISTOIRR DE LAIST
iupéricuro. Sous ses pieds on voil représenté, comine sous eliacune des
statues de cette première moitié
du xiii'^ siècle, un petit person-
nage qui en complète la signifi-
cation morale ou historique, en
même temps qu'elle sert à l'orne-
mentation. Sous les pieds de saint
fllément, c'est une petite église au
milieu des eaux, allusion au mi-
laclc raconté par Jacques de Vo-
l'aginc et à la chapelle de marhre
qui jaillit des flots à l'endroit oia le
saint avait été précipité. Sous
saint Grégoire, c'est un scribe ao
^^ _ croupi devant un pupitre, qui tout
M^m ; I paHl -' coup s'interrompt d'écrire et re-
*■ ï jàÊ i jÊ^^M gai"de, curieux, à travers un rideau :
— i ■.^■i simple illustration de l'incident
lu.. iJii. _ s;iiiit l'iiiiiiii ( \riii ii^i rapporté par le diacre Jean, bio-
graphe de saint Grégoire : « Lors-
que Grégoire composait ses commentaires sur la vision d'b^zéchiel, son
secrétaire, Pierre, étonné des
longs intervalles qu'il niellait en
dictant, perça, jtar le stylet qui
lui servait à écrire, le rideau qui
les séparait l'un de l'autre et,
regardant parle trou, il aperçut
une colombe blanche comme la
neige, posée sur l'épaule de Gré-
goire. La colombe tenait son
bec près de l'oreille du saint;
quand elle se relirait, Grégoire
dictait et le secrétaire écrivail
ses paroles... » Sous les pieds
de saint Martin sont deux chiens
affrontés sur lesquels il appuie
sa crosse : i> Les animaux élaienl
soumis à Martin. 11 vit un jour
deux chiens qui poursuivaient un
lièvre; il leur ordonna d'abandon- ,„ „
ner cette pauvre bête; aussitôt l'i'.. 12t. — sami .nluLiu, saini Jrnjmc,
les ciiiens s'arrêtèrent, comme (portail méndionaTde bcTthédrale de Ghailres).
FORMATIOX ET I)É\ KI.OPPKMKXT DK I.A SCCLPTCRK (iOTIIIori': 171
liés à leur place. » Sous les
pieds de sainlJérùnie, c'est la
Synagogue, aux yeux bandés;
sous saint Nicolas c'est le
cruel hôtelier qui avait exposé
et jeté dans un saloir les trois
enfants ressuscites par le saint
archevêque; sous saint Lau-
rent, rempereur Valéricn (|ui
ordonna son supplice; sous
saint Théodore, dont la cathé-
drale de Chartres possédait la
tête apportée de Rome vers
1120, c'est l'empereur Licinus.
Ce saintThéodore est la re-
|ir(''sen-
lation ,
la jirr-
sonnili-
cal ion
i d é a 1 e
(lu saint
'\G. I'2M. — Socle ol pallie iiil'i'i-ieiire de la statue
lie ^^aillL Grégoire le (li-aud (Chartres).
Fie. 129. — Saint Tli.
(Chartres).
uerrier; il porte le costume des com-
pao-nons de saint Louis à la croisade, et nous
conserve une image du chevalier français, la plus
exacte en même temps, et la plus charmante et la
plus noble qui ait jamais été peinte ou sculptée.
La série de ces statues et des bas-reliefs (pii les
ciinipirleut, si l'on en dressait le CarjiKs. permet-
trait (\i' constituer delà façon la plus sûre l'histoire
(les (iiirércnts ateliers qui intervinrent dans la
glande ccuvre des cathédrales françaises. Pour que
ce Cdfpus filt complet, il faudrait pouvoir, aux séries
(les a|t(')lres, des patriafches et des saints, ajouter
hiul (T qui a survécu à la crise trois fois séculaire
ilr vaiulalisine que les guerres de religion, le
goût classique des chanoines des x\ ii' cl wiiT siè-
cles, la révohdion et enfin, luMas! 1rs icslaiiia-
lioiis, oui briilalrincnl ou Miuiiiiii--i'iiiciil diMniil.
11 y eut au uu)ycii âge une sialiiaire en bois,
aussi riclii'. |i(nd-élre que la sialiiaire en pierre.
C'i'sl à peine s'il en sidisisle cà el là (pielques
épaves. Le " roi ■> de l'ancienne colleclioii ( '.ourajod,
HISTOIRE DE L'ART
aujourd'hui au niusrf du Louvro, en est un des jdus iirrcicux témoins,
et pcut-èlrc Taisait-il jiaiiic de ((ucl(|uc adoration des Mages, taillée entre
Amiens cl Paris par un imagier de la [iremière moitié du xiii'' siècle.
Des patriarches du por-
tail septenti'ional de Chartres
aux dernières figures de
Reims, toutes les nuances et
tous les modes de l'intcrpré-
lalion plastique de la figure
humaine au xm"^ siècle y se-
raient représentés. Les plus
anciennes, celles de l'extrême
lin du xii'' ou du début du
xiii', gardent encore pour la
plupart rattitude rigide, le
parallélisme des deux jambes
des statues du portail occi-
dental de Chartres, à moins
(pielles ne traduisent ou ne
trahissent leur aspiration à
la vie par le croisement bi-
zaïre des pieds cpii, de cer-
lains ivoires, passa dans la
statuaire; mais déjà une lé-
gère flexion du genou, le
j>oids du corps portant sur
l'autre jandie. détermine des
variétés d'altitudes qui, sans
rien enlever à la majesté
monumentale de l'ensemble,
suffisent à y introduire l'im-
pression de la diversité et de
la vie. Bientôt on observe sur
(pu'lques statues (Vierges de
\ AiiiiiHuidIidii et surtout Sijiki-
<j<>iji(i') une tendance à s'iiifli'-
cliir légèrement sui\aul un
arc dont le sommet corres-
pondrait à la partie cenirale de la ligure. C'est surtout dans les figures
de la Synagogue que celte tendance s'accuse de bonne heure, et dans
ce cas elle s"expli(pu' ualnrellemenl ])ar les données iconogra])hi(pies
elh^s-mèmes ; la Synagogui,^ (''laid rt'pr(''seidée — jiar contrasle a\ec
)i(,. ir,(). — s.laUic .-Il \,oi^.
Première moitié du .\iii= siècle.
(Musée du Louvi'e.)
r (iliMATION ET DKVELOPPEMENT DK LA SCIIPTURK GOTIIlon: 17".
l'Eglise aux regards droits et à l'attitude IV'rme et dominatrire — les
yeux bandés, détaillante, appuyée à un étendard dont la iianipe e>t brisée.
Le jet de la draperie suit avec une souplesse croissante les indications
du corps, elle va s'animant et se " colorant » de plus en plus, creusant des
plis plus profonds, des sinuosités plus accentuées, des remous jilus bouil-
FiG. loi. — L;i SMl.ll;..i;llr. ri
|-l,„t Tr.,r„p.-I
•In iLiiiiept iuéi-idioïKil de hi calliédrale de Heii
lonnants, à mesure que Ion dépasse le milieu du siècle. On en voit un
premier exemple dans les Apôtres de la Sainte-Chapelle de Paris (fig. 15'2'l,
adossés aux colonnettes de la nef comme pour « étoffer » de leurs
amples silhouettes les verticales menacées de maigreur excessive depuis
qu'aux robustes chapiteaux des colonnes de Notre-Dame s'était substitué
l'essor des lignes ascendantes. Enfin, le dessin et l'expression des figures
évoluent dans le même sens : recherchant toujours plus le caractère et la
vie, multipliant les plans, délachanl el frisant b-s boucles des cheveux et
des barbes, et aboutissant — >uiliiiil à lleinis. où l'art du xiii'' siècle atlei-
m
HISTOIRE DE I/ART
gnit à l'originiiHlr lajilus audacieuse el aux plus ('•loiiiiantes divinations de
l'avenir — à ces figures dune acuité d'intention aussi individuelle que le
saint Joseph de la Préseiilalio» au Iciniilc. C'est de là, nous le verrons, que
sortirent, ou c'est à cette école que se formèrent quelques-uns des maîtres
(le la sculpture allemande, et pcul-ctrc
laul-il attribuer à des influences com-
iùnécs de France et d'Allemagne cette
tendance à 1' <> expression », celte re-
clicrclie du caractère qui, dans l'art
allemand, tournent souvent à la grimace,
mais (jui étaient dans ses instincts cl
qui jouèrent dans le développement du
réalisme un rôle prépondérant. Les
parties hautes de Notre-Dame de Reims
réservent, à ce point de vue, les surprises
les i)lus saisissantes à qui a pu en
explorer, d'échafaudage en échafau-
dage, les recoins les plus cachés. Ce
sont, à la retombée des arcs, des lètes
— les unes graves, les autres souriantes,
(juelques-unes caricaturales — où la
verve de l'invention et de l'exécution se
donne libre carrière, sans aucune préoc-
cupation de symbolisme ou d'exégèse,
en dehors de tout programme icono-
graphique réglé ou ordonné par l'Église,
dans la seule recherche du caractère el
de l'expression. Elles témoignent qu'aux
imagiers émancipés, travaillant, sem-
ble-t-il, pour leur seul plaisir, celle
licence de tout oser, à laquelle Guil-
laume Durand faisait allusion, était dès
lors arcord(''C sans limite.
1/arl bourguignon, à Notre-Dame
de Dijon, avait connu des liardiesses
presque égales; le « Moqueur de Di-
jon » peut prendre place à côté des
figures de Reims qui, plus variées, plus fines et plus exquises,
atteignent quelquefois au mystère et à la beauté du sourire léonar-
desque.
Ces figures sont comme la Iransilion entre la statuaire proprcmiMit dite
et le bas-relief.
I h.il .1. laC.iiiim des .M H
Fk.. 1Ô2. — .\[i(jlie piirtant la croix tk'
consécration ( Sainte-Chapelle i.
FORMATION ET DÉVKI.OIM'K.MKXT DII LA SCILPTURE COTIIKH i: r
Cet art du Las-reliel", qui. daus les lympaus, trouvai! un clianni i^loiicux
el comme une place d'honneur à l'entrée de l'église, le xui siècle l'a divei-
sifîé avec une merveilleuse souplesse. Il l'a adapté, sans qu'on sente jamais
la gêne ni même l'effort, à toutes les exigences et toutes les variétés du
programme architectonique. Dans les tympans, d'abord. Nous avons vu
avec quelle diversité s'y était multiplié et à quelle splendeur sereine y
avait atteint le thème de la Mort, de la Résurrection et de l'Assomption de
la Vierge. Mais les légendes de la vie et du martyre des saints y furent
aussi sculptées. A Sens, dont la cathéilrale est placée sous l'invocation
du premier diacre martyr, — au-dessus de la délicieuse statue du saint,
chef-d'œuvre de l'art du xiu'
siècle dans sa fleur, les épi-
sodes de sa conversion, de
sa prédication, de son pro-
cès et de sa lapidation son!
sculptés au tympan, en une
série de bas-reliefs inscrits
en des compartiments et mé-
daillons polylobés, confor-
mément à un usage très ré-
pandu en Champagne et que
l'on retrouve notamment à
Saint-Urbain de Troyes.
Au transept méridional
de Notre-Dame de Paris, le
même thème est repris avec
une animation plus grande.
Nous sommes ici dans la
seconde moitié du xiii'' siè-
cle, — après ITol, date initiale de la construction du portail par
Jean de Chelles. Saint Etienne écoule d'abord la parole des Évan-
gélistes qui le convertissent; il prêche à son tour— el le groupe des
auditeurs, hommes el femmes debout ou accroupis devant lui, se retrou-
vera, avec à peine quelques variantes, dans les tableaux de Carpaccio et
les fresques de Fra Angelico ; — puis il est arrêté par un soldat revêtu de
l'armure romaine, conduit devant le proconsul et lapidé: son Ame est
recueillie par Dieu lui-même. Recherche du geste expressif cl de l'allilude
pittoresque, tout révèle ici les progrès de ce qu'on ])ouriail appeler le
style anecdotique, parallèlement à l'évolution du style monumental.
A Semur-en-Auxois, un tympan de l'église est tout entier consacré à
la légende de saint Thomas. On y avait d'abord voulu reconnaîlre l'his-
toire du meurtre de Dalmace assassiné par ordre de Robert duc de Rour-
'- — Figiiiiiir S(.-Lil|ilrf Je l';iÈ'(lii vollfi
la rose du transept iiu-ridinnal
(Reims).
HISTOIRE DK T."ART
1 H.. Iji. — Cul-de-lauipc (Tuur du transept
mrrididiial do la cathédrale de Reims).
avec celle danse des jonglcresscs
cxéculée sur les mains, si sou-
vent représentée au banquet
d'Hérode, — un chien apportant
dans sa gueule la main de l'é-
clianson qui avait souffleté
saint Thomas et que l'Eternel
avait puni en le faisant dévorer
par des lions; — saint Thomas
recevant de Gondoforus l'ordre
de construire un palais ; — dis-
tribuant aux pauvres l'argent
destiné à cette construction....
L'anecdote est traitée ici dans
cette manière large et pleine,
particulière aux imagiers bour-
guignons.
Mais ce n'est pas seulement
aux tympans que se développent
les bas-reliefs. Ici encore il faut
gogne, — ou !)ien la conver-
sion des peuples au christia-
nisme. M. É. M Aie a iden-
lifié de la façon la plus sûre
la série des épisodes repré-
sentés. Il s'agit du roman
des aventures de saint Tho-
mas dans ITnde et de son
voyage dans le royaume de
Gondoforus, qui fit fortune
au moyen âge en dépit de la
condamnation prononcée par
saint Augustin contre cette
invention des Manichéens.
L'imagier de Semur a suc-
cessivement représenté saint
Thomas mettant la main
dans le côté du Christ, —
la rencontre du saint avec le
prévôt de Gondoforus à Cé-
sarée, — la traversée en ba-
teau vers l'Inde, — un festin
l'iiot Trompette
FiG. 155. — Cul-de-lampe (Tour du tiansept
méridional de la cathédrale de Reims).
FORMATION ET nK\ ELOPPEMEXT DE LA SCULPTURE ClOTIIlOUE 177
se borner à résumer en quelques exemples ce qui exigerait de longs déve-
loppements. A Amiens, c'est dans une série de polylobes, au pied
des statues des Apôtres, des Prophètes et des Saints, que s'inscrivent
l'i.ri.iil .!•■ >.'
les scènes qui complètent la signification iconographique de chacune
de ces statues, et ce sont successivement les épisodes relatés aux Actes
des Apôtres ou dans les Légendaires, les faits symboliques de l'Ancien
Testament relatifs aux prophéties ou bien encore les Vertus et les
Vices qui nous ouvrent ou nous ferment les portes de la Jérusalem
178 HISTOIRE DE LART
cclcsLc, ou liicn eiiliii lo calendrier, signci^ du /.odiaquc ri Iravaiix des
jours et des mois.
Ce thème des travaux des mois, dévclojipé par les miniaturistes
depuis les temps carolingiens, fournit aux imagiers des motil's toujours
les mêmes, mais traités avec une ingéniosité charmante à les adaj)ler aux
dispositions architectoniques toujours diverses de chaque monument.
Janvier s'asseoit à tahle [Jainis bifroii.'i), ami des repas copieux; Févi-ier,
paysan frileux, maltraité par les durs hivers, a rahnilu son capuchon, posé
SCS chaussures et se chauffe au fojer où la mai-mile bout; Mars taille ou
bêche sa vigne; Avril et .Mai rêvent devant les premières fleurs; Juin,
Juillet et Août s'occupent des moissons; puis c'est la saison des ven-
danges, Octobre foule les raisins; l'hiver revient, il faut pourvoir aux pro-
visions pour la saison mauvaise; Novembre conduira le porc à la glandéc
et Décembre l'égorgera pour apjirèter les régimes de boudins confor-
tables que l'on servira à la table de Janvier ou que, à Notre-Dame de Paris,
])ar exemple, Février accrochera dans sa clieminée au-dessus de la mar-
mile bouillaide.
A Notre-Dame de Paris, c'est lanl(')t, comme à la jiortc de la ^'ierge
et à celle du Jugement (malheureusement très restaurée par Soufllot), en
de petits carrés surmontés d'un gable fleuronné que sont inscrits les
épisodes de la vie des saints ou ces représentations des ^'ertus et des
FOIiMATlOX HT ni:\ KI.npPKMHNT DE LA SCULPTURE (iOTHlOUK 179
\ ices que l'on voit tuuiuur.s près du .lugcnienl dernier, ou Mcn l'ulin.
comme à la porte de saint Etienne, en des encadrements égalemeul polv-
lobcs, CCS épisodes, dont Tinterprétation n"est pas encore tout à fait
élucidée, mais où il est permis de reconnaître des scènes de la vie des
écoliers et où la verve spirituelle du sculpteur a tiré un si joli parti des
costumes du temps. Le groupe des élèves réunis autour de la cliaire du
l'iiot. de la Caillai di;à M. H-
Fir.. UiS. — r.a fiiimnmnicin. la Picdicalidii et le Marlyre de saint Kliennc,
an tyijiiiaii de la jinrle du liaiisciit iin'i'idional de Nidi'e-Iiaïue de Paris.
professeur qui enseigne est, par la lilierté de la composition, la soujilesse
et l'élégance de la facture et ce pétillement d'esprit qui semJjle courir sur
toutes les figures, un morceau loul à fait délicieux.
A Chartres, sur les piliers du porche méridional, les représenta-
tions des Vertus et des ^'ices et les vies de saints ont été, par une dis-
position tout à fait exceptionnelle, sculptées en petits bas-reliefs super-
posés et séparés par des motifs d'architecture ; et peut-être dans aucune
autre église l'iconographie des ^'ertus et des Vices n'a-t-ellc élé plus
systématiquement et plus complètement interprétée. Le thème iniliai en
est d'ailleurs très sensiMeinent jiareil à ceux que l'on rencontre à Paris
ou à Amiens; clia((ur mm-Ih csI rc|ir('>ciiir'r p.ii- luic rciiiiiii' assise tenant
à la main un écusson cpii |iiiili' le >\nilMi|r (li>l imlil' qui |,i earaclérise :
180
IllSTOlHE m-: L'ART
le Courage, casque en Iclc, épée en main, a\ec un lion sur un écu, la
bonté avec son agneau, la Cliarilé a\ ec les enfants qu'elle abrite ou le
pauvre auquel elle donne son manteau, la Paix avec son rameau d'olivier,
la Fidélilé avec son cbien, etc., etc., tandis (jue la Colère se décliire de
ses pr'opres mains la poilrine ou bien envoie im coup de pied ^iolenl à un
serviteur plac(' dcvani elle, l'inlidélilé abandonne à la porte du couvent
qu'elle (pûlle ses vêlements monastiques, l'Idolâtrie s'agenouille devant
une idole gi'otes(pu', l'Avarice entasse dans un coffre ses inutiles trésors,
m^:^
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Lci^ondos de s:i
m l\]iiii;in de l'église de Senuir.
la Discoi'de met aux prises deux personnages qid échangent des coups,
la LAcheté fuit devant un lièvre, etc., etc.
A Bourges, à Auxerre, c'est encore aux soubassements de la cathédrale
un foisonnement de scènes, mais disposées de façon tout à fait différente.
A Bourges, c'est dans les écoinçons ménagés entre les arcatures du
soubassement qu'ont été placées les charmantes représentations de la
Genèse et du Nouveau Testament ipii se continuèrent du xiu'' au xvi'' siècle.
Chaque cathédrale a son iilustrati<ui cl (pielquefois ses illustrations de la
Genèse. Et ici enccur, dans l'unité du iliènu' initial éclate une variété
charmante d'adaiilalion cl d'iiilci'piélalion. A Chai-tres, aux voussui'cs du
porche scptcnli'ioiiai, Ihishiirr de chacun des sept jdurs est représentée
sur deux cordons parallèles. Dans l'une. Dieu sous les espèces du Christ,
médite l'acte que sa volonté créatrice évoquera au cordon voisin. Il rêve,
et près de lui le ciel ci les cnulinents, la terre et l'eau naissent et se
FORMATIOX ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTIllOUE ISl
enirent dons le monde. !<
jcllrn
séparent, le jour el la nui
comme des disques les astres
dans l'infini, les animaux,
les végétaux paraissent, les
fleurs s'ouvrent, les nids se
peuplent ; enfin le Créateur,
sculpteur di\in, modèle du
pouce dans un bloc de
glaise humide la figure du
premier homme, que son
souffle animera... AAuxerre,
à la fin du xiu'^ siècle, c'est
avec des nuances nouvelles
et, dans la représentation
du nu, une élégance raffinée
el nerveuse que le thème
est repris. Vn système al-
terné de Las-reliefs à Heur
de pierre inscrits dans des
quatrefeuilles ou dans des
polylobes, ou iiirn des sta-
tues à plein relief placées
dans des niches y fournis-
sent tous les éléments de
la décoration des soubas-
sements. L'Ancien Testament, les allégories des .\rts libéraux v soni
riG. 1 10. — Le mois d'Uctubiu
(Notre-Dame de Paris.)
La Liicheté
1er lie Pari> .
Kl... UJ. — l.a Diirelé
Nnhv I):in.C(in Paris
altcrnati\onieut ligures. Kulin, à i'exir('Uii' lijiule du xiii" siècle cl au
xiv° siècle, à Rouen, à la porte des Libraires et à celle de la Calendc
HISTOlliK DE L'ART
L'icoiiogrii])liie dc's Arts lil
(•"csl dans une srvlc ilc jiclils cadiMjs rcctaiigidaircs limilanl dr jK.'lils
qualrcreuillcs (iiioid (Hé superposées des centaines de scènes où l'Ancien
Tcslanicnl, les \ ies de saints, les Bestiaires, en même tem|isque l'Evan-
gile, ont fourni à l'inépuisalilc fantaisie des sculpteurs une inépuisable
matière.
'■raux, dont on a \u à C'iiarlres un des})lus
anciens exem-
ples sculptés,
})rit sur les
uiurs des gi-an-
des cathédrales
un brillant dé-
\eloj)|)ement.A
Laon, comme
à Chartres oîi
Anselme, le
maître de riuil-
laiimcdi'( ;liam-
pcaux et d'A-
li('']ard, avait
laissé u n e
i;loire univer-
selle, les Arts
libéraux furent
sculptés sur la
façade de la
nouvelle cathé-
drale cent ans
en\iron après
sa moi'l. La
l'Iiilduapliic y fut représentée la tète voilée de nuages, une échelle ajipuyée
contre la poitrine, avec les attributs que Boëce lui avait prêtés dans sa
('.(iiisiihiliou pliilosopliiqut'; cette interprétation du texte de Boëce est com-
pl(-t('-e à Sens par une autre figurine, sculptée au soubassement du portail,
ayani un sceptre el un livre en mains el sur sa robe les II et les (■), dési-
gnalion de la philosophie pi'atique et théorique. A Auxerre, les figures
du Irivhnit el du quodririiiiit sonl sculptées au soubassement du portail
et peintes aux vitraux. Toutes les villes d'université eurent sur les murs
de leurs églises une illustration des sciences et des arts. Notre-Dame de
l'ai-is ne faisait pas excc]ition à la règle; mais les mutilations qu'elle
sul)il à la lin du .wiii' siècle ont fait disparaître toute cette partie de sa
statuaire.
Fio. li'. — La Genèse (voussures du porclio septeiilrion.il
(Je la i-ntliédi'iile de Clciilres).
FORMATION ET DKVELOPPE.MKXT DE LA SCULPTURI': (iOTHIOLl': ISÔ
Le romaiitism.' nvail ;illril)Ui' au » grotesque » une place Imil à l'ail
excessive dans l'art gothique. On peut dire quau xm'' siècle les inolifs
drolatiques ou obscènes n'apparaissent que comme de rares exceptions.
C'est le plus souvent aux Bexliniri's (piils sont empruntés, mais beaucoup
sont des inventions et des fantaisies dont la verve des imagiers doit avoir
tout l'honneur. A Sens, au-dessous des sciences et des arts libéraux, le
ScidiKidc qui se fait un parasol de son pied monstrueux, l'éléphant de
l'Inde, l'autruche, le grillon, le chameau ont été représentés ou ima-
FiG. 1-ii. — La Gi.'iic.rc ^.-Mjulja.-^cineia .k- la ealhodralc Je LcjiiiijcsJ.
ginés. A Notre-Dame de Paris, deux belles allégories de la Terre et île la
Mer prolongent jusqu'à la \ision de l'univers entier les giacieuses
géorgiques des travaux des mois.
Le point d'aboutissement, si l'on peut dire, de toule celte icono-
graphie, c'est le Jugement dernier. Le Fils de l'homme reviendra pour
juger les vivants et les imirls; cliacun rendra compte de l'usage (|nil a
fait de la lilierté qui lui lui oclroyée et des moyens de salul (pii lui
furent offerts. Les actions seront pesées dans la balance cl <liaciin
obtiendra la récompense ou le cliàlinicnt qu'il aura uK'iiL'. C.'csl là le
thème que tous les enseigncnicnls de lllglisc Ions li^s seiiiions de ses
prédicateurs, tous les commentaires de ses calécliislcs uni multiplié à
travers les siècles. C'est là la représentation cenlrah^ (|u'à l'entrée même
de la <'al lii''drale, on a voiilii placer sous les \f'u\ de> lidcles.
1S4
IllsroiliK DE LAIST
quclquescxcmplos ; c'est la vision ap
Le xii' siccle ii'avail pas iLfiioré ce lliènic; nous a\ons (l(''jà vu avec
quelle puissance dranialiquc il l'avait représenté au tympan de Saint-
Lazare d'Autun, comment à Sainte-Foy de Conques l'imagier s'était inspiré
de l'Lvangile de saint Mathieu. Mais on n'en citerait à cette époque que
alyptique de saint Jean qui a surtout
hanté l'imagination des hom-
mes de l'époque romane. Au
xui" siccle, toutes les cathé-
drales ont leur Jugement der-
nier, et c'est à l'Lvangile de
saint Mathieu que sont tou-
jours empruntés les motifs
iconographicpies où chaque
sculpteur, d'ailleurs, a intro-
duit des dispositions ou des
nuances d'interprc'dation qui
lui sont personnelles. Ici en-
core, à suivre chronologique-
ment la série de ces représen-
tations, on peut vérifier une
l'ois de plus ce que nous avons
déjà indiqué sur l'évolution de
la sculptiu-e du xiii'' siècle,
allant de génération en géné-
ration vers une interprétation
de plus en plus libre de la vie
et une recherche de plus en
plus marquée du mouvement.
C'est à Laon ou à Char-
tres que ce thème s'organisa.
A Laon, sous les pieds du
Christ, assis au milieu du col-
lège apostolique et assisté par des anges portant les instruments de la
Passion, les tombeaux s'ouvrent; au linteau (qui est une addition posté-
rieure), l'ange exécuteur des sentences divines sépare les bons et les
méchants. A Chartres, la scène est encore réduite à ses éléments consli-
lutii's les plus simples. Le tympan est divisé en deux registres: dans la
partie inférieure, de chaque côté d'une figure centrale, celle de saint
Michel qui tenait les balances dans lesquelles sont pesées les actions, une
double théorie se détaclie : à droite, les élus sont conduits par des anges
vers la Jérusalem céleste, et les uns contemplent déjà la porte de gloire
qui va s'ouvrir, tandis que les autres joignent les mains -et regardent en
(soubassemenl de la cathédrale d'AuxeiMC).
FORMATION ET DÉVELOPPEMI- \T DE LA SCULPTURE GOTHIQUE n:>
haut vers celui qui les a raclielés; à gauche les damnés sont précipités
dans la gueule ouverte de Tenfer, accueillis par des diables grimaçants
qui les torturent, et poussés par trois anges à la figure giavc cl sombre,
exécuteurs désolés de la sentence sans appel. Au-dessus, le Clu-ist est
assis, portant à ses mains et t'i ses pieils les traces des clous de la croix,
les jambes, les bras et la moitié du torse nus, les deux mains levées à
hauteur des épaules, ayant au-dessus de sa tête quatre anges qui tiennent
Fio. 140. — .\rt5 libéraux et basiliaire (soubassement de la i-alliedraie de Fiers).
la couronne d'épines, les clous et la croix, tandis que deux autres sont
agenouillés près de lui, avec la kncc, la colonne et le fouet de la llagel-
lation. A côté de ces anges, deux figures ont pris place : celles de saint
Jean le disciple et de la \'ierge Marie, témoins, comme nous l'avons dit,
de la compassion fraternelle et du charmant optimisme de l'imagination
po]udaiie.
Ce que le tympan de (Jlhartrcs a ainsi indiqué et résumé dans ses
éléments essentiels va se développer progressivement à Amiens, à Notre-
Dame de Paris, à Reims, à Poitiers, à Bourges, à Rouen, etc.
A Notre-Dame de Paris, plus de tâtonnements : le thème est con-
stitué; il se développe logiquement au tympan et se continue dans les
voussures où les chevaux de l'Apocalypse, précurseurs du cataclysme
suprême, passent dans un galop effréné, où les supplices se continuent
T. II. — '2i
isn
HISTOIRE DE LAUT
du côté dos rc'iirouvés, où la srréiiilc (Herncllc se rcllMc dans les altitudes
paisibles cl sur les IVonts unis des témoins bienheureux, du côté des élus.
Le réveil des morts sculpté au linteau est moderne, Soufflet ayant déposé
celui du xuT siècle — dont les fragments sont au Musée de Cluny —
quand il agrandit la porte centrale pour ]c passage du dais des proces-
sions. A Amiens — et c'est un détail qui se retrouvait peut-être à Nolre-1
Dame de Paris, — l'appa-
rition du Fils de l'homme,
sortant d'un nuage à mi-
corps, ayant dans " sa
bouche » le glaive de sa
parole, « le double glaive
tpii frappera les nations »,
escorté de deux anges
portant le Soleil et la Lune
(pii seront ojiscurcis
! heure redoulaijle, est di
lincle de la \ enue du
Juge Au linteau, portant/
sur une jolie frise où des
oiseaux jouent au milieu
de rinceaux de vignes et
de grappes, les morts sor-
tent de leurs tombeaux, ré-
veillés par les anges son-
nant de la buccine, et saint
Michel pèse les actions :
dans un plateau de la ba-
lance est l'Agneau pascal
« qui lave les |)échés du
monde » (le fléau de gau-
che e-it une rcslauialion
moderne); l'Église et la
Synagogue sont assises à ses pieds. Les morts ressuscitent, non pas à
l'àgc qu'ils avaient au momcnl où ils passèrent de noire monde à l'autre;
mais, ainsi que l'avait enseigné Ilonorius d'Aulun. en pleine jeunesse,
à l'i'ige parfait de IriMiti' ans, rpii était celui du ('.hrist au moment où il
Irionqdia de la mort. Dans la séparation des bons et des méchants, une
inq)arlialilé absolue est observée; toutes les conditions sont traitées avec
une justice égale : les rois, les pajies, les évèques ne sont pas soustraits
au châtiment s'ils l'ont mérité; mais il est remarquable qu'à Amiens,
c'est un frère Franciscain qui entre le premier au Paradis (et le même
1 lo 1. - I ( - \ii~ 1
(souiiassoiiioHi uo ki
\ ontio Ipk _ ilil '■
iruie u .'vuxeri-c.;
roiiMATlUX ET DÉVELOPPKMEM DE LA SCII.PTLUE CCmilOUE 187
Irait se rolrouvera un iiru plus laid à La Coulure du Mans cl à Bour^esl.
Dans les voussures, un diable du cùlé des réprouvés caresse, avec une
tendresse ironique, une femme damnée; du côté des élus, Abraham
debout reçoit les âmes dans son sein. A Poitiers. le disjiositii' général
reste à peu près le même: mais à Reims il est tout difTércnt : c'est dans la
partie supérieure du tympan, comme à Saint-Urbain de Troyes, qu'est
placé le réveil des morts: le chœur des \'crlus assiste au drame du
FiG. lis. — Juicenient dernier (Cliai'lre~).
Jugement et la scène des âmes portées à Abraham }uir îles anges sou-
riants, saluant et alTables. prend une importance exceptionnelle et une
valeur délicieuse. A Hampillon. le Christ occupe presque tout le tympan,
et le réveil des morts jirend au linteau presque toute la place.
A la lin du xiu' siècle, à Bourges et à Rouen, la scène s'animera plus
encore. 11 ne reste du Jugement de Rouen, au portail des Libraires, que
le réveil des morts, mais on peut voir à Bourges comment le thème s'est
développé, élargi et diversifié. Saint Michel tient toujours les balances
et caresse une figurine humainr: c'f>l la petite ànie dont Ir soii est en
suspens, cl dont un diable gouaillrur semble atlendre ([u'on lui fasse
livraison. A droite, les anges s'avancent porlanl l'ànie rachetée, i[ui
15
HISTOIRE DK LART
lien! à lu main un rameau liiomplial et que piéeèdcnl \ris la [Rirle de la
Jérusalem céleste le moine, le roi et la noble dame qui ont également
mérité le paradis. Saint Pierre lui-même ouvre la porte pour les intro-
duire, et sous l'abri d'un édicule on voit une figure assise qui, dans un
pan de son manteau, riMMieille toule une rollcrtion de petites âmes égale-
ment rachetées. C'est, une fuis de |ilns. rinlei-pr(''lation naïve et char-
mante du verset de saint ^lattliieu disant qu'Abraham recevra dans son
sein les Ames des élus. De l'autre côté c'est l'enfer, et ici la fantaisie de
l'imagier s'est déjiensée
avec une verve plus
gouailleuse encore que
tragique. Ces diables,
à les bien regarder,
sont surtout comiques ;
il n'est pas sur que le
sculpteur qui les fa-
çonna ait eu, des réali-
tés horrifiques de la
damnation et des clià-
liments réservés aux
coupables, une crainte
liien authentique; il
s'est amusé plutôt à
imaginer des démons
dilTormes et mons-
trueux, leur ajoutant
sur le ventre et ailleurs
des figures grotesques,
faisant d'eux des ty])es
de la laideur et de la
dilTormité humaines, mais sui-tout dénormes et presque joviales cai'ica-
tures. L'expression de ceux qui attisent à grands coups de soufflet le feu
qui fait bouillir la marmite, les grimaces de ceux qui à coups de gaiTes
poussent vers le supplice les damnés qui Leur sont confiés, tous enlin
semblent prendre part, a\ ec luie exubérance déjà rabelaisienne, à quel([uc
représentation d'un mystère oii réh'ment comique atténuerait beaucoup
l'angoisse (pi iiispirail aux uiaitres du xT' siècle la formidable apparition
du Ih'x lrciiu'ii(Uc iiiiijcshilis.
riiûi. do 1.1 coiiiiM.
I-'iG. lill. — ri-.-igiiKMil lie?: voussures de la poilc
du Jugomenl (NoUo-Li;inie de Piuis).
La s( ii.i'TLRK 1 LNihiAU',!:. — Daus ces monuments où toute la doc-
trine et toute la \ie étaient ainsi représentées par l'art de nos sculpteurs,
la mort avait aussi son asile. Les cathédrales, où l'on n'a\ait d'abord
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA SC.ULPTUHE GOTIllOLE 189
accordé le droit de sépullure ([u'aiix évèques, furent, au cours des siècles,
habitées par les générations disparues des ancêtres, et si n^iis avions
conservé tous les tombeaux dont elles reçurent le dép(M cl la ]»arur(',
c'est de milliers de figures nouvelles que s'augmenterait le peuple de
statues, dont nous venons de dénombrer sommairement les principales
catégories. De toutes les parties de l'église, celle-ci fut malheureusement
celle qui eut le plus à souffrir. Des le xvi"" siècle les mutila! ions coninnii-
cent; elles se continuent au
xvu" et au xviu"" ; sauf de rares
exceptions, toutes les statues
1 tombales en métal précieux ou
en bronze avaient été fondues
avant la Révolution, qui, lors-
quelle arriva, ne fit guère qu'a-
chever l'œuvre de destruction.
C'est dans les anciens recueil-
de dessins comme celui de Gai-
gnières, que nous pouvons nous
faire une idée, bien incomplèlr
encore, de tout ce qui a disparu,
et à laide des quelques épaves
miraculeusement sauvées du
grand naufrage, essayer de
nous représenter ce que nou>
avons perdu.
Au xiii" siècle, la rigueur
des lois ecclésiastiques qui in-
terdisaient la sépulture dt>
laïques dans les églises s'était
déjà relâchée i Isabelle de
Ilainaut, première femme de
Philippe Auguste, fut enterrée
dans le chœur de Notre-Dame de Paris, où Eude de Sully, mort en l'iUS,
avait aussi sa tombe << de cuivre » signée : Stepluniim de Doissc me jccil...);
et dans les abbatiales, avant cette date, une place avait été réservée non
seulement aux prélats el abbés, mais aussi aux fondateurs et à leur famille.
Les comtes de Dreux cl de Braisne firent de Sainl-'^ved comme un
Saint-Denis féodal; Royaumonl, Longpont, Vendôme, Juinièges. Lu,
Poissy, Sainte-Geneviève étaient aussi riches en londieaux.
La forme des lomlieaux juscpi'à la fin du xiii' >iè<le l'ut infiniment
variée, mais peut se ramener à (pH,'!(|ues types priucipaux : 1 ' la dalle en
pierre ou en métal, avec ou sans effigie gravée, émaillée. sculplrc. ou
FiG. l.'^O. — Fiagmenl de runcioii jubé
de Notre-Dame de Paris.
(Musée de Louvre.)
HlSïOllil-: DE LART
mémo rappoi'léc en iiiusaïquc, comiiic la " touiln' plaie ■ di' 1 (''vèiiuc d Ar-
ras, Frumaklus, morl en 1180 (la dalle funéraire de l'archiLecte Hughes
Libcrgier, autrefois à Sainl-Nicaise de Reims, aujourd'hui dans la cathé-
drale, est un des })lus heaux exemples des tombes gravées'; celle de
Frédegonde autrefois à Sainl-Germain-des-Prés, aujourd'hui à Saint-
Denis, fut exécutée au xii" siècle, peut-être même au début du xiii', d'après
les procédés décrits par Théophile au chapitre xu livre II de la Scltediila
dircrsariim artium); — '2" le sarcophage ou cénotaphe, avec représentation
du mort couché comme sur un lit de parade, adossé au mur, abrité d'un
enfeu ou isolé; — o"rédiculc
en forme de cliàsse ou tic
chapelle. Autour ou au-des-
sous de l'effigie du mort, on
trouve dès le xii" siècle le
cortège ou les rites des fu-
nérailles (voir tome I, p. O.JT)
sculptés en bas-reliefs. Les
symlioles de la foi, qui lend
la mort confiante et paisible,
viennent aussi se mêler ou
se superposer à la représen-
tation des funérailles —
enfin, en certains cas, s'y
ajoutent des épisodes de la
vie de celui qui dort sous la
ioinbe.
Les Idiiibi-aux en iiK'lal,
tpii l'urenl peut-être les {)lus
nombreux au moyen âge, ont
presque huis disparu. Par une lare forlune, la cathédrale il'Amiens a
cons('rv('' deux numumenls à jieu près uiiicpies, les tombes en bronze des
deux ('■\("'(pies. l^M'ard de Fouilloy ipii jeta les fondements de la cathédrale
et mourut au mois de décembre P222, et son successeur Geoffroy d'Eu,
qui mourut le 2r) novembre 1250. Deux belles inscriptions gravées dans
le broii/.e, perp(''l ucnl le snmciiii' de leurs services et de la reconnais-
sance de leurs coiiciloyen^.
Ces deux lombes, primitivement placées au milieu de la nef, trans-
portées en 1762 à droite et à gauche du grand portail, n'occupent leur
place actuelle, sous les arcades entre la nef et les bas côtés, que depuis
Fjg. 1M. — Tcinibenn du xu'
I Ir .I.Ml^ lri;ll>,_
do (.;lianuiliL-i-cs (Ihiute-Loire).
1. .. r»»,/..-, dil Diii-:irigo
Errard. jiarce qu'aiitix'fois les
D'où le nom de lnmhirru donin
pallie e\téiieiii-e d'un sépiilci'e. ou couverture suivant
-cpuli-res étaient S(.iuvent couverts d'ornements précieux. ■•
aux sculpteurs qui exécutaient les effigies funéraires.
FOR.MATIOX ET DÉNELOPPEMEXT DE LA SCLEPTIRE (lOTIIlOrE l'.H
1867, c'est-à-dire depuis rinlerventioa de Viollet-le-Duc. Chacune des
deux lombes est formée d'une grande plaque rectangulaire portée par des
lions et coulée en bronze d'une seule pièce; le défunt y est représenté en
gisant, revêtu de ses ornements
pontificaux. Celle d'Evrard de
Fouilloy est la plus riche; clic
fut exécutée après la mort de
lévèque dont elle commémore
les bienfaits et les vertus en une
belle inscription ciselée après la
fonte :
Qui iiiipnhun p'ivil : (jiii fiiuild-
\ini'i>la Ifiidi'il
Hiijiis slriiclurf : eu jus j'iiil
\in'hs ddld fil ri- :
llic rcihilrus nafiltis. fuma
[requk'scit Ewordiis
Vil- pins afflictis viilins; hUcln
{rrlirlis...
Milibiis aijniis cral, liniiiiHx
[Ici), Uni II siiprrl/js.
Bien que la figure de l'évè-
quc, d'un très beau style, soil
déjà individuelle, avec son froni
bombé, ses lèvres épaisses lar-
gement dessinées, et qu'elle
diffère sensiblement de celle de
Geoffroy d'Eu, il serait sans
doute excessif de parler ici de
portraits véritables. A cette date
les effigies tombales ne sont
encore qu'une image conven-
tionnelle ou idéalisée conservant
le souvenir et le nom plus i[\\r la
ressemblance du mort.
A Saint-Nazaire de Cai-cas-
sonne, le tombeau cénotaphe
de l'évèque Radulphe fui. au milieu du xiu'' siècle, appliqué contre le mur
de l'église; il présente. >ui- une surface verticale. « comme le développe-
ment de toutes les parties (pii constituent le mausolée, avec soubassc
inenl, image du mort et dais ». Sur le sarcophage, des chanoines sous des
— Tombe d'Évianl de Toiii
(CalliC'drale d'Amiens).
192
HISTOIRE DE L'ART
orcalurcs assislenl aux oljsrqiics de chaque colé d'un lit de parade où le
mort est couclic, entouré d'évèques officiants el de clercs. Au-dessus, en
bas-relief, cstdressée l'effigie de Radulphe, debout et bénissant — et rece-
vant lui-même la bénédiction de la main divine. — Au xi\ '' siècle, et dans
la même église, le même thème funéraii-e sera repris, mais avec des déve-
loppements plus brillants
encore, pour le tombeau de
Pierre de Roquefort.
Saint-Denis, en dépit des
mutilations et des ravages
du temps et îles hommes, est
resté le musée par excellence
de la sculpture funéraire
française, notamment pour
le xiii'' siècle. Saint Louis y
lit refaire les tombeaux de
ses prédécesseurs et l'on y a
réuni au xix' siècle quelques
monuments provenant de
Saint-Gcrmain-des-Prés, de
l'abbaye de Royaumont, des
(Jélestins et d'autres cha-
pelles ruinées à la Révolution.
Les statues de Louis,
fils aîné de saint Louis, et
de Philippe, son frère, qui
étaient autrefois dans l'ab-
baye de Royaumont et qui,
après sa destruction, ont été
recueillies dans celle de
Saint-Denis, furent exécutées
immédiatement après la mort
de ces princes. Le gisant y
est couché sur le lit de parade, les mains jointes et les yeux ouverts, le
chef posé sur un coussin que soutiennent deux petits angelots agenouillés
ou porteurs d'encensoirs, les pieds appuyés sur un animal héraldique. Ce
sont encore, en dépit de quelques restaurations indiscrètes, d'admirables
témoins de l'art funéraire du xiii'' siècle dans sa simplicité, son charme el
sa grandeur. Le mort repose dans la sérénité et la confiance en attendant
le jour de la résurrection. Sur les côtés du sarcophage se déroule un cor-
tège qui est la représentation des funérailles : membres du clergé, officiers
de la cour portant le cercueil, au milieu desquels on remarque la présence
FiG. 1 JJ. — Tombeau de l'évêque Radulphe
à Sainl-Nazaii-e de Carcassonne.
FOHMATiox \:t i>k\i;i.oi'I'i:mi:nt \n: la scui.i'Turii: (;otiiioi !•: ms
d'un roi de Honprie qui, se trouvant à ce nionienl l'IuJie du r((i de France,
M)ulid participer lui-même
au transjtort de lenl'anl
royal. Plusieurs parties de
ces tombeaux onl (■■1('' ir-
faites par ^'iollel-le-i lue.
Si, dans ces statues.
on ne peut pas encore dis-
cerner de })orlraits jiropre-
ment dits, à plus forte
raison ne saurait-on en
trouver dans la série de
ces tombeaux postluimes
que saint Louis, au com-
mencement de la seconde
moitié du xiii'' siècle, fit
élever à ses prédécesseurs. Pas plus pour celui de Dagobert que pour
celui de Constance d'Arles,
femme de Robert le Pieux,
morte en I0r)'2, il ne pouvait
cMre (pu_^slion di_^ l'essem-
blance individuelle, t-esont
seulement d'idéales et bel-
les efligies, paisibles et pres-
cpic souriantes.
Le monument de Da-
gobert, dont GeolTroy-De-
cbaume a refait la statue
tombale et çà et là quelques
fragments, conserve pour-
tant, dans Tensemble. sa
pbysionomie originale et
présente, sous la forme la
plus cbarmanic, en même
temps quun type très i)ar-
liculier de cénotaplie, une
illusl ra t i o n a n e c d o t i ([ u e
d'un(> légeutle recueillie |)ar
(îuillaume de Nangis. Le
monument est en foi-me de
, . clianclle à double face au
I IG. loj. — Cunolaplif de Dasobert ' , ^., ■ i . • ' ,
^abbaye de Sainl-Dcni?j. rcvcrs Ic Ciirist bénissant
HISTOIRE DR 1;ART
csl invoqiii'' |)ar li^ P«oi et la Reine). Les slalues de la reine Nanlildc cl de
(liovis 11 se liennenl debout aux deux côtés du gisant. Sur la j)ai'oi du
fond se déroule, en trois zones, la vision qu'avait eue, après la mort du
roi, un ermite, Jean, relire dans une île lointaine. SainI Denis lui com-
mande de prier pour Dagobert qui venait de mourir ce jour même. L'ei--
mitc se réveille et aperçoit sur la mer une barque dans laquelle l'âme
du roi est tourmentée par des démons (première zone); — attirés par les
cris du roi, saint Denis, saint Maurice et saint Martin délivrent l'àme en
peine (seconde zone); — ils la conduisent dans le sein d'Abraham, et
l'anachorète les entend
ciianter ces paroles du
psaume : « Heureux celui
que l'Eternel a élu .1 (troi-
sième zone).... ■■ l'.l se ne
me croyez, ajoute (_niii-
laume de Nangis, allez à
Sainct-Denis en France,
en l'église, el regardez de-
vant l'autel où l'on chante
tous les jours la grand'
messe, là où le roi Dago-
bert gist. Là rerrcz-rous
(iii-(h'ssus (le hnj cr que
vous dij (lu jtouriruici cl de
noble l'urre riclieincul euhi-
uiiuée. M Comme presque
loutes les statues du lemps, ce bas-relief était eubiuiiné.
Ce thème funéraire se pliait à des formes très diverses. Nous ne pou-
vons qu'indiquer sommairement ici quelques-uns de ces développements.
A Sainl-Faion île Meaux, vers la fin du xii'' siècle, les bénédictins avaient
élevé en l'honneur de saint Benoît et d'Ûgier le Danois un cénotaphe
somptueux où l'on voyait représentées, avec six grandes statues, des
(' histoires » de saint Benoîl, d'Aude, " (ille de Charlemagne », et de Ro-
land (voy. Aunali-s ord. S. 11. 11, ."."mi. Vers lt270, à Saint-Jean d'Aix, on
avait élevé, pour la femme de (Jliarles d'Anjou et son père, de magnifiques
mausolées, malheureusement détruits (gravés par Millin), où le cortège
des funérailles, l'assistance des saints et des anges et la réception de l'âme
au ciel avaient reçu un développement monumental. Quand il s'agissait,
comme dans l'église d'Obazine en Corrèze,par exennde,d'un saint popu-
laire dans le pays, le tombeau prenail la forme d'une châsse. Le mort est
couché sur une dalle; il apparaît, enlre les arcatures ajourées, les mains
croisées sur la poitiine; et le modelé de cette figure, aux yeux fermés
Frngincnl ilii c-L'nol.i|ili(
(l'Ohnzini'.
lo sninl Élienne
KOHMATION ET DÉNKLOPPKME.NT DE LA SCULPTIHE (;()Tni()rE lïtj
(contrairement à riisaye ))resque constant alors — du moins en Finance —
de représenter les morts les yeux ouverts), maigre, nerveuse et déjà
))lus individuelle, est un de ces nombreux morceaux où l'art du xiii'' siècle
finissant se montre riche de tout ce que l'avenir procluiin chAcloppera.
Sur les rampants de la toiture cpii ahi'ilc la slaluc tondjale, un double
cortège est représenté : ce soni les uidincs de l'abbaye l'ondi'-c par saiid
Etienne qui, d'abord sur la
terre et puis, après leur
luori , dans le ciel, \ iennrnl
honorer la \ icrge; des anges
à mi-corps, les mains jointes
ou porteurs de livres, de
calices, d'encensoirs, occu-
pent les arcatures qui sur-
montent ces petits groupes,
tandis que dans les écoin-
cons inférieurs s'étalent de
charmants feuillages et que,
sur les frontons, des ar-
bustes fleuris où des oiseaux
chaideurs sont venus se
jioser, éxoipient au-dessus
de celte image de la mort
riche de toutes h's pro-
messes de l'espérance et de
l'immortalité, la joie et le
triomphe de la vie. Nous
verrons bientôt, au cours
du xiv" siècle, se transfor-
mer radicalement cette in-
terprétation de la niorl.
A partir de c(>tte date, c'est-à-dire veis la lin du xiii' siècle, le
portrait — ou l'intention tout au moins du portrait — commencer à
paraître dans la sculpture lunéraiic. A Saint-Denis même, siu- le tom-
beau des successeurs immédiats de saint Louis, celle Iraiisfoiuialion
se fait sentir. Mais c'est le UHinienl où. dans la sculpture française,
les symptômes se mulli|ilieHl d'une é\(>bdi(_)n. au cours de laquelle I idéa-
lisme charmant du xui' siècle tournerait insensiblement à un maniérisme
bientôt figé, si l'intervention graduelle d'un réalisme nouveau n'y intro-
duisait les gerino d'une >nrle (II' " i-enai>saiice II. Nous éludierons, dans
la seconde parlie de ce volume, celte crise décisive dan-^ Ihisloire de
l'arl ein-()p(''eu.
Fie. 1."h. — l'oilnil de l'i
l'I/ol de- 1; - if, M II.
isc d'Ambronoy (Ain).
19fi
HlSTOllŒ DE L'ART
IvM'ANsioN m-: LA sTAïiAiRE GOTiiiouE. — C'csl (laos Ics cliaiilicis des
grandes calliédralcs que la sculpUire du xiu'' siècle eut ses foyers créa-
teurs; mais clic rayonna de là sur tout le pays et au delà des frontières,
l'Iiot. de Greck.
FiG. KifS. — l'urchc de la callu
et se rcvclil niènie, dans les provinces dont le leuipérament artistique était
depuis le Ml' sirile forlemenl conslilué, (l'un accent l'éyional quelquefois
très sensible. Le dialecte le plus pur, si l'on [)eutdire, est celui de l'IIe-de-
F'rancc, et le tympan de la porte de la Vierge à Notre-I>ame de Paris en
conserve la forme la jikis exquise. (Jn en peut suivre à Manies, h Saint
FOliMATIoX ET DKNKLOPPKMENT DK LA SC.ULI'Tl liK ( io Tllini'l-. 197
Siilpicc-dc-Favières, à Sainl-Leii. jusciu'à Kvrcux la }ir(>iiaiia(i(Mi cl,
par delà son propre lerritoiro, de brillanles manircslalions, d'une part
dans le Beauvaisis et le Soissonnais (Noyon. Sainl-Jean-des-Vignes'), jus-
qu'aux liniilcs oii l'école de Picardie rencnnli'c l'école llaniande, cl de
ÉW*
■r-j
Imc. I.'j'.i, — l'iiil.iil iriiMC niu-iomic rixlisç de llax.
i'aiilrc cil .Xonnaiiilir. m'i les imagiers, aux soubassements des portails de
la lialende et des Libraires, sculpleiil, à la lin du mm siècle, ces cliarmanls
bas-relicl's de la (îenèse et des liisloircs Ac .ludilli. Joscpli. IN'becca, etc.,
ou encore drs \irs i\r saiids idcnliiii'-cs |iar Mile Louise l'illicm. Les cathé-
drales de lîayi'ux, de S(''e/, (le Coulances, l'aliliaye du MnnLSaiiil-.M ichel,
(pianlih- de |ielilcs églises du Cahados. de la Sciiie-lnrériein-c. de la
lus IIISTOIHE DE I.AUT
Mnnchc ('l de l'Eure conservent de précieux vcsliges de la slaluaire et
de la décoration sur lesquelles les iconoclastes se sont malheureusement
rués à plusieurs reprises....
Un a vu l'importance et la force expansive de l'école de Cliampagne.
Comme celle de l'Ile-de-Francc, dont elle subit l'influence, elle rayonne
par delà ses fronlières et se combine souvent, tantôt avec l'école de
Bourgogne dont il semble qu'on retrouve comme un écho jusqu'à Vouzon
dans les Ardennes, tantôt avec celle de l'Ilc-de-Francc, comme à Ville-
neuve-lc-Comte ou à Villeneuve-rArchevcquc. Vers l'est, à Chaumont et
à Toul, et jusqu'à Metz, elle reçoit quelques infdtrations germaniques;
mais nous verrons qu'en plein territoire allemand elle intervient encore
comme une initiatrice.
L'école de Bourgogne est, à côté des grandes écoles créatrices du
xni" siècle, la plus originale. Elle conserve une saveur, une verve et une
abondance dont nous avons eu l'occasion de signaler au cours de ce
chapitre quebiues exemples, et dont on retrouve des traces jusqu'à
Lausanne.
Au sud de la Loire, c'est encore d'influences combinées de ces
divers ateliers qu'est faite la sculpture qui se propage, avec l'architecture,
dans la seconde moitié du xm"" siècle. A Bordeaux, le porche de Saint-
Seurin ('LiOO) en olfre un des exemples les plus brillants et les plus ori-
ginaux par l'abondance et la verve de l'ornementation qui se mêle à la
statuaire. A Dax et jusqu'à Bayonne, c'est-à-dire jusqu'au point où
l'école française va passer les Pyrénées pour exercer sur l'Espagne une
influence singulièrement féconde, on constate encore ses progrès et ses
conquêtes.
Un va voir comment s'exerça en Angleterre et en Espagne cette
influence française, et dans (pielle mesure elle y rencontra d'autres élé-
ments autochtones. Dans la seconde partie de ce volume, en même temps
qu'on suivra, en l'rance même, l'évolution de la statuaire monumentale,
on en reprendra l'étude en Allemagne el en Italie.
LA SCULPTURE EN ANGLETERRE
Les origines de la scrij-Tip.E anglaise. — La sciilplui'c anglaise
avait des traditions nalionales lorsque, vers la fin du xn' sircle, elle
accepta, comme loule la chrétienté, la mode de France.
L'occupation romaine avait laissé à la Grande-Brelagne peu\le sou-
venirs artistiques, et son art ne commença
réellement qu'avec le christianisme, vers le
vil"" siècle; mais il se révèle alors supérieur à
celui des Gaules. L'inspiration est, du resle,
différente : les motifs celtiques se mêlent aux
modèles byzantins, de même que le christia
nisme arrivait par deux voies : saint Augustin,
en 600, étant venu directement de Rome, en ame-
nant des artistes [cn-liftrcs] et des objets d'arl,
— et les premiers moines, en 635, étant venus
d'Irlande à Lindisfarne. En 669, l'archevêque
Théodore, un Syrien de Tarse, fut encore en-
voyé de Rome; puis dans la seconde moitié du
vu" siècle, une nouvelle impulsion fut donner
à l'art et de nouveaux artistes, surtout des
maçons [cavneutarii], continentaux furent ame-
nés par saint Wilfrid, fondateur des églises de
Ripon et d'Hexham, et par saint Benoît Biscop,
fondateur de celles de Wearmoulh et Jarrow,
qui alla, nous dit Bède, chercher des maçons
et des verriers en Gaule.
Deux monuments sont d'une extrême im-
portance pour l'étude de ces origines : les croix
de Bewcastle et d'Hexham. Celle de Bewcastle porte une inscription ru-
nique qui l'attribue formellement à la première année du règne d'Ladfrith,
c'est-à-dire à 670, et l'inscription a tous les caractères du temps. La croix
d'Hexham, aujourd'hui trans|)ortéc à Durham, porte le nom de l'évêque
Acca, mort en 7iO, et parail rive une des deux croix (pii s'élevaient sur
û. — DùLail (le la croi.ic
de Bewcaslle.
1. l'ar M. C. Kiil.irl.
200 msToirsE de i;ai'.t
sa lomlic. Toutes deux onl un lui à quatre faces couvertes de failjlcs
reliefs : à Bewcastle, ce sont des billetles, des entrelacs, des rinceaux
accompagnés d'oiseaux, reproduction très pure d'un modèle oriental,
et une figure du Christ enseignani, digne de l'art byzantin doni elle ]ii'o-
cède. Quant à la croix d'Ilexham, elle porte des pampres plus fournis
de grappes que de feuilles et symétriquement entrelacés pour dessiner
une suite de médaillons. Cette décoration offre une analogie très frap-
pante avec celle du trône de l'archevêque Maximien à Ravenne.
Le style d'un panneau de sculpture conservé à Hexhani est encore
jilus étonnant. Parmi des rinceaux de pampres s'y mouvaient des figurines
nues d'un dessin tout proche de l'antique. A Jcdburgh (Roxburgshire),un
autre panneau de pierre sculpté montre des rinceaux de pampres parlant
d'une tige centrale et des animaux affrontés dans leurs spirales : le dessin
en est assez bon et copie exactement une œuvre byzantine. Aussi frappani
est le buste de Christ imberbe sous une arcature conservé à Rolhbuig
(Northumberland); c'est la copie d'un ivoire byzantin.
Ces onivres sont rares, et l'école (jui les créa ne tarda pas à dégé-
nérer : au musée de la cathédrale de Durham. deux fragments de pieds de
croix analogues à celui d'Ilexham et quelques autres débris de même style
montrent un travail beaucoup plus grossier. Une curieuse pièce du même
musée montre ce qu'était devenue la représentation de la figure humaine
dans les dernières années du vu" siècle. C'est le cercueil de bois de saint
Culidjcrl exécuté en 6!)8 par les moines de Lindisfarne. Le Christ entre
les Quatre Animaux, la N'icrge, les Archanges, y sont représentés en
simple gravure au Irait, avec une médiocre entente des proportions et
des formes, et de façon toute conventionnelle et systématique, mais non
sans habileté. La tradition byzantine est encore évidente dans ces
curieuses figures qui rappellent beaucoup la Vierge Marie gravée sous les
traits d'une Orante dans la crypte de Saint-Maximin (Var).
Bientôt, et pour environ quatre siècles, la sculpture va se confiner à
peu près dans les dessins géométriques, dans les représentations de quel-
ques végétaux stylisés à outrance et d'animaux fantastiques. Ses princi-
jîales œuvres seront des croix monumentales, des couvercles de sarco-
phages à petits toits bombés ornés de croix et d'entrelacs, comme à Peter-
borough, de rinceaux, quelquefois aus.si d'animaux. Les croix mêlent à
leurs entrelacs celtiques des figures d'une extrême sauvagerie, traitées en
méplat. Elles ressemblent à celles de l'Irlande; on sait, du reste, que les
abbayes irlandaises étaient alors le foyer d'oîi les arts rayonnaient dans la
Grande-Bretagne et la Scandinavie.
C'est encore au musée épiscopal de Durham qu'un fragment de croix
à trois personnages, provenant de Gainford, montre à quel point d'abâtar-
dissement était parvenue vers le x'' siècle la représentation de la tigure
FORMATION 1:T Dt VKLOIM'EMI'.NT DH LA SCLLPTLHE (lOTIIlOUK 2UI
luiinaine. On peut allril)ui'r au xi' sircle C|uelqiics pièces de la môme col-
lection, comme la croix monumentale trouvée sous la salle capitulaire de
Durham. Une cuve baptismale de cette époque, au musée d'York, n"esl
pas moins barbare de dessin; de plus, elle est exécutée en méplat, et en si
faible relief qu'elle est plutôt gravée que sculptée.
Éi'OQUE ROMANE. — L'art Scandinave, en partie inspiré de l'art irlan-
dais, s'étend alors sur l'Angle-
terre, car Suénon s'est fait cou-
ronner à Londres en 101.") ; C.anul
occupe le nord du pays eu KM i,
toute la Grande-Bretagne en
1017; l'Ecosse en lOôi; Ilarobl
et Canut II régnent après lui
jusqu'en 1042. Un bas-relief
danois du xf siècle figurant le
cerf cl le serpent a été trouvé
dans le cimetière de Saint-Paul
de Londres, et figure au musée
du Guildball.
L iiillucnce artistique de
1 Irlande continue de s'exercer
jusqu'au xii" siècle. C'est alors
seulement que la sculpture irlan-
daise acquiert, sous une in-
lluence venue du continent,
quebjue sentiment de la forme
humaine qu'elle avait si étran-
gement stylisée. Les bas-reliefs
des tympans d'Ardmore, malgré leur barbarie, et surtout les figurines de
la châsse de saint Magne, autrefois à Drumlane, témoignent de ce progrès
dû certainement à une inlluence continentale. De môme en Angleterre, le
xi' siècle, d'une fécondité si précoce dans le domaine de l'architecture,
n'a pas \u progresser la scul|iture : on sait que les conquérants, bons
architectes, se contentaient d'une décoration peu variée et géométrique,
et qu'ils n'abordaient pas la statuaire. Les chapiteaux de la crypte de Can-
terbury, un linteau de Southwell figurant saint Michel et le Dragon, les
tympans de Moreton-\'alence (Gloucestershirei et de Fordington (Dorset)
ont le style des chapiteaux de Caen et d'un tympan de CoUeville; les tym-
pans d'Ault-IIucknall ; Derbyshire), Dinton (Buckinghamshire), les modil-
lons de Homsey, sont comparal)Ies aux tympans et modillons des églises
normandes du continent : les portails ont les mômes \oussures à zigzags,
T. II. — 'iO
, liU. — Bas-rolii-r ipimv.ij:iiiI île Sel-c-
dans la cathédialu de Chiihester.
202
HISTOIRE DE L'ART
ol ceux de Kilpcck, d'ElUslonc el d'Ifllcy onl des Irirs jil(il,'.'< h.ul :^ Inil
semblables aux exemples de Normandie; à llercford même, un cbapilcau
historié du xi" siècle égale en lourdeur et en grossièreté ceux du continent.
Cependant l'importation normande n'absorbe point la sculpture autant
que l'architecture, car il survit quelque cliose de l'ornement saxon, Scan-
dinave et irlandais; d'autre part, des fonts baptismaux de Tournai étaient
importés à Southampton, à Winchester cl autres lieux.
La sculpture du xn'' siècle procède de toutes ces influences : certains
morceaux continuent ou renouvellent les traditions du premier art saxon :
deux bas-reliefs de la Résurrection de Lazare (fig. Kil), apportés de Selsea
dans la cathédrale de Chichester, reproduisent de la façon la plus frap-
jf^r^
Fk;. 102 — Frise do la façade occideiilale de la calliédralc de Lincoln.
pante le style des ivoires byzantins. Ces sculptures surprenantes taillées
en plein appareil sont attribuées à l'époque saxonne, mais l'habileté de
l'exécution, la saillie du relief, la qualité du dessin et l'architecture d'une
porte de ville qui a des chapiteaux semblables à ceux de la chapelle de
la Vierge de la cathédrale même de Chichester, tout cela permet d'attri-
buer l'œuvre au xii'' siècle.
J'incline à attribuer la môme date au fût de croix historié de Ruthwell
(Dumfries), insj)iré aussi de l'art byzantin. Le caractère de ses hauts
reliefs et de ses inscriptions indique celte date, et je n'hésite pas à dater
de même un beau cénotaphe en forme de sarcophage de la cathédrale de
Peterborough, — du moins le colTre orné de personnages Jiien ]H-opor-
tionnés sous des arcatures, car le couvercle à rinceaux de style irlandais
peut être antérieur.
11 n'est pas plus douteux pour moi qu'il faille dater du xii' siècle les
beaux anges volants rapportés au-dessus de l'arc triomphal de l'église
saxonne de Biadtbrd-sur-Avon, et les deux grands crucitix de pierre
FORMATION ET DÉVELOPPKMENT DE EA SCLLPTIHE COTIIlOrE '205
maçonnés à l'extérieur des églises de Litlle Langford ((Ixfonlsliire) el de
Romsey. Le preniiiT a la longue robe et la eeinlure iiouc'e à loiii^s IhhiIs
pendants; le second, nu et fort bien dessiné, ne pourrait être <pic du
xiii" siècle s'il n'appartient pas au xu' .
Au premier quart du xu' siècle, on peut attribuer un assez grand
noudire de tympans sculptés assez babilemcnt en faible relief dans un
dessin stylisé, extrêmement raide et sec, sans aucun scnlinn'nl des pnj-
porlions. Le tympan de Fownliope
(Ilerefordshirc) est un type parfail
de ce genre. A la même famille ap-
partiennent ceux de Thôpital Saint-
Léonard à Hereford, de Rowlstone
et de Shobdon, tous d'un même
modèle qui semble inspiré de quel-
que œuvre d'orfèvrerie.
Les frises bistoriées de la fa-
çade de la catbédrale de Lincoln
(fig. 10'2), à laquelle on ti-availlait
en 1073, sont peut-être interpo-
lées; en tout cas, elles remontent
au commencement du xu" siècle
et ne sauraient être antérieures.
Elles sont importantes comme
origine d'une tradition qui donnera
au xni" siècle les frises bistoriées,
autrement belles, de la façade de
\\'ells. Ces frises représentent des
sujets tin''S de la (Irnrsc cl de
rb]\;uigilc : Adam. Noé, la desccuii'
ciples d'Emmaûs, et autres scènes. On y \(iil. comme sur le continent,
des ligures inspirées de l'art romain provincial dont elles ont Inutc la
lourdeur, et des vêtements collants à petits })lis formant des couibcs
concentriques comme en France. Les mêmes formes lourdes et trapues se
voient à Mucli \\'enlock, dans un bas-relief du lavabo du cloître.
Tout dilTérent est le style du lyiuiian de Malmesbury. «ruvre monas-
tique qui s'inspire peut-être de Moissac : les personnages assis y ont les
mêmes attitudes contournées, les mêmes robes à menus plis. (;e style se
rencontre encore à Bristol dans un bas-relief de Jésus descendani aux
Limbes, dans une très belle Vierge, malheureusement décapitée, de la
(■al!i(''dralf d '^inj-k. cl siirlnnl (laii> une magnifique figure d'apcMi'c i\r la lin
du xh' siècle, recueillie dans le cliiili'c de Lincoln. (_'.elle-ci est déjà de l'art
de transition. On n'en saurait dire autant des ligures li'ès barbares cpù, à
. - Détail ik- la .toiv .1.- Kfllu;
(.■omti- lie Diiiliaini.
i\f du ('.lirisl aux Enfers, les Dis-
204
HISTOIRE DE LART
Kilpcck, se mêlent à des rinceaux et à des dragons sur les montants du
portail sud et de l'are triompiial. Elles ont pourtant une parenté avec le
style du portail de Chartres, tant par la eomposition générale que par les
formes émaciées. Ce grouillement de figurines dans des rineeaux est, du
rest(\ un llièmc très inlernational. Il a trouvé en Angleterre une magni-
ii(pic applicalion dans le eélèl)re eandélalire de ]:)ronze de Gloucester.
Les tympans ornés d'un Christ en Majesté, à Ely, à Barfreslon, à
Rochester, les Aoussures ornées de m('Mlaillons satiriques à Barfreston,
Fir,. Kii. - roiUul occidental de h\ calh.-di aie de lln,lieslei-.
sont également des teuvres parallèles aux portails tVaneais et procédant
d'une inspiration continentale. La croix monumentale de Kellœ, près
Durliam (ftg. 165), est un fort bel exemple de ce même style, tout proche
de la transition; on peut en dire autant de la cuve baptismale en plomb
de Dorcliesler (Oxfordshire) dont les arcatures encadrent des Apôtres
assis, fort élégants de dessin et bien drapés dans leurs roiies à petits jilis.
Des figures moins stylisées et déjà très naturalistes apparaissent sur des
fonts de pi(.'rre sculpb's en Angleterre cl dont le d(''cor est rneore roman,
à Burnliam-Decpdale (iVorfolk), sur une cuve ornée des Ti'avnux des Mois,
et à Southorp (Gloucestershirel où l'on remarque un gueriier terrassant
>(in cnncnii rt les ligures de l'f^glise et de la Synagogue. Ces dernières
sculjitures sont déjà golliiques.
Les plus fines sculptures de transition de l'Anglelerre son! les pdits
FORMATK^N KT DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTHIOUE -20:.
bas reliefs à personnages, quart de granileur nature, conservés au musée
(le la cathédrale de Durliam et qui peuvent provenir d'un jubé ou d'une
clôture de cho?ur de cette église. Ils semblent dater de la fin du \ii" siècle,
el leur style est incontestablement plus avancé et plus parlai! que celui des
cariatides toutes romanes et sans dessin de la salle capilulaire bâtie vers
IliO. Les sujets semblent représenter les Apôtres au Jardin des Oliviers
cl Irois scènes des apparitions du Christ ressuscité. Les vêlements, col-
la nts el bordés de galons perlés, ont des plis
minces curieusement contournés autour des
saillies du corps, mais les proportions sont régu-
lières et exactes; le dessin est bon. Les arbres,
d'essences variées, sont stylisés à outrance. Ces
sculptures oui une grande analogie avec les
(iMivres françaises de la même période, mais
l'ii'uvre qui rappelle le plus e.xactement la sta-
tuaire française de transition est le portail occi-
dental de la calhédrale de liochester (lig. Kii), qui
par son lynqian, ses voussures, les statues de ses
jambages, évoque la conqiaraison avec celui de
Chartres. A deux des colonnettes adhèrent les
statues de Salomon et de la reine de Saba, plus
petites que celles de Chartres ou de Corbeil, mais
absolument du même style. Il est à remarquer
qu'elles sont postérieures au portail, car deux
bagues ont été descendues pour leur faire place,
et le portail lui-même, dont on n'a malheureuse-
ment pas la date précise, ne semble guère anté-
riciii- à 1 KiO.
I )cs statues plus grandc's cjue nature garnis-
saient le portail d('lruil de Sainle-.Marie d'York :
elles ont été recueillies au musée de celte ville. Leui' slyle, plus avancé,
est voisin de celui des portails de Senlis et de Laon ; les draperies forment
de petits plis; les cheveux et la barbe forment de longues mèches striées.
Les unes el les autres sont inférieures aux beaux modèles français, et
l'exécution en est assez rude.
. — SUiltie de Mois
menant ilti portail
inlc Marie d'Vorli.
Éi'ooiE c.oruinri;. — Au xni' siècle. l'Angleleire eut, comme la
France, une belle floraison sculpturale ; la slaluaire y aH'ccte des caractères
analogues, mais elle est moins nombreuse et surtout i-épartic d'une façon
liMite dilVéï-enle. Les portails ont été en France leprinci[)al champ ofl'ert au
talent lies sculpteurs golbiques; en Angleterre, les statues sont rares sur
les montants, et les lynipans. ipiaïul il l'ii existe, n'ont d'autres bas- reliefs
m< HISTOIRE DE L'ART
qu'un iu(Ml;iillun central; enfin, hcaucoup de sujets en bas-reliet's occupent
les écoinçons des arcatures intérieures des églises, soit au bas des murs,
comme à \\'orcester, soit au triforium, comme à Lincoln, soit même au-
dessus des fenêtres dans le chevet de Worcester.
Les façades des grandes églises sont assez souvent dépourvues de
statuaire ou n'ont que quelques figures espacées sous des arcatures, comme
à Salisbury ou au sud du chœur de Lincoln ; exceptionnellement, les
façades des cathédrales de Wells, Lichfield et Salisbury ont de nom-
breuses statues, mais qui se logent dans les rangs d'arcatures superposés
du haut en bas de ces façades, disposition analogue à celle du porche de
Candes (Maine-et-Loire) ou du revers de la façade de la cathédrale de
Reims, et qui sera imitée au xv" siècle à celle de Rouen.
Le caractère de la sculpture diffère sensiblement selon quelle est en
bois, en pierre de taille, en purbeck ou en bronze.
Le marbre de Purbeck donne aux effigies un caraclère lourd, épais,
quelque peu mou, comme le granit et le grès. De plus, celle [lierre se
délite avec le temps, et beaucoup d'effigies sont aujourd'hui irrémédiable-
ment défigurées.
Les plus anciens tombeaux faits en cette matière (et l'Angleterre,
ayant moins détruit les monuments de son art national, possède un
nombre plus grand de statues funéraires que la France) ont une compo-
sition assez uniforme qui resta de règle jusqu'au xiv'' siècle : le gisant est
sous un dais simple à arcalure tréfiée, dont les écoinçons et les montants
sont ornés de rinceaux de feuillages gothiques normands, très riches, for-
mant des entrelacs touffus. Ce type de tombeau paraît déri\é de modèles
importés des ateliers de Tournai. On sait déjà que des fonts baptismaux
romans en pierre bleue de Tournai ont été apportés au xii' siècle à Win-
chcsler, à S()ulhaui|ilnn ri ailicins, 11 en fui de même des pierres tombales,
cl la caihédrale de Salisijury conserxe une effigie d'évéquc couchée entre
des rinceaux qui resseud)le tout à l'ait à une tombe de même époque, dite
tombeau de sainte Pharadde,à Rruay (Nord); or, cette tombe est en pierre
de Tournai. On croit que c'est celle de l'évèque Roger, mort en 1159; la
tète a été remplacée à la fin du xiii° siècle par une tète de pierre blanche.
A Exeter, la tombe de l'évèque Iscanus, mort en 1181, est d'un style ana-
logue, mais beaucoup plus grossier, (".'est une imitalion en marijre de
Purbeck des tombes lournaisiennes. Peu d'années plus lard, les lundiiers
anglais savaient sculpter dans le marbre de Purbeck des effigies en haul
relief, des dais d'architecture et des rinceaux d'un dessin sensiblement
meilleur. On peut citer à Peterboroug une tombe d'évêque d'un travail
encore lourd et mou; à Exeter, la lom])e de l'évèque Marshall, mort en
l'20(), d'un travail sec, au contraire, avec les draperies à petits plis du
style de transition; à Worcester, deux tombes d'évèques de la première
FoliMATloN 1-:T nÉVI':i.OPI'EMi:NT DE LA SCULPTURE OOTIIIOUI'. '_'(I7
nioilic du xiii' sirt-le i lii;'. ItiCn, d'iiii dessin assez correct el um'-ihc rlét>nnL
Le tombeau de révèque Anselme, mort en i2il , dans la cathédrale de
Saint-David, est une autre variante de la même tradition ; son style est
un peu sec.
D'autres effigies tombales en mariire de Purbeck n'ont pas d'encadre-
ment d'architecture. Trois d'entre elles représentent des Templiers dans
leur église de Londres. La plus ancienne, de 1200 environ, est la plus
belle; la figure énergique et rude d'un vieux guerrier, qui fut en même
temps un ascète, est rendue avec un rare lionheur el avec une belle simpli-
cité de dessin; très peu de ces tombeaux, par malheur, ont la même valeur
artistique, el celui-là ayant été restauré, il est fort à craindre qu'il ne
faille pas faire honneur de ses (|ualili''s à l'nrliste du xni" siècle. Deux
Fir,. ICO. — Tombeau dï-V("'i[ue ihms la ralliédrale de \\'(jicesti_'i-.
autres, d'une trentaine d'années postérieurs et moins retouchés, ne sont
pas sans mérite, quoique un peu maigres et secs, el l'une des figures est
aussi un fort beau portrait, apparemment sincère.
Deux tombes du même temps, à Worcester, n'ont pas les mêmes qua-
lités : celle du roi Jean, exécutée vers 12")0, offre un mélange de lourdeurs
et de maigreurs, bien que l'allure générale en soil fort belle; et une tombe
de dame du temps de saint Louis, encadrée de rinceaux suivani la vieille
tradition, n'a pour elle ni l'ensemble, ni le dessin, ni la grâce, ni j'élude
sincère des draperies.
I^a slaluede l'évèque Norlliwold miorlen I '_'^ i ; , à Hly, présente encore
les petits plis du xii" siècle: ciMIe figure, comme plusieurs aulres, se fait
remarquer par l'énormité el l'écartement des oreilles; au contraire, celle
de l'évêque Rilkenny (mort deux ans après) dans la même calhédrale, ne
manque ni de correction, ni d'élégance el de souplesse. Hlle est de
l'époque qui marque l'apogée de l'art des tombiers de Purbeck; car les
dernières années du xui'' siècle ont vu se produire des œuvres lourdes,
comme deux monuments d'évè([ues à Rocliester el un autre à Salisbury, et,
à Liciifirld. celui de I'c'n ("'(fiie Palle>liidl, morl \ers \2i\. Deux lundtes de
208 HISTOIRE DE LART
dames de ht lin du .\iii° siècle, à Ronisey el h Ahei'gavcnny, oui, au eoii-
liaiic, une certaine maigreur, mais la première n'est pas sans grâce et
sans mérite. La seconde est cuiùeuse par Técu llcurdelysé pose sur le corps
de la gisante comme sur celui d'un guerrier.
Le calcaire oolithique a donné beaucoup plus d'aisance au ciseau;
mais lorsqu'ils ont eu affaire à cette matière, les sculpteurs sont trop sou-
vent tombés dans la mollesse : c'est le défaut de la tombe de Fiobert
de Gloucester, à Saint-Jacques de Bristol, malgré l'élégante précision de
ses drapeiies; c'est aussi celui d'une loudie de clievaliei' d'Abeydare qui
est, en outre, mal proportionnée. Au contraire, la statue tomJjale de
Guillaume Longuespée, à la cathédrale de Salisbuiy, est lui modèle de
dessin élégant et correct, et de belle et simple allure.
Une effigie tombale de chevalier, mal proportionnée, à Bridpurl, une
autre à Sainte-Marie RedclifF de Bristol, la tète d'un troisième à Exeler,
sont des poriraits très^ivants et d'un modelé gras et souple fort remar-
quable.
La pierre de taille a donné des monuments analogues; le plus beau
est l'admirable statue tombale du chancelier Swinfield (mort en 1299) dans
la cathédrale d'IIereford. La tète est d'une grave el belle expression; le
corps émacié est serré dans une longue robe aux plis multiples élégam-
ment recherchés et supérieurement étudiés. Dans la même église, une
tombe de 1280, celle do l'évèque Bronescombe, se recommande aussi par
ses draperies; très élégantes également sont les efiigies tombales d'un
chevalier et d'une dame, de 1500 environ, à Béer Ferrers, celles d'un autre
couple contemporain, à Ilernby, d'une exécution simple et puissante.
(Citons aussi d'assez belles statues tombales de la même pierre el ilu
même temps à Rippingale (Lincolnsliire). A Westminster, l'effigie tom-
bale de Crouchback, comte de Lancastre, à Abergavenny (Monmoulhi une
autre tombe de chevalier couché, sont d'une allure noble el simple, et d'un
très beau dessin.
Les effigies funéraires en bois de chêne ont dû être en usage dès le
xii" siècle, puisqu'il s'en trouve dans les monuments des Planlagenets à
Fonlevraull , mais on n Cn a ]>as conservé d antérieures à la lin du xiii'^ siècle.
Ce sont les œuvres d'un petit nombre de tondiiers *pii l'cproduisent les
mêmes modèles, et leur teciinique est la même que celle de la pierie.
JM. Prior croit, d'après leur style, que l'atelier était à Londies. L'efligie
loud)ale de George de Cantelupe (mort en 1275), à Abergavenny, est une
œuvre d'une belle allure et d'un beau dessin. Le style général, les mains
jointes, le double oreiller et l'absence d'écu permettent de le comparer à
quelques tombes de Westminster, spécialement à celle de Crouchback.
Parmi les plus anciens gisants de bois, il faut citer la tombe de Simon
Borard el de sa femme, à Clifton Reynes (Buckinghamshire). Elle semble
K(»r,MATi()\ HT iii;vi:i.oi'im;.\ii:.\t de la sculpture (iotiiioue '20'.i
toutefois postérieure à la date de mort de ce seigneur, qui est l^tJT. Le
travail est moins lin, et très simple, les longs plis plats ont un >lvle parti-
culier. A Londres, une effigie de chevalier tenant Técu et tiraul lépr-e se
voit à Saint-Sauveur, Suulliwarlv; c'est une répliipie des lomhes de pierre
du l'empie.
Parmi les enigies d'ecclésiastiques, la plus iielle. et l'une des plus
belles statues tombales d'An-
gleterre, est, dans le transept
de la cathédrale de Canter-
bury, celle de l'archevêque
Peckham mort en P2!l'2.
En Angleterre, comme
en France, les effigies de
bois ont été souvent desti-
nées à être habillées de
lames de mêlai. Fk;. k;:. - EHigl..- funi-iaiio de. Guillnm.ie (le Volcnce
à \Vcsliiiiiisl,.|-,
A\\ estminster,en l'iTI ,
la statue tombale en l)ois de la jeune pi-incesse Callierine l'ut revêtue de
lames d'argent, et, en 120(1, celle de Guillaume de \'alence, qui subsiste
dans la même église, est une o'uvre de bois revêtue de lames de bronze
dor(''. embouties: mais celle tombe lig. 107 l'st de travail tVançais, non
anglais. Le style en esl bien nc[. il appartient aux ateliers de Limoges; le
grand écu éniaillc' (pii
subsiste, les plaquettes
démail armoriées ipii par-
semaient la cotte d'armes
du chevalier ne peuvent
laisser aucun doute sui'
cette provenance. Enlin,
les (( toml)iers » anglais
pratiquèrent aussi l'art de
la fonte, et l'on peut citer
à cette époque des sta-
tues funéraires en bronze
coulé.
Les statues loiubales
anglai.sesoni un slyle loul dilT'éieni de celui du continent et, en général.
beaucoup plus dramatique; ce n'est pas la paix de la couche mortuaire:
beaucoup de chevaliers sont représentés tirant i'épée du fourreau; cer-
tains sont sans écu; par contre, on voit une noble dame, à Abergavenny,
•sous le bouclier armorié; à WeslmiM>ler, tleiix conjoints se ticnneni par
la main (dis|i()silion dont on peut citei- un exemple à Limoges); enlin. un
au iiR-len.lu ,|e Ii,,|,ei l, ,|,„; de Nor
Ù (JlDdCosttT.
HISTOIRE DK I.AIîT
noljlcs soiil l'cpréseiilrs !(•>, j.iiiiljcs croisées
;i reçu dans l;\ créance populaire une l'aussc
iiraiiil noiiiljiT iriioiiinK
(fig. IC.Si. Celle allihnl.
inter'prctation : ell(" passe pour le privilège de ceux qui lurent à la croi-
sade; rien n'autorise cette jiizarre explication; on sait, au contraire, que
le croisement des jambes est une altilude seigneuriale. Les j)ersonnages
investis de laulorité, les juges en particulier, croisent les jambes dans
1 iconographie du luoven âge, cl. au x\n' siècle encore, nos driUlrs
i-econnnarid(.'nt aux enl'anlsel aux inIV'ricurs de ne pas avoir liniperlinence
de iircndre cetic attitiule, réser-
vée aux personnes de (uialili''.
Statuaire monumentale. —
La façade de la cathédrale de
Wells, qui oITre le plus bel en-
semble de statuaire de la
(Irande-lii'etagne, a été cons-
truite de 1220 à LJi'2. Llle est
occupée, du soubassement au
jiignon, ]tar des combinaisons
d'arcalurcs encadrant des sia-
lues. dette décoration fait ré-
joui' sur les faces latérales des
cloelieis. L'est un magnifique
exenq)lairc de statuaire monu-
mentale, et très peu d'autres
monumenis au monde ont une
imagerie comparable.
s (Paient occupées pai' un Lbrist
FiG. V'iO. — Noé oonstruisant TaiThe.
Façaile de la oatlirclrale tic Wells.
Au somme! de la facadi
Inus niclu^
en majesté, et, probablement, la N'iergeet saint Jean; au-dessous se déroule
une gab^rie des Apôtres, puis neuf anges représentent les diverses catégo-
ries de la hiérarchie céleste. Au-dessous, une suite d'ai'caturcs coupées
par les pignons des portails est occupée par des scènes de la Résurrec-
tion des morts. C'est donc. eomuK^ à la cathédrale de Ferrare, une trans-
position de ce thème du Jugement dernier qui, en France, se groupe et se
résume dans le tympan et les voussures du grand portail. Le tympan de
celui de Wells ne contient (ju'une ligure de la \'ierge encensée par deux
anges; au-dessus du fronton qui l'encadre, un panneau est occupé par le
couronnement de Notre Dame. Au-dessus sont les statues de Salomon
et de la reine de Saba. A droite et à gauche de ces statues et au-dessus
d'elles, ainsi qu'aux deux côtés du portail, se développent les (''pisodes de
la Résuriection des Morts.
C'est un caractère spécial de l'ait anglais d'avoir donné une grande
ItilîMATlOX ET DKVEI.OPPliMKNT DE LA SCULPTURE GOTIlinUE '.'II
richesse aux écoineons isjxnidrils) ([ui surmonlenl les ai-calurcs, alors que
souvent les chapiteaux (l(> leurs supports sont sans sculpture. Ainsi la
petite église de Slone, près I.ondres,les cathédrales de \\'inchestcr et tic
Wells ont de très l'ichcs ccoinçons de rcuillages, lièfles normands nièh's de
quelques animaux fantastiques. Parfois, des écoincons sont ornés de
personnages, le plus souvent d'anges aux ailes déployées, comme au tran-
sept construit par Tévèque Hugues d'Avalon à Lincoln ivers l'iOO) et à
celui de Winchester (arcalures des premières années du xiii" siècle.
11g. 170): mais les plus heaux exemples sont aux exlréniilés du lransc]it
de Westminster, vers l'2i(), et dans le célèbre clitcur des Anrji'sde Lincoln,
élevé de L_'."i7 à L2S().
Les anges des écoincons du transept di_' Westminsler >nnl les plus
grands et les plus beaux; ils
datent de l^oO à. L2(10; dans le
croisillon nord qui est le plus
ancien, il en subsiste deux sur
quatre. Ce sont désœuvrés d'un
dessin très pur, très noble et très
calme, d'une grâce pensive. Dans
le croisillon sud, les ligures cen-
trales sul)sistent et les juigcs stuit
au nombre de quatre, moins
correctement dessinés et moins
calmes d'attitudes.
A Lincoln, dans le cho'ui'
des Anges, tous les triangles
entre les arcades du triforium
sont historiés: la jilupart orn(''s d'anges aux ailes éployées tenant des
attributs: qmdqucs autres de divers sujets : on y remarque l'.Xdoration
lies Mag(^s, au côté sud. ipii est le meilleur. C.es figures ont la miè-
vrerie et l'afféterie des œuvres de la lin du xui" siècle; elles n'en sont
pas moins très jolies, mais après avoir \ u les statues du portail sud, ou
hésite à les déclarer belles. Dans les écoini^ons bcaucou}) plus petits des
ai'catures du bas des nuirs, on a souvent aussi sculpté des anges, tels
que ceux du croisillon nord de W inchesler. aux ailes épannidées, ceux
du croisillon nord de Lincoln. ligures en haut relief aux ailes ébou-
riffées, aux draperies agitées, à l'allure étrange.
La chapelle de la \'ierge de Bristol possède une intéressante série
d'écoinçons ornés; mais la plus riche est celle du chœur et des deux tran-
septs delà cathédrale de W'orcestcr. Là sont |iarsruiés dans un capricieux
désoi'dre les sujets les plus diveis, (jrneuienls, \(-gétaux. monstres, his-
toires de saiids et scènes du Jugement dernier. On remarque surtout
212
HISTOIRE DE LART
Fio. 171. — Cliapiteanx île la
ihuis le rroisillon noid du Iransepl occidenlal saint Micliel IcirassanI le
diable, la Résurrection des Morts, saint Michel peseur d'âmes, et dans le
bas coté sud du chœur une curieuse scène de damnation, qui devrait
faire suite aux sujets précédents. C'est l'une des répliques les plus (''ner-
giques et les plus audacieuses de ce thème, si fréquent, du damné tour-
menté par les diables, et son
expression caricaturale ne peut
être dépassée. Le reste de ces
sculptures, malheureusement
trop mutilées et trop restaurées,
est peu expressif, archaïque et
maigre. Dans la salle capitu-
laire en rotonde de Salisbury,
une série décoinçons du même
genre présente un style ana-
logue, mais les sujets sont en
ordre parfait. C'est l'illustra-
tion de la Bible depuis Adam jusqu'à Moïse.
Les chapiteaux (lig. ITLict les sommiers du xiii" siècle contiennent
un grand nombre de figurines qui comptent parmi les meilleures de la
sculpture anglaise. Beaucoup de retombées d'archivoltes, beaucoup de
consoles soutenant les supports en encorbellement sont ornées de
tètes, quelques-unes d'un beau caractère, spécialement dans les cathé-
drales de \\'ells et de Salisbury et au prieuré de Boxgrove près Win-
chester.
Des tètes plus récentes et d'une grande beauté se voient dans les
mêmes églises et aux salles ca-
pitulaires de Weslminsler et de
Salisbury, dans le transept
oriental de Durhani et à Lin-
coln.
Les chapiteaux à figures
sont surtout nombreux à la
cathédrale de Wells; ils con-
tiennent des caricatures à
grosses tètes (fig. [12] émer-
geant parmi les bouquets de
feuillages. Ces figures sont rudes et souvent incorrectes, mais font bien
dans l'ensemble et sont d'une fantaisie parfois amusante. Un en voit
quelques autres à Lincoln.
Les portails de Lichfield, du chapitre de Westminster, et de Lincoln
(portail sud-est, tig. 17.3) ont des voussures de rinceaux de feuillages parmi
-Colhr.lralc .le Wills
I cliapilcau (lu clw
FOIîMATION' ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE (.(irilKtl |; 21".
lesquels des places sont ménagées pour des figurines. Celle eoudiinai>on
d'ornement végétal et de figures est spéciale à l'Angielcrrc. La \oussurc
LiG. 17j. — D.'l.iil du |..iil,iil .lu cli.nir dos Aiiiros à l;i c:itliOdi;di' de Liiunlii
(II' \\r>|ininslci- e>l la plus lidlr ;mi pniul de \u<- du >l\lc des lii^urr>: à
Lincoln, le reliel' esl plus accruiu('. li'-. riucraux sou! d'une puissance cl
d'une beauté remarqualilcs ; les liguriuo des \'crtus oïd des tètes assez
214 HISTOIRK DK LAHT
vulgaires, <lcs iilliludos et des draperies maniérées qui annonceul l'arl du
xiv" sièelc.
Au poi'lail de la salle capilulaire de Salisbin-y, les liguiines des Ver-
tus et des \ iees sonl logé'es sous des dais, comme en Fi-ance : elles sont
antérieures et d'un meilleur style, qui rappelle beaucoup la façon dont les
mêmes sujets sont traites aux porclics latéraux de Chartres.
Le portail de l'église abbatiale de C.rowland est oi'uc d'un quatre-
fcuillc oi!i étaient sculptées cinq petites scènes de la vie de saint Guthlac,
œuvre assez lourde, autant (pi'on peut juger aujourd'hui ces bas-reliefs
très frustes.
III
LA SCULPTURE CHRÉTIENNE EN ESPAGNE
DES ORIGINES AU XIV SIÈCLE'
L'étude de la scul|)ture espagnole du moyen âge rencontre des diffi-
cultés exceptionnelles, non seulement à cause de la pénurie de documents
authentiques et d'études critiques, mais encore à cause du caractère ar-
chaïsant de beaucoup de monuments. Avant d'aI)order la p(''iiode féconde
et brillante pendant la([uelle l'art espagnol, en imitaid l'art franç;ais, a
j)roduit des o-uvres qui égaieul leurs modèles et parl'(»is les dépassent, il
est nécessaire d'établir le bilan des traditions anciennes, en remontant
jusqu'aux périodes plus obscures dont l'histoire sommaire n'a pu encore
trouver place tlans cet ouvrage.
Li:s ORIGINES. , — Les premiers monuments de la sculpture chré-
tienne avaient été, en Espagne comme en Italie et en Gaule, des sarco-
phages.
Pour le style des reliefs, comme [lour l'iconographie, la plupart des
sarco|)hages chréliens d'Espagne ne diffèrent en rien des sarcophages de
Home et de ceux d'Arles: beaucouj) d'entre eux en provenaii'ut prol)able-
ment. D'autres, dont la série esl re)ir('sentée aujourd'hui pai' un exem-
plaire unique, venaieid sans doute de plus loin. Le sarcophage reirouxé à
Ecija dans la province de Séville, par le choix des sujets et la dispnsilinn
des reliefs, rapjielle les sarcophages de Ravenne.
Les \Msigolhs, maîtres de l'Espagne entière avani la lin du m' siècle,
1. I';if M. Emile P.cilaiix.
|'(ii;m\ti(»n 1.1 iii;\"i;i.(i|'I'i:mi;nt de la sculptihe cotiiioue -iC)
y liii'iil rri;iii'i- une civilisation nussi savante, sinon aussi In-illantc (|iic
Taxait ('■11'' au conuileliceniciil du nuMUr sircli; la ri\ilisal ion ilcs()sli-o-
ii'otii.-^ (I Italie. Aucune des grandes (''tilises t'ondée's au \ i' et au xiT siècle
ne s'est conservée dans sou étal piiiuitir. Avec le ln''S(M' de < iiiarrazar.
dont VAniirria Ik'cil de Madrid possède la moindre partie, les seuls monu-
ments de la puissance wisigotliique en Espagne sont des fragments de
marbre sculpté.
A la fin du v'' siècle, l'emiiiie harbare (pii s'avançait de l'Aipiitaine
jusqu'aux Colonnes d'IIei-cule avait eu pour cajulale Toulouse. Deux
siècles plus tard, les villes de cet empire où se concentiait l'actixilé des
souverains et des plus riches évêques furent Mérida, Tolède, C.ordouc. Il
est encore difficile d'étudier les fragments vvisigotliiques retrouvés dans
ces trois centres, soit sur les planches sans légendes éparses dans la
collection inachevée des Moinunculos (niiui/rrloiiicos, soit sur les champs
de ruines et dans les étroites salles des iriusées archéologiques où les
marbres gisent en désordre.
Parmi ces mai-lires on distingue des stylobales, des ]iilastres, des
phupies de lidjisi'iniii, des di'\auts d'autel. La figure humaine a eonqilèle-
ment disparu. Les motifs qui se répètent de ville en ville sont des feuil-
lages très secs, des rinceaux de pampres et des palmclles ou d(^s figures
géométriques : croix grec(jues, clirisines accompagnés de l'A et de l't),
étoiles à six rais, grandes rosaces et suites d'arcalures. Clcs uuilifs, dont
plusieurs se reirouvent sur les couionnes de Guarrazar, sont ceux qui
composent la décoration sculptée des plus anciennes églises de Syrie.
Tout d'abord les conquérants arabes se contentèrent de prendre aux
chrétiens les édifices nécessaires au culte, ou même de les partager avec
eux. Peut-être des marbriers chrétiens ont-ils sculpté au viu' siècle, pour
quelque mosquée, des plaques telles que celles de Mérida, sur lesi|uelles
les anciens motifs gréco-syriens de l'époque wisigothique se compliquent
d'une suite d'arcs brisés et entrecroisés ou s'accompagnent de caractères
coufi([ues. Dans la période brillante qui commence avec le règne du
khalife Abd-er-Rahman, les souverains de rAndalousie font venir leurs
artistes d'un Orient plus lointain et plus splendide que celui dont les rois
wisigoths avaient connu le refict. Cep(>ndant quel(|ues traditions de l'art
vvisigolbi([ue survécurent obstinément, avec le vieux rit mm romain, dans
les chrétientés mozarabes (pii eontiniiaieid à ei'li'-bi'er leur cidle sous la
domination musuhnane.
La |ielile ville de Lcbrija, à 'M) kilomètres de Jerez, conserve une
(■glise. Sauta Maria, dont la plus gi-aude partie est antérieure ;i la jvcoh-
ijiiistii (le |:i \illc par >aint Ferdinand 'i'Jiili. Les formes de rai'chileclure
sDut eellcs des l'ililiees l'omaiis l'IeN l'-s dans les l'ovauuu's chrétiens
d l']spagne ; mais les ehapileaux liislorii-^ ripioduix'ul eircore les motifs
216 IIISTOinK DK LART
végétaux ou ^(''OUiélriqui's (jui (l('C()i-;iicnl les j)I;h|uos de uiarliri^ sculptées
en Andalousie peu d'années avant ou après linvasion musulmane.
Les chrétiens refoulés vers le nord emportaient avec eux dans les
Pyrénées asturiennes le (',(h1i' de Réccswinihe, les écrits d'iNidori' de
Sévillc et le système de décoration géométrique adopté dans l'ancien
royaume wisigotli. Après les premiei's succès remportés sur les musul-
mans et la fondation d'un nou\ eau royaume, qui eut Oviedo pour capi-
tale, les églises se multiplièrent sui' le territoire reconquis. Plusieurs des
églises fondées par les souverains du petit royaume sont encore debout.
Elles ont été présentées par les plus prudents des archéologues espagnols
comme des monuments restés à peu pi-ès intacts depuis le ix'" et le
x' siècle. D'a}H-ès cette thèse, les districts montagneux du nord-ouest de
l'Espagne conserveraient une série d'édifices de l'époque carolingienne
bien plus complète que celles qui subsistent dans les autres pays
d'Europe. Mais une thèse opposée a été soutenue récemment : si l'on en
croit M. Marignan, les Asturies et l'Espagne entière ne posséderaient pas
une seule construction antérieure au xn'' siècle. La vérité doit être cher-
chée entre ces deux thèses.
Les plus connus des monuments siu' lesquels doit porter la discussion
sont deux églises bâties au flanc d'une montagne, près d'Ovicdo :
San Miguel de Lino et Sanla Maria de Naranco'. Elles ont été, d'après
les chroniqueurs, fondées l'une et l'autre au milieu du ix" siècle. Une
objection a été soulevée par le critique qui a révoqué en doute l'ancien-
neté attribuée à ces deux édilices : tous deux sont voûtés. Mais des docu-
ments — qui remontent les uns au xf siècle, les autres au x' — attestent
formellement que dès l'origine les deux églises de Lino et de Naranco
ont été l'une et l'autre construites avec des voûtes, — cnic fornicea, —
rien qu'en chaux et en pierre, plarihiis cenlris forniceis concamerala, sohi
calce cl Uipidihus coiislnicla. Le palais du roi Ramire, élevé à côté de Sanla
Maria de Naranco, était, lui aussi, bâti <( sans bois », — palulinin sine
Ihjno niiro opcrc iiifcriits superiusijiic ciiiiinhiluin. Ces constructions sont
citées par les chroniqueurs eux-mêmes comme des nouveautés dignes
d'admiration; elles confirment l'opinion, de plus en plus accréditée, qui
fait remonter les essais d'une nouvelle architecture voûtée à l'époque
carolingienne. Si l'on en juge par les détails de la construction, — arcs
doublcaux, contreforts, — les voûtes de Santa Maria de Naranco ont été
tout au moins restaurées et renforcées au xii" siècle. Celles de San Miguel
de Lino n'offrent pas de signes manifestes d'une reprise.
Ces observations étaient des préliminaires indispensables;» l'étude des
sculptures qui font corps avec les deux églises voisines d'Oviedo. Les
1. Cf. lonie I. 'i' p;irlii\ p. 5rVJ-JtiO, lig. 'JUi-'J',);,.
KORMATION ET 1)K\"I:L()1>PI:M KNT DE LA SCULPTIRE GOTIIKjrE 21'
t
J..
\\
reliefs qui décorent les montanls du [lorlail de San Miguel de Lino, <"t c[ui
se font face des deux côtés de lenlrée, ne reproduisent plus les simples
motifs géométriques des Iraiiscini.-r. Des figurines humaines qui ont donne'-
lieu aux interprétations les jdus fanlaisisles paraissent dans deux groupes
dont chacun est répété par trois lois,
d un montant à l'autre. En réalité, le
sculpteur a simplement copié, comme
un motif de décoration à multiplier
autant de fois qu'il était nécessaire
pour couvrir le champ de marbre, les
deux feuillets d'un diptyque consu-
laire d'ivoire : le consul, assis dans sa
loge du cirque, la main prête à donner
le signal des jeux en lançant la mappa:
à sa droite et à sa gauche deux gardes,
ou peut-être les personnifications de
Rome et de Constantinople ; sur
l'autre feuillet l'arène, avec les grilles
des cages et les périlleux exploits des
belluaires et des acrobates. Le modèle
était du vi' siècle ou du wi". La copie
peut-elle être du ix"? Lu ouvrage
aussi enfantin est presque impossible
à dater. Il est. en tout cas, un essai
aventureux du marbrier qui a gra\é
sur les archivoltes de l'iconostase
élevé en travers du chœur de l'églisi'
une suite de méandres circulaire^
et de rosaces étoilées ou rayonnani
en « soleil » de feu d'artifice, qui
sont des motifs communs dans h-
fragments wisigothiques. Le mulil
des cercles est développé dans les
rcmplages ajourés des fenêtres, de
manière à composer des entrelacs où
\c vieux motif syrien rivalise de fan-
taisie légère avec les combinaisons géométriqiu's de lail musulman.
Une sorte de lien continu est établi entre toutes ces sculptures par des
frises formées d'une corde double, qui suit la courbe des archivoltes,
serpente jusque sur les chapiteaux et se ré(hiit à la grosseui' d'une corde-
lelte pour encadrer les |ielils panneaux à ligurines. ('.est un (i(''\eloppe-
lUi'ui hyperlrophiqnr t\r Iriilirlais nalli'. UKilil'plus bailiair <pi'orien-
rUot. LaurLMit-l,a
FiG. 174. — Les jeux du cirque.
Pias-reliels sur les montants du portail
de San Miauel de Lino, piès d'Oviodu
(ix- siècle?).
-î\» HISTOIRE DE LART
lai, qui va devenir caractéristique dans les monumcnis des Aslurios.
Dans l'église de Santa Maria de Naranco, ces « cordes » doubles
arrivent ;\ couvrir de leurs stries les faisceaux de quatre colonnettes qui
supportent les arcliivoltcs de l'iconostase et les arcades avcuiiles qui se
développent des deux côtés de la nef unique. Mais des motifs tout nou-
veaux concourent à la richesse de la décoration sculptée. Ce sont de
grands disques de pierre, encastrés, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de
l'église, entre les archivoltes. Au centre de chacun de ces discpies est
représenté un animal ou un groiii)e de deux oiseaux affrontés. L'exécu-
tion est aussi grossière que celle des reliefs du portail de San Miguel. Le
modèle est également oriental. Mais, au lieu de copier un ivoire, le scul-
pteur barl)are s'est manifestement inspiré de disques décoratifs pareils à
ceux qui se trouvent encastrés et dis|)osés de même sur les l'açadcs des
plus anciens palais de Venise hàtis du ix*" au xi'' siècle à l'instar des
palais byzantins. Peut-être des disques semblables ornaient-ils le palais
élevé à côté de r(''glise par le roi liamire.
Chacun des discpu's de Santa Maiia (i(^ Naranco esl railaché à la
corniche couranle par rinlerm(''diaire d'une bande de pierre scidiib''e,
qui alioulil à la i'eloml>(''e dim arc-douiili'au et send)le le jirolonger sur
le U1IU-. La décoralioii n'e>l plus composc'e d'animaux fantastiques,
mais de figurines représentant des iiommes deboul el des cavaliers (|ui
semblent- courir. Ces figurines ressemblent à celles (pii décorenl ib^s
bi'iques (>stampées ou de petits reliefs de pierre (|ui oui vlv allrii)U(''s en
F'rance à répoc[ue carolingienne'.
L'ensemble de reliefs foi-mé, dans l'église tle Xaranco. pai- les cha-
piteaux, les disques el les bandes remonte certainement à une djije fort
ancienuf^ : cet ensemble se trouve exactement copié dans une pelile
église |ierdue au milieu des montagnes, au sud d'(>viedo, Yfriiiilu de
Sanla ( '.rislina de Lena.
Les (''Iranges mdnuuienls (|ui i'epi-(''senleiil lai-l (r()\ie(l(). la ca|iilale
du jeiuKM'oyaume, formeni un groupe isdh''. Les ii'adilidiis tpii snr\iv(Md
autour d'eux soni celles de l'arl \visig(illii(pie. ('.el arl dess(''clM'' pPdlonge
dans les \;dlinis de la Calice cl jus(pie dans les \illes du lill oral canta-
bri(pic nue iiijcrnunable \icillesse. .\(ind_ii-e de UKinuinenls u\\ de frag-
uH'uls du xii' (M du xni'' siècle son! d(''i-(_)r(''s, non seulement comuie au ix''
ou au \' siècle, mais conimeau \\i' ou an nui'. Les exemples ne nKunpu'nt
jias : il sulTii-a d'eu cilcr un scid. L'(''glise de Sanla Ci'islina de Lena a
conser\('' à sa place piiuiilix (■ une phnpie de cicMure de clucur, décorée
de rosaces, de <-i(ii\ cl (le pampres. Sur la bordure de cette plaque une
inscriiilinii. dniil lc> lcllre>, xiiil réservées en i-clief. nomme un abbé
ll.Hl,
l(ir,MATl(1X HT 1)I-:\1:L0PPKMENT de 1,A SCULPTUnK (lOTlIIOUE -il'.t
Fl.nini'-. ilnilliMirs inroiimi. ( .c-, senlpl hits ~
,| rllrs ,|.-S cliapil.MllX i\r Ir-ll-r ri ,1,-.
iii.Mix. M.iis coiiimenl iI;iIit n-Wi- ii-tiiisniin, .
1,1 iTypIr (le l;i .Mlln-.JiMlr ,!,■ S:iiil,iiii|i|- m
|H'(I |)lu-i ;iiTli;rM|iic
a -illii II.-- .r.iiii-
>\\ .1 n'iii-(iiil II' ihiii>
ll\i'rclc lie >,-||-(
'"■-'I"
docoré dt" molil's géonuMiicjiios l'iicorc plus éiémcnlaircs. ri dnlc par une
inscription, également i-éservéc en relief, qui mentionne un personnage
mort en l'an l'240'?
Cependant un essor nouveau de l'itrl, ([ui se manil'esie clairemenl
dans la sculpture, accompagne les progrès de la puissance chrétienne.
Une petite église d'apparence tort ancienne. San Pedro de la Nave, qui
s'élève au bord
de l'Esla. non
loindeZamora,
a conservé ses
clia[)iieaux en
forme de tra-
pèze, qui sont
couverts d e
s I- Il 1 p l u re s .
ainsi ipu^ leurs
laillnirs. Le re-
lier es! aussi
|iau\ rc (jui' >ur
le> disipies tie
Saiila Maria de
Naraiico. el le
- ('.uv(; li:iiilisni:ili' de San I~idn
Diiiucs I.- iiiMiihii-'c .In .MiiM-r ,11-1 lié..l"i;i.i
Ir L.'OII IM
de M.iJri.l.
gauche. .Mais au réiieiloire di's motifs géométriques, aux arcatures en
fer à cheval, aux silhouettes d'animaux alTrontés s'ajoutent des ligurines
humaines qui ne sont plus des êtres sans rôle et sans nom. (les fantoches
re|)résentenl des personnages de l'histoire sacrée : Daniel dans la fosse
aux lions (nhi Daniel iiiissus est iii lacuiii Ifuituin), .\braham prèl à immoler
lsaa(;("/" Ahrddiii nhlulit Isiu- /ili/mi siniiii iihicmistiiin l>(iiiiiii<i\.
L'inlluence de la capilale déchue se manifesta encore faililemeni
dans les capitales des nom eaux royaumes de Léon et de Caslille. .\ Léon,
la cuve baptismale conservée sous les voûtes romanes de San Isidro est
probablement le seul reste de l'église où le roi Ferdinand apporta en 10(i."
Ii'> ii'liques du saint docteur de Si'-v ille. (■('■dées par un (''Uiir vaincu. Sur
lune des faces du culie aux (''paisses parois, deux lions sont all'ronlés,
comme ceux qui décorent les élofl'es moresques; sur une autre, trois ligu-
rines humaines sont debout à côté d'une sorte de palmier; cntin sur deux
des faces reparaît par deux fois, avec de légères variantes, une même suite
220 HISTOIRE DE L'ART
(le iHTsonuages. Il r;itil un cll'nil (l'iiiKii;iii;ilion pour dislintj;uoi-, dans celle
procession monoU)iiç, la \ icrge assise sur un Irùne rusliquc, saint
Joseph debout derrière elle, et deux scènes de baplcme. Le sculpteur de
Léon se répète sans plus de scrupule que celui du portail de San Miguel
de Lino. Il se montre aussi impuissant que le sculpteur d'Oviedo à carac-
tériser un t\ |ie ou un costume. Lune des scènes de baptême est censée
figurer le baptême du Christ : le seul indice qui permette de reconnaître
les personnages est la présence de la Colombe divine, posée sur la tète
miMne de .Iean-I>aplisle.
Il existe un sarcoj)liage d(''cor('' de reliefs qui a dû être sculpté vers le
lué^me temps que la cuve de Léon et qui est l'imitation manifeste de
quelque sarcophage chrétien analogue à celui d'Ecija; ce sarcophage,
trouvé à Bi-iviesca, est conservé au musée provincial de Burgos. Des figu-
rines humaines, vérilables hiéroglyphes sculptés en bas-relief, se suivent
sans ordre apparent, jicle-mêlc avec un scrjicnt qui paraît être celui de la
Genèse, une c'elielle (|ui jK'ul ("'Ire celle (le .Ia<()li, un clirisnie wisigothique,
emblènie d une inierNcntion di\ine, et des arbres à feuilles de figuier
contournés connue ceux <|ui sont lirodés sur la « tapisserie » de Bayeux.
Les chapiteaux de San Pedro de la Nave, la cuve de Léon, le sarco-
phage de Briviesca foi'ment un groupe qui mérite l'attention de l'historien.
Certes ces reliefs sont aussi informes et aussi inintelligibles que les plus
grossières ci les plus mystérieuses des statuettes exhumées au Cerro
de los Santos. Mais ils ne doivent presque rien à l'art musulman, absolu-
ment rien à l'art du Nord : ils sont, dans le siècle du Cid, les premiers
rudiments d'un ai'i " espaiiiiol ". ('.et arl enfaidin eoiilenait peul-(''li'e des
germes de vitalité; mais le (lé\eloppement de la iinuNclle ci\ilisation
chrétienne qui grandissail eidrc les Pyrénées el le pays des inddèles
avait i''l('' trop lent. Pendant ipie les c(in([nètes de I''erdinand le (iiaiid
et d Mplnjuse \ 1 préparaient un ^aste cluunp à Tessoi' national, les rési-
dences royales, les \illes éjiiscojiales, les monastères les plus reculés
s'ouvraient à une civilisation étrangère, qui étouffa sous des semences
précoces et fécondes les germes à peine sortis de la terre d'Espagne.
La sculpture romane.
(' A parlii- (lu i( t;ne d'-Mpluinse W, (■■cri! Dozy, l'Lspagiie fut
lilt(''ralement inonds-e de t'raïK^ais. Telle \ille fut ]ieupl(''e enti('Te-
luent de Français, lelle autre cul luie rue avec un (piarlier (pii |Mir-
l.iil leur nom. L Eglise (le\inl eidi(''reiuenl IVan(;aise Les h'rau-
çais renqilissent i-[ l'éformeiit les couvenls et, désormais, l(;s hantes
dignités, les riches bénétices sont pour eux. Tolède à peine conquise,
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTHIQUE 221
cesl un Français, Bernard, qui y do\ icnt archevêque, c'est-à-ilirc primat
d'Espagne. » Bernard était un moine de f'.luny. Grâce à lui cl à mmi
protecteur, Alphonse VI, l'Espagne devint en peu d'années la proxinci'
la plus florissante de Tordre clunisien hors de France. L'ordre y atteint
son apogée au milieu du xu"' siècle, lorsque Pierre le \'énérahle entre-
prend une tournée d'inspection dans les monastères d'Espagne. Cepen-
dant, à celle dale, la prépondérance de Cluny commence à être combattue
par celle de Cîleaux. Les Cisterciens, introduits en Navarre dès MOI par
le roi Garcia Ramirez, sont admis et favorisés en Catalogne par le comte
Berenguer IV, en Aragon par le roi Pedro Atarès, en Castille par
Alphonse VII « l'Em-
pereur ». Les deux
ordres français ont
largement concouru au
développement de 1 art
religieux en Espagne,
mais les intluences
(piils exercèrent ne
pouvaient être concor-
dantes. La mission de
l'ordre cistercien dans
le domaine des arts
était limitée d'avance
par la règle dont saint
Bernard avait dicté les
préceptes austères.
Favorable à la solidité
et à la pure beauté de
la construction, hostile
à la sculpture, comme
à tnule décoration, cette règle fut stiùclemenl suivie dans les fon^lalions
([ue l'ordre multiplia en Catalogne, en Navarre, en Aragon et jusqu'en
Castille. De ces immenses maisons de prières il reste des ensembh^s
d'édifices et de ruines qui comptent parmi les œuvres les plus impo-
santes du moyen âge chrétien. Dans l'intérieur de leur enceinte de ville
forte aucune décoration à silhouette vivante n'anime la nudité des pierres.
Les chapiteaux dont les moines français ont donne les modèles ont
des corbeilles lisses, connue ceux de la grande église de Poblet, ou
entourées simplement de larges feuilles d'eau, comme les chapileaux des
salles capitulaires de la Uliva, en Navarre, et de ^'eruela, en Aragon.
Le décor végétal n'est détaillé avec soin que dans un nmnumi'nt cisler-
ricn du xiii" siècle, le pclil rloilrv des dames nobles de Las lluelgas.
FiG. 176. — Chapiteaux de 107Ô-107U.
Cliiilro do Sanlo Domingo de Silos (Caslill
Hisroir.i': de i.Airr
prrs ilr Ihiriios, oi'i l,-i sini|ilicil('' des motifs i'('|ir()(luils sur les cIl-iimIimiix
rsl riiricliic |i;ir l,-i i li'l ic,-| I rssi' lie l;i ciM'Ilin'. Si lirs iMi\rirr^ lnr;Ml\ inlrr-
\ n-niiriil . |.;u' r\rlii|i|i' il.iiis hi i i('Ti ir:il iiil] ilc> i-|(iill'r> ri ilc> I i.'i I i liicii I ■-
(■cin\ l'iil iicis (11- l'dlili'l . ils n'|irlciil . ciiniiipi' s'ils iiil rr|in''hiiciil ihiiis Inir
ilinicck' 11.' iiKil d'orclic doiiiK-. les aïolifs les jilil.-> >iiiij)lrs cl les |>lii>
archaïques, ceux qui étaient déjà traditionnels dans les ateliers wisigollis.
Au commencement du xiii' siècle, ils tressent auloiir des cliapiteaux et
des consoles qui porleni des arcs en tiers-poini loule une vannerie d'en-
trelacs.
Dans le (l(''veloppement de la sculpturi' romane d'Espagne, le rôle de
(_lît(>aux devait être né-
gatif ; celui de Cluny
pou\ait être actif. (Juellc
a été son étendue et son
caractère? Parmi les in-
lluences éil'angères qui
oïd cniicouru à la forma-
tion de la sculpture ro-
mane d'I'^spagne. une ac-
linn |ir('qnuid(''raiile doit-
elle être attribuée à l'art
clunisien , c'est-à-dire à
une école d(^ sculpture
liourguignonne ? Une ré-
ponse à ces (piestionssera
préparée par l'i-lude des
monuments. Toute la moi-
tié septentrionale de l'Espagne a conservé des eiiseuddes eoiisidéraldes
ou des restes importants de sculpture rnmane. C'est, dans l'art du moyen
âge, un trésor ipie l'arcdu-ologie scmide avoir dédaigné.
Pour la |>lupai-| des monumenis. un essai de classement par écoles
pi'oN inciales serait pi-(Mual ur(''. Le plus sim|ili' aciuellemejil parai! être de
grouper les séries de sculptures (pii ont les mêmes formes spéciliques,
imposées par un rôle analogue dans un cdrps darcliilecture. (Icrlaines
des séri(_'s ainsi l'orm(''es soni d ailleurs si nond:)reuses et si l'enuwipialiles
que leur seule élude promet des conclusions étendues.
FiG. 177. — Clin|.il(\iii\ (le hi llii ilu xi' ^U'vU\
Clnilit' (11- Sniilc) LlniiiLiii;n do Silos (Caslille).
Les CLOITRES A cu.M'iTEAix nisTor,ii';s. — Les provinces septentrio-
nales de l'b^spagnc possèdeni jilus de cloîtres romans cpie la Erance
elle-même. En laissant de côté les cloîtres cisterciens et les imitations
de ces cloîtres qui se sont multipliées en Catalogne, on compte, pour la
période aniérieuri' au xiv" siècle, une vingtaine de cloîtres à chapiteaux
FORMATION HT OKVEI.OPPEMKNT OK I. A SCI [.PTURI-: (lOTMlOUE
liisloriés, depuis Barcelone jusqu'à Oviedo et depuis Salamauque jusqu'à
Tarragone. Les uns sont attenants à des églises de monastères, les autres
à des cathédrales. Leur nombre ne s'explique pas seulement par le déve-
loppement de la vie monastique et par l'influence qu'elle a exercée sur les
habitudes des chanoines réguliers. Plusieurs de ces promenoirs étaient
certainement dès l'origine ouverts aux fidèles par des portes nudtipies.
Ils avaient, à côté de l'église, le même rôle que les portiques élevés devant
les mosquées. Aujourd'hui encore, quelques-uns des plus vieux cloîtres
d'Espagne entourent de leurs colonnades des jardins aussi luxui-ianis et
aussi embaumés que les bos-
quets d'orangers enclos dans
la célèbre cour de l'ancienne
mosquée de (lordoue, le l'allo
(h' los Nannijus.
Le i)lus ancien de ces
cloîtres dont une partie tout
au moins soit exactemeni
datée est celui du monastère
di^ Sanlo Domingo de Silos,
bàii à égale distance de lîur-
gos et d'(>sma, au fond li'un
\allon. enlie les contrei'oits
dune âpre sirrra. Le cloitif.
dont les cent trente-huit co-
lonnes portent autant de cha-
piteaux historiés, fut com-
mencé , vers le milieu du
xi' siècle, par l'aljbé Domi-
nique, dont 11' nom est encore v(''nér('' <lans l'abliaye. L"un des groupes de
chapilraiix. dniil le-, colonnes s'adossent à un jiilier (''leN i'' au milieu de la
face non! du eloil re, porte sur son lailloii' une inseriplion ipii es! I l'^pi-
laplie (lu Miiul ablié. mort en 107.". Celle iusefi|)t ion a élé giMvée au
leiiip> (III le l(iUllie;iii \(''ii('Té se Irdlivail placi'^ dans le |ii-oiuenoir du
cloitr<', en face du pilier :
lldc I II iiihii Ifijiliii- ilirii (jui luri' hi'd/iir
Or. h^s (■lir(iiii(|ueiir> (■(uileiiipuraiiis de >aiiil Doniiuiipie de Silos
altesteni (|iie le Nuiilieau fut enlesé du eloil re il(''^ lUTtiel I raiisf(''ré dans
l'église, où il re^hi il(''SOrmais. ( Te-l seilleiiielil au Mil' si(''cle ipi'll 11 liioilU-
iiieiil (•oiuiui'iiioral if l'ut piae('' dau> le eloil re. p(Uir uiaiNpier la place pri-
mili\ e du louilieau ; l'inx-ripl ion fui repidiliiil e. en caraelères toul ilill'é
rents. sur le ei'Mlolaplie,
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^^Knl^S^îk^!^!!^^^^
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I.-i,.. ns. — (.li,i|illcaii lie l;i li" du \r sii-clo.
C.Uiare (le S.iiild Hdiiiingo de Siliis (C;islill().
HISTOIRE DE L'ART
Les doux chapiteaux de Silos (jui onl été sculptés avant 1070 ne res-
semblent en rien à ceux des églises dOviedo ou de San Pedro delà Nave.
Ils sont couverts d'un véritable grouillement de monstres adossés ou af-
frontés deux à deux : harpies à tètes de femmes, chacals, aigles di'voi'ant
des quadrupèdes. Une foule d'animaux et d'êtres fantastiques, évidem-
ment sortis du même ate-
lier de sculpteurs, ])ullu-
Icnl sur la plupart des
cliapileaux qui surmon-
lent les colonnades des
faces nord et est du cloître.
( ','est un long (l(''lilé des
;niimaux l't des monstres
lie l'Ûrienf, formant des
rntrelacemenlsc|ui d'abord
s(Miiblent inextricables et
(pii se résolvent toujours
en arabesques symétri-
([uemenl tracées deux j)ar
deux.
Les sculpteurs tran-
chais du xi'' siècle connais-
saient des monstres d'es-
pèces fort semblables :
presque toute la faune ro-
mane du nord est d'ori-
gine orientale. (Cependant
certains êtres qui appa-
raissent sur les chapi-
teaux de Silos — anti-
lopes ailées et couvertes
de plumes, marlichores à
tête couronnée, que bec-
quètent des aigles ■ — ont
une étrangeté unique. Le
style de ces sculptures n'a rien d'» euro|i(''en ».
Peut-on attribuer les jdus anciens chapiteaux de Silos h quelque
moine ou à (pielque laïc, qui aurait pris pour modèle un ouvrage d'art
musulman, pareil au coffret conservé dans le trésor de l'abbaye (au-
jourd'hui au musée provincial de Burgos), et qui, d'après l'inscription,
fut achevé à Médina Cuenca, en 1020, par Mohammed Ben Zeiyan? Mais
comment supposer qu'un marbrier chrétien d'Espagne eût acquis toute la
Fii;. no. — La Descente de Croix. Bas-relief
du cloître de Santo Domingo de Silos (Caslille),
xir siècle.
IdliMATKiX f:T ltK\i:i.()IM'I.Mi:\T DE I.A SCUI.PTinF. Co III loi
\irtu()sil('' d'un firlisan oricnhil (l;iiis le sii-clc où le sciil|ili'ur ilc In cuve
baplisinalo do l.éon élail aussi iiii|iiiissaiil à faraclériser la l'oriiir d'iiii
lion que celle d"un houinie '.' Il y a d'ailleuis dans les f^a^ (''es primitives
du cloître de Silos plusieurs cliapileaux où le di^Cdr animal lail place à
un décor végétal, composé de })lanles grasses et de pommes de jiin i|ui
sont exactement stylisées comme dans les édifices de Tolède di-cmés
par des musulmans ou des
juifs (Santa Maria la lîlan- '',>-i'-i*-i.-i."»'«-'",%s'-t**^=
ca). Ces morceaux de seul- -—— ' ' "
jilure monumentale, placés
sur les colonnes d"un cloî-
tre, et qui semblent em-
pruntés à une mosquée ou
à une synagogue, ne peu-
venl (Hre attribués ipi à un
a leliei- moresque. Labbaye
de Silos possédai [, au
temps de saint Domini([U(\
des es(da\('s musulmans.
(Test l'un d'eux (pii a orné
de liligranes Ténorme ca-
lice en argent doré con-
serA'é dans le trésor du
monastère et sous le pied
duquel est gravée une in-
s( ii|ilicin au nom du saini
abbé. Ce sord d'autres es-
claves qui auront décoré
les (diajiileaux du cloître,
don! l'un jiorle r('pilajtlie
du même saiid. Lem- r("de l'i
s'est l)orné à sculplei' des
l'euillagi^s et des animaux.
D'autres sculpteurs ont travail h- à
d'eux ou après eux.
Dans chacun des j)iliers massifs qui occupent les angles du (doître
sont encastrés deux grands lias-reliefs; six d'entre eux sont manifesleuH'nt
l'ouvrage d'un même atelier, simm d'une uK'me main. Ils repr(''senlenl les
dernières scènes de l'idstoire ('Nangidiiiue : la Descente île croix, la Mise
au tombeau et la \'isile des saiides femmes, le Clirisl et le> disciples
d'Emmaiis, le Christ apjtaraissanl à Thomas au milieu des AjkMi'Cs, l.Vs-
cension du (^hjist et la Descente du Saint-Esprit.
,. INII, — I.e- S.iiiilos FcMiiiics .111
■iclicr (lu <lc)iliv dr S.iiilo Duiiiil
(\ii siri.ie).
orafion du cloître de Silos à côté
22C
IIISTOIP.I-: 1)1". I.'AI'.T
Le scul|ilrMr ne se souvicnl |ilns des iiiloiMiirs li^iiriiH's (l'( )\ icdo ou
de Léon ; il n'iniilc point à sa nianiri-e les reliefs des sarcophages romains;
il ne s'inspire poini dii-eelemenl des JMiii'rs. Les Iradilions qu'il représente
soni celles d'un arl (pii s'i'sl foi-uir au noi'd des Pyrénées.
La suite des sujets représentés sur les anciens reliefs des piliers de
Silos reparaît presque (ont entière dans la série des reliefs et des statues
(pii décorcnl les piliers du
cioili-e de Sainl-Tropliinie
d'Arles. Le programme ico-
nograpliique commun à t\n\\
cloîtres de la Provence el de
la C.aslille a été connu égale-
ment dans l'iVquitaine. ('/est
en elTct à Toulouse, el non
jioinl à Arles, (pi'il faul clier-
cliei- les modèles des l'eliefs
de Silos. Plusieurs des apô-
Ires deliout auloui' ilu (christ
dans la scène de l'Incrédulilé
de Thomas croisent les Jam-
Ijes, comme s'ils tournaieni
sur eux-mêmes, à la façon de
certains derviches. Au })ied
de la croix, saint Jean éploré
a pris cette attitude dansanic
qui est celle des apôtres grou-
pés jadis deux par deux à
l'entrée de la salle capitulaire
d(^ Saint-Etienne de Toulouse.
Les rapprochements peuvent
être poussés jusqu'aux plus
menus détails : c'est ainsi
que les singuliers rochers en
forme de llammèches qui
hérissent le sot du (lalvaire, dans la scène de la Descente de croix, sont
identiques à ceux qui sont figurés sur un ancien chapiteau de Saint-
Étienne, el doni jaillit une source où Marie l'Égyptienne vient laver sa
longue (■Iic\clurc. L'nn des laics détails des reliefs de Silos qui ne se
retrouvent point parmi les dél.ris des monuments romans de la région
toulousaine est la coilTure donnée à toutes les figures féminines, —
même à la Vierge qui baise la main du Crucifié et fi l'image de la Lune
qui pleure entre les nuées, au-dessus de la croix. Celle gninqie raidie
Fiii. ixi. — i;iiiciri.iiiiii('' iii' s.iiiii ■riidMi.is.
ri,Tt-ri'licl' (lu cliiitri' de S;iiU(i l)oi]iirii;i> de .Sdiis
(\u' i^iècle).
FOHMATION ET l)l-:\ IJ.OPl'K.MENT DK LA SCULPTURE GOTHIQUE 227
auluiir du cou coimiic une fraise du xvi'' siècle et le bonnet serré sur un
voile (Mroit étaienl des modes espagnoles : le sculpteur venu de Toulouse
à Silos a iniroiluil dans le drame sacré des détails de costume contempo-
rain (pi'il aura oliservés en Castille.
Ces étranges reliel's sont certainement postérieurs aux chapiteaux de
travail musulman exécutes avant lO/ti. Le modelé rond et sommaire, la
raidriii- (Ir la draperie, doni les m<iu\('menls soni iii(li(pii''s siuijilcnicnl
par di's slrics doiddes, les cassures des plis (jui d('M-oupi'iil sur !(_' liord tics
vèteuieiils une dentelure aussi régulière ipu' ccllo des voiU^s drapés sur
les statues archaïques d'Athènes, se retrouvent dans les œuvres primi-
tives de la sculpture toulousaine. Mais les reliefs de Silos montrent un
sens du mouvement et de la beauté plastique qui, dans la série chronolo-
gique des sculptures de Moissac, ferait penser au tympan fameux du
portail, bien p!u[(")[ cpi'à la série encore luirliare des Apôtres. D'ailleurs, ce
n'est pas Moissac tpii olVrira les éléments d'un rapprochement tiécisif avec
les reliefs de Silos. Les personnages demi-nus représentés sui- ces reliefs
sont presque identiques, par le type, les proportions, les moindres détails
de la chevelure et de la draperie, aux figures humaines placées sur les
montants du portail de Souillac à C(jté dune elïroyable mêlée île
monstres qui s'entre-dévorcnt.
La date des reliefs de Souillac n'est pas connue; }>our fixer celle des
reliefs de Silos, on n'a qu'un détail : le costume des hommes d'armes qui
gardent le sépulcre du Christ. Ils n'ont plus la large ronde, à la mod(;
musulmane, que tiennent les guerriers dessinés vers l'an 1100 sur un ma-
nuscrit de Silos, aujourd'hui conservé au British Muséum. Leur écu très
haut et pointu, leur longue [uni(pu'. leui' haulirrl, (pii londie jusqu aux
genoux el enserre la léle dans un cainichon de mailles, leur heaume
prcs([ue rond sendih'nt l'aire partie du liainais de guerre porté vers le
milieu du xiU' siècle.
La décoration du cloître ne fui pas terminée avant le siècle suivanl.
C'est à celte épofjue (pu' l'on doit assigner les deux derniers reliefs, placés
à l'angle sud-ouest, — l'arbre de Jessé et l'Annonciation. Ils ne se ratta-
chent aux six autres ni par la suite du programme iconographi(|ue, ni par
les caractères plastiques. La lète sourianb^ et bouclée de l'ange, les dra-
perie- linemcnt plissées, les détails un-mes de jarcature et de son cou-
ronnement de tourelles témoignent d'un apport de l'art français du nord.
Mais les formes nouvelles se trouvent combinées à Silos avec des formules
archaïques; peut-être, axant d'arri\ei' au cœur de la \ieiile (bastille,
s'étaient-elles attardées dans (pielqne atelier fidèle à d'anciennes tradi-
tions locales, comme le Inreiil au mu' siècle les ateliers toulousains.
D'ailleurs le relief de r.Vnnoncialioii |Mi''seiile bien des particularilés (pii
ne ^.e leJiDuvenl au xui' siècle ni dan> le noid. ni dans le midi de la
228
iiisToinK ni': la ht
l-r'iinrc. Il |icul |),issri- pour l;i |iliis iiiiciciiiic i-c|ii'(''S('iihil iun <ln ^^iijrl (lù
l'inig'c, loiijoiii's (Ii'ImuiI ;iii |p(ii'l;iil ilrs (mIIk^Ii-mIcs coiiiiiii- sur 1rs iiiiiii;i-
liin's liy/,anliiics, sdil :iii'rii(iuill('. Il rii|i|ii-nclic de hi srriii' de rAniiom-ia-
iiiin II' iiiiilirdii ( Idiirdiiiiriiiciil , (|ni siiil dOrdiiiaii'c la .Mori ilc la \ ierge.
haiisla r(iin|H)sil iniiruiiimc rr\(''cul inii. la \ iiiiK'ur cl la hardiesse d un
\('TilaMi' arlislc
tA.*-. ', iV >'-»iL. i :à *yL^iSai^^^^ une i^auc licrie
nianireste et une
S(''iMe de conven-
li()ns|in('Tiles.Le
tout l'orme une
(cuvreuni(|ue,en
son cliarine lii-
/.ari'e, de la scul-
jil iii-e romane sur
s(pii d(''i-lin.
La liniii'ue
|iei'sisl;uice des
I lad liions ar-
eliaï([ues à Silos
s'est encore ma-
nifeslée dans la
di''C()iali(in du
cidii rc su |ié-
ricur, (|iii l'iil
cdusiruil au \ui
siècle cl sans
diiule peu de
leuips après l'a-
chèveuient du
cloître inférieur.
Parmi les chapi-
teaux des gale-
ries du premier étage, la plupart sont ornés de « crochets » de feuillage,
copies plus ou uioins jualadroites des uiodèles inventés dans le nord de
l;i j^'ranee; (pielipies-uiis pnrleul des iigurines d'un travail somniain' et
barl)are. Il eu es! de foil euiieuses, comme celles qui représentent des
artisans à r()u\ rage, eid re aiilres des souffleurs de verre, ^lais les ouvriers
liicaux ipii nul seulph' ces liguriues u'out ]dus rien di' l'Iialiileh'' (pi'ax aieid
ui(Uiln''e les scidpleurs du eloilre iuri'Tieiu- — UKii'es, loulousains ou
castillans. Ku plein xiii' siècle, ils seniMenl l'aire relour au xi'.
Fui. IX'i. — I.'ArmiiiicijiUoii et le CfiuruMiMiii.nl .le l;i \ ioi'gi
ii.-is-roliclilu floitrc de Saiito l)oniini,'ii lie sllus ixiif siècle).
l'on.MATloN ET nHVEI.dPl'HMliNT DE LA SCULPTIRE COIIIIOI E
Il viiui n(''cess;iirr de |u-(''cis('r. dans cet ouvraiic l'iiisloiiv arl isli(|ur
d'un monument à pou près inconnu, qui est, sans conteste, le |)lus ancien
des cloîtres romans à chapiteaux historiés, qui ne le cède à aucun pour la
richesse de la décoration plaslitpie, et qui, commencé avanl 1rs cldilns
les plus célèbres du midi de la France, a été achevé a|irrs eux, par le
travail de plusieurs générations.
Dans le nomjirc^ des ciiaiiilcaux et des grands has-reliel's qui cnm-
|)(iscnl la décoration si-ulpli''r lU' i-f rinilre, il a ('■l('' pcissiMc de disliiigiicr
l'apport de deux arts, qui, depuis la lui du xi'' siècle, doniinri-onl en l-ls-
jtagne : l'art moresque cl l'art français.
Les chapiteaux de Silos (pii (nii été sculptés par des imisulniaiis
restent des exceptions dans riii>li)iri' de l'ai-l eui-npiMMi Lm-qnr les i-nis
de Castille et d'Aragon,
maîtres d'une partie dr
l'Andalousie, compleroni
paiini leurs sujets, dans
Idiilr l'c'tendue de leur>
dnniaincs. des nli!li(•l■^
dai'lisans musulman^ (ui
juirs, lc>. s(iUM'i-;uii>. Ir^
seigneurs et les ]ir('lals
emploieront à I envi ces
artisans dont l'habileté
tenait de la magie. Du
xii" au xiv" siècle, la
faM'ur des puissants r[ des riches ne cessera de grandii- l'inqior-
lancc dr I ai'l mnsulniaii dans li-ispagnr chrétienne^ de I arl iiimlridr.
Mais cet art ne connaît plus la sculpture et connaît à peine le relief.
Il abandonne la pierre et le marbre pour la brique nue ou l'inaillée
el le >luc peint et doré, le (h'-eor animal punr les condiinaisons gi''ouii'-
lii(pie>. Il cesse de concourir à la décoi-ation plaslicpie. jiour déployer
sur les parois des édifices profanes ou sacrés — Alcazar de Séville,
Scd de Saragosse, clochers de Teruel — ses fantaisies guidées par des
épures.
Dans toute l'Espagne seplenlrionale l'inlluenee de l'art français
devient prépondérante. L'élude de> eloitres el de |eiir> eliaiiileaux his-
toriés montrera comment ce! ail a enriidii el \i\ill('' les traditions
locales.
Les plus arcliaïques des cloîtr(\s esjiagnols se tmiivenl en (ialalogne:
leur architecture est trapue, leur sculpture^ très sommaire. Les cha|)ileaux
du cloître primitif de la cathédrale de Manresa. dont il ne subsiste que
Irois arcadi's. sont d(''cori'-s de Ndlule^ l'if'nienlaires e| d'informes tiMes
^^^K '■
' '" 9
^KË^^^felt^" '^ y*
r ^.^—^.^^^^— ^'"^^B
31
Chapile.Mi <lii , l..iii,^ de Ripoll (C-iInlngnc).
XM ol xi\ siècles.
HisToiiîi-. i)K i;art
philcs; ceux du clnilr(^ diMiioli de Snn l'cic t\t' les l'iicllcs, à Barcelone,
dont quelques-uns onl (■!('■ Iransporlés au uuisée arclH''ologique de la ville,
ont des bosses de l'oriiie (■i)niiiliqu(''e. t)i'i il l'sl diflicile de reconnaître
riuiagc d"un lionune ou d'un animal. Ceux du uius(''e arciH''ologi(jue de
Vieil, qui pro\i<'nuenl de rancim cloilre de la (■alli(''draie, soid à jieine
mieux dégrossis.
()uel(|ues cluilre^ cneori' drlinul an milieu de monastères aban-
donnés soni les i-esles les plus imporianls de celte période primitive.
Celui de Sanla Mai'ia d'b^slany. (pii a i''lé arlievé on rr^lanré en partie
vei's la lin dn xiT siècle, consei-\(' sni' deux de ses l'accs luu; suite de cba-
jiiicanx en lonm' de lioiu' de jiyraniide renversé, dont le décor méplat
fiiil penser aux IVaiiiueuls de ré|ioque \visii;olIii(pie. Dans le grand
cloître de San Benct de
Bagcs, non loin de Man-
resa, qui est resté intact
dejiuis le \\i" siècle, l'une
des colonnes trapues }iorle
un chapiteau analogue à
ceux d'Estany, mais beau-
coup plus barbare ; on
peut distinguer, sur deux
faces, le groupe de l'An-
nonciation et un Christ
bénissant. Le relief des
autres chapiteaux ■ — oi'i
l'on reconnaît, dans la
confusion des entrelacs,
quelques figurines de moines, d'anges et la ^'iel•ge avec un abbé age-
nouilh' à ses pieds — i;st plus gras et plus nnju. Le cloître de Santa Maria
de Lluça, voisin des Pyi'énées, ressend)le à celui d'Estany par la légèreté
de ses colonnettes et à celui de Bages par les monstres qui couvrent ses
chapiteaux. Il n'y a encore que des monstres sur les chapiteaux du char-
mant petit cloître de San Pau del Camp à Barcelone, dont les arcades
ti'éllées onl été sans doute imitées de l'architecture moresque. La seule
face du grand cloilre de Bipoll qui remonte au xu' siècle a des chapiteaux
presque uniquement décorés de rinceaux et de palmettes qui, par la
précision du dessin et l'accentuation ti'anchante des détails, ressemblent
exactement aux plus anciennes sculjdures du cloître d'Elue, commen-
cées vers 1 IT'i.
L'un des premiers cloîtres espagnols dont les sculptures composent
un cycle iconographique se trouve dans le nord de l'Aragon, à Pluesca.
Il fait partie du liés ancien nujnasièrc de San Pedro cl V'iejo. Le monu-
Fic;. ISi. — (;li,i|iil'
à llucsca (.\ragiiii). xn'
'OU Pedro el \iejo,
siècle.
FORMATION ET DKNELOPPEMKXT DE LA SCCLPTUIiE COTllIOl E 'J.'l
nient, radicalenuMil reslaurc'' au xix' .siècle, serait à peu pi-rs penlu pour
riiistoire, sans les moulages et les pliotogi-aphies qui l'ont connaître
létat des originaux jetés au rebut.
Les clnqiileanx, dont chacun coill'e deux colonnetles, se parlagenl
en deux séries: les uns, hérissés d'ellVoyahles grajipes de monstres;
les autres, au nombre de vingt et un, exposant tout le r(''(il de l'histoire
évangélique, depuis la rencontre de Joachim et d'Anne à la Porte d"Or
jusqu'à la Pentecôte et à l'Assomption de la Vierge. Six grandes figures
dapôlres en bas-relief sont placées à la partie supérieure des quatre
piliers d'angle et des deux piliers qui interrompent la colonnade du
cloître, au milieu des faces longues du rectangle. Ces apôtres rappel-
lent ceux de Moissac. Le vieux cloître aragonais relève directement de
l'art toulousain. Les ar-
tisans voyageurs qui oui
fait connaître cet arl à
Huesca ont laissé- la
trace de leur jiassage au
milieu des montagnes
et près du débouché t\i'
la route qui conduisail
d'Aquitaine en Aragon,
La ville de Jaca est la
première étape en Ls-
pagne après le facile
passage du délih'' du
Somport. Lue des hau-
teurs qui entourent de loin celte ville porle le mouaslèrc l'anieiix de San
Juan de la Pena. Plusieurs des chapiteaux du cloître, qui rcprésenlnd
des scènes de la vie du Christ, sont presque entièrement paivils à des
chapiteaux de lluesca.
Les cloîtres de San .luan de la l'efia et ceux de San Pedro el ^'icjo
rappellent les anciens cloîtres toulousains, non sculenii'iil pai' la ridiesse
de leur iconographie, mais encore par les étranges inégalités que pré-
sente l'exécution même de leurs sculptures: autant les figures humaines
sont grossièi'es. a\cc Irurs tries énormes et leurs yi/nx i-onds à lleur de
tète, autant la jiantomiuie peut être expressive, l'indiealion de lel acces-
soire juste et spii'iluelle. La date de ces chapiteaux esl (lillieile à piéciser
d'après le style des reliefs. La coill'ure des femmes, loul espagnole, est
presque exactement pareille à celle tpii est représentée sur les reliefs de
Silos. Une inscription, peu connue. (|ni se trouve gravée sur l'un des
piliers d'angle el a été évidemmeni .ijonlée ajirès la consiruclion du
pilier, — comme celle (pii a permis de dalei' approximali\ emeni le cloître
Fk;. IS."i. — I,a Flagellalion. Chapileau du cloiU-e de San
Podni cl Viojo. à lluesca (Aragon), xn" siècle.
iiisroiiii-: WK 1 AiiT
(11' S.iinl- 1 roiiliiiui' d'Arles, — csl r(')pil;i|ilic ilii luiMic InTiiiinl, morl en
lan (lu Chrisl 1 IMl.
Les cloîlrcîs ;i cliapilciiiix liisl()ri(''s de San .Iikih de la IVna fi d(^ San
Pedro d'Iluesea sont les seuls (|ue |ioss('(le l'Ar-a^dii. Pour suivre les
])roij;r('s de la sculjilurc dans les cloîtres espagnols, il l'aul passer du
nord de TAragon au nord de la Na\aiTe, et revenir ensuile aux pro-
vinces maritimes de la Catalogne.
La sculpture navarraisc avail él('' d'abord, apri's le rc'^veil du xi'' siè-
cle, aussi primitive que la sculpture catalane. On en peul juger par les
(diapileaux de Vdlriinii de l'église de Gazolaz. Dans la seconde moitié
du xiT si('cle,
/■-::: I arl du midi
de la l''rance
passa en vain-
(pieur les déli-
l(''s de lionce-
vaux. (À' sont
des Fran(;ais
(pii on! sculpté
à Pampelune
les chapiteaux
du cloître de
l'ancienne ca-
lliédrale, dont
(pielques - uns
ont été l'etrou-
\(''s et ex]ios('-s
dans un coin du cloilre cliaruianl c((nslruil au xi\' si(''cie à cCAr du
(doîlre primilil'. Sur ces cliapiteaux, les motifs de décoration végétale
on! jiour la |iiupar[ les formes charnues et vivaces des rinceaux et des
palmelles (pii se jouent sur les chapiteaux et les tailloirs du cloître de
Moissac. Les personnages cpu représenlent sur rpiatre des chapiteaux
une suite île scc-nes de la Passion nu)ntrent des formes pleines et nouri'ics
comme celles des reliefs de sarco]iliag(^s antiques, dépendant c'est de la
région toulousaine, et non d(^ la Provence, liche en modèles romains,
qu'est venu le scuipieui'. (Tes! à Toulouse que l'art a possédé la verve à
la fois tragi(pu_' et Irixiale (pii anime les reliefs des cliapiteaux de Pam]ie-
lune.
il est p(issil)le de reconstituer par la pensée l'architeclui'e du cloilre
dont ces chapiteaux oïd t'ait partie, d'après le cloîti'e de San Pedro
la Pua, qui s'est consei\('', à luie trentaine de kilomètres au sud de Pam-
pelune, dans la petite ville d'Estella. Le cloilre d'Eslella a dû èlre
Fie, ISfi. _ l,a |;r-iiiiv(li.,iL fin Chrisl. ( :ii.i|)ileoii .le I juicicii cl.iiUc
di- hi cillir.lr.ile dr l',uii|.cliiiic Jlii ilii \\v sirclr).
FORMATION ET DKVEI.dl'I'l'MKXT l)i; LA SCri.PTLHE COTIIIOIE i'.J
conslniil iuix envii'ons de l'nn l'.'ItO. Lo yraïul cloîlre do ]a calluMlialc i\r
Tiidela, dans lequel se conlinue 1<t même tradition artistique, est ccrlai-
nement du xiii'^ siècle. Les scènes religieuses y voisinent encore axer des
groupes de monstres. Les (•((iii|Mi>il idiis sont inonoioni's ; l'r\(''(ulion est
grossière. Pourtant quel(|ues ih'IaiU monlrcnl que l'art loulousain, en
continuant sa marche dans le royaume de Navarre, se modifiait sous
Taclion d'influences nouvelles (|ui \ enaient du nord di^ la Fi'ance.
Pendant ce temps, unr (■■(•{)!(• de sculpture romane, moins slriclcmcnl
confinée dans l'imifaliou des modèles français, s"a]ipli(piail en (lalalni;iic
à la décoration d'une
série de cloîtres qui
n'ont plus rien de
commun avec les cloî-
tres primitifs dEstany
et de San Benêt de
Bages. L'un d'eux est
à quelques milles de
Barcelone, dans l'an-
cien monastèri> de San
Cugat del Vallès
(Saint -(".ucul'ali , de-
\enu le centre d'un
hourg coquet. Malgré
les mutilations subies
par beaucoup de cha-
piteaux, la décoration
sculptée du cloître de
San Cugal présente
des caractères qui la
distinguent de toutes les séries ih
rincs d'animaux sont rares et n'ont plus la férocité barbare des monstres
d'Huesca. La décoration végétale reproduit les rinceaux perlés, les pal-
melles, les pommes de pin et les grappes du cloîlre de Bipoll; mais à
San Cugat les rameaux (jui se nouent oui moins de sécheresse, les i'euil-
lages et les fruits stylisés moins de maigreur. Ouelques chapiteaux seule-
ment sont réservés pour les scènes sacrées ; loin de former un récit continu ,
comme à Huesca, les sujets tirés de l'Ancien et du Nouveau Testament se
trouvent séparés les uns des autres par des files de colonnes. Ils send)lent
avoir été choisis et placés au hasard. L'un des plus curieux est celui sur
lequel sont réunies quatre figures allégoriques de ^'ertus : l'une a le voile
et l'attitude des << orantes »; les autres, guerrières couronnées, percent
de leur lance les \'ices abattus sous leurs pieds, l'n cliapileau expose
T. H. — 50
11... i,s:.
ik- S;in 1'
Niili lue laiii;oii"' •■. Cli.Tpileau du cloilrc
o l;i Hua (vers 120(1), à Estella (.\avarre).
lii'fs énumérées jus(priei. Les figu-
254 IIISTOIRK l»H I.'AHT
riiisloii-e du Mauvais Iliclic cl de Lazare, rcprésenléc à Moissac. Plus
d'un d<Mail familier anime les scènes sacrées. Mais le seulpleur va plus
loin : il éltauclie sur (piclques chapiteaux de vérilables iMudes d'après
nalure : ici ce sont les luoines de l'abbaye, avec leur abbé; là des lut-
teurs, des bergers cl jusqu'à un tonnelier occupé à cercler une barrique.
Cependant ce réalisme est tempéré par quelques souvenirs classiques. Il
semble fpie les Iraditions de l'arl toulousain (i de l'url pi-o\('n(;al aient
été combinées dans une œuvre originale et vivante par le sculpteur de
San Cugal.
Ce maître ingénieux s'était représenté lui-même, tenant le ciseau et
levant le maillet pour achever un chapiteau de même forme que celui qui
portait sa propre image. Une main stupide a décapité le seulpleur et a
cassé ses bras. Heureusement, une inscription encastrée dans le pilier
d'angle, à côté du chajuleau mulilé, nomme la figurine méconnaissnlile :
Hec est Arnalli sculi'toris forma Catelli
Qui claustrum talé construxit; perpétua vale.
L'auleur du cloître de San Cugat s'appelait Arnall Calell : c'est un nom
catalan, bien plutôt que français. La signature n'est accompagnée d'au-
cune date; d'après des détails de costume tels que la jaquette de mailles
portée par les soldats dans le Massacre des Innocents, le cloître voisin de
Barcelone doit être placé vers la fin du xif siècle.
Deux cloîtres qui ont d'étroites analogies avec celui qu'a construit et
décoré Arnall Catell se trouvent à Gérone. Le petit cloître attenant à
l'église romane de San Père de Galligans serait identique pour l'archi-
lecturc à celui de San Cugat, si la série des colonnes couplées n'était
interrompue, au milieu de chacune des faces du rectangle, par un groupe
de cinq colonnes, dont quatre sont disposées en quinconce autour du fût
central. C'est dans l'un de ces quinconces que se trouve l'unique chapiteau
à sujets religieux (pii soit inli'oduit dans la décoration du cloître : le
sculpteur y a représenté l'Annonciation, la Nativité et l'Adoration des
Mages. Les autres chapiteaux sont, pour la plupart, de simples corbeilles
de feuilles d'acanthe, qui semblent imitées de modèles artésiens.
Le cloître de la cathédrale de Gérone est l'un des plus grands d'Es-
pagne. Son architeclure est semblable à celle du cloître de San Père,
mais le quinconce de colonnes est remplacé, au milieu de chacune des
faces, par deux piliers de maçonnerie. La décoration des piliers du grand
cloître de Gérone est toute différente de celle des piliers d'angle du cloître
de San Cugat : dans ce dernier, les colonnes adossées au pilier portent
seules des reliefs ipii enlourml la partie visible de leur cliaj>iteau; dans
l'autre, les piliei-s sont entourés d'une véritalde frise de bas-reliefs qui
représentent tantôt des monstres, tantôt un récit religieux, tels que les
FORMATION ET IlÉVELOPPEMENT DE LA SCIEPTIRE OOTHIQUE 255
scènes de la Genèse, (lelle dispusiliou du diM-oi- smlph'', qui (^sl (Hran-
gère à récolc toulousaine et dont lurigine peul iMic eiicrclii'c en Pro-
vence, se trouve exactement répétée à Elne. 11 csl diriicilc, ajirès les
remaniements ([ue ce ileinier cloîlre a subis au \iii' cl au xiv" siècle,
d'affirmer que ses piulies les plus amienncs soicid aidcTicurcs au cloîlre
de la catliédi'ale de G(''roni\ Si les cloîtres de San Gui;al el de Gi''rone
sont l'œuvre d'artistes catalans (jui s'élairnl assimile'' l'arl du midi de
riml CCI 1:11.x
FiG. ISS. — Cloître de San Perc de Galligans, à Géronc (Calalogiie). xir i^ii'clc.
la France, le cloître d'Elnc doit ("Ire alliilim' à l'un de ees artisics,
plutôt qu'à un Français.
Le travail des sculpteurs qui ont décoré les cluqiitcaux et les Irises
du grand cloîlre de Gérone paraît s'être prolongé pendant pins d'une
génération, l nr jiarlii' du chnli'c de la (•al!i(''drale est sans ddulc anl(''-
rieure au cloiln.' de San l'ère, si l'on en Juge par un détail dv cosliune
très précis. L'une des Irises du grand cloître représenle des tailleurs tic
pierre qui ti-availlent en présence d'un évèque : celui-ci porte la mitre à
deux cornes du xiF' siècle. Sur l'un des chapiteaux de San Père, un
évèque, qui se montre au milieu d'une ronde d'animaux fantasliipics, a la
mitre triangulaire adoptée vers la fin de ce siècle
D'autres sculptures du cloîlre i\i' la callK'drali' soûl p()st(''i'icLires à
2.->r.
IIISTOIliE DE L'ART
celles (lu eloilre de San l'ei-e : un curieux clélail le jirouNc. Sui- l'un des
cliapileaux du grand cloîlre, où la Xali\i[é cl l'Adoralion des Mages son!
■■('■unies en un iiK'iue r(''cil, le lil de la N'iei'ge esl |i()S('', de la ra(;()n la |ilus
iiis(dil(% sui^ le dos d'un clieval. L'erreur du iiraiieien serai! inexplicalile, si
l'du ne se reporlail à un cliapileau de San Pcrc qui rcprc^-sente les
ni(Mues groupes; ici laNard-lrain du cheval se monlre en avant du lil
iui)ni(^ sui^ (les pieds ('•le\(''s : c'est uue u(iu\elle scène qui commence. Le
sculpleur de la calli('^drale, en cupianl son prédécesseur, a ajouté aux
pieds du lit des saliots de cheval.
Toutes les sculptures du grand cloîlre de Gérone, cjuelle que soit leur
(laie, sont l'd'uvre d'une même école. Elles ressemblent aux sculptures
WCaWWP'-W^-tavw--
l'ii;. IS!). — 'l^iilliniis ik' piriic h ,iv;ullaiil en |iir.,flicc (J'iin L-vr(iiie
Cliiiti'C de la i-ollié(irale de Giin-niir (CalalogneJ. xn' siècle.
de San Cugat par la rondeui^ du relief, la noblesse tles draperies, la
beauté presque classique de quelques télés, qui seraient dignes d'un ate-
lier provent;al. En même temps, les détails familiers et pris sur le vif
aliondent. Les tailleurs de pierre — luagistri picanics lapides r/ros, suivant
la formule d'un document catalan — se sont représentés eux-mêmes sur
la frise d'un jiilier de Gérone, comme le sculpteur Arnall Catell sur un
chapiteau de San Cugat. Ils ord nmltiplié les images des hommes du
peuple et de leurs oulils de li^avail. jusque dans les scènes de la Bible. Le
bois de l'arche de Noé est débité et fa(^onné par des scieurs de long et
des charpentiers; c'est avec une houe de laboureur que Ca'in tue Abel.
L'école de sculpteurs qui a lra^ aillé d'Elne à San Cugat, près Barce-
lone, a étendu son domaine jusqu'à Torragone. Le cloître charmant qui
s'est conservé dans celle ville, au Hanc de la haute cathédrale, difl'ére, à
première vue, des cloîtres catalans décorés vers la lin du xn' siècle. Les
larges archivoltes en tiers-point, dont la portée embrasse trois arcades des
FORMATION ET nKVIil.OPPEMENT DE I.A SCUEPTERE (iOTlIloUE '2:.7
portiques et dont le tympan est percé d'un large oculiis, les contreforts qui
révèlent de rintérieur du jardin la présence des voûtes d'ogives établies
sur les galeries, reproduisent les tracés delà plus ancienne galerie élevée
dans le cloîlre cistercien de Poblet, à quelques milles de Tarragonc. La
sévérité de l'architecture monastique a été égayée par l'addition de détails
qui sont des emprunts faits à l'art moresque : les oculi ont été garnis
d'un rcmplage finement ajouré; la corniche a été agrémentée de multiples
dentelures. Cette combinaison inattendue d'art cistercien et d'art musul-
man se retrouve dans le plus
grand nombre des chapi-
teaux, dont les larges feuilles
d'eau, épanouies comme elles
le seraient en France, se
ploient suivant le galbe élancé
des chapiteaux moresques.
Cependant une grande
part est faite à la sculpluic
dans la décoration du cloître.
Les chapiteaux historiés et le
magniiiquc }i()ilail i[ui donne
accès dans la calhédrale soni
l'ouvrage d'un même atelier.
Les sculpteurs qui les onl
taillés dans de beaux marbres
antiques se sont inspirés visi-
blement des modèles que leur
ofTraient les ruines romaines
de Tarraco. Mais, tout en
donnant à leurs reliefs plus
de rondeur et de poli, ils onl
connu et continué les traditions des sculpteurs qui oui lra\ aillé à San
Cugat et à Gérone. Le tympan du portail du cloître de Tarragonc, avec son
Christ farouclie assis au milieu des qualre animaux apocalyptiques, les
chapiteaux de ce portail où les sujets sacrés alternent avec les rinceaux
d'acanthe et les aigles romaines, rappellent Saint-Trophime d'Arles.
Comme à Gérone, les scènes religieuses sont réparties sans ordre sur les
chapiteaux et les piliers. Les détails familiers sont plus nond)reux encore
que dans les autres cloîtres catalans. Ouelques-uns d'entre eux sont des
inventions uniques dans l'iconographie chrétienne du moyen ûge. Caïn
enfant, jaloux d'.\hel.qui esl allaité par Lve, essaie d'arracher. son frère des
bras de leur mère: quand. ,iiii\é à l'i'ige d'homme, il a satisfait sa Iiaine.
il rapporte à Adam la (unique sanglanle d'Ahel, comme les lils d(" Jacob
KiG. mil. — LWdoration des Mages.
Chapiteau du portail du eloilre de la cathédrale
de Tariagone (cninmencemcnt du xiir siècle).
258 HISTOIRE DE L'ART
lapporlcnl à leur père celle de Joseph. Avanl le sacrifiée d'Aliraliani,
Isaae paraît monlé sur l'àne. Les bergers appelés par l'ange dans la crèche
de la Nalivilé ne se conienlent pas d'adorer rEnlani : ils le prennent dans
leurs liras.
Il y a encore plus de ver\e el lie vie sur les lailloirs, où sont relé-
gués les images profanes, les groupes de combattanls et d'animaux. Le
sculpteur met en scène les acteurs de la table ésopique. Ici un chat fait
le mort : deux corbeaux viennent se percher sur son corps; un coq les
suit; le chat bondit, les corbeaux s'envolent et le coq est étranglé net.
Ce chat a plus d'un tour dans son sac; il reparaît une seconde fois : les
souris ]iorlent en terre sur une civière le corps de leur ennemi; deux
d'entre elles tiennent l'aspersoir et le goupillon; un chien, la pelle sur
l'épaule, joue le rôle du fossoyeur. INlais le mort ressuscite : tout vole en
l'air; c'est une fuite éperdue.
Les voûtes du cloître de Tarragone ont été achevées en I2'24; les
sculptures sont toutes antérieures à cette date : comme celles du cloître
de Gérone, elles semblent avoir occupé plusieurs générations d'artistes.
Le dernier des cloîtres catalans dans lesquels s'est continuée la tradition
romane était celui de San Francesch de Barcelone, qui a été démoli au
xix' siècle et dont quelques chapiteaux ont été conservés au musée archéo-
logique de Santa Agiieda. Il avait été achevé en 1240.
La ville de Soria, dans la vieille Castille, a conservé deux cloîtres du
commencement du xiii'" siècle, attenants l'un à l'église de San Pedro,
l'autre aux pittoresques ruines de San Juan de Duero. Ce dernier cloître
est surtout remarquable par la bizarrerie de ses arcades entrecroisées
qui, en imitant un motif d'architecture moresque, arrivent à ressembler
de la façon la plus curieuse aux arcades arabo-sicilicnncs des cloîtres
d'Amalfi. Les chapiteaux des deux cloîtres de Soria, où les monstres
tiennent plus de place que les scènes l'cligieuses, dilTèrent entièrement
des sculptures du cloître de Silos. Ils ont ([uelque ressemblance avec
ceux des cloîtres catalans.
Ségovie est plus riche encore que Soria en monuments de l'époque
romane. Les cloîtres y sont remplacés par des portiques élevés, selon une
ancienne habitude espagnole, contre les façades latérales des églises.
Entre tous, le portique de San Millau est remarquable par ses chapiteaux,
exactement pareils à ceux d'un cloître et tout hérissés de bctes fantas-
tiques.
Un cloître très riche se trouve isolé aux portes de Salamanque. Il
faisait partie du monastère de laA'ega, transformé plus tard en un collège
rattaché à ceux de la ville studieuse. Le décor animal a pris sur les chapi-
teaux de ce cloître la même variété et la même vie que sur ceux d'Estella
et de Moissac.
FORMATION ET ^)1•;^"EI.0PPEM^:^T DE LA SCULPTURE GOTHIQUE 2:.',»
Dans le nord-oucsl de lEspagiic les cloîtres, beaucoup plus rares que
dans le nord-est, ne forment aucun groupe homogène. Celui d'Aguilar de
Campou, qui est le seul reste du grand monastère bénédictin de Santa
Maria la Real, reproduit, comme le cloître delà cathédrale de Tarragone,
larchitecture du cloître d'un monastère cistercien, San Andrès dcl Arroyo.
Presque tous les chapiteaux qui se trouvent encore à leur place primitive
FiG. 101.
riiul cuuJin par l) li Siirano rjlii;a
Cluili'e de Santilluna de Mar (.\sturies). Fin du xii" siÈcle.
sont ornés de l'euillages d'une richesse exubérante, auquels se mêlent
à peine quelques monstres. Mais une série de chapiteaux, (pii proviennent
d'une face ruinée de ce cloître et qui ont été transportés au Musée arcliéo-
logicpic de Madrid, sont décorés de figurines humaines et d'animaux
monstrueux. On distingue, à côté d'autres scènes de lutte, le ^Massacre
des Innocents. Dans le cloître d'Aguilar de («ampoo, architecture et
sculpture ne sont pas antérieures au commencement du xiii'' siècle.
Le seul cloître de la région cantabrique dont la décoration rappelle
par la variété de ses motifs celle des cloîtres voisins des Pyrénées fran-
240 IIlSTOmE Ï)K l.AP.T
çaises el de la Médilcrronéc, so (rouve ou liord de rAUanli(|uo, à Sanlil-
lana de Mar. Bi(Mi ([lu^ les iiiouliires de ses arcades inaladroilenient tra-
cées en tiers-poinl indiquent une date voisine du xiii' siècle, les reliefs,
monstres ou scènes liibliqucs, sont exécutés avec une grossièreté ar-
chaïque. A côté des figurines reparaissent quelques-uns de ces motifs
barbares, tels que les entrelacs embrouillés, dont la tradition persista
longtemps dans les ateliers indigènes des Asturies.
Cependant l'art du Midi de la France avait pénétré au moins une fois
jusqu'au cœur des montagnes qui enferment dans leur enceinte les monu-
ments primitifs de la sculpture espagnole. La cathédrale d'Oviedo a eu,
avant son cloître du xiv' siècle, un cloître du xii'', dont il ne subsiste que
deux grands reliefs, représentant saint Pierre et saint Paul, (les reliefs
sont des imitations directes des Apôtres de Moissac.
Tombeaux romans d'Espagne. — Les cloîtres d'Espagne, comme ceux
de France et d'Italie, étaient les cimelièrcs des princes et des notables.
Parallèlement aux arcades ouvertes sur le jardin central, des arcades
ménagées dans les parois abritaient les sarcophages. La disposition pri-
mitive de ces arcosolia, dont les niches uniformes se suivent en longues
liles, est conservée dans le cloître de San Benel de Bages. En dehors des
cloîtres, quelques sanctuaires écartés oi^i les pèlerins étaient attirés par
des souvenirs historiques ou légendaires furent choisis comme lieu de
repos par ceux qui pouvaient y faire transporter leur dépouille. La grotte
de Covadonga, dans les Asturies, celle de Nàjera, dans la Navarre, de-
vinrent des cavernes funéraires.
Les sarcophages de San Benêt de Bages sont de simples cuves de
marbre nu. Ceux qui sont rangés sous le narthex de San Isidro de Léon
et dont l'assemblée compose le « Panthéon des rois », sont plus grands,
mais aussi pauvres; il est vrai que quelques-uns d'entre eux ont pris la
place de tombeaux plus ornés, qui ont été violés et détruits en 1808 par
les soldats de Napoléon. Des sarcophages romains ont servi à la sépul-
ture de quelques rois de Léon et d'Aragon : c'est dans ini tombeau
sculplé pour un païen que le « roi chaste » repose à Oviedo, et le « roi
moine » à Huesca.
Le sarcophage de Briviesca, imitalion puérile d'un sarcophage paléo-
chrétien, reste une exception unique. La tradition du décor méplat est
conservée au delà du xi" siècle par les marbriers qui décorent des sarco-
phages dans des provinces fort éloignées les unes des autres. A Covadonga,
un sarcophage du xii' siècle, qui repose sur des lions informes, est cou-
vert, ainsi que le fond de la niche qui l'abrite, d'un lacis d'ornemenls
géométriques. En Catalogne, le cloître cistercien de Sautas Creus con-
serve, à côté de tombeaux plus récents, un sarcophage de la fui du xu" siè-
FORMATION HT DKVKLOl'lTiMKNT Dl': L.V S( lULPTIlU' (iorillOli; lU
clc (lui conlienl les restes d'un Moncada : il est simpleuieiil urne de colon-
nettes et de besanls.
In t\|ie fort curieux de inoniuueid funéraire se l'oi'nie en ('.asiille
pendant le xi' sircle. Le saicophage, 1res simple, décoré d'une croix ou
d'entrelacs imitant une vannerie, est placé sous une arcade bilol)(''e dont
la retombée centrale, au lieu de s'appuyer sur une colonnelte, porte sus-
pendu dans le vide un cliapiteau inutile. Ce cbapiteau est très probable-
ment une traduction du pendentif moresque dans le langage de l'art
roman. Le plus ancien exemple de ces tombeaux castillans se trouvait
.dhr.ll.ill' .1 (Uicdlj
dans le cloître du monastère de San Pedro d'Arlanza, non loin de Silos :
après la démolition des ruines de ce monastère, il a été transporté dans le
cloître haut de la cathédrale de Burgos. L'inscription gravée sur le sarco-
phage donne la date : l'an 1115 de l'ère d'Espagne, qui avance de trente-
huit ans sur l'ère de l'Incarnation (an du Christ lUToi. Avila a conscr\é
plusieurs tombeaux de ce même type.
La décoration des sarcophages espagnols s'enrichit dans la seconde
moitié du xii*" siècle, en même temps que le décordes cloîtres. L'intlucnce
de l'art du midi de la France, manifeste dans les reliefs des chapiteaux
historiés, peut être reconnue dans les sculptures de quelques toml)eanx.
A Ovicdo même, dans le dernier réduit des traditions vvisigothiques,
un sarcophage conservé au petit musée de ville, celui d'une dame
Gontrada, morte en liSi, est décoré d'oiseaux et de chiens ([ui se
T. II. — r.i
2i2 IIISTOIIÎE DE L'AHT
inordenl, les uns les autres, à la faron des monstres du portail de Moissac.
Les tombeaux romans décorés de figures humaines sont rares en
Espagne. Mais ceux qui ont été conservés ollrent un intérêt exceptionnel.
Le couvercle d'un sarcophage de la cathédrale de Lugo, qui passe
pour contenir les restes de la mère de saint Froilàn, est orné d'un groupe
qui représente la défunte, cadavre nu et insexué, de proportions démesu-
rément longues, tenu dans un linceul par deux anges volants, qui l'em-
portent au ciel, tandis que d'autres anges sortent des nuées. Ces reliefs
reproduisent un motif qui se trouve répété sur un certain nombre de ces
petits reliquaires en émail de Limoges, que le commerce répandait à tra-
vers l'Espagne. Le tombeau de Lugo, conservé dans une province qui
resta fidèle aux traditions romanes, n'est certainement pas antérieur au
xin" siècle.
Le motif de l'àme emportée par les anges avait été représenté dès le
Fio. 195. — Sarcophage de Uona lilanea, reine de Castille (t 11j8). Ciyplc du mijiia>léi'e
de Néjera, près Logrono.
milieu du xii^ siècle, en même temps que d'autres motifs, sur le sarco-
phage d'une reine espagnole, Doua Blanca, fille du roi de Navarre, Garcia
Ramirez, et femme du roi de Castille, Sancho III cl Dcscado, morte en
II.j8, après avoir donné le jour à l'enfant qui devait être le roi
Alphonse VIII et le vainqueur de las Navas de Tolosa. Son tombeau existe
encore dans la grotte de Nâjera. Sur le couvercle du sarcophage le Christ
est représenté, au milieu des Apôtres. Les reliefs de la face antérieure
associent aux espérances de la gloire céleste le tableau des douleurs ter-
restres. Deux anges emportent l'àme de la reine au-dessus du lit où son
corps est étendu. A droite le roi pleure, entouré de ses chevaliers; à
gauche des femmes désolées soutiennent une infante dont le visage
grimace sous les cheveux épars.
L'art funéraire de l'Espagne prend au xiii'" siècle une richesse extraor-
dinaire dans des régions qui, comme la Castille, n'ont abandonné que
tardivement les formes romanes. Aucun tombeau du midi de la France ne
peut être comparé au mausolée somptueux et bizarre qui est conservé dans
l'église de la Magdalena, à Zâmora. Le mort, un Templier, est couché dans
FORMATION KT DÉVKI.OPPKMENT DE LA SCULPTURE (iOTlIIOUE 24".
un vérilalile lil. Des reliefs encastrés dans la paroi, au-dessus de la
couche funèbre, montrent l'âme nue emportée par deux petits anges, entre
deux grands anges thuriféraires. Le tombeau est surmonté d'un dais
massif, porté sur des colonneltcs trapues. Chapiteaux et tympans sont
couverts de monstres entrelacés. Le couronnement est tourelé comme une
forteresse, tandis que deux coupoles basses et godronnées, creusées dans
l'Ihit cniiiiil |iar II .M Parera, lie llarceloiie
FiG. 194. — Tdiiibcau d'un Templier; égli>;e de la MagiJalena, à Zaniora (xiir' siècle)
le ciel de ce lit de pierre, imitent les fantaisies légères des boiseries
moresques.
Le plus magnifique des tombeaux romans d'Espagne par sa décora-
lion sculptée, sinon par son architecture, est un reliquaire, celui de saint
Vincent et de ses deux sœurs, Sabina et Christeta, élevé dans le clm'ur
de l'église de San \'icente, à Avila. Le dais qui le surmonte de son toit
de pagode n'a été ajouté qu'au xv' siècle. Le sarcophage du xni' est porté
par dix colonnettcs : depuis les fûts cannelés ou striés de manière fantai-
siste jusqu'aux fines imbrications dont le réseau couvre le toit du sarco-
phage, tout le vieil édicule de marbre est ciselé plutôt que sculpté. Les
reliefs, d'une exécution libre et souple, sont fort cui-icux par l'éliremcnt
ri ramincissrmrni extrême des projiorlions. C'est un t'aractèrc (|ui ne se
•ÎU IIISTOIRI': 1)1-: I.ART
retrouve en Esjuif^ne di' manière aussi l'rappanle ([ue <lans un auli'e nionu-
inenl de la sculpture l'unéraire, le sarcophag^e de Lugo, et ((ui seiulde
révéler une innuenee bourguignonne.
La UlicORATKlN SCULPTÉE DES ÉGt.ISKS. ClIAl'ITE.VUX IIISTOniÉS. — Un
livre considérable serait nécessaire pour Fénumération et l'analyse des
détails de décoration sculptée (|iii fonl corps avec les églises romanes
d'Espagne. Il faut se borner ici à cilci- un monument dont les sculptures
diffèrent notablement de celles qui ont été étudiées dans les galeries des
cjuilics. {.'(■•Lilisc (le San Marliii. .'i iM-éimisla. |irès de Palencia, est un
\ ('•l'ihiblc musée desrulplurr
^ ^J romane. Les modillons du
(•lie\ct, avec leurs monsires
aussi grands que des gar-
gouilles de cathédrales, les
chapiteaux historiés de la
iirf, taili(''s dans d'énormes
blocs lie marbi-e, sont égale-
ment remarquables. Deux ate-
liers ont travaillé, sans doute
rii Miéuic Icmps, aux scid-
jilures de celle église. L'un
a\ail encore toute la gauche-
rie des vieux mai'briers d'O-
viedo ou de Léon : cet atelier
local n'a pris de l'art toulousain, qui se répandait à travers l'Espagne, que
(|uelques détails insignitianls. L'autie ateliera mieux connu l'art du midi de
la France, connue le prouvent des enroulements de rinceaux et des groupes
de monstres d une vigueur et d une fantaisie ('■tonnanles. ^lais l'artiste
(|ui dirigeait cet ati'lier s'est (;ncori' inspiré d'autres modèles. Il a étudié
des sarcophages antiques, pour y copier des figures entières, qu'il a
laissées nues, et qui, dans les formes de leurs corps et dans le sourire de
leur visage, font apparaître, au milieu des monstres barbares qu'elles
combattent ou chevauchent, une vision fugitive de la beauté oubliée.
D'après les détails du décor végétal qui les accompagne, ces sculptures
doivent être fort anciennes; elles remontent sans doute à la jiiemière
moitié du xii'' siècle. Le souffle de Renaissance ([ni. \eiiu on ne sait d'où,
a passé alors sur la ■■ Tierra de Campos », n'a touché, semble-l-il, (|uun
artiste et s'est aussilé)t perdu.
KiG. l'.tb. — Chapiteau tic F
Les ronrAii.s homans d'Esi'Acini:. Tvchs l'iuMrm s. Inkliencics uk i.'akt
■\n)iiEsoLE. — Les chapiteaux historiés (jui abondent dans bien d'aulres
lOlSM.VTlON ET DKVELOPI'KMKNT HK LA SCULPTURE (iOTIIIOUE 'Jt.j
églises d'Espagne, (Icpiiis la callirdialc de Tarragoiie jus(|irà crllc de
Salauiaiiquc, déconcertcnl les essais de classilicalion, parce ([u'ils ne
composent ]ias, mOnic à rinlérieur d'un édifice, des ensembles on des
suites ieonogi'aplii(iU('s cuiiipaiidilrs ;'i i'cu\ ijui >r iiMiriuili rui i\i\\\> \i-:
cloîtres. Les seules par-lirs de la di'coialinn srulpli-c drs rgiisrs (pTum
(•Inde rapide piii>se gidiipei' d'ap|-ès des aiialiigies liieii d(dillie> snid l(V
|inll;iil>. ('.en\-ei Inriiieiil de^ x'ries dans lesipieljes iill pelll >lli\|-e je^
progrès, plus on in(iiii> leiiK >e|()ii les r(''gi(His. (pii condniseiil de h
246 IIISTOIP.E DE LAP.T
siiiiplicilr |iriiiiili\ r ;'i uni' coiiiplrxih'' (|ui j-i\iilisc a\cc relie de l;i \ ic.
Un type élémcnliiire lie porlail s'esl rinim'' dès ic xi" siècle dans les
provinces chi'élienm^s de ri<]sp;iiine, cl s'esL conserve dans plusieurs
tlenlre elles jusquà la lin du xii". Les cliapileaux sont très simples, et le
tympan nu ou absent. On peut cilcr comme une exception unique le por-
tail de la collégiale de Ccrvatos (province de Santander), consacrée en
1199, dont le tympan est couvert d'un tissu d'entrelacs de goût moresque,
coupé d'une sorte de large galon sur lequel se détachent des silhouettes
de lions alTrontés et adossés les uns aux autres à la tile.
Dans la plupart des portails archaïques, la d(''Coralion sculptée se
développe uniquement sur les archivoltes. Celle du porlail de San Isidro
d'Avila, aujourd'hui placé comme une ruine pittoresque dans le jardin
public de Madrid, le Buen Retire, n'a pour ornement que des étoiles et
des rosaces, gravées plutôt que sculptées. D'autres sont ornées d'un
simple cordon d'entrelacs ou poiniillées de petites boules, comme les
archivoltes du porlail de San Pedro d'Arlanza, qui a été transporté au
Musée archéologique de Madrid. Sur quelques portails primitifs de la
région de Ségovie, chacun des chneaux porte une silhouette méplate,
monstre ou homme, très grossièrement dessinée et découpée (église
paroissiale de Las Navas de Riofrio, ermila de Nuestra Senora del Soto,
près Revenga, etc.). Celle iliToralinn d'archivolte se trouve reproduite
au xii*" siècle sur le poilail d'une église de Prémontrés, celle d'Arenillas
de San Pelayo, dans la province de Palencia : ici les figurines alignées en
demi-cercle ont pris un relief robuste; elles rappellent singulièrement la
décoration des portails de la Sainlonge.
Les archivoltes dentelées, qui sont communes dans les mosquées et
les palais arabes de l'Andalousie et du Maghreb, et qui ont été employées
exceptionnellement par les architectes des églises romanes d'Espagne
dans la construction même des nefs (comme à San Isidro de Léon), don-
nent à un certain nombre de portails espagnols un caractère oriental. Ce
détail de décoration architecturale a été reproduit jusque dans le midi de
la France. Pourtant c'est dans quelques régions d'Espagne que les arcs
dentelés ont été employés de la façon la plus suivie à la décoration des
portails, cl tracés avec le plus de neltelé en même temps que de
fantaisie.
Le motif se montre dans loule sa pureté à Z;hiiora, vers la fin du
xii" siècle, au vieux porlail de la cathédrale, dit Porte de l'Evéque [l'iiotn
del Obispo),el au porlail de l'église de la Magdalena. En Galice, quelques
portails ont des dentelures encore plus capricieuses, qui semblent imiter
un monograuiini' coufique indi'liniment répété. Lue ai'chivolte découpre
sur ce patron, et ipii surmonte un arc nettement tracé en fer à cheval, s'i'sl
conservée à l'entrée d'une petite église de Compostelle, San Félix de
FOF.MATIOX ET DÉVKLOPPKMENT DE LA SCULPTURE GOTHIQUE 247
Solovio. D'aiilres, loujdin-s iilnil iiiiii's, dcssinenl leurs lésions sur les
deux portails qui ont été élevés vers le milieu du xiu'' siècle aux extré-
mités opposées du transept de la cathédrale dOrensc. Ici le motif em-
prunté à l'architecture musulmane se trouve combiné avec toute une
décoration sculptée en haut relief.
En Navarre, l'arc lobé el festonné ne joue dans la construction des
portails romans que le rôle d'un accessoire insignifiant. (lelui qui découpe
ses pointes à l'entrée d'une église de Puentc la Reina est surmonté d'une
Phot, Bcrtaux.
FiG. 107. — Porto du Palais, à la cathédrale de Valence (vers 12G2).
qutidruple archivolte couverte de figurines en bas-relief, à l'imitation des
portails de France. Dans chacun des feston.s est inscrite la silhouette d'un
ange.
Les }iortails aux arcadi^s lobées ont pi'isdans le nord-est de l'Espagne
un développement tardif et remarquable. La cathédrale romane de Lérida,
élevée au sommet d'une acropole de rocher et transformée en une
énorme caserne ([ucntourent des fortilications et des bastions, a conservé
intacte la porte île son transept méridional, connue sous le nom de Porte
des Infants (en calalaii. l'unia deh Fillolx). Les archivoltes son! découpées
menu en figure de zigzags ou d'arcs entrelacés ; des rinceaux, des pal-
mcttcs, des silhouettes d'animaux minuscuhis couvrent les chapiteaux, les
arcliiv(jlles non di'nli'ii'i's cl les Iriantrles nn'mes des f(;stons ; ces arabes-
24S IIIS'IOIHE Dl' L'AI'.T
(|iics sonl aussi liinMiicnl r(;'r(>uill(''(_'s que colles (|iii décorcnl les coUrcIs
iiiorosques d'ivoire
Le porinil de L(ri(in fiiil rorps avrr un rdifiro rommoiUM'- on l'JOSot
consacré on l'JTS. Il a dii vive oxoonio vois \-H){). Eu cllVl. nn poilail
presque identique a été élevé à l'enlréo du IransepL méridional de la
cathédrale de Valence, dont la oonslruclion a été cominenoée en lîOi. On
l'appelle la Porte du Palais (en (alalan. l'uci-ln dcl l'alaii]. Les donalciirs
de ce jjortail ont fait graver loui's noms entre les modillons do la cor-
niche et l'ail sculploi- leurs portraits ])ar couples sur les modillons eux-
mêmes. Los hommes sont tète nue, avec les cheveux longs et coupés
dioit ; les femmes sont coiffées d'un chaperon ou d'une sorte do tiare
on toile empesée. Tous appartiennent à des familles d'immigranis qui
venaient de Lcrida. Le sculpteur de la Porte des Infants ou l'un de ses
élèves directs aura été
f' j^'^'^^\f>^ ^ i appelé par eux à \'alonco.
/ "V 4 ^"^W r^ Palais, il a rodoul.lé de
^ ^ *^ ^'^^ ***Jr virluosilé, au poini de
^ J&.JB jf^^^f^HI jrarrt^ détacher complètement
i^^MÊr^P^i ^K. i' »■• lesornemonlsd'unoétroitc
/ ^ ^^,-«1^ ' w^ 1t archivolte sur une mou-
; ;,^f^.t*^ .,, ^, '"^Si. '"'■'^ "'^"'tl''f' en passant
les outils derrière les
tiges frêles et les minces
Fjg. lus. — Portail de réglise San Pedro, à Iliiesca p
(première moitié du .\ir siècle). IlgUrinOS.
L'iconographie sacrée
s'est d('veloppée dans un grand iiomlue de monuments espagnols depuis
le commencement du xii'' siècle. Ces monuments se trouvent épars dans
les divers royaumes chrétiens: la succession historique des motifs et
des formes doit être reconstituée on dehors de tout ordre géographique,
et comme à \o\ d'oiseau.
Un motif archaïque et encore g(''omélri(pio, le cluismo, a été repro-
duit avec une romarquahle persislance dans la décoration des portails
romans tl Es})agne. Il y garde la forme de monogramme compliqué ([ui
se trouve sur les fragments de IVpoquo wisigothique. Un curieux com-
mentaire de ce monogramme est ilonné par une inscription gravée
au commencement du xii" siècle sur le tympan du portail de la cathé-
drale de Jaca :
Ildc in scrijiliii'ii, Icrloi', si giioscrrc cnra .
/' l'atrrc.sl, A (icniliis ilnplr.r csl cl S spiriliifi dliinis.
m Ircn injure dotniinis snnl tDiun cl idem.
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA SCULPTURE GOTFIIOUE ->W
Ce même hiéroglyphe, où un clerc a cru lire, avec h' nom du Chrisl,
les signes des trois Personnes de la Trinité, est répété, non loin de Jaca,
sur les deux portails ruinés de Santa Cruz de la Serôs. Lun des scul-
pteurs qui ont décoré le portail de la cathédrale de Jaca et les chapiteaux
du porlique latéral de cet édifice est venu travailler à Huesca; il y a rei)ro-
duit par trois fois le chrisme wisigothique porté par deux anges, sur
les portails de l'église et du cloître de San Pedro. Pour composer la déco-
ration de lun de ces portails, le chrisme est placé au-dessus d'un bas-
rclicr (le l'Adoration des Mages, comme un tympan au-dessus d'un lin-
FiG. l'J'J. — Tympan d'une porte latérale de l'église de San Isidro, à Léon
(première moitié du xir siècle).
teau. Les larges faces des rois mages, leur Larhe dure, leui's luniipies
raides à plis cassés droit rappellent, comme les chapiteaux du [lurliciue
de la cathédrale de Jaca, les œuvres les plus archa'i'ques de la sculpture
toulousaine. Au nord des Pyrénées, le chrisme wisigothique se trouve uni
à un ensemble comiiliqiK' de reliefs du m("-me style surle portail de l'église
Sainle-^Iaric d'Oloron.
Un chrisme idenliqut;, porté par dmix anges ^ olants, est ligiuV-, au-
dessous d'un médaillon de l'Agneau de Dieu, flanqué de deux Prophètes
agenouillés, sur le tympan d'un portail latéral de réglis(^ San Andrès
d'Armentia, près Vitoria; une inscription nomme le donateur, liodericus.
évèque de Calahorra. Le même cercle, contenant le même monogramme
accompagné des mêmes jetli-es. reparaît au ('(j'ur île la (laslilh' sur le por-
T. u. — ~>-
SoO IIISTOIP,K DK L'ART
lail (le l'rylisc tic la \ ii'i;cii de las Pcnas, à ScpriK cda . ci. à rcxlrcinilc
occidentale de la Galice, sur un porlail lali'ial t\i- la i)asili(|ue ilc Santiago
de Composlclle; mais sur ces jxHtails, le niolif arcliaïciuc se trouve perdu
au milieu d'une l'oule de figures humaines.
Portails de style toulousain. — Parmi les |ioiiails d'Espagne qui,
dès la pi-emière moitié du xif siècle, se couvrent de bas-reliefs, il en est
dont les sculptures, tout en oITrant un sens religieux, ne forment pas un
ensemble d'images régulièrement ordonné. Les deux portails hiléraux
de San Isidro de Léon appartiennent à l'édifice consacré en 1147. Le
lymjtan du plus grand de ces portails est composé de plusieurs plaques
de marbre assemblées. Celle qui fait office de linteau représente le Sacri-
lice il'Abraham. Trois autres, taillées de manière à suivre la courbe de
l'archivolte, sont occupées par une image de la Main divine et par des
ang<'s volants. l>es archivoltes sont massives et sinijdes, mais les scul-
ptures débordent largement sur l'avant-corps dans lequel le portail est
percé; deux statues debout sur des tètes de taureaux se font pendant, à
droite et à gauche de l'arcade. Elles représentent l'une un saint évèque,
Isidore de Séville, coiffé d'une sorte de tiare basse comme le saint Pierre
du vieux cloître d'IIuesca, l'autre une sainte aux cheveux dénoués, sans
doute l'une des sœurs de saint Vincent. Au-dessus de ces deux statues,
des bas-reliefs de marbre, encastrés dans la pieri'c de la muraille et dont
quelques-uns sont tombés, représentaient une série de musiciens et la
suite complète des signes du Zodiaque. Sur le second portail plus petit,
la décoration du tympan est formée de trois plaques, dont chacune est
consacrée à un sujet distinct : le Descente de croix, les Saintes Femmes
au Tombeau, l'Ascension. Deux statues encastrées dans la paroi du tran-
sept et disposées comme celles qui accompagnent le grand portail, repré-
sentent saint Pierre et saint Paul. Par la disposition et le style des scul-
ptures, les deux portails hdéraux de San Isidro rappellent manifestement
le portail latéral de Saint-Sci-nin de Toulouse. Doit-on supposer qu'un
sculpteur ait été appelé directement de F'rance dans la capitale du
royaume de Léon? A\anl de n'^pondrc à celle question, il est n/'ccssairc
d'étudier un portail qui ressemble (■troilemcnt à ceux de San Isidro,
mais qui est beaucoup jilus grand et plus riche.
La basilique de Saint-Jacques, à Compostelle, dont^ l'architecture,
presque identique à celle de Saint-Sernin de Toulouse, a été certainement
dessinée par un maître d'œuvre français, a conservé l'un de ses portails
latéraux, qui est contemporain de la construction du transept. Ce portail
regarde le midi. On l'appelle la Porte des Orfèvres [l'ucrla île l'hilcrian).
Sur l'un des montants du portail est gravée une inscription énigmatiquc
qui mentionne la date de la fondation de l'église : HI7<S. Les reliefs qui
FOHMATION ET DÉVIil.OPPKMENT DE LA SCULPTUIŒ (lOTHIoUE Sâl
couvrent le puiluil lui-imMiic cl liipardi soiil jioslérieurs à celle dale, mais
aiilérieurs au milieu du xii' siècle: ils se Irouvenl exaclement décrils dans
un manuscrit donné à la ( athédrale de Compostellc par des pèlerins fran-
çais vers 1140 (entre 11. "7 et lli.").
Ce document, l'un des plus jirccieux que possède l'archéologie du
moyen âge, permet de préciser le sens ou la place jirimitive de fpielqiics
l'Ii.it llerlaux.
FiG. 200. — La Puerto de Plalerias, poile du transL'pt mùriilioniil
(le la cathédrale do Compostelle (premiri-e moitié xir siècle).
détails des sculptures. Trois des onze colonnes qui soulicnneut les arciii-
voltes de la baie sont en maiiirc lilanc et couvcrics de figurines il'aprilres
et de prophètes disposées sous des arcalures, à la manière des gi-ands
Apôtres de Moissac. Les deux tympans, comme ceux des portails latéraux
de San Isidrode Léon, sont conqiosésde plusieurs iihiques de marbre sur
lesquelles se trouvent juxtaposés îles sujets dilTérenls : à dioite le Baiser
de Judas, le Clu-isl devant l'ihile cl la l-'lagelhilion soiil phicés iuiuir^dia-
iiisroiiiK Di' i;AitT
Icinciil ;iii-(lrss()iis (le l' Adornl ii >ii des Milices cl de rA|ijia]-ili(ia de raii<^c
aux rois endormis ; à (j^auclie, le mol il' inincipal est la Tentation du Christ
dans le d(''si'i'l : le resie du I y m pan es! rempli par des anijes \ olanis et des
diaiiles i-ampanis à l'orme de eliien, aux([uels esl joiide une j^i-ande el
élrange ligui'e tle femme assise. Dans les éeoinçons des deux arcailcs,
(jualre anges soufflent dans des
(rompes comme pour appeler les
moris au dernier Jugement. A leur
appel, Abraham sort du tomljeau
finseription : Siuriil Al/i'aliaiii de
IhiuhUi), au-dessus de la eoloniie du
milieu el du clirismc archa'iquc,
porl('' par deux lions adossés. Le
palriai'clie a \u le .loin- du Sei-
gneur i.Jean, \'lll, .Mii; au-dessus
de lui apparaît le (llirisl, non pas
assis sur son trône de Juge, mais
delioul sur le mont de la Transh-
gur'ali(tn. A sa droite esl saint
Jacques, enli-e deux arhres (|ue la
desciiiilion ancienne appelle des
cypi-ès; deri'ière lui sont alignés
six des A|iùtres. D'aulres bas-
reliefs semblent encastrés au ha-
sard dans la paroi. Tous n'étaient
poini plac(''s dès l'origine sui' celte
façade de r(''glise. (Juclques-uns
d'entre eux, comme le groupe qui
représenle Adam et Eve chassés
du Paradis terrestre, soid men-
tionnés dans la description t\\\
\\\' siècle pai'Uli les sculptures (pii
FiG.201. — Le Créaleui- et Adam :1c roi David. (|(H-orai(Mlt le iiortail lali'ral du
B.is-i'eliefs provenant du portail du Iran-
sppt nnrddo In catlirdrnlede Compostcllc. nord. Lors(pu_^ ce portail fut Ar-
moli au xviii" siècle, ccriains de
ses fragments ont servi à boucher les vides que le temps avait faits
dans la décoration de la façade méridionale; d'autres ont été disposés à
droite et à gauche du portail, à la liautcui- îles colonnes : ce sont des
morceaux remarquables, (jui représenti'nl la ('.n'^ition de riiomme, le
SacriOce d'Abraham, le roi David jouani de la \i(de. les jambes croi-
sées et les pieds posés sui' un lion.
Cette combinaison de deux porlails a achevé de brouiller l'écheveau
FORMATION ET DKVKLOPPEMENT DE LA SCULPTUIiE (;OT1IIOUE 'Jô".
(In lil (•ondiu-lcur que la tlcsciiptioii ilu xii" siècle ollVail aux prlciins. Mais
dès l'origine, les bas-reliefs ont été rapprochés sans ordre; qucNpu's-uns
(rentre eux ont pu donner prétexte aux plus singulières inlerprétalions.
Telle lut la mystérieuse ligure de femme
(|ui se montre à côte de la scène de
la Tenlation du Christ. Elle est décrite
dans le manuscrit de 1 1 40 à la {ilaee
même qu'elle a conservée, sur le tympan
de gauche. " C'était, dit-on, une femme
adultère, contrainte par son mari à tenir
sur ses genoux la tôte coupée de son
amant et à embrasser quotidiennement
cette tète, chaque jour plus informe el
plus fétide. » En réalité, la iéle de
mort est la tête d'un animal ([ue la
femme tient sur ses genoux. Le sujet
est facile à déterminer, si l'on rapproche
cette ligure d'une autre toute semblable
et de même dimension, qui a été en-
castrée également dès l'origine sur l'un
des montants de la porte de droite, en
face d'une figure d'apôtre. Cette seconde
femme porte sur ses genoux un lion qui
ressemble à un caniche. Elle avait été
destinée par le sculpteur à former avec
l'autre un couple. Les deux mystérieuses
figures, si on les réunit par la pensée,
se trouvent composer un groupe iden-
tique à celui des deux femmes assises
ciilr à i('ile sur un bas-relief du Musée
de Toulouse, provenant de Saiiil-Sernin,
et qui portent, l'une un lion, l'autre un
inoulitn, deux des signes du Zodiaque:
Si(iiiiiin leonis\ signum arietis. Les deux
reliefs de Compostelle, comme le relief
de Toulouse, et comme douze des reliefs
de San Isidro de Léon, de\ aieni ligurer dans un /.odia(iiie
ceaux onl été disposés de la facdii la jibis inalaiii-oile lor^ il
(le> >culp(ures ilu portail : i|iielqiii'^-iin> ilViiIre ru\ seul
logés au-dessus de l'arcade de L:;iiielie.
Est-ce l'un des sculpteur> du pnihiil (|iii |in''sii!a à c
I"ii:. 2(12. — Un signe du Zoilia(|no (le Lion).
Dclluil J'un lias-relief <Ic la l'un-ln *■ Pliilfi-his
Cal!i(;ilrale île Coniposlelle.
loni
iiior-
e rM>.seinMag(
eiiienl ont ('■!(
ii-ansposilidii;
donl 1(
-ullal fui de rendre une pallie de r(ill\re iliilil ell igiide pour h
25 i
III S roi ni-: ni'; i.ai'.t
conLcniporiuns iiirmes de rarlislc ? Pciil-èlrc <Mait-il parli laissani ses
marbres sui- le clianlicr. Les maîtics ([Mi ont décoré les deux portails du
transept de Cuinpustelle, celui du sud, qui est encore debout, celui du nord,
dont quelques morceaux ont été conservés, étaient des étrangers. Deux
mains ou plutôt deux manières sont faciles à distinguer. Dans les reliefs
qui couvrent les trois colonnes historiées et dans ceux qui étaient destinés
aux deux tympans, les ligures sont
courtes, les visages grossiers, les
plis rares et droits. Un artiste plus
savant et plus souple a donné aux
ligures qui devaient prendre place
au-dessus des arcades des propor-
tions plus longues, des draperies
plus Unes et plus souples, des vi-
sages plus beaux. Ces sculpteurs
représentent deux générations suc-
cessives d'une même école, qui est
l'école toulousaine.
Il faut admettre que, depuis la
fondation de l'église jusqu'aux tra-
vaux entrepris pour la décoration
des façades du transept, un courant
continuel a entraîné des architectes
et des sculpteurs français du Midi,
par le » Chemin de saint Jacques »,
jusqu'à la ville qui était pour toute
l'Europe latine comme une seconde
Rome. C'était le temps oîi Com-
postelle était pleine de marchands
et de moines français, où un clerc y
rédigeait en français, pour la gloire
de saint Jacques et de Charlemagne,
la Chrt)ni(pie du Pseuilo-Turpin, où
la porte du transept norti, celle dont (pirl(|iies fragments ont survécu,
était ;qi|M'lée la ' Porte [vnnçnific •> , l'aihi fraiiiii/ciKi.
Les étrangers qui avaient travaillé à Compostelle se sont transportés
à Léon avant Lli7. 11 est à peu près certain que les portails de la basilique
de Saint-Jacques ont été exécutés les premiers. Le portail du sud était
dans l'état où il est resté, et les uiorceaux conservés du portail du nord
étaient achevés à la date de 1 1 iO, où ils ont été décrits. Cette constata-
tion l'aile sur un monument d'Espagne est importante pour l'histoire de
l'arl IVançais. L'i'lude des portails anciens de Compostelle oblige à repor-
Fk;. 2(C.— Les signes du Lion et du P.iMie
Frngmenl d'un Zodiaque provenant
de Saint- Sernin.
(Musée il.' Tuiilousc.)
FORMATION ET DKVKLOPPKMENT DE LA SCULPTURE GOTHIQUE 255
liT dans la première moitié du xn' siècle quel([ues-unes des (euvres les
plus remai'qiiahles de la sculplure toulousaine.
I.a deseripliun de 1 1 iO l'ait savoir que la hasilicjuc de Sainl-Jae([ues
possédait, en dehors des portails du transept, un troisième portail bien
plus large, plus haut et plus riche. G était le portail de la façade ; il avait
trois baies et était surmonté d'un groupe de la Transfiguration plus grand
(|ue celui du portail nord : saint Jacques y reparaissait à la droite du
Ciirist. Ce portail a été remplacé dans le dernier quart du xii" siècle par
une œuvre admirable et sans pareille. Entre la Puerto de Plalerias et le
Porlico de la Gloria, il y a une solution de continuité dans la suite des ate-
liers qui se sont succédé sur le grand chantier de Compostelle.
Imitations et combinaisons diverses de l'art français dans les
PORTAILS romans d'Espagne. — Dcs enseiiibles iconographiques moins
touITus que ceux de Léon et de Compostelle, mais plus nettement délinis
et plus clairement composés, se forment sur les portails et les façades
dans diverses régions de l'Espagne. Ouelques motifs ont pu être adapt(''s
par des artistes locaux à la sculpture monumentale. Le Ciirist donnant la
Loi à saint Pierre et à saint Paul est représenté sur le tympan de la petite
église de San Pau del Camp, à Barcelone, exactement comme sur les
anciens sarcophages chrétiens. Les détails qui complètent la décoration
sculptée de la façade sont traditionnels dans toute l'Europe latine : c'est
la Main divine, l'Ange et l'Aigle des Evangélisles. La croix inscrite dans
un cercle et les rosaces qui sont gravées, à côté d'inscriptions en carac-
tères anguleux, sur le linteau et sur les tailloirs des chapiteaux, sont des
signes d'archaïsme. Le portail roman de Barcelone peut remonter au
premier quart du xii' siècle. Le groupe du Christ, de saint Pierre et de
saint Paul est répété, en Catalogne, sur le portail de l'église San Pau, à
San Joan de les Abadesses. Les reliefs sont grossiers et ont perdu toute
ressemblance avec l'art chrétien des premiers siècles. D'autres portails
catalans sont consacrés à la gloire de la \'icrge. Elle apparaît dans une
auréole elliptique portée par des anges sur le tympan d'un portail de
Manresa, jilacé aujourd'hui à l'entrée du palais épiscopal. Les ligures sont
allongées, les draperies agitées. Ce bas-relief est très su})érieur à la
représentation di' la Vierge glorieuse portée par deux anges, qui ligure
sur le portail de Corneilla de Confient, dans le lioussillon français. Un
autre bas-relief de la fin du xii' siècle, représentant la Vierge glorieuse,
est conservé au Musée archéologique de Madrid. Il provient de la grande
église clunisienne de Sahagûn, consacrée en 1180. Ce marbre tort curieux
rappelle beaucoup moins les sculptures bourguignonnes cpie les scul-
ptures toulousaines.
La ligure le jdns (•()mmuii(''menl repiodnile dans la (l('<-(irali(>n des
2.".6 HISTOIRK DE I.'ART
lympans esl celle du Clirisl en gloire. Le Uoi céleste est accompagne le
plus souvent des quatre symboles des Evangélistes. Ce groupe se ren-
contre depuis San I>or(Mi/.o de Carhoeiro, en Galice, jusqu'à Tarragone.
Directement imih' de la siulpluie IVancaise, il a été reproduit par des
artistes d'habileté très variable et qui suivaient des traditions très diverses.
Le Christ glorieux du portail latéral de la cathédrale de Tarragone, taillé
dans le plus beau marbre antique, a le l'elief d'une sculpture provençale
exécutée par une main grossière ; celui de Lugo, en Galice, également
sculpté dans un marbre blanc, a l'aspect d'orfèvrerie incrustée de gemmes
que conservent les grandes figures du tympan de Moissac. Ce Christ de
marbre était autrefois orné de cabochons en cristal.
Au commencement du xiii'' siècle, la représentation traditionnelle du
Christ glorieux se combine, sur le portail de la Vierge de las Penas, à
Sepùlveda, avec l'assemblée des vingt-quatre Vieillards de l'Apocalypse,
alignés sur l'archivolie, et avec deux groupes de morts ressuscites, indi-
qués sur le linteau, à côté d'un chrisme archaïque. L'ensemble forme une
image sommaire et grossière du Jugement dernier.
Sur les façades de deux églises de la province de Palencia, Santiago
de Carrion et l'église tlu village de Moarbes, le motif du Christ glorieux,
accompagné des quatre symboles des Evangélistes, s'élargit de manière à
former le milieu d'une frise qui se déploie sur la muraille, au-dessus d'un
portail sans tympan. A droite et à gauche du groupe central, les Apôtres
sont alignés sous des arcatures. L'une des deux frises est manifestement
la copie de l'autre. La première en date doit être, non la plus grossière,
qui se trouve à Moarbes, mais celle de Carriôn, dont l'exécution est à la
fois puissante et raffinée. L'église de Santiago était voisine de l'un des
])!us importants monastères clunisiens d'Espagne, San Zoilo de Cai'riôn.
11 csl im|)()ssil)le de distinguer dans la superbe frise aucun détail d'oi'i-
gine bourguignonne. La composition rappellerait plutôt les grandes
figures, rangées symétriquement sous des arcatures, qui décorent les
façades de quelques églises du sud-ouest de la France, comme celle de
Notre-Dame-la-Grande, à Poitiers. Cependant les frises de Carriôn et de
Moarbes ressemblent de beaucoup moins près à ces ensembles de scul-
pture monumentale qu'à des pièces d'orfèvrerie, telles que le devant
d'autel en cuivre émaillé d'ouvrage de I^imoges, qui a passé du monas-
tère de Silos au Musée provincial de Burgos.
Les statues-colonnes des portails du nord de la France ont été imi-
tées en Espagne plus fréquemment que dans l'Aquitaine. L'église de San
Salvador de Leyre, nécropole des premiers rois de Navarre, dont les
ruines indestructibles s'élèvent au milieu de rochers sauvages, à quelques
milles de la frontière française, a conservé un portail fianqué de deux
figures de saints adossés aux pilastres qui limitent l'ébrasement de la
FOISMATION KT DEVELOPPEMENT UE LA S( .ri.PI rP,!' COllIlorE i:û
I);>io. fies (iiiurcs comiiic colles du iMirUiil ilc N'ah'nliirn;. mu- je \rrs;iii(
ojiposr (1rs l'\ r(''ni''('s, sonl moins il(.'s stnlucs (|ur ilrs lias-rrlirl's ; elles
uni la (aille de slalui'lles. Le seulpli'ur du poiiail de Lcyrr s'esl ronné
l'Iiul, du D. M Fan. liai tcIoiic.
Kk;. '201. — Porc-hc de l'ri.'li~o do I!i|i(ill i (.ntalognc). xii" siècle.
sail> duiili- ;i Irriilc lolllc lusainr . ( loiiiiur Ir-, >cul|il l'Uis dr la |miiIc roinaili'
t\r ('.()lii|H»li'l|r. il a i:anii le Iviilpaii d'une suilr dr lias- irl irr> dmil
cliacuii iT|ir('-M'nlc a\rc la UK'iiir |iii('Tilil<- un |MTsi>nnai^i' <lill'(Tenl : le
C.lirisl (lu l'un des saints vénérés dan> Ir munaslère. Ces i-eliel's, (jui uni élé
T. H. — .'i"!
->:>x nisToii^K Di': i:akt
coiisiiléiés à lurl cuinnic des déliris d un porlail antérieur ou même d une
nuire église, sont manifestement conlemporains des » statuettes » ados-
sées. L'imitation des statues-colonnes du nord de la France est ici altérée
par des traditions méridionales et des archaïsmes barbares.
En avançant vers le centre ou vers l'extrémité orientale de l'Espagne,
les inlluenccs fi'ancaises reprennent parfois leur pureté. A Ségovie, les
trois statues encastrées autour du portail de San Miguel ne sont que de
grands bas-reliefs; mais, à quelques pas de là, les quatre figures d'apôtres
rangées sous le porche de San ^Mai'lin, sont de vraies statues-colonnes
comparables à celles du porche vieux de Chartres. D'autres statues plus
Irapues et plus raides, qui sont les restes de portails détruits, se trouvent
encastrées dans une façade de l'église de Carracedo, près de Corullôn
(province de Léon) et dans la crypte de l'église de San Juste, à Sepùlveda.
Les arcliitectes espagnols ont employé parfois des statues de ce genre
dans des compositions originales, dont l'équivalent ne se trouve pas en
F"rance. Le vestibule de la Camara Sania d'Oviedo, ce réduit qui conserve
encore des reliques authentiques des premiers royaumes des Asturies et
de Léon, est couvert d'une voûte en berceau, dont les énormes doubleaux
retombent sur des colonnes accouplées. A chacune des colonnes sont
adossées deux statues d'apôtres. (l<'lle assemblée de cariatides ^iriles
prend une mystérieuse majesté dans l'omlire du sanctuaire liistorique.
Les statues-colonnes ont été combinées avec une foule d'autres
motifs étrangers à l'art français du Nord dans la décoration extérieure de
([uelques églises de Catalogne et de Navarre, qui peuvent être comptées
parmi les monuments les plus magniliques et les plus déconcertants du
moyen âge.
!>a parlii' inri'ricurc de la fa(;iidi' ilc IV'tiiise de liipoll, sauvée de l'in-
cfiidii' (pii 11 (h'Iruil en 185.") h' corps de l'iMblicr, rurini' un ii\ ai:l-c(irps
lilléralemcnl ciiuvril de sculplures. sur une longueur de onze mètres et
uu(> liauleur de |ilus de scpl mèlres. Au milieu de la foule des figurines, les
deux slaturs ad(iss('Ts aux cohniiies (h' hi porle passriil presque inaper-
(Hies. L'une esl lui Prophrle. l'aulrc .s;iinl l'ierre, le patron de rabl)aye.
Parmi les nudiiph's arfhi\ nltcs, la pliipail sont ornées de rinceaux, de pal-
melli's ou de l'uliaiis di''li(ateiiiciil ciscir's. Trois d'entre elles portent sur
cliaeuiide leurs claveaux uu gi'oupe de ligiiriiies qui avait un sens religieux.
Au-dessus des deux statues, douze reliefs racontent la vie et la mort de
saint Pierre et de saint Paul ; plus bas, douze autres sont partagés entre
l'histoire de Jouas et celle de Daniid ; sui' l'intrados de la baie on ilistingue
l'histoire de Ca'i'n et d'AJjel. Les reliefs continuent sur la face interne des
montants, jus([u'au seuil, pour mettre en scène dans douze compartiments
les Travaux d(^s Mois. Adroite et à gauche du portail, les bas-reliefs se
dévelop[)ent sur cinq zones superposées. Deux d'entre elles seulement, les
^.^«v;»—
Hioi l;,, 1,1,111 i'.,ii,|.,hi
l'l(i. "iliri. — lAf:ADE DE l'i-,GL1:^E DE SANTA MAIIIA LA REAL, A SANGËESA (NAVAIUIE).
XU° SIÈCLE.
i'IlO IllSTOIl!!': Di: i;ai!T
]illis pldclii'S (lu Sdl. solll DCCUpi'TS |(;ir (l(\'^ lilrs d'il liiiiuuiX. ^i lliiiurl les
iiiiniisciilrs ou grands monslr(>s en IkiuI irlid'. Au-ilcssus dr hi zone intV'-
ricure, di's ligures liuuiaini's de n'raudein' naluirllc soni rauii(''es sous
des nrcalures d'un l'ailde reliel'. Elles foruieni des gioujies : d'un (•(Mé.
c'est le roi Da\id, avec ses musiciens : t\c l'aul rc. Ir ( ".lirisl des aid l'ilalr.d
le martyre dun saint (''vèque. Les trois /.ones sii|ii'rieures. ins(|u'aii soiu-
liiel delà plus liaulr arcldv iille. ccinijiosent un l'i'cil de l'hisloii'e de Moïse,
aninu'' par des lalilraux de lialailles liildi<pies. ImiIIii. une Irise continue,
assez seul Mal lie à cri le de la l'aeade de San! iago de ( '.ari'ii'in. passe iiu-des-
sus derarchivoll(> et occupe toute la largeur de lavant-corps. Le Christ
glorieux y trône, entouré des \ ieillards de l'Ajiocalypse, qui jouent leur
luusitpie (•(■■leste.
Il n'existe en l'rance aucune ra(;a(le romane (pii puisse passer pour le
]>rotolyp(' de celte muraille île Iias-relief's. Les frises (pii onl ('■l('' sculpl(''es
dans la seconde moiti('' du xii' si(''cle sur les (l'glises d'Arles, de Beaucaire,
de Nîmes, de Saint-Gilles, ne sont (pn_' l'ornement ou le couronnement
d'une arcliitectiu'e. Elles ne l'orment jias un re\èlenH'nl. Le style m(''me
des sculptures de liipoU n'a ni la vigueur nei-\cuse de l'(''cole toulousaine,
ni le r(dier cl r(''l(;'gance classi(jLn;'s de r(''cole proxcm-ale. (i'esl en Italie
seulemenl (pie l'on trouvera des ouvrages disj)OS(''sd'une maiii(''re ainilogue
el ex(''ciil(''S a\ec ce r(dier ui(''(li(icre pour le.s grandes ligures, ce soin pn''-
cieu.Y de marbrier expert pour les objets en minialiire ou les deHailsde pure
décoration. La façade d'église qui ressemble le plus à la singulière façade
de l!i|ioll est celle de San Zeno de Vérone (cf. I. I. p. (i!l!(-700). Les scul-
jileurs ([ui ont décoré, vers la lin du xii' siècle, la riche église catalane
étaient sans doute dc^Comaciiii voyageurs, comme ceux qui gagnèrent les
vall(''es I(>s plus recul(''es des Pyrénées pour travailler, en I I7.'i. à la Seu
d't rgel. En tout cas, ces étrangers ont vraisemblablemeni (dn'i à un goiit
local ci " espagnol » en couvrant de reliefs tout un a\ ant-corps de façade,
bien plus complètement que ne Font fait les décorateurs des grandes cathé-
drales de l'Italie du Xord.
En Navarre, les sculptures qui débordent à droite et à gauche ilu
grand portail latéral de San Miguel d'Estella ont pris un développement
comparable ti celui des sculptures de la façade de Ripoll. Ici les inlluences
étrangères (pii dominent sont françaises; mais l'œuvre est originale et
vigoureuse; elle doit être attribuée à un maître local. Quoique l'eifet
d'ensemble ait été malheureusement détruit par la construction d'un
porclie que ferme une énorme grille, la conception de l'artiste est restée
claire et frappante. L'église est consacrée à l'Archange qui doit tenir la
balance divine au dernier Jour; les reliefs célèbrent les anges et annon-
cent le Jugement dernier.
L'imitation des modèles français est beaucoup plus apparente dans la
FORMATKlN KT l)i:\ I;L« )r'PKME NT |)K LA SCrLPTlTŒ ( iOTIIigil-; -JOl
drcoialioii (1 une ^ecfjiule l'jiradr cooscrvce en Xavtirre, celle de léiïlise île
Sangiie.sa. Les statues du portail, fuselées comme les c(d()nnes (lu'elles
cachent à peine, semblent sculptées par un arlisfe qui auiail vu le porche
vieux de Chartres. Mais le lirand C.hrisl du tympan n'e.-l [las le Dieu de
majesté qu'entourent les animaux ailés. 11 est leJuge du mondr (pir re|i!é-
sentent au xif siècle les sculpteurs du midi de la France, et purle la cou-
ronne du Christ de Moissac. Le Christ glorieux et pacifique ne se montre
qu'au milieu de la douille i-angée d'arcatures qui règne aLi-dessus de la
Fio. '201;. — Pnilnil .le San Tome de Soria (Vieille Castillc).
jiai<': il (^sl accompagné d'anges cl de pruphèles. C'est sans doule un
second artiste qui a exécuté ces statues courtes et sommaires. Un troi-
sième |>eut-ètre a rempli les écoinçons de la grande arcade avec des reliefs
di' Inule grandeur et de toul(> forme, où des entrelacs barbares et des
mon^lres orientaux sont rapprochés de (igurines prises sur le vif, connue
celle du forgeron qui frapjie sur son enclume. Si ces artistes sont ditfé-
renls, ils ont certainement travaillé en même temps à un tnsemide com-
mun. Ils ont mêlé à des souvenirs de l'art français du Nord il du Midi les
traditions archa'iques de l'art local. L'œuvre énorme et monstrueuse qu'ils
ont laissée manifeste avec une sorte de na'ivelé grossière la tendance qui
s'accuse, dès la fin du \ii' >iècli'. dans la >cuiplure es[)agnole et qui la dis-
tinsue de la sculpture frani;ai>e du Xord. mé'me lorsqu'elle imite celle-ci :
le sculplrur n'e>l >ali>lail que >'il a fail disparailre rarcliilcrlure sous les
'jti'j iiisKtiitK hi'. i.Airr
l'clict's, sans laisser ua ro|iiis à l'iril. Les onicincals iuulilcs, moiislrcs on
siniitlrs «huniers, couvrenl enlièrenieiit les arcliivolles du porlail de Snn-
giiesa, cnlre les liguriiies, cl se poursuivent jnsque sur le eonlreforl. Les
artistes toulousains de la première moitié du xii' siècle concevaient de
mc'-me la sculpture comme un revêtement ou une incrustation, qu'il s'agît
de décorer le portail de Saint-Sernin de Toulouse ou celui de Saint-
Jacques de Compostelle. Un jieu plus lard les sculpteurs du sud-ouesl
de la France satisfont à un guùl analogue lorsqu'ils accrochent des sla-
hies ou hrodeni des reliefs sur loule la hauteur des façades romanes de
Poitiers ou d'Angouléme. Mais jamais en France les reliefs ne se suivent
et ne se pressent comme sur les façades de Ripoll, d'Eslella ou de San-
gi'iesa. Même en présence de monuments groupés dans les provinces pyi"'-
néennes, moins hospitalières que l'Aragon aux arlistes niiidi^jars, il es!
permis d'invoquer, dès le xii'' siècle, une inOucnce lointaine de l'ai'!
moresque, f(ui masquait entièrement la pieri'e et la liri(|ue sous l'émail,
la faïence et le stuc. La transposition des principes de ici ari polychrome
dans la sculpture chrétienne d'Espagne ne de\ienilra un iail conslaiil et
évident que deux siècles plus tard.
Les ])ortails dont loute la d(''co: ation figurée se plie à un ordre
logique et à une ordoiuiance architeelurale sont des exceptions dans l'art
roman d'Espagne. Ils rejiroduisent des modèles français. Parfois, deux ou
trois de ces modèles se trouvent combinés dans un seul monument
espagnol. La façade de San Tome (ou Santo Domingo) de Soria, avec ses
deux étages d'arcatures, est fort semblable aux façades poitevines. La
décoration du portail réunit des motifs d'origine assez difTérente, dont la
plupart se rencontrent ilans le sud-ouest et l'ouest de la France. L'archi-
volte qui surmonte le tympan porte les figurines des vingt-quatre \ ieil-
lards de l'Apocalypse, .serrés les uns contre les autres à la manière des
figurines qui pullulent sur les portails du Poitou et de la Saintonge. Deux
autres archivoltes sont couvertes de gi'oupes en bas-relief qui repré-
sentent la Nativité et l'Enfance du Christ, en détaillant les épisodes du
Massacre des Innocents, qui se trouvent i-acontés exactement à la même
place sur le vieux portail de la cathédrale du Mans, avec la même variété
de gestes violents'. Les scènes de la Genèse qui, sur ce dernier portail,
occupent l'archivolle supérieure sont reléguées, à San Tome de Soria,
sin- les chapiteaux du poi-tail : ici l'archivolte supérieure est consacrée
tout (Milière au récit de la Passion du Christ, qui se poursuit à travers les
groupes serrés, sans aucun rejios entre les dilf(''rentes scènes. La rudesse
du style, la v(M've populaire (hi i'(''cil rappelleni les l'eliel's des plus gros-
siers chapiteaux des cloilres na\arrais ci calalans, au\(|uels resseiublenL
I. C.e raiHiiOiliOiiieiiL csl dû à M. Seiiaim F:Uig;iU.
l'diiMATioN i;i- IH'A i;i,(ii'i'i;.Mi;.\i' di-: i,\ sci i.i'iriii-; coriiiuri', v<:,
;'i Sorin, CL'iix des clitilrcs de Sun Pedro <■( de S;iii .liuiii (\r Diirid. I.c
siidiilrur (lui csl \cnii drrorer la façade de rôglise de Sorin nV-l;iil sùre-
iiifiil ni un l'oilcxin, ni un .Manccau, ni un Français du Nord ou du Midi.
Il a iidroduil parmi les reliefs du porlail de San Tome des niolils
don! il n'exisle poinl d'exemple en France. Fe Dieu couronné (pii li-ône
au milieu du lympan, dans une aiu'éole ellipli(|ue llanipu'e de (pudre
anges, ne ressemble au Christ glorieux des porlails français du Nord (pie
par la sereine beaulé de son visage. C"csl. non pas le ChrisI, mois le Père
Flcrncl; il tient sur ses genoux
le Christ enfant. Parmi les
(jualre anges, il en est un qui
porte le Livre : c'est le symbole
de rÉvangéliste saint Malliieu.
Les trois autres tiennent dans
un voile les symboles de Marc,
de Fuc et de Jean, animaux
minuscules dont on ne voit qui'
la lèle : celle de l'aigle semble
^(lriir d'un nid. Ces représen-
laliiins cxceplionnelles peuveni
('■li-e alli-il)U(S's à l'imagination
lii/aiie d'un sculpteur espa-
gnol.
\.i' départ esl plus facile à
laiic cidre les motifs d'origine
différente dans la décoration
des portails de San ^'icente
d'A\ila. Ici un mail rc é'j ranger
a certainement lra\aillé à coté
d artisans locaux. F'iin de ceux-
ci a sculpté pour le porlail latéral les deux statues placées à droite de l'en-
Irée et maladroitement encastrées, comme des hauts-reliefs, cntri' les
colonnettes. Fe tra\ail sommaire et plat des draperies rappelle encore les
reliefs du poi-lail de San Isidro de F(''on. F'une des statues re])réseiite une
sainte; elle est coin'(''e d une guinipi' cl d Un jjonnel à la mode espagnole
du xiT siècle. Fe groupe (pii se trome placé à gauche de l'entrée est d'une
tout autre main. CCsl une Aiimmcial ion. l/ange ci la \ iei-gc sont des
ligures plus gi-andes, jilus sveltes, plus souples (pie les statues qui leur
font face; le nu des jambes longues se di^ssini^ sous les plis lins de la
l(''gère di-aperie. Pal- |rni- si vie, par leui' allihidc ir^gèremcnt ployée et
pciichr'e, jiar la place m(''mr qu'elles (icciqjenl Mir le nu d'un pilaslre. les
deux ligui'cs (In i^i'oupe d'.\\ila rappi'lleul les ApiMi'es réunis deux à deux
2(1
- l.'AiiiKiiiL-iiiUoii. l'oi'l.ill l.-ilcial
de San Vircnto d'A\il.i.
iC.ciiiiinrnrcment du xni' sirclc .
'2(11 IIISTÔIIII-, |»K I.AHT
coiilic les |ii(''(lruils (lu i^iiiiid |Miil;iil de \ (''/.cliiy. (',('|)cii(l:\iil le lr;i\;iil
est iiKiins ;'ipre cl plus large ([uc celui des sciilplurcs du fiiuu'ux |i(irclie
Lourguii^iion. L'Annoncialion du jioiiail laléral de San Vieeiile d'Avila ne
peut être antérieure à la lin du xii' si(''cle.
Le portail principal, celui de la façade occidentale, perniel de pr(''ciser
les rapproclienienls. Il est divisé en deux baies. Les Apôtres rangés à
droileel à gauche de lenlréc sont sortis de lalelier qui a e\écul(''le groupe
de l'Aiinoncial ion : deux Ikmuuk^s à longue Iiai'he. assis conlre le Irunieau
ceniral cl I un des umnlaids du grand porlail. soni pos(''s el drap(''s
comme la ^ icrge du portail latéral. Les autres, bien que del)out de\anl
des colonnes, comme les statues des jtortails vieux de Chai'tres ou de
Bourges, se regardcid l'un laulre: gi'oupés deux à deux, ils l'urnienl,
comme les apôtres de N'ézelay ou C(unme ceux de Lîamberg, imilés de l'arl
bourguignon, une c Santa Con\ersazione «. Lt's ai'cliivolles sont uni([ue-
mcnt ornées de rinceaux, dont quel(|ues-uns détachent sur le fond d'une
large moulure leurs coquilles de feuillage précieusement ajourées, (le
décor végétal est fort exactement pareil, comme M. Enlart la remar(pié
(I. 1, p. ^7(■>) à celui des archivoltes du portail de Sainl-Lazare d'Avallon.
L'arlisie (pii a scul|)té le grand porlail de l'église d A\ ila esl l'un de
ceux qui onl décoré le mausob'^e de sainl \ inceid el de ses so'urs, placé
dans le sancluaire de celle (''glise. Les liguiines (b'iuesurénu'nl allongées
cpii paraissent dans les scènes du marl\ re, les dais à tourelles qui sur-
montent les groupes rappellent les délails les plus caraclérisliques des
scidplures d'ANallon. L'(''glise d'ANila esl, parmi les (''glises romanes,
celle (jui a conservé, hoi's d(' la Lîoui'gogne, le plus remarquable ensendjle
de sculpture bourguignonne.
L'aist 1 p,an(.ais i;t i 'ai;ï local dans i,v scuipti r,!; uomaM': u'b.si'AfiNi:.
— San ^'icenle d'A^•ila semble donner une léponse à la queslion qui a été
formulée plus haut et que suggérait l'histoire même des oixlres monas-
li(pies dans l'I'lspagne du moyeu âge. L'exislence diiu alelier boiirgni-
gnon dans l'une d(^s i'(''gions les plus farouches de la \ ieille (laslille esl-
elle due à rirdluence de l'I )rdre de (lluny?
A\ila ne possédail aucun monastère de cet ordre; de plus, au
xui' siècle, quand le porlail de San Vicentc a été sculpté, la puissance
clunisienne était très réduite. Les églises el les villes d'Kspagne qui
avaieni été les centres de cette puissance' n'ont conservé aucun morceau
de sculpture dont le carat-lèi'c bourguignon soil nuinil'esle. Si les grands
bas-reliefs du cloilre de Silos ont (''lé scul[il('s par des moines, ces
inconnus \enaieul, n(Ui de Bourgogne, mais de ([uebpu' monastère
\. S:ili;ii;iiii. C-ininii. Ilueiiiis, Sm1;iii]:iiiciuc. Zàinui'a. Fronii^la. liuii^ds, Lcyrc en
Xav;in'c.
i(ti;MAii(iN' i:r I)i:vi:i.oi'Im:mi;nt dp: i.a siirLi-'iriU': coiiiinii'; -i^v.,
(I \(|iii(aiiie qiii,coiuinc celui ilc Sainl-Picrrc de Moissac, soniuis à (lluiiy
liciidanl le xu'' siècle, était un foyer d'art toulousain.
Les Bourguignons qui ont travaillé à Avila resicnl isolés. Les prc-
niiers el les plus nombreux des sculpteurs qui ont l'ait coniiailrc à
l'Espagne l'art français du xiT siècle, étaient des méridionaux, lis n'oni
pas essaimé, comme les moines, avec une communauté; artisans, ils ont
suivi l(>s routes des marchands et des pèlerins. Ces hommes, dont les noms
sont inconnus, comme les noms de leurs compagnons restés en France,
ont prolongé l'école toulousaine jusqu'à Gompostelle, l'école provençale
jusqu'à Tarragone. Pour la sculpture romane, il n'y a pas de Pyrénées.
\'crs la fin du xu'' siècle, des courants d'iniluences ipii descendaient,
du sud-ouest, de l'ouest et du nord de la Fi'ance, se sont ramifiés jusqu'au
C(eur de l'Espagne. L'art (pii a\ait cr(''i'' les portails de Saint-Denis et de
(_;harlres est venu se combiner en Navarre, en Castille, dans les Asturies
même, avec l'art de l'Aquitaine. La plupart des formes provinciales de la
sculpture française du xu'' siècle onl i''ti'' connues en Espagne au moins
par (|uelques détails. Le seul ai'l chrélien et européen qui ait laissé sa
trace dans les monuments romans d'Espagne, à côté de l'art français du
.Midi et du Nord, sendde (Mre l'arl lombard, représenté |iar les seul]iteuis
(lu porche de lii[)oll. Les llalieiis (|ni (Mit franchi les Pyrénées ne se son!
point avancés, au \if et au xiu' siècle, hors de la Catalogne.
La prédominance des éléments français dans la sculpture idinanc
d'Espagne est un l'ail inconteslable. Cepcndanl des ateliers locaux s'(''laieni
formés au xii' siècle dans la phipari des pr(j\inces. Les uns repi-oduisenl
des motifs élé'mentaires qui reni<iiilaieul à l'époque wisigotliicpie; d'aiilres
s'inspirent de l'art musulman. Les portails de Valence et de Lérida, dont
les tlentelles de marbre ont la finesse des stucs moresques, sont les fan-
taisies bizarres et légères d'un arlisie chrétien — ]ieut-élre d'un ateliei-
-- (pii a rivalisé avec les sculpteurs et les ('"liénistes nniili'jdis, sans les
copier. Hien n'est plus original dans l'art roman tl'Espagnc; rien n'est
jilus M espagnol ».
A côté des sculpteurs qui s'essayaient à des variations diiïéreides et
inégalement brillantes sur des thèmes de l'art musulman, d'autres onl,
imité l'iconographie et le style de l'art français. Il est diflicile actuelle-
menl de l'air(>, dans les cloîtres et les portails d'Espagne, la iiart des
b'rançais voyageurs et celle des b^spagnols (|ui onl tra\ailli'> aM'c ces
étrangers ou qui sont allés peu! -(Mre chercher des leçons vn France. Des
œuvres composites comme le portail de Sangilesa })cuventétre attribuées
avec certitude à quelque atelier local. .Maisjusqu'ici une seule école laisse
ap[)arailre nettement, malgré les emprunts faits à la France du Midi, sa
personnalité et son originalité. C'est l'école catalane, dont le représentant
devant l'Iiisloii-e est AiMiall Calell, le seLd|ileur de Ijai-cebme.
1. u. — ô't
266 IllSTOlliE DE LAIiT
La sculpture monumentale en Galice à la fin du XII' siècle.
I.i; (.i;ami r(ir;( III-; m: i.v (.\i iii':iiF!AI,I'; dp: (Iompostelliî. — Dans le
(Icniii'i- (luail (lu \ii' sirclc, un jiorclie rlcvr à rextrcmilé occidcn-
ialf (If ri'^spaiinc rgala |i()iir lani|il('ur (^Ics proportions et la a;ran<lf'ur
(le la conci'plion les jiorchcs rran(2ais les plus solennels, en les (^lépas-
sant pour la l'orec (lraniali(pie, non moins que pour la iierl('- de l'ext''-
culion. (".(' }»orehe esl celui de la ealli(''dral(^ de (]oni]>oslelle, le Porllro
llf 1(1 dltl] i(l.
Il esl élevé, comme une église, sur une er\|)[e. Le porlail de la
Transliguration, terminé avant 1 1 iO, s'ouvrait en liaul d'une jiente
abrupte, et au somme! de lune des collines sur lescpielles a été liàlie la
Rome espagnole. In large escalier devait monter vers les trois haies.
Pour construire un jiorclie devant l'ancienne façade, il fallut lui pr(''parer
un soubassement; ce fut la chapelle qui est appelée aujourd'hui sans
nulh? i-aison la vieille cathédrale (Calcilral vicjd)). La décoration extérieure
du porche a disparu sous les ornements de la magnifique façade har()(pic.
Sa décoration intéi'ieure est intacte. Les piliers de ce porche, (pu sou-
tiennent de hautes voiites d'ogives, oïd pour fiunlalions les pilici-s de la
chapelle inférieure. Cependant leur so( le ne louche pas le sol. il repose
sur l'échinc d'animaux énormes, Ix'diers, lions, ours, griffons, qui sem-
blent seuls soutenir la niasse de la construction. Un houuue est à demi
couché sous le faisceau de quatre colonnettes qui partage en deux la baie
i-cnlrale. Ces supports vi\ants sont de granit , connue la cathédrale entière
et la (diapelle basse. l'restpie toutes les sculptures du porche sont de la
nnune matic're. Seules qvndtpies colonnelles de marbre blanc, ciseh'i^s par
le sculpteur comme des ivoires, relèvent de leur Idancheur ilorée le ton
sévère de l'architecture et des reliefs.
Une colonnelte de marbre esl a(^lossée au trumeau de la grande
baie. Son lut, profondément l'efouillc, où les figurines se mêlent aux
rinceaux, esl un arbre de Jessé; son chapiteau montre une singulière
image de la Trinité, ('.elle colonne pi'écieuse esi le |)i(''deslal d'une grande
statue de saint Jacques. L'ap(Mi-e, assis sur iiu tr(iiie drapé, s'appuie
d'iHie uiaiu sur son bAlon de pèlerin et tient de l'autre la banderole
où il esl (■■(•rit (pie le Seigneur l'envoya évangéliser les Espagnes {Misit itie
Ddni'nnix).
Des stalues d'hommes se dressent dansl'éhrasemenl des Irois portails,
debout au-dessus des colonnettes de granit j)oli ou île niarlire ouvragé : à
la droite de saint Jaccfues, des prophètes; à sa gauche, les A|iùlres. En
face d'eux, des statues moins nombreuses sont adossées aux piliers exté-
Fdi'.MAiidN i:t I)EVHL<»im'i:mi:nt i»i: la S(:rLi>Ti lu; (.(cniiori: ^i;:
i'ii?iir.s (lu pinihc. Ce sont qiuilrc })ro|)lièles. une femme couronnée ([ui
]H'iil (Mic la iiro|iliélesse Judilli, el une l'emme ^oill'■(■ (jni csl la siiiylie
aniioiieiatiioe du Jugemcnl dernier. Aux quatre angles du porche, quatre
anges, placés à la retomli(''e îles arcs ogives, sonnent les iiompettes qui
doivent réveiller les morts. D'autres anges, j)lacés au-dessus des Prophètes
et des Apôtres et formant deux groupes entre les tympans des trois por-
tail>. rccuiMllent dans leurs manteaux les âmes des ressuscites. Les allu-
sions au Jugement se précisent sur l'archivolte du portail de dioile (pii rsl
couverte de figurines, tandis ([ue celle du portail de gauciie resie unii|ue-
ment décorée de rinceaux et de
rosaces. Au sommet de l'archivolte,
une tète majestueuse qui ressemble
à celle du Christ apparaît au-des-
sus d'uiir l(-te d'ange. Des bande-
roles qui s'écartent à droite et à
gauche de ces deux léles conlc-
naicnl les ]iaroles de bénédiction
<l df malédiction, D'un côté, sur
i:i coui'lir de l'arcade, les anges d
les ('lus forment des couples de
bienheui'eux; de l'autre les damnés
sont torturés par les diables nus.
Le Christ juge el roi se dresse
au milieu ilu tympan du portai!
central, figure géante, qui mesure
cinq mèlres de haut. .\ ses côl(''s
les Evangélisles sont assis, accom-
pagnés de leurs symboles ailés;
des anges portent les attributs de
la Passion. Sur l'immense arcbivol
calypse. jouent des instruments les plus divers en l'honneur du Roi
céleste. En face du tympan, sur deux des piliers extérieurs, deux anges
inclinés vers le Tout-Puissant l'adorent.
Dans l'Espagne chrétienne aucun monument, avant l'époque des
grandes cathédrales du xin" siècle, n'est comparal)le au porche de
Couq)ostelle : aucun n'est comme lui une construction d'architecte, de
sculpteur el de poète. En France les porches de Chartres exposent une
iconographie j)lus conqjliquée el plus savante. L'auteur du jiorche de
Compostelle n'a pas réalisé en [jierre une Somme théologicjue, mais une
hymne épicpie.
La nolilesse tics formes, l'inlensili'' (h; l'expression, la pei'fection du
travail >iiul dignes de la grandeur de la conception. L'c'qiopi'e (pii associe
jh.le-.iil l'..rli.|iii' il,- kl Gin
icuvre (le mailre Mathieu (11S3).
CaUiédrale de Sanlia20 de C"inpostelle.
('. vingi-qii;ilre rois, ceux de rAp(
208 II1ST0IRI-: [)!■: t;ap.t
l'assemblée des Prophèlcs eL des ApùLres aux terreurs du dernier Jour esl
traversée çà et là par des éclairs de drame. Tandis que les démons gri-
macent, les anges serrent dans leurs bras les petites âmes nues avec une
tendresse violente comme une passion. La main du sculpteur esl tantôt
presque brutale, lorsqu'elle accuse, en marquant les méplats, l'expression
d'un visage de granit, tantôt délicate et caressante, lorsqu'elle détailb^
dans le marbre des colonnettes ou des chapiteaux les frisures dune pal-
mette en fleurs d'iris ou qu'elle modèle la rondeur d'une figurine nue.
L'œuvre paraîtra plus étonnante si, tout en la contemplant, on a lu
sa date. Celle-ci est gravée sous le linteau du portail, à droite et à gauche
du saint Jacques, dans une inscription où le maître lui-même s'est nommé
avec orgueil :
« En l'an de l'Incarnation 1183, de l'ère espagnole l'22)i, le i" avril,
les linteaux du grand portail de l'église de Saint-Jacques ont été mis en
place par maître Mathieu, qui avait fait fonction de maître depuis lu
construction des fondements du porche'. »
Une donation du roi de Léon Ferdinand II à maître Mathieu est con-
servée aux archives de la cathédrale de Compostelle. Ce document atteste
que l'artiste était maître de l'œuvre delà cathédrale au commencement de
l'année 1IG8. Les travaux entrepris à cette date étaient probablement ceux
de la chapelle basse qui devait prolonger les fondations de l'église vers le
couchant et servir de crypte au grand porche. Quant à l'inscription de
1183, son témoignage est le plus authentique et le plus solennel que
l'histoire possède au sujet d'une œuvre de sculpture du xif siècle. Le
porche de Compostelle est une véritable construction, oi^i architecture cl
sculpture sont inséparables. Quand le linteau dont parle l'inscription a
été posé, il a eu pour supports le trumeau auquel est adossée la statue de
sainlJacquesetles montants de granit dans lesquels sont sculptés le Moïse
et le saint Pierre, surmontés l'un et l'autre d'une statuette d'ange qui fait
oflice de corbeau sous l'énorme architrave. L'inscription a pu être gravée
par un artiste impatient de jouir de sa gloire avant l'achèvement total de
l'ouvrage. La consécration de l'église en Pi M a dû suivre de près l'enlè-
vement des échafaudages du porche. En tout cas, lorsque le Moïse cl
le saint Pierre ont été sculptés, c'est-à-dire avant M8.">, toute l'architec-
ture était conçue et le style de la sculpture était fixé par le maître pour
tout l'atelier qui devait achever avec lui l'œuvre prodigieuse.
D'où venait ce maître Mathieu'? Assurément il ne peut passer pour
un disciple galicien des maîtres toulousains qui avaient travaillé aux por-
tails du transept de la cathédrale de Compostelle. Pour les sculpteurs de
I. •• Aniiû ab incariiacioae Domiiii M'C'LXXXIII-, Era l'CC'XXI'/', die Kl. Aprili^ i/iiperli-
in'niaria prineipalium portalium ecclesie beati Jacabi sunl rnUocala jier inagistriiiii Malheuin,
</i(i a fundumentis ipsurmn poi-lallam gessil magisterium ■■.
l'diiMATKix 1,1 iir;\ i;i.<iri'i:Mi:M i»i: i..\ sc.ri.p'iTRi': doTiiiori': iM
la l'iieihi (le l'Itilcriiis. les ivliofs n'élaienl que niarquelcrie cl placage;
ceux mêmes qui avaient un sens religieux ne formaient qu'une suite con-
fuse, où plus d'un détail devenait inintelligible. Pour le maître du porche,
statues et reliefs sont les matériaux animés d'une architecture organique
et les strophes d'un poème solennel.
Hors de la Galice, l'Espagne du Xord possède-t-cllc un monument où
la décoration sculptée soit aussi intimement unie à la construction? 11 y a
sans doute des ressemblances dignes de remarque entre Farchitccture du
II... -im. — .'^.■■|i;irali(in (le-i t'iii;; cl des d;uiiiié!i. D.-lail du pdirhr de 1;
de CuMi|iiisli'lle ^liM \]i >i('cle|.
]}orclie (le (lumposIcUc cl celle du vestibule de la ('.(iniin-n Suiiln d'{)\ie(l(i.
Ici lesarcs-doubleaux delà voûte en berceau, qui retombent sur des piliers
llanqués de statues d'apôtres, sont ornés de lourdes rosaces, comme les
arcades et les nervures massives de la voûte qui couvre le porche. La
sculpture est plus rude à Oviedo et paraît plus archaïque, de même que le
système de voûtes. Cependant il n'est nullement certain que le vestibule
de la Camara Sntila ait été construit antérieurement au porche de Com-
postelle. 11 i>eut être l'œuvre d'un disciple de maître Mathieu, et non d'un
précurseur.
D'ailleurs la chapelle aux voûtes obscures n'olTrail poini nu lype de
construction d'où l'artiste le plus invenlifpùt tirer le dessin d'un Irijile
jiorlail. Le modèle du porche de Compostellc n'est pas eu Espagne : il ne
peut rire cherché qu'en l'^rance. Parmi les purlails du xii'' siècle t\iù ont
•-•■n iiisToir.i': di- i;ai!T
n''|irl('' les (lisjmsilioiis iiiaiigurri's à Siiiiil-Dcnis el à Cluirlrcs, celui qui
rrss('iiil)]i- le plus au porclic de ("-oniposlcUc par le slyle sévère el rolmslc
des staliies viriles, par la rieliesse exulirranle des coluniietLes et des
chapiteaux qui porLenI (•es statues et jns(pie pai- des détails lids (pic le
bonnet godroniié d'un prnpliélr. rsl Ir iiorlail nii'Tidionai de la ralii(''(lrali'
de Bourges.
Cependant noniltrc de uiolil's el dr di'dails (pii coneoui'enl à la d('co-
ration sr'ulpl('M' du grand porche de (loniposlelle ne se retrouvent ni à
liourges, ni dans le noid de la France. Tels sont les monstres couchés
côte à côte sous les piliers. Ils ont la taille énorme et le corps puissant des
monstres accroupis entre le soubassement et les pilastres des portails de
Sainl-Ciilles en ProxiMice. Sainl-( iillcs était une (''laiie signalée à la dévo-
tion des pèlerins sur la plus IVé(pient(''e des (puitre roules rran(;ais(^s (pii
rejoignaieid le ciicuiin de Sainl-.lacques.
Parmi les grandes statues du grand porche de Compostelle, quel-
ques-unes ci'oisent les jambes dans l'altitude de danse que les sculpteurs
toulousains du xn' siècle pn'tenl à h'urs gi'andes ligures tl'apùtres.
L'artiste qui a sc-ulph'' ces statues s'est-il souvenu de deux statues de
Sainl-ClilIes, qui scMuldenl être l'ouvrage d'un maître toulousain? A-l-il
vécu à Toulouse? L'hypothèse est iuulile. La caliiédiale de Compostelle
était aussi ri(die que Saint-Sei'uin en (eu\res de sculpture toulousaine.
Le rétable même que l'évèquc Diego Gelmirez avait donné vers 1 MO et
qui était un ouvrage d'or et d'argent, rajipelait par ses reliefs le portail
de -Moissac : le trôiu^ du Seigneur y était soutenu jiar les (|ualre l'^vangé-
listes et accompagné des Apôti'es, assis sur deux rangs, et des vingt-
(puitre Rois de rA|)Ocaly|ise, disposés en cercle [ pcr cii-rnilKin), «comme
les avait vus saint Jean, l'rère de saint Jacques ». En composant son
(l'uvie. le maître du porche a pu s'ius[)irer des sculptures qu'il trouvait à
(^ompostelle : il a répété siu- le lym|)an du grand portail Cjentral, non le
groupe de la Transfiguration ipii surmontait l'ancien portail occidental,
mais rassembl(''e glorieuse qui brillait dans l'uv du retable de la cathé-
drale.
Ainsi le porche de C()uq)()stelle est l'o'uvre d un maître couqilète-
menl initié à l'art du nord de la Fi'ance, (jui a sans doute connu Saint-
Gilles, peut-être Toulouse, et qui a, semble-t-il, emprunté quelques motifs
et même quelques archa'ismes aux oeuvres de ceux qui avaient travaillé avant
lui pour l'église de Saint-Jacques. Aucun documentne mentionne la patrie
de maître Mathieu. Esl-il un Galicien revenu dans son pays natal après
avoir travaillé en France assez longtemps pour acquérir la connaissance
la plus complète et la plus intime du nouvel art français? Est-il un Fran-
çais du Nord venu en Galice, et qui, en traversant le Provence et l'Aqui-
taine, en séjournant à Compostelle, serait arrivé à modifier son art dans
i'(ii!.M.\ri(i\ i;r 1)é\i:i.()PPi:.mi:\t m; i.a sci i.i'ii ni: (.oiiihji i; •.'■;i
(|nrl([iies drlails d'icononraiiliii' on de slylr. loul cnrcslanl fidrlr aux [iriii-
cipes essenliids (iiii élaienl pour l'art français du Xoid coninic des carac-
lèros de race?
Coniposirlle s"(''lail (■lc\(''c dans la seconde nioilii'' du mi' siècle au
rang d'une capitale de la chrétienti'' latine. La " ville apostoli(pic »
d'Espagne était alors Lien plus brillante el plus vivante que la ville des
papes. Elle était, en même temps qu'une ville sainte, la « ville très excel-
lente et fertile en toutes délices ». Ses trouvères interprétaient des thèmes
de In |io(''sie française dans le dialecte galieien. \a- ('inniducro (iiillciin i\r
la |jil)liolliè(pie du N'aliean est contemporain ilu l'orli(pic de la ( doire. Les
Prophètes qui sont rangés à l'entrée des portails de l'église de Sainl-
Jacques figuraient dans des représentations de drames liturgicjues. Les
instruments bizarres dont les Rois de l'Apocalypse jouent, seuls ou deux à
deux, sont ceux dont jouaient en Galice les noides pour lesfpiels il ('tait de
luode au xii" siècle d'être musicien.
Au temps où la Galice a possède'' une lilléi'alure el une musi(|ue. pou-
vait-elle produire l'artiste (pii a conçu et exccuti'' le porche de la calh('-
drale? Il (''lait facile aux poètes galiciiMis de connaître les ('q)opées el les
chansons de langue d'oïl ou de langue doc par les F'rancais (pu \cuaieiil
en pèlerinage. Pour eonslruire un monument d'architecture et de seid-
pture françaises aussi st)lide el aussi vixarit que le Porti([ue de la Gloire,
il fallait, non seulement avoir \u des (■glises de France, mais a\ oir
travaillé dans un chantier français.
liien ne peruiel de croire qu'un Espagnol ait été employé au
xu' su'_'cle à la d<''e(U'atioii d'égliso telles (pie les cathc'drales de (Ihartrcs
ou de Bourges. Il est certain au contraire que, pendant t(jut le siècle, les
Français, marchands ou pèlerins, ont afllin'' à Gompostelle. Maître Mathieu
('■tait sans doute l'un de ces étrangers. ( )u sait (pi'il v('cut à Gompostelle de
1 KiS à 1 IS.". .M(''uie si l'on suppose ipic pendant ce temps il retourna quel-
quefois dans sa patrie, pour revenir l)ieid(M à son œuvre, il fut attaelu''
assez longtemps aux travaux de Gompostelle pour qu'il soit facile
d'expliquer la présence des archa'ismes et des <> provincialismcs » par
les(pi(ds le porche de Gompostelle diffère des pures œuvres françaises.
Il en diffère encore par des caractères plus profonds. Xi les sculpteurs
« romans » de Chartres, ni ceux de Bourges n'ont eu la puissance drama-
tique et le souflle épique du maître qui posa en 1 LS.") les linteaux du grand
porlail de Gompostelle. Le Portique de la Gloire reste en son temps une
œ-uvre unique. Son auteur est, parmi les très rares artistes du moyen j^gc
dont le nom nous est connu, l'un de ceux qui ont les droits les plus incon-
testables au titre de ci(''aleur et d'homme de g('nie. Par hs combinaisons
d'arts différents (pi'il a r(''alis(''es. par le sens de la beauté plastifpieet de
l'expi-es^ion poéli(pie (pi'il a po»t''il('-. |iai- le uiysl(''re uiènie (pu envclop[)e
'ii-> iiisroii!!': 1)1'; i.Ar.r
SCS ()i'ii;iiirs, Ir iiinilrc du porclic ilc (l(iin|i(>sl('llc l'ail [leiiscr au sculplcur
ilalieu ([ui, plus d'un deini-sièclc aprrs lui, siijfncra la cdiairctlu Baplislri'c
de l'isc. IMatlrc Malliicu csl I(^ Nicola l'isauo d(^ llÙM'opc occidcnlalc.
L\ sci'Li'irKii EN Galick Ai'iŒS jiMiBE Maiuiku. — Tous les ('Irmeuls
\ ilaux de l'arl qui devait s'épanouir pendant le xui' siècle siir les l'açades
des callicdrales de France claient réunis, à la (in du xn'' siècle, dans la
décoration du ii'rand porche de la calliédrale de Gompostelle. Si celle
(cu\ re d un arli^le de g(''nie a\ail ('■!('■ une cr(''alion espagnole, elle aui'ail
pu susciter en Espagne une sculpture monumentale qui se fût dévelop})ée
])arallèlcnient à la sculplurc française, sans se confondre avec elle. 11 est
ccriain ([ue uiaîlre Malliieu fil école à ( lompostelle. Ses disciples immé-
diats onl décore'' la grande salle du })alais arcliiépiscopal qui fut l)àli dans
les ]u-cnnères années du xni'' siècle à côté de la calliédrale cl au nortl
du iHiu\eau porche. C'est une salle de festins, préparée pour les récep-
lidus d'un prélat opulent et magnifique. Les consoles sculptées qui
j)ortent les larges arceaux des voûtes d'ogives représentent soit des anges
chanlanis, soit des musiciens semblables aux rois qui forment à l'entrée
t\c IV'glisc \oisine leur solennel concert, soit des scènes de repas. La
salle avait elle-m("'me un véritable por(die, donl il reste Irois statues.
In artiste du même atelier l'ut appelé à Orense. La cathédrale de
celte ville avait été bàlie sm' un plan prestiuc identique à celui de la
cathédrale de Gompostelle. Le |iorch(^ qui fut éle\é devant la façade au
milieu du xiii'' siècle reproduisit l'orl exactement le " Poiliipie de la
(iloire i>. 1/iconographie des statues cl des bas-relie'fs est la même dans
les deux monuments. 11 ne manque à Orense que le (Ihrisl colossal : ]r.
tympan du portail central a été complèlemenl transformé à l'époque de
la Renaissance. Les proportions de loutes les ligures sont |dus petites
(pi'à ('ompostelle, les formes plus lourdes et plus étriquées.
Au temps même où le porche de la cathédrale d'Orensc (''tait eu cou-
sh-uction. des innuences étrangères (jui restaient inconnues de maiti'e
.Mathieu pénétrèrent en Galice. La cathédrale de Tuy, petite ville de
Galice élevée au bord du IMino et toute proche de la frontière du Portugal,
avait été commencée à la fin du xii'' siècle et consacrée par l'évêquc Esté-
ban Egea avant Liôo. Son portail remonte au premier quart du xiii' siècle.
Les statues adossées aux colonnes ne ressemblent que de loin à celles du
porche de Gompostelle : elles ont des proportions moins vigoureuses et
plus élancées. Les arclii\oltes couvertes de rinceaux et de rosaces
rappellent la décoration bourguignonne du ]iortail de San N'icenle
d'Avila. Les groupes disposés sur le linteau cL le tympan sont séparés
l)ar des motifs d'architecture à tourelles. Ils représentent l'Adoration des
Beigers et l'.Kdoralion des ÎMages. Les bas-reliefs du portail de Tuy
[■■()i!.\[ATi(i.\ i;i- i)i;\ KL()i'i'i:.\ii;.\T di: i.a sc.i i.prrni': coiiiioii-; 'jt:.
rappt'llenl \r,\v ric()no<ira|)liic dos sornos, cf)miiio pnr hi sillioin llr des
liLiiirincs. \t^ |)((rl;iil Sninlr-Aniie do Xoire-Dame de Paris d li- porlail
cciilral (le la cjd li(''di'ali' i\i' Latin. f|ui soal de niriiic cnnsarrt's à la i:I(iii-('
de la \icr,<2:c cl i\r l'I-lnranl.
Les leçons du sciilpiciu' incdiiiiii de Iny el celles d(; iiiailre Malliieu
ont été combinées par un arlisan loral dans la décoralion du portail d(^
l'église de Sanfa Maria, à la ( lorogne Ciiriiùin : au-dcs>us de la scène de
l'Adoration des ^Nlages sont rangés les rois musiciens, réduits au noinitrc
de onze. Ces figurines sont d'informes fantoches. Les représenlalions d("
l'Adoration des Mages qui ont été répétées au xni" cl au mv' siè(de sur les
portails de plusieurs églises de Galice ne soni pas nmins grossières. Les
statues adossées, comme celles qui décorent le porlail de l'église de San-
tiago à la Corogne, sont, après l'ioO, des exceptions. I,a sculpture gali-
cienne fait rcidur à la Iradilinn rnnianc.
Cependanl, lorstpn' les arlistcs incaux rcdc\inri'nl capaldcs d'cnlrc-
prcndrc une oeuvre imjioi-tantc de scidptui'c monumcnlalc. le poi'ciic élevé
à la lin du \\\" siècle devant la basiliipie de saint Jacques s'oH'ril à eux
connue un uu)dèle toujours fécond. 11 lut imité avec ses détails les plus
caractéristiques — monstres du soubassement, statues debout sur des
colonnes liasses, rois musiciens rangés sur l'archivolte — par le
sculplciu' du porlail de San Martin de Noya, qu'une inscripli<ui graM'c
sur le linteau date de rann(''e 1 iôi. ^Mais le porche que des milliers de
jièlerins admiraient chacpic année à Composli'Ilc ('■tail rcsli'' in<-onnu de-,
artistes qui avaient tra\ailli''. depuis le conunencenicnl du xiii' siècle
en dehors de la Galice.
La sculpture française en Espagne pendant le XIII siècle.
Lks GRANDES c V rui:iii', \i,i:s m; ( '. \si k.le Er de Léon. — I^e xni' siècle
l'ut jiour rEs])agne chrétienne une épotpie do gloire et de prospériti'-. l iic
dernière invasion umsulmane est arrêtée dans la journ(''e de Las .\a\as de
'l'olnsa l'_'l'J ; le royaume de Grenade, seul dt'bris i\i' la puissance des
iididèlcs fi\ b]spagne, est sans cesse mcnaci''. \]n l'J.'ll ruiiitui des di'ux
royaumes de (laslille cl )\i' Léon est accouqilic jiar le roi i^'crdiiuiiid. I les
cathédrales plus grand(!s ipu; celle de Gompostellc s'élèvent dans les ca|)i-
tales de ces deux royaumes, à Bui'goset à Léon. Les souvei-ains président
;'i leur fondation.
('.es grandes (■■gliscs sont les Mioiiuiucnts d'un art royal cl <'-piscopar
• pii ne fui poinl. par sc> |irinci|ics et par ses l'oi-nics. un ail naiional.
Les arcliilecle> cl les ^culplcurs que |iou\;iicnl l'ouiiiir la ('.a>tilli'.
L(''on ou les aulrcs i-()\aunics d l'^sjiagne. non! pi-is |iail à la conslruc-
T. II. — ")5
'^Ti iiisToiiii'; 1)1-: i;ai!T
tion cl à la (l(''coralioii des callK'di-alcs de l)iii-g(»s el de L(''()n que comiiie
des aides ou des nianonivres soumis à des uiaili-es d'uMnre venus de
l'élranger.
Les rapporls de la (laslille avec la France ('laienl devenus de \Ai\s en
plus élroils à la suite dit mariage tie l'inl'anlc Blanche avec le prince qui
devait elrc le roi Louis N'III el le père de saint Louis. Les entreprises
artistiques, après les cxjiédilions mililaires, attirèrent un nouvel afflux de
Français. Il y avait ]iarnii eux, non plus des (•omniunaul(''s de moines,
comme celles qui avaient passé les Pyrénées un siè(lr aiqiai-avani, mais
des chevaliers et îles marchands qui s'élablirenl dans les r^/.s////as- et les
jiohiiicloiii'x, et des artistes voyageurs que les évèques et les rois atta-
chèrent à Fceuvrc de leurs ealhi'di-ales.
Celle de Burgos lut commencée eu FilM. L'église, fondée sur le jire-
mier gradin du rocher fauve et nu qui poi-lail la ciladelle, a les arcs-
boutants, les pinacles aigus, les toui-s puissantes d'une église de l'Ile-de-
Francc. Il manque à la ii( hcsse d(> sa façade les sculptures des trois
portails, dont l'ébrasement esl i-esh' nu. Les deux portails ouverts aux
extrémités opposées du transepi oui peu soulfeil des restaurations du
xvi'' siècle. Celui du nddi, appeh'' |inrl;nl du Saniimldl ' ^niiiraiiiciihil ?)
apparaît en haut d'un escalier majestueux ([ui moule de la ville à la
calhédrale.
Les lignes simples de l'arc hiteclure, les masses clairement distri-
l)uées de la sculpture, hi puissance du lelief, la largeur des draperies, la
beauté sévère des ty])i's, loul, jusqu'aux feuillages des chapiteau.x, mani-
fcsle lintervention d'un mailre ^(■nu de I^'rancc, et probablement de Tlle-
de-b"rance. Le motif central du lynq)an — le Chi'ist gloi'ieux entre les
cpiaire syndioles des Lvangélisles — avait élé reproduit déjà sur les
]iorlails des églises romanes d'Esjiagne. Mais sur le portail di^ Burgos les
Fvangélistes eux-mêmes sont présents à côté des animaux mystérieux. Le
grou[)e ainsi forme n'a pas trouve place dans la décoration extérieure
des grandes cathédrales de l'rance. Il était connu cependant des scul-
pteurs de la région parisienne : on le dislingue sur le portail malheureu-
sement mutilé de DonniMuaiie-en-Montois (Seine-el-IMarne).
Par le style des statues' et des figurines, le portail du Sarmcntal est
l'égal des plus fameux poilails tIe France. L'assembhh' des Apôtres rangés
aux pieds du Christ a la majesté du groupe des Prophètes assis sur le
linteau du portail de la ^'ierge, à Notre-Dame de Paris. Le saintJacques
debout, appuyé des deux mains sui- son haut bâton, enveloppé dans son
manteau à plis droits, ne lessemhle plus à l'apôtre assis à l'entrée de la
cathédrale de Compostelle connue le dieu que venaient prier les pèlerins.
I. (tualre d'onU'c elles oui clé relnitcç au xvr siècle.
Foii.MA'riox \:t I)i:\ i:i.»)I>I'i:mi;i\t ni-: i..v scni.PTrui-: coiiiinn; ->-,:<
Prc'L à marcher, il reg-arde au loin, avcr un calme 1i('t()Ï([U(\ la li'rrc (|u'il
doit conquérir au Chrisl. A cùlé de ces statues monumentales, les ligu-
riiies du tympan, les statuettes des archivoltes, détaillées par un Iravail
précieux, oITrcnt le spectacle de la variété la plus vivanle. Les Évangé-
lisles, assis sur des chaires basses devant leur pupitre de scribe, soni
coilles (lu chaperon des marchands. (]'oM à jn-ine si quelques-uns des
rois musiciens de rarchivolie. plus Irapns et plus lourds ((ue leuis \(ii-
sins, trahissent la collaboration d'un disciple local du maiire Iranrais.
Le portail qui l'ail pendani à celni-ci sni- la i'a(;ade oppos(''e du IransepI
s'ouvre beaucoup plus haut. De ci^ i-ù\r, le niurlal('i-ald(! la net s'adossail à
un premier ressaut du rocher, avani de iiionl rr à l'air libre. Pour alleindre
le portail nord, de TiuliM-ieur de l'église, il l'aul gravir encore aujourd'hui
l'escalier à rampes de i'er l'oi-gi'' (|ui est l'une des nier\eilles de la Renais-
sance espagnole. L'enln'-e es! de idain-pied sni' la l'ue ('•Iroilr qui Inngi' la
-21 r< iiisruiiii'; ni: i;\I!T
t'alli(Mlri\lc, cl le recul manque pour aipprécicr l'ellel irenseuilile du ]i(irlail.
L'arcliilecture, la disposition des slalues cl des i-elicls, le slyle de l'crMui-c
rappollenl direetenienl le portail du midi. Les dou/.r A|inlres son! dehoul.
.six par six. enlic les colonnetles qui s'alignenl dipuis la iiaie de leiiliée
jusqu'aux deux conlrel'orls angulaires du li-ansi;pl. Le un il il' ((iilial est
lin Jugement dernier.
Dans le sc'^jour des Bienheureux, nn nmiiir Iruaiil une charte et un
évèque (déca})ité) s'avancent vers un roi el une leine. (l'est F'erilinand de
(lastille et Béati'ix de Souahe, i-eprésentés proliahlenient de leur \ivanl,
el admis d'a\ance parmi les élus pour leur ]ii(''t('' el h'ur génc'-rctsilé. La vie
contemporaine esl unie par le seulpjrnr à la \ic i-(''leslr. La reine \(Mue
d'une tunique droite à ceinture flottante porte une coilTure tout espagnole,
une sorte de tiare flanquée de deux énormes torsades, qui ressemhle élran-
i;euienl à la |ianire du linsle gréco-ibérique lr()u\(''à I'HcIk''.
La " poih; liaule 'i tlu transept est menliouni''e sous le nom de l'orte
<les Apôtres dans luic donation d'Alphonse X, datée de 12'û . La poi'te (pii
donne accès tlu bras méridional du liansept dans le cloître esl certaine-
ment postérieure ii cette date. L'archilrelure des niches dont le dais
lourde abrite les statues esl plus complic[uée et plus chargée de détails.
Les feuillages des chapiteaux el des archivoltes sont plus menus et plus
dentelés. Les surfaces cpii resleni nues sui' Ir souliassemenl l'I le linleau
ont été couvertes d'un damier écaileh- aux arnu's de C.aslille et de Lc'on.
Les statues ont jieiilu leur rigidité uKinumentale : le roi I)a\id penche le
col et le front comme la \'iej-gc de l'Annonciation.
Cependant la porte du cloître esl certainement une onnre du
xiu' siècle. Le prophète placé à côté de David esl moins frisé que les
Apôlres de la Sainte-Cluqielle de Paris. Le bas-rclicf du lympan, qui
représente le Baptême du C.lnisl, oppose des groupes symétriques. Les
figurines de ce lias-relief, celles des Prophètes et des Hois de Juda assis
sous les niches de l'archivolte, n'ont encore ni les alliludes conlournées,
ni les expressions coquettes que jircndronl les slaluetles du xiv'' siècle.
Les visages sont mâles et tiers, les drajieries simples et droites. Le scul-
]i|rui-. piubablenirnl \rnii de h'i'aiice. appartient à la génération (pii
suivit celle de^ premiers sculjileurs de la cath(''drale. Sans doute il
n'existe en France aucun portail qui puisse passer pour le prototype de
la petite porte de Bui'gos; mais les mêmes caractères se relrouvcnl dans
quelques morceaux de sculpture française qui, comme les orfèvreries des
sanctuaires, étaient destinés à être vus dans la lumière tamisée par les
vitraux el ne devaient pas être exposés aux inlenqiéries. Tels sont les
fragments du jubé de (Jiartres. le^ relirl's (|ui d(''C()i'enl la l'acadi; de la
cathédrale de Reims, sur la paroi (pii regarde la nef, les Apôtres de la
Sainte-Chapelle de Paris. Comme ces bas-reliefs et ces statues, la petite
loRMATioN i:t I)i:\ i;i.(>i'1'i:.mi:xt dk la sci i.i'ii lu: (.oiiiioi i-; rr»
porli' de fîiirgos csl, il;uis l'art religieux du xiii' sirele, un eliel'-dd'uvre de
la sciiljiliirc il' inirricii r.
!.!■ rldilii- aii(|ncl crllc |Mirlr doiiiiail arers x'uiiiie avoii' élé ajoulé à
riMlilicc de la (•alli<''dralr dans Ir drrnirr (|nail du xiii sirele. ('.'est une
<_'()nstruetion à deux i-lagi^s. l/élagc iidV'iicui- dr- |inili(|urs Inrun' un \rn-
lahle soulnisseaiiMil . (|ui a la uième haulrur (pu' j'escalirr de la |MU'le
<lu Siiniiciiliil <■{ ({in (■•li'Ne le |ia\iauenl de l'élage supiM-ieur au niveau du
L'7s iiisToiiii-: nr: i. aut
iiiMdin (le roclier qui porLc réi^lise. Le cloîli'c liuul a élé seul décoré. Pcn-
(liiiil le cours du xiv' siècle, des chapelles ont été ajoutées et des portails
nouveaux sculptés sur la l'ace orienialc ; au \\' sièele, les tombeaux se sont
niuUipliés le long des |)arois; mais une s(''iie de slaiues, les unes adossées
aux gros piliers qui marquent les angles intérieurs des portiques voûtés,
les autres debout contre les parois et montées sur des consoles ornées de
l'euillages, apparticnnenl au xiii' siècle. La plupart |>()rlenl la couronne
royale. Les trois Mages sont rangés en pr(''sence de la V'icrge et de
l'Enfant Jésus devant l'un des piliei's d'angle. Ouaire princes représentés
comme de tout jeunes gens, à l'extrémité opposée de la même colonnade,
ne sont point des personnages de l'histoire biblique ou évangéliquc : ils
semblent former un groupe a\ec un l'oi et une reine placés sur des con-
soles, en face d'eux.
Les historiens espagnols de la calhédrale de Burgos s'accorderd à
reconnaître dans le l'oi el la reine du cloître les fondateurs de l'église,
Ferdinand et Bcalrix, (h'jà repn''senl('s sui- le linteau du poi'lail septen-
trional du transept. Mais si les visages faiblement caractérisés peuvent
donner l'illusion d'une ressemblance entre les figurines du portail et les
statues du cloître, les détails du costume et le style des draperies sont
difl'érents. Les deux statues royales ont été, comme celles des princes
qui leur font face, exécutées pour le cloître, et la construction de ce
cloître, à en juger par tous les détails d'architecture, ne fut commencée
qu'après la mort du saint roi ('l'252). Le roi de Castille représenté dans le
cloître est, selon toute vraisemldance, le fils de Ferdinand, Alphonse le
Savant. Il porte sous un manteau à la française, pareil i") ceux des rois de
Saint-Denis, une tunique à manches ('■ti'oites et un surcol sans manches,
collant au torse, dont la coupe était inconnue en France. La reine à
laquelle le roi do (lastille présente l'anneau, symljoh^ de leur union, porte
un manteau de même forme et un surcot plus échancré. Elle est coiffée
d'une sorte de tiare en toile plissée très fin et retenue par une menton-
nière de même étoffe qui forme guimpe autour du visage souriant. Cette
coiffure tout espagnole, qui fait penser, elle aussi, aux tiares des sta-
tiii'ttes ibériques, est celle qu.i se trouve le plus fr(''queniment représcnt('e
dans les miniatures d'un uianuscril compose'' par le roi Alptionseet enlu-
miné pour lui à S(''\ ille entre L275 et ['■IHi, le fammix exemplaire des Ccin-
lifjas (Ici reii sahio qui se trouve à la bibliothèque de l'Escurial. La reine
de Burgos doit être la feuime tlu roi savant, \'iolante d'Aragon. Alphonse
l'épousa en 12i!) ; il en rut cin(| lils. L'aîné île ceux-ci, don Ferdinand, est
très probablement le prince représenté dans le cloître de Burgos par une
statue isolée, comme l'héritier de la couronne. Les quatre princes réunis
en groupe seraient les autres inl'anls. Don Fei'dinand mourut en 127ù.
On sait comment ses tils, les '■ infants de la (lei'da ", furent d(''possédés
FORMATKiX ET DHVI'l.OPl'K.MKNT DK LA SCULPTIRE (iOTHIOl E 'J7
(le leurs droils éxcnlueis à la eoiiruime de Caslille par leur (uiele, l'inrauL
don Snnclio. Si les statues royales du chuTre de Burgos représenlenl
Alphonse de Caslille, MolanLe d'Aragon e| leurs cinq fils, ces statues ne
peuvent être poslérieuscs à 127o. Les infants étaient alors des jeunes
gens de quinze à vingt-cinq ans, tels que le sculpteur les l'eprésenle. La
date approximative de l'JTo concorderait avec le slyle tli's statues. Les
infants du cloître ressend)lenl de ti'ès près aux statues de rois qui sont
rangées sur la façade principale de la cathédrale de Burgos et sur celles
des lranse])ls, enlr(^ les cohinni'Ucs tles galeries hautes ([ui ont été ajou-
tées dans la seconde moitié du xiii' siè-
cle. L'allure élégante de ces princes et
de ces rois, leur long col, leur épaisse
chevelure, les gestes nonchalants de la
main qui joue avec la lanière destinée à
retenir, en passant sur la poitrine, le
manteau ii'l('' sur les (''paules, sont au-
tant de caractères et de détails qui font
penser aux statues de rois alignées sur
la façade de la cathédrale de Beims. Il
semble que peu d'années après la mort
de saint Louis, l'atelier formé autour de
la cathédrale i-oyale ait envoyé d un
côté, à Bamberg, l'artiste ([ui a scul-
pte la statue éipiestre de rem]iereur-
che\alier. de laulre, à lîuryds, celui (pu
à scul|)lé les statues des souverains et des
infants de Caslille.
L'cnsenihie de sculpture monumen-
tale, dont plusieurs artistes d'origine
française ont décoi'é pendant le xui" siècle
la cathédrale de lîurgos. est conqilété par une œuvre très remarquable
de sculpture funéraire. C'est la statue gisante du fondateur de l'édifice,
l'cvèque Mauricio, mort en 1240. Elle est en cuivre repoussé; les orfrois
des vêlements pontificaux (Haient autrefois garnis d'émaux champlevés,
diiid (|nehpu_^s fragments sont xisibles. Ces émaux soid de fabrication
limousine; il est très [iroliable (pie la statue de uiétal a ('lé ell('-m("'me
commandée à Limoges, ("I non e\(''cul(''e sur place.
La cathédrale de Bui-gosne reufeinie, en dehors de la statue tombale
de son fondateur, aucun monument rnu(''iaire du xiii' siècle, l'allé n'a |)as
reçu les dépouilles mortelles des rois de Castille. C'est dans la calhédi-ale
de Séville, au coMir de l'Andalousie reconquise, ipu' \-oulul reposer saint
Ferdinand. Mais une (''ii-lise \oisine de Buryos el !)rdie a\ant la cal h('di-ale
lu loi et une reine de Caslille.
ili; la cathi'ilrale de Burgos
iilc moitié du .\iii* siocle).
280
IIISTOIRK DK I/AFiT
de la \ illc, r(''i;lisc roy;il(" dfs ci^lcicicnno de l,;is I lurliias, rcsia la iirci'o-
polc de la maison de ( '.astdlc srlon la\<d(inl('' cxpriiiK'-c en II'.I!» par son
fondateur, Alphonse N'ill. l.es iondieaux anciens qui existent encore dans
la nef, séparée du transept par la clôture du monastère, sont couverts de
grands poêles de velours armorié ; aucun laïc n(^ pnil enlicr dans ce sanc-
tuaire et soulever ces voiles, à Texcepiion des i-ois el des infanis
d'Espagne. CependanI (pi('i(pu's-uns des londnaux de l.as llurlgas soid
connus par des dessins ou des photographies. Le plus important csl celui
de la reine Doua Berenguela, qui fut, comme sa so'ur P)Ianclie de (las-
Fio. iiiri. — Tomlirau de l;i rfiiio llmiii lioreiii;iicla (f 124i).
r.liiE'ur ilos iolii;ieiises du ukiii.'i^Ii'to do I.a^ Ilurdy.i'i. |iri'S BurErns.
tille, la lutl'ice diin prince deslin('' à (le\cnir un saiid roi. C'esl elle qiu
conserva la coiu-onne de (laslille à sou lils h'ei'diiiaiid el lui m(''nagea la
possession du royaume de Léon. lieriMiguela mourui en l'iii. Son iom-
Iteau de Las liuelgasfut comuuiiiih' par son lils. le roi Ferdinand, ou par
son petit-fils, Alphonse X. ('/est un sarcophage })esanl , soutenu pai' deux
lions, et dont le couvercle, au lieu de supporte]- une statue gisante, a la
forme d'un toit à douhle l'ampant. ( '.e lomheau, de l'orme toute romane, est
couvert de bas-reliefs exécul(''s dans le style français du nulieudu xui' siècle :
sur le couvercle, des scènes de l'Lx angile de l'Iud'auce. depnis l'Annon-
ciation jusqu'à la Fuite en Fgypte ; sur la face ant(''i-ieiire de la cuve,
l'Adoration des Mages et le Massacre des Innocents ; sur l'une des faces
latérales, le Couronnement de la Vierge. Les personnages sont trapus, les
l'oHMATinx i;i- i)K\ i;i.()i'i'i;.\ii;\i' DK i.A SCI i.i'Ti 11I-; (ioniioi I-; 'isi
Irait.s de la Vicrgo (liirciiirnl acfenlu(''s. !.<' sciil|il<'ui- iicsl pas l'un des
maîtres français occu|>(''s aux lra\au\ ilc la callKMlralc dr liursi'ds, mais
([ui'lque disciple ("s[)ait'iu)l de t'es maîlres.
Les artistes locaux qui s'étaient assimilé les leçons des sculpteurs
étrangers firent connaître le style nouveau en dehors de Burgos. Le j)or-
tail de Téglise de SasauKui, bourgade perdue à vingl milles de l')urgos
MM's l'ouesl. et (pii avail rang (rév('ché
au xiu' siècle, est une copie alourdie
du portail du Sariiicnhil. ^'ers 1245, le
chancelier de Ferdinand, don Juan,
archevêque de Burgos, lit reconstruire
la cathédrale de Burgo de Osma. doul
il avait été évéque. Le portail piiuci-
pal de cette é;^lise a C()iiserv(''. maigri'
les resiauralions du x\ i' siècle el les
mutilations du xix' , plusieurs statues
et bas-reliet's du xiii'' (Moïse avec le
serpent d'airain, l'Annonciation, la
MorI (Ir la \"i('rge\ \(''ritables traduc-
tions de l'art IVaiiçais dans un dialecte
casiillan duiit la rudesse ne man(|ur
pas de lirrir-.
La (';dlii''di'ali' de Léon avait él(''
l'ondée quelques années avant celle de
Burgos; mais les travaux a\ancèreiil
lentement. Lorsque (pie le lox aume de
Léon fut réuni à la (laslille, en l'27)i),
sa capitale perdit le rang de résidence
royale. Elh^ ne retrouva une ]irosp(''ril(''
passagère que >nus le> l'ègnes d'Al-
jdionse X el de Sancho IV, dans le
dernier (piarl du xiii'' siècle. C'est
alol's (pie |iai';iil a\(iir (''!('■ e\(''eill(''e, en
l'espace (le (piehpies aiiiK'es. la (h'Cdi'al ioli sculph''!' de la ('alli(''(lra]e.
Le Iransejil ni(''ridi()iial de la cal liédrale de Léon a trois portails,
r.eliii du milieu est une c()pi(^' de la }iorle du Sdniicuhtl, (pii occupai! la
iiK'iiie place dans la calh(''drale de Burgos; dans le d('lail. ioul esl plus
nieiiii. plus gi(''le. plus décou})é. Les porles latérales qui llampienl ce
porlail son! niulih-es et insignifiantes. Ouant aux portails du Iraiisepl nord,
celui (In milieu >'esl seul coiir^erNé iiilacl cl resie à peine visihle dans
l'omlire dune cll.ipelle (■•|e\('e ,'IU Xl\* si(''e|e eiilre la calliédrale et le iiou-
\eau (■i(jilr(' : il esl pres(pi(' i(l('iili(|iie an p(nlail d idi.
T. M. — 50
rliol. lie n. J. Olalrai I
Fk;. -Jll. — l'di-l.iil (le la (^allx-dcalc
(le lliir-o ,1<^ O-iii.i xrir ^\(-r\('^.
^S2
HISTOIRE DE L'ART
Le porche élevé devaiil la Ibcnde juinciiialc de la calhédiaie est
directement imité (rune église de France, la cathédrale de Chartres. Le
rapprochement a été fait ponr la première lois par M. Enlart : il est frap-
pant. Les tympans des portails qui donnent accès dans les nefs latérales
sont consacrés à la gloire de la Vierge Marie, patronne de la cathédrale.
A gauche, Marie est étendue sur le lit de la Nativité. Une série de
groupes, la Visitation, l'Annonciation aux bergers, l'Adoration des
Mages, la Fuite en Egypte, le Massacre des hinocents, rem]ilissent le
— La Miirl cl le- CoiiidiiiLcmeiil ilc la N ieriic. Tyiiipaii il'iin porlail
latéial du poi-clie de In calliéilrale de Léon (lin du xiir siècle).
tympan. Adroite, la Mère de Dieu esl couchée sur son lit de mort, au
milieu des Apôtres; le groupe supérieur est le Couronnement de la
Vierge. Le porlail central glorilie le Christ dans la vision du Jugement
dernier.
Les ligurines de ces tympans et celles des archivoltes n'ont plus la
simplicité solennelle des sculjitures des porches de Chartres. Les têtes
petites, les corps élégants et minces, les costumes à la dernière mode
ra|ipellent les acteurs insouciants et enfantins du .lugemenl dernier de
r>ourges. Le moyen âge n'a pas laiss('- d'oMnre ]ilus souriante et ])lus
ex((uise (pie le groupe des ('lus sur \f porlail ccnlral de la (•alh(''drale de
Léon. Un ange accueille un jeune homme nu, qui vient de ressusciter, et
l'enveloppe d'un geste amical dans le pan de sa chape. Les élus qui ont
l'oiiMATio.N i:t Développement de la scrLPnp.E (.ornini i-: -js.'
repris les vèlcniriils (lu'ils portaient de leur vivant ne sont i)oint pressés
d'entrer au Paradis : ils conversent familièrement, le roi avec les hour-
geois coiffés de leur capuchon, tandis que des antjes entants jouent en
leur honneur d'un orgue portatif et qu'un autre ange bat la mesure. Ces
mêmes petits musiciens, accompagnés de chanteurs et de thuriféraires,
reprennent au-dessous de la Nativité, sur le portail voisin, leur concert
d'enfants de chœur.
L'auteur de ces délicieux lias-rdicfs était sans donlr un Finançais. 11
• rmii»«iitMBtBE>a^feaB85as&aesi??a^^^(^
Fir,. ■210. — Les élus du ,lut,'<Mi]rnl ilcrnirr ;i l'oiiti'éc du P.ii'jnlis.
Fragment du portail central de la cathédrale de Léon ifin du xwr siècle
a vélu d'ailleurs ses élus, particulièrement le roi, d'un costume à l'espa-
gnole. Il a su également prêter à une figure de femme un charme qui
n'était point d'une Française, lorsqu'il a sculpté pour le trumeau 'du
portail central une statue de Vierge. Celte statue est encore à sa place,
sous un linteau couvert de feuillage touffu, ù l'abri d'un dais qui repro-
duit en miniature l'abside de la cathédrale, avec ses arcs-boutants. Toute
peinte en blanc, l'œil noir, les sourcils soulignés au pinceau, les lèvres
avivées de rouge, Nneslra Senora In Blaiica, moins coquette et moins
maniérée que la ^'ierge doré(; d'Amiens, a, sous son fard, le charme jeune
et frais d'une jolie iikiJu.
Les autres slalues des pnrlails el celles (pii sont adossées aux piliers
extérieurs du porche sont pour la plupart raidesel giinuiçantes ; plusieurs
liSi
HISTOIRE DE L'ART
d enli'c L'ile.s ii «tiil rir mises en [ilace (|ir;ni \iv' sircir : d'aulrcs oui (Hé
refaites au xv' el ;iu .wi. (iellcs (|iii remoiileiil au .xni' soûl probablement
l'œuvre d'un atelier loeal. Ot nlelier a iravaillé dans la catbédrale même
à des tombeaux, nolammeui à celui de l'évèque Martin, qui mourut en
i'ISi. Les Espagnols qui faisaieni partie de l'atelier de Léon n'ont pas
exercé leur talent dans d'autres \ illes du loyaume, eouime ceux de
Rurtios. (]e|ieiidanl, c'est j)rol>abieiueid de
Léon qu'est venu le sculpteur qui, \ers la
lin du xiii' siècle, a été appelé successive-
iiieid à Toi'o et à Ciudad-Rodrigo el a
exécute'' jiour les cathédrales de ces deux
^illes deux porlails presque identiques. Le
linlcau et li' tympan sont occupés par les
scènes de la ^lort el du Conronneuient de
la \ ierge. Au-dessus des six ai'cljivoltes
dont les dais abritent (_les ligurines, une
arcliixolle beaucoup plus large est cou\ crie
di' reliefs dont la confusion bizarre laisse
dislini^ner les uiolifs essentiels dnn Juge-
nu'id diMiiier. I)ans la diMnialiini de ces
porlails, le style IVançais du xui' siècle
s'est alourdi el raidi : il en vient à rappe-
ler le ]iorclie de ( lomposlelle.
Lies \ii;iiGi:s 1 1; ancaises i;n I'Isi'agm;.
— Nombre d'(''giises d'I^lspagne où les scul-
plenrs des calli(''drales n'oul pas lra\aillé
posNedciil quelque slaluelle ou si a lue de Irn-
\ail ou di.' slyle lV;uu;ais : le jibis souxeiil
une image de \ iergi.', aujourd'liui pi-es(pii.'
invisible sous les ^•ctements de lirm arl. les
bij(jux et les ex-v'oto. Huelques-unes de ces \ ierges ont élé dii'i'cleuienl
envoyées d'une ville frani^aise (pu faisait commerce d'objets de sainteté.
La Vinjcn de Iliinillot:, à la cathédrale de Palencia, la Mi-tjcu de lu Vn/a, à
San Esteban de Salamanepie, soni des ouvrages en cuiv re ('•luailli'' de pro-
venance limousine. Les statuettes d'ivoire venaient probablement de Paris.
Celle qui est vénérée dans la catbédrale de Séville sous le nom de la Vii-f/cii
(le las Balallas jiasse pour nu pr(''seid de sain! Louis à saiul l'"ei-(liiiand. Le
ces Vierges d'ivoire, la plus charmaule esl la slatuelte ciuiservée dans le
trésor de la calh(''drale de Tob'^de ; la })lus cui'icuse est une \ierge ouvrante
que possèdent les Clarisses d'Allari/.. en Galice : elle fui donnée à leur mo-
nastère par la reine Dona Violaule (pu y prit le voile el y mourut en l^D'i.
Fit:. 217. — Nuestra Seùora la Blanco
Ciilliùdr-ale de LiV>n (lin du .viir si.-clf
FORMATION ET DENTXdl'l'KMEXT DE I.A SCEEPTIRI': (lOTIlIOlE '28:)
I.a srrie la plus iiiiporlanle esl coinptisrcilc iii-aiulcs slalucscn pierre,
en uiarlire ou en bois, dont plusieurs (uil ilù «'Ire seulplées sur |iiaee pai'
lies artistes voyageurs. Les })lus aneiennes suul assises. La \'ieri;e ili,'
Solsona (Catalogne) est une œuvre 1res rcuiarquable. qui rappelle à la
Ibis, jiar le type, le costume et la coifTure, les slalues royales de Cor])eil ;
par la richesse des orfrois et des cabochons en reliel", les sculptures de
lécole toulousaine. Cette statue doit remonter à la Un du xu" siècle. Le
style sévère et monumental de la première moitié du xm' siècle esl
:f-/rfr.
I hi -JlN.— l'orlail ilo la catlic.lialc ,1c 1,.,,, imh -i.
représenté par des statues de pierre d'une exécution énergique et précise,
comme la Merge de Santo Domingo de Silos, ou d'un travail grossier,
comme celle de N;ijera. el par des statues de bois grossièrement enlumi-
nées, connue celles du cloître de Tarragone, ou noircies par le temps,
comme la Moiviiiltt de l'église de l'Encarnacion, à \'alence. Enlin quel([ues
statues de marbre sont des types accomplis de la N'ierge, telle cpie la
représentèrent les sculpteurs français, vers la lin du xui'' siècle, dans joui
sa grâce de jeune mère, dont la coquetterie se dépense en aiiiiude
penchées et en sourires miguards. Les ])lus aimables de c(>s \ ierge
sont, en Espagne, celle de San .loan de le> Abadesses, |u-ès de
Pyrénées, celle du clio'ur de la (•ilhédrale de Tulèdi'. celle d'illescas
Plusieurs des \'ierges \(''nérées à Madrid, entre autres la l'auieuse \ ierge
HISTOIRE DK I.ART
d'Atocha, sont di'S slalues du plus pur slylc IVnnrais tlu xin' sircle.
Au temps où des églises de Catalogne, des deux tlaslillcs et même
du royaume de Valence recevaient des souverains ou des fidèles ces
statues dignes d "être citées à côté des Vierges de Reims et d'Amiens,
des artisans locaux continuaient de tailler en bois des images saintes
qui conservaient la rigidité du xn'' siècle. On en peut voir toute une série
dans les musées épiscojiaux de \ icli et de Lérida. Ouelques Vierges en
Itois, revêtues d'une chape d'argent, sont
conservées dans des églises de Navarre
(Roncevaux, cathédrale de Panipelune,
Dicastillo, — provenant d'Hirache, —
l jué, Sangiiesa) ; une autre, toute sem-
blable et qui peut être de provenance
navarraise, fait partie du trésor de Tolède.
Toutes ces Vierges vêtues d'argent sont
d'un style fort archaïque. Il arriva aux
imagiers espagnols, tout en se souvenant
des œuvres françaises, de prendre leurs
modèles autour d'eux et jusque dans les
l'aces vaincues. Le saint Jean-Baptiste
en bois peint conservé dans l'église
d'Albocacer (province de Valence) est
le portrait d'un de ces Mores qui ont
mêlé leur sang à celui des conquérants el
des colons chrétiens, et dont les descen-
dants jieuplent encore la llucrUi de Va-
lence et la palmoi'aie d'Elché.
Les .\nt;iiAïsMES dans la décoration
DES P0RTAU.S ESPAGNOLS DU XIIl" SmCLE.
— La sculjiture française du xiii'' siècle resta complètement inconnue
dans une grande partie de l'Espagne chrétienne. La région de Ségo-
vie, en particulier, conserva toutes ses traditions romanes longtemps
après l'achèvement des portails de la cathédrale de Burgos. Les
artistes étrangers qui furent attirés dans les capitales du royaume de
Castille et de Léon ne firent école que dans la ville qui était le but
de leur voyage. Ils ne répandirent pas sur leur chemin la connais-
sance de l'art nouveau. L'influence de l'art français du nord resta, au
xnf siècle, toute sporadique. Si une influence française continuait à
pénétrer en Espagne par les défilés des Pyrénées, c'était toujours celle
de l'art du midi, dans lequel se perpétuaient les traditions glorieuses du
xn'' siècle.
i-di'.MAi M)\ i:r iiÉ\ ei.()P1'i;mi;n r de la scri.i'i l di; (.oiiiiori: -isT
La Navarre ne possède aucun poilail <jui ressemlilc à ceux de Burgos
et de L(''on, on mtMne à ceux de Tuy et de Ciudad-Rodrigo. La façade de
la cathédrale de Tndela, qui fut acIn'xiM' (hut< la pi'i'inii'i-e inoilic'- du
xni' siècle, conserve les l'omies
archaïques et trapues du chœur
et de la nef de l'église. Le grand
portail reproduit la disposition
des portails latéraux, contem-
porains du cloître. Ses colon-
nettes hasses portent huit archi-
voltes en plein cintre. Point de
statues adossées; en revanche,
les chapiteaux des colonnettes
sont couverts de figurines (pii
représentent les scènes de la
Genèse, depuis la Création des
anges jusqu'au Sacriiice d'AJira-
ham.
Chacun des claveaux des
archivoltes est un petit groupi'
en bas-relief : d'un ciMé. les élus
dans le Paradis et les anges
tenant des couronnes; de l'autre,
les morts qui sortent des sépul-
cres, et les damnés a^.l milieu des
diables. Dans ces groupes l'ar-
tiste a prodigué sa force tragique
et sa verve satirique. Au milieu
des damnés figurent des voleurs
de toute condition : l'homme
d'armes qui revient de quelque
alr/ordilc en pays chrétien avec
un ti-(inpcaii dr uiduloiis; les
mai-rliands qui \endenl à faux
poids : les drapiers devant leur
coffre, le boucher (lr\:nil son
étal sous lequel fsl cuiirhé un
chien. Les apparitions terribles des ressuscites enveloppés dans leur
suaire comme des fantômes contrastent avec la sérénité des élus, (|ui.
réunis p.ir couples, senibleid cmivcrsrr drs ciioses de Dieu. Les femmes
portent le chaperon empesé à hi ni(i(h' rr;ui(;aise. el non les coilTes ou les
tiares à l'espagnole. Il sendilc (piHii ;,rlislc parisim. un srulpieur de
l'hiil .1.- la soi-i,-t.- clii llfil-l'i-i
FiG. 'i'JO. — S;iint Jc;m-Baptisle,
slaUie en bois peinl dans lésilise d'.Mhocacer
(|irov. (le \'alcnfel. xni" sioclo.
2SS
IlISTOlIiE DE i.Airr
Xolre-Dainr, nil juissr par rii(l('la. Mais son inniience iia rlv ni profonde,
ni durable. Larcliileclure du grand portail de la calliédrale est restée
toute romane ; la plupart des figurines ont conservé des proportions
massives et lourdes; enfin le tympan est resté nu. Sous les andiivoltes
où élus et damnés sont suspendus par grappes, le Juge suprême n'était
représenté dans sa gloire que par un(> ))rinlure dont toute trace a aujour-
d'hui disparu.
R ^''J à M '"'' l'f"''''il de San
Bartoloini'' de Logrono,
décoré à la lin du xm''
siècle, est une sorte de
compromis entre ,les por-
tails du nord de la France
et le portail navarrais de
San ;\Iiguel d'Estella.
Les statues rangées en-
tre les colonnettes sont
élevées à la hauteur du
tympan. La scM'ie de ces
^ _ ^ ^ . ., ™ „, stalues est interrominie
httl^ • V-nÏ" «M liK^^lH '*!' '*' manière la plus
bizarre par un grand has-
lelief d'exécution lirutalc
qui représente le martyre
(\c saint lîarthélemy.
Kn Catalogne, les
scul})teurs de portails
fe/*^ ^' . *■ ^m^ '\^*^ I i'doptent au xm' siècle,
\li^i-f^' '' ^m^ 'Êk.^-"^ ^^Wk m P"i" u"e rencontre for-
tuite et singulière , le
motif de l'Adoration des
Mages, qui devenait com-
mun vers le même temps à l'extrémité opposée de l'Espagne, en Galice.
Ce groupe est le plus souvent acconq)agné du groupe de l'Annonciation,
parfois de la Fuite en Egypte.
A Tarragone, sur un petit portail de la façade de la cathédrale, les
figurines du tympan , réduites à des proportions minuscules, gardent l'allure
et la draperie des statuettes françaises; mais ce tympan l'ail parlie d'un
portail dont l'architecture trapue est toute romane. Sur deux portails
catalans, celui d'une église de Santa Coloma de Ouerall <■! celui de
l'église cistercienne de Vallbona de las Monjas, les mêmes motifs sont
représentés par des figurines bien plus gauches et d'un plus faible relief.
FiG. 1i\. — Di-tails du ^rand poiiail ilc lo cathédrale
de Tudela (Xavano). Commencement du xrii'' siècle.
FOR.MATION ET DÉNI- Loi'PE.MENl DK LA SCI I.PTURE (jô'lHIOll-; 'JS9
Un sculpteur de Lérida, peul-èlre celui qui a sculpté la l'iiciia ilcis
Fillols, a réalisé la gageure d"encastrer les deux groupes de l'Adoratiou
des Mages et de rAniionci;dion au milieu du portail de l'église d'Agra-
niunt, un portail sans tympan, couver! de deulidures et de ciselures
dans le goût romano-moresque. Les figurines en haut relief se trouvent
suspendues à l'archivoUe couverte de rinceaux refouillés comme dans
rivoire.
Le portail d'Agrannuii est dnti'' par une inscription de l'anné'e 1-2,S.".
Il est curieux de retrouver l'iVdoration des Mages logée à la même place
sur un portail du midi de la France, à Mimizan, dans les Landes. Le
sculpteur du portail de \'ilIaviciosa, dans les Asturies, a accroche plus
audacicusement encore une statuette de la Vierge au sommet de rai'chi-
volte en tiers-point, comme une clef pendante.
(Test en Navarre, à proximité du royaume de France, que l'archaïsme
de la sculpture espagnole a prudiiil Acrs la lin duxiu' siècle ou au commen-
cement du siècle suivant les roiuhinaisons les plus singulières. Les deux
portails de San Pedro la Ruad'Fstella et de San Roman deCirauqui ont des
colonneltcs minces et des ai'chivoltes lancéolées fpii suffisent à indiquer
h'ui' date approximali\e. Mais l'arcade cpii sui-moiilc I'imiI i-(m' esl loliée à
la nuuiière moresque. Le cercle (pii marcpic le sonuuet de cette aicjule
est un chrisme wisigothique, et cluicune des dents est couvei-le d'entrelacs
T. u. — 57
2110
lllSTOllili HE L'ART
en cclievcaiix aussi Idonillés que ceux qui déconiienl, à l'époque niéri)\iii-
gienne, les liijoux des peuples |]Mi-I)ai-(\s.
Les tomreaux espagnols du xui' siècle. — Le luxe des lonibeaux lui
aussi grand, pendant le xui" siècle, en Espagne cju'en France. Alphonse X
se souvenait sans doute du tombeau de saint Louis « dont l'enlaillure
élait d'or el d'ai'genl », lorsipi'il lil ex(''culei- pour la calJK'Mlrale de Séville
les iuausi)l(''i_'s de son père
Ferdinand el de sa mère Béa-
Irix. Ce furent des œuvres
d'orfèvre, toutes revêtues de
métaux précieux, toutes cou-
vertes de joyaux. Devanl la
slalui' de la IV/v/c// <lr lus
llrijcs (la \'ierge des lioisj,
donnée par saint Ferdinand
à la cathédrale établie dans
l;i mosquée, le roi et la reine
(■'talent représentés assis sous
des tabernacles d'argent doré.
Après la mort d'Alphonse X,
sa statue fut ajoutée aux
deux statues royales. Les
sarcophages, plaqués d'ar-
gent, étaient armoriés comme
un drap d'honneur. Ces mau-
solées d'orfèvrerie, que Pierre
le Cruel avait déjà déjiouillés
de h'urs ])lus précieux orne-
ments ;ui milieu duxiv'' siècle,
furent transjiorlés, à la lin du
xvi' siècle, dans la nouvelle cath(''drale de Séville; ils disparurent après
la canonisation oflicielle de saint Ferdinand, en KiTl, [kjiu- l'aire ])lace
à des tombeaux de marine. Leur disposition exacte reste inconnue,
comme le nom de leur auteur. Maître Jorge de Tolède, citi'' })ar le roi
Alphonse lui-même dans une de ses (',<nili<i<i!< qui rapporte une légende
relative à la statue de Ferdinand, avait exécuté seulement un anneau
d'or que portait la statue. Le saini roi apparut à l'orfèvre j)Our lui
ordonner d'enlever cet anneau de son doigt et de le passer au doigt de
la Mergc.
Il n'existe plus en Espagne aucune efligie funéi'aire du moyen âge
(lui soit une slatue assise, comme les statues rovales de Séville. Seuls
l'nll lll (l( s III I,
( X 1\ 1110 Mil -Il
( II lllljlll
i(tiiM A ridx i;i' i)i:\ Ki.di'i'K.MEN r di-: la sc.ri.r'iiiu-: (Ktiiiinri; -jm
(li'Lix t(Hiilii';ui\ lie Las IIiielLias pi'iivcnl duniK'r iiin' idée dr ce (|uV'l:iiiMil
les sarcophages i-cvrlus d'ai^iicnl (|iii CDiilriiaicid les rcsirsdr l'rrdiiiaiid.
de Béatrix et dAljilionse. (le sont les sarco})liai;es de niarljie ([u'AI-
plionse X lui-même lit exécuter à la lin du xiu" siècle pour recevoir les
ossements d'Alphonse VII et de son lils Sancho III, morls, l'un en llôT,
l'autre l'année suivante. Ces sarcophages sont décorés de pièces
d'armoiries, comme ceux de la Chapelle royale de Séville; le château de
(bastille et le lion de Léon sont encadres dans des compartiments en forme
i
mÛ3A .i^^dMkimw
a,U
^
^Hii^
FiG. -in. — T.
(IMOv. de l'aleiK-ia,
de polygones étoiles que dessineni îles enlrelaes lraei''s d'après un modèle
morescpie.
Le lomi)eau de Doua Berenguela ne l'ul pas iniili'' par les seulpleurs
(pu travaillèrent à Las lluelgas. Les deux tombeaux exécutés par ordre de
saint Ferdinand pour son père Alphonse \ III, le vainqueur de Las Xavas
de Toiosa, et pour sa mère. Doua Leonor d'Angleterre, sont aussi massifs
que le sarcophage de la régente el i)i'auc()up plus simplement décor(''s. La
représentation du deuil aidour du nuirt, (pii esl apparue dès le milieu
du XH*" siècle sur le londieaii di" Dona l'.lani-a. reine il(> C.aslille. se irouxc
exaetemeni reprodnile un sièele el demi plus lard >iii- plusieurs loiidieau\
jilacés dans le transept de la vieille calh(''drale de SalanuHU(ue. Au-
dessous de la statue gisante. |>leuranls e( ])leureurs, rangés sur le sarco-
phage, s'arraclieni les clirM-ux a\i'e di\s conlorsioiis et des grimaces. Le
motif s'élargit el ^'enrieliil Mird'anlres ninnumenls de la même éj)0C[ue.
Le corlège ccclésiasti([ue de l'absoide. (|ui ligure d('jà sui- des londieaux
nisToii!!-: 1)1-: laut
IVaiirais du xii' siècle, derrière le gi.stinl, se dérouie à la mèuie place, au
ionil de r « enl'eu ", sur le iombeau de Févêque de Léon, Martin, mort
en l'284. Le bas-reliiT du sarcopliage représente une " œuvre de Miséri-
corde », une dislriliul idii de pain aux indigents. Ce tombeau a été copié
par deux l'ois, à peu d'années de dislance, dans la cathédrale de Léon.
Les deux représentations du deuil de la famille et de la cérémonie
religieuse lurent révuiie;
les-
sculpteurs castillans, comme elles
l'avaient été par les imagiers
(pii ont sculpté vers 12G0,pour
la Iiasiliquede Saint-Denis, le
londteau du [u-ince Louis.
Deux de ces tombeaux à
I deureurs sontconservés dans
l'église des Templiers de
Mllasirga (province de Pa-
lencia). Ils contiennent les
rcsies de l'infant don Felipe,
cinquième lils de saint Fer-
dinand, et de sa femme. Le
jeune jtrince mourut en L274.
On l'sl élonné de rencontrer
à la lin du xiu'' siècle des
œuvres aussi primitives et
aussi farouches. Partoul l'i-
mitation de l'architecture el
de la sculpture françaises est
manifeste; partout elle est
al(('rée pai' des réminiscences
romanes. La princesse est
hideuse, avec ses yeux sortis
de l'orbite et sa bouche masquée par un bâillon funèbre plissé comme la
mentonnière de la haute tiare. Le prince est représenté avec le manteau
des Templiers, les jambes cniisrex : c'est une convention particulièrement
al)surde pour une statue couchée et qui doit s'expliquer ici par la longue
persistance des conventions de l'art toulousain, qu'acceptait encore
le maître du porche de Compostelle.
Il exisle un Iombeau semblable à Palazuelos, dans la province de
Valladolid; il y en avait plusieurs autres à Aguilar de Campoo, dans la
jjrovince de Léon. Deux de ces derniers ont été transportés au Musée
archéologique de Madrid. Un troisième, très mutilé, est resté sur place,
parmi les ruines de Santa Maria la Real: il porte la signature du scul-
pteur: Antonio Pérez de Carrion. Les tombeaux de \illasirga, qui se
luhr.ui Au , iMiilir Aliaii.io
:;aUiédiale do fcialaiiKiuiiiie.
FORMATION ET i)i;\ i:l(ippi:.\ii;ni' m; la scili'H m-: (ioriiiouK 293
Irouvenl à qiii;l([ues milles de (larriiui, sont ccrtaincinpiil l'dMn re de cet
artiste.
Deux toiiilieaux de la iiièiiie réyion, (|ui onl aujourd'hui disjiaïu. por-
laient les signatures de deux autres sculpteurs, en laniiue caslillanr. Celui
de don Ahar Fernande/, se frou\ait à (larri('»nnièiae, dans une chapelle de
.:^ -'^ K.\ . ' \ ' ' ■ - '~~-" — :-^- ■
•V • -> -. .■-^s
Fie. '2-20. — Tombc-iiix •\
la j)uissanle (''glise bénédictine de San Zoilo; il ('lail l'ann re de
i< don Pedro el pinlor»: celui de don Hodrigo Gonzalez (iinui. dans
léglise des Bernardines de Benavides, avait (Hé sculpté en l'.'Hi par
Boy Marlincz de Burueva.
Les hidalgos et les princes de (laslilie conirnandricnl parfois leurs
tombeaux à des artistes locaux qui n'étaient pas des chrétiens. Depuis
le xi'" siècle les Juifs de Tolède vivaient en lionne intelligence avec les
maîtres de la \ilie. A|irès les conquéles d'Alphonse \\ v\ de saint l''erdi-
■291 iiisroiiiK m-; i.aiît
iiMiid. 1rs imisulnuins r(_'sl(''s (hms la Nouvelle (Instille riiieal li-aités sans
riiiiieui-. Les \ainqueurs firenl a]ijtel à leur merveilleuse habileté de déco-
raleurs. Au \iu" siècle les salles des palais de Tolède furent revêtues de
faïences et de stucs esianipés par des Juifs el des luudrjdrs (« Casa de
Mesa 11, " Taller del Moi'o », etc.), et devinrent pareilles aux alcazars
des émirs. Ouehpies-uns des seiyneui-s (pii vécurent au milieu de
ces arabesques mêlées d'inscriptions araljes eurent la fantaisie de faire
décorer leur dernière demeure comme leur palais. Dans une chapelle
de la cathédrale de Tolède, le tombeau de l'un des capitaines de la
ville, lalguacil don Fernan (iudiel, (|ui mourut en l'_'7(S,esl une simple
niche revêtue d'ornements de sluc i\[\ plus pui- style iinidr/iir et pareille
à une de ces alcijves, dont le nom m("'me 'al haha, la tente oi\ Ton
dort) a été emprunté })ar h's l'ispagnols du moyen ;'ii>e aux Mores
d'Andalousie.
Le type du tombeau iiuulcjdr, a\ec ses arabesques, et celui du tom-
beau franco-espagnol, avec ses bas-reliefs et son ■< gisant », se combi-
nèrent en Castille pour former une série de monuments sans pareils dans
tout le moyen âge. Un premier exemple de celte combinaison singulière
est donné, à Tolède même, par le tombeau d'un petit-fils de saint Ferdi-
nand, l'infant don Pérez. Ce tombeau, perdu dans une chapelle d'un
monastère de femmes ih>s Commendadorasde Santiago), où l'on a retrouvé
les restes d'une mosquée, est composé d'un bas-relief de marbre qui
représente le prince couché, dans un encadrement de stuc orné d'ara-
besques et de stalactites et entouré d'une inscription latine en grandes
onciales. D'autres tombeaux du xni'' siècle, dont l'architecture n'a rien
d'oriental et dont la décoration sculptée est très développée, sont sur-
montés d'une sorte de frise en stuc peint, composée de stalactites ou de
rinceaux qui imitent des caractères coufiques. Tel est le tombeau d'un
ecclésiastique, le chantre Aparicio, dans la vieille cathédrale de Sala-
manque. Deux tombeaux analogues, mais d'une exécution bien plus gros-
sière, se trouvent dans la cathédrale d'Avila. Les plus riches de ces tom-
beaux composites sont ceux qu'a conservés la misérable église de San
Estéban, comprise dans l'enceinte de la citadelle de (^uellar (presque à
mi-chemin sur la longue route qui conduit de Valladolid à Ségovie). Ils
ont été exécutés vers le milieu du xiv' siècle pour des chevaliers de la
famille Lopez de (lordoba Hinestrosa.
Au-dessus des statues gisantes les arcades sont dentelées et ajourées.
Sur la paroi elle-même, les frises d'inscriptions latines et les écussons
héraldiques se combinent avec un réseau d'entrelacs qui dessinent des
losanges curvilignes. L'artiste iinulr/dr ([ui a exécuté ce revêtement de
stuc dans une église était aussi habile que ceux qui, vers le même temps,
travaillaient à Séville dans l'Alcazar de Pierre le Cruel.
FoRMATiu.x HT iii:vi:l()1'Im:.\ii;m' hk la scili-tire (.(rnnoi i- '295
(les lombeaux, où les molils d'oriiiine musulmane se eomliinenl avec
les traditions de l'art du Xord et oi^i la joyeuse richesse de la décoration
orientale fait oublier la pensée chrétienne en présence de la moi't, sont
peut-être les monuments les plus étranges et les plus expressifs en ipii se
soit résumée la civilisation castillane du moyen âge.
BiiaioGRAPiiiK. — \'oir livre W. cluii). vu.
/
ciiAi'iTRi': m
LES MINIATURES — LES VITRAUX
LA PEINTURE MURALE
I
LA MINIATURE DANS LES PAYS CISALPINS
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU XIP JUSQU'AU MILIEU
DU XIV' SIÈCLE'
LA MINIATURE AU XII' SIÈCLE
Les écoles françaises et belges. — Presque tout reste à éclaircir
dans Ihistoire de la peinture française au moyen âge. Nous entrons ici
dans une terre inconnue, où cesl à peine si l'on découvre çà et là quel-
ques traces d'exploration. Il y a plus : l'évolution de la miniature au
xiii" siècle s'est comme << cristallisée » autour de Paris, et toul le monde
le sait; mais, les origines de cet art sont plus difficiles à déterminer, et
l'élude de ses centres principaux d'élaboration n'est pas encore faite.
Au début, en effet, l'évolution de la miniature ne s'est pas localisée
dans une grande ville; elle ne s'est même pas poursuivie à l'intérieur de
frontières nationales plus ou moins larges ou étroites. On peut dire que
dans la France du x" au xi" siècle, le caractère distinctif de la miniature
est d'être centrifuge; son évolution suit celle des nations voisines; elle en
dépend même partiellement. Elle conserve ce caractère pendant une
partie du xii'" siècle. On ne peut, nulle part, apprécier et comprendre avec
justesse son évolution sans connaître l'art des pays limitrophes, mais il
est indéniable que les calligraphes et enlumineurs français du \i[' siècle
ont contribué, pour une pari essentielle, à constituer If slyb' nouvrau. cl
nous sommes con\ainciis qu'une exploration sysléuiati(|ui' des jiiblio-
1. Par M. Aiduir Ihisclolï.
T. II. - .■58
-J!I8 HISTOIRE DK I/ART
llièqucs départeinciilalfb iiiellra toiijour.s plus en luinièic riiiiportance
des écoles françaises.
Tdul d'abord la <■ terre bourguignonne •>. ce centre de vie religieuse!
TanI de mouvements religieux profonds en sont partis pour se répandre
en Occident et y propager, en ai'cbitecture surtout, de fortes impulsions
artistiques que, selon toule vraiscmljlance. l'art de la miniature dut y être
cultivé. Les moines artistes d(^ Cluny n'auraient-ils [tas. dans ce domaine,
exercé leur talent oi-iginal? La vigoureuse [protestation du jiui'iianisme
des Cisterciens sullirnil à juslilicr ces prévisions. Xous lisons, dans le
Didlafliis iiilcr ClKiiiaccnseiii cl Cislerciciisciii : « Aurum molere et cum illo
molito magnas capitales pingere litteras, quid est nisi inutile et otiosum
opus? " Les Cisterciens élèvent leur protestation au moment précis où la
formation du style de la miniature romane suliit une crise. 11 faut
regretter d'autant plus vivement que lliisloire de la miniature à Cluny
n'ait jamais encore ('■lé écrite. La célèbre bibliotbèque de Cluny a été
détruite en K)G2, pendant les gueri'es de religion; quelques restes seule-
ment ont été conservés.
Nous avons parlé des Cistei'ciens au sujet de leur p()l(''nii([ue contre
le luxe excessif étalé par les moines de Cluny dans leurs livj'cs; l'examen
des restes que nous a laissés la bibliothèque de Cîteaux nous donne la
certitude que ces tendances aniiartisliques n'ont nullement existé au
déliut. L'abbé Etienne Harding, le troisième abbé et le véritable orga-
nisateur de Cîteaux, n'était pas, en tout cas, ennemi des miniatures; on
pourrait l'accuser plutôt d'avoir eu des goûts de bibliophile. Son œuvre
capitale fut la révision et la correction d'un exemplaire de la Bible, qu'il
fit entreprendre avec l'aide de savants juifs. 11 doit avoir commencé ce
travail tout de suite après son élection, sinon auparavant, car l'année
lltl'.t est la date de l'exemplaire de luxi', corrigé d'après les résultats de
son étude critique du texte. Cette Bible est aujourd'hui conservée à Dijon
avec les restes de la bibliothèque de Cîteaux in" 12-15). Les quatre
volumes sont richement ornés : on n'est pas encore aux temjis du purita-
nisme cistercien. Ce sont, en partie, des dessins à la |)lume et au lavis
(jui occupent souvent une page tout entière. Il y a en outre de nom-
breuses initiales; le grand J de l'histoire de la création est rempli pai- une
tige grimpante, toute entremêlée de ligures d'animaux, réelles ou fan-
taisistes; c'est le procédé d'ornementation contre lequel Bernard de
Clairvaux devait bientôt protester. Parmi les images, la riche illustration
de la vie de David attire lalfenlion. \oici tout d'abord le roi sur son
trône, avec une tige fleurie et la harpe à la main. A ses pieds, quatre
petits personnages font de la musique : carillon, longue llùte, violoncelle
et orgue. Tout autour, une muraille garnie de fours; sur les créneaux
se tiennent des guerriers avec cuirasses, arcs, lances, bannières, frondes.
I.KS MlMATlIiKS — LES VITFÎAUX — LA PELNTL'RL MURALE
haclies, épées. Liinagr est d'une grande Leaulé : la diynilé tlii roi, avec
sa chevelure puissante aux lignes ondoyantes, fait contraste avec les
mouvements gracieux et la taille svelte des musiciens. Les guerriers for-
ment une vraie collection de types caractéristiques; leurs nez sont aussi
informes et lourds que variés. La sincérité de l'observation s'allie ici avec
l'humour. Les mêmes qualités se retrouvent dans une image qui rem])lil
une page et contient
une vingtaine de scènes
ruqiruntées à la jeu-
nesse de David jusqu'à
la mort d'Absalon.
D'où vient ce
style? Y avait-il à (Ilu-
ny un art semblable?
Nous ne saurions le
dire. Etienne Harding
n'aurait guère pu em-
prunter ses modèles à
l'Anglet erre ; cepen-
dant l)ien des traits
raj)pellent des travaux
anglais plus récents.
La vraisemblance est
tpie l'inlluence venait
de la France sei)ten-
trionale. Etienne lui-
même, à l'occasion de
son voyage en Flandre,
fit faire à Saint-Vaasl
d'Arras un manuscrit
de luxe, dont nous par-
lerons plus tard. Le
dessin, surtout les
traits de couleur épaisse qui accompagnent les jjlis, rapiiellent souvent les
traditions du nord-est de la France.
Comment accorder avec le luxe d'images dans les manusciils de
l'abbé Stéphane l'ordonnance des Conxiu'ludines (LI54), dont \(iiii la
teneur, en sa rigueur draconienne: ■ Lillr'i;i' unius coloris liant et non
depicta' ><. (§ lxxx)? Ce paragraphe es! de toute importance, car le S^lll des
Coiixiicludines prescrit (pie les manuscrits liturgiques doivent èlre parloul
lenus iiiilfiirniiler. \ cet elVet.il y avait à C.ileaux un niaiiusrril-ly|ie. siu-
lecpiel les copies devaient se régler. Ce iii.inU'^iTil . <''eril en p:ulie de 117.)
Le i-oi David. Bible de Talib'
(l;ilil. .!.• Dij.jii, 11.)
Klioiiiic llardins
.-fJO mSTOJI'.i: DL LART
à 1191. — conservé aujourd hui, mais incomplet, à Dijon n 11 i &!), —
montre que l'on essayait de remplacer For et -les peintures par une déco-
ration calligraphique multicolore d'un goût parfait: cela est bien dans
l'esprit de rarcliileclure cistercienne, qui savait remplacer par la solidité
et la perfection des détails la magnificence et la richesse.
Plus tard, sans doute, on n'observe plus les prescriptions avec la
même rigueur: on élude les ordonnances et Ton se fait donner des
manuscrits illustrés: on trouve pailoul, en effet, dans les restes des
grandes bibliothèques cisterciennes, des manuscrits de luxe du xii* siècle,
à Clairvaux, à Pontigny, etc. Mais on va plus loin, et même des Cisterciens
se mettent à peindre. h'Exordiurn Chterciensis cœnohn , écrit entre
l'i-24 et 1:256; aujourd'hui à Dijon ms. O.m 'ZlHj. montre cinq grandes
initiales peintes, où I on voit non seulement des figures d'animaux décora-
tives et symboliques, mais encore un arbre généalogique du Christ. Un
manuscrit de V Explanalio H. Hieronymi in fmiam, écrit à Cîteaux, aujour-
d'hui à Dijon rns. 129 (90, montre un arbre généalogique du Christ, ina-
chevé; la \'ierge, debout, presse tendrement l'Enfant contre son visage.
L'image, dessin colorié en partie, trahit un beau talent artistique et aussi
de fortes influences byzantines, assez voisines de la styli.salion qu'on
trouve partout dans l'Allemagne du xui* siècle. Peut-être les Cisterciens
croyaient-ils, en se servant du dessin et en évitant la gouache et l'or,
ob.server les ordonnances sur la décoration des livres. C'est la conclusion
que nous imposeraient deux manuscrits du xui' siècle attribués à Conrad
d'Hirsau. Ils contiennent des dialogues sur la virginité. L'illustration de
ce livre paraît être, comme le texte, d'origine allemande; du moins, les
trois plus anciens manuscrits illustrés rappellent une origine allemande.
Leurs dessins, d'un style roman sévère, sont transpo.sés dans deux magni-
fiques copies dont l'une vient de Cîteaux (Troyes, ras. 232), l'autre d'Igny
(Berlin, lat. 75 ; l'inlerprélalion, libre et de grand style, prouve un
talent artistique éminent. Dans les dessins originaux, le sujet e.xcilait
1 intérêt principal; ici, l'élément artistique prédomine; c'est la joie de
dessiner avec enthousiasme, bien qu avec une grande simplicité. La
chaste sévérité, qui fait le charme particulier de l'architecture cister-
cienne, reparaît dans la décoration très sobre, mais exquise, des initiales;
elles sont multicolores sans doute, mais l'or est évité.
Grande est donc la valeur des ojuvres isolées de l'école bourgui-
gnonne; mais, à en juger d après ce que nous connaissons, on ne peut
constater ici d'évolution qui aurait contribué à former le style gothique
nouveau de la miniature. Il en est de même de l'école française occiden-
tale; elle a déjà été étudiée i^cf. tome I, p. 74i et suiv./, car ses œuvres
sont en relation étroite avec les travaux plus anciens. C'est la France sep-
tentrionale qui a le plus contribué à former le style roman et k le trans-
i.i:s \iiM \ 1 1 i;i s I i;s \ n ii\r\ i \ riiM i iti; \ii n \i i". ,"oi
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\ (ilis, (hilis les !^i:iii(lcs ;i |i| i;i \ c-- I icikmIicI iiio, un l'(''sc;iM de ccillrcs iiù I dll
ciillixc l:i niMiliiliiic. ( lu |iciii \ I iiiccr une lii^iic de (l('niaic:il ion ^('o^r;!
|ilin|n(' ({Ml COI rcs|i(Hi(l .'i jicii |iii''s ;in\ dixi-^KniN polii i(|iics. A ri''.Nl,l("s
(l'iurcs ia|i|icllciil |ilni('>l lc-> |ii(iiliiiU des (•(■oies idlcnimidcs ('(iiil('iii|iii
raines : à !'( Iiicsl , (Iles ia|i|i( llciil les ('•(■(des ani^laiM's, I ,c iniiivcan -.In le,
en \iii;li'lcii(', (''lanl la (■(iiis(''(|iicncc de la (■(iii(|n(''l c iKiiiiiandc, (in |>('iil
en ( licirlicr l'tniyinc Mir le cdiil iiiciil , \ ce |hiiiiI de \iic, iiiallicnicii-.c
liiciil, les (iMiNics cainlalcs iiian
ijiicnl (111 siinl cncdic iiicdiinncs ;
cl c'csl siiildiil dans les grandes
alilia\ es de Ndiiiiandic, i|iii (■•laiinl
CM rclal idii si (-1 iihIc a\ ce I \m;,'Ii
IciTc, (|Mc les inaliTiaiis loid (h'Iaiil
Scldii Idillc |irdlialillil(', lail an
giais .s'assimila li(''s \ilc les in
HmcIiccs siiliics cl , de I l('s IxiliMc
licMi'c, inlliicnca à -.om I ■ le cdii
I iiieiil la Mil mal m c aiedai e de
|ia a la iiiiiiial lire ( diil iiienl aie cl
lilill liai I Ider il le Mieiile e
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laeiiiie an iiid\ cil de I e\|Mii lai mil |
I II lail I r(''s caraclei I I ii|iie c I
ijHe le |ir|elll ('■ de Saillie l'i.ll lie c||
\ I C, • e d a 1 1 . la \ a 1 1 d I e du
Ml sliade. a\ail mie neeiir aie a k„
r.c(|ner()rl , dii ,e|(iiirnaieiil le * i,i , ^ , ^,
Cdlll le . ddlll les (CMVrc. (Iivalelll l'iii. it^H. Mlllllllltl'dilii» llllll>iK>l«i> oUiHiik'"
Il Cdiiriid viiii lllroiiii. Miiiiiiacrll l'Ulcri'Idii.
''''■'■ ''M""l''- '" ^dMllalldle (,,,lll ^l^^^^,|^^ , ,^,,^
llielll Iraiel Ilimie ll\c rlllli
le lla\alis IMSUlilircS cl les (l'IlVI'cs la ni I 1 m id a I e ' I ,e l'ail ( | Il ' i 1 1 ir ,1 JC (d
(■\em|i|c |i|'is en Ndl'limnilic HC I'('ll'(ni\e ('"al I il.in h .dilia\ e , In m
lliclilICM, «Ur les l'i-dnlleie , de la Manille II ^ a lel aliiilidalK e d'il'll \ rCh ,
lllllis l'i(ll''<! s'inijld e ({Il III (illc ICI. , III la |iailie la |dll s (''ll'diic dll
cimiil, il y a en II c , ani ('•( liaiip.c ail inl i(|nc, I .es lra\aM\ i\\i ( (iiilinciil,
ninis l'asdii dil, (.ni ia|n(|( ineiil (|(.|ia', .('•, ; jiar (l(dà le (anal, en idl'cl ,
• (liciilelc |dil . ('h'L'anh iiiiiima^'ca le , | ,i(.i.| ic . du ln\c, le > tnami
hcriis |ircc(eii\ d( liiii . aux |iiiiiccs liildiii|iliili". 111! iiii\ mciniircs ijn liani
(dr-r^n'-, di'\ iiiK ni de I I('dc4 d scr\ m ni . n (|iic|i|lic Hiirjc l'i ll\('r ridi''al,
\ m; I j, |\|, II, m. m .i|i|i.ii .II! I II de Ik .hh leie, liidlli ni» \(ill>i
( Im,I ik.ii , ei.iilliH |,imil i|( ili |i.ill mi lla\all (laie, • llllde (| IcIIX
nidllics de l'ald.asc i\r Sla\(ddl, ((ddeiamin, cl l'iriic.ld, aelic\ ('■icill
i>.ii;> .1. iMiK (
Il fiiitiiluiA (*)■(((('
-.02
lllSTdlHl-: DK LAIST
en 1(1!I7 ii|>r('>s qualre années de lalicur -Brit. Mus. Adcl., '2SIO(i-l(l7). Ce
sonl d'une jiarl des dessins délieals el (ins, sur fond de couleur, avec des
<
Pllnl Uasi'l.ilï.
rif,. 2'2il. — Scènes de I;i \ie de .Idli: l;i vie Mclive, la vie ediitemplalive
el les (Ions du Saiiil-K^piil. l'.ilile de r;dilja\e de Florelïe.
(l;nli^|] .MiiM'iiiii. 177;I7-:I8,)
personnages aux mouvemenls gracieux et vivants, qui rappellent un peu
les ivoires du xi' siècle; de l'autre, de lourdes peintures à la gouache qui
montrent le développement comiili'l du style roman. Le trait caractéris-
LES MIMAI riii:S — LES VITRAUX ~ LA PEIMLRL MUliALE
tique, dans cette Bible et dans un groupe important d(> travaux lielges
postérieurs, est l'apparition de grandes surfaces tendues dans le vête-
ment, autour desquelles se placent, en très grand nombre, des i)lis paral-
lèles très durs d'exécution. Ces contrastes naturellement font mauvais
effet : c'est dans de grandes figures, comme le Christ de la Majestas
Domini, dans le second volume, qu'on peut surtout les signaler.
Au style dont la Bible de Stavelot est le monument initial on peut
rallacher une série d'œuvres dont les dates s'échelonnent jusque vers
le milieu du \n" siècle. Ce sont, pour la plupart, des évangéliaires, et, en
partie, des Bibles: presque tous sont d'origine belge authentique; maison
ne jieut déterminer un centre précis pour leur exécution. La Bible de
rabl)ayc de Floreffe diocèse de Liège) est dans cette série une oeuvre
capitale; elle s'y trouvait peu après le milieu du xu'' siècle, et y fut peut-
être écritefBritish Mus. Add..
1 77rt7-r)S I. Dans le second vo-
lume, qui commence par le
Livre de Job, deux images
aussi grandes que la page
nous ont été conservées. Ce
sont des compositions de
sens profonil, disposées en
grandes images ornementales.
La première a pour sujet
- l'opposition entre la vie active
ou jtratique et la vie contem-
plative ou théorique. Une partie intermédiaire représente les vertus et les
dons du Saint-Esprit, qui descend sur les Ai)ôtres. Au-dessus, se trouvent
les scènes de la vie de Job ; son sacrifice et les enfants assis au festin.
Au-dessous, les œuvres de miséricorde. Limage opposée décrit les mys-
tères de la nature divine : l'abaissement du Christ et son élévation. Suivenl
quatre images pour les quatre Evangiles. Chaque scène est accompagnée
de plusieurs figures symboliques. De ces miniatures pénétrées d'idées
typologiques et symboliques, nous verrons à Ilildesheim les plus liclies
spécimens.
Le manuscril riclicmi'ul illusin'' des MuruUn in Jah de (irégoire
Bibl. liai., lat. l.'jtiTJi présente quelques analogies avec ce groupe; il
prox icnl (lu diocèse de (Cambrai. Ses miniatures sont pour la plupart iiia-
che\ées; au lieu de la peinture à la gouache, que l'on a\ait l'intention
d"em])loyer, il n'y a ipie de simples dessins à la plume: mais ceux-ci
oii ne sont ])as encore ])()s(''es les sèches et scliématicpies noi allons des
lumières et des ombres, ju-oduiseni une impiTssion braucou]) plus
agréable. 11 y apparaîl iicllemriil que l'aiiislc \oulail repr('senter. avec
(Hil.l. n.it., lat. 13673.)
HISTOIRK DE LAI'.T
toutes ses Unes nuances psychologiques, riiistoirc tragique de Job. Dans
l'expression des sentiments, dans les visages et les gestes, le peintre est
un maître; ses types de tètes revêtent parfois un réalisme savoureux qui
se fait valoir dans le dessin original du profil et l'agencement des barbes.
Jusqu'où s'étend, vers l'ouest, la domination de ce style? Il est diffi-
cile de l'établir. Nous ne connaissons pas assez les manuscrits illustrés
qui ont dû être exécutés à Saint-Martin de Tournai. Peut-être y a-t-il
un lien entre Tournai et les pi-oduits de l'abbaye voisine de Saint-Amand,
où nous trouvons une note originale
L'intérêt se concentre ici autour d'une
personnalité, le moine Sawalo, probable-
ment identique avec un certain - subdia-
conus " nommé en 1145. Sawalo élail,
sauf erreur, peintre de profession ; il
signe ses peintures, et à côté de lui appa-
raissent d'autres copistes. La Biblio-
thèque de Valenciennes a conservé deux
oeuvres signées de son nom : une Bible
magnifique (ms. 1), avec beaucou}) d'ini-
tiales, et un Peints Lomhanhm avec fron-
tispice (ms. 178). La Bibliothèque natio-
nale en possède une autre (lat. 1099).
Le portrait de saint Hilaire, qui forme
l'initiale, montre en Sawalo un peintre
original, qui dessine avec une certaine
largeur de style. La manière de traiter
les entrelacs rappelle encore les l^a^aux
du xi' siècle.
Les écoles qui se trouvent à l'ouest
de la limite idéale que nous avons adop-
tée, ont surtout produit des ouvrages de bibliothèque, manuscrits
avec frontispices et initiales richement ornées. Ce qui peut servir à
caractériser ces écoles, c'est, d'abord, le parti pris de grands feuillages
fantaisistes procédant de l'acanltie byzantine et que l'on retrouve dans
l'art monumental de cette région, comme à Petit-Ouevilly (Seine-Infé-
rieure) et à Saint-Ouiriace de Provins (Seine-et-Marne); c'est ensuite
l'exécution des initiales, qui se distinguent par une grande richesse d'ima-
gination; les peintres aiment à y intercaler et agencer des ligures
d'hommes et d'animaux. Un coloris vigoureux, arbitraire et bizarre, revê-
tant indifféremmeni de bleu, par exemple, des hommes ou des monstres,
ajoute encore à la singularité. Tous ces caractères sont communs à
l'Angleterre et aux écoles du nord de la France. Nous y reviendrons dans
amodiais fiam"; his
iiiftinr colofisfas cttîdfUIJ'
.milvmt-poiRiirgranauo
15 ce pknMOcpnintnrciiifSo
11110 ilnivtSi.tiianas .iguiT
in.irt;'p.nnïiomuii iiiî iHu.tp.
fctn ^ ytxi uobis aunns.'duûi /
mtrefidonurâmintpotBu.
«■ oilcrtionnnquambdbcns
ff ôs omncs pntfitfffpm 1
;i. — Lui Ire inilialu iJ'iiik
(le Sainl-BeiUn.
(Bibl. nal., lat. 107'.3-4(i.)
LES MIMATUIŒS LES VITRAUX — LA PEINTURE Ml RALE
nuire cliapilre sur 1rs écoles anglaises, inliniment plus {(■condes, e( qui
onl eu une éxoluliun iiieii plus logique.
Dans le groupe oeridenlal, lécole de Saint-Berlin, à Sainl-Omei-,
lenail sans doute la première place. Sainl-Bertiu nous est (h'jà runnti au
XI'' siècle par le mélange du style anglo-saxon et du style continental . 11
est caractéristique que le premier artiste, dont le nom nous soil parvenu,
soit Anglais de naissance. C.'élail un certain moine Hélias; il exécuta,
entre Hit) et lltt'i, sous Fabljé Léon, les <■ Canons >- de ];\ T'ililiollièqne
de Boulogne ims. lloi. Dans un autre
manuscrit in" 110), est représentée la
mort de labbé Lambert, dont l'âme
est reçue au ciel. Un psautier, don!
les initiales, au point de vue des
images ou de l'ornementation, ne se
distinguent pas des tra^aux anglais,
est conservé au collège Saint-.lolin, à
Cambridge (C. 18). Le texte prouve,
de manière évidente, qu'il était des-
lin('' à Saint-Bertin. A ce |isauliei'
correspondent si élroilemenl les [tar-
ties anciennes d'une Bible en quatre
volumes (Bibl. nat., laL lOTiô-lGTiCu
qu'il faut leur assigner le môme lien
d'origine. Cette Bible qui, selon le type
du XII'' siècle, est, d'un bout à l'autre,
illustrée par une série d'initiales à
figures, est un chef-d'œuvre de calli-
grapliie. Les initiales souvent étran-
ges, avec monstres et entrelacements
de feuillage, ont une ressemblance
parfaite avec les initiales anglaises.
Même ressemblance entre le manu-
scrit de l(( C.ilé (le Dieu par saint Augustin, à Boulognc-sur-^Ier (lus. âri),
œuvre du moine Alexandre, cl les travaux anglais du tem[is. Dans l'initiale
du onzième livre, le Jugenu'nl dei'nier esl ix'jiiésenlé en (b'iail d'une
manière qui rappelle fort le p>aulier anglais de ^lunicli (Jni. (S.";ii.
Dans le diocèse d'Arras. loule une série d'abbayes onl produil des
œuvres calligraphiques el arlislicpies reniarcpialjles. niiand l'abbé Ilar-
ding, de Cîteaux, doid nous connaissons th'-jà les goùls biiiliopliiles,
visita en I Di.'i le cloître Sainl-Waast à Arras, il se II! copier pai- le moine
Osberlus les ( '.ommenlaii-es de saini .b'Mvnne sur .I<''i-(''inie. Le rronlisjiice
rcprésenle riii~.|oire >iiignlière du nianiiseril. S\ii- l'anlel, se trouve la
FiG. iô-i. — PiLSenlalioii prir le moine Osbeiliis
ilesCoinmeiilaires île saiiiUlénJuic sur Jérémie.
(BHjI. lie Dijon, 130.)
r.oo
HISTOIRE DE LAP.T
»«^^ft^^^l»SS!S^
vierfïc Marie; ;i druilc cl à gauche, l'abbé d'Arras cl l'abbé de Cileaux,
eliacun avec le modèle de son église; au premier plan, le copiste pré-
scnlc son livre. Le slyle esl 1res simple cl sévère : personnages très
allongés, aux contours marqués, avec indication linéaire de l'agencement
des plis. Le manuscrit passa de Cîteaux à Dijon (ms. 130 (fl7).
De l'abbave bénédictine de Saint-Sauveur d'Anchin, de nombreux
manuscrits de luxe ont
été conservés; ils datent
de l'époque prospère de
saint Gossuin (mort en
1165) et de ses succes-
seurs. Un manuscrit du
livre de saint Augustin
sur la Trinité (Douai, ms.
2hT) est d'une importance
jiarticulière. Le grand
Irontispice, en elTel, nous
éclaire sur la mentalité
des copistes et des pein-
tres. L'un d'eux, Balduin,
était mort avant l'achève-
ment du livre; il est
représenté reposant dans
le tombeau; un ange em-
porte son âme. Sur le
tombeau, entre les pa-
trons de l'abbaye, saints
Augustin et Gotwin, l'au-
Ire copiste, Jean, s'age-
nouille et prie le Christ
de le recevoir en grâce :
« Suscipe scriplores ol
l'oruiii, Clu'isle, labnrcs. »
Christ l'exauce, et un ange
lui apj)orte une couronne. L imporlance de l'image est due à l'étrangeté
du sujet plus encore qu'à ses qualités artistiques. Les artistes copistes
d'Anchin excellaient surtout dans rorncmentation des initiales et des
lettres fantaisistes, composées de figures et d'ornements. Parfois, copistes
et peintres réglaient entre eux la division du travail; c'est ain.si qu'un
Rdlxiiius Maunii< d'Anchin (Douai, ms. .'40 (780) est l'œuvre commune
du peintre Olivier et du copiste Reinald, qui sont tous deux représentés
dans une initiale. Souvent, d'ailleurs, les ouvrages les plus intéressants
li(.. J"j.". — Fniiilispice du mnniisriil iln Livre
de saint AiigiisUn sur la Ti-iriité.
iliil.l. iU; Doiuii, 207.)
LES MINIATURES — LES VITRAUX LA PEINTURE MURALE
•.07
sont préciséuicnl anonyiaes. C'est le cas d'un AïKjiisliini^ iii psalnios de
l'abbaye Sainle-Rietrude de Marchiennes. Le fronlispice (Douai, 2ô0)
représente saint Augustin entouré des patrons de Marchiennes, l'initiale B,
le Christ comme Juge suprême et David jouant de la harpe. Le lien avec la
peinture anglaise est ici évident. 11 en est de même d'un lra\ail plus i(''c(Mit ,
la grande initiale B du psautier de Marchiennes i Douai, l!t , remplie de
scènes nondireuses cnniruntêes à la vie de David et aux l'^\ ange-listes.
„^,^™, —
.trchic^ dafeis: t|S figtuuitf
bnitw.codctti dtc mipfo inotuf
> tmo utbcttit ]wpa tru lotnli'
putif caiicdl» facmnuir alra
na.îimc papa ntf fnciido '»U'
ncgi ucl pnnctpi cumm ipfuif
nnctniiq; coitinmicluur.''infi
dtt) zr bcjto imv «ufq; luca
ni5.iviîiamf fahc<T poimfiatj
Atiflqiimmïro tid «diui dmrtu
I :^
tifq;agctuto.p4lntfjlmi5tw; 6 m? dtgrinnii liccr ttîchgtmtii af
iniûcj.«B3cptf<farduiahlnjf / \ fôaaittr.-mïolininiinucliiiin
ju*-
';T;1tC-
FiG. 254. — Le p.ipc Urbain II coii^mci,-
(BiLl. nat., lai. 177IC.)
Comme œuvre du même genre, dans le diocèse de Cambrai, citons le
livre des Evangiles cjue le copiste Jean, en 1140, exécuta dans l'abbaye de
Licssies en Ilainaut (.Metz, collection Salis). Le dessin des ligures est,
ici aussi, d'une extrême sévérité; mais les pages ornées et les initiales
s(uit d'une grande magnificence. A côté du pampre aux larges teuilles, on
remarque surtout les masques d'animaux géants et quelques scènes qui
rappellent tout à l'ait les psautiers de l'Angleterre septentrionale.
La période prospère de l'art du manuscrit et de l'enluminure, dans ces
cloîtres bénédiclins de la France septentrionale, c'est le xn'' siècle. Une
seconde floraison, mais faible, se produisit au mh' siècle. A partir de ce
r.iis
IllSTOll'.H DE L'ART
moinenl, les cloîlirs, eux aussi, rcroivcnl leurs manuscrils des grands
renlirs de vie scicnliluiuc (jui se gntupcnl aulour des uni\ crsllrs. L'rvo-
lulion de la uiinialure i.arisicnnc nous pci-nicllra plus lard d'expliciucr ce
lail. il iiu|Hirlc daulanl plus d'examiner si Ton peul suivre jusqu'à Paris,
au xii' sièele, le slylc de ces ahhayes bén('diclines et si l'on peut admcllrc
l'existence d'influences arlisliciues qui feraient alors, du style de l'Angle-
terre et de la France seplenliionale, la base de l'art nouveau auxiii" siècle.
n enluminait des manuscrits; est-il besoin de
le priiuver? Mais a-t-on le dioit de
parler d'une école parisienne ayant
unslyle particulier? Peu nombreux
sont les monuments qui entrent ici
en considération. Ici comme par-
liiut, dans ce domaine, tout reste à
rx|)lorerl L'ouvrage capital est la
('.liriiiii(|ue du cloître Saint-Martin-
(les-(;iianqis, achevée vers 11 8S
Bibl. nat., lat. 17716). La Cliro-
nique est précédée d'un anliplio-
naire, dont l'image principali',
Irès grande, représente la Transli-
guralion. L'image est exécutée en
gouatdie sur fond d'or, avec un
large cadre ornemental. Si l'on
juge, d'après cet échantillon, du
talent (pi'avaient les artistes de
Saint-Martin — et c'est, le fond
d'or excellent le jtrouve, mi lra\ail
très soigné — on s'en fera une
assez médiocre idée : pauvreté des
motifs dans les mouvements et les
diaperies, contours inhabiles et louids, laideur des types de tètes, avec
le lias du visage singulièrement large. Une ^'ierge sur son trône et la
série des miniatures, dans la Chronique, ne valent pas mieux; mais quel-
ques miniatures, du moins, ont un intérêt anecdotique, comme le miracle
de saint Hugo : la résurreelion d'un mort sur l;i Montagne Sainte-Gene-
viève, ou la eonsécration par le pa|ie t ibain 11 du maître-autel de Cluny
(fig. '254). Elles se distinguent par la sinqdieilé avec laquelle elles rendent
les architectures et empruntent certains traits à la réalité.
L'aMiaye Sainl-\ iclor nous l'ouiiiil des n:ali''riau\ en jielil nctudire,
mais |ilus inl(''i-essanls. t n antiplionaire iJihl. nal.,lat. 7'.Mi , ('■erit ])i'olia-
blemenl pour Saint-^'ictor, paraîl i"'lre, dans ses initiales, une œuvre
A Pari.
^ ï - j .^ Ollranmgiftebitpnn
nlclTnCalTOlntUltlO fnrautteiamtfTOlamac
rairoitniitnnnncitic piitnio(otrfhc>ftaiioo.w
j rf a f mimdininminoqinpti
jCnllâulniîntt- mtnhtdicîrnrdflm^fi
lwmraic(.hitt>rtBia
qoiincpminftï'f.i'flïi'
niftaftiirmitrjfimip
"'' vqiriaiiïmnMi
1,1- nfmctara
li.iitonB"iaiim
ToftognnaiviîVi
qttioTiiiiia ezdiaf^iqi
Timmnnn^inoitraBl
apnurtmfiifjBnoifi
Bobnmi'q^tnmfM^i
(uIiâ&diUgmi^Tfidftt
carm «J tm minnlo ajp
' - .... j •♦ TnnoôcohaljGînTndinC't
tnafnicaftirîicltlniq. mmvf^^'mmm
, .r . ■ tiifbUfplicniofîimnnit
îtlUtiq'Tlira- Ofinoa ûmxùmmmeaAa
ineocuiTDînatnoliittc fimrfubiumraitiofcï
-»_ ^-.^ imaf ononit rormaUy
pttCroà'bîUtîîtICm) ftiÇoniroîiinTraiifilm
, , _•)£— froijJnahirnnniWnn'
îiîtrammtnntiaria OTnMicmiiinp,B.fiDî
-, , r j • nti-iôWMijràafiifbfg.'
iftan à bOntndOlOl i<imi,iv(iiffcraramlmi
- ... tiiltol>iâitrf!M;i)faiiiaC(
nmntruoTwro on &niruirfefw.Wg-mr
I.rlll(
(i.'l'l
iiiiluili' dus Ciiiiimeukiir
no I.uiiil.ard.
i:il,, l.ll, ii:.fi5.)
LES xMlNIATUUES - LES VITRAUX - LA PEINTUllE MURALE r.dO
moyenne de la fin du \if siècle. Les images liililiqiies sonl moins inipor-
lanles que les figures ornementales. Un F, par exemple, représcnle l'ap-
parition du Seigneur dans le temple de Salomon (I. Rois, S); divei's
bustes en petits médaillons s'y joignent : le roi Salomon, le grand prêtre,
un homme qui égorge la vielime, des musiciens, et une jeune fille qui
danse. Ces figures, qui rappellent les lahleaux de genre, font penser aux
manuscrits de l'Angleterre et de la France septentrionale. Cette ressem-
blance est plus visible dans un manuscrit de luxe de premier ordre, mais
sans illustrations. C'est un l'jiiinuciilai iiis l'clri Ijiinhdidl in l'sdliiins (P)ii)l.
nat., lai. lir)*^)), qu'un certain Nicolas, clerc de Sainl-\iclor, légua àl'abbé
(iuérin (f 1I9'2), et dont ce dernier fit cadeau à Saint-Germain-dcs-Prés.
C'est un travail de même style et aussi excellent que les meilleurs manus-
crits anglais de l'époque; ce sont des initiales en couleur, avec quelques
tiges entrelacées sur fond partie or, partie couleur; les tiges aboutissent
à de grandes feuilles aux extrémités allongées; dans les tiges, de multiples
petites figures d'animaux, qui ne manquent pas d'humour : on y voit un
cliien qui joue de la guitare, cl ainsi de suite. L n manusci'it Ion! pareil,
mais d'un style un peu plus ;i\anc(', se liouve à Munich fClm. S'JTi.
Si nous savions seulement (|ue ces manuscrits ont été exécutés à l'aiis!
On peul le supposer; quand un clerc parisien, avant Hfl'i, lègue un
manusci'il iwcc li' cnmnicnlairc de l'(''M'vpic de Paris niorl en IKii-, n'esi-il
]ias hès |ir()l)able, que le manuscril a <''l('' e\(''culé aussi à Paris? Et cepen-
tlaiii. nous ne ]iouvons parvenir à la cerlilude. L'art, dans les ateliers de
coj)istes parisiens, aurait alors, vers 117"), alieinl le même degré de per-
fection C[ue l'art anglais. Et la question se pose toujours : pourquoi les
manuscrits de luxe richement illustrés, surtout les psautiers, manquent-ils
ici, alors qu'en Angleterre, à la même époque, ils apparaissent en grand
nomlire? La conclusion dernière de ces réflexions est toujours la même :
l'Angleterre, dans la miniature de cette période, a joué le l'ôle directeur;
l'école de la France septentrionale est la sœur aînée dont la beauté cl
les (piailles sont éc]ips(''es |)ar celles d(,' la sœur cadette.
La miniature anglaise.
En aucun pays le contraste entre la peinture du xu' siècle et celle de
la période précédente n'est aussi complet qu'en Angleterre, et nulle pari
on no \oil aussi clairenienl (pii> le nouveau style est en recul sur l'art
anlérieur. La technique li'gère. libre, sommaire de la ])ériode anglo-
saxonne, avec son esprit, sa spnnl;ini''il(\ sa iiberb' d'albiies, esl rem-
placée par une lourde peinlui'e à la goiiaelie sur fond de enuleui': le eon-
loin- de htuies les licures dans l'enseudile coniUK' dans le ib-lail esl
r,IO IllSTOllŒ DE L'ART
roi-lciiii'iil acrusc, ol, au drluil du nioiiis, le style est exlrèuu'iuenl iounl.
Les (■oncei)lions luirdics, les mouvcmcnls dramatiques, qui conve-
naient si ])ien au style suggestif de la iiériode précédente, ne s"accordent
pas avec cette technique sévère, inipitoyal.ienient exacte jusque dans le
moindre détail. La connaissance de lanalomie el de la perspective
manque; autrefois on savait s'en passer avec une sorte tl'insouciance
légère el gracieuse, mais, dansla nouvelle lecliniciue, i'arlisle porte péni-
blement son ignorance.
Sans aucun doule, la transformation ilu slylr dépend étroitement de la
conquête normande, mais il y aurait erreur à ne voir, dans Fart anglo-
normand que l'imilalion insulaire d'un style continental. A diverses
époques, l'Angleterre a reçu du continent des impulsions aussi fortes,
sous Grégoire le Grand, sous Ethclwulf et Dunstan; mais toujours, par
la suite, lleurit une école fortement imprégnée d'éléments nationaux, qui
réagit à son tour sur le continent. Nous en avons ici un exemple. La
transformation du slyle nous échappe en ses détails; nous ne pouvons
retrouver les premiers germes que les artistes appelés du dehoi'S avaient
importés. En certaines œuvres, comme la copie du jisautier d'Ulrecht déjà
nuMitionnéc (Bril. INIus., Harl., 603), on voit les peintres de la nouvelle
école travailler à côté des anciens; puis, vers 1 LJ.') seulement, commence
in série des œuvres originales, qui vonl s'éiiandre en un large courant
jusqu'à la fin de la période.
Les prémices du nouveau style, en Angleterre, sont antérieures de
quelques dix ans à celles du continent. Mais elles montrent aussitôt des
particularités qui se conserveront dans la suite; c'est surtout la joie
d'illustrer richement et de décorer avec luxe. On étend à l'infini les séries
de miniatures et c'est tout d'abord sur les psautiers que s'exerce cette fan-
taisie. Ceux qui commandaienl ces psautiers — dignitaires ecclésiastiques
ou femmes nol)les — onl lai'gi'menl contribué par leur goût à consliluer
l'art nouveau. (J'esl seulenn'ut un siècle plus lard (pi'apparaissent sur le
conlinenl des travaux d'égale valeur. Du reste, les grands manuscrils de
biiiliotlièque, en particulier les Bibles de grand format, ne manquent pas
en Angleterre; dans la deuxième moitié du xii' siècle surtout, l'école an-
glaise y excelle. La calligraphie en est belle, mais ce sont les initiales qui
l'ont la l'ichcssc de ces manusciils. Aucune jiériode et aucun itays n'ont
vu, dans la décoration arlisli(pn^ des initiales, une telle richesse d'ima-
gination el de goût. La l'anlaisic créalrice des pays seplenlrion;ur\. ipii
s'est toujours donnée libre carrière dans l'ornemenlalion, s'épanouit ici
magnifiquement. Les feuilles immenses empruntées à l'acanthe byzantine
prennent une forme qui fait penser à des polypes géants; les tiges entre-
lacées s'enroulent en spirales multiples, où viennent se mêler des figures
d hommes et d'animaux el les monstres les idus bizarres, (^elle grande
LES MIMATUHES - LES VITRArX - LA PEINTURE MURALE
richesse d'imaginalioii el la tendance au fanlaslique se montrent aussi
dans les singularités iconographiques des miniatures et dans la création
des types. On s'explique pourquoi cet art, sous la conquête normande, a
si rapidement dépassé fart continental.
Y eut-il pour le nouveau style un centre d'élahoralion? Il est dii'-
ficile de le savoir. Les oeuvres du début à nous connues jusqu'ici
proviennent de contrées différentes, et leur classiticalion en écoles
déterminées n'est pas facile. Une œuvre capitale de la première période
est le psautier de l'abbaye de
Saint-Alhans près de Londres,
conservé à Hildesheim, dans
l'église Saint-Godard. Nous con-
naissons très exactement son
histoire : il l'ut ('Tril sous l'aljljé
Gaufried i 11 l'.l-l I ilii ; son pre-
mier possesseur fut le moine
Roger, un ermite voisin du cloî-
tre, célèbre par son intelligence
et sa piété. La décoration artis-
tique, œuvre de deux collabora-
teurs, est, à plusieurs égards,
tiès caractéristique. Le psautier
lui-même est, tout d'abord, illus-
tré complètement. Dans chaque
initiale se trouve une petite
image qui s'adapte littéralement
au texte pris dans le psaume.
Par exemple, au psaume LXXIX.
5 [Deits rcpulisti nos) : le Christ
repousse du pied un personnage
nimbé. Au fond, c'est le même
système d'illustration que celui du })sauli('r d l'Irecht, ([ui, dès le
xu" siècle, fut copié plusieurs fois en Angleterre. Le psautier de Saint-
Albans est aussi très important parce que son frontispice est précédé
d'une longue explication qui indique le but de ces images. Ce que l'image
montre corporalilcr doit se i-eproduire spiriliuiliU')' dans la pensée du spec-
tateur; ces guerriers qui combattent nous rappellent les luttes spirituelles
que nous devons soutenir contre le mal, etc. Ces images symboliques des
initiales prennent un sens toujours plus subtil, et elles permettent en
outre l'introduction de scènes de genre intiniment variées. Le psautier
possède aussi une longue série de miniatures occupant toute la jtage,
qui représentent la Chute, Adam et Eve chassés du Paradis, la ^ ie du
— LeUrc iiiiliiile du psautier de ral)h.n.ve
;iinl-.\ll>an>, cuiiservé à Uildeslieiin.
IIlSTOIlil-: KK I.AI'.T
Clirisl. C.'ol une iiii|i<irl;iiilr innovalinii, r:w crllc s('ric de iiiiiiialiircs
l)ii)li(|iios, 11' plus soiivciil In Nie (lu C.liiisl. ciiiisliluc liiiiiir>l un (■Icuienl
liabifurl (lu ]is;mli('i' (pii. au \ni'' sirclc, (le\ icudi'a uuc surlc de lîiiile en
images. Au ]Miiiil de \ ^\l^ ailisi i(|iu', vo uuuiuscril n'a |dus la uu''uic valeur.
La comparaison entre la manière des deux collahoraleurs montre à quel
point les miniatures ex(''eul(:>es à la gouache sont inf(!'rieures aux simples
lavis. I.e pciulre des iniliales. ]iar exemple, dans la miniature du roi
David au milieu des musiciens, donne aux l(Mes,de prolil hx-<. accusé, des
contours singuliers : le front
ne se distingue prcscjue pas
du ne/., la hjvre inf(Jrieure
esl saillante, le menton est
li(''s ruyanl; on dirait de
cari ca I ures involontaires.
L'autre arlisle,(pii a ex(''Cul(''
la plupart des minialures,
ne tombe pas dans ces
excès; mais il allonge déme-
surément ses figures et traite
les plis de façon toute primi-
tive; le vêlement est comme
collé aux memljres.En dépit
de celle insul'lisance (le la
forme, plus d'une composi-
tion témoigne de quelque don
d'expression d ra m a l i que.
C'est riiérilage de l'ancienne
tradition anglo-saxonne; les
formes nouvelles pourront la
refouler, mais sans la faire
complètement disparaître.
Le psautier de Sainl-Alhans a]iparaît comme une exjiression assez
exacte de l'ju-t moyen du temps, si on le com}>arc avec quelques autres
manuscrits de luxe de l'époque, surtout avec un jisautier du British
Muséum (Lansdowne, ."cSôj, doni le premier possesseur, une abbesse ou
une nonne, doit avoir eu des relations avec le couvent de nonnes de
Shal'lesbury (Dorsctshire).
Il faut rapprocher enfin du psautier de Saint-Albans une série de
miniatures sur folios fixés au commencement d'un manuscrit plus récent,
(pii devint au xiv' siècle la propriété de l'abbaye Saint-Edmond à Suf-
follv (Candti'idge, Pembroke Collège). Ce sont des dessins à la jdume de
couleur brune, rehaussés (^'i et là de polychromie. Seuls, les souliers el les
-Minialure du psautier do l'abljayc
de Saint-Aliians.
LES MINIATURES — LES VITRALX LA PEINTURE MURALE T.lô
c-licvcu.\ sonl loiijoiirs exrculrs au lavis, ('-elle série de dessins est inslriic-
tivo el caraclérislique d(^ la i-i<-liessc de Tari anglo-normand; elli^ nous a
consei'vé suiioul une série de parliculari[('s (Hranges qui ne se relrou\enf
pas dans les miniatures [y|ii(|uis du coniineal. Par exemple, Irllusion i\u
Sainl-EspriL est représentée })ar une miniature à séparations transver-
sales: en haut trônent, dans une mandorlc, le Christ el Dieu le Père; pour
symboliser leur unité, les deux bustes se grelTenI sur une base commune.
Les tiMes sont égales, mais le Chris! a ]>' nimlje en forme de croix; à droite
jiifmrF-hUis cliwt .ictnwUcaiiin
'i k.-1t^ ilr$).
^>«ï-.Jt W - .-^"^ r»^*'- 'wfto
FiG. 238. — Miniature du psautier d'Eadwin.
(Bil.l. de Trinily Collège, Canil.i i.Ige, li. 17. II.
et à gauche se tient un séraphin à six ailes; au-di^ssous, trône Marie au
milieu des Apôtres; du bec de la colombe s'échappent les rayons.
Commencer par l'école de Saint-Albans n'est pas lui assigner un
rôle directeur. Parler ensuite de Canterbui'V n'est pas établir ipie cette
école ait dépendu de la première ou n'ait l'ail (pu_^ la suivi'C. Il faut nom-
mer ici, avant tout, le psauliei' d'l']ad\vin. moine et peintre de ('.hi'isl-
Cliurch à Canterbury (milieu du xii'' sièclci; ce psautier, en grand formai
in-folio, conservé dans la bibliothèque de Trinity Collège à Candjridge
(H. 17. Il, nous montre un porlrail du ropisle qui ri'm|ilil toute la page.
Eadwin est tout à fait conscient de son inqiorlance et dit lièrenienl de lui-
même : <i SiriploriiiN iirini-ejis cr/o iicc ohiliirn ilriiii-:'iis hiiis iiicd iirr /(liiid —
l'rcdlidl liiiihriniiin jaiiui pri' scciiln ririnii. iiniciiiiiiii (ujns hlin ilrcii^: iiidi-
riil liiijiis i. Si la posl(M'il('' ne parlage pas loul à l'ail l'ojiinion orgin'illeusc
T. 11. — W
HISTOIRE Î)V. I.AP.T
que le prince des copisles avait de sa valeur, elle ne peut ce])endanl iné-
connailrc la grandeur de son entreprise. Eadwin voulait faire un pendant
au psautier d'Utreclit. Il copia, en cinq colonnes, les diverses versions de
la Iraduclion des Psaumes avec les gloses. Trois initiales peintes, la plus
grande pour le Gallicanum, sont en tète de chaque psaume. D'ahord. il no
se conlenle pas de copier et de traduire en son style les minialuies du
psautier d'Utreclit; il
essaie de les transpo-
ser; mais, après quel-
ques essais, il y re-
nonce,et, pour le reste
de la série, suit exac-
tement son modèle.
D'ailleurs, il n'a pas
l'ait seul tout le tra-
\ail; on y constate
l'intcrvenlion de plu-
sieurs collaborateurs
inégalement doués.
Le style est tout t'i
l'ait anglo-normand ;
à cet égard, le modèle
est resté sans in-
lluence et la repré-
sentation des mouve-
ments a conservé une
hardiesse remarqua-
ble. Le contour net
des figures, les vête-
ments collés aux
corps, lesprofils gros-
siers rappellent les
manuscrits de Saint-
Albans.
Si riches et lirillantes que soient leurs œuvres, les écoles de Saint-
Albans et de Canterbury ne peuvent se mesurer avec les ateliers contem-
porains de Winchester. Winchester, centre de l'ancienne école anglo-
saxonne, a conservé ses vieilles traditions avec plus d'obstination.
Commençons par un psautier en latin et en l'ranco-normand, qui, très
probablement, l'ut écrit pour Henry de Blois, évèque de Winchester,
avant MOI (Brit. Mus., Ncro Cl\'). Le texte est précédé de trente-huit
miniatures aussi grandes que la page, dont la plupart traitent de deux ù
l'iG. 'lô'J. — L'Enler. Miniature du psautier
éciit pour Henry de Bloi-;, évèque de Winchester.
LES MINIATURES - LES VITRAUX — LA PEINTURE MURALE
quatre sujets. Les peintures sont mal conservées et l'on ne peut voir
jusqu'à quel point les dessins bruns furent de simples lavis ou peints à la
Cfouache. Le style — c'est ce qui le caractérise — essaie de concilier la
vivacité anglo-saxonne avec les modes et la technique nouvelle. Les figures
ont souvent une certaine violence de mouvements : le dessinateur aime sur-
tout faire saillir fortement l;i lianclic, et lelTet est encore augmenté par le
parti des vêtements collés aux corps; il recherche le mouvement et l'ex-
pression, il s'efforce d'animer les visages et se donne lihre carrière dans
les scènes du Massacre des Innocents et de la l'assion. Le goTd du fan-
tastique sombre et sauvage, (pii a sûrement son origine dans le caractère
du peuple saxon, s'exprime avec une force géniale dans le thème, naturel-
lement préféré, du Ju-
gement dernier, qui ne
remplit pas moins de
neuf miniatures. Dans
la représentation des
tourments infernaux,
l'art anglais ne peut
être surpassé. Sa créa-
lion la plus originale
est celle de l'Enfer con-
çu comme une gueule
énorme et grimaçante.
Nulle part cette con-
ception n'a pris une
forme aussi effrayante
que dans ce psautier.
^lais le vrai chef-d'œuvre ce l'école de Winchester, c'est une Bible qui
fut également illustrée sous l'épiscopat d'Henry de Blois. Lesti'ois grands
volumes in-folio de cette Bible sont aujourd'hui conservés dans la calhé-
drale de Winchester. C'est probablement celle que le roi Henri 11 prit à
Winchester etdonna en cadeau au couvent de\\'itham, ([ui, entre 1 17") et
1180, la restitua à ^\ inchesler. L'illustration avait été conçue de manière
grandiose, avec miniatures aussi grandes c[ue la page, initiales en figures
et ornements. Un ai'rèt doit s'être produit de bonne heure clans l'exécu-
tion ; (die fui re|irise pcut-êli'c trente années plus lard, mais jamais a(die-
vée. Il n esl pas faeile de discernei- les di\ci'ses parlies; les pbisancienncs
sont déjà l'œuvre commune de deux artistes ; l'un d'eux se rattaidie |)lus
étroitement que l'autre à la tradition anglo-saxonne, ('-"est cette main
« anglo-saxonn(! ■> qui ;i cxc^'culi' Iduir la di'Cdralidn i\\i Iniisièuie \oluiue,
notamment deux gi-andes pages couM'iles île dessins pour le premier
livre des Maccabées et le livre île .ludilh. Parnu les nnnialiin^s achevées,
miniqiiit.
iwaacmj amw [ram tloUim Aou ■
J!)llçaftim.Ura-imrupbi;imTii[uit iniiiuir.irrjn
Oitçnftjonu lUTtKi piytjpn.vripniTUii(^iia do
aingialMrtr,dMabaTiûnilo Aradicaii mm
(kOTTaUraOïniim mnfrrm,-
itoicif.i raiiir.iditi:n u- mrminoium
1"frrcbit flaicllatrdcr.vbcin.i£iiti Acradua
l'Iml. Hasplorr.
D.iif,' lu.nnl Ie> pivtios. JHninturc de la Dible
«le la cathédrale de Winchester.
511-1 IIISTOIRK DK LART
la nifilicmc csl l'iiiiliiilc il'l'lsiliiis. L;i lcii(hiiicc à la stylisation y reste
assez déiiiaisaiilc, mais l'iiiilinlr Iriiioi^nc d'iiiic \érilalile puissance d'in-
vention ornementale; le i'eiiillaiie anglo-saxon en l'orme la base, mais
cnlremélé de figures nombreuses, hommes nus et dragons. L'autre artiste,
à peu prrs conienijioi'ain, suil dr plus pi'ès le style du psautier; les con-
tours Irrs mouvemcnlés, le v(Memenl élroilemenl collé au corps avec les
plis ramenés en l'aisceaux, en sont les traits caractéristiijues (voir notam-
ment les initiales du Psaume LI, en particulier la scène oîi Doeg tue les
prêtres (fîg. iljO). Nous ne pouvons parler de toutes les œuvres qui s'y
raltaclicnl ; meiilionmiiis seulement quelques pièces capitales, de style égal
et aj)parlenanl à la piemiére époque du règne d'Henri II : les Bibles du
« Coi'pus Clirisii (lollege » à Cambridge (n" 2), et delà Bibliothèque du
Lambelii Palace à Londres (n" 5); ensuite deux psauliers ti'ès analogues,
remarquables par la ric-hesse des miniatures comme jiar rin\cnli(ui fantai-
siste de leurs innombrables initiales; ils se trouvent à Glasgow (Iluntcrian
Mus., U. 7). '2.) et à Copenhague (Bibl. Boyale, Fhott 145); les limites de ce
lra\ail n(>usrnqi("'cli<'nl niaiheureusemenl d'insislcr sur (•(•s(i'U\ res.
Le degi'é de pcrleclion cpie la pcinlure anglaise a alleint dans les
minial urcs anciennes de la P»il)le di' \\ inchesler jiurait dû, si son évolu-
liiin u'aNail pas subi d'innuences contraires, amener la formation d'un
slyle 1res mani(''r(''. VA\f a ('li' arrêtée pai' une influence byzantine, 1res
i'orle el liés duraiile, qui se fail seiilir dans la seconde moitié du
xm' siècle. L'(''Voluli(in es! ici parallèle à celle de l'Allemagne conlempo-
raine. La seule dirr(''rence est (pie l'ail allemand fui alleint axcc iiiiini-
meiil plus de ^ iolence dans son originalib'', el ne pnl se d(''liarrasser des
modèles (''Irangers avec aulanl de l'acililé ipie l'arl anglais. Résumons les
effets produits par ces influences byzantines. Il faut noter tout d'abord la
modilicalion des figures. Jusqu'alors la règle était de les allonger ou de
les contourner ;'i plaisir: voici (pn^ les lois de la [iroporliou eiiirent en
vigueur; elles exigent dans la forme une certaine largeur el une certaine
plénitude. Le sentiment du modelé s'accentue. C'est ensuite une manière
nouvelle de draper; les vêlements cessent de se coller étroitement au
corjos en plis concentriques ; la draperie prend une grande liberté de mou-
vement. En troisième lieu les types des visages eux-mêmes subissent
l'influence de l'art liyzanlin: on reproduit les rajjjiorls de pro])ortion entre
les yeux, le ne/, e[ la bouche, sourcils ar(pi(''S, ncux l'enduseii amande, nez
élroil et recoui'lié, liouche jielile. lui oulre, on emjii-unle à l'art byzanlin
toute une série de iêles caraclérisli(pics.
L'ail anglais lira de celle influence byzantine un avantage essenliel :
(Ml allait, à parlir de ce moment, comprendre mieux la forme humaine, cl
réagir contre la conception purement OHiementalc qui a\ail juévalu. Sans
doute, l'originalité nationale est en partie perdue, el le charme piquant
LES MINIATURES — LES NITISAIX — LA PEINTURE MURALE
-.17
lie son slyle particulier maiiquo aux niinialurcs convenlidiincilrs, mais
plus régulières, qui procèdent de l'art byzantin. Pourtant, il se l'ornie très
rapidement un style nouveau qui met en
œuvre ces conquêtes, mais reste indé-
pendant.
Comme premiers témoins de l'in-
fluence, éludions deux miniatures du
psautier d'IIcnry de Blois ; elles re}ir(''-
senlcnl la mort de ^larie.el la Mère de
Dieu sur son trône, entourée d"ar-
cliant^es. Ces miniatures se distinguent
très nettement des autres, bien qu'elles
ne soient pas très postérieures. Ce sont
p(ut-(''tre des copies de tableaux byzan-
tins lapporlés par Henry de Blois de
son voyage à Home en 1151-il')'J.
Lécliantillon jirincipal du style nou-
veau est un psautier exécuté vers la lin
du xii' siècle dans l'abbaye de ^^'est-
minster (Brit. Mus., lioyal ms. 2 A,
XXII). Ici. plus rien d'aiii^lo-saxon. i.e
Christ sur son In'uic de la Majcslas
diiinhii est, jiour les projHirlioiis rt les
draperies, entièrement imité de modèles byzantins. L'élément national est
si bien refoulé que, devant cette miniature, on parlerait presque de séré-
nité classicpie. Le même esprit se retrouve, sinon ;ivee une pureté égale,
dans les auties miniatures, surtout dans
l'Annoneialion : les tètes ici unissent une
|ilénitude et une douceur particulières à la
régularité du type byzantin; dans le vête-
ment, la simplicité noble et tranquille de-
\ ient presque monotone. La teclinicpie de
la gouache est excellente, le fond d'or four-
nil un repoussoir magnifique.
L'influence byzantine est donc très efti-
caee ici pour la transformation du style;
mais il ne peut être question de copie
d'après des modèles particuliers, comme
(biiis le psautier de AMnchester; il s'agit
pluli'il d une ins[iii'ation générale, d'un id(''al
que s'est assimilé le peintre. C'est le cas de celui qui entreprit d'achever
la Bible de Winchester, mais n'arriva pas au bout de son tra\ail. l ne
FiG.
- L'Annonciation. Miniature
lie l'alibave de Westminster.
(Iji-il. Mus,, liuy.ll i
Qm ftatJTO adcnnrpanim' utBIito aradinlr
dornidminMm-
^
Phol Uasclull
fi. i\'l. — Esquisse d'une minialure
pour le Psaume CIX.
(Bil.l. d.'\Vin.:li.-I.T)
318
HISTOIRE DE L'AUT
esquisse iiour rilliisiralion du iisaumc CIX ic'|)r(''senlr la Trinité el deux
rois sur leurs [runes; elle coneilie le calme solennel avec le mouveuienl
élégant et léger des lignes et l'harmonie des proportions; c'est l'un des
chefs-d'œuvre de la peinture au moyen âge. I^e même artiste, ou un
artiste qui lui tenait de près, a exécuté un certain nombre de miniatures
qui unissent à ce style épuré la force dramatique et le mouvement original
de la période ancienne. 11 l'anl relever ici sui-tout les illustrations des
psaumes I et CI.
Quoique le uduilire des uianuscrils illustiés ait été très grand et leur
.PllKTDjMfilil'.ilioiT.ljînitrlIfLrii
_' lomifi: lijtiiti'd.lrjiljnipdnliad
ion- fntdtno » >^fijiii 5rmifj)}H))iuIo iihI.iko .
FiG. 'J'ki. — Miiii.-ilnio |M>iii' l'illiij^li.ilidii lin IVauiin.' \LIII.
Coiiic du l'.-aulier U'UIioiIlI.
(Ilil.l. ll;.l.. l.il. SSiO.)
décoration très riche, il ne s'en est conservé qu'un petit nondire (|iii
puissent se comparer à la Bil)le de Winchester. Le plus important est une
copie du psautier d'LTrechI, la plus récente que l'on connaisse (Bibl.
nat., lat. (SSi(i). Son oiigiae est incdunue; il y a <piel(pn' vraisemblance
qu'elle ait été écrite à (lanterbiiry à la Ihi du xii' siècle; du moins la ver-
sion des miniatures du texte serajiproche tout à l'ail du manuscrit d'Eadwin.
On en a conservé huit grandes pages in-folio dont la plupart contiennent
douze miniatures; on y observe quelques traces, assez rares, de l'influence
byzantine; mais en général le style a déjà reconquis plus d'indé]ien-
dance; l'ancienne prédilection pour les ligures dune extrême sveltesse
LES MINIATURES - LES VITRAUX — LA PEINTURE MURALE
rcapparaîl, sans poiirlanl aucune irminisccnce liltéralc des anciennes
parties de la liililc de ^^ incliesler. Les (rails troriginalité iconographique
sont rares; oc qu'il y a de plus élrangc est peut-être la scène des possédés
dcGerasa, avec des nègres l'orl habilement caractérisés. Les illustrations
du psauliei' suiM'ul la MM'sion d'Ividwin; elles nous intéressent surtout
par la manière don! le
modèle es! accouunodé
au style nouveau. Le
psautier d"L trcchl sait
Iiarmoniser ses nom-
breuses scènes dans le
ciel et sur la terre a\ ec
un vaste paysage; ici,
au contraire, les plans
sont nettement sépa-
rés; les chaînes île
montagnes deviennent
des langues de terres,
rubans serpentins dont
le réseau couvre la mi-
niature; le peintre ne
comprend plus que les
personnages devraient
y être placés; il les met
tranquillement au beau
milieu du magnifique
fond d"or. \o\v par
exemple les illuslia-
tions du psaumeXLll 1,
oi!i les défenseurs de la
forteresse, pleins de
confiance en Dieu, se
tiennent debout ou age-
nouillés dans le fond
d'or. Mais cette miniature (^lig. '2i-'>i montre aussi quelle piédilection
avaient ces artistes pour les sujets de bataille. Avec quel plaisir et quelle
habileté la sortie des guerriers en lr()U}ie n'esl-elle pas rendue! Le psau-
tier resta inachevé; il fut continué, au xiv" siècle, par un peintre italien.
Il n'est pas absolument certain que ce psautier provienne de Canter-
bury; mais un autre groupe de manuscrits de luxe en provient certai-
nement; ce sont les Bibles de Mainerus. Elles tirent ce nom du manuscrit
princii>al (Bibl. Sainte-Geneviève, n"" 7-0). Le copiste parle de lui-même
FiG. '2ii. — L'Enfer. Page d"un psautier.
(riihl. rn\. deMiini.l), Clm. 831)
r,2n iiiSTOir.E ni- i.'art
a\o<' nue vnnioriliso qui rii|i]irlli' Ividwiii. 11 no vful pas qu'on doulf de
sa léiiil iniih'' ri ci'oil niTcssairc de doniH'i- un liisl(M'i([U(' de sa l'aniille,
avec une étymologie hardie dans la dcrivalion des noms. Mainerus étail-il
uniquement colligraphe ou clai(-il aussi peintre? Nous l'ignorons; en tout
cas, d'aulrcs ariisles ont lra\aiil('' à la lîililc. Il en est de même jiour la
Bible Irrs analogue de la lîiliiidLlircpie nationale (i^al. 1 15." i-1 i ,').■"),*)) et
pour le fragment tle Ponligny (Lat. iSiS^iTij. Si belle que soit la décoialii>n
calligraphique et ornementale de ces Bibles, si riche et si important que
soit leur contenu iconographique, leur valeur, pour l'histoire de l'art, est
faible. Leurs ligures sont inférieures à celles des œuvres précédentes.
Seule la décoration des tables canoniques mérite d'être relevée; ce sont
des scènes du Nouveau Testament, avec de petites scènes de genre em-
pruntées probablement au Bestiaire, d'un acc(Mil réaliste et d'une drc'ib^ric
remarquables.
La pi'édilection de l'épcique i)Our les miniatures fut si grande t[ue,
selon toute apparence, la (piantité était parfois ])lus estimée que la qualité
el (pie l'oi'iginalilé' de l'inN cnlioii n (Mail jias exigée. Nous en avons un
e.\einj)le dans trois psauliers doni les minialiu'es ont dû être ti'('s appré-
ciées. L'exem[ilaire le meilleur el le })lus liche esta Munich (dlm. Sôà) ;
les deux autres, inférieurs el plus pauvres, sont ù Londres ( Brit. Mus.,
Arundel 157 et Boyal ms. I 1) X ,. L(^ premier a environ soixante pages de
miniatures, avec plusieurs scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament
et d'innombrables initiales. L'iconographie est ici plus importante que le
style; en réalit('', nous y trouvons des compositions fort originales, par
exemple un .lug(Miienl dernier en cjuafre miniatuics, qui commence ]iar la
Miijcsiiis />(»;(////: le (llirist pose le pied sur des lions et des dragons; suit
une image du ciel avec toutes les catégories des Bienheureux; puis la
scène du Jugement proprement dit, la Bésurrection des morts, la sépara-
tion des élus et des r(''pi-ou\ es : enlin un(^ repi'ésenlalion de l'iMifer d'une
invention macabre. Ln pliable laisse des i'(''prou\ (''s enchaînés ensemble
tendre vainement leurs mains vers les fruits d'un arbre el l'eau d'une
source; ailleurs, ils sont rôtis sur le gril ou suspendus au gibet au-dessus
du feu. Des évoques r(jtissent à petit feu dans une marmite, tandis (pi'un
diable, assis sur leur dos, les y enfonce. Ce Jugement dernier doit avoir
été célèbre; cinquante ans après, plus tard même, il a été copié, en formes
gracieuses imitées du gothique, dans un [isautier de provenance probalib}-
menl londonienne (Cambridge. Ti-iuily Collège, B. xi, il.
La miniature en Allemagne.
La miniature allemande du xii' siècle n'a presque rien sauvé de ses
conquêtes artistiques de la période olhonicnne; même les régions jusque-
LES MINIATURES — LES VITI'.AUX — LA PEINTURE MURALE
là au premier }ilan. les pays du Rhin suitoul. passent au second, du
moins pour la miniature; les centres nouveaux se forment de préférence
dans les endroits et les contrées qui n'avaient joué, jusqu'alors, qu'un rôle
modeste. Des divergences de style très accentuées se manifestent pendant
tout le \if siècle. D'un côté, ce sont des dessins à la plume, d'une note
extrêmement sévère et simple; de l'autre, des peintures à la gouache
d'après des modèles byzantins. Ce n'est que vers la fin du xu' siècle que
les inlluences byzantines triomphent
partout et inaugurent un nou\cau
style.
ÉX'OLES DU SUD-EST. — Depuis le
commencement du xi' siècle, à
Ralisbonne, des inlluences Ijyzan-
tines, conséquence naturelle de la
situation géographique, avaient joué
un rôle important dans la formation
du style. Au cours du xii' siècle,
ces influences sont si fortes, dans
l'Allemagne du Sud-Est. c|ue les élé-
ments byzantins y deviennent pré-
pondérants. Salzbourg, siège de
l'archevêché et centre ecclésiastique,
est aussi, à cette épocpie, le centre
artistique; il étend ses ramifications
de tous côtés. L'œuvre la plus bril-
lante, sinon la plus ancienne, de
l'école de Salzbourg, est le Lection-
naire du couvent Sainte-Ehi'enlrud à
Salzbourg i^Munich, Bibl. roy.,Clm.
loOO^). Sa décoration est surtout orncmenlale. La i)lus grande miniature
représente, sur une demi-page, le Christ à c[ui saint Paul et saint Pierre
offrent leurs hommages. Les initiales ne contiennent, pour la plupart, que
des demi-figures : la Mère de Dieu avec l'Enfant Jésus et l'inscription
« Sancta Theotocos », ou un Christ ressuscité. Types, composition, dra-
peries sont enqiruntés au modèle byzantin: seule une certaine fermeté
un peu sèche trahit la mentalité romane du peintre. A la qualité des pein-
tures répond la l)eauté ornementale de la décoration; elle met le manuscrit
au niveau des chefs-d'œuvre de la période othonienne. Les initiales se
composent de grandes fleurs qui rappellent l'acanthe byzantine. Çà et là.
des animaux sont entremêlés aux tiges. La perfection technique et I liai-
monie des couleurs vont de pair dans ce chef-d'onivre.
La plupart des œuvres qui se rattachent à l'école de Salzbourg sont
T. II. — il
FiG. '2io.— I.i-Cliri
Leclioni.aii-cde:
l fulre saint Pierre et saint Paul
aiiile-Elirentrud de Salzliours-
.11- Munit-Il. CIni. 13911?.)
:,-11 HISTOIRE DE L'ART
(le Iravail plus grossier el de style plus maniéré. Le style es! maniéré
parce ({uOn veut lriom]iher des modèles byzantins et transformer leurs
types; l'iconographie, de même, révèle de nombreux détails byzantins,
sans toutefois cjuc la marque originelle de la pensée occidentale dispa-
raisse complètement. Elle reste comme un noyau solide sous la gangue
byzantine et se manifeste surtout dans certains dessins à la plume.
Cette marcIie parallèle de deux lerliniques se retrouve dans une des
leuvres les plus riches de récole, l'Antiphonaire du couvent Saint-Pierre
à Salzbourg (vers 1100). La peinture à la gouache passant pour une
technique plus noble, les miniatures principales lui sont réservées. Le
dessin à la plume noir et rouge, sur fond de couleur, n'est qu'un modeste
auxiliaire. Notre goùl moderne n'en préfère pas moins ces simples dessins
aux reluisantes peintures à la gouache. C'est avec les moyens les plus
simples que l'arlisle a été le plus expressif.
L'école de Salzbourg se proposait prinripalenient d'exéruli'r des
li\res liturgiques et des Bibles. L'illustrai i(tM de la Bible surtoul olfrait à
la peinture un champ d'activité nouveau el très fécond. Ces manuscrits
sont tous de format géant; les miniatures, au commencement des livres,
remplissent facilement toute une page. On a coutume ensuili' dedi\iser
en plusieurs parties cette grande surface; ce (pii, à l'occasion, donne lieu
à des formes ornementales qui rappellent les médaillons de la peinture sur
verre. C'est le cas de la Bible d'Ei'langen (^Bibl. de l'Université, Cod. Ô68j
qui, dans la deuxième moitié du xii" siècle, fut achetée pour Saint-
Gumperl à Ansbach. Une autre Bible de même style fut achetée pai-
l'abbé "Walther de Michaelbeuern (llfil-1190) pour son abbaye, où le
premier \ olume est encore conservé. Une troisièmi^ Bible appartient au
couvent Admonl en Styrie; on la fait remonter au fondateur, l'arche-
vêque Gebhard de Salzbourg (1081); celte tradition n'est juste qu'en
partie : la Bible provient de Salzbouig, f)ù les deux autres Bililes ont jni
également être achetées.
Salzbourg n'était pas le seul endroit où l'on cultivât la miniature.
Nous possédons encore de l'abbé ^^'alther de ÎNlichaelbeuern un manu-
scrit illustré (Munich, Clm. S'271) qui suit de près les modèles de Salz-
bourg; de 1 178 date un livre d'Évangiles analogue du cloître de Banshofen
(Oxford, Bodl., Canonic. Bibl., lat. (iO). Ces œuvres se rattachent
étroitement à l'école de Salzbourg. Batisbonne, au contraire, à cette
épocjue, n'a ]ias complètement perdu son indépendance aitistique. On peut
suivre ici l'évolution dans une série de nuuiuscrils illu>lri''s à la plume,
qui provicnneni en partie du cloître voisin de Prufening. A parlirde 1158,
le bibliothécaire W'olfger et le frère Swichcr y exécuLèrenl une >■ .Mater
A'erborum » (Clm. l.jOU'2), dont les miniatures montrent les vertus, les
vices et leurs conséquences en des exemples historiques. Ces dessins sont
LES MINIATURES - LES VITRAUX - LA PEINTURE MURALE 523
d'oxcellcnis rclianlillons (lu slyle roman srvi'-iv, sans hyzanlinisnie, et 1res
dignes d'allrnlion. Même avec l'('m[>li>i de la gouache, le slyle y reste
exempt de byzanlinisme. Témoin le Kaloidariiim ncrrologirum de Talihaye
Obermûnster de Ratisbonne (fin du \\f siècle; Munich, neichsarchiv.) ; la
miniature principale représente le Paradis; des anges porteni les Ames
dans le sein d'Abraham, qui Irùne dans une mandorle sur l'arc-en-cicl. Le
Paradis est indii|nr> par les lleuves. les jdanles el les colombes. L'eiret
d'ensemble, comparé avec les
œuvres de Salzbourg, est sim-
ple et lourd; il n'y a aucune
trace d'inllucnce byzanline.
LES ÉCOLES DU SL'D-OCES'l
(SOVABE ET ALSACE). — La
grande imjioiiancc, à r(''poqiie
othonienne, des abbayes béné-
diclines situées près du lac de
Constance, aurai! dû, selon
toutes prévisions, rxercer une
influence ])lus l'orle sur l'arl
roman. En réalité, les analogies
sont insignifianles; an con-
traire, c'est précisément la
Souabe qui, vers le milieu du
xii" siècle, représente surtout
la sévérit('' du slyle dans le
dessin à la plume. Une série
de cloîtres souabes ont con-
servé plusieurs manuscrits
illustrés qui jellenl un jour
complet sur cette évolution.
Une originalité mar(pu''e se
révèle surtout dans les oeuvres
du cloître de Zwiefallen. La ]ilus belle épo([ue doit a\ oir commencé
peu après 1150; les œuvres principales sont le Clironicon Zici/allctisc
mimis (Stuttgart, Bibl. roy., Ilisl., in-f", '/.ir)) et un Passionale (in-f, 5G-:)8).
La ligne sans doute es! Inin daNoir la souplesse expressive qu'elle
acquerra au xin^ siècle Ici tout est encore loTU-d et pesant; le vêtement
est traité avec une grande pauvreté de motifs; il se colle au corps el
circonscrit la poitrine, le \eii|n\ hvs genoux, de lignes ovales qui se
répètent avec régularité; on bien il se développe en séries uniformes de
plis aux arêtes cassées. Le charme particulier de ces miniatures est dans
l'effort louchant que fait l'artiste pour donner, avec son mince bagage de
îiû. — Lv^ ailles portant des âmes
dans le sein d'Aljiahani.
Km nen-nlnglciim de Taliliaye Obermilnslr
de Ratisbonne.
(Municil, Kciclisarcliiv.)
.'2i HISTOIFŒ DE L'ART
proci^'dés, uni' l'orme jilasliquc à des oljjcts qui drvuionl lui (Jiij)08(;r d'in-
nombrables difficultés.
Ce style paraît ne pas avoir duré, dans FAllemagne du Sud-Ouest, au
delà de la lin du xii" siècle. Vers J200, l'imitation de modèles byzantins
est partout la règle. L'œuvre la plus intéressante de la période de transi-
tion est j)cut-èlrc le célèbre llorlus deUciarum de l'abbesse du cloître de
Ildiicnliurg (Saintc-Odilei, Herrad de Landsberg. Le manuscrit a été
détruit en 187(1, lors du bombardemenl de la Bibliotbèque de Strasbourg.
Nous n'avons, pour juger celle (cuvi-e, que des i-éj)liques et des copies;
'"'Vî :,J:
\
' -^V Si i [' ' '-■'11'. '^ '. -
r^p^ i \.; !'v. '. ": - . ' i " • ... .%/
■ i . X,':
'h.. \.;,u<\.
Fk;. '217. — C.riu-ili\ii>n syniLidliiiiio. .MinialiiÈO de VUinlnx deliri,inim.
mais les Irails fondamentaux sont si clairs, si évidents, ipiil nous esl
possible de déterminer les courants essentiels qui viennent s'y UK'danger.
l.'lliirlns (h'Iiciantin lui-même est un travail de compilation, où l'auteur
a tiré de sources multiples une encyclopédie des connaissances néces-
saires; la décoration, comme le texte, garde les traces de nombreux
modèles : traces d'influences occidentales et byzantines, innovations,
vieilles traditions s'entrecroisent dans l'esprit de l'artiste. Mais quels
que soient, dans les miniatures, les emprunts iconograpbiques ou stylis-
tiques, on ne peut y méconnaître une individualité artistique, et une indi-
vidualité fort originale. Cette miniaturiste se distingue, tout d'abord, par
sa prédilection pour tout ce qui est étranger, fantastique et bizarre. C'est
ainsi seulement que l'on comprend pourquoi elle donne un cycle de scènes
LES MINIATURES - LES VITRAUX - LA PELNTURE MURALE
(Mnjtruntées au Nouveau Teslauii'iil ([ui se rallachc à riconogra|iliie
byzantine, sans les transformations et modifications que tout peintre occi-
dental y aurait apportées. Kl, parmi les modèles byzantins, elle a clioisi
les plus riclies et les plus oi'it>inaux. Comment Herrad a-l-elle trouve le
modèle vieux-byzantin quelle doit avoir utilisé ici? Où a-t-elle puisé une
connaissance si parfaite des Jugements derniers byzantins, cpi'en les imi-
lani, mais sans les copier exactement, elle nous donni; la révélation la
plus complète du type byzantin? Et, à côté, nous trouvons une quantité
d'autres compositions qui n'ont absolument rien de byzantin; on y voit
apparaître les allégories et les
symboles de la peintuic pliilosn- ^r~~--
[ilii([ue occidentale. Cr sont les
miniatures qui ont pour modèle
l'illustration de la l'.'<ii<li(iiiiii(liir
de Prudence et qui remplissaient
dix pages du manuscrit : la Sii/icrhiii
bien connue, lièremenl campée sur
son clicval et sa peau de lion; les
\'ertus et les Vices marcha ni au
combat, en longs cortèges, dans
un costume d'amazones imagiiK''
d'a}Hès l'accoutrement des clie\a-
liers de l'épocjue. XOici aussi
l'Eglise représentée comme une
citadelle oii se réfugie le croyant:
la Philosophie personnifiée : à ses
pieds, sont assis Socrate et Platon ;
de son sein s'échappent six lleuves
auxquels correspondent les ligures
des Arts libéraux, etc.
A W'eingarten, vers la tin du
XH' et au commencement du xiii' siècle, l'activité artistique a été très
grande. On abandonne alors complètement la technique du dessin à la
plume; les manuscrits sont richement illustrés à la gouache. L'œuvre
capitale de l'école est un missel, exécuté sous l'abbé Berthold (1200-
i-I^'I), conservé dans la bibliothèque de lord Leicester à Holkham Hall
(Norfolk). L'artiste, un inconnu, était tout d'abord un ornemaniste
éminent, moins par la richesse des formes que par le sens du coloris;
ses ornements en argent sur fond noir sont d'un grand elïet, et très origi-
nal. Son style trahit de multiples intluences. ^Mais tous ces éléments sont
repoussés au second plan |iar l'individualité marquée de l'artiste, l'arloul
il s'efforce de metlie de l'originalité dans ses composilions; il donne une
FiG. iis. — LArniuiiiialion à Zacluiiie.
jAIissel lie rabbé Berthold.
(Bilil. lie lord Leir,>s(or.)
:,^}r, HISTOIRE de laht
vie nouvelle ;iu\ Uirines anciens; il essaye d"ajiiu-olV)ndir l'expression. Il
est délicieux, quand il conle l'Adoralion des Mages, les détails et les épi-
sodes de leur voyage et de leur arrivée. Mais le peintre n'est pas seule-
ment un conteur naïf; il sait aussi prendre, à l'occasion, un ton solennel
dont l'effet est très persuasif. Dans l'Annonciation à Zacharie, par
exemple, l'autel est entouré de colonnes; à droite Zacharie, à gauche
l'ange; leurs tèles seules, en partie cachées par les colonnes, se l'cjoi-
gnent par-dessus l'aulel; ils se regardeni dans les yeux, conscients de la
solennité du moment, (le sont des (rails qui déjà font pensera Giotto.
Au style de la Ilaule-Allemagne se l'attachent quelques travaux exé-
cutés sur le Rhin moyen; ils se groupent autour du nom de sainte Hilde-
gard, l'ahliesse du cloître de Rupertsberg (près de Bingen), célèbre par ses
visions (f 1197). L'illustration de ces visions que la sainte a décrites dans
le livre « Scivias » (c'est-à-dire sci rias doinini) est bien plus intéressante
fjue son prétendu livre d'heures (Munich, Clm. 05.^). Le magnifique manu-
scrit (Wiesbaden, Landesbibl., in-f', 1), qui provient de Rupertsberg,
représente les visions en trente-cinq peintures à la gouache. Le style de
ces miniatures est très primitif. L'or, l'argent, les couleurs sont splen-
dides; mais le principal intérêt réside dans le sujet, dans le caractère
sombre et fantastique des scènes qui raj)pellent les apocalypses espa-
gnoles. En fait, aucun sujet n'ari'ete l'artiste. Avec une force plastique
aussi bizarre que naïve, il sait expi'imer ce qui entre dans nos concep-
tions et ce qui les dépasse. Il peint la Synagogue aveugle, comme la vision
l'exige : le haut du corps lilas, les pieds rouges; en sa poitrine trône
JMoïse, en son cœur Abraham, en son venti'c les Prophètes. Il fait du
diable un monstre; de sa gueule s'échaiipent des flèches et de son coi'ps
des torrents et des nuées. Il peint la tin du monde ilans le Jugement der-
nier et enli-evoit la magnificence de l'au-delà. C.liose singulière, ces illus-
trations si importantes ont été à peine remarquées dans l'histoire de
l'art; de même les illustrations des Visions de sainte Mathilde, qui se
ti-()uvent dans un manuscrit d'origine allemande et du xiu*^^ siècle à
Lucques iBibl. governativa, n° lOi^i.
BAs-RUlN, WESTPiiMJh: h'T SAXh'. — (Ic qui Caractérise l'évolution de
la Haute-Allemagne, c'est que, s'écartant du lihin, elle a abandonné les
centres dont l'inlluence juscpialors avait prévalu. Le fait se reproduit égale-
ment dans l'Allemagne du Xord. La miniature rhénane du xif siècle est
dépassée par celle des régions c|ue limitent la \\'eser et l'Elbe; les centres
qui se placent le plus vile en tête de l'évolution se Iniuvenl précisément à
l'Est. Par op}i()sition avec la Ilaute-AUemagne, la peinture à la gouache
prédomine; le dessin à la plume est très rare. Le slyle, en ses principes
fondamentaux, se rapproche du style haut-allemand, tel yu'il apparaît
dans les dessins à la plume. Les traces d'influences byzantines n'ont pas
LES MINIATURES — LES VlTIiAlX - LA PEINTURE MURALE
ilisjiiii'ii, mois elles ne joiieiil qu'un r(')le presijue néi;lige:il(l(' diins l'im-
pi'ession d'enseniljlc, el n'inlervicnnenl pas du toul dans le coloris (lui
l'esle jjrillanl et clair.
Un (les premiers échanlillons du slyle nouveau don! on puisse fixer
la date, est le manuscrit des « Episloho el opuscula llieroiujnti ", éci'it sous
rarchevêquc Frédéric de Cologne (1099-1151) (Cologne, Dombibl.,
in-f", ùO I. Le frontispice relève du style roman sévère. Dans le plan inter-
médiaire trônent, en haut, le ChrisI, en has l'archevêque; les bustes des
Apôtres et des Prophètes occu-
pent les bords ; dans les coins,
en médaillons, les vertus car-
dinales. Le fond est bleu avec
cadre veri. Cet agencemcnl
complexe de l'ensemble et du
fond est l'objel d'une prédi-
lection ]iarli(uiirre dansloulc
la peinture de lAllemagne du
Nord au xii" siècle. Il dispara il
brusquement vers 1200.
Les manuscrits de style
roman sévère, exécutés à
Cologne et aux environs, n'ont
pas, en général, une grande
valeur artistique. Nous nous
contenterons de citer un évan-
géliaire provenant de Saint-
Pantaléon à Cologne (Stadt-
arehi\-, \^^."l'2 ai, qui révèle,
au moins dans les types de
lèle, une liés iorte influence
byzantine. L n Péricope, riche-
ment illustré, de provenance inconnue (Bibl. nat., lat. IT.l'i.';)!, est jieul-
ètre une oeuvre capitale de la miniature rhénane. Diverses particularités
de style paraissent fonder cette hypothèse; mais, jusqu'à ce jour, le manu-
scrit n'a pu être rattaché à aucune école. De vastes et simples eonq)osi-
tions,que soutienneul le senliment intense de la grandeur et la profondeur
de l'émotion, racontent la vie du Christ. Rien, dans les pays rhénans, ne
peut leur être comparé ; on ne trouve leurs émules que dans l'art saxon.
La ^^'eslpllalie et la Saxe n'ont joué, dans l'évolution de la peinture
othonienne, et jusqu'à la (in du \i" siècle, (pi'un rôle é|ili('nièrc cl subal-
terne. Le brillani épanouissenieni de cei arl vers le milieu ilii xii' siècle
est d'aulanl jilus sur'prenanl. On peut rele\cr (rois cenires principaux,
- Mort de la Vi(_Mge. Minialiire il'im Ptricope
attribué à Técole rliénane.
(Bilil. nat., lat. 17325.)
IIISTUllili DK LAIi'l
sans vouloir y laii-c cnlrrr toulc la masse des proihirlious coiileiiiporaines :
les cloflres des bords de la Wescr, Hildesheim et Halbcrstadt.
L'école des cloîlres de la \\'eser: Korvey, Ilelmwardeshauscn sur la
Diemel, non loin de la A\'eser et des cloîlres voisins, n'est pas la plus
ancienne, mais c'est, des trois écoles, la plus conservatrice. Ses œuvres
capitales sont le Livre de Fraternité, de Korvey, que le prieur Adalbcrt
(1147-1170) fit exécuter (Munster, K. Staatsarcliiv, nis. 1. 15.")), et le Livre
d'Evangiles qu'après 117." le
moine Iler-iman, du cloître de
llelmwardesliausen, a exécuté
sur la commande d'Henri le
Lion poui' la (•ath(''di-ale de
Brunswick.
Si un prince aussi remar-
f[ualile (prilenri le Lion cboi-
sissail un ai'lisie dans le
rloilic de 1 lelmwardeshausen,
pour lui taire exécuter des
manuscrits de luxe, c'est que
cet atelier a^■ait une grande re-
nounnée. llelmwardesliausen,
on le sail, était déjà vers jIOO
réi(''l)re j>ar si's lra\aux d'ai'l
industriel; les miniatures du
Li\re d'Evangiles prouvent que
la |)einturc en l'id l'orlcnient
inlluencée. La sonq)luosilé de
la décoration va si loin cpie la
miniature elle-même risque
d'être écrasée sous les orne-
ments. Les tableaux nombreux
qui, pour la plupart, sont réunis
deux à deux sur ime page, sont
placés dans un cadre ornemental composite; des Prophètes en médail-
lons et des représentations typologiques occupent les coins. A la Mise au
tombeau et à la \ isite des femmes au Sépulcre s'ajoutent, par exemple,
quatre scènes empruntées au Bestiaire (Phénix, Pélican, Lion). Dans la
surabondance de la décoration, les figures sont négligées; même dans
l'œuvre de Heriman, incomparable pour le charme de l'ornementation,
elles restent très inlV'rieures à ce qui se faisait à la même époque à
Hildesheim. Le fait que saint Thomas de Canterbury ligure dans le
frontispice, où le Christ de Majesté, entouré de Saints, trône au-dessus
Ph.il Uascliiff
2:)0. — Les Saintes Femmes au tombeau.
Missel du prêtre Henri.
(Coll. .lu comte I-'iirsU.nlicrg-Stamiiiliein )
LES MINIATURES - LES MTP.ALX - LA PELXÏURE .MUllALE -.29
du couple ducal, prouve que la uiiniature est postérieure à 117.".
L'œuvre la plus ancienur du slylc roman en Saxe se trouve à
Ilalberstadt; c'est le leclionnaire du chanoine Markward, mort en 1I4S
(Ilalberstadt, Domgymnasium, n" \~)2). Mais le centre véritalde de la vie
artistique en Saxe est Ilildeslieim. La nouvelle miniature entre ici en
scène, peu après lloO, avec deux œuvres très importantes. En IIÔO, un
concile provincial, à Erfurt, avait permis la canonisation de l'évèque
Bernward. Cet événement donna naissance à des livres liturgiques de
luxe. On a conservé le Sacramenlaire que le i)resbyte et moine Ratmann
acheva en 1 lôDiIIildesheim, Domschalzi, et un missel, exécuté par le pres-
liylc llenii de Midium (?i, qui appartient au coude Furstenberg-
Stammheim. Ratmann et Henri se resserrd^lent tellement comme artistes,
qu'il eût été impossible de distinguer leurs travaux respectifs, s'ils ne les
avaient signés. L'œuvre d'Henri, cependant, est la plus riche ,'i tous
égards. Ses miniatures annoncent, on l'a dit avec raison, la Bible des
Pauvres. Prenons })ar exemple les Femmes au Sépulcre > lig. I'oOl Le
chani)) de la miniature est divisé en neuf pai'iies : au milieu, la scène
j)rincipale : à gauche les guerriers endormis; à droile le Projihète célé-
brant le Tombeau lEsaïc, XI, 1(1): en haut, au milieu, un homme que la
main de Dieu fait sortir du sépulcre, le Ressuscité, d'après le Ps. L\\, 0:
à gauche, Elisée ressuscitant l'enfant : à droite, Samson chargé des i)ortes
de Gaza; en bas, au milieu, sur mi arbre, le Phénix; à gauche, Banaias
égorgeani le liun (H. Rois, xxni, 'idi, et l»a\id tuant (joliatli. Ainsi, outre
la prophétie d'Esaïe, six sujets symbolisant la résurrection et la victoire
sur la mort ou le diable. Celte multiplicité de symboles s'organise, dans
presque toutes les luiniaturcs, en un agencement de cadres; le fond d'or
se réduit à de petites surfaces. [Mais, si compliquées que soient ces
formes, l'ornementation, contraii'ement aux habitudes de l'école de Helm-
wardeshausen, resl(^ au second plan. La vi\acilé ])rillante du coloris, la
netteté des conhuirs noirs conlrii)uent pour une part essenlieile à main-
tenir la clarté de l'enscudjle. Une certaine sérénité solennelle résulte du
mouvement lourd et mesuré des ligures et du calme de leurs attitudes.
II
LA MINIATURE DES XIII ET XIV SIECLES
La miniature en France, de Pliilippe Auguste à la mort de saint Louis.
Charlemagne a\ailcouqilèlemerd réfoi'uu' 1 art du li\ree[ delaunnia-
lure. Après lui, c'est le règne de saint Louis qui a vu s'accomplir, dans ce
T. II. — i'i
530 lIlSIOlliK Dl' I.'AliT
(loiiuiine, la l'ùx uliilioii la plus prolondc ; aucun pi-iiicc n'y a jiris une
pari aussi personnelle. < >n j)eul parlei- sans li(''sita(i()n, en miniature, ilu
« style saint Louis ». Il est \ i-ai (pie les l'ruils. arriM'-s à maturité sous son
i-èt^ne, étaient déjà eu llrui' sous celui de l'Iiilippe Aus;uste. Paris, fpii.
jusqu'alors, avait à peine un nom dans l'histoire de la miniature, prend
aussitôt un rôle directeur. (Test l'heure où naît l'art que Dante a célébré:
. . . l'oïKir (Il (jiicll tnic
('.II' (lihuiiiiiiir (' rliiaiiiiild in l'arigi.
Les causes de ce succès sont très dJNcrses. C.'csl a\ant tout l'impor-
tance qu'a eue l'Université de Paris: la riche litléiature à laquelle elle
donna naissance créa et développa autour d'elle des moyens d'expression.
Il faut un grand nombre de manuscrits, car les étudiants accourent de
tous les |>ays: la production et le conuneree des livi'es en iec()i\enl une
impulsion puissante, ('.est aussi la grande \ aleur scienlilitpie et ecclésia-
li(pu^ ipi'onl tous les livres parus sous les auspices de rUniversid' de Paris.
On désire que les copies se règlent sur les textes modèles collationnés à
Paris; c'est à Paris que paraissent les livres bililiques et liturgiques ; ils
se répandent partout. Il s'était constitué jjour la copie, la reliure et le
commerce des livres des corporations de métiers; les copistes la'iques
l'cmplacent maintenant les moines (pii, au xii' siècle encore, mellaieni
t;int de zèle, dans les grandes aljbayes, à augmenter les biltliolhèques.
Sans doute l'arl et la science n'allaient pas toujours de pair, el ITui-
versité, si l'on en juge par les manuscrits de la Sorbonne, n'eût probable-
ment pas sufti à donner à l'école des miniaturistes parisiens la valeur d'art
à la([uelle elle s'éle\a. .Mais le jurisle bolonais (Jdofredo raconte qu'un
étudiant ])arisien se ruine }iour ses nuinuscrits, qu'il l'ait peindre en lettres
d'or, comme pour ses achats de souliers, c fccil libros suos Ixibuinare de
lilli'iix fiiu'cis «. A la lin du xii' siècle, Daniel de Morley se plaint déjà que
les étudiants, avec leurs livres en lettres d'or, <• rodircs iniporlabiU's aurcis
lillcrls .>. prennent trop de place dans les salles de cours à Paris.
Plus encore que l'Université, la faveur royale donna à l'école des
miniaturistes parisiens rimjiorlanci' arlisli(pii' (pii la rendil célèbre.
Depuis la nuilheureuse reine Ingeburge, éjiouse de Philijipe Auguste,
les membres de la maison royale, les princesses du moins, s'intéressent
aux manuscrits de luxe. Blanche de Gastille les aime et les recherche; en
i'2V2, elle achète trois psautiers à un copiste d'Orléans. Sous le règne de
saint Louis enfui, la production artistique bat son plein. Le roi, qui lisait
avec zèle les Saintes Lcrilures, se constitua une bibliollièque dans la cha-
pelle du Palais, à l'instar des princes orientaux; GeolTroy de Beaulieu
nous l'affirme. Ses nianuscrils de luxe, dont une partie seulement a été
conservée, prouvent qu'il a dû occu}ier des équi[ies de miniaturistes et de
LES MIXIATl HES - LES ^"ITRAUX LA PEINTURE MURALE ôni
copistes. Nous aurons à rcxcnir sur ci's d'uxri's. Marguerite de Provence
donne au franciscain (iiiillainne de l!ulirucl<. iiartnnt en mission clicz le
l\iian des Tartares. un « pxdUcriinii imldicrfiinum. in i/im cirinl picliir;!'
nililc piilrln:-!' '■, et le livre plut tant aux Tartares « proplcr diircus pirla-
i(is », (pie Guillaume de liuhruck n'osa le leur réclamer.
La miniatui'e nouvelle qui. dans la première partie du xiii' siècle,
s'épanouit en France, à Paris surtout, très probablement, ne se rattacbe
pas en ligne directe à celle des écoles précédenles. La miniature romane
il la peinture murale avaient toujours sui\i unr é\oluli(in parallèle. Mais
la transformation fut décisive quand les nouvelles formes architec-
lurales, en supprimant les surfaces murales et en faisant prévaloir les
vides sur le- plriii-.. donnèrent au\ \itrau\ loidi' l'importance <'l tout
l'iidérèl. ( )n \uuiul atteindre les mêmes etlVls en miniature et y retrouver
le retlet de ce qui faisait, dans les églises, l'olijct d'iui(> inlassable admi-
ra lion.
L iniluenee tic la peinture sur \('rre fut tlone ju'ofontle sur le style, la
technique et le coloris, et il e.-t curieux de voir avec quelle facilité la mi-
niature sut s'accommoder aux nouveaux modèles. Sans doute, le grand
style « monumental »\ jiei'dit beaucoup: mais la peinture sur verre avait
déjà renoncé à placer dans les femMres de grandes ligures et de vastes
compositions; ellr axait préfi'ic' diNiser les surfaces en de nombreux
compartiments et encadrements ornementaux où sont inscrites de gra-
cieuses scènes. N'était-ce pas très conforme au caractère de la miniature?
L'amour dr la délical(>ssc et dr la miiiufir pou\ail-il mieux s'affirmer
(pieu r(Miuisant la jiage à une séi'ie de médaillons, de losanges et de poly-
lobes ? Mais. |)our ne dire (pn.^ l'essentiel, c est surtout dans le sentiment
delà couleur que l'on jieut constater rinlluence de la peinture sur verre.
Elle est, à proprement parler, l'art de la couleur; elle veut non pas repré-
senter la réalité dans sa variété, mais créer une mosaïque de verre, une
tenture translucide où les plus belles tonalités se fondent en un ensemble
harmonieux. Le rouge rubis foncé et le Ideu dominent, le Ijiuii et le vert,
les autres couleurs ensuite, y font leur ap|)arition. mais de manière acces-
soire. Est-ce le fait du iiasani. si. dans la iiiinialure fran(;aise du xiii" siè-
cle, la gamme des couleurs est à ce point réduite, si la tonalité
pourpre, entre le rose et le brun, se partage la prépondérance avec le
bhni. ne laissant aux autres couleurs (pi'un n'Ae secondaire .'
Sans doute, ce serait une erreur de ne \(jii' dans les miniatures ([ue
des vitraux sur |)archemin. \ ouloir reproduire tout l'elfet des couleurs
Iranslueides eùl r\c nue absni'dib'' <''\idenle. Li^s luiiiial urisles savaient
liirii que leur loi-ee ri'sidail .lillenrs. Aux eouieui's ardenli's du \ili-ail,
ils ]iouvaient opposer léclal dr for: s(ni emploi artislitpie atteignit à des
i'aflinemenls extrêmes. Aucun aiiisle de l'époque, excepté peut-être le
IIISTOIRK DE LAHT
tailleur d'ivoire et Forfèvre, ne peut, comme le uiiniaturLste, donner une
idée parfaite du goût rallinéde l'art de cour.
Piu:mu";iu-. i-kriodi: i I'JUO-I '_'">( I). — L'évolution de la miniature
gothique française se divise en Irois périodes. La première va de 1200
à L2-"»0. Les manusnils illiisl n'"- sont légion. Voici im essai de classi-
lication purement chronolo-
gique et stylistique.
Chefs-d'œuvre de la pre-
mière période :
PSAuriEiis. — Le psau-
tier est le Hm'C indispen-
sal)le de la femme nohle;
comme la mode du vèle-
nienl, le psautier nous mon-
lii'. presque de dix ans en
dix ans, les phases diverses
de l'évolution.
a] Psautier de la reine
Ingehurge (f l'25(i), femme
de Philippe Auguste (musée
Condé à Chantilly). Le ma-
nuscrit qui ouvre cette série
ne s'y rattache qu'en une
certaine mesui'c. Les in-
scriptions du calendrier
}irou\cnl qu'il l'ut la pro-
pri('lé de la reine Ingehurge.
Le caractère du style permet
de lixer la date aux environs
de PJOO. On peut aussi con-
clure du calendrier et de la
liturgie, que le psautier était
destiné à une dame du continent; cependant, au point de vue artistique,
il rappelle souvent les manuscrits anglais du xii' au xiii' siècle. Les
miniatures sont comme un moyen terme entre le style sévère, à tournures
byzantines, et l'exécution molle, flottante, de la draperie dans les manu-
scrits français postérieurs. Les figures ont une élévation et une grandeur
qui rappellent les œuvres de la plastique contemporaine. Certains d(''lails
annoncent les Bibles historiées de l'époque postérieure : jiar cxenq)le,
l'ornementation modeste, mais très caractéristique, de l'encadrement;
ensuite le coloris : le bleu et le brun prédominent, le rouge feu violent les
Fiii. ^M. — Arl)ie de .les^ié. PsnuUer de la icine
Iiigeljinge, l'emiue de Pliilippe Auguste.
lMiis,-e C.OTi.lc, r.li.iiUiUy.)
LES MIXIATLRES
LES MTRAIX — LA PEIXTI lŒ MURALE
neulralise, le gris et le vert ne jouent (|irun r(")le eil'aeé. Tout est sur fond
d'or uni matinitique, avec application j)artielle de dessins. Les initiales et
le décor calligrapliiciues sont encore sohres, mais d'une exquise beauté et
d'une technique parfaite.
h) Psautier attribué à ^targuerite de Bourgogne, veuve de Charles I'"''
(f 1508), (Bibl. Sainte-Geneviève, n" l^T'u. Le psautier qui devint la
possession de celte reine semble avoir été destiné tout d'abord à une
dame qui dut être en rela-
tions étroites avec l'abbaye
Sainl-I3ertin. Le calendrier
en fait foi; mais la litanie
cite un nomlfre surprenant
de saints anglais. Le psau-
tier commence par une série
de scènes du Nouveau Testa-
ment, que suit, dans le texte,
la Crucilixion. avec la dame à
genoux.
(■) Psautier dit de la
reine Blanche de Castille
(Paris, Bibl. de l'.^rsenal,
L180). Une tradition très sûre
le rattache à la reine Blan-
che. 11 a été écrit, en tout
cas, pour une dame haut pla-
cée, au commencement du
xiii" siècle. Les lis, sur le
frontispice, indiquent une
reine française. Le calen-
drier et la litanie ne donnent
pas l'indication sûre des
lieux. Mais il est })robable
que le psautier vient du
même atelier que le précédent. Il présente une étroite ressemblance de
style avec le psautier d'Ingeburge, mais il marque un progrès sur celui-ci.
La modification la plus importante est que les miniatures, représentant
les mêmes scènes, sont disposées en médaillons toujours réunis deux à
deux par un cadre ornemental. C'est ici que, pour la première fois, on
voit s'introduire dans la miniature les divisions du vitrail. La draperie
est très riche, mais elle n'a plus le caractère de l'antiquité byzantine. Le
reU\chemenl de l'ancien style est encore plus marqué dans les tètes : pour
leur donner une expression et un caractère nouveaux, on arrive souvent
'2o'2. — Mort et CouronncmenI de la \iert
Psautier dit de Blanche de Castille.
(Bilil. lie r.\isennl. IlSii.)
ISTOllU-: 1>E L'AHT
h d'assez dé|ilaisantes invcnlions : les iVonls lioj) grands, laliondante
chevelure sont en dispropoilion avec la maigreur du corps.
(1) Psautier de la reine Jeanne de Navarre, épouse d'Henri IV d'An-
gleterre (Manchester, Ryland's Library). Son premier possesseur est resté
inconnu; il appartenait sans doute à la cour de France. Dans ce psau-
iier. l'ordonnance des mininlurcs, empruntée au vitrail, reçoit de très
significatifs enrichisse-
menls. Une partie seu-
lement des miniatures
:i été conservée; elles
sont inscrites par neuf
dans des losanges flan-
i|ués de polylobes, et
leprésentcnt des scènes
ihi Nouveau Testa-
luenl. A cause du i'or-
Miat minuscule, l'exé-
I iition laisse souvent à
di''sii'er, mais le récit
est vivant et d'une
c'ionnante liberté dans
I iconographie.
(') Le Psautier de
.lacob, fils de Suno,
Irère et père de deux
:ue'lievèques de Roes-
kdde (f P2i<ii, (British
Mus. , Egcrlon ^Oi^). Ce
|isautier, \enu de très
bonne heure en Dane-
" mark, ressemble beau-
coup au précédent,
mais chaque page n'a
(|u'un groupe do cinq
imitai ion de la [leinture sur
i. — Miiiialiire du psaulici- de la i'<'iiio
Jeanne de Navai-re.
(Hjlaii.l's Lil.rary. M;i.icli(-.ter.)
accoujilées en médaillons à 1
Copenhague (Ms. KiOdi; au-
niiniaturi
verre.
/■) Psautier de la Bibliothèque Boyah
tant qu'on peut l'induire de la litanie déligurée par des ratures, ce psautier
fut exécuté à Paris et vint de bonne heure en Danemark. \^ingt-quatre mi-
niatures, en douze pages, racontent la \ie du Christ; elles sont parmi les
meilleures de ce slylc. Comparées à celles du psautier de la reine
Blanche, elles sont un peu simplifiées, mais la vivacité du récit et la
LES MINIATURES — LES VITRAUX — LA PEINTURE MURALl-. r.ô:.
force de l'expression y oui i;agné. Dons toulcs les ligures. la forle saillie
des épaules el des hanches, propre à larl gollii(pie, esl accentuéi', sou-
vent même jusqu'au maniérisme.
7) Psautier de Paris (Bibl. nal., laL 1(175 a). Les seize miniatures,
dont chacune occupe une page et qui forment l'introduction, sont très ana-
logues aux précédentes. Avec moins de vie peut-être dans les mouve-
ments, elles se distinguent par le dessin expressif, presque paliiélique,
des visages.
BIBLES. — La Bible de luxe, au xu'' siècle, esl une œuvre de dimen-
sions géantes, en plusieurs tomes. Dans les nombreux exemplaires de la
« Bihlia magna » que l'on connaît, la décoration s'écarte rarement du
type des initiales à ligures. La représentation par cycle de l'Ancien et du
Nouveau Testament avait, en Angleterre du moins, déjà passé dans les
psautiers de luxe. A la limite du xii" el du xiii" siècle, on sentit vivement
le besoin d'une Bible qui pût se porter à la main. Naturellement ce nou-
veau type de Bible dont on cherchait, par tous les moyens, calligraphie
et finesse du parchemin, à réduire les dimensions et le poids, ne devait
être que modestement orné. La décoration se réduit aux initiales petit
modèle; on ne les agrandit qu'au commencement de la Genèse et de
l'Evangile de saint Mathieu.
La date et l'origine du type nouveau des petites Bibles sont obscures.
Piovient-il du texte-norme qui constituait la base des études à Paris? De
la nouvelle division en cJiapitres qu'Etienne Langton y avait établie? ()uoi
qu'il en soit, les exemplaires les plus anciens sont sur la limite qui sépare
la décoration romane de la décoration gothique; leur style rappelle l'école
anglaise. Telle est la Bible de l'abbé Robert de Saint-Augustin (P224-55)
à Canterbury (Brit. ^lus., Burney ô). Saint Louis possédait une de ces
jolies petites Bibles (Bibl. nat.,lat. iOi'20); sa mère donna à l'abbaye Saint-
Victor un exemplaire plus grand (Lat. 14597), avec des initiales fort mé-
diocres, dans le style des psautiers récents. En tout cas, dans la première
moitié du xiii" siècle, on a écrit à Paris quantité de Bibles; leur inlluence
devait se propager d'autant plus que le chapitre général des Dominicains
avait défendu de répandre des textes non corrigés à Paris. De plus la Bible
fut, entre 1200 et 1250, traduite en français; ces exemplaires en langue
française furent décorés comme les exemplaires latins (voir, à Paris, la
« Bible Française », <S!)!I|. On ne peut séparer des manuscrits des Bibles
intégrales ceux des Livres isolés avec commentaiiTs, publiés en grand
nombre. Leur décoration se borne généralement aux initiales. L'o'uvre la
plus lirillante est la Bible d'Assise, avec commentaires, en seize volumes.
Sans doute, ces manusciils décorés aM'c tant de linesse et de grâce
ne pouvaient satisfaire le goût ])assionné ([ue l'un avait alors jiour les
images. Or d'immenses textes informes a\ec minialures n'auraient pas sufli
".6 HISTOIRE DE L'ART
à conlciilcr l(^s liilili()|)liilcs. On clicrcliii donc un cxpcdienl cl on le Iroiiva :
on .supprima coniplMcincnl le texte, ou liicn on se contenta de Fabrci^er.
De vraies Ijililcs iniaiiécs, c'est-à-dire composées uniquement de
miniatures avec texte explicatif tiès court, sont ce ipiil y a de plus rare.
Le chef-d'œuvre du genre se trouve dans la bihliothèque de sir Thomas
PJiilipps à Clieltenham; deux de ses feuilles seulement sont à Paris (Bihl.
nal., nouv. a<(|. lai., 'i'iQii. Hn a conser\é en tout quai'anle-cinq feuillets
peints des deux côtes; ils sont ili- grand format cl raconlenl l'histoii'i'
sainte jusqu'à David. Le caractère du style rajqjclle les derniers psau-
tiers de saint Louis (voir plus loin); mais les architectures sont encore
romanes, à en juger d'après les feuilles conservées à Paris.
Peut-être ces Bibles imagées ont-elles été si rares parce ({ue l'alten-
tion fut à cette époque détournée par un nouvel olijet l>ien fait, à vrai
dire, pour alisoiber complèlcnn'nl ra(livit('' drs artistes cl des liiblio-
philes. Il s'agit de la <■ iîible moralisée •> et de la ■■ lilide historiée toute
tigurée », avec tout ce (jui s'y rattache. î^a Bililc moialisée est, sans aucun
doute, la plus vaste entreprise du Moyen Age en fait de miniature. On ne
veut rien moins qu'extraire, de tout l'Ancien et de tout le Nouveau Testa-
ment des passages renfermant, le plus souvent, plusieurs versets, et
donner à chacun d'eux une interprétation allégorique ou morale, ^'oici
l'histoire de la Création. Le premier })assage jiarle de la création de la
lumière; mais création de la lumière ^eut dire cr(''alion des anges. Suit la
si''paralion de la lumière d avec les téiièlires; on la représcnle par la sépa-
ration des bons anges d'avec les mauvais. C'est, en ti'oisième lieu, la créa-
tion de la terre ferme au milieu des eaux; elle est symbolisée jiai' l'Eglise
(pii l'i'ste i'i'rme au milieu des ;imerl unies (]o ce monde dont elle a con-
stammenl à soulfrir. Suit cnlin la si'-paralion des eaux au-dessus et au-des-
sous de la terre; elle i'(''p(in(l à la s(''paration des lions d'avec les méchants.
Ces quatre passages de la Sainte Ecritui"e et leur interprétation sont
représentés en images; nous connaissons les sujets des quatre miniatures:
ce sont la création des anges, la chute des anges; puis r(( Ecclesia firma »
au milieu des « amariludines rnundi » sous la figure d'une femme debout
entre un groupe de Juifs et un couple d'amoureux (l'amant est un moine);
eidin la séparation des bons d'avec les méchants : ici un évcque cjui
liabilli' un pamreel une femme pi(nise; là un évèquc avec le faucon de
chasse, auquel un laïque a])porte un poisson. Uuelle œuvre immense qu'une
telle illustration de la Biljle entière! Elle devait renfermer environ cinq
mille images. Nous n'en connaissons pas d'exemplaire complet; presque
comjilet est le manuscrit en trois volumes, qui se partage entre la Bod-
léienne d'Oxford BodI., '270 b .la Bibliothèque nationale de Paris (Lat.
M5(iÙ) et le British .Muséum dlarley, là'26-ir>27) ; en tout, six cent trente
fcnilles. La jiremière i'epr(''sente en grand le Créati'ur du monde : quatre
LES MINIATURES - LES VITHAUX - LA PEINTURE MURALE ".7
anges liennoni le ([uailrilolic, dans lequel se Iroiive le grand Trùnc Dans
sa main gaucho, le (Ihrisl lienl le globe; sa main droite ajusle le eomjias
I..1 .icmImiii ,lr hl llllll
cl dos ténobi'cs, de.
(Bilil. .le sir Th.
'M
IMloI U.1..1..I1
le la lumièie
Miuialure de la Uible iiuiiali.-iec.
nins PiiilipiB. à CheUenliani.)
pour la création du cirl ci de la terre. Avec le deuxièmi' t'cuillcl commence
l'illuslraliiiu du texte bililicjue et de son interprétaticju. Les images sont
loujoni> iv\niir> sur une page en liuil médaillons ; elles sont rangées par
T. 11. — 4.")
r,"S HISTOIRE ni' L'ART
qualie en deux tuioiincs \erlicalc.s; tlciix auli'cs cijlunues cuiiLicaacuL le
texk". Le louL se trouve dans un cadre onicaiental dont les motifs uniques
sont la ligne brisée cl des combinaisons de cercles. L'endroit oij les
médaillons touchent le cadre ou les médaillons voisins est garni de
rosettes; les miniatures sont sur fond d'or; le fond des colonnes est
l'ouge-brun ou bleu, toujours à petits carreaux; dans les coins se trouvent
des looilics de (|uadi'ilobes en bleu on en brun avec apjilicalion d'or.
Celle desci'iplion des ornements et des jiarlicularilés du coloris suflit
déjà à metirc en lumière l'étroite analogie du manuscrit avec le groupe
de psautiers dont nous venons de parlei'. 11 va sans dire que le style des
miniatures est absolument le même.
La question est toujours celle-ci : Comment une œuvre aussi colos-
sale a-t-elle pu s'exécuter? Qui en supporta les frais? Où trouva-t-on les
•'■quipes d'artistes qui devaient y collaborer afin de la terminer à l'époqui»
] prévue? El notre étonnement grandit lorsque nous nous trouvons en pré-
sence, non d'une œuvre unique, mais d'au moins quatre exemplaires.
Et ces exemplaires, autant que nous pouvons en juger, n'étaient pas de
simples copies; c'étaient de libres reproductions, des travaux non méca-
niqui's, mais artistiques! Un cxemjilairc jiaraît a\oii'été brùb' à Londres
en UiiiCi; d'un second, les bail derniers J'euillets seulement ont été con-
servés; un troisième, avec une versiim du texte dilTérente et alirégée, se
trouve à Vienne (Ilofbibl., ms. ]17i>); il n'a conservé que des parlics de
l'iVucicn Testament cl l'Apocalypse.
Au point de vue de riiisluiic de l'art, l'exemplaire de \ienne a une
importance particulière. Il est tout d'abord exécuté avec plus de soin; le
frontispice nous en donne déjà la preuve : les anges s'y meuvent avec plus
de liai'diesse et de grâce que dans l'exemplaire d'Oxford; le Clirisl est
d'un slyle moins grossier; de fins ornements animent le vêtement et
damasquinent le fond d'or. Le slyle est en général le même; mais, à côté
de collaborateurs plus faibles, se distingue un peintre qui appartient à
une ('cole un peu plus aacienne el se rapproche du slyle anglo-français
du coaiaieacemeal du xui'' siècle. Ce peintre aiaie les compositions sei'-
rées, qai aialliplieat el rapelisseal à la fois les ligares; soa coloris est
clair el varié, tandis que, dans le reste du manuscrit, le brun el le bleu
prédominent. La série se termine par deux médaillons. Dans le médaillon
supérieur trône un roi avec un manuscrit ouvert; dans le médaillon infé-
rieur, un copiste ou un peintre (un laïque) est au travail; nous sommes
donc en présence d'un livre royal. ^lais quel est ce roi? Une longue
inscription marginale paraît avoir contenu la réponse; elle est effacée et
n'a pas encore été déchiffrée. Ces manuscrits de luxe étaient destinés à
une maison royale, c'est aussi ce que prouve un fragment du second
exemplaire. Une miniature en quatre parties représente un roi el une
LES MINIATURES — Li:S VlTliAUX LA l'EIXTn',K MURALE
reine, un ecclésiastique en Irain de dicler. un laïque en li'ain d'écrire;
mais toute indication de noms fait encore défaut. >.'e serait-il pas invrai-
semblable qu"on eût représenté ici d'autres personnages que Louis IX
et Blanche de Castille. ou Marguerite de Provence?
La <' Bible française » correspond à la « Bible de Paris » latine; de
même, un pendant français complète la u Bible moralisée» latine. La « Bible
historiée toute figurée », tel est le nom que lui donnent les catalogues. Les
miniatures et le texte contiennent de nombreuses varianles: mais la dispo-
sition générale est la même.
Seul un exemplaire ancien
nous est connu (Vienne, ms.
tiàoi). Il commence par un
frontispice; le Christ incliiK'
crée le monde avec le compas.
Pour l'iconographie, la tech-
nique et le style, cette minia-
ture est très analogue à la ver-
sion latine de \'ienne; mais
l'exécution en est plus lourde
et le coloris moins lin. Les
autres pages montrent un nou-
\eau schème. Le cadre général
est resté, mais les colonnes du
texte sont placées à l'extérieur;
les miniatures se trouvent
dans un plan moyen qui ren-
ferme les huit médaillons :
entre eux, des quadrilobes en-
tiers ou dédoublés, avec des
bustes d'anges, remplissent les
coins. Nous avons vu des
dispositions tout à fait analogues dans les psautiers de Manchester et de
Londres.
Nous avons étudié, dans les Psautiers et les Bibles, l'évolution de la
miniature française de 1200 à P2oO. On pourrait citer d'autres exemples;
mais les documents décrits suffisent largement à nous donner l'idée d'une
évolution continue et d'une activité presque fiévreuse. On voulait des
miniatures, il n'y en avait jamais trop! Dans les œuvres anciennes, comme
le psautier d'Ingeburge, l'analogie avec la peinture anglaise, avec la pein-
lure allemande aussi, était si grande, qu'on aurait pu s'attendre au paral-
lélisme complet des deux évolutions. Les symptômes du style de transition
se manifestent dans une certaine aiïitation des mouvements et des dra-
i;n;int et mesurant le inoud
mole infiraliaee .
p. de Vienne, 1179.)
:,.W IllSTOllîK ItK L'ART
pcries: mais Incnhil s'acruscnl (raiili-<-s Iciidanccs. \'rrs l'i.M». l'idral
nouveau csl ariivr à niaturilr et les syuiiilôuies de la Iransiliou dis|ia-
raissenl aussilùl.
Deux faits sont encore à relever: l'unilé d'évolulion el l'aljondanee de
japroduclion. La question d'origine trouve ici sa solution. Cette évolution
n'a pu se faire qu'à Paris. Tout ce que nous savons des artistes, de la
nature indusirielle de leur travail el de leur earaclère laï(pie, nionlre <iiie
nous ne sommes plus en présence de l'ancien art des clcjitres. (lest à
Paris que s'est organisée la corporation des copistes et des enlumineurs.
C'est à Paris que pouvait le plus aisément s'exercer l'influence de la mai-
son royale qui protège cet art et lui donne son véritable épanouissement;
c'est à Paris enfin, c'est dans l'Univcrsilé de Paris qu'il faut chercher les
auteurs et les correcteurs des textes. Paris est donc, sans aucun doute, le
centre de cet art. Mais la question des })i('mières origines n'esl pas encore
résolue. 11 faut croiri\ selon loulc vi'aisenddance, à l'inllueiu^c de la
France sepicnirionale, de la région (pie le canal mettait en relalion éirnilc
avec l'Anglelerre. En particulier, les i-aj)j)orts du psautier de la Itililio-
Ihcque Sainle-Genevicve avec Saint-Berlin donnent à penser. 11 y rui, en
elTel, jus(prau (hdiul du xiii' sièele, une aciivilé arlislique considérable
dans ces abbaves du nord de la France. Nous ne pouvons encore appré-
cier exaclemeni l'inqiorlance de Saint-Berlin à celle époque. Si la liible
mentionnée ci-dessus a été exécutée à Saint-Bertin même et non en Angle-
terre, les miniatures peintes par l'auteur du Lat. I(i7i5 révèlent déjà une
tendance vers le style i>lus souple du xiu' siècle. Mais ici, la connaissance
des matériaux est insuffisante. Peul-(Mi-e la gi'ande série de miniatures
que possède la lîiblioliièque royale de La Haye (Ms. 09) a-l-idic élé
exécutée à Sainl-P>ei-I in? belles sei-aienl pour nous donner une npinion
|ilus liaule de la fécondité de cet atelier (pie de la valeur des artistes (pii
le composaient. Bien des traits rappellent les manuscrits anglais, peul-
ctre le psautier de saint Louis à Leyde; d'autres éléments, l'encadrement
par exemple, font penser aux missels d'Anchin.
Ces deux missels d'Anchin (Bibliothèque de l)ouai, n" !MI, autrefois
P2Ô et 12.")) sont les principaux échantillons du style nouveau. La minia-
ture de la Crucifixion surprend tout d'abord par la simplicité du goût; le
fond d'or est uni, entouré d'un simple cadre d'or, six fois coupé par un
motif de losanges. La miniature représente simplement la mort expia-
trice du Christ, sans symboles ni allégories : le Sauveur, mort, est allaché
sur la croix; la tète est inclinée sui- l'épaule; sous la croix, Marie et .lean;
au-dessus, deux anges; Ions les personnages ont une expression de pro-
fonde douleur. Le style de toutes les ligures est d'une évidente nouveauté;
un mouvement ondoyant, gracieux, aisé, anime l'œuvre tout entière; de
grandes lignes unies, élancées forment le contour des figures; les plis
I.i:S MINIATURES - LES VITRAUX - LA PEINTURE MURALE
511
épais (lu v(M('in(Mil Idiulienl on Irails |iarallrIos d'une t^randc souplesse. Le
senliniriil >V\|iiiine moins dans les gestes, 1res nicsur(''s, ([ue dans les
visages doni le dessin révèle un lalenl exlraordinaire à donner aux lignes
loule leur expression. Un missel analogue du lîiilisli Muséum, mais hien
moins important et certainement ])lus i-éceni , qu'un clerc, Gerald d'Amiens,
exécuta en l'2lS pour un cloître inconnu, fournit un critérium sûr pour la
date de ce style. Ses initiales sont supérieures à la Crucifixion. Elles se
composent d'entrelacements de tiges délicates où s'cnlriMiièleid de nom-
Iireuses ligures d'animaux. Ce sont les mêmes formes qui, à celle ('■poqiu^,
mais a\ec plus d'élégance et de
linesse, sont d'usage en Angleterre.
Ces analogies sont très évidentes,
surtout dans le Pontifical de Sens
(Metz, Coll. Salis, n" )>:\), qui doit
avoir été exécuté en l'2"2i.
Dkuxikmk piînioDE. — La deuxième
phase du style gothique, arrivé à sou
point culminant, commence avec les
dernières (envies exécutées pour saint
Louis, à peu pr(''s au moment où l'on
construit la Sainte-Chapelle. Une pre-
mi(''re et profonde différence s'inqiose
à l'allention : l'inlluence décisive de
l'architecture el de la sculpture: elle
remplace celle de la peinlun^ sur
verre qui a\ail ius(pie-là prédomin('.
Ce sont siirloul les ornements d'ar-
chitecture (pu' le goi'd du temps aime
et dont il \('ul lrou\('r la rejirodue- .
tion dans le manuscrit : les gables, les pinacles avec leurs Heurs uni-
formes, les galeries ajourées, les découpures des fenêtres et des rosaces,
et même le feuillage réaliste des chapiteaux, bref les récentes innova-
tions archileelurales qui ravissent les contemporains, sont imitées avec
aisance par le pinceau et la phune du miniaturiste, partout oà elles
j>euvent servir à la décoration.
Pai'lout le l'éalisme s'accuse; comme les l'ormes archileelurales, les
costumes el les armes soid exaelenieiil ceux de IV'|iiMpie ; l,i p(''ii(''l rauje
observation des animaux el des |)laiiles. sniloul dans l'ornemenlalion,
révèle le sens (pia l'artiste tle la ii'alili'. Mais il est ('-x ideid ipie ce réa-
lisme ne s'exprime encore que dans le détail; le regard de l'arlisle
n'embrasse pas l'ensemble. Toute cette période ignore l'observalion des
— Ciiiiilisl.
il;ihl. .Ii; \h
l'Iiol. llasclolf.
Mi-.s,;ld'Anchin.
r,i2 IlISTOlIil:: DE L'AlîT
|ir()j)urlioiis t'xaclcs, eoiiimc k's problèmes de la [lerspcclivc il ne s'ai!,il
donc pas d'une rupture radicale avec le passé.
Le changement de style et de technique dans le travail des figures
nVsl pourtant pas moins accusé que celui des archileclures. l/idéal esliié-
lique est de plus en plus la délicatesse dans le détail; le syslème des
médaillons de la peinture sur verre n'est sans doute que rarement em-
ployé, mais les ornements architecturaux réduisent la place des minia-
tures. Les fonds à fines applications qui, jusqu'alors, comme dans la pein-
ture sur verre, n'avaient de place que hors des médaillons, sont introduits
dans les images elles-mêmes; les fonds d'or sont souvent damasquinés;
mais, à mesure que les fonds et les accessoires s'enrichissent, les figures
se simplifient, le modelé s'atténue. Le dessin net des contours aux fines
lignes noires, le tracé souple des plis, le ton local posé par teintes plates
[iresque sans modelé, la blancheur unie et paie des carnations, voilà
quelques particularités de la technique nouvelle, dont l'apparente sim-
plicité cache d'extrêmes raffinements. Ce que l'on cherche, c'est à donner
aux figures celte délicatesse et cette finesse excessives chères à la mode
du temps, et à la silhouette sa valeur et son élégance. Le coloris devait
naturellement s'adapter à cette transformation du goût. Le système de la
période précédente, construit sur le ferme accord, bleu, or, rouge-brun,
disparaît rapidement; il est remplacé par les tonalités claires, les couleurs
délicates et lumineuses dont les nuances peuvent satisfaire lé goût gra-
cieux et aimable de l'époque; tout tend à la suavité.
A la transformation de l'image correspond celle de l'ornementation ;
Cl' fait est de la plus grande importance pour la suite. L'initiale s'éloigne
toujours jiius de son ancienne forme carrée; elle devient plus longue et
plus sv(_']le; elle s'allonge si bien que ses extrémités atteignent les bords
di_' la i)age et l'ouriiissent un point de di'}iarl à l'ornementation de lenca-
drcment. Ces extrémités sont d'abord très minces, garnies de pointes
nombreuses, mais presque sans feuillages. Elles s'étalent souvent de
côtés différents, comme les bras d'un polype. Il est assez rare en France
que des animaux ou une petite scène viennent y prendre place. C'est en
Angleterre que ces fantaisies avaient leur terre d'idection.
Les œuvres de cette époque sont si nombreuses qu'il faut se borner à
dresser une liste des plus typiques et montrer, d'après ces exemples, les
phases successives de r(''\olution.
Commençons par un exemple daté : la ^^ie de saint Denis, écrite en
i'2i8 dans l'abbaye de Saint-Denis (Bibl. nat., nouv. acq. franc., 1098).
Les miniatures ont tous les caractères d'une ceuvre de transition ; leur
valeur artistique reste ;iu-dcssous du niveau de l'art contemporain. Le
coloris est presque monochrome; l'or n'y joue aucun rôle. Par contre,
le style plus simple est déjà selon l'esthétique nouvelle (vou' notamment
LES MINIATURES - LES ^•ITRAUX — LA PEINTURE MURALE
];i \'iergc assise sur un trùne el sous un dnis golliiquc avec deux anges
qui porlenl l'Cncensoir).
Le style nouveau fait son apparition à côté de l'ancien dans les
« Évangiles des principales fêtes de Tannée » (jadis dans le Trésor de la
Sainte-Chapelle; Bibl. nat., lat. 8892). On peut admettre que saint Louis
a commandé les liturgies au moment où l'on posait la première pierre de
la Sainte-Chapelle. Aucune tradition, cependant, n'en fait foi. Le manu-
scrit est, dans ses vingl-huit premiers i'euilleis, tout à l'ail ancien ; il
contient non des images, mais
seulement des lettres historiées
dans le style de la Bible mora-
iisée. A partir du feuillet 2!), le
style change. Les trois derniers
i'euilleis sont tout à fait de
l'époque nouvelle : arrière-plans
avec Unes applications sous bal-
daquins gothiques, figures exces-
sivement sveltes, coloris nou-
\ eaux avec beaucoup de tonalili's
sourdes : gris, rose tendre,
rouge-ljrun clair, etc. Bref, le
style nouveau s'épanouit ici.
avec tous ses moyens. L'autre
lectionnairc de la Sainte-Cha-
pelle (Lat. ITô^f)^ appartient com-
plètement à l'époque nouvelle,
bien qu'il ne s'accorde pas tout
à l'ail avec les derniers feuillets
du précédent. Çà et là quelques
grotesques qui surprennent : un
jeune \ioloniste avec le corps d'un di'agon, une jeune (ille de uu'me forme
l'i'-coule; quelques scènes de chasse; ]q loul, ci^pendanl, de tenue timide
el discrète; ces petites images font corps avec l'initiale, c'est à peine si un
jielit lièvre ou un oiseau s'en échappe pour se risquer jusqu'aux exli'é-
mih's de l'initiale el au bord de l'encadrement.
La môme transformation du style se retrouve dans les psautiers de
saint Louis. Nous n'avons parlé, jusqu'ici, que de deux psautiers, trans-
mis au roi par héritage. Restent encore deux \olumes que le roi a certai-
nement commandés lui-même i l'2o5-l'270i. Le roi a fait peul-èlreun usage
personnel du psautier i20x I i cm. i que conserve aujourd'hui la Biblio-
thèque nationale (Lat. 10525). Le texte ne contient que le calendrier, le
psaulier et les cantiques. La calligraphie en est excellente, mais simple.
Fi
— .MjraliLinï et. Melchisédeo.
Aliiiialiire du psautiei' do sainl Louis,
(nil.l. nat-, l.il. I05Î5.)
HISTOIRE DE L'ART
Les vides que laissent les vers à la On de la lii^ne sont remplis par des
ornenienLs, avec motifs héraldiques le plus souvent : lis de P'rance, châ-
teaux de Castille, etc. Soixante-dix-huit scènes racontent l'histoire
hihlique depuis Caïn et Ahel jusqu'au commencement de Said; le début
est probablement incomplet. Toutes les images sont encadrées d'entrela-
cements, de dragons et de lierie aux fins ornements d'or et s'enlèvent sur
un fond d'architecture. Le fond est d'or; une bande de nuages le sépare
de l'architecture. Les vues de château, quand la scène y est située, sont
toujours modernes. Le mouvement des figures est ce qui frappe le plus;
ces héros de l'Ancien Testament réalisent dans leurs manières l'idéal
de beauté du temps de saint Louis. Ils
ojjservent la grâce et perfection des
mouvements, toutes les nuances de la
jiolilesse et du cérémonial île cour.
Malgré leur sveltesse excessi\e, les
ligures sont souvent anguleuses. Le
slyle nouM'au n'a pas achevé son évo-
liilion. Le bleu et le rouge-brun domi-
nenl encore dans le coloris ; le modelé
est plus riche; mais dans quelques
pages (par exemple 25-28), on assiste
à une transformation décisive; le colo-
ris prend plus de ilélicatessc et de dou-
«•eur, les contours plus de svellesse et
de grâce.
(le style est tout enlier celui du
deuxième psautier de saint Louis, frère
du premier (collection Yates Thom-
son). La décoration en est j)lns luxiiriaiile el jilus magnifique; le contenu
plus riche. Le psautier devient Licrr il' Heures. Le livre était destiné à une
dame. Peut-être était-ce la pieuse sœur de saint Louis, Isabelle de France,
londalrice de l'abbaye de Longchamp. Partout s'accentuent les besoins
de luxe. Les miniatures du début étaient sans doute encore peu nom-
breuses; six seulement sont conservées; elles se rapportent à la vie de
David. Chose curieuse, celte série continue le Psautier de Paris. Le texte
commence avec le calendrier, écrit tout or et bleu ; puis vient le psautier
dont les initiales, une seule exceptée, ressemblent à celles de l'exemplaire de
Paris ; enfin , les nombreux appendices, qui commencent tous avec des lettres
historiées. Ces initiales sont toujours à peu près carrées et à grande sur-
face; elles sont ainsi tout à fait différentes des longues lettres étroites des
lectionnaires. Une série d'artistes ont travaillé aux petites initiales el à
l'ornemenlation de la fin du manuscrit. L'un d'eux a atteint les plus beaux
lie 2js, _I( lui David joiianl ilLiaiiM
Minialuie du set-onil psautier de saiiil I
ou d'isaholle de France.
LES MlXIATl lti:S — Li:S MTRAIX — LA PEINTURE MIP.ALE '.ir>
effets; par l'emploi du fond noir, il arrive à des nuances de couleurs char-
mantes; ses fins de lignes sont parsemées d'excellentes figures d'animaux.
Les images du début sont entourées d'un ruban de tiges avec grandes
feuilles épineuses en couleurs, elles ont aussi un décor architectural, mais
tout simple. Les scènes se distinguent par les proportions plus exactes, par
le dessin plus aisé des contours, par le coloris clair et gai, })ar l'élégance
extraordinaire des lignes du visage. Nous avons ici l'un des poiids culmi-
nants de l'évolution; l'idéal de la miniature gothique est réalisé.
La peinture anglaise de transition.
En décrivant l'évolution du xii' siècle, nous avons montré à quel ftoinl
la miniature anglaise, peu après IIM), s'était approchée de l'art gothique.
L'importance qu'on attachait dans ce milieu à l'élégance des silhouettes
et à la délicatesse de l'exécution, aurait pu pousser l'évolution dans le sens
de l'art gothique français. Mais l'influence byzantine contraria et arrêta
le mouvement. Au commencement du xiii" siècle, quand l'Angleterre fut,
elle aussi, saisie par la grande agitation de l'époque de transition, il ap-
jiarul que cette complication, surabondance et virtuosité de formes, con-
venail en somme parfaitement au goùl artistique de la nation; ce même
phénomène s'était déjà produit à l'époque anglo-saxonne. Il en résulta un
style assez maniéré, et dont on ne pourrait retrouver l'équivalent qu'en
Allemagne. Ce style baroque produit des œuvres aussi bizarres qu'at-
trayantes, où l'on trouve, avec une certaine sentimentalité dans l'expression
des télés et le mouvement souvent capricieux des figures, le sens du pa-
tiiélique: la force dramatique que révèle déjà le style anglo-saxon, s'af-
firme ici en de grandes compositions. Mais l'art anglais était en relation
trop directe avec l'art français pour ne pas subir fortement son inlluence.
11 en résulte un singulier dédoublement dans l'évolution. Le style fran-
çais, ([ui tend à la simplification des formes, et le style national, qui se jdail
dans leur complexité luxuriante, s'entrechoquent, s'entrecroisent, et le
tableau chronologique de l'évolution présente la confusion la plus étrange.
Le style de transition n'atteint son point culminant que vers l'iàO,
mais ses débuts s'annoncent dès le commencement du xiii° siècle. Le
psautier de saint Louis à Leyde montre déjà une certaine dissolu! ion di-
style; écrit peut-être pour Godefroy Plantagenet (1101-l'212i, il xini plus
tard en la possession de Blanche de Gastille. D'après une ancienne note,
saint Louis enfant aurait étudié dans ce psautier. Le livre est riche en
miniatures: mais celles-ci ne sont remarquables ni par la composition, ni
par le style. Le coloris est désagréable. La valeur du livre est jilus histo-
rique qu'artistique.
HISTOIRE DE L'ART
Inlinimciil supérieure csl la \ alcur duu jisaulier que posséda Roljerl
de Liudeseye, abbé de l'elerborouyh (f l'i'i'i) (Soc. roy. des Anliquaires de
Londres). Les minialurcs, peu nombreuses, révèlent un style original et
simple. Les figui-es de la C-rueilixion sont très gracieuses, prescpie trop
grêles; ledessin des (■(iniours a un cliarme captivant;rexprcssion esl pro-
fonde et sereine. Très analogues, mais inleiieurs, sont un psautier ilu
Fitzwilliani-Museum à Cambridge (Ms. 12) et deux i'euillcls ajoutés au
psautier d'AugusIin ('alors à Canlerbury) (Fjrit. Mus., \'esp.. A, I). Toutes
ces miniatures sont déjà très pro-
elies du style gotliique. La brus(|ue
Iransformation qui se j)roduit
alors |)araiT daulanl plus élon-
nante.
C'est du cloître de Saint-
Albansque proviennent les œuvres
les plus caractéristiques du slyle
nouveau : ce sont celles du célèlue
chroniqueur Matliieu Paris, artisie
universel, peintre, sculpteur el or-
lèvre; les Gesta Abbalum disent de
lui qu'il n'a pas eu son égal dans
II' monde latin. Des miniatures de
-Mathieu Paris sont conservées au
British Muséum et au Corpus Chris! i
Collège de Cambridge. Son slyle
est d'une sévérité savoureuse; le
mouvement de ses dessins légère-
ment coloriés a de la grandeur, et
il excelle à exprimer le caractère et
la profondeur du sentiment. La grande madone qui précède son œuvre
liistorique (Royal, li E, VU), donne une juste idée de son talent. Il est
encore fidèle à la tradition romane ; mais dans les lignes mouvantes et
contournées commence à se manifester la tendance au style de transition.
Mathieu Paris a illustré la vie du roi Offa dans un manuscrit oij
chaque miniature remplit la moitié supérieure de la page. C'est le type
du livre d'images très goûté vers 1250. A la Bibliothèque universitaire
de Cambridge se trouve une vie du roi Edouard le Confesseur, en langue
française, illustrée d'après les mêmes principes (Ee, ô, 5!)). Parmi les
miniatures, quelques-unes représentent le style de Mathieu Paris sous
une forme d'une particulière délicatesse. Dans le couronnement des trois
Rois par les anges, il y a tant de goût, de grâce et de senlimenl, qu'on
oublie volontiers la bizarrerie du style.
Fil 2yi — Cnitili\ion Psautier
ik Rnlmt (11, Lindeseje, abbe de Pelerboroiitili.
(S..r. roy. a,.3 Aiili.|uair« ,],• L.niJr.'s.)
LES MIXIATURIÎS - LES VITIUUX - LA l'ElXTfRE MURALE r.47
La hardiesse avec laquelle ce style se libère des Iradilions hiératiques
se révèle dans le missel de Henri de Chichester, chanoine d'Exeler (vers
l'ioO) (Rylands Library, Manchester; autrefois Bibl. Lindesiana, lai. 'li.)
Le Christ ressuscite est accompagne d'anges qui jouent du violon et de la
harpe; la Vierge, dans la scène de la Nativité, allaite l'Enfant, tandis
qu'une servante frisée à la mode du temps, de ses bras nus borde l'accou-
chée. Le AU Soûls Collège, à Oxford, possède le psautier le plus beau
peut-être de ce style. Une gouache brillante avec fond dor magnifique-
ment orné augmente l'effet des miniatures.
Le style des draperies est trop chargé; les
mouvements du corps et de l'àme, chez
les personnages, sont également exa-
gérés. Marie, sous la croix, se tord de
douleur; .lean, par contre, semble sau-
tiller, tant il y a de grâce et de vivacité
dans ses manières.
Mais le style baroque ne devait mon-
licr toute sa force créatrice que dans une
grande œuvre qui lui permît de déployer
toutes ses brillantes qualités. C'est l'illus-
tration de l'Apocalpyse qui, vers l'"2oO, en
français ou en latin, avec ou sans com-
mentaire, devient le livre favori de la
société cultivée. L'histoire de ce cycle
miniatural, dont nous avons de nombreux
exemplaires, est encore obscure. On nr
sait quel lien le rattache aux anciens
cycles des manuscrits espagnols et méri-
dionaux et de la Bible moralisée. En tout
cas, c'est d'Angleterre que proviennent
les plus anciens exemplaires des nouvelles
Apocalypses. On en aimait sans doute le côté bizarre et fantastique,
comme dans les ronmns favoris, le roman d'Alexandre par exem})le, ou
dans les bestiaires si ré|>andusen Angleterre depuis le xii" siècle. Le sujet
prêtait aux représentations guerrières et infernales ; il convenait bien au
génie d'un peintre anglais et au style nerveux et inquiet de l'époque de
Henri III. Le manuscrit le plus important et peut-être aussi le plus
curieux est l'exemplaire du Trinity Collège à Cambridge (R, Ki, 2; vers
l'ion). Comme la plupart des autres exemplaires, il représente la vie de
l'Apôtre Jean en même temps que l'Apocalypse. Les miniatures sont
semées dans le texte et ne sont pas encore réduites à la moitié supérieure
de la page. Des différences considérables de style indiquent la collabora-
r.'is iiisioii;!-; ni': i;ai;t
lion ûr plusieurs ai'lislrs. lùi plus tl'un cndroil, le slylc se r;ippruciie des
œuvres IVançaiscs, el alors le caractère inquiet et contourne s'atténue. La
perfection est atteinte, naturellement, dons la représentation des combats
et de l'enfer. ( l'est, jiar exemple, l'illustration du chapitre XIX, où le
dragon à sej)l tètes est précipité dans l'enfer (la gueule monstrueuse de
l'cMifer est conslannnenl représentée dans ces miniatures) et où les oiseau.x
manticnl la cliiiir des rois lerrestres el de leurs armées. La chute des che-
\aux et (les casaliers est décrite a^e(■ une foi'ce saisissante. Parmi les
*; ' uvtàc dtptifr codlulc £au(jt)hctt Ui fift Uf
ts ntfdmaimttu.çlcfqumdlnautnifkinfii
mirtfmcrSrtrUlitft.fta.TOntiirltitinxçatudchi
(uriiuCuiffmtttft.iimk dcfii.uicftcuCuiftailtD'
mAlittHuiTUOTmlunttktALi ftn.dtUirœt.
«1 0 kc a rtifr lie Irf nanti ûmt oftif en It rfptic dri fr
Atimftirlt tlmi.il.ltfflrniWtiftm ilimh-iinrfmi
FiG. 2ril. — Le lirai
:>pt Irlos prcripili' dans renier. Miiiialurc de IWpoealyin
[rrinily(;Hlli.^e. iliiiiil.riilgf.)
oiseaux de proie affamés, les uns s'abattent sur les cadavres, tandis (pic
les autres attendent encore perchés sur les arbres voisins.
L'Apocalypse de Canduidge n'offre pas un style aussi accompli que
d'autres exemplaires un jieu plus récents. Le plus im))ortant est à la Bi-
bliothèque nationale ( I^'r. W7\) ; son origine anglaise est évidente ; le style
est d'une grandeur sau^ag•e, inconnue au gothique français. A peu près à
la môme époque et au même style appartiennent les Apocalypses de la
Bodléienne à Oxford (Bodl., D, 4, 17) elde^L le vicomte Blin de Bourdon.
Dansions ces travaux, l'intluence de l'ancienne peinture romane pré-
domine encore. A partir de LJ")(), l'innuence fran(;aise gi'anilil, sans d(Mrù-
ner (■ep(Midant le style national. Mais en même lemps apparaissent en
Angleterre les germes d'une éNolution plus imh'pendanle (hin> le domaine
ornemental, qui seronl pour l'évolution générale de la plus grande inq)or-
tancc. L'ornementation des bordures partie des initiales, trait particulier
LES MlMATlItES - LES \ ITRAIX - LA PELNTURE MIIÎALE
lie la miniature golhique, arrive en Angleterre à son déveloi>penient
extrême. On utilise tout d"al)onl les anciens entrelacements des initiales
romanes; on les remplace l>ientùt par des motifs réalistes. Mais ressen-
tie] est que les thèmes grotesques s'ajoutent à ces motifs de la lin île l'art
roman: ils paraissent précéder chronologiquement rornemenlalion réa-
lisle.
L'idée d'introduire des drôleries dans l'encadrement ne peut ètie
venu(> de France. Si elle est venue du continent, c'est plutôt d'Italie.
-Mais le Nord transforme complètement les modèles italiens. L'Angleterre
est, en fait, la patrie de ce mode d'illustration, tour à tour sérieuse ou[)lai-
sante, profonde ou grotesque. Elle y fut pour une bonne part la continua-
trice de l'ancienne ornementation symiiolique des initiales, cultivée en
Angleterre avec un soin particulier:
chassée de ses anciennes possessions
à mesure que les initiales voiml
iliminuer leur format et augmenliT
leur nomlire, elle se répand naturelle-
nienl au liord des jiages, sur les
longues tiges terminales des initiales
désormais à la mode. D'autres causes
encore vont fa\oriser son épanouisse-
nu'nt : le réalisme croissant de l'arl
gothique se plaît à tout ce qui csl
représentation anecdotique ; les idées
se sont modifiées depuis que l'ai-l a
passé des moines aux la'iques. C'e.'^l en \ ain que les successeurs d'un Ber-
nard de Clairvaux fulminent contre de telles images: le goùl du temps les
réclame et n'est point choqué de trouver, dans un livre de prières, la
frivolité, le blasphème et même l'obscénité.
Très important à ce point de vue est un }isaulier (pi'Kdmond <\i' Lad,
comte de Lincoln i-j- 12^)7), ou un membre de sa famille semble avoir
possédé (Bibl. du duc de Rutland, Belvoir Castle). Ses miniatures, qui
représentent pour la plupai'l des sujets de l'Ancien Testament, olTienl
toutes les particularités du style de transition : mais plusieurs scènes tle
genre sur le bord de la page sont liien plus caractéristiques. Leurs sujets
sont très divers; quelques-uns sont empruntés à la Fable, comme l'his-
toire du renard et du héron ; d'autres sont tirés de la vie : scènes de chasse
ou groupes de lutteurs; mais les sujets satiriques et humoristiques ne
mantpient pas non ]ilus : le gu(M-rier qui attaque l'escargot, les souris qui
pendtMil mucIimI: une femme pi'escpie nue (jui marche à (pialic |iaUes,
landis (pi'un petit diable se balance sur son dos, etc., etc.
Les mêmes éléments se retrouvent dans un autre man^^( ri! nni a
«MsnS» munnttmn^mm
i«<aùmmhttmmtn-jrnnvftt ..„
n
■Mi. — Minialure du psauUcr
uond de Laci. romie de Lincoln
(Bibl. Ju duc de Rutland.)
:,hO HISTOIRE l)K LART
déjà subi rorleiiuMit riiillucncc française. C'est un psaulier cxéculé après
i'MG par le copiste Willclmc (OscoU Collège, près de Birmingham).
L'assemblage de deux médaillons dans un radre à angles droits rappelle
des œuvres françaises d'avant i^oO; niais le style est déjà plus avancé ;
une série d'apôtres surtout, avec des mouvements singuliers et la lianclie
en saillie, évoquent la période d'après i'i'^iO. Le style grandiose de la dra-
jirric rappelle la sculpture, plutôt (pie la peinture françaises. D'autre
pari, les initiales ont encore des détails romans, mais sont de foiine toute
moderne, avec de longues tiges terminales en couleurs et des traits dorés
encadrant des deux côtés la colonne du texte. Les scènes de genre et les
grotesques y abondent : la fable du coq qui chante et du renard, un petit
singe devant un centaure avec un capuchon, etc.
11 faut signaler encore deux A]iocaly|>ses où apparaissent les mêmes
jiarlicularités de style. L'exemplaire de lii lîildiothèque du Landictli Pa-
lace à Londres (Ms.'iO'.t) est eniiclii d'une série de miniatures et olfre une
Madone renuirquablc avec la donatrice (Lady de Ouincy) à genoux, la
légende de Théophile, une Crucifixion, etc Très analogue est l'Apoca-
lypse de la collection Yates Thompson à Londres (N" ô5), achevée par un
artiste italien.
Ce tableau de l'évolution de la miniature anglaise jusqu'à la tin du
xiif siècle montre comment le goût national résista à la simplification de
la technique et du style qu'avait produite en France l'évolution de l'art
gothique de I'2r)0 à 1279. La transformation générale ne s'accomplit qu'à
la fin (lu siècle, et l'art s'en<Tac:e aussitôt dans une voie nou^•elle.
La peinture gotliique en Angleterre et en France (iepuis la fin du XIII'
jusqu'au milieu du XIV' siècle.
Les débuts du réalisme et du naturalisme.
A la fin (lu xnr siècle, l'art fran(;ais et l'art anglais se rapprochent
telleiiieni (pi'on peut difficilement distinguer leurs œuvres respectives.
L'évolution générale aljoulit à un si vie (pii se trouve constitué dans le
dernier psautier de saint Louis i(_]olleclion Yates TJiompson). On peut
admettre que l'évolution du style s'est tout d'abord accomplie en F'rance;
mais l'art anglais suit do près et dépasse même l'art français. Dans l'orne-
mentation surtout, l'Angleterre s'est montrée plus créatrice et a fait de
plus rapides progrès. Ainsi s'exj)lique la forte inlluence qu'elle a exercée
à son tour sur le continent.
En Li'ance, on se contente de variations légères sur le style déjà cons-
titu('. Les ditférences que nous a^ons remarquées entre les deux derniers
psautiers de saint Louis s'accusent toujours davantage. Un voit augmen-
LES MIMATLIIŒS - LliS MTP.Al'X - LA PLLXTl liL MUIlALi:
fs».^
.3
Irr la ]irt'dil('ction pour la douceur, la souj)li'ss(\ la délii-alesse; la draperie
sVnricliil ; les hoi'ds du vètemeni onl uu niouvenicnl plus doux el plustira-
cieiix. La leclinique se modilic aussi ; on modèle da\ aniage. C'est le coloris
tpii accuse le mieux la transformation. Dejniis l'idO environ, on peignait
plus clair; cette tendance subsiste; le vermillon prédomine de plus en plus,
entouré de nombreuses tonalités pâles. L'accord bleu-brun disparaît. Les
fonds sont en or ou coloriés, presque toujours ornementés. C'est l'orne-
nienlation, en général, qui cliange le plus. Les ramifications des initiales,
jus([vrici longues, garnies dcpic[uants,
sèclies de mouvement, s'adoucissent
et remplacent leurs pointes par des
feuilles, surtout par la feuille dépines,
plus rarement par la feuille de cbcne.
Cette ornementation modeste, uni-
forme bien que gracieuse, suffit même
pour les manuscrits de premier ordre;
l'oinementation des bordures ne s'en-
ricliit et ne se complète par les scènes
de genre drolatique qu'en Angleterre;
ces éléments nouveaux se propagent
ensuite sur le continent. La transfor-
mation qui s'opère en Angleterre aug-
mente infmiment le trésor des formes
par l'observation plus exacte de la
nature. Les conquêtes de ce réalisme
se font bientôt sentir, non seulement
dans le détail de l'ornementation, mais
dans la comjiosilion et l'exécution des
peintures. De 1510 à 1520, sûrement
de 1520 à 1550, on essaye, des deux
côtés du canal, de mettre les figures
en accord avec un ensemble arcliilectural ou même avec un paysage, et de
représenter la perspective. L'impulsiiui vient ici dlialie; la peinture du
Moyen Age brise ses liens; le x\' siècle s'annonce.
LA MlMATcnE FnAXrAlsi; (1270-1520). — La liansfomiaiion du style
après 1270 se révèle le plus clairement dans un lectionnaire du Bi-iiisli
Muséum (Add. 1754J'). C'est une copie, libre quant aux figures, fidèle quant
au texte, du lectionnaire de la Sainte-CIiapelle mentionné plus baut (Lat.
17520). Les jolies petites miniatures suivent de plus près, au début, la
teclinique et le coloris du modèle; on voit bientôt la di^qieiie el le modelé
senricbir, et les couleui's pâlissent. L'ornenieniaiion siirloiil se dislinguc
de celle du modèle. Les exln'uiili's des iniliales soni abondaniiiienl sar-
ft-iïlittratft-fi'mni
(é tli'raltrtv cr ralil
iiiiiiunio(tiiM5:iM_
crdinr. lî'iTdidiinif
' m'miiiitiT?.fri'nK
difhi? niuhk. lien
l mstiHtÎTiinfrliof
1 TiiiflMiirtiniuirinV
(iiii iiiniiiiiiif. fttr
ninmirfhi rtViiot
fiiliimnmisnicm
iiimt'Miifif. cmlm
iiiimômcti. ifrWi
tnqncnrriiriifh'.cïin
Vfinmnir m tt n'"
didnfinirnirino.1
[iliriiiiin.l.iViiaiiifi
■" iim dimi.fr
:rlîrmrns:
ï] flv.-iiln!^ Qi dfp laliinm niro
ixniidip
-^/^-^ -:^_ ..^^
riiol Uaselnff,
Fio. itM. — Mi[iialiii'c (l'un lecUonnaiie.
(Copie du 1732U lat. de la Bild. nat.)
(Bril. Mus., add. 17341.)
:,:>-> iiis'i'oiiii'; de \:.\\\r
nies de l'ciiilles dépines; celles-ci pénètrent aussi dans le coi'ps tie l'ini-
tiale. Mais les scènes drolatiques n'interviennent encore qu'avec la plus
extrême réserve; ce sont des animaux isolés, tout au plus des scènes de
chasse. Même style dans la Bible de Philippe le Bel (Bibl. nat., lat. 248); on
n'y voit aussi que de petites initiales. De plus grandes miniatures du nou-
veau style se trouvent dans un manuscrit qui réunit deux traités: la
« Somme le vol », composé en 1279 par le frère Dominicain Laurent pour
Philippe 111, et la « Sainte-Abbaye » (Brit. Mus., add. 28162 et Collection
Yates Tliompsoni. Le volume possède cjuatorze minialures couvi-ant la
page, divisées pour la plupart en compartiments; les meilleures appar-
tiennent à l'illustration de la i< Sainte-Abbaye ». Le fond d'or est à fines
applications; le rouge minium domine, à côté du bleu, du brun, du gris;
le vert est presque absent; les chairs sont presque toujours claires. Ces
minialures nous charment non seulement par la virtuosité de leur tecli-
nique, mais aussi par l'attitude distinguée et élégante des personnages,
par la grâce et la sveltesse des lignes. Le manuscrit, non daté, est proba-
blement de la fin du xiii'' siècle. A cette époque, ou peu après, doit avoir
été exécuté un Bréviaire de la Bibliothèque municipale à Nuremberg
(Solger, in-quarto, n° 4), que Charles de France donna à la reine d'Angle-
terre. C'est une illustration détaillée de la Vie de Jésus-Christ. Les minia-
tures sont réunies à deux ou à quatre sur une seule page. Aux coins de
l'encadrement se trouve une sorte de cjuadrilobe aigu, alors très à la
mode. Les fonds sont toujours d'or et ornementés. Le style tombe mani-
festement dans le maniérisme. Les cheveux ressemblent un peu à des per-
ruques; les bords du vêtement sont contournés en forme de nœuds;
l'expression des têtes est poussée jusqu'à l'exagération.
Un style analogue apparaît dans un certain nombre de travaux remar-
quables, de date certaine et qui appartiennent tous au début du xiv'' siècle.
Par exemple le manuscrit de la « Somme le roi », que le copiste Lambert
le Petit exécuta en loi! pour Jeanne, comtesse d'Eu et de Guines (Bibl.
de l'Arsenal, (i.'329). De style plus simple et plus aisé est la Bible historiée
de l'Arsenal (Ms. 5059), exécutée à Paris. A peu près de la même époque
est la « Vie et miracles de saint Denis » composée par Yves, moine de
Saint-Denis, et olfert à Philippe le Long vers l'année 1517. La nouveauté
du sujet nous charme dans ces miniatures; les motifs des architectures et
des paysages sont très intéressants. Dans l'ornementation, la feuille
d'épines prédomine toujours. Cette simplicité et cette réserve dans l'or-
nementation des manuscrits parisiens, et même des manuscrits de luxe
royaux, sont d'autant plus frappantes qu'au même moment la province
exécute des œuvres plus riches et plus variées. Citons surtout (piel(pu?s
travaux lorrains, le Pontifical richement illustré, destiné à Benaud de Bar,
évêque de Metz (1502-1510), (Bibliothèque de sir Thomas Brooke, à
LES MINIATURES - LES VITRAUX - LA PELNTURE MURALE 353
Ihiddcrsricld) ; le Bréviaire de \'erdun, exécuté au commencement du
xiv" siècle pour Marguerite de Bar, abbesse de Sainl-lNIaur de \'crdun
(tome I, dans la Coll. Yates Thompson; tome 11, à la Bibl. de A'erdun,
n" 107). Les miniatures de ces manusci'its sont lout à l'ail au niveau des
œuvres parisiennes; elles possèdent en outre des encadrements richement
ornés ; on y introduit les plinthes, les tiges avec feuilles d'épines, et une
foule de petites scènes drolatiques. Des lièvres ou des singes imitent des
actions humaines; les lièvres prennent d'assaut un manoir, font prisonnier
le chasseur, etc. On trouve les mêmes détails au nord, dans un psautier
llamand (Trinily Cloll., Cambridge, B, xi, '22); dans un psautier de l'Artois
(Bibl. nat., lai. I0ir)5); dans la Vie de sainte Benoîte écrite en 17)12 à
Origny (Berlin, Cabinet des Estampes!; dans un manuscrit exécuté en
17)17 par Jean de Limoges (Vérone, Bibl. Cap., cxciv), etc. Un e.xamen
altenlif de ces manuscrits révèle de nombreuses traces de riniluence
anglaise, qui apparaîtra avec plus d'é\idence a]irès la description des
travaux anglais de l'éjioque.
LA Ml-MATCRE AXGLAiSE (de la iin du xiu'' au milieu du xiv' siècle). —
Un manuscrit de 128i montre avec quelle rapidité on se mit, en Angle-
terre, à suivre les modèles français et à inventer ensuite un slyle original.
Le soi-disant Psautier de Tenison (Bril. Mus., Add. 2iG8(i) devait être un
cadeau de noce pour Alphonse, fils d'Edouard 1", qui mourut à onze ans,
peu après ses fiançailles avec Marguerite de Hollande; c'est pourquoi le
psautier est resté inachevé. Dans son ornementation, les motifs du treillis
roman se mêlent aux extrémités des initiales dont les feuilles sont imitées
de la nature. Une foule d'oiseaux, sur les côtés, témoignent d'une obser-
vation pénétrante de la réalité. Toutes sortes de drôleries apparaissent
sur le bord inférieur de l'initiale : une Néréide allaitant son petit; une
chasseresse poursuivant un chevreuil; un chevalier tuant le dragon tandis
que les corbeaux s'abattent déjà sur le cadavre de son cheval. De même
style est le Psautier d'Isabelle, fille de Philippe le Bel, exécuté après le
mariage (1308) d'Isabelle avec Edouard II, roi d'Angleterre (^Munich, Bibl.
royale, ms. franc. 10).
Le chef-d'œuvre anglais de l'époque est incontestablement le Qiieen
Mary s Psalter (Brit. Mus., Royal, 2 B, vu). On l'appelle ainsi parce qu'il
appartint au xvi*" siècle à la reine Marie. On ignore sa destination primi-
tive; il ne peut avoir été exécuté qu'au début du xiv'' siècle. Le nombre
des miniatures révèle déjà le caractère extraordinaire de cette œuvre. Au
commencement, sur soixante-six feuillets peints des deux côtés, une série
de deux cents scènes et plus de l'Ancien Testament, depuis la chute des
Anges jusqu'à la mort de Salomon. Une simple plinthe rouge, garnie de
quelques feuilles imitées de la nature, entoure ces légers dessins à la
plume, où sont posés des lavis à peine teintés de verls, de bruns ou de
T. II. — 45
lilSIOllil'; 1)1'. I.AI'.T
\iolc't.s. Leur chaïaïc \ iciil du inuuvcuiciit des ligures, élégaid cl gracieux
mais toujours animé el expressif; la ieclmiciue est un peu celle du croquis;
c'est celle qui convient le mieux à ces artistes anglais; elle ajoute à l'im-
pression que produisent ces miniatures. Combien la femme de PuLijdiar
est séduisante quand elle veut enjôler Joseph, mais combien insolente
(|uand elle expose à la garde ses plaintes calomniatrices! — Celle sobriété
l'ail bienl(')l jilaci' à une exécution plus l'iclic. Sui\(Mil en efTel cinijuantc-
cinq pages, avant ci dans le psautier, eniièremenl ou en partie couvertes
de miniatures el (pii oui Idides des fonds d'or ou de couleur avec apjiii-
cations. C'est l'histoire de la vie du (Christ depuis l'arbre de Jessé jusqu'au
Jugement dernier. A ce grand cycle s'ajoute, sur le bord intérieur de
cliaque page, une illusli-ai ion
supplémentaire traitée dans la
leclinique légère des scènes de
l'Ancien Testament. Une éton-
nante richesse iconographique
apparaît à nos yeux; nous y
trouvons tout un bestiaire, des
légendes de Saints, des mira-
cles de la \'ierge Marie, la
légende de Théophile, des fa-
I)les; de plus, d'innombrables
si'ènes de genre, idiasscs, jeux,
11.5. i„ii tournois, et des caricatures, des
singes qui luttent, etc.... Bref,
ce seul manuscrit sui'tirail à
donner une excellente idée de
anglaise à celte époque. Très analogue
est une Apocalypse en langue française (Bril. Mus., Royal, 19 B, xv), dont
les miniatures sont dues peut-être à la même main. D'ailleurs, l'Apoca-
lypse es! eiu'ore, au commencemenl du xi\' siècde, h' livre d'images
favori; les plus beaux exemplaii'es ont (■•l('', selon toute \ raiseudjlance,
exécutés en Angleterre. Parmi eux, deux manuscrits très analogues (])od-
léienne. Douce IbiO; Paris, Bibl. nat., lat. lO'wi). Ces deux manuscrits
sont inachevés; mais, dans leur simplicité linéaire, ils possèdent une force
et une grandeur, une énergie d'expression el une aisance de lignes qui les
mettent au rang des chefs-d'œuvre de l'époque.
Depuis le début du xiv' siècle, c'est une école de l'Est (Norfolk,
Suffolk et pays avoisinanls) qui fait faire à la peinture anglaise les plus
grands progrès. Elle produit, en quelques dizaines d'années, jusque vers
le milieu du siècle, une foule de psautiers magnifiques qui, pour peu de
temjjs, occupent le premier rang en Angleterre et même en Europe. Dans
_ av'it taflicttuiftfi)
-t dttcMutiiimi^oitcniiic
3 ^
imoir la Mfnc aie t(4 œœ-SiJrt
c fc rtiams tHS'CDir .lu ftiuun't <ie^
loSïli It liSiM^ aftmct- " ^,
FiG. ii;i. — La femme de Pulipliar.
Psautier de la reine Marie.
(Brilish MiHeuni Royal î E VII.)
l'imporlanee qu'avait la peinlun
I.I'.S MIMATlIiKS LES MTl; AUX I.V l'KlNTriîH Ml |;AI,I-: r.5b
l'iiiiiriucnliilion. le l\]ii' i\f friiillr> tlV'|iiiies disparaîl dans la masse des
(■l(''iiiciils l'ralislrs. doni la \ari(''ir> ri la \i'Til('' \oiil l'ii aiigmciitani . Les
iliuslraliuiis ellcs-inèiiies aljanduiiiieiil la leehuique goUiique eoiivenlion-
iielje ei liiiissenl [lar .s'engager dans une voie toute moderne.
Un chef-d'œuvre ancien de l'école anglaise de l'Est es! un psautier
e.xéeuté dans l'abbaye de Peterborough et qui vint ensuite en la posses-
sion des rois de France (Bruxelles, ms. 9Ù61 !. Chose curieuse, ce psautier
esl iirn<'' d'une grande série d'images typologiques, réunies le plus souvent
par (pialrc sur un même feuillet. Le peintre avait en etTel pour modèle
iiiic série de peintures du xii" siècle, exécutées sur les revers des stalles
du rho'ur à Peterborough cl dont il existe des descriptions. Mais celte
})arli(ularilé iconographique nous intéresse moins que les scènes de genre
iniroduiles dans l'ornementation de ces encadremenis ou sur la partie
des pages laissée m Idanc : scènes de la vie courtoise et galante, prise du
Château d'Amour déh'ndu par des jeunes filles jetant des l'oses. cliexalier
reposant sous un arbre avec sa bien-aimée, etc.
On ne peut fixer le lieu d'origine de la plupart de ces œuvres; elles
ap|iarlenaient le plus souvent à des familles du pays et proviennent en
génc-ral de ces régions. L'une des plus exquises est le Psautier de Robert
de Ormesby (Bodléienne, Douce ."(jUj. Le grand frontispice, sous forme
d'arbre généalogique du Christ, avec un couple à genoux, est encore
ai-eliaïque [)ar rornemenialion, (|ui se comjjose essenliellemeni de tiges
a\ee feuilles d'épines. Il contribue à l'aiic paraîtic |ilus avanci''s les autres
l'ucadrements du manuscrit ; on y lrou\e siu-tout des fleurs et des fruits
d'après nature, et le caprice de l'artiste s'y est librement dépensé, l u
feuillet du Psaume CIX, représente Dieu le Père etJésus-Christ trônant au
milieu des chérubins; dans la bordure, deux cavaliers nus juchés respec-
lixcment sm- un ours et sur un lion se d<''ehirent mutuellement avec rage;
on y \oit aussi de dos un personnage, couvert seulement d'ini manteau,
lièiement camjjé et sonnant de la trompette.
Par la vigueur et la fraîcheur de l'ornementation, le Psautier d'Ûr-
mesby en éclipse un autre qui fut exécuté pour un membre de la famille de
sir \\'illiam Howard ( f L")08), aïeul des ducs de Norfolk (Brit. Mus.,
Arundel 8.") . Mais ce psautier est aujourd'hui relié avec les restes
très importants d'un psautier donné par Robert de Lisle en I.'ÔO, et dont
quelques miniatures sont de premier ordre.
Les tendances picturales qui apparaissent dans le PsautiiM- de Robert
de Lisle, son! plus (''x idenles encore dans les deux chefs-d'a^uvre de
l'école anglaise de l'Lsl. In psautier Douai, ms. 17L donné dans la
seconde moitié du xiv" siècle par Thomas, vicaire de Gorleston (Suffolk),
a été probablement exécuté, de lô'i'i à lâ'io, à Xorwich. Il est encore
dépassé par le psautier de la Collection Yales Thompson, exécuté poui-
5ÔG HISTOIRE DE L'ART
sii' \\'illi;un, éltdjli ;'i MulLarlon (Norfolk), où il niourul vers 1547, ou pour
son lils sir Thomas, niorL en lôCi. Il ressemble à celui de Douai el doit
être plulôL de 1525. Malgré son grand format, il ne contient que de très
petites miniatures, les plus fines qu'on puisse imaginer. On y trouve tous
les éléments du paysage moderne qui seront développés plus tard. A côté
de scènes bibliques, figurent quantité de scènes réalistes. Le propriétaire
du manuscrit et sa femme sont représentés à genoux; plusieurs tètes
donnent l'impression de portraits; toutes sortes de ligures humaines,
d'animaux, de fleurs sont jetés pêle-mêle dans l'encadrement; c'est un vrai
kaléidoscope. Partout la même fraîcheur d'observation. L'artiste met
sa joie à décrire la nature et préfère peut-être les scènes bibliques qui
lui en fournissent l'occasion. Comment ne pas pro))liétiser un grand
avenii' à cet art si plein de sève juvénile? Et pourtant il n'a pas continué
à se développer. On ignore les causes de sa décadence rapide. La forme
s'appauvrit et devient plus grossière. Le Psautier du frère Walther de
Bouceby (Oxford, Bodl., Barlow 'JtJ), montre une ornementation réduite
à quelques grands molifs. Le psautier de sir Geoffrey Louterell of Irnham
(Lulworlh Castle Library), exécuté peu avant 15i0, est caracléristitpie
sous ce rapport. L'ornementalion est encore plus dure, j)lus }iauvre île
formes; les scènes drolatiques ont quelque chose de lourd, malgré la fan-
taisie effrayante qui^ le peintre déploie dans ses monstres.... Mais la grande
époque de la peinture anglaise est passée ; elle ne recommence qu'à la fin
du siècle, sous l'inlluence des Pays-Bas, de la France et de la Bohème.
/.i MiNiATUitE FHAXrAiSE (de ïù'iO à 1550). — C'est en France que nous
retrouvons le fil qui nous conduira jusqu'au xiv" el au xv' siècle. Avant
d'analyser le slyle de cetle période, jetons un coup d'd'il d'ensemble sur
les travaux qu'il nous faut ici étudier. Par un heureux hasard, nous pou-
vons leur rattacher une série de noms célèbres. Ce n'est pas qu'on puisse
établir en toute certitude l'individualilé de chaque artiste; mais on peut
relier le slyle d'un atelier déterminé à un nom déterminé. La plus grande
personnalilé de l'école parisienne nous parait être Jean Pucelle. Nous
savons qu'entre 1519 el I5'2i il dessina le Sceau de la Fraternité de Sainl-
Jacqucs-aux-Pèlerins, à Paris. Il exécuta en 1527 la Bible latine copiée
par Robert de Billyng (Bibl. nat., lat. 1 1955). Pucelle y travaille en colla-
boration avec Anciau de Cens (ou Cens) et Jacques Maci, et il faut
renoncer à délimiter sa part personnelle. Mais on peut espérer le reti'ouver
dans les Hcurcx de l'iuellc, lilre qu'un catalogue de Jean de Berry donne à
un petit volume (aujourd'hui en la possession de Mme Adolphe de Holh-
schild). Nous retrouvons Pucelle pour la quatrième fois dans une noie
marginale du Bréviaire de Belleville (Bibl. nat., lat. 10485-84). Il dirigea
l'exécution du livre; il avait pour collaliorateurs Mahiet Ancelet et J. Che-
vrier, qui avaient travaillé à la Bible de 1527. A ces œuvres authentiques
ILLUSTRATION DU PSAUME CIX
PSAUTIER DE ROBERT DE ORÎ^ESBY
(Bodléienne. Douce 366)
Histoire a^lAi-t, Il PI IV
Librairie Annand Colin, Pans
LES MINIATURES — LES VITHAUX - LA PEINTURE MURALE 557
de Pucellc el de son école d'autres se ratlaclient par les analogies de style
et par les liens de parenté entre ceux qui les ont commandées. Cet art est
en relations étroites avec la cour de France (Heures attribuées à Jeanne
de Savoy, mariée à Jean III, duc de Bretagne; Coll. de Mme Jacquemart-
André. — Heures de Blanche de Bourgogne (f lôiS), mariée à Edouard,
comte de Savoie, détruites en 190i dans lincendie de la Bihl. de Turin. —
Heures de Jeanne II de France, reine de Navarre; Coll. Yates Thompson.
— Heures de sa bru Yolande de Flandre; môme collection. — Bréviaire
de Jeanne d'Evreux, femme de Charles IV, roi de France et de Navarre).
Cette énumération montre l'importance du livre d'Heures et le désir
qu'avaient les princesses alliées à la cour de France de posséder un livre
de Pucelle ou de sa manière. Ce fait nous permet, le plus souvent, de
dater exactement ces livres; la grande période de l'école de Pucelle va de
Id'JT jusque vers lôùO. D'autres œuvres sont plus rares; citons un Missel
(Bibl. de l'Arsenal, n" (iOS^ et surtout une o-uvre des plus exquises : Le
licrc (les mh'ach's de XuliT-Dainc, mis en vers par Gautier de Coincy (Bibl.
du Séminaire de Soissons'.
Le style de l'école de Pucellc se comjiosc d'élémenls (li\(M's. Il est
évident. Iiiul d'abord. (pi il (•(inlinucrn ni'MK'Tn! la tradition pai'isieniic; s(^s
préférences \ont vers l'art id(''alisl(', tel qu'il se constitu(^ à la lin du
xiii'' siècle : on cherche à réaliser la gràci\ l'aisance, l'harmonie, la tl(''Iica-
tesse dans les figures, dans le coloris cl dans la draperie. Un réalisme
vigoureux ne peut naturellement se concilier avec ces tendances; dans
les tètes seules, on tolère plus de force cl d'originalité, mais on emprunte
ces qualités moins à l'observation de la nature qu'à l'imitation des mo-
dèles italiens. Dès que les artistes s'éloignent du type conventionnel de
beauté, ils montrent un talent vigoureux dans le portrait (frontispice
des Actes du Procès de Robert d'Artois, 1552; Bibl. nat., franc. 18457).
Le réalisme ne s'affirme avec plus de liberté que dans l'ornementation
des encadrements. Image, initiale et texte sont entourés d'un encadre-
iiiiiil composé de plinthes très étroites d'où partent de minces liges avec
feuilles d'épines. Cet entrelacement de tiges peut s'éiiaissii- juscpi'à enfer-
mer la page en une sorte de haie; la [plupart du temps, il esl très lâche
et laisse de grands vides pour les scènes drolatiques; on aime surtout
les animaux d'après nature, oiseaux, singes, papillons, libellules, entre-
mêlés de formes humaines et de monstres. Sur le bord inférieur on
voit, à l'occasion, quehpies scènes de genre, par exemple un joueur de
cornemuse et d(,' tandjour (|ui l'ail danser des }iaysans. lui g(''néral, la
partie ornementale de ces nianuscrils est sobre, comparée à la richesse
débordante du r(''alisnie cl des (li("deries de l'école anglaise; mais il faut
aduu'tlre que les artistes français oui transformé à leiii- nianière les
modèles anglais.
5'is iiiM()ii;i. m-; i.Airr
()ii pourrait donc dire (|ii Cn son rssmrç I ('•colr de l'iicrllr d('\Ldo|i[M'
les (M(''nienls (|lic lui avaicnl Iransuiis la peinliii-c anylo-l'ranraisc au déluil
du xiv' sirclc. Mais celle analyse n"a pas encore épuisé les ]iarlicularilés de
celle ('-cole. Les portes du Paradis, dans le caleudiier, nous oflrenl une
archiieclure étrange, gotlii(}ue sans doute en ses formes générales, mais
1res dilVérente de celle des psautiers de saint Louis, et, ])Our tout dire,
lic;iui'()up moins purement française. A celle diilV'rcnce des lormes s'ajoute
celle du Iravail. Tout dalioi'd, une inuo\alioii : ou observe la lumière cl
les omiii'es, le conlrasle enli'c la \ i\c clai'h'' du soleil et l'omhre la plus
(■■|)aisse; on sent partout l'inlenlion de ci'éer des (eu\res plastiques, de
distinguer nettement la face antérieure et celle des côtés, le côté inférieur
cl le c(")té su})érieur. Si imparfaite que soit cette tentât i\e. elle prou\e
(pidn se fait une repré.sentalion nouvelle del'espace. Enlin, dans (pn-lques
di'lails (1 ird(''i'icur (scène de l'Annoncialiou , on reconnaît 1 arcliilecluic
delà |teinlure italienne du Trecento. Les illusli-ations des <■ Mira(des de
.\olre-l lame " en sont la meilleure [)reu\e. (In y IrouNc miMue la vue
d'une \ille, que tlomine une tour d'iièilel de \ille analogue au l'ala/,/.o
\ Vccliio de Florence.
Aulanl le (■araclère italien tic ces architectures e^l (Aidi/nl et leur pro-
grès rapide, aulanl il est diflicile de montrer une (■■voluli(jn parallèle dans
les paysages. Tout d'ahord, la repr(''sentation du paysage est très i-es-
Ireinte, parce (pie, nous inclinons à le croire, le |ieinlre a\ail une prédi-
lection singulière à peindre les tapissei-ics de fond. Le paysage a\i'c
horizon et atmosphère ne fait pas encore son apj)urition. Même le ])aysage
vert de montagnes, la coUiiu' herbeuse l)ordée de hêtres, es! encore rare.
DansiuK,' représeidaliou du ( ihrist au lombeau. les terrasses de piei-re,
connue toute la composilion. soni (A idenuneid iiiiil(''es de modèles
ilali(.'iis.
La transforuuition \i(ilenle qui pousse la peinture hors des ornières
tlu Moyen Age et la met en conlacl avec Tari antique el moderne, ne s'est
donc pas produite en deçà des Alpes. Nous avons montré plus haut que
l'art gothique avait pour lui l'observation parfaite du détail et la reproduc-
tion fidèle des objets, mais qu'il n'était pas allé jusqu'à aborder le pro-
blème de l'espace. Par contre, nous avons dit ailleurs que l'influence
byzantine atleinl,à l'occasion, à une représentation véridique de l'espace.
Là est la clef du problème. La peinture nouvelle est issue de rinlluencc
byzantine, mais sur le sol italien, ^"crs la fin du xiii" siècle, elle com-
mence sa marche triomphale au delà des Alpes.
Le problème de l'influence italienne sur la miniature septentrionale
présente de grandes dilïicullés. .Jusqu'où remontent les inlluences ? Oui
les transmet? Déjà l'exécution des scènes drolatiques et des figures de
l'encadrement subit peut-être l'influence italienne peu après PJ'iO. Les
i.i.s MiNiATiiiKS i.i:s \ iTi'.Ai X \.\ PKixi ri;i: MiliAi.r. :,;.'..
Iraiisloniialiims tlii coloiis cl de la Iccliiiiqiie, à la lin tlu sircle, l'uni
penser aussi à l'innuence ilaliennc; niais les changements décisils ame-
nés par elle ne se pruduiseni (pie vers \7t'2h. Lexil des papes à Avignon
a-l-il Iransmis celle influenci', comme on l'a si souveni al'firmé ? Pour
l'époque de lô'ià, bien avant la grandeaclivilc artistique d'un Benoît XII
el d'un (llément VI, ce n'est pas très évident; nous savons du reste que
des pi'iiil les ilalirns, antérieurement, a^•ail■nl lra\'aillé à la cour de l'ranri' ;
l'Iiilippc. Jean lii/.uli, Nicolas Mars sont, dès I3()1-, payés conniii' /i/r/orcs-
miis cl gardent longhMiips celle situation. Clelte exjtlication sui'lil d'aulaul
mieux que l'inlluence des miniatui-isles italiens esl heauctiup moins cii
cause que celle des peintres.
L'école de Pucelle dure jusque vers lemilieudu xiv'sièclc. Alors cdui-
uiencc la période nouvelle, pendant latpielle li' réalisme du nord. repr(''-
senté siu-loul par les artistes llamands à Paris. l'cm|iorla.
La miniature allemande depuis la fin du XII' jusqu'au milieu du XIV siècle.
LA \ Il TOIRI: lit: >'/ 17./: LIY/AMI.\ KT l..\ l'ÉNÉTBATlOS iJh /.M/;/ i.iil lllijl I
i:\ M.i.hMMLXf. — Le moment décisif dans l'évolution de la peiidui-e alle-
mande au \nf siècle est celui de la furie inlluence liy/aidiiie. fille
triomphe des anciens styles, arrèle l'exjiansion de l'arl golliiqui'. Les le
xii" siècle, on la voit se propager surtout dans le sud. le nord ((uiser-
vant encore son originalité. De ll!)0 à LJIKI. fait curieux, le laldeau
change complètement. Dans le nord, hruscpie luplure avec le slyle liadi-
lionnel. au profil de l'inlluence byzantine; mais cette transfornialion n'esl
pas une manifeslation superficielle: elle s'explique par le besoin inlinie
de renouveler les formes arlisli(|ues, pai' cette conviction cpie le style
lourd el contraint usité jusqu'alors ne répondait plus aux exigenies de
l'art moderne. C'est ainsi ([ue, tout en comprenant bien la valeur de la
peinlure b\7.anline comme modèle à suivre, on sait l'iiiiilei' a\ec origi-
nalité.
Les minialui'es allemandes du xii" siècle n'(''laieul pas pour donner
l'impression de cette li-ansfornialioii juiissanlc <|ui ailleurs piiM-iMla la
naissance de l'art golliicpu'. N'oiii (pie. brusquement, ce désir ai'dcid d un
idéal artistique nouveau [U'cnd forme. L n phénomène, dont on peul di-coii-
vrir les traces dans la ])ériode de transition, a])paraît au grand jour, l ne
\ie nouvelle >e nianifc-^lc dans li's ligui'cs; la draperii' s'anime par de-,
moyens arlilicicls ; le>. contours s'agitent, les étolfes se cassenl. de-,
franges ilotlent an vent. Mais ce slyle à la fois figé et inipiicl, n'est jias un
phénomène Iransiloire. La simplilii-a! ion, qui serait pour lui le salul. ne
se produit pas: ildevienl loujoui-- plus surchargé, uiaiii(''i-('' cl baidipie.
IllSTOlItl': 1)K LAlîT
(Ja coiui>li(iuc les lormcs à plaisir el l'on olioulil aux résultats les plus
étranges. L'évolution en Allemagne s'arrête, comme celle de l'Angleterre.
Elle se termine par l'acceptation pure et simple de l'art gothique français.
Ce qui donne à lait allemand de cette époque son caractère propre,
c'est l'imitation fidèle de l'art byzantin. Elle n'est pas facile à expliquer.
Il ne peut être question d'une infiltration progressive des éléments byzan-
tins; la |)einlure monumentale s'en ins|.ire autant que la miniature. L'iiis-
ioire générale de l'art peut seule
ici nous éclairer. Le xii' et le
xni' siècle sont l'époque où l'art
moyen-byzantin triomphe en Ita-
lie, au moment où les empereurs
allemands, vers la fin du xiT siè-
cle, comme héritiers des Nor-
mands, transportent leur rési-
dence dans l'Italie méridionale,
c'est-à-dire dans un domaine co-
lonial de l'art byzantin. Les im-
pulsions qui vinrent de là ont
été aussi fortes que rintluence
des croisades.
La patrie du style nouveau
est la Saxe. A la fin du xii' siècle
appartiennent encore deux œu-
vres de transition: deux évangé-
liaircs (Wolfcnbùttel, Ilcrzogl.
Bibl., llelmst. Gi>; et Trêves,
Domschalz, iV2, provenant de
Paderborn) dont le premier porte
la date de 1194. Le premier ma-
nuscrit daté de la peinture nou-
velle est le Lihclliia de consecralluuc o'isinalis écrit parle chapelain de Mag-
debourg, Henri de Jerichow, en 1214 (Magdebourg, Domgymnasium, 152).
A peu près au même moment, le style nouveau a produit ses chefs-
d'œuvre : les Psautiers d'IIermann de Thuringe (f 1217). Fait caractéris-
tique, la plupart de ces œuvres sont des psautiers : le livre de prières de
la noble dame est, à partir de ce moment, en Allemagne comme en Angle-
terre, l'œuvre la plus distinguée qui puisse être confiée au miniaturiste.
Le plus ancien des psautiers d'IIermann esta Stuttgart (Hofbibl., Bibl.,
in-f°, 24). Outre un calendrier avec les douze Apôtres, il contient une série
de scènes du Nouveau Testament. Partout, imitation fidèle des modèles
byzantins, mais celte imitation est bien loin d'égaler le modèle; l'ascé-
I'k.. 'Jn.'!. — liaptumc du Cliiisl.
Miiii.ilui'c du [isautier d'IIermann de Thuringe.
(SUrttgarl, Horbilil.)
LES MINIATURES — LES VITliAlX — LA PEINTURE MURALE
-)CI
lisiiic des visages esl exagéré, la draperie est déliguréc par l'aceuimdalion
et le coiitournenient des plis. Parmi les scènes du Nouveau Testament, le
l>a])lème du Christ se rapproche le plus des modèles byzantins; mais le
ty|)e iconographique n'est même pas ici purement byzantin. Si la distri-
bution et le mouvement des figures est à peu près concordant, tout ce
qui, dans le modèle byzantin, exprime un certain sentiment de la profon-
ilcur el de l'espace, a dis-
l)aru dans la co})ie : les
montagnes deviennent un
bloc de rocher; le peintre
occidental ne comprend
rien à une conception de
l'illustration si différente
delà sienne. Dans l'icono-
graphie, il innove sou-
\ent. (l'est dans ce ma-
nuscrit que l'on trouM'
pour la })remière fois uni'
Crucifixion avec les trois
clous. Dans la représenta-
tion de la Descente aux
limlies, des influences an-
glaises se manifestenl.
Cette influence fut trans-
mise peut-être par le ma-
riage anglais d'Henri Ir
Lion el l'éducation an-
glaise de son fils Othon.
Cette hypothèse, si elle
est juste, fait comprendre
a\cc |ilus de facilité,
poiu'quoi c'est précisé-
ment dans le livre de
jH-ières princier que l'in-
iluence anglaise est le plus sensible. Le Livre de prières de sainte l'Elisa-
beth, l)elle-fille du landgrave llermann, en est la meilleure preuve (musée
de Cividale). Il est laen plus richement illustré que celui de Stuttgart ; la
répartition des illustrations trahit clairement l'influence anglaise. Le style
en est aussi plus libre, plus aisé el ])lus original.
Nous n'avons pas ici à énumérei- la foule des œuvres qui se groupent
autour des Psautiers d'Hermann ni à poursuivre dans toutes ses ramifica-
tions les évolutions de cette école, l'ail curieux, vers le milieu du xiii'' siè-
T. II. — iO
ilixi.iii, Miiiialuiv du .Mia,cl de SriiicUo.
(Ualberstadt, Domgj'mnasium. 114.)
1IIS!(HI;I-: I»!' I.AI'.T
cet ® TMtudxaum v otiim «mToiuieto
num une t,i.ni.mYir:-lvvUnt-<oda<te
de. une aoiiv rllr iii\iisii)ii du slylr l>y/;iiil iii se l'jiil sciilir d;ms l;i |M'inture
s:i\()nM(\ au moiiieiil (lii il smililail (luVlle se lïil assiniih-, fii le nolionali-
sanl,(i' (iii'cllc lui avait cmprunlr. L'ne porsonnaliti- arlislique rcmar-
qualilc iloil a\(iir provoqué celle lévolulion. Nous uo la connaissons pas;
citons seulement, les deux cliel's-d'(euvre : le [.ivre (FEvangilcs de riiùtcl
de ville à Goslai-, et le Missel du prévôt du chapitre Semeko d'Ilalberstadl
(Domgymnasiuni, I l 'i i. Les deux inanuscrils sont tout à t'ait occiden-
tauxdnnslcurorneinenlation ; ils ne trahissent en l'ien la copie proprement
dite de minialures hyzantines; cl cejxMidanl, ils sont si imj)réi;nés d'in-
lluence byzantine qu'on a voulu attri-
liuer l'évangéliairc de Goslar à un pein-
tre byzantin. Il ne peut évidemment en
être question. Mais son auteur doit avoir
vécu dans un centre d'art byzantin et
avoir sucé la moelle de l'esthétique
byzantine. Ce n'est plus, en un sens, un
Occidental; il brise les limites de la
conception que l'Occident se faisait de
l'interprétation île l'espace; le premier,
il essaie de représenter la perspective,
(le premier progi'és aurait jui marquer
pour la peinture allemande une sorte de
renaissance, si ce maître avait été com-
pris et avait eu des successeurs. Mais il
n'en fut pas ainsi. On ne retrouvera plus
le sentiment profond de ses miniatures,
le mouvement expressif et gracieux de
ses figures. Par contre, un de ses d(''rauls
sera conservé et jouera un rôle impor-
tant : c'est rirdrodurli(jn dans le vêtement de la surcharge et de l'agila-
tidu. Le style saxon se transforme, se met à aimer la minutie, tombe dans
le maniérisme. Ces masses de plis s'écroulant en cascades se raidissent
chez les successeurs, qui remplacent la fmesse des sentiments par la
grossièreté paysanne. Il en résulte des caricatures aussi compliquées que
sèches; toutes les grandes conquêtes qu'avait faites l'étrange maître sont
perdues.
Dans la région du Bas-lîhin, les manuscrits illustrés sonl rares au
xiii' siècle; une industrie des livres d'heures, comme celle delà Saxe,n y a
jam;us existé. Les travaux im|)oi-t;nits datent du milieu du xin' siècle. Le
plus intéressant est une copie de la Chronique Hoyale de Cologne prove-
nant d'Aix-la-Chapelle (Bruxelles, ms. 4(37). Ce sont des tables généalo-
giques et des portraits d'empereurs ; exécutés à la gouache, ils révèlent
I-ic. :ir,7. — Miiiinliii-r .liiii.- lîil.le
de la réyiou du Bas-Hliin.
(Derlin, Bibl. roy., Tli.'.jlng, 1,
Li:.S MIMATUIŒS - LES VITHAUX - LA PELNTrP.t; MUHALE
un sens délicat de la couleur. Le slyle a les mêmes surcharges et la
même agitation qu'en Saxe, mais il n"est pas aussi anguleux et saccadé;
il a plutôt une grandeur et un élan qui conviennent fort bien aux portraits
d'empereur. Très analogue est une Bible (Bibl. roy. de Berlin, TIk'oI. hiL.
in-P, 579), dont les illustrations avec leurs contours très simpliliés ri leur
vigoureux élan rappellent l'art gothique.
U: STYLE DU Xlll' SU-CIJ: DAXS f.À nAUTE-AIXI-}IAUX/:. ~Toiû\c.xif sicdc,
dans le sud de l'Alleuiagne, est dominé par la lutte entre le style national
et le slyle byzantin, entre le dessin à la plume et la gouache. En l"2<M), le
slyle byzantin l'emporte partout;
on voit apparaître en même temps,
comme dans le nord, une certaine
agitation. Mais la particularité la
})lus originale du style saxon, les
plis cassés de la draperie, ne se
rencontre pas ici tout d'abord et ne
pénètre qu'au cours du xui'" siècle,
sous l'influence du nord.
Un groupe de manuscrits illu--
Irés nous permet de suivre celle
('•Noiulion (lu slyli'. (Jn 1rs a long-
temps, mais à lort. allriliués à un
seul artiste, le moine (lonrad de
Scheyern; en réalih'. diu\ ariisles
au moins de ce nom ont dû tra-
vailler dans le cloître de la IlauL-
lîavière. L'abbé Conrad i l'20()-l'2'i:i
lit copier par le moine Conrad un
Matutinal qui fut richement décoré
de dessins à la plume et au lavis
sur fond de couleur. De grands tableaux apocalyptiques précèdent un
long cycle d'illustrations qui traite la légende de P'aust et celle de Théo-
|iliilc. Le slyle esl parlni> in(''i:al. Dans les tableaux apocalyptiques, il a
de la grandeur et de IV'Ian: il suil ici d'excellents modèles. Dans la
légende de Théophile, p:ii- eonlre, ce style riche et solennel na|ipaiail
pas avec la même pureté. Le vêtement est bien plus primitif, le dessin des
figures est moins correct; mais ces défauts sont compensés par de
grandes qualités. Le style est plus original, rexpres>iuii plus indépen-
dante des formes conventionnelles. L'artiste laisse liliru cours à ses
senlimenU personnels. Les personnages, par la mimicpie et le geste, foid
de \rais monologues: c'est, par exemple, l'abbesse enceinle cpii. dans
son angoi>.s<'. demande secours à la shdue de la .Madoni': e'e.sl Théophile
Liiibloire <iii moine Théophile,
il II Maluliiial île lahbé Conrad..
(MuniolK Clm. niiii.)
3(ii HISTOIRE DE L'ART
repoussé ([ui, plein de raiicuiic cL médilanl une vengeance, csL assis dans
sa cellule. De tels clicfs-d"œuvrc d'expression compensent largement les
pertes faites pour la magnificence de la forme.
Ce n'est pas par l'effet du hasard que le peintre de Scheyern déploie
des qualités si surprenantes dans l'illustration d'un thème nouveau. La
poésie de l'époque, on peut le dire avec certitude, a exercé sur la peinture
une inlluence féconde. Dans les manuscrits enluminés des poèmes, on peut
signaler les mêmes faiblesses et les mêmes qualités : technique facile,
souvent grande négligence d'exécution et absence de style; mais, d'autre
part, admirable vivacité et profondeur psychologique. D'une bizarrerie
étonnante dans leurs erreurs de dessin, mais d'un effet saisissant, sont
les illustrations de VÈnridc de Henri de Veldecke (Berlin, Bibl. roy., ms.
germ., in-f", 282), ou celles, plus soignées, du « Licl von der Marjcl » de
Wcrner von Tcgernsee (Berlin, ms. germ., in-8°, 109).
Le peintre du Matutinal de Scheyein trouva dans son cloître un suc-
cesseur : le moine Conrad qui, en 1241, dans une de ses pièces capitales,
la Mater vcrburum (Munich, CIm. ITi-O.")), a laissé un catalogue de ses
œuvres. D'après une note de ce catalogue, Conrad a achevé le Matutinal.
Celui-ci conlienl, en elTi'l, plusieurs illustrations li'ès différentes des pré-
cédentes : une ^Madone de Majesté, saint Nicolas et saint Pierre, les
patrons de Scheyern, les fêtes principales de la vie de Marie. Au point
de vue du style, toutes ces illustrations sont en grand progrès.
C'est le style anguleux du xui" siècle, fortement imprégné de byzan-
tinisme, que nous trouvons en Bavière avant 1241. En Bavière, les tra-
vaux les plus remarquables sont des dessins à la plume. Pendant ce
temps, dans l'Allemagne du Sud, dans la Franconie, se constitue une
école qui produit d'élégants manuscrits de luxe sous l'influence thuringo-
saxonne. Le conflit entre les styles méridionaux et les styles du nord
apparaît ici en un exemple frappant : un psautier de la Bibliothèque de
Bamberg (A, II, 47), qui, très probablement, a été exécuté à Bamberg au
commencement du xni" siècle. Les meilleures illustrations de ce manu-
scrit révèlent toutes une influence byzantine; mais, comparées avec les
Psautiers d'Ilermann de Thuringe, les formes ont plus d'aisance et de
rondeur; la technique est plus souple, plus picturale; bref, la note carac-
téristique du style saxon, la raideur et la dureté, est absente. L'analogie
avec les tableaux apocalyptiques de l'alibé Conrad de Scheyern est évi-
dente. Le peintre du psautier de Bamlterg, on ne sait pourquoi, a laissé
son o'uvre inachevée; un aulre arlisie y a ajouté une illustration ci |ilu-
sieurs initiales avec ligures. Le Jugement dernier révèle un style ({ui
ressemble absolument au style saxon. Nous avons ici le produit d'une
école très analogue, mais qu'il faut nettement distinguer; elle a son siège
en Franconie, à Wurzbourg, à Bamberg, à Eichstatt. Ses œuvres sont,
LES MIMATURKS ^ LES VITRAUX - LA PEINTURE MURALE
".05
pour la plupart, des psaufiers. Cette école a eu sa grande période vers
1250; ses artistes ont été en relation directe, sans doute, avec les cloîtres
des ordres mendiants, surtout des Dominicains. La Bible de l'2i() en est la
preuve; elle fut exécutée aux frais de l'abbé d'un couvent de Bénédictins à
Sainl-Burchard pour le cloître des Dominicains à ^^'urzbourg (Universi-
talsbibl., Bibl. in-f°, max., fl). Sur le frontispice, un moine à genoux, Ilnin-
ricus piclor, présente la Bible
à saint Dominique. Dans plu- ^
sieurs psautiers, saint Fran-
çois et saint Dominique sont
représentés sous la croix dans
la scène de la Crucifixion ; en
face d'eux, la Mater Dolorosa
percée d'une épéc, innova-
tion iconographique inédite
à cette époque (Maihingen,
l,î2.Lat.in-8», (iet 1,2. Lat.
in-i", 21 . Les ordres men-
diantsont donc exercé ici une
iniluencc artistique. Mais,
fait curieux, une série de ces
manuscrits, y comiiris la
Bible, montrent des particu-
larités qui ne s'expliquent
que par l'influence française.
Les Dominicains peuvent-ils
l'avoir transmise? Etant don-
nées les relationsétroites que
cet ordre avait avec l'Univer-
sité de Paris et liiiipoilanci^
fpi'il attribuait aux textes éta-
blis à Paris, cette hypothèse
n'est ]ias invraisemblablr.
L'école de Franconi(; a ilonc prcs(pic, dans ses premiers chefs-
d'œuvre, les tendances byzantines des Psautiers d"IIermann,ipi()i([ue ses
(]'U\res paraissent lii(Mi plus récentes. Cildus, comme exemples pi'inci-
|i;ui\, une sc'mIc dr niiiiialures (Brit. Mus,. Add. i7()87) et les Psautiers di'
Maihingen 1 1. 'J. Lat. in-i", 25 et 2i i. L'inlluence française est évidente dans
le psautier de Munich l'Clm. .'')!)0()\ don! les initiales rappellent encore la
lîilile (le ll'lti. All\ >ei''iie> de la \'\r i\\\ ('.liri-,1 >'n|i|Hi>enl ici de gi'andes
pages orn(''es. doiil les iiiiliales renrernieiil rillusiraliou littérale, (pii
caraclérise les jisaulii'i's français. L'eiiIrelaeenienI des tiges est de forme
Miniature ilu Psaiitior de Miinidi.
ôlifi
lIISTOlIiL: DK LAUT
bizarre; il esl L'iilieiiirlL' de noiiiI)reus('s ligures d'iioiiimes cL d'animaux.
Élégance et luxe, raflinenienl extrême de la technique et du goût dans
la décoration du manuscrit, tel esl le Lut que poursuit et atteint l'école
franciciue. En même temps, elle maintient les types traditionnels, les
by/.anlinismcs; elle ne tente pas de transformer les illustrations avec ori-
liinalilé. Depuis l'I'A) environ se l'ait partout sentir le besoin plus intense
d'une conccplioii nouxelie et plus oi'igiiiidc dr la miniature; on veut par-
tout en approfondir le contenu
émotionnel. L'innovation dccettc
dernière pliase du style roman
esl, avant tout, l'introduction
dans les scènes bibliques de
divers traits qui les rendent plus
jirofondément humaines. La Ma-
done a sans doute jjcaucoup
perdu de sa grandeur ecclésias-
tique, le type byzantin du Christ
subsiste sans doute en ses traits
foudamenlaux; mais la cheve-
lure s'agrandit; les Jjoucles
gagnent en magnidcence. Aux
perruques et aux barbes liou-
cli'cs avec exagération, corres-
|Mind le style surchargé, ])ajiil-
hilant, du vêtement; les con-
tours cl surlout les in(''\ itables
fianges pendantes semblent zig-
zaguer comme des éclairs. Le
maniérisme l'emporte.
Le chef-d'œuvre de ce style
est le Livre d'Evangiles de
Mayence (Aschall'enbuurg, n" ."), un des manuscrits illustrés les plus
luxueux de la lin du Moyen .\ge, écrit tout en or. Le lyrisme du ton, la
délicatesse du sentiment, voilà ce qui s'y ex}irime le mieux. .\u manuscrit
d'Aschatîenbourg, qui par l'ornementation des initiales traiiil l'inlluence
française, se rattachent de nombreuses œuvres de la Haute-Allemagne.
La plus riche est un psautier de Besançon (Ms. 54), exécuté dans un
cloître cistercien par une nonne. L'introduction se compose de seize
miniatures couxrant la page et représentant la vie du Christ; elles
sont peintes à la gouache sur fond d'or, entourées d'une frise de feuilles
aux formes gothiques; on y a ajouté, peu après, un cycle aussi étendu en
dessins au lavis. Le style se rapproche du manu.scrit d'Aschaffenboui'g;
Miniature du psautier de Besau
{Bi-saiinm, n)s. 5V|
.r fi^
I.KS MINIATURES - LES MITiAlX - I.A FM-INI CliK MlliAl.i: .'i;7
mais l'c'lémenl Laroquc est ici plus aii}iarciil. Il s'expriiiir siirloul parla
richesse des compositions; la siiri'acc csl remplie juscpic ilans les euiiis
extrêmes, soit par des figures très animées, soit par des paysages, soit
par des figures de remplissage : des anges descendant du ciel, par exemple.
Le vêtement est toujours raide et surchargé; de lourdes perruques
couvrent les têtes. Malgré ces exagérations, nous sommes en présence
d'un beau talent ai'tisti(pie, qui sait expi'imer lamour le j)lus tendre et le
})lus profond comme la douleur tragique. A les considérer de plus jurs,
ces tètes révèlent une étonnante observation de la r('-alilé. un aluniddii
complet des types conventionnels. (Jn cioit voir ici les déhuls de lail au
xv'' siècle.
Les œuvres de style analogue sont très nombreuses dans rAllemagne
du Sud-Est. Les pièces capitales sont, avec un livre d'Evangiles du cloître
llidienwart (Munich, CIm. 758i), la Bible de Kremsmiinster, exécutée
sous l'abbé Frédéric d'Aich ( 1275-1 ô^ù) et un lectionnairc à Berlin lîibl.
roy., Tbeol. lat., in-f°, 52). Les initiales, tout en gardant les formes idiiianiN
du contour, y sont remplies de feuillage à la gothique. Cette ])énétralion
de formes n gothiques » dans la luinialure " romane » devait nécessaii'c-
nuMit se faire, puisque l'archileelure et la seuljilure s'iMaieiil depuis buig-
tcnqis modernisées, et cela qu;nul inèmc les (euvrcs de la niiniaiure fran-
çaise n'auraient pas été connues. In dédoublement se protluil alors dans
l'évolution; en certains endroits, où de notables Mécènes établissent le
contact avec la France, on adopte complètement le style français; ailleurs,
on se contente de moderniser les traditions ou d'imiter extérieurement
les modèles français. Mais l'élégance et la grâce courtoise n'étaient point
lefail des artistes allemands. En outre, jusqu'à l'empereurCbarles l\', une
cour fait défaut en Allemagne, et, avec elle, un centre d'art.
b'ail caractéristique : ([uaiid la minialurc française pénèti'c en Alle-
magne, les livres d'Heures et les liturgies de luxe restent rares; c'esl
pourtant par eux que le style nouveau s'est propagé. L'objet principal (pie
se propose la miniature allemande depuis la lin du xui' siècle est plutôt
l'illustration de chroniques, de livres de droit, de romans, de recueils de
poésies, etc. Elle ne pouvait donc uliliser directement les modèles fran-
çais. Dans toutes ces œuvres, le sujet de l'illustration est bien plus inté-
ressant que sa forme. Une production abondante de technique grossière
et négligée, qui a tous les caractères d'un mélicr, suffit aux besoins. Il
en est de même pour les sujets moraux, très aimés en Allemagne, qu'ollVe
la littérature religieuse. Les maiiusi lils de la " Biblia pau})eiiini '• en son!
un exemple, si l'on peut appeliT noux elles ce> illustrai ions (pii ivunisseiil
une scène de la vie de Jésus avec deux mod/'les de l'Ancien TeslaiiienI cl
quatre passages des Prophélies; elles s'expli(iuent, au fond, par les cycles
du xii" siècle. Depuis la fin du xiii% ces séries d'illuslrations sont liés
')G8
HISTOIRE DE L'ART
nombreuses. Des sujets analogues, mais plus riches de contenu, se trou-
vent clans l'illustration du Spccuhim humanri> sdli'iillDiiis cl de la Conror-
daulitt carilalis. Cette dernière nous oITre la collection la plus complète
des symboles et des types du Moyen Age. Tous ces manuscrits sont illus-
trés en dessins à la })lume, parfois colories.
Nous nous contenterons de caractériser l'évolulion de la minia-
ture dans les diverses pro-
yf{ y/ ^ , vinces par l'étude de quel-
ques exemples seulement.
Dans les pays du Rhin et
de la Moselle, le plus an-
cien manuscrit daté est la
Bible que le chapelain Sy-
mon acheva, en 1281, à
Mayence. Sa valeur est
plus historique qu'artis-
tique ; l'imitation française
est évidente, mais la tech-
nique rappelle plutôt les
œuvres françaises d'avant
1250 (Coblence, Gymnasial-
bibl., n°' 2-5). Bien supé-
rieures sont les œuvres du
Minorité Jean de Yalken-
burg (1299) : un Graduel
à Cologne (Erzbischôfl.
Muséum) et un autre
à Bonn (Universitatsbibl.,
S, 58 i). Tout est français
dans ces manuscrits : le
style, la lcchnique,l(' colo-
ris; mais partout une cer-
taine lourdeur fait obstacle
• Ofiiiiîti (1)1 6\vùv ttriirnoMftr-
I
l'ii.ii 11,1V,. i„ii
FiG. 271. — Voyage à Home de reinjicreur Henri \ll,
frèi-e de Baldouiii, arclievèiiue de Trêves.
au charme des œuvres françaises (voir le Missel de Priim à la Bibl. roy.
de Berlin, Theol. lat., in-f", 271). Un bibliophile comme l'archevêque Bau-
douin de Trêves (1507-54) n'avait pas de meilleurs artistes à sa disposi-
tion. Si amusantes que soient les drôleries de son bréviaire (Coblence,
Gymnasialbibl., God. A.), il est encore bien loin des manuscrits de
l'évêque de Metz, Reinald von Bar. Les peintres de Baudouin ont, par
contre, laissé un autre document fort intéressant, la série des illustra-
tions qui ornent le voyage à Rome de l'empereur Henri VII, frère de
Baudouin. On y voit, reproduites avec tout le réalisme dont un artiste de
IJ:s .MINIATl'IŒS — LES VITI'.AUX — LA PEINTUliE Ml l!AI.
(^AVW.^ liva-tvvtc;
colle épuqiK' ('■laiL c;i|);il)k', suixaiilc-lrcizc scènes du voyaye à Hume, en
dessins à la j)liime el au lavis. Le récit vivant, l'exactilude arcliéulugique
avec laquelle les objets extérieurs sont rendus, compensent assez bien le
maigre talent du dessinateur; plusieurs de ses compositions prouvent
qu'il connaît la manière nouvelle dont l'art italien représente l'espace.
Plus à l'Est, l'inlkience de la miniature française se fait sentir un peu
|ilus lard (pie sur le liliin. En Saxe on exécute, vers l'iT'i, une série de
psautiers qui transforment à peine l'ancien style en adoptant quelques
motifs gothiques (psautier de Magdebourg daté de l'27(i; Metz, Coll.
Salis, o."i. Vers lôOO, on imite un peu partout les modèles fiançais.
Bien plus intéressantes sont les
Oîuvrcs jiroi'anes di^ l'arl lluiringo-
saxon. ^'ers la lin du siècle apparaît
l'illustration du << Sachsenspiegel »,
exécutée probablement près de Meissen
(vers l'iflO). Parmi les quatre manuscrits
conservés, le plus ancien est à llcidid-
berg ((i87. Cod. Pal. Germ., \{\i); il
apparlientau commencenienl du xi\' siè-
cle; le plus récent ajipartient au hoi-
sième quart du siècle. Dans tous ces
manuscrits, une colonne d'illustrations
devait toujours accompagner une co-
lonne du texte. Dans le manuscrit le
mieux conservé (Dresde, M. 52, vers
I "),")()), il n'y a p;is moins de neuf cenl
vingt-quatre colonnes illustrées. Celle
abondance prouve déjà que l'élément
artistique devait passer au second plan et que l'on voulait surtout illus-
trer et éclaircir le texte. C'est donc le geste qui fait l'intérêt principal de
ces miniaturt^s; un artiste ne craint pas de donner quatre mains à un
])ersonnage pour mieux expliquer le texte qu'il a mission d'illuslrei-.
L'illusli-alion de la Chronique saxonne a plus de charme; nous en
avons consei-vé Irois exenqtlaires. Ce n'est [jas un livre d'images, mais
une illiislralinn du lexle (pi'un parsème de nombreuses peliles \igneiles.
L'exemplaire le pins ancien el le plus beau est celui de Golha i('.od. i,
!)()), de la lin du xiii siècle. L'illustration traite l'histoire ancienne et
s'arrête au momeni oii le lexle se rapproche de l'histoire conlenqiorainc;
mais ces héros de l'anlicpiilé se vêtent, agissent et se meuvcni comme les
contemporains. Marcus Curlius, (|ui se précipite tians l'abime, es! un
chevalier cuirassé ([ui s'élance dans la gueule de l'Enl'ei-. IJrcf, dans ces
histoires de; rantic|uité, l'artiste ne représente que son lenqis.
T. II. — 17
^retii
FiG. m. — Marcus Curlius.
alure de la Chronique Universelle.
(Gùlha, Coll. I. 90.)
HISTOIRE DE L'ART
Les manuscriLs illustrés de })uèuies profanes sont rares dans celle
éc-ole. Le chef-d'œuvre esl le » Willielm von Oranse » qu'Henri de liesse
m exéculer en \7)7y'i ((^assel, SUend. Landesbibliolliek). La décoralion en
esl loule française. C/esl l'œuvre de deux collaLoraleurs (jui sonl de valeur
égale. Technique, élégance du dessin, draperie peuvent ici se incsurer
nver les modèles français. L'exiu-ession vive du récit se fait surloul valoir
dans les sujets inléressanls. C'est le charme des sujets qui donne sa valeur
au groupe haut-allemand des manuscrits des Minnesœnger (manuscril de
Weingarlen à Stuttgart, Ilofbibl., Poel. Germ., 1; et avant tout le soi-
disant manuscrit île Manesse, à Ileidelbergj. Tous deux ont été probaljle-
ment exécutés })rès de Constance ou de Zurich; ils imitent les mêmes
modèles (fin du xiirel couimiMicemeul du xiv' s.).
Ce sont des jiortrails de }ioètes qui se iranfor-
mcnt en tableaux de mœurs empruntés à la vie
courtoise et chevaleresque de l'époque. Ils com-
mencent par les poètes impériaux; les autres
suivent d'après la hiérarchie. Tournois, chasses,
jeux, voyages, aventures galantes, tels sont les
sujets. Le roi Conradin est à la chasse au fau-
con; le duc Henri de Breslau reçoit de belles
mains de femme le prix du comljat. Les ilélails
extérieurs sont très bien observés; c'esl un
tableau de l'époque, aux couleurs magnifiques; il
évoque en nous l'état d'âme romantique qui fait
le fond de ces poèmes; mais ces illustrations ne
nous saisissent pas aussi i'orlement ipie celles
du xui" siècle.
On ne peut sui\i'e en détail et par étapes la
|)énétration en Allemagne de l'art gothique et de la miniature française. Il
semble plutôt que celle-ci ait pénétré de très bonne heure à l'extrémité
orientale, en Bohème. La Bohème était faite pour jouer, ilans l'Allemagne
de cette époque, un grand rôle politique et civilisateur. Au xiii'' siècle, la
jilupart des manuscrits illustrés sont ici en relation étroite avec l'Alle-
magne, surtout avec l'art thuringo-saxon. Dans un psautier d'une déco-
ration luxuriante (Collection Yates Thompson, n" 08), apparaît l'inOuence
de la Haute-Italie; de là un mélange de styles bizarre. Au commencement
du xiv'' siècle appartiennent plusieurs groupes de manuscrits illustrés,
exécutés sur commande de la maison royale de Bohème, qui imileni
tous des modèles français : par exemple les manuscrits apparlenani au
cloître de nonnes cisterciennes de Mariensaal à Altbriinn ; la soi disani
« Velislaw-Bibel », à Prague (Bibl. du Prince Lobkovitzj, une des plus
vastes Bibles imagées de l'époque; le passionnai de la juincesse Cuné-
FiG. 275. — MiniuLui'c
(riin manuscrit des Minttesi
(Sliiltgarl, Dil.l. rov., Poel. gn
I.i;s MIMATinKS I.KS VITHAIX LA PlilMini': Mir.AM'; Tnl
gonde Prague, Univcrsil. Bihl.. xiv, A, 17). En oiilrc, apparail en
Boliéine une forte influence ilalirnm^: un lucA iaii'e de Raigern ( l~)i'2), par
exemple, a été exécuté d"a}irès une liililr ihdienne. Os di\erses inlluinices
n'ont pas créé en Bohême un ^lylr uiiilVu'nic (Test seulement sous
(iliarles I\', au moment où l'art franco-italien pénétra en Boln'me, (|u'une
période toute nouvelle commence pour l'art bohémien.
LA PEINÏUIŒ SUR VEUHE ET LA PEINTLHE MLUALE
LA PEINTURE SUR VERRE EN FRANCE'
Li:s virii.vLix m xm" siècle. — Difficulté de cette étude. — Au
Ml' sirclc, la rareté des verrières étail une difficulté; au xiii'", leur nombre
devient un embarras. Si l'on songe que la plupart de ces vitraux n'uni pas
(le dates certaines, el que leurs auteurs sont inconnus, qu'il est presque
impossible, par conséquent, d'établir des séries cbronologiques rigou-
reusi^sel de grou|)er les œuvres en écoles, on sentira combien une pareille
élude est malaisée. Jus(iu"à présent les li\res ([ui ont été pidiliés en
b'i-ance ou à l'étranger sur ce sujet sont de simples catalogues, l.'llislnlic
(le 1(1 pcinliiyc sur verre de ^L Ferdinand de Lasteyrie est assurément un
ouxrage très méritoire, mais il ne faut pas cberclicr dans un livre com-
mencé en \S7\h des vues d'ensemble el un système. M. de Lasteyrie a fait
ce que le temps demandait : il a dit où se trouvaient les vitraux du
xm' siècle el il les a décrits. Voyager à travers la France à la recberchc
de nos anciennes verrières, savoir en comprendre les sujets, les dessiner,
n'était pas alors un si mince mérite. Aujourd'bui on a le droit de demander
davantage à l'bistorien de l'art. Seul, un Anglais, Westlake, dans un livre
intitulé : A liislortj of deskjn in pauilcd glass, qui a paru à Londres il y a
vingt-cinq ans, a su faire autre chose qu'une description. Le premier, il
a entrevu des rapports. Il aura le mérite d'avoir montré que les vitraux
des cathédrales anglaises sont presque tous français d'origine.
Mais ce qui empêchera longtemps encore d'écrire l'histoire du vitrail,
c'est le petit nombre des reproductions. Les comparaisons, qui sont
si fécondes, sont actuellement difficiles, souvent impossibles. On a beau
voyager lapidement, courir de Chartres à Boui'ges, de Bourges à Lyon,
de Tours à Poitiers, on a beau passer des heures devant les originaux, on
note tout, sauf telle particularité qui étaitune marque d'origine. Il faudrait
avoir sans cesse sous les yeux, dans un Corpus bien fait, tous les vitraux
de France, el ce Curpus n'existe pas. La photographie des couleurs rendra
un jour, espérons-le, la tâche de l'historien plus facile
Essayons, toutefois, en utilisant les recueils, encore si insuffisants, de
]\Iartin et Cahier, de Hucher, de Marchand, de mettre en ordre quelques
idées, dont plusieurs seront de simples liy|M(llirs(s.
L'ECOLE DE CHARTBES. — L'écoli' de peinture sur verre, issue de
1. l'ar M. L'iiiile Mâle.
LES MIMATU1U:S — LES NlTIiAlX — LA l'LlXTL lili .MURALE
S;iiiil-Denis, dont nous avons retrouvé les œuvres à Chartres, au Mans,
à ^'endôme, à York, à Angers, à Poitiers, dut sépanouir |)leineuieiil dans
les dernières années du xii" siècle, à Notre-Dame de Paris. On sait que
Notre-Dame fut commencée en H63, et nous apprenons par Lcviel que les
fenêtres du chœur étaient déco-
rées de verrières du xii^ siècle.
On nous dit même que l'une
d'elles avait été donnée par Su-
ger : précieux détail qui nous
laisse assez deviner à quelle école
s'étaient formés les maîtres ver-
riers de Paris. Pendant les der-
nières années du xii" siècle, ils
eiii'enl à garnii' ilr \ilrau\ les
fcni'lres de la nd, ci il est pro-
lialilc que de cette grande entre-
prise, la plus vaste qu'on eût
encore vue, sortit un art nou-
veau, ('/est sans aucun doute à
Paris qu'il faudrait chercher les
origines du ^ itrail du xni'' siècle,
tel qu'il nous apparaît à Chartres.
Malheureusement tout a disparu,
et Notre-Dame ne possède pas
un seul fragment de vitrail qui
se rapporte à cette première épo-
que. Perte irréparable! Un chaî-
non nous manque et nous man-
ipicra toujours. Nous ne saurons
jamais par (lueilcs li'ansitions
insensibles le \itrail du \n' siècle
est devenu celui du xm' .
Au dt''liul ihi Mil' siècle, il
n y a\ail [>Ius rien à l'aire pour
les verriers à Notre-Dame : mais
les fours qui s'éteignent à Paris se rallument à Chartres. Pendant
près d'un demi-siècle, l'atelier de Chartres fut le plus actif de la
France entière et il semble même que, durant les premières années, il
ait été le seul. C'est vraisemblablement aux environs de i'210 que l'on
commence à mclhe en place les vitraux d(> la nef et du chiiMir de
Chartres. C'est à celle dale que Philippe Auguste vint à Chartres, et
entendit la messe dans la caihédrale : ce qui laisse supposer que quelques
Nili'Mil de tlharlcningiic. Iraj'inent.
(nhartre.?).
."71 IIISTOIIU-: DK LAHT
I'cikMics ;iii moins (lc\;iiriil (Mi'c closes. Imi l'iK), le carliiliiirc siiiiialr la
iiiori (In (•lian< rlicr iîohril de Bérou, (|ui, de son \'ivanl. a\aiL l'ail
placi'i- une Ncrririe où il riait rcprésenlé el (|ne l'on voit encore anjonr-
d'hui. Mais, à C.liailres, il l'allul l'aire lanl de vitraux, que cette o'uvrr
inuncnse demanda bien des annres. Le vitrail du chœur où se voit, saint
Louis ne |i<nl ('■Ire aidéricnr à \"2'li>, d celui où Ferdinand de C.aslille
s'étail l'ail r('|ir(''scnlci- a\('C sa seconde l'cninie .leanne de I)anunai-|in ne
ponvail remonh^' plus liaul (pu' L2."7. Il se peul (pie les derniers \ilrau\
.lien! r\r jk(S(''S peu de leinps a\anl la d(''dicace, (pii eut lieu en l'Jlill.
A ers l'JlO, quand les maîtres ^(•rriers comnienccrent à ch'^corer la
(•alli(''(lrale de Chartres, ils étaient enc(M(' Ion! pr^^nctrc^s des tiadilions de
la vieille ('■eole (le Sainl-Denis. .le n'en \cii\ pas d'aidre preu\c (pie le
vitrail de ( diarleuuigiie et de Holand, (pii se xoit dans le d(''andiidaloire de
(diarires. IMusieuis ni(''daillons sont exactement copi(''s d'apr/'s un \itrail
de Saiid-Denis, doni le P. Montlaucon nous a laissé des dessins. A
(lliarires, |iar e.\enq)le, la prise de Panipelune |iar Charlemagne n'offre
aucune dillerenee avec la prise de Nicée par les croisés du vitrail de
Saint-Denis. L(^s cartons des artistes du tenqis de Sugcr étaient donc
eneoi'e, ai)r(''s soixante-dix ans, conservés avec soin et iniil(''s. Preuxc nou-
\clle de r(''lonnanle puissance de rayonnenuMd de celle anli(|ue (''cole.
11 sendde (pi'au (h'^hul du xiii'' si('cl(\ les verriers de (lliarlics aieni
('■l('' les seuls gardiens de l'ai't de la peinture sur \"erre. En loul cas, ils
lurent |iour leur temps ce (pie les \crriei's de Suger avaient (''lé pour-
l'âge précédent: des initiateurs et des maîtres. Les pi-eiives aliondenl. Il
y a à Chartres, dans le bas côté de gauclu^, un Aitrail consaci('' à la
l(''gen(le de saint Luslaclie. Or, si l'on coin[)arc les beaux rinceaux de
l'euillages (pii courent entre les iU(''daillons, et luènie la composilion de
certains m(''daillons, avec ce (|u du \oil dans un \ il rail de Sens, égalemenl
consacre à saint Kustache, on sera ti-a|)pé de la ressemblance. ]\hiis ce
qui étonnera daxanlage, c'(^st de voir (pie les nK'Mues rinceaux décoratifs
se i-elrou\ent à (lanlorbéry dans un \itrail consaer('' à saini Tlunnas.
('•vèfpu'. Un trouve également à (Iharlres, à Sens, à (Janloi'b(''ry el à Lin-
coln (les vitraux ou fragments (h^ vitraux consacrés à saint Thomas de
('aidoiii(''ry. Suivant M. W'esllake, (pii les a étudiés de près, ces vitraux
(illreiii de lelles ressemblances (pidn est obligé d'admettre qu'ils ont une
origine commune. Mais (pii nous prouve (pi'ils \ ienneni Ions de Charti'cs'.'
Assurénu'ul, jiour rpidn soil aiiiein'' à admelire (pie ('.liailres l'ut le grand
atelier du eomilieneemeiil du MU' sii''ele, il l'aill encore d'aulres preUNCs.
Il y a à la callK'Mliale de lîouen un \iliail consaci('' à l'iiisloire de .losepli,
(pii a les plus grandes analogies de style avec un des \iiraux de (Iharlies.
(>!•, pai- une bonne fortune unicpie, le \ilrail de pKUien est signé, et il se
l louve justement que son auteur est un verrier de Chartres nonuué
i.i;s Mi,MATnii:s - i,i:s vniiAix - la i'hintibi-: mi:i',ai,i-. .";.
Clriiieiil : Clcmcns vHrariiis Caniolciisis. N'uilà un ai'guuK'iil ([iii IV'i-a
rrllrchir.
Mais il <'a r.sl iraulres encore. A Canlorlx'rv, dans la cliapelle de la
Trinité, un vitrail a exactement la même armalurc .[u un \ilrail de Char-
tres : particularité qui ne peut pas être due à une simple coïncidence.
Dans cette même cathédrale de Cantorbéry, les grandes fioures qui déco-
Fi<;. 'l''i. — LrgeiiiJc tk' ti.iiiil Kii-Uu-lic i|ii'iMiiiri-e iiaili<'i; xili'uil ilc (.lliaiLr(
reni lis verrières des IVnèlrcs haules soni de la même l'amille (|ue celles
(Mii se soieni dans h's gi'andes teiKMres (hi ehii'urdi' (iharires. M. W esl-
lake rapproche, non sans l'aison, le Daniel de Charlres de l'Isaïe de C.an-
lnrli(''l'\.
La pleuve nie send>le l'aile puui- l' Auglelerre. .le crois (pi'on peut la
laii'e aiis>i pour la l''i-aiice. Il y a à (Iharires un \ilrail célèhre lualheu-
reusement mnlih-i, cpii repri'senle le l'oilemenl de croix, la i'assion et
l'Ascension, enlourés de ligures symlioliques (Muprunl(''es à l'Ancien Tesla-
menl. Or, îles vitraux absolument ideulitpies, cl ipii >e ressend)lenl juxpie
HISTOIRE DH L'ART
dniis les plus peLiLs dcLails, se voient à Bourges, à Tours el au Mans, .le
ne doule pas (pie le Niirail de
Cliaiires ne soil le prololype,
car il se rattache lui-même à
lin des vitraux symboliques de
Saint-Denis composé par Sn-
ger. Un aulie vilrail de (Hiar-
trcs, d'une comjiosition très
savante, est consacré à la para-
bole du Bon Samaritain, accom-
|iagnée de son commentaire
lli(''ol()gi(pie. A vCAr d'un nu''-
daillon repr(''senlanl !(■ voya-
geur d(''p()uill('' par des voleurs,
«m \()it Adam et Uve chassés
du I^u-adis terrestre. A côté
d nu ini'dailion (pii nous mon-
liT le \(»yagi'nr conduit dans
luie iiiMellerie pal' le lion Sa-
maritain, ou \(iit .lésus-( ihrisi
mourant sur la croix, (i est
(pi'en elTet, pour les Pères de
l'Eglise, l'histoire du voyageur
de la parabole est l'histoire
même de l'humanité, perdue
par Adam, et sauvée par .lésus-
(ihrist. Or, ce vitrail de Char-
tres, dont la composition est
si originale, se retrouve iden-
tique à Sens, à Bourges et à
Rouen, .l'ajoute qu'il tigurait
aussi à Cantorbéry, comme le
prouve une ancienne descrip-
tion. Les raitports entre Char-
tres et Bourges sont particu-
lièrement frappants. Le vitrai!
de l'Enfant prodigue de Char-
tres, sans être absolument
semblable à celui de Ikmrges,
offre avec lui de remarquables
analogies : la bordure est la
même, et cerlaines scènes (le (ils demandant au père sa part d héri-
— l^ai'abole du Bon SaiiiuiiUiin,
vitrail de Sens.
(D'après Cahier el Marliii.)
I.ES MIMATURIiS — I.r.S VITRAUX — LA PEINTURr: MURALE "il
tage, le père remettant au tils de l'argent el une c()up(^) sont iden-
tiques. Et ce qui semble prouver que le vitrail de Chartres est le
plus ancien, c'est que le fond, au lieu d'être occupé, comme à Bourges,
par cette mosa'ique banale qui sera à la
mode pendant la plus grande partie du
xm'" siècle, est encore décoré de beaux
rinceaux suivant l'ancienne tradition.
D'autre part, il est dinicile de n'être
pas frappé de l'analogie que présentent
les grandes figures des fenêtres hautes
à Chartres et à Bourges. A Chartres,
par exemple, le vitrail, où l'on voit h'
prophète Jérémic portant lévangéliste
saint Luc, a exactement la même bor-
tlure que le vitrail de Bourges consacré
à saint .lean-Baplîste. Si on veut encoie
examiner, à Chartres et à Bourges, la
dis})osition très particulière que les
\rrricrs ont donnée aux pieds de leurs
granils personnagi^s isolés, on restera
persuadé que ces artistes apparlenaieni
à la même école
(Jue faut-il conclure de là, sinon
qu'aux environs de l'JlO il n'y avait
encore dans le nord de la France (ju'un
grand atelier de peinture sur verre,
celui de Chartres.' Pour expliquer les
analogies que nous venons de signaler,
on a à choisir entre deux hypothèses :
ou bien les vitraux de Bourges, de
Tours, du Mans, de Sens, de Bouen, de
Cantorbéry, de Lincoln ont été fabriqués
à Chartres et expédiés tout pi-éls à élrc
montés; — ou bien tics verriei's de
Chartres sont venus (■r(''er des aleliei-s
de peinture sur verre au])rès de ces
gi'andes cathédrales, et y ont a|ip()rl(''
non seulement les pi'océdi'-s mais encore les cai-l(iiis qui iMaicnl en nsai^c à
Chartres. D'ailleurs, on [)eul, suivant les cas, adopter l'une ou l'aniic
liy})olhèse. Il est possible, par exemple, qu'à Tours où, an coniniencenienl
du xm" siècle, il n'y avait à garnir de vitraux que les fenêtres des cha-
pelles absidales, on se soit contenté de faire venir les verrières toutes
■ Is;iie porlaiil saint Malh
(Chai-U-es).
iisTdiKi'; m-; l'ais'I"
prèles de Cliarlii's' : mais un adun'llra [lUis voluiilicrs qu'à la calliédrak'
de Bourges, conleinpoi'ainc de cidlc de (lliarlres, où vers 1220 il y avait à
vilrer de nombreuses t'enètics, ou ail cru devoir faire venir uu maître
\ (Trier de Chartres.
Huoi qu'il en soit, on voit quelle iielle école d'art a été au commence-
ment du xm" siècle la cathédrale de Chartres. Ses savants chanoines pro-
posaient aux ar-
tistes les sujets
de ces vitraux
symboli((ues (pu
devaiciil i''ii('
adopli's par quel-
(pies - uucs des
iirandescalln'Mlra-
les de la France
et de l'étranger;
et ses maîtres
^■erriers, déposi-
taires des tradi-
tions du passé,
inqjosaient par-
tout leur (echni-
(pie. C'est à ( Ihar-
I l'i's (pie le \ il lail
l'il l'aspect qu'il
de\ait conserver
pendant au moins
cinquante ans; et
c'est l'influence
de Chartres qui
explique l'unifor-
nuté de style (pu se remanpie dans les vitraux de la première partie du
MU'' siècle.
UNE ÉCOLE LOCALE : LYON. — Tous les nouveaux ateliers créés pai-
des artistes chartrains conservèrent donc longtemps les traditions de
Chartres. J'avoue ne pas voir en ([uoi les vitraux île Bourges, par exemple,
ceux de Laon, ou les plus anciens vitraux de Sens, de Tours et du Mans
diffèrent de ceux de Chartres. Un atelier cependant, celui de Lyou, sut
L'arder une sorte d'originalité. L'école de peinture sur verre de Lyon n'est
1. La même chose a dû se passée an Maii^ yxniv les vilcaiix des IViièU'cs alisidales.
Les dimensions avaient élé mal données, el. iinaal on plaça les verrière-, il lallul ■^uppiimer
les ((Ordures el même entamer le fond.
MnrI. de
II)';.
sainl .leaii, viii-iil de L
I.i:S MlMAll'RKS — l.i:S NITHAL'X - LA l'I'IM'lRK MinAI.!':
nssiiriMuenl pjis iiuliii'èiie : les premiers lunilrcs des verriers lyonnais
viniaienl du Nord. 11 y a entre les vilraiix de Sens et ceux de Lyon des
ressemblances qui ne peuvent être l'eiTel du hasard. A Sens, le vitrail de
rKnfanI prodigue a la même bordure et le même dessin de médaillons ipic
le vitrail de saint Etienne, à Lyon. Oui dit Sens dit Chartres. L'école de
Lyon a donc, croyons-nous, la même origine que toutes les autres : hypo-
thèse qui paraî-
tra encore [il us
vraisemblable
si Ton songe
(pie li's ^itl•au\
de Lyon M)nl
loid à l'ait con-
temporains de
ceux de Char-
tres. Les textes
du cartulaire
nous appren-
nent, en etïel.
(pie les vitraux
du chevet (le la
cathédrale de
Lyon ont été
donnés par des
chanoines (pii
faisaient partie
du chapitre un
peu a\ an! un un
peu après L2'20.
Instruits par
les \erriers de
la France du Nord, les artistes de Lyon adoptèrent leurs couleurs, leni>
ornements, leur teclini(pie; mais ils surent conser\er dans la dis|i()sili()i
des scènes et dans l'iconographie leurs vieilles traditions. Ces tradition-
sont toutes byzantines. Saint Jean, par exemple, est représenté plusieui>
l'ois avec toute sa barbe, suivant la piali(pi(^ iisib'M' en (hienl. Dans h
scène de l'.Vnnoncialion, la Vierge a un fuseau à la main, et. dans h
scène de la Nativité, elle est couchée sur un matelas, comme dans |e-
miniatures grecques. La Hésurrection de La/.are est con('ue suivant une
formule que nous montre, en (irèce, une des belles fresqMe-~ de Mi^lra
reproduites par ^I. ^ pernian. L;i rose du nord montre des liustes d'anges
inscrits dans des méilaillons (|ui sont des copies d'émaux liyzantins.
l'ii;. '279. — L'Aniiuncialioii. vilr,'iil de I.
5S0 HISTOIRE DE L'ART
I/;ilr]ipr de Lyon no fui donc pas complclcnicnl conquis: il n'accepta
]Kis loiis les p.ilions venus de Chartres et resta fidèle aux pratiques
anciennes. Tout l'Est de la F'rancc et certaines régions du INlidi — nous
l'avons déjà dit dans le chapitre consacre à la fresque (voir t. 1, p. 77S-7.SI i
— avaient été pénétres par l'art byzantin. On en a une pi'cuve de plus
à Lyon. C'est ainsi qu'en s'obstinant à rester fidèles au passé, les verriers
lyonnais donnèrent h leurs vitraux un accent qui les distingua de tous
ceux du même temps.
Les vitr.\ux ue la seconde moitié du xiif siècle. — Vers le milieu
du xiiT siècle, le principal atelier de peinture sur verre n'est plus à Char-
tres, luiiis à Paris. De LilO à l^CiO, en elïet, les maîtres verriers de Paris
tirent pieu\<" d'iuie activité étonnante. En l'iiS, la Sainte-Chapelle l'ut
garnie de ses vitraux. Il est prol)aI)le que le jour île la consécration
(15 avril PiiiS), les quinze immenses verrières (les plus grandes qu'on eût
encore vues), qui représentent tout l'Ancien Testament, étaient presque
toutes en place. Un peu plus tard, la belle chapelle de la Vierge qui s'éle-
vait dans l'enceinte de l'abbaye de Saint-Gcrmain-des-Prcs, et l'église
al)liafiale elle-même furent garnies de vitraux dont on peut voir mainte-
nant quebpies pauvres restes dans la chapelle du clionir. Puis il fallut
vitrer les nouveaux transepts de Notre-Dame de Paris, dont l'un, celui du
midi, porte la signature de Jean de Chelles, avec la date de PJÔ7. Ces
roses de Paris, qui ont I") mètres 50 centimètres de diamètre et qui sont
divisées en quatre-vingt-cinq compartiments, étaient, en ce genre,
l'ieuvre la plus extraordinaire qu'on eût entreprise. Je ne parle pas des
très nombreuses églises de Paris et des environs, abbatiales ou parois-
siales, qui reçurent alors ces innombrables verrières dont l'abbé Lebeuf
a pu voir encore quelques restes au xv!!!"" siècle.
C'est donc très probablement à Paris que le vitrail du xiiT siècle s'est
transformé et a pris l'aspect que nous lui voyons jusqu'à la fin du siècle.
Avouons que ces changements ne furent pas heureux. Assurément les
couleurs restèrent harmonieuses, mais l'abus du violet attrista certains
vitraux. Ce violet naissait de l'opposition d'un treillis rouge et d'un fond
bleu; car les artistes ne prenaient plus la peine de dessiner entre les mé-
daillons ces beaux rinceaux de feuillages qui s'enlèvent en couleurs variées
sur le fond bleu des vitraux du xif et du commencement du xiu'' siècle :
une mosaïipie faite de barres rouges hachant un fond bleu leur suffisait.
En rnèuie temps, les larges bordures décoratives, que les artistes de la
vieille école dessinaient avec amour, disparaissent : une fleur, une tour
de Castille, une crosse d'évêque, un maigre feuillage indéfiniment répétés
formeront désormais le cadre modeste du vitrail. La bordure des médail-
lons s'appauvrit également : elle se réduit à un cercle rouge borde d'un
I,F:S MINIATURKS — LES VITHAUX - LA TEINTITRE MURALE 581
]is('i('' l)l;uic. Le sérieux profond, la conscience des anciens maîtres res-
pcclueux de leur art et de la maison de Dieu, ne se relrouvenl plus au
même degré : on sent la liàte fiévreuse de praticiens obliges de beaucoup
produire en peu de temps. Ces défauts, d'ailleurs, ne deviennent sensibles
(]u'aprcs un examen minutieux. L'œil qui n'analyse pas reste cbarmé. Les
vitraux de la Sainte-Cbapclle seront toujours pour le grand public les
plus beaux du moyen âge. Oui pourrait avoir le courage, au milieu de
cette Jérusalem céleste bâtie en pierres précieuses, de faire le critique et
de relever des faiblesses de détail? Les deux grandes roses de Notre-Dame
de Paris auront toujours le même privilège. Quand, au sortir de l'ombre
des nefs, on se trouve devant ces deux grandes fleurs de deuil, éblouis-
santes et tristes, on ne peut qu'admirer. \'iollct-le-Duc raconte que dans
sa première enfance on le porta un jour à Notre-Dame; quand il fut dans
le transept, au moment où il levait les yeux vers les verrières, l'orgue se
mit à jouer; et, plein d'épouvante et d'admiration, il crut que c'étaient ces
grandes roses qui chantaient. Charmante erreur d'enfant, et erreur pleine
de sens. Elle prouve que les plus simples sentent l'harmonie de ces belles
couleurs, qui ne peuvent se comparer qu'à une belle musique.
Linnui'iicc (1rs alcliers parisiens du milieu du xiii" siècle se reconnaît
dans les vitraux ipii ornent cpielques-unes des églises des régions voisines.
(Ju'il me suffise de citer la grande rose de la cathédrale de Soissons
consacrée à la Vierge. Sa parenté avec celles de Notre-Dame de Paris se
manifeste au premier coup d'œiL Mais l'artiste, pour réchauffer le violet,
qui en est la couleur dominante, a bordé les compartiments d'un liseré
jaune. Il est impossible d'avoir un sentiment plus juste de rojiposition
des couleurs.
Mais les o'uvres des verriers jiarisiens se retrouvent beaucoup plus
loin encore. Je crois qu'on peut leur attribuer sans crainte les vitraux qui
ornent les chapelles absidalcs de la cathédrale de Clermont-Ferrand. On
veut que ces vitraux soient un présent de saint Louis, qui vint k Clermont
deux fois, en l'iM et en 1202 : et, de fait, les verrières d'une des chapelles,
celle de la Vierge, ont reçu un semis de fieurs de lis et de tours de Cas-
tille. Tout semble prouver que les vitraux ont été fabriqués à Paris et
envoyés à Clermont. Dans la disposition des médaillons, dans la manière
(il' traitei- 1rs fonds, et jusque dans le dessin mesquin des bordures, on
reconnaît l'école qui a crée les vitraux de la Sainte-Chapelle. Mêmes
défauts dans le détail, mêmes qualités dans l'ensemble. Comme à la
Sainte-Chapelle l'artiste s'est peu soucié qu'on pût déchiffrer les légendes
qu'il raconte; mais il a voulu faire une mosaïque éblouissante qui pétille
au soleil. Ce qui aclièxc de rendre confus les vitraux de Clermont, c'est
(|ue l'arniature en est très maladi-oile : rarement elle dessine les contours
des ni(''daillons et souscnt elle les coupe en diiix. Il est (■sidcnl (pir les
r.si> iiisToiiii': dp; i.Airr
oiivi-ici's (le ( iliMiiioiil i{iii l'urriil rli;ii'ii<''s de inclirccn |il;ici' les \ilr:iii.\
^•(•IHls (le l'jiris n'iix ;iifiil ]iiis I'IkiIiiI udc de ci' i^oiirc de lr;i\;ul : ils s'en
tu-quillrrenl l'orl mal, cl inulliiiliricid ^aucliciurnl 1rs liaiTcs dr IVr an
(loiriment de In clarlr
N'crs le iiirini' l(Mii|(s, les l'ciKMrcs liaules de la calliédrale dr l'oiirs
i-i'c('\aii'nl IciM-s \ ci-rirrcs. L'd'inrc est trop considéi-alde |)<iiir (|u'()ii
puisse rallriliiicr à un alclier juuisien. Mais ce doni on ne prui d((uliT,
(•"esl (pie les ^('^^ie^s de Toufs naieiil eu eonnaissancc des modes
iiouxcllcs el des prali(pu's expédiii\rs l'amilirres aux arlisles de Paris.
J.cs ^il^au\ de Tours sont postérieurs dune douzaine données à ceux
de la Sainle-Cliapcllc. Le cliœur de Tours, terminé en \2^)i, semble
avdir él('' \\\vi- aux cm irons de l'2(10. Imi elTet, un \itrail a été donn('> |>ar
.lac(pies de (iuérande, év("'(pie de Nantes, dont lépiscopat a duré de l'idO à
1270; un aidre porte les armes de \ incent de Pirmil, évèipie de Toiiis,
<pii occupa le sicii'e épiscojial de l'JT)? à P270. L'iidliuMice de la Sainic-
Clunicllc se reconnaît ;'i celte parliculai'ili'- (pie les hautes feiKMres du
cliienr de Tours, au lieu d'("'tre occupées par de grandes figures isolées,
sont rem])lies par des médaillons légendaires. Une telle disposition des
\ilraii\ dans le (lioMir est }u-es(pie sans exemjdc dans nos autres calli('-
drales. Il faut y \(>ir le désir d imiter ce (pii avait si Iden réussi à la
Sainti^-Chapelle. L"idée cependant n"(^st pas ti(''s lieureuse. A la Saiide-
Cliapelle, les petits méilaillons qui s'étagcnt sur les hautes lancettes sont
d'un très bon effet, parce qu'ils sont à l'échelle du vaisseau, en parfaite
harmonie avec ses dimensions. 11 n'en est pas de même à Tours, oi!i les
petits compartiments des vitraux (plus grands cependant qu'à la Sainte-
Chapelle) ne sont pas d'accor'd a\ ce les vastes pi'oportions du elKeiir.
Soyons juste cependani : les sujets h'^gendaires de ces grands vitraux sont
assez clairement or(loiiiii''s, pour (|u avec un peu de patience on jiuisse les
déchiffrer du bas. Ouant à la couleur, elle est charmante. Le malin, par
un beau soleil d'été, quand les orcs-boutants jettent sur les verrières de
grandes omljres bleues, le ( h(eur de Tours apparaît comme une merveille
d'art. La tonalité n'est pas la même qu'à la Sainte-Chapelle. Le jaune qui
se mêle au rouge et au l)leu donne à certains vitraux une riche couleur
d or. 1) autres, à gauche, ont un doux rayonnement d'argenl.
Contemporains des verrières de Tours et même peiil-étre un peu
antérieurs, les vitraux qui garnissent les fenêtres du chœur de la cathédrale
du Mans ont le même caractère. Nous avons dit que les vitraux des cha-
pelles absidales de la cathédrale du Mans (détruits en partie par les pro-
testants) dataient presque tous du commencement du xiii' si(''cle. Ceux
des fenêtres du chonir sont postérieurs cl furent mis en ])lace eidre
l'.TjOet 12(i(l. L'un d'eux, en elfet, fut donné par le chanoine Philip})e le
iSomain, (pie le cartulaiic mentionne jiour la dernière fois en l^ô."); un
i.i;s \iiM \Ti'i!i:s - i.i;s \ iTr.Aix la I'i;i\ ii m: \ii hai.i:
aiilrr lui oll'cri |i:ir Ic-
vèqiie Geoirroy de Loii-
ilon qui occupa le siruc
(In Mans iusi|U('ii I '2'.)'.t.
Un troisic'uie, donnr j)ar
les vignerons, doit ètic
de l'J.M. Nous sa\<ins.
(Ml cIlVI, (|n';'i celle (laie
r(''\("-(|ue (ieollVov (!('-
|ila(,;a les reli(|ues de
saint .Inlieii, el (|n Cn
in('nnoire de celle (■(■•i('-
rnonio Ions les corjis
de ni(''liei-s (l(inii(''i'enl
des l()r(dies à la catli(''-
drale. Les vignenins
lirenl seuls exceplion :
(' au lieu de donner des
nambeanx (|iii ne Ini-
raienl (|unn leiM|is, dil
un \ieil liisloiien, ils
ddlUK'Tcid des \ilres
((ni |i()i'leraienl loujours
la luuiid're dans cette
('•glise ». Si plusieurs
vitraux dn Mans siml
anlérieuis à ceux de
'lours, d'anti'es soni
vraiseniblahlenient con-
teuiporains. On trouve,
en eiret,dans les vitraux
du Mans, comme dans
les \ilrau\ de Tours,
les ai'Mies des l'irnni.
(]c dé'lail prou\c. en
onire, ipi'ij y eul des
i-appoi-ls enh-e les deux
aleliers. I<:i, en elTel,
plusieurs l'eiK'IrcN i\u
(•lueur sonI, au Mans
eoninie à Tours, di^co-
n'^es, non pas de gi-;uides ligures isol(''es, mai
Kk;. '2SI). — Viliail de sainte Anne (;l de saint .lo;
(l.e Mansi.
(IiVilirés IIucImt.)
une >eri(
liions
584 HISTOIRE DE I.ART
consacrés à la légende d'un saint. Ces vitraux, })lus confus que ceux de
Tours, sont, du bas, à peu près indéchiffrables. Cette erreur a, au Mans,
la même cause qu'à Tours. Elle est née du désir d'imiter l'œuvre des
verriers de la Sainte-Chapelle.
Les mêmes influences se reconnaissent dans les vitraux du chœur de
la cathédrale d'Angers. Ces vitraux sont postérieurs à l!274, puisque le
chœur ne fut terminé qu'à celte époque. Le vitrail de l'arbre de Jessé mé-
rite d'être signalé tout particulièrement à cause des frappantes analogies
qu'il offre avec celui de la Sainte-Chapelle.
La manière un peu grêle et les pratiques expéditives des verriers de
Paris se retrouvent dans des régions plus voisines de l'Ile-de-France, à
Amiens, par exemple, et à Beauvais. La cathédrale d'Amiens fut com-
mencée en 1220; celle de Beauvais, en 122Ô : ce fut donc certainement
dans la seconde moitié du siècle que furent mises en place les verrières
de ces deux églises. Elles ont presque toutes disparu aujourd'hui.
Celles qui subsistent portent la marque d'une exécution un peu hâtive :
les bordures notamment sont aussi pauvres qu'à Paris ou à Tours : cette
indigence est la marque d'une époque déjà avancée. Bemarquons encore
l'analogie de l'arbre de Jessé d'Amiens avec celui de la Sainte-Chapelle.
Les gris,\illes. Api'arition d'une manière nouvelle. — A mesure
qu'on avance dans le xiii'' siècle, les baies deviennent plus vastes et les sur-
faces à garnir de vitraux s'agrandissent. Les verrières devenaient donc
de plus en plus coûteuses. C'est ce qui explique comment on fut amené à
adopter de larges bordures de grisailles pour encadrer des figures de
couleur. Petit à petit, on vit la grisaille augmenter aux dépens de la sur-
face colorée, et c'est ainsi que se prépara lentement le style qui devait
triompher au xiv' siècle.
La grisaille, d'ailleurs, n'est pas une invention du xiii"' siècle finis-
sant : elle apparaît beaucoup plus tôt. Dès le milieu du xu'' siècle, on
trouve dans les églises de l'ordre de Cîteaux des vitraux incoloz'cs. Ce
sont de simples morceaux de verre d'un blanc verdàtre réunis par une
armature de plomb. Cette décoration austère, et si conforme à l'esprit de
l'ordre, est néanmoins d'un goût exquis. Les plombs, tordus comme le
fer forgé des grilles romanes, dessinent de grandes fleurs héraldiques,
sévères et charmantes. Il est impossible d'être pauvre avec plus de
noblesse. Les vitraux incolores découverts par l'abbé Texier, en 1845,
dans les abbayes cisterciennes du Limousin, Bonlieu et Obazine, ont été
signalés depuis par M. Amé dans diverses églises du département de
l'Yonne, dont plusieurs relevaient de l'ordre de Cîteaux.
Voilà qui ressemble déjà à la grisaille du xin" siècle, sans être préci-
sément la même chose. Car, au xni° siècle, ce ne seront plus seulement
LES MIXIATURKS - LES ^•IT^AUX - LA PEINTUnE MURALE r,s;,
les plombs qui dessincroiil des ;ir:ili('s(|iips sur uu fond iiculre, gcnérale-
inenl gris, ce sera le piiiiiMii di' Ijulislr. ( Irs araljes([ues paiiicipenl de
la couleur du fond, mais sonl plus claires. L'ensemble a son charme,
surlout quand le dessin est relevé, comme il arrive souvent, de quelques
Irait s de covdeur. Ouand le soleil les pénètre, les verrières grises versent
sur le mur ou sur les xcriirres de couleur voisines un glacis nacré dont
^ ioUel-le-Duc a vanté la douceur.
Si réussie que soit la grisaille (et quelques-unes nous montrent de
merveilleux entrelacs), elle n'en reste pas moins un procédé économique.
A la cathédrale de Bourges, par exemple, les fenêtres hautes, ornées dans
le voisinage du chœur de figures d'Apôtres et de Prophètes, ne montrent
plus aux extrémités de la nef que de simples grisailles. 11 est évident
ipi'on a voulu terminer à peu de frais une œuvre commencée avec magni-
llcenee.
Mais à Auxerre, nous voyons quelque chose de plus hardi : c'est
une combinaison du vitrail en couleur et de la grisaille. Dans les fenêtres
iiiiules du chœur, les grands personnages se détachent en couleurs \ ivcs
sur une large bordure de grisaille. Dès lors, une manière nouvelle était
trouvée : de cette combinaison devait sortir le vitrail du xiv" siècle. Au
xiu'' siècle, les essais furent d'aiiortl timides. A Lyon, les Patriarches des
l'emMres hautes, terribles figures aux yeux Idancs, au mutle de fauve, se
détachent, comme à Auxerre, sur de larges bordures en grisaille. A
Bourges, de petits médaillons de couleur, contenant des Saints ou des
Apôtres, sont enchâssés dans une rosace en grisaille. A Saint-Urljain dt;
Troyes, dans les dernières années du xin'' siècle, on ose davantage. Les
fenêtres de cette élégante église, une des jdus pures du moyen âge, nous
montrent le vitrail de couleur aussi réduit qu'il est possible de l'imaginer.
Un médaillon coloré, occupé par une scène du Nouveau Testament ou de
la Légende des Saints, est comme perdu au milieu de ses hautes verrières
en grisaille. L'effet est séduisant; le chœur de Saint-LIrbain, tout pénétré
de lumière, semble immatériel, aussi léger que ces églises que les dona-
teurs portent sur leur main ; mais le riche crépuscule qui baigne la
Sainte-Chapelle est d'une juk^sIc plus pi'ofonde. Le xm' siècle ,'i son
déclin semble moins sensible à la beaulé' [lalliélicpie île la couleur (pi'à la
géométrie des lignes.
A la lin du xin' siècle, la condiinaisim du médaillon de couleur et
du fond de grisaille esl adopté'e par beaucoup d'ateliers. Sainte-iîade-
gonde de Poitiers nous oll're un curieux exemple du goût nouveau. Une
vei'rière, consacrée à la patronne de l'église, nous montre des person-
nages de couleur jetés sur un fond gris. Ni bordures, ni médaillons, .\insi
le l'ond bleu ou rouge sur lequel, depuis deux siècles, se détachaient les
scènes légendaires est lui-même supprimé. On sent qu'une révolution
T. H. — -il)
7,so iiisioiiii': m; i;aht
proruiulc s'csl accomplie cl qu'on cnlrc dans un âge nouvctui, plus gris cl
])lus IVoid.
CAIiACTKHI-S GIÎNÉUAUX UES VITliMX DU XIIl' SlKCLIi. NoUS aVOnS
indiqué, chemin faisant, les princijjaux caraclères des vlliaux du
xm'" siècle, résumons-les brièvement.
L'armature n'est plus faite de barres de fer rigides se coupant à angle
droit; elle suit les conlours des médaillons et marque fortement les grandes
divisions du vitrail, lue armature du xiu' siècle, par sa belle ordonnance,
a déjà l'aspect d'une œuvre d'art. Le progrès est ici manifeste.
Le progrès est sensible encore si l'on étudie le dessin ,des person-
nages et la composition des scènes. Le xiii'' siècle, avec son audace ordi-
naire, a rompu tout d'un coup avec les vieilles méthodes de dessin qui
régnaient souverainement dans l'art dciniis sej)t ou huit cents ans. Ces
draperies qui collent au corps cl (|ui dessinent l'anatomie parurent sou-
dain aux artistes dépourvues de loulc nudité. Ils surent enlin ouvrir les
yeux et rendre ce qu'ils voyaient. Alors apparurent les robes lloltantes et
les larges manteaux où le corps est à l'aise. Les plis, simples et sobres,
n'eurent presque j)lus rien de conventionnel, liévolution profonde, et une
des plus subites qu'on puisse signaler dans l'histoire des arts du dessin.
En même temps le geste devint plus vrai, les relations des personnages
entre eux plus réelles. Ce goût de vérité se remarque surtout dans les
scènes empruntées à la Légende des Saints, où l'artiste, presque tou-
jours dépourvu de modèles, se trouvait dans la nécessité de créer. Mais
dans les scènes hiératiques elles-mêmes (Enfance du Christ, Passion,
Résurrection), où les moindres détails sont consacrés par des traditions
séculaires, on sent déjà frémir la vie. L'artiste est trop respectueux du
passé pour imaginer une manière nouvelle de re}irésenter la Nativité ou
la Mise en croix, mais il ose, parfois, prêter aux acteurs du drame sacré
un geste plus vrai. Les beaux vitraux de Laon méritent, à cet égard,
toute notre attention. Il y a dans la scène de la Visitation, par exemple,
un élan que personne n'y avait encore mis. Mille petits détails révèlent
un artiste naixenuMit ('qiris de la \érité. Ihuis la scène de la Nali\il('', une
des sages-femmes, avant de baigner l'enfant, \érilie avec sa main si l'eau
est assez chaude. Au moment où l'ange parle aux bergers, l'un d'eux
cesse brusquement de jouer du chalumeau, tandis cjue le chien dresse la
tête pour avoir sa part de la bonne nouvelle. Ces qualités, fréquentes
dans les vitraux du xiii'' siècle, sont si discrètes qu'il faut de l'attention
pour les remarquer. 11 en faut dire autant des qualités de composition :
elles ne frappent que quand on se donne la })eine d'analyser. Il y eut
pourtant, au xm' siècle, toute une esthétique du vitrail. Les artistes
comprirent parfaitement que des scènes enfermées dans une étroite ligure
l.i;S MIMAIUHKS - l.[:S NlTIiAlX I.A l'i:i NiriSK MIISAI.I'; r.s7
géomi'liiiiiK^ cl doslinécs à cire vues de loin (le\;ii('nl vive, ;i\aiil Idul,
claires et sobres. Ils apprirent à discerner, au milieu des récils prolixes
de la Légende dorée, les épisodes essentiels. Ils appiircnt aussi à repré-
senter ces épisodes avec sobriété. Souvent la scène se joue enire lr<iis
personnages. (Jmc iOn éludie ladmirable légende de saint Eustache, à
Sens, on verra s'il (>sl possible d elre plus simple. Tous les vilraux du
FiG. 2S1. — L'.Vnnoncialion (viU'ail de Laoui.
(ir,ipn-snùrnMl ctMiJ..ii\.)
xiu' siècle n'uni pa> celle belle >i mpl icil(' : plnsieui-s soni >m'cliaig(''S. Il
e>t \rai (le dire, m'^anumins. (pn' larl du \iliail nbligeail à <'linisi|- el à
<'()nden>er. Les \crrier> du mm' siècle iMaienl enserrés par des règles aussi
l'irdiles ipie le> aiileiii> dramalicpies i\\\ \\ n' siècle : les uns el les autres
d une ii(''cessili'' sureni l'aire ime \ei'lii,
\ nilà des progrès manifesles. Ayons mainh'nani le coui'age de ne
pas di»imider les dè^raillaiices de nos arlisles du xni' siècle. S'ils des-
sinenl mieux la IJLi'ui'e liumaine rpie les arlisles du xn' >iècle, ils enleiHleiil
moin> bien roi-neinenl . \.i> larges borduics ipii eiicadi'aienl le \ih-ail
r.SS HISTOIRE DE L'ART
(l('\ iciiiiciil |ilus (''Iroilcs; les feuillages stylisés qui les décoraieiil n'ouï
l)lus la uiagiiifique ampleur d'aulrelois. Plus on s'éloigne des pi-eniièi-cs
années du xuf siècle (où le décor a encore loulc sa noblesse'), plus on est
rra[ip('' de ht pauvreté de la bordure. A [»arlir de l'J.'iO, (die se r('Mluil sou-
vent à un zig-zag, à une Heur de lis, à une lour, à une volute de feuillage
indéfiniment répétés. Nous avons déjà fail remarquer (pie les bordures
enrichies d'ornement qui entouraient chaque médaillon disparaissent
aussi et sont remplacées par un cercle généralement rouge et presque
toujours relevé d'un liseré blanc.
En même temps le beau fond bleu, cpii donne lant de limpidilé au.\
vitraux du xif siècle, disparaît pour faire place à ce qu'on appelle « une
mosaïque ». L'espace qui s'étend entre les médaillons est occupé par un
dessin fait de cercles et d'écaillés qui se répètent indéfiniment. Le fond
est généralement rouge; quant aux dessins, écailles ou cercles, ils sont
d'un bleu un peu froid. Souvent même la mosaïque se réduit à un simple
Ireillis. (pu est presque foujoui's rouge sur fond bleu. Celle mosaï(pie
siuqtliliée se remarque surtout dans les vitraux de la seconde moitié du
xiu'' siècle. Soignée ou négligée, la mosaïque a toujours le même effet :
elle rend le vitrail plus sombre. D'autre part, la combinaison du rouge et
du bl(!u donne ce violet mélancolique qui attriste un peu les verrières du
xiii" siècle.
N'exagérons l'icn loidefois. I,cs l)eaux vitraux de la pi('iui(''re partie
du xui' siècle, ceux de Chartres ou de Bourges, restent des merveilles de
couleur. Cette profonde poésie de la lumière que nos climats ne con-
naissenl pas, éclat des verdures éternelles, splendeur des montagnes loin-
taines et de la mer, tout cet enchantement dont rêve l'homme du Nord,
nos artistes le mirent dans leurs vitraux. Michelel avait senti qu'il y avait
quelque chose d'aral>e dans la Sainte-Cliapidle. 11 ne se trompait pas :
mais c'est la couleur qui est orientale ici, non l'architecture. Saint Louis,
qui eut l'àme trop tendre pour n'être pas artiste, y retrouvait la lumière
de la Méditerranée, de l'Egypte et de la Syrie. Le vitrail est l'art des pays
sans soleil. C'est pourquoi il fut complètement inconnu au Midi de la
France : il n'y apparut qu'au xiv'" siècle, apporté par les artistes du Nord.
LES srjKTS. — Il nous reste un mol à dire des sujets que retracèrent
de préférence les verriers du xm' si(''cle. 11 y a d'abord toute une catégorie
de vitraux qu'on peut a]t|teler llicnhniiiiiics, où le plus haut enseignement
est [iroposé aux li(l(''ics. (hi y insiste surlovd sur la concordance mysté-
rieuse de l'Ancien et du Nouveau Testament. Dans un vitrail de Bourges
lipii a été reproduit avec de légères variantes à Chartres, au Mans et à
ïoursl, on voit dans le bas .b'^sus portant sa croix. Autour de lui se
I. Nous viiiiloii- p.irliM- ilos plus anciriis vilraux de ( '.luirli-c^i i:\ des vitraux de Si'iis.
Li:S MINIATURES - LES VITIiAUX - LA l'LLNTLUE MUI'.ALE
rciiiar([nrnl Isaac jiorlanl le liois de son sacrifice, les Juifs inar(|uanl du /*/(/
la porte de leurs maisons, la veuve de Sarepla ramassant, en présence du
pliopliète Elie, deux morceaux de bois, enfin le patriarche Jacob, bénis-
sant les fils de Joseph, Éi)hraïm et
Manassé. Ces scènes de l'Ancien
Testament sont en effet autant de
figures o\x les commentateurs nous
font apercevoir la croix de Jésus-
Christ. Le commentaire le plus cé-
lèbre du moyen âge, la Glose ordi-
luiirc. nous apprend d'abord quTsaac
est une figure du Fils de Dieu,
comme Abraham est une figure de
Dieu le père. Dieu, qui devait don-
ner son fils pour les hommes, a
voulu laisser entrevoir le grand
sacrifice au peuple de lAnciennc
Loi. Tout le passage de la Bible où
je sacrifice d'Abraham est raconté,
(■>! rriii])li de mystères. CJiaque mol
ddil T'Irc pesé. Par exemple, les
liois j(jurs de marche qui séparent
la demeure d'Abraham du mont
Moria signifient les trois âges du
peuple juif, d'Abraham à Mo'ise, de
Moïse à Jean - Baptiste , de Jean-
Baptiste au Seigneur. Les deux ser-
viteurs qui accompagnent Abraham
sont les deux fractions du |)eup]e
juif, Israël et Juda. L'âne, qui porte
les instruments du sacrifice sans
saxoir ce qu'il fait, est la Syna-
gogue ignorante. Enfin, le bois
qu'Isaac a charge sur son i'|iaiile
est la croix même de J(''siis-( IhrisL
Le signe tracé jiar les .In ils
sui' la porte de leurs maisons «■lail
regardé aussi comme une; figure i\r
la croix. Les commentateurs a\ai<ii
m i|iieslii)n. qui SI' trouve
l'ruplirlc annonce (pi'il a \u
ili' la lellre Idii. ( )n [lensail ipie h.' /(/'(
II.
— Vilr;
tl.- I!om-i;e^
il.lh
■^aue
e rapprocliei- h
i> { E.niilc. il'iiii passage d'L/.écliiel . où le
inge de Dieu nian[ucr les jusles au fi-oni
d'Lzéchiel devait élie iirécisémenl
500
iiisroir.i': m-; i.akt
le signe (|ii(' Ics.liiifs avaiciil dû Iraccr, en Egyi)lc, sur la jhhIc de leurs
maisons, (.(minie d'autre pari la lellre loti (T) olîrait quelque ressem-
blance avec la croix, on en avait conclu que ces deux passages faisaient
allusion à la croix de Jésus-Christ.
Le médaillon du prophète Élie et de la veuve de Sarepta préfigure
encore le môme mystère. Klic, chassé pai- les Juifs, est envoyé par le Sei-
gneur dans le pays des Gentils, chez une veuve de Sarepta, au territoire
de Sidon. Quand il arrive chez elle, la veuve vient de puiser de l'eau, et
elle est en Irain de ramasser des morceaux de bois. Dans ce récit, il n'esl
rien qui ne soil symbolique. Élie, chassé par les Juifs, et, plus lard,
enlevé sui- un char de feu, est une ligure de Jésus-Christ. La veuve de
Sarepta est l'Eglise des
Gentils accueillant le Sau-
veur que la Synagogue
n'a pas voulu reconnaître.
Elh' a puis('' de l'eau pour
mar(pi(M' ([u'elle croira
d(''S(irinais à la \erlu du
ba[)tème,et elle assemi)le
deux morceaux de bois
poiu- marquer (|u'elle al-
lend désormais lout son
salut de la croix. C'est
pourquoi l'arl i sic (le Bour-
ges cl r,-ii-lisle (lu Mans
ont mis entre les mains
de la veuve de Sarepla. non pas deux nuirceaux de bois, mais une
croix vérilalde.
Le Portement de croix est acconqiagné à Tours cl an Mansi d'une
(iualri(''ni(^ scène symbolique : la béiK'-dicJ ion des (ils de Joseph, b]pliraïni
et Manassé, par le patriarche .lac(di. Il l'anl icconnaître encore ici, avec
les interprètes, une ligure de la croix; .lacob, en effet, bénit ses [leliis-lils
« en mettant les bras en croix », comme le dit le texte biblique : ciicou-
stance qui a paru mystérieuse à tous les commentateurs.
Ces exemples suffironl pour donner une idée de celle calégorie de
vilraux; on voil combien de lelles (euvres sonl lidèles à l'cnseigiuMnenl
doclrinal. Aussi esl-il certain (pie le ])i-ogranune en était tracé par des
clercs très familiers avec la science Ihéologique de leur teuqis.
Les vilraux Ihéologiques ne sonl pas, d'ailleurs, très noudireux. Les
vitraux narratifs, consacrés à la Légende des Saints, sont beaucoup plus
fréquents. Les vitraux des bas c(jlés de la cathédrale de Chartres, par
exemple, si merveilleusement conservés, sont les pages éclatantes d'une
FiG. !2S3. — tluif marquant du tau la porle de sa maison
(fragment d'un vitrail de Bourges).
I.KS MINIATURES — I.KS MTRAUX - LA PEINTURl-: Ml RALE ôiil
Ij'yciulc d(ii\'c. L'ensemble l'oniie un des jilus Ijcaux li\res à luiniatures
que jamais |irince ait payé au poids de l'or. Le texte de Jacques de \'ora-
gine à la main, on décliitîrc sans peine toutes les scènes. L'artiste, en
commençant par le bas (c'est ainsi qu'il tau! lire les vitraux du xiii'' siècle)
et en s'élcvant peu à peu jusqu'au sommet du vitrail, suit le légendaire
pas à pas. L'histoire de saint Eustache, par exemple, se déroule tout
entièi-e, depuis l'apparition du cerf miraculeux à Plaeidus, jusqu'au mar-
tyre du saint et de sa feunne dans le taureau d'airain.
Toutes sortes de raisons ont contrihué à midlipiier les vitraux con-
sacrés aux Saints. D'abord les i-eliques conservées dans chaque église.
Dans nos grandes cathédrales, les reliques qu'on vénérait dans chacune
des chapelles expliquent les vitraux de ces chapelles. Un sanctuaire
qui conservait une relique de saint Jean-Baptiste, par exemple, montrait,
dans un vitrail, l'histoire de saint Jean-Baptiste. Mais les relii|ues n'exj)li-
(puMil pas tout. Souvent l'histoire d'un saint a été choisie par le dona-
teur (In vitrail parce qu'il avait une dévotion particulière pour ce saint.
Les vitraux de nos cathédrales ont été donnés par des corporations
ou par des particuliers qui ont voulu perpétuer la mémoire de leur
générosité; les panneaux inférieurs des verrières du xiii" siècle nous
offrent généralement l'image et quelquefois le nom des donateurs :
moines en pr-ière, évèqucs portant à la main un modèle de vitrail, cheva-
liers armés de toutes pièces, reconnaissables à leur blason, changeurs
véritiaid le titre des monnaies, pelletiers vendant leurs fourrures, bou-
cliers abattant des bœufs, sculpteurs taillant des chapiteaux. Ces scènes
de la vie d'autrefois, si précieuses en elles-mêmes, nous permettent sou-
vent de comprendre pourquoi tel saint a été choisi de préférence à tel
autre. A Bourges, par exemple, le vitrail de saint Thomas, apôtre,
patron des architectes et de tous les ouvriers qui travaillent sous leurs
ordres, a été offert par les tailleurs de pierres. A Chartres, les épiciers
tirent faire à leurs frais une verrière de saint Nicolas, leur patron, et les
vanniers, qui se mettaient sous la protection de saint Antoine, une ver-
rière où se voit toute l'histoire de ce solitaire. Saint Louis donne un
vitrail consacré à saint Denis, le protecteur tle la monarchie française, et
saint Ferdinand de Castille, un vitrail consacré à saint Jacques, le grand
saint de l'Espagne. Enfin les pèlerinages n'ont pas été sans inlhience sur
le choix des saints. Plus d'un vitrail a dû être donné par un pèlerin recon-
naissant qui revenait des fameux sanctuaires de saint Jacques de Com-
postelle, de saint Nicolas de Bari, ou de saint Martin de Tours. C'est une
chose très remarquable, en effet, que saint Jacques, saint Nicolas et saint
Martin soient, de tous les saints honorés au moyen âge, ceux qu'on
retrouve le plus souvent dans nos églises. .\ CJiarlrcs. par exemple, où la
série (le-< verrières est presque complète, il y a ([ualre \iliau\ consacrés
:,iio HISTOIRE DE E'AP.T
à sailli .Jacques; quaiiL à saini Nicolas el à saiiil Marlin, ils soiil pciiils
(ou sculpics) jusqu'à sept lois.
Toutes ces raisons explicpient pourquoi les vitraux consacres aux
saints sont si nombreux dans nos cathédrales. Ils soni inliniuiciil jilus
nombreux que les vitraux consacrés h Jésus-Christ; et dans ces vitraux
mêmes, toute la vie du Sauveur n"a pas été représentée; on ne rencontre
que son Enlance, sa Passion, et un très petit nombre de scènes de sa vie
pnl)li(pie, qui ont été choisies pour leur signification dogmatique.
Les viTRALx uu xiv' siècle. — CARACTÈRES généraux. — Nous parle-
rons beaucoup plus brièvement des vitraux du xiv" siècle. L'activité des
verriers ne s'est peut-être pas alors ralentie autant qu'on a voulu le dire,
mais les témoignages de leur art sont devenus assez rares. Des très nom-
jireux vilraux du xiv'' siècle qui ornaient les églises de Paris et les châ-
teaux royaux (car le vitrail apparaît alors dans les édifices civils), il ne
reste plus aujourd'hui que quelques verrières à Saint-Séverin. Par une
l'atalité singulière, c'est au moment où les noms de verriers commencent
à abonder que leurs œuvres se l'ont clairsemées. Ces verriers, d'ailleurs,
étaient des personnages, puisqu'une ordonnance royale de L'')90 les
exempte de toute espèce d'impôts, et de la garde des portes.
Il reste, cependant, en dehors de Paris, assez de ^itraux du
xiv' siècle, pour qu'il soit possililc de se faire une idée nette des carac-
tères de la nouvelle école de peinture sur verre. Rien ne ressemble moins
à un vitrail du xiii'' siècle qu'un vitrail du xiv' .
La première modification qui frappe est celle de l'armature. Le fer
foi-gé ne dessine plus de figures géométriques, cercle, carré ou losange,
comme au siècle précédent. Les verriers, revenant à la pratique du
xii'' siècle, montent le vitrail sur des barres de fer qui sont simplement
horizontales et verticales. La division de la fenêtre gothique par des
meneaux de plus en plus nombreux rendait nécessaire cette simplification
de l'armature.
D'autre pari, les plombs, au lieu d'(Mrr multipliés comme au
xni'' siècle, sont employés avec une parcimonie qui frajipe ou premier
coup d'o'il. C'est qu'en effet, les verriers commençaient à fabriquer des
plaques de verre de grandes dimensions, qu'ils ne savaient pas obtenir
autrefois. Les liaisons pouvaient donc, sans inconvénients, être moins
nombreuses. Mais ce prétendu progrès contribue à enlever au vitrail son
caractère essentiel, qui est d'être une mosaïque. Il en résulte une œuvre
d'un aspect un peu neutre, qui n'a plus les qualités des vitraux du
xiif siècle, el qui n'a pas encore celles des vilraux du xv' et du xvi". i< Ce
ne sont déjà plus des mosaïques, dit très jusiement M. V. de Lastcyrie,
et ce ne sont pas encore des tableaux. »
IJ-.S MIMATI'RES — I.KS \ ITIiAlX ~ LA. PEINTIRE MIRALE r.ït")
(lo (jiii acli('ve encore ilcnlcvor au \ilrail du \iv'' siècle l'aspecl «ruiie
mosaïque, c'esl le choix tout nouveau des couleurs. Les \criieis du
xiv" siècle semblent ne plus sentir cette joie naïve que la couleur donnait
aux vieux maîtres de làge précédent. Leur sensibilité aflinéc se plaît à des
combinaisons de gris, de blanc el de jaune. La grisaille, nous l'axons dit,
apparaît au xiii" siècle el envahit petit à jielil le \itrail. Mais ce (pii est
particulier au xi\' siècle, c'est l'usage iniui(Ml(T('' du \erre blanc Au \u'',
au xiu'' siècle, le blanc apparaît à peine; de petites louches de blanc pla-
cées avec adresse réveillent les couleurs voisines. Au xiv" siècle, le blanc
couvre de vastes surfaces et refroidit tout le vitrail, lùilin, l'invention
d'une couleur nouvelle, le jaune d'ai'gent, achève de modilier le caractère
de la peinture sur verre. Le procédé qui permet il'obtenir le jaune
d'argent difTère de tout ce qu'on connaissait jusque-là. " Le verre n'est
pas coloré dans la masse, dil un pi'aticien. M. (dtin. il nCst pas peint
non ])lus : c'est une teinture qu'on lui donne à la place qu'on veut. On
couvre les endroits qu'on désire voir devenir jaunes d'une légère couche
(l'ocic mélangé de chlorure d'argent . ( >n cuit . et l'on eidèM' l'ocie. nnaiil
au ciilorure d'ai'gent, il s'est ini'orporé au \crre el l'a rendu jaune, m honc
nui besoin, comme jadis, de coiqier sur un pairtm des uuu'ceaux de \eire
jaune el de les enchâsser ensuite dans du plomb. La faeilili'' ilu jiroci'Mb-
inxitail à y recourir frécjuemment : et, en elTet, le jaune daii;ent nVsl
pas rare dans les vitraux du xiv' siècle. On voit combien est eiTonée
la légende qui attribue au dominicain Jacques dTIm Kpii \i\ait dans
la première partie du xv" siècle) l'inNcntion du jaune d'argent. On
connaît l'anecdote, qui a (''té bien souvent contéi' : un jour ([ue .laccpu^s
d'I lin niellait au l'dui- un \ilrai!. l'agrafe d'argent de son manteau
tomba sur le \ ei re. sans (|u'ii s'en a|ierrùt : après la cuisson, il fut tout
étonné en icliousanl l'agiafe. de \nir ((u'elle avait communiqué au
xei're, à l'emlroil (ii'i elle l'hul lnudi(''e. une !)e]le ctiuleur jaune, l'eu
a|u'ès, il aurait imaginé de rruqiiacer 1 argent par du chlorure d'argent
nn'di'' à de largile.
('.eiil ans avant .lacipu's dt im.les \ei'riers français connaissaienl le
procédi'' (loiil OH \eul (pi il soit l'inNcnteur.
("est i''galein('nl au \l\ siècle' qu il faut faire l-cinolilel' les (lauias-
(piiniH'es sur \erre diiulib'', prui-iMli' de décoration qui ne d(Uiiia ses plus
lie;ni\ ellel>(|uau w' siècle. Il \ a\ail longtenq>s (pu* Ton cnnnaissail h'
\i'rrc doulili''. A \rai dii-e. le veri'e i-iMige, an \ii'' el au xin' >iècle. n'asail
jamais ('■t('' euqiln\(' (|Ui' doubli''. C'est (pieu elfel nue plaque de \ imtc
rouge, si elle n ('-lail |ia> d(Miblr'e d'un \erre blanc, paiailrail nuire, laul
est grande la puissance du louiic; (in su|)ei-posait donc à une pla(| le
I. l'i'iU-iMr-o mriiic .■iii\ (Ici'iilric-^ niiiii!'!'-; du \iii« sii''cli\ -;'il est \ r.ii i|iii' lc~ \ iU'.-(ii\ de
S.iilil Irh.iiii sci.'iil lii.'ii ii''cll(Mii(>iil (le (■«■Ile ('■|io(iii('.
T. u. — ;)0
Mi IIISTOIHE DE L'AHT
verre hlanc une dès mince lame de verre rouge el on les omalgamail par
la cuisson. C/esl ce qu'on appelle le verre doublé. Un arlistc ingénieux
eul l'idée, en se servant de l'éineri, d'user par j)lace la couche de rouge de
l'açon à laisser a})parailre le verre hlanc : on ohtenail de la sorte des ara-
besques qui s'enlevaient en clair sur le rouge et qui donnaient une singu-
lière richesse aux fonds. Bicnlùl on imagina de doubler d'autres verres
([uelc rouge et on multijjlia les elTels imprévus. Au xv'' siècle, les robes,
les chapes, les dalmatiques éblouissent par un éclat qui semble magique
à quiconque ne connaît pas le secret du verre doublé.
luilin, au xiv" siècle, le dessin et la composition du vitrail prennent
un aspect nouveau. Le vitrail narratif, composé de médaillons superposés,
est désormais condamné. L'ampleur des fenêtres n'admet plus ces mille
petites scènes qu'il deviendrait impossible de discerner. De hautes figures
conviennent seules à ces vastes baies divisées par des meneaux. Désormais
chaque lancette sera occupée par un saint, souvent plus grand que nature.
Mais comment garnir la partie haute de ces longues lancettes? Une simple
grisaille serait pauvre. Les artistes du xiv" siècle imaginèrent d'amplifier
le léger dais d'architecture, qui, dès le xiii'' siècle, apparaît au-dessus de la
tète des personnages isolés. 11 est probable qu'au xiii*" siècle, ce dais avait,
dans la pensée du dessinateur, une valeur symbolique : il isolait les saints
(lu reste de la Icrre, les montrait au seuil de la Jérusalem céleste'. Au
xiv'' siècle, ce dais modeste devient une véi'itable église, avec ses pinacles,
ses arcs-boutants, ses gargouilles. Il y a dans ces couronnements d'arclii-
tecture une richesse d'invention souvent merveilleuse. Pour donner une
impression de vérité plus grande, l'artiste ne peint pas ses clochetons et
ses pinacles ; il les laisse blancs comme la pierre neuve. Parfois cepen-
dant il les relève de jaune d'or ou même les dore tout à l'ait; on ne songe
plus alors à une église mais à un i-eliquaire.
HISTOIRE. — Les premiers vitraux du xiv' siècle restent encore
tiès apparentés à ceux de l'Age précédent. Quelques-uns des vitraux
de Saint-Père de Chartres, et notamment celui de Jean de Mantes, qui
est de 1507, les anciens vitraux de Deauvais, dont l'un est de 1510; enfin,
à la cathédrale de Chartres, le vitrail du chanoine Geoffroy, dont la date
Hotte entre 1510 et 1517, sont des essais assez timides. A Chartres
notamment, l'architecture se réduit à une maigre arcature ornée de
crochets.
Dans le midi de la France (où le vitrail fait alors son apparilion), les
veri'iers, très éloignés des ateliers du Nord et assez étrangers h ce qui s'y
fait, composent des vitraux qu'on pourrait attribuer au xiiT siècle. Les
belles verrières de Saint-Nazaire de Carcassonne, qui ont été exécutées
1. On se souvient que les décorateurs Uu xu» siècle peignent les figures des élus sous
des arcalures dans la scène du Jugement dernier.
I.FS MINIATURES — I,i:S VITRAUX - I.A PEINTURE MURALE r.'.i.".
(Miirc l."i>()cl 1,","(), sunl aussi r'i)louissanle.s ([lie celles du la ij:;raii(lc ('•|i()(nie.
On y retrouve presque lous les procédés anciens : ce sont peul-èlie les
derniers vitraux à médaillons légendaires.
Mais, dans la France du Noi'd, à la iiiènie date, le slyle nouveau avait
d(''jà lous ses caractères essentiels. Pendant que les verriers de Carcas-
sonne mettaient en place les vitraux si chaudement colorés de Saint-
Nazaire,à Chartres le chanoine Guillaume Thierry faisait exécuter le petit
vitrail du transept méridional de la cathédrale où se voient des saints
et (les saintes (lô'iS). Rien de plus éloigné de l'art ilu xiiT' siècle, mais
aussi rien de j)lus froiil : c'est une simple grisaille relevée d'un peu
(le jaune.
A partir de 1500 environ, c'est dans le chœur de la cathédrale
d'Evreux qu'on pourra le mieux suivre l'histoire du vitrail jusqu'aux pre-
mières années du xv" siècle. Aucuu(' série n'est plus précieuse. ( h\ y voit
l'art du vitrail se transformer et s'enrichir sous ses yeux. La plus ancienne
verrière est probablement celle de Guillaume d'IIarcourt, qui mourut en
17}21 : il est possible d'ailleurs que le vitrail ait été donné quelques années
après sa mort par sa veuve, qu'on voit agenouillée en face de lui. L'archi-
tecture qui encadre les personnages a déjà de l'anqihnr cl ne rajipcllr
plus les timides essais des débuts tlu siècle; cependant les pinacles ne
s'élèvent pas encore hardiment et n'osent guère empiéter sur le vaste fond
de la grisaille. Mais dans le vitrail donné par Charles le Mauvais, sans
doute vers le milieu du siècle, les ornements d'architecture deviennent
magniti(iues. L'artiste, épris de vérité, a eu l'audace de simuler un effet
de perspective : sous un des pinacles on aperçoit la voûte d'une église
a\ec ses nervures. Enfin, dans les ileux vitraux donnés ])ar Bernard
C.ariti, évèque d'Evreux de l."i7(i à iri.S.l, on devine déjà l'art du xv'' siècle.
L'artiste ne veut plus faire un décor translucide, il essaie de l'aire un
tabh-au. La figure de l'évèque, cpi'il a dessinée deux fois, est un portrait,
et un portrait d'une singulière acuité. Il essaie de mettre en pcrspecti\e
non seulement les voûtes que les personnages ont au-dessus de leur tète,
mais encore le parquet en damier qu'ils ont sous les pieds. P]nfin la boi'-
dure grise, (pii jusque-là encadrait les \ itraux du xiv'' siècle, est supprimée
et remplacée, pour plus de vérité, par un montant d'architecture. Nous
sommes ici à la fin du vrai moyen âge. (le cpii suffirait à le prouver, c'est
la place qu'occupe l'évèque Bernard Carili : il n'es! pas agenouillé, connue
jadis, aux pieds de son patron saint IScrnard ; il csl debout à ses côtés,
aussi grand que lui, et semble s'otVi'ir, connue lui, à la \('ni'iali(in dis
fidèles. Ces vitraux du cho'ur d'Evreux sont les pins beaux du \i\' siéile.
Ils sont d'une linq)idili' (bdicieuse : ce ne sont tprots légers, bleus
aériens, rouges tianspairnls. blancs ai-genlins. Tout es! jiur; aucune
nuance rompue, point dr \i(i|ri ronunc au xiu' siècle. Ils s'Iiai lunniscnt
:,>.m iiisroiiiK dp: i/aht
lii(M\ cillriisciiiciil :i\cc ce clinMir liniiilicux. laryciiii'lil ('•chiiii' cl Idiil
M;iii.-.
(In I riiiiNC ilc.s\ il i;iii\ du \l\' s ire le (liss(''iiliii(''> dans liinlc la |- raucr, :
il \ en a (|iicl(|n('s licaiix rcsics à Limoges, à (llciiiioni, à Troyes, à Nar-
hoiiiic Mais il rsl inliTcssaiil «le ikiIci- (|nc ("i-sl la Xorinandii' ([iii nous
oITre \c u;v<>u\>c le plus conijiact : on en Irousc dans le clui'ur de Sainl-
Oncn de iSniu'ii i|ui se dislingucnl par la bcaulé des orncmcnls d'arclii-
IccJurr; (in m |i((uvr aussi à la catliédralc de lioueii. dans la vasle clia-
pi'lii' du (dic\cl, qui oïd les in(Mues (pialil(''s. La cal li('Mlralc ilc S(''c/., celle
de (liudances oui de nondinnix iVagnuMils d'un cnsenihle (pu did r\v<- iui-
posaul. Imicux a la l)(dlc série (\ue nous avons siij,iKdce.
Daulre pari, il csl curieux ipu' rAnyleleirc soil aussi lii lie cjue la
Xoruiandie en vitraux du \i\' siècle. ( In en voil à la calli('drale d'l<]xel(>i',
dans la callicdrale el dans la maison du clia|)ilre à York, à \\ cils, à
Gloucesler, à Merlon f".olleg-e (Oxford). Il y a là autre ciiosc (pi'une coïn-
cidence. Les \ilraux anglais oll'reul de rra|ipanles rcssendilances avec nos
\ilranx ncuMiiands. ( '.es analogies on! ('■!('■ signal(''cs par .M. \\ c^ilake. (pu
rappidi-lie, par cxeui|ilc, les xili'aux d l'^xeler, ceux de la maison du clia-
pilre d'York cl ceux de Merlon Collège des vilraux de iiouen. Les gri-
sailles eu s(ud |u-csque identiques : c'est ini quadrillé l'ait de losanges
iiidc'diiiimciit |-('qi ('•!(■• s dont le cent|-e es! ()ccu|ié' par (pH'l(pu's reuilles
d arlires. Il est inqiossilile d'alIrilMH'r ces resscmlilances au liasard.
I> ailleurs une anciemu' Iraditioii \i'id (pic les \ilraux d'ivxetcr aient rlv
acliet(''s à lioucn. Il y eut donc, seuilde-l-il, au xi\' siècle, un gi-aml atelier
d'où son! sorties la plupart des \('rri(''res de la Normandie et de l'Angle-
terre. <U\ se trouvait cet atelier? M. \\ estlake veut qu'il ait (■■t('' en
France cl le placerait volontiers à Rouen. S'il en était ainsi, pres(pie Ions
les \itiaux anglais, du xu' au xv'siècle, seraient l'raii(;ais d'origine.
Dans 1 Est, les \itrau\ du xiv' si(''(de ont une physionomie assez diOV'-
' rente. L'Alsace n'adople [las l'i aiudienicut les p]'ati(pies nouxcllcs. Les
beau.x vitraux de Strasboui'g, qui mériteraient une longue élude, sont
plus apparentés que les nôtres à ceux du xiii'' siècle. L'architeclurc y tient
moins de place, les couleurs soni plus \i\'es, et, hieii (pie les ui{''daillons
soient supprimés, la composition conserve encore son caractère narratil'
(Vie de Jésus-Christ).
Telles sont, dans l'état actuel de nos connaissances, les quelques
idées que peuvent suggérer les \ ilraux du moyen âge. On trouvera, avec
raison, (jue c'est bien peu. Mais, nous l'avons dit, ce chapitre de l'histoii'e
de l'art ne pourra être écrit que le jour où des artistes de bonne volonté
auront a(dicv('' le i'uriKis de nos anciennes \ (■rri(''res, c()mmenc('' il y a pins
de soixante ans par les PP. Martin et Cahici' et pai'M. h', de Lasteyiie.
I.IiS .MlMATLliLS - LES \ ITHAUX - LA l'EINTL HL Ml UALE
LA PEINTURE SUR VERRE EN SUISSE'
Li: xiii' sii'( i.i:. — ()uui(jiic la Suisse n"ail jamais clv un (•ciiliv d arl
liés |iroductif, les ('■iliiiccs des époques romanes et golhi(|ues n'\' luaii-
qucnl pas. La plupart d'enLre eux onL loulefois été dépouillés de leurs
)ieintures, et il ne reste aujourd'liui, eu fait de vitraux du xiii' siècle, que
lieux ensembles à signaler : Ja rose de la catli(''drale de Lausanne et les
\itraux du couvent de W'etlingen (Argovie).
La rose de la calliédrale de Lausanne est un ensemble important;
\ illard de lionnecourt en avait été fi-appé et l'a reproduite dans son
cailler de dessins, sans toutefois se conformer exactement à l'original.
Klle décore l'extrémité du transept méridional de la cathédrale et date du
dernier ijuart du xm' siècle. Klle se rattache à la série des roses de cette
(■'licxpu' (pie la l'iance possède, et se compose en grande partie de ligures
allégoriques pcrsonnilianl les éléments. Sur (il figures, il en reste 40.
Celles fpii manquent ont éti'' rem])lacécs soit par des vitraux modernes,
sdil pal' des fragments anciens |ir(i\ ruant d'un autre \itrail,
La rose se couqtosc de jiliisicurs arcs de cercle ciMubinés autour
d'un carre. Les mois, les éléments, le soleil et la lune, les fleuves du
])aradis et d'autres ligures consacrées par la tradition iconographique
et dessinées conformément au type reçu en constituent la décoration. Les
mois, les saisons, le soleil et la lune, le jour et la nuit sont représentés
par des allégories. Le pi-intemps est personnilié })ar un homme aux
cheveux gris, par allusion à la neige. L'ét<''. sous la figure d'une femme,
est entouré de rayons lumineux et faisait pendant au feu, qui a disparu.
L'automne, un homme placé entre deux ceps de vigne, est mis en regard
de la terre. L'hiver enfin, un homme couvert de neige, est opposé à l'eau,
une déesse fluviale voguant sur les ondes vertes. Ces personnifications
du temps et de la matière sont complétées par celles des quatre lleuves
du paradis, auxipielles viennent s'ajouter des monstres, évocatcurs de
mondes lointains et inconnus, et d(inl l'inspiration remonte aux l'ères
de l'Eglise, en particulier au De Civitale de saint Augustin.
Ces diverses figures s'harmonisent en une cosmogonie (pii iciid au
môme but que les grands ensembles réunis devant les portails gothiques,
c'est-à-dire en un hymne k la gloire du Créateur.
Les c(d()rati(ins soiil harmonieuses, \i()li'is et verls di'licats se déta-
chant sur un fond a/iir. Les rouges et les jaiino soiil rares, cl, lors(pic
r.irli>lc les emploie, il les s('-pare par îles intei'sl iccs incolores.
1. l'.u' M. Conrad .h- .Mandiicli.
598 lilSTOUîE DE L'AnX
Ouelqucs vili:m\ du cuiiveiit de AXcllinj^'en peuvent èlre datés de
|'2!i;!. Ce sont des morceaux d'un bel effet décoratif, exécutés d'une façon
sommaire d'après des modèles romans. La coloration est brillante et
souple. D'autres rosaces contenant les figures du Christ et de la \'iergc
paraissent d'un style plus récent que les vitraux purement décoratifs.
Le style roman continue à prédominer dans les peintures suisses de
la fin du xiu'' siècle. Ce n'est qu'au début du siècle suivant que les formes
gothiques devaient être adoptées d'une façon définitive. D'ailleurs, les
O'uvres datées de la fin du xui'' siècle sont très rares, et il semble qu'après
l'achèvement des grandes églises de Bàle et de Zurich, il y ait eu un arrêt
dans la production artistique du noi'd de la Suisse. Cette période de
repos ne l'ut pas stérile, car c'est à ce moment que les princiiies de l'art
gothiipie commencèrent à influencer la peinture, dont le caractère se
transforma au xiv'' siècle.
Le xiv' siîicLi:. — Le début du xiv'" siècle fut assombri par d'âpres
luttes politiques entre les maisons souveraines, le haut clergé et la
noblesse féodale. Dans la Suisse allemande, les Habsbourg cherchèrent à
affirmer leur pouvoir; dans la Suisse française, Pierre de Savoie agrandit
son territoire jusqu'à ce que la rivalité des Habsbourg imposât une limite
à son ambition. Malgré les temps troublés que traversait le pays, l'art
religieux, complément obligatoire du culte, s'enrichit de nomiu-cuses
donations, et le vitrail y prit une place considérable.
En Suisse, le principe du style gothique, qui tend à remplacer les
pleins par les vides et à réduire la construction à un squelette de pierre,
n'a pas été appliqué aussi rigoureusement que dans certaines contrées de
France. Cependant les chœurs y ont une forme élancée, et leurs fenêtres
étroites et élevées se prêtent tout naturellement à l'adaptation de
verrières.
Les vitraux du xiv*^ siècle conservés en Suisse présentent plus sou-
vent des figures isolées de grande dimension que de petits médaillons
contenant des épisodes.
Parmi les plus anciennes verrières du xiv"" siècle, il faut citer un
vitrail de l'église de Roment, conservé au musée de Fribourg et repré-
sentant saint Sylvestre.
Dans l'église de Blumenstein près Tlioune, deux verrières de la
même époque contiennent quatre saints entourés de cadres gothiques.
Au-dessus de l'un d'eux, saint Christophe, on aperçoit une rivière dans
laquelle nagent des poissons dorés. C'est la première fois que pareille
nuance apparaît dans les vitraux suisses. Le donateur figure, avec son
écusson, au bas du vitrail.
Les verrières de Koniz (canton di' Berne) présentent le même carac-
LES MINIATURES — LES VlTIiAlX - LA PLLNTUHE MURALE
trre (|ue celles de Bluincnslciii. La forme des cadres commence ioiderois
à s'alléger.
Les vitraux de IV-glise de Kappel (canton de Zuricli) sont d'un style
plus avancé. Ouoique les pieds des personnages soient dessinés d'une
façon encore toute sché-
matique, et en une projec-
tion qui ne correspond pas
à la réalité, les visages
deviennent plus expressifs
et les attitudes plus vives.
L'encadrement s'enrichit
de formes nouvelles.
Dans les verrières de
Miinchenbuchsee (canton
de Berne), on constate une
frappante affinité de style
avec les vitraux de Kappel.
Outre les saints de grandes
proportions, elles contien-
nent quelques compositions
relatives à la Passion du
Christ.
L'abbaye d'Hauterivc
(canton de Fribourg) pos-
sédait un bel ensemble dont
les fragments ornent ac-
tuellement la Collégiale de
Fribourg et la chapelle du
cliAteaudeHerrnsheimprès
de W'orms. Les scènes de
la Passion du Christ insé-
rées dans des médaillons,
ainsi que les symboles
des Evangélistes , sont
d'un réalisme qui rap|)rlie
les vitraux des bas côtés de la cathédrale de Fribourg-cn-Brisgau.
L'art suisse est un art de reflet. Ses attaches le ramènent conslam-
mrnl aux centres plus importants des pays limitrophes, qu'il s'agisse
de la France pour la Suisse romande, de l'Allemagne pour la Suisse
allemande, ou de l'Italie pour la Suisse italienne. On peut tcnilcfois con-
stater quehpies iraits communs dans le développement du viliail suisse
au xiv' siècle. L'elTort artistique s'y fait sentir surtout dans iV-Iégancc
FiG. 28 i — Vitrail de l'église de K;ii)i)el
(canton de Zuricli), xiv siècle.
iim iiisToiiu-: ni". i;ai!T
(li's coiirlx^s. En iiiriiie li'iii|is, li's |ieiiilr('s v(M'rirrs «■lirrcliciil à s'cmaii-
cilHT (les formes liadil inniirllrs el à se rapproclici- de la iialure. Les
saints commencent à prendre vie et à s'incliner avec Menveillancc vers le
spectateur. Quant au décor, il est purement linéaiie, dépourvu de tout
modelé, mais d'un style imposant.
Les plus beaux vitraux de cette époque, en Suisse, se trouvent au
couvent <]c KimiiisiVldcn (Argovie). A la suite de l'assassinat d'AUjcrl l"
jmiMil iriiii \ilr.iil ilr r.-Kli
ili' KDriigsfeldeii (r.-inlon J'Ar-i;o\iei
d'Aulriclie en L")(I8, la reine Agnes avait l'onde sur le lieu du meurtre un
couvent de F'ranciscains, ([ui fut doté par la maison d'Auti'iclie de nom-
breuses et insignes œuvres d'art durant le xiv'' siècle. Les \ itraux furent
confiés à lies artistes supérieurs à ceux ([ui travaillaient en gén(''ra] dans
Cl' ]iays. Ils oITrenI un inlér("'l auquel ne peu\enl pri'lendre les ;iiili-es ]iro-
diietions de la Suisse à cette époque.
Les fen(Mres <le l'église eonlenaieni pl'inulix <'nienl loulrs des \ ili'anx.
Aujouid'liui, les verrières du cbœur seules ont conserve'' uni' partie de
leur décoration. Elles contiennent des scènes relatives à la \ ir liu Chiisl,
de la Vierge, de saint Paul, de sainte Catherine, de saint Jean-Baptiste,
de sainte Hllisabeth de Hongrie, de saint François d'Assise, de saint
Antoine l'ilermite et de sainte Claire. On y voit, en plus, des figures
d'.Vpùtres el des portraits de donateurs. Des travaux de restauration
récents peinie'ttent actuellement d'apprécier ces œuNres à leur jusle \aleiu'.
LES .MIMATUHI'S — LES VITRAUX - LA PEINTURE MURALE iOl
H'ajurs M. II. Lcliinann, ces divers vilraiix onl élé exéoulés eiilrc les
aiiiires l">ll cl l.iriT. Le slyle, en i)ar[ieulier celui de la décoralioii, se
développe au lui- cl à uiesui'c que ces ouvrages sont de dates plus
récenlcs. Kn i;('iii'ial la composition est claire et d'un effet heureux; les
gestes sont francs, les pliysionomies bien marquées. C'est le cas surtout
pour les scènes de la vie de saint François, dont le souvenir faisait alors
\ilircr tous les cœurs. De nombreuses figures héraldiques révèlent, en
uulre, le sens décoratif dont étaient doués les artistes de ce temps.
En Suisse, l'art du vitrail lient une grande place. L'ordre de Citeaux
a particulièrement contribué à l'y répandre, au xii" siècle. Plus taid, les
associations laïques se sont emparées de celle spécialité, et les archives
du xiv" siècle mentionnent des peintres verriers à Bàle et à Berne. On ne
faisait alors aucune dilTérence entre les peintres et les artisans verriers,
de telle sorte (pi'un seul et même indi\idu s'occupait de la |teiiilure et de
la fabrication du \ err(^ Lorsque l'indusirie du vitrail deviid plus active,
on vil s'élalilir des fabiicpies de verrerie dans les centres boisés. Dès lors,
les peintres lixés dans les villes se bornèrent à la composition des cartons
et à la peinture proprement dite, la fabrication du verre étant laissée à
l'indusirie ouvrière.
LA PEINTURE DÉCORATIVE EN FRANCE AU Xllt
ET AU XIV SIÈCLE'
Nous parlerons brièvement de la peinture décorative en France au
xui'' et au xiv*" siècle. C'est qu'en efl'et la grande peinture monumen-
lale, >i llorissanle au xn'' siècle, décline et meurt au xiu''. Au moment où
les peinli-es conunencaienl à observer la nalur(^ avec anu)ur (coninie à
.MonI morillon 1, el faisaient pressentir les découvertes de (iiollo, des
églises nouvelles surgirent où leur art ne trouva plus de place. L'archi-
tecture gothique n'était nullement favorable à la peinture murale. A la fin
du xii' siècle, les églises présentaient encore de vastes surfaces planes;
mais, à mesure qu'on avance dans le xiif et le xiv" siècle, on voit les
pleins diminuer, les vides augmenter jus([u'aux limites exlrèuK^s du pos-
sible. Comme tout le poids de la voûte repose par les arcs-boulanls sur
les eoulre-forts, les murs peuvent disparaître, et la nef tievieni une lumi-
neuse maison de verre. (Jnebiues murs de clia|ielles, divisi's |iai- des
colonnclles, voilà loni ce «pii re>tail au cli''coialeiir. Il fallul pa\erpar le
>ac|-ilice di' nos \ ieillo ('■colo ([,■ pcini lli-e celle noble invciilioli i\r l'ai'l
golllique. L'Ilalie. relielle à nos pralic|nes, el loil|onrs lidéle .'lia vieille
l'orme l)a>ilicale. où les pleins l'emporlciil sur les \ ides, snl C( nisi'ix e|- les
lra<lilions del'arl moiinnieiil al. elliieiiiril en! un Cinialnn'' l'I nii ( lioll o.
I. iMi- M. Ij.lllr M.lhv
T. II. — Ôl
402 IllSTOIlil': l»l'. I. AliT
l'iii l^'raiicc, l.-i |M'iiiliirc ne inoiii'iil pas, mais elle se Iraiisini-iiia ; vWv
(lc\iiil la |)riiiliiiT Mil' Ncrt'c. 'l'oiil le L;(''nii' que 1rs ancicmics ('■colcs
avaiciil (Irpciisé à couvi'ii' les mui's de IVcstiiics, les ai'lislcs du xiii' sirclc
le iiiii'(Mil, comme nous l'avons dil, à enluminer leurs \ ilraux. I!il rxcni|i!r
de <■ IV'Vdluiion des genres » sous la pression de la nécessi[(''.
Si donc on xcul avoir une idée de la vraie peinlure décoraiixe du
xiii' sièele, en Fi'ance. c'esl dans les ^ ilraux (|u'il l'an! IcHudier.
Touierois, comme nous allons le monlrei-, il y eul encori' des
peinli'cs lialiiles à décorer un mur de couli'ni's liarumnieuses ; mais leurs
œuvres eurent un caractère tout nouveau.
Ce sont les ^ ilraux ipii ol)lig'èrenl les peinires à modiiier toute la
gamnu' des cdulenrs (pi'ils employaient dans la l'res([ue. Conunent la
peintui'e, telle «pion l'avait prali(juée jus([ue-là, avec ses ocres, ses
, blancs cl ses gris, aurait-elle pu lutter avec la lumière puissamment
colorée (pii lomliait des vei'rières? Les Ideus prol'oinls, li^s rouges de
pourpre lra\i'rs(''s par le so1(m1 emplissaieid r(''glise d'une almosplière
(■(dorée «pii diMmisail riiarmouie discrète des anciennes Ircscjues. 11 fal-
lait un renoncer à la peinture ou exalter les couleurs jusqu'au ton des
\ili'auN. ('.'esl à <'e dernier pai'li <pi'((ii s'arr('''ta. Alors apparurent les ideus
d azur ou de c(d)all, les vernnllons. les pourpres et les ors. l n art nou-
veau l'ut tr(Mi\é <|ui. comme 1 ancii'U, eut ses lois.
L'intérieur de la Sainte Chapelle, tel (piil a été restauré, nous donne
une idée assez juste de ces harmonies nouvelles. Les traces de l'ancienne
décoration étaient assez visibles pour qu'on ait pu les raviver pres(jue à
coup sur. Le rouge cl le bleu sont, comme dans les vitraux, les couleurs
diuninanles. Ce rouge et ce bleu, relevés de touches d'or. ri\aliscnl
d'éclat avec les couleurs translucides. Les nervures sont en or pui' et
les voûtes sont d lui Ixd azur >\nL' des étoiles d'or rendent plus lumi-
neux. L'or, comme l'a fort bien exjiliqué VioUet-le-Duc, est la seule
couleur qui ne se ternisse [las au contact du bleu: le rouge devient
\ ioli.'l el le jaune de\ien[ \i'rt, mais l'or garde loul son i''i-|al cl rend
le bleu lui-mèmi' plus h'^ger et plus aéi'ien. loule celte peinlure est
purement décorative; il y a cependant, à la Sainte-Chapelle, dans les
(puilre-feuilles d(_' l'ai-c'atni'c, loule une série de petites fresipics con-
sacrées aux nuu-lyrs. (In \oit saint Sébastien peicé de t]èches, saint
Biaise déchiré par des piipics de fer, saint Di'uis di'Mapil(\ >aiiil b^tienne
lapidé. Pour donner ])lus d'éclat à ces peintures, et pour bs nu'lti'e
en harmonie avec loul li' resle. l'arliste avait imagiui'' de renqdir les
fonds, sur lesipirls .-^e d('la(dieiil le> personnages, de pbnpu's de \i'rre
azurées (pie i-el(''\ent encore des rinceaux d'oi-. lùilhi, les douze belles
statues d'.\pôtres qui s'adosseni aux colonnes sont elles-iuème peintes,
dorées et incrustées. Telle est celte savante décoration intérieure où
.i:s AriMATlRES — LES VITiiAI \ I.A l'ElXTlP.E MURAI, K
(' (li^ Reims [irésciihiil (|uc
(nul il l'Ié calrul('': le jiiMiilrc csl (lovciiii I aiixilinirc du inafli'c \ri-i'ici-.
Lo . Mil'' siècle ilul |ii'i''sciilri- hi^uieoup (l'iiiirTicuis i1('m-((|-i''s Miixanl \r
syslème adopte à la Saiiile-( lliapelle. Le niallicur est i|u'il nous en rcsie
foi't peu. A la cathédrale du Mans, la profonde chapelle delà ^'ie^l;(■. Imil
éiilouissante de vitraux, reçut à une épo([ue indéterminée (au xi\' >irilr
projjahlement) une décoration peinte, dont quelques restes sidjsislenl
encore. Des anges musiciens occupent les compartiments delà voûte et se
détachent, non plus sur lazui-, mais sur de riches fonds roiines. L'or
apparaît (^n jilus dua endi'oil. Les nervures étaient égalemrni pcinles.
La chapelle de la \'ierg'e à la eallii'dral
ques restes de peintures qui
ont disparu lors dune res-
tauration récente. Un frag-
ment, reproduit [lar M. Laf-
lillée, nous montre, comme
à la Sainte-Chapelle, l'azur
et l'or.
La tonalité de !a fresipie
s(^ irouxe donc, au xiii' siè-
eje. pi'orondémenl modillée
par le \ilrail. On voit même
un curieux phénomène :
dans beaucoup d'églises, où
il n'y avait probablement
lias de vitraux, les artistes
adoptèrent les procédés nou-
veaux, mais en atténuani
Innli-rciis la vivacih'' des cou-
leurs. L'église du Pelit-Ouc-
villy. jirès de Rouen, nous
oll're un lion exemple de l'euiidni des l'éeenles mélliodes. La voùle du elueur
est décorée de médaillons ipji repiV^senleiil l'hisloire des Mages, la fuileeii
Egypte, le Baptême de Jésus-( lliri^l . Cerlaiiis détails, par exemple, l'alli-
tude de saint Joseph se relduinanl pour contempler la A'iei'^i' el riùilanl
montés sur l'âne dont il lien! la bride, prouvent (|ue l'nMivre es! du
xm" siècle el non pas, euui i la dil. du xn". D'ailleurs, le sy>lème
décoratif parle assez haul. Ilii pri'uiier enup d'd'il, on voit (pie le peinire
du Pelil-()uevilly a éli' proroinlr'liieul iroubli' par les |n(>i^rès de la |iein-
liire sur verre. Toiil dans snii (eiivre |-elé\e de l'ail ilii \ il rail : le> iiKMlail-
lons ronds à fonds bleus ipii eiifel^uiiMll eliaipie seène, le> niM'S el les
verts des costumes, enfin la riche végétation orneiiKiilaie ipii eoiiil enlre
les médaillons. L'imitation est manifeste. L'ariisie d ailleiiis, ipii axait
I.:i Fuile en Egyple. Eglise du PeUl-Ouovilly
(Seiae-Ini'érienre).
(D'.nprès Gelis-Didot cl Laflillée.)
/lOi HISTOIRE DE L'ART
conservé le sens de la drcoralion monuinenlalc, a adouci tous les Ions et
n'a pas cherche à iniler d'éclat avec son modèle.
Une chapelle de l'église Sainl-Oiiiriace, à Provins, offrait encore, il y
a (piclqucs années, des restes de peiidures où rinlluence du vitrail était
aussi manifeste qu'au Petit-Ouevilly. Un beau dessin ornemental s'enlevant
sur un fond bleu semblait avoir été copié sur la bordure d'une verrière.
Dans la France entière, on trouve des restes de cette peinture du
xiii" siècle, plus chaude, plus colorée, où le rouge et l'azur dominent. Un
médaillon à personnages de l'église Saint-Emilion dans la Gironde est
tout à fait typique.
Il ne faut pas croire cependant que les vieilles méthodes aient disparu
soudain. Dans certaines régions un peu éloignées, les pcinlrcs restaient
fidèles à la grave harmonie de l'ocre jaune, de l'ocre rouge, du gris et du
blanc. L'église Saint-Crépin d'h^vron dans la Mayenne, dont l'abside fut
décorée au xiii'' siècle d'un Christ en majesté entouré d'anges et de saints,
nous montre un artiste qui reste fidèle au pas.sé. Il ignore les bleus, les
verts, les vermillons, les ors, toute la gamme nouvelle des couleurs.
Dans le même département, la chapelle de Pritz conserve une série
(le peliles fresques du xiu" siècle, consacrées aux travaux de chaque mois,
(linil la ionalité est aussi simple. Beaucoup de fresques du xni'' siècle pré-
seiilenl des caractères analogues. Jusqu'à la fin du xi\' siècle et même
jusqu'au xv'' on retrouve la sobriété des écoles romanes. La plupart du
temps les artistes ne se donnent même pas la peine de peindre le fond :
ils se contentent de l'orner d'un semis d'étoiles rouges ou noires. C'est
dans les petites églises de campagne, à Chassy, dans le Cher, ou à Ver-
neuil, dans la Nièvre, par exemple, que se conservent le plus longtemps
les anciennes méthodes. A la fin du xiv'' siècle le sujet favori des artistes
rustiques sera le « Dit des trois morts et des trois vifs ". Trois jouvenceaux
pleins de vie rencontrent trois cadavres qui se sont levés du tombeau
pour apprendre aux joyeux compagnons que la mort nous frap|)c à tout
âge. Un peu d'ocre, des traits noirs qui cernent les figures, des fonds
blancs semés d'étoiles font tous les frais de ces peintures qui ne laissent
pas d'être décoratives.
Dans d'autres régions, on assiste à la lutte de l'ancienne et de la nou-
velle école. — La chapelle des Jacobins à Agen nous offre un bon exemple
de l'emploi des deux méthodes dans le même monument. Les parois sont
d('-corécs suivant l'ancienne formule, c'est-à-dire à laide du Iirun-rouge,
du jaune, du noir et du blanc. La belle bordure di^ feuillage, que Viol-
let-le-Duc a rendue célèbre, ne comporte pas d'autres couleurs. Mais,
dans les parties hautes de l'édifice, le peintre, pour lutter avec la lumière
des vitraux, a dû recourir aux couleurs vives. Le bleu, le pouri)re et le
vert couvrent les voûtes et les nervures.
LES MINIATURES — LES VITRAUX - LA PEINTUP.E MIT'.ALE 40r.
Bannis des églises gothiques, les jtrocédés de l'ornenieiiLaliun romane
se conservèi'enl dans l'architeclure féodale du xm' siècle. Les manoirs
(|ui n avaieni ]ias de \ili-au.\ pouvaient rester fidèles aux couleui-s du
passi''. Les Nofdes drs liiurs de lîourhon-rArrhamliaull 'Aliici- a\aicid
reçu un simpli' dessin dappai'eil cduleur d'ni-r(^, i-ele\ i'' |iai' îles llciii-s de
lis brun-rouge.
Les salles des donjons paraisseni axoir élé déçoives sui\anl un s\s-
FiG. 287. — Scène Urée d'un roman de rhevalcrie. Cliàleau de Sainl-Floiel
(pLiy-de-Dùme).
(D'après Gclis-DiJol et Lafllllce.)
lènie uniforme. Dans le haut, une hande qui occupe environ le tiers de la
hauteur totale est ornée de cavaliers qui joutent ou condjaticnt. Sur le
reste du mur, une tenture aux plis réguliers est simulée. On seid (jue la
peinture est ici un pis aller et qu'elle s'efforce de remplacer les tapis
qu'on voyait sans dcjule dans les riches manoirs. M. Laffilléc a émis l'idée
ingénieuse que la hipi>.>ei-ie de lîayeux pourrait liieu avoii- élé la partie
haute d'une décoraliou de ce genre. Les peintres d'ailleuis iic visèrent
point au tronqx'-l'o^il cl ne cherchèrent pas à imiler la richesse des
étoffes (irienlales. Grâce à eux, le haron avoue sa pauvreté avec une nu\le
tierlé. Les peintures de ce genre qui se sont conservées sont très sobres,
jcs bleus en sont bannis. L'harmonie est obtenue à l'aide des ocres, des
gris et parfois des verts. A Cindré, dans l'Allier, on voit un tournoi. Des
m\ iiisidiiii-; m; i;ai;t
«■Iir\;ili('|-s <{iil |in|-|riil le (•.•is(|ll(' (lu Iciiljis de siiilll I ,(>llis jnii I ciil ;i\C(:
;il-(lriir, cl 1,1 IdlIL^Ilr liiinssc lie leurs clirN^illN lliilli' ;iu \clll. A l'rl'IH'S
\ ;nii'liisr , (l.iiis l;i liiiir I'\timii(I('. un rhrx , -il U'i' lui I c ;i\ cr uu iM''L;ri' : cdm-
|iusili(Ui i'-|ii<|iic iu>|iirrT |i;ir i|url(|iH' r-li.-uisuii de i^cslc (|Ui' nous ii;nn-
roiis. ImiIIu rii Au\cii;iic, ;iu chrilisui t\r S;iiiil-l<'lorcl se \oil une myslé-
l'icusc liislniic lie cIh'v iilcric : un l^ancrlol. un Trisian ou ([uelqiic héros
de la Table Honde', (|ui |m)i-Ic un ('fn Manc d imir, a rencontré son
ennemi dans une i'on'l ; il l'a (K'sareiunK' ri il \a le luer; une jeune l'enime
à clii'val l'eiïarde <■! lail un yesle d edVoi. l n fond lirun-routii' arlièxc de
FiiJ. if^î^. — \'iorgo encensée par des anges. C.atliédrale de Clerniiuil.
(D'.i|,res Gelis-Di.lnl cl L.-imilF^iM
donner à la scène un caraclèi-c lraiii(|ue. L'anuui-e des chevaliers indique
que I (euvre est du \i\' siècle. Au .\iv' siè(de. d ailleui's, il (''lail encore
d'usage de t'aii'c jieindi'c dans les grandes salles des c((ndials de cheva-
liers, comme le prouvenl les anciens documents qui ont été conservés sur
les chAleaux de Maliaid, comlesse d'Ai'lois. Une image de sainteté figure
parfois à côlé de ces peinlurt's chevaleresques. A la tour Fcrrande, on
\iiil un saint ('dii-islo|ilie (pii. suivant la croyance du moyen Age, empè-
cliail de mourir dans la joui lu'^e celui qui l'avait coidenqilé le matin.
A mesui'c (pi'on avance dans le \i\' sièrde, on voit la décoration de-
1. Des iris(ii|, liens ninliji-es, n-lrvcc- |..ii \ii,,lolc irAnveigne. |i.-iilciil de ( ;.il,i.id. de
(Tii^laiil de Léonais, dn royanan' île ( :oiii.>ii,nllc et .li- la l'urèl péi illcii-r. Il \ .iv.iil nne
Huaranlaine de IVes(|ncs.
LES MIMATIRES — I.KS MTHArX ^ LA PKINTURK MlliALK i(l7
\('iiii- ili' |ilii> rii plus rr;iL;iiii'iil;iii'i'. Le syslôiiii^ iinai;'iar iiii xiiT >irc|c
>riiili|c liii-iiic''iiic >(• ilissonilic. |):iiis iKts calhédralcs, on se ciiiiIimiIi'
(l(''s()i-iiiais (Ir |iciii(lic la clrT ilr snrilr. ( )ii \(inlail i'-\ iilciiiiuriil l'airr
liuiinriir à la pircc inailroM' ilc la rnii>l riicl ion. à crllr (|iii niaiiil iriil
I ('■i|nililiic. Les cli'ls (le xoùtrs (Maieiil somcnl (1rs i-lids-ilirin rc do
scul|il INC. (|iii' Ir jM'iiilic l'cliaussail îles plus \i\cs couli'Ui's. Il y cni-
plnyail Ir roULl'C, le hlcii. Ir \ ri'l cl l'or. Il \\r si; coiilciilail pas (Je
peindre la clef clle-iuème, il [leignail aussi l'amorce des quatre nervures
quelle réunit, pour bien indi(|uer sa fonction. Dans le reste de Tc-difice, la
peinture se subordonne de irmiiis en moins à rarcliilcclurc ( )n xoil
quelle est en train de dexcnir un arl ind('-pcn(Janl . L arlisic pcinl. sui- un
pilier ou sur un mur, un morceau isolé, une belle icinie qu'il veut faire
admirei'. Dans ['(''tilise d'ivlireuil, on Noil ici un sain! Biaise, un saint
Laurcnl. ua saint Anloinc aillcui-s un saiid (icorgcs à l'armure (Sda-
lanlc. (Iliaque morceau est peint avec soin, mais le sens de la grande
(l('coralion est perdu. Dans la cathédrale de ClenuonI, mômes errements.
( )n piinl sur un nuir nu une madone encens(''e par des anges; un peu
plu> loin, c'ol un chanoine ageuouilh'' au\ pieds de la \ ierge. Les
deux peintures son! belles : au XIV' si(''cle elles (le\aieid (''blouir par 1 (''clal
des oi's, des poui'pres et des bleus; mais d(''ià elles fuid picssenlir le tableau
qu'on accrochera au.x murs de l'église.
( >n ('■ludiera dans la seconde partie de ce tome, léx oinl ion de la pein-
lure au cours du xiv' siècle.
LA PEINTURE MURALE EN SUISSE'
Ei'0(jLE liOM.VNii. — En Suisse, comme dans les pays voisins, les archi-
tectes de l'épotpie romane réservaient de grandes surfaces à la peinture.
Le conxent de Saint-Gall était resté, malgré son (b'clin, une des
maisons religieuses les plus importantes de la Suisse. La Légende de
saint Gall, l'Arbre de Jessé, le Jugement dernier y étaient figurés. Ces
(Misembles ont toutefois dispai-u. ci le couveni ne conserve auj(Uird'hui.
en l'ail de peintures. i\nr des monnmenis illusjn's donl le slyle ne (lilf(''i-e
pas i|e> producliiMls conleniporaines de l'iùndpe cenilide.
Le sol liel\ (''liiph' ollVe en'di'e iulacl un curieux spéciuuju (le jicinture
dal(' (lu Xli' si(''c|e. le plafond de r('glise de Zillis icaidon des (irisons).
(le plafond se conqio--e de l.'i." eaisxins di'corés. à l'exl(''rieur, (^le monstres
syml)oli(pu's, et, à linleiienr. de >e(''ins emprunl(''es aux Evangiles. Les
animaux imaginaires rap[)elleid les molifs analogues (piOn renconh-e sur
I. l'jir M. Conrad de Mandutli.
iOS IIISIOIIŒ DE LAIiT
les clKiiiileaux el dans les luanust-rits de celle ('■poque. niiani aux épisudes
iiililiques, ils soal Irailés de diffcrcnles manières, les uns, d'une mise en
scène sommaire, s"inscrivenl dans un seul caisson; les autres se déroulent
a\ ce une i;i-ande al)ondancc i\f diMails sur une suite de plusieurs compar-
timents. C'est le cas, par exemple, de la Cène et de l'Adoration des Mages.
i>'arlislc a donc élarfri ou rétréci son cadre suivant le caprice de son
iiispiralion, ou, ce (pii csl plus probable encore, d'après un modèle (piil
a\ail sous les yeux. Ces |i('inlures sont dépourvues de tout relief et se
rapproclicnl, par le si vie, des enluminures du temps, en particulier du
Ilitrtus (leliciariuni d'IIerrade de Landsberg (f ll!)r)).
Comment expliquer l'existence de cet important ensemble, si ce n'est
par sa situation sur un des passages alpestres les plus fréquentés au
moyen Age, celui du Spliigen? Un artiste italien se rendant en Allemagne,
ou un peintre allemand en roule pour rilalie. aura sans doute exécuté ce
monument pendani son voyage. (Juoi qu'il eu soil, nous avons là un b'^moi-
gnagc pr(''rieux des (''clianges entre le Nord et le Midi (pii ont tan! conli'i-
bué à stimuler le mouvement artistique à l'époque des llohenstaufen.
Outre cet ouvrage, la Suisse possède quelques fragments de peinture
romane. Les /'glises de Zillis, de Biasca cl de Santa Maria di Torello
{canton du Tessin) présentent sur leurs façades la figure gigantesque de
saint Christophe, qui — d'après la croyance populaire — préservait de mort
subite les fidèles ayant aperçu son effigie de grand matin. L'abside de
l'église de Montcheraud (canton de Vaud) est décorée de peintures figu-
rant le Christ entre les Apôtres. Ces figures, de style archaïque el d'une
belle harmonie de Ions, sont datées de la fin du xf siècle.
Les couvenls d'EinsiedeIn el d'Engelberg (ce dernier fondi' <n I l'JOj
conservent des manuscrits à miniatures de valeur inégale, doni rinir'rèt
ne dépasse pas celui des enluminures de Saint-Gall. Toujours est-il que
les fondations religieuses monopolisaient alors la vie artistique en Suisse.
Elles ont donné asile à des ouvrages de décoration dont toute trace a dis-
paru de nos jours'.
Éi'ooi'E GOTUiouE. — A l'époque gothique, la peinture murale rivali-
sait avec l'art du vitrail pour donner aux intérieurs un aspect attrayant.
La plupart des ensembles n'ont pas résisté aux injures du temps et des
hommes. A la fin du xix' siècle, plusieurs cycles onl toutefois été décou-
verts sous le ci'é|)i, cl l'on com|)tc actuellcmenl un nombre assez consi-
dérable de peintures gothiques eu Suisse. Il y existe dix-sept ensembles
de peinture religieuse atlriiniés au xiv' siècle. Les ouvrages les plus
importants se trouvent dans la chapelle du château de Berthoud (canton
I. \'(i.vc/. .I.-It. lîahn. ln-srlii,i,lc 'ici' bUdciiden Kimsle in der Sdiiuci:-. Zuiicli, IS7G,
p. 'JST ,■! ~iiiv.
iLf K!^ ^miP ^jjip" ^^ii^ sii^ msii^ ^^i:# mji^ '^miF'Tpy^gg^^
no iiisKHni-: III'; i.\in'
(le l')Ci-nc). dans crllr <lc Saiiil-( iall . à Slainiiilicini caiilon ilc 'rinnt;()vii-'),
dans Irylisc de Sainl-Arliogasl à \\ inlcrl liui-, dans la cryple de la callié-
(IimIc de lîàle, dans la salU; du Chapitre île Nolre-Danie à Znriidi et
dans l'rylisc de Kappel (canton de Zurich).
Le slyle de ces œuvres varie suivant la capacité des artistes qui les
ont exécutées. 11 se rattache, en général, à celui des vitraux. Le dessin en
est sobre et ne nian((uc pas d'aisance, tout en étant assujetti aux lois
inexorables des inllexions gothiques. Le coloris est peu varié et appliqué
sans aucune recherciie de modelé.
A r>cithoud, les peintures peuvent être datées du commencement du
xiv' siècle. Elles représentent des scènes de la Vie du Chiist et des saints.
Les ligures y sont grossières et dépourvues d'expression. Leurs contours
sont rortemenl accusés en rouge ou en noir.
Les peintures de Notre-Dame à Zurich ont disparu au couis du
xix' siècle. 11 en existe toutefois d'anciennes coiiies qui permettent d'ap-
iiréciei- le talent de leurs aulfurs. Dans un des paysages, on reconnail la
(•haiiic de l'Albis, et cet effort pour reproduire un paysage de haute mon-
ta" ne mérite d'être noté, car il est un des premiers essais qui ont conduit,
un siècle plus lard, la priuluic suisse à découvrir le paysage al|M'slic d
à le rendre avec les jeux de lumière qui constituent son })rincipal alliait.
Dans le couvent de Kappel, les Gessler de Brunegg ont fait exécuter
une Crucilixion, au-dessus de laquelle s'étend, en guise de tapisserie, une
peinture reproduisant par intervalles égaux le motif des armes de cette
famille. Comme dans les vitraux de Kônigsfelden, le sens héraldique du
temps se révèle ici d'une façon supérieure. La scène de la Crucifixion offre
un singulier mélange d'émotion contenue et de rythme. Si les tètes sont
trop grandes par rapport aux corps, on ne peut s'empêcher d'admirer
l'expression vivante des figures et la beauté des gestes.
Bàle a toujours été un centre d'art important. Au xiv' siècle, il s'y
était même formé une pépinière d'artistes qui travaillèrent dans toute la
région. En L'i'21, l'enlumineur Berthold répondit à un appel des Cister-
ciens d'Aldersbach, en Bavière, et, en ITiiT, le peintre Jean Muttenzer fut
appelé à Berne pour y décorer l'église paroissiale. A Bàle, il ne reste tou-
tefois plus, en lait de ]ieinlure de ce temps, que des fragments dans la
crviil<' de la ( alJM'dialr. Ils riiicnl exécutés après le IrcuddemiMil déterre
de i:î"i(i <iui détruisit une partie de l'édifice et en nécessita la réfection.
Les plus anciennes d'entre elles hgurent des épisodes de la Vie du Christ
et des patrons de l'église. La composition y est sobre, le dessin correct;
les dia]ieries, prcsipie toutes veidàtres, présenlenl des plis hai'monieux qui
accusent le slyle gothi(]uc dans son premier iléveloppement. Plusieurs
ligures, en particuliei- celles des saints, ont une suavité d'expression qui
rappelle les douces évocations de l'école de Cologne. D'autre pari, le
LES MINIATURES - LES VITRAUX - LA PEINTUlîE MURALE 111
pfinlrc clici'clic ;'i cnfachM-iscr les pcrsonnngcs mis en scrnc. Joseph, il;ins
l;i l'iii/r VII i'.ijiijili'. vi'\ rie à prciiiirrc \ue sa sollicil udc palrniclli' ; les liniir-
reaux cl les iiicndianls, dans les scènes île marlyi-e, onl des visages \\\\-
gaires sans lontefois qn(> leurs traits soient poussés juscpi'à la caricature.
D'autres fresques [)lus rtîcentes reproduisi'nl des i'|iisudes de la \ le de'
la \'ierge. Le dessin moins soigné, le modelé maladroit y accusent un
ariisie pins jeune el moins habile.
Enlin, une troisième scM'ie de peintures dans l'ahside de la crypte a
fait l'objet d'une restauration qui leur a enlevé leur cacliel primilit.
Dans le canton du Tcssin, les influences italiennes se font sentir
autant que les inlluences allemandes à Bàle. Une peinture murale à Saint-
Biagio de Bellinzona est consacrée à saint Christophe et rappelle par sa
décoration les travaux des Irères Cosmati, à I^ome. Le dessin est plus
développé, le coloris [ilus jirofond el jtius nuancé qui^ dans le nord de la
Suisse. L'ensemble se ressent des progrès que faisait alors l'art italien.
A côté de la peinture religieuse, les sujets profanes s'imposaient aux
artistes du xiv° siècle dans les demeures seigneuriales ain>i (pie dans les
villes oîi l'indépendance et le commerce amenaient une aisance crois-
sante. Les écussons tics familles, peints au plafond, alternaient avec des
scènes empruntées aux poèmes des tron\èi'es, à la \\q rusiiipie. aux (''pi-
sodes guei-riers el aux occupations journalièri's. Un des exemples les plus
frappants de peinture profane se trouvait dans la maison « Zum Loch »,à
Zurich, et a été transporté récemment au Musée national suisse. Le pla-
fond à travées est décoré d'écussons et, sur les parois, on voit se dérou-
ler plusieurs épisodes rendus d'une façon très sommaire. L'clfet déco-
ratif de cet ensemble est charmant, tant par la distribution des masses
que par l'harmonie des teintes.
D'autres décorations de ce genre se trouvent dans la " llcrrcnslube »,
à Diessenhofen, au ch;\teau de Maxenfeld (canton des Grisons), et nous
possédons les descriptions de plusieurs cycles qui ornaient des maisons
de Constance, de Wiiilerlliur, ainsi cpie le chàleau de Liebenl'els (canton
de Thurgovie). Toutes révcMaienI sous une couleur un |ieu rude les dis-
tractions dont une société encore jeune remplissait ses loisirs.
La \iim\m iu:. — Au xiv' siècle, les couveids de iMMiédiilins, iel> que
celui d(! Saillit lalj el d'fJii^eJlMTL;-, ilaiis leMpieJs l'arl de la minialure
avait été cnlli\r- -.wrr un soin particulier, c(.)nimencenl à (l(''géni''|-ei-. Le
mot d ordre a|iparlieid désormais aux frères de Cîteaux et aux l'^rancis-
cains, don! l'ellnri |ioile sur un autre domaine (pie celui de l'art. Lu
mi'iiie tem|)s. les miiiiiei|)a li («''s se développent el liii^lriicl ion commence
à se répandre dans les milieux profanes. De ces nouvelles tendances naît
le commerce de la librairie, qui porte sur les ouvi-ages calligraphiés et
■'i\-2 IIlSTOini' DE I/AHT
onu's (lo miniatures. Si, d une pari , larl <lc roiiliimiiiurc s'abaisse au rang
d'un |iroduil de vcnle couranlo, d'aulrc part, la variété des ouvrages écrits
augmente et s'étend aux sujets profanes, surtout aux chants des trouvères.
Une des œuvres les plus importantes de cette série est la collection
de poèmes ayant appartenu aux chevaliers Mancsse, de Zurich. l'A\c se
li'ouvait autrefois à la Bibliothèque nationale de Paris et fait aujourd'hui
partie de la Bibliotlièque de Ileidclberg. Ce volume in-folio contient
\i\ images en pleine page qui précèdent les chants des divers poètes (voir
p. 570). Les sujets représentés sont les mêmes qu'on remarque dans les
fresques du temps: portraits d'empereurs, de rois, de princes et de cheva-
liers, scènes de chasse, de guerre, d'amour. L'exécution porte le cachet
d'un art plein de jeunesse et de vie. Les figures peu caractérisées ont
toutes des traits féminins. C'est à peine si l'on distingue autrement que par
leurs costumes les chevaliers des belles dames auxquelles ils apportent le
tribut de leur admiration. Les différences hiérarchiques entre grands sei-
gneurs et humbles chevaliers sont na'i'vement indiquées par des proportions
différentes, quoique les personnages soient ordinairement sur le même
plan. La composition est d'une simplicité primitive, et le décor composé
d'architecture et d'arbres est rendu dune façon sommaire. Plusieurs scènes,
qu'il serait trop long de décrire ici, présentent un intérêt très spécial et
mettent en lumière les coutumes chevaleresques du temps.
Une autre œuvre héraldique de premier ordre est conservée aujour-
d'hui au Musée de Zurich et contient une série d'armoiries qui consti-
tuent une des pièces les plus anciennes de ce genre. De nombreux écus-
sous appartenant aux familles nobles de la contrée s'alignent les uns à
côté des autres. Ils sont dépourvus du heaume, ce qui les date du début
du xiv'' siècle. Des manuscrits suisses, à Munich [Tristan, cod. germ. 51)
et à la Bibliothèque de Saint-Gall (iv° 30'2), se rapprochent de la collec-
tion Manesse et révèlent la prospérité dont bénéficiait en Suisse l'enlumi-
nure profane.
LA PEINTURE DU XI' AU XIV SIÈCLE EN ESPAGNE'
Peintures murales. — Les monastères du nord de l'Espagne, dans
lesquels les études isidoricnnes avaient eu, après l'invasion musulmane,
une véiilable renaissance, furent du i.x" auxii" siècle des écoles de copistes
et de miniaturistes. Au temps où les sculpteurs d'Oviedoetde Léon ébau-
cluiient encore leurs informes bas-reliefs, les moines qui enluminaient à
l'envi le commentaire de l'Apocalypse composé par le moine espagnol
1. l'ar M. Emile Berlaux.
LES MINIATURES — LES VITriAlX ^ LA PEINTLRE MURALE
i\-,
Bealus conibinèrenl des formules irlandaises et des détails moresques'
dans une imagerie bariolée dont la brutalité ne manque pas de force. Il
ne reste aucune peinture muraif (|ui ait le dessin énergique et les couleurs
violentes de ces Apocalypses.
Les grandes ligures peintes dans les niciies du clueur qui fui ajoub''
FiG. 'iOf). — Peintur-es murales du xir siècle dans le chœur de l'église
du " Crislo de la Luz ■■. ;'i Tolède.
(D après les Moniiinentos Avquileclamcos de Espana.)
vers la fin du xii'" siècle au mihrab voûté d'une mosquée de Tolède, pour
former la petite église du « Cristo de la Luz », représentent un art local
qui ne relève directement ni des traditions monastiques de la Navarre ou
de la (laslille, ni des influences byzantines. Les saintes représentées
drIioiiL avec des gestes d'orantes et voilées de blanc, le prêtre sans nimbe,
V(Mu d'un manteau rouge, coiffé d'un étroit turban, et tenant h deux mains
I. I).in> un manuscrit provenant de Saint-Sevcr(Landes) cl qui se raU.ulic diieclemenl
à la série des manuscrits espagnols du xc siècle, les cavaliers de l'.Vpocalypse sont repré-
sentés par des « martichores • pareilles aux monstres sculptés sur les chapiteaux de
Silos. (Cf. t. 1", 2'- partie, p. 575).
i 1 i
iiisioir,!'; Di': i.aiît
un liAloii nuii('ii\, l'oriuriil un i;r()U|>r <l'iiii;i!4'i'S uiii(|ui' ilaiis le moyen Ctisc
(•|ir(''lirM. Siius (1omI(^ li's (idrli's qui oui \m |H'iii(li-c ces IVcscjucs porliiiml
les inruu's co.slumes oi-icnhiux (|u;in(l ils \rn;ilciil |irirr (hin> la ni(is(|U('T
Iriuislbrinéo en égliso.
Dans l'Aragon cl la Calalognc, (|uil(|ucs cImtl-Im'ui-s, coniuic C.ar-
(Icicra.onl signalé vers le milieu du \i\' siècle di's |>eiu[ui'es murales (|u'ils
alliibuaienl à des épotiues très reculées. La plupart de ces peintures ont
disparu depuis lors; d'autres, comme celles de San Père de Tarrassa. ne
I'k;. 2'M. — l'resilues ilu iiarUicx Je San IsiJrd de 1
sont que des ouvrages grossiers et populaires du xiv' ou du \v' siècle.
Pourtant la Catalogne a conserve des restes prc'cieux de peinluies du
xu'' siècle. Les plus remarquables décorent l'abside de l'église de Pédret.
On y voit les cin(] Vierges sages et les cinq Vierges folles [qiiinquc fatuc),
debout à droite et à gauche d'une l'cine nimbée, assise sur une basilique,
dette reine est l'Eglise; elle est représentée dans la petite église catalane
comme sur les rouleaux d'ExulIcl de rilalie méridionale (cf. t. I" , '2' partie,
p. 810 et suiv.). Les figures mêmes des Vierges sages et des ^'ierges folles
ont une ressemblance fort curieuse avec des fresques italiennes de la lin
du xi'' siècle, celles de la crypte de Saint-Clémenl, à l!ome,el de la crypte
d'Ausonia (province de Gaète).
L'Espagne ne possède qu'un ensemble de peintures murales qui
puisse être rapproché de ceux que la France a conservés. Ce sont les
fresques qui décorent le narthex de San Isidro de Léon. Elles sont répar-
I.F.S MIMATUlîES - IJ-S MTRArX - LA PKINTll!!: MlliAU: li:,
lies sur !a ponte ])asso de la façade de léi^lise, sur- un miu- laliral du nar-
llicx cl rcviMent la plus grande parlie des voùles qui ahiilcul Ir-, sarco-
phages des rois. Le cycle comprend des scènes évangéliques, disposées
sans ordre bien défini : Annonciation aux bergers, Massacre des Inno-
cents, Fuite en Egyi)te, Cène, Baiser de Judas, Reniement de saint Pierre,
('rucifieiiient : des niolifs apocaly|iti(pic's : saint Jean à genoux devant le
('.liii>l (|iii ildiiiic le livii' des visions à un ange, tandis que deux glaives
sortent de sa bouche; les sept chandeliers, les sept églises; le Christ
représenté une seconde fois sur son trône, dans un nimbe aux couleurs
d'arc-en-ciel, entre quatre figures drapées, dont trois ont les tètes des
animaux symboliques. Sur Tune des arcades sont figurés les Travaux des
douze mois. L'iconograpiiic des scènes, le dessin très ferme des
silhouettes, le coloris dur, les tons docre jaune et rouge, le cerné noir
témoignent d'une imitation directe de l'art français. A côté de la Cène et
en face du coq du Reniement de saint Pierre, le donateur, Téclianson
Martial, sest l'ait peindre, une tasse à la main. Ce personnage est un
inconnu; des (l(''tails de >l\li' [irruirl Inil seuls aujourd'hui de dater les
fresques de San Isidiii; elles doivent èlre ))ostérieuies d'un demi-siècle
en\iron aux [)<)rlails de l'église, qui ont été sculptc's avant I I il .
Devants d'.xltel, p.et.\bi.i;s et relioi ahu^s peints. — Si l'Espagne est
pauvre en peintures murales du moyen âge, elle a conservé, en revanche,
des séries de panneaux peints dont on chercherait vainement l'équiva-
lent en P'rance. Les devants d'autel et les retables qui ont été réunis au
musée épiscopal de \ icii, et ([ui proviennent poui- la plupart d'églises
perdues dans les vallons des PyriMiées. forment une suite (|ui se développe
sans lacunes graves depuis le xi' siècle jusqu'à la fln du xui'. Le plus
ancien de ces panneaux et l'un des mieux conservés a été trouvé dans le
village de Montgrony (n° 9 du Musée; fig. 292). Les peintures représentent
dans quatre compartiments disposés à droite et à gauche d'un Christ de
Majesté, des épisodes de la légende de saint Martin. Les figurines sont
gi-ossièrement [leintes avec îles taches de rouge sang de bo?uf sur un fond
docre jaune. Elles ne rappellent que de loin les miniatures des » Apoca-
lypses » espagnoles. Le peintre, qui a raconté selon ses moyens l'histoire
du saint vénéré à Tours, doit avoir connu des oeuvres françaises qui
iiid dis|iai-u. Le panneau esl fort ancien, à en juger pai' le coslunic du
cavalier cl par cidui de r('\r'(pie. ({ui ne porte [joint di' nutie. Les inscrip-
tions sont seiiilihdile-,, p;ii' la luruii' des lelti-es et leur groupemenl eu
nionogi'amines, à ri'pil^qilie de sainl hiuuini(pie gi-née sur im cliapilcaii
de Silos \ers IdT.'i.
1 iide\,iul d aulcj li(iu\i'-;'i \ icii uii-uic uNdii M usée) est composé
de façon analogue et représente (piiilic ipi^inlcs de la \ie et du martyre de
416
HlSTOIIil-: DE I.AIiT
sailli Laurciil. L'rjiigraiiliie est moins arcliuï([uc que sur le iiaiiiicau de
saint Martin. Le pape Sijxliis porte celte fois la mitre à deux cornes qui a
été usitée pendant tout le mi' siècle. Cependant le fond, bariolé de rouge
et de jaune, conserve le coloriage brutal des « Apocalypses », que l'on
peut étudier en Catalogne môme dans les deux précieux manuscrits de
Gérone et de la Scu d'Urgel.
Les mêmes personnages maigres et secs, avec des yeux énormes,
reparaissent sur un |innneau de la b'gende de saint André (n° 1015). Un
l'lj„L .1. n M Fai.. l;j
FiG. -'.('2. — Hetaljk" du xr siècle, au musée épiscopal de \'icli.
panneau analogue et encore jdus bai'bare se trouve au Musée municipal
de Barcelone; il représente le Christ avec les douze Apôtres sur un fond
jaune.
Dans la série de \'ich, ce style primitif se montre affiné et adouci,
tant pour le dessin que pour le coloris, sur un panneau (n" 7) qui repré-
sente la Vierge sur son trône, avec les Rois mages et six Prophètes. Les
encadrements des divers compartiments sont ornés de reliefs en stuc
qui imitent des orfrois garnis de cabochons. Le dessin change dans deux
panneaux, consacrés l'un à l'iiisloire de la \'ierge, l'autre à celle de sainte
Marguerite. Les proportions ilrs tigui'ines sont plus trapues et les visages
arrondis. Le coloris reste le même : des teintes plates, vives sans être
claires, et toutes cernées ou l'ayées de traits noirs.
^'ers la fin du xu"' siècle, dessin et coloris changent conq>lètemrnl.
LES MIMATURKS - LES VITRALIX - LA PEINTURE MUliAI.I': 117
Les [K'inlrcs calalans sappliqiienl alors, coniiiic les ininialurisles et les
verriers l'rancais du même temps, à imiter l'art byzantin. Le musée de
\ ieli donne des exemj)les frappants de cette influence orientale dont
l'explication historique reste à découvrir. Sur un panneau dont quatir
eomj)arliments racontent l'histoire de saint Sernin, le patron de Tou-
louse, et où le saint (''vèriue porte la mitre Iriangulairc adopi(''e vei's
Fie. '297). — Fi-agiiient d'un panneau de retable du xiir' siècle,
au Musée épiscupal de \'icli.
117"). le Clii-lsl qui lr(Hicdan> raui-éole cenli-alr a le fi'iinl ravini' et le
rri;ard inenaeaiil d'un Panlocralor in" (ii. Le modelé à relleis cuivrés,
d((nl les peinliTs byzantins avaient conservé le secr(>t, remplace les
Irinics |ilates et le cerné noir des anciens ateliers « lalins » dllalie cl de
KiaiiiT. L'imitation des formes byzantines prend une élégance rcmar-
(piaiilc (lan> deux p; MUXipii r('pri''sculrnt l'IiisLiirr dr la N'ierye; l'un,
très nudiji', à \ ich n 1 . l'au I rr, forl iiirn cousrrM'. au nuisée municipal
de l'iarceloiu'. C.esdcux peiidui'es |ii'u\('n[ iMrc c()ni|iart''('s aux plus l'cmai--
qiialiirv vitraux fraiicai^ du conuuciKH'iurni i\u xui' siècle. Des lii;urrs de
118 IIISTOIlil': \n-. I.AHT
iiu-'iiii' sl\li' ;illcinii('nl à des (liinciisiitns licaucmn) plus g-i'andcs sui' (hni.\
|iaimo;uix de \ icii doiil cliacuii l'aisail partir. non [)liis d'un devant daulel,
mais d'un iclalilc. Le plus curieux d'cnli-e eux montre la Sagesse divine
au milieu di's dons du Saint-Esprit, représeulés parsejd colombes, comme
sur un viliail crlrltre de la basilique de Saint-Denis. Dans des œuvres
de ce liciiic, la peinture sur panneau rivalise avec la peinture monu-
mentale
Le style rraiico-byzantin se perd à son lour dans la peinture cata-
lane vers la lin du xm' siècle; les couleurs vives et plates reparaissent,
cernées par les contours épais d'un dessin gras, dans des figurines telles
que le saint Pierre et le saint Paul du musée de Vich (n"' 1 et 2).
Ouelcpies œuvres beaucoup plus délicates, où des peintres de pan-
neaux ont imité le dessin souple et fin et le coloris clair des miniatures
françaises du temps de saint Louis, ont rlv reli'ouvées en Navarre et
jusque' dans la Nouvelle-Castille. Un rétable du trésor de la catbédrale de
Pampelune. (pii rej)résente le Crucifiement, au milieu d'une série de figures
symboliques et d'une assemblée de prophètes et d'évêques, a été donné
par un prélat inconnu qui s'est fait représenter au bas du tableau, dans la
jiompe d'une audience solennelle. Le style, d'une élégance exquise, est le
style français de la fin du xm'' siècle. Les figurines, discrètement teintées
de rose, de bleu eendié et de gris, se détachent à peine sur le fond lavé
d'ocre jaune très pâle.
Une œuvre du même style et d'un coloris analogue a été exécutée à
Madrid sous le règne d'Alphonse le Savant par un peintre local. C'est un
reliquaire de bois peint, grand comme un sarcophage, qui a contenu les
relicpies du patron de la ville, saint Isidore le Laboureur {Smi Inliba
l(ihi-(idiir], et ([ui, après avoir soulTert liien des vicissitudes, a trouvé asile
dans le palais archiépiscopal. La forme du sarcophage, la division des
faces et du couvercle en compartiments formes par des arcatures peintes,
rappellent le tombeau de Doua Berenguela, à Las Iluelgas. Les groupes
disposés dans ces com})artiments racontent l'histoire et les miracles du
saint. Ils forment un ensemble de scènes de la vie populaire aussi vivantes
et aussi pittoresques que les miniatures dont le « roi savant » a l'ait illus-
tn^r ses œuvres et dans lesquelles revit, comme en un royaume de Lilli-
put, la glorieuse Espagne du xm'' siècle.
LES MIXIATURES - LES VITRAIX LA PEINTURE MLMîALE UH
r.Ii'.LKMiUAI'IllE
I
LA MINLVTUIŒ
Pour les ouvrages généraux, voir tome I, L p. 427.
France. — L. Delisle, Livres d'imagas (Histoire lillériiin- i/c la Fiann-, WXI). — S. Piei:-
(lEi!, ilélaaijcs de l'aléograpItie.La Bible franeaise <m iniiijci ili/c. Paris, IM.St. — ()L:ii;naI!1). /.es
monuments primitifs de la Règle cistercienne, Dijon, iSlH. — DEnAiSNES, ]fisliiire de l'art dunt:
In Flandre, l'Artois et le Hainaut avant le xv" siècle. Lille, 1886. — B.\st.\rd, Histoire ilc ,/csiis-
Christ en /îyures, gouaches du xir nu xrir siècle conservées jadis à la collégiale de Saint-
Martial de Limoges, Paris, 1879. — L. Delisle, Notice de douze livres roi/aux, Paris, 1002:
Notice sur un psautier du xill" siècle appartenant au comte de Crawford (Bibl. de l'Kcole des
Charles), 1807. — IIaseloff, Les psnuliers de saint Louis (Extr. des Mémoires de la Sociclc
nationale des Anticjuaires de France, t. XVIII), Paris, 1899. — S. C. CocKEnELL, A psaltcr ami
hoU7-s exeruted hefore 1270 for a ladtj connecled xcith Saint Louis, probably his sisler Isal)ell;i
lit l'ranie. founder of the abbey of Longchamp, now in the collection of Henry Yales
rhoiiip-iiii. Londres. lOO.j. — l'sauticr de saint Louis, rejiroduction des 80 miniatures du ins.
lat. I0.")20 de la Bibliolhèi|ue Xalionale: 92 [ilanches avec introduction et notices par Ueniy
Omont, Paris, s. d. — L. Delisle et P. Mever, L'Apocalypse en français au xiir siècle, Paris.
1001 (Société des anciens textes français). — The Apocalypse of S. John the divine, reprc-
sented by figures reproduced in l'acsimile from a nis. in the Bodleian Library. Printed l'or
the Roxburghe Club, Londres, 1870. — The Met:; Pontifical, a ms. written for Reinhald von
Bar, bishop~of Metz (1302-1516), éd. by E. S. Dewick, Londres, 1902. Publication du Roxburghe
Club. — E. S. Dewick, On a manuscript Pontifical of a bishof of Metz of the 14''' cent.
(Arrhaeologia, LIV, 189i). — II. Yates Thompson, Thirty-tiro miniatures from the book of
Joua IL Queen of Navarr-a. a manuscript of the l-i"" century. Roxburghe Club. Londres, 1899.
— S. C. CocivERELL. The l'fiok nf Ilnurs of Yolande of Flanders. A ms. of the 14''' century in
Ihe Library of II. Yales Thompson. Londres, 1905. — (Voir également ci-dessous .Xngleterre).
Angleterre. — M. E. Thompson, Ençjlish illuminated manuscripts. Londres, 1893. — II.Vatks
Thompson, .4 lecture on some emjlish illuminated manusci'ipts, Londres. 19U2. — Warner.
Illumiualcd mss. in the British .Muséum. Londi-es, 1900-1904.— Voir les catalogues de Biblio-
théipies. surtout ceux de Mr. Montague Rhodes James sur les bibliothèques des collèges
de ( iambridge, etc., et les deux volumes du catalogue de la bibliothèque de Mr. Henry Yales
riiomiison. dont le premier est fait par Mr. James, le second par dilTérenls collaborateurs.
— Ad. Goldschmidt, Der Alboni-Psalter in llildcshcim und seine Beziehunij zur sytnbolisclwu
Iîirchenskul]}lur des XII. Jahrhunderts. Berlin, ISO."). — Westlake and Pordue, TIw illumina-
tiims of Old Testament History in Queen Mary's l'saller, Londres et Oxford, s. d. — O.mont,
Miniatures du Psautier de saint Louis. Manuscrit lat. 75 .4 de la Bibliothèque de l'Université
de Leydc. Édition pholotypique, Leyde, 1902. — Facsimiles in photogravure of six pages
from a Psaltcr, vritten and illuminated ahout 1.Ï25 for a member of St. Omer family in Nor-
folk, subsequently (i. 1422 A. D.) the property of Hunij>lirey, duke of Gloucesler, and now
in Ihe library of Henry Y'ates Thompson. Londres, 1900. — (Voir également ci-dessus :
Eraiice.)
Allemagne. — Jamtsciiek, Ccschiclitc tler dcutschen .Malcrci, Berlin, IS90.
SUD-EST. — WiCKHOFF, 6c.sc/i7-eî6cnrfc,<! Verzeichnisdcr illustrierlen llandschriften in Oester-
reich (I. Hermann, Die illustrierlen llandschriften in Tirol, Leipzig, 1905; II. Tietze, Die
illustrierten Handsehriftên in Sahhurg, Leipzig, 1905). — Lind, £■!■)( .Antiplionarium mil Bildcr-
schmuck ans der Zeit des 11. und 12. Jahrhunderts im Slifte St. Peter zu .Salzburii.\''\enne. 1870
(cf. Milteil. der Central-Commission, 1869).— NEuwinrH, Sludien zur Geschichte der Minia-
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Texte par .A. Stiiafb et (l. Keller. Strasbourg, 1901.
1-20 iiisroiRF. ni-. i.Anr
MHS. Di: >.\l\ri: int.blJiMiUi:. — Oc. hklii.li ^i.i;. Il,,- Mi„l,Uiin-,i r/f;- l'iùrrrsihilshi-
bliolhek :u JJn,lrll,ri;j. 11. llcifloll)ori;. — A. v. d. Linde. iJir ll,i>„lschi-ifln, ,!,■,■ kijl. Lumlr:-
bihUolhck in Wirsl,,,,!,-,,. Wieshndcîi. IS77.
1/ss. L)i: ]\'i:i.\i:.\HT/:x. - lu-imn. iimi^ri,.- ijimiiur /ciiin,:i. r.Mi:.. p. ]ws ,.[ -uiv.
/,'.!. S-/,7//iV, S.IXL\ rilUltl.M,/:. — hi:ol.E 1)1: COI.OIjM-:. — voir k' c;il,il(.i;m' de l'Kxiio-
ï^ilioii rétrospeclive de Diisseldoi-r on l'.lOi (Notes de M. IlasplolV). — Aluenhoven', (ic.fchiiiUc
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iiii Shfh- SI. El.n-iini. \ieiine. 1805. — I.mi; und ScmwaI!/,, l:ilili,i ],iiiijieritiii liUM.'li ileni Ori-
liin.d in dci- l,\roMin^!iilil. m C.oiisl.iii/,), Zuricli. lSli7.
II
LA PEIMLIRK SUR VERRE ET LA PEINTURE MURALE
France. — \ uii' lonic 1. p. 81.".
Suisse. — li.vri^ (D' J. Iîiholk). Ceseliicldeder bildcndcn Kiinsle in derSehwci:, Zurich, 1870,
in-8" p. 580 et suiv. — Baun (.1. 1!.). Die Glasgemdlde in der Rosette der Kathcdrale in Lnusanne.
danslesJ/;//r,7,,,,.,oM/,■^,!/i//■7,-,^v^s7•/,enGese(;sc/^f(/Y.^»^■c/^,1878-80.— R.uiN(J.R.)etLEnM.v\.\(II.i.
Die si7/i''(i,-(i /><//,•,( i:l,is<i,-iittilde in der Vincent' sclien SaDDithinij in Kunstnnz, dans les Mit-
teil. der ,1111,11. Iles. /. l,,iiie \.\II, 1890, in-4«, p. 259 et suiv. (Bibliographie détaillée des vitrau.x
suisses, complétée dans l'Indicateur des anlicjxtités suisses, Zurich, 1900, in-8", p. 09 et suiv.).
— Raiin (J. 1{.), Die mil tclalterliehen Wandrjemdlde in der italienischen Schwei:-, dans les
Mitleil. der anliq. Ges. iT., 1881-1886. — Raun (.1. ïi.), Deu.x suites de peintnres profanes du
Xl\'' et du XV" siècle dans les Monuments de CArt suisse. Genève, 1902, in-4". — Durrer
(Robert), Der mittelalterliche Bildersclimuck der Kapelle zu Waltalinr/en bei Stammlieim,
Zwei Bildereyklen aus dem Anfang dci XIV. Jalirhunderts. {Die Gallus Kapelle in Ubcrstamm-
heini und die Herrenslube in Diessenhofen), dans les Mitteil. der anliq. Ges. Z., 1898,
1899, 4": — Die WapjienroHe von Zitrich, ein licraldischcs Denkmal des XIV. Jalirhunderts,
'25 planches en couleur publiées par VAntiq. Ges. Z., s. d. — Leumanx (llnns). Zur Geschiehte
lier Glasmalerci in der Scliweiz, I. Teil. IhreEntwickhinç/ bis zum Si-hln^sc ,lfs 1 1. Jalirhunderts,
dans les Mitteil. der antiq. Ges. Z., 1900 (aper.çu complet de rbisbiiic du \ilrail en Suisse).
— Kraus (J. X.), D'ie Miniaturen der Manesse'schcn IJederhnndschrifl. (Reproductions en fac-
similé), Strasbourg, 1887, in-fol.
La peinture, du XI' au XIV» siècle en Espagne. — .Monumentos arquitecidnicos de
Esjiana. nouv. édit., 1905. Monuments chrétiens de Tolède. — .1. Gudioll y Cu.nill, Aocioncs
de arqiico/oyia sayrada calalnna. X'ich, 190'2. — Du même : Calàluyo del Maseo arqueoldijico
arlLilinj episc.pal de Vlrb. \ich. ISilj.
CHAPlTRi: 1\
LA PEINTLPii: ITALIENNE AVANT GIOTTO'
Les traditions latines et les influences grecques a Rome;
MOSAÏQUES ET PEINTURES DE lépoque ROMANE. — Dcs Ic coiiimcnccmenl
du xii*" siècle on entrevoit, dans ritalie entière, un réveil artistique. Cet
art roman, qui pousse de toutes parts des jets vigoureu.x, ne s"ég-aie sans
doute pas de lleurs bien délicates; à la végétation de rudes sculptures
([ui revêt les portails des cathédrales nouvelles commence à répondre, le
long des nefs et des voûtes, un décor peint où l'ornement stylisé s'associe
aux compositions pieuses; mais la bonne volonté est plus évidente encore
que le talent. D'oii peuvent venir les influences d'art, et où se concen-
trent-elles? Si l'on essayait de dresser une carte de l'Italie artistique vers
cette époque, on serait surpris d'y trouver peu de grands espaces abso-
lument vides. Les jeunes républiques batailleuses et commerçantes, que
l'on imagine plus préoccupées d'assurer leur existence que de l'orner,
ne négligent point démarquer leurs avantages de guerre ou d'argent par
des constructions nouvelles, que décorent les artistes locaux. Au nord,
\enise apparaît comme un prolongement de Byzance sur les rives de
l'Adriatique; la basilique de Saint-Marc, déjà toute éblouissante de
mosaïques et de marljres précieux, a été consacrée en Id'.K"). En lll'jest
exécutée à Ravcnne la grande mosaï([ue de la cathédrale dépecée au
xviii'' siècle i; vers le même temps, l'abside de la basilique de Saint-
Ambroise de Milan est revêtue d'une mosaïque assez barbare où le
Christ trône entre les saints Protais et Gervais, et où saint Ambioise est
représenté deux fois, célébi-ant la messe à ^lilan ci assistant aux
obsèques de saint Martin à Tours. .\ Vérone, le Musée conserve des
fragments de iVi'sipies du xii' siècle; à Reggio, nous sa\onsque la façade;
delà catlit''dralc lui orn(''e de peintures, admirées au point ipii' le niuni-
I. I';ii- M. Aii.hv l'L-ralé.
122 HISTOIRE 1)1". I.ART
(•i])c pi'(iliiii;i (l'allumer du IVu sur la place, de craiulc (pic la ruiiu''c ne
les li'àlàl ; à .M()d(''ii(' aussi, la cal li('Mlral(' re(^ut d(?s pciul lires, doul il suli-
,si.sle quelques ligures d'aui^es. A Bologne, on trouve en llHIO le iKun
d'un Gaiidiil/iniis piclor: i\ Purnie, d(''s 1068, un Everard, \n-ulrc et iiciiilrc.
Là aussi, couimc à Rcggio, la liKiadc de la calluklrale était toute peinte.
.Jusqu'en des recoins perdus au pied des hautes Alpes, les héncdictins
ont laisse!' une trace durable de leur passage : à San Pielro di (livale,
une petite église construite par eux abrite encore des figui'es de style
grec. Puis c'est la Toscane, a\('C Pisc ci Sienne, riches en arlisles
plus que toutes autres cités; avec Florence, où l'on rencontre en lOGC)
le nom de Fra Rustico, clerc et peintre, en IIP.' celui de Girolamo di
Morello, en I PM celui de .Mai-chisello. Plus bas, c'esl lîome, (pii,
tout alïaihlie, déchirée, dévastée, garde encore la majesié de la puis-
sance jiapale. Au delà du Sainl-lMupire, la ferlile (lamjianieel les villes
apuliennes, et, plus au sud, les régions à demi sauvages où les moines
basiliens s'enferment dans leurs grottes pour en tapisser les parois
(le peintures semblal)les à celles de l'Athos, conduisent vers la
Sicile, cette outre (ïr(''cc, où vont surgir d'admiral)les monuments
byzantins.
La plupart des artistes, nous l'avons déjà vu, sont dirigés par les
ordres monastiques établis dans la péninsule; il serait plus juste de dire
qu'ils appartiennent alors au seul ordre des bénédictins, dont les monas-
tères, du sud au nord, regardent tous vers le Mont Cassin. Les cister-
ciens, fpii vers la fin du xif siècle apporteront de France les premiers
éléments de l'arl gothique, ne seront que des architectes; les bénédictins
sont des peintres. Enlumineurs et fresquistes, ils ont un enseignement et
une tradition d'art; mais leurs propres ressources deviennent insufli-
santes, s'il s'agit de renouveler les grands décors ipii tiicnt la lieaiit('' des
l)asiliques romaines jusqu'aux temps carolingiens. La mosaïque n'est plus
un art latin, c'est un art grec, que seuls connaissent encore les praticiens
de Constantinojtle ou de ^ enise. G'esl à des artistes de (lonslaiitinople (pie
l'abbé Didier, l'illustre rén(nateur des arts au Mont (iassiii, avait, dés le
xf siècle, demandé le secret de techniques abolies. Devenu pape sous le
nom de Victor 111, il régna trop peu, et en des moments trop troublés, pour
pouvoir enrichir Rome d'édifices aussi splendides que ceux du Mont
Cassin; mais, parmi ses successeurs immédiats, Pascal II et Calixte II
s'occupèrent à déblayer les ruines accumulées dans la ^'ille sainte. Pas-
cal éleva la nouvelle basilique de Saint-Clément sur les piliers de la liasi-
lique primitive aux trois quarts enfoncée dans le sol. 11 y transporta les
anciennes clôtures du chœur et les ambons au monogramme de Jean \'l 11.
et orna l'abside d'une des plus belles et tout à la fois des plus singu-
lières mosaïques que l'on puisse voir dans une église romaine. La Croix,
LA PEI.NTI'IIE ITALIENNE AVANT GIOTTO 423
où csl altaché le Christ, représenté mori <■! la tète inclinée, conlraire-
uient aux règles de Ticonograpliie byzantine peut-être est-ce l'effet d'une
restauration postérieure), porte en même temps douze colond)es, les
Apôtres. Elle sort d'une large touffe d'acanthe aux feuilles robustes, d'où
s'élancent à droite et à gauche de grands rinceaux de feuillage tout pareils
à ceux dont fui ornée, au iv" siècle, une des absides du baptistère du
Latran (voir 1. 1", p. iOi. Sur le fond d'or où serpentent leurs volutes,
il y a des oiseaux qui s'éliattent, de petits amours ijui joueni, des
scènes pastorales, et les ligures tles quatre Docteurs de l'Eglise. A la
base delà grande touffe d'acanthe jaillissent les quatre lleuves, où boi-
vent les cerfs mystiques et toute sorte d'oiseaux. Au sommet de l'abside
se déploie l'éventail multicolore où l'on voit dans un médaillon la main
du Père qui bénit. Enfin une zone inférieure enferme, selon la tradi-
tion classique, l'Agneau divin debout sur un tertre, entre les douze brebis
(pii sortent de Jérusalem et de Bethléem. Tout rappelle ici les souvenirs
tles plus vieilles et des plus belles mosaïques romaines, celles de Sainte-
Constance, du Latran, de Saint-Pierre; et plus on analyse les délails,
plus on se sent porté à croire que l'on n'a vraiment pas alVaire à une
création nouvelle, ou même à une imitation d'une oeuvre dis|)arue, mais
plutôt à un remaniement et à une mise en place d'une mosaïque (li'jà
existante, à peine modifiée et accrue. Ainsi le premier travail il'un
atelier de mosaïstes installé à Rome au début du xn' siècle n'aurait
i''lé (|u'une restauration. Il n'en est [)as de même du décor de l'arc absi-
ihd. où les symboles des Evangélistes flottent dans les nues aulour
du buste du Sauveur, où saint Pierre et saint Clément siègent en
regard de saint Paul et de saint Laurent, tandis que, plus bas,
Isaïe et Jérémie déploient de longs rouleaux de parchemin. Si l'espril
de la composition est antique, il semble bien que l'exéculion en soil
assez récente, et peut-être même i)Ostérieure d'un siècle aux travaux de
Pascal II.
Calixte II ne fit pas exécuter de mosaïques, mais les peintures dont
il enrichit le Latran, si elles n'avaient lamentablement péri dans les
deslruclions ordonnées par Paul III et Jules III au cours du xvi" siècle,
seraient considérées sans doute comme les premiers monuments d'un ail
nouveau, les premières ébauches de la peinture historique, i)lus d'un
siècle et demi avant Giotto. Dans un oratoii'e dédié à saint Nicolas de
Bari, il avait fait représenter les six ])apes ses prédécesseurs, avec saint
Léon et saint Grégoire le Grand, groupés autour du trône du Christ, aux
pieds duquel lui-même s'agenouillail : pln^ li.uil éLiil la \"ii igc Mai-je
pai'mi les anges. (>ela n'avait rien (pu' t\r h adilionncl ; le nou\rau lu! que,
dans une salle annexe, Calixte ordonna de peindre encore les mêmes
papes, mais celte fois réunis ou ( oneile parmi les évêf|ues el les eai'di-
mSTOIIU': IiK I.Al'.T
iiaiix. cl l'oiilanl aux pieds les aiil ipapcs : |i()Ui'(|U(ii l'aul-il (iiiil ne iiuus
irslc que (raïuiriuics (Icscrijilioiis. et pas un dessin d'une œnviT aussi
j)rccieuse '
Sous Innocenl li apparaisscnl des mosaïques nouvelles, où s'intei'-
iduqil à demi la li'adilion laline. Si on ne peut guère relever d'inlluences
In/.anlines dans la mosaïque de Saint-Clémenl (sauf peul-èlre Taddi-
tion des fio'ures de la Vierge et de saint Jean aux eùlés i\v la Croix),
l'impression est tout
aulreilex ani l'ahsitle
de Sanla Maria
Xuova (((ue l'on a
n o m m é e depuis
Sain l e -F r a n ç o i s e
domaine). Là, c'esl
vraiment Byzanee
cpii nous parle, ou,
si l'on [U'él'ère, les
(unriers grecs du
Monl C.assin, occu-
j>és à traduire une
œuvre grecque. Cai-
cette Madone diadé-
mée, vêtue en impé-
ratrice, cjui siège sur
un trône au dossier
renlli''. aux jdeds
d'orfèN rerie, et lien!
debout sur ses ge-
noux im Enfant mai-
gre, d'une raideur
hiératique, est toute
jiareille aux icônes
orientales; quoi
(|n'(»ii en ail ])u dire loul récemment encore, rien dans cette œuvre
éclatante et tig(''e ne porte la marque d'un art nouveau (lig. i'M). Les
a[)ôtres saint .lean cl saint Jacques, saint Pierre et saint André, debout
aux côtés d(,' la \'ierge sous des arcades que supportent des colonnes à
clia|)iteaux corinthiens, n'ont de latin que leurs inscriptions. 11 n'est
]>as douteux d'ailleurs que l'on ne doive chercher le prototype de ce
curieux monument dans la mosaïque absidale de la cathédrale de Capoue.
ordonnée par l'archevêque Ugo vers le début du xn' siècle, et, comme
les mosaïques campaniennes de même époque, exécutée par l'atelier du
T. II. — 5i
/m HISTOIRE DE L'ART
Molli Cassiii (iious lie la coiiiiaissons que par une gravure di; Ciauipini).
liicn plus iuiporlantc el d'une composition plus riche, la mosaïque
ahsidale de Sainte-Marie du Transtévère, ordonnée par le même pape, en
1 1 iO, montre pour la première fois en Italie un des thèmes de prédilec-
tion de l'art chrétien du moyen âge, le Couronnement de la Vierge
(lig. 295). Encore ce thème n'a-t-il pas reçu dès l'abord sa formule défi-
nilive; car Marie n'est point réellement couronnée par son Fils; elle siège
à sa droite sur un large trône, comme une impératrice auprès d'un em-
jiereur. Le Christ tient un livre où on lit : Veni, clccla Diea, et poiiam In
le thvonum meum, et il appuie la main droite sur l'épaule de sa Mère, pour
présenter en même temps qu'elle un parchemin avec les paroles : Leva
ejus sub capile meo et dextera illius aniplcxabilur me. Le geste se transfor-
mera, cent cinquante ans plus tard, dans la mosaïque de Sainte-Marie-
^lajcure; ici il est encore byzantin. A droite du trône céleste se tiennent
les saints Gali.xte et Laurent, que suit le pape Innocent II, tandis que
de l'autre côté saint Pierre est accompagné des saints Corneille, Jules et
Calépode. Dans la frise inférieure sont les brebis et les villes mystiques;
sur l'arc, les symboles évangéliques autour de la Croix et des sept can-
délabres, et les prophètes Isaïe et Jérémie. Un détail qu'il ne faut pas
oublier, et qui marque bien la persistance à Rome des traditions classi-
ques, c'est l'arrangement, au pied des deux Prophètes, de deux petites
scènes imitées de quelque bas-relief, qui représentent des amours tenant
un drap plein de fruits, et des oiseaux posés sur un vase de fleurs.
Ouelques années plus tard, le pape Eugène III faisait terminer les
mosaïques de la façade (misérablement restaurées au xix'' siècle), oîi
l'image de la Mère de Dieu domine les figures des dix \'ierges sages et
folles, portant leurs lampes allumées ou éteintes.
A l'exemple de Calixte II, Innocent II avait continué d'orner le palais
de Latran de peintures historiques, qui durèrent, elles aussi, jusqu'au
x\f siècle; elles représentaient, en plusieurs tableaux, le couronnement de
Lothaire II, son serment aux Romains de respecter leurs privilèges, et
l'accolade qu'il recevait du pape.
Mais bientôt une nouvelle dévastation de la malheureuse Rome
interrompt les travaux d'art des papes; les troupes de Rarberousse, en
1167, saccagent le palais qu'Eugène III venait de construire au Vatican,
incendient et profanent la basilique de Saint-Pierre. Il faut attendre le
grand règne d'Innocent III et les premières années du xiii'' siècle pour
voir de nouveau les églises se relever et s'embellir. C'est le temps où les
marbriers Jacques et Cosmas, membres d'une puissante famille d'artistes,
t:ommencent, au Latran et à Saint-Paul-hors-les-Murs, ces cloîtres déli-
cieux où les colonnes sculptées se fleurissent de mosaïques, où des
inscriptions en lettres d'or étincellent sur une frise aux couleurs joyeuses.
LA PEINTURE ITALIENNE AVANT GIOTTO 427
Celle dynaslic des ;/(fl/'///o)Y(/'/ romains, arcliilccles, sculpteurs el mosaïstes,
qui durant tout le xiii" siècle remplira l'Italie de chefs-d"œuvi-e, si Lien
qu'on les sollicitera de partout, et jusqu'en Angleterre, semble avoir ses
origines dans les montagnes de l'Ombric. C'est un marbrier ombrien, le
Solslernus qui orne d'une vaniteuse signature, en l'207,unc assez pauvre
mosaïque sur la l'acade du dôme de Spolèle. Sculpteurs d'ornements
inimitables, au point que l'on a longlem})s confondu plus d'un de leurs
bas-reliefs avec les œuvres des premiers siècles, les iiKiniKiniri ne suf-
fisent cependant pas, malgré toutes les ressources de leurs ateliers, à
reprendre les grandes compositions de mosaïque dont !(^s ouvriers
grecs du Mont Cassin avaient restauré la tradition au siècle précédent.
Ce qui le prouve, c'est la lettre que le pape Ilonorius III écrit, en janvier
l'2IS, au doge de ^'enise, j)our le remercier de lui avoir adressé un maître
mosaïste, et lui en demander encore deux autres. Il fallut donc recourir
aux maîtres vénitiens, c'est-à-dire à des Byzantins, pour terminer la vasic
mosaïque absidale de Saint-Paul-hors-les-Murs. Elle ne doit pas ctie
une œuvre nouvelle, mais bien un remaniement de l'ancienne abside, où
l'on peut supposer qu'était déjà figuré le Rédempteur trônant imiIic
saint Paul et saint Luc, saint Pierre et saint André; dans une zone infé-
rieure, les douze Apôtres, au lieu des brebis accoutumées, séparés par
des palmiers, ainsi qu'on les voit à Ravenne, entourent un autel que
gardent deux anges.
A Saint-Laurent-hors-les-Murs, Ilonorius III accomplit aussi des
travaux considérables : il fond en une seule basilicjue les deux églises
piimili\es, et devant la nouvelle façade élève un porche décoré de mosaï-
(pies el de fresques. Ces fresques existent encore, mais si retouchées, ou
plutôt si affreusement repeintes, qu'il est difficile de juger de leur valeur
d'art; on ne peut plus que soupçonner leur grande valeur historique. Elles
représentent, en compartiments juxtaposés, d'abord la vie et le martyre
de saint Laurent et de saint Etienne, puis un événement historique
contemporain, le couronnement de Pierre de Courlenay, sacré empereur
d'Orient, en 1217, dans celte même liasilique de Saint-Laurent, par le
pape Ilonorius.
Restaurées aussi, mais de façon moins l)arbare, les fresques (pii
décorent la chapelle de Saint-Silvestre, au seuil de l'église des Ouatre-
Saints Couronnés, sont un des meilleurs témoignages qui nous resleni
des ambitions et des maladresses de l'art romain dans la première moitié
du xiu"^ siècle. On les croirait volontiers plus anciennes, et l'on est surpris
de devoir en faire descendre l'exécution jusqu'au temps d'innocent IV,
en 1240. L'artiste indigène qui les peignit, moine ou laïc, n'avait guère
profité des leçons des peintres grecs venus du nord; son dessin misé-
rable le prouve. Très précieuse d'ailleurs pour l'histoire du costume, celle
■ios IIISIOIUK DM I.AIiT
h'-ijonde ('11 inin£;TS fin |ki|h' snini SiKrsIrr ri de In fimiriisc DniKilioii do
Conslanlin «'sl iianvc ;im'c le plus lii'nnd luxe de drlnils |iill(iic>(|iirs :
c'est un lidrlc commcnhurc du ri'cil un |i('n dilTus que Jacqnes de \'ora-
gine, nn dcnu-sirele plus laid, va insrin- dans sa Lf^çendc dorée (fig. t296).
Mais lonl n'en es! pas latin, car la icpi'(''si'ntali(in dn .Tuycnicnl dernier,
qui oeen[)e uni' parlirdcla niuraillr du fond, est Mcn conrornic aux rè-
gles d(^ l'iconogi'apliic liy/anlinc. Le ( llirisl Juge (|ui sirgc. cnloni-i'' des
emblèmes de la Passion, sur un trône aux côtés duquel sont dcliout la
Vierge et, le Précurseur, et assis les douze Apôtres, tient de la main gau-
clie la (a-oix. el lève la main droite et d(''couvre son liane nu pour mon-
l'ii.. -i'.ii.. - l.,i I
l.iiiliii. Iiv-ciuv ilr la Lhapelle de Saiiil-Silvesli-c.
Irer ses plaies; deux anges volent dans les airs, dont l'un souffle dans
une ti-oni|telle. el l'autre roule un parchemin constellé. ])onr ti-aduire le
texte de rApocai\|ise : •■ Le ciel se i-etira comme un li\re (pie I (ui rdule»
(VI, -il. (Jela rajipelle les mosaï(pi('s \(''niliennes. el aussi les peinlures
de SanL'Angelo in l'ormis; mais il est élrange de penser (^pie eimiuante
ans à peine nous séparent des cliefs-dd'u\ re de (liotlo.
I^RKUOMINANCE DU BYZ.VNTIMSME AV DÉBLT DU XIll' SlÙUUt:. PREMIERS
ARTISTES FRANCISCAINS. MoS.\IOUES DU BAPTISTÈRE DE F"lORENCE, ET PEIN-
TURES DU BAPTISTÈRE DE Paisme. — 11 seuililc liicn désormais (|ue l'art
liyzanlin ail terminé son lent travail d'investissement, el (|u'il soil luailre
de l'Italie. Les liénédictins ont été ses alliés sans le Nouloir; ils lui oui
demandé sa technique; ils ont inler[irété ses le(;;ons, cl copié ses compo-
sitions immuables. Ces peintres locaux, dont les comptes d'archives nous
LA PKINTI'RE ITALIENNE AVANT GIOTTO «9
;i|i|iriniicnt les noms bien plus que les œuvres, sont trop souvciil (\f ^^los-
>icrs cl iiialiiabilcs décorateurs; et s'il s'agit de quelque travail d'iuipur-
taiice, il faut bien s'adresser à ceux-là seuls qui ont le renom d'artistes.
Le pape Innocent III, par ses relations avec Naples et la Sicile, a favorisé
!'inq)ortation des orfèvreries, des tissus, des tableaux d'Orient, et nous
avons vu son successeur HonoriusIII recourir aux Byzantins du noid. aux
artistes de Venise. Cependant, au temps même où cette domination de
Byzance paraît le plus solidement assise, un immense cbaniienient se pré-
parc; une lumière nouvelle a lui sur les collines d'Ombrie. Saint Franç;ois
et ses compagnons parcouii'iil l'Ilaiie. A leur voix généreuse, les préceptes
rigides se brisent, le vieux l'ormalisme desséché s'émiette, et de pauvres
peintres qui balbutiaient sans les comprendre les thèmes péniblement appris
s'aperçoivent que les hommes sont vivants et que la nature est belle. Mais
la révélation franciscaine, d'où sortiront des poètes comme Fra Jacopone
et Dante, des peintres comme Giotto et les Lorenzetti, ne va point cepen-
dant émanciper l'art en quelques années; de trop fortes chaînes l'attachent
encore à l'Orient. Ce qui est digne de remarque, c'est que, tout de suite,
la ligure même de saint François apparaît dans les fresques italiennes
(il n'en est point de même pour saint Dominique, malgré le 1res rapide
développement de son ordre). Un porli'ait du Poverello d'Assise, un des
premiers, se trouve au Sacro Spcco, dans la grotte sainte de SuJjiaco, au
centre même d'où partit la réforme bénédictine. Est-il l'œuvre de quelque
artiste franciscain? Ce ne serait pas impossible; car l'ordre nouveau, à
peine constitué, compta des artistes. La preuve en est la signature de ce
mosaïste qui a décoré, en I^'ir», la voûte de la tribune du baptistère de
Florence : Sancti Frnncisci frôler fuit hoc opcrafus Jacobiis iii lali prc cinidis
<irlc priilialus. L'inscription, très détaiiié(_' et précise, et où la date esl
menli()nn(''e dans un dislicpie spécial, doit être de quelques ann('-es posb''-
lii'Uir. le iKini lie saint ne pniivaiil Liuère avoir été donne'' à b'raneois
a\ant sa canonisation, qui est de l'i'JT; elle démontre, en tout cas. (junn
mosaïste célèbre, du nom de Jacques, fut parmi les premiers moines lian-
ciscains. 11 avait, sans doute, fait son éducation à \'enise; la finesse th-
son travail est toute grecque. Autour d'un médaillon central qui renlVrnii'
la figure de l'Agneau, des paliiarclies sont debout en liuil coniiiaili-
ments (selon la disposition si fréipieide aux plafonds des Catacondtes
romaines), et quatre anges trapus et péniblement agenouillés sur des cha-
piteaux de feuillage souliennenl, de leurs bras tendus. toiil<' eellc voTilc
au ciel d'or: sur des cartels à la base des chajiiieaux >r ili''|iloir 1 iii>-
eriplinn en liiiil vers alexandrins, l'iir doidijc frise, sur l'are i'\l(''rirui- dr
la \()ùlr, uionli-e dans \\u ni('-daillnii le biisle du Pfécui-seur. eiilouri'' de
ceux des douze' .Vpôtres e| des qiiali'e b]\ angidisl es. puis eeini de hi
\ ierge, (Mdouré (les ligures en |iii'il Ar doii/.e l'io|iliéles: an-ilessus se
/j-0 HISTOIRE DE LART
(lrvclo]ipr nue zone étroilc de rcuillagcs, doiil les liampes sont portées
|i;ir (les eiil'anls mis qui ohevauehent iiii lion cl. une lionne.
C'est prohahlemcnl aussi k un arlisie franciscain qu'est dû le grand
cycle de peintures absolument byzantines, mais par endroits d'une réelle
jjranié, (pii revêtent la coupole du baptistère de Parme. Elles doivent
dater de la seconde moitié du xm^siècle. Dans une des niches du soubas-
sement, la scène des Stigmates de saint François lait pendant à la A'ision
d'K/.écliiel. Des compartiments à légendes latines racontent l'iiisloire de
sain! .Iean-r)aplisle; dans la scène du Baptême de Jésus, l'on voit au
pied du (Ilirisl une petite figure assise et tenant une croix qui symbolise
évidenunent le .Tourdain, comme dans la mosaïque analogue de Monreale.
Plus haut siuil les Prophètes, le Sauveur trônant entre la Vierge et le
Piécursèur, enlln les douze Apôtres et les animaux évangéliques.
Nous savons par la Chronique de Fra Salimbene qu'en It^."." chacune
des paroisses de Parme possédait une bannière à l'image de son .saint
patron; c'est avec une de ces bannières, où était peint le Couronnement
de la Vierge, que les milices de Parme marchèrent contre les troupes de
Frédéric II, à l'assaut de Vittoria. Le peintre des bannières n'était-il pas
franciscain, et n'avait-il pas représenté saint François au nombre de ses
pieuses figures?
Pavements nisTomÉs de l'Italie du Nord. — Les traditions antiques,
soigneusement conservées et ravivées par les artistes byzantins, se retrou-
vent encore dans les restes assez nombreux de ces pavements en mosaïque
de marbre, dont l'usage se continue en Italie depuis l'époque classique.
C'est surtout dans l'Italie du Nord que l'on en rencontre d'intéressants
exemples. On a parfois reculé jusqu'au viii'" siècle la date de cjuelques-
uns de ces pavements, dont les plus anciens n'ont point de figures, mais
seulement un décor géométrique; mais ce n'est guère avant le \\f siècle
que l'on y voit réapparaître, parmi les entrelacs et les feuillages, les
composil ions symboliques, auxquelles succèdent plus tard, comme dans la
lilléralurc italienne h ses débuts, les souvenirs de Virgile et d'Ausone, la
légende de la guerre de Troie, et des détails tirés des poèmes de cheva-
lerie. Plusieurs mosaïques de Pavie, conservées dans la basilique de
Saint-Michel ou transportées au Musée Malaspina, représentent le laby-
rinthe et les douze Mois, puis des animaux fantastiques, et le célèbre
Combat des Vertus et des Vices, que le poème de Prudence, la Psychoma-
chie, avait introduit dès les premiers siècles chrétiens dans l'iconographie
ornementale. A Crémone, cette imagerie symbolique est développée avec
plus de détails : la Cruauté et l'Impiété se transpercent mutuellement, et
la Foi, qui porte un diadème royal, plonge sa lance dans la bouche de la
Discorde agenouillée à ses pieds. En d'autres compartiments, un démon
LA PEINTURE ITALIENNE AVANT GIOTTO 451
lutte contre un centaure bizarre, deux loups sont enchaînés dos à dos,
un chasseur lance son chien contre des monstres. A Plaisance, les Mois
sont très joliment représentés en des médaillons dont le cadre renferme
des vers d'Ausone et se détache sur un fond à ondulations blanches et
noires, qui sont les vagues de la mer peuplée de poissons et de sirènes.
Une autre mosaïque de Plaisance n'est pas moins curieuse, avec la figure
assise de l'Année tenant en ses mains le soleil et la lune; des hommes et
des animaux d'une ingénieuse fantaisie; enfin quatre scènes parmi les-
quelles on reconnaît l'invention par Ulysse du jeu des échecs, pendant
la guerre de Troie. A Reggio, à Aoste, les Mois sont encore le thème
ornemental, et ils ont les attributs habituels que leur donne en ce même
temps la sculpture romane; à Novare, à Verceil, à Casai Montferrat, il y
a des scènes bibliques; le pavement de Verceil, malheureusement
découpé en plusieurs morceaux, comprenait deux portraits, peut-être
ceux des maîtres mosaïstes, Mainfredus ciistos et Coii.slanciiis vionacliiis.
A San Benedetto di Polirone (en Mol), les ^'ertus sont debout sous des
arcades pareilles à celles des sarcophages et des façades romanes; à
Ivrée, les Arts libéraux, Grammaire, Dialectique, Géométrie, Arithmé-
tique, sont représentés par des femmes aux cheveux flottants, assises sur
un large banc aux côtés de la Philosophie, plus grande et d'attitude
loyale. A Acquanegra, il y a des scènes de l'Enéide, comme à Pesaio,
où l'on voit l'Enlèvement d'Hélène; à Ravenne enfin, dans l'église de
Saint-Jean-Baptiste, l'abbé Guillaume avait fait dessiner, en 1215, divers
épisodes de la troisième croisade. Il faudrait encore citer des scènes
plaisantes, comme l'enterrement de maître Renard, conduit proces-
sionnellement par tout un clergé de coqs et de poules, et sortant de sa
bière pour mettre à mal ses porteurs : cela se voyait au xiii'' siècle, à Ver-
ceil, et dès 1140 à Murano. Tout ce cycle si varié, si pittoresque, où les
petits cubes de marbre de couleur, rouges et noirs, le plus souvent noirs,
sur fond blanc, composent des dessins très simples et agréables à l'œil,
prépare les marbres gravés, les gigantesques nielles qui ornent le baptis-
tère de Florence, et surtout, du xiv° au xvi' siècle, l'immense pavement
de la cathédrale de Sienne.
Crucifix et M.vdones de tradition byz.\ntine. Les premiers pei.ntres
PISANS, LUCQUOIS, SIEN.NOIS ET FLORENTINS. LeS PREMIERES FRESQUES
d'Assise. — Depuis le temps où la persécution des iconoclasies avait fail
émigrer vers ritalie les moines grecs [teinlres de Madones et de Crucilix,
les images pieuses, les icônes, grandes cl pclilts. n'avaiciil cessé de sortir
des couvenis pour aller orner 1rs autels des ('gliscs cl des chapelles
neuves. Aux plus anciennes de ces images s'allacliaii parfois une verlu
miraculeuse, confirmée par des récits légendaires; des pèlerinages leur
.i.V2 IITSTOIRK Di: LAP.T
np|i()ilai('iil une (](''\(>lioM toujours croissjinlf, l'I les copies s'en répan-
(hiicnl ;ui loin. Le lype oriciilal du Ciirist en croix, à la tête droite, aux
traits paisibles cl inaltérés, aux yeux grands ouverts, avec une expression
souvent saisissante de majesté et de douceur, ne fait place qu'assez tard
an type occidental. Le (Irucifix qui, selon la légende recueillie par saint
lionavcnturc, parla à saint François dans la pauvre chapelle de Saint-
Damien — il est pieusement conservé par les religieuses de Sainte-Claire
— est la plus émouvante peut-être de toutes ces icônes byzantines; ses
grands yeux ont une expression vi\ante. (lelui qui parla à sainte Catherine
de Sienne, et qui, provenant de Pise, est gardé à Sienne dans la maison
même de la sainte, n'est guère moins beau. Un autre, dans le dôme de
Sj)oiète, porte le nom d'un Albertus, et ladate de 1187. Un autre, de dimen-
sions énormes, se voit à Saint-Michel de Lucques ; et l'on en peut rencon-
trer un certain noml)re encore en divers points de la Toscane. Dans toutes
ces images, la croix est peinte sur un panneau assez large, en sorte qu'on
y puisse représenter, au sommet, à la base et sur les côtés, de petites
scènes qui résument l'histoire de la Passion et le triomphe du Christ
ressuscité.
Mais, au xiii" siècle, voici que le Christ de douleur se substitue par-
tout au Christ de gloire. Le culte franciscain pour Jésus soufTrant multi-
plie rapidement la nouvelle image : le corps iléchissant, les bras
péniblement tirés, la tête aux yeux fermés inclinée sur l'épaule, c'est le
Christ mort pour les péchés des hommes, et dont la vue lamentable doit
convertir le jiécheur. Les plus anciens exemples en sont peut-être à Pise,
dus à un Giunta di Guidetto di Colle, dont le nom est demeuré associé
à celui de saint François. Ce Giunta est le premier peintre italien dont les
documents nousprécisent unpeula personnalité. Dès l'20'2, il est mentionné
comme peintre ; en 1210, en 1229, en 1255 encore, on retrouve son nom.
II peint en 12Ô6 pour frère Elle le grand Crucifix de la basilique d'Assise;
il en peint deux autres conservés à Pise; on lui attribue surtout divers
portraits de saint François, dont l'un, à Sainte-Marie-des-Anges d'Assise,
est travaillé comme un émail byzantin, avec son fond doré et son cadre à
cabochons. Le saint apparaît de taille très longue, maigre, avec une tête
étroite et des yeux rapprochés ; deux anges se tiennent derrière lui dans
une attitude de respect. Dans ces diverses œuvres, Giunta — si vrai-
ment il s'agit bien de lui — se montre assez fidèle discijde des peintres
liyzantins. On ne connaît point de fresques que l'on puisse lui attri-
jjucr (k- façon certaine ; pourtant il est fort possible, comme nous le ver-
rons bientôt, qu'il ait travaillé aux peintures de la basilique inférieure
d'Assise. Ouant au vaste décor de la basilique de San Pietro in Grado, près
de Pise, dont on lui fait parfois honneur (on y voit les médaillons des
papes et trente et une histoires de la vie, de la passion et des miracles de
I.A PEINTURi: ITAI.ir-:N.\E ANANT (IlOTTCi 4".
sninl Pierrecl de saint I*auli, c'est, à en juger par certains détails d'arciii-
teelurc, Ireuvrc d'un peintre assez médiocre de la fin du xiii' siècle.
A Lucques. un contemporain de Giunla de Pise, Bonaventura Berlin-
glîieri, signait et datait de 12."') un grand portrait de saint François qui est
conservé dans la petite ville de Pescia. Deux bustes d'anges byzantins sont
figurés dans le ciel, et, plus bas, six petites compositions assez barbares
retracent des épisodes de la vie du saint, entre autres le Sermon aux
oiseaux et les Stigmates. Ce même Berlinghieri peignit des fresques à
Lucques en l-24i, et peut-être faut-il lui attribuer deux des Crucifix qui
sont conservés dans cette même ville.
Une fresque d'un disciple de Giotlo, dans la basilique supérieure
d'Assise (elle représente les Funérailles de saint François), nous montre
la façon dont les grands Crucifix peints étaient suspendus dans les églises,
appuyés sur la poutre transversale qui dominait l'autel. A gauche du
Crucifix, et reposant sur la même poutre, ime image de la \'ierge se
penche, à laquelle fait pendant, de l'autre côté, la figure de saint Michel
foulant aux pieds le dragon. Ces Madones encore byzantines, solennelles,
hiératiques, se transforment vers le même temps que les Crucifix, sous
l'influence franciscaine. Sans rien perdre encore de leur majesté royale et
de la magnificence de leur costume, elles attendrissent leur expression,
et deviennent délicatement maternelles. Elles se penchent vers l'Enfant,
qu'elles portent sur le bras, et qui les caresse, à moins qu'il ne tienne
encore, à la mode grecque, le rouleau de parchemin, le volumcn antique,
et ne fasse un geste de bénédiction. Sienne, où le culte de la Vierge
deviendra la [)lus pure source d'inspiration d'un art entre tous raffiné
et charmant, prodigue les images de la Madone dès avant la glorieuse
année 1200, où la victoire de Montaperlo, en écrasant Florence et le parti
guelfe, lui assura pour un temps la suprématie en Toscane. La Madone
(< aux gros yeux <>, qui donna la victoire aux Siennois, est toujours vénérée
dans une chapelle de la cathédrale. C'est un buste de Vierge aux yeux très
grands et très doux, bien difTérent des rudes figures sorties des couvents
siennois aux premières années du xiii'' siècle.
L'Académie des Beaux-Arts de Sienne possède trois précieux retables
de ce temps, dont le décor, en largeur, se compose d'une figure centrale
qu'encadrent des compartiments peuplés de petites scènes. Le plus ancien
et le plus curieux est daté du mois de novembre 1215 ; il provient de
l'abbaye delà Berardenga. Le Christ bénissant, dans une gloire étoilée,
entre les (piatre animaux évangéliques, est représenté en faible relief sur
fond d'or: à droite et à gauche, six compositions, pareilles à de grandes
miniatures, racontent l'histoire assez obscure d'un Crucifix miraculeux:
(|f> inscriptions latines, presque entièrement perdues, en t\|ili(pi;tienl
autrefois le sens. On songe, en présence de cette peinlurr singulière, aux
■iôA
iiis'r()ii!K 1)1-: i;aht
dcviiiils (l';uil(l liy/.;iiiliii.s luul dt'iiuiil cl (rorrrvi-eric. comme celui de
Sainl-Andiroise de Milan. Il exisle encore, à II )lùi\ re (iii dôme de Sienne,
et, lout proche de Sienne, dans la paroisse de Tressa, deux iMadones
modelées el peintes à la manière de ce retable de la Berardenga.
Les deux autres retables sont franchement des peintures : ils pro-
viennent également de couvents siennois. L'un représente saint Jean-
Baptiste, vêtu en prince byzantin et portant un diadème; sa légende esl
narrée dans les douze comparti-
ments qui lui font cadre (on y peut
noter encore une fois, comme au
baptistère de Parme, la petite
ligure classique, mais bien défor-
mée, du Jourdain qui apparaît dans
la scène du Baptême de Jésus). Le
Iroisième retable, un peu plus
récent, représente diverses scènes
de la vie de saint Pierre, en six
compartiments autour de la figure,
déjà moins byzantine, du premier
jilxMre.
La ^icloire de ^loiilaperlo
dé\elop[ia merveilleusement la
di'-votion des Siennois pour la
Madone jirolectrice de leur cité,
tlont les images se multiplièrent.
Un peintre llorentin, (loppo di
Marcovaido (qui en PiGo exécutera
des fresques dans la cathédrale de
Pistoie), peint à Sienne en 1261,
c'est-à-dire un an après la défaite
de ses concitoyens, la grande
Madone que l'on voit dans l'église
des Servi. Des stries d'or ajoulenl leur chaleur aux tons sombres
et riches des vêtements et des coussins, mais l'expression très douce
des visages de la Vierge et de l'Enfant provient sans nul doute d'une
restauration du xiv'' siècle. Il en va de même pour une œuvre célèbre,
la Madone de Guido, transportée de l'église de Saint-Dominique au
Palais (Jlommunal ; son visage et celui de l'Enfant ont été repeints, par
Duccio peut-être ou un de ses élèves (fig. 297). Ce qui a fait, plus que son
mérite d'arl, la renommée de cette Madone est l'inscription que l'on peut
lire au bas du panneau : Me Guido de Seiiis diebus depinxil a7}H'iil.s M°cc" xxi.
<Jr, cette date admise comme irrécusable, la peinture de Guido, plus déli-
LA PEINTURE ITALIENNE AVANT GIOTTO «5
catt:; que celles de Giunta et de Berlinghieri, comparable à celle de Coppo
di ^larcovaldo, montrerait, au début du xiii*" siècle, l'art de Sienne fort en
avance sur celui des républiques voisines. Mais si rien ne s'oppose, quoi
qu'on en ait dit, à ce que des caractères gothiques pareils à ceux de l'in-
scription aient pu exister dès les premières années du xiii" siècle, d'autre part
l'attitude de la Vierge, la forme de son trône, le dessin des figures d'anges
et du buste du Sauveur bénissant, qui occupent la partie supérieure du
tableau (partie exempte de restaurations), le rapprochent assurément
(ra:'uvres plus tardives. Il n'est pas jusqu'au sens de la gracieuse inscrip-
tion, parlant de ces jours heureux, ilirbus <inu'ius, où le peintre a travaillé,
((ue l'on ne doive interpréter comme une allusion à la période glorieuse
qui suivit la victoire de ^lontaperto ; en l'2'21. Sienne était cruellement
opprimée par Florence. D'autres images de la \'ierge, indemnes de
retouches, qui sont exposées à l'Académie de Sienne, peuvent être attri-
buées à Guido; et un fragment de retable, d'ailleurs fort abîmé et repeint,
qui leur ressemble de très près, reproduit une partie de linscription
célèbre, mais avec la date de 1*270.
C'étaient sans doute encore des images de la \'ierge que les Siennois
Piero, Bonamico et Parabuoi peignaient en 1262 sur les gonfalons; et dès
le même temps il faut noter qu'apparaissent dans l'art de Sienne les pre-
miers portraits. Ce ne sont que de petites œuvres, il est vrai, des œuvres
d'enlumineurs, ces images des moines de San Galgano chargés de la
i-éparlition et de la perception des impôis {Gnbella et Bicciteriia), peintes
sur les ais de bois qui servaient de reliure aux registres ; mais quelle n'est
pas la valeur dune aussi nombreuse série qui commence au xiii° siècle
pour se continuer à travers le moyen âge et la Renaissance par des œuvres
où furent conviés les meilleurs artistes ! Le premier de ces moines à robe
blanche a été peint en 1258 par un maestro Gilio : d'autres, en I2n't, 12(i!t.
1278, par Dietisalvi; en 1279, le peintre est un Rinaldo, de qui nous ne
savons rien autre; en 1285, c'est le grand Duccio.
Cependant des peintures plus importantes avaient déjà été terminées
à Assise, et d'autres s'y préparaient, qui devaient faire de la ville séra-
phique la vraie patrie de l'art italien naissant. Deux ans après la mort de
saint François, ii' 17 juillet 1228, le pape Grégoire IX posait la première
pierre de l'admirable basilique que le pape Innocent H consacrait en 1252.
Elle avait dès lors dans ses lignes générales la forme que nous lui connais-
sons aujourd'hui : la haute et lumineuse nef gothique de l'église supérieure
s'appuyait sur une église Ijasse qui semblait une crypte inuncnsc, presque
sombre, car les chaiirllcs lat(''rales que la tradition atlriiiue à Giolto n'(>xis-
laient pas encore, el >cu!rs 1rs ti-ois feiuMres cinlrc-cs du ciid'ur <mi <'M'lai-
raient les murailles unies el la \(u"ile à nervures. Mais !;i diTiniilidii des
deux églises n'annoneail (|ii iiii|iarl'aili'ment ce qu elle deviendrait liimii'it.
',:,(; iiisToir.i; dk i.aht
L'i'gli.se liiuilc n'aviiil .sans doulo (ju'un rcvètoincnl de couleurs dès sim-
ples, peu ou point de figures; l'église basse seule était cnlièrcnient ornée
(lig. 298). La voûte au ciel bleu s'encadrait de grands rinceaux de feuil-
lages, de dessin puissant, de tons Apres et sans nuances; nul changement
n'y a été apporté. Aux longs murs de la nef, de grandes compositions se
succédaienten compartiments parallèles, comme autrefois dans les basi-
liques romaines où nous avons vu se répondre les histoires de l'Ancienne
et de la Nouvelle Loi ; mais ici l'Ancien Testament, c'était, sur la mu-
raille de droite, la Passion de Jésus-Christ, et le Nouveau Testament,
sur la muraille de gauche, la vie et la mort du bienheureux François.
L'ouverture, après l'an l.'OO, des chapelles au flanc de la sombre nef a
rompu à droite et à gauche par de larges baies l'ordonnance régulière du
décor, cl supprimé une partie des compositions.
11 ne reste (pie des fi-agments de la grande scène du Crucifiement,
avec un beau groupe de scribes et de pharisiens; l'inscription : lùcr
iitaliT lini explique le sens du groupe suivant, où l'on voit, près des trois
Maries, la Vierge vêtue d'une robe blanche et d'un manteau violet, qui
se tourne vers saint Jean, vêtu de rouge cl de blanc. La Déposition de
Croix et riMiscn'elissemenl reproduisent avec (|uelques varianics le lliènic
byzantin; cl les deux derniers compartiments ne rcnfermeal point tic
ligur'cs.
Les cinq compositions qui subsistent de la vie de saint François
ont évidemment une grande importance iconographique. Peut-être
s'inspirent-elles d'œuvres antérieures, de ces petites scènes qui faisaient
déjà cortège aux plus anciennes images du saint; mais la fresque leur
donne une digniti-, une beauté encore inconnues; ce sont les premières
illustrations de la légende incomplètement codifiée, antérieures à la
rédaction de saint Bonaventure; et la perte des scènes qui nous manquent
est aussi regrettable pour l'hagiographie que pour l'histoire de lart.
La piemière représente l'évêque d'Assise abritant le jeune saint de son
manteau (manquent les personnages de droite). \'ient ensuite le Songe
du pape Innocent (manque la figure du saint soutenant le Latran). Puis
la Prédication aux oiseaux, à peu près complète. Dans la scène des
Stigmates, la figure du saint a disparu; il ne reste que le séraphin nimbé
aux ailes de feu. Enfin la dernière scène, dramatiquement composée,
a pour figure centrale le corps du saint étendu ; un moine montre aux
assistants la plaie du côté, tandis que le prêtre, accompagné de clercs,
commence la cérémonie des obsèques.
Ces pauvres fresques, si mutilées, nous émeuvent encore par l'idée
de tout ce qu'elles ont libéralement offert à Giotto. Si elles n'ont pas
éveillé son génie, elles l'ont du moins inspiré profondément. Leur auteui-.
([u'il soit Giunta de Pise ou tout autre, est en tout cas le peintre de
■4.ÎS HlSTOIIiL; DE L'ART
l'iaiag-e du saiiil consorvée à SainIc-Marie-des-Anges; car les IVesques
gardent les mêmes proportions et le même dessin des figures. Ce peintre
mystérieux, connu des seuls visiteurs attentifs de la \àeille basilique,
niérilc mieux qu'un souvenir; il mérite un peu de la gloire si abondam-
ment réparlii' an iiiafirc don! le nom est inséjiarable d Assise et, de
saint- François.
Lks sources OE i/uISTOIRE de ].\ PEINTl'RE ITAI.U:\NE. ^^\SARI. — N'oici
(|u'enlia commence en Italie l'rrr de la grande pein(ui-e; la sculpiure,
comme en France, l'a devancée. Nous n'aurons plus désormais alï'aire à
des œuvres anonymes, à de grossiers tâtonnements ou à de servîtes
ri'pi'liliniis; la période de l'archéologie est close. Fa \ ie s'est éxcilh'c
paildiil : nous rencontrons une observation personnelle, un style, el ,
auprès des peintures, des artistes que nous pouvons nommei'. Il n'en
rallaii ]ias moins insister avec patience sur les pénibles et lents débuts
• l'un art dont la floraison sera vite éblouissante; les meilleures qualités
des grands artistes à venir sortent du généreux sol latin. Les nobles
o'uvres de l'antiquité grecque et romaine ont eu beau demeurer enfouies
pendant des siècles sous des ruines, elles ont l'ait obscurénieul l'édu-
cation des artistes italiens; le prinlem])S cpii va i''cIore sera paré de leur
grâce harmonieuse et régulière.
Les analyses précédentes ont pu montrer l'erreur des anciens historiens
de la peinture italienne, pour qui l'art de Cimabué et de Giotto était
soudainement sorti du néant. Celte enthousiaste simplification de faits
])lus complexes est due à un peintre du xv!*" siècle, dont les œuvres faciles,
ampoulées et banales n'auraient point suffi à tirer le nom de l'oubli, s'il
n'avait été tout à la fois écrivain d'art, et le plus fécond, le plus curieux
des écrivains, ^'asari, en compilant l'ouvrage considérable qui s'intitule
Les vies des plus excellents peinires, sculpteurs et architectes (dont la pre-
mière édition, de 1550, fut remaniée et fort amplifiée en 1568), a préparé
l)our les futurs historiens d'art un instrument merveilleux. Il ne faudrait
assurément point s'en servir sans contrôle, et l'on peut reprocher à de
récents critiques une foi trop aveugle à ses dires; mais il ne faudrait non
plus se porter à l'excès contraire, comme on est trop tenté de le faire
aujourd'hui. Vasari a eu recours à toutes les sources d'information (pii
lui étaient accessibles. La première et la plus précieuse, quoique mal-
heureusement trop restreinte, c'étaient les Commentaires que le gi-and
sculpteur Lorcnzo Ghiberti rédigea au début du xv" siècle; quelques-uns
des plus célèbres récits des Vies des peintres en sont presque textuellement
tirés; et Vasari cite également un recueil de notes du peintre Domenico
Gliirlandajo et divers écrits de Raphaël, qui ne nous ont malheureuse-
ment pas été conservés. Tout en paraphrasant avec soin ces précieux
LA PEIXTLIU-: ITALIENNE AVANT (.lOTTO 'lôH
inodék's, il coinpiilsait des archives avec une activité un j)eu lirouiliimne,
recueillait au cours de ses nombreux voyages presque autant de traditions
(•[ de légendes que de dessins et d'esquisses, et surtout il regardait, et il
décrivait ce qu'il avait vu. Sa chronologie semble fort incertaine, malgré
la sérénité de ses affirmations, et il nous accable de contes et de bavar-
dages enfantins. Mais n'cst-il pas surprenant de voir un élève, un admi-
rateur fanatique de Michel-Ange goûter aussi délicatement des œuvres
de primitifs, parler de Giotto et de l'Angelico avec une émotion tou-
chante et communicative? Il nous faut lester tidèles à l'excellent Vasari,
mais vérifier chacune de ses assertions, autant qu'il sera possible, par
toutes les ressources de l'érudition moderne, et les facultés les plus
aiguës d'observation. Nulle part comme en Italie on n'a réussi à classer
et publier autant de documents d'archives; les recueils de Rumohr, de
Gaye, de Milanesi, continués par les recherches des érudits contem-
porains, seront, à côté de \'asari, la base sérieuse de toute étude de l'art
italien; et l'analyse comparée des œuvres, plus nombreuses que nulle
part ailleurs, en permettra le classement méthodique et l'appréciation.
Les MOSAÏSTES flop.entins. (".iMAiiLÉ. — i' Sous l'iiilini déluge des maux
(|ui avaient abattu et noyé la misérable Italie, non seulement s'étaient
ruinés les monuments que l'on pouvait appeler de ce nom, mais, ce qui
importe plus, tous les artistes avaient disparu; quand, j)ar la volonté de
Dieu, naquit en la cité de Florence, l'an 12i0, pour donner les premières
clartés ti l'art de la peinture, Giovanni nommé Cimabué, de la noble
famille des Cimabué connue en ce temps-là. » Tel est l'exorde solennel
de l'ouvrage de Vasari. Suit le roman de l'enfance et de l'éducation de
Cimabué, formé par des Grecs établis à Florence, mais tellement supé-
rieur aux pauvres artistes que l'on a rencontrés jusqu'alors! Ce n'est plus
un peintre, c'est un riche et magnifique seigneur qui fait de la peinture.
Charles d'Anjou va voir dans son atelier la Madone qu'il vient de ter-
miner pour l'église de Santa Maria Novella, et les Florentins l'escortent
avec une telle allégresse que le faubourg habité par le peintre en reçoit
le nom de Borgo Allegri. Et Vasari énumère les œuvres dont le glorieux
artiste emplit Florence, la Toscane, Assise, pour finir par le commen-
taii'e des vers célèbres de Dante, au onzième chant du Purgatoire :
CredcUc Cimabué ncUa pintura
Ti'iicr lo campo, cd ura lia Giollu il (jriila.
Si cite 1(1 fania di calui oscura.
Cimnliué crut tenir le champ de la peinture, et maintenant c'est Giotto
(|iii ;i hi \ogue, de sorte que la renommée de l'autre est obscurcie).
Ur cette i-enoinméc, si longtemps indiscutée sui' la foi (h' \ asari, a
iio iiisiiiini' OK i;AiiT
rt'ç;u en ces derniers lenijis de gi'aves allrinlcs. Ln t;i-andi' .Madimc enlon-
rée d'anges de Sanla Maria Novella, (|ui [laraissail à jusic lilrc an\ iiisto-
riens d'art le premier monument d'une ère nouvelle, n'est point de
(limabué, mais bien de Duccio; nous en verrons les raisons; et des autres
œuvres dénombrées par Vasari rien ou presque rien ne subsiste que l'on
puisse cerlainement lui attribuer. Que reste-t-il donc au vieux maître
célélirc'' par Danle, cl (pii l'ul é\idemment illuslre, car on ne |icul inler-
jM('lcr aulremenl les vers de la Divine Comi''dic'.'
Vn document récemment découvert nous monli-e (limabué (Ciiiiahorc
liirlorf (!<■ Florencia) séjournant à Rome en l'27'2. D'autre part, nous savons
qu'en l."()| rOEuvre du dôme de Pisc doit lui payer dix livres pour avoir
l'ail en mosaïque le saint Jean Evangéliste qui est auprès du Christ de
Majesté, à l'abside, et deux actes notariés de l'hôpital de Pise mentionnent
un prix l'ait de quarante livres pour un retable de la Madone avec des
apùlres et des anges que doit peindre « maître Cenni di Pejto, dit Cima-
bué, avec un sien associé )i.
Voilà des renseignements précis. Ils nous donnent le nom véritable
du pcinire, et nous indiquent au moins une œuvrej)ar laquelle il nous soit
possible de le juger. (Ictle mosaïque de l'abside du dôme de Pisc rcpié-
sente le Christ de Majesté, entre la 'Vierge et saint Jean Evangéliste; la
dernière ligure, la seule qui soit de Cimabué, montre un dessin correct et
point trop rude, une exécution plus souple et nuancée cjue celle des figures
voisines, dues probablement à un certain Francesco, chef de l'atelier de
mosaïstes de la cathédrale |)isane, et l'un peut-être des artistes qui travail-
lèrent, avec Andréa Tali et le peintre Apollonio, à la décoration de la voùle
du baptistère de Florence.
Ce n'est encore que d'après \^isari que nous pouvons former quel-
ques conjectures sur les auteurs de ce Iravail immense, le plu^ imporlanl
qui ait été terminé à Florence avant l'ère de Giotto. Le décor de cette
coupole octogone, éclairée dans son milieu parl'ouverture d'une lanterne,
rappelle dans ses grandes lignes celui du liajilislèi'e de Parme; mais ici
toutes les surfaces sont revêtues de mosaïques. Au cenire, c'est-à-dire
dans le comparlimenl triangulaire de l'octogone qui domine le maître
autel, un Christ gigantesque préside au Jugement dernier, dont les épi-
sodes et les acteurs sacrés sont répartis selon l'ordonnance habituelle
aux Byzantins; on songe à la belle et saisissante mosaïque de Torcello
(hg. 29!)). Le reste de l'octogone se divise en zones horizontales, dont la
plus haute, au niveau de la ligure du Christ, est occupée par de grands
anges debout en des attitudes j)uissantes sur le fond d'orétincelanl. Leurs
noms sont inscrits auprès d'eux en capitales latines : ce sont les Trônes,
les Vertus, les Principautés, les Anges, les Archanges, les Puissances et
les Dominations. Au-dessous d'eux, trois zones, partagées en rectangles
I.A Pi:i\Tll!i: ITAI.IKNXE A\AM (,l»riT()
réguliers, renferinenl les images de hi Genèse, depuis la Création du
monde jusqu'au Déluge, puis l'iiisloire de Joseph, à ia([uelle suceéde la
vie de Jésus-Christ et celle de saint Jean-Baptiste.
Dès le premier coup d'ccil jeté sur ces mosaïques, on reconnaît le
faire vénitien et la tradition de Saint-Marc. Aussi bien l'explication de
^'asari est-elle l'orl plausible, rpii nous montre Andri'a Tafi allant
apprendre à \ enise l'art de la mosaïque, et ApoUonio quittant .^cs lravau.\
de Saint-Marc pour ceux de Florence. Des documents cités sur cet .\pol-
lonio par d'anciens historiens aucun n'a été retrouvé ; mais nous savons
que Tafi fui inscrit en \7)'-20 dans la confrérie des chirurgiens barbiers de
Florence [Andrpri s vocal nx Tu fus oliin RIccItir, cela ne pei'met point de le
faire naître en l^l."), comme l'imagine \'asari, et nous en pouvons conclure
qu'il fut assez exactement un conlemporain de Cimabué. C'est très pro-
bablement aux artistes du baptistère ([u'il faut attribuer la mosaïque
absidale de San Miniato, la ravissante église qui, de sa colline sur la
gauche de l'Arno, regarde Florence. Le Christ siège entre la Vierge et le
jeune roi martyr saint .Miniatus; aux pieds du trône sont les quatre ani-
maux évangéliques; un palmier et un cyprès terminent la scène; des
oiseaux de toute sorti' se promènent sur le sol, et le rinceau de feuillages
qui forme cadre se mêle de figures de saints et de bustes d'ornement.
L'inscription, tronquée, restaurée, donne la d.iti' de j-J'.lT.
Ces analyses ont semblé nous détourner de l'ieuvre de Cimabué;
mais que savons-nous s'il n'a pas collaboré aux mosaïques de l-'iorence?
C'est un mosaïsle. en tout cas, et sa iieiiilure même le |irouve. ou du
]iisriiii;i'; m-: lart
moins les ])('iiilui'(>s (|iic Ton croil jiuuxoir lui alli'il)U('r. ()ii pcul ikIiiicLIi'O
(•oiniiic lirs vraisoiiiMnlilc ([ii il csl 1 au leur de la grande ^hulone aulrei'ois
placée dans l'église de Santa Trinila, et maintenant à l'Académie de
Florence; de la Madone aussi que possède le Musée du Louvre, et qui
provient de l'église de San Francesco de Pise. De ces deux œuvres, qui
se ressemblent tort, celle de Florence est la plus belle et la moins restau-
rée (fig. 500). Assise sur un
grand trône de bois sculpté et
doré, la Vierge enveloppe de
son bras gauche l'Enfant Jésus,
(|ui tient le rouleau de parche-
min habituel et bénit. Le trône,
i[ui ressemble au siège des
évêques dans le preshylcrimn
des basiliques, repose sur une
sorte d'estrade que supportent
des colonnes; et dans les en-
Irecolonnemenls se détachent
à mi-corps quatre figures de
prophètes. Cet arrangement
singulier s'inspire sans doule
(les miniatures aussi bien que
des mosaïques byzantines;
mais ce qui paraît nouveau ici,
c'est la disposition des anges
autour du trône. Ce ne sont
plus de petites silhouettes
rigides et comme découpées
sur le fond d'or (ainsi qu'on les
voit encore dans la Madone de
Coppo di Marcovaldo) ; ce sont
de belles figures vivantes et
presque souples, aux ailes bi-
garrées de blanc, de bleu, de
rouge, de violet, qui se tiennent debout autour du trône et s'y appuient
d'un air tendre et respectueux. Le cadre ancien n'existe plus; il
devait, comme celui du tableau du Louvre, renfermer de petits mé-
daillons, avec des bustes de saints et de prophètes, qui rappellent les
Iliaques d'émail insérées dans les retables d'orfèvrerie byzantins. Nous
verrons bientôt, dans la basilique d'Assise, des fresques dont les
ligures offrent les plus frappantes similitudes avec celles de ces deux
tableaux; attribuées, comme Vasari d'ailleurs nous y invite, à Cima-
.jlill. — M.-iiloiii-, i),i
■liiic ili's ll.'.-iii\-Ail-
Cillialillr
,l,. Fldivi:
LA PEINTURE ITALIENNE AVANT GIOTTO 44')
biip, elles légiliment et consacrent la réputation du uiaîlre de Giotto.
Tandis que Cimabué commençait à illustrer dans les arts le nom de
Florence, un pauvre vieux peintre d"Arezzo, ÏNIargaritone, s'imposait à la
postérité par le soin qu'il mettait à signer ses peintures, lourdes Ma-
dones, Crucifix grimaçants et tordus, ou misérables effigies de saint Fran-
çois; mais il doit uniquement de survivre aux pages de ^^■1sari, comme
lui citoyen d'Arezzo, et attentif à ne rien sacrifier des illustrations de sa
ville natale. Il a ignoré pourtant, l'ingénieux historien, l'existence d'un
artiste infiniment supérieur à ce Margaritone, Montano d'Arezzo, appelé
à Naples en [TtÙh, créé chevalier et richement doté en I")IO par le roi
llolieil. et probaldeini'id i'autrnr île la grande Madone de Monl(>\('riiiiii'.
pi-és d'A\eliinu. Mais ce Montano n'est déjà plus un précurs(Mir, c'est
un contemporain de Giotto et di' Duceio. ([ui connaît in robustesse Ooren-
tine et la grâce siennoise.
Les mosa'istes romains. Cavai.i.ini et Torriti. — Quelque progrès
que puisse marquer l'art de Cimabué sur ses obscurs prédécesseurs, il s'en
faut, et de beaucoup, qu'il suffise à expliquer l'art de Giotto; et si Von
devait, à la suite de ^'asari, ne s'attacher, durant le xiu'' siècle, qu'à la
seule Florence, on ne pourrait que s'émerveiller avec lui devant l'éclosion
spontanée, devant le miracle du génie giottesque. Mais une simplification
aussi extrême du développement de la peinture italienne n'est plus de
saison. Les républiques toscanes, Sienne entre toutes, ont droit de pri-
mauté sur Florence; quand on songe que le siennois Duceio est un con-
temporain de Cimabué, on se demande si le miracle d'art, au xiii'' siècle, ne
s'est pas produit à Sienne. Duceio ne paraissant pas avoir exercé d'in-
Huence sur Giotto, et d'autre part l'œuvre de ses grands élèves, Simone
Martini, les Lorenzetti, demeurant étroitement liée à la sienne, mieux
vaut en réserver l'étude, malgré les différences de chronologie, après celle
du grand maître florentin. C'est à Rome, parmi ces mosaïstes dont seuh-
la Captivité de Babylone, comme l'on appellera l'Exil d'Avignon, doit
interrompre l'activité, que nous allons chercher les véritables maîtres et
les éducateurs de Giotto.
La découverte récente, à Sainte-Cécile-du-Transtévère, de fresques
superbes que l'on croyait depuis longtemps perdues, a mis en vive lumière
le nom de Pictro Cavallini. Vasari, qui a composé toute une légende des
notes brèves et précises où (ihiberti résumait ses impressions sur le grand
peintre romain et dressait un catalogue de son oMi\re, l'a sans raison
aucune immolé à la gloire de Giotto, comme il sacriliail Home à la yloire
de Florence. Il fait de Cavallini un disciple de Giotto, et assure qu'il pei
gnait encore en I.")t)4,ce qui est parfaitement invraisemblable. 11 nous faut
nous représenter Pietro (Cavallini s'instruisant et (hdiutant à liome, vei's \r.
iH iiisKtini': DK i.AriT
milieu (lu Mil" sirclc, dans l'alrlicr des ('.(isiiiali. \,islc nriiciiic de drcora-
lioli (111 1rs li-a\ aux i\r ^(•lll|ll lire ri i\f ] ici iil lire \ <iiil de pair a\ rc les l' Indes
d'anliilrclurc. 11 v ol le compagnon d'Arnoll'o de Florence (donl on a
lenlé réeeiiinienl de di>lina:ucr la personnalité d'avec celle de l'archilecle
Aniolfo (li Cambiol, de rArnoHb qui signe en 1^280 la tombe du cardinal
de liiave iH Orvielo, cl eu l 'JS") le ciborium de SaintPaul-liors-les-Murs,
on il a eu p((ur associé un certain Petrus (Uoc opua fccil Aniolfns chui sim
s(ii-i() l'ciro). Ce sculpteur Pierre doit èlrc noire Cavallini, à qui 1 aldié
liénediiliu Barthélémy, qui dirigeait alors la communauté de Saint-Paui.
venait de confier le décor à fresque de toute la basilique. Mais, comme les
bénédictins de Saint-Paul étaient sous la protection du roi d'Angleterre,
nous soiuiues coiiiluils à croire, en remoulanl le c(iur> des aum'^es. (pie
noire ('a\'allini ne l'ail (pi'nn avec le l'flnis ilfly rdiiidiuis ipii signe à
\\'eslmiiisler le inoiuinient l'unéraire d'iMloiiard le Confesseur, el (pie
l'abbé de Westminster, Richard de Ware, a ramené de Rome, en PJliT,
;ivec d'autres ouvriers de l'atelier des Cosmati. Ainsi se reconstitue p('u
à peu l'existence du célèbre artiste.
Cihiberti attribue formellement à Cavallini rimiiieiise décor peint de
la nef de Saint-Paul, (pii ne nous est |)lus connu que jiar de grossiers
dessins du xvii' siècle, toute la nef ;iyanl été détruite dans l'incendie de
IN'.'.". Deux rangées de ciuupartiiiients, au-dessus des inéilaillons des
papes, retraçaient en parallèle les histoires de l'Ancien et du Nouveau
Testament (avec le détail des Actes des Apôtres et surtout de la vie de
saint Paul). A droite de l'arc de triomphe était la ligure de saint Pierre;
à gauche celle de saint Paul, avec, à ses pieds, l'abbé Barthélémy. C,e
grand décor, si fidèlement conforme aux traditions de l'iconogiapliie
i-omaine, Cavallini va le reproduire, quelques années plus lard, dans la
basilique de Sainte-Cécile, et dans l'église haute d'Assise.
C'est en P291 que Bertoldo di Pielro Stefaneschi, frère du cardinal
Jacques Stefaneschi, lit exécuter par Cavallini les sept tableaux en mosaï-
que qui ornent la zone inférieure de l'abside de Sainte-Marie-du-Trans-
tévèi'c. Ils nous ont été fort heureusement conserves sans graves retou-
ches, el nous y pouvons apprécier la maîtrise de Cavallini et les fortes
lei^ons de l'atelier des Cosmati. Ils représentent la Naissance de Marie,
l'Annonciation, la Naissance de Jésus, l'Adoration des Mages, la Présen-
tation au Temple, la Mort de Marie; le dernier, placé au-dessus du trône
épiscopal, se compose d'un médaillon renfermant le buste de la Vierge
avec l'Enfant à son bras, devant qui s'agenouille le donateur présenté
par saint Pierre el accompagné par saint Paul. 11 n'y a rien, dans ces
mosaïques romaines, de la raideur anguleuse, du des>iu plat el maigre
des mosaïques vénitiennes ou florentines. Les figures larges et pleines, les
gestes souples, les draperies liarmonieuscs sont d'un artiste qui, tout en
i.A iM:iNTriiK hai.ii;nm:: anant cioito 440
rrsliinl liilrlf aux lois de rit-onoiirajiliii' liy/.aiitinc. sail les \i\ilirr jiai'
1 t'-liiik' de la ikiIuimm^I la prati(|uc drs di\rrs arts. La liiiiirc de sainle
Anne, dans la \aissance de Mai'ic, eellr:, .-uiliml des ser\ anles empressées
auprès d'elle, témoignent de ces qualités de modelé, de cette science
de la » troisième dimension », que l'on a louées en ces derniers temps
(•(iiiiiui' l'apanage exclusif de Giottu. Kt le geste de la femme qui làle
ilélicatement l'eau du hain, tout en étant de tradition dans les miniatures
l)vzanlines, prend un charme spontané ([ue les plus jolis siennois ne
dépasseront guère.
Ces qualités maîtresses de Cavallini. celle plénilude r()liu>le des
formes et des gestes par où il se rapproche, ainsi que tîiollo, de Nicolas
de Pise, nous les trouvons au plus haut point de perfection dans les fres-
(|ues de Sainte-Cécile-du-Translévère. Là, comme à Saint-Paul, <diilierli
nous l'atteste, le grand artiste avait peint toute la nef, au temps oii >i>n
associé Arnolfo terminait Vexquisciliniiuui. (pi'il signait et dalail du ■Jtl no-
vembre l'illô. Les remaniements de IMI'.t el de IT'iô n'ont laissé subsister
que des débris cachés par le lourd plafond moderne; mais, dans le chœur
des religieuses, qui est adossé au revers de la façade, la magnifique com-
position du Jugement dernier est demeurée presque intacte. Ce chœur,
construit après K>'27 jusque-là l'église avait appartenu aux Ijénédictins,
puis aux « Lmiliati >- s masqua si bien l'œuvre de Cavallini que l'existence
en fut oubliée juscju'à ces dernières années. De légers travaux de restau-
ration ont suffi à en dégager les restes, et à les rendre accessibles à l'étude.
La scène du Jugement dernier s'étend sur toute la largeur de la basi-
lique, qui mesure environ quatorze mètres. Le Rédempteur (fig. .jOl^ appa-
raît dans une gloire elliptique qu'entoure un vol d'anges. Il est assis dans
une attitude majestueuse, vêtu dune tunique verte et d'un manteau pourpre
bordé d'or. La plaie sanglante de son côté attire le regard ainsi que celles
des pieds et des mains: la main droite s'ouvre pour accueillir les élus, la
gauche se referme et retombe pour éloigner les réprouvés. La Merge et
le Précurseur, au milieu des douze Apôtres, de grandeur naturelle, et que
désignent des inscriptions, sont debout autour du Juge suprême; saint
Pierre et saint Paul se font pendant. Plus bas, quatre grands anges blonds
soufflent en de longues trompettes pour annoncer le Jugement; ils se
dressent sur les nues, près de l'autel qui porte les instruments de la Pas-
sion, selon les règles de l'Etimacia dans l'art byzantin. Les deux premiers
martyrs, Etienne et Laurent, sont à leurs côtés; puis surgissent à droite
les élus, à gauche les damnés, dont les groupes, coupés par la maçonnerie
du xvi'' siècle, demeurent incomplets. Trois anges guident l'essor des
élus; trois archanges repoussent les damnés el le diMuon. Ces dernières
ligures, de dimensions plus petites, snrd aii>>i iVuw ii;i\,iil moins soigné;
mais les aulres brillenl d'uni' beauté souveraine : ligures noides, yraxes.
,U(; HISTOIRE DE EAUT
(loni la solennité se tempère d'une expression d'afl'ecLueiix respect. Une
niajeslr romaine est empreinte sur ces visages jeunes ou vieux, où le
caraelrre iconog-rapliiqui' esl si riclement observe, mais avec un sens de
la vie (pii soutient l'artisle d l'emporte très haut au-dessus des formules
Phol du Jhnis
lu. ."III. _ Tv[r (luClii'i^l il.iii- 1,1 IVcxiiic ilii .lugement dernier, par l'irlm ( :,i\,illiiil.
(S;iiiilf-(;é{-ilt'-du-Transtévère).
byzantines. Duccio donnera la fleur merveilleusement pure de Fart grec
en Italie; mais de cet art grec Cavallini a refait un art latin, en attendant
que Giotlo en fasse un art proprement italien.
La dernière œuvre romaine qui nous ait été conservée de (Cavallini
est la frescjue absidale de Saint-Georges-du-Vélabre, généralemeni allri-
buée à Giotto. Elle fut exécutée sur l'ordre du cardinal Jacques Stefa-
nesclii, en l^QÛ ou peu après; et les retouches barbares qu'elle a subies
LA PEIMlliE ITALIENNE AVANT GIUTTO 447
n'oiil p;is cnlit'i-riiu'iit détruit son aspect jiuissaiil et haruionifux. L'image
(lu Christ bénissant, debout sur le globe du monde, rappelle la noble
figure des Saints-Cosme-et-Damien ; à ses côtés sont la Vierge et saint
Pierre, saint Georges et saint Sébastien. Ces deux derniers saints, chers à
l'iconographie byzantine, sont représentés, selon la tradition de l'Orient,
en guerriers casqués et cuirassés, la lance en main; saint Georges lient
les rênes de son cheval, et saint Sébastien s'appuie sur son bouclier.
Pour se délasser du décor mural, l'excellent peintre ne négligeait pas
les tableaux de chevalet; du moins est-ce à lui que de bons juges ont pu
attribuer deux intéressants petits retables à compartiments, dont les
figures longues et fines se détachent, comme ce sera bientôt la mode dans
la peinture siennoise, sur un fond d'or délicatement ouvré à la pointe : la
sainte Cécile du Musée des Offices, et les Scènes évangéliques de la col-
lection Stroganoff (Déposition de Croix, Ensevelissement, Descente aux
Limbes, Résurrection, Ascension, Pentecôte). On peut les considérer
comme des sommaires des peintures exécutées à Sainte-Cécile et à Saint-
Paul.
Selon Ghiberti, Cavallini aurait "[leint à Saint-Pierre, à Saint-Chryso-
gone, à Saint-François de Rome. A-t-il travaillé à la mosaïque de la façade
de Saint-Paul, exécutée pour Jean XXII, c'est-à-dire entre les années
ir)lU et 1354? Ghiberti semble l'affirmer; mais il n'est plus possible d'en
juger par les fragments tout modernisés qui ont été transportés à l'inté-
rieur de la basilique. En dehors de Rome et d'Assise, oîi nous verrons
tout à l'heure les mosa'istes romains à l'œuvre, nous trouvons trace d'un
séjour de Cavallini à Naples en un document de l'année 1508. C'est une
lettre par laquelle Robert, duc de Calabre, ordonne de payer à maître
Pierre Cavallini de Rome les gages annuels qui lui ont été assignés par le
roi Charles II : ces gages sont de trente onces d'or, auxquelles il faut
ajouter deux onces pour la location d'une maison.
Des peintures et mosa'iques de Xaples il sera parlé ailleurs; mais il
est à Rome d'autres œuvres encore, et de la plus grande importance,
exécutées par les mosa'istes compagnons de Cavallini. Nicolas IV, le pre-
mier pape franciscain, consacre en P2!)Û la basilique reconstruite du
Latran: l'année suivante était terminée la grande mosa'ique absidale, qui
a subsisté intacte jusqu'à l'époque toute récente (1886) de l'agrandisse-
ment et de la réfection de l'abside. La mosaïque, reprenant et utilisant
les restes d'un ancien décor, représente l'Adoration delà Croix, au-dessus
de laquelle le buste du Sauveur étincelle dans les nues. Ce buste majes-
tueux, auquel s'attachait une tradition miraculeuse dans la basilique pri-
mitive, émerge de nuages pourpres et dorés qui parsèment une zone de
ciel bleu sombre; des anges en adoration volent tout alentour. La zone
inférieure se développe sur un fond d'or. La colombe de l'Kspril Saint
lis IIISTOirîK DE L'ART
irpaïul ses rayons vors la Croix lleuronnée cl relevée de pierreries qui se
dresse sur le terlre aux quatre fleuves oîi viennent s'abreuver deux cerfs
et six agneaux. Au pied du tertre est figurée en très petites dimensions la
.léi'usalem céleste, au-dessus de laquelle la cime d'un palmier supporte le
phénix. Puis s'étend à droite et k gauche un pré fleuri où jouent de petits
génies et des oiseaux ; il est baigné parles ondes du Jourdain, peuplées
encore de petits génies qui naviguent et pèchenl parmi des cygnes blancs.
Debout et tournées vers la Croix, de colossales ligures se détachent sur
le fond d'or. C'est la Vierge, qui présente bénignement au Sauveur le
pape agenouillé; saint Pierre et saint Paul la suivent, tandis qu'à droite
de la Croix saint Jean-Baptiste est suivi de saint Jean l'Evangéliste et de
saiul André. Deux figures plus humbles, celles des saints François et
Antoine, introduites parmi la cour céleste, marquent bien le caractère
franciscain de la dévotion à la Croix. Et plus bas, dans une frise que cou-
pent quatre larges fenêtres, neuf Prophètes sont debout entre des pal-
miers, comme à Saint-Apollinaire-Nouveau de Ravenne, ou à Saint-Paul-
hors-les-Murs. Parmi eux, et se répondant aux deux extrémités de la frise,
deux très petits moines franciscains sont agenouillés, tenant en main
l'équerre, le marteau et le compas; le plus jeune, quunc inscription
recommande à la protection de saint Jean, se nomme frère Jacques de
Camerino, « compagnon du maître d'œuvre •• ; l'autre, d'apparence âgée,
n'est point désigné par une inscription analogue, mais il a déjà signé son
travail, à l'angle gauche de la grande composition : Jacobus Toriti pictor
hoc opus fecil.
C'est le même Jacques Torriti qui, cinq ans plus tard, date et signe
la splendide mosaïque absidale de Sainte-Marie-Majeure, oîi, comme au
Latran, il adapte et remanie une œuvre antique, mais cette fois avec une
lilierlé, une personnalité tout autres (fig. ôO'i). A la mosaïque primitive
appartenaient évidemment la petite rivière peuplée de barques, les oiseaux
et surtout les magnifiques rinceaux de feuillage qui se déroulent, comme
à Saint-Clément, sur l'éclat du fond d'or; mais ces rinceaux s'écartenl
pour laisser place à une gloire d'azur constellée d'or, oi^i sur un large
trône les figures du Christ et de la \'ierge attirent tous les regards. Le
Christ couronne la Vierge, ou plutôt, d'un geste oîi les ivoires français
ont mis déjà la plus exquise poésie, il ajoute une gemme au diadème de
la Reine du ciel. Des anges en foule assistent pieusement à la fête divine,
et, à droite et à gauche, devant les ligures des saints Pierre et Paul et des
deux saints Jean, suivis de saint François et de saint Antoine, le pape
Nicolas IV et le cardinal Jacques Colonna sont agenouillés. C'est le thème
de l'abside de Sainte-Marie-du-Transtévère, mais heureusement accom-
modé aux exigences d'un décor plus ancien, cpii lui apporle un surcroît
de somptuosité.
/j50 IIISTOII'.K Dl-; I.AItT
A l"iinilalion des [ici ils laljlcaiix en mosaïque dont venait d'èlre enri-
cliie la liasilique du Transtévère, Torrili composa, au bas de l'abside de
Sainle-Maiie-Majeure, cinq scènes de la vie de la Vierge, qui s'inspirent
des traditions byzantines plus textuellement peut-être que celles de
Cavallini. Il m allait d(^ même, avant les restaurations qui les ont défor-
mées au xviii' siècle, des mosaïques de la façade maintenant encastrées
dans les baies et derrière les pilasti-es de la Iribune. \'asari allribuc à
Gaddo Ciaddi, le clief de la lignée d'artistes florentins qui propagèrent
durani tout le xiv'' siècle les leçons de (iiolto, les quatre compartiments
où est illustrée la légende de la fondation de la basilique par le pape
Libère. La zone supérieure, beaucoup mieux conservée, est l'œuvre de
Filippo Busuti, qui a iascril son nom sur l'ourlet de la gloire d'azur et
d'or oh trône le Sauveur cuire quatre anges; les symboles des Evangé-
listes, les figures de la .Madone et du Précurseur, que suivent des apôtres
et des saints, complètent la vision céleste, à laquelle assistaient, dans la
composition primitive, les cardinaux Jacques et Pierre Colonna.
Filippo Rusuti ne nous est point connu par d'autres œuvres ; mais
c'est lui vraisemblablement qu'un document de l'année LâOS nous montre
mandé à la cour de France, à Poitiers, avec son fils Jean et un compa-
gnon, Nicolas Desmarz, comme ces mosaïstes romains qui, quarante ans
plus tût, avaient été appelés à Londres. Le renom de l'école romaine avait
depuis longtemps passé les Alpes. ( )n peut supposer que le maître Etienne
d'Auxerre, que Philippe le Bel envoie en P298 au pape Boniface VIll,
« pour certaines affaires ", ])ro quibusdain negociis régis, avait mission éga-
lement de s'instruire des traditions d'art que le xiii" siècle avait noble-
ment développées dans la \'ille sainte. Mais l'Exil d'Avignon, dès 1505,
relire brusquement de liomc celte suprématie des arts qu'elle avait si
longtemps gardée; et quand le retour de la papauté y ramènera la paix,
la vie et la richesse, c'est aux écoles du Nord, c'est à Florence qu'il lui
faudra redemander une tradition nouvelle et des artistes.
1^'ki oi.K TOSCANE ET l'É(x)I.e l'.OMAiNE A AssisE. — Aulour du tombcau
de saint François, dans la basilique haute d'Assise, s'est préparée, au
xiii' siècle, la renaissance de la peinture italienne. Une même dévotion,
un même élan du cd'ur ont groupé en un seul point des forces éparses et
disparates, d'oi^i \a naître une harmonie. L'œuvre de Giotto expliquera
cl coordonnera les efforts d'un demi-siècle. Il n'est guère possible de
nommer avec certitude, en l'absence de tout document d'archivé, les
peintres (pii travaillèrent à ce vaste décor, et bien des hypothèses ont été
mises en avant. Pendant longtemps les seuls noms de Cimabué et de
Giotlo ont suffi à la ciiliquc: mais unr étude comparée des fresques en a
fait aist'nient ressortir la di\crsilé, cl l'on a peu à peu élargi la part des
LA PKINTl'IŒ ITALIKN.NK A\ A.NT (IIOTTO 401
mosaïstes romains. \'asari d ailleurs nomiiii' Cavallini aussi liicn (|ur
Cimabué parmi les peintres d'Assise; et il est permis, sans pousser à
l'excès la précision, rie délimiter assez nettement les deux régions où
s'enferméi'ent. dans cette grande nef gothique tout illuminée jiar ses
vitraux, les peinties lie Florence et les peintres de Rome.
Assise, sans se trouver sui- la route de Home à Florence. oITiail assez
naturellement une étape aux artistes qui se rendaient d'une ville à l'autre.
Nous savons que Cimabué était à Rome en l'il'l, mais nous ignorons
absolument s il \ séjourna iungli'nq)s. ( l'est en tout cas après eetle date
que doivent se placer ses premiers travaux dans l'église de Saint-Fran-
çois; et le |premier de Ions dut être la gi-ande fresque qui, au bras droit
du transejil de r('gii>e inl'(Mieure, ie|)résenle la Madone et l'Enfant
entourés d'anges, avec saint l-^rancois debout auprès d'eux (fig. 7t{)~>). On a
récemment contesté à (",imabu(' la jiaternité' de celte fresque, pour la
donnei' à l'iM-ule >ienni>ise ; mais il sullil de la comparer aux Madones du
Lou\ l'e cl (le |-"j()ii'nce |)()ui' y recouiiail !e un même auteur en lenani
compte, bien l'nlendu, des cliangeiuenls que les r(^touciies et re>laui-a-
tions successi\cs. la première fort ancienne, au temps même de (iiollo,
ont pu a])porter au caraclère des figures). Le dessin du trône, les plis du
manteau de la Madmie smil pres(pie idenli(pns dans le retable iln Louvre:
HISTOIKE DE L'ART
il m r>l (11' iiiriiic tic l'alliluilc cl de !:i (ir;i|>cric des deux premiers nnijes.
'laiil (lui! ne sera pas prom (• (pi'i! l'aul rclircrà ( liiiialuK'' I alliilml ion du
relaliie du Louvre, la grande Madone d'Assise sera comptée parmi ses
meilleures œuvres. Mais c'est dans l'église haute quel'onpeul étudier avec
le plus de s(''euriié ses Iravaux et ceux de ses compagnons.
Selon \'asari, (limaliué, •■ en compagnie de quelques maîtres grecs »,
avail décuré toute l'église du Ijas; jinis. " aninu" d'un nouveau courage, il
se mit à lui seul t» peindre à fresque l'église du haut «. Nous avons vu ce
qu'il fallait garder de
celle légende pour l'his-
loirc de la hasilique infé-
rieure. (Iiiant à la hasi-
li(pie sup(''i'ieui'e. \oici
comm<'nl son di''eor se ré-
parti! (lig. OUI). Lechonir,
au-dessous des fenêtres,
est orné de scènes de la
.Mort de la Vierge, letran-
__^^^^^^^^____ ___ ^c\\[ gauche de scènes de
âl , 8gl j^EJJBlPPlBIHB ffB WÊ^^ r.Apocalypse, le transept
j I li^^'wiliP fil M nHs 3I M^J^ di'oil lie scènes de la \'ic
el de la Passion des apù-
lre> rierre et Paul. Deux
grands (^ruciliements ter-
minent les murailles en
l'clour de ces transepts.
Plus haut, entre les fcnê-
Ires, il y a des figures
d'anges à gauche, d'apô-
I les à droite, de pro]ihètes
el d'aiigo au milii'u: |>uis
dans les tyuq)ans, à gauche, le Cond)at de rArchange contre le Dragon;
à droite, le Sauveur en gloire parmi les symholes des Évangélistes; sur
les côtés du clueur. (pudre épisodes de la \"ie de la ^■ierge. La
voûte, divisée par des nei-vures golhiques, conqireiid six sections
où alternent avec un ciel hieu éloilé, d'ahord les ligures des quati'C
Kvangélistes, puis (piaire UK'daillons avec les hustes du ('.lii-i>t. de la
\ ierge, de saint .lean-l!a|itisle et de saint h'i'an(;ois; enlin ilans la der-
nière Iravée, prés du .'~eiiili les cpuitre grantls Docteurs. .\ux parois de
la nef, des deux côtés des feiKMres, se déroule le parallélisme (dassique
des histoires de l'Ancien et du iXouvcau Testament; entin. plus has,
entre les faisccau.x de colonnes engagées dans les murailles, vingt-huit
LA PKixTruK ii'\i.ii:nm: a\am cioiki i;..ï
(•(>in|i;i|-|imrnU de |iriiil lire-. imcoiiIciiI I;i \ ir cl les lllirarlcs (le sailli,
lM-aii(;(»is.
( >n iir |M'ut guère (Idiitrr i|iii' les Imis séries de laiilraiix ipii (inieiil
les imirs du chœur et des lranse]ils soient d'un seul et même pcinire, qui
est l'auteur de la grande Madone de l'Académie de Florence. Maliiré l'état
di' d<d;diremeiil alTi-eux de res peiiil mes si intéressantes, dont les cnuleuis
(iiil ('■II' rongées par riiumidil('', au |ioiiil (|u'il ne subsiste plus (pie la pié-
p.iralinii toute noircie et eouiiue l'oiiilti-e des figures, on y l'etroinc le
dessin de Cimabué, la structure caractéristique des visages aux fronts
bombés, les types indiscutables des Proplièles à mi-corps de son notable.
La Inrle ('ducation byzantine pénètre encore toutes ces composilidiis. si
bien qui' l'on se croirait dans quebpuî chapelle du Mont Atlios, dcxani le
Di'iiiici' l-^iilrelien des A|i<">lres a\t'c la \'iei'ge, la Moi-t. l'Assomption,
eiiliii la ( ilorilication de la lîeiiie du ciel. Les cinq histoires des miracles
et i\f la mort de saint l'ierri' ei de saint l'aul sont des plus curieuses
pour l'étude des monuments antiques de liome : il faut citer tout j)arti-
culièrement le (Irucitiement de saint Pierre, où la jiyramide de Ces-
liiis lail |iendant au phare de Néron, décor ipie copiera lidèlemiMit
(iidllo. Muant aux cinf| scènes de l'Apocalypse, ce qu'on en distingue au
travers de la ruine s'impose fortement à l'imagination : la X'ision des vingt-
fpiatre \'ieillards, les quatre anges debout devant la muraille crénid(''e de
la \ iljr (|ue dniniiie une montagne abrupte, l'Assembléi' des ('lus, puis
lÊi-roulemenl de Babylone, et l'apparition de Patmos, étroit écueil au
milieu des Ilots agités, où le vieil ApiMre effrayé se serre contre l'ange qui
d'un grand geste lui moiilre l'aliiiiir; mliii. bien h;iut vers la voùic la
lutte de l'énorme dragon scpiami'ux contre larchange saint Michel tout
ce transept de gauche est déilié à l'Archange i, ^oilà les di\ei-ses parties
d'un drame chrétien assez émouvant, mais qui se joue encore, on le sent,
en langue grecque. Cimabué n'a pas renouvelé la tradition byzantine: il
s'est contenté de l'exprimer avec puissance.
Cependant les deux fresques, de dimensions iloubbs. qui représen-
tenl le ( j'uciliement au-dessus des autels laléi aux, inlroduisml dans l'ico-
iKigraphir clir(''tienne une e\|iressi()n passionnée et sauvage (pie bon n'y
a\ail pas encore \n |iorler à ce |ioiiil. La plus belle et la moins coiupb''-
lement ruinée, celle de gauche, est l'œuvi-e de Cimabin'. .\utour du Christ
colossal, dont le corps s'inlléchil péniblement, tout un Mil d'angeslourbil-
lonne dans les airs, avec les gestes du désespoir le plus intense; trois
d'entre eii.x recueillent dans des coupes le sang (pii (li'coule des plaies du
Sauveur. l)el I dexanl la Ci-oix, .Maihdeine l(''\c les mains ardenmient
M'is son Mailii'. tandis (pi'à ses |iieds saiiil t'ran(;ois de I ai Ile beaneonp
plus pelile se p|-oslellie eonire le lerll'e ellsailglailli''. Sailli .leail lient
(lonhnireiisemeiil la main de la \ ierge, ipie sni\i'iil les Sainli's l'emines;
.4r,i HISTOIHK DI- I.'AnT
cl lu foule (1rs .luifs se presse ;i droite et à gauclie. I.a même cuinpusilion,
:'i (|iiel(pies déliiils ]irès, se re|)ro(luit dans rautrc Iransepl; toutefois on
n'y voit plus la ligure de Madeleine, cL la Vierge s'évanouit dans les bras
des saintes Femmes. Le Christ est de proportions plus fortes encore et
plus luiirdi-s, (pii vont jusqu'à la difformilé, comme dans un grand C-ru-
eiii.x allriimr à Margaritone, que conserve l'église de Sainte-Claire d'As-
sise. 11 se jiouiTait donc que Margaritone, iqirés Cimahué, ou tout autre
peintre de l'école florentine, eût terminé le décor du clionir. Il est certain
que les figures d'Apôtres peintes an hifoiiiun de dioile sont loin d'avoir
ll.'l.'iil ilu li'ilonuj
la iieanlé des grands anges delioiil derrière les colonnes du triforium de
gauclic, ou a|)paraissant à mi-coips dans la lialuslrade feinte qui domine
ce triforium i lig. .")()')). Le décor architectural même est ditTérent: c'est à
droite une imitation de gables et de pinacles aigus sur un fond de ciel
bleu, tandis qu'à gauche est fidèlement imité le style des Cosmati.
Li's |)ciiiluics de la voûte n'appartiennent jilus à l'école llorenline.
Les bandes d'ornement qui les encadrent en sections triangulaires rap-
IH'lleiit de fort près les inventions des mosaïstes romains, et surtout la
riche bordure dont Torrili a orné l'abside de Sainle-Marie-Majeure. Mieux
encore (pi'à Torriti. c'est à Cavallini <\ur l'on pense devant les figures du
Christ, de la Vierge, de saint Jean-Baptiste et de saint François, qui
occupent le centre de cette voûte; mais rien n'empêche d'attribuer au seul
I.V l'KINTL'IUÎ ITALIENNE AVANT GIOTTO iô.')
Toiiili lis li^ui'cs lies quatre Évangélisles et celles des (|uali(' irrands
Doclnirs. Les premières sont accompagnées de Timage des \ilies cl du
iniuL des j^ays où s'exerça leur apostolat; la \ ne de lioiiir, auprrs de saint
Mare, réunit quelques-uns des pi-incipaux monuments de la ville des
papes : hasilique de Saint-Pierre, cluUeau Sainl-Ange, hmr de Néron,
Panlhéon, pyramide de Ceslius, Latran.
( >n date généralement de 1280 la pi-euiiére inslallation des uuisaïstes
l'omains à Assise. La tlii'liculté est de comhiniM- celte date avec celles,
indiscutables, de quelques-unes des œuvres de (lavallini, de Torriti et de
(iiolto. Après 1290, il y a six ou sept années durant lesquelles ces grands
artistes sont occupés à leurs travaux de Rome; mais, tout à la fin du
xui" siècle et tout au début du xiv'", il leur était également possible de se
réunir à Assise. Un a voulu aussi reconnaître dans leurs oun res l'omaines
un progrès marqué sur les fresques d'Assise; cela est possible, quoique
difficile à prouver. 11 est assez vraisemblable que Cavallini arriva avec ses
compagnons à Assise au moment où le chef de l'atelier florentin, Cimabué,
achevait ou interrompait ses travaux (et ce serait donc à une date anté-
rieure à 1290); et la tâche de recouvrir de fresques les deux parois de la
nef fut répartie à l'atelier romain, sans qu'il soit possible de délerndner
sûrement, tant y est forte la discipline, le point jirécis où s'arrête chaque
collaboration. L'état pitoyable des fresques rend les comparaisons d'au-
tant plus malaisées; plusieurs sont entièrement détruites, d'autres endom-
magées aux ti'ois quarts; l'iiumiditi' et les restaurations ont été également
funestes.
La série commence au sommet de la paroi de droite, depuis le choîur
jusqu'au seuil de l'église, pour reprendre en une seconde rangée parallèle
et qui suit le même ordre; il y a en tout seize tableaux de chaque côté de
la nef. Le maître qui a peint les quatre grands médaillons de la voûte est
également le peintre des premières histoires de l'Ancien Testament. Ce
sont visiblement des oeuvres de mosaïste, et qui rappellent d'assez près les
compositions analogues de Monreale. La Création est assez curieusement
agencée. Les animaux se meuvent sur le soi, les poissons dans les Ilots,
au-dessus desquels plane la colondjc de llvsprit, et l'on voit apparaître,
projetée parla main du Créateur, une ellipse de lumière rose qui renferme
la petite iiguie de l'homme; cette ligure est entièrement nue, avec une
drajierie passée sur un bras. Le buste du Créateur (de type identique au
Christ de la voûte) sort d'une gloire d'azur dont le cercle est formé de
l(Hes d'anges. La Création d'Adam, celle d'Lve, laTeidalion, rLx|)ulsion,
dont lr> ligui'cs ont une grst iculalion gauche et l'orc<''e. sont à l'état di-
ruine, et les tioi> fres(pie> sui\antes ont dis|iarn. on |ien s'en tant. La
rangée intÏTieiii'e eonuiienee |iai' la ( '.onsi rnel ion de l' Aielie. (|ue snil wuc
fres(pn' di'trnile. pni-^ \ieiineiil qin'liine> eonipoNil ions majestueuses, le
.450
iiisTomE ni<: LAirr
Sacrilk'ç d'Aliraliain. hi \ isilc des dois An^cs. la l'xMiriliclioii dr .larob,
la N'isilc (IMsaii. La lirailh'' joule classl^iiic de ces driix dcniiiTrs lVcs(|ues
les a suLivenl l'ail allriluicr à (iiollo; mais il sérail jdiis jusle d"y voir
l'œuvre de (lavallini. La série liililii|ue se lerinine par deux scènes, très
détériorées, de l'iiistoirc de .Jose])li.
Sur l'autre paroi, en parlant du elurur, voici d'ahord l'Annoncialion,
LA l'ElNTKRK ITALIENNE AVANT GIOTTO 457
presque ruinée Ja \ isilation esl ilélruili^i, [luis la Nalivih'', l'oil seuililaldc
à la composition de Cavallini à Sainte-Marie-du-Translévère. L'Epiphanie
n'existe plus. La Présentation au Temple, la Fuite en Egypte, Jésus parmi
les Docteurs, le Baptême de Jésus, dans les parties qui en sont conservées,
montrent la fidélité aux règles byzantines. Dans la rangée inférieure, les
Noces de Cana, de composition lourde et somptueuse, ont tristement
noirci; de la fresque suivante (ce devait être la Vocation des Apôtres) on
ne distingue que la figure de saint Pierre, vers qui il semble que se tende
la main du Christ; puis commencent aussitôt les épisodes de la Passion.
Le Baiser de Judas est d'un grand eflet (fig. 500). Les Juifs et les soldats
porteurs de lanternes, de piques, de cimeterres, de gourdins, qui se héris-
sent au-dessus de leur masse confuse, se pressent autour de la grande
figure du Christ, vers (pii le traître s'avance à grands pas, les bias ouverts.
A gauche, saint Pierre Iranciie l'oreille de Malchus. Dans la ehaiielle de
l'Arena, Giotto fera un ciief-d'<euvre de la scène dramatique dont tous les
éléments sont déjà réunis à Assise. La fresque suivante n'existe plus.
La Montée au Calvaire est très abîmée, ainsi que le Ouciliement; mais la
Lamentation sur le corps du Christ est déjà dans ses grandes lignes la
fresque immortelle de Giotto. Enlin la \ isite des Saintes Femmes au
Sépulcre n'a plus que des figures incomplètes; on distingue cependant
les deux anges vêtus de blanc assis sur le sarcophage de pierre, devant
lequel les quatre soldats dorment sur le sol.
Au revers de la façade, deux grandes compositions, l'Ascension et la
Pentecôte, complètent la série évangélique. Faut-il y reconnaître une
nouvelle main? est-ce Giotto qui entre en scène? Le Christ de l'Ascension
a certainement le même type que relui di' la douzième fresque de la Vie
de saint h'rançois, et d'autre part le médaillon avec la N'ierge et l'Enfant,
placé entre deux autres médaillons qui contiennent des bustes d'anges
au-dessus de la double porte d'entrée, oITre bien nettement le caractère
giottesque. Acceptons donc ces fresques comme la transition la plus ma-
nifeste de l'art de Cavallini à celui de Giotto. 11 est certain que l'appari-
tion des mosaïstes romains dans la grande basilique ombrienne explique
de façon nouvelle et plus vi'aiseinblable la foi'mation de son génie; et
l'analyse de ses œuvres va nous montrer à quel point Assise fut pour le
l'énovateur de la p(;inhirc italienne uii alelii'r de \i vantes et fécondes
leçons.
HIHLIOCHAIMIŒ
l'iinci[i.-in\ l|-MV;iiix :\ l'oiisullor (\ ciir. pnur les (luvi-au'i's uomit.uix. I;i liililliif.'|-M|il]ii' du
l. I ■. i-li. L |i. '.r.i ;
Cavalc.xsf.lli: cl {'.iiow]-;, Stm-ui dr/ln pilliira in Ititlin. I. 1". l'Iurciii-o. l.S7."i. lin' iininçlle
T. 11. — ."jN
458 HlSTOlIîE DE L'ART
édition .•iniilaisJC de cet ouvr.-ii;i' iiHli~|irii-;d)le. i-eriianirc d'a|iri>'< los; iiolc^ f\c C.nowE. n
{•omiiiciicr de |iarait,re à I.ondn-- i-w \'.H>7, > A Insinri/ af pniiiliirj m ll'ilij — rniJn'ni. FInrenre
.nul SU'iia —, l. 1 et II). — Vemi mi, si,,r„i ,lcir nt-ic italhnui. I. il i-L iil. MMaii. llMI'Mnfl-. (le
t. IV, 191)."). esl (-(iniiac.i'é cntièrciiH'iil à la sciU|)lii|-e du xiv siècle). — l\R.\us, Gi-sriilrlile drr
divifllichen Kiiusl. l. II. I•'l■il)(llll■iî-l'Èl-Iil■i^;gaIl. l,SO"-l'JOO. — Zimmermann, Giollo unit du- h'tiiisl
llnlicns iin MiUcItiltcr, I, Barid. I.oip/.it;, IXiUI, — I,ai enestre. La peinlun' italienne, t. I".
Paris. ISSà. — De HoSSI, Mh^:,,,,', rrl.<li,nn r s,i,,,,i ,lei p.triineiiti ilelle rl,iesr ,11 Homa iintcriori
ni seeolu .VI', lidine. IS'IMKi: /).■// i,inn,i:,i,i,- ,li Irlnnin II /.,i/.,/ e ilrllr ,,lln- iiiiliehe pillurc nell'
oral.,„-i<, ,li S. Mruhi enlrn il ,„;/,/:.;„ 'l_.,hn:unn„ _ ,■„,„„■ st,,rir,, e,l arehenlu'jiro, Home. I»8I.
— MiM/, .\r. /.■,■; xtif Ira iniisiiuiiies rli i;'-lieii iicx .rihilir III, Les pavemenls Idsloriés : IV, Drx
élcineiils niilitines ilniis Irx ntiisu nj m-s in,tnii,n-< iln iiiuijrn 'i(je): Les précurseurs de In lienais-
X nice (à con^nllcr de iii'éréreiicc d.iiis la lradiii-U(iii italienne, remaniée et complétée : Prc-
rursori e pnipii;,,i<iii:i i dri Himisriinrnin. l-'liirencc. I9;i'2). — Ugo ScoTi-BERTiNELLr, Giorgio
Vasnri nrrillme. \'i~-f. \W'i. — l_r n/wre ili (Ikircio Vas.^ri, éd. Mii.ANESi.t. I", Florence, 1878.
— I.A\r.T(.N linii.EA^. .1 Itisiniij nj' Sirini. Londres. 19ll"i: The mil Cimnhiir [Xineteenth Ceii-
hirij. ii"."l.". \\i:u-< \'.W7,: et i-nni|ilc-ieMdu par L. Zdekauer dans Hidlrlliim senese di storiii
pnlri.i. l',ior,, p. |-i(i-|:,ll). — \\ , IIeywooi. iind L. ()LCoTT, fluide In Siru.i. Sienne. 190.'>. —
W'KKiioii. l'rl.rr die Zeil d,-i l,,iid,, vnn Sien.i (dans Miltheiliinucn des liisliUits fiir iJsler-
reiehisrhe I irsrhi.'hlsfne^rhin,,, . \. lid.. 2, lleft. Innsliruck, 18811). — Dei,la Valle, Letlcre
.-eiiesi d, m, s, .ri., ,l,-ll A,::„lr .„ i ., ,/,' /•■,,,vs„„o ,..,/,,■,, le l,el le ,irli,l. V' . Ve.|i-e, 178-2. — MlLANESl.
I),,e,,,„,-„li pe,' h, st,„;„ .l.dl' ,,,■!,■ se, „:■<,■. I. 1', Sicniic, IN.Mi: Siill.i sl,,,-i.i .le/t oi-h- I ,,s,;,,i,, .
serin, r„r,, Sh'riri.'. INT.". — M|-<-lM, /,,. /„,-,,/,■ ,/,•//,, Ilir.hre,,., ■■ ,1.11,1 i;,,l,.'l/., ,lrll., r.epid,-
l.lie,, ,li S,r„.,. Sienne. 1S77; el LrsiM. /.<■ I,ir.,l,-lle ,l,pi„lr ,li I !„;-liee,l,i r ,li <„,t,ell,i ,lel II.
Ai,-I,ir,, ,1, Sl.,1., i,, S,e,,.i. l'Ioreni-e. liMI-J. — Ciais-e. [liisiliijues et innsdli/ues elirétieniies.
•1 v.d.. l'aii-. I8',i.": r\. I.,:< „„, ,-l,,-iees ,',,„„,i ,is et le ,„,,l,ilier preshi/térul, Paris. 1897, — IIeh-
M\M\. 1,1, ,,l];es,hi ,1, l'i,.l,;, i-,,r,,ll,„i „ s„„t,, ie,',l„, in Tr„ste,'ere (extrait du vol. V des
li.illerie ,,,i:-i,,,„i/i il, (lin,,,-], li.mie. V.M'L — lî. pKnsi'. (J,i,-I,p,es ,l„,;iii,enls sur l'histoire des
„,ts r„ l-eonrr {(.oz.etle ,1,-s l:le.,,i.e. Ael s -j lier. l. \\W. IS.S7. p. .V2i). — TuODE, Frnn: Von
A<sisi „i„t ,lie Anfdn,/e iler KunsI ,lee l(eiuiiss,,,i,-r ,„ ll.,l,e„. lierlin, 1885. — Cristofam, Didie
si,, rie ili Assisi. ">•■ éd.. Assise, 1902. — Fratim. si, .ri., ,l,-ll.i h.isili,,, ,■ ,lel eonvento di S. fi;ui-
ei's,:, i„ Assisi. Pralo. 1882. — Roger Fry. A,-i l,.-f.,,-e ai, .II" {Mo, ,11,1;/ Heeiew, ocl. 1900). —
STii/,vi.o\vs|ii. Cinodoie n,,,l I!o,n. N'ienne, I8SS,
CUAIMTI'.I': V
LKs i\(iii;ks <iOTiiioui:s
Los ivoires ii'onl piis. pour Thisloirc de l'iirl ilii xiii' i_-\ ilu xi\" siècle,
in même imjMtrtance que pour celle du luuil moyen âge. Au lieu de de-
meurer poui- nous, comme ceux du \ i' au x" siècle, les seuls témoins
d'une sculpliu-e disjiarue, ou, comme les ivoires im]ioii(''s de liyzance,
de nous lii>urer les modèles où purent s"ins|)irer les preniiei's iuiagiers
romans, les ivoires yolliicpies ne stuit (pu' le l'cllel de la sculpture monu-
mentale et de la miniature contemporaines; leur style, leurs thèmes sont
les mêmes, et les artisans (|ui les ont taillés, fidèles à une tradition qu'ils
n'avaient point créée, loin d'innover jamais, restent « à la suite ■!. Mais si
l'invention leur- manque, lieaucoup ont interprété avec une merveilleuse
haliilelé (>l pai't'ois avec des recherches de détail charinanles les thèmes
auxquels ils se tenaient, et certains ivoires peu\ent couqili'i- parmi les
(cuvres les plus acconqilies de l'art ii-olhi([ue. ( ".omme de |ilu> le noud)re
des pièces conservées est très grand, nulle série ne permet de se l'aire une
idée plus nette de l'activité d'un métier d'art mineur au moyen âge. C'est
à ce diiulilr lilri' (|ue les ivoires doivent de tenir une place dans l'histoire
générale de la ri.
La rpianlilé d'ivoire travailh'e à la lin du xiii" siècle, au xi\'' el dans les
jii-eniièrc> aum'^cs du w* a dû iMi'e \ i''rilali|rmcnl cxj ra(H-dinaire. Sans
doute, si les ivoires nous sont |iarveniis plus nombreux (pie les orfèvre-
ries, les émaux, les hois ou les marbres, c'est que l'on n'en pouvait faire ni
nu)nnair. ni chaux, ni l'eu, cl ipic leur uialière miMiie, inul ilisahle. les pré-
servai! de la deslruc-lioii ; lonlefois les invcnlairt's puhli(''s |ii'ou\eiil à (pu'l
poini la uHxIe avail adoph'' l'ivoire, et il n'eu est guère, parmi ceux des
tr<'-soi-s d'(''glise ou du mohiiiei- des grainls |H'i'sonuages, ipii ne nienlion-
1. l'.ir M K.iMii 1 kiivlilin.
460 HISTOIRE DE L'ART
nent des olijcis de celle sorte. L'ivoire serl à lous les usages. Dans les
églises el lo clKipelles privées, ce sonl des statuettes figurant la Vierge,
les saints ou les saintes, des reliquaires de toutes formes et de toutes
dimensions, des boîtes à hosties, des autels portatifs, des crosses, des
manclies de goupillon on de /Idhflhnii (évenlail liturgique), des bàlons de
rliantre, des baisers de paix, des leliui'cs, peul-èire même des retables,
tandis (pie l'emploi en est constant, dans la vie civile, pour les valves de
boîte à miroir, les peignes, les coffres à bijoux, les manches de cou-
teaux, lesgravoirs,les cors de chasse, les échi(juiers, les fouets, les selles
d'apparat, les dévidoirs, les tablettes à écrire, les patenôtres ou chape-
lets, les chasse-mouches, les boutons, les « palctes à tenir chandelles »,
les instruments de musi((ue, tels (pie llùtes ou harpes, voire les bâtons
(I à faire coiffer » ; il entre aussi dans la confection de ces bijoux étranges
el compli(|ués où certains princes se complaisaient, sans compter f|ue la
marqueterie en use, conjointement avec l'os si en faveur dans certaines
contrées. Ce fut une mode générale, à laquelle la France s'abandonna,
comme l'Italie et les Flandres, comme l'Angleterre et l'Allemagne.
Il semble certain à la vérité que ce fut la France qui, en cette mode,
donna le ton. Non pas que les documents le prouvent péremptoirement:
dans tons les pays les inventaires du xiv"" siècle citent des ivoires, et sans
doute on en a sculpté partout ; mais les mentions d'ivoires paraissent
tellement plus fréquentes dans les inventaires français, dans ceux de la
France du IVord notamment; l'identité de style surtout est si parfaite
entre la pluj)art des ivoires qui nous sont parvenus et les monuments de
la grande sculpture et de la miniature françaises, qu'on en peut raisonna-
blemcnl déduire que la France en était le [irincipal marché. C'est donc
par r('lude des i\()ires français que nous commencerons, et par français
nous croyons (pi'il faut entendre plus parliculiérement parisiens. En
vérité, il ne paraît pas possible de déterminer dans l'art i'rançais du
xn'' siècle le style d'une école ])roprement parisienne, et rien dans les
nioiiumciils ne nous permet de donner certainement Paris comme lieu
(l'origine aux ivoires; mais les comptes semblent plus explicites, cl non
seuleiiicnl les statuts des métiers parisiens sont seuls à ce moment à men-
tionner des ivoiriers — Lyon et Houen ne les citent qu'à la lin du xv'' et
au commencement du xvi'" siècle — mais nous possédons les noms de
plusieurs de ces ivoiriers parisiens et des détails sur leur activité, tandis
qu'aucun autre centre ne nous en fournit alors; nous savons enfin que
les princes de passage à Paris y achetaient \ olontiers des ivoires et que
les statuettes d'ivoire à socles de |)ierr(^ries liguraient ])armi les présents
que les rois de Fiance envoyaient aux églises qu'ils pirélendaient honorer
et même aux souverains étrangers. (Jue des ateliers provinciaux aient
taillé des ivoires, il se peut, toutefois nous n'en avons aucune preuve et
LES nOIRHS GOTIIIQUIvS iiil
riiiiili' lie slyli' ri ilr ferlini(|U(' des innoinI)r;il)lcs pièces f[iii nous rcsiciil
est telle que, s'il y a eu divers centres de production, il faut admettre
que ce sont les mi^mes modèles qui ont servi, modèles que nous pouvons
présumer parisiens.
Les tailleurs d ivoire parisiens étaient r(''partis entre plusieurs métiers ;
il s'en trouvait |iaiini les pigniers (fabricants de peignés), les lanterniers,
les tabletticrs et les jiatenôlriers, mais les auteurs de nos statuettes et de
nos II tableaux >i j)renaient rang a\ec les " Peintres et Tailleurs imagiers»
et les II Imagiers-tailleurs et ceux qui taillent les Crucifix ». Les statuts de
ces métiers, assez développés quant aux imagiers et aux peintres, sont
malbeureusement à peu près muets sur le compte des ivoiriers. « Oui-
conques veut estre ymagiers à Paris, ce est à savoir tailliercs de crucelix,
de manches à coutiaus, et de toute autre manière de taille, quele quele
soit, qu'on face d'os, d'yvoire, de fust (bois) et de touti^ auln^ manière
destolVe, (piele (piele soit, estre le puet franchement, pour tant (pi il sache
le mestier et qu'il euvre ous us et coustumes du mestier devant dit. »
Nulle autre mention n'est faite des ivoiriers dans ce règlement; mais sans
doute il était le même poui- tous, et les obligations relatives à la maîtrise,
à l'apprentissage, à la !■ loyauté » du travail, à l'interdiction du travail de
nuit, aux amendes en cas d'infraction, leur étaient applicables comme aux
imagiers, de même rpiils devaient bi'néficiei- de privilèges tels que
l'exemption du guet. Leur nn-tier. à eux aussi, n'appartenait « à nulle âme
fors qu'à sainte Yglise, et aux princes et aux barons, et aux autres riches
homes et nobles ». Cette communauté dans la vie corporative explique
('■videmment les analogies de la technique et du style, et il est certain
qu'à II besogner » C(')le à côte, quelque chose de l'art des imagiers et des
peintres ne pouvait manquer de passer dans les ouvrages plus modestes
des ivoiriers.
Les noms d'ivoiriers venus jusqu'à nous ne nous son! |ias fournis par-
les œuvres elles-mêmes, car aucune n'est signée, et le " Jehan Nicolle ■>
d'un liaiser de paix du Brilish Muséum en di'signe le projiriétaire et non
le fabricant ; mais divers nmiplcs nous en durHirnl. cpie d'ailleurs on ne
priil jilus accoler l'i aucun iininumcnt suiisislant. l)e .lean le Scelleur,
nous sa\ons {prrnlir |."|."i ri |."-i.'i il exiMuia (li\erses pièces jiour ]\Lahaul,
comtesse d'Artois, peignes, broches, gravoir, miroir, un Ciirisl altaclu'' à
une croix de cèdre et une statuette de Notre-Dame; il élaii fiiuriiissrnr
de Philippe le Long et vivait à Paris ; c'était vraisemldablenu'ut un ivoirier
de profession. f)n ne sait rien d'un certain Bertrand ([ui avait f;iit un échi-
(piici- pour le \r\\ur lloiicrl li'Arlois en l'J'.Hl. Uuanl à liniauillr Bour-
geois, qui li'axailla liu aussi pour .Maliaul, rn I •"• I I , il rsl cniinii (''gaie-
nirnt comme oïl'èxi'e. et il en \a de ni('me île .lean le lîraellier. dont
i iii\ eiil:nre de ( ;liarle> \ en I TiSII cite « deux grau s beauK l.iiiieaiix d y voire
ill-.) IIISTOIPil-: DE i.'ArsT
(les li-ovs M;u-ics ... .Icliaii de C.oiiilly, lui, ('•Inil |iii;iiicr ; à |iliisieiir.^ i-(;|ii-i-
scs. (Ir I."(i7 ;'i |."S7. il livrii ;'i l'Iiiliiipr Ir Iliiitli, iliic ilc Ijourg'Ogue, il
(Ihiirirs \'l cl ;'i la l'eine, des li-oiisses do ciiii' ariii(iii(''cs conlenant un
assiiiliuirnl f\r uiiroirs, de ])eigncs et de gravdirs d'ivoire. Jelian C-yuu'
: 1.171 -J.lT.Si, Jehan GirosL (ir)87) el Henri des Grès (1587-1097), comme
|)lus li'.l .lehan de l'iinaige ( 1") 19-1." "201, paraissent avoir eu la mcMiie spé-
cialilé. On doil iiniiiuicr cnroi-e .lean Aid)crl i I -"88-1 J9.")i. Tlmiuas de Fien-
\illier, eoulrlicr du roi ' l.'"(7.~ K l'ournissaii les couleau.x à manches
d'i\oire, cl les ju-inccs ne <l(''(laignaicnl pas loujoiu's d'acheter eux-mêmes
ces menus ohjets, au lieu de s'en remelli'c à leuis harliiers. Au milieu de
tous ces noms à peu près inconnus, un nom cidélirc ap|iarail toul à coup.
celui de .Ican Af Marvillc, qui achetait en l.")77, à Paris, moyennant
'■!() livres, ilc lisoire ■ pour l'aire ceilaines hesoignes (pn? Mgr. île duc de
Bourgogne) lui avait enchargées ... (Juelques-uncs des slaluclles ipii suh-
sistenl peuvent-elles donc s'attribuer à Marvillc? X(mis l'ignorcions tou-
jours sans doule, mais la présence d'un maîti'c Ici (pu> lui pai'uii les tail-
leurs d'ivoire est intéressante. Le commerce de l'ivoire était, on le voil
très développé à Paris au xiv" siècle. Il ne mourra pas tout à fait au xv'',
et deux générations de pigniers, Philip|ic cl Jean Daniel, nous sont encore
connus en 14.11-1 'i.,")4 et 1481, mais dès lois la décadence de l'art de
l'ivoire fi-ancais est consommée et la mode s'est détournée de lui.
Aussi hien, même aux plus locaux Icnips, siMuljle-l-il, si le métier des
ivoiriers ne dul |i,is (Mie moiii>. i'cle\('' (pie celui des imagiers, des cnlumi-
neui's et des orri''vres, on peu! ci'oii-c (pi'il (■lai! en tout cas médiocrement
lucratii', el la modicil('' des prix parxiMius à noire connaissance jirouve
(pie, la mali(''re premii''i'e une l'ois payi'^c. le !j('Ti(''lice de l'arlis.-in dc\;iil
demeurer g(''n(''ralcmeiil m(''diocre. Sans doule (pichpics images de .Notre-
Dame se N'cndcnl forl chei- : celle (pic Mahaul d'Arlois acheta à Jehan le
Scelleur ne lui l'ut pas pay(''e, en ll'i.l, moins de 19 livres parisis, el la
mcMiic princesse, en 1111, r(''clamail (i livres pour s indemniser d'une
auti'c vierge d'ixoire (pii lui a\ail r\r \i>\rc lors du pillage de son château
de Hesdin ; de iiuMue. eu IlO'J, api(''s la moi I de liaoul de Nesle, coiiné-
lalile de h'rancc. un .. laliliau d'i\o\re à xinagcs enlaill(''cs .. a\ail rlr prisé
1(1 liM'cs, cl encoïc, en I Kl.l, deux llorins. à l'iin cnlaire de .Mai-gucriic de
Flandre, (luches^c de Bourgogne, un .■ laldiau d'ixoire à ymage de la
iiali\il('' cl circumcision Xosire Scigncui' .. ; notons aussi 18 li\restoui'-
nois pour Irois (liply(pics <. de la \'ic Noslre-Daiiie et Passion Noslre-
Seigneur .., aux iii\cnlaiic^ du duc de lîcri'i, l'rèi'c de ("harles \' : mais ce
sont là, semlile-l-il. des pii\ toul à lait exce|ilionucls, peut-iMre même
ex])lical)les par- des montures d"orr(''vrerie. Poui- l'ordinaire, une staluelle
(l'i\oire \aul enire 10 cl (10 sous parisis, el elle loiulic parfois jus(pi'à
P2 sous; un dipi V(nie \ aiit entre '_'() et U) sous — on en I roux c même à
i.i:s ivoiHES (iOTiiioLiis icr,
8 sous — et lllic " ln)islclrl Ir ,i mcl||-c |i:iiii :'i |-Ii;iiilcr i) \;irir (Ir 'J sous
de gros à 1 (lcilli-lV;nir. VA lc~. prix ilo nhjrls d'iisnizi' |iri\('' nV'hiiiMil |i;is
plus élovés. Si Phili|i|ir Ir ll.inli. duc ilc l)nii|^iii;iii'. :iclii'hnl rii |."7."i iiii
cofTrr à liijoiix 8 iVaius. si un coriicl d'ivoire mncc >,i n'inl hit (■liiil iiii^r'
un lloi'in en I }(),') à l'iii\ culiurc de Miiriiucfilc i\r l'd,iiidi-c. si iikmiii- qurl-
(|ues-iiii{'> de rr> I rousscs conlciinid [M'itiiics. miroirs, urinoirs d rasoirs
dans un (dni de cinr oin'ragé. doid li's coniiilrs Inrd >is(in\rnl nnudion.
nu )n la il Mil ju>(|u'à i livres el pai-fois plus. \endne> pai' un .li'lian de ( louilK
ou un Henri (les Grès, ce dexaienl (d re de> pi/'ees parlieulièrenHud luxueu-
ses; plus ordinairemenl, nini> \o\on> un nurnii- avec xm (dui >e paver
1(1 sous, n II aiilre S. el deux peignes ne pas inonlerplu> liaiil (pic |ti -.(ui>. Si
I ivoire liriil (Mail pri>('' N xuis l'once, coiinne riiidi(|uc un c pie, tardif.
il est vrai, de 1 'rJ.'i-l i-Jti. il ne devail pas lolcr i;iaiid'clH)>e pour la inaiii-
d (CUV re.
Mil V(d-il('. (Ml peut croire (pie rali(Ui(laiice d'ivoire ('■lail telle su:- le
niarcln'. (pi'il n'étail plus considén'- comme une nialière hien précieuse. Il
venail de l'Afrique cenlrale sans doute, car Marco Polo ]iarle des immen-
ses provisions rtdinies à Madagascar cl à Zaïi/iliar; de là il passai! à
Alexandrie, à Acre et à l*"aiiiagouste. maisiui ne iioun dit jias (piels navires
allaient le clieiwdier dans ces poris et jiar (|uelle voie il >e r(''pan(lait sur le
continent, l'dait-ce par l'Italie, par Mdiil pellier. puis par les foires de
Champagne (pi'il arrivait à l'aris.' nous ne >avons; les textes. i>i nom-
breux eu ce qui touche les épiées, sont niuel> (piaiil à l'ivoire. \'ers la lin
du xiv" siècle, il en arriva dans les Flandre-, à l'KcIn-e. à l'adre-se du
duc de l)Ourg()i:iie. cl prolialilenielll alors le- Mieppcii-, (pii depuis l.'Ci'f
jus(praux guerre- du \v' si(''cle seuililcnl aviur l'r('(|ueill(- la c(')le de (^iui-
née, en rapport(''rent des cliargemenls de deiil- : il est |ici— ilde (pie ces
exp(Mlili(Mi- fussent à l'origine de l'indusli-ie où Dieppe excella à partir
du XV II -i(''cle, mais elles durent en tout cas amener encore de l'ivoire
>ur le iiiarcli('' el le vulgariser de plus en plus. Hiidi ipTil en -dil. il parait
liii'ii ipi aux veux des amateur- du xiv' si(''c|e l'iviiirc en lui-iiKuiie n'av ail
«priiii faillie prix. De là vint peul-(Mre l'iialul iiilc de le peindre, car la
polychromie t\r^ iv dire-. |idiir avoir aujdurd liui di-paru [ ne -que hui jours,
n en est pas nidin- .■ille>l(''e par (pidipie- iiKirccaiix capil aux. le ^.'(xn'ojuic-
iiiriil ih' lu l'/c/Y/c du l.dlivre. la Mcnir de \' i lleiieliv c d'AviLllldll (lU le di-
ply(pie de ri-;-curial Vdir 11/7. ISIt.". I. II. p. I -j . De là au — i l'u-aiic de
ludiiler les ivoires dan- des mal i(''re- pn'cien-es cl d'\ eiicli;'i--er des pier-
reries. .\(Ui- ne coiinai--oii- plus les pii'^cc- dont le- iiivenlaires nous
font de si somplueuses (lescri|ilions : mii-oir- à cornes d'or. •• lalileaux »
garnis d'arueni (Ui d'or el ('■mailh''- au du- de ligure- de -aiiits. vierges
séant sur de- ciitalilemcnl- d ari;('iil el couriinni'c- i|r riilii- dii de di;i-
mants: pre-(pie loule- mil di-paru ou dlil l'ii'' d(''pdiiil|i'es. el. de celles (|ui
.404 IIISTOIBK DK L'ART
siil)sislciil. rnnc, le i-chilili'(ltic()iiilc(li' \';ilciicia i.MjulritL, n'est t;urr.' ornée
(|iie (liMinehpies pcliles |ierles, liuiilis ([lie l:i N'iertie de la coUeclion Ho-nl-
.sclicl C8l modestement assise dans une chaire de cuivre. C'étaient les mon-
tures qui faisaient le grand prix des objets; un diptyque monté du duc
de Berri est prisé 70 ou 80 livres, et si nous n'avons plus l'estimation
de la Vierge d'ivoire donnée au trésor de Saint-Denis par l'ajjhé Guy de
Monceaux (iôOô-liïO^), avec sa (((uroiinc d'or ornée di' sapliirs et de perles
et son fermoir eni-ichi " d'une excellente talile d'émei-audes el à l'entour
quatre i-uiiis cl qnali-e sai)liirs », nous savons au moins (pie la seule pirr-
rerie de la N'ierge de la Sainte-Chapelle — celle peut-être qui, de la col-
lection SoltykofT, a passé au Louvre — valait lO'i'i livres. Le travail de
ri\<)iriei-, ipie nous admirons aujourd'hui, et le grain de l'ivoire ne comj)-
taient guère, au prix des trésors amassés dans les montures.
Pour étudier les ivoires gothiques, nous séparerons d'abord les
ivoires à sujets religieux et les ivoires civils, nous efforçant de distinguer
les ivoires français des ivoires étrangers. Nous chercherons ensuite à con-
stituer certains groupes, certains ateliers, si Ton veut, et à ranger les
s(-ries ainsi obtenues dans un oi-die à ])eu près cliionologique. Sans doute
nous ne connaissons aucune j)ièce datée, et dans les ivoires mêmes tout
j)oint de l'epère nous manque ; mais l'art de l'ivoirier est trop proche de la
sculpture monumentale et de la miniature pour que les jalons qui per-
mettent d'établir l'histoire de celles-ci ne puissent nous guider, et si l'on
tient conqite du retard qu'a toujours un art dérivé sur l'art original qu'il
prend pour modèle, les règles logiques qui président au développement de
la grande sculpture et de la miniature s'appliqueront aussi bien aux ivoires.
C'est le développement chronologique, ou plutcM logi(pie, de l'art de
l'ivoirier que nous chercherons à étaldii', mettant en \aleur les pièces capi-
tales sorties de la main de véritables artistes, toujours anonymes, hélas 1
tout en ne négligeant pas les ouvrages d'atelier plus faibles d'exécution.
De ces derniers, le groupement même présente un intérêt et j)eut-être
l'étude n'en est-elle pas à dédaigner.
LES IVOIRES RELIGIEUX FRANÇAIS
La fin du XIII siècle et le commencement du XIV'.
Il est extrêmement curieux (pi alors que nous i)Ossé(lons eu assez grand
nonil>re des ivoires du haut moyen âge, nous n'en jiuissions citer aucun
du commencement de la période gothique; pas un du style dit de Chartres,
pas un (pii corresponde à l'art des grands portails de Notre-Dame de
Li:s nollŒS GOTHIOUKS
Paris ou (rAiiii('ii>. lùilic le xii"' siècle et le second lieis du xiif . la solu-
tion de continuité est presque absolue, et la tradition semble si bien rom-
pue que la technique môme des premiers i\ oires gothiques n"a plus rien
de commun avec celle des ivoiriers romans : au lieu des plaques à sujets
en relief que ceux-ci avaient fabriquées pendant cinq siècles, ce sont des
statuettes qui apparaissent, des groupes même, et il faudra quelque temjis
avant que lart des diptyques, si florissant par la suite, rappelle et remette
en usage les procédés anciens. Il
est difficile d'admettre |miui tant que
les ivoiriers aient atti/int du coup
et sans tâtonnements la perfection
qu'on leur voit dans les derniers
temps du règne de saint Louis :
tout en étant à même de profiter de
l'expérience qu'un siècle de travail
avait apportée aux imagiers, leurs
modèles, ils durent faire leur
apprentissage ; malheureusement
la trace de leurs premiers efl'orls
est à peu près perdue et les quel-
ques rares pièces où l'on peut la
chercher ne nous en donnent
qu'une assez faible idée. La^ ierge
de la collection Sibley anc. coll.
Boy, n"57 duCal. lî.rpus. rrir. P.MIIl
doit être considérée aujourd bui
comme un point de départ, et elli;
est curieuse comme déformatinn
d'un type connu de la grande scul-
pture, tel que la Merge assise de
Gassicourt (Seine-et-Oise^; avec (Mus.-? .leiLimiiom;;.)
son air vieilliot et ses draperies
sèches, elle peut passer en effet pour représenter la période de tâton-
nements. Il n'en saurait être de même des deux statuettes de l'ancienne
collection Spitzer in'" .18 ri ."7: irp. au Cal., p. il d pi. i\ . aujourd'hui
chez M. Martin Le Hoy et au mux'c de llaudiourg; Irès séi'ieuses, malgré
le soiH'ire un peu aicjiaïipie qui anime le visage de lune d'elles,
nobles avec lEnfard ipii biMiil de face sur leurs genoux, sans aucune
recherche de grâce mondaine, c'est avec raison qu'on y a vu comme
un composé de la matrone antique et de la \'ierge byzantine, et la grande
sculpture a en effet-, au début du xiii" siècle, donné ce double caractère
à certaines de ses madones; mais ces deux morceaux, a\(>c leur linesse
T. II. — Ô'J
ivoire IV.ii
— 1.1 ^ ic-ij.'c .-t lEiiniiit.
(Mis lie la première iiioiliii
ilii xiii siècle.
M\6
IIISTOIIiK DK LAI^T
cl l'iiabilclc ildiil cllrs lùiiioigneiil, ii'iml lica dr l'iK^silalioii qui inai-quc
li's (rii\|-cs (Ir (l('lMil. \i\ l'on en (loil ilii'c aiilani d'un anlfç i;i-(jU|iL' coni-
|ios(' (les \'irrij;('s (In nuisrc dr (lliuiy (n" Kl.")?), de la collrclidn Dnliul
I jadis à ( )in-si-ani|i, prrs Noyon, rr]». (lazcllc dis Urnii.r-Ails, IDd.", i,
|). 17(7) cl du niMscc de riM-niila_uc à Saiid-l'clci-sjionrt:' (coll. liasilcw sky,
n" (S8 du Calalogue). La disjiroporlion du Inislc Irop loni;- cl di- la hMc
Icop grosse des deux dci-nièi-es ferait croire à l'indtk-ision d'un on\ lier
eneure inexpériuieidé, si l'on ne i-cc(iniiaissail |ilul(')l eu elles des iniila-
liiins un jH'u dél'oi'ni(''es di; celle de C.luny; oi- celle-là csi liien loin d'un
morceau dessai : la dignilé de
raltiliuie, la soljri(''l('' des diape-
ries el surloni la sér(''uil('' (In visage
sont parl'ailes, avec une certaine
grâce qui adoucit ce' cpn; les sla-
lues (je pieri'e du cdinniencenn'id
du sit'(de avaient d un peu lude et
seniltle indiquer une dale ]ios[('-
rieure. La\ ierge ouviante de Bou-
iion en Limousin, passée aujour-
d'hui en Anglelei're (rep. cal. Cai'-
micdiacl, n" '28) — la seule ^'ierg(.'
(luvranie (pi on puisse lenir pour
aulhenlique — est de la m(~'me
l'amille ; mais si son as|iecl exl(''rieiu',
lourd et inc^'lé'gant, la l'ait reculer
[larfois jusqu'aux premières aon(;cs
du si(''( le, il suffit de rou\rir el
d examiner les scènes de la Passion
ligurées à l'intérieur pour recon-
naître à la liljerté du groupemeni
des jjersonnages, à leur slyle nnuru', ipiOn n'a pas affaire à une
main liésilanle ou à une (cuvre andia'ique. C'est à peine en M'iih'
si, dans toules ces pi(''ces, nous liouNons trace de ces làlonnemenls «piil
serait pourtani si inl(''ressanl de saisir; l'art de l'ivoirier se pi'éscnlc
à nous, au moment oi^i nous le ienconli(nis [loui' la jiremière fois dans
la période gotlii((ue, connue à peu pi'ès formé, et s il demeure assez
en arrit'rc encore de la gi-ande sculpture, le temps est proche où,
sans Irausition appréciable, il s'en sera pleinement assimilé l'esprit et
la lcchni(jne, cl rivalisera a\ec ses plus nobles monuments, dans le
Coiifdiuii'iiiriil (le 1(1 ]'ici-ijc et la Di'posilion de croix du Louvre in'"' ,")0
el 'l'i'i Cal. ^lolinier, cl MiJniaircs ri Mniiiuiirit/s. I. 111, ISUlii, dans U: l'ro-
pliùlc de la collection de M. le baron Ciuslave de liolhscliild ci dans
is - r
a X'iri'i:
.■ ri riCllI.lljl
de: la p
rciiiiuiv
illr <lll M
(Mil!,.
L-f ,1c Cil
m;,)
DÉPOSITION DE CROIX
IVOIRE -ÉCOLE FRANÇAISE
' Musée du Louvre )
Histoire de lArt il PIV
LES IVOIP.ES GOTHIOIES
407
VAiiiioucifilidn des (■(jlK'clions Garnior cf (ilialamlon rc]!. (lui. Erpox. rrl.,
19(1(1, ir- :)S-!) .
(ferles, les ixoiriors i|iii.ilr l'.'Tdà l'Jltd cnvii-Dii. oui failli'' les deux
premiers de ces tfi-oupes ii'onl rien iiiveiilé. La disposition leur en élail
l'ournie parla tradilion; les uiiniafuristes et les imagiers lavaient consa-
crée, el dans la pluparl des calliédrales ou des églises des Coiironnciiicnls
analogues se voyaienl el de pareilles Dcposilioiix <lp rroi.r; celle du Bourgel
esl l)ien connue. Mais cesl avec un art pai'l'ail qur- nos ai'lisans oïd su
Iransposeï' en i\dire le \ieu\ ilièiiie si soin en! failli'' dans la pirrre. Toule
I.c (^iiiiniiiiicii
1,1 \ ifiui'. ix.iiÉi' Il'Uii
du Ml sil'cd'.
iMiisre .lu I iMivr,..l
l'idi'ali' noblesse des grands Corironni'nicnlx esl demeurée dans le ]ii'lil.
cf de ini'nie la soliriélé iragicpie des Déposilioiis: les visages onf la mi"'me
grandi'ur un |ieu inijiersonnelle, les gesles la mèni(\jnsfesse liarnioniense.
el les diaperies la même logique simple el l'orle. mais Iniil cela comnu'
aliénuc et adouci. Dans une matière aussi fine et à si ])i'fili' éclielle, une
imilalion e.xacle. une réduction devant paraître trop lourdes, les ivdiriers
ont l'ail les sacrifices nécessaires; la polychromie, très poussée dans le
V.onronnemcnl . les y a aidés peut-être, et. l'un plus puissant, celui du Co//-
ronnement, l'autre plus tourné déjà vers les recherches d'élégance, ils ont
réalisé des œuvres dont la perfection n'a jamais été dépassée. Le Prnphrlr
de ^I. le baron Gustave de Rothschild n'est pas moins émouvant, à genoux
et si profontlément attentif à lire les éci'itures tracées sur la banderoll(>
qu'il déroule entre ses mains. Pour VAiuioucinlio)!. nous ne saurions
408
HISTOIRE DE L'AUT
iif(innci' que les deux figures soient nées ensemble : la Vierge (coll. Gar-
nier) paraît être d'une inspiration plus sévère
et l'Ange (coll. Chalandon) a plus de grûcc
|)iHit-èlre; les plis aussi sont d'un style un peu
ilillV'i'enl; mais leur art n'csl pas moindre cpie
celui des morceaux jirécédenls, el à eux quatre
ils forment, pourrail-on dire, les classiques de
i"i\ oii'c.
Des échos du grand arl du xm' siècle .se
relrouvent dans une série de \'ierges, non plus
majestueuses sans doute à la façon des ma-
trones du temps de saint Louis, toujours
nobles pourtant et encore divines, véritables
\ ierges-Reines. a\ec l'iinfanl liénissant dans
les bras. Celle d'U-
nienville (Aube)
l'Cp. (!<ll. l-J-rjuis.
rrir.ilr 1901». n" (i:.
l'sl un |ieu fruste ;
au contraire, celle
du Louvre (n° 40)
semble un typ<'
parfait de cet ail
encore pi'ofond(''-
ment l'cligieux el
déjà élégant : les traits sont réguliers, l'atti-
tude noble, et les plis des vêtements logiques
et souples. Plusieurs autres ont à peu près
les mêmes qualités, telle la A'ierge poly-
chrome du musée de Cluny (l'Enfant est en
partie refait), un peu plus familière seule-
ment et déjà moins sérieuse. Les ivoiriers
sont ici encore les proches parents des scul-
pteurs; ils marchent dans leur sillon et ces
(juelques morceaux sont la traduction en
ixoii'c de grandes images telles (pic la Merge
de bois (Je Sainl-Leu Taverny ( rep. <Uil. E.rpos.
rrir. lUOO, il" .■>().">()).
Ouelquc analogue que puisse être l'es-
|iril qui anime toutes ces pièces, elles n'en sont pas moins isolées les
unes des autres, et leur lien est celui que met entre elles la commune
imitation de la sculpture monumentale. Mais voici que nous allons ren-
rr;. TiMI. — L'Anfie di' rAiinonciation,
ivoii-i' frajioais de la fin du xiir s.
(Collei-tion Cli.il.inddn.)
LES IVOIRES GOTHIOUES
469
contror un groupe d'œuM'es tellement seniblal)les entre elles qu't^lles ne
]iru\enl énumer que d'un même atelier, sinon d'un même maître; et,
par une heureuse chance, de cet atelier, l'un des meilleurs qui fut jamais
à travailler l'ivoire, un grand nombre d'ouvrages sont venus jusqu'à nous.
(>e sont surtout de grands diptyques qu'il paraît avoir produits, répartis
aujourd'hui entre la collection Wallace (n" -i'û), la collection Basilewsky,
au musée de l'Ermitage à
Saint-Pétersbourg (Cata-
logue, pi. XVII, n° 100), la l>i-
bliothéque du Vatican (pi. .\vu
du Catalogue}, la collection
Salting, le musée de Berlin
(n" 78-79), l'ancienne collec-
tion Spitzer (rep. au Cat.,
p. io, n" i.li. La l'rance n'en
possède plus un seul, car on
ne saui'ait compter un frag-
ment tout ra})iécé du musée
de Cluny in" I0()'2), et celui
qui aurait ilù lui demeiu"er.
jadis au trésor de la cathé-
drale de Soissons, dit-on, se
trouve au South-Kensinglon
rep. ilans .Maskell, p. 4'2,
n"* '211-65. La plupart de ces
pièces ont (Hé reproduites
dans la (lazrllc îles Ucan.r-
Ai-ls, \\. Koechlin, L'nlrliiT
il II iliiilijiiiir ilr Siiixsiiiis. I !)()."),
t. II). Le trait caractéristique
de cet atelier est sa recherche
du décor architectural; ce ne sont (pie gables, clochetons, arcalures et
colonneltes, dans le style de la lin du xiii'' siècle naliuellement. mais
d'après l(>s(piels il serait bien diriicilc sans doute de (h'Ierminer l'exacte
provenance de ces pièe(\s. Toutes ligui-enl l;i l'iission du Christ, a\('c
pai-fois des scènes (le son Lnfanee ou ses Appaiili(in>, cl hi (•iarl('' de la
coiiipii-il idii. la lieaidé simple (le>. \ i--aL;cs. la solirii''!)' du ycsle. la justess(;
(les pioporl inii--. la noblesse des (li-a|iei-ies en l'on! des UKireeaux \(''ritalde-
menl ailinirable--. La I )(''p(i>il ion de eidix. a\cc rLi;iise el la Synagogue de
cluKpie e(')|(' (le la \ iei'ge el (le sain! .leaii. le^ Sainles Leniuies au Tom-
beau, la i)eseenle aux Limb(>s, connue le ( '.lirisl de Majesb'' el le ( '.(lUronne-
menl de la \ jetge onl Joutes les (pialil(''s du |ihis bel art eonleniporain.
(Musée de Soiilh-K.'nsinsluii
470 niSTomr-: de l'art
(Jiio le stvlf^ s'pii rcli-(iii\ !■ (hins la graiulr scuI|iIiiit aux t'rai;-iiirnls du juin''
de IJoui'gfs (Hi (laus (1rs uiauusciils Icls (|uc ri-;\ aim(''liaii-r de la Saiidc-
Çhapollo f l'iild. liai., lai. 17r)'J(ii. il l'sl cci-lain ; (ju'ou n ail alTairr <|uà des
(iinriiTs lialiilcs cl uoii à des (■i(''al('ur.s, lidenlilc'' ])r('S(|ue aljsohie de cri-
laiiirs |iirccs Ir |)i-((U\(' assr/. : les diplyqucs Wallarc cl Basilewskx , un
\(drl du \'alican cl celui (](• la <-()llcclinn SalliiiLi' ^•' r(''|iclcid à |icu |mcs
IcxliicIlciiirMil, cdinuic le l'niil les di|ily<|ucs de Sdid li-Kcusiuiil "u cl celui
de lieiliu, a\('c des \arianlcs i|ui ne sonl (|ue je lad de dcssinalcui's inal-
Iciilifs. lellc la Synai;oiJi,nc, à la 1 )(''|)()sili()ii i\(' ( Iroix iWallacci.- rcicl(''c,
l'aide d a\iiir c(Ui\cnalilcuicid nicsuri'' la |)lace, dans le xolcl \(iisin, ju'cs
(le la Mise an Tondican un elle n'a (|ne l'aire. .Mais nn ne saniail dcniandcr
au.\ aris nniU'Ui's des ([ualil(''s ci('-ali'iccs. cl les i\oiricrs de 1'" alelici' du
di|ilyqnc de Soi.ssoiis >■ en onl assun''nienl l'iiil assez en rel^'danl dans leurs
(cuvres, aAcc une rai-i' ]iei'rc(di()n, le grand style des monunu'nls dont ils
s'inspiraieni . .V cet alelicr peut T'Irc attribué encore un aulie groupe
d'ivoires, des li-ijitycpics, doni le ]ilus i-emar(|ualde csl celui de Sontli-
Kensington in" I7r)-(in, rep. dans ^iaskell.p. Ci)) et dfud les autres se trou-
\enl dans les colleclicnis .Miclu li. W^aterton cl au musée de Lyon : ce
deiMiier csl 1res curieux pai'cc (pu' les \(ilels en sont jicinls au lieu dcire
scnlpl(''s. Sous les ukMucs arcdulccl ui'cs, K.'s nn"'iues piM'sonnages se reli'ou-
venl, isolés généralement sous leurs arcatures et ne formant plus ces
beaux groupes si sobrement dramatiques, mais très nobles encoi'e, —
comme l'Adoration des Mages avec nn é\ è(pH> donateur à genoux, dans
ri\oire de Soutli-Kensington, — cl tout à l'ait dignes des chefs-d'œuvre
prodinls par l'atelier.
(Juclles (pu' soient toutefois l'inqiorlancc de ccl atelier cl la beauté des
œuvres (pi'il a pi-oduilcs, la s(''ric des N'iergcs de la lin iln \iu' siècle et
du commencement du xiv'' est peut-être plus caractéristiipie, et là surtout
se peut toucher du doigt la transformation du beau type si noble confem-
])(U'ain de saini Louis. On a reniarqu('' cent l'ois (pie la \ ierge du commen-
ceuK.'nl cl du luilieu du xiiT si(''cle, au grand poilail d'.Vinicns, par exemple,
est vraiment la .Mère de Iticii cl (juc peu à peu elle (lc\ienl femme,
l'Enfant qui bénissait le monde sur ses genoux n'(''lanl plus (pie son nour-
risson avec lequel elle joue amoureusement; ce (pu csl \rai de la grande
sculpture l'est aussi de l'ivoire, et dans la quantité de monuments qui ont
survécu, il est aisé de retrouver toutes les phases de l'évolution. Celle de
la Icchnique suit d'ailleurs immédiatement celle du sentiment, et ce n'est
pas l'attitude seulement qui cliange et l'expression du visage, c'est le
slyle des draperies aussi, dont la logique et la simplicité s'altèrent par
degrés. A l'extrême commencement du xiv" siècle, la Vierge de la collec-
tion Hainauer, de Berlin (Cat. Spitzer, n° 82, rep. Aiisstcthnu/ von Berlin,
1S9.S, pi. xiv), garde encore des qualités de sérieux presque pareilles à
i.Ks i\'(Uiii-:s i.oiiiKirES
471
rrllc^ (Ir |;i liellc slillncllr (le ln,i> illl l.nuvIT |nd\rlinnl (Ir lil ,nl I, ■,! M ,11
'liiiili;il; si'iilcmnil >i les (li';i|MTii's soiil si'iiilihiMrs, Ir li'^^ci- iiclii>
;irrli;ri(|iic ;i l'iiil |ihici' ;'i un L;r;i<'icu\ sdurii'r. l'I riùil';iiil , ;in lieu i\f lu'-w'w.
((lUc ilans les lilMS (II' sa liirir i|lli
lui |)r(''sciitc une |iiinniir. I ii slylc
analogue, mais jilus di'lrniiii di'ià.
se reiiconirc à la \ ierge du musée
de Ilamhouri;' i Cal. Spilzor, n" ù'),
rep. |d. wii . (iia\e encore, (die
aussi. mali:ii' le gcsle si câlin de
rEnfanl ([ui prend le menton de
sa mère de sa petite main. et.
comme draperies tout à t'ait dans
la tradilion du .xiii'" siècle, est la
N'ierge de la colleelion Ha-ntschrl
(anc. coll. Odiot, n" '.'i du Cat. :
son visage a même une sorte t\i-
sécheresse un peu archaïque, dnni
certes l'aimable jeune l'emme de la
collection Carrand, au Bargello de
Florence (rep. dans Cust., ]i. I."!) .
est bien éloignée; celle-ci s'inter-
rompt de lir(' pour parler à son
enfant, (ju'elle l'egarde en plein
dans les yeux, et il y a dans ce
groupe une candeur et une fran-
chise charmantes. C'est d'ailleurs
le mot charme et le mol grâce qu'il
faudrait employer sans cesse en
parlant de ces morceaux. Dans la
Vierge de la collection Martin
Le Roy (rep. (.al. de l<i Killcclidu.
■2" fasc, ])l. -M et LnicUr nn-hraln-
Oif/uc, 18Si. pi. 'Hli, le ni(in\ cmenl
de celle ti'le qui se pen( lie \('l-s
l'Enfant pour le baiser au Iront est
d'une sa\eur rare, comnu^ le tra\ail
pas jus(pr;'i l'Iùdani
la grande senipi iire
ne soit tout
Ki(
ililf (le i.-i S^iiiilc-(;ii,i|H'llr.
i\uiic IVaiHjai!, du ijri'iiiicr ijuart du xiv !:it'cle.
(.Musée Jii Louvre.)
le inlinie d(''licalessc, et il n v a
souvcnl ui(''dioe|-e dans les i\ oires eolinue ilaiis
a\ee >a Inngiie (dieniise (■! son geste si nainrel.
lit plaisant. Toutes ces \ierges sont assises, et la sinqili-
cité logicpie de leurs plis est parfaite; celle de la collection Doisiau. debout
et légèrennMil eandirée, rtlnlanl penché sur sa pnilrine el lui lendani les
.i72 HISTOIRE DE L'ART
l)i:\s, sciiiMe aver celles du imisée arcliéoloi^iciiir il'( »ii('ans (Gonse, 3//(.s(V'.v
tic liruviiicf. I. II. |). ."01) et de la collcclinn !?. ()j)i)enlieiin (l'crlin), une des
slaliu'tles duiil la draperie est le plus liarmoiiicuse, disposée en longs
tuyaux très amples et cpu tombent doucement de la ceinture jusqu'aux
pieds; l'expression du visage est d'ailleurs dune jeunesse cl dune pureté
adorables; mais vraiment il n'y a plus là rien de divin, — jias plus assu-
rément que dans cette série aimable qui, de la Vierge du Louvre (n" M,
rep. au Cat.), en passant par celles des collections Mège et Fitz-Henry
(Londres"), aboulil à la \'ierge dite de la Sainle-Cdiapelle (Louvre, n" 5.1;
rep. Molinier, /<'.-< Ivoires, pi. xvn).
Celle-là est assurément la plus célètire des \^ierges golluipies, el elle
justifie sa gloire: tout ce cpie le sentiment précieux el délicat du commen-
cement du xiv" siècle a jamais ajouté à la noblesse du xiii% se retrouve
dans cette \'ierge; c'est la plus avenante des grandes dames de la plus
policée des cours. Largement drapée dans le long manteau qui laisse le
buste el lestu'as libres, elle s'avance, svelle et souriante, sceur cadelle, on
l'a dit souvent, de la \'ierge dorée du poi'lail sud d'Amiens. Ht elle est
simple encore; seulement, l'exlrème limite de la grâce paraît alieinie : au
delà, ce ne pourrait être que mièvrerie et manière. Or nous verrons que la
manière est précisément le grand défaut du xiv*" siècle arrivé à son plein
développement; laudis ([in', parmi les ivoiriers, les uns s'attardent à des
formules qui s'usent peu à jieu, les autres raffinent et donnent dans le
compliqué. Nous n'en sommes pas là heureusement vers Lj'20, date que
l'on peut approximativement assigner à cette Merge, et hwn des mor-
ceaux fort agréables nous restent à voir, avant d'arriver aux excès de la
dernière période et à la décadence de l'art des ivoiriers.
Le plein XIV' siècle.
Les ivoires du plein xiv" siècle sont très nombreux aujourd'hui
encore et la principale difficulté de leur étude en est le classement. Peut-
être n'est-il pas impossible pourtant de se débrouiller dans cette quantité
de monuments. 11 semblerait au premier abord qu'une catégorie de pièces
au moins, celles cpii, comme les diptyques et les placpiettes, présentent des
motifs d'architecture, fût assez aisée à ranger en ordre chronologique et
(piil sufïit pour cela de suivre les règles parfaitement déterminées du
développement de l'architecture gothique : des comparaisons de style
avec ces [tièces permettraient le classement de tous les autres ivoires.
Seulement les motifs d'architecture des ivoiriers, il est aisé de le consta-
ter, se réduisent d'ordinaire, tout bien considéré, à quelques formules de
convention cpii traînent el se répètent dans les ateliers jiendanl des gêné-
LES IVOIRES riOTIIigUES 470
rations entières, et, à faire fond sur eux sans tenir eoniple du style des
figures, on serait amené aux plus grossières erreurs. C'est en vérité le
seul style des figures qui peut servir de guide, mais ce guide est sans
doute assez sur et nous pouvons nous y fier, puisque le style des ivoiriers
s'est toujours réglé sur celui des imagiers et que l'histoire de la scul-
pture monumentale nous est suffisamment connue au cours du xiv'' siècle.
Non pas, assurément, que l'identité entre les deux arts soit absolue; dans
l'innombrable quantité de Vierges en pierre ou en mar!)re du xiv' siècle
qui ont été photographiées ou publiées, nous n'en trouvons pas une seule
qui ait été littéralement copiée par un ivoirier; mais l'inspiration est évi-
demment la même, et aussi les mômes lois président à la transformation
de l'une et de l'autre série. Conformément donc à ce ([ui a été établi pour
la grande sculpture, nous pouvons considérer que le maniérisme dans
l'expression, dans l'attitude, dans les draperies s'accentue chez les ivoi-
riers aussi en avançant dans le xiv" siècle, et que de même le respect de
la tradition devient obéissance passive aux formules. Sans doute il fau-
drait, pour une exacte chronologie, pouvoir, à défaut de documents cer-
tains, lenircompledu milieu plus ou moins avancé où tra\aillait l'artisan;
le tempérament propre de l'ouMier interviendrait aussi, son adresse
même, car on devrait distinguer les morceaux du maître ([ui invente le
modèle et l'exécute, des imitations, des répétitions sorties dans la suite
des mains d'apprentis malhabiles. Mais ce sont là des nuances infinies et
autant de points sur lesquels nous n'avons aucune donnée précise. Force
nous est donc de ranger les monuments logiquement, suivant leur degré
de maniérisme et leur soumission aux formules. Il va sans dire d'ailleurs
que cette classification est toute relative, que les grandes di\ isions que
l'on peut établir chevauchent les unes sur les autres et surtout que nous
saurions d'autant moins donner de dates précises que les ivoiriers, ayant
imité la sculpture monumentale, ont dû être en retard sur elle d'un plus
ou moins grand nombre d'années.
Les principales pièces que nous rencontrons sont toujours des
Vierges, car on sait le développement qu'avail pris au xiii"' et au xiv' siècle
le culte de la Vierge. Et naturellement les premières que nous avons à
citer ne diffèrent pas beaucoup des dernières que nous avons vues. Les
deux aimables madones, à peu près identiques par extraordinaire, du
Musée des Antiquités delà Seine-Inférieure (rep. C.nt.Exp. riir. l'.KKt, n" 87)
et de la collection llainauer (rep. dans. l(/.s-.s/('//(/;(f/ ron Hi'vlni, ISIIS. pi. xiv)
ne nous paraissent guèi'e |)osléri(nires aux pr(''(é(lciili's (pTcn raison du
geste de la mère : elle présnili' le scia à l'iMil'aiil . an lira de jouei- a\ ce
lui, et c'est évidemment un progrès dans la représentation de la maternité ;
pour le reste, pour l'expression du visage ou la draperie, bien habile
qui y Irouxeiail un changeuient iiiarcpié. Au contraire, avec la \'ierge
T. II. — 00
47i HISTOIRE DE L'ART
(le \'ill('m'ii\L'-le/.-A\ igiioii (rcp. Cal. Exp. rrl. IIMKI. ii' (S'2), c'est vcrila-
blfiiicnl un aulre slylc qui apparail, cl pour la première fois se présente
à nous lu formule du liainlicincnl qui n'allait pas tarder à faire une si belle
fortune. On a beaucoup disserté sur ce hancliement et pendant longtemps
il a été de vérité constante d'en attribuer l'invention aux ivoiricrs : ils
a\ aient sui\i la candjrure de la dent d'élépliant qu'ils travaillaient; leurs
statuettes s'en étaient trouvées naturellement cambrées et, la mode
adoptant cette formule, la grande sculpture lui avait donné le développe-
ment que l'on sait. Or, il semble que l'on ait fait là beaucoup d'honneur
aux ivoiriers; au moment oii le hancliement a été adopté par la mode, il y
avait beau lenips qu'ils n'inventaient plus rien, s'ils avaient jadis inventé
quoi que ce soil, cl se bornaient à suivre de loin la règle que leur mar-
(juail la sculpture monumentale. Or celle-ci, bien avant les ivoiriers du
xiv" siècle, avait hanche ses Vierges, celle de la porte nord de Notre-
Dame de Paris notamment, etcela pour cette raison décisive, qu'une mère
ne peut regarder l'enfant qu'elle porte dans ses bras sans reculer le buste,
sans cambrer sa taille par conséquent. De là est né ce hanchement, dont
le xiv'- siècle a fait un si singulier abus. Dans la ^ ierge de \'illeneuve,
d autres signes indiquent d ailleurs le relâchement de lancienne tradi-
tion. Si le visage demeure d'une gravité parfaite, les belles draperies
logiques de nos précédentes statuettes commencent à faire place à des
jets d'étoffe moins simples et moins naturels; les plis se cassent et se
contournent, et, pour demeurer, avec son allongement si élégant de la
taille, avec sa polychromie si heureusement conservée, un des chefs-
d'œuvres de l'art de l'ivoirier, elle ne marque pas moins un premier pas
vers le maniérisme.
Maniérisme bien relatif assurément; et il n'est guère plus sensible
dans certaines autres pièces fort hanchées, mais dont l'allure générale,
le sérieux de l'expression et la noblesse des draperies rappellent presque
le XHi' siècle, les belles Vierges debout des collections Heugel (rep. Cat.
Spilzer, t. I, pi. xxiu) et Pierpont-Morgan (Londres), celle de la cathédrale
de Tolède (rep. 6V(/. de iEd-p. hisl. de Madrid, [X'.H, xxi), celles aussi du
Louvre (n" 41) et de la collection Bossy (rep. dans les Arts, 1904, n" ôb
p. 25), cette dernière plus précieuse peut-être et d'un art plus intime; les
grands plis droits du manteau tombant jusqu'aux pieds, donnent à cette
série un caractère de noblesse particulière. Toutefois, elles sont des
exceptions et, en même temps que le hanchement, apparaissent d'ordi-
naire les draperies plus molles et plus lâches. Les manteaux, raccourcis
par la mode, se transforment peu à peu en des sortes d'écharpes à plis
innombrables et sans dessin, qui, coupant transversalement les grandes
lignes verticales delà robe, se ramènent sous le bras qui tient l'Enfant, et,
retournées, l'ccroquevillées sur elles-mêmes, retombent sur le côté en
LES IVOIRES (lOTIIIOUES 475
zigzags spcs et en voliiles; en même temps les \isages, tic plus en [ikis
niTondis, prennent une placidité souriante d'une singulière unilormité. lit
assurément certains exemplaires de ces Vierges sont charmants encore,
comme celle de la collection Lefranc, au visage futé et point du tout con-
ventionnel: mais avec celle du musée de Berlin i n" 87) ; le type est créé
(pii ne fera que s'aloui'tlir, élégant encore ici et de Jolie allure, mais <[ui
s'épaissira dans les statuettes des collections Pxiy. Miclieli, de Municli
(Cat., I. \ 1. u ' l.lSitlet du musée d'Amsterdam. I.a l'oiiuule esl n('e ipii \ a se
répandre, et les X'ierges assises n'échappei'ont pas davantage à la conta-
gion : les unes jtlus allongées, comme celles des collections Cardon
( Bruxelles) et Corroyer, les autres plus liapues. ainsi que celles des col-
lections Harding (Londres), Piet-Lat;iudrie cl tlu musée de Liverpool —
fort agréables pour la phqiart. il est vrai, mais ou\rages d'ateliers dont
la formule à la mode a (pielque peu effacé la personnalité.
Mais dès lors le culte l'amilier rendu à la Merge ne se conlenlail plus
de ces simples statuettes: il lui fallait de véritables sanctuaires, et l'habi-
tude se prit de composer en son honneur de petits autels portatifs,
tabernacles ou < tableaux cloans », comme disent les inventaires, de\ant
lesquels l'on pou\ait faire ses dévolions. Les uns sont fort simples, et,
comme ceux île la colleclion Oppenheim (Cologne; rep. Zi'ilsclirl/'l ji'ir
rlirisl. hinisl. ISiKI, p. t^â'i; et de l'hôtel Pincé (Angers: rep. (jtl. Exp.
nir. l'.KIO. n" 11.')), iigurent la ^'ierge à la partie centrale, sous une arca-
ture couronnée d'un gable, avec des anges porte-Hambeaux aux deux
volets; la dispo.sition est heureuse et claire, et les deux exemplaires que
nous citons tout à l'ait excellents. Mais c'iHaii un tiième qu'il (Hait aisé de
comjdiquer, et l'on n'y uiancpia pas : des " histoires .. s'inscrivirent
bient("il sur une doulile ou h'i|iie garniture de \(ilels, et les jiolyplyipies
([ue forma ce groupe de la \ ierge tenant l'Enfant, entourée des scènes les
plus aimables de sa vie, constituent une des séries les plus nomlireuses et
à la fois les plus gracieuses (pie nous ail laissées l'arl de !'i\oirier. A la
vérité, les habiles ouvriers des mains de qui ils sortirent ne se mirent
guère en frais d'imagination : les histoires figurées sur les volets sont tou-
jours les mêmes, l'Annonciation, la \'isitation, la Nativité, l'Adoration
des ]Mages et la Présentation au Temple, et comme ces scènes sont préci-
sément celles que les miniaturistes contemporains traitaient le plus
volontiers, — à l'exclusion de toutes autres, celles de la Passion excej)-
lées, — les ivoiriers se l)ornèrent à copier les manuscrits el à leur em-
prunter leur formule. Tanlôt, dans l'Annonciation, l'ange apparail à la
Vierge dans les airs, laidôi il se dresse devant elle, sa banderolle à la
main; tantôt dans la Nativité, l'Enfant, à la manière du xiii'' siècle, est
couché sur une sorte d'autel, à l'arrière-plan, entre l'Ane et le bœuf,
tantôt la Vierge l'a ]u-is dans ses bras ou même Joseph le lui tend aflcc-
470
HISTOIRE DE L'ART
liKMisL'iiii'iil ; mais la pliiiiarl de ces variaiiles se rctroiivenl dans les ina-
nuscrils frauç^ais conlemporains. Ces pelils autels étaient assuréiacnt
adaptés en perfection aux usages de la dévotion, car ils jouircnl de
longues années durant de la faveur publique : la Iranslbrmalion progres-
sive du type des ^'ierges en témoigne. Dans les retables des collections
Mège et Magniac (rep. au Cat. n" "Ihl), des musées de Reims et de Vienne
(Autriche), dans celui aussi delà collection Ilainauer (rep. Cat. Spitzer,
n° 84, pi. xxii^, liien plus important, où un triple baldaquin abrite sous
ses arcatures la Vierge avec
deux anges porte-llambeaux
(la même disposition se re-
trouve au trésor de Hal-
berstadt), c'est exactement
cette Vierge de la fin du
xiu' siècle dont le n" 51 du
Louvre (rep. au Cat.) nous
offre un si aimable modèle.
Puis les longs plis harmo-
nieux disparaissent; le man-
teau s'ouvre et les draperies
tombent en pans plus secs
et moins nobles : c'est le
cas des retables du South-
Kensington (n" ,'70-71, rep.
dans Maskell, p. 154), du
musée de Lille (anc. coll.
()zenfant, re]i. dans \',\n
Ysendick) et des collec-
tions Salling, Oppenheim
(Cologne) et Liechtenstein
(\'ienne; rep. Zcilsclwifl fiir clir.huiisl, LS98, p. 118) où la Vierge est
debout, de ceux des collections Morgan (Londres) et Cottreau, du
\'atican (pi. xiv et xixi. des musées de Dijon (n" ."iô de la coll. Tri-
niolet), de Cologne et de Havenne, où elle est assise, du retable aussi de
l'ancienne collection Boy, dont les histoires des volets sont un peu plus
développées (rep. Cat. Spitzer, n 47. et Cat. Exp. rétr. 1900, n" 111). C'est
enfin la Vierge hanchée, au manteau en écharpe à plis transversaux des
retables du Louvre (n" (i(i, rc]). au Cat. i de South-Kensington [n"' 4B8b-
1858, rep. dans Cust., p. li." et Lil-liti, rep. dans Maskell, p. 58), de
Berlin (n" 181), du British INIuseum et de la collection Campe (Ham-
bourg); leur style est moins pur, si l'on veut, et les sujets des volets
sont parfois d'une foruuile un peu bien alourdie, mais le charme des
■||i. — Tiiptyque. ivoire français de la premit-re
moitié du xiv siècle.
(Mii*é.> .11- Berlin.
LES IVOIRES GOTHIQUES 477
Vierges esl ou moins éi^al malgré leur coiiijilicution. cl, dans leur grAce
alanguie, elles remportent peut-être sur d'autres œuvres plus fortes et
d"un maniérisme moins aigu.
Mais au tableau central de la ^'icrge adorée par les anges, la piété des
FiG. 315, — Triptyque provenant de Sainl-Sulpice du Tarn, ivoire français
de la première moitié du xiv' siècle.
i.Miiste de Cluny.l
fidèles pouvait souliaiicr d'adjoindre encore quelque autre scène de sa vie
ou de l'Evangile; les ivoii-iers comliinèrent en conséquence une dernière
forme de retable, et, sans rien clianger aux ^ olets. ils ajoutèrent au centre,
au-dessus de la Vierge glorieuse, soit son Couronnement, soit un Christ
deMajesté, soil une Crurilixion. Le ('.oui-unncnicnl se trouve dans un fort
478 HISTOiriK DE L'ART
licnii '■ liiMi'.iii " (Ir S((ulli-Kriisiiii>ioii m" (i-Ti), aux figures un pou trop
allongées, nuiis d'une extrême élégance, et , au même musée (n" 7Ô92-00),
dans une piéee plus faible, en léger relief, que la plus étrange des tradi-
lions nllriliiiail jadis à Orcagna. Le thème du Christ de Majesté a produit
uneiL'Uvre qui, malgré les restaurations qu'ont suhies ses architeetures,
peu! passer |)our une des plus inqiorlanles de l'ivoirerie française, le poly-
ptyque de la colleclion r.asilewsky. nu musée de l'Ermitageà Saint-Péters-
bourg (n" d.". rep. cal. Itarcel. pi. X\ I . <^>nanl à la Crucifixion, elle figure
sur un morce.iii fort remarquable, celui du musée de Hambourg (anc. col-
leelion Spil/iM-, 11' !ti) et sur un autre qui est d'une singulière beauté, le
Iriplyqiie de Saint-Sul|iice-du-Tarn au mus(''e <le Cluny l'rep. Mrinoirrs cl
Moiiiiiiiniltt, Mé'langes Piot, 180")). Dans l'un el l'autre, les \'iei'ges, l'une
assise, l'autre debout eidre les anges [lorte-llambeaux, sont des slafuelles
exquises, proches parentes de celles des triptyques du Louvre ( n" (i(i) et de
South-Kensington (n°4086-58), les plus gracieuses delà série; mais de plus
la scène de la Mise en Croix est d'une singulière noblesse et l'effet se
trouve augmenté ]>ar ces jeux d'ombre et de lumière que le fort relief de
la pièce de Cluny permet. Et pouilant, même dans des ouvrages de maîti-e
comme ceux-là, le poncif se sent, ce fâcheux poncif qui vous poursuit
durant fout le xiv'' siècle : les sujets évangéliques des volets, Mages, Pré-
sentation, Portement de croix et Déposition, sont certes d'un bon travail,
mais vraiment le tailleur n'a pas pris assez de peine à varier des formules
qui traînaient dans l'atelier; il s'est borné à les répéter dans la composi-
tion, dans les attitudes, dans les visages, et plusieurs figures, le granti
prêtre, Joseph d'Arimathie. le Mage à genoux, ne sont autre chose que
ces « nobles têtes de \ieillards > qu'après la minialure l'art de ri\oirier
ressassait (\oir, sur cet atelier, Senipei-, /rilsflni/'l fiir finusiliilir hmtsl,
18!»8, et R. Ko?chlin, (lazi'llr drx Brau.r-Arts, 190j, t. H).
De l'atelier qui a produit le triptyque de Saint-Suljiice du Tarn, il
faut rapprocher celui auquel on doit les deux triptyques presque paieils de
l;i collection Martin Le Roy (rep. Cal. de la coll. Martin Le liaii, fasc. Il,
pi. xiij el (le la bibliothèque d'Amiens (anc. coll. Lescalopier, rep. dans
Miisi'-ct; et Mdiiinuciils, 1. l'.MKii, celui de la colleclion Arconati-N'isconli
O'ep. dans Ifs Aris, 1(10,", n" l'O, p. 1.'), et un volet du Louvre (n" ."7, lep.
au Cat.). Les compositions, tirées de la Lt'Çjcnde tlori'p et en suivant exacte-
ment le texte, figurent la Mort de la Merge, ses Funérailles et son Cou-
ronnement (les Funérailles étant remplacées dans le triptyque Arconati-
N'isconti par la Nativité, les Mages et la Présentation). Le récit est clair,
pittoresque, d'un dramatique sobre, et la grande scène de la Mort, la
\ ierge sur son lit entourée des Apôtres, avec le Christ qui vient chercher
son âme, traduit très noblement en ivoire les modèles qu'imagiers et
miniaturistes fournissaient à l'atelier.
LES IVOIRES GOTHIOIES
■m
Ces « lal)lc;ni\ " soiil, a\ ec radiiiiral)l(' (llirisl cnlic les deux l.aiinas
lie la colk'cliuii W'allacc, les plus grands qui nous soient parvenus ; mais
il est l'ofl possible que les ivoiricrs du xiv" siècle on aient taillé de beau-
coup plus (■nusid('Tai)les. (ierlaius IVaginents sul)sistent (|ui luil di'i l'aire
l'ii.. rilG. — l.ii Moil. rA>>iipmplion ot le Couronnement de la \ ieigc iv(ii[<' IVanc.ais
ilii rommencement du xiv siècle.
(CM. M.,rtiii [.,• Iloy.i
jiarlic di.'U^cuililcN iiiiporlanls, telle la plaque ilu I. ouvre liguranl la Nali-
\ilé. (pii est encore du .\iu' siècle in" ."S. icp. au (lai. , lels des peisoiuiagcs
isolés en ronde bosse, couiiui' ri-',\i"'ipir dr la rullrrliou l''it/,-lienry > Lon-
dres\ si voisin de la scul|]luic luonuuirnialr. ri le (lonfesseur i?i de
-M. Iliiiiiberii'; il \' a aussi des Sainl.-^ cl di'> Saiulcs. c(uuun' le sainl Cliris-
-iso
IllSTOlHl': DE LAHT
317. -La NiUivilé
l'iir liamai^ il(_' la fin ilii xiii"
du Loun-e.)
lo|)lu' tlii uuisrc (le ('.opt-nliaync
(il" '10riGr)),la sainte Marguerilr
du Brilish Muséum sorlant ^^i
naïvement du Oane d"un mon-
stre é I r a n g e , une S a i n I e
Femme du Musée archéolo-
gique de Milan, infiniment dé-
licate, qui vraisemblablement
appartenaient de même à des
groupes, peut-être à des reli-
quaires comme celui de la ca-
thédrale de Rouen, avec ses
deux anges souriants (dalé
-1040). Nous avons enfin des
fragments de Crucilixion chez
M. IIom])erg(le Clii-ist, rc|.. dans les Arts, 1901, n" 30), au Louvre (n"^ 78-0)
cl dans lancienne collection Desmottes
(n'" 27(i-7, la Vierge et saint Jean); des
n\stes de Nativités, chez M. Albert Mai-
gnan, à Darinstadt, et, d'un autre style,
au Brilisji Muséum; des débris d'une
Mort de la Vierge, à Troyes, et d'une
l'uite en Egypte, à Saint-Omer. Mais
les plus caractéristiques de ces mor-
ceaux sont des scènes de la Passion
dans les collections Micheli (le Christ
bafoué), Mège (Arrestation du Christ et
un des Bourreaux), et Martin Le Roy
(Christ à la colonne); débris d'un grand
retable dont le tabernacle de la collec-
lion Weisbach (Berlin) nous offre peut-
l'ire le modèle ; il faut vivement déplorer
la perte de cet ensemble: avec la vigueur
de leur style, très sobre et éloigné de la
caricature dans des scènes qui y prêtent
si souvent, ces fragments demeurent,
parmi les monuments de l'art de l'ivoiricr,
ceux (|ui nous montrent le mieux l'inlelli-
gence de ses emprunts à la grande scul-
plure. Il va sans dire que nous n'avons
nolé dans cette rapide revue que les
principaux types d'ivoires et que nous n'avons pas prétendu citer toutes
FiG. 518. — Le Christ entre les Larrons,
ivoire français du conmicncemenl du xiv s
(Coll. Walla.-e.)
LES noiRES COTIIIQUES iSl
les [tièces coniiiu's ilii [ilfiii \i\' >i(''cli' ; iii,ii> i|iii'lli'> (iurlIi-N mui'hI . ipril
s'agissr ilr iiioiiiiiiiriil> i|r ^l'iiiiilr (li iiiriisii iii cipiiinic le 1 1 1 1 il \ 1 1 ii(,' Ciirraiid,
au Bai'i;rllii de l-'lnicncc rr|i. Miiliiiici-, Ifs Iraircs. |il. w ' (III lie morceaux
iruii ii>ai:r [iliis s|K'cial. ediniiii' les liofles de la colleelion Basilewsky
Ml' lir» du cal. Daieeli el du uuisée de Dijon (rep. CV(/. L.rp. n'Ir. lUOU,
II' l(l"_' , la faclure demeure seuiblable à ce que nous avons vu aux volets de
nos retables; les mêmes scènes y sont ligurécs et traitées de la même
façon, toujours d'après les modèles que fournissaient les miniatures. Cette
unité, qui persiste à travers l'évidente diversité de tant d'ateliers, est très
remarcpiable. Et sans duuti', elle ne dénote pas une forte imagination chez
les ouxriers. mais elle est une preuve de plus de l'excellence de l'organisa-
tion du tra\ail : il n'y avait pas d'elVort |)er(lu et tout concourait au main-
lirn d uni' I radilinii >ur laqui/lle \i\ail le miMii/r tmil niliiT.
La seconde moitié du XIV' siècle et le XV'.
( >ii ne saurait iiiei' que dans la seconde iii(iili('' du xi\' siècle cette
Iradilinii — el ce n'i'st pas seuleuu'iil de l'arl de l'i\iiire qu'il l'aul l'enten-
dre - lui as>e/. près ir<"'tre épuisée. Les r(iriiiiile> d'ail du xiii' siècle
si'laiiiil iiiaiiileiuies avec quidques modifications di' l'ciiiue durant la pre-
iiiièie pallie du \i\'. mais un moment ^ient où Icuile r<iriuule se dessèclie,
on M'iil >ur\il le piiiieir, et ce inoineiil ii'i'lail plu> Inin. Les miuialuristes
el les Ncnlpleurs le coniprireiil , et, par uni,' oliserxalion plus exacte de la
nature, par riiili-oductioii d un réalisme élrangi'r à la \ ieille tradition idi'a-
lisle. ils \isilièreul leur art et lui donnèrent une lloraison nou\elle. Parmi
le:^ ivdiiieis. plusieuis leiilèrenl de suivre leurs modèles ordinaires dans
celte voie et adoptèrent eux aussi un style plus dramali(iue, recherchant
les effets de pathéti(jue el donnant à leurs compositions plus de variété et
de mouvement. Mais si certains l'éussirent à se transformer heureuse-
meul, beaucoup n'étaient pas de force à essayer de ces nouveautés: les
uns en eurent conscience el se bornèrent à continuer à besogner suivant
leur usage séculaire el à déformer de plus en plus leurs poncifs déjà
vieillis; les autres imitèrent gauchement les ateliers à la mode du jour, en
aggravant le> (h'^l'auls. el en xiinine le-- leiilati\es l'aile^ pdiir rendre la
vie à I ail llx'' de l'ix iiirier li alMinl lienl . à (pielqiie> exeeplidlis pli's. (pi ,'i l;i
créalum d une iKuixelle roininle. aiis^i banale, mais singulii'Teineiil niniiis
]ilais:ilil e ipie raneielllie.
Il \ l'iil liai II nlleiiieiil une Iraioilidii. el. ('iiiiime li'> (iinni.'i's (''laieiil
habiles, il \a sans dire ([ue ccilaiiio piiMo (leiiieiiicnl IhiI agréables à
I o'il. i.e lîritish Muséum possède une \ ieige. jeune el du plus aimable
visage, qui donne le sein à son elil'anl nn. el eerle> rellsenible esl [lithj-
T. u. — 01
48'2
HISTOIRE DE L'ART
rL's(|U(' ci i;r;icieiix; mais, à y regarder de près, cet enfant est mou el Irop
joli, le manteau sans style, plus semblable à un linge mouillé et tordu qu'à
une (h'a|)erie logiquement ordonnée. La N'ierge et la Sainte du Louvre
(n" !!!). irp. Molinici-. les [raircs. p. ISS el u" 107. i scnil moins avenantes
déjà, a\ef leui's (êtes Irop gro.s^es et sans expi'ession, et ie^ diaj)eries pen-
dantes sendjlent encore pires: eomme au leliipiaire de sainte Catherine de
la collection Carrand (rep. /cilschrift fur ilirisl. Kimsl. ISild, p. 'riT)!, au
Bargello, et à celle de (lluny rep. Molinier. il>i<l.. p. INS), (mi dirait, sui-
\anl le mot pittoresque de Courajod, un <( pa-
(piet de loques » qui leur tombe de la taille.
Ht ce sont là des morceaux d'excellent travail
encore, d'une facture précieuse et qui décèle
(les mains expertes : on imagine ce que de-
\ ient ce style lorsque le métier lui-même est
inférieur; la Vierge du musée de Berlin (n" 85),
celles des musées de Dijon (n"5'28, coll. Trimo-
let), de Compiègne et tant d'autres, sans
formes, sans lignes, hancliées, compliquées et
minaudières, nous en donnent le déplorable
spectacle.
L'art d'ailleurs se rapetisse de toutes
façons et ce sont de menus objets de piété
qui deviennent à la mode, comme ces plaquettes
réunies d'ordinaire en diptyques, dont un si
grand nombre nous est parvenu. A vrai dire
l'usage en était répandu déjà au commence-
ment du siècle el, de tous les modèles que l'on
s'est borné à recopier et à déformer à la fin,
nous avons des exemjdaires anciens. Les sujets
d'une extrême simplicité et ils sont peu nom-
bi-eux : le plus commun est la \'ierge entre deux anges poi-te-llandieaux,
avec le Christ en croix comme pendant; c'est aussi la Nativité. l'Ado-
ration des Mages ou le Couronnement île la \ ierge, toujours avec la
Crucifixion en face; le Christ de Majesté au lieu de la Crucifixion est
rare, et les représentations des saints plus encore. Les types anciens de
ces diptyques sont parfois excellents : l'un des plus charmants que nous
sachions est certainement la plaipielle de l'ancienne collection Léopold
Coldschmidl, où la \ ierge, le serpent sous ses jiieds, deux anges deliout
à ses côtés, tient dans ses bras l'Enfant qui se détourne gentiment pour
tendre sa main à baiser à un angelot voletant près de lui; l'invention est
exquise et l'exécution simple et grande. La Nativité du Louvre ' n" 00)
cnI d'une grâce el il'un naturel parfaits, et le Christ jugeant, (pii lui fait
en monireni
LES IVOIRES GOTMIOl'ES
485
face, d'iine puissance adiniraMc La \'iergr entre deux anges el deux
saintes de .M. Aynard (Lyon) présente un arrangement heureux aussi
et un style tempéré, et dans la Descente de croix de la coHcclion (îillot,
aucune exagération n'altère le pathétique. ^lais ce sont là des excep-
tions; dans la plupart de ces diptyques la hanalité ne tarde pas rl'a]!-
paraître, et hientiM le mani(''risme et lexcès. La \ ierge, au iirn de
demeurei' droite eidre les deux anges, se courbe \ers eux eu nnuau-
danl ; h^s Mages l'onl di's l'aenns pour s'avancer vers l'Iùdanl ' Soidli-
Kensinglon, n" '2.j5-()7 . el , dans le C.ahaire. (diacuu se tord sous le poids
de la plus mélodramalitpie douleur, le iMirisl coui'hé en tieux sur .--a croix
el les groupes des Saintes Femmes, de Jean et des soldats ondulant sur
eux-mêmes comme au gré d'un vent violent (musée de (lluny et iiius(''e de
Langres, abbaye de Kremsmiinster, rep. dans KiDisli/civei-hluliP Giu/cnshoxlc
ilrr l.iilliiililslorischcii Au><slellnntj zii Sieyr, LSSii. Tous les dipiytpitîs assu-
ri'nieiil ne poussent pas ainsi la violence à l'extrême: il y en a beaucoup
d'honnèteiiient UK^liorres et dmd on ne saiii'ail l'ien dire; mais dans celle
innoudirable qiinnlili'' de morceaux pai-eils, on elier<'lierail eu \aiu une
t'ornie nouvelle, un liml bien niNenb''; ce n'es! ipie le i'essassai:c. p:ii' di-s
ou\riers |)lus ou iiioiii> habiles, de motifs ns(''s.
Ht les platpielles ni' sont pas seules à b'UHn'gner de cet all'aiblisse-
menl ; il en e>l de nii"'ine de j;i plii|iarl di's séries. \ oici les ci'osses épisco-
AU
IlISTniliK DR I.'AIîT
p.ili's. |);ir ('\oui|ili'. I.riii' riiriiir. i|ii'iiii|i(isail lu I riiilil ion. csl d'iiiK^ grAce
|iair;iilr. leur disiiosilion ingéiiicuse, et avec les curieux relouillements de
la xoliile laillée <à jour el présenlani d'une part le Christ en croix, de l'autre
la \ ii'iu." cnlre (l('ii\ aiiiics, elles paraissent des œuvres accomplies; mais
(pi'<iM eu cxaiuiiic le dessin de plus piès el l'on reconnaîtra que ce thème
inxarialilr esl.à |ieu d'cxçeplions ]u-ès, invarialdemeni traité avec la même
Idiirdeiii-; Idulcs (Ml prcs(|nr joules 1rs ci'osses soni delà seconde moitié
du \i\'' siècle, el ipielipies-nnes à peine échappent à ce contoui'nenient des
(lra|ieries, à ce déséquililjremenl
(les altitudes, à celle vulgarité
en un mot. (pii dans les pièces
médiocres esl à ce moment le
propre du métier de l'ivoire.
l'ne seule série originale
sendile s'(Mre conslil ii(''e . un
ginnpe de diptyques de la Pas-
siiiii. ci c'est là seulement que
nous |i(iii\(ins senlirqiielles (pia-
lih's nouselles povuaieni se t'aii'e
jour chez les meilleurs d(^ nos
ivoiriers dans la dernière \tr-
riode de leur acli\ ili'. Le sujej
assun''menl n'('daii pas neul'. et
dès le xui' siècle il aval! i''lé
liai II' a\cc largeur el puissance :
1 un des plus remarquahles spé-
cimens est celui du Lou\ re
''''''^l;i7;.î^îî,m'm:'Ml''>l'm;l:i'iVr"';h^^ ("" ^"'- ''ont les scèncs sont
(i:..ii Aviiai.i i.vnii ) cxaclenienl conformes à l'ico-
nographie di's minialuristes.
mais livoirier l'a hrureusenienl li-ansp(iS(''e. el son oMixi-e. du meil-
leur style, est sohre et poignanle à la l'ois. Le lieau diplyqu(^ l'"l.^'
chrome de la c<»lleclion (lolli'eau esl un |ieu ]iosl(''rieur, mais de même
lieanli''. (le soid des (ru\res simples, surluul si on les c()m|iai'e au groupe-
ment qu'imagina l'atelier du milieu du xiv" siècle. Dans un diptyque divisé
en six compnrlimenls (trois registres par feuilh^), l'auteur se donna le
prohlème de jairi' lenir la l^'siinccl ion de Lazai'c. l'Enln'i' à .ir'iusaleni .
le Lavement des pieds, la Cène, (ielhsemani, l'Arrestation du Clirisl, la
Mort de Judas el la Crucilixion. L'arrangemenI dut «Mic au goùl des
fidèles, car plusieurs jiièces nous sont parvenues de la s('rie : celles des
musées de Madrid, de Berlin fn'" 108 et 9) et de Copenhague (n" 10 058), des
colleclions Ilainauer lanc. coll. Spiizer, n"C)l) et Campe ! I laudiourg), de
LES ivnini'S (iOTiiioiES
iSj
Sdiilli-Kciisinolnn il" 'JlM-lSOT , ilc S|iil/.ri' ii' 71 cl îles iiiusr'cs de
C.assrl l'I cil' Dijon (n° lo."| . l'.l cclli' \oiiue élail nu'ril<''(': lim de plus
ingriiiciix m clVct que ces lalilnuix où. pour fairo lonir Ions 1rs pci-mi-
iiages ilipiil il a\ail lirsoiii. l'ivoiriri-n -ii 1rs iin'll rr en pi-ispn-l i\ r sur
plusieurs plaus : sa r(iui|Misilioii ilcnirurr clairr nial^n'' Imil r| \c pallir-
li(pii' y pai-ati parfois Irrs puis-
sant; ce n'csl plus sans doulr Ir
geste nohir d la lirlle ilra]ifrii'
classique île jadis; les uioum'-
luenfs sont violents et des jilis
excessifs les soulignenl, mais le
senliuienl est intense cl l'elToil
uolalilc, uudgrf'' cerlains (h'^l'auls.
tels (|ue les visages singulièrcuicnl
iuex|iressifs dans toute cette fougue
cl les proportions souvent jieu con-
\eualiles. Nous savons en viu-ité
ipie l'idr^e preuiièreet même Texacte
di>pnsition des scènes se trou-
\enl dans les luanuscrils. parfois
geste pour geste, et que 1 ixoiiier
n'a rien inventé; jiourtanl la Ira-
dnel iuii eu i\ iiil'e (''lail heureuse, el
|e^ meilleures de Ci'S pièces soul
pi-e^ipie (les chefs-d"(eu^■re d'exé-
cution. Ur c'est sur elles, on ]ieul
le dire, que va vivre toute l'ima-
gerie d'ivoire de la lin du xiv" siè-
cle, en comliinant de mille façons
les mnlifs. y inli'oduisanl (l'aulres
M-ènes. les résumaul. les allon- ^,^^, ^ ^.,,,,,,
géant, les d(''f()rmanl aussi. Indas! Fie. 522. — Cmsse, ivoire franrnis ilf la •
I riip >iiu\ cul ; mai> le fiuid de-
liienre à peu prè> le mr-uic el le
sl\le de lalelier se relr,,n\e snii-, |,
moitié (lu xiv sii'clc
(Coll. 1 lui ni II
dilirali
le Idrigirial. I ,e pel il
dipl\<pie de la cdlleclion hiiliiil le nV-.iiiiie en ipiaire scriies. comme celui
de M. (iillol el iiii aiilie A,' lacolleclmii fi I /- 1 1 cil ry Ldiidres : II' grand
dipUipii' .le Mlle (,raml{eaii lalldii^v dll l'driemeiil de ( .l'dix el de la
Ihi-i'llalidii; ci'iix de^ edlli-,-lidii- (■aniici'. Diilnil ivp. dans 1rs A ri s. |'.tll-.>.
n II. p. 'i'I el <lu Bl'ilisll Mn--eiilM. idenliipie-. elilie eil\. y a|dllli'nl la
I li'-^illl'ecl idii. l'Ascension el la l'enleciMe, a\ei- (le> >cènes de i' lùifaiiee
dll ('.liri>l. r Amidiicial idii. la \ali\ilc>el les Mages ; el celui de la collée-
iSG
HisToinE DE i;art
lion lîiirdiic i^V//. l'J.rp. rrt . lUOO, n" l.'^ii y joiiil l;i .Mise au loinlx'.'ui : le
( loiironnriiiciil de la Nicrge inlcrviciil cnlin coll. Salling, Londres) et le
Clirisl de Majcstc' icoll. Corroyer ei nnis(''c dr [Berlin, n'" !»7-08), et l'on
|i(>iirrail conlinnci- lonij;-leinps l'riiidi' di' «cl «'■Iraniic jeu de patience
aii(|ucl se li\irrent les ivoiriers. Sans donic la copie n'est })as absolue;
on jicid disliimuci- encore dans la nionolonic <>cnérale certains ateliers
IKiiliculiei's. cl (pichpies-uns conservent dans l'cxcculion nn reste d(- per-
sonnaiilc; d'autres font ell'ort jiour é(diappei- à la iianalili'', et en ddiors
niiMue de (pndques rares pièces d in\('idion oriiiinale, telles que les dijily-
(|Mes(lcs colleelions .Manzi et Mège ou du musée de Lille (rep. dans AUnnii
(ircli. ih's iHiisiu's ilr jiri)i'iii<-i\ p. Tht], il faut (jU(d(pH' attention pour retrou-
ver le uuidéle priinilif dans le beau diply(pie en (piadrilol)es de la collec-
tion DoisI; I ilans celui du Lou\ re ; mais, p(mi- bien dissimulé (pi'il
pai'aisse, on le d(''i-ou\i'e in('-\ ilablemeni el jusque dans des collrels,
comme ceu\ du musée Sainl-Haymoud de 1 oidouse 're|i. ('.(d. E.rp. rct.
l'.MIO, n" 71 el de la collection Wernher (anc. coll. Ibckscber. u" l'.l.".. rep.
an Cal.) : plus ou moins lourd d'exécution, plus ou moins iiuliscrel de
gesticulai il m. plus on moins incxprcssit de visage, plus ou moins sec de
i-:s i\oiiiES'(;oTinouES
i87
draperies à mesure ([u'nn iwanre \ers la lin ilii siècle, e'esi toiijoui's le
même thème l'oiirni jadis |iar 1rs ininialurislcs qui reparaît (\oir, sur cette
séiie, R. Kiecldin, LWU'Iicr ilrs DIjilijqiics de la Passion. Gazelle ile.'i lleaux-
Arls. IIHKi. I. 1 .
Celle inlliience des miniaturistes se reconnaît encore dans une sôvli^
de pièces d'un caractère très spécial, d'une extrême (Inesse d'e\é<iilion cl
d'ordinaire percées à jour, qui semblent vraiment des enluminures d'ivoire.
Rlles aussi liirurent pour la plupart des scènes de la Passion, mais suivant
d'aulres l'oiMiiules que celles doni a\ail usi'' l'alclicr pi-(>c(''dcnl Siiulli-
Kensinyion. u" ")lill-7l. rcp. par .Maskcll, p. i'J,S; coll. Saltinti', Londres;
( '.al. Spil/.cr. Il ' 'ri. pi. \\ ; musées i\v Lyon, n" S,"). IJrilisli Muséum et Cluny,
n" lUiHi). En elVrl. un décor d'architecture nouveau s'y iniroduit avec les
surcharges du déicn' llamboyanl. et des recherches pittoresques s'y aper-
çoivenl en miMue leuqis (|U une certaine noie de plus en plus n'-alisie;
iiisKHiii; Dr: i.aut
[il -vC'- ^ - • » • , i
(•■('sl ainsi ([lie les lioiinraiix du C.iirisl oui (lr|iniiilli' le \irii\ lUNliiine
(le l'anlaisislos lioiuaiiis |inur endosser le vèli/nicnl conil à la nindc de
la drnxirnii' iiinilii' du
\l\' sirrir. ( '.'rsl là sans
diiLllr \\]\ cirnll un |irn
sii|K'i-liciel ; il esl à noter,
|)ourlanl,carilserelr(>n\('.
el siniiulicreinenl plus
heureux, dans de noiii-
iireux fragments en très
haut relief, réjiarlis entre
divers musées el collec-
tions privées. Ce sont
généralement aussi des
personnages de la l'as-
sion et, groupés pur tiois
ou quatre, d'assez grandes
dimensions, ils nul dû
l'aire partie jadis tle re-
tables ; d'une certaine al-
lure, iuij)ressionnants par
Irnr air tragiijue, ils sem-
lih'Ul au premier ahord
pris sur le \if el 1 on
croit y décou^rir comme
une trace d'obsei'vation
personnelle; toutefois ces
expressions forcées sont
})Our l'ordinaire plus près
de la caricature ipie de
la \érité, et r(,)n s'en
rend compte mieux encore
sitôt cpic l'ivoirier t[uitle
les sujets dramatiques :
à la célèbre Annoncia-
tion du musée de l.angrcs
(rep. Cdl. Exp. irir. l'.tOd.
n" ITTii, (pii Miil (lu
^m IV*^-''
www W^fW.
(Sulll!i-Kr
Ulul, )
même atelier, le maniérisme l'cmpuilr dr bcauri)U|i sui- Ir pillorrsipie.
(li's curieuses hgui-es n'en niai-ipii'id pas moins un effort véritable et
rjlrs auraient pu faiic espérer qu'uni; renaissance se produirait dans l'art
de l'ivoii'ier, analogue à celle qui. sous l'action de grands maîtres,
LES noiRKS (ioTI HOUES
;iv;iil li'aiisl'oriiii- I iiiKiii'crie vl hi iiiiiiuil ui'c. Sculciiiciil . ;'i luiil Ijumi rnii-
sicli'iTi-. il l'iiiil ircdiiiKiiliT (|iii' (■!•-. iiKiifenux M)nl à peu prrs i>i>l('s diins
l'ivdirrrir (le l;i lin du \In' ri iln (•iiiiilliriicniiriil (lu \\' siri-lc; cciiui
les culoure leur ressemble si peu qu'on a nièine cru pou\ uir les Icnir |inui-
des ouvrages étrangers, anglais a-t-on dit, et, en dehors d'eux, l'on nr
peut g'uèi'e noter <|nr drs iniilalions plaies et sans vie des derniers
ouvrages dont la mode ou la
piété des fidèles avait, de
longues années auparavant,
adopté les formules.
C'est sur de telles pau-
vretés que finit un art (pii
avait donné tant d'exipiis
chefs-d'œuvre, et l'on com-
prend que si même des causes ■;
économiques n'étaient }ias
intervenues pour tarir l'ini- [
portaliun de l'ivoire, telles
que la l'ei ineture de l'Egyiite
au commei'ce européen sous
les ^lameluks, la mode s'en
fût détournée et (|ue la pro-
duction, si riche au xiv° siè-
cle, cCit diminué de plus en
plus au x\'. Et pourtant quel-
(pies rares pièces nous font
entrevoir encore des ivoiriers
de talent : dans un groupe de
la Pâmoison de la Vierge,
au South-Kensington (n" 7û'l-
i)'2), l'accent est juste et d'un
réalisme très vrai, et di' nK'Uir une l'ili('', au lîriiish .Muséum (re[). dans
MaskelKp. xcni, rapjjelle toul à l'ail la Iradilion des imagiers réalistes;
au musée des Antiquités de la Seine-InliTieuri', à liouen, une \'ierge
à l'Enfanl parait, dans sa grâce mesurée, un icllet de cel arl ivn. ni-
velé (pii devait donner dans la grande seidpliire de> (eiivres lello (pie
la \ierge du Marturel de liioin: (lan> la (dlleel ion \IIVe,i Andr,.. nne
sainle Madeleiiu' fait peiiseï-. par >a Une Ijonlioniie. aux plu> aimaldes
prodnejidii-- (le I éeole de la Loire, — et nous sommes ici aux poilo du
x\i >i(''cle. Mais ee> nioiceaiix eharinanis soni de rares exeepi ions ; les
artistes ipii les on! \:\\\\r-. n'oni pa> élé siii\ i> e| il> noiil poiiil anV'h' la
décadence de leur art. Leurs rares successeuis l'raïKjais du xm siècle
T. 11. — t)"J
l'hot J; Km
"l'iCp. — I ,'AlilliiMii.ilinii. i\(iiic Icniir.iis
lie l,-i lin lin xi\ :?i(>clc.
|Mu,..V .ic Laii-rus.
40n HISTOIP.K DE I.ART
n'onl pns (■■l('' liennciiM]! |iliis liciirnix, ci. jionr assislri" à In n'iiiiissmirc
(le livoiri'. il r:inl ;iiii\er jusquaii xvn' . jusqu'aux amours joui'llus du
llannuiil l)u(|ucMi()\ ri aux gros sili'Mcs des \i(lrecomes allemands ; mais
cest là proiircmcnl un arl nouveau et donl les gentillesses prétentieuses
ne dérivent point du noble et grave métier d'ivoire du moyen âge et n'ont
rien de commun avec lui.
LES IVOIRES CIVILS FRANÇAIS
Les ivoii'icrs du xiv' siècle ne tra\ aillèrent [las seulement pour " sainte
Yglise », comme disent leurs statuts parisiens, mais encore <■ pour les
princes, barons et autres riches homes et nobles », et si, pour ceux-là, ils
taillèrent sans cloute beaucoup de statuettes de vierges et de tabernacles,
ils leur fournirent aussi en grand nombre les objets d'usage courant
qu'exigeaient le développement du luxe et la toute-puissance de la mode.
Les comptes mentionnent continuellement les valves de boîtes à miroirs,
peignes, coffrets, gravoirs, tablettes à écrire et autres menus objets cjne
les grands achetaient aux ivoiriers par l'intermédiaire, la plupart du
temps, de leurs barbiers, et nous avons vu même que, parmi les rares
artisans dont les noms nous sont jiarvenus, ce sont surtout des
« pigniers » que nous connaissons. Étaient-cc les mêmes ouvriers qui
taillaient les miroirs et les « tableaux cloans »? Il est vraisemblable, et
l'exeinplc de .Icliau Ir Scelleur, fournisseur de Mahaut d'Artois, nous
le prouveiail ; en loul cas, le styb' des ivoires religieux et des ivoires
civils est extrêmement analogue, pour ne pas dire identique; c'est au
XIV siècle que les uns et les autres atteignent leur plus grande vogue, et
il semble même que les ivoires civils furent un des articles de Paris que
les étrangers recherchèrent le plus volontiers. C'est à Paris que les prin-
ces s'ap|>rovisionnent de ces trousses de toilette contenant miroir, pei-
gne et gra\oir el que lenfermaient des écrins de cuir peint et gaufré,
œuvres fort estimées des « gaigniers <>. lît certes ces ivoires civils sont
sou\ent d'une grâce charmante, a\ec leurs personnages en costume
du temps, avec leurs jeunes gens et leurs dames, et l'exécution de beau-
coup n'est pas inférieure comme finesse et comme style à celle des meil-
leurs morceaux de caractère religieux. On ne saurait pourtant ne pas
noter combien ces pièces, elles aussi, se répètent entre elles : une dou-
zaine de sujets au plus y sont traités, el toujours de la même façon; il
semble que, la formule adoptée, nul n'ait plus eu le souci de la varier,
et la seule dalalion possible consiste, non dans le style, mais dans le cos-
tume des pei'sonnages, long au déhut et court dans la seconde nioilié iki
LES IVOlliES GOTIlinrES i'Jl
siri'lc E[ CCS l'ormuh^s iiicuic n'appartiennent pas aux « j)igniers » : si la
sculpture monumentale et la miniature avaient donné leurs modèles aux
ivoires religieux, c'est à la môme source que puisèrent les ivoires civils,
dans les manuscrits surinul, cl dans cci-laiiis lias-rdiels comme ceux des
piédroits des porclies latéraux de la catli('di-alc de i^oum. Toute l'imagi-
nalion des i\oiriers se trouve dans li^s illustrations des lomans. Ils n'en
demeurent pas moins des ouvriers inliiiiment in<i(''nieux et adroits, et la
— T.ililcKr- ;i rrvu-i-: l.i Nhiiii .-Iliii,!.' : 1,> jpu .1.- I;i M.
hciiii' IV.iiir.iis lie 1^1 sccijiiili- iiioilii' lin \i\ sièilr.
(Musée du Luuuv.)
s('-ric (1rs miroii's. pai- exemple, est une d(_'S plus aimaliles (pi'ail pmduilrs
l'art industriel du moyen âge.
Les sujets familiers aux <• jtignicrs » sont empruntés à la \ ie mon-
daine, amoureuse et chevaleresque, ou tirés des romans en vogue; mais
parfois aussi, quoique beaucoup plus rarement, des sujets religieux se
rencontrent sur des objets d'usage uKindaiii. à moins (pic les diiix gen-
res n'y voisinent, comme dans ce cuirret du Louvre n' (il' où sur le
couvercle ligurent des saints, alors (pie les c(')l('s racoiileiil tout au long
l'llisloi|-e (je |'erce\al: niiciilTrel (lu liiiiv('-c (je (Idlii.'i pi-('-senle une sem-
|j|;d(le parliciilarih'. Il >eiiilile (iiiillcnis ipie l;i liuiil e ii'iiil pas(''l('' I rés rigou-
reusemeiii lrac('e eiilre ce (pii (•lail d'usage relii:ieux et ce (|u'on (levait
tenir |i(>iir profane. I.e collVcj du Loux rc don! les fragments tigureni
l'Iiisloire de rLiil'aiil l'rodigue in"' iO-cS), celui de ( '.arraiid avec la l(''geii(i(;
492 HISTOinE I)F: L'ART
(le sjiinl iMishiclif < it|i. ihiiis 1rs Arlu, ;i(iùl lIIOl, p. 'iô), ou fcliii de l'iiii-
cionnc collcflioii Mngiu;ic (ii" '2"i<S) avec d(>s scènes de la Wc des Saints
onl-ils jamais élé des boîtes à hijoux et est-on assuré- que les scènes
amoureiiNes des collVcIs di' Saiidc-t isiili' de C.oldiiiic ndinairnl |iiis des
lioîles à r(di(|ues? Aussi liiea, en \(''ril('\ la deslinalif)n jireniière de ces
pièces niniiioi'le ^Mèie, el n(ins ne nous attachons (|u"au.\ sujets el auslyle.
Les scènes di^ i)'enr(\ ((dles (pii sont tirées de la \ ie niondain(\ se
rencontrent: très IVéqueuuueid el elles nous montrent les gentilsliomnies
avec leurs dames s'adonnani à joules les occupations el surtout à tous les
plaisirs de leur rani;. Tanlôt. comme sur une valve de hoîle à miroir du
Brilish Muséum, ils de\ is(Mit raniilièreiiienl, assis côle àccMe sni' un liane,
lui, le faucon au p<iing. elle, ses i;anls à la main, \(Mus des loni;urs cottes
sans taille à la nnxle au di'dnd du \i\'' siècle; laid(")i, dans un jaiilia iiguré
schématiquemeni par deux l)ali\eaux — les mcMncs (pii l'ormaienl le fond
dans la scène du (l/'lliséinaiil, — ils jouent du luth et se chantent des chan-
sons (pla(|uette de (lluny, n" lOcSd). Parfois leurs exercices sont plus gais,
et ce sont, des jeux en nombreuse compagnie : des tablelles à écrire du
Louvre (n" !M, rej). .Molinier, les Irairi's. p. l'.IT) (igurent la Main chaude el
la Mourre,el l'attitude des joueurs esl très iinemeni oliser\ée, les grou[)Cs
ingénieusement ordonnés; des pièces à })eu près identiques se voient aux
musées de Lyon (n" 79), d'Oi-léans, de Ravenne, au British Muséum et à la
collection Martin Le Roy, et dans les meilleures, l'habileté technique est
extrême. Mais la chasse tenait la plus grande place dans la vie seigneu-
riale, e\ le <■ pignier », fidèle observateur de la mode, n'a jias maufpié de
nous présenter sous tous ses aspects la vie sportive de son temps. Sur
une tablelte à écrire de Berlin (n" S!)), le seigneur et sa dame, portant
faueoM el lui-et, se disposent à partir pour la chasse; la dame remet une
épée à son ami (musée de Bruxelles, n" 20, et rep. Cat. Spitzer, n" r)2,
pi. xix), puis ils montent à cheval, et sur d'autres tablettes (Louvre, n" !)."),
sm- des boîles à miroir aussi (British Muséum), on les voit chevauciier
cote à cùie, de\ isant et riant, suivis des valets et des chiens. Au colTret
de l'ancieiine collection Tliewalt (Cologne) et à celui du Louvre in" 7(1). le
cortège se dévelopiie avec ses f.iiiconniers el ses sonneurs de trompe, et
c'est même an hallali qu'on assisie dans nn admirable fragment des collec-
tions du château de Maihingen. au piincr de W'allersiein. Cependant, la
chasse esl un prétexte parfois, el l'on s'en aperçoit bientôt : (piclques-uns
des plnsjolis miroirs connus nous montrent le jeune couple — il est tou-
jours jeune el forcément amoureux — s'enlaçant doucement sous tes om-
brages favorables (Louvre, n" 77; Soulh-Kensington, n"2'.''J-(i7 ; collections
Martin Le Roy, Homberg el Ilainauer. Bei-lin; coll. Spitzer, n" Oi), rep.
pi. xix), et, sans quitter ses montures, se baisant sur la bouche (coll. Gar-
nier el Soulh-Kensinglon, n" '21!)-67), au mépris des regards indiscrets
Li-:s ivoip.Ks (iOTiiiorHS
Am
lies f'cuycrs. Knfln, f'est le reloiir ;ui cliAlnui : \:\ diuiie ciu'essf le Ijiurdii
iiii;iii<lie lie coule;!!! di' Im eolleclion Duluil) a\aiii de le lendre aux laucoii-
iiieis, el \a |ii'eiidit' sa |ilaco à côlé dii seip;n(Mii- ({iii i-eeoil ses vassaux;
|HMii- diiiiiiri- |ilii> lie iiraiideur à la scène, l'iv <iiiiei\ (|;!i!s le beau fragment
(le iiiii'dii- de ( lliin\ , a eiiuehi' un lion el une cliinièi'e aux pieds des rdià-
lelains. el un ange même, ilii liaiil du ciel, sendile leui' donner sa héiu''-
dii'l i(Mi.
Si la ehasse nés! pour l'iv oii-ier (pi'une occasion de scènes d'amour,
les jeux (le l'amoui' eux-mêmes ne lui roiii'iiii'onl pas de uioiiis jolis su jel s :
i!iais comme il Iravaillc pour les
dai!les. il sail ce (|u'il leill- (loi!
el ne leiii' |ir(''sciilera l'ien «pii
clnxpic leiii- d(''licaless(> : c'esl à
I auiour luiioceiil (pi !l s'en lieid .
I,e (liailie. ou mieux, la COUK''-
(lie. se !'(''suiue d (U'dinalre en
ipialre sci'Mies : la l'cncoiilre, à
la (-liasse ou dans un jardin, les
premiei'S axeux. les ]iri\aul(''S
peniiises. el l'aiiio!!!' (•( Mironia''.
Noiulu-e de colTrels nous mon-
li'ciii les (piaire sc(''nes réunies.
les amoureux iso|i''S mpiis di'
ji(dies arcalures, (pii rormeul
comme (l(>s alii'is oi'i ils peu\ciil
se caresser à l'aise, s'agenouil-
lei- ou recevoir, sous forme de
(l!rili~li Mii-e ,1
cliapeaux de llclirs. je |iri\ de
leur coiislance [Loiixi'e. n"~ (i." el 70: Irésor de Sainle-l rsiile de (lo-
logiic. cidlcclioi! lioiirgeois n" lOMi: colleclioiis l'icrpolilMol'gan lanc.
c(dl. Maniilieim.; Tliewall. C.iilogne; Marliii Le lloy. IMeULfilaudrie ;
Aviiai'd. Lyou]. l'A sans doiilc, i-r son! là des morceaux l'orl agr(''aliles ;
mai-- il si'uiMc (pie li\(Mricr. une l'ois le lli(''iiie adoph''. ne se >oil plus
gU(''re mis en frai--: ce^ se(''lie-. lr(''S simples, il les r(''p(''le C(Hll iuile|le!lienl .
sans en \ariei' la roi-miile. el sm- les lalilelle^ à ('-crire l.(m\re. n' T'i el
coll. ('.ollreai! cl llonilierg o!! les \;i|\e> di' mii'oirs. il l!'o!i\e iiio\eil de
les rendi-e Irail pour irai!. Toiilelois. dans ces (lcrnii''res. la l'orme r(Ui(le
r(dili:ic à un cerlaiii ell'ori d'arraiiLH'menl . el \ ('•ri! alilemeiil il excelle dans
ce^ peliles ci )iil I li II a isons. (_(ii;iiiil il ne prend (pi'uiie sc(''|je ou deux, la
" mi>e en pages » esl a!S(''e. el . a\cc des pcrsounail'cs leiiani loiil le
cliaiii|i.il a!'i'i\(' ;'i l'aire de cliai'nianls |;ili|eaiix de Licnrc. comiiie celui de
.M. Marliii Le llo\ , oi'i ramoiireiix iircnd le iiloii de sa lielle. (ui celui de
s. - I,.T Clii'\.-iii.h.-.n.ih.-,i.- I
iviiirc naiii.iii- .Ir l.-i iMviMi. T.- 111. .i
llll V[V-si,-.-|r.
404 IIISIOIHK Dl'l l-AliT
M. SiilliiiL;. i|iii li^iiiT, sdiis un lii-uiil ^iihiv. rii dciix |i;irlics, le couronne-
iiicnl (Ir l';iiii:iiil, .Miiis inscrire les (jiKilrr snjris dans un cercle était plus
(Irlical, ri il s'<ii csl lire à merveille, soil i\ur des architectures ingé-
nieuses eriscrrcid les amoureux entre leur>~ colonnelles (coll. Basilewsky,
n"- 10." el |(l'( cal. Darcel: SirooonofT. Rome ; el Soulh-Kensington,n" 220-
07). i>n (\[\'\\i\ ailii-e |ii-(i|)ice, divisani le niirdir en (|ualre (diamhres de
v(M-duie. (iUVe nn aliri sur à leiii-s aveux Lnu\ re. n" "iS. 'rurin. coll. Dois-
lan . l lie aiilre \ aria nie. el (|iii esl I.ien daii> i'es|irit de ce temjis ami des
allégories, consiste à inlroduire le dieu d'amour dans ce marivaudage :
ianlôl, Irônani sdus les arcatures, entre les amoureux, il leur distribue des
euuiuiini's (Lniivre. n' 7(i, South-Kensington, n° 210-05), à moins qu'assis
an pins liaiil d'un arbre ou sur une tour (Berlin, n" 03), il ne tire sur eux
ses ilèeiies niiHU-trières (Cluny, u"" 1070 el 1071 : .\ngers, musée Saint-Jean
n' 2100; Soulli-Kensinglon, n" 221-07; coll. Martin Le Roy, Ilombergi.
.\u>si iuen la présence de ce personnage accessoire dans la composition
ne la niodilie guère, et, malgré ces combinaisons diverses, la formule au
i'ond deminire invariable : mêmes vêtements, mêmes attitudes, mêmes
visayes aussi, cardans ce pelit monde tous les jeunes seigneurs se ressem-
blent, et tontes les dames, el il esl à remarquer combien ils sont pareils
aux tvpes favoris des miniaturistes.
Les jeux, la chasse et l'amour n'occupent pas seuls la noblesse; une
de ses passions, c'est le tournoi, et nombreux sont les ivoires, valves
de miroirs ou coffrets,' qui les représentent; seulement il est assez diffi-
cile de distinguer si ce sont des tournois réels qui sont figurés, ou si
Tivoirier s'est attaché à mettre en images un di's jioèmes clievaleresques
qui les décrivent si volontiers. Nous serions |)lus disposés, tant les allé-
gories foisoniienl dans ces pièces, à y voir les illustrations de scènes poé-
li(iues; non que l'on puisse déterminer pi(''cisénieiit à (piel roman s'appli-
(piait le modèle dont s'est servi l'ivoirier. le Hihikh) ,1c la Rose ou tout
autre; niai> de liails pris au hasard dans les mille descriptions des roman-
ciers, (piehpies formules paraissent avoir été extraites, que les ivoiriers
ont suivies constamment. La plus simple figure un comliat de deux che-
valiers qui, l'épée haute ou la lance au poing, se jiourfendenl conscien-
cieusement sous les yeux bienveillants de la dame; celle-ci. de son balcon
(Berlin, n" OLi, s'apprête à counumer le vainqueur, à moins que. par
une anticipation fort naturelle, on ne la voie déjà sur sa tour, et pendant
le ciiinbal nii'ine. accorder la faveur d'un baiser à celui des adversaires
(|iii laiira niériice (Louvre, n' N7; coll. .Martin Le lioy et Sallingi; sou-
vent aussi la dame prend à la lulle une part plus active, et , de son chà-
leaii. bonibaide d(^ roses les combattants |Soulli-Kensington, n" 2i(S-()7,
rep. dans Maskell. p. <Sô et 0-72; coll. Carrand(Bargello, icp.Les Arts, !\oùl
l'.KIL [1. 2.">i, Garnier, Doistau]. Mais jiarfois c'est d'une véritable bataille
LES IVOIRES GOTIIIOL'ES
qu'il s'iigil : 1rs clicvalicrs assiègent le Château d'Aiiniui- il les danirs
le déreiulenl ; des Iminches de roses à la main, elles tentent des sorties
(Ilefner-AIteneck. t. 111, Kil), et. des roses sur leurs écus, des roses plein
les niaehines de guerre qui en lioml)artlent le château, les clicNaliers ten-
tent l'assaut par des échelles de corde (Coll. Spitzer, n" UiK lep. 1, pi. xix,
et Carrand, rep. iind.. p. 'ifi). La résistance est vive sans dqutc, mais point
désespérée; les chevaliers entrent dans la place et on les voit sur les ter-
rasses recevoir des dames la juste récompense de leurs exploits, tandis
que sur la plus haule (oui' le dieu d'amour les crible de ses flèches pour
animer leur ardeur
[South- Kensington,
n° l()17-.">."), rep. dans
Maskell. p. i: Car-
l'and , musées de
^'ienne (Autriche i et
de Nuremberg; cdll.
Arconali - N'isconli.
rep. Cal. Exp. réh\,
JilOO, n" KHI]. Faire
tenir des scènes
aussi compliquées
dans le cercle étroit
d une boîte de mi-
roir, y déployer toul
l'appareil d'un siège.
était une entreprise
singulièrement coiuplitpu''e : les pii;niei's. l'oil experts en ces matières,
y ont étonnamment réussi, et les cavaliers s'y battent, les machines s'y
meuvent, les échelles s'y dressent a^ec une aisance parfaite. Il élait plus
facile de traiter le nn'-me sujel sur les cotlVets. el l'on ne s'en est pas fait
faute : suivant un poncif uniipie. el avec nujins de finesse et de grâce
peut-être, il a l'Ii'' n'pi'lé iustpi'à satiété |Brilisli ^lust'um; trésor de la
cathédrale de Cracovie; musées de Boulogne-sur-Mcr et de Ravenne;
collections ïrivulce (Milan\ Cai-michael n" Il (rep. au cal.), Manzi,
Oppenheim (Cologne^ Escanciano ( E.xp. hist. de .Madrid. iS'.hJ . cU.j.
Si l'on discute sur l'origiiii' de la représenlalion du tournoi l'i de la
prise du Châleau d'.\moui', si (pu'lques autres sujels peu\cnl passer pour
de simples allégories, tels 1 homme (pii lienl dans ses mains son cteur
qu'une dame perce d'une llèche (Louvre, n '.11, el musée de .\amur , la
Licorne ou la Fontaine de Jouvence [colTrel de South-Kensinglon,n° I 'i(i-(i(i,
re]). dans Maskell. p. (I'k lablelle du Louvre, n" l(KS, el de la coll. Waller-
sleiii Mailiini;cii . uiii'oir du eonile SIroyanolT ' lionu' 1, il est an contraire
■ (le Perceval .placiu
iji]-e français du .xiv ;
(^^u5re (lu LouviT.)
4Ç)fi lllSKillil'; DE LA HT
loiilc une M'i'ir (\i- |iircc>, t\i' collVcts siirluiil, ilinil lc> liisloirri- sniil r\\-
clciiinienl lirrcs ilc romans. Les romans (la\ciilnrr riaicnl m liiandc
vo"'ue au \i\' siècle cl ils oui v\v cxploilrs coniiiic la \ir niondainr; il
csl même l'oil cniiiux (|ur plusieurs récits aient été suivis littéralement
|)ar l'ivoirier el (juc leur œuvre l'orme une illustration complète du roman.
L'exemple le plus célèbre est celui de la châtelaine de ^"ert>•i : six exem-
plaires nous en sont connus [colTrels du Louvre, n"(il, rep. au cat.; du
musée de Vienne (Autriche), du musée de Milan, du Britisli Muséum
(rep. dans Kcmp-Welsh) et deux dans la coll. Pierponl-Morgan (Londres,
anc. coll. Mannheinii; fragment à la collection Carrand, rep. dans Cust.,
|). I'i7)|, et chacun d'eux, dans une série de dix-huit compartiments, nous
raconle d'une façon à peu j)rès identiqiu- l'aventure tragique des amours
de celle nolilc (lame. Lsl-ce à dire ([ue l'ivoirier avait lu le roman ets'étaii
plu à le commenter dans son œuvre? Xon, sans doute: il axait dû se
lioi]u_'i' à prendre son modèle dans un manuscrit, et riiistoire, (pii était
d'ailleurs populaire, lui ayant plu, il l'aura racontée tout au long. Mais la
continuité du récit est fort rare, et si l'on en peut citer encore quelques
auti-es cxenqdes lels le l'erceval du Louxre (cotTrct, n° {)2} et le Tristan
de ri<]i-iuilage, ]ioui- l'ordinaire, l'ivoirier se home à juxtaposer des scènes
emprunl(''es de joules parts, dont il ne couiprenail sans doute jias lui-
même le sens, et que les érudils modernes ont parfois beaucoup de peine
à traduire. Tantôt c'est Tristan et Yseult qu'il nous monti-c, devisant
auprès d'une l'onlaine, tandis (pie la lèle du roi Mai'c (pii les épie du
haut d'un arbre aiqiarait dans l'eau à leui's pieds (Miroirs du \alicaii,
pi. XVII, de Cluny, de Hambourg; coffrets du British Muséum et de la
(•aflii''drale de Cracovie); c'est Iluon de Bordeaux aussi, jouant avec la
lilledu idi la partie d'échecs dont son sort dépend (Louvre, n" "i"i, reji.
au Cat.; South-Kensington, n" '2'2.j-()7 ; coll. Basilevvsky, n" ITij ; Salling
(Londres), Figdor iN'ienne), Martin Le Boy| ; c'est Lancelot jiassant le
Pont de l'Épce, combattant les Géants sauvages, ou délivrant la reine
Genièvre, Gauvain soumis à l'épreuve des lances et combattant un lion
[British Muséum, rep. par Dation; musée de Liverpool. rep. dans Cust,
p. 14U; cathédrale de Cracovie, coll. Oppenhein(Cologne), etc...| ; Pyrame
et Thisbé, Aristote même chevauchant la courtisane Phyllis et 2ii'ûu-
vant à Alexandre, suivant le lai célèbre, la puissance malfaisante de
la beauté de la femme.... tous invariables dans leur composition qu'a
fournie un modèle unique; mais parfois une inlenlion morale semble
apparaître dans la juxtaposition el le contrasie de deux scènes, et ces
intentions didactiipies sont bien dans l'espril du moyen âge, seulement
il faudrait savoir si l'ivoirier était capable de telles finesses ou s'il ne
se liornait pas jilutùt à leproduire des thèmes courants dans l'œuvre des
minialurisles-
i.Ks i\(Hi!Ks (,(»riii(>ri:s
.497
Il iKMis .'1 |i;iiii iiii|i(i>>ililr d'i'-liililir une riiinnrciisr i-|i niiiolii^ii' (Milrc
I olllcs CCS |iir(Ts. ml rc ers S(''lii's lii(''liM'. cl c'c^l { i< m l'ijlK li lliills niiilv CM
soniiiics lciiii> ;'i les (■■liiilicr |i.'ir snjcis; dii |iciil crnirc il .iillciirs (|iic, iliiiis
ilc> .ilclici's i|iii >c ri''|ii''l .■lichl iiiil(''liiiiiiiciil cl >c lidiiiinciil à des \;iri:iiilcs
|i.iiTiiis iii:i|i|in''ci;ililcs. une riiniiiilc se I iMiisiiicl I ii il d'iiiic l;i''|ic't;iI khi l'i
r.-iiilrc. cl le cdsliinic seul ilniincr.-iil nu iiiilice |hiiii- les ihilcs, |iiiisi|iic les
l\(illicr^ |il'cli,'iiciil Sdillilc le I riilislurilicr ;i\ ce I;iiiiihIc. I 'ciiI -iM I'c csI -ci^
l.i i|li;ilil(' (le l.'i |iiccc ijili siTllil lolllelnis le lilcilieiir i^niile. si rmi ilnil
;iilliiel I fr i|iic jii'il ,-'i peu l.l lur-
lllllle s';i\ ciliiss.-iil cl s'us,-||l
en i|nel(|nc fnedn cnire li'^
ni.iins liiniiliil eni-v ;ill;ii'ili''s.
An^si liien . il ^c |ii'(iiluil |idiir
le-> i\ dires cw ils ce i|lie lidils
:\\ (MIS cdnsl:il('' .'i |n'd|ids des
ixdires r(diL;icii\ : ,iii c(nii-
inciiecnicnl du \\' ^n'-elc.
r.-irl |i;ir;in .'i |)cii |iri''s (■■|inis(''
cl l.l |ii(i(liicl i(ni ellc-iii("inc
diininnc. S;iiis ddiile Ic^
c(>in|ilcs iiicnl i(niiienl encore
de> ;i(di.-ds de niii-dil's. de
ur:i\ dirs. de cdll'rcls. de
|icii:iics cl d';inlres diiicls
dix dire, iiniis ceux (|iii nous
sdiil |i:ir\ eiuis — cl ils sonl
en |iel il iidiiiln-c — iii;ir(|ncnl
nue iiiiV'ridiMh' (''Nidcnlc sur
les pi ('■(■es du \l\' si(''clc. Ci- li'esl p;is ,'i dire (pic (piehpics ivdiricl'S n';iicnl
cdiiliiiiK'^ :'i l'nirc prcme d li,iliilcl(^ : ecrl:iiii> iiiirdirs Ldii\i-c. n' lll^
s(Hil d'iiii joli lr;i\;iil cncdre. cl hm'^iiic des pi(''ces iniporhinics se pro-
dni-~cnl. ddiil is n';i\(>ns p:is d^^piiv jilciil pour hi |i(''rid(lc ;iill(''ricnrc.
ici r(''clii(piicr cil ds de hi cdllcel iou Carraïut iBargello, rep. Lrs Aiis.
iioùl l!l(li. p. ."(I . ;i\cc SCS ;iiiiiis;inles scôiips de rliasse, ses cdinlcilsel
SCS i:rdles(pie> ; le fin- (I IS('>e de (lolli.i li;illi;illl i.'i |('L;ciidc de -.;iinl
( icor^cs. cl hi Inirpc (In l,dii\ rc n" li(i. rep. :in c;d. . M.ii^cexnil là. à
les liicii exMininci^, des pi('^ecs |dns |nl ldrcs(pics (pie de \ (■■rihdilciiicnl Ikhi
sl\ le. i-\ r;i II ^('■rc-- iik' .pour l;i plnp;i ri , cl nidnnincnl- inliiiiincnl enricnx
de riliNl((irc de- ■iiis. il >er:iil e\ce-~-i 1' d y \ dir des (C||\ re> d'il II ,irl (iri-
lillial cl (■.■ipllldc elicdre de se rciioiiv clcl^.
Kk;. 53IJ. - Lcled creclii'i-'s (IIu.'K (le IS..nl.-.ni\
\ a[\'c de boite à iiûinic.
Ail IVdiiiai.- lie JK prcTiiiiTC nidilic du \n ~ii ilc
(Sniilli-Kcnsinstoji I
T. II. — l'i."(
498 HlSTOIRh; DE L'ART
LES IVOIRES ETRANGERS
L;i (|lli'slinn lie l:i li;ilinii;iliir' ilrs i\()irr> (■^l r\l n'-iilriiiciil ili'liriilc.
lui \(Til(''. il |i:ii';nl l'i jn'ii |irrs crrlain ;iii juiinriiiii (|iir l';iiis m :i ('•h' l'iiii
(les |)l'itici|i,lll\ crlillr>, t\f |ilnilllili()li. silidll Ir | ili lir i | i,i I ; lc< ri>iu|ilc>
siiilKiIcllI (le iKiIllIirriiM'S |iirccs i|ili' 1rs i^|-;iiiils sci^iiciiis ri les <'l r;illi;crs
llu'lLlf V ;i<-(|uirirlil ; les liiolill liiclll s (|lli Slllisisi rlil lir Sun! (|llr Ir rrllrj ilr
l'iU'l ilrs iiiKiyirrs ri ilr> lii I ni;il iirisl rs rr;ill(;;iis. ri 1rs si'TJrs (|iir iiiiiis
avons |iii (■■hililii-, la ni dans 1rs i\ oirrs |-rlii;irii\ (|ur dans 1rs i\ nirrs ri\ ils.
ntins srinidrid s( Irnir assr/. piinr ([uOn n y |inissr L;in''i'r aihnrilir la
prrsrnrr dr niodrii's d'origines diverses, il rsl l'viilrnl |ionrhini (|iir la
l-rancr n a |ias ('-li'- srnie à Iravailler l'iviiire. el l'on ne sani'ail iinat;inri'
(|ne laid t\t' pirces |iorl(''es snr les in\ rnlaiirs à l'cd raiiLiei', en .\ntilelen'e,
en Italieel ailleurs. Inssenl lonles des pièers d'iin|iorlalion. l 'onr (|nrl(|nrs
inoi'ceanx. la ehosr. il rsl \rai. va i\f soi. ri nid nr saiirail doiilrr (|nr
la \ irrii'r dn lii'sor Af l'isr n a|)|iarl iriinr à l'/'i-olr jiisanr. roninir Ir
di|il\ (|nr |iorlanl 1rs arinrs i\r ( Irandisoii . (''v ('iinr d'l{\rlrr, rsl assin/'iiinil
aniilais : Ir sixlr t\i' ers pirrrs di'^rrlr Ir nr onuinr . SridrnirnI. ililiniiiirnl
rares sont les inomiinenls qui pemcid rece\<)ir dès l'aliord Inir i''li(jiirllo,
et dans la plupart des ivoires, il l'anl liien le reroiinai'lre. le caiaclère natio-
nal esl liraiiroiip I rop mal dr'lrrinin/' polir ipiil soit jiossiblr t\i' Iriir assi-
ii'nrr nnr palrn'. \:\ fc tpii aiii;iiieiile la diriienllé. e'esl tpie ren.\ ipi'on
liriil d'ordinairr poiii' ('-Iraniiris oui a\rr 1rs |iircivs d'ori^inr l'raiiraisr une
parrnl<'' d inspiralioli ri ilr j'aidiirr \ ('•rilaldrinrnl rra|ipaiilr; drs n'uvres
soni e\pos(''es dans les inusr'es ipi'iin lii'id pour ilalieiines. allemandes on
anglaises, sans (|ne les raisons ipii didermineiil relie classilicalion aieni
jamais v\v donn(''es a\i'r nnr pn''cision ronv ainranir. Nous croyons (pir
iir,anroil|i dr rrs pirrrs doivriil idre irndiirs à la l'i'ancr ri ipir. poiil' 1rs
aiil rrs, il i'aid admrltrr ipirllrs sont des imilaiions d'oiiv raines l'raneais.
L'art de l'ivoirii'i' a été pendant loul le xiv' siècde nn arl dimilalion: li^s
alidiers parisiens se sont imités les uns les autres, les aleliers provin-
ciaux, s'il l'ii a rxisié, oui du imiter les ateliers parisiens ; (|noi d'idonnanl
que rélrani!,er 1rs ait imiti-s lui aussi, si l'on songe surloni an loinlain
rayonnement d'art du Paris de (lliarles \'? Seulement, il nous païadrail
sin^ulirrrmrnl l(''nn''rairr df (dirrtdier à d('derminer ces imilalions (d lan-
ières el à les dislingiu'r des imilalions IVancaises. Nous ne l'avons jias
l'ail , l'enlrejnise nous semblant irréalisalde : loulel'ois. l'examen des i\ oires
certainement étrangers et quelques considérations tirées de ri'diide de la
sculpture monumentale nous permettront peut-être de préciser an moins
certaines données de ce délical prohlème.
LES IVOir.KS (lOTMlOUKS
S'Jfl
/./-.s I I.AMUih's. — ( )iic les |-'l;Hitli-cs luciil hiillc do i\()ii-cs au \iv"' sir-
clc. il (•>! Iirs \ i-aisriiilil.\lilr. l'iiiir s'a|i]ir()\ isiiimicr ><iii\riil à l'ai'is, des
coins aussi s(iiii|il ui'Usrs (|ur ccllr de IMnli|)|ic Ir Mardi. du<- de l'our-
goglli', n'eu dr\ aicîil pas iiiuiiis a\(iiià liruiirs nu à liiiixrllr^ dr> rniii-
nisscurs de - lalilraiix cloaiis ■< ou dr uilroirs; U(Mis saxons d ailleurs non
SL'ulciuriil i|ur le duc rc'<'c\ ail diroclciiionl des dcids dV'l(''|iliaiils i I TiS,"! i,
mais au iihmiic mou irai les an iii\ es de Toui'uai nous cil eu! un - lailieiii- de
\\ore. l'iiuail Anlicrl •• ; nous connaissons aussi un cerlain .l(dian l'ul/, de
Lille I nri'J-r»). el sans doulc n'éliuenl-il.s pas .seuls à ou\ rer de leur miHier
dans les l'iaudros. (lependanl, si \ersle xv" siècle (ui a pu di''in("'ler dans
ccilaiiis i\ (lires une \ aiziie innuence llamande > cal . <lu Lon\ re, u" I M , elc. I,
nous lu' \(i\(Uis pas (pu' jamais aucune o'u\re du |dein \i\' . à la dale de
la llorais(ui ilii nii'lier. ail (''li'' ail rilui(''e à des alcjiers llaïuauds. |-!l la rai-
son en esl peul-<dre assez, simple. .\(uis a\oii> iiKuilri' naguère ipie la
seuljilure mnniimenlale ipii se l'aisail eu Idaudre au mm' cl au \i\' sièile
(■'lail iKUi seidemciil d'i iispi rai ion l'raïKMise. mais de l'aclure IVaiicaise
aussi, ^i liieii (prenire une slaliie d -\n\ers ou de I irlemiuil el un luoiin-
nieiil pai'isi<'n. il n \ a\ail guère de dinV'reiicc appn''<ialde ; on jieiil croii'e
(pie les arl > niineills axaieill slllu la niiMue inllllence el ipie les i\()irie!'S
llaiiiands I ia\ aillaienl . eux ans>i.à la iiiocle de Paris. ( )ii ils aieiil d(Uic
l'ail des slal ilel les. des dipi \(pies. des miroirs, il se peill : seuleiuenl , eX(''-
culés dans le si \ le des prodii il s parisiens, nous ne sa\ (Uis plus aiijourd'liui
les di>lini;iier. cl indre d'il n Csl pas capalde de >aisii' la dinV'rence. s'il y
en a une. enirc le> pi(''ces exi''cill(''es dans leurs l-^lal s piuir un Liuiisde
.Maie ou un l'Iiilippe le Hardi, el les ou \ rages similaires ipie r(Ui l'aisail à
l'aris piuir ( '.liaiies \ el la ciuirde France.
/ 1/ / / 1/ I'. \/: . l'iuir I '.Mleuiagne, des ('-riidils de grande \ aleiironl
cru poiiNoir. ce^ deriiii''res aiiii(''es. lui coii>liluer une ('■cide dixinriers
golliicpies: le calalogiie du miis(''ede Itcrliii allriliue à I arl alleiuand \iiigl
i\i)ire--el r(''ceuinieill . à la siiile de rex|iosil ioii de I »llsse|d( uf. le prol'es-
seiir ( '.leiiien de ui liai I aux alelieis rlH''iians une imporlance Ion le ikuim'IIc.
Va cerles. I Aliemagiie a\ail pos>(''d('- à r(''po(pie riniiani'. dans la r(''gion du
llllil laniuieill . di's cenires de faliricalioil d'i\iure> sillglllii''reilienl llo-
ri-~saiils (pii. ceiil ciinpiaiilc ou deux ceiils ans plus lard p(Hi\aieiil sulisis-
ler encore, (tue la \ ierge du Xlll' si(''cle de lierlili 11 |-JI) . soil alleiiiaude.
saxonne un'' Il le. comme le \ cul le calalogiie. nous ll \ colll redix Uls poilll :
s(Ui l>pe a>se/, |iarl iciil ier. a\i'c sa Ik uiIk unie sérieuse cl sa gravih'' \]\] peu
liuirde. lie se reiic(Uilre i:iii''re dans l'arl rrani;ais. el rien ne s'oppo-,e à ce
ipi(Ul \ l'ccoliliaisse une (eil\re geriuaiii(pie. ^ oils ad liiel I olis \(d(Uilier>
aussi l'origine allemande de la \ ierge du xi\ sii''(de(ir l."7 : elle l'ail
pai'lie d'un gnuipe aisi'' à d(''leriiliner. (l(Uil le I r(''siu- de la cal iH'drale de
Miiiisler en W'csiplialie cl raiicicnne c(dleclion S|iil/,er enire aiilres cal.
500 IIISTOllîK Dli I.AP.T
I. I. h" lO'.l ;illi'. ;i l'Hs|);iL;-ni') offrent des cxeiiijilnircs Irès l\|ii(|nrs. Il en
\;i (Ir iiK'iiic lie (livi'i-s ixdircs (lu w' sirclc, coiiiiue les curieux ciilices (lu
iiK'iiii' lr(''>(>i' (le Muiislcr. si i)r(>f(Hi(l(''iiieiil seuililablcs aux scnl|itures en
liiiis (le (■(•Ile i(''L;i()n. el nous savons d'ailleurs qu'un ivoiriei- alleni;uul,
Johann ! Ieiiiii(di, (''hiil (•('■lèbre vers \'h)l et iravaillait. en Ilalie. 'l'iMiJes ces
pièces soni lr(''s nelleineni caracl(''i'is(''es : an conlraire. pour d'anlrcs, nous
ne pou\ons eonipicndre ce (piOn y \ oil d'alleinand. nolanuneid Icn \ icri^cs
de (lolog'ne ( Mins(''e \\'allral'-lii(diarl/. , de Mnnslcr Miis(''e (■■pise(i|ial . rep.
C.lenHMi. Aiisslclhiini :ii hiissi'hlorf |!)(l'_>. p. Idi cl de Munich (re|(. avec le
i-clahlc pcin! oi'i elle a (M' aj()nl(''c. Zcil. /. chrhl. Kunsl. 100.1. p. l!),')). Sans
doiilc nous n'en connaissons pas en France d'absolument identiipies; il n'y
eu a, on le sait, (|ue bien peu qui se copient ti-ait pour trait ; mais l'expres-
sion du \isai<'e, l'attitude, les draperies sont exactement celles que nt)us
a\ons rencoidr(''es chez nous dans lanl d'onvraiics ([ui nous ap|iai'liennent
('•\ idennncnl . d nous ne d(M-on\roiis pas ce (pii, en l'absence de prciiNcs
(_locunienlaires. pcnl les l'aire |iasscr jiour évidemmcid allemandes.
I<]st-ce à dire (|ue nous niions l'existence d"auti-es abdiers d'i\ dii-iers
allemands (pu' les (piebpies-uns {\\\v nous a\dns notés '.' Non |i(iiid: mai>
ici encore nons ci'oyons tpie les modes de Paris ont détcrnnn('' le slyle
des ladleuis d'i\()ire et que Ijcaucoup de ceux d'Allemagne en ('laienl pro-
lon(l(''meid iniluencés. Les archéologues allemands ont consacré, ces der-
ni('i('s années, des soins minutieux el des efTorts considérables à démon-
Irei- la |iarl (pi"a\ail eue l'arl ri-an(;ais dans la formation de la scnipl iii'c
g('rin;nn(pie A\\ mu' si(''(de ; ils n'oni g-i.u"'re porlé leur atlenlion sur le
xiv"' siècle, mais à ce moment le rayonnemeni de noire cnll nre ai'l isli(|in'
n'a pas v\v moindre : la r(''i;ion du lîhiii n(dannuent en a (■■!('• prorond(''-
menl loihdi(''e. cl la scidplni-e momimeidale l'oninirail ais(''nH'nl de noiu-
br(■n^^e^ |iren\es de celle \(''|-it(''. A ('.(dognc. Saillle-l l'Slde, Sainte-Marie
(In (laitilole cl le mns(''e; Xanleii pins au nord. ()bei-\\es(d an sud. el . en
\\ (■>! plialie iiK'ane, Scliondiei-g el 1 ler/.(d(ro(dv poss(''(leid (le> \ icrgc^ ou
d'anlres ^laliU's dans le style l'|-an(;ais. Si les imagiers (ud snbi l'inllnem-e
des nnides de France, comment les i\oiriersy anraienl-ils (■'chapp('' ? ( a.'s
petils (d)iels (daient (.Inii ti'anspoi-l singnli(''remenl ais('' el les alidici's
n'axaient pas à s'ing(''nier pour lron\(.'r de,^ mo(l('des an gonl A\\ joni-.
(lu'ils aient aionl('' à ces mo(l('des, en le>. innianl. cei'Iains IraiK de leui'
l'a(;on. (pi il> en aieid par exenqde acccnlin'' le main('-i'isnH', il cnI poNsible;
seulemeid il m' pai'ad pa^ (pie ces li'ail> aient pn encoi'c ('■li-e (l('denuin('->
nelleuM'ul, cl comme le mani(''riMuc e.->t e>sentiel à l'art l'i-an(;aiN du
Mv' siècle el ne peul gnère être ponNS('' pins loin i[\\v dans certains monu-
ments évideimnent fi'ani^ais, nons w \(.)yonspas (pi il soil |io>>ildc de
distinguer les imitations allemandes des originaux. Onand on aura ('labli
snremeni (pie les rap|iorls (h; la \ iergc d'ivoii-e du musée (''piscopal de
i.i:s i\()ii;i:s coriiioUKS
Mnii>liT xiiil |ilii> i'lr(iil> .-ivcc les iiioiumiciils dr l;i yiMiidi' >riil|il iiri'
rliiMiaiir ri)iilciii|Mi|-;iiiir i|ii',i\ n- criix (le hi >ciil|ilnn' IV;ilii;:i i^i'. cl ipioii
nous MllIM lll(illlr(' en i|llui le liiiiliii'lis lu ili|il\ ipir lill l.(ill\ l'c 11" ll'.l,
i-c|i. Mdiillirr. |i. •.'()! (lillV-i-i' du iii:iiiii'Ti>.iiir ^U- liinl di' di|il \ i|iir> IV.i li(;;ii>
hi l'AllliiiMiii de lu \ ici'L;v y csl idcilli(|iir l'i rrllc du i^riUid di|il\i|lli' de l:i
l'iis^ion ;in uiusi't dr l>ijiiii. n" I ."iT) I . deuil nul in' roiilcsic hi luil iuiudili''
riiui<':M--i' . ihuis les licndroiis nlors |miui- :dliiii:inds : nniis il iir luuis
MUiiMr |Kis i|iir I (in iiil ius(|u'iri suriisninuH'iil |u-(''cis('' ce (|u il \ :iiil';iil
d'alk'UHind d;ins ces nio-
luiiiieiils |)iiiir (|ui; (■clic
(•(Ui\ iclioii soit (>l;d)li('.
i.AXiUJi i:niii-:. — Il
scnililiTidl (|uc. iMUirl' \n-
^Iclrri'i'. dunl la sculjituri'
es! si mal (■(iiiiuic, roiiscu-
ril('' dùl (M rr plus lu-oluiulc
l'iicorc ; II' hasard nous a
(•()iiser\('' [Hiurlanl (|ucl-
(JIU'S j)i('C('s (•(■liaincnicnl
aniïlaiscs (|ui runnrnl un
i;i'()U|ir lrr> dislincl ri
di)i\ rnl nnu> (''rlairrr sur
Ir si \ Ir drs i\ (lirrs dr i-i-
pays. ( '. r.sl un I ripi \ ipir
t\u lîrilisli Musriiin rrp.
dans ( '.u>l.. p. I "i." ri un
dipl \ ipir di\ |s('' rnl ir Ir
lUiUlir |||U>(''r rrp. Mas-
krll, p. Ill'i ri I,' j.iuiMr
11' i'J'J. rrp. .M(diiiirr.
p. ]'.)!>. ()rn('> t\i' rciM',-. rniM(''iiial iipirs ri (IYm-iis ipii siuil aii\ ariiir^ dr
( liandisun, l'M-ipir d'IvNrIrr I Ti-JT- 1 -'li!» . La iiiaiiirlr lUi rsl Inii dlIlV-irlilr
dr rrllc drs i\ iui-r> rran(;ai> rcuilriiip(U-aill> : a\rr |rm> \ isai;r> IdiiiiS ri
cra\ rN. a\ rr lriir> arr h il rcl iirr-, à arrniadrs priuiial iir(''rs. si srnihlahlrs
à ccllo de-, calln'dl-alrs anulaisrs. ils siuil In''- caiar h'ri^l iipir> ri luii
a pu jiisiriiiriil lalhudirr aux iimmiics airliris un aiilii' iliplxipir culi. Sal
lini;. rc|i. ( '.al . Spil/.cr, ii ' I jll. p. II! de la \ icriic cl du (:iii'i-.l. en I rcV
liaiil relief >iiii> de> arcaliirc-. doiil l'opril c>l analuL;iii'. < '.e.-, picco xuil
de liiilile allure ri diiniirnl Ulir I 1rs liaillr iil(''r dr l'arl dr> i\(Urir|->
i:(illiiipir,s dWiiLlIrlrni- : >rillriiiriil idirs .-,(inl li-(Us.l(Mll liirli ra Ir uli'. l'I .
rdininr 1rs i\iiirr> ('■lairnl iKunlH-riix dans |r^ iri'xirs do (''lili-rs aimiaisrs
du nHi\rii àli'e — les ill\ enlaires le pnuixelll. (ill a pn-lendll leiii-
;>o-2
IIISTOIIIK liK I.AI'.T
aiiiii'xcr Idiilr une f-rric dd'iiN ics doiil le ciirjiclri r iiiii;hiis u'csl, à noire
sens, lien iiKiiiis (|ii'r\ idciil . Crsl Miiskcll (|iii. il;Mis su piTlafC ml C.alii-
I()o-iic (les ivoires (In Scnil li-i\ensiin;ion, :i . l'nn des |ireniicrs, essnyé nn
dé|i:ii-|, el i;i:'ice à lui. \ i<Ti;cs. Noielsde dipl \ «|nes el |ilil(]lielles uni éU'
lia|ilisés ;nii;l.-iis; lonlefois lions avons en \aiii (dierclié les raisons (|ni
(Ml! déliTiiiiiH'' le choix de lanleni-. I>a i;ra\ ilé du visage dans les sla-
Inelles el. dans les |dai|iies. la |nV'seii(e di> cei-laines rosaces a|>|di(|née's
aux iiKMiliires |iaraissenl iMre à |ieii |irès les seules: mais les rosaces
apiiaraisseiil dans (iiiaiililé d'ivoires IVaneais. dans lieaneoii|i de >enl-
plnres de |iierre éi;aleinenl , el (|iiaiil à la i;ra\ilé de rex]nvssion. on
aeeordera (|iie nos \'ieri;es ne son! |ias lonles souriantes el eo(|uelles :
|, '(iiioi les j.dies slalnelles (!<■ Keusini^lon l'Jdl, 'J()^2, '201, 'J()7-(i7i soiil^
elles anglaises? on Ironverail eu l'^rauce leni's é(iuivalenls. l'oiin|iioi le
di|>l\(iue 2(i7-7l el le •2."!l-()7? Leurs lililires en 1res joli relierd rixileiiienl
des |ierso!iiiai;es les uns des aulres solll iMl elTel rares dans les isoii'i'^
IVaneais; mais |iour(|uoi seraienl-ils ani;lais.' |ioiii(|iioi les \al\es de lioile
à miroir lii;iiianl lliioii de l'.ordeaux joiianl aux éeliees. n" -l-lTt-iu el la
('.oiiversali(Ui yalaiile du miiséi' d( IxIoimI? ()n'y a-l-il de eomniiin en Ire ces
nioiceailX el le i;idll|ie aux armes de ( iraildiMHl (|ui doil T'he la pierre de
loiielie.' M. I''.. Molinier a son;^é plus réeeiiimeul à donnera I Aiiulelerre
celle si'l'ii' de pièces à jour de rcxirèliie llll du \l\' siècle i u'i noilsaxolis
VU. dans les co>l es plus exaclemciil (diser\(''S des soldais assislanl à la
Passion, c(Miiliie une sorle i\c leulali\i' <les ivoiricrs rran(;ais de prendre
pari au iiioin eiiienl n''alislc ipii dès lors emporlail la sciilplureel la uiiiiia-
Inre; il \ l'andrail joindre alors le lieaii panneau du Soulli-Kensini;lon .
avec le Clirisl eiilre sain! l'ierre el sailli l'aiil n" '.' I ."-(i,"i. re|i. dans
.Maskell. p. l"i . cl aussi la série des pcrs( m iia^vs eu demi-ri'lier provenani
di' relalilcs de la l'assioii, ipie Icui a ra|i|n'ocli('s un peu arliilrairemeul
di's liiiiircs des panneaux d'alliàlrc coulemporaiiis allriliiiés aiijourd'lini a
rAlli:lclcrrc ; mais ce soûl là des li\ pollièscs. l'I poil r le un uiienl mnis ne
piunoiis leiiir pour eerlaineuicnl anglais (pie le i;roupe des ixoircsaux
armes de r(''\(''(pie d'Ivxelci'.
/ 7 -/■ u. \/.. H n'y a ti'uère à insisler sur rMspati'ue, d(Uil l'admira Me
(■■(•(de d'ixcMriers aralies iic parai! a\oir eu aucune iulliiciicc sur larl
^■olliiipic; |ias un ivoire relii.;ieiix du xiiT' si(''clc ou du xi\' ne peiil ('•Ire
sùremeul alIriliiK'- à un alelier espai;ii(d. cl si l'on a lra\aill('' I i\oire à
ce momciil dans les paii ies clir(''l iciines de la p('iiiiisiilc. ce (pli csl \rai-
scmlilalde. la scnlpliire moniimenl aie. (pii csl d'iiispiral i(Hi loule frainjaisc.
n(Mis l'erail cr(nre (pic c'esl dans le slyle rraii(;ais aussi (pi'(Mil " licsoiiin'' «
les ivoiricrs. Les (|uel(pn's rares ivoires e(mserv('-s encore eu l">spatiiic.
les \ icr-es des calllèd|-ales de'r(dè(lc cl de Sèvillc. celle du musée de
Lii'on, les diplycpics de TLscui-ial cl du miisi'-c de Madrid. l'Assaiil du
i.i:s iNdiRKs (loriiiotiiis
505
( llirilriiii <l'.\lii()ll|- lie l;i cdlliTl ion l'ix'ii nri;i nu. ;i| i| i:ill iiMilirnl à i les si'M'irs
IV;ilhMi->c,s |i;iiT:iilrnirnl i li'l rnn i m'-o.
I IIMIi:. I.ll.ilic :iii (-(Mil |-;iirr :i I r.i \ ,i il l(- i'i\uiri- ri miiIchiI Ic^
llllll irri's ;iii;iI()l:iii'^. Irllcs (|iir l'os uil lii (li'iil d'il i 1 1| lo] lul ;iilir. i le r;ic(in
;ili->iilunirnl nriLiin.'ilc. I, ;ilrlirr NiMlilicn ilr> iMiilirilli-lii r>l Ilirii ciiniin. cl
rii'ii (le |iliis ,iis(' (|iic iliMi (IinI iiiiiiicr les |inMliiil > ; |iuiiil ,inl . ;i\:iiil il'rii
\riiir ,i lui. il l'^inl inilcr (|nc ilo i\iiirrs irniic siiiiiiiliriT ImmuN'' cl demi le--
inuilrlrN n'iAisIcnl {loinl ;iilliMir.^ cnil <''l('' l'iiils
rn ll.ilir ilr^ le Mil' >irclr. Si le I iuii>m'i||| i n (le
M'Ilc lin Liiiisir lii^niMiil ili'> eus iilirrs ciiiii-
li.'ilhinl II" .'l'J. rr|i. .M oliiiiiT. |il. will i';i{i|ii'llr ^K/v<i
rncDlT |i:ir les riiiiT;ill\ ilr >:i liorillllT I ;ill
riiiiniii iri'",N|i;in nr. (■■\ iilciiinicnl cuniiii m Sirilr
iliiii le iniircc'in |Kir,-iil |>r(i\ riiii-, riinim lit;ii-
liilll (lr> .Vlilii/nlirs illl llMMIlr IIIIIm't n" Till. rc|i.
;iu ('.;il.M'sl |i:ilT,illr|llriil uiii^iinil ri iic|iriil M'
c'oiii|i:il'i'i'. |i;ii' II' si'iiliiiii'iil ,'iiil ii{iii' <{iii I lin uni'.
(|n jiiix iriu rcs (Ir X !<•(■( )l(> l'is.-iiin. ! )(' iiiiMiii' l;i
Niri-,. lin Ji'rM.r ilr l;i nillirilr.ili'ilri'isi'. iillli-
liih'i' ;'i (ii(i\:iii!ii l'isiiliii, r>l liiiij h i'iiil r.i i:irl i'-
li>lii|nr (Ir r.lll ili' ce lll.iilri'. ri rlli' lliMls llloll-
lir une l'ois ilr |iIms les liens ({lli llllisselil les
I .illleiiis (l'ivolie el les illl.'liiiei'S. i'ill \i''lili''.
lie:inroii|i île |il.ii|lli'll es lll(''(lioiTes. ;in\ .iiclii-
leel iiicn l;()I lui I Iles nnil coin [irises, lli iisi (| ne (les
el'osses lolllile> el slllis L;r;\ce eoll. SllIlillL; cl
i;;i>ile\\>ky. Il 111!) lin e:il. ! »;ireel . ele. . |.:ii:iis-
seiil CAvi- siiilies (l'iilelieis iniliisl riels il.ilieiis
(lu \i\' si(''i'le, [leiil -(~'l re :iii>>i ile-^ i nii 1 .1 1 ions n',',,,',.'',!.,
(I I \ c Jire-. rniiieiii-^. (Iiriieileiiieiil reeoiin;ilss;ililes , ''1" ^'V ""1','' .
.■III |oni'il lini ; ;iii-^si Ineii ilés lors, el (|iioi(|iie le riivv,,,- .1.- I,. iiiiii.jiMir ,!,• l'is,-.)
Iri|il\(|iie lin l,ou\re n' Ml. rep. Molinier.
|il. \\l livnr.inl ile> >e(''iie> île hi \ie de l;i \ ieri^e el nue S(''l'ie de |il;ii|nes
de eoll'reU ,i\ ee ili'N '!'riolil|ilies Lon\ re. Il ' I 1 II. ri'|i. ;ill ('.;il.: eoll. (!;ir-
r;iiid. re|i. les l/-/,s-. aonl l'.ldi. |i. l' I . el e;illi. de (ii';il/. |iroii\eiil ipie les
i\ oirier> ihilieiis eiin>er\ èrelil jusipi':'! I;i lin du \\' sic'-ele I oui e leur liiiln-
|el(''. hi liiode (''hiil Jlillelirs : l'illelier des l'ilill iriliel I i ri''|i:i 11(1,1 i I ,-ill loin illills
le monde -,i'> I ri|il \ i|iies, se> eoll'rels el ses miroirs en o-..
Une de-, |n(''e('> som| il lieilso el de Mr.ind ell'el soieill >orlies de celle
oriiciiie, (|n lin r,ii-,eiir dMlTiiircs d Origine i^i'iioisc cl ,i|i|i;ireiili' ,'i lloreiicc
;i\;iil l'hdilie ;'i l;i lin du \i\' si(''cle ;'i \ cuise, on ne s;iiir:iil le nier : le
ii-r;iiid rcl.ilde de I ':i liliiiye de l'oi>s\ coin 111:1 nd(' |i:ir le due de lîcrri
:.û4
llisidii;!. m; I \i',T
( Loin rc. Il" lll'.rnixdr l;i ( lollrrl ion I 'irr|i(illl-.Mnrj^;iil . prox riijiill . (lil-
nii. ilr r;ilil,:i\c (le C.lilli) <•! ilrl;i ( ;li:irl relise de l';i\ie, les riMmilieill s
lie ImIiiiIs (In mr^liie coiiveiil ;iii joiii'd'Ii II i ;'i l;i Cusii ( '.AiXWiAw lM\\;t\i ,1e
|ir(Mi\enl lisse/., sinon k'S deux rehihles du iiiils(''e de (lliiiix i|iii ,-iiir;iieiil
;i|i|i,-ii-|enu au duc de Bourgo<>-ne > n'" KIT'J el |(IN() . Toulefois le proei^'d/-
niiMiie eu usan-c dans l'alelier. reiii|i|()l de ces |ieliles ]ila(|liel I es d'os co
\c\es iii\arialdeiiieill de la iiiiMiie laille el mises hoiil à lioul. seiidile si
i;idièreiiienl innnolone. el la lieaiih'' de la mari|uelerie doiil elles so
(•Iiari;(''es ne l'ail pas ouldier la médioci-ilé des aridiilecl ui'es : de plus
nialière, os ou denl d'iiippopolaine, est Iroide el ue peruiel i;iière i
finesses; eiiliii jiouî' ipiolqucs morceaux soignés et où les ligures de \iai-
nieiil liiui sixieil de noble dessin marquent un scnlinienl jtrol'ond, couiliieii
ne soni (|iie lie Faibles répliques oîi la beaidé du Iraxail el une grâce ualii-
LES nuiHES (iOTIIloUES r,o;)
relie ne conipenseiil pas, cdiiimi' dans les i\oii'es IVanrais. l'aliseiice d in-
vention ! Rien de plus fatigant dans leur uniformité que ees triptyijues à
sujets religieux ou ces coffrets de mariage, bien qu'ils racontent parfois
agréablement leurs bistoires tirées d'Ovide ou des romans contemporains.
Les selles dapparal, d'un autre atelier vénitien sans doute, montreni des
formes gracieuses, et le dessin des personnages, cavaliers et dames, parail
assez élégant, mais il est lourd aussi, et surloul il n'y a guère de bien à
dire de ces innombrables coffrets, reliquaires <m Iriplyques, provenant
d'ateliers soit [)iémontais, soit tyroliens, dit-(ju, dont les plaquettes de
faible relief el violemment bariolées sur leur fond guilloclié imitent gros-
sièrement, pour la pluparl, des graxures contemporaines; ils ene()rnl)reiil
aujourd'liui nuisiM's cl colleclions })rivées. Et poui'Iant toule l'Iùiropi' s'est
éprise de ce slyle ilalien; les petites cours de cuilure i('ceiite, la l5olième
et la Hongrie, n'ont pas été seules à s'en laisser séduire; la France aussi
l'a admiré; Charles ^' et ses frères, les plus fins connaisseurs d'art de leur
temps, ont voulu ;noir de ces objels dans leur trésor, ils en ont distribué
autour d'eux, et l'on a jiu allribuei- à celle mode des os ilaliens le com-
mencemenl de la défaveur des ivoires français et de leur déclin. Ccs[
beaucoup dire, el nous avons montré suflisamment que, dès avanl la
vogue des produits de l'atelier des Emliriaclii, nos ivoires s'acbeminaii'nl
progressivement vers une décadence qui ne pouvait tarder à devenir irié-
médiable ; pourtant cette importation qui se poursui\it pendant tout le
xv"" siècle a son inip(>rtane(\ et l'on ne saurait n'en pas tenir eonq^te,
puisqu'elle entra jiour une part dans le niou\ement «l'échanges artistiques
entre les deux pays qui de\ ait aboutir en l'^rance à la Renaissance.
liliîLKXiliAl'IllH
Commerce et métier. — IlicYii. Ilistuiie ilti cuinine.iri' du l.ei'anl au niayen àijc, U'aiJ.
l'iiiry HayiKiiiil. l.cip/iif. ISXli, '2 viil. in-S"; — Pigeonneau, l/istaire du commerce de la France.
t. I. Palis, 188.J, in-.S°. lîihliograpliic, p. "«)5; — de LEsriN.\ssE et Ronnakiiot. Les mèliers cl
corporations de ta l'itle de l'aris. xiii" siècle; Le Livre des métiers d'i'^ticuiic ll'iilcdu. Paris,
1871), in-i"; — Ol'IN I.achoix, Histoire des anciennes corj>o7-alions d'arts et iticlicrs et des cincfré
ries 7'eligieuses de la capitale de la Normandie, Houen, 1850, in-8".
Principaux inventaires: noms et prix. — Hiciiaiid. Matiaut cunilcssc d'Artois ri de
Bouri/oi/ne, Paris, 1887, in S-; — I,aiiai!TE, Inventaire du motiiticr de ('liarics C ( |Iim-iiiiiciiIs
inédits), Paris, 1879, in-4"; — ,1. Guiii-nEY, Lwenlaires du Jean, duc de tSerrij, Paris, 1X!).V18'.)U.
2 vol. in-X"; — Dolet dWhco, Comptes de l'JIdtel aux xiv et xv« siictes, Paris, 18.M, iii-8" (Soc.
Ilist. de Fi'ance) ; — Dolet d'Aiîco. Nouveau recueil de comptes de l'argenterie des rois de
France, Paris, 1874, in-8° (Soc. Ilist. de France); — Doiet d'.Xrcq, Choix de pièces du règne
de Charles VI. Paris, ISti'), 2 vol. in-S" (Soc. llisl. de l'i-ance); — Le comte de Laiîoiîde, Les
ducs de Bourgogne, 5 vol. in-8°. Paris, I8i9-I8r)2; — B. Pnosr, Inventaires moliiliers des ducs de
Bourgogne, t. I (l.'3(r>-l.J77) Paris. 190i, in-8". — Deiiaisnes, Documents et crtritits divers concer-
nant i'histùircdc l'art dans la Flandre, l'Artois et le llainaut, Lille, 188U, in i°; — PiNCnADT,
Quelques artistes et quelques artisans de Tomiiai des xn . \\ «t xvi" siècles (Bull, de
l'Académie royale de Belgique, ô' série, I. 1\ , ii !•-', IN^■2l; — \<iij- licaucoup de mention:»
T. II. — 01
50(> HISTOIRE DE L'ART
d'ivoires aii\ lin ciiL-iircs jniMirs |i;i|- iie Mi:LY et Bisiioi'. Ilihliiiiintjiliic i/éiirnilc des inven-
liiirrx impvitiirs. I';iris, ISil-J ISOri. Ti vol. in S".
Ouvrages généraux. — I':.mile MolimioI!. Itishiire i/riirndc (1rs mis .ipiitùjm'-rs à l'In-
iliislrif : I. J.fs Ivviivs. Paris, s. d.. in-4": — .\i,ri;i;n M.askkll, Jnories, Loudj'cs, H)0."), iii-X";
A. M. CusT. The Ivorv worUers of tlic iiiidille ngos {.llunilbook of the great Cra/'tsmen,
Londres, 1002, in-'l()°): — H.w.mond Koi.ciii.in. (jiieUjiies uleliers rrii'oiricrs franraifi aux xiir et
XIV sirrlf's (Cd-^i'llc (les Beinur-Aris. lOO"). 1. Il cl 100(1. 1. I, 7> ort.). — CounAJOD, Les origines
de l,'i Uenaissaiii-e (I. Il dos l.crons professées à l'École du Louvre). Paris, lOOI (p. 05); — WiL-
i.i.vM M.vsKEi.i., Ivories anciont and media'val [Svulli. Kensinglon Muséum Art Ilundbooks),
Londres, s. d., in*; — LAnAnxE, Histoire des arts industriels, 2" éd., Paris, 1872, in-4°, t. I; —
Sir DiciiY \Vy.\tt, Notice of sculplurf in ivory (Arundel Society), Londres, 1856, in-i"; —
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— DE <',iiENiNEVii;nEs, Noies d'iin ((iiiiiillnioiir sur los s<iil|iletiis cl les sculptures en ivoire,
Amiens, s. d.. in-S" (Kxtrail dr lo l'ir:inlir. rc\un lilh-iaiic cl sriciilili(iue); — Ed. Oldfield,
^1 cataloyuc of selcrt e.reiopirs ir.iri/ i-nrriiojs frnm the scrmol /.. the sijteenlh. century preserved
invarious rollertiiois ( Ariuidcl Smid \ i. I. Ii'es, 1855, in-4°. — Reproductions dans : Lenor-
MANT, Trésor il<- niiiiiisiooiiqur cl (/(■ filiiiili^iiir^ Recîieil d'ornements, 2 vol., in-fol. Paris, ISôe-
•1859. _ Rk.oi.lot, llisloiir lies aris du ilessîn avec atlas, Pai'is, 1864, in-S»; — Hefnkr-
Alteneciv. rnwhleu, Kunstwerke uiul Oeratsrboftn, des Mltlrl.iltrrs. Krancforl-surde-Moin,
1870-1880, in-lbl. (t. III et IV). elr.
Catalogues des musées. — .1. < >. Wkstwood, .1 descriptive catalogue of Ihe Fictile Ivories
iii Ihe South Kriisiiii/lnii Muséum. Londres. 1876, in-8"; — Kmile Molinier, Musée national du
Louvre. Ciiliihuiiic des Ivoires, Paris, s. d., in-8°; — Courajod et Molinier, Donation du
baron l'Iunics liurillier. Catalogue des objets exposés au musée du Louvre, Paris, 1885, gr. in-8'';
— Kijl. Musccii :.u Ilerlin. Deschreibuiir/ der Bildwerke der christlichen Epocben, 2. Auflage.
Die 'j;ifcuhcniioldircrl:c. lîcilin. 1002. iii-lol. (Y\lbum). Le te.\te de W. Voge publié sous le
iTièniP lil rr. en 100(1. in S-; — licscri plinn of the ivories aoeient and mediaeval in the South
Kensinijloii, Muscuni. wiUia pridace by William Maskell, Londres, 1872, in-8''; — Gli ivori
dei Musei profuuo c sucro dclla Bibtioteca Voiicnni. publicati dal Ijaron Ridolfo Kanzler,
Rome. 1005, in-rol.; — Koluloij des Bayrischcu \,ili,.i,ol Muséums, t. VI. Dos Mittelalter.
II. Golbisclic Allerthiinier der llaiikunst und Bildnerei, von D' HuGO Graf, unter Milwirkung
\irn D' ll.ii;or und Jos. Al. Maycr, Munich, 1896, in-S"; — Musées royaux des arts décoratifs
cl induxlcicls (de Bruxelles). Cnlologue des ivoires, des objets en nacre, en os gravé et en cire
/.( i/i/r. par ,l(]scph Destrée, conservateur, Bruxelles, 1902, in-8''; — D' G. Schaefer, Die
iJi-uliuHilcc lier t'Ifcnheinplastik des grossherzoglichen Muséums zu Darmstadt in kunstgescliieh-
lliclu'c lh(rsiclluuij, Uarmstadt, 1878. in-8"; — Bock, Das ungarische National Muséum zu
Pest, dans Mil tei'lungen der K.K.Ceulral l'nninnssim,. t. XII, p.'^llT (1867); — Mgr Voisin', Les-
ivoires du Musée Fauquet, dans Builetiu de l,i Sucicté historiijue de Tournai, t. XIV, 1870; —
Catalogue sommaire des musées de lu \'illc de l.ijiiu. Lyon, s. d., in-8°; — Fùlirer durch dus
Kestner Muséum, Hanovre, lOOi, in-8" ; — Pi;lsivY, (jutalogue of the Fejervary's ivoj'ies in the
muséum of Joseph Meyer {Unnée de Liveipool), Livcrpool, 1856, in-8°; — Darcel et Basi-
LEWSKY, Catalogue raisonné de la eollection Basilewsky, précédé d'un Essai sur les arts
industriels du i" au vi" siècle, Paris. 187i, 2 vol., in-4° (Musée de l'EIrmitage à Saint-Péters-
bourg). — Collection Carrand. aujourd'hui au Bargello, Rome, 1805, in-18. — Gerspach, La
collerlion Carrand (Les Arls\ lOOt. n" 52).
Catalogues illustrés d Expositions. — /■'.cjcisilinii ouiccrselle de 1000. Cutologue illustré
de l'L.rposition rclc,c,j,cchcc ,1c l'ucl fcnnuis dc,< nciijinçs ,, ISOO. Paris, s. d.. in-8"; — MoLI-
N1ER et Marcou, E.ci„,s(ii,,N ccicuspcciivc de lue! fcunçuis des luigines à 1800, Paris, s. d. in-
fol.;— W. Voge, die Millcluliccliclic Jllldwcri.-c. d.nis Âusslcll luuj von Kunstwerken des Mittel-
alters und der Renaissance ans Bccinirc l'cicilhcxii:.. l'.crlin, INO'.l, in Icd. : — G. ScHARF,A'o(es on
Sculpture, dans ylj'i treasures of tin l'niicl l\nir/fl,,ni from Ihc Mourhcslcr L'xhibilion.Londvcs,
1858, in-4"; — J.-B. G\rkvd. Cutabciuc dcsccipiifci cuisouuc di-s pciucipaux objets d'art ayant
figure à l'Exposition rétrospective de Lguu en 1877. L>uii, 1878. in-i'.
Catalogues et descriptions de collections privées. — G. Migeon, La collection Mailin
Lrl!(,\ i/.,-s,l,/,v. ['.m. Il" 10); — /..' cnHcclh.n Martin Leroy. Catalogue raisonné publié s,nis
la (liM'cii.Hi de .l.-.l. Maniiicl ilc Va-.sid<il : 2 f;isi-iciile. Les Ivoires, par Raynioml KiiTJilin.
Paris, 1006. iii-n,l.:— G. Migeox, La collection Duluil (Les Arts, 1002, n" 11)'; — F. Marcoi:.
La collerlion lUiluil. dans Gazette des Beaux-Arts, 1005; — J.-J. Marouet de Vasselot. La
collerlion .\rconali-\'isconti {Les Arts, 1905, n" 20) ; — P. Leprieur, La collection Bossy [Les
Arts, 1004, n»55); — La collection Spitzer, I, Les ivoires par Darcel, 1800, in-fol.: — La mllee-
tion Mannheim (Catalogue par E. Molinier), Paris, 1898, in-4"; — La collcciiun du tiurini
U//7ip)i/iei»i (Cologne), par K. Molinier, Paris, 1904, in-4'': — Die Sammluug Ilainauer (Berlin),
par K. Bode, Bcriin. 1897. in-i".
LES IVOIRKS GOTHIQUES 307
Notes sur les pièces isolées. — Le Bâton Pastoral, dans Cahier et MAr.riN. Mclmii/es
d'archéologie, t. I\": — A. I.i (Xi n, I.a \ ierge ouvrante de Boubon {Bull. Sor. m-rli. ,ln Li-
mousin, t. XXXVI, 1888, in-8»; — An. Goldschmidt, Drei Elfenbeinmadonneii, dans Das
ffamburgischc Muséum l'iif Kunsl und Geiverbe. Hambourg, 1902, in-S» : — É. Molinikk, I-a Des-
cente de Croix, groupe en ivoire du xiii' siècle conservé au Musée du Louvre. dans,V('//ioi(r.s-
et monumenls. Fondation Piol, t. III, 1890; — R. de Lasieyfue. Vierge en ivoire de la roi Ici- li( m
Bligny, dans Gazette nrchéologii/He, 188i;— Semper, Eine besondere Gmiiiic Kireiil)eni Kl.iii
paltaerchen des XIV. Jahrhunderts, dans Zeitschrift fiir chrislliche Kunst, 1898; — Scunl ri.iiN.
Gothisches Elfenbein Klappaltaerchen im South Kensington Muséum, dans Zeitschrift fier
rhristliche Kunst, 1896; — Schnltoen, Elfenljeintriptychon des XIV. Jalir. irn Privatliesitz zu
Koeln. dans Zeitschrift fiir christliehe Kunst, 1890; — Bock, Klappaltaerchen (Pcntaptychon)
des Xn'. .Jahrhunderts (Halberstadt), dans Mittheilunr/en der K. K. Central Com,mission,
t. XIII, 1808; — S.A.GLI0, Le triptyque de Saint-Sulpice du Tai'n (Mémoires et monuments l'iot).
1895; — E. Lefévre-Pontalis, Deux monuments du Musée de Vicli (Espagne), dans Société
nationale des antiquaires de France, Centenaire, Recueil des mémoires, Paris, s. d., in-l"; —
R. KoECHLiN, Un triptyque d'ivoire du xiv siècle a la bibliothè(iue d"Amiens, dans Musées
et monuments de France. I, 1900. — É. Molinier. Dipty(iue d'ivoire du xiv" siècle au Musée de
Lille, dans Album archéotor/ique des musées de Province, Paris. 1890. in-4»; — É. Moi.iMi.it,
Notes sur l'Exposition de Madrid, dans rArl. 1895, t. II. p. lô: — Sciinltc.en, Die Kiiiislhis-
torische Ausstellung in Diisseldorf. Franzosisches Ell'enbcindlplychon im Bischritlllilien
Muséum zu Mtinster. dans Zeitschrift fiir christliche Kunst, 190'2: — J. de Lahondi s. Noie
sur un diptyque d'ivoire du XIV siècle, dans Ihill. de la .•<oc. des Aniiijnaires du Midi. 1901
(p. ô'îi): — Ch. Robert. Lu diptyque d'ivoire du xiv siècle {Hccuc hist. et nrch. du. Maine.
t. \l\ï. 1880);— MoNTAioLOx, Note sur un ivoire représentant les litanies de la Vierge (/J»//.
archéolor/ic/uc. 1885. p. 115); — H. RnocAnD. L'.Vnnonciation du Musée de Langres. Hull. de la
Soc. hisi et arch. de Langres. t. IV. 190(1.
Ivoires civils. — Explicalimi de quelques bas-rcliels et Ivoires, dans Histoire de l'.ii'a-
dcniic des Inscriptions et Bclles-letlres. l'aris, 175.'j, t. XVIIl, in-4"; — U' Antomewicz. lUono-
gra|iliisi-lies zu C'.hrestien de Troyes. dans VoUmijller's Romanische l-'orschungen, t. V.
Erlangen. 1800: — 0 -M. Dalton, Two Media'val Caskets wilh subjects froin Romance,
dans The Burlington Magazine, June, lOOi; — Bock, Das Heilige Kola (n- '27 et '27 a). Leipzig.
1858, in-8": — Thomas Wright, Rcnuirks on an ivory Casket of the licginning «/' the fourteenlh
centur'j. Read at the congress of the British archaeological association .il <'.lii'<i(i- un .\iii;u-t
1849 (tirage à part). — La châtelaine de Vergi. publié par L. Brandin e( li-.icluil i-ii .iiiijl.ii^ [i.u
A. Kemp-\Val*h. Paris et Londi-r-. 1905, i'n-1-2.
Ivoires étrangers. — Alleinaiids : Paul Clicmen, Die Rheinisclte und die Westfdlische
Kunst auf der Kunsthistorischea Aiisslelluny zu Diisseldorf IW-i, Leipzig. 1905, in-fol.; — .\ti-
glais : C.-H. Read, .Note sur un miroir du British Muséum, f^roceedings of the Society of anti-
(/uaries of London, XIX, H; — Italiens : L. Jcsti, Giovanni Pisano, dans Jahrbuch der Kgl.
Preussischen Kunslsnmmlungen . 1905, p. '205: — Supino. .lf(e l'isana. Florence, 1904, iii-i": —
Ventlri, Storia delV arte italiana (t. IV). Milan, 1905, in-8": — J, von Sciilosser, Die
Werkstatt der Enibriachi in Venedig, dans Jahrbuch der hunstliistorischen Satnmlungen des
ait. Kaiserhauses (Vienne), t. XX. 1899 (voir en tète de l'article la bibliographie spéri.ilci ; —
Semper, Cher ein italienisches Beintriplychon des XIV. Jahrhunderts im Ferdinaiidiiiiii und
diesem verwandte Kunstwerke, dans Zeitschrift des Ferdinandeums, III. Folge, iO. Hell,
Innspri'ick,1890: — Molimer, Notes sur quelques selles de fabrication italienne, dans l'Art,
1885, t. XXXIV, p. '20; — E. VON Schlosser, Elfenbeinsattel des ausgehendon Mitldalleis,
dans Jalirhuch der kuiisthislorischen Sammlungcn des ait. Kaiserhauses, t. XV, W'ieii, 189i,
Falsifications. — Spielmann. .\vl Forgeries (Ivorii'SI dans Tlie Magazine of art. 1905; —
l'M 1. l!i [>KL. Le Truguage. Pari-. 191)5, in-1'2'.
Principaux catalogues de ventes oii figurent des ivoires : — Paris. — Uebnige-
Diimesnil (par Labartei. il847); SoltvUoll' il8(il); Vaisse (1885); Stein (1880);Odiot (1889);
Spilzer 1 1899): E. V. (1895); Gavet (1897): Desmottes (1900): Aniokolsky (190.5); de Bryas
1 19()5i : Schilï (1905) : Boy (1905); Schewilch i lOIIC).
Londres. — Magniac (189'2); Balcm.in ilsiGi; lliTkscher (18981: Carmichael (I90'2).
Italie. — Castellani (1884); Possenli (1879).
Allemagne. — Paul (188'2. Cologne); Thewalt 1 1905. Colnunci; lldnei Allencck (1905.
Muiiiclil; .liinck 1 190.5, Berlin): Bourgeois (I90i, (:(ilni.'nei.
Autriche. — Ilermaii Sax il895, Xieimei.
TABLE DES MATIÈRES
I^TRODICTION
l)ar André Michel
LIVRE III
FORMATION KT EXI^ANSION DE L'ART GOTHIQUE
CHAPITRE I
L'ARCHITECTliRE GOTHIOIK IX Mil SIÈCLE
par Camille Enlart
I
FRANCE
Origines et caractères généraux du style gothique, 3. — La voûte et le système
gotiiiques. A. — L'arc-boulant, 9. — Arcs et baies, roses, 11. — Supports, 15. — Bases,
chapiteaux, sculpture ornementale, fleurons, crocliets, clochetons et frontons, 15. —
Tours, clochers, flèches, corniches, balustrades, 17. — Ecoles; édifices principaux
(Le Nord: Ile-de-France, Picardie, Artois; La Normandie, La Bourgogne, La Cham-
pagne, Le Sud-Ouest, Le Midi, La Bretagne, Le Centre), 19. — Architecture civile,
militaire et monastique, 32.
II
PAYS-BAS, 4(1.
III
ALLEMAGNE
Allemagne, 46. — Empire d'Aiilriclu'. .">(>. — Russie. Finlande, ."iS.
IV
SCANDINAVIE
La Norvège. •")9. — La Suède, (il. — Le Danemaik, li.'i.
TABLE DES MATIERES
V
GRANDE-BRETAGNE
AiThil('iliii-e l'eliirioiisc. (i(l. - Arrliilcrliir<' i-i\ili' «■! iiiilil:iir(', 70.
\ I
ITALIE
Airhilectiirc irli-icuse. S(l. - Anhilcrknc civile, H'.l.
VII
SUISSE. 102.
\ III
ESPAGNE ET PORTUGAL, lll."i
IX
LORIENT LATIN
P:ilcslinc et Syrie, Il i. — Chypre. IIS. — (Irèee, 12.".,
CHAPITRE II
FORMATION KT DÉVELOl'i'EMENT DE EA SClLPÏUliE GOTHIQIE
DU MILIEU DU Xir A LA FIN DU XIII' SIÈCLE
par AMinÉ Michel, Camillk Enlaht el Emile IJkrtaux
1
LA SCULPTURE EN FRANCE
CoiisliliiUdn du proi^rainnie ieoiioi^i'iipliiipie, hJii. — La transition iln roinan
au giilliiipie, ir.O. — La statuaire des grandes cathédrales, 1 il). — La sculpture luné-
raire, ISS. — l^xpaiision de la statuaire gothiijue, l'.Mi.
II
LA SCULPTURE EN ANGLETERRE
Les origines de la sculpture anglaise, l'.i'.i. — Éjjoque romane. '201. — Epocjue
gothique, 2(l.j. — Statuaire monumentale, 210.
m
LA SCULPTURE CHRÉTIENNE EN ESPAGNE, DES ORIGINES AU XIV SIÈCLE
Les origines, 211.
La sculpture romane, 220, — L<'S cloîtres à chapiteaux historiés, 222. — Tom-
beaux romans d'Espagne, 240. — La décoration sculptée des églises, 244. — Les
portails romans d'Espagne. Types primitifs. Iniluence de l'art moresque, 244. —
Portails de style toulousain, 2.iO. — Imitations et combinaisons diverses de l'art
TABLE DES MATIERES ôll
français dans les portails romans d'Espagne, 255 — L'art lrnnc;ais et l'arl local dans
la sculpture romane d'Espagne, 204.
La sculpture monumentale en Galice à la fin du xiv siècle, 2()(i. — Le grand
porche de la cathédrale de Compostelle, 200. — La sculpture en Galice après maître
Mathieu, 272.
La sculpture française en Espagne, pendant le xin' siècle, 273. — Les grandes
cathédrales do Castille et de Léon, 275. — Les Vierges françaises en Espagne, ."ISi. —
Les archaïsmes dans la décoration des portails espagnols du xm" siècle, 2S6. —
Les tombeaux espagnols du xiri' siècle, 2'.ill.
CHAPITRE III
LES MINUTURES. - LES VlTliAlX. — LA PEIMI RE Ml RALE
par Arthur H.\seloff, Emile Màlk. (1(>m!aii uk M.vNrj.vcH, Emile Beiîtai x
I
I.A MINIATURE DANS LES PAYS CISALPINS DEPUIS LE COMMENCEMENT
DU xm JUSQU'AU MILIEU DU XIV' SIÈCLE
La minialure au xii siècle : les écoles françaises et belges, 2118. — La minia-
ture anglaise. ÏU'.l. — La miniature en Allemagne (écoles du Sud-Est; écoles du
Sud-Ouest; Souabe et .\lsace; Ras Rhin, Westphalie et Saxe, ")20.
La miniature des xiii" et xiv siècles : la miniature en France, de Phili|)pe
Auguste à la mort de saint Louis, 23',l. — Première période (I2(l0-I2.")lli : Psautiers;
Bibles. .j52. — Deuxième période, 541.
La peinture anglaise de transition, 54.J. — La peinture gothique eu Anglelerre
et en France depuis la fin du \iir jusqu'au milieu du \i\' siècle. Les débuts du réa-
lisme et du naturalisme, 550. — La miniature française ide 1270 à 1520i, 5.M. — La
miniature anglaise (de la fin du xm au milieu du xiv siècle). 555. — La minialure
française (de 1520 à 1550). 550.
La miniature allemande depuis la lin du xir jusqu'au milieu du xiv" siècle, 55i).
— La victoire du style Ijyzaiitin cl la [lénèlration de l'art gothique en Allemagne,
559. — Le style du mil siècle dans la Ihinlc-Allemagne, 505.
Il
LA PFlNTIRi: St I! M:RI!I'; et la PEINTURE .MURALE
LA PEINTURE SUR VERRE EN FRANCE
Les vitraux du \(ii sièrle. Difficulté de celte élude, 572. — [.'(■cole de (;liarlres,
572. — Une école locale : Lyon, 378. — Les vitraux de la seconde moitié du
xiii" siècle, 5811. — Les grisailles. Apparition d'une manière nouvelle, 584. — Carac-
tères généraux des vitraux du xiir siècle, 580. — Les sujets, 5SS.
Les vitraux du xiv siècle. Caractères généraux, 5112. — Ilistoiie. 5'.it.
LA PEINTURE SUR VERRE EN SUISSE
Le XIII siècle. 3it7. - Le \i\ siècle. 5'.i!<.
512 TAliLE DES MATIÈHES
LA PEINTURE DECORATIVE AU XIII ET AU XIV SIÈCLE EN FRANCE, i((l.
LA PEINTURE MURALE EN SUISSE
Éiio(nii' idiiiiiiii', 1(17. — Époque 1,'otliique, 108. - La miniature, 411.
PEINTURES MURALES DU XII SIECLE EN ESPAGNE
Devants d'aulel, lelalilcs et reli(|uaires pi'inls. IIJ.
Bibliographie, 4 lit.
CHAPITRE IV
i.A rKiMtHi-: italiknm: avaiM giotto
par ÂMiia'; I'khati';
Les traditions latines et les iniluences arecques à Rome. Mosaïques et peintures
de l'époque romane, 421. — Prédominance du hyzantinisme au début du xui' siècle.
Premiers artistes franciscains. Mosaïques du Baptistère de Florence et peintures
du Baplisière de Parme, 428. — Pavements historiés de l'Italie du Nord, 450. —
Crucifix et Matlones de tradition byzantine. Les premiers peintres pisans, lucquois,
siennois et llorentins. Les premières fresques d'Assise, 431. — Les sources de
riiistoire de la peinture italienne. Vasari. ITiS. — Les mosaïstes llorentins. Cima-
bué, i.ll». — Les mosaïstes romains. Cavallini et Torriti, 44.j. — L'école toscane et
l'école romaine à Assise, 4ô0.
BiBLiocnAPniE. 4Ô7.
CHAPITRE V
LES IVOIRES GUTIIIQLIES
par Raymond Koechlin
Les ivoires liothiques, 400.
Les ivoires religieux français : La lin du \iir sièilc il li' commencement
du xi\ , 464. — Le plein xiv siècle, 172. — La seconde moitié du xiv siècle et
le x\', 181.
Les ivoii'es civils français. 400.
Les ivoires l'Irangers, 4118. — L'Espagne, j02. - L'Italie. ."lO.".
BlIlLIOLUiAI'lllE. ÔOÔ.
TABLE DES GRAVURES
DANS LE TEXTE
FiG. 1. — Chœur de lY-glise de Ouesmy (Oise) 5
— 2. — Arc-boutant de la cathédrale de Chartres 0
— 3. — Systèmes de moiiluratioii 7
— 4. — Chœur de Saint-Germaindes-Prés il
— 5. — Coupe de la cathédrale d'Auxerre 1 1
— 6. — Nef de la cathédrale de Chartres 12
— 7. — Coupe de la cathédrale de Laon 13
— 8. — Intérieur de la cathédrale de Laon 14
— 0. — Chapelle du château de Saint-Germain-eii-Laye li
— tO. — Intérieur de la cathédrale de Troyes i:>
— tl. — Chapiteau de Notre-Danie-en-Vaux iChàloiis-sur-Marne) Ki
— l'2. — Chapiteau provenant de Saint-Urbain de Troyes 17
— 15. — Flèche de Vcrnouillet 18
— 14. — Plan de la cathédrale de Laon lii
— to. — Plan de Notre-Dame de Paris 20
— IG. — Façade de Notre-Dame de Paris à l'époque des premières restau-
rations de ^■iollet-le-Duc 21
— 17. — Coupe de la cathédrale de Heauvais 2-2
— 18. — Façade de la cathédrale d'Amiens 25
— lu. — Cathédrale de Bourges, portail occidental 24
— 20. — Chceur de Sainl-Remi de Reims 27
— 21. — Plan de la cathédrale de Soissons 27
— 22. — Plan de Saint-Yved de Braisne 28
— 25. -- Saint-Serge d'Angers 20
— 24. -— Saint-Dominifiue de Bonifacio (Corse) 31
— 25. — Cloître de Noirlac (Cher) ,—,
— 20. — Pont de Valoniré, à Cahors -,.i
— 27. — Salle cai)ilidairc de rilolel Dieu de Provins 5j
— 28. — (Irande .salle de l'Hôpital de 'l'onnerre 5(i
— 29. — llotel Vauluisant, ;'i Provins .-,7
-- 50. — Remparts de Carcassonnc 38
— 51. — Donjon de Coucy jy
— 52. — Chœur et nel'de Sainl-.Marliu (lYprcs 43
— 55. -- Les Halles d'Ypres .44
— 54. — Plan de la cathédrale dllrecht 45
— 35. — Coupe de Winipfcii-iiu-'riial 47
T. II. — 05
514 TAIiLE DES GlîAVUHKS
l'ilR.'S.
l'"iG. 5(i. — Nef (le Sainl-Si^hiilil (le Nurombery: -W
— 57. — Calhcdralc de Mogdeboiirtj 51
— 58. — Nolre-Daiiic de Trêves 55
— 59. — Calhédi-ale de Cologne 54
— iO. — Plan de Saiiitc-Élisabelli de Marboiirg 55
— 41. — Saint-Martin doCasso\ir 51)
— 42. — Cathédrale do Liniid'piniif 60
— 45. — Chœur de la calliédralc de l'Iirondjein (il
— 44. — Palais royal de Bergen 02
— 45. — Église abbatiale de Warrdiein 02
— 46. — Cathédrale d'Upsal 65
— 47. — Cathédrale de Hœskildc 04
— 48. — Cathédrale de Durham 00
— 49. — Cathédrale de Peterborough 07
— 50. — Église abbatiale de Lindisl'arne 08
— 51. — Église abbatiale de Roche 09
— 52. — Chœur de la cathédrale de Canterbnry 70
— 53. — Détails du transept de la cathédrale de Lincoln 74
— 54. — Portail S. -E. de la cathédrale de Lincoln 75
— 55. — Plan de la cathédrale d'York 76
— 56. — Calhéilrale de Salisbury 7 7
— 57. — Eglise de Fountains Abbey 78
— 58. — Les celliers de Fountains Abbey 79
-- 59. — Église abbatiale de Fossanova 85
— 00. — Église de Casamoni 84
— 01. — Église de Saint-Galgano 84
— 02. — Église abbatiale de San Martino, près Viterl)o 85
— 05. — Coupe de la cathédrale de Sienne 87
— 0 4. — Cathédrale de Sienne 88
— 05. — Salle capitulaire de Saint-André de V'erceii 89
— 00. — Plan de Saint-François d'Assise 92
— 07. — Déambulatoire de Saint-Laurent de Naples 95
— 08. — Saint-Sauveur, prés Lavagna 90
— 09. — Coupe de Sainte-.Anaslasie de Vérone 98
— 70. — Palais de la Seigneurie, à Sienne 99
— 71. — Fontaine sur la Place du Munieipe, à Pérouse 101
— 72. — Cathédrale de Lausanne' 105
— 75. — Salle basse du château de Chillon Mil
— 74. — Église abbatiale d'Alcobaya 100
— 75. — Ancienne cathédrale de Salamanque 107
— 70. — Lanterne de l'église de Toro IIIS
— 77. — Plan de la cathédrale de Tolède 109
— 78. — Transept de la cathédrale de Tolède 110
— 79. — Bas côtés de la cathédrale de Léon III
— 80. - Portail de la cathédrale de Léon 115
— M. — Portail de l'église de Gaza II5
— 82. — Château de Margat 1!5
— 85. — Château de Safita 110
— 84. — Portique intérieur du château d'Hossn el Akrad 110
— 85. — Ancien portail de la cathédrale de Saint-Jean d'.\cre 117
— 80. — Cathédrale de Nicosie 119
— 87. — Ruines de la grande salle du château de Sainl-llilarion 122
— 88. — La Grammaire, la Musique (Chartres) 128
— 89. — Portail hiléral île la callir,lr;ile du Mans 151
TAHLE DES GRAVURES 515
FiG.OO. — Statue de reine provenant de Notre-Dame (le Corbeil loi
— 01. — Portail méridional de Notre-Dame d'Étampes lôS
— 92. — Christ en majesté (Chartres) l,"(i
— 95. — Tympan de la porte Sainte-Anne i. Notre-Dame de Paris i 157
— 9i. — Évoque et deux acolytes, has-relief (Reims) 157
— 95. — Cul-de-lampe (Saint-Remi de Reims) 15S
— 96. — Ruste du scribe de la porte Sainte-Anne (Notre-Dame de Paris) . . 159
— 97. — Ras-relief du transept septentrional de la cathédrale de Reims . . 141
— 98. — Mort et Résurrection de la N'ierge (Notre-Dame de Sentis) .... 142
— • 99. — Moi't, Résurrection et Couronnement de la Vierge (Chartres! . . . lii
— 100. — Résurrection et Couronnement de la ^'ierge (Notre-Dame de
Paris 1 145
— 101. — Ea Merge et l'Enfant (Notre-Dame tl'Amiens) 140
— 102. — L'Annonciation, la Visitation et la Présentation auTempIe (Amiens). 147
— 105. — Ras-reliefs symboliques se rapportant à la Vierge (Amiens) . . . . 148
— 104. — .\nge de la cathédrale de Reims 149
— III"'. — Ange de la cathédrale de Reims 150
— 100. — L'Annonciation et la Visitation (Reims) loi
— 107. — Fragment d'une stèle grecque 152
— 108. — La Vierge de la Msitation (Reims) 153
— 109. — Saint Joseph (Reimsi 154
— 110. — La Vierge (Notre-Dame de Paris) 155
— 111. — \ierge de la Porte dorée (.\miensi 15(1
— 112. — La Vierge (porte centrale de Reimsi 157
— 115. — Trumeau et ébrasement du porlail de NiUeneuve rArchevi'que
(Vonne) 158
— 114. — Tympan de la porte gauche de la cathédrale d'Auxerre 159
— 115. — Adoration des Mages (chapelle archiépiscopale, Reims) 100
— 116. — Couronnement de la Vierge (Auxerre) Kil
— 117. — Les Rois Mages avertis par l'ange (Chartresi 161
— 118. — Saint Mathieu écrivant sous la dictée de l'ange (bas-relief prove-
nant de Chartres) 102
— 119. — Le Raiser de Judas, fragment du jubé de liourges (Musée du
Louvre) 103
— 120. — Le Christ enseignant (Chartres) 164
— 121. — Le I Reau Dieu » d'Amiens 105
— 122. — Ruste du i Reau Dieu » d'Amiens 166
— 123. — Apôtres du portail de La Couture (Le Mans) 167
— 124. — Porte Saint-Jean, cathédrale de Rouen 168
— 125. — Têtes de sainte Geneviève et d'un ange (jadis au portail de Sainte-
Geneviève) 169
— 126. — Saint Firmin (Amiens) 170
— 127. — Saint Martin, saint Jérôme, saint Grégoire (Chartres) 170
— 128. — Partie inférieure de la statue do saint Grégoire-le-Grand iCharfresi. 171
— 129. — Saint Théodore (Chartres) 171
— 150. — Statue en bois de la 1" moitié du xiii' siècle (Musée du Louvre) . 172
— 131. — La Synagogue, et rose du transept méridional de la cathédrale de
Reims 175
— 152. — .Apôtre portant la croix de consécration i Sainte-Cliapellei) .... 17i
— 155. — Figurine sculptée à l'archivolte de la rose du transept méridional
(Reims) 175
— 154. — Cul-de-lampe (Reims) 176
— 133. — Cul de-lampe (Reims) 170
— 156. — Portail de Saint-Élienne de Sens 177
MO TAHI.E DES GRAVURES
Pages.
Fie. 157. — Scpl.einbrc, Octobre, Novembre (Amiens) 178
— 158. — Communion, prédication et martyre de saint Élienne (Notre-Dame
de Paris) 17it
15'.). — Légendes de saint Thomas (église de Semuri 18M
- 110. — Octobre (Notre-Dame de Paris! lîSl
— 141. — La Lâcheté (Notre-Dame de Pari.s) ISl
- \i-l. — La Dureté (.Notre-Dame de Paris i 1X1
— 1 15. — La (îenèse (Chartres) IS'J
— 144. — La Genèse (Bourges) 185
— 145. — La Genèse (Aiixerre) 184
— 140. — Arts libéraux et Bestiaire (Sensi 185
— 147. — Arts libéraux (Auxerre) 180
— 148. — Jugement dernier { Chartres! 187
— 140. — Fragment de voussures de la porte du Jugement (Notre-Dame de
Paris! 188
— 150. — iM'agment de l'ancien jubé de .Notre-Dame de Paris (Musée du
Louvre! In!'
— 151. — Tombeau du xii° siècle, église de Chamalières ( Hnute-Loirc) , . . l'jn
— 152. — Tombe d'Evrard de Fouilloy (.Vmiens! l'.il
— 155. — Tombeau de Févôque Radulphe, à Saint-Nazaire de Carcassonne. lil'i
— 154. — Statues tombales à l'abbaye de Saint-Denis 195
— 155. — Cénotaphe de Dagobert (Saint-Denis) I'.l5
— 150. — l'ragment du cénotaphe de Saint-Étienne d'obazine ....... 194
— 157. — Portail de l'église d'Ambronay (Ain! . Iil5
— 158. — Porche delà cathédrale de Lausanne 190
— 150. — Portail d'une ancienne église de Dax 107
— 100. — Détail de la croix de Beweastle l'.iu
— 101. — lias-relief in'ovcnant de Selsea (catliéilralr (le (Jiichesleri 'Jdl
— lO'i. — Frise de la l'açade occidentale de la ealliédr.'de de Lincoln 20'2
— 105. — Détail de la croix de Kellœ 205
— 104. — Portail occidental de la cathédrale de Rochester 204
— 105. — Statue de Moïse provenant de Sainte-Marie d'York 205
— 100. — Tombeau d'évécjue dans la cathédrale de Worcester '. 207
— 107. — Efligie funéraire do Guillaume de Valence, à Westminster .... 209
— 108. — Tomiieau prétendu de Robert, duc de Normandie, à Glouccster. . 200
— 100. — Noé construisant l'arche (cathédrale de Wells) 210
— 170, — Arcalures de la cathédrale de Winchester 211
— 171. - Chapiteau de la cathédrale d'York 212
— 172. — Chapiteau du chœur de la cathédrale de Wells 212
— 175, — Détail du portail du Chœur des Anges (cathédrale de Lincoln) . . 215
— 174. — Les jeux du Cirque, bas-relief de S, Miguel de Lino, près d'Oviedo, 217
— 175, — Cuve baptismale de S. Isidro de Léon 219
~ 170. — Chapiteaux du cloître de S. Domingo de Silos 221
-- 177. — Chapiteaux de la lin du xi* siècle (cloître de S. Domingo de Silos). 222
— 178. — Chapiteaux de la fin du xi' siècle (cloître de S. Domingo de Silos). 225
— 179. — Descente de Croix, bas-relief (cloître de S. Domingo de Silos! . . 224
— 180. — Les Saintes Femmes au Tombeau (cloître de S. Domingo de Silos). 225
— 181. — L'Incrédulité de saint Thomas (cloître de S. Domingo de Silos). . 220
~ 182. — Annonciation et Couronnement de la Vierge (cloître de S. Do-
mingo de Silos) 228
— 185. — Chapiteau du cloître de Ripoll 229
— 184. — Chapiteau du cloître de San Pedro et \iejo, à Huesca 250
— 185. — La Flagellation, chapiteau du cloître di' San Pedro el N iejo, à
Huesca 251
TABLE DES GRAVURES SH
Pages.
FiG. 186. — La Résurrection du Christ, chapiteau de l'ancien cloître de la
cathédrale de Panipelune 2,>2
— 187. — Noii me tnngere. chapiteau du lioitre de San Pedro la Rua. à
Estella 2r)5
— 188. — Cloître de San Père de Galligans, à Gérone 255
— 180. — Tailleurs de pierre (cloître de la cathédrale de Gérone) 250
— 190. — LWdoration des Mages, chapiteau du cloître delà cathédrale de
Tai'ragone 2.37
— 191. — Cloître de Santiilana de Mar 259
— 192. — Deux Apôtres, fragment de l'ancien cloître de la cathédrale
d'Oviedo 241
— 195. — Sarcophage de Dofia Blanca (monaslére de Xàjerai 21-2
— 194. — Tombeau d'un Templier (église de la Magilalena. à Zàmora) . . . 245
— 195. — Chapiteau de Frômista 24i
— 196. — Portail dit de l'Évéque, à la cathédrale de Zàmora ■ 245
— 197. — Porte du Palais, à la cathédrale de Valence 247
— 108. — Portail de l'église de San Pedro, à Iluesca 248
— 100. — Tympan d'une porte latérale de S. Isidro de Léon 240
— iiio. — La Puerta de Platerias. cathédrale de Compostelle 251
— 201. — Le Créateur et Adam, le roi David, has-reliefs provenant de la
cathédrale de Compostelle 255
— 2iV2. — Le signe du Lion, di'tail d'un bas-relief de la cathédrale de Com-
postelle 255
— 205. — Les signes du Lion et du Bélier, fragment provenant de Saint-
Sernin de Toulouse 25 i
— 204. — Porte de l'église de Ripoll 257
— 205. — Façade de Santa Maria la Real, à Sangiiesa 259
— 200. — Portail de S. Tome de Soria 261
— 207. — L'Annonciation, portail latéral de S. Aincente d'Avila 205
— 208. — Prophètes du portique de la Gloire. Compostelle 267
— 209. — Séparation des élus et des damnés, porche de Compostelle .... 269
— 210. — Portail du Sarmental (cathédrale de Burgos) 275
— 211. — Porte du cloître delà cathédrale de Burgos 277
— 212. — Un roi et une reine de Castille (cloître de la cathédrale de Burgos. 270
— 215. — Tombeau de la reine Dona Berenguela (monastère de Las Huelgas). 280
— 214. — Portail de la cathédrale de Burgo de Osma 281
— 215. — La Mort et le Couronnement de la Vierge (cathédrale de Léon) . . 282
— 210. — Les Élus à l'entrée du Paradis (cathédrale de Léoni 285
— 217. — Nuestra Sefiora la Blanca (cathédrale de Léon) 284
— 218. — Portail de la cathédrale de Toro 285
— 210. — La Vierge de Solsona 280
— 220. — Saint Jean-Baptiste, statue en bois peint (église d'Albocacert. . . 287
— 221. — Détails du grand portail de la cathédrale de Tudela 288
— 222. — Portail de l'église d'Agramunt 280
— 225. — Portail de San Roman, à Cirauqui 200
— 224. — Tombeau dune infante dans l'église de Nillasirga 291
— 225. — Tombeau du clianti-c Sparicio dans la vieille cathédrale de Sala-
nian(|ue 295
— 226. — Tombeaux du xiv" siècle, dans l'église de San Estébaii, à Cuellar. 295
— 227. — Le roi David {Bible de l'abbé Élienne llanling) 299
— 228. — Miniature des Dialogues de Conrad de Ilirsan 501
— 229. — Scènes de la vie de Job (iJi'6/e (fé ra66ai/e (/c F/o)r//"c) 502
— 250. — Miniature des Grer/orii Moralia in Job 505
— 251. — Lettre initiale dune Bible de Saint-Berlin 504
518 TAHLIi DES GRAVURES
Pages.
Fi(;.2")2. — Miniature des Commentaires do saint Jérôme sur Jéivinie .... 305
— 2")."), — Frontispice du maunscrit du Livre de saint Augustin sur la
Trinité r.dii
— 2")i. — Le |)a|)e Irhain 11 consacrant Lautel de Cluny 7>{)'i
— 23o. — Lettre initiale des Commentaires de Pierre Lomijard TiOS
— 230. — Lettre initiale du psautier de l'abbaye de Saint-Albans 311
— 257. — Miuiatuiv du |)sautier de l'abbaye de Saint-Albans 312
— 258. — Miniature du psautier d'Eadwin 513
— 259. — Miniature du psautier écrit pour Henry de Blois 514
— 240. — Miniature de la Bible de la cathédrale de Winchester 515
— 241. — Miniature du psautier de l'abbaye de Westminster 517
— 242. — Esquisse d'une miniature pour le Psaume CIX 517
— 245. — Miniature pour le Psaume XLIIl 318
— 244. — L'Enfer, page d'un psautier 320
— 245. — Miniature du Lectionnaire de sainte Ehrentrude de Salzbourg . . 321
— 246. — Miniature du Kaleiularhnn Nccrolorjiciim de l'abbaye Obermiinster
de Ratisbonne 323
— 247. — Crucifixion symbolique, miniature de VHorlus Deliciarum 324
— 248. — L'Annonciation à Zacharie (missel de l'abbr Berlhold) 323
— 249. — Mort de la Vierge, miniature d'un Péricope attribué à l'école
rhénane 327
— 250. — Les Saintes Femmes au Tombeau (missel du pn'Irc Henri) .... 328
— 251. — Arbre de Jessé (psautier de la reine Ingeburge) 332
— 252. — Mort et Couronnement de la Vierge (psautier dit de Blanclte de
Caslille) 555
— 255. — Miniature du psautier tle la reine Jeanne de Navarre 554
— 254. — Miniature de la Bihle moralisée 557
— 255. — Le Christ créateur (Srt^e moraii'see) 559
— 256. — Crucifixion (missel d'Anchin) 541
— 257. — Abraham et Melchisédec (psautier de saint Louis) 545
— 258. — Miniature du second psautier de saint I^ouis ou d'Isabelle de
France 544
— 259. — Crucifixion (psautier de Rohert de Lindeseije) 346
— 260. — Miniature de l'Histoire de la Conquête de l'Angleterre 347
— 261. — Le Dragon à sept tètes précipité dans l'enfer, miniature de l'.Apo-
calypse 548
— 262. — Miniature du psautier d'Etienne de Saci 349
— 263. - .Miniature d'un lectionnaire 551
— 264. — La femme de Putiphar (psautier de la reine Marie) 554
— 265. — Baptême du Christ (/)sau<jer d'//erm(()n( rfe Thurinije) 560
— 266. — Crucifixion (missel de Semeko) 501
— 267. — Miniature d'une Bible de la région du lîas-Rhin 562
— 268. — Miniature du niatutinal de l'abbé Conrad 563
— 209. — .Miniature du psautier de Munich 365
— 270. — Crucifixion (psautier de Besançon) 366
— 271. — Illustration du Voyage à Rome de l'empereur Henri \ 111 568
— 272. — Miniature de la Chronique Universelle 569
— 273. — Miniature d'un manuscrit des Minnesiinger 570
— 274. — Vitrail de Charlemagne, fragment (Chartres) 573
— 275. — Légende de saint Eustache, fragment de vitrail iChartresi 575
— 270. ~ Parabole du Bon Samaritain, vitrail de Sens 576
— 277. — Isaïe portant saint Mathieu, vitrail de Chartres 577
— 278. — Mort de saint Jean, vitrail de Lyon 578
L'Annonciation, vitrail de Lyon 579
279.
TA15LE DES (iUA\ URES oli)
Fii;.'2S0. — Vitrail de sainte Anne cl de saiiil Joachini iLc Mansi r)85
— '281. — [/Annonciation, vitrail de Laon 387
— 282. — Vitrail synijjoliquc de liourges ."Si)
— 285. — Juif marquant d'un lun la porte de sa maison "i'.io
— 284. — Vitrail de l'église de Kappel iZurichi .')'.)0
— 285. — Vitrail de Téglise de Kônigsfelden lArgovie) 400
— 28f;. — La Fuite en Egypte (Petit-Ouevilly, S. 1.) 40".
— 287. — Scène tirée d'un roman de chevalerie (château de Saint-Florelj. . . Wb
— 288. — Vierge encensée par des anges (cathédrale lie Clcrmonl) 4(l(i
— 289. — Fragment du plafond de l'église de Zillis (Grisons) 4i)0
— 290. — Peintures murales du mv siècle dans l'église du « Crislo de la
Luz j>, à Tolède 415
— 291. — Fresques du nartlio.\ de San Isidro de Léon 414
— 292. — Retable du XI" siècle (Musée archiépiscopal de Vieil) 4lfi
— 293. — Fragment d'un panneau de retable du xir siècle (Musée archiépis-
copal de Vieil) 417
- 294. — Mosaïque absidale de .Santa .Maria .Nuuva (partie centrale i 424
— 295. — Mosa'ique absidale de Sainte-Maric-du-Transtévère 425
— 296 — La Donation de Constantin, frescjue de la chapelle de Saint-
Silveslrc 428
— 297. — Madone, par Guido de Sienne 434
— 298 — Basilique inférieure de Saint-Fraii(:ois d'Assise, vue de lentrée. . 437
— 299. — Mosaïque de la coupole du l!ai>tislére de Florence 411
— 500. — Madone, par Cimabué 442
— 501. — Tète du Christ, par Pietro Cavalliiii 410
— Ô02. — Mosaïque absidale de Sainte -Marie-Majeure 449
— 303. — Madone entourée d'anges, par Cimabué 451
— 304. — Basilique supérieure de Saint-François d'Assise 452
— 305. — Détail du triforium de la basilique supéi'ieure de Saint-Fi-ançois
d'.\ssise i54
— 500. — Le Baiser de Judas (Saint-François d Assise) 450
— 507. — La \'ierge et l'Enfant, ivoire français (Hambourg) 405
— 508. — La ^"ierge et l'Enfant, ivoire français (Cluny) 400
— 309. — Le Couronnement de la Vierge, ivoire français 407
- 510. — L'.\nge de l'Annonciation, ivoire français 108
— 511. — La Vierge de l'Annonciation, ivoir'(> français lOS
— 512. — Diptyque dit du Trésor de la cathédrale de Soissons 409
— 515. — La ^'iel■ge dite de la Sainle-("hapelle 171
— 514. — Triptyque, ivoire français (Rerlim t70
— 515. — Triptyque provenant de Saint-.Sulpice-du-rarn 477
— 510.— La -Mort. l'Assomption et le CouronnenuMil de la \ ieige. ivoiie
français 179
— 517. — La .Nativité, ivoire français 480
— 518. — Le Christ entre les Larrons, ivoire français 480
— 519. ■- La Vierge et l'Enfant, ivoire français 482
— 520. — La Nativité, le Jugement dernier, ivoire français 483
— 521. — La Vierge entre deux anges et deux saintes, ivoire français. . . . 4S4
— 522. — Crosse, ivoire fi-ançais 485
— 5-25. — Diptyque de la Passion, ivoire français 480
— 524. — Diptyque, ivoire français 487
— 525. — Scènes de la Passion, ivoire français d6cou|)é 488
— 520. — L'.Vnnonciation, ivoire français 489
— 527. — La .Main chaude, le jeu de la Jlourre, ivoire fraiiçai> 491
— 528. — La Chevauchée, ivoire français 493
TABLE DES PLANCHES
Fie,.."'.".). — l/liisidire (le Pcri-cval. ivoiie français 40.">
— L(! .Icu dVxliccs (Hiioii de Bordeaux), iviiire fianrais 197
— Triptyque, ivoire anglais ,"i01
— La ^'iergc et lEnl'anl, ivoire italien attribué à <iiovanni Pisano.. . r>0."
— Cofïrcl, art italien (atelier des Enibriacliii .jO-i
TABLE DES PLANCHES
lions TEXTE
PLANCHE 1. — Cathédrai-h he Heims, porte noru m-: la fai;aiii-: (p. i'S-'Jfl).
— H. — PoIlTAIL IlE LA CATHÉDRALE DE TrACI (DaLMATI E ] (p. ÔO-jTl.
— 111. — La Présentation au Temple (porte centrale ue la façade de
LA cathédrale de PiEIMS (p. 154-1.'),^)).
— 1\'. — Illustrations du Psaumi: CIX (psautier de I!oi;ki:t di; (»rjii;sbv)
(p. :..■)(; ."57 1.
— \'. — Déposition de croi.x. i\oiri-. (Ecoli; français!-:! (|i. i(i(i-Uni.
KlinATA
AU TOJIE 11 PIŒMIEliK l'AIITIE
Page 92, légende de l;i gi;ivuie. .-lu lii'u de : /•'/;;. (i.j. tire : /'/;/. llli.
Page 185, légende de la i^r.n uic, ;iu lieu de : Àils lihriuu.r ,•/ hnsHhiirc [snnhnxsemcnL
de lu naJtèdviilc i/c /<7c;>-). lii'e : Arts lihrmu.r cl la'sli.iirc {muhassniirnl de lu ralln-ilralc de Sc/!.<:).
54 5l>'.). — Imprimerie Laulre, 9, rue de Fteurus, à P.
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N Mchel, André
5300 Histoire de l'art depuis les
M63 premiers temps chrétiens jusqu'à
V, 2 nos jours
pt. 1
cop, 2