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Full text of "Histoire de l'art depuis les premiers temps chrétiens jusqu'à nos jours"

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HISTOIRE  DE  L  ART 


TOME    DEUXIEME 


'REMTERE  PARTIE 


ONT   COLLABORÉ   AU    TOME  DEUXIEME   : 

l',Mii,i;    lii;iiTAUx,  aucicn    mcmhic  tic   l'Ecole    fiïuiiaisc   de   IVonie, 
piofessoiir  i\  riJniversilé  de  Lvon. 

lli-.Niii   DoLciioT,  munibre  de   rinslitiit, 
Cdiiheivaleiir    du    Cabinet,    des    Estampes    à    la    liibliolliè(|uc    ^aliollale. 

C"    Paul   Duiuuku,    ancien    inendjre   de    ri'.eole   française   de   Home, 
Conservalenr   lionoiaiie   au    Musée   du    Louvre. 

Camille    Emaut,    ancien    membre    de    l'Ecole    française  de    Home, 
Dirccleur  du  Musée  de  sculpture  comparée. 

.I.-J.    Grnrnr.^,    mendire    de    l'inslilul. 
Administrateur   de    la   Manulaclure    nationale    des   Gobelins. 

AiiTiiuR    Haseloff,   secrétaire  de   l'Institut  archéologique    allemand  de  Rome. 

Clément    Heaton,    peintre-verrier. 

Raymond    Kœchlin. 

Emile  Mâle,    docteur   es    lettres,    professeur    au    lycée    Louis-le-Grand. 

CoNiiAD    DE    Mandac.h,    privat-doceiit    ;i    l'Université    de   Genève. 

J.-J.    MAnguET  DE  Vasselot,   attaclié  au  Musée  du   Louvre. 

Andhé   Michel,  Conservateur  aux  Musée; 
professeur   à    l'Ecole   du    Louvre. 

André  Péiiaté,   ancien  membre  de   l'Ecole  française  de  Rome, 
(Conservateur  adjoint  du  Musée  de  Versailles. 

Maluice    I'rol,    professeur   ii    l'Ecole   des   Chartes. 


5.'(5Gg.  —  Imprimerie  Lahuhe,  rue  de  Fie 


^4^AK 


Histoire  de  l'Art 

DEPUIS  LES   PREMIERS  TEMPS  CHRÉTIENS 
JUSQU'A  NOS  JOURS 


Publiée    sous    la    direclion    de 

ANDRE   MICHEL 

Conservateur  aii\  ifiis.'es  n;ihnn:in\.   Pinfi^sseur  à  l'Éiole  ilii  Luuvre 


TOMK    II 

Formation,   expansion   et  évolution 
de   l'Art  Gothique 

l'REMIÈHK    l'AISTIK 


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I.IBRAIlilE    AliiMAMi    lAtlAK  f  Z  i 


-'0  2. 


PARIS,    5,    RUE     DE     MÉZIÈRES  **     _  /    ff  /  ^f 


iUUO 

TiMis  ilriiils  réserves 


Droils  lie  Inuliirtirm  el  do  reproclui^lion  rcsprvés  pour  Ions  les  pnys, 
y  compris  la  Hollamlc. 


Puljlislicd  Mardi  5.  nincleen  hundred  and  six. 

Privilège  of  Copyriglil  in  the  Uniled    Slates   rcserved, 

nndcr  llie  Act  apprnved  Mardi  ô.  1905. 

I)y  Mn\  Ledcrc  :ind  II.  Rni.rrolicr.  proprielnrs  of  Librairie  Armand  Colin. 


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TRODLCTION 


«  Gothique  signifie  figuréincnl  grossier,  dit  le  dictionnaire  de  Tré- 
voux au  mot  .IctA/^r/Hrc:  rarchiteclure  gothique  est  celle  qui  est  la  plus 
éloignée  des  proportions  anliipu's.  sans  correction  di'  jirolil  ni  dr  liuu 
goût  dans  les  ornements  chimériques.  ..  Et  cette  définition  est  complétée 
par  deux  exemples,  l'un  de  la  GrminiKiirc  de  l'oil-Royal  :  ■■  Pour  ceux  qui 
n'ont  la  mémoire  pleine  que  de  mau\ais  mois,  leurs  jtensr'cs  se  i'('\(MaMl 
d'expressions  prennent  natiuvllcmcnl  un  air  gothique  »:  —  I  autre  de  I-'('-li- 
hien  :  <■  Ghirlandajo,  maître  de  Michel-Ange,  avait  une  manière  gothiipie  .>. 
C'est,  en  quelques  lignes,  toute  la  pensée  de  l'âge  classique  sur  les  monu- 
ments du  moyen  âge  :  ils  sont  le  produit  des  invasions  barbares,  de  ce 
que  les  Italiens,  nos  maîtres  d'esthétique  depuis  le  xvi"  siècle,  ont  appi'lé 
ignominieusement  i>  maniera  tedesca  »  ou  <'  golica  ». 

Dès  le  lendemain  de  la  Renaissance,  on  peut  suivre,  comme  jonrà 
jour,  chez  les  écrivains  français,  l'inintelligence  croissante  de  lart  des 
cathédrales.  Montaigne  est  encore  vaguement  c  touché  de  quelque  révé- 
rence à  considérer  la  vastité  sombre  de  nos  églises  »,  mais  il  est  plutôt 
rebuté  par  leur  mystère  inquiétant.  Philibert  Delormc  ne  veut  |)as  ..  des- 
priser »  cette  architecture  <■  appcicc  cuhr  les  ouvriers  la  mode  frmieoise  •<:  il 
confesse  même  qu'on  "  y  a  taiet  et  pialiqné  de  fort  bons  traicts  el  dilli- 
ciles  »,  mais  «  aujourd'hui  ceux  qui  ont  quelque  connaissance  de  la  mnie 
nrchitechrre  »  ne  suivent  plus  cette  façon.  Du  moins  en  avait-il.  pour  son 
conqile,  savamment  appliqué  les  méthodes,  conum^  il  le  pi-ouva  ([luuul 
il  relit  les  voCdes  de  Vincennes. 

Après  lui,  l'incompréhension  et  h'  mépris  \(nil  de  pair.  Boilean, 
pour  ipii  le   moyen  Age  se  prolonge  juscpi'à  .Malherbe.  Ilétiit  les  idylles 

T.  11.  —  a 


Il  INTHODUCTIOX 

"  i;'ollii(|U('.s  il  (le  lioiiMii'tl  ;  .Mdlirrc.  ({iniml  il  \;i  :iiliiiircr  les  jiciiil  uicn  de 
sdii  iiiiii  Miuiiiiid  ;ui  \  ;il-(Je-GrAc(!,  ne  luaiKiiic  pas,  en  |iassaiil  drxaiil 
?Sotr(-l)aiu(',  (le  lailliT  m  des  vers  délcslahlcs  : 

Le  l'adc  ffoùl  des  nioiiiiiiicnts  tîoUiicjues, 

Ces  monslres  odieux  des  sièeles  ignorants 
One  de  la  barbarie  ont  vomis  les  lorrenls, 
Oiiand  leur  cours  inondant  pres([ui'  lonic  la  leire 
l'^it  à  la  politesse  une  mortelle  guerre 
i;i  dr  la  grande  Home  abattant  les  remparts 
\  inl.  a\ee  son  em]iire,  éloidVer  les  b(\'uix-arls  ! 

I.ii  |liii\  i-ic  n  i'>l  |ia>  iiKiiiis  sévère  :  "  (  hi  a  ilii  lai  rr  du  si  \  Ir  rc  (|ii  dii  a 
lail  i\f  rarcliilrrjiirc' :  mi  a  ciil  irrruiiiil  aliaiiddiiiii'  rurdrr  L;olliii|iic  (|iir  la 
barliarir  a\ail  iiiliodiiil  |mmii'  lr>  |ialai>  ri  |iniii-  le-.  Iriii|dr>,.  "  iiaciiie. 
passaiil  à  ( '.lia  il  ir>.  (•(■ril  :  >  La  cal  iM^lialr  dr  ( '.hai-l  res  e>l  gralidr.  mais 
un  iirii  liarliair  -.  l'oiir  _Miiiili'>i|iiirii ,  ■  un  iiiniiiiiiirnl  iJ  ordre  iiollii(|ue  est 
une  i>|iric  dViiii:iuc  |i(pur  l'n-il  (|iii  le  \nil.  el  l'àme  r>l  emltarrasséc 
eoniiiie  (|iiand  <iii  lui  |ir(''senk'  un  |H)èiiii'  obscur  ».  Jean-Jac<|uc>  liousseau 
[Lcllrcs  sur  la  iiiitsi(iur  friiiiraisc  conrondra  dans  le  même  déd;iin  •■  les 
conln^-l'iiti-nes,  doiiiiles  fugues,  ruguc>  icii\  ci-m'cs  et  antres  sottises  dil'll- 
ciles  (pic  l'urcillc  ne  pcul  MUillVir  cl  (pic  la  laixiii  ne  pciil  iii>lilicr  •■ ,  t-l 
ces  rolc^'  de  barliai'ic  cl  de  iiiaii\ai>  gmil.  ■  les  jKirldils  ilr  mis  rr/lisi'x 
(Itillnijucs.  ipii  ne  >iili>i>lciil  ipie  polir  la  lioiile  de  ceux  (pii  oui  cil  la 
palieiice  de  |e>  lairc  .  Il  ne  rolail  plus  ipià  Icn  diMiiolir.  Les  -  gens  de 
goùl   "  n  y  iiianipii'i'cnl  pas. 

l.e>  clianoines  du  wm''  siècle,  grands  eniiciiii>  des  jubés  —  en  atten- 
danl  les  révolutionnaires,  exéeuleiirs  lolaiiicntaires  un  })eu  violenls  de 
Fespril  elassique  —  s'élaienl  mis  à  1<imi\  re,  cl  les  disciples  de  (Jualremère 
de  nuiiicv  coiil  iiiiii''rciil  iiiél  lidibipicmciil .  Il>  axaient  appris,  de  leur 
iiiailrc  (pie  rarcliilccliire  du  iiidncii  âge  c-l  un  prodiiil  de  la  di»()luli(>n 
de  loii>  le>  (■■liMiieiil-  (la  ivli  1 1  ecl  il  rc  grcc(|iic  el  n  iiiia  iiie. . . .  Le  genre  de 
bàlisse  ainpiel  on  a  doiiiK'  le  iumii  (b  gollii(pic  e>l  m-  de  laiil  d'éléments 
liélérog('>nc>  cl  (lan>  (le>  lciiip>  dune  lellc  c(.iirii>ioii  cl  d'ime  telle  ig'no- 
raiice.  (pic  rcxlrciiic  dixcisib''  des  foiiiics  (pu  le  c()n>liluc.  inspirée  par  le 
seul  caprice,  n'exprime  réclb^nciil  à  l'opiil  (pie  l'itlée  de  désordre.  » 
Au  salon  de  ISIMI.  Pelit-Iiadel  exjiosail  un  projel  savamment  raisonné 
de  1'  dcslruclioii  d'une  église  golliiipic  |iai- le  moyen  du  feu.  en  pioeliani 
les  piliers  à  leur  base  et  en  subsliliiaiil  (\f>^  cubes  de  bois  sec  dans 
rintervalb^  dcsipnds  on  iiicl  du  pdil  Ihhs.  cl  ensuite  le  feu....  Tout 
l'édilicc  croùK'  sur  lui-in(''iiic  eu  uioiii>  ilc  dix  minâtes.  >■  C"est  ainsi   ipi  (Ui 


ÎVmODL'CTîOX  ni 

-•  -serait  de  ces  «  ioaindes  façades  suM-churgèes  d'xme  multitude 

];  e  de  ffi^rures  îmdèceEl'es  el  ridiceîes   »,   domt  Mililin   sis-nalail 

.1  -    1^*6  rîmcohèireiic/e  et  i«  amaii^-aîs  g>oiûL  U  me  comjfirenaîi  ni 

les  «  trois  porles  hamles  et  eîroîlles  qui  ^x'rvfmtl  éc  fe*^  \<t  plus  souveoJ  à 
d- — :  ■■  — ~  J'---  -  .'1;-  ~-'^---  p\  .(J'unu^  :gTrotsse0r  etffray:aiiîes  ■>,  m  le  monibrp 
-ts  dè<''Oiiii]>ès  en  jmàlle  ifiaçioms  dîifîTéireBies  .>,  aï 
"  les  c<wil<»iiat-.s  qoju  raMi^ârrassemU  riraltèoeur  d,  m  "  les  g-oultlières  d<oiiiit  les 
formes  bàzarires  lêioiioàgiiieiîl  de  reravàe  d'élrc  exlraordîmaîmes  «^  iqei  esl 
le  Hîoindire  défaut  de  ces  temps  de  superslàlâoini  et  dlgusorainice  «  où  le 
génie  des  lelires  el  le  g<onM,  des  art*  èïaîemt  presique  eoJièreiniîieiii  dél™î1.s  ". 
Ee  l¥lMii.  rAcadémie  des  Beaux-Arts  enseàgHail  emcoie  que  '•  les  églises 
gcd]ii<jues  manquent  des  condilioms  qu'exigerail  aujourd'lnuî  Tart  de 
ttàlir  •-  Enlîn.  le^îjaeTÎer  1^7,  Beulé  consacrai!  itoule  une  le^^on  de  son 
cours  d'arcbfologie  à  la  Biblioilièque  impériale,  à  •'  démonlrer  .>  que 
Fairchilecluire  golhique  n'est,  cliez  nous,  ni  <■  maliomale  »,  ni  »  religieuse  ", 
Laissons,  s'écriail-il,  laissons  les  discussions  qui  ont  voulu  allxibuer 
à  l'Angleterre,  à  l'Allemagne,  à  la  France  l'invention  de  l'arcliiteclure 
gothique;  peu  nous  iaiporie  de  savoir  en  quelle  province  el  dans  quelle 

forél  a  élè  construit  pour  la  première  fois  un  arc  ogival Je  demande 

aux  cathédrales  gothiques  la  pensée  qui  les  a  inspirées,  el  je  ne  vois  rien 
qui  appartienne  au  génie  français  !  >  Elles  ne  sont  pas  plus  religieuses 
que  françaises;  "  celte  architecture  qui  ignore  les  proportions  idéales,  la 
pureté  des  détails  et  les  lignes  d'une  perfection  que  l'on  dit  parfois 
divine,  prétend-elle  exprimer  Dieu  ]j»ar  la  force  du  désordn^  el  sans  le 
secours  de  la  beauté?  «  \'oilà  l'idée  que  d'un  bout  à  l'autre  de  l'école  «  clas- 
sique »,  du  xvi"  siècle  au  xix'^,  on  retrouve  sous  la  plume  de  tous  les 
détracteurs  de  l'architecture  gothique;  ■  caprice,  désordre,  absence  de 
principes  *,  tels  sont,  aux  yeux  des  esthéticiens  d'académie,  les  plus 
grands  défauts  d'un  art  où  tout  est  pourtant  logique  et  rationnel. 

Le  reniement  toutefois  ne  fut  pas  aussi  général  qu'on  pourrait  le 
croire,  et  le  respect  el  l'amour,  sinon  l'intelligence,  de  l'œuvre  des 
ancêtres,  ne  furent  pas  abolis  dans  tous  les  cœurs.  .Même  aux  jours  de  la 
plus  intolérante  ortho«loxie  romaine, quelques  témoins  humbles  el  obscurs 
restèrent  sensibles  à  la  majesté  des  vieux  monuments,  au  sourire  de  leurs 
gardiens  de  pierre,  aux  muettes  orai.sons  des  gisants  couchés  sur  leurs 
tombeaux.  En  lOttS,  Sébastien  Rouillard,  l'auteur  de  Parihnùe  <w  HiaUm-v 
«/«•  la  irH-<mgu^le  église  rfe  €Aflr/re*\  o,se  écrire  que  les  statues  de  sa  cathé- 
drale sont  <•  images  de  si  exquise  el  insigne  sculpture  -,  qu'au  "  seul 
aspect  d'icelles,  tous  les  Polyclètes  de  jadis  jetteraient  leurs  cis.  :ni\  <  I 


IV  INTRODUCTION 

Ions  1rs  \ilruvos  du  passif  voiidrnicnl  iUMMidi'c  ce  rlief-dOnivro  jiour  Ir 
inodrli'  di'  li'iii-  aicliili' •liire.  ■>  Les  cathédrales  de  Paris,  d'Aiiiiens,  de 
\(i\()ii.  dr  lîiMirii.  de  SI rasbouriï,  de  Bourges,  dAnxcire,  de  Mi'lz, 
cui-eid  an  murs  des  w  il"  el  xviu'  siècles  d"aussi  l'ervenls  aduiindeurs, 
cl  les  drux  l'énédiclins,  nuleurs  du  lo//rtr/c  IUlrniirc  (Paris,  1717),  ne 
iuan(|uenl  |ias  de  lénioigner,  au  passage,  de  leur  curio.silé  et  de  leur  véné- 
lalinn  |i(iiir  li's  uinnuuicnls  golld([ues  rencontrés  sur  leur  roul<'.  Mais  il 
est  éviileni ,  à  les  lire,  (|ue  ceux  mêmes  qui  admiraient  le  plus  ne  <■  com- 
prenaient »  pas  ces  >■  énigmes  «  dont  Montestjuieu  s'étonnait,  el  quand 
un  courant  d"opinion  commença  à  se  dessiner, quand  h  une  curiosité  gros- 
sière el  sans  goût  ■>  —  signalée  déjà  et  raillée  par  \ Dllaire  —  se  mit  à 
rechercher  «  avec  avidité  les  bàtinu-nls  du  moyen  âge  ■■,  on  vit  hi(Mi  aux 
explications  ipii  en  furent  essayées  cjue  toute  intelligence  en  était  aholie. 

Les  uns.  ressuscilant  les  rêveries  de  Gobineau  de  ^Montluisiuit, 
(■  ami  de  la  jdiiloso}ihic  nalui'clle  el  alchimiijuc  »,  cxpliquaienl  les  scul- 
ptures de  Notre-Danu'  de  Paris,  «  leurs  énigmes  et  ligures  hiéroglyphiques 
et  physiques  »,  par  la  science  hermétique  ou  par  les  doctrines  des  (^  ado- 
ralrurs  du  Soleil  »,  et  c'est  pour  y  avoir  reconnu  la  confirmation  de  ses 
Ihéories  asli-onomiqucs  que  l'auteur  de  VOrifiiiii'  de  tous  /es-  ciillcs,  Dupuis, 
préserva  de  la  destruclion  quelques-uns  des  bas-reliefs  de  la  façade  occi- 
dentale. Pour  Lenoir,  l'ogive  (qu'il  confond  avec  l'arc  en  tiers-point)  «  est 
une  représentation  de  l'OEuf  sacré,  principe  créateur  de  la  grande  déesse 
Isis  »,  et  cette  explication  —  ([ue  ^I.  Corroyer,  de  nos  jours,  a  en  quelque 
mesure  reprise  —  aurait  eu  peut-être  plus  de  succès  si  l'auteur  du  Géiiii'  du 
r//)/.</mH/.'Jwc  n'était  venu  révéler  une  beauté  particulière,  en  dépit  de  ses 
"  proportions  barbares  »,  et  une  origine  plus  auguste  de  l'architecture 
golhi([ue.  '<  Les  forêts  des  (îaules  ont  passé  dans  les  temples  de  nos  pères, 
et  nos  bois  de  chênes  ont  ainsi  maintenu  leur  origine  sacrée.  Ces  voûtes... 
en  jambages  qui  appuient  les  murs  et  Unissent  brusquement  comme  des 
Ironcs  Ijrisés,  la  fraîcheur  des  voûtes,  les  ténèbres  du  sanctuaire,  les  ailes 
obscures...  loid  retrace  les  lal)yrinthes  des  bois  dans  l'église  gothique; 
tout  en  l'ai!  sentir  la  religieuse  horreur,  le  mystère  et  la  sévérité....   " 

Cetle  fantaisie  sentimentale  et  poétique  devint  presque  une  doclrine 
archéologique  à  l'usage  des  gens  du  mcuide  el  des  peinlres  romantiques. 
On  put  voir  dans  plusieurs  tableaux  »  du  genre  historique  »  un  archi- 
tecte vaguement  «  moyenâgeux  »,  contemplant,  au  plus  épais  d'une  forêt 
i<  druidique  »,  le  croisement  des  hautes  branches,  et  trouvant  tout  à  coup 
dans  l'arc  »  ogival  »  dessiné  par  leur  courbe  le  principe  de  l'archileclure 
gothique! 


INTRODICTION  v 

Si  arliitraii'C  et  incxarl  que  puisse  paraître  ce  nom,  il  est  Ir-op  lard 
pour  réagir  contre  un  si  long  usage.  «  Ogivale  »  sans  doute  vaudrait 
mieux,  à  condition  de  restituer  au  mot  ogive  son  véritable  sens;  «  fran- 
çaise "  i>erp<''lucrail  cl  i-dnsaererail  le  souvenir  de  cet  <■  opus  francige- 
num  ".  (piun  maître  \enu  di'  Paris  en  Fiance  —  r/c  rilla  Porisioisi, 
f  iKii-liliiis  l'i-iniriic  —  importait  à  WiiupTen,  où  il  l'ut  appelé  pour 
construire»,  entre  les  années  12G8  et  1278,  ex  sccli.s  lapldibiis  opère  /'nui- 
cif/eiin,  la  basilique  de  pierre....  Mais  «  gothique  »  a  prévalu,  et  il  faut 
aujourd'liui  rdcnir  de  cette  épitlièle,  qui  fut  d"al)ord  injurieuse  dans  la 
pensée  de  ceux  qui  l'employèrent,  ce  qu'elle  peut  contenir  de  restitution 
inconsciente  aux  ancêtres  «  bai'bai'cs  i  qui  eurent  leur  part  dans  léla- 
li()i-ati(in  du  système  nouNeau'. 

lui  (pioi  consiste  ce  système,  el  (pielles  furent  ses  origines?  (^est  ce 
que  -M.  Kiilarl  s'est  chargé  d'exposer  au  premier  chajiitre  de  ce  Tome  11. 
Ouicherat  a  dit  que  "  l'histoire  de  l'architecture  au  moyen  âge  n'est  que 
l'histoire  tic  la  lutte  des  architectes  contre  la  poussée  et  la  pesanteur 
des  voûtes  ».  En  son  jirincipe,  l'architecture  gothique  fut  avant  tout  une 
trouvaille  de  maçon.  SiM-tionncr  (  haque  ti'a\ée  en  plusieurs  comparti- 
menls  indr'pendants,  jeler  il'un  doubleau  à  l'autre  des  arceaux  disposés 
en  diagonale  qui  formeraient  comme  un  cintrage  pcrmanenl.  une  armature 
slalde  en  pierre  :  voilà  le  point  de  départ,  (l'est  à  ces  arcs  diagonaux, 
(|ui  augnuMilaient  la  solidité'  de  la  voûte,  que  l'on  appliqua  le  nom  d'arc 
(iHçiifidn  latin  (lugere),  ou  ogif,  et  ce  système  de  supports  parut  si  parf;ùt 
dans  sa  nouveauté,  que  pour  donner  une  idée  de  leflicacité  de  la  foi 
de  Philippe  Auguste,  défenseur  et  soutien  de  l'Eglise,  son  biographe 
dira  qu'il  fut  comme  «  l'arc  ogif  lii'  la  foi  catholique  »  icdllioliae  /idei 
rilliihis  (lefciisor  et  0(/ix). 

Où  furent  consti'uits  les  premiers  arcs  ogifs,  et  par  qui?  On  serait 
assez  embarrassé  de  décider  entre  les  compétitions  rétrospectives  des 
archéologues  rivaux.  ^lais  il  n'est  pas  douteux  que  c'est  en  n  France  »  (pn> 
le  système  nouveau  s'élabora,  prit,  si  l'on  peut  dire,  conscience  de  tous 
ses  moyens  et  se  constitua  définitivement  en  vivant  organisme,  pour  se 
ri''|iandic  ensuite  en    Eur(jpe  el   au  delà  des  mers. 

A  i'inxcntion  des  arcs  ogifs  correspondirent  de  nouveaux  organes 
d'a[ppui  et  de  iiiilce  :  la  pile  el  l'aic-ljoulanl .   Dès  lors  les  murs    devinrent 


1.  V'oy.  .Viilliyme  Saint-I'aul.  Annwiire  de  l'airhé.olngiic  ffannàs,  1878.  el  Bulletin  Monti- 
meiilnl,  1805;  .\lplionse  Wai  TElts,  l'Arehitcrlure  romane  dans  ses  diverses  Iransfonnations. 
Bruxelles,  1880,  in-8.  —  Raoul  KozifenES,  L'Architecture  dite  gothique  doit-elle  être  ainsi 
dénommcel  {ftev.  arcli..  1802). 


VI  INTRODUCTION 

inulil(?s  f[  les  voûtes  s'élancèrent  au-dessus  des  hautes  nefs,  sans  autre 
sufipori  que  les  ogives,  les  arcs-boutants  et  les  piles  contrel)utantes.  Du 
jour  où  l'abbatiale  de  Saint-Denis,  réédifiée  par  Suger,  eut  fourni  comme 
la  démonstration  publique,  devant  une  assembléi'  de  rois,  d'évèques,  de 
barons  et  d'abbés,  des  ressources  et  des  avantages  du  système  nouveau, 
ses  conquêtes  se  propagèrent  de  jirovince  en  province.  Les  catb(''drales 
de  Noyon,  Senlis,  Clinrlres.  Paris,  Amiens.  Heims,  se  dressèrent  au 
/  milieu  des  villes,  dont  toutes  les  forces,  la  vie  cl  la  pensive  scnil>lèr(nt  se 
condenser  en  elles. 

La  nef  de  la  calli('(lrale  d'Aniiens.  ap|)el(''e  par  \  iollcI-le-Duc  ■•  le 
Partbénon  de  l'ai-chitecture  gothique  »,  en  est  l'expression  la  j)lus  com- 
jdèle  peut-être.  Par  la  hardiesse  de  son  essor,  contenu  encoi'c  et  disci- 
pliné mais  d'une  sou\eraine  puissance,  par  la  rigueur  logique  de  sa 
consiruclion,  elle  send>le  prnclamer  aA  ec  l'alli-gresse  cl  la  solcnnitc' d'un 
cliani  trionqdial,  cl  di'niunlrci'  en  uicmi'  temps  a\('c  r(''\i(leMcc  d  un  tliéo- 
rènie.  la  force  et  la  souplesse  de  son  principe  générateui'. 

"  In  vaste  espace  inondé  d'air  et  de  lumière  a  été  couverl  de  Auùtes 
)  en  pierres  aussi  légères  et  aussi  solides  que  jiossible;  ces  voûtes  ont  été 
élevées  à  une  hauteur  qui  n'a\ait  (iK-ore  jamais  été  atteinte;  plus  de 
miu's;  la  solidité  de  tout  l'iMlilirr  a>>ur(''e  par  un  jeu  de  poussées  et  de 
résistances;  inie  ossature  d'arcs  et  de  jtoinls  (i'ap[)ui  aussi  minces  et  aussi 
rai-es  fpie  possilih^:  les  ai'cs-boulanis  p((rt(''s  rxnclenienl  à  la  ])lace  qu'il 
faut  pour  conlrriiiilci-  ],-i  grandr  noùIc;  le  svslèiue  (iV'(piilibrr  parfaite- 
ment connu  et  apj)liqué  avec  une  rigueiu-  d  unr  audace  incroyables;  le 
r  moins  d'acuité  possible  donné  aux  arcs-doiiblaiix;  le  collat(''ral  ('devi'  à  une 
grande  liaiilrur,  coiil  libuanl  à  doiinrr  à  i'inli''rieur  celle  inqiressi(ni  d'im- 
mensih'  ",  leis  sont,  rxcellcmmenl  i-(''sumés  par  .M.  Gecu'ges  DurantI,  le 
dernier  hislorirn  de  la  cathédrale  d'Amiens,  les  traits  (pii  la  caracté- 
risent. Dans  l'unité  lies  ni(''m('s  princijies,  chaque  cathédrale  a  sa  person- 
nalité, sa  physionomie  projire,  et  liMuoinnc  à  sa  inanièi-e  de  l'admii  dde 
plasticité  des  lois  d'où  elle  procède. 

A  l'efficacité  des  procédés  techniques,  les  loicrs  morales  el  sociales 
vinrent  ajouter  leur  collaboration  mystérieuse  cl  IV'conde.  Certes,  ^'iollet- 
le-Duc  a  jiouss(''  jus(pi'au  paradoxe  sa  thèse  et  a  l'ail  d'une  vérité  une 
eri'cur  en  instituant  un  violent  antagonisme  entre  l'architecture  nouvelle 
et  celle  qui  l'avait  pr(''cédée,  et  en  soutenant  que  les  la'iques,  créateurs  de 
rai(diitectur<'  golhiipie,  furent  sysh'matiipiemenl  hostiles,  sinon  aux 
croyances  du  temps  et  à  l'esprit  i-eligicux,  du  moins  aux  traditions  niona.s- 
ti(pies  qui  avaient  dominé  dans  l'architecture  romane.  .MM.  Anthyme  Saint- 


INTHUnUCTION  vu 

Paul  et  Enlart  ont  monlr<''  que  les  moines  eompièienl  parmi  les  ijiopan-a- 
leurs  les  plus  zélés  du  système  nouveau;  el  M.  Emile  Mâle,  (|ue  le  pro- 
t(ramnie  encyclopédique  et  iconograpliicpie  donl  s'inspifèrent  les  imo<>iers 
resta  lidèle  et  subordonné  aux  enseignements  des  docteurs  et  des  clercs. 
En  réalité,  la  transition  du  loman  au  gotlnque  lut  une  ('■xnlnlion  nalu- 
relle  et  presque  insensildc 

Mais    il    n'en    rcslc   pas    moins    (pi'iiii  es|)iil    plus    liliri-   circidc    dans 
l'immense  monumeni,  (pif  les  pierres  pailcnl   un  langage  nou\cau,  (pi'nn 
sentimenl   plus  joyeux  de  la  crc'al  iun  el  de  la  lieauli',  el   connue  une  cm'io- 
sité  plus  éveillée,  s'y  luanil'estent  ;  ([ne  les  inuigiers,  eliargi's  d'iiilei  pn^ler     i  \ 
en   l'ornies  vivanics   les    grands   l'ails  ('■vangéliques,  les   syndioles  el    les 
dogmes  dont    ils  n'a\aienl   sans  tloulc  jias  pénétré  les  mystères,  preinieni       1 
de  pliLs  en  plus  contact  avec  la  nature  d,  Ja, vie.    La   [)rennèrc    ère  des 
cathédrales  l'ut   niu'    époque    d'universelle    éclosion.    .\|>i'ès    de   longues 
gestalions,  l'art  français  y  arii\e  l'i  une  sorte  d'unité,  à  la  certitude,  à  la 
joie  de  la  possession  conqilèle,  à  une  incontestable  suprématie.  Il  semble 
t]u'en  lui  vinrent  alors  s'unir,  se  pénétrer  et  se  féconder  l'esprit  du  Nord    ' 
et  celui  du  Midi,  qui'   les  meilleuis   instincts  de   toulcs  les  races  celto- 
germaniqucs  et  latines  qui   axaient   concouru  à  la  l'ormation  du  pays  et 
de  la  nation,  se  concilièrent  en  un  idéal  commun  dès  lors  iTConnaissablc, 
délicieusement  persuasif  et   «pu   fut  la   première  manil'estalidn  ]ilasli(pn;     jj 
vraiment  originale  de  "   l'esprit  frant^ais  ». 

Ajipuyé  sur  des  principes  d'une  rigueur  logique  et  d'une  souplesse 
également  admirables,  où  toutes  les  tendances  rationalistes  et  le  libre 
génie  de  la  raci;  li'ou\èrent  leur  nmyiii  d  exj)ression,  ritdie  d  Une  eiillnre 
naissante  (pu  essayait  de  s  oidonnei' en  encyclopédie,  unissant  les  eeili- 
tudcs  de  la  foi  cnt-oi'c  intacte  aux  asjiirations  de  l'espril  et  de  la  raison 
qui  commencent  à  jouir  libremcid  de  leur  force  et,  selon  l'expicssion  d'un 
contemporain,  ><  font  relenlir  à  tous  les  carrefours  le  fracas  des  dis-li 
jiutes  »,  groupé  autour  de  l'architecture  la  plus  savante  et  la  pins  origi-  ' 
nale,  i''pi-is  (le  beauté,  cherchant  dans  la  nalni'e  consnlt(''e  axcc  un  amour 
fervent  et  d(''lical  tons  les  (■'l(''nn'ids  de  son  ornenn'idatidn.  mais  suboi'- 
donnant  ses  enqu'unl^  aux  exigences  de  sono'u\re  el  aux  pr(''(lile(ti(His 
de  son  goût,  l'art  rian(;ais  du  xiu'  siècle  fut  l'Iionneur  du  pays  el  la  nn-r- 
veille  du  monde. 

Ce  que  les  chroniipn^u's  rac(Mdenl  de  l'enlliousiasmc  qui  enllammait 
les  constructeurs  de  la  calhédrale  de  Chartres,  les  textes  qui  nous  mon- 
trent le  clergé  et  le  peuple  d'.Vmiens  associés  à  leur  évè(pie  :  uvceJculc 
cu}isciisit  Anillidiicitsi.s  rU'i-i  et  iKipiili  IdiKiitdiii  ris  fuisscl  (I  (luiiiiito  llispiniluill, 


VI  INTRODUCTION 

inutiles  el  les  voùles  s'rlancorent  au-dessus  des  hautes  nefs,  sans  autre 
sii|i|i()rl  (|ue  les  ogives,  les  arcs-boulanls  et  les  piles  conlrebutantes.  Du 
jour  où  l'abhatiale  de  Saint-Denis,  ré('"dili(''e  par  Suoer,  eut  fourni  comme 
la  démorisji-aiion  |Mdili(|iir.  dcvanl  niir  assemhléc  de  rois,  d'évèques,  de 
barons  et  d'abbés,  des  ressources  et  des  avantages  du  système  nouveau, 
ses  conquêtes  se  propagèrent  de  province  en  province.  Les  catli(''drales 
de  Xoyon,  Scnlis.  ('.liai'l  its.  Paris.  Ainicns,  lîcinis.  se  dressèrent  au 
nnlieu  tles  villes,  dont  toutes  les  l'uices,  la  \  ie  el  la  pensée  seaddèrent  se 
condenser  en  elles. 

La  nef  de  la  cathédrale  d'Amiens,  appelée  par  Viollet-le-Duc  «'  le 
Parthénon  de  rarchitecture  gothique  »,  en  est  l'expression  la  plus  com- 
plète peut-ètie.  Par  la  hardiesse  de  son  essor,  contenu  encore  et  disci- 
plin(''  mais  d'une  soineraine  puissaïu-e.  pai-  la  l'igueur  logi(pie  de  sa 
conslruclioii,  elle  seMd>le  proidamer  :i\  ec  ralli''gresse  el  la  soleiiiiilc'  d'un 
chant  triomphal,  e|  di'-monlrei-  en  même  leiM|is  a\  ee  r(''\i(len<-e  d  un  I  h(''0- 
rème,  la  l'orce  et  la  sou|ilesse  de  son  pi'incipe  géuéraleui'. 

«  In  vaste  espace  inondé  d'air  et  de  lumière  a  été  cou\  erl  de  \(jùtes 
en  pierres  aussi  légères  et  aussi  solides  que  possible;  ces  voûtes  ont  été 
élevées  à  une  hauteur  qui  n'avait  encore  jamais  été  atteinte;  plus  de 
murs;  la  s(ditlili''  de  loul  l'i^diliee  assur(''e  par  un  jeu  de  poussées  et  de 
l'ésistances;  une  ossature  d'ai'cs  et  de  points  d'ap]iui  aussi  minces  et  aussi 
rares  que  possii)le;  les  ares-boulanis  porli''s  exaclenu'nl  à  la  place  qu'il 
faut  ]iour  eonli-ebiiler  la  gi'ande  \oùle;  le  système  d'équilibi'e  parfaite- 
ment connu  et  ap|diipit''  asce  une  rigueui'  el  une  audace  incroyables;  le 
moins  d'acuité  possible  doiini'  aux  arcs-doidilaux;  le  collatéral  élevé  à  une 
grande  hauteur,  contribuant  à  donner  à  l'intérieur  cette  impi'ession  d'im- 
mensité ",  tels  sont,  excellemmeiil  n'^sumés  ]iar  M.  Georges  Durand,  le 
dernier  historieu  de  la  catliédrale  d'Amiens,  les  liaits  (pii  la  caracté- 
risent. Dans  l'unité  des  mi'mes  principes,  chaque  cathédrale  a  sa  person- 
nalité, sa  physionomie  projire,  et  témoigne  à  sa  manière  de  l'admii  d)le 
plasticité  des  lois  d'où  elle  procède. 

A  l'efiicacité  des  procédés  techni(pies,  les  loices  morales  et  sociales 
vinrent  ajouter  leui'  cidlaboration  mystéi'ieuse  et  féconde.  Certes,  ^'iollel- 
le-Duc  a  j)oussé  jusqu'au  paradoxe  sa  thèse  el  a  l'ail  d'une  vérité  une 
erreur  en  instituant  un  violent  antagonisme  entre  rai<liileclure  nouvelle 
et  celle  (pd  ra\ait  pr(''cédé(>,  et  <mi  soutenant  que  les  la'iques,  ci-éateurs  de 
rarchileclm-e  gotlii([ue,  furent  syst(''maliquemenl  hostiles,  sinon  aux 
croyances  du  temps  et  à  l'esjirit  ndigieux,  du  moins  aux  Iradilions  monas- 
tiques qui  avaient  ilominé  dans  l'architectui-e  romane.  M  M.  A  ni  h  vme  Sa  i  ni- 


l.NTliODUCTlON  ^,„ 

Paul  et  Enlart  ont  montré  que  les  moines  comptèrent  parmi  les  propaga- 
teurs les  plus  zélés  du  syslcme  nouveau;  et  .M.  Emile  M;\le,  (me  le  pro- 
gramme encyclopédique  et  iconographique  dont  s'inspirèrent  les  imafjcis 
resta  lidèle  et  subordonné  aux  enseignemenls  des  docteurs  et  des  clercs. 
En  réalité,  la  transition  du  roman  au  gotlMCjuc  lui  une  évolution  natu- 
relle et  presque  inscnsiMr. 

Mais  il  n'en  resle  |i;in  moins  qu'un  cspril  plus  lilirr  ciiiulc  dans 
l'immense  monumcnl .  i\\\r  lc>  pirircs  piiilcnl  un  lani;:it;i'  nouviMu.  qu'un 
sentinu'ul  jiliis  joyrux  de  l:i  (•i(''alH)n  cl  de  Im  licauh'',  cl  comme  une  curio- 
sité plus  éveillée,  s'y  UKunlcslcnl  ;  (|uc  les  imagiers,  ciiargés  d'inlei  pn'lcr 
en  formes  vivantes  les  grands  taiis  ('x  angéliques,  les  symboles  cl  |c> 
dogmes  dont  ils  n'avaient  sansdniile  p:ts  p('ni'ti(''  les  mystères,  jjrennent 
de  p!u>  en  }>lus  contact  avec  la  nature  ci  la  ^ic.  La  |)renuère  ère  des 
catiiédrales  l'ut  une  époque  d'universelle  é(dosion.  Après  de  longues 
gestations,  l'art  français  y  arrive  à  une  sorte  d'unité,  à  la  certitude,  à  la 
joie  de  la  possession  complète,  à  une  incontestable  suprématie.  Il  semble 
i|u'en  lui  vinrent  alors  s'unii-,  se  pénétrer  et  se  féconder  l'esprit  du  Nord 
et  celui  du  Midi,  ((ue  les  nu.'illeurs  instincts  de  toutes  les  i-accs  celto- 
germaniques  et  hitines  cpii  avaierd  concouru  ;i  la  lormation  du  pays  et 
de  la  nation,  se  concilièrent  en  un  idéal  commun  dès  lors  l'eccjnnaissable, 
délicieusement  persuasif  et  (pii  l'id  la  première  maïufestalion  i)laslique 
vraiment  originale  de  «   l'esprit  français  ». 

Appuyé  sur  des  principes  d'une  rigueur  logique  et  d'une  souplesse 
également  admirables,  où  toutes  le-,  Iciidances  rationalistes  et  le  libre 
génie  de  la  race  trouvèrent  IcuruniM'ii  d'e\prc-,>ion.  riche  d  une  culture 
naissante  qui  essayait  de  s'oidonner  en  cncNclopi'dic.  unissant  les  ci-rii- 
tudes  de  la  foi  encore  intacte  aux  aspirations  de  l'esprit  et  de  la  raison 
qui  commencent  à  jouir  libremenl  de  leur  force  et,  selon  l'expression  d  un 
contemporain,  «  font  retentir  à  tous  les  carrefours  le  fracas  des  dis- 
putes »,  groupé  autour  de  rarcliilcctuie  la  plussa\anlc  cl  la  plus  origi- 
nale, épris  de  beauté,  cherchant  dans  la  nature  con^idli'c  avec  un  amour 
fervent  et  délicat  tous  les  éléments  de  sou  oriicmcntation,  mais  miIm.i- 
donnant  ses  emprunt >  aux  exigences  de  son  o-uvre  et  aux  prédilections 
de  son  goût,  l'art  français  du  xiii"  siècle  fut  l'honneur  du  pays  et  la  mer- 
veille du  monde.  -^  - 

Ce  que  les  chroniqueurs  racontent  de  renlhousiasme  qui  enllaniniail 
les  con.strucleurs  de  la  cathédrale  de  Chartres,  les  textes  qui  nous  num- 
trent  le  (dergé  et  le  peuple  d'.^micns  associés  à  leur  évécpie  :  iinrdcnlc 
consensH  Amhiaiwii^is  clcri  el  poinili  lanmaim  cis  fuisscl  a  domino  iit.ipirniiim, 


VIII  INTRODUCTION. 

doiiiif'iil  riinpressioii  triiiie  collaboralioii  universelle  où  Loiilcs  Icsénei'gies 
sociales  sont  imillipliées  par  la  eominunion  des  cspril.s  et  des  cœurs.  Ce 
ne  fut  qu'un  moment  sans  doute,  mais  cpii  eut  toute  la  grâce  et  la  force  de 
la  jeun(!sse  créatrice.  La  l'enommée  de  Paris  s'étend  dès  lors  sur  le  monde 
entier;  les  étudiants  de  tous  les  pays  y  aflluent  comme  ;i  la  source. 
Oilio  de  Fj'cysing  écrit  que  les  sciences  ont  émigré  vers  les  Gaules; 
César  von  Ileistcrbacli  dit  que  Paris  est  une  source  de  science  et  un 
puits   de  docti'ine   (///  l^aiisinisi   cirihilr  iii  (jua  csl  /'dus  hilinx  acicnliar  ri 

jnilciis  (lii'iminiiii  scrijiliiniiit) (Jii   pariait  des  maîtres  de   Paris  connue 

des  Sept  Sages  tie  la  (irèce.  La  b'raiice  en  toutes  clioses  donna  k'  ton. 
Qu'il  s'agisse  d'architecture,  de  sculpture  ou  de  miniature,  tous  les 
peuples  qui  avaient  déjà,  chacun  pour  son  compte,  plus  ou  moins  élaboré 
ou  ébauché  un  style  national,  icnconirèi-ent  sur  leur  rouir  rid(''al  IVaiicais, 
et  voulurent  le  suiv  re. 

Les  «  difficultés  »,  il  est  vriu,  commencèreid  bienti'd.  \\\\  d(''pit  des 
quêtes  multipliées,  des  iiultilgences,  des  pi-(uiienades  de  relicpies  à  travers 
les  diocèses,  même  avant  la  lin  du  \ui'  siècle  il  di'\int  de  plus  en  plus  dil'li- 
cile  de  réunir  les  fonds  indispensables  à  la  («uiliiiualioii  des  liavaux.  et  l'un 
vit  trop  souvent  interrompus,  inachevés  ou  conduits  avec  une  négligence 
choquante,  des  édifices  qui  avaient  été  commencés  dans  la  ferveur  des 
grands  enthousiasmes.  Le  mu'  siècle  ne  put  accomplir  tout  ce  ipi'il  avait 
entrepris.  Son  idéal  se  fana,  comme  toute  chose  vivante,  et  lit  place  à 
d'autres  formes  delà  vie;  mais  il  dura  assez  pour  s'incoi'jiorer  à  jamais 
en  des  chefs-d'onivre  qui  témoignent  ]ioui-  lui....  C'est  à  l'histoire  de  la 
naissance  et  de  l'expansion  de  cel  ail,  puis  de  son  évolution,  que  seroni 
consacrées  les  deux  parties  de  notre  Tome  II. 

ANniiii  iMicuEL. 


/ 


MVl'.IC    III 

FORMATION   ET   EXPANSION 

m: 

L'ART  GOTIIIOIE 


CHAPITRE  I 
L'ARCHiTECTCRE  GOTHIOUE  DU  XIII'    SIÈCLE 

I 

FRANCE 


Origines  et  caractères  généraux  uf  style  gothique.  —  Le  slylo 
gothique,  ou  ogival,  serait  mieux  nommé  slylc  français;  c'est  ainsi  qu'il 
a  été  désigné  au  moyen  fige.  Le  mot  <>  gothique  »  n'est  qu'un  terme  de 
mépris  adopté  à  l'époque  de  la  Renaissance  pour  désigner  un  art  démodé, 
dont  on  attrihuait  la  paternité  aux  barbares,  par  opposition  aux  styles 
grec  et  romain  remis  en  honneur;  et  l'on  n'était  pas,  du  reste,  sans 
remarquer  que  les  races  saxonnes  conservaient  un  attachement  tenace  à 
ce  style.  Cle  n'était  pourtant  pas  tout  à  l'ail  pour  elles  un  art  national. 
Lorsque,  au  xix"  siècle,  l'art  classique  perdit  de  sa  vogue  après  avoir  laissé 
voir  ses  faiblesses,  les  préventions  contre  le  style  gothique  tombèrent,  on 
se  mit  à  l'étudier,  à  rechercher  ses  sources,  et  cette  recherche  a  mené  à 
la  constatation  de  l'origine  française.  C/esl  de  nos  diverses  provinces  (pie 
cet  art  a  passé  dans  les  autres  pays  chréli(Mis.  Sur  (piel  })oinl  du  sol  fran- 
çais est-il  né?  —  la  question  n'est  (priniparfailement  élucidée.  L'Ile-de- 
France  et  l'école  de  Normandie  se  disputent  l'honneur  d'avoir  créé  son 
premier  élément,  la  croisée  d'ogives,  mais  il  est  hors  de  doute  que  l'en- 
semble du  style  —  combinaisons  structurales,  système  de  composition 
et  d'ornementation  —  s'est  élaboré  dans  une  région  (jui  comprend  l'Ih- 
de-France  et  la  Picardie.  De  là,  il  s'est  répandu  avec  rapidité;  dans 
chaque  région  il  a  donné  naissance  à  diverses  écoles  par  la  combinaison 
des  traditions  locales  et  de  quelques  déductions  originales  avec  le  fond 
fourni    directement    ou  indireclenienf  pai'  rile-d(>-I'rance. 

1.   l'.ir  M.  Cniuille  IJil.irl. 


i  IIISTOIHE  DE  L'ART 

Les  premières  manifestations  du  style  gothique  de  date  à  peu  près 
cerlainc  se  placent  dans  l'Ile-de-France  aux  environs  de  ll^O;  les  pre- 
miers ('(liliocs  (juc  Idn  jiuisse  y  rattacher  tout  à  fail,  \<'rs  II  il);  mais, 
dès  les  dernièi'cs  aum'-es  du  xi'  siècle,  des  artistes  aniilo-normancls  avaient 
commencé  la  cann'diale  de  Durliam,  dont  la  structure  est  gothique.  11 
semhle  donc  qu'en  construction  recelé  normande  ait  précédé  celle  du 
nord  de  la  France,  fait  peu  surprenant  si  l'on  songe  à  la  supériorité  de  ses 
constructeurs  romans. 

Les  caractères  essentiels  propres  au  style  gothique  sont  l'emploi  de 
la  voùle  d'ogives,  et  une  certaine  plastique.  L'emploi  de  la  voûte  golhique 
ou  voûte  d'ogives  dans  toute  sa  perfection  entraîne  généralement  celui 
des  arcs-boutants,  mcmiires  d'architecture  essenlicllement  et  exclusi\e- 
ment  gothiques,  mais  dont  beaucoup  de  monuments  et  même  des  écoles 
entières  se  sont  dispensés.  Enfin,  un  caractère  presque  général  du  style 
est  l'emploi  systématique  de  l'arc  brisé;  mais  on  a  déjà  vu  (|u'il  ne  lui  est 
pas  spécial  et  ne  saurait  constituer  un  ci'ileriinii,  puisqu'il  exisic  dans 
beaucoup  d'édifices  et  môme  dans  des  écoles  tout  entières  de  la  j)ériode 
l'omane  :  en  Boui-gogne  et  en  Provence  sp(''cialemcnt. 

L'archilecture  nouvelle  ne  naquit  pas  toul  armée,  d'un  seul  coup.  VAli- 
s'essaie  d'abord  timidement  dans  des  édifices  dont  la  physionomie  reste 
toute  romane,  et  cette  période,  qui  commence  dans  quelques  régions  dès  le 
premier  quarl,  cl  le  plus  souvenl  dans  le  second  quarl  du  \ii'  siècle,  se 
prolonge  ailleurs  jusqu'en  1180  et  embrasse  même,  en  Allemagne,  par 
exemple,  tout  le  xui''  siècle. 

('."est  seulement  dans  le  nord-ouest  de  la  France,  et  à  peu  près  dans 
les  limites  du  domaine  royal,  que  le  style  gothique  a  été  adopté  univer- 
sellement dans  toute  sa  perfection.  Les  autres  contrées  n'ont  qu'un 
nombre  restreint  d'édifices  représentant  le  plein  développement  de  cet  art. 

Du  xii''  au  XV''  siècle,  les  j>rinci])ales  provinces  de  France  ont  eu  leurs 
écoles  gothiques  distincles,  et  les  autres  pays  de  l'Europe  ont  été  les  tri- 
butaires de  ces  diverses  écoles.  Au  xv'  siècle,  nous  verrons  se  produire 
des  faits  (oui  difi'érents. 

La  vol  Tii  i;r  i.i-:  sYsriciii-:  (iotihuuks.  —  Il  l'aul  définir  les  éléments  du 
style  a\ant  de  décrire  son  évolution.  La  rruiscr  d'iK/ifcs  est  une  armature 
d'arcs  diagonaux  qui  s'entre-croisent  à  la  clef;  elle  a  pour  fonction  lie 
soutenir  une  voûte.  Ces  deux  arcs  en  croix  se  nomment  arcs  ogives,  et  la 
moitié  de  l'un  d'eux  s'appelle  branche  cFogives.  On  peut  faire  rayonner 
autour  d'une  clef  commune  un  nombre  quelconque  de  branches  d'ogives. 

Le  nom  d'arc  ogive  {arcus  augiciis,  adjectif  du  verbe  augcre)  signifie 
(irr  (le  renfort.  Le  nom,  comme  la  fonction,  est  analogue  à  celui  de  l'arc- 
doubleau:  c'est  une  extension  du  même  principe  de  soutènement.  Un  a 


LAHCIllTECTl  RK  COTHIOI  E  DU  XllI    SIKCLE 


<r:ilini(,l  lenrorcé  de  doiihlcaux  les  voûtes  en  berceau  et  les  iiilerviilles 
des  travées  de  voûtes  darètes;  puis,  pour  pouvoir  soutenir  ces  voùlcs 
elles-mêmes,  en  faciliter  la  construction  et  en  augmenter  la  solidité,  on 
imagina  de  bander  d'autres  arcs  en  ligne  diagonale  sous  les  arèles  :  ce 
fut  la  voûte  d'ogives,  développement  et  perfectionnement  de  la  voûte 
d'arêtes.  Déjà,  les  Romains  avaient  fait  un  premier  pas  dans  celte  voie 
et  avaient  été  près  de  créer  la  voûte  d'ogives  :  en  effet,  ils  ont  oi'né 
des  arêtes  de  voûtes  de  platcs-baades  saillantes,  mais  sans  fonclioa 
structurale.  Ils  ont  fait,  d'autre 
part,  des  voûtes  dont  les  arèles, 
pour  plus  de  solidité,  sont  d'un 
appareil  différent  des  quartiers  ou 
voùtins  :  en  brique,  par  exemple, 
alors  que  les  voûtins  sont  des  rem- 
plissages de  blocage,  concrétion  qui 
tient  par  la  force  du  mortier  et  parce 
qu'elle  est  maintenue  dans  l'arma- 
ture des  arêtes  appareillées;  mais 
ci's  ai-rtcs  ne  sont  ni  Sdilldiilcs.  ni 
iiiiléiifiiddiilrs,  elles  sont,  au  con- 
Irairr.  solidaires  des  quartiers,  tan- 
ilis  ([ue  la  croisée  d'ogives  est  une 
armature  à  la  fois  saillante  el  indi'-- 
pendante.  On  la  construit  d'abord; 
puis,  sur  ses  reins  comme  sur  des 
cintres  permanents,  on  pose  les  voû- 
tins (pii  n'ont  avec  elle  aucune  liai- 
son ;  ils  ne  font  qu'y  reposer.  La 
voûte  gothique  est  donc  éminem- 
ment élastique,  ce  qui  est  une  garantie  de  solidité:  en  cas  de  tassement, 
elle  se  déformera  sans  se  rompre,  tandis  que  la  voûte  romaine  es!  une 
concrétion  dont  l'homogénéité  garantit  seule  la  solidité. 

La  voûte  d'ogives  est  d'un  emploi  universel  et  extrêmement  com- 
mode ;  elle  peut  épouser  tous  les  plans,  réguliers  ou  irréguliers.  On  dé- 
compose la  surface  à  couvrir  en  un  certain  non^bre  de  quartiers  triangu- 
laires suivant  lesquels  on  trace  l'armature  de  branches  d'ogives  et  d'arcs- 
doubleaux.  Ces  arcs  reçoivent  tout  le  poids  de  la  voûte  et  le  reportent  sur 
quelques  points  de  retombée  où  ils  se  réunissent  et  qui  sont  leurs 
impostes  communes,  irsuffd,  dès  lors,  de  donner  à  ces  points  une  très 
grande  force  de  résistance  pour  assurer  la  solidité  d'un  édifice  que  l'on 
pourra  faire  spacieux,  léger,  largement  percé  dans  toutes  ses  autres  par- 
ties, le  reste  des  murs  n'élanl  |ilus  (pi'une  cloison,  non  un  support. 


Fie.  I.  —  Cliœur  de  l'i 
Sl\le  de  transition. 


I'li..t,  Enla 

L'Iise  de  Ouesniy  lOisc 
nilieu  (lu  xii'  siècle. 


HISTOIRE  DE  L'ART 


L'arc-boulunl  csl  la  coiiséqucnee  nccessairc  de  la  voùle  d'ogives  : 
déjà  rarchiteclurc  romane  opposait  à  l'cfforl  des  voùles  non  plus  des 
masses  inertes  et  très  épaisses,  comme  le  faisaient  les  Romains,  mais 
d'autres  forces  dirigées  en  sens  inverse  :  c'est  ce  qu'on  appelle  contre- 
buter  un  an-  ou  une  voùle.  L^'arcliilecture  gothique  développa  et  étendit 
ce  princi}K'.  La  voùle  dogives  bien  construite  développe  aux  points  de 
ses  retombées  une  pression  considérable  et  dont  la  courbe  s'écarlc  beau- 
cdup  (le  lu  verliialc;  il  eût  donc  fallu  élever  dans  l'axe  de  ces  poussées  des 
contreforts  tellement  saillants  qu'ils  eussent 
été  de  véritables  murs  transversaux;  mais  il 
était  si  l'on  peut  dire  dans  l'inslinct  de  l'art 
golliique  de  met  Ire  en  jeu  des  forces  actives 
el  il'évider  aulant  que  possible  la  construction  : 
donc,  aux  points  de  la  poussée  des  voûtes,  le 
maître  d'œuvres  vint  appliquer  une  moitié 
/  d'arc  qui  reçoit  l'effort  de  cette  poussée  et  le 
v4ïansmet  à  une  culée  sur  laquelle  elle  retombe. 
1  Entre  la  culée  et  le  bâtiment  dont  l'arc-boulant 
étaie  la  voùle,  il  reste  un  espace  utilisable  et 
entièrement  dégagé.  Dès  lors,  rien  ne  sera 
pins  aisé  (jue  de  voùler  de  gr;uides  églises 
pourvues  de  bas  côtés,  en  élevant  la  voûte  cen- 
trale aussi  haut  qu'on  le  veut  au-dessus  des 
voûtes  latérales  :  la  poussée  de  celli'-ci  est 
transmise  par-dessus  les  combles  des  bas  côlés 
aux  culées  qui  servent  de  contreforts  à  ces 
bas  côtés  ;  quant  à  la  poussée  des  voûtes  laté- 
rales du  côté  du  vaisseau  central,  on  arrivera  à 
l'enrayer  par  la  hauteur  même  du  grand  vais- 
seau :  les  piles  qui  séparent  ses  travées  auront 
une  telle  hauteur  iprelles  ciiargeront  les  piliers  d'un  poids  suffisant  pour 
empêcher  les  assises  de  glisser  sous  la  pression  oblique  des  voûtes  laté- 
rales. Pour  plus  de  sûreté,  on  chargera  même  ces  piles  de  clochetons,  et 
pour  la  même  raison  on  élèvera  sur  les  culées  des  pinacles  dont  le  poids 
luaintiendra  leurs  assises,  qui  auraient  pu  glisser  sous  l'effort  de  l'arc- 
boutanl.  Enfin,  les  maîtres  d'œuvres  gothiques,  tirant  parti  de  Idiit.  li<iu- 
vèrent  dans  l'arc-boulant  la  solution  d'un  autre  grave  problème  :  l'écuu- 
lement  des  eaux. 

En  effet,  les  eaux  recueillies  sur  les  vastes  toitures  des  nefs  devaient 
tomber  de  haut  et  en  masse  sur  les  toitures  des  bas  côtés,  s'y  infiltrer  et 
les  détériorer.  Pour  parer  à  cet  inconvénient,  on  les  recueillit  dans  des 
chéncaux,  déversés  dans  des  caniveaux  posés  sur  les  arcs-boutanls,  (jui 


FiG.  '1.  —  AiT-lioiilant 
.Ir  ia  t-alliéilralede  Cliarln 


LAHCHITEnTUnK  COTHIOUE  01"  XllI    SII-CI 


les  conduisi'iil  jusqu  iiu  |i(''iiiiirlr('  extérieur  des  lias  ctMé's.  L:'i,  sur  les 
culées,  et  de  même  aux  cliéueaux  des  bas  côtés,  de  longues  gargouilles 
déversent  les  eaux  le  plus  loin  possible  des  murs,  sans  infillrer  les  fonda- 
lions  et  éclabousser  les  paremenls. 

Tel  est  l'organe  essentiel  du  système  structural  gotiiique.  A  mesure 
(|u'il  se  développe  et  prend  conscience  de  ses  ressources  propres  et  de  ses 
moyens  d'expression,  les  systèmes  de  mouluration  et  d'ornementation  se 
renouvellent  aussi.  11  sera  question  plus  loin  de  la  Hore  gothique  :  mais  il 
convient  d'indiquer  dès  à  présent  le  système  de  mouluration.  Elle  est 
désormais  calculée  pour  produire  des  efïets  d'ombre  et  de  lumière,  tantôt 
doux,  par  des  surfaces  arrondies,  tantôt  nets  et  tranchés,  par  des  arêtes;  et 
l'art  gothique  crée  ici  un  système  tout  dilTérent  de  ceux  des  arts  antérieurs. 


et  répondant  à  une  logique  bien  arrêtée,  (le 
système  consiste,  dune  façon  générale,  à 
emboîter  des  courbes  convexes  dans  îles 
courbes  concaves,  pour  produire  des  ombres 
puissantes  et  des  olaiis  \  igourcux  :  il  est 
déduit  de  l'imitation  des  formes  végétales  : 
certains  fruits  dans  des  cosses,  certains  bou- 
tons dans  leur  calice  donnent  des  profils  ana- 
logues. Les  angles  droits  sont  très  souvent  coupés  d'un  cavel  ou  arc  de 
cercle;  un  certain  nombre  de  boudins  sont  amincis  et  re(,;oi\rnl  une 
arête,  pour  mieux  affirmer  les  lignes.  D'une  façon  générale,  on  exile  lis 
angles  droits,  et  l'elTet  ([ui  résulte  de  ce  système  a  plus  Ai-  rrrnulr  cl 
moins  de  sécheresse  que  les  corps  de  moulures  de  rAnli(|uil('. 

L'ordre  chronologique  de  l'adoption  des  élémenls  (jur  nous  a\ons 
définis  correspond  plus  ou  moins  à  leur  degré  d  inqioi-lance.  Les  pre- 
mières églises  de  transition  n'onl  de  gothique  (|iie  la  eroisée  d  ogives, 
lourde  et  réservée  à  certaines  \oùtes  seulenienl.  .Ius(|ue  mis  Nid,  les 
ogives  n'ont  guère  que  deux  ju'ofils.  soil  ini  sinqiie  iiaïuieau  a  angles 
droits,  fréquent  surtout  dans  le  sud  de  la  l'iance  el  <'n  Angleterre,  soil  lui 
gros  boudin,  fréquent  surtout  dans  le  nord  de  la  l'rance:  en  Norniaïube, 
il  s'applique  à  un  bandeau  sensiblement  plus  large,  el  e  est  le  profil  des 
plus  anciennes  ogives  anglo-normandes.  On  trouve  aussi  trois  boudins 
accolés  ou,  à  partir  de  liTiO  environ,  un  seul  boudin  aminci,  avec  arête; 
enfin,  à  partir  de  lir):)ou  II  Kl  iusipi'à  la  lin  du  xn' siècli>,un  boudin  aminci 


8  IIISTOIllI'   ni'    L'AP.T 

entre  deux  lorcs  plus  niinces.  \'ci-s  l;i  iiirmc  dnle,  dnns  les  ongles  des 
ogives  d'épannelage  ciinv  se  proliic  un  pclil  lioudin,  el  si  l'nrc  esl  élroil, 
on  ;i  un  groupe  de  deux  ])Oudins  rapprochés  que  sépare;  une  arête  ou 
une  petite  gorge;  s'il  esl  jdus  large,  ou  aura  entre  les  boudins  un  méplat 
cpii  peul  recesoir.  coninic  à  In  cathédrale  d'Angers,  une  gorge  d(''corée 
d'un  dessin  eouranl,    ici  seuiis  de  fleurettes,  ailleurs  pointes  de  diamant. 

Ouel  ((ue  soil  le  type  des  ogives,  les  douhleaux  sont  en  général  jdus 
épais,  cl  le  plus  souvent  sans  moulure.  En  effet,  dans  la  voûte  d'ogives, 
le  Iracé  ellipliquc  que  décrivaient  les  arêtes  a  été  généralement  remplacé 
par  un  plein  cintre,  \Avis  facile  à  exécuter  et  plus  solide;  les  douhleaux  et 
les  formerets  ou  les  lunettes  de  la  voûte  n'atteignent  pas  la  même  liau- 
(eur  de  clef;  la  voùle  (>st  donc  homhée,  et  son  poids  porte  non  seulement 
sur  la  croisée  d'ogives,  mais  sur  les  murs,  qui  devi'onl  resler  épais  el  limi- 
dcuicnl  percés,  cl  sur  les  doutileaux  (fîg.  1). 

\'crs  la  lin  du  xii"  siècle,  dès  le  déhut  même  du  siècle  dons  l'école 
normande,  des  Iracés  mieux  étudiés  donnent  généralemenl  la  même  hau- 
teur de  llèclie  à  Ions  les  arcs  de  l'armalure  de  la  voûte;  ils  [n'enneni  alors 
la  niènn'  si'ction  ci  le  même  prolil,  et  l'armatm-e  se  complèle  d  arcs  funiic- 
re/.s,  ajipliqués  aux  uuu's  jioiu'  soutenir  les  extrémités  des  voùtins  (fig.  4). 

Dès  une  date  voisine  de  II.jO,  quelques  voûtes  reçoivent  en  outre  des 
licnicn,  perpendiculaires  aux  murs  et  aux  douhleaux,  qui  relient  les  dou- 
hleaux et  formerets  à  la  clef  de  la  croisée  d'ogives.  Ce  menihre  plus  déco- 
raiif  que  structural,  essayé  à  Airaines  et  à  Lucheux  en  Picardie,  plus  tard 
en  Angleterre,  à  Roche  el  à  Hipon,  fut  bientôt  abandonné,  sauf  dans 
l'école  du  sud-ouesl  de  la  h'rance,  qui  gar<la  aussi  les  voûtes  bombées. 

Une  autre  cond>inaison,  la  voùle  sr.rjKiiiile.  de  création  normande,  eut 
plus  de  succès  :  aux  deux  arcs  ogives,  elle  ajoute  un  douhleau,  ce  qui 
détermine  non  quatre,  mais  six  voùtins.  Exceptionnellement,  les  églises 
de  Saint-Ouiriace  de  Provins  et  de  Voulton  (Seine-et-Marne),  bâties  vers 
I  Hilt,  ont  sur  h'  chœur  une  croisée  de  quatre  ogives.  La  voûte  sexpartite 
a  (''té  in\entéc  pour  adapter  la  voûte  gothique  à  l'ordonnance  de  certaines 
écoles,  qui  consiste  à  donner  à  toutes  les  travées  le  plan  carré,  et  à  faire 
correspondi'e  à  chaque  tiavée  cenlralc  deux  tra\ées  des  lias  côtés,  de 
moilic'' plus  étroits,  La  \C)ûle  sexpartite  est  usuelle  en  Normandie  vers  le 
milieu  du  xn'  siècle,  du  moins  sur  le  territoire  français  de  cette  école. 
On  la  trouve  sur  l(\s  deux  ahlialialcs  de  (laen  (voûtées  après  coup),  à 
Saint-Gabriel  (Calvados),  etc.  Dans  l'Ile-de-France,  elle  fui  adoptée 
presque  aussitôt  :  on  la  ^oit  à  Notre-Dame  de  Paris,  commencée  en 
IIG"),  et  vers  1170  à  Saint-Julien-lc-Pauvre,  mais  on  l'abandonna  au 
xiii"  siècle,  tandis  que  les  Champenois  et  Bourguignons,  qui  l'avaient 
parfois  employée  aussi  dès  1160,  l'ont  conservée  jusqu'au  xiv^  siècle;  des 
églises   du   milieu  du  xin'",   comme   Notre-Dame    de   Dijon,  Saint-Jean- 


LARCIIITECTriU']  GOTHlOrK  lil     \1||    SIKCl.i'.  o 

lîaplisic  (le  ClKiiimonl.  sonl  voûtées  ainsi.  Il  esl  vnii  (|uc  sons  je  ivii-nc  de 
saint  Lonis,  nn  monument  important  de  l'aris,  la  eliapelle  de  la  \  iero-e 
de  Sainl-Germain-des-Prés,  reçut  des  voûtes  se\]iartites,  mais  elle  était, 
l'œuvre  d"un  Champenois,  Pierre  de  Monlereau,  et  la  nef  de  Saint-Denis, 
eonstruile  en  l'2r)l)  parle  même  maître,  esl  eham|ii'nnisc.  ainsi  (pie  la  eha- 
|M'llr  du  chrdeaii  i\r  Sainl-(  li'rniain .  ipi'oii  piuiiiail  iil  I  liljuiT  aussi  au 
nuMne  aitiste. 

L'AiiC-BOLTANT.  —  Le  stvlc  rouian  de  FAuvergne  et  du  Lano-uedoc 
avait  éf('' tr(!\s  pr('s  de  l'arc-ljoutanl  en  rlrvant  des  voûtes  lat('>rales  en  deml^ 
berceau  pour  (ïpauler  le  berceau  central  \oii-  lonii-  I.  li-.  'JlN  :  l'aic-bon- 
lant  n'est  qu'une  section  par  rapport  à  ces  voùlcs  bulaiilis.  Ce  nCsl  pour- 


Fic.  1.  —  Cliicur  ilr  Sniiil  Gri-iiiaMi-.l.-Pi-. 
ri'.ipres  Dehio  et  BezoM. 


tant  pas  dans  la  mé-me  r(''iïion  (pi'il  l'ul  inaugure'',  mais  dans  celles  ([ui 
développe^rent  la  voûte  d'ogives.  Les  premiers  arcs-boulanls  furenl  caches 
sous  les  toitures,  car  leur  aspect  ne  paraissait  pas  agréable;  en  consé- 
(picncc.  ou  dut  monter  les  toits  lal(''i'au\  à  une  liauliMw  (pii  \\r  pri-nirllail 
})as  d'ou\rir  des  fenêtres  suf'lisanles  >ous  les  grandes  voûtes,  on  bim,  an 
contraire,  ap]ili(pier  ces  arcs  trop  lias,  comme  à  la  catli('dialr  de  Itiiiliani, 
ù  Saint-Germer,  à  la  Trinili'-  de  (lacn.  Au  clueur  de  Saird-.Marlin-des- 
(lliamps,  ce  n'est  jias  un  arc-bnulani,  mais  nu  enutrri'orl  plein,  biiis(|ue- 
mcnt  élargi  sous  la  toiture  et  chargeant  les  doubleaux  du  déand)ulatoirc, 
qui  épaule  la  voûte  centra!i\  sous  laquelle  s'ouvrent  timidement  des  fenê- 
tres trop  eoui-les;  Saiid-(  iei-nier  a  des  arcs-bonlants  cachés:  à  Saiut- 
Evremondde  C.reiLdont  on  ne  sauiait  assez  legrelter  riue|)le  destruction, 
des  arcs-boutants,  cachés,  avaient  dû  (Mre  ajont('s  peu  api'ès  la  construc- 
tion et  s'appli(piaient  trop  bas.  luilin,  dans  le  clueur  de  Domont  (Seine-el- 
Oise),  vers  lir),"),  on  voit  des  arcs-bonlants  éuierger  des  toitures  ([u'ils 
rasent  encore,  comme  houleux   de  se  faire  voir:  et    au  chœur  de  Sainl- 

T.  ir.  -    "J 


1(1  IIISTOIRI-:  1)K  I.ART 

(  i('i'iiKun-il('s-l*r(''s,  consacn''  on  1  1(1.1,  ces  arcs  scml  riMncliciiirnI   iiflii-inés 

(lig'.  4),  sans  qu'ils  jiislilicnl  oncore  par  loiir  (''Irgance  Favcu  qu'en  l'aille 

maître  d'œuvrcs.  A  la  lin  du  xu''  siècle,  dans  des  édifices  plus  hardis,  à 

Champeaux  (Seine-et-Marne),  vers  1180,  à  Notre-Dame  de  Mantes,  à  Sainl- 

Laumer  de  Blois,    l'arc-lioutant  appai'ail   plus  gracieux  de   proportions, 

mais  presque  déponrvu  d'ornement  :   ou  n'a  encore  envisagé  en  lui  ([uc 

l'expédient  nécessaire,   (l'es!    d'un  pericciionnemenl  iiihoduil    \eis  1200 

environ  dans  sa  conslruclion  qu'il  tirera  l'élégance  île  ses  silhouettes: 

pour  (''\iler  que,    sous   sa   poussée,    les   assises   supérieures   des   culées 

puissent  glisser,  on  les  charge  :  à  Mantes,  on  y  pose  quelques  assises 

surmontées  d'un  fleuron;  un  peu  plus  tard,  on  augmente  la  charge.  Le 

I  premier  type  de  couronnement  des  culées  fut  un  petit  toit  surmonté  d'un 

1  ou  de  deux  fleurons,  et,  sous  son  pignon,  on  évida  parfois  la  pile  d'une 

'  niche  (|ui  reçut  uneslalue,  comme  à  la  cathédrale  de  Chartres. 

Dès  le  dernier  quart  du  xu'  siècle,  les  maîtres  d'oHivrcs  oui  remis  en 
honneur  les  eh('-n(niux  et  les  gargouilles  ju'csque  ahau(lonn(''s  dejuiis  les 
iiomains,  et  comme  leurs  toitures  présentent  une  surface  énorme,  leurs 
murs  une  hauteur  souvent  extrême,  ils  ont  dû  donner  aux  chéneaux  plus 
(l'iiupcutance,  et  aux  gargouilles  plus  de  longueur:  la  gargouille  grecque 
ou  rouiain(^  est  un  mulle  de  lion  ou  un  goulot  aussi  peu  proéminent;  la 
gargouille  gothique  est  un  ]iei'sonnage  ou  un  animal  loul  entier.  C'est 
aussi  \-ers  l'jUO  que  l'on  imagina  de  poi-ler  des  chéneaux  inclinés  sur  h^s 
arcs-houlanls,  comme  à  Manies,  allii  d'amener  les  eaux  jusfpi'aux  gar- 
gouilles ménagées  à  lu  tète  des  culées.  Dans  la  seconde  moitié  du 
xiu"  siècle,  à  la  cathédrale  d'Amiens,  et  depuis  dans  d'autres  églises 
iuqiorlanles,  le  chéueau  incliin''  est  poi'té  sur  ime  cloison  à  jour.  Ainsi 
pul-oH  racheler  la  diflV'reuce  de  ni\eau  ([u'exigenl  l'arc-houlant,  ap])liqué 
au  point  (le  la  l'clomliée  de  la  voùlc,  et  le  caniveau,  qui  dessert  un  cIk''- 
neau  |ios('  stn-  la  crête  des  murs.  Lorsqu'on  n'a  pas  eu  recours  à  ce  pro- 
c('d('',  il  a  fallu  joindre  le  chéneau  à  son  caniveau  par  un  bout  de  conduite 
verticale  qui  peut  s'engorger;  d'autres  fois,  on  a  placé  des  arcs-boutants 
trop  haul,  disposition  qui  amena  de  graves  désordres  dans  la  nef  de  la 
cathédrale  d'I^reux,  et  dut  y  l'-tre  supprimée. 

Plusieurs  arcs-l)outanls  ])eu\(Md  <Mre  superposés,  même  quand  ils  ne 
doivent  contic-huter  qu  une  \iujte,  car  le  jeu  de  forces  (pii  se  produit  à  la 
rencontre  de  l'arc  et  de  la  relomLée  de  la  voûte  peut  amener  un  boucle- 
ment  du  mur  au-dessous  du  point  de  rencontre.  On  a  donc  renforcé  et 
roidi  ce  mur  par  un  contrefort,  ou  souvent  et  mieux  par  l'application  dune 
colonne  indépendante  à  fût  d'une  seule  pierre  en  délit.  Souvent  aussi, 
dans  les  grandes  églises,  on  est  venu  appliquer  plus  bas  un  second  arc- 
boutant;  on  en  rencontre  même  parfois  trois,  et  celui  du  bas  peut  être 
caché  sous   les  combles.  A  la  cathédrale  de  Chartres  (fia:.  2),  on  a   ima- 


I.ARCHITKCTUHK  (iOTHIUlE  lil    Mil'  SlliCLIi 


giiu'-,  pour  (Idiini'i-  ;uix  airs  superposés  une  collusion  cl  une  irsisl;uic(; 
exceptionnelles,  de  les  élrésillonner  entre  eux  par  nur  suilc  ilc  petites 
arcades,  qui  les  rendent  solidaires.  A  Reims,  vers  le  milieu  du  xm'  siècle,- 
on  a  décoré  les  rampants  d'une  suite  de  erocliels. 

Anes  ET  nxiiis,  iiosi-s.  —  Les  arcs  et  les  baies  gothiques  oui  une  |)liy- 
sionomie  toute  spéciale.  A  la  tin  de  la  période  romane,  la  plupart  des 
grandes  arcades  étaient  déjà  brisées;  les  baies  de  tribunes  el  de  clochers 
avaient  parfois  ce  même  tracé;  les  portails  ladoplaieiit  raremenl  encore. 
Le  style  gothique  commence  par  gar- 
der c<'s  liabiludes,  mais  étend  peu  à 
peu  remploi  de  l'arc  aigu,  qui  devient 
presque  général  au  xui"  siècle,  sans 
toutefois  que  le  plein  cintre  soit  jamais 
tombé  complètement  en  désuétude.  Les 
portails  continuent  d'avoir  des  vous- 
sures el  piédroits  à  ressauts  ornés  de 
sculptures  el  de  colonneiles;  el  le  plus 
sou\ent,  sauf  dans  le  sud-ouest,  des 
tympans  sculptés.  Les  plus  grands 
portails  romans  a\aieul  parfois  un 
trumeau  central,  el  l'on  a  \u  fpie, 
depuis  le  milieu  du  \ii'  siècle,  leurs 
piédroits  ont  élé  (juelquefois  garnis  de 
statues.  Ces  modes  se  généralisent  et 
se  développent. 

Les  maîtres  d'œuvres  ont  mis 
près  d'un  siècle  à  lirci  de  la  voûte 
d'ogives  loul  le  pjii'li  (pi  elle  comporte 
pour  l'allégement  d   le  pcrccmcnl  des 

murs.  Les  fenêtres  des  églises  de  Irausilion  soûl  conformes  aux  uujilèlcs 
romans;  les  voûtes,  qui  pèsent  souvent  encore  sur  les  mui-s,  n'ont 
pas  permis  de  les  agrandir  et  elles  resteront  telles  jusqu'au  \i\'  siècle, 
dans  l'école  du  sud-ouest,  qui  conserva  les  voûtes  bombées.  Mais  même 
avec  les  voûtes  à  arcs  d'égale  hauteur  et  des  arcs-boutants  convenable- 
ment appliqués  et  construits,  les  fenêtres  des  prennères  églises  gothicpics 
sont  encore  moyennes,  sou\ent  en  plein  ciulre  cl  grMH'ralemenl  simples. 
\'ers  1170  à  Sainl-Ouiriace  de  Provins,  cl  cidre  llCIIel  I '.'!'_' à  la  calbé- 
drale  de  Soissous,  elles  sont  plus  larges  el  en  pallie  boiiclices  par  un 
tynqian  que  supportent  de  petits  arcs  et  des  meneaux  épais,  analogues 
à  de  petits  trumeaux.  Le  tympan  peut  être  percé  d'une  petite  ouverture. 
A  la  nef  de  (Ihartres,  dans  la  iiremièrc  iiioili('  i\\]  \iii"  siècle,  les  fenêtres 


-  Ciiupe  lie  la  catlicdralc  (rAiixcn 


1-2 


llISTOIRl-:  DE  L'ART 


sont  (le  lii-juidcs  liiiics  en  plein  ciiilre,  rcrcndiics  en  deux  laïu-cllcs  soute- 
iiiiiil  un  liMul  lyinpjin  prier  d'une  idsiice  h  cei-eles  conccnlriqucs  de 
Irèlles  el  ([ualrereuilles.  A  parlir  du  milieu  du  xuT  siècle.  Tarmalurc  qui 
maintient  le  vitrage  devient  une  claire-voie  découpée,  formée  de  colon- 


nelles   minces,  de  pelils  arcs  simulés  extradtissés  el    de  trèfles,   (pialre- 
feuilles  el  rosaces  insciils  dans  des  cercles  évidés  enli-e  eux. 

I.es  haies  circulaires,  qui  n'avaient  guère  d'importance  dans  l'art 
roman,  prennent  dans  l'archileclurc  gothique  un  grand  dévelop]iemenl. 
Elles  dexienneni  jiarfdis  exlrèmemenl  grandes,  el  se  garnissenl  d'une 
armalure  de  jiieiie  rayonnanle;  c'esl  ce  qu'on  appidie  des  ro.ves.  Des  l'oses 
s'oiiMcnl    pres(pie  lonjoiirs  sous  la  vonle   dans    les   pignons    des  grandes 


LAHCIIlTECTini':  GOTIllOUE  1)1    Xlll'  SIKCLK 


éij;liscs,  à  la  façade,  au  Iranscpl,  cl  au  clicvrl  ([uaïul  il  csl  dmil.  I,cni- 
armature  peut  afTccler  di\('rs  Iracés  :  assez  souvent,  dans  la  seconde 
moitié  du  xii"  siècle  et  au  déi)ul  du  xni",  surtout  en  Bourgogne  cl  dans  les 
édifices  des  ordres  de  C.ilcauN  cl  de  Prémontré,  des  loses  pelilrs  ou 
moyennes  sont  garnies  d Une  couronne  intérieure  degraiuls  cercles  c\  idés 
presque  complets,  clavés  entre  eux.  On  trouve  aussi  vers  l'200  des  i-oses 
garnies  d'un  remplage  dont  la  partie  extérieure,  rclalivcmcnl  peu  c\iili''c, 
forme  une  cloison  percée  d'une  suite  de  rosaces, 
Irclles  et  quatrefeuilles;  c'est;  un  dessin  en  har- 
monie avec  le  premier  type  de  remplage  des 
fenêtres  gothiques;  on  le  voit  au  transept  de  la 
cathédrale  de  Laon  et  à  la  lacade  de  la  cathé- 
drale de  Chartres.  Kniin  et  le  plus  souvent,  lar- 
mature  consiste  en  arcatures  sur  colonnettes  qui 
partent  en  lignes  divergentes  dun  médaillon 
circnlaii'c  ceidi-al.  cl  la  nisc  a  l'aspect  d'une 
roue;  clic  en  j)orlait  aussi  le  udui.  In  très  ancien 
exemple  de  celte  disposition  se  voit,  dès  ll.~U 
cn\in)n,  au  trans(^|)t  ilc  Sainl-l''licnne  de  l'.cau- 
\ais.  (  )ii  cil  a  liréparli  pour  la  (l(''C(iral  imi  sym- 
holicpu'  :  la  rose  représente   iiiu'  raid'  de  /'(niiinc. 

Dans  les  façades  des  prcnncrs  Iciiips  gothi- 
(pics,  les  roses  s'encadrent  généralement  d'un  ari- 
de décharge  qui,  avec  ses  piédroits,  formi^  une 
sorte  de  grande  arcalure  en  plein  cintre,  comme 
à  Notre-Dame  de  Paris.  Lu  peu  plus  tard, 
depuis  le  milieu  environ  du  xiii"  siècle,  les 
triangles  inférieurs  sont  ajourés,  comme  au 
transept  de  la  même  église;  l'arc  peut,  en 
même  temps,  prendre  le  tracé  brisé,  comme 
ù  la  façade  de  la  cathédrale  de  Reims,  et  sa 
pointe     forme    un    troisième    triangle     ajouré. 

Les  grandes  églises  de  la  première  période  golhique  ont  souvent  des 
tribunes,  telles  Saint-Germer,  Notre-Dame-cn-Vaux  de  Chàlons,  édidces 
de  transition,  ou  des  monuments  franchement  gothiques  comme  Icscalhé- 
drales  de  Noyon,  de  Laon  (lig.  7i,  de  Paris,  le  chevet  de  Monliérciuler 
à  la  fin  du  xu"  siècle,  l'église  de  Mouzon  (1251)  et  jadis  la  cathédrale  de 
Meaux.  Les  tribunes  de  celle-ci  ont  été  supprimées  après  coup,  en  laissant 
un  rang  de  baies  au-dessus  des  grandes  arcades;  à  l'église  d'Iùi,  on  axait 
commencé  des  tribunes,  supprimées  à  partir  de  la  troisième  lra\cc,cn 
laissant    sulisisler   l'ordonnance    des    deux  élagcs    d'arcades:   cnliii.  à    la 


(U':nin.sliHu 


iralc  de    H 


»ucM,  (in  a 


iiisliiiil    ou 


Irili 


dans  la  iicf. 


Il 


llisroilîl-:  DE  L'ART 


)uis  :i(l()[il(:-  k'  syslrmr  des  fausses  Irihiines  Irrs  peu  api'ès,  en  subsliluanL 

aux  lelouilircs  des  voûtes  latérales 
inférieures  un  quiilage  de  colonneltes 
soutenant  d'étroites  coursicrcs,  qui 
font  le  tour  des  piliers  du  côté  des 
collatéraux.  Vers  \'2i0,  les  tribunes 
Idudièrent  en  désuétude. 

(Juanl  au  Iriforiurn,  il  règne  sou- 
\cnt  au-dessus  des  tribunes,  ou  les 
ii'uiplace.  Dans  la  première  période, 
il  est  presque  toujours  composé  d'une 
suite  de  petites  arcades  étroites  et 
li-ès  simples  sur  des  colonnettes, 
«oninie  aux  cathédrales  de  Noyon  et 
de  Laon,  à  Saint-Yved  de  Braisne,  à 
p      ()rbais,  etc.  Vers  I'J'2,"),  au  contraire, 

E.      (iii  adopte  des  baies  à  subdivisions  et 
à     lympans   découpés    semblables    à 

'•        ceux  des  fenestrages;  en  outre,  la  fe- 

nélrc  et  b'  triforium  commencent  à  ne 

alli(''drales   d'Amiens    et  de 


ciiUic.ii.-iluik'  L;i. 


pins  faire  (pi'uuc  nuMue  coniposilion  :  aux 
Ij'oyes,  les  colonnellcs  des  meneaux  des 
fenéires  descendent  poser  leui's  l)ases  sur 
l'ajipui  du  tiibirium.  Bienl(M,  dans  cer- 
taines (■•glises,  la  Haison  des  ilcux  étages 
dc\ii'nl  plus  iiiliuii'  :  (ni  ajdure  les  écoin- 
eons  insei-jls  eulie  ra|ipui  des  fenêtres 
ei  les  arcs  du  Iriforiurn,  comme  à 
Sainl-Sulpice-de-Favières;  et,  ayant  ju'is 
11'  parli  de  (-(luxi-ir  les  bas  côtés  d'im 
comble  à  double  rampant,  on  vitre  la  cloi- 
son extérieure  du  triforium,  de  façon  à 
n'en  faire  (pi'uiie  claire-voie  :  dès  lors,  les 
deux  élagi's  ne  font  |dus  (pi'une  seule 
grande  fenèlrc,  dans  le  bas  de  hupudle  esl 
ménagée  une  galerie  de  passag(>.  Tel  est  le  ^ 
parti  adopté  dès  1250  à  Saint-Denis,  et  Ir 
i)Uis    souvent  dans    la  seconde  moitié  du 

.  ,  'lu 

xiirsiècle,commeà  la  cathédrale  de  Troyes. 
La    chapelle    du    château     de     Saint- 
Germain-eii-La\(',  a\ec  ses  triangles  à  jour  en 
niche  alleiul  le  comble  de  r(''\idemenl  [Uis.  [),. 


.t^iàJijL^ 


FiG.  '.I.  —  Chapelle 
•liùleau  de  Sainl-Gerniain-eu-Loye 
{iraprès   Dehiù   et  Be/olJ.) 

ri'  les  fenéires  ci  la  cor- 


I.AHCHITKCTUP,!'   (iOTHIOll';   hl    Xlll    SlKili;  ir, 

Slpi'OIîTS.  —  Les  siipporls  dérivent  de  ceux  de  l;i  dciniric  inTiode 
romane  :  en  général,  les  arcs  des  voûtes  relombenl  sur  des  lïiiseeaux  de 
fines  colonneltes  répondant  aux  arcs-doubleaux,  ogives  el  fornierels.  Ces 
colonnettes  descendent  iiis(|u'au  sol,  ou  bien,  dans  le  vaisseau  central, 
reposent  sur  le  tailloir  des  supports  des  arcades;  cux-mènies,  peuvent  être 
d'autres  colonnes  en  faisceau,  comme  à  Saint-Denis,  uuiis  ils  coii.-^islcnl 
plus  souvent  en  un  gros  pilier  rond  en  forme  de  colonne  à  chapiliMu 
feuillu  (fig.  8).  Très  souvent,  au  xiii'^  siècle,  ces  piliers  sont  canlomiés  tlv. 


l'Iinl    Kiilarl. 


Fir,.  m.  —  Inlriicar  .h 


.haie  lie   TroV( 


quatre  colonnettes,  dont  deux  r(''pon(iiMit  à  la  seconde  voussure  des 
grandes  arcades,  et  les  i\ru\  autres  aux  rclinuhées  îles  voûtes.  Ces  colon- 
nettes ont  souvent  des  fûts  indépendants  du  fût  principal,  et  l'ormés  de 
longues  pièces  en  délit,  qui  peuvent  se  rattacher  de  place  en  ]i!ace  à  la 
masse  centrale  par  des  tenons  et  des  bagues. 

Le  même  type  de  support  peut  avoir  une  ceintuic  d'un  |)lus  grand 
nombre  de  colonnettes,  comme  entre  les  deux  bas  côli's  de  Xotre-Dame 
de  Paris,  et  à  la  cathédrale  de  Bourges. 


Bases,  cHAPixEArx,  sculpture  ornementale,  fleurons,  crochets, 
CLOCHETONS  ET  FRONTONS.  —  L'aiT.Iiilecture  de  transition  a  des  bases 
atliques  d(''prim(''i's.  dont    ]<•   lorc   inIVTieur  s'('lalc  cl    s'aplalil   Ji''gi'Tfiii(iit 


HISTOIRE  DE  LART 


sui-  l:i  |iliiilli('  aliii  de  iiiirux  cxiii-iiiicr  sa  l'onclioii  |ioi-|;ia[r;  d'aulrcs  l'ois, 
les  bases  sont  surliaussrcs,  mais  le  lorc  inférieur  s'aplalil  toujours.  Ces 
bases  ont  généralenienl  des  i^riUcs;  elles  persistent  au  commencement  du 
xm"  siècle;  cependaiil,  à  partir  di'  IlOO  environ,  les  angles  des  socles  sont 
souvent  coupés  pour  l'acililer  la  circulation;  enfin,  au  xiii"  siècle,  ils  sont 
tracés  en  octogone  régulier,  s"adaptant  ainsi  bien  mieux  au  plan  circulaire 
de  la  base,  qui,  dès  lors,  perd  scs'griffes.  En  même  temps,  la  base 
s'écrase  de  plus  en  plus  sur  son  socle,  et  elle  s'étale  en  surplomb  au 
centre  des  faces,  (u'i  sa  saillie  est  souveni  soulenue  sur  de  petites  con- 
soles. A  parlii-  du  milieu  du  xm'   siècle,  le  tore  sui)érieur  peut  faire  place 


tal( 


leferme  ses  lèvres  qui  se  touclienl  pi-es(pie;  à  la 
lin  du  xiiT'  siècle,  la  scotie  a  disparu;  et 
la  base  ne  serait  plus  qu'un  groupe  de 
moului'cs  déprimées  sans  effet,  si  elle  ne 
se  confondait  avec  les  moulures  du  socle, 
généralement  orné  d'une  ))linllii^  proni(''e 
en  lalon. 

Les    cliapiteaux    de     Iransilion    sont 
ornés  de  quelques  animaux  et  surtout  de 
beaucoup     de    feuillages,    moins    variés 
(|u'à    r('|M)(pie  pr(''C('Mleide,  mais  d'un  des- 
sin   bien  jilus   pur  et  d'une    composition 
pleine  de  science  et  de  goût.  Les  motifs 
de    beaucoup  les  plus  fréquents  sont  la 
III  iir  Xi.iiv.|):iiiic m-       feuille  d'eau  lisse  et  à  bords  non  décou- 
pés, et  la  feuille  d'acanthe  ou  d'artichaut, 
l'ileh''    et  ^igueur,  parfois  égale  en  beauté  aux  types  anti- 
les  iuiilanl   fpie  de  ii'ès  loin. 
Comme  ces  feuillages,  les  animaux,  g(''néralcment  fantastiques,  sont 
d  un  dessin  liés  pni-  et  témoignent  d'une  obsei'vation  sagace  de  la  nalure. 
I)ans  le  dernier  quart  du  xii"  siècle,  et  après  tous  les  autres  membres 
lie  rarchiteclure  gothique,  apparail   le  chapiteau  gothique,  création  qui, 
de  jiliis  loin  encore  «pie  le  pri''e('(lenl ,  s'ins]iire  du  vieux  type  corinihien. 

Le  chapiteau  de  la  lin  du  xn'  el  du  xm''  siècle  est  une  corbeille  en 
tronc  de  cône  évidé,  sur  laqutdle  s'apjiliipient  (piatre  larges  feuilles  côte- 
lées qui  se  recourlienl  sous  les  angles  en  peliles  volutes  ap]iol(''es  ci-ochels. 
Le  ciochet  est  une  sorte  de  bouquet  de  feuillages  ou  de  boiu'geon 
enroulé;  il  va  sans  cesse  en  s'épanouissant  et  en  se  détaillant  jusqu'à  la 
fin  du  xni"  siècle.  Le  bas  de  la  corbeille  est  souvent  garni  d'un  second 
rang  de  feuilles  à  crochets  ou  autres  alternant  avec  les  jiremières.  (îes 
feuillages,  sans  aucime  jiarenb''  avec  les  types  de  l'anticpiiti'',  sont  étudiés 
d'après  la  végétation   autochtone,  stylisés  sobi'ement  et  d'une  façon  ([ui 


Irailée  avec 
ques,  mais  i\( 


i.Ai'.ciUTKc.TriiE  (.(>Tiii(»n'.  nu  xiii  sii:cu'. 


'nilil<'iil    ;'i  twïo 


conserve  loul  rasjx^el  de  la  réalil(''  cl  de  la  vie  en  lanicnanl  la  plaide  à 
ses  formes  prineipales.  Les  \ai'ic'lés  sont  infinies.  A  parlir  du  milieu  <lu 
xiu''  siècle,  l'imitalion  de  la  nature  y  de\icnl  beaucoup  plus  sei\  ile  el. 
minulieuse,  el  les  fenillages  perdent  beaucoup  de  l'expression  (pii  coii- 
\ienl  à  un  inendjre  porlani  :  en  elTet,  au  lieu  ipu'  les  pi'dioles  naisseid  de 
la  corbeille,  ils  naissent  de  branches  (jui  \iennent  s'y  enguiiiandei'  ou 
même  s'appliquer  par  lron(;ons  comme  sur  une  planche  d'herbier.  En 
outre,  à  parlir  du  milieu  du  xiii''  siècle,  on  remarque  dans  les  feuillages 
un  mouvemeni  qui  s'accenlue  de  plus  en  plus;  leui-s  pointes  se  relèvent 
comme  sous  l'action    d'un   \ent   \  iolent  montant  du  sol. 

Les  lleurons  sont  des  ornements  propres  à  l'archileclure  L;olhi(pu', 
qui  en  couronne  ses  pignons  et  ses  clochetons 
plante  stylisée,  formée  d'une 
lige  que  termine  un  boui-geon 
el  que  garnissent  un  ou  Afxw 
rangs  de  crochets,  seudilables 
à  ceux  des  chapileaux  el  sui- 
vant la  nièmi-  (■solulion.  Plus 
bas,  une  bague  occupe  la 
même  place  que  Faslragale 
<lans  h'  chapileau.  mais  elle  a 
plus  d  (''paisseur  el  tl  iuq)or- 
lance.  Un  voit  des  lleurons 
dès  une  date  voisine  de  IIGO 
à  l'église  de  Guarbecqucs 
(Pas-de-Calais);  ils  sont  gar- 
nis de  quatre  feuilles  d'acan- 
the,    mais     les     lleurons     ne     deviennenl     usuels     qu'au     xni'     siècle. 

Il  en  esl  de  môme  des  crochets,  répandus  à  prolusion  sur  les  angles 
des  flèches  et  des  pignons  ou  frontons;  ils  ont  la  l'orme  el  suivent  I'i'noIu- 
tion  des  crochets  de  chapiteaux. 

Les  clochetons  sont  de  petites  piles,  généjali'mi'ul  pleines,  sur- 
montées de  flèches;  c'est  un  membre  décoratif  de  l'archileclure,  mais  sou- 
vent ils  y  remplissent  le  i-ôle  d'une  charge  utile. 

Les  gal)les,  frontons  ou  pignons  décorai  ifs  e\islenl  dès  l'époque 
romane  sur  certains  portails;  ils  deviennent  d'usage  général  sur  les  por- 
tails dans  la  seconde  moitié  du  xui''  siècle;  on  en  trouve  aussi  sui' ipiel- 
ques  baies  de  Iriforiums  !  .\miens,  Clermonl  :  et  i'eiuMres  i  Saiide-('.lia|»ellei. 

ToiRS,  CLOCUERS,  KLiicmcs,  coitNiciiKs.  1!  MisTi!  uii:s.  —  Les  clochers 
ont  pris  un  grand  développemeni,  el  sont  plus  i\\\('  jamais  nond)reux 
dans  les  grandes  églises  :  on  en  voil  gcnéralenicid   deux  à  la  façode,  et  de 

T.   ir.     -  ô 


_ClMpil,.n, 


(M,Hee  au  L..uvre.) 


HlSTOlRlL  I)K  L'AP.T 


grandes  calhédralcs  en  ont  (lualre  auires  aux  pignons  du  transept  ;  il 
peut  exister  aussi  une  tour  centrale  formant  parfois  lanterne.  La  lanterne 
reste  de  règle  en  Normandie,  et  on  en  trouve  en  Champagne  (cathédrale 

de     Laon)     el     eu     Bourgogne 
(iXotre-Dome  de  Dijon). 

En  (Mé\alion,  le  lype  du 
xu''  siècle  se  développe  :  les 
étages  inférieurs  sont  peu  ornés 
et  peu  [tercés,  excepté  le  rcz-dc- 
cliaussée,  s'il  forme  une  travée 
de  l'église  ou  du  porche.  Les 
étages  supérieurs  ont  de  grandes 
baies,  et  un  escalier  en  vis  occupe 
une  tourelle  accolée  h  un  angle 
ou  à  une  face  de  la  lour,  que 
couronne  souvent  une  llèche  île 
pierre  aiguè.  L"élage  sup(''rieur 
est  généralement  carré  ;  quel- 
quefois octogone.  Les  llèchcs 
carrées  restent  usitées  en  Nor- 
mandie et  dans  le  .Midi,  mais, 
en  règle  générale,  elles  sont 
octogones.  Lorsqu'elles  cou- 
ronnent des  tours  carrées,  elles 
sont  cantonnées  de  clochetons, 
et  lorsque  l'étage  supérieur  est 
octogone,  c'est  à  la  base  de  cet 
étage  que  sont  placés  les  clo- 
chetons, ce  qui  dégage  la  llèche 
et  lui  donne  une  grâce  plus  élan- 
cée :  le  chef-d'œuvre  en  ce  genre 
est,  au  xm''  siècle,  la  flèche  de  la 
cathédrale  de  Senlis.  Parfois, 
les  clochelons  sont  remplacés 
par  des  lucarnes  surmontées  de 
pyramides,  comme  vei's  11 G i  au 
clocher  sud-ouest  de  la  cathé- 
drale de  Chartres,  dont  la  flèche  est  un  des  plus  beaux  types  de  l'art 
gothique  primitif.  Les  flèches  ont  généralement  à  la  base  des  lucarnes  à 
fronton  aigu,  et  quelquefois  d'autres  plus  petites  à  diverses  hauteuis  ; 
quel(|ucfois  aussi  des  ouvertures  en  forme  d'archères  el  de  rosaces.  Les 
boudins  qui  gariiisseid  les arcHcs peuvent  être  agrémenlés  de  crochels.  Les 


I/AUCIUTECTUHli  C.OTIllorK  DU  XIH    SIKC.M-: 


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+4^  5  n:  rH'  t- 


lli'clics  sunl  souvent  ornées  d'iinl)ricalions  de  l'aible  relief  siiuulanl  sur 
cluiquc  assise  —  ou,  en  Normandie,  de  deux  en  deux  assises  —  des  rangs 
d'ardoises  taillées  en  pointe  ou  à  pointe  eoupée. 

Les  corniches  peuvent  quelquefois  encore  être  fonuées  d'arealures, 
comme  à  Notre-Dame  de  Saint-Omer,  à  l'ancienne  Notre-Dame  de  Bou- 
logne, à  Cliisscy  (Jura);  ou  d'une  tablette  sur  modillons,  variété  assez 
répandue  dans  le  Midi  et  qui,  avec  un  dispositif  spécial,  est  de  règle  géné- 
rale dans  les  écoles  de  Bourgogne  et  de  (Ihampagnc;  enlîn,  beaucouj)  de 
corniches  gothiques  sont  formées  d'un 
simple  corps  de  moulures  ou  d'un  corps 
de  moulures  couronnant  une  frise. Celle- 
ci,  à  Notre-Dame  de  Paris  et  à  Larchant, 
affecte  la  forme  exceptionnelle  d'un 
damier;  à  Notre-Dame  de  Laon  et  à 
Braisne,  ce  sont  des  rinceaux;  plus  sou- 
vent, la  frise  a  la  forme  d'un  chapiteau 
développé  et  continu,  à  un  ou  deux 
i-angs  de  feuillages,  terminés,  au  xiii"  siè- 
cle, en  crochets.  Des  balustrades  sur- 
montent souvent  les  corniches  et 
bordent  les  chcneaux.  Au  xiii'  siècle, 
elles  forment  le  plus  souvent  une  suite 
de  petites  arcades  Iréflées. 

Ecoles;  édifices  imuncm'aix.  — 
L'architecture  gothicpie  a  formé  diverses 
écoles.  En  France,  on  dislingue  l'arcbi- 
lecture  du  Nord  :  Ile-de-France,  Picar- 
die, Artois;  celle  de  Normandie;  celle  de 
Bourgogne  et  celle  de  Chamj)agne  ;  celle 
du  Sud-Ouest  et  celle  du  ^lidi.  Le  Centre 

a  subi  des  iniluences  diverses,  et  l'on  ne  saurait  trouver  dans  la  vaste 
région  dont  les  cathédrales  de  Chartres  et  de  Bourges  sont  les  édifices 
principaux  des  caractères  assez  définis,  constants  et  originaux  pour  les 
classer  en  une  ou  plusieurs  écoles.  (Juant  à  l'école  de  Champagne,  elle 
n'est  guère  (pi'une  combinaison  des  pratiques  des  régions  ([ui  l'entoui'cnl. 
A  l'étranger,  rAUemagne  a  subi  l'influence  des  écoles  du  Nord,  de  la 
Bourgogne  et  du  Sud-Ouest;  les  Pays-Bas,  celles  du  Nord,  de  la  Nor- 
mandie et  du  Sud-Ouest;  l'Angleterre,  celles  de  Champagne,  Normandie 
et  Sud-Ouest  ;  la  Scandinavie  celles  du  Nord,  du  Sud-Ouest  cl  de  la  Nor- 
mandie, cette  dernière  par  l'intermédiaire  de  la  Grande-Bretagne. 
L'Espagne  a  suivi  les  pratiques  du  Midi  de  la  France  et  subi  l'iniUience 


IllSTOllil-:  l)K  L'AIST 


tic  la  Boiut;oi;nç,  du  Sud-Oiiesl  cl  des  liniiuls  édifices  du  ('.<nlrc;  en  Italie 
icii,nc  l'inllucncc  bourguitiiionnc,  un  i>eu  celle  du  Nord  dans  la  Loiiiliar- 
dic,  cl  en  Fouille  celle  du  Midi  de  la  Fiance  depuis  C.liarles  d'Anjou 
(r20());  en  Grèce,  celle  de  la  Clianijiai;ne,  qui  se  mêle  en  Chypre  à  celles 
du  Xordet  du]\lidi.  Telle  esl  l'expansion  extérieure  des  écoles  françaises. 
Nous  indi(|uerons  rapidemenl,  autanf  que  possible  avec  leurs  dates, 

les  principales   églises   de   cliacune  tic   ces 

écoles  françaises. 

/,/;■  NI  Util  (  II.E-ljE-l-liAM  l:'.  l'H  MtlilE.AinOIS). 

—  La  reconsfruction  de  la  catliédrale  de 
Noyon  fut  commencée  entre  liiO  et  H50; 
Ir  transept  date  de  1J70  environ  ;  les  voûtes 
ont  été  l'cfaites  après  l'incendie  de  l'295:  les 
cloclicrs  datent  du  xiii'  siècle,  ainsi  (pie  le 
|iorclie,  l'cmanié,  en  \~t~)T},  par  Jean  de  Brie. 
La  cathédrale  de  Laon,  jilus  gothique,  et 
que  l'on  peut  rattaciier  aussi  à  la  Cham- 
pagne, fut  élevée  de  1 100  à  L200. 

Notre-Dame  de  l'aiis  fut  commencée  en 
IKiô,  consacrée  en  1182:  le  portail  Sainte- 
Anne  est  un  }ieu  antéi'iein-  à  cette  date;  en 
1  i'.)(i,  il  ne  manquait  plus  à  la  nef  que  deux 
travées;  la  façade  fut  élevée  de  L208  à  1255; 
les  tours  vers  1255;  en  1257,  le  maître  Jean 
de  Chclles  allongeait  le  transept  et  con- 
struisait le  portail  sud;  de  12!)0à  1520.  s'éle- 
\èrent  les  clia|ielies.  —  L,i  première  [liei're 
de  la  Sainte-Chapelle  du  l'alais  fut  posée  en 
I2i0;  la  consécration  eut  lieu  en  1218.  — 
L'église  de  Saint-Denis,  dont  la  consécration 
avait  été,  en  11  il, comme  l'inauguration  offi- 
cielle de  l'architecture  nouvelle,  fut  presque 
rebâtie  de  1251  à  1280  par  le  maître  cham- 
penois Pierre  de  Monlereau,  mort  en  1266.  La  chapelle  du  château  de  Saint- 
Germain-cn-Laye  me  semble  devoir  être  attribuée  au  môme  artiste.  — 
L'église  de  Saint-Sulpicc-de-Favières,dela  fin  du  xiif  et  du  xiv'' siècle, par 
son  plan  et  les  coursières  de  ses  fenêtres,  témoigne  comme  Saint-Denis  et 
Saint-Germniii  d'une  inlluence  champenoise.  —  Si  elle  a\ ait  été  bâtie  a\ec 
soin  et  nous  fût  parvenue  sans  remaniements,  la  cathédrale  de  Be;iu\  aiseùt 
été  le  ciief-iro'iivre  de  l'art  gothique.  Le  chœur  fut  construit  de  12i7à  1272; 
en  1281,  ses  \oùtes  trop  hardies  s'écroulaient  ;  Enguerrand  Le  Biche  entre- 
prit la  restauration,  terminée  seulement  en  1547.  —  L'abbatiale,  aujourd'hui 


(D'après  Dfliic.  el  Bezold.  ) 


'^1 


I    H..    Il'     —  Nc.l  l;l.    liVME    l)i:    PAlilS.    MAT    DE   LA    FAI_:ADE 
A     l"É1"001  li      Ut*      IMÎEMlÈlîEs      RESTAL'MATION^      HE     VIOLLET-LI;  DU 


IIISTOII'.H  !)[■    L'ART 


riiiiirc,  (le  (llin;ili>  lui  consacrée  on  l'21'J;celle  (rOiirscainps  en  i'JIIJ,  mais 
elle  marque  une  dale  plus  récenlc  d'un  demi-siècle.  —  Sainl-Frambourg  de 
Senlis,  commencé  en  1 170,  est  un  vaisseau  simple  à  voûtes  sexparlites,  el 
l'un  des  [U'eniiers  et  des  plus  purs  types  de  l'art  gothique  français.  —  Un 
peut  encore  ciler  les  églises  d'Arcucil,  Créleil,  Auvers,  Bougival,  Chani- 
,  [lagne,  Deuil  et  Domont  (fin  du  xii'^s.), 

Saint-Martin  et  Notre-Dame  d'Étam- 
pes,  Gonesse  (fin  du  xii-  et  xiii"  s.), 
Luzarches,  Mantes  (xii"  el  xnf  s.), 
Nesle,  Taverny,  Trie). 

La  catliéiirale  de  C.harlres  fut 
incendiée  en  1 1  !),">  ;  le  sinistre  ne  laissa 
subsister  que  la  crypte  romane  el  la 
façade  de  transition  élevée  de  M  i5  à 
1170  environ.  La  reconstruction  fut 
poussée  si  acliveuienl  qu'en  ll'.IS  le 
chœur  était  consacré;  vers  l'iiO,  on 
élevait  le  transept,  avec  ses  portails, 
auxquels  les  porches  furent  ajoutés 
environ  vingt  ans  plus  lard;  en  1200, 
l'ensendjle  de  r(''glise  (''iail  consacré. 
—  L'église  Sainl-Père  de  (iharlres, 
incendié!"  en  llôi.  fui  reconslruile 
\eis  I  KiO  ]iar  le  nidiiir  llilduard;de 
|-Ji:>  à  l'J.'.O,  la  nrf  lui  ivprise.  Le 
clMi'iirruI  à  peu  pi'ès  rcli;Ui  à  la  lin  du 
Xlll'  el  au  M\'  siècle. 

La  cathédrale  d  Amiens  dale  de 
IL'LMI  à  ll'NS.  Le  premier  maiire  de 
l'd'uxre.  IîdImtI  (Ir  Luzarches.  (''Iail 
ii'Ui|)lacé  en  L22">  ])ar  Thomas  de  Cor- 
mont,  auquel  succéda  en  [22^  Renaud 
de  Cormont.  Dans  la  iik^uc  rc'gion, 
on  peut  ciler  (-(imme  églises  du  xiu'  siè- 
cle celles  de  Ilam,  Bray-sur-Somme, 
Gamaches,  Picquigny;  plus  au  nord,  les  vestiges  des  belles  caihédrales 
d'Arras,  Thérouanne  el  Cambrai,  les  dessins  de  la  Collégiale  de  Valen- 
ciennes,  et,  parmi  les  rares  édiflces  encore  debout,  le  cho'ur  des  églises  de 
Bourbourg  et  de  Cappelle-Brouck  (Nord\  l'église  de  .Maintenay,  une 
partie  de  la  nef  d'IIénin-Liélard  et  du  transept  de  Saint-Sauve  de  ^lon- 
Ireuil;  enlin  et  surloul,  Noire-Dame  de  Saint-Omei-,  bàlie  de  la  lin  du  xii" 
au  xvi'  siècle;  le  clueur  est  presque  cnlièremenl  du  xui'  siècle. 


l"iG.  17.  —  Coupe  (le  la  calhédrale  de  Beauvai 
(D'o|.rè.s  DehioetBezold.) 


l'ic;.    IS.   —  FAÇADE  DF.  LA  CATIlI-DIlALr;    d'amikns. 


IIISTOIliK  1)K  LAirr 


La  oalii(''clral<'  di-  Tours  se  ralLaclic  oncoiT  à  l'école  du  Nord.  Le 
chœur,  coniuicncé  en  LJG7,  n'était  pas  achevé  en  1279,  et  le  maître  de 
l'œuvre  était  Simon  de  Moi-lagnc;  en  l'2d7t,  Simon  du  Mans  lui  avait  suc- 
cédé; le  Iranscpl  cl  une  jiartic  de  hi  nef  sont  du  xiv'  siècle;  la  l'acade  ne 
l'ut  achevée  qu'au  xvi"  siècle.  Dans  la  nuMne  ville,  l'église  Sainl-.lulien 
date  du  xni''  siècle,  et  celle  des  .lacohins  de  Li(iO. 

Dans  la  région  du  Loiret,  on  trouve  le  style  de  transition  à  Saint- 
Euverte  d'Orléans  et  à  Saint-Benoît-sur-Loire;  à  Meung,  l'église  Sainl- 
Lyjiiiard  a  été  reconsiruile  sous  Philippe  Auguste  sur  les  fondalions  et 


tsM: 


'=-'  ""i' 'i^i   '«■^^■'  * 


Img.  lu.  —  f;,illi(Mlr,'ilo  ,\o  BDurifos.  porlail  orculcnlnl. 

en  suivant  Ir  plan  \\-cl]c  d'une  église  romane,  f'/esl  à  peine  si  la  cathé- 
drale de  Bourges  pruL  être  rattachée  au  style  de  l'Ile-de-France.  Elle  a 
été  commencée  en  l'iT.'i,  consacrée  en  irj'ii;  dans  la  même  ville,  Saint- 
Pierre-le-Guillai'il,  églisi'  du  xiii'  sièt-je,  li''moignc  d  une  inllucnce  cham- 
penoise. 

Ouaire  autres  écoles  jjien  <lislinctes  ont  leur  piovincialisme  très 
caractérisé. 

LA  .\nHMA\hih\  —  L'école  de  Xomianilie  emphjya  lieaucouji  la  \()ùle 
sexpartite  à  l'époque  de  ti'ansition;  elle  adopte  plus  souvent  cju'une  autre 
les  chevets  rectangulaires;  elle  fait  usage  d'arcs  jjrisés  suraigus  jusqu'à 
l'exagération,  car  il  l'iihc  dans  les  liahiludes  des  maîtres  d'o'uvres  de 
tracer  les  gi-ands  e[  les  pclils  ai'cs  a\('c  la  nn'^nn^  ouverture  de  compas;  les 
lours-lanlernes  restent  en  usage,  ainsi  (pw  les  coursièi-es  ménagées  dans 


LAF.(;inTi:(:Tri;i-;  coniini  e  Dr  xiii  sikci.k  25 

li's  cinlji-asures  dos  IV'iirln>s.  les  (•li;i|)i(cau\  ronds,  iiiii'  (li'coralion  un  peu 
monotone  et  g-éoméliiiinc.  l'.n  -^orlanl  îles  convcnlions  de  l'ail  roman,  la 
sculpture  normandr  nloiulir  :i>sr/.  vile  dans  d'aulres  formes  (•on\cnlioti- 
nelles  :  elle  reproihiil  à  saiirir,  cl  plus  encore  en  Aniilelcrn- ipiCn  France, 
certaines  feuilles  de  irrllc  doiiiK-rs  pendant  la  t(''te  en  bas  ci  loiiiiiées  en 
spirale;  de  petits  ircllc^  cl  (|ualrefeuiiles  découpés  comme  à  remporte- 
pièce  forment  des  frises;  les  arcatures  sont  toujours  nombreuses.  Les  clo- 
chers élevés  et  les  flèches  liardies  et  élégantes  se  remarquent  en  grand 
nombre  dans  cette  école.  Son  territoire  s'étend  depuis  rembouclimc  i\i-  |;i 
Somme,  à  l'abbaye  de  Sainl-\'alery,  jusqu'en  Bretagne,  à  Dol,  à  Saiid-1'ol- 
de-Léon;elle  remonte  la  vallée  de  la  Seine  jusques  assez  près  de  Paris. 
Parmi  ses  monuments  principaux,  on  peut  signaler  l'églisi»  de  Lessay  et 
celle  de  Pontorson  (transition  ;,  Xoyers,  le  chreur  de  Saint-Etienne  de  Caen 
(vers  J'2II0),  celui  de  Lonay-rAI)l)aye,  de  la  fin  du  \\\"  siècle:  pour  le 
xiii°  siècle,  Fontaine-Henri,  Langrun(\  le  clio'ur  de  la  callK'dralc  de 
Bayeux;  la  cathédrale  de  Lisieux,  dont  r;disiile  l'ul  rebâtie  de  |-2i'(i  à  l-.Ti."). 
et  le  reste  sans  don  le  aussi  \  er>  le  mi'nie  Icnips.  bien  qu  Un  ail  une  1  la  le  de 
construction  de  I  Kill  à  I  ISS,  (pii  para  il  Irop  ancienne  pour  IV'dilice  ;ichie|  ; 
Saint-Pierre-sur-l)ives,  lîyes.le  grantl  et  le  petit  Andclys  :  les  abbayes  de 
Bonport  près  Pont-de-l'.Vrclie,  remarquable  par  son  rc^l'ccloire.  l'oiihiinc- 
(ju(''rar(l  a\"ec  sa  belle  salle  capilulairc,  le  Briniil-lleiioisl  donl  il  ne 
subsiste  guère  qu'une  belle  église,  cl  Morlemer;  la  calhédi-ale  de  (  loii- 
tances  (l'iàl  à  l"27i),  Sainle-Mère-I'lglise.  les  ruines  de  P>il|e-l-;ioile 
(Orne),  la  cathédrale  de  Séez,  de  P2")0  à  1575;  Saint-Jacques  de  Dieppe: 
une  grande  partie  de  la  cathédrale  de  Bouen  (dont  le  chœur  date  de  1"20'2 
à  1-220.  le  lran>rqit  de  I2SI).  les  ]Hirlail>  de  1500  environ  et  les  chapelles 
de  15(12  à  1520:  le  premier  maiire  de  l'o-uvre  semble  avoir  été  Jean 
d'Andeli  :  l'église  d'Fu  liSCi  à  1250  .  celle  de  Fécamp.  le>  rnino  de 
Sainl-W'andrille,  le  clio'ur  de  la  cathédrale  du  Mans,  de  1217  à  12.")i. 

LA  liniRGOGM-:.  —  (hioiipie  la  Bourgogne  ail  de  très  anciens  excnqilcs 
d'art  gothique,  beaucoup  de  ses  édifices  secondaires  n'en  onl  jamais 
adopté  tous  les  perfectionnements;  jusque  vers  1225  on  y  trouve  des  édi- 
liçcN  (pii  oui  lous  les  caraclères  dn  slylc  de  Iransilion.  1  »è>  I  150  cn\  iroii, 
le  narihex  de  l'abbatiale  de  \  ('•/.clay.  a\cc  sa  voûte  d'ogixes  cculialc.  en 
]iréseidi'  un  spécimen  l'orl  inli''rc>>;uil  :  le  clneur,  bàli  de  1105  à  llsil. 
ajtpartient  au  style  golhiipu'  primitif  le  plus  pur  et  le  plirs  paifail.  Le 
territoire  de  l'école  comprend,  à  peu  de  chose  près,  nos  dépai-h'nicnls 
actuels  de  la  Haute-Marne,  des  Vosges,  de  la  Haute-Saône,  du  Doubs,  de 
la  Côte-d'Or,  de  l'Yonne,  de  la  Nièvre,  de  Saône-et-Loire,  du  Jnia  et  de 
l'Ain,  plus  une  notable  partie  de  la  Suisse  répondant  aux  am-icmies  limites 
de  la  (lomlé  de  Bourgogne.  Son  iniliMMice  s'élend  dans  lonles  les  i-égions 
voisines,  jusque    dans    le    I  )an|iliini'>    el   juxpi'aux    bords    du    iîliin:    elle 

T.    II.    —   4 


'2(1  IIISI'OII'.K    III';    I.AliT 

s'oxfi'ce  (Micoi'c  au  loin,  cl  jiis(|ii'iin\  limilcs  de  la  (•lir(''li('nl('',  |i;n'  l'orcli-c 
lie  Cîlcaiix,  jmissamincnl  centralisé  en  Bourgogne.  Les  clievels  rcelangu- 
laircs  soni  IV(''(|uenls  dans  les  ('■glises  secondaires,  el  leur  nuir  hM'niinal 
es!  peici''  d'nn  gioujM'  de  liois  l'en(Mres  suriuonic''  d'un  d'il-de-iiieur.  (  )n 
lniu\e  aussi  une  eliapelle  rectangulaire  au  déanihulaloire  de  la  cathé- 
drale el  à  Sainl-I  ierinain  d  Auxerre,au  xiii''  et  au  xiv''  siècle,  et,  dans  beau- 
eouji  d'autres  églises,  des  chapelles  carrées  s"(iu\ieiil  sui- le  li-ausept  aux 
côtés  d'une  alisiile.  Les  porches  et  h^s  narllu^x  sont  In^quenls  ainsi  (|ue  les 
tours  centrales;  la  ^oùte  sexparlite  devient  très  usitée  au  xiu'' siècle,  au 
moment  où  elle  lomhe  en  désuétude  ailleurs.  Des  ci'ochets  ornent  souNcnt 
les  ongles  des  clefs  de  voûtes  et  les  sommiers  des  arcs  de  triforiuni.  L'an- 
liiudanl  n'a  (''h''  einph)y('' (pi'a\  er  (■('■ser\(';  l'emphti  de  l'ai'c  en  pleiu  cinl  re 
se  ((inliinie  ius(|irà  une  (''pdipie  tardi\c'.  Duianl  la  première  p(''riode 
g(illii(pie,  heani'iiiip  de  l'Oses  ont  un  reniplage  de  dalles  appai-eill(''es  en 
ela\i'aux  et  ('•xidi'cs  de  eercdes  (pie  \ient  rogner  un  cercle  eeniral.  Les 
I  i-ir(H'iiinis,  i-ares  axaiil  le  milieu  du  xni'  siècle,  sont  |dus  rn'-(picids  à 
pailii' de  cette  époque;  on  y  remarque  quelques  dispositions  originales  : 
au  xin'  siècle,  celui  de  Sainl-Eusèbc  d'Auxerre  a  des  haies  séparées,  non 
par  des  }iilaslres  ou  des  tiumeaux,  mais  par  de  grosses  colonnes  excessi- 
vement trapues;  au  .xiv' ,  celui  de  Saint-Germain  d'Auxerre,  pour  ne  pas 
all'aihlir  les  contreforts,  les  contourne  extérieurement. 

Le  triforium  formé  dune  suite  de  simples  arcatures  sur  colonnelles 
persiste  jusqu'au  xiv"  siècle;  ses  retombées  s'ornent  de  congés  sculptés. 
Les  tailloirs  des  colonnes  engagées  sont  souvent  reliés  entre  eux,  sou- 
\ent  aussi  lui  cordon  jiasse  au-dessus  des  grandes  arcades  et  contourne 
les  supports.  (Juti'e  le  tiil'orium.  les  ('-glises  onl,  comnii.'  celles  île  Nor- 
mandie, des  c()ui'si(''i'es  inl(''rieures  lra\ersaid  remhi'asui'c  des  l'en<Mres. 
L'éc()le  de  lîoui'gognc  pl'odigue  les  encorbellements  :  elle  alTecI  ioniie  les 
siqiporis  coupés  en  forme  de  cnnv  renversé  et  h^s  corbeaux  à  m(''plal 
lriangvdaii-e  sur  la  Iranche;  elle  l'ail  un  usage  constant  de  corniilies  à 
modillons  siiu\cnl  pour\us  de  ce  iui''|ilal,  ]n'olil(''s  en  (piarl  de  rond  on  en 
ea\i'l,  el  remaiMpiables  pai'  leui's  l'act's  latérales  eoui'bes  (pii  .se  rejoigiu-id 
de  fa(;on  à  former  lui  feston  de  demi-cercles  sous  la  tablette;  leurs  queues 
sonl  tangentes  enli'e  elles,  (les  corniches  i-emontent  les  rampants  des 
[lignons. 

Les  principaux  (''diliees  du  .\n"  siècle  sonl  la  callnHlrale  de  Langres, 
encore  toute  romane  de  décoration,  mais  pour\ue  ilogiNcs  et  d'arcs- 
boutants;  Pontigny,  église  lomane  remaniée;  le  clneur  de  l'abbaliale  de 
\'ézelay  (H80);la  cathédrale  de  Sens,  commencée  ^ers  11(10,  continuée 
de  L2()7  à  LiT'.l.  Au  xiii'  siècle,  Notre-Dame  de  Dijon,  vers  l'iiO;  Semur- 
ea-Auxois,  Saint-Seine  (L25ô),  Saint-Symphorien  de  Nuits,  Notre-Dame 
de  (llnny,  Flavigny,  la  cathédrale  de  Chalon-sur-Saône,  l'église  d'Appoi- 


LAUCIllTHCTCHE  COTlllOIK  \){    Xlll    SIKCLI': 


'.'7 


).  —  r.hœiii'  lie  Saint-Remi 
lie  Reims. 

J-n|uvs  Delii.)  et  lÎLVoiil.) 

ains  clrniiibiilaloircs 


gny;  à  AuxLTif,  la  i-allirilialc  dont  le  clio'ur  dale  de   l'ilà  à  i'i'ii,  Saint 

Gei-main   avec   son   cliœnr  commencé  en   ll*(iO,  et   sa   in-l'  du  xiv'  siècle 

Saint-EnsèLe;  les  églises  de  Chablis,  Coui- 

Xolre-Dame,  Flogny,    Sainl-Julicn-du-Saull, 

.Miclicry,  Saini-Pèi-e-sons-Vézelay,  Pont-snr- 

Yonne,     ^'el■menton,    \  illeneuvc-sur-Yonne, 

\'illeneuve-rAi-chevcquc,  Saint-Jean  de  Sens, 

Sainl-Mai'lin  de   Clamccy;   la  cathédrale  de 

Ncvers,  presque  reconstruite  après  i'211 ,  con- 
sacrée en   l."i51  ;  l'église  de  Varzy  des  xiiT'  et 

xiv''  siècles,  Sainl-Analoile  de  Salins  (milieu 

du  xiii"  siècle). 

i-A  ciiMWAGSE.  —  L'airliiteclurc  gothique 

de  la  Champagne  n'est  guère  qu'une  combi-        Fi 

naison  de  celles   de  l'Ile-de-France   et   de  la 

Bourgogne,  avec  ([uclques  inlluences  germa- 
niques. Ce  qu'elle  a  de  plus  original  est  le  plan  de  c 

dont  les  ti'a\ées.  coiixcrles  de  voûtes  d'ogives  carrées  el  dr  iM-ix-caux 
triangulaiiTs  en  alternance,  ne  correspondent 
pas  à  la  largcuu'  des  chapelles  rayonnantes, 
(|ui  s'y  relient  jiar  trois  arcades  reposant  sui' 
deux  {('gères  colonnes.  Ce  système  est  adopté 
à  la  lin  du  xii'  siècle,  à  Saint-Remi  de  Heims 
l'I  à  ÎNotre-Dame  de  Chàlons-sur-Marne;  au 
xiii'  siècle, à  Saint-Ouentin  et  à  la  cliapelle  de 
la  \  icige  de  la  cathédrale  d'Auxerre.  L'alter- 
nance de  Miùles  cjirrées  et  ti'iangulaires  poui' 
r(iu\i'ir  une  galei'ie  tournante  a\ait  (''té  em- 
ployée dès  le  ix'  siècle  à  Aix-la-(  liiapelle.  (-'t's! 
à  l'école  romane  germanique  (pie  hi  (Cham- 
pagne emprunte  le  couronnement  de  certains 
clochers  gothiques  à  quatre  pignons,  comme 
ceux  de  la  eathédi'ale  et  de  l'ancieinie  église 
Saint-Nicaise  à  Reims. 

Les  édifices  les  plus  i-emar(piables  soni, 
au  xii"  siè(d(\  le  clneur  de  Ndlic-l  )anu>-en- 
N'aux  à  Chàlons-sur- .Marne  ll.'iT  à  IISj^:;! 
Reims,  le  clnei^ir  de  Saint-lienii,  élevé  de 
1170a  1100  en\ii(>n:  Saint-Ouiiiace  de  Pro- 
vins, N'oullon.  Soiippcs  I  Seiiie-ei-Marne)  ;  la 
•onunencée  pai'   le   bras    sud    du    iransiq)t  vers 


Fu;.  21  —  Plan  de  ia 
de  Soi.ssoris 

(D\iprè5  Deiiio  et  B 


calhédi'ale   de    S()iss(iu> 

1  IT'i,  continuée  pai'  le  clneur  consacré  en 


'f  du  xiii''  siècle. 


IllS'IOlIii:   DE   LAliT 


Le  pliiii  lie  S. liiil-Vv  cd  (Ir  l!r;iisiic  oITri'  une  (lis|i<i>ili()ii  (irii;iii;ilc;  1  nlisidc 
sinipk'  1^1  ll;iii(|ii('('  diilisidiolcs  non  parallèles,  mais  onxcilcs  sur  un  axe 
(liasioiiid,  de  laroii  (|uc  du  vaisseau  central  on  puisse  vdir  d'un  seul  eoup 
d'd'il  les  aulcls  des  ciiui  alisidcs  ipii  s"(''|iaii(iuissenl  en  ('■veidail.  La  ealln''- 
di-ale  de  lieiuis  lui  élevée  de  I '_' 1  I  à  I  1(10  en\  irnn,  sous  la  direction  succes- 
sive de  .leaii  (!'(  Iriiais  (  l 'j  I  I  -  I  •_>:.!>.  .Ie;in  l.e  Loup  .  l'_'."il-l'JI7i,  (iauchei-  de 
iîeinis  (  l'217-L_',").">),  Beruard  de  Soissons  (  lt2^^-Li'J0),  Robert  de  Coucy 
(uu.il  en  151  li,  Colard  (I^IS),  Gilles  de  Sainl-Nicaise  (l.'yti- 15^)8).  Une 
étilise  non  moins  i-em;ir(piaidi'  de  lieims,  Saint-Nicaise,  fui  c()mmeue(''e 
pal-  Hues  li  ijeriiier  en  12'i!*,  aclie\ée  \'ers  17)0(1, 
d(''m(ilie  au  xix'  siècle;  on  en  a  conservé  de 
lions  dessins.  La  calli(''di-ale  de  (  lliàlons-sur- 
Marne  u  élé  presque  rel,;iliede  l-jr.Oà  LJSd.  On 
peut  ciler  aussi  les  éi^lises  de  Ilans,  Doi'mans, 
Louv<'rey,  Saintc-Meneliould,  Orbais  (xii"  et 
^gg  \\]\'  siècle).  LssouK^s  pi'ès  (',li;"ileau-Tliierry 
ixui"  siècle);  les  ruines  de  l'abbaxe  de  Loncpont 
(Aisne),  de  12^7,  cl  de  Mnnt-Nul  re-l  )auie  ;  une 
i;-rande  jiartie  (\>-  la   CDlli'j^i.-de  de  Saiid-(  lueidin, 

dont  le  clionir.  <nlis;i<  l('  en  L_''i7.e>l  IceuNic  dr 
\  ilard  de  I  lonileconri  et  s  inspire  de  celui  de 
lieims;  l'église  de  M(.u/,(.n  .  L.'",|  :,  h,  ciilliédrale 
de  Troyes  fon(l('e  en  LJIKi,  le  jiortail  cl  le  (dotire 
de  Saint-,leaii-des-\  iiîues  à  Soissons,  Saint- 
.lean-liaplisle  de  ( '.lui iun( nd  ,  belle  église  des 
MU  cl  \i\  siècles;  la  cathédrale  de  Melz  com- 
meiir(''e  ail  Mil'  siècle,  continuée  au  xiv' ,  (pii  eut 
pour  mallre  (heinre  l'ierre  Perral,  de  \7A')')  à 
I.ISI:  la  calliiMliiile  et  Saiiil-(  iengoulf  de  Toiil. 
Les  (''glisf/s  ib'  ( '.bampeaux,  ^eI•s  liSI),  lirie- 
(lomte-l^)berl  (xin''  siècle),  bi  ('.liapelle-sur-(  Irécy  (xiii"  cl  xiv'  siècle), 
Donnemai-ie-en-Monlois,  Feiiières-en-l>rie.  le  Lys  près  Melun,  .Monle- 
reaii,  Morel  lin  du  xii'  cl  xm'  siècle),  Hampillon  i  xiii"  et  xi\"  siè(de  )  :  le 
(dueur  de  la  calbé-drale  de  Sainl-Dié,  la  collégiale  d'l-;pinal  i  \2m  à  LiCi,"»), 
celle  de  1  lemireniont ,  les  (bnrx  églises  de  ISeurcbilteau.  LV'glise  Saint- 
l  rbain  de  l'royes,  nn  des  monuments  les  plus  parfaits  de  l'arl  gothique, 
mar(pie  l'aNèneuicnl  du  style  du  xi\'  siè(de;  commencée  en  Liti^,  elle 
resta    iiKudievée  depuis  l.l'iH  cl  a  (''lé  reprise  de  nos  jours. 

u:  srD  n/hsT.  —  L'arcbilerliire  golbiipie  du  Sud-(  tuesl.  dile  ..  stvb^ 
i'ianlagenet  ■',  1res  origiiiide.  procède  eu  pM  il  ie  des  Iradil  ioii>.  roiuaur>  i\c  bi 
r(''gi(ui.  Les  églises  oui  une  nef  unique  ou  trois  nefs  de  bauleiir  sen>ilde- 
menl  (''gale,  et  comme  les  voûtes  resleni   i:(''U(''raleiiieiil  lM)iiib(''es,  les  dou- 


(Ll'n|irc,,  llcIiiM  l't  l;e/(iKI. 


CATHEDRALE  DE  REIMS. _PORTE  NORD  DE  LA  FAÇADE 


Histoire  de  lArt  H  PII. 


Librairie  Armand  ColmPana 


[.  AHCIlITKCTriiK  COTlllniE   lH     Mil    SIKCII 


lilr;iu\  ri  les  murs  rolciil  rpiiis.  cl  les  rcnrlrrs  rlroih'S.  L'rlriiMllco  dfi 
celte  architecture  réside  dans  les  condiiiiaisons  curieuses  de  ses  voûtes  ot 
dans  la  gracilité  de  certains  supports.  Les  che\els  rectangulaires  sont 
lr.'>  fi-i'ipients.  Le  premier  ('dilice  à  date  cei'taine  est  la  nef  unique  de  la 
catJiédrale  d'Angei-s.  rel>àlie  sur  fondations  romanes  par  l'évèque  Xormand 
de  Doué,  mort  en  1!.".-J,  avant  rachèvoment  de  Fœuvre.  Ce  monument  et 
d'autres  de  la  première  période,  tels  que  Saint-Maurice  de  Laval  et  le  croi- 
sillon sud  de  réglise 
d'Asnières,  ont  des  croi- 
sées d'ogives  simples  et 
épaisses,  dont  le  profil 
rectangulaire  est  allégé 
de  deux  boudins  dans  les 
angles,  et  parfois  d'une 
gorge  médiane  semée  de 
lleurettes. 

Au  xui"  siècle,  se 
développe  une  second. 
p('M-i()d(>  :  parmi  les  égli 
ses  à  trois  nefs,  il  faut 
riler  la  cathédrale  de 
l'iiiliei-s.  commencée  dès 
1  itr.'.  Icrniinée  en  l.lTi  ; 
le  chœur  de  Saint-Serge 
d'Angers,  les  églises  de 
(landes  (Indre-et-Loire  . 
du  Puy-Notre-Dame  cl 
de  Sainl-Maixent  (Deux- 
Sèvresl;  parmi  les  égli- 
ses à  une  nef,  la  collé- 
giale de  Doué  (Maine- 
et-Loire),  et  l'église  (rui- 
née) de  Toussaint,  à  Angers.  Dans  le  plan  de  celle-ci  et  de  l'église 
d'Asnières.  on  remai-que  la  di\ision  de  cliaipie  liras  du  transept  par  une 
colonne  centrale,  mince  et  h'gèi-e;  le  chuur  de  Saint-Serge  d'Angers  osl 
divisé'  en  trois  nefs  jiar  des  suppoils  sendilahles.  Les  supports,  colonnes 
ou  jiilicrs  en  l'iusccau  de  colonnes,  soid  minces  el  (''lancés;  les  \oùles 
deviennent  de  plus  en  j)lus  bombées,  et  prennent  non  l'appareil,  mais  le 
tracé  général  de  coupoles,  qui  parfois  reposent  sur  des  lromp<'s  en  cid-ile- 
rmir.  parfois  aussi  sord  des  bei-ceau\  à  p(''n(''l râlions.  De  nombienx  aivs 
l'ornienl  larmalure  de  ces  \ontes  :  elles  onl  des  croisées  d'ogives,  des 
liernes,  el  aussi  des  ner\ mes  mulliples  ci   raniiliécs  ou  enirc-croisécs.  Le 


felis 


■^ninl-Scii!!.'  iTAiii 


.■()  HISTOIRE  DE  E'AUT 

type  le  |)liis  (■(iiii[ilel  cl  le  plus  rciiiarqualtle  de  ce  système  clail  réglise  de 
ïous.sainl,  à  Angers.  On  ajoula  des  voùles  de  ce  genre  aux  églises 
romanes  de  Sainl-Jouin-dc-Marnes  el  d"Air\aull  (  I)(Hix-Scvres). 

LK  MIDI.  — L'arcliil(Miure  golliique  du  Midi  csl  simple  el  nue;  non 
sculemcnl  cpiand  elle  emploie  la  luirpie,  mais  même  dans  les  édilices  de 
])ierre,  sa  ))auvrelc  sculplnralc  conlraslc  a\cc  la  richesse  de  l'orncmenla- 
tibn  romane  des  mêmes  régions.  Le  lerriloire  de  l'école,  très  étendu,  com- 
prend louL  le  Languedoc  et  la  Provence,  toute  la  Catalogne  et  l'Auvergne. 

Les  arcs-boutants,  les  lias  côtés,  les  (l(''ainlndaloircs,  comme  aux 
(•ath(''drales  deCdermont,  Limoges,  Rodez,  Touliiuse.  N^irlionne,  Rayonne, 
sont  l'ares  et  imités  de  l'architecture  du  Noid  ;  la  jilupart  des  églises  ont 
une  seule  nef;  au  lieu  de  lias  côtés,  elles  sont  garnies  de  chapelles  logées 
entre  les  contreforts,  et  au-dessus  desquelles  peuvent  exister  des  tribunes. 
L'église  de  Lamourguié,  à  Narbonne,  du  xiii"  et  du  xiv''  siècle,  comme  celle 
de  Rabastens  el  la  cathédrale  d'Albi,  présente  une  ceinture  continue  de  ces 
chapelles  autour  de  l'abside;  elle  a,  de  plus,  la  particularité  rai'C  de  n'avoir 
pas  de  voûtes,  mais  une  charpente  portée  sur  des  doubleaux  faisant  fonc- 
tion de  fermes.  Certaines  églises,  comme  Saint-Maximin  (Var),  n'ont  que 
des  chapiteaux  sans  sculpture;  la  scuiplure  d'ornement  est  tnulTuc  et  con- 
fuse, la  statuaire  rare. 

Dans  la  région  louloiisaine,  rarchilrclinc  doil  un  aspect  particulier 
à  l'emploi  de  la  biiquc,  (|ui  y  est  géni'ral  el  admirablement  ent(Midu.  Les 
clocliers  oclogoiies,  pi-()C('ihnil  (h^  la  Iradilion  romane  locale,  ont  de  nom- 
breux étages;  h^s  clochers-arcades  sont  Hanqués  de  tourelles  réunies  par 
des  galeries  de  défense;  de  grands  miichicoulis  sont  bandés  entre  les 
contreforis.  Les  baies  des  riochcis  all'erleul  d('shac(''s  parliculicrs  bien 
propres  à  ICmploi  de  la  bii(pu'  :  lare  en  liers-jioinl  y  csl  icmplacé  [lar 
l'arc  en  milre,  el  les  cercles  par  des  losanges.  Des  colonnettes  de  pierre 
dure  garnissent  les  baies  des  cloîtres,  les  baies  et  angles  des  clochers. 
La  brique,  grande  et  plate,  conserve  sa  forme  romaine,  et  les  construc- 
teurs ont  su  reti'ouver  la  solidité  et  la  majesté  antiques. 

I>e  Midi  a  connu  le  style  de  transition  dès  1 1  iO  au  moins,  comme  le 
prou\ent  la  (  lyjile  el  le  elHcur  de  Sainl-Gilles,  les  porches  de  Sainl- 
\'iclorde  Marseille  et  de  Saint-Ciuilhem-le-Déserl ,  le  transept  tle  Mague- 
lonne,  8ainl-André-le-Ras,  à  \  icnne.  On  peut  distinguer  les  imitations 
de  l'ail  septentrional,  exécutées  sous  la  direction  de  maîtres  d'œuvres 
venus  du  Nord,  et  les  monuments  d'un  art  autochtone  en  partie  déduit, 
mais  non  imité  servilemenl,  du  gothique  français.  Dans  la  premièi-e  caté- 
gorie, il  faut  classer  la  cathédrale  de  Rodez  commencée  en  Li77,  la 
collégiale  de  Saint-Flour,  la  cathédrale  de  Razas  commencée  en  LJôri, 
l'abbatiale  de  \'almagne  (Il(''rauln.  ir^giise  d'Aigne|ierse  !  riiy-de-D(ime  i, 
et  la  cathédrale  de  ClermonI  dont  le  clneur  fui  élevé  de   l'iT)."  à   |'J,S."i,   par 


i.AP.ciHTECTri;!;  (.oTinnri'  di   xiii   sir.ci.i': 


.liMii  Dcscliainps,  niorl  en  l'JtS;  l;i  cnl  IhmIi^iIc  de  lî;iy(iiiiii'  (■niiiniciu'ée 
en  hiJÔ,  celle  de  Lyon  consacrée  en  l'iili,  Saiiil-.Maxiniin  i  \'aii  coniinencé 
en  l'2!)5,  la  cathédrale  de  Limoges  comniencée  eu  l'jT.",  l'église  dlzeste 
(XIII''  et  xiv"  .siècle).  Dans  la  seconde  caiégorie,  heaucoiip  [dus  noinlirense, 
au  xiir  siètde  la  nef  de  la  cathédrale  de  Toulouse,  di'  l'Jll;  Blasimoni, 
la  iicf  di'  la  calliédrale  et  Sainte-Croix  de  liordcaiix.  Saint-Macain> 
^Gironde);  vers  L2U0,  Saint-Paul-Serge  ixii-xin'  sièclei  el  Lainourguié 
(xiii'-.xiv''  siècle)  à  Narhonne;  l'église  de  Xajac  lAveyroni,  lenninée  en 
|-iti!l  par  Bérenger  Jornet;  à  Aix,  Sainl-.leaii  de  .Malle,  coininencé  eu 
l'J.'l;  la  Soulerraine  ((".l'iniseï,  Saint-Bai-naid  de  liouiaus,  Sainl-.\uloiiir 
de  \'i('nnois  xill'  i^l  xiv'  sièrlc,  Xdll'e-Daiiie  de  Monihrisou  Inildée  eu 
l'J-J.".,  le  (diu'ur  de  la  <'alli,-drale  de  Cahors  (  1 2.S.'.- 1 -Jiir.  :  eu  -\uvergne 
le>  égli>rs  de  lîilluni. 
Chastreix;  la  cailuMlralr 
de  Perpignan.  Cderuioul- 
riléraull  ixiM'  el  xi\'  siè- 
chM,  Saiule-<;,''<-ilc(r-\llii. 
(•()iuuieuci''e  en  \"2X"1  pai- 
le  maître  Bernard  de  Cas- 
tanct ;  la  cathédrale  de 
Béziers  de  l'Jià  à  la  liu 
du  xiv'  siècle,  celle  île 
Lavaur  (xiiT  et  xiv'  siè- 
cle). Sainl-Loiiis-dTIyè- 
i-(^s.   En  Corse,  Saint-Do-  y^^    ,,  _  i:,.,,,,, 

iniui(pie     de      Bonifacio. 

LA  liUKTMiM:.  —  La  l'.rrjaguc  a  ('•li''  (livi> 
et  Técole  iioi'iuaude.  Dr  la  |iiiMuièri'  pailiripiMil  plus  (lU  moins  les  ('-glises 
de  lîridcx  eue/.  ( '.c'lles-dll-^lM■d  .  (i  uillgaïup,  \iil  re-l  )ame-(le-Lamlialle 
coiisaen'T  eu  Li'Jd,  Lidioii.  Saiul-Malo.  CiUM'ainlr.  Mrrleveue/  (xu'  el 
Xlir  sièrlc  ,  la  calInMlrale  de  \anurs  xill'-x\  ' -x\  l'  sièide).  .\  r(''Cole  uoi'- 
luande.  on  peul  rallaehei-  la  cailuMliali'  de  Tl-c'^guiei'  i  I '_'!)(!  el  I."."."  ,  _\olie- 
Damc-dc-Iveiuilion,  à  Lannu'ur:  Saint-Dominique  de  .Morlaix  comniencé 
en  l'iti.",  l'église  aliLaiiale  île  la  Poinle-Saint-.Malliieii  i^xm'  el  xiv'  sièidej, 
la  cathédrale  de  Saint-Pol-de-Léon  ixiii'  siècl(\i,  celle  de  Dol  achevée 
par  le  chœur  ipii  dale  de  L2."il  à  LJfi,'). 

/./,'  riiWTIii:.  —  Dans  la  n'^giou  ilu  Ceuli-e,  les  mouuiueuls  prinripaux 
sont,  dans  le  département  de  l'Allier  :  une  jjartic  du  chœur  de  Sainl- 
Pourçain  (imité  de  celui  de  Saint-Dcnisi  el  le  clurur  d'Lhreuil,  \)ù[i  vers 
le  déhut  du  xiii"  siècle  sur  le  luèiuc  modèle:  dans  Ir  dc-parleiuenl  du  CIkm': 
l'église  cistercienne  de  Noiilac  de  la  liu  du  xu'  siècle,  la  cathédrale  di; 
Bourges  commencée  vers  i27.*i,  cousacii'c  en    l.l'J'i;  r(''glis(^  Sainl-iîonuet 


dre  l'école  Au  Sud-Oucsl 


52  iiisroii!i;  i)i-;  i;art 

(l.-ins  l;i    iikMiic  \ill('.    l'c^'iilisc  (l'Ail1n\■-l<'-^  i<'iK   la    in'l   ilc   Siinccrmiics.  iln 

rollllliriicciiiriil   il  II   Mil'    sirclr  ;   S.'ii  lll-(  liMI  il  (ilir  illl  I>i;inc  '  Xll'Cl  Xlll'   sirclr  i, 
Lcvidux  <l  Mc'zii  rL'.s-ca-l>rciiii('    liidic;,  des  xiii'  et  xi\'    siècles. 

Ai;riiiri:e,Trr',i:  eiviii:.  MiriiAiitE  kt  iMoxASTion;.  —  L';ii-eliilei-|iire- 
pil|j|i([lie  lie  |;i  |ir'|-ii)ile  i;olhii|ue  esl  1res  ilili'TessaM  le  :  ;ni\  xm'  el  M\'  siè- 
cles on  a  eiinliiiui'  d'élever  des  ponts,  des  aqueducs,  des  phares;  les  com- 
munes oui  ariirmi'  Imir  puissance  par  la  consiruclion  d'hôlels  de  ville  et 
de  lielïrois.  el  mil  eiiiln'lli  leurs  places  de  riinlailies  un iiiuiiii'li I aies.  I^es 
eiiIrepiMs  du  cummeici'  el  les  liùjiilaiix  qui/  la  cliarilé  rde\ail  eu  grand 
nombi'C  onl  élé  aussi  des  édifices  salubres,  soignés  el  élégants. 

On  peut  citer,  le  ))ont  Saint-Esprit,  élevé  par  les  soins  des  frères 
Poidifes,  les  ponts  Saint-Martial  et  Saint-Etienne  à  Limoges,  le  ponl  de 
la  Frégeoire  à  Najac  (l'2r>S),  le  Ponl  de  \  ;ileiilré  xin'  siècle)  à  Cahors 
I  lig.  '20),  le  pont  de  Champagnac  el  la  llnqiie  (lanli,  du  xm'  siècle;  les 
pouls  d'Ui'Iliez.  Meiiile,  Allii.  l^iil ravgues,  Bnurdeilles  el  Nyons.  Les 
ai'ches  sont  g/'iiéraleiiienl  en  I  iers-poini  ;  les  ciiIi'm's  fornienl  des  éperons 
I  l'ianglllaires  qui  eiiil|ienl  le  enuraiil  .  dilllinuenl  sa  prise  el  di''ri\elil  sniis 
les  arclies  li's  objets  llollés. 

Les  fontaines  onl  eu  une  grande  pari  dans  les  préoccujialions  de  nos 
ancèlres,  el  ils  uni  sii  leur  diiiiner  di's  l'urmes  lienreiises,  siiil  qu'ils  les 
aieni  adosséi's  à  une  eolliue  nu  à  mi  mur,  a\  ce  un  liassin  cou\erl,  acces- 
sible par  une  on  plusieurs  arcades  (exemples  à  Lecloure.  à  la  fnnlaine 
de  llomiili'die  .  siiil  ipi'ils  aient  pi'éfén''  isoler  une  vasque  circulaire,  avec 
pile  ceiiliale  iiinnie  de  gargouilles  (d  pnri anl  unclochelon  ou  un  motif  de 
slaluaire,  comme  le  Saint-Martin  à  (dieval,  ligui'e  de  bronze,  ([ni  couron- 
nail  la  fontaine  dite  du  «  (llievalel  ",  à  Limoges.  Sou\ent  ces  fnnlaines 
ont  deux  vasipu's  superposT^es  :  la  ^•as(ple  snp(''rieure.  i''le\(''c  siii'  nii  pied 
au  eenlre  du  bassin,  esl  percée  de  gargouilles  .sui' son  pourlonr  :  c'esl  le 
dispnsilil' ipii  a  |ier>isli'' dans  nos  fontaines  modernes.  11  resle  en  France 
très  peu  d'édi lices  ilc  ce  genre  antérieurs  au  xv'  siècle.  En  Italie,  la  l'on- 
laine  des  Galleschi  de  N'ilerbe  montre  encore  un  bel  exemple  du  xm',  et 
la  grande  fontaine  de  P(''rouse  i  lig.  7  il,  sculptée  par  Nicolas  et  Jean  de 
r^ise,  au  milieu  du  même  siècle,  a  deux  grandes  vasques  polygonales 
superposées,  celle  du  dessus  portée  sur  un  quillage  de  ])elites  colonnes. 
En  b'rance.  on  Noil  les  vestiges  d'une  fontaine  de  ce  genre,  de  LJdO  en\i- 
roii,  à  Laguy. 

Les  aulorilés  communales  prenaient  soin  d'assurer  une  lioniu'  édi- 
liti-  :  l'alignemenl  des  voies,  leur  pavage,  leur  nettoyage,  l'érection  et  l'en- 
livIi.Mi    d-'s    édiliiT>    piil.li.-s    tels    (|ne   riiùlel    de    ville    el    les  halles. 

L'hi'>lel  de  \ille  se  pi-r^selitail  sous  i'asjiei-t  irnne  maison  nobli',  les 
bourgeois  ayant  comme  collecl  i\  ili''  les  droits  et  pri\ilèges  que  les  nobles 


T.    II.    -•     •) 


5i  HISTOIHE  DE  LAHT 

p(»ss(''d;iiriil  en  hilil  (|irili(li\  iiliis.  L'IiiMrl  de  \  illc  ;i\;iil  dolir  uni-  loilf,  lu 
hcfj'roi,  l'orlilire  coniiiic  un  donjon,  l'I  des  iiirouelles  arinori<'<'s.  I.c  licITioi 
coidcnnil  la  lianidoclic  ou  idoclic  du  lian,  servanl  à  appolci'  aux  iv-unious 
les  uiruduTs  de  la  couiuiuiic.  l/liiMrl  de  \illc  axail .  coininc  les  maisons 
|(ri\(''('s.  SCS  sallrs  liaulr  cl  l)as>c;  à  la  grande  salir  (Mail  aniirxi'c  luie 
(dia|ii'l|(';  un  caliinrl  conlriuul  les  ai'cliixrs.  cl  le  lii'ITroi  rridVniiail  1rs 
cacliols  (]i-  la  jusiice  foninuinalc.  De  inènie  (|ue  le  ir/.-de-(lmuss('e  d'une 
maison  peul  èlre  à  usage  de  l)Ouli([ue,  eelin  de  la  maison  commune  pou- 
\ail  èlic  lariicmcnl  ouvcri  cl  servir  de  liallc.  Les  halles  ctaicnl  de  grands 
hangars  dont  le  vasle  loil  pouvail    reposer  sur  des  pignons  cl  des  murs 


l'Ii^.  'ill.  —  l'uni    .Ir  \,ili'iilir  ;i  C.ilidis  (ITilLS). 

|perei'-s  dareades,  sui'  drs  piliers  ou  sur  de  sim|)les  poleanx  de  liois.  Aux 
halles  iMaienl  annex(''s  les  lialauers  el  1rs  pouls  el  mesures  puhlies. 

l'eu  dr  ees  h:diuu'uls  eomuHiuaux  soul  anl(''i'ieurs  au  w'  siècde.  ()u 
peul  loulel'ois  eiler  des  portions  dhôlels  de  ville  et  helTrois,  tels  (|ue  les 
helIVois  de  Boulognc-sur-Mer  el  de  Bailleul  (Nord)  en  pai-tie  du  xiu'  siècle. 
les  \csliges  de  l'ancien  hôtel  Ac  \  illc  de  Boulogne:  les  halles  dr  Saiiil- 
Pierre-sur-DiM's  ((lalvados),  le  grenier  à  sel  du  Mans;  comme  hàlinu'ul 
eonsaer(''  à  la  jusiice,  on  peut  cit(M'  rollieialilé  de  fléaux. 

Les  hôpitaux  forment  g'(''iH''ralcmcul  [lytr  grande"  salh"  lamlu'issée.  bien 
isolée  el  liien  aérée,  ayant  au  houl  une  (diapcllc  \  isililc  de  loule  la  salle. 
Le  plus  reniarcpiable  est  l'IIôtel-Dieu  de  Tonneire  (lig.  '2(Si. 

L'arcliitecture  privée  nous  a  malluHU'eusement  laisse'-  l'orl  )m'u  ilv 
mouuiucnls  anliM-iciirs  ;iu  x\'  siccic.  Les  maisons  prirent  un  |ieii  plus  de 
(l(''\  ehippenienl  .  de  luxe  el    d'(''h''ganee.   Llles    gardeut    (pU'l(|Ue    chose   lie  la 

disIrihuliiMi  anli(pii'  :   les  corps  de  logis  ne  sont  presipu'  januiis   douhh's  ; 


I.'AncilITECTriiE  COTIIK»!  I-;  Dl    \lll    SlKCl,!-] 


les  pirccs  si"  coiiiiiKUiiIrnl  un  suiil  ilcssi-rxics  ]i;ir  un  coiildir  (jiii  iniiiic 
louli'  une  I'mci'  (le  r;i|ip:u-|ciiiriil .  ('.rlli'  Linlcl'ic  [iciil  (''Ire  s<iil  un  rori-idni- 
(•l(i>  (le  p.'irdis  cl  lie  \ilr;ii4fs,  soil  une  li)i;i'  oumm'Ic  ipii  i-ii[i|ii'llc  Vdlriinii 
;inli(|iir.  Il  csl  r;iri',  l()uli'iV)is,  siuilcn  l']>]i;iiiiir.  (|m  Vile  nilnui  r  1rs  (|Uiili'(' 
(•r)l(''s  iliin  |irt'';m  ;  cllr  rrgnc  en  i;'(''n('T;il  sur  une  (in  dcnx  rjiccs  scnlcnn'iil 
ilr  l;i  <-(inr  iiiliTiiMii'i'.  niiiis  souxcnl  il  cxisir  ili'  ers  ^alrrics  ;ui  rc/.-dc- 
cliaussrc  cl  à  Icliiiic  sn|i<'iicnr.  I):ins  lc>  \illcs,  beaucoup  de  iniiisons  nul 
piiïiion  sur  rue.  La  pln|iai1  cduiiircnncnl  un  rcz-dc-chausscc  cl  un  mi  dcnx 
cloii'Cs;  dans  les  \illcs  populeuses,  il  cxi>la  dès  le  xil'  siècle  des  uiaixins 
à  ll-ois  (■•laiics.  l.e  rc/.-dc-(dianss(''e  c^l  liin|nnrs  Irès  simple,  peu  pcici'' 
sauf  (diez  li's  niai'cdiands.  doni  la  lionliipic  nu  les  Imieanx  nul  accès  par 
une  on  plusieurs  arcades.  Sou\cid  aussi,  il  csl  lini-di''  (l'une  Ing'c  à  arcades 
(pii  pcrnu'l  ;nix  passants 
de  circulci'  à  cnn\erl.  n\i 
aux  lialnlanU  de  la  niaisnn 
de  iircrulrc  le  Irais.  Le  pre- 
mier (M  agC  est  le  plus  riidic  : 
il  a  de  lirandos  fcnêlrcs  (pu 
snni  le  nnirccau  le  })lus 
orn(''  de  la  maison.  C  est  là 
(pr(''lail  la  ui'andc  salle  : 
au-dessus  de  la  liontiipu' 
(diez  le  maridiand.  dr  la 
salle  hasse  ou  salle  (.les 
gardes  dans  les  diMueiu'es 
nobles.  L'usage  des  cloi- 
sons légères  en  menuiserie  pour  l'ornier  des  relends  élail  assez  ré|iandu. 
et  l'on  lendait  même  de  simples  tapisseries  pour  établir,  suivant  les 
besoins,  de  jictites  subdivisions  dans  les  grandes  pièces. 

(In  ne  craignait  pas  de  loger  plusieurs  dans  une  m('ine  (diaud)re,  de 
manger  cl  de  tenir  cercle  de  conversation  dans  une  même  pièce;  de  voir 
dresser  la  table  ou  même  faire  la  cuisine,  et  de  montrer  son  lit  aux  visi- 
teurs, (lelte  simplicité,  loin  d'(Mre  de  la  barbarie,  obligeait  à  de  la  leiuie. 
Les  pi(''ccs  étaient  donc  sensibiemeni  moins  nombreuses  ([u'aujour- 
dlmi. 

La  grande  salle  des  demeures  riclies  élail  surtout  une  pièce  d'appa- 
rat, pour  les  actes  de  la  vie  officielle;  elle  avait  de  vastes  dinuMisions  et 
l)lusieurs  cbeminées;  (liez  le>  parliculiers,  (•'(■tait  l'équivalent  des  deux 
pi(''ces  (pie  nous  nommons  salon  cl  salle  à  manger,  délies  des  palais 
axaient  une  tribune  j;)()ur  les  uuisici(Mis;  sous  celle  Irilmue  on  logeait 
r(''idiansonnerie  cl  la  ]ianelei-ie.  Les  grandes  salles  seigneuriales  élaienl 
loules  rcli(>es  à  la  cliapcllc  cl  aux  appai'l emeid s  du  seigiu'ur;  elles  a\aienl 


.Ir    rll..l    ■l-Di.ll  ,lr    I' 


3  fi 


IIISTOIIiK    DH  LAlîT 

Il    il  n'ce\;iil   les  Iioiiiinaucs  cl  iTiidiiil  la 


une   csiiatlr   |ii>rlanl    un    [i'('iii 
juslicc. 

Les  clia|)cll('s  privées  onl  deux  divisions,  cliapelN'  liasse,  (■((iiiinuni- 
quanl  avec  la  salle  liasse,  poiii'  les  scrvileiirs,  el  eliajielle  hauie  reliée  aux 
appartements  du  seigneur.  Un  peut  citer  comme  licaux  exemples  du 
xiii^si^cle  celles  de  l'archevêché  de  Reims  et  du  Palais  de  Paris. 

Le  rrlrail  ou  chambre  à  coucher  avait  pour  dépendance  la  (jardc- 
rohc,  que  nous  appellerions  cabinet  de  toilette  et  lingerie.  Chez  les 
lirinces,  la  chamlire  de  retrait  conimuniipiail    aussi  avec  des  caliinels  où 


'iM.  —  Gi-iiiiic  snllo  lie  l'IIopilnl  do  Tonnerre  (fin  du  xiir  siècle). 


logeaient  des  gardes,  un  uraloire,  une  c-^liidc  ou  cabinet  de  travail,  une 
clianibrc  de  pru'cmt'iit  servant  de  salon  d'audience,  el  une  antichambre.  S'il 
était  usuel  de  loger  plusieurs  dans  une  chambre  et  même  dans  un  lit,  il 
était,  du  xi'  au  x\  i'  siècle,  i(''|iulé  convenable  d'aviiir  pour  chacun  des 
latrines  distinctes  et  de  ne  pas  s'y  rendre  ostensiblement;  aussi  les  latrines 
sont-elles  multipliées  et  sont-elles  souvent  une  dé]ien(lance  du  reirait  i^t  de 
la  gai-de-robe  doni,  finalement,  elles  prirent  le  nom. 

Dans  rarcliileclure  civile,  les  voûtes  sont  rares  aux  étages  supé- 
rieurs; la  jiliipart  des  grandes  salles  en  sont  dépourvues,  tandis  que 
presque  toutes  h^s  salles  basses  sont  voûtées.  La  voûte  d'arèles,  la  voûte 
en  berceau  cl  la  coupole  n'ont  jamais  cessé  d'iHre  en  usage;  les  formes 
des  arcs  sont  plus  variées  el  les  arcs  en  plein  cinire  ou  surbaissés  sont 
plus  fréipicnls  ipie  ilans  rarcliileclure  religieuse. 


LAiiciirrHCTUP,!-:  (ioriiioci-:  nr  \iii  sikclk 


Les  rli('iiiiii(''cs  ont  dr  i;i;»nili>s  (liiiicnsioiis  cl  un  as|)(^cl  iiKiiuiiiicnhil  : 
elles  oal  conservé  parfois  la  I'oi'iik^  (Iciiii-cii'cuiaiiT,  plus  usiliM-  à  l'('|io(|ii(' 
romane,  mais  le  plan  reclangulair(^  est  plus  ri'cMpicnl  :  la  liolle  a  la  l'ornic 
dune  pyraniiile  ;  1rs  piédroils  soni  i^(''néralemenl  ornés  de  colonnelli's. 
Les  cuisines  drs  aliliayes,  cliàleaux  cl  aulrt^s  grandes  demeures  sonI  Ion! 
à  fait  monnmcnlalcs  :  depuis  le  xii'  jus([u"au  xvi"  siècle,  les  exemidcs  suli- 
sislants  cl  les  ligures  d'un  cerlain  nombre  d'exemples  disparus  monlrenl 
une  Iradilion  conslanic  ;  la  cuisine,  souvent  isolée  par  crainte  d'incendie, 
Inruie  une  i-nlnnde  (lu  uii  carré:  la  rotonde  est  la  forme  la  plus  ancienne: 
tout  auloui'  s'alignent  des  cheminées,  et,  au  centre  de  la  xdi'ile,  une 
ouNcrlui'c  ciicidaire  communique  avec 
un  grand  lanternon  (.l'appel. 

Les  escaliers  peuvent  être  en  Lois 
ou  en  pierre,  intérieurs  ou  extérieurs, 
droits  ou  en  vis.  Beaucoup  sont  exté- 
lienrs:  les  uns  droits,  applicpu'-s  à  une 
façade,  porh'^s  sui'  un  grand  demi- 
cintre,  cl  couxcits  d'un  appentis:  les 
autres  logés  dans  une  tourelle  carrée, 
cylindrique  ou  à  pans. 

Les  fenêtres  ne  ressemldenl  pas. 
en  général,  à  celles  des  édillces  reli- 
gieux. 11  est  vrai  que  l'on  en  trouve  au 
xiu''  et  au  xiv'  siècle  qui  ont  le  tracé  en 
tiers-point,  les  fenestrages,  parfois 
même  les  frontons  aigus  des  fenêtres 
d'i'glises,  mais  elles  en  dilTèrent  esscn- 
lielleinenl  |)ar  l'emploi  de  cliàssis  de 
hois  ou\'i'ants,  au\<piels  ri''p<indcnt    des 

l'euillures  liatlant  sur  un  linteau  (pii  traverse  la  l'eiuM  re  d'uni'  inijiosie  A 
l'autre.  Le  tymjian  est  une  verrière  tlormante.  Les  armai ures  de  |Hei-re 
sont  plus  épaisses,  afin  de  résister  à  léhi-anlcment  du  liattenicnt  des  châs- 
sis. Ces  fenêtres  sont  exceptionnelles  ;  d'autres  formes  plus  fréquentes 
sont  mieux  apiiropriées  aux  dispositions  de  l'archileclure  ci\ile  :  heau- 
coup  n'ont  (pi'un  linteau  soutenu  par  un  mencNui,  g(''néralenn'id  iii  loi-nie 
de  colonnette  ;  le  liideau  peut,  connue  à  l'épofpu'  préciHlcnlc,  être  cniié 
d'arcalures  ou  entaillé  d'arcs  simulés,  ou  encore  suinundi'  d  un  aie  de 
décharge.  Il  peut  exister  un  tympan  plein  et  orne,  ou  jiercé  d'uiw  ouver- 
ture, parfois  rectangulaire  et  munie  d'un  cliAssis  ouvrant. 

A  partir  de  Iti.'O  environ,  commence  ;'i  entrer  en  usage  un  système 
de  fenestrage  appelé  rroisrc;  c'est  l'étrésillonnemenl  d'une  baie  rectangu- 
laire par  une  croix  de   pierre  à  feuillure  inléi-ieure  dans  laipielle  \ieniiiml 


Uolrl  V^ 


IIISTOII'.K   DK  l/AliT 


IpiiIIic  (jiKilic  châssis  el  aulniil  do  volrls  inlrricuis.  Lii  croisse  semble 
a\oii'  (Hé  connue  des  lioniains.  coninie  le  |ii()n\enl  une  di'couvei'le  l'aile 
à  Sens  en  IIIO."),  certaines  peinUires  de  l'oni|ii''i  el  cerlains  l()nd)eanx 
l'upeslrcs  de  Syi'ic;  mais  les  plus  anciennes  croisées  à  dale  ceilaine  du 
moyen  âge  sont  une  fenèlre  du  cliàleau  de  Boulogne,  en  l'JT)!,  celles  du 
palais  des  comtes  de  Champagne  à  Provins,  vers  1210,  cl  la  Maison  des 
musiciens  à  Reims,  vers  la  même  dale. 

Les    colonnelles  et  autres  meneaux  oui    généralement  à  leur  partie 
jiosl(''ri(nux'  une  languette  de  jiierre  percée  d"ou\i'i'lures  jiour  les  \errous 

des  châssis;  on  préféra  liientôt  une 
|iièce  de  Iiois  doublant  le  montant 
de  pierre.  Les  embrasures  forment 
des  sortes  de  niches,  car  le  mur 
c|ui  s'(''len(l  de  l'appui  de  la  l'enc'lre 
au  sol  n'a  jias  besoin  d'(''paisseur, 
el  il  est  commode  cpiil  soit  mince 
pour  cju'on  puisse  s'appi'ochcr  des 
châssis  et  volets  et  se  pencher  au 
dehors.  Cette  paroi  s'appelle  (illèi/c. 
Les  embrasures  ont  des  bancs  de 
piei're  en  vis-à-vis;  on  y  posait  tles 
coussins. 

La    jilupart    des    pièces    sont 

couvertes  de  planchers  à  poutrelles  ; 

celles-ci  viennent  s'assembler  soit 

sur  les  maîtresses  poutres,  dont  des 

corbeaux  de  pierre  soutiennent  les 

extrémités,     soit     dans     des    lam- 

bourdes     appliquées    à     tous     les 

murs  de  la  pièce  el  })i)rlées  sur  une  suite   de  corbeaux.  Les  entretoises 

sont  décorées  de  peintures  formant  en  général  des  suites  d(^  médaillous, 

comme  dans  les  beaux  plafonds  du  musée  de  Metz. 


La  société  féodale,  sétant  beaucou})  policée,  ne  se  résigna  plus  à 
se  conliuer  ilans  des  tloujons  obscurs;  le  château  gothique  est  un  palais 
forlilié.  Ceux  de  la  petite  noblesse  rurale,  spécialement  dans  les  pays 
pauvres,  restèrent  conformes  à  la  tradition  romane;  composés  d'un 
donjon  souvent  cai  lé  el  d'une  chemise.  Dans  les  châteaux  de  luxe,  comme 
à  Coucy  vers  LiTiO,  le  donjon  peut  garder  toute  son  importance  et  rester 
isolé;  mais  dès  le  même  temps,  à  P)Oulogne-sur-Mer  (i'i")l),  on  voit  un 
cliàleau  sans  donjon,  ceinture  octogone  de  bâtiments  autour  d'uin^  espla- 
nade, :i\ec  tours  aux  angles.  Là  mé'nie  où  le  (k)njon  subsisli'  et  g:irde  son 


AliCHni.CTLHi:  (iOTIIlOlK  di    mii    sikcle 


TWW( 


I 


iii(li\  idiuililr.  Ir  reste  des  liAlinienls  a  }M-is  un  gi-iind  dévelopiieiiicnl  :  ils 
s'appuieiil  à  rcnceinte  extérieure  que  défendent  des  tours  puissiuiles:  ou 
peut  donedirc  que  le  cliàleau  cjothique  est  le  développeuieul  de  la  clirniisc 
du  eli.'deau  roman,  des  li:'dinu'nls  (pii  s'y  ajipuienl  et  des  loui's  (lui  la  llan- 
([ueul.  Dans  ces  bàlinieuls  s'espacent  assez  à  l'aise  tous  les  ser\  icr-,  d'un 
palais  et  d'une  forteresse;  logis  de  la  iiarnison,  cuisines,  grandi^  salie,  cdia- 
pelle,  appartements  du   seigneur   et   de  sa   suite;  magasins  et  arseiuuix. 

Les  donjons  de  l'époque  de  transition  ont  reç;u  des  plans  vaiiés, 
jtarfois  compliqués  a(in  de  ]U'ésenler  un  meilleur  llan([uriHrMl  ;  le  Iracé 
cai-ré  persiste  touiel'ois.  et,  comuK^ 
lout(^s  les  formes  simples,  persis- 
tera toujours  dans  les  onivres  peu 
soignées;  le  tracé  circulaire  tend  à 
prévaloir  de  plus  en  plus,  et  l'on 
trouve,  dans  la  seconde  moitié  du 
xii"  siècle,  le  tracé  cylindrique  ren- 
forcé d'un  éperon  du  côté  le  plus 
(wposé.  Philippe  Auguste  adopta  et 
lit  prévaloir  li^  'yp'^  cylindrique 
avec  porte,  non  plus  à  l'étage  supé- 
rieur, uKiis  à  rez-de-chaussée  avec 
ponl-lex  is  sur  le  fossé  qui  entoure 
le  diiiijiin. 

A  l'époque  gothique,  les  ar- 
clières  se  multiplient.  Li'urs  em- 
brasures sont  gainies  de  bant^ 
comme   dans   les    l'enéfres  ci\iles. 

l  ne  des  iiarlies    les   idus  précaires  ,  ,  "'"'  '"'"' 

'  ;         1  11,,.  ,.1.  —  lioiijcii  .!.•  (..Mic\. 

de  la  l'oililicalion  élait  les  hourds; 

on  a  vu  (pic.  dès  la  seconde  moitié  du  \if  siècle,  on  les  a  parfois  r(Mupla- 
cés  par  des  mâchicoulis  portés  sur  de  grands  arcsifig.  ,10).  A  parlir  de 
l'i~)0  environ,  apparaît  un  autre  système  :  à  celte  époque,  le  donjon  de 
('.ouc\  '  lig.  .11  I  et,  d'après  les  dessins  cpi'on  en  a  conser\és,  l'ancien  don- 
jon de  Pont-de-l'Arche,  ont  reçu  des  consoles  de  pierre  poui-  soutenir 
des  hourdages.  La  porte  de  Laon,  à  Coucy,  qui  date  aussi  du  xiu"  siècle, 
conserve  une  poutre  de  hourd  reposant  encore  sur  des  consoles  de  pierre. 
Les  chAteaux  du  xiii''  siècle  sont  innombrables.  Il  faut  citer  aussi  paimi 
les  plus  beaux  types  d'arcliileclure  niililaiie.  les  reni[iarls  de  ( '.arcassoniu- 
et  d'AitiUi'S-Mortes. 


L'archileclure  nutnaslique  a  prodnil  an  xui"  siècle,  en  France  cl  lioi: 
de  F'i'ance  dans  les  styles  français,    des  monunienis   1res  remai-quables 


4-0  HISTOIRE   DE  EART 

surloiil  ceux  de  l'ordre  de  Cîleaux,  qui  achevait  de  supplauler  alors  le 
vieil  ordre  de  saint  Benoîl,  et  qui,  de  Bourgogne  et  de  Champagne,  se 
répandait  jusqu'aux  limites  de  la  chrétienté,  portant  avec  lui  les 
modèles  d'art  de  la  lerre  natale,  épures  selon  le  goût  austère  de  saint 
Bernard. 


II 

PAYS-BAS 

En  Belgique,  le  style  du  nord  de  la  France  et  de  la  Champagne  se 
comhine  avec  des  influences  germaniques  dont  la  Champagne  elle-même 
n'est  pas  exempte  ;  mais  l'influence  française  reste  prépondérante.  Elle 
a  dans  Tournai  un  centre  d'action  et  de  rayonnement,  et  les  moines  de 
Cîteaux  la  propagent  d'autre  part  en  élevant  des  monuments  tels  que  les 
belles  églises  de  \'illers  et  d'Aulne.  Le  plan  champenois  de  Braisne  et 
d'Essomes  se  retrouve  à  Saint-Martin-d'^  près  et  à  Lisseweghe;  le  plan 
de  la  cathédrale  de  Tournai,  souvent  imité,  présente  comme  à  Soissons 
un  déambulatoire  à  chapelles  polygonales  égales  et  peu  profondes,  réu- 
nies en  une  seule  Iravéc  de  voûte  avec  la  galerie  qui  les  dessert. 

i^a  Belgicpie  et  la  Hollande  ont  deux  remarquables  monuments  de 
Iransition  :  le  transept  de  la  calhédi-ale  de  Tournai  et  l'église  des  reli- 
gieuses de  Citeaux  de  Kuremonde.  La  première  est  très  inilucncée  d'art 
germanique;  la  seconde  appartient  comjilèlement  à  l'école  rhénane  et 
date  de  1218  à  L22L  On  sait  que  le  chœur  ])rimitif  de  la  cathédrale  de 
Tournai,  fondé  en  H 10,  n'avait  été  consacré  qu'en  1171,  et  voûté  vers 
II!MI.  Le  transept  est  évidemment  de  la  même  construction,  jicut-èire  un 
peu  antérieur;  il  marque  un  slyle  jdus  récent  que  la  nef,  par  laquelle  la 
construction  a  commencé.  Il  se  termine  en  absides  pourvues  de  bas  côtés 
et  de  tribunes  à  voûtes  d'arêtes,  mais  dont  la  voûte  haute  repose  sur  six 
branches  d'ogives  épaisses  et  de  prolil  carré,  convergeant  à  la  clef  d'un 
grand  arc-doubleau  brisé.  La  partie  droite  du  transept  et  sa  tour-lanterne 
appartiennent  à  un  style  plus  avancé.  Les  ogives  y  ont  pour  profil  deux 
boudins  séparés  par  un  rang  de  têtes  de  clous. 

L'église  de  Ruremondc  réunit  tous  les  caractères  germaniques  :  plan 
Iréflé,  petites  tours  carrées  llanquant  le  chœur,  lanterne  octogone  sur  le 
transept,  nef  à  travées  carrées  répondant  chacune  à  deux  travées  de  bas 
côtés  et  de  tribunes,  vaste  narthex  affectant  la  disposition  d'un  transept 
occidental,  et  grosse  lour  carrée  sans  portail  à  l'ouest  de  ce  narthex. 
L'aliside  de  l'est  a  trois  alisidioles  desservies  par  un  déambulatoii-e  étroit 
connue  une  simple  coursière;  les  absides  du  transept  sont  à  pans  ;  la  lan- 


L  ARCHITECTIRE  GOTHIQI'E  DU  XIII'  SIKCLE  41 

terne  a  un  triibrium,  et  toute  Tcglise  est  couverte  de  voûtes  <l'o<;iv(>s, 
celles  du  vaisseau  central  agrémentées  de  clefs  pendantes.  De  ioiu'ds 
pans  de  murs  transversaux  chargeant  les  doubleaux  des  tribunes  tiennent 
lieu  d'arcs-boutants. 

L'église  abbatiale  de  Saint-Bavon  près  Gand,  consacrée  en  1195,  dé- 
molie par  Charles-Quint,  semble  avoir  été  un  magnifique  édifice  gothique 
primitif.  Elle  avait  une  tour  centrale,  deux  au  transept,  une  quatrième  à  la 
façade,  et  une  cinquième  sur  le  bas  côté  sud.  Il  n'en  reste  qu'un  portail 
latéral.  L'église  Saint-Martin  de  Saint-Trond  appartient  au  même  style, 
mais  elle  est  très  simple.  La  belle  église  abbatiale  gothitjue  de  Florcffe, 
reconstruite  entre  M88  et  1250,  a  été  complètement  défigurée  au 
xviii'"  siècle.  Saint-Pierre  de  Tournai,  malheureusement  démoli  vers  le 
milieu  du  xix"  siècle,  était  un  type  charmant  de  l'art  transitionncl.  La  tour 
centrale  carrée  était  flanquée  de  tourelles  rondes  et  formait  à  mi-liauteur 
une  sorte  de  lanterne  voûtée  d'ogives  avec  triforium;  une  élégante  galerie 
régnait  à  la  base  du  pignon  de  la  façade.  La  haute  tour  carrée  de  Saint- 
Piat,  dans  la  même  ville,  présente  encore  un  bon  exemple  du  style  de 
transition  ;  celle  d'Anloing  près  Tournai  est  presque  semblable. 

L'abbaye  cistercienne  de  Villers,  fondée  en  1147,  fut  commencée  seu- 
lement en  1197;  l'église  fut  achevée  vers  P27y  sous  l'abbé  Arnould  de 
Ghistelles;  reprise  el  agrandie  au  xiv"  siècle,  elle  appartient  au  style  fran- 
çais de  l'époque.  L'abside  à  pans  est  simple;  le  transept  a  deux  i)as  côtés, 
celui  de  l'est  formant  chapelles;  la  nef  a  des  voûtes  sexpartites  dont 
chaque  travée  répond  à  deux  travées  des  bas  côtés  sans  que  cette  dispo- 
sition influe  sur  les  piliers,  qui  sont  tous  en  forme  de  colonnes.  En  élé- 
vnlion,  l'abside  présente  une  disposition  originale,  à  trois  étages  :  en  haut 
et  en  jjas  un  rang  de  fenêtres  simples  en  lancette,  et  entre  les  deux  un 
rang  de  baies  en  plein  cintre  que  remplit  une  superposition  de  deux  œils- 
de-bœuf,  ordonnance  analogue  à  celle  de  quelques  églises  de  transition  de 
l'Ile-de-France,  Poissy,  Champeaux,  Moret,  Notre-Dame  de  Paris,  (".elle 
disposition  se  répète  aux  extrémités  du  transept.  Les  arcs-boutants  sont 
très  simples  et,  à  l'extérieur,  de  grands  arcs  de  décharge  surbaissés  son! 
bandés  entre  les  colonnes  engagées  sur  lesquelles  ils  s'appliquent.  Une 
grande  partie  des  bâtiments  claustraux  sont  conservés;  les  plus  leniar- 
quables  sont  la  cuisine  et  le  réfectoire  du  xiii"  siècle;  la  cuisine,  avec  sa 
grande  cheminée  centrale,  rappelle  en  plus  grand  celle  de  Bon|>ort. 

L'abbaye  cistercienne  d'Orval  (Luxembourg  belge)  appartenait  à  un 
style  jilus  particulier  à  l'ordre  :  l'extrémité  de  transept  conservée  montre 
trois  ])aies  en  plein  cintre,  garnies  d'élégantes  colonnettes  et  surmontées 
dune  rose  à  six  grands  lobes  circulaires  ;  ce  débris  rappelle  absolument 
l'art  bourguignon  de  la  fin  du  xu"  siècle.  Les  églises  abbatiales  des  Dunes 
et  de  Ter  Doest,  bâties  au  xui'   siècle,  étaient  les  plus  belles  de  la  Bel- 

T.    II.    —    t» 


12  HISTOIRE   I)H  LAHT 

Inique;  iiialhriircnsciiicnl ,  elles  onl  été  délriiiles  en  IJ71  |);ii'  les  pidles- 
laiils,  mais  à  côté  de  In  seconde  suhsisle  l'éiilisc  pai'oissialc  de  Lissc- 
Nvei^he,  l.\pc  très  pur  el  1res  liclie  de  larl  du  xm'  siècle. 

Kn  Hollande,  l'église  d'AdrlNvcrlli  lui  lnilic  en  l'Jli  surir  modèle  de 
('.lair\aux. 

l/é;^lise  paroissiale  de  Paniele  à  Audenaerde  est  dah'e  de  l'jri,"ipar 
une  iiiscri|>[i(in  qni  donne  le  nom  du  uiadre  de  l'œuvi'c,  Arnould  de  Bin- 
(dir  ;  en  l'J.",S,  elle  était  terminée.  Clest  donc  un  édilicc  d'une  i^rande 
unilé,  à  |iart  un  liras  du  iransepi  et  un  bas  C(Mé  reconstruit  au  xiv''  siècle. 
Le  déambulatoire  n'a  qu'une  t;rande  chapelle;  une  tour  octogone  s'élève 
au  centre  du  transepi  ;  les  suj)ports  sont  en  forme  de  colonnes;  le  tril'o- 
lium  esl  composé  de  petites  lancettes  sur  colonnelles;  les  fenêtres,  sauf 
dans  les  élroils  pans  coupés  de  l'abside,  sont  des  groujies  de  trois 
laneeiles  encatirées  d  un  arc  en  plein  cintre. 

Brux(dles  conser\  e,  de  l'archilecture  du  xnrsiècle,  le  eli(rur  de  Sainte- 
Gudulc,  commenré  \ers  l'J'20,  et  Notre-Dame,  qui,  érig(''e  en  paroisse  en 
l'JIC»,  dut  être  rebâtie  à  cette  date.  Sainle-Gudule  a  un  déambulatoire  à 
chap(dles  peu  profondes,  à  deux  pans,  avec  fenêtres  en  plein  cintre,  el  de 
grandes  l'eniMic^  liaidrs  en  liers-puird  garnies  d'un  rirhc  iVncsIragc  el 
couronnées  de  IVoidons  aigus.  (  l'est  peu  a})rès  li'Hi  (|ue  l'urenl  (■le\('>s  le 
(direur  et  le  transepi  de  Notre-I)ame  dite  la  ('.liap(dle.  L'abside  à  jians  a 
de  grandes  ren(''li'es  en  jdein  cintre  eneadr(''es  de  moLdui'es  et  de  eubm- 
nettes  et  que  ganiil  un  l'enestrage  comme  ceux  de  Heims.  La  eoi-nielie  esl 
senlpl(''e  de  l'eiiillages  el  de  ligures  grinuicantes. 

Iiini  liai  p<issède  eiii(|  nupiiunieiils  remarquables  du  xm'  siècle  :  Saiiit- 
(liK'iitin  'eu  gramle  parlici,  Saiiil-.Iae(|iies.  b:\li  de  l'JI'.l  à  LJ57  |iar 
révè(|ue  (laulier  de  Mar\is;  la  -Madeleine,  bàlie  en  Li.M;  Saiul-Nicdlas 
(l'-ML,  et  surloul  le  elin'iir  de  la  eall!<''drali'.  (bnil  il  a  i\r]i[  vlr  (piestiun. 
Les  [)remiers  oïd  subi  l'iiillui'iiee  geiiiiaiiiipie.  tandis  ([lU'  le  eb(eur  de  la 
cathédrale  est  un   bel  exemple  d'ail   l'iaiieais. 

Saint-Martin  d'âpres  lui  eiiiiimeiic(''  en  l"J'Jl,par  le  saïul  iiaire  ;  en 
l'ib'l,  on  élevait  le  transept  el  la  iiel';  la  l'aeade  et  la  tour  ne  dalenl  ([ue  du 
xv'  siècle,  dette  église  a  le  jtlan  de  Saint-Yved  de  Braisne  :  abside  siuqile 
el  s(^  i-accordant  au  liansept  par  quatre  (dui]>clles  décroissantes  tracées 
en  éxtiitail.  J^es  piopitrlions  sont  belles  et  rai(dntecluii'  a  beaucoup 
d'élégance.  Tous  les  |iiliers  onl  la  l'orme  de  colonnes  élancées  à  chapi- 
teaux octogones  ;  b^  tril'oiiuin  se  conqiose  d'une  suite  de  baies  étroites  el 
liaules  en  plein  eintie  dans  le  elin'ur,  e|  reposant  ail  eriiali\  cmeiil  sur  des 
coloniK'ttes  isob'es  et  coujdées,  taudis  ipie  dans  la  iief  elles  dalenl  du 
xiv'  siècle  et  sont  aiguè's,  ornées  de  redans  et  ir(''coincons  évidés,  el  ]ior- 
tées  sur  des  faisceaux  de  colonncttes  prismatiques.  Le  triforium  du  croi- 
sillon nord  marque  une  date  et  présente  une  forme  intermédiaire,  tandis 


L'ARCHITKCTIRF.  COTlIInn-:  1)1     Xlll     SIKCI.H 


que  celui  du  suil  a  des  arcades  gvniiiiées  plus  riclies.  La  mse  sud  du 
Iransept  esl  très  ori_<i-inale  par  s((u  li;n('.  Le  riin'ur  a  deux  ('•lai;cs  de 
fenèU-es,  géminées  dans  le  bas,  el  i'oi-uiaiil  en  liaul  des  tiioupes  de  Irois 
lancelles  encadrées  d"un  arc  en  j)lein  cintre  (pii  c<)n-es|)(in<l  aux  loi  luercls. 
Une  coursière  extérieure  traverse  ces  l'enélres  liantes.  Parmi  les  foimes 
originales  de  Saint-Martin,  il  faut  noter  des  arcalures  du  xni'  siècle,  les 
unes  surl)aiss(''es.  les  autres 
ayant,  au  lieu  tlun  arc,  un 
linteau  sur  corbeaux. 

L'église  Sainte-W'aU 
burge  de  Furnes,  construilr 
de  12.10  à  LJSO,  fut  incendiée, 
eu  pa|-|ie  dcM  l'iliie.  el  rebâtie 
en  1,")^).".  (i'esl  un  monument 
en  lu'iipie  et  pierre  conçu  sur 
un  vasli'  plan:  mais  le  cluxur 
seul  subsiste,  a\i'c  la  partie 
(irienlale  (hi  lranse|il  el  le> 
l'csles  d  une  nel'du  xiv'siècle, 
miséralde  el  inachevée.  Le 
clio'ui'  a  un  déambulatoire  à 
cin([cbapclles  ;  de  grandes  cha- 
pelles rectangulaires  s'éten- 
dent à  l'est  du  transept  el  se 
relient  au  il<''ambula toire, 
comme  ù  Notre-Dame  de 
Saint-Omer.  Les  ])iliers  en 
pierre  di'  Toui-iiai  uni  la  Inrme 
di'  hautes  colonnes  a\  l'c  eha- 

pileaux  octogones  à  crochets  di>  faible  relief;  la  parlie  haule  de  I  l'diliee 
esl  courte  par  rapport  au  déaml)ulaloire;  la  voûte,  les  chaj)ileau\  de> 
colonnettes  cjui  reçoivent  ses  arcs,  les  l'enestrages  el  les  ai'cs-boidanls 
sont  refaits  au  xiv''  siècle.  Les  arcs-boulauts  Ac  briipie  poi-teni,  sur  des 
claires-voies  ajourées  de  quatrefeuilles,  des  caniveaux  iucliuc's.  Le  Iri- 
forium  est  une  suite  de  baies  étroites  séjiarées  |)ai'  de  haules  coloinieites 
el  amorties  non  par  des  arcs,  mais  par  des  linteaux  siu'  eoibeaux. 

A  Gand,  une  église  intéressante  du  xii  et  du  xni'  siètde.  Saint- 
Nicolas,  avait  originairement  une  tour-lanleiue  voûtée  d'ogives,  une  nel 
sans  voûte,  éclairée  ]iar  des  groujies  de  irois  baies;  le  pignon  occidental 
et  ceux  du  lran>epl  sou!  Ilampiés  de  lonielles:  le  diNHubulal  oiic  est 
enl(nu'é   de   chapelles  peu  profontles  du  l>pe  de  la  caihédrale  de    loui'uai. 

A  Bruges,  deux  urandes  églises  du  xm'    siècle,   Notre-Dame  el  Sainl- 


111'    cl    !«■(   ,\, 


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U  IIISTOIlîE   DE  L'ART 

Sauveur,  oui  un  draiuluilaloiie  à  cluipeiles,  et  des  piliei's  en  i'aisceaux 
de  colonneltes,  eL  non  de  grosses  colonnes  uniques,  comme  la  plupart 
des  autres  églises  du  même  pays.  A  Notre-Dame,  le  transept  est  plus  bas 
que  le  vaisseau  central,  et  le  trilVuium  a  été  refait  au  xvii"  siècle;  à  Saint- 
Sauveur,  il  se  compose  dune  suite  d'étroites  lancetles. 

Les  principaux  édifices  monastiques  de  Belgique  sont,  à  Saint-Bavon 
près  Gand,  un  cloître  et  les  ruines  d'une  belle  salle  ca[)i(ulaire  de  style 
gotliique  jiriniilif,  et  les  ruines  de  \'illcrs. 

Le  plus  bel  édilicc  civil  esl  le   bàlimcni  des    Halles  d'Ypres,  élevé 


L,-^  ll,,llc:,a'Vl,n 


de  ItiOl  à  ir)04.  Sa  façade  antérieure  est  longue  de  155  m.  10  cm.;  le 
bellVoi,  partie  la  plus  ancienne  et  la  seule  voûtée,  occupe  le  centre.  L'aile 
de  droite,  ou  vieille  Italie,  fut  achevée  en  1250;  l'autre  en  1285;  l'aile  en 
relour  ou  conciergerie,  au  xiv"  siècle  seulement.  L'ordonnance  esl  néan- 
moins très  homogène  ;  elle  comprend  sur  la  façade  4i  travées  pourvues 
de  porles  au-dessus  desquelles  des  fenêtres  sont  disposées  comme  des 
tympans;  l'étage  supérieur  a  de  belles  fenêtres  en  arc  brisé  à  remplages 
découpés,  et  ses  trumeaux  sont  oiMiés  de  niches  et  de  statues. 

Un  autre  bel  édifice  du  xui'  siècle,  l'Hôtcl-Dieu  de  Gand,  dit  la 
Bylofjue,  conqu'cnd  deux  giaiids  bâtiments  en  rectangle  allongé,  paral- 
lèles et  contigus;  l'un  est  la  chapelle;  l'autre,  qui  était  la  salle  des 
malades,   est    plus    élevé,    pour\u    d'un    portail   à   deux    baies    dont   le 


I.  AlîC.IlllECTURE  COTHIOrK  DU  XIII    SIKCLE 


lym]i;in  ^t'iiiim''.   richeinenl  sculplé,   rejirésciile  le  Trépas  ilc  la  \  iiTiço. 

Le  Ix'lTioi  de  Tournai  date  également  du  \\i\'  siriTe  dans  sa  parlie 
inférieure.  Cest  une  tour  carrée  isolée,  garnie  aux  angles  de  tour(dl<'s 
octogones  à  flèches  de  pierre.  Entre  les  tourelles  sont  jjandés  de  gr-ands 
arcs  de  décharge  en  tiers-poini,  mais  ces  tourelles  et  ces  arcs  send)l('nt 
une  addition  faite  pour  consolider  la  lour  après  l'incendie  de  IT)'.!!.  L'ar- 
chitecture primitive  était  donc  plus  que  simple. 

Tournai  possède  des  restes  de  maisons  du  xui''  siècle,  notamment,  rue 
Saint-Piat,  une  remarquable  façade  donl  les 
grandes  fenêtres  à  croisées,  avec  colonnettes 
et  corbelets,  ne  sont  séparées  que  par  des 
trumeaux  presque  aussi  étroits  que  les  me- 
neaux, suivant  un  type  qui  deviendra  usuel 
dans  la  région  aux  siècles  suivants.  La  mai- 
son des  Templiers,  à  Ypres,  est  remarquaidc 
par  les  trois  belles  fenêtres  en  tiers-point  et 
à  tympans  découpés  de  son  étage  supérieur. 

L'architecture  civile  et  militaire  du 
xiu'"  siècle  est  brillamment  représentée  au 
chAteau  de  Gand  :  sa  grande  salle  de  six  tra- 
vées s'élève  sur  une  salle  basse  dont  trois 
rangs  de  colonnes  trapues  portent  les  voûtes 
d'ogives  et  se  couronnent  de  puissants  chapi- 
teaux à  crochets. 

En  Hollande,  l'influence  du  nord  de  la 
France  se  répand  par  Tournai.  A  Damme,  au 
xni°  siècle,  l'église  ruinée  de  Notre-Dame  a 
des  ])iliers  en  forme  de  colonnes  à  chapiteaux 
octogones  à  croc-hets,  i4  des  gi-oupi^s  d<^  Ir-ois 
élégantes  fenêtres  en  tiers-point  dans  l'em- 
brasure desquelles  circule  une  coursière;  elle 
n'a  pas  de  triforium,  car  les  bas  côtés  comme 

la  nef  étaient  sans  voùle.  L'église  d'Ardenburg  en  Zélande  a  les  mêmes 
supports  plus  trapus  et  un  triforium  pareil  à  celui  de  Sainl-Jacques  de 
Tournai;  la  nef  est  sans  voûte  et  les  bas  cùlés  ont  des  fenêtres  géminées 
comme  à  la  Madeleine  de  Tournai.  La  chapelle  sud  de  la  calhédrali'  île 
Bois-le-Duc  date  du  xnf  siècle.  La  callK'dralc  drircclii,  hiiliedr  |-J.')i  à 
L267  est  une  très  grande  église  dont  la  nef,  écroulé(;  en  KiTi-,  n'existe  plus. 
Le  plan  du  chœur  est  analogue  à  celui  de  la  cathédrale  de  Tournai. 

Le  grand  jiorlail  du  xui"  siècle  de  Sainl-Servais,  à  Maeslriclil,  est 
remarquable  par  si's  nondin'uses  voussures  en  tiers-poiid,  ses  piédroits 
garnis  de  colonnelles  <•!  de  slalues,  et  son  tympan  du  Trépas  et  du  ('ou- 


-40  HISTOIRE  DE  L'ART 

l'oniicmeiit  do  la  Vierge,  analogues  aux  œuvres  franeaises  du  même  temps. 
Ce   porlail  ('lail  entièrement  couvert  de  peintures  qui  ont  été  raiVaîcliies. 

iJans  le  nord  de  la  Hollande,  eomme  en  Danemark  et  dans  un(^  })ai'- 
ti(^  de  liVllemagne,  sous  rinlluence  sans  doute  du  commerce  maritime, 
une  série  d'églises  du  xiu'  siècle  se  sont  inspirées  de  lart  du  sud-ouest 
de  la  France;  si,  elles  en  ditTèrent,  c'est  surtout  jiar  l'emploi  de  la  hriqueet 
la  pauvreté  de  l'ornemeniation.  Ce  sont  des  monuments  à  nef  unique  et  à 
transept  saillant,  divisés  en  travées  carrées,  couverts  de  voûtes  d'ogives 
l)ombécs,  dont  l'appareil  se  rajiproche  de  la  coupole  et  dont  la  croisée 
est  rent'orc(''e  d(^  liei'nes.  A  ce  type  aj)parliennent  l'église  de  Stedum,  C[ui 
pr('S('nle  une  aliside  comme  la  cathédrale  d'Angers;  les  églises  de  Zuid- 
Lrock  et  Winsclioten,  qui  ont  le  chevet  carré.  Dans  la  seconde,  les  fenê- 
tres sont  groupées  par  deux  comme  dans  les  modèles  franc-ais.  Au  même 
groupe  se  latlaciie  l'église  de  Termondr,  près  An\ri-s.  (|ui  a,  comme  ses 
modèles,  des  coui'sières  iidéiieiires  sur  lappui  des  l'enêties.  Des  arca- 
tures  règneni  au  dedans  et  au  dehors  sous  1rs  f('U(Mres  de  ces  églises;  à 
Tcrmonde,  celles  du  dehors  sont  de  grands  arcs  qui  encadrent  les  fenê- 
tres, et  toutes  quatre  ont  des  rangs  de  petits  leils-de-hceuf  ouverts  sous 
les  fen(''tres  principales,  particularité  qui  n'est  pas  d'origine  frant^-aise. 

La  Hollande  conserve  très  peu  d'architecture  civile  antérieure  au 
XV"  siècle.  L'ancien  hôtel  des  Loteries,  à  La  Haye,  n'est  autre  tpie  la 
gi-ande  salle  du  palais  achevé  |)ar  Florent  \'  en  l'2!)l  ;  c'est  un  édilice  de 
iiii(pie  allongé,  dont  le  pignon  de  façade  est  llancpu''  de  deux  tourelles 
l'ondes  contenant  des  escaliers.  Elles  ont  encore  la  décoration  gei'ma- 
nique  et  romane  qui  consiste  en  plates-bandes  de  })eu  de  saillie  raccordées 
à  une  fris(^  de  petites  arcatures.  Le  milieu  de  la  l'acade  es!  jicr(('  d'uni' 
rose  entre  deux  fenêtres  houchées  en  tiers-iioinl  avec  meneaux  et  tym- 
[lans  ornés  de  trèfles;  un  rang  de  (puitrefeuilles  inscrits  dans  des  cercles 
surmonte  ces  trois  haies,  et  le  pignon  est  occu})é  |)aj'  un  fcncsliage 
simulé  jiercé  seulement  de  einq  ouvertures  du  même  genre. 


III 

ALLEIVIAGNE 

Un  texte  célèbre  affirme   l'origine   française  du   style  gothique  en 

Allemagne;  une  chronique  contemporaine  rapporte,  en  effet,  que  l'église 

de  ^^'impfen-im-Thal,  dont   le  clueur  gothique  date  de  Li.M)  à  1278,  fut 

construite  «  opcrc  /'rtinci<i('iw  »  par  un  maître  d'œuvres  niand(''  de  Paris. 

L'Allemagne  a  gardé  l'architecture  romane  jusqu'à  la  lin  <luxin'  siècle, 


LARCHITECTURE   GOTHIOrE  DU  Xlll"  SIECLE  47 

iiiiiis  d('s  le  conuueiiccincnl  du  inènie  sii'clc,  l'iirl  ij;ollii(|iic  v  lui  ;i|i|)(M-lr 
|i;u-  des  iirlisics  fraurais  ou  par  des  Allemands  (jui  étaieni  allrs  Iravaillrr 
eu  Fruuee.  Un  Irouve  alors  des  uionuuicnls  oit  la  dreofalion  i;-ollii(|uc 
el  quelques  voûtes  d'ogives  s'adapleni,  à  une  slrudure  loulc  romane  : 
c'esl  le  produit  de  la  eollalioration  d'artistes  initiés  et  non  inilirs  au  nou- 
veau style;  telles  les  églises  de  Munstermayfeld  et  Freiberg,  les  callir- 
dralcs  de  \\'orms,  Naumliourg,   Bamberg,  Bi'unswick,  Padcrborn. 


La  ealliédrale  de  Bamberg  l'ut  r(diàlie  après  l'inccndir  Ai-  IIS."»:  ci 
l'JOI.  (Ml  y  plaeail  les  reliques  de  sainte  Cunégonde;  en  l'JT.T,  cul  iirn  I; 
cons('(raliou,  et  des  indulgences  furent  accordées  jiour  la  conlinual  ion  di 
l'ieuvre  jusqu'en  1274.  Elle  a  le  plan 
germanique  à  deux  absides,  et  des 
voûtes  d'ogives  bombées;  sa  scul- 
pture rappelle  celle  de  Beims. 

Des  voûtes  d'ogives  ont  él('' 
appliquées  à  des  nefs  romanes  dont 
les  bas  ccjtés  conservent  la  voûte 
(i'ar("'les.  à  la  cal  InVlrale  de  ^layence, 
la  cathédrale  et  Saint-Martin  de 
\\'(irms,  Sainl-\  il  d'l']lKvangen, 
Arnsbourg,  Fril/.lar,  tandis  qu'à 
vSaint-Cunibert  de  ( '.ologne,à  Sigols- 
heim  et  Wildenliauscn,  les  bas  côtés 
eux-mêmes  sont  voûtés  d'ogives; 
à  Bacharacli,  les  bas  côtés  à  \()ùtes 
d'ogives  sont  surmontés  de  tribunes  à  voûtes  d'arêtes;  deux  lia\éi's  de 
bas  côtés  correspondent  à  une  travée  de  nef.  A  Sin/ig,  ni("-nie  s\slcnii\ 
loule  la  structure  y  es!  romane,  quoique  la  \oûle  d'ogi\es  règne 
parloul.  Les  bas  c(')li's  el  les  tribunes  ont  d(^s  arcades  en  plein  cinlre: 
les  fiMiélies  liaules  oui  la  foi-me  d'(''ventails  festonnés;  au  centre  du  tran- 
sept,  une  coupole  à  pendenlils  est  pourvue  de  toute  une  armature  de 
branches  d'ogives,  el  la  voûte  d'ogives  bombée  de  l'absith^  a  la  foiine 
générale  d'un  cul-de-foui-.  A  Sainl-Ouirin  de  Xeiiss.  les  absides  du  tran- 
sept onl  des  culs-de-four;  la  lanlerne,  une  coupole  sur  branches  d  ogives; 
la  nef.  les  bas  côtés,  les  tribunes,  des  voûtes  d'ogives  et  des  ai-cs  en  liers- 
|ioinl  :  l'ornenienlalion  esl  bien  gothitpie.  Les  églises  de  Saiul-Maiiin  de 
Wcirnis.  (ineli\  Hier  el  llo^lieim  >  Alsace  ■,(  iei'reshi'im.  l!and)ei-g,  b"i-il/.lar, 
Kai-lsb(uirg.  luikenliach.  ()>nabriick,  l'église  de  Sion  à  Cologne,  prf-- 
senteid  touli's  le  uH'me  mélange  d'arl  roman  cl  golhique.  la  mi'nie  allcr- 
naiiee  de  tieux  lra\(''es  de  bas  côtés  pai'  cliaipic  lra\(''e  de  nef.  l  n  des 
UH'illeurs  tvpes  du  <i-enre  est  l'église  de  Munstermayfeld.  du  .\m   siècle, 


-<.,M|M-,i,.\\,,.,|lM, 


48  HISTOIRE   DE  L'ART 

Joui  la  tour  occidcnlalc,  l)arlongue  à  toiirollcs,  rappelle  certains  clochers 
(lu  Languedoc  avec  lesquels  cependant,  elle  semble  n'avoir  aucune 
j)arenlé.  Les  trois  larges  travées  de  nef  ont  des  piliers  en  faisceaux  de 
colonnes,  des  bas  côtés,  des  arcs-boutants;  le  transept  a  des  absidioles; 
l'abside  principale  a  une  voûte  bombée  et  une  galerie  extérieure  surmon- 
tée de  frontons. 

La  cathédrale  de  Bonn,  malgré  ses  voûtes  d'ogives,  a  tout  l'aspect 
cxlérieur  d'une  église  romane;  le  système  de  ses  piliers,  en  faisceaux  de 
colonnes  de  diverses  dimensions,  le  style  de  leurs  chapiteaux  à  crochets, 
sont  parfaitement  gothiques;  les  voûtes,  de  plan  carré,  sont  sensiblement 
bombées;  la  nef  n'a  pas  d'arcs-boutants;  ses  murs  épais  sont  allégés  par 
un  triforium  à  petites  arcades  sur  colonnettes,  et  par  une  coursière  tra- 
versant les  embrasures  des  fenêtres,  qui  sont  groupées  par  trois.  Les  dou- 
bleaux  à  double  voussure  sont  en  tiers-point  ;  la  j)lupart  des  autres  arcs 
en  plein  cintre;  les  fenêtres  des  bas  côtés  ont  le  type  original  et  essen- 
tiellement germanique  en  éventail  festonné.  Le  transept  se  termine  en 
absides  polygonales;  le  chœur  simple  est  éclairé  par  des  œils-de-bœuf,  et, 
à  cause  des  stalles,  les  colonnes  engagées  qui  reçoivent  la  retombée 
de  ses  voûtes  reposent  sur  des  encorbellements  sculptés  et  de  forme 
puissante. 

Plus  franchement  gothique,  et  d'un  style  plus  bomogène,  l'église 
Saint-Arbogaste  de  Rouffach  est  un  intéressant  monument  du  style  ogival 
primitif,  avec  l'alternance  germanique  des  travées.  La  nef  s'éclaire  par 
des  groupes  de  trois  fenêtres  en  lancette;  les  piliers  ronds  alternent  avec 
les  faisceaux  de  minces  colonnes;  un  cordon  de  billcttes  relie  les  tailloirs 
de  celles    de   la   nef;    les   arcs-boutants  sont  très   simples  et  massifs. 

D'autres  importations  présentent  un  caractère  homogène,  et  sont  le 
rayonnement  des  écoles  françaises  voisines  :  à  l'art  bourguignon  appar- 
tiennent les  principales  abbayes  cisterciennes  et  leurs  dérivés,  et  Saint- 
Sebald  de  Nuremberg;  à  la  Champagne,  un  plus  grand  nombre  d'édifices; 
la  cathédrale  de  Chartres  n'a  pas  été  sans  influence;  l'Ile-de-France  a 
fourni  les  meilleurs  modèles;  enfin,  l'école  du  Sud-Ouest  a  exercé  son 
action  sur  le  cours  inférieur  du  Hliin  :  ^^'estJ1llalie  et  Pays-Bas.  Cette 
dernière  et  plus  lointaine  importation  résulte  des  relations  intimes  que  le 
commerce  avait  nouées  entre  l'embouchure  de  la  Loire  et  les  ports  du 
nord  de  l'Europe. 

Les  églises  de  l'ordre  de  Cîteaux  otïrent  une  grande  variété  de  plans, 
qui  se  rattachent  presque  tous  aux  types  principaux  du  répertoire  de 
l'ordre;  celle  de  Maulbronn,  presque  complètement  romane,  a  un  sanc- 
tuaire carré,  et  quatre  chapelles  carrées  au  transept;  celles  de  Hohenfurt 
en  Bohême,  du  milieu  du  xui"  siècle,  et  de  Charin  (l^T'i)  ont  une  abside  à 
pans  et,  au  transept,  quatre  chapelles  carrées;  celle  de  Salem,  dans  le 


I-AliCHITHCTLlHK  GOTIIIOIE  niJ  Xlil    SIKCI.E 


40 


gmiul-di.d.r  (le  Dade,  a  un  .■lievcl  plal  llanqué  do  doubles  l.as  .-ùlés,  (|ui 
s'arrêtent  au  même  alignement  comme  dans  certaines  églises  de  la  Ciiani- 
pagne  et   des  régions   voisines;  Maishom    (125.")   a   une  vaste  'al)side  à 


Xcf  de  Saiiil-Schald  ilc  Xui'ciiiljci'i 


doujjje  di'auiliidaloire  sans  cliaiiclles,  comme  jadis  Xolre-Dame  de  l'aris; 
Ileisterbacli,  œuvre  romane  du  xiii'  siècle,  a  un  déaml)uIatoirc  entouré 
d'absidioles  emptUécs  dans  un  très  large  mur  demi-circulaire.  L'alibafialo 
cistercienne  de  Maricnstall,  (|ui  date  de  l'2i.",  présente  un  déambulatoire 

T.    II.    -    7 


uO  HISTOIRE   DE  LAP.T 

(■•Irgaiil,  riUourr  ilc  srpi  iilisidiolcs;  crllc  de  Scdicc,  en  Bolirme  (ItiSO), 
a  s('|)l  cliapcllcs  j)olygonal<'s  |>!ar(''es  de  iikmik';  celle  d'Aliemljerg;  (12.')')) 
a  en  oulrc  deux  IraviM's  de  douldes  lias  (-('ih^'s  corresjKindaiil  an  cIkpui-,  et 
des  lias  (•(■)l(''s  au  li'ausejil;  e'esl  un  ]ilan  seudilalile  à  celui  des  i^i'audes 
églises  du  nord  de  la  France.  L'e'glise  cislercicnnc  d'Elirach  csl  absolu- 
mcnl  conforme  au  modèle  emprunlé  à  rarchitccture  bourguignonne,  et 
reproilnil  en  Finance  à  Xoirlac  (Ghei'j,  Acey  i.lnrai,  Sainl-.lean-d'Aulpli 
(Savoie),  —  en  Anglelerie  à  Hoche.  —  en  Ilalie  à  l-'ossanova,  (lasamari  et 
San  Galgano.  On  peut  citer  aussi  comme  des  imilalions  absolues  du  slyle 
de  la  Bourgogne,  le  poi'che  de  l'abbaliale  de  Maulluonn,  ci  le  cloîlre 
de  Saint-Malliias  près  Trêves. 

Le  plan  champenois,  dont  le  type  le  plus  l'cmarquablc  est  Sainl-Yvcd 
i\v  Braisne  (fig.  10)  a  été,  au  xnf  siècle,  l'cproduit  à  Xanlen,à  Oppenlieim, 
en  l'iO.là  Saint-lMarlin  d(^  Casso^ie  (Hongrie),  au  xiv''  siècle  à  Anclam. 
Notic-Dame  de  Trêves  est  une  comliinaison  de  ce  système  et  du  plan  en 
(pial  rel'euille. 

Le  plan  de  la  cathédrale  de  Soissons  (tig.  lô)  avec  ses  chapelles 
rc'uiiies  au  déambulatoire  par  un  même  système  de  voûtes,  a  été  imité  à 
Lubeck,  en  J^T.'i  dans  la  cathédiale.  en  ll'TI  à  Sainte-Marie.  Le  déambu- 
latoire de  la  cathédrale  dllalliei'sladt  (xui'  s.  i  n'a  (piune  chapelle;  c(dui 
lie  la  cathédrale  de  \'erden,  bâtie  en  LJ'.H),  n'en  a  pas  :  il  peut  se  cdmparer 
à  celui  de  la  cathédrale  danoise  de  lioeskilde,  et  au  plan  primilit"  de  celles 
de  Paris  et  de  Bourges.  Beaucoup  d'églises  gothiques  germaniques  ont 
une  abside  flanquée  de  deux  absidioles  ]iarallèles,  comme  Saint-Etienne 
de  ^'iennc,  la  cathédrale  de  Balisbonne  (L275),  et  l'église  dominicaine  de 
la  nn''mi'  ^ille  ,  127.":. 

Sainle-.Marie  de  W'olkmai'sen  est  un  monument  de  i'Jlir»  à  12S0,  com- 
])Osé  d'un  sanctuaire  carré  et  de  trois  nefs  de  trois  travées,  voûtées 
d"ogi\'es;  une  tour  carrée  l'orme  saillie  à  louest;  le  portail  occi- 
dental a  un  tympan  scul[ité  et  un  fronton:  celui  du  sud,  en  tiers- 
point  sans  tympan;  les  Innidins  de  ses  voussures  (int  une  bague  f(ir- 
manl  clef.  L'intérieur  i-appelle  lieaucoup  les  monuments  contemjio- 
rains  de  la  Champagne  et  de  la  Lorraine,  en  particulier  l'église 
d'Étain.  La  nef  de  la  cathédrale  d'IIalberstadt,  construite  au  xiii'  siècle, 
remaniée  au  xiv' ,  semble  avoii'  eu  une  jiarenté  avec  celle  de  Stras- 
bourg. 

Le  clocher  de  la  cathédrale  de  Naumbourg  a  sur  les  angles  des  lou- 
l'elles  évidées  de  plusieurs  étages  de  petites  arcades;  il  s'inspire  très  visi- 
blement des  tours  de  la  cathédrale  de  Laon,  mais  les  deux  antres  tours, 
octogones,  le  plan  à  deux  absides,  la  nef  cou\erle  d'une  sim|)le  voûte 
d'arêtes,  et  beaucoup  de  tlidails  d'ornementation  encore  romans,  sont 
j)uremenl  germaniques. 


LARCiHTKCTriu-;  (  K  niiiniK  i»r  xm   sikci.e  m 

L;i  (•iilli(''ilr;il('  de  ^Mniideliniirii-.  coinmcnci'c  cii  l'JIIS,  ;i  i-i>rn  un  driiiii- 
liuliiloirr  ;'i  piliers  entouré  de  cIkiix'IIcs  rtiyoïinanlcs  ;'i  Irois  pans,  un 
Irnusi'pl  avec  lanlernc  cenlrale  el  (piali'e  cloeliers,  une  nef  (|ui  dale  sur- 
(oul  du  xiv"  siècle,  di-s  bas  côtés  el  drs  li-iluines.  i. es  louis  cl  lOi'dnnnauce 


li(,.  57.   -  Callirilialr   de  _M,i^ 


de  la  nef  ra|ipcllenl  la  cathédrale  de  Laon  :  nniis  roi'nemenfalion  dos 
parties  |c>  |dus  anciennes  est  romane  ;  cuire  I  •_'■.'.">  el  !'_'."."),  dale  où  r(''i;lise 
fut  à  peu  près  aclHné'c,  rarcliitccluic  cl  rnincuiculaliou  dexinrcnl  loul  à 
fait  gothiques.  Toidc  l'éiili-r  c>l  Noùh'c  dn^ivo;  le  chii'ur  a  nu  aspect 
extrèmenu'iil  pailicidicr  :  do  |)ilicrs  Nnirds  cl  trapus,  où  s'appli(|ucnl  des 
colonnes  cl  colouiM'Ilo.  poricnl  des  arcades  eu  lancclles  surcdevéc,-.:  les 
tribunes   oui    des    baies  si!upli'>  é^l  roites   cl   lianics;   cidre   ces  baies,   les 


•'>2  IllSTOIlîl-:  DE  I.AlîT 

Irumeaiix  sont  ornrs  de  grandes  slaliies  de  saints  jiorlées  sur  des 
colonnes  de  marbre,  et  surmontées  de  dais  coupant  les  colonnes  des  arcs 
de  la  voûte;  au-dessous,  des  bas-reliefs  romans  ont  été  remployés.  La 
composition  est  étrange  et  peu  cobérente,  et  il  est  difficile  de  discerner  les 
remaniements  des  gaucberies,  d'autant  plus  que  les  cbapiteaux  gothiques 
du  meilleur  style  français  voisinent  avec  des  cbapiteaux  romans  germa- 
niques, peut-être  contemporains,  et  avec  une  variété  hybride  où  Tariistc 
allemand  s'est  essayé  dans  le  style  français,  (linq  lignes  horizontales 
s'affirment  puissamment  de  l'imposte  des  arcades  à  l'appui  des  fenêtres, 
l'une  d'elles  règne  à  mi-hauteur  des  baies  de  la  tribune,  et  pourrait  être 
l'ancienne  imposte;  les  moulures  qui  forment  bagues  autour  des  fûts 
témoignent  d'une  influence  bourguignonne.  Parvenue  au-dessus  des  tri- 
bunes, l'architecture  rejette  foutes  ces  complications  et  tous  ces  vieux 
souvenirs  comme  un  lest  inutile,  et  prend  son  essor. 

La  (•alli(''dralc  de  Liudiourg-sur-la-Lahn,  consacrée  en  l'i.")."),  est  une 
imitation  de  la  catliédrale  de  Laon,  alourdie  par  la  tradition  romane.  Le 
plan  comprend  une  abside  demi-circulaire  avec  déambulatoire,  dont  les 
trois  chapelles  ne  sont  que  des  niches  dans  l'épaisseur  d'un  gros  mur,  un 
transept  simple  avec  deux  absidioles  empâtées  dans  un  rectangle  de 
maçonnerie,  une  nef  de  quatre  travées  avec  bas  côtés,  et  un  narthex.  Des 
tribunes  et  un  triforium  régnent  autour  de  foute  l'église,  et  se  continuent 
même  autour  du  transept  sans  bas  côtés,  qui  a  deux  chapelles  rectangu- 
laires au  bout  de  chaque  bras  ;  le  narthex  a  un  étage  supérieur  reliant 
deux  tours  ;  le  transept  a  une  lanterne  octogone  et  quatre  tourelles 
d'angles  carrées.  L'ordonnance  comprend  des  voûtes  sexpartites  sur  le 
transept,  et  sur  le  vaisseau  central  oi!i  chaque  travée  répond  à  deux  tra- 
vées latérales  simplement  \oûtées  d'ai-êtes.  Les  arcs-boutants  soiU  très 
simples.  Les  fenêtres,  comme  à  Laon,  sont  en  plein  cintre  alors  que  tous 
les  autres  arcs  sont  brisés  ;  le  triforium,  composé  de  petites  arcades  bri- 
sées sur  colonncttes,  est  le  même  que  dans  toutes  les  églises  gothiques 
primitives  du  nord  de  la  France  ;  les  baies  des  tribunes  sont  aussi  d'un 
modèle  français  u>ui'l  :  des  gr(iu}>es  de  deux  arcades  dans  la  nef,  trois 
dans  le  transept  et  le  cha.'ur,  s'('nca(b-ent  d'un  arc  de  décharge;  les  piliers 
garnis  de  colonnes  qui  répondent  aux  retombées  de  la  voûte  centrale 
alternent  avec  des  piles  carrées  à  simple  imposte.  Le  type  des  chapiteaux 
à  crochets  est  bien  français,  ainsi  que  le  portail,  d'une  grande  simplicité, 
et  la  rose  de  la  façade,  avec  sa  cloison  de  pierre  percée  de  neuf  cercles, 
tandis  que  les  plates-bandes,  les  frises  d'arcatures,  les  frontons  qui  sur- 
montent chaque  pan  des  tours,  les  arcatures  extérieures  de  l'étage  de 
fciKMres,  les  galeries  extérieures  du  transept  eidu  dcS-unliulaloii-e.  niai'quent 
la  [lersistance  des  traditions  locales. 


I.ARC.II1TECTLIU-:  (iUTIIlOUK  DU  XIll'  SIKCI.E 


L'église  Sainl-Géréon  de  Cologne  a  une  lolonde  de  l'2'i7  (jui  monire 
le  même  mélange  d'art  gothique  français  et  de  souvenirs  romans  germa- 
niques. Vers  la  même  date,  la  nef  de  Saint-Martin-le-Grand,  dans  la  même 
ville,  montre,  au-dessus  de  ses  bas  côtés  romans,  un  élégant  Iriforium 
composé  d'arcs  en  tiers-point  sur  colonneltes,  des  groupes  de  tryis  ['cnv- 
tres  en  plein  cintre  et  des  voûtes  d'ogives  bombées  sur  plan  carrt''. 

Notre-Dame  de  Trêves,  commencée  en  ]'2'27,  c'esl-à-dirc  pirsqiie  m 
même  temps  que  la  cathédrale  d'Amiens,  est  le  premier  exemple  d'aichi- 
tecture  purement  gothique  en  Allemagne.  Le  slyle  français  a  été  ^iilnplé 
sans  réserve;  des  traditions  germa- 
niques, le  maître  d'œuvres  n'a  retenu 
(|ue  la  donnée  générale  du  plan: 
encore  a-l-il  pris  le  plan  champenois 
de  Saint-Yved  de  Braisne  avec  son 
abside  accosb'M'  d'absidioles  dispo- 
sées en  évenlail,  cl  de  ce  plan  a-l-il 
fait  un  raballement  à  l'ouest  pour  ^  1 
produire  une  église  à  deux  absides: 
entre  ces  absides,  deux  autres,  sans 
chapelles  latérales,  forment  tran- 
sept; cependant,  le  plan  se  rappro- 
che plus  d'une  rotonde  que  d'un 
quatrefeuille  :  l'abside  principale  est 
précédée  d'un  chœur,  les  autres, 
presque  égales  entre  elles,  décrivent 
un  polygone  à  angles  rentrants  d 
sortants  iu'^cril  dans  un  cercle.  Au 
centre,  (pialrc  piliers  i-nnds  canton- 
nés chacun  d'autant  de  colonnes  soutiennent  la  lanterne  carrée  ;  huit  piles 
rondes  plus  minces  portent  les  voûtes  et  forment  comme  un  double  déam- 
bulatoire à  la  rotonde:  il  existe  peu  de  conceptions  :ii-cliilecturales  jdus 
charmantes. 

Sainte-Catherine  (r(  Ippcnlieini.  con>lriiilc  df  |-JCeJ  à  l."I7.  a  le  plan 
de  Saint-'^  \cil  de  iii-aisne.  Une  ]iartie  di;  la  catlii'dralc  de  hriliourg-en- 
Brisgau  date  du  xni"  siècle  ;  celle  de  Ratisbonne  de  j'iT'i 

La  chapelle  d'Ebraeli,  d'un  style  tout  à  fait  français,  a  des  voûtes  sex- 
parlites,  mais  elles  offrent  celte  jiarlicularité  fpie  les  arcs  de  refend  des 
croisées  sont  trait(.''s  connue  les  antr(>s  ai'cs-doidileau\.  un  |ieii  plus  (''pais 
que  les  ogives  et  prolilés  auti'cment. 

C'est  à  l'inlluence  ilu  nord  de  la  hi-ance  (piil  faut  |-altacliei-  >urtont  la 
uu)gnifique  catliédi-ale  de  Cologne,  (pu  jiaiticijie  de  celles  d  .\miens  et 
de  Beauvais.  Ce  chef-d'o'uvre  de  l'aichitecture   gothique  en   Allemagne 


FiG.  5S.  —  Notre-Dame  île  Trêves 


M 


iiisidii;!':  iiK  i.'AP.T 


lui  (•(iiiiincnc(''  rii  llMN  |i;ir  le  iiKiiliT  (  i(''i;ii'(l,  (|iic  lOii  ci'dil  ;i\(iii'  ('■!('' 
Grrartl  xim  liill;  iiinis  ce  luuu  de  l'nuiillr  ncsl  pas  ccrlain  cl  M.  Dchio 
ne  rcjcilc  [las  I  liypol  lirsc  (pic  ce  inaîlrc  |M>ii\ail  iMrc  un  l'^i'aiicais.  S'il  ne 
Irlail,  (■(■ilaincuicnl  il  a\ail  i'lu(li(''  de  lirs  pirs  I  aivliilcclurr  IVanraisr, 
car  le  plan  du  clucur  csl  |r  uuMnc  (pu;  ((lin  d'Amiens,  et  M.  Dcliio 
reiiiarqiic  (pic  celui-ci  ne  fui  c(_)iiiiiicn(  c  (pi'cii  l'_'à8;  Gérard  a  donc  connu 

les  dessins  a\anl  (pi'ils  fussent 
(^\(''cul(''s,  et  scinlile  a\()ir  eu  un 
i'(")|e  iniportanl  dans  la  construc- 
tion d'Amiens,  ce  que  conllrnK  - 
l'ait  la  co'incidencc  du  commen- 
cement des  travaux  de  (  ".olognc 
a\ec  la  suspension  de  ceux 
d'iVmiens.  Le  chomr  de  Cologne 
ne  l'ut,  loulel'ois,  consacre  qu'en 
ir.'i'.>. 

I.'iniluence  du  snd-oucst  de 
la  h'iaiice  se  Iraduit,  on  l'a  vu, 
dans  le  nord  des  Pays-lîas,  par 
une  s(''rie  (_r(''glises  à  nel'  iiiii(pic; 
(die  n'est  sans  tloule  pas  (''Iran- 
g(''i'e  à  la  cr('-alion  du  l>pc  g'cu'- 
niani(pie  dV'glises  à  (rois  nefs 
(_r(''galc  liauleur  (ce  qui  dispense 
des  arcs-lioulanls)  sans  IransepI 
et  sans  (l('Mnd)ulaloire.  dil  lldUcii- 
liiichc,  ci  c'est  de  c(.'lle  source 
(pie  pi()C(''denl  les  voùles  liom- 
li(''es  sur  plan  (•arr('',  porh'^es  sur 
omises  el  sur  liei'lies,  (pii  sont 
fr('(|uentes  en  Allemagne,  Dane- 
mark el  Sn(:'de.  La  calli('drale  de 
Mûnsler  en  Wcsljdialie  a  des 
voûtes  de  celle  esp(''cc.  (  )r,  non  senlemeill  une  clef  sculpl(''e  (U-ne  l'inter- 
section  de  la  ci'(>is(''e,  mais  à  I  ('■giise  cislercicnne  de  Locciini  d'aiilres 
m(''daillons  s'espacent  sur  les  ogi\('s.  Ilans  les  iikmucs  (''glises  el  dans 
])lusieurs  autres,  les  (.■rois(''es  d'ogiNcs  (inl  de  petites  (defs  pendantes, 
t'oi'ine  (pii.  en   l'rance.   ne  se  renc(Mil  re  pas  a\  aiit   le  w  '  si(''(de. 

Le  t  \  pe  dil  lliillriih'nilic  apparaît  à  la  lin  du  xii'  si(''(de  :  on  en  \(iil  des 
exemples  romans  à  la  (diait  reuse  de  l'riill,  Saint-L(''(.)nar(l  de  I  !al  is|](»nne, 
lMelv.ei'ode  :  au  xiii'  si('-(de,  r(''glise  à  trois  nets  de  Sainte-Mai-ie-la-(  iraiide. 
à   LippstadI,   de  l'ornu's  tciutes  golhicpies,  n'a  cependant  que  des   voùles 


LARClUTECTUFiE  CDTIIIOUR  DU  XIII    SIKC. 


(l'iinMcs;  à  lîillcriicciv.  l;i  nef  criil  i-.i|r  S('ul(^  a  des  voùlrs  il dnix es  ;  à 
Berne  ei  à  Mcllilcr  erilin.  sr  voiciil  des  cxi'iiiiili's  ciiliriciinMil  Noùh'-s 
d'ogives.  Le  premier  exemple  IVaiidicmeul  ti,()lhi(|ui'  snidilr  (Mrc  Sainlr- 
Elisabelh  do  Marbouri!,-,  moniimenl  rie\(''  de  l'i.là  à  l'iisri,  cl  le  lypc  à  Irois 
nefs  s'y  eomliine  a\eela  ^il■ill(•  li-adiliim  o-ci'mani(|ue  ilii  plan  h(''lli-. 

Le  plan  li'i'-lli''  scxnil  à  la  ealli(''di'alc  i\r  rniiiii,  ri  à  Sainlr-(  auix  Ai' 
Brcslau  (xiii"  cl  xu'  s.i.  A  Nolre-Danu' de  1  irscs  il  se  condiine  a\cc  \r 
plan  à  deux  al)sides.  devenu  plus  rare  au  xiii'  sircle.  Lnc  <''i;lise  du  cuiii- 
mcnccnieid  du  xni'  sircir.  cidir  dn  llarlunyci-lici'ii'.  à  Iti-andrnlniri;-, 
rajipelle  |iai-  son  plan  en  (pial  i  rfcuillr  rci;ulier  Saial -Sal  yrc  de  Milan:  sur 
Ir  sanclnairr  à  Irois  pans  s'ouxrenl  direetc- 
menl  autant  d'absidioles,  et  les  lourds  piliers 
couronnés  de  simples  impostes  soutiennent 
des  vdùlcs  à  (''iiaisscs  ogives  de  prolil  rectan- 
gulaire. (1rs  (''glises  sont  cxc(.>pti()nnelles. 
mais  celles  de  plan  circulaire  onl  continué 
d'(Mi-(^  assez  nomlireusi's  :  on  ]ii'ut  ciler  c(dle 
de  1  >riiLig(dle,  pnur\ne  d'un  lias  ciMi''  el  d'une 
alisidiole  ;  en  Carintliie,  celle  de  Tullen,  avec 
ci'vple,  et  celle  de  Deutsch  Altenhurg;  dans 
l'empire  d'Aulrirlie.  (-(die  de  llailliei-i;-  cl  la 
KarUiiifkinlir  de  Prague,  qui  date  de  hJ77  el 
tlont  le  plan  est  un  octogone  av(>c  bas  rù\v  : 
dans  le  grand-duché  de  Luxembourg,  la  belle 
et  curieuse  chapelle  à  deux  étages  du  château 
de  Vianden.  La  chapelle  du  château  de 
Kobern,  de  l'2I8,  est  une  rotonde  fort  oiigi- 
nale  par  son  mélange  d'archaïsme  germainipn' 
el  de  formes  fran(;ais(>s  très  exactemenl  reino- 

dniles;  les  voùles  du  bas  C(")l('-  soni  une  sorle  de  demi-berceau  à  ner- 
vures; les  supi)Orts  sont  des  i)ilici-s  nmds  renfore(''s  de  «piali-e  eolon- 
nelles  el  couronnés  de  chapiteaux  à  deux  élages  (pu  rappidieid  la  callié- 
drale  de  lieini^. 

L'archileclure  monasticpu'  île  la  première  période  i;(>lhi(|ue  a  laisse'' 
de  très  beaux  exemples  en  Allemagne,  tels  (|ue  l'abbaye  cislercieMue  de 
Maulbronn,  avec  son  admirable  réfectoire  à  deux  nefs  doid  les  vonles 
retombent  sur  des  colonnes  élégantes,  et  son  cloilre:  c(dui  de  Noire- 
Dame  de  Trêves,  dont  les  baies  en  plein  cinire  encadreni  des  feneslrages 
d'un  type  original:  celui  de  Saint-Malhias  près  Trêves,  et  bien  d'autres. 

Des  maisons  du  xin'  siè(  le  se  xoieni  à  Trêves,  Nuremberg  et  autres 
villes,  el  l'andiileclnre  |iubli(pie  a  laisse''  des  \-esliges,  coinuK-  une  partie 
du   rez-de-cliaus--(''e  de    l' Ibil  el  de  \  il  le   d'A  ix-la-f  lliapelle.    ipii    moidre   lUie 


insroiiir;  di'.  laist 


g-raiulo  salle  hasso  m   ivclaiiuic  alloniir  divisrc  en  deux   nefs   siiivaiil   un 
type  ('■galeiiiiMil  usiii'l  en  Fi'ancc. 

Parmi  les  yraiidcs  salles  de  cliàleaux,  une  des  plus  lielles  es!  linii- 
trophr  de  la  France  el  de  Treole  germanique,  el  sur  Irrriloiie  acliicllc- 
mrnl  allemand,  c'esl  celle  de  Saint-riiieli  ju-cs  P.ihauvillc.  Sur  sa  l'aeade 
principale,  six  magnifiques  l'enèlres  m  jilcin  ciuliv  du  xui'  siècle  soni 
idcnducs  en  deux  haies   de   même    Iracé   sous   un  tympan  ajouré  d'une 

gracieuse  rosace.  Celle 
salle  et  sa  salle  liasse  n'oid 
jamais  élé  voûlées. 

Empihf.  d'aitiucue.  — 
L'areliitcclure  de  l'enqiire 
d  '  A  u  l  r  i  c  h  e  - 1 1  o  n  g  r  i  e  e  s  t 
presque  exclusivement  ger- 
mïuiique. 

Le  type  des  églises  à 
Irois  nefs  est  usuel  en  Au- 
hiclie  et  en  Bohème,  où 
l'on  peut  citer  Saint-Bar- 
Ihélemi  de  Kolin,  de  P2(;0 
environ;  ses  piliers,  à  co- 
lonnes engagées,  sont  très 
lourds;  les  hras  du  tran- 
sept ne  sont  pas  saillants 
et  leurvoùte  repose  sur  cinq 
l)ranclics  d'ogives  comme 
dans  certains  édificescham- 
jienois  (Saint-Urhain  de 
Troyes).  La  façade  forme 
un  narthex  llanqué  de  pe- 
tites tours  octogones. 
La  calli('drale  Saint-Klienne  de  \'ienni'  date  en  parti(^  des  xiii''  et 
xiv""  siècles  el  n'olTre  rien  de  remarquahic  dans  ces  portions. 

Sainl-Mathias  de  Budapest  date  également  en  partie  du  xiu'  siècle. 
On  altiihue  à  \  ilard  de  Ilonnecourt  le  clueur  de  Saint -Martin  de 
Cassovie  (Kassa,  en  allemand  Kaschauj,  (pii  a  le  |ilan  de  Saint-^\('(1  de 
Braisnc  et  ilale  ilu  xin'  siècle  ;  la  nef,  ses  has  côtés  et  la  façade  n'ont  élé 
achevés  qu'au  .x\'  siècle.  \'ilard  de  Ilonnecourt,  C[ui  avait  travaillé  pour 
l'ordre  de  Cileaux,  et  qui  a  fail,  il  nous  le  dit,  un  long  séjour  en  Hongrie 
vers  le  milieu  du  xui''  siècle,  fui  très  juohalilement  appelé  dans  ce  pays  par 
cet  ordi'c  qui  y  l'ondail  alors  plusieuis  (''talilissements  inniorlants,  peuplés 


Vu:,  il.  —  Ki-Iise  Saiiil-M.iiliii  i\f  Cissovio  (K;i 


-a). 


PORTAIL  DE  LA  CATHEDRALE  DE  TRAU  (Dalmatie) 


Hiatmi-edclArtll  PI  II 


Librairie  Armand  Colin.  Pana 


LAnr.ifiTKCTLîRi-:  (loTiiKjri-:  nr  xiii   sikci.e  57 

de  moines  du  iiortl  dr  l.-i  l'ianee.  pairie  de  N'ilaid.  Des  aldiaves  eisier- 
ciennes  de  lloniirie,  sidisisle  l'église  de  Saiiil-.Ialc,  avec  un  |inilail  du 
xiu"  siècle  forl  original,  à  \oussureeii  liers-jMiiui  cl  à  ]ii(Miroils  garnis  de 
colonnelles  el  de  ziiizags.  Au-dosus  de  ce  poiliul  >'aiiiiiienl  des  slalues 
dans  des  arcatures  li'éllécs.  La  calliédrale  de  Calocza.  don!  des  lonilles 
on!  l'ail  retrouver  qnelcjues  vcsliges,  semhle  avoir  élé  aussi  nu  l'dilice  de 
si  vie  IVaiKiais  du  xm''  sicide,  el  nui(dicral  a  \u  le  nom  d'un  uiail  le  d'(eu\  res 
dans  1  éjiilaidu'  d  un  ceilain  ^larlin  Ravege  ou  Haveg\ . 

Les  provinces  de  l'empire  qui  conlinenl  à  i'ilalie  el  à  rAdrialii|iH' 
ont  une  arcliiterlure  qui.  ilepius  le  xui'  siècde,  mêle  aux  l'oi-mes  romanes 
germani(]ues  ou  lomliardes  la  croisi'M'  d'ngives  et  certains  orneinenls 
gothiques.  Le  porche  de  Millslatl,  voûté  d'ogives,  présente  un  portail 
de  style  roman  attardé,  richement  mais  maladroitement  sculpté;  le 
|}oiclie  de  la  calliédrale  de  Traù  répond  au  même  signalement;  sa  scul- 
pture est  toutefois  meilleure:  certains  chapiteaux  ne  sont  pas  loin  du 
xm''  siècle  IVancais,  et  le  porlail  à  lions  rajipelle  alisolumeni  ei'ux  de 
rilalie. 

Les  ordr(_'s  religieux,  là  comnu'  ailleurs,  ont  importi''  et  propag<''  le 
style  gothique  :  on  peut  citer  deux  cloîtres  inlér(^ssant~- du  xni"  siè(de.  l'im 
à  Brixen,  l'autre  dans  le  château  de  Kirn.  La  Boliènn'  est  ricdie  en  édifices 
gothiques:  les  premiei's  exemples  y  furent  ap])oilé's  par  les  moines  de 
Citeaux  el  par  h>s  B(''nédiclins  :  les  Dominicains  el  les  |-'raneiscains 
^■im•eld  l'nsuite.  et  le  (dergi'-  séculiei-  les  iunla.  (  Inehpiel'ois.  lou^  les 
détails  golhii[ues  \icnncnt  se  greiTer  sur  une  architeclure  romane  à  |ieine 
modifiée;  telle  est  r(''glise  décanale  d'Lgra,  l)àtie  di^  l"2l'J  à  l'_'."(l,  reslam-ée 
a]U'è>  inceiidii'  en  LJTd.  Les  fi'ises  d'arcalui'es  eu  liers-poinl  s(>  r(dienl  à 
di's  plates-bandes,  une  parlie  des  liaii^s  soni  ('-gaiement  en  liers-jioinl  : 
certains  chapiteaux  sont  cubiques,  d'autres  oui  les  ei-oi  hets  du  xiu'  siècle 
français;  les  meneaux  ont  les  mêmes  tracés  qu'en  P'rance.  La  (dia|i<dle 
du  château  a  deux  étages,  comme  beaucoup  de  monuments  similaires  de 
diverses  contrées,  ei,  suivant  une  habitude  germanique,  ils  soûl  reliés  par 
une  sorte  de  trappe,  la  travée  centrale  de  l'étage  inl'éi-ieur  <''lanl  sans 
yoùle.  L'étage  supérieur  seul  a  des  voûtes  d'ogi\es  :  il  a  trois  nefs  (''gales 
el  d'élégantes  colonnes. 

L'abbatiale  bénédictine  de  Trebic  appailieni  au  slyle  germani(pie  de 
transition  :  elle  a  trois  absides,  une  nef  llan(pi(''e  de  lias  côtés  et  dépour- 
vue de  transept,  un  narihex  surmonté  de  deux  lours.  La  parlie  orientale, 
élevée  sur  une  crypie.  pn'-enle  luu'  shiirhin'  lr(''s  curieuse  :  l'abside  à 
pans  coupés,  sensiblement  plus  ba.-^se  (jue  le  vaisseau  central,  porte  une 
sorte  de  coupole  à  huit  pans  sur  croisées  d'ogives,  et  les  deux  lra\ées 
qui  la  précèdent  ont  le  même  système  de  voùles.  La  disposilion  iapp(dle 
donc  celle    de  la  cathédrale   du    l'uy,  ri  le   système  des  voûles  c(dui   de 

T.    II.    —   8 


:i8  HISTOIRE  DI-:  LAIîT 

rarcliilociiiic  du  siid-ouesl  de  la  Franco.  La  Iravéc  ccnlralr  du  narihex  a 
la  même  voûte.  L'abside  est  assez  parlitulirre  :  dans  le  Ijas,  une  sorte  de 
très  étruil  déaudiididoire,  disposition  usuelle  dans  les  écoles  germanique 
et  normande;  au-dessus,  une  suite  de  roses  à  rayons  ;  enfin,  dans  le  haut, 
de  petites  liaies  géminées.  Chaque  travée  du  vaisseau  central  répond  à 
deux  travées  des  lias  côtés.  Vn  petit  portail  en  plein  cintre  rappelle  par 
ses  corbeaux  et  jiar  son  tynqian  à  voussure  festonnée  rarcliitecture  de 
la  vallée  du   lîhone  et  surtout  les  portails  d'Ambronay  (Ain). 

L'église  cistercienne  de  Pomuk  appartient  en  ]3artie  au  meilleur 
style  français  du  xiii"  siècle.  L'abbaye  cistercienne  de  Ilradist,  fondée  à  la 
lin  du  xn'  sièele,  construite  au  xui' ,  garde  un  très  lieau  jiortail  de  la 
seconde  moitié  de  ce  siècle,  orné  de  riches  rinceaux  qui  retombent  sur 
des  colonncttes  annelées  ou  descendent  entre  leurs  fûts.  L'abbaye  cister- 
cienne (!'<  )sseg  conserve  une  salle  capitulaire  du  xiif  siècle,  avec  abside, 
deux  piliers  en  forme  de  grosses  colonnes  extrêmement  trapues,  et  des 
)'etomlH''es  bourguignonnes  composées  de  faisceaux  de  colonncttes  en 
encorbellement  à  fûts  coupés  en  cône.  Sainte-Agnès  de  Prague  fut  bâtie 
entre  \\17A)  et  1*20')  pour  des  religieuses  de  l'ordre  de  Cîteaux,  dans  un 
style  gothique  très  pur.  Quelques  encorbellements  coniques  y  décèlent 
une  inlluence  bourguignonne  ;  la  sculpture  combine  le  gothique  français 
et  la  tradition  romane  germanique. 

L'église  cistercienne  de  IIoluMifuii  a  trois  nefs,  un  transept  à  quatre 
chapelles  originairement  carrées,  et  une  ai)side  à  jians.  De  \'2"}  à  LJ."'.!,  fut 
construite  pour  les  religieuses  de  Cîteaux  l'abbaye  de  Tischnowitz  en 
Méranie.  L'église  présente  un  plan  fréquent  en  Champagne.  Le  portail 
a  un  tympan  sculpté  et  des  statues  ;  il  est  surmonté  d'une  rose  dont  le 
renqtlage,  inspiré  de  l'art  bourguignon,  est  formé  d'un  cercle  central  et 
dune  ceinture  d(^  cercles  de  même  rayon. 

Les  plans  sont  variés,  mais  simples.  Beaucoup  de  moyennes  églises 
ont  un  chœur  simple,  une  abside  à  pans  et  une  nef  à  collatéraux  terminés 
en  ligne  droite;  une  série  de  petites  églises  ont  une  nef  à  peu  près  carrée. 
Parfois,  cette  nef  a,  comme  les  salles  capitulaires,  un  support  central, 
ainsi  cpiaux  chapelles  franciscaines  de  Pilsen,  de  Prague,  d'I-lgra,  à 
Saint-^^'enzel  de  Kultenlierg.  D'autres  ont  deux  nefs  répondant  à  un 
sanctuaire  uniipie.  telles  que  celb^s  de  Sobieslau  i^xiv''  s.)  et  de  Blalna. 
Les  synagogues  de  Prague  et  d'Egra  présentent  le  même  plan.  Le  plan 
tréflé  se  rencontre  dans  l'église  de  Sadzka,  et  Prague  possède  une  cha- 
pelle octogone. 

Russie.  F'inlande.  —  En  Russie  la  cathédrale  de  Riga,  en  Finlande 
celle  d'Abo  marquent  l'extrême  limite  du  style  gothique  de  l'Allemagne 
du  Nord.  Toutes  deux  sont  en  brique.  La  cathédrale  de  Riga,   semble 


LARCHITECTURK  GOTHIQUE  DU  \I11=  SIÈCLE  59 

;n(iir  ('■!(''  (•oiuniencrc  ;iu  xiii''  siècle,  pour  avoir  lidis  iirfs  d'iiiu;  aivliiloc- 
liiri'  liés  pauvre,  avec  arcades  en  liers-jioiul  et  piliers  à  ressauls  reelan- 
liulaircs,  dans  deux  angles  rentrants  destjucls  des  coloiinettes  (mi  eneoi- 
Ijellenient  sont  kigées  en  \  ue  de  recevoir  les  retoudjées  d'ouives. 


IV 

SCANDINAVIE 


L'histoire  de  l'areliileclure  gothique  est  assez  dillerentc  en  Norvège, 
Suède  et  Danemark.  La  Norvège  a  demande  linitialion  gothique  à 
l'Angleterre;  en  Suède,  le  style  gothique  allemand  a  |)roduil  la  cathédrale 
à  trois  nefs  de  Linko'ping  et  les  voûtes  bombées  de  Lund,  tandis  (pic 
celui  de  la  France  s"y  allie  dans  ralibaliale  cistercienne  de  \N'arnliem.  cl 
sal'lirme  presque  sans  partage  à  la  lin  du  xiii"  siècle  dans  la  cathé'drair 
d'Upsal.  En  Golland,  les  moines  de  Cîteaux  et  les  marchands  de  Lùbcck, 
puis  les  ordres  mendiants,  sont  venus  mêler  au  style  roman,  quelque  peu 
byzantinisé,  du  p;iys  des  apports  gothi(pies  d'origine  bourguignonne  et 
surtout  germanique;  en  Danemark,  le  maître  de  l'œuvre  de  Rœskilde  est 
venu  de  l'Artois;  les  moines  de  (liteaux  et  l'école  germanique  ont  initié  le 
reste  du  pays  à  l'art  gothique.  La  Norvège  a  des  monuments  goliiiques 
sinon  plus  anciens,  du  moins  plus  archaïques  que  ceux  des  autres  con- 
trées Scandinaves;  le  Danemark  et  Gotland  semblent  être  venus  ensuite, 
et  la  Suède  plus  tard.  La  Norvège  et  Golland  ont  bâti  tout  en  pierre;  le 
Danemark  presque  tout  en  l)ri([ue;  la  Suède  a  l'ait  usage  de  ces  deux 
espèces  de  matériaux. 

LA  XOrU'ÉGf.  —  Le  style  golhi([ue,  s'il  a  été  plus  précoce  en  Norvège 
que  dans  d'autres  contrées  Scandinaves,  ne  l'a  été  que  relativement.  Les 
bas  côtés  de  la  cathédrale  de  Stavanger,  reconstruite  après  un  incendie 
survenu  en  I  IT'J.  soni  lonians  et  sans  voûtes;  les  ruines  de  la  cathédrale 
de  ILamar,  de  l'Jli.",  témoignent  qu'elle  était  également  romane  et  sans 
voûtes.  Le  style  de  transition  est  représenté  par  deux  monuments  de  carac- 
lèi'i'  anglo-normand,  la  net"  de  Sainte-^Iarie  de  Bergen,  ipii  nesl  pas 
datée,  el  le  transept  de  la  cathédrale  de  Throndjem,  qui  date  de  II")'  à 
Util.  Ce  transept  a  une  ioui-lanlerne,  un  triforium,  des  fenèires  avec, 
coursières  intérieures  et.  à  l'esl.  deux  chapelles  cari-ées;  toute  l'architec- 
ture et  l'orncmi'ntation  sont  romanes  à  l'e\eej)lion  des  voûtes  dogivi's 
(|ui  couvrent  les  deux  chapelles:  les  ogives  sont  ornées  de  zigzags  commit 
dans  beaucouj)  d'églises  I  lansilionnelles  de  Normandie  et  surtout  d  Angle- 


IllSTOinK    DE  L'ART 


C.lllirill-.ilc  ,1,.    l.inkirlMIll 


li'i'ir.  |i;ii'  ('\ciii|ilc  .-'i  Liiiilisr;n-iic.  \  .r  clid'iir,  ircon^l  mil  (Kii'  IV'\(M|ii(' 
Sii;iinl  Siiii,  lui  liTiiiiiii'' m  l'iiS.  I)cs  iiilliicncrs  ;ing'laisrs  s'y  l'onl  sentir 
à  cùl(''  (le  soinriiirs  ciiiiiiiiiciiuis. 

La  iirl'dc  Saiiiliz-Marie  de  Bei'gen  l'sl  un  iiKinuiiienl  aiii^ld-iKiiiiiaïKl, 
avee  li-il)inies  e|  [lilieis  à  rliapileaiix  l'oiids  t;oilroiiiK'S.  Elle  a  reçu,  peuL- 
(Mic  a|i!'ès  coiiji,  i\c<.  \()ùles  à  loui'des  el  très  épaisses  croisées  d'ogives, 
de  section  leelangulaire,  sans  moulure. 

L'ai-(diiteêture  gothique  du  xiii"  siècle  était  reju-ésenli''e  pai-  deux 
abbayes  de  Cileaux,  l'ond/'es  eu  1117  par  des  moines  anglais:  Ib'ivedo, 
dans  une  île  du  Ijdrd  de  (  llirisl  iania.  et  Liusce  ]ii-ès  lîergeu  :  la  première 
(■■lail  liile  de  Kii'kstall ,  près  Leeds,el  la  seconde  de  h'ounlains  Abbey,  près 
Uijion.  Seule,  celle  de  Hoved()  a  laissé  des  ruines,  dans  le  style  de  la  fin 
du  xin'  siècle  anglais.  Le  musée  de  (Ibrisliania  a  recueilli  les  pavements 
de  tene  cnile  incrnsti'c  el  des  d('biis  des  vitraux  en  grisaille  de  l'église. 

\  ers  le  milieu  du  xiu'  siècle,  la  petite  cathédrale  de  Stavanger  reçut 
un  cliunu-  gothi(pu'  sim])le,  de  plan  rectangulaire,  dont  le  mur  de  fond 
est  entièrenieni  ajouré  d'une  grande  fenêtre,  comme  à  la  cathi''(lrale  de 
l>ol  el    dans   un    très    "l'and    iKunlire    iréiilises   d'Angleteri'c.    Sons   celle 


LARCHIÏECTUHE  (lOTIIlOUI:;  Di;  xm    SIKCLE 


lu   s;illr   I,; 


iMu; 
,  où 


les: 
une 


)iil 


l'curMic.  à  r('xl('Ti(nir,  une  série  de  Inistes  de  rois  el  de  reines  soilcnl  d 
frise  de  (|ualrcrriiillr> ;  le  nirnie  motif  se  voit  ;i  la  eallirdndc  (l'\drk 
l'on  considère  les  liusles  comme  des  effigies  de  hienfaiteurs. 

L'arelutecture  civile  du  xnf  siècle  a  laissé  le  palais  royal  de  lier* 
vaste  édifice  conforme  au  type  universel  des  grandes  salles  seigni'uria 
elle  comprend  rez-de-chaussée  et  salle  liaule,en  rectangle  allongé  sur 
extrémité  étroite  duquel   se  détache  une    lour   demi-cvlindri<|iir   ({ni 
l'ahside  d'une  chapelle  à  deux  éta 
en  arc  hrisé  très  aigu,    avec 
colonnettes     à     chajiiteaux 
ronds  de   feuillage  noi-mand. 

I.A  sii-.DE.  —  En  Suède, 
le  plus  ancien  monument  go- 
lliiipie  paraîl  (''ire  ri\glisr 
cisicreicnnc  de  \\  arniiem. 
L'ahhaye  l'ut  fondée  en  1 1  i,~ 
])ar  les  moines  de  Claii'vaux. 
el  le  cho'ur  reproduit  le  type 
de  cette  maison-mère  ;  l'église 
fut  commencée  dans  une  ai'- 
cliitecture  purement  romani', 
et  jiasse  pour  avoir  <''ti''  Ici'nii- 
née  en  ll'.l'J,  mais  c'est  sculc- 
mcnl  nu  miT  siècle  (pTcllc 
re(;iil  tics  Noi'itrs  d'ogi\rs  cl 
dc>  >ruipl  lires  golhicpirs  ;  les 
[liliers  el  les  murs  de  la  nef 
sont  romans,  mais  les  voides 
dai'èles  des  lias  ccMés,  portéi's 
sur  des  groupes  di'  colon- 
ncltes  gothiques  en  encorbel- 
lement, et  les  voûtes  d'ogives  de  la  nef.  assises  sur  de  vigoureux  faisceaux 
de  colonnes  el  de  pilastres  en  eiieorlielleiueiil .  (lalenl  (In  milieu  du 
\uf  siècle:  l'etTet  en  est  puissant  el  original.  Les  chapileau.x  rectangu- 
laires à  feuillages,  les  culots  arrondis,  le  prolil  vigoureux  des  encor- 
bellements appartiennent  au  slyle  fran(;ais  le  iiiieux  caractérisé  de  celle 
même  date.  C'est  aussi  vers  le  milieu  ou  (lan>  la  seconde  moilié  du 
xm"  siècle  que  la  cathédrale  ronume  de  Lund  re(;iii  des  voiltes  sexparlites 
très  bombées  relombant  sur  des  colonneiles  en  eiicorbelhMuent  :  ce 
système  semble    iiispiiV'   de  l'église  cistercienne  de  Soroe  en  Danemark. 

La  calli('(li-a!e  dl  [isal  e^l.  en    Suède,    l'édilice   de   beaucoup  le  [dus 
imp(u-tant  el    le   j.liis   beau,   uiai>  n'(>sl  pas   le   modèle  des  autres   nionu- 


.le  l.-i  (  Mllii'divilc  .Ir  Tli 


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iiisTOii;i':  \)i:  i;ai;t 


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lucnls  g()llii([in's,  (Idiil  plusieurs  sdiil  anli'Tii'iii  s  ou  rniilciii|i()i-;iins. 
L'église  d'Hclmslad,  sans  Iranscpl,  prrscnli'  un  (li''anil)ulal(jir('  sans 
chapelle,  inspiré  de  relui  de  la  caliH'drale  danoise  de  lioeskikle  ;  le  hk'uh; 
plan,  avee  Iracé  à  trois  pans  el  non  denn-eireulairc,  est  repi'oduil   à  llel- 

singborg;  l'église  de  Mal- 
moe  rappelle  quelque  peu 
en  élévation  la  cathédrale 
d'Upsal,  mais  le  plan  du 
chœur  reproduit  le  type  de 
Soissons  et  de  Tournai; 
enfin,  à  Linkœping,  l'église 
à  trois  nets  appartient  à  un 
modèle  germanique;  ses 
élégants  piliers  en  l'ais- 
ecaux  de  colonneltcs  à  lui  s 
annneis  surmontés  île  (dia- 
pilcaux  feuillus  ari'ondis, 
et  le  tra\ail  de  ses  aica- 
tures,  semblent  dénoter  une  influence  anglaise;  cnlln,  le  plan  est  d'une 
maladresse  originale,  avee  le  transcpl  à  peine  saillant  encadré  de  travées 
inégalement  étroites,  et  le 
déaud)ulatoire,  aussi  liant 
(pie  l'aliside,  eoinnie  à 
(imund,  composé  de  deux 
travées  triangulaires  et  de 
I  rois  aul  l'es  en  I  rapè/.e  (pii 
s'ou\  reiil  sui'  des  cha[)elles. 
En  l'287,  Etienne  de 
Bonneuil,  maître  des  leu- 
vres  du  roi  de  France,  el 
dix  bacheliers  ou  compa- 
gnons sous  ses  ordres, 
s'engagèreid  à  construire 
à  l'psal  la  nouvelle  métro- 
pide  scandinaxe,  uni,'  église 
sur  le  modèle  de  Xoli'c- 
Dame  de  l'aris.  Sur  place,  le  mailn 
expérimentés,  et,  comme  matériaux,  il  n'eut  (pie  de  la  b 
très  dure,  el  fort  peu  abondante;  aussi  l'imitation  de  Notre-Dame  se 
borna-t-elle  aux  dispositions  générales  et  aux  proportions.  Le  déambula- 
toire entouré  de  chapelles  polygonales  avec,  au  fond,  une  chapelle  princi- 
pale di'dii'e  à  la  Vierge,  rappelle  les  cathédrales  d'Amiens  et  de  Beauvais 


i:;;lisc  aljlialialc  dr  \\'a\ 


de     ro'Uxre     lroU\a     |ieu 


une  luerre 


LAnciiiTi'Cïnu-:  (loimoui-:  di:  xi 


SIKCLI': 


05 


|ilul(')l([ur  celle  de  Paris;  les  jtiliers  à  colonnes  engagées  ra[)j)ellenl  ceux 
des  nefs  de  Troycs,  de  ClermonI  ou  d'York;  les  détails  son!  simples  el, 
même  socriliés:  la  pierre,  ménagée  avec  parcimonie,  esl  réservée  pour 
les  portails,  pour  les  meneaux  des  fenêtres,  pour  les  pelils  cliapiieaux 
assez  mesquins  de  linlérieur,  et  pour  les  impostes  des  piédroits  des  fenê- 
tres. Les  travaux  durèrent  longtemps  après  Etienne  de  Bonneuil;  la  plu- 
part des  sculptures  rappellent  le  style  du  xiv''  siècle;  la  façade  était 
restée  inachevée.  L'église  eut  à  subir  plusieurs  incendies,  et  la  restau- 
ration au  ciment  exécutée  à  la  fin  du  xhY"  siècle  peut  être  ajoutée  à  la  liste 
des    sinistres   qui    l'ont    épi'ouvé'r. 

/./■;  DA\i:MAHh.  —  Ln  Dam- 
mark,  l'église  ronde  de  Bjernede. 
construite  en  HSli,  esl  romane,  à 
part  une  croisée  d'ogives  centrale, 
di.sposition  qui  a  pu  exister  dès 
l'origine,  comme  à  Sainte-Croix  de 
Ouimperlé.  Peu  d'années  plus  tard, 
l'architecture  gothique,  encore  in- 
connue en  Suède,  fut  introduite  en 
Danemark  par  larchcvcque  Absa- 
lon  Snarr  i  1 158  f  1 19 1  ),  qui  fit  ma- 
gnifiquement reconstruire  dans  cr 
style  la  cathédrale  de  Ro^-skilde. 
en  remployant  seulement  dans  le 
déambulatoire  des  colonnes  roma- 
nes de  granit.  Le  granit  se  mèh^ 
discrètement  à  la  brique  dont  est 
composé  presque  tout  l'appareil  de 
la  cathédrale.  On  ignore  le  nom  du 
maître  d'œuvres,  à  coup  sûr  distin- 
gué, qui  fut  l'auteur  de  ce  bel  édilice  ;  mais  si  l'un  comiiarc  la  calliédrale 
de  Rœskilde  avec  les  peintures  qui  nous  restent  de  I  aiicicune  catlK-diale 
d'Arras,  on  sera  très  frappé  de  leur  resscmlilanre  ;  |r  ti'anscpt  de  transi- 
tion de  la  cathédrale  de  Tournai,  la  catliédrale  île  Noyon,  lancienne 
église  Notre-Dame  de  \alenciennes  présentaient  des  dis|)ositions  tout  à 
l'ait  analogues;  celles  de  Laon  et  de  Soissons  ont  aussi  plus  dune  ana- 
logie; c'est  certainement  au  nord  de  la  France,  l't  très  |irobablement  a 
l'Artois,  qu'appartenait  l'artiste  à  qui  nous  devons  cette  œuvre. 

La  cathédrale  de  Ro\skilde  conqirend  une  nef  avec  bas  côtés  el  tri- 
bunes, un  transept  simple,  el  mie  abside  à  déambulatoire  et  tribunes; 
ce  déambulatoire  est  sans  chapelle,  comme  à  Saint-Pierre  di;  Doulleiis, 
Mantes,    Deuil,    Gonesse   et    Sainte-Sophie     de    Nicosie    (Chypre},    (jui 


l'h.ji  i; 
r.nlli<Mli"ili' (ITiismI. 


iiis'i()ii;i;  DK  i.AiiT 


s'inspire   de   raiicii'iim'    disposil idii    <lc   Xolrc-I  );inic    ilc    l'iiris.    L'éoljso, 

ciilirrcilli'iil    Miùlrc    d'ooixcs.    lii()lil|-c   (1rs   ;irr:i(lcs,   (l(iu|pic;ill\  ri   Ijjiics  de 

Iriljimcs  en   I  ici's-|Miiiil .   cl    drs  l'cnrliTs    m    plein   einlre;  les  lenèlres  du 

déanilinl;ilnii-e    cl    des    Irilmncs    (pii    le    snriiionleid    soiil,    d.-ins    (•li;H[ne 

travée,  gronjir'cs  pur  li-((is,  celle  iln  ccnlre  plus  Ininlc  (ielLe  ordonnance 

correspond  aux  voiiles   disposi'es    pour  couvrir  des  Iravéesen  éventail; 

elles    ont    dans  cli;icnne   six   liranclies    d'ogives,    doni    deux,    l'oi-nianl    la 

nioi[i(''  d  une  crois(''c  d'oi^iNcs 

simple,  du  c(')l(''  iidi'-rieur  cor- 

res|)0udanl     à      I  arcade,      cl 

■,ii„,     '-^  1      (luatre  relondiaid  sui'  la  |iai-ni 

Il  '''l'niiif^  "^  1^        1  .  . 

î\\  '"'■/^v    \      extérieure.    A   l'exli-rieur,    les 

" /"î^V,  i^roupcs  di'  Irois  ren("'li-cs  des 
Iriluuies  du  clncur  s'enca- 
draient sous  des  pignons, 
comme  à  la  calluMlrale  d'Ari'as 
et  plus  anciennemeni  à  la 
calhédrale  ani^laise  de  Pcler- 
l)0|-|(Ug'!l.  Les  ll-iliimi.'s  de 
l'ahside  pi-('>scnlcnl  un  as|iecl 
rcinarcpialile  d'('dt''^auce  et  de 
ir'L>ère[('',  car  (dia(pn'  li-a\(''(> 
n'esl  si''pai-(''e  ipie  |iai-  une  Une 
ci)louue  tie  i»ranil.  Au-dessus 
lè^ne,  comme  à  Noyon,  un 
Iritorium  composé  d'une  suile 
<ontinue  de  })eti[es  haies.  La 
façade  à  deux  tours,  lermin(''e 
senlcnu'nl  au  xv'  siècle,  esl 
peu  i'emar(pialjic. 

(l'est  aussi  par  ré\èque 
Alisalon  ((ue  les  moines  de  Cileaux  Inrenl  installés  en  IKil  à  Soroe 
près  (lopcrdiag'ue,  mais  il  seudile  ipic  Icui- (''glise  ait  élé  à  l'ori^iiH'  loule 
romane;  c'esl  au  xui"  siècle  (pi'ils  y  ajoulèreid  des  \()ùles  se\pai-liles  de 
tracé  liond)é.  Sur  rcmplacenieni  <lc  l'aMiave  se  voient  encore  la  jiorle 
d'entrée  surmonlant  le  logis  du  portier,  et  six  belles  c(donnes  de  grès 
monolithes  provenant  de  la  salle  capitulaire  ou  d'autres  hàtiments  dispa- 
rus :  Irois  d'entre  (dies  rappellent  le  im/illeui-  style  français  du  (enips  de 
Philippe  Augusie  pai'  leurs  chapiteaux  à  larges  feuilles  cl  lems  hases 
alliques  très  légèiemenl  déprimées. 

L'de  de  (jolhnul,  seul  pays  riche  en  pii^ire  du  hassin  de  la  Baltique, 
l'est  aussi  en  monuments  gothiques,  d'un  slyh'  inqiarfail,  ayant   toujours 


l..lUir.|i;i|r  ,1,.  |;,r^l,il,|r 


l.ARCIIlTECTrPiK  (ioTIlIOll-:  Dl    XIII"  SIÈCLE  (i:> 

ii;ii-(l(''  ]ii   voùlc   cl'ariHi's.   Ils  ]irurrilcal    de  Fai'l  e,ei'inniii(|U(>  voisin  rt  de 

l'ai'l    lioiirguignon.  imiiorlr  [lar  les  (  lisloiriciis  (|ui  avaiciil    ï \r  sous  le 

iiimi  (]o  Roina  une  inii)orlanle  ahliayc  au  conlro  de  l'île. 

W'isby,  sa  capitale,  fondée  au  xi''  siècle  par  les  nianliands  de  Lidieek, 
a  trois  églises  de  transition  :  la  cathédrale  Sainte-Marie,  l'altside  di- 
Saint-Laurent,  et  Saint-Clément.  Sainte-Marie  était  l'église  de  la  aalion 
allemande  dans  celle  grande  \  ille  cosmoj)olile;  ses  trois  nel's  de  haideiii- 
égale  sont  surmontées  d'un  étage  qui  était  le  consulal  d  Liilieck.  Hiiel- 
ques  travées  ont  des  ogives  épaisses,  profilées  en  Ixmdin.  ri  des  (-(donnes 
à  chapiteaux  encore  romans  engagés  dans  des  piliers  massifs.  Les  fenèti'cs 
sont  en  plein  cintre.  Le  chœur  de  Saint-Laurent,  église  romane  de  plan 
byzantin,  se  comjiose  d'une  liavée  droite  et  d'une  ahside  demi-circulaire 
à  voûtes  bombées  sur  luanches  dogives  du  même  ])rofil  et  avec  liernes. 
Saint-Clément,  ûu  xni'  siècle,  a  un  chevet  rectangulaire,  un  transept,  une 
nef  simple,  voidés  d'ogives;  un  groupe  de  trois  fenêtres  en  j)lein  (■inir(î 
ajoure  le  mur  du  chevet;  la  sculpture  est  encore  romane.  Hors  de  la  ville, 
l'église  d'un  ancien  li(Jiiital,  Saint-Georges,  de  la  lin  du  xiii'  siècle,  montre 
des  particularités  fréquentes  en  Gotland  :  division  de  la  nef  par  une  ligne 
de  piliers,  et,  sur  le  sanctuaire,  voùti^s  d'arêtes  bombées  appareillées  à  la 
clef  en  véi-itables  coupoles  et  retombant  sur  des  encorbellements  conicjues 
d  inspiration  bourguignonne. 

Les  églises  rurales  présentent  très  souvent  la  division  en  deux  nel's 
avec  un  seul  sanctuaire,  et,  à  l'ouest,  une  tour  carrée  doul  le  bas  serl  de 
baptistère;  les  nefs  sont  souvent  courtes;  il  n'est  pas  rare  fpie  r('>glise  ail 
un  seul  })ilicr  central;  les  voûtes  d'arcles  sont  de  règle,  et  l'ogive  est  trc's 
rare:  les  retombées  sur  les  murs  se  font  sur  de  courts  supiioi'ls  (mi  encor- 
Itellement.  Les  portails  sont  multip]i(''s,  m(''me  dans  de  j)eliles  (■■glis(>s,  el 
présentent  un  type  parliculier  avec  leur  fronton  lr(''s  aigu  cl  leur  voussure 
en  tiers-point  festonnée  de  lobes  découpés,  j)lus  fi'équenls  en  Gotland 
que  dans  toute  autre  contrée.  La  sculpture  est  archa'i(|ue  et  encore  ronuuie. 

L'enceinte  de  \\'isby. consl ruile  en  l'27S.e>l  un  des  plus  beaux  échan- 
tillons de  l'architei-lure  mililaire.  l'.lle  es!  bàlie  de  pierres  irrégulières,  el 
ses  toui's  carréi's  ou  à  pans  allerneni  avec  de  grandes  écliauguettes 
carrées,  portées  sur  un  grand  arc  de  décharge  en  tiers-point.  Les  poi'tes 
sont  percées  dans  des  tours,  et  leurs  passages  ont  des  voûtes  darètes. 
Comme  h  Saint-Georges  les  arêtes  meurent  vers  le  sommet,  où  l'appareil 
se  transforme  en  coupole;  il  est  permis  de  \oirdans  celle  particularité 
une  iniluence  des  j)rati(pies  byzantines  ilue  aux  relations  ct)uunerciales  si 
fr(''quentes  îles  (iotlandais  avec  la  Hussie  el  ri-]m|iii-e  d'Orieid. 

Une  autre  enceinte  s'élève  dans  l'île  de  Gotland.  à  Thorburuen. 


T.  II.  —  y 


(î(i 


IIISTUIIU':   DE  LAl'.T 


GRANDE-BRETAGNE 


L'Anglclorre  est,  avec  la  France,  le  pays  où  le  style  gothique  s'est 
mondé  le  }ilus  précoce  et  le  plus  original,  et  a  laissé  le  plus  de  monu- 
uicnls.  On  y  (rouve,  à  cùlé  d'importations  traneaises,  des  variétés  de  ce 
style  qui  ne  doivent  rien  ou  doivent  peu  aux  écoles  de  l'autre  côté  de  la 

Planche;  enlin  nous  verrons  qu'au 
xv"  siècle  l'Angleterre,  à  son  tour, 
a  fourni  ù  la  France  les  éléments 
du  slyle  Handioyant. 

AncnrrECTUHE  reijgiecse.  —  11 
semble  que  le  plus  ancien  type 
connu  de  l'architecture  de  transi- 
tion soit  un  monument  anglais,  la 
cathédrale  de  Durham,  comme  la 
(■■tahli  M.  John  Bilson.  Très  proha- 
hlement,  les  voûtes  du  chœur,  éle- 
vées en  H04,  étaient  des  voûtes 
d'ogives;  elles  ont  été  refaites, 
mais  celles  des  bas  côtés  du  sanc- 
luaire,  qui  subsistent  encore,  sont 
au  moins  aussi  anciennes.  Celles 
is  _  (  •iii  ,.,i   ,1,.     ,1,1    ''""'""         i]r  la    nef   sont,  au   contraire,    un 

peu  postérieures,  et  le  transept 
montre  une  ai-chileclure  plus  simple  dans  une  partie  primitivement  desti- 
née à  ne  pas  recevoir  de  voûtes;  or  la  (•Iiioni(|ue  de  la  construction  dit 
formellement  (|u'après  l'érection  du  sanctuaire,  le  manque  de  ressources 
amena  non  seulement  un  ralentissement  des  travaux,  mais  l'adoption, 
pour  quelque  temps,  d'une  ordonnance  plus  simple. 

On  a  vu  que  l'école  normande,  comme  l'école  germanique,  conijiosait 
volontiers  ses  églises  de  travées  carrées,  les  bas  côtés  ayant  moitié  de 
largeur  du  vaisseau  central,  et  deux  travées  latérales  répondant  à  une 
travée  de  voûte  centrale,  (le  système,  en  Angleterre  comme  en  France, 
resta  en  honneur  à  l'avènement  du  style  gothique  :  la  cathédrale  de 
Durham  reçut  une  croisée  d'ogives  par  deux  arcades  dans  le  vaisseau 
central,  mais  cette  croisée  est  simple,  tandis  qu'en  Normandie  les  plus 
anciennes  voûtes  d'ogives  sont  en  général  sexpartiles;  et  cette  différence 


LAUCHITECTIRE  GOTHIOUh:  DU  XIII'  SIÈCLE 


inonlre  bien  l'antérioritc  des  voûtes  de  Diuham  sur  celles  de  la  Tiinilé 
de  Caen,  par  exemple.  Il  est  à  remarquer,  en  outre,  que  les  voùles  cen- 
trales de  Durliam  n'ont  pas  de  doulileaux,  disposition  rare. 

A  la  cathédrale  de  Peterborough,  dont  le  vaisseau  central  iiorle  une 
simple  charpente,  les  bas  côtés  ont  aussi  des  voûtes  d'ogives  :  on  a  émis 
jadis  l'hypothèse  étrange  que  les  ogives  auraient  été  relancées  sous  des 
voûtes  d'arêtes,  opération  inexécutable.  On  peut  bien  croire,  il  est  vrai, 
que  des  voûtes  d'arèles  comme  celles  d'Ely  ont  existé  avant  les  oo-ivcs, 
mais,  ici  comme  à  r)urliam, 
les  gaucheries  cjui  pourraient 
être  un  argument  en  faveur 
de  cette  opinion  se  rencon- 
trent un  peu  partout  dans  les 
parties  incontestablement  ho- 
mogènes de  l'édifice  ;  les  arca- 
tures  intérieures  des  murs 
latéraux,  moulurées  avant  la 
pose,  l'archivolte  d'une  ar- 
cade, au  nord-est  du  transept, 
entaillée  pour  loger  une  co- 
lonnelte,  ont,  à  j)remière  vue, 
l'aspect  de  remaniements,  et 
il  est  certain  cjue  ce  n'en  sont 
point.  Tout  autre  est  l'aspecl 
d'une  partie  des  bas  côtés  de 
l'église  aldiatiale  de  Selby, 
qui  porte  des  voùles  d  ogives 
du  mili(Mi  (lu  xii"  siècle;  le 
pilastre  et  les  colonneltes  qui 
les  reçoivent  sont  sans  liaison 
avec  le  support  principal,  et 
montrent  très  bien  (pie  les  xoùlo 
ne  s'observe  à  Durliam  ni  à  Peterborough. 

L'église  de  Sainte-Clroix,  près  ^\'in(•llesler,  appai'tient  à  lui  hôpital 
l'ondé  par  Henri  de  Blois  en  IITiC;  elle  tut  construite  un  peu  jdus  laid, 
peut-être  en  1 18,'),  lorsque  les  Templiers  cédèrent  l'hôpital  aux  é\è(pies  de 
^^'inclIesfer.  C'est  un  édifice  de  transition  souvent  remanié.  conq)renanl 
un  clicxcl  rectangulaire  a\('e  (•dllaliM-aux.  un  li-anse|il  a\  ce  iour-lanleriu' 
et  une  nel'axcc  bas  côtés;  le  tout  es!  \(iril('>  (rogi\i'>:  -uixani  une  (lisp((si- 
liou  projire  à  r(''Cole  normande,  I  ordonnance  du  (■lie\('t  coiuiirend  du 
liant  en  ba>  deux  (li\i>ioii>  eiilre  le>(|nelle>  retombe  une  brandie  ddgiNe>, 
raltaeli('e  à  la  ebl' de  la   xoi'ile  ilii   .--anel  iiaire.    i,es  c(dlaléraux  de  celui-ci 


lll]r,l|;,|,.    ,1,.    l'cInlH 


une  addition.  Rien  de  scniblab 


ns 


IllSTOlRli  DE  LART 


oui  des  uiiivcs  épaisses,  à  zigzags;  les  arcades  soni  aiguës;  le  Iriloi-iiim  se 
compose  d'arcs  enlre-croisés,  cl  une  coursièi'e  esl  niénag(''e  dans  Fenilira- 
sure  des  fenèlres  hautes. 

La  calliédrale  de  Gloucesler,  de  la  lin  du  \n'  siècle,  possède  une 
crvplc,  peul-clre  antérieure,  dont  les  voùlcs  reposent  sur  des  groupes 
de  trois  liranches  d'ogives  sans  moulure.  Les  bas  côtés  de  cette  catlié- 
diale  onl  él(''  construits  aussi  pour  des  voûtes  d'ogives.  L'abbatiale  de 
Lindislarne,  du  milieu  environ  du  xif  siècle,  avait  de  belles  voûtes 
d'ogives  orn(''es  de  zigzags. 

Les  édilices  de  transition  du  milieu  et  de  la  seconde  moitié  du 
XII''  siècle  présentent  des  lormes  analogues  à  celles  des  édifices  antérieurs, 

mais  beaucoup  plus 
'  Unes     trexécution    : 

par  exemple  les  jii- 
li(M's  d(^  la  crypte  de 
lacathédraled'Vork, 
l'abbatiale  de  Mal- 
mesbury,  qui  a  des 
voûtes  d'ogives  sur 
les  bas  côtés  ;  l'abba- 
tiale de  Kirkslall, 
liàtie  vers  le  milieu 
du  xii'  siècle,  qui  en 
a  dans  le  chœur  et 
les  bas  côtés,  la  nef 
('lanl  couverte  de 
chariientes,  et  les 
chapelles  du  tran- 
sept ayant  des  ^oùtes  en  berceau;  l'église  aljbaliale  ruinée  de  Lindis- 
l'arne,  dont  les  voûtes  d'ogives  sont  parmi  les  plus  anciennes  de  la  Grande- 
Bretagne. 

Les  églises  de  llomsey.  Hemel-IIempstead,  Ifley,  la  cathédrale  et 
Saiiit-I^ierre  d'Oxford,  la  cryj)tc  de  (ïloucester,  la  salle  capitulaire  de 
lîrislol.  la  calliédrale  de  ( 'diicheslei-,  ont  aussi  des  voûtes  d'ogives  primi- 
tives. 

Dans  CCS  monuments,  la  structure  seule  est  gothique;  la  voûte 
d'ogives,  dès  qu'elle  apparaît,  supprime  beaucoup  plus  complèlemeni 
qu'en  France  l'emploi  des  autres  noùIcs.  mais  la  décoration,  encore  plus 
exclusivement  géom('-lii([iu;'  (pi'en  Normandie,  montre  moins  qu'en  France 
l'acheminemenl  vers  le  style  gothique.  Les  premières  tendances  gothi- 
ques y  sont  représentées  |)ar  des  prolils  de  moulures  savants  et  vigou- 
reux   beaucou])  plus  ('■tudiés  dans  des  monuments  comme  le  porche  nord 


\:Li\t~r  Mllll.-lli.llc    ,l,'    LilllIisiMI-ll. 


LARCHITECTURE  GOTHIOl  E  1)1    Xlll'  SIÈCLE 


(le  Scll)y  ri  les  ruines  d(>  la. salle  caiiiluhiire  de  Sainle-.Marie  d'York,  que 
dans  la  eailiédralc  encore  Irrs  fruste  de  Ihirliani.  Aux  zigzags  que  décri- 
vent ces  moulures  sur  îles  archivoltes  et  sur  des  piédroits,  se  mêlent 
quelques  petits  écoinçons  de  feuillage  d'un  travail  délicat,  et  c'est  dans 
de  menus  accessoires  de  ce  genre  qu'on  peut  reconnaître  un  style  déco- 
ratif qui  suit  la  même  évolution  qu'en  l'iance.  La  statuaire  monumen- 
tale obéit  aux  mêmes  lois:  vers  11  iO,  de  petites  cariatides  grotesques 
ont  été  adossées  aux  pilastres  de  la  retouihée  des  voûtes  d(>  la  salle  ca])i- 
lulaire  de  Durham  :  leur  mouvement  déhani-li(''  rappelle  ccIIcn  du  portai! 
de  Souillac;  les  statues  monumentales  des  portails  de  Chartres  et  de  Sainl- 
Gilles  ont  leurs  équivalents,  à  la  lia  du  xn"  siècle,  à  Hochesler  ei 
dans  le  portail  dé- 
fruit de  Sainte-Marie,  f 
aujourd'hui  au  mus(''e 
d'York. 

Le  premier  exem- 
ple d'architecture  pu- 
l'enieiij     gdthicpie     e>i 

prol>;d)lenH'nt.  en  An- 
gleterre comme  dans 
d'autres  pays,  une 
église  cistercienne. 
Labhaye  de  Roche 
fut  fondée  en  11  iT 
dans  une  ^■erdovante 
vallée  du  Yorkshire. 
Le  plan  est  celui    de 

beaucoup  d'églises  du  UK'MUe  ordre  :  un  chd'ur  carré  et  cpiaire  ehapidlo 
carrées  au  transept:  c'est  tout  ce  qui  reste  de  l'édilin'.  avec  le  bas  des 
piliers  de  la  nef.  En  élévation,  Fégiise  préseiilail  des  ienèlie-,  eu  plein 
cintre;  un  Irifoi-ium  aux  arcs  en  tiers-])()inl  très  simples,  gi'oupés  deuxjiar 
deux  cl  sans  colonnettes  :  des  arcades  en  tiers-point  à  double  Noussure  non 
moulurée  et  des  jiiliers.  ciMrx  de  la  uef  eu  faisceaux  de  <-ol(unn-s.  ceux  du 
transept  rectangulaii'cs  à  coloune>  ad()ss(''es:  les  fùls  île  ces  i-olonnes  sont 
amincis,  comme  dans  di\(U'si's  églises  de  transition  picardes  et  nor- 
mandes, et  un  cordon  qui  règne  sous  le  Iriforiuiii  les  coutourne,  selon 
l'usage  de  l'école  bourguignonne,  à  laquelle  celle  archileclure  est  en 
jiarlie  empriuiii''e.  Les  eliapelh's  du  ti'au>epl  u'(''laient  séparées  entre  elles 
(|ue  pai- nu  miu' bas.  dispo>iti(iu  <pii  lappelle  les  absidioles  de  \ézelay: 
les  chapiteaux  à  larges  feuille>  pleines  cl  bs  prnlil>  de>  uuiuluies  ont  une 
simplicité-,  une  beauté-,  uni-  purel(-  (pi'ou  lie  ici  loux  e  pas  dans  d  autres 
consiruetions    anglaises;    rordoiiuance    pn'-seide    nm-    analogie   pres(|ue 


FiG.  51.  —  Éifli^o  ablNili.ili-  •h-  Wnrhc 


70  HISTOIRE  DE  L'ART 

Odiiiplrlc  n\rr  lV'i;lisc  cisloi'cicnnc  do  Sninl-Jean-d'AupI  (Savoie);  elle 
;i|i|KU'l  ii'iil  à  lu  s(''i'ir  (1rs  iiiodrlcs  courants  de  l'ordre. 

('.I'  iiKiiiuiiiciii  a  l'ail  ('■(•ol("  :  les  cliaiicllos  (•ai'r(''es  du  Iranscpi  dr  la 
calliétli'ale  di;  l!i|)(iii,  rcsics  d'une  conslruelion  de  la  lin  du  mi'  siècle,  sont 
des  répliques  (le  celles  de  Roche. 

La  prenii(!M"e  calliiMlrale  c(^)niuienc(''e  dans  un  slyle  coni]il(''leuu'nt 
i>ollu(|ue,sousla  dii-eelidii  du  luailre  d'œuvrcs  Guillaume  de  Sens,  en  117à 
à  C.anlcfbuiy.  ol  inie  iiuporlalimi  de  l'arl  de  la  Cluimpaiine.  S'il  n'est 
aussi  l'auleur  (le  la  calli('Mlr:i!e  de  celle  ville,   (uiillainiiev  a  cei-|ainenienl 


l'i,..  .VJ.  —  ClKnii-  lie   1,1  cillir.li.ilc  ,\r  (  iMiilci-lincv. 


iravailh''.  cai'  le  eli(eiir  de  Canlerhury  pr(''senle  des  ressemldances  inlimes 
avec  l'oiddunance  de  la  li;isili(|ue  s(''nonaise  :  les  voûlcs  sexparlilcs  enca- 
drenl  (les  ren(Mres  simples  siu'  l'apjiui  (les([uelles  une  c()ursi(''re  tra\('rse 
les  Irumeaux,  el  le  Iril'orium  l'oiMue  sous  cluKpu'  IYmuMpc  d(Mi\  haies  suhdi- 
visécs;  les  arcades  relonil)enl  sui-  de  e-ros  piliei's  en  l'drme  de  colonnes 
qui,  dans  la  partie  non  tournanle  de  r('dilice,  sont  groupt-s  par  deux;  les 
tailloiis  de  ces  j)ilicrs  poricnl  des  (((lonnelles  à  lïiis  monolilhcs  indéj)en- 
danls,  lui  ou  Irois  allernalivemenl,  qui  reçoivent  la  retomhée  des  voùles. 
La  sculpture  ajipartient  à  l'art  gothique  français;  elle  est  plus  avancée  que 
celle  de  Sens,  la  mouluration  est  très  analogue  à  celle  des  monuments 
français  contemporains,  quoique  plus  complic|uée.  1mi  1  lil'J,  (îuillaume 
tomba   de  ses  échafaudages  et  se  blessa   si  gravement    (pi'il   dut   ahan- 


L'ARCHITECTURE  GOTHIQUE  DU  Mil    SIÈCLE  71 

donner  son  t-lianlicr;  l'œuvre  l'iil  continuée  par  un  élève  nnii'lnis,  puis  par 
d'autres  Anglais  qui  cessèrent  de  tenir  compte  du  {ilan  initial. 

En  1187,  une  autre  importation  d'art  français,  un  peu  moditlée  déjà 
parle  goût  national,  eut  lieu  à  la  cathédrale  de  Cliichester;  la  reconstruc- 
tion partielle  de  cette  église  romane  était  devenue  nécessaire  après  incen- 
die; la  partie  orientale  l'ut  presque  rebâtie,  et  les  piliers  de  la  nef  conso- 
lidés par  l'adjonction  de  colonnetles  golJiiipies  à  l'ùls  indépendants. 
L'ordonnance  du  chœur  présente  des  [tiliers  ronds  en  forme  de  colonne 
cantonnés,  comme  à  Laon  et  à  Notre-Dame  de  Paris,  de  quatre  colon- 
nettes  indépendantes,  et  ayant,  comme  à  Chartres  et  à  Reims,  un  chapiteau 
à  deu.v  étages  de  feuillage  superposés,  dont  le  registre  supérieur  corres- 
jiond  aux  chapiteaux  de  ces  colonnettes.  Ces  supports  son!  la  partie  la 
])lus  purement  française  de  l'œuvre;  les  moulures  compliquées  cl  le  Iri- 
l'orium  affirment  une  autre  tradition. 

A'ers  llllO,  le  maître  d'teuvres  Geoffroy  de  Noyers,  appelé  ])ar 
lévèque  Hugues  d'A\allon,  oi'iginairc  du  Dauphiné,  l'cconstruisit  le 
cha'ur  et  une  partie  du  transept  de  la  cathédrale  de  Lincoln.  Il  adopta  un 
plan  assez  original  :  deux  absidiolcs  s'ouvrent  sur  chaque  hras  du 
transept  :  le  chevet  devait  C-lrr  pentagone,  et,  autour  ilu  déandiulaldiir, 
trois  absidiolcs  moyennes  étaient  séparées  pai'  deux  autres  plus  pclilis. 
Les  chapelles  du  transei)t,  qui  subsistent  seules  en  pai'lie,  accusent  le 
caractère  français  de  cette  architecture,  mais  il  peut  n'être  pas 
d'inspiration  directe;  h  la  grande  rigueur,  l'influence  de  Canterbury  sufd- 
rail  à  l'expliquer. 

Un  des  plus  remarquables  exemples  de  rintluence  française  en 
Angleterre  est  l'église  abbatiale  de  Westminster.  Elle  date  du  milieu  et 
de  la  seconde  moitié  du  xni''  siècle  :  le  pavement  du  cha^ur,  exécuté  en 
1208,  témoigne  que  la  partie  orientale  de  l'église  devait  se  terminer  à  celte 
époque:  il  témoigne  aussi  que  les  abbés  et  les  rois,  leurs  proleclcurs, 
savaient  emprunter  à  l'art  de  chaque  pays  étranger  ce  (piil  avait  de  |ilus 
parfait.  Ce  pavement  incrusté  fut  exécute''  par  le  maître  romain  (Jdeiico. 
qui  vint  vers  1200,  à  la  requête  d'Henri  111,  paver  de  mosaïipies  les  cathé- 
drales de  Londres  et  de  Canterbury,  tandis  que  l'arcliiii^cture  el  la  scul- 
pture sont  toutes  proches  des  modèles  français.  Le  plan  du  clueur  com- 
prenait un  déambulatoire  avec  cinq  chapelles  polygonales,  et  des  piliers 
ronds  cantonnés  de  quatre  colonnettes:  en  élévation,  la  composition  géné- 
rale est  française,  mais  bien  des  détails  indiquent  une  anivre  anglaise  :  des 
arcs  suraigus,  leurs  moulures,  les  chapiteaux  ronds  sans  feuillage,  les 
frondaisons  d'un  dessin  systématique  qui  tajiissenl  le  plein  des  murs  au- 
dessus  des  arcades,  et  les  piédroits  du  triforium  ont  un  style  anglo- 
normand  caractérisé.  Ce  style  s'affirme  plus  encore  dans  la  nef,  dont 
l'ordonnance  est  analogue,  avec  piliers  en  faisceaux  de  colonnettes  anne- 


72  IIISTUIIU-:  ItE  LAP.T 

l(''es,  el  d;ms  les  (■.\lrriiiil(''s  du  li'onscpl.  oi'i  jiliisieurs  i;iMi;s  i\r  IViKHres  se 
siijperposeni  enlr(>  ]('  poiinil  r|  l;i  rose  du  pJLiiKiii- 

l,es  jii'emiei's  édilices.  d'iinporhilir.n  ou  d'iiispiraliou  IVonçaise, 
n'eurent  pas  (Tinnuence  bien  dundilc  sur  le  jni'uiiei-  slyle  antjlais  [Eai-hj 
EnrjUsh)  ou  gothique  primitif;  en  même  temps  (pi  ils  s'élevaient  suivant 
diverses  modes  françaises,  récole  normande  eoulinuail  à  fournir  des 
artistes  el  des  modèles,  et,  eomnic  à  l'époque  romane,  c'est  d'éléments  nor- 
mands qu'elle  a  composé  son  architecture,  en  exagérant  les  tendances  de 
l'école  et  en  y  ajoutant  des  particularilc'-s  propres.  Le  plan  à  chevet  droit, 
avec  collatéi'aux,  comme  aux  cathédrales  de  Laon  et  de  Dol,  est  très  habi- 
tuel; une  granile  chapelle  de  la  Vierge,  de  plan  cai'i'é,s"v  ajoute;  le  double 
transept,  qui  n'existe  en  France  qu'à  Saint-Ouentin,  est  fréquent;  les 
colonnes  à  fûts  amincis,  particuliers  en  Fi'ance  ;'i  quelques  églises  de  tran- 
sition du  nord-ouest,  sont  noudireux  surtout  dans  ceilaines  régions, 
avant  I'2r)0;  les  piliers  entourés  d'un  faisceau  de  colonnettes  avec  bague 
sont  plus  usuels  (pi'en  Normandie;  les  églises  sans  voùle  plus  l'i'é(pn'nles. 
ainsi  que  les  arcs  suraigus,  exagérés  parfois  jusqu'à  l'outrance,  les  cha- 
piteaux ronds,  nus  ou  couverts  d'un  feuillage  conventionnel,  les  lleui'ettes 
anguleuses,  les  ornements  géométriques,  et  les  gorges  semées  de  boutons 
de  Heurs  sphériques  [baU  /lowcr^,  qui  indiquent  la  première  moitié  du 
xiv''  siècle;  les  zigzags  y  persistent  aussi;  le  iiiforium  et  les  coursières 
(pii  traversent  l'embrasure  des  fen(Mi-es  oïd  la  m("'me  strueture  ((ue  dans 
l'ai-eliileelure  de  Normandie,  mais  la  d(''coratioii  y  es!  jiai'l ieulière.  Les 
églises  normandes  ont  parfois,  eoimni'  la  calhédi'ale  de  Saint-Pol  de 
Léon,  au-dessus  des  arcades,  une  l'iise  de  sculpture  ornementale  qui  ne 
forun:-  pas  saillie  sur  le  jiaremeni  :  en  .Xiiyleleri'e.  à  N\'esiuiinsler,  jiar 
exemple,  on  au  la\ab()  de  la  cathédrale  de  Liuc-tiln,  cette  décoration 
s'étendia  sur  tout  le  plein  d'un  mui'.  Déjà  au  xu'  siècle,  la  calhétlralc 
romane    di^  Bayeux  et  le  chapitre  de  IJristol  ont  ime  décoration  analogue. 

L'arc  brisé  est  souvent  d'un  tracé  écrasé,  formant  angle  aigu  aux 
impostes,  comme  à  Tewkesbury  et  au  Iriforinm  de  Salisbury. 

Les  bases  et  autres  moulures  se  composent  des  mômes  éléments 
qu'en  France,  mais  peuvent  présenter  des  combinaisons  assez  ditîérentes. 
Dès  la  tin  du  xu'  siècle,  les  soubassements  extérieurs  des  édifices  portent 
des  corjis  de  moulures  très  particuliers,  habitude  qui  se  C(jntinue  durant 
toute  la  jiériode  gothique.  Les  moulures  des  arcs  et  arcades,  comme  à 
l'époque  romane,  sont  plus  nombreuses  et  moins  simples  qu'en  France. 
On  l'cmarque  notanunent.  dès  le  xiu'  siè(de.  aux  cathédrales  de  Chichester 
et  de  'Wells  par  exemj)le,  des  boudins  non  seuhMuent  amincis,  mais  agi-é- 
mentés  d'une  arête  coupée,  raccordée  par  des  contre-courbes,  tracé  qui  ne 
se  répandra  en  France  qu'à  la  lin  de  l'époque  gothique.  Une  autre  anté- 
riorité de  l'Angleterre  se  voit   ilaus   des   voûtes  d'ogives  du  xni'   siècle. 


I.AI!CHITi:CTlRI-:  (iOTFHorE  DU  XIII    SIKCI.I':  7-, 

(_k>iil  li^s  aiiiiloi^'Ui's  110  s(?  renc(>nli-cr()iil  en  Fr.-mco  ([iic  deux  sirclrs  iiliis 
lard,  oxceplion  l'aile  }K>iir  le  carré  du  liaiise|il  de  la  eallK^hale  d  Aiiiii'us. 
Ce  sont  des  dispositions  de  pur  caprice,  telles  qu'en  montra  deux  sircles 
plus  tard  l'architecture  française  dite  llamboyante,  inspirée  de  l'art  hii- 
tannique.  Un  peut  citer  de  ces  voùt(^s  du  xiii'  siècle  à  la  caliiédrale  de 
Lincoln,  au  transept  ajouté  à  l'est  de  la  cathédrale  de  Durhani  et  don- 
naiil  à  celle  éiilise  la  l'ornii^  d'un  lau;  à  la  calliédralr'  dr  Licliliejd.  |)ans  le 
transept  orienlal  de  Durhaui,  dit  des  .\euf  Autels,  des  paires  de  hraiiclies 
d'ogives  paileid  en  lii^iie  divei-i^enle  des  retombées  de  la  travée  centrale, 
et  se  réunissent  de  façon  à  dessiner  une  sorte  d'étoile  et  à  faire  fonction  de 
croisée  d'ogives.  Dans  le  cho'ur  de  Lincoln,  on  trouve  la  travée  décom- 
poséi'  en  deux  groupes  de  trois  branches  d'ogives  produisant  un  dessin 
bizarre;  la  nef  de  la  même  cathédrale  et  la  cathédrale  d'Ely  offrent  peut- 
être  les  plus  anciens  cxi'mples  de  voûtes  à  liernes  et  liercei-ons.  (les  trois 
types  de  voûtes  seront  usuels  en  France  au  xv''  et  au  xvi''  siècle. 

Les  voûtes  de  la  nef  de  Lincoln  présentent  cette  particnlarili'  (pie 
leurs  tas  de  charge  décri\enl  un  plan  coin  exe:  ce  tracé  esl  le  point  de 
départ  d'un  système  de  vdûtes  inconnu  en  France,  mais  très  usilé  en 
Angleterre  au  xv'  siècle. 

Certains  Iril'oi-iums  sont  d'une  grande  l'ichesse  :  à  VAy  1  Liri'i-l'iriL', 
Worcestcr,  ^  ork  T'  nioiti('-  du  xui'  sièclei,  el  surtout  à  Lincoln  iclKeiir 
des  Anges,  I'2r)r)-1'280),  les  colonnettcs  de  uiarbre  sont  multipliées  sur  les 
jandiagcs  des  baies,  et  entre  elles  sont  sculptés  des  feuillages;  au-dessus 
des  arcades  régnent  desécoinçons  ornés;  à  Lincoln,  ilssont  occupéspardc 
riches  sculptures  représentant  pour  la  plupart  des  anges  aux  ailes  éployé(\s. 

Dans  le  tympan  des  fenêtres  apparaît,  à  la  fln  du  xui"  siècle,  un  tracé 
plus  rare  en  France  :  des  quatrefeuilles  sont  emboîtés  les  uns  dans  les 
aulies,  et  non  encadrés  dans  des  cercles.  C'est  tl'un  di'-M'loppement  de 
cette  combinaison  que  procèdent  les  tracés  Oamboyanls  usités  en  Angle- 
terre au   xiv'^  siècle,    en  France  au  xv''  siècle. 

Certaines  retomljées  particulières  procèdent  (h\-<  culols  coniques  de 
la  Normandie,  mais  forment  des  jiyramides  ren\('isées  beaucoup  plus 
inij>ortantes  et  plus  aiguè's,  sans  aucun  galbe,  toutes  hérissées  d  orne- 
ments végétaux  toulfus.  Ces  pyramides,  [)eu  gracieuses,  portent  (\c:^ 
faisceaux  de  colonnetles  en  encorbellement:  de  cet  cnq)loi  résulte  lro|( 
souvent  un  man(pu'  de  tenue  :  à  Salisbury,  Ely,  Lincoln,  Wells,  le  tril'o- 
rium  suit  si  peu  la  (li\isioii  des  tra\(''es  qu'au  lieu  tle  concourir  à  1  ordon- 
nance il  semble  plutôt  l'inlerronquc,  cl  les  ligues  hori/.oiilales  s'y  al'lir- 
menl  ]ilus  qn(^  les  \crlicali's. 

A  jiartir  du  niili(Mi  du  xu'  siècle,  rien  n'est  |)lus  frécpuMit  (\\\i^  l'euqiloi 
du  marbre  gris  foncé  ap|)elé  l'iuhccl.',  surtout  dans  les  fuis  de  cohjnnetles ; 
sa  couleur  tranche  sur  la  blancheur  des  autres  pierres. 

T.   II.    —    10 


iiisTOiiti':  i»i:  LAirr 


Les  cliapilcaiixsonl  presque  lous  ronds;  quelquefois,  la  coilieille  esl 
nue;  le  plus  souveni,  depuis  la  lin  du  xu'  siècle,  elle  est  garnie  d'un  lang 
de  l'euillcs,  Iréllées  cl  contournées,  d"un  type  tout  conventionnel,  dont  les 
IV)lioles  se  recourbent,  et  retombent  sous  le  tailloir  en  formant  une  cou- 
ronne. Vers  la  fin  du  xiii'  siècle,  des  feuillages  divers  copiés  de  tout  près 
sur  la  nature,  comme  en  France,  se  mêlent  à  cette  ornementation  styli- 
sée qu'ils  remplaceront  au  xiv' . 

Les  areatures  entre-croisées  sont  beaucoup  [dus  fi(''(nientes  à  l'époque 

romane  dans  les  édifices  anglo- 
normands  qu'en  Normandie;  à 
l'époque  gothique,  les  Normands 
et  Anglo-Normands  ont  eu  diver- 
ses combinaisons  analogues  : 
comme  le  double  rang  d'arcad(>s 
alternées  du  cloître  du  Monl- 
Saint-Micbel,  et  une  série  de  por- 
tails sur  les  tableaux  desquels  les 
areatures  se  chevauchent  à  deux 
hauteurs  différentes.  L'Angleterre 
n'a  pas  de  ces  portails,  mais  les 
areatures  qui  se  clievauchent  y 
sont  un  motif  fréquent  au  xiu''  et 
au  xiv*"  siècle.  Au  cours  du  grand 
remaniement  que  subit  la  cathé- 
drale de  Lincoln,  peu  après  sa 
construction,  des  piliers  en  fais- 
ceaux de  colonnettes  et  un  second 
rang  d'arcatures  interverti  furent 
plaqués  sur  les  murs  des  bas 
côtés,  déjà  pourvus  d'arcatures 
liéllées.  dette  disposilion  du  double  rang  d'arcatures  alternées  se  trouve 
ailleurs  construite  tout  d'un  jet,  par  exemple  sous  le  porche  d'Ely,  et  dans 
le  second  quart  du  xiif  siècle  au  triforiuni  de  Beverley,  où  cette  ordon- 
nance a  été  continuée  au  xiv'  siècle. 

A  partir  du  milieu  du  xiu'  siècle,  sous  les  formerets  et  dans  les 
pignons  des  églises  s'ouvrent  généralement  des  suites  de  fenêtres  en  lan- 
cette, celles  du  centre  plus  élevées,  pour  suivre  le  tracé  des  voûtes;  leur 
aspect  n'est  pas  exempt  de  monotonie.  Les  roses  des  pignons  de  transept 
de  Saint-Albans,  Lincoln,  York,  sont  des  exceptions.  Des  fenêtres  s'ou- 
vrent en  général  jusqu'au  sommet  des  pignons  pour  éclairer  les  combles. 
Les  façades  gothiques  diffèrent  notablement  de  celles  de  France; 
elles  pourraient  cependant  avoir  une  parenté  avec    celles    du   domaine 


riiûl    Enki 
1...  :■'.  —  Ilcl.iils  (lu  Ir.-iMscpl 
do  l;ic;illiédi;ili'  do  Lincoln. 


L'ARCHITECTURE  GOTHIQUE  DU  XIII    SIECLE  75 

fraiirais  des  Plunlogcnols.  Coniine  en  Normandie  et  en  Anjou,  les  ana;les 
de  la  faç;adc  ont  souvent  des  tourelles  carrées  surmonlck's  de  flèclies,  el, 
comme  dans  le   sud-ouest  de  la   France  '  Pav-Xolre-Danie.  ('.and'-      -i  ■ 


arcalures  alignées  à  droite  et  ci  gauclie  du  portail  ahrilenl  des  statues; 
mais  ce  système  a  re(;u  plus  de  d(''velo|>|icnii'nl  :  à  \\  élis,  à  Salisbui'v.  et 
]ilus  tard  à  Hxcter.  |ilusi('ui-s  rangs  de  nirhrs  se  superposent  du  haut  eu 
lias  de  la  l'acade  cl   Inrnu'nl  une  >orle  de  ridundiai'iuni  où  se  logeid    des 


IIISTOIHK  DK  LART 


slatucs.  L'effel  de  ce  casier  momiinenlal  esl  diseulalile,  mais  iiidiseula- 
blemenl  original  el  (oui  dilTéienl  des  alii;nenienls  de  stalues  qui,  en 
France,  meublent  seulemeni  les  éljiasemenls  des  poiiails.  Notons  cepen- 
dant que  le  revers  de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Reims  otlVe  à  l'intérieur 
la  même  disposition  que  rcxléricur  de  ces  façades  anglaises.  Notons  aussi 
la  manie  fâcheuse  de  couper  les  arcatures  et  qualrefeuilles  par  le  milieu 

aux  angh^s  des  façades. 

Malgré  la  manifeste 
parenté  tlu  porche  de  Sa- 
lisbury  avec  ceux  de  Saint- 
Nicaise  de  Reims  et  de 
Puiscaux  (Loiret),  le  type 
des  portails  est  assez  dilTé- 
rent  ;  les  tympans  sculptés 
et  les  piédroits  garnis  de 
stalues,    comme     dans     le 

Lbcau  portail  sud  de  Un- 
coin,  sont  très  exception- 
nels :  en  général,  le  tru- 
meau central  des  grands 
jiortails  soutient  non  des 
linteaux,  mais  des  arcs  tré- 
llés,  disposition  qui  existe 
aussi  en  Normandie  (Sécz) 
et  dans  le  sud-ouest  de  la 
Fj-ance  (Saint-Seurin  de 
Bordeaux,  Saint-Macaire  !  ; 
le  tympan  est  décoré  d'un 
oeulus,  ou  d'un  médaillon 
et  d'ornements,  parfois  de 
ligurines  comme  à  Saint- 
Urbain  de  Troyes.  Le  tym- 
pan du  portail  nord  de 
^\  e-^lminstei',  consacré  à  Salomon,  était  une  exception,  si  toutefois  ce 
portail  entièrement  rcfiiit  a  ressendjlé  originairemeut  à  ce  qu  il  est 
aujourd'hui. 

La  ti'ès  originali'  façade  romane  de  Lincoln  fut  conqdétée  au  xui''  siè- 
cle; elle  a  été  aussi  iniili'c  à  Pcterborough,  où  trois  pignons  ^'élèvent 
assez  arbitrairement  au  front  occidental  de  la  cathédrale,  surmontant 
autant  de  grandes  fenêtres  dont  les  piédi'oits  descendent  ius(prau  sol. 
C'est  encore  là  une  disposition  que  l'Angleterre  montre  dès  le  xu'  siècle 
(Tcwkesbury)  et  qui  en  France  appartiendia  à  l'art  du  W . 


AHC.HITKCTURE  GOTHIOUK  Dr  XIII    SIKC.r.R 


yiiel(|U('s  (■;iHi(''(lralos  du  xiii"  siècle  nrésenlont  jiliis  de  >iiu|ilicilr  cl 
se  rapproclii'iit  plus  des  nionumenls  de  France,  coniinc  la  belle  nef  de  la 
cathédrale  dYork,  commencée  en  l'JOI  :  a\cc  ses  larges  fenélres  dont  les 
meneaux  descendent  sur  l'appui  du  Iriforium  à  frontons,  et  avec  ses 
piliers  en  faisceaux  de  colonnes  et  colonncttes  à  chajiiteaux  octogonaux 
bas  de  feuillages  touffus,  cette  nef  est  très  analogue  à  la  calliédrale  de 
(llermont-Ferrand.  Le  Iransepl.  du  uiilieu  du  xui'  siècle,  esl  d'un  slvle 
tout  différent,  purement  nor- 
nuintl, 

La  cathédrale  de  Salis- 
bury  est  le  type  le  plus  pur 
du  premier  style  gothique 
anglais  :  elle  fut  commencée 
en  l'2'20;  ses  voûtes  dogives 
simples  et  d'une  belle  venue 
reposent  sur  des  faisceaux  de 
colonnettes  en  encorbelle- 
ment :  les  fenêtres  hautes  sont 
petites;  le  hifoi-ium  est  une 
suite  coulinue  de  baies  sui'- 
baissées  et  refendues,  (pii 
n'indiquent  pas  nettement  la 
division  des  travées. 

Dans  la  cathédrale  de 
Wells,  commencée  des  le 
xu'  siècle,  consacrée  en  l!2~)'.l, 
ce  défaut  d'ordonnance  est 
encore  plus  frappant  :  le  Iri- 
forium forme  une  série  de 
petites  lancelles  d'une  grande 
monotonie;  la  voûte  repose  aussi  sur 
bellement  à  fûts  très  courts. 

Ouel(|ues  moyennes  églises  anglaises  du  xni'  siècle  non!  eu  qu  une 
nef,  avec  une  coursièrc  intérieui'c  dans  l'embrasure  des  fenêtres  :  un  c(Mé 
de  l'église  de  Bolton  Abliey,  qui  n'était  pas  voûtée,  montre  cette  dispo- 
sition, et  la  cathédrale  de  Ripon  avait  primilivemenl  une  nef  unicpu'.  mais 
avec  Iriforium,  comme  en  témoignent  les  extrémilés  conservées. 

L'Angleterre  [possède  un(^  s('rie  liés  remarijuable  d'abijayes,  de  cloî- 
tres et  de  salles  capilulain^s  gol biques.  Les  abbayes  cislerciennes  de 
Founlains.  Kirkslall  .\elley.  Tiidern  et  Furness  soni  parmi  les  plus 
belles  ruines  tlu  monde,  et  peu  d'autres  monastères  présenlenl  un  cnsendile 
aussi  conq)lel  ;    plusieurs  abbayes  et  cathédrales  conservent  descloilres 


gi'oupe^ 


dnnnelli's  en  encor- 


HISTOIRE  DE  L'ART 


(M  surloiil  d<*s  saillis  ciipilulain's,  dig'iirs  du  jiliis  grand  inlérèl.  (lommc 
ailli'iirs,  |iliisi('urs  sont  des  oxcinples  remarquables  du  slylc  de  transition: 
«illc  de  Bristol,  toute  romane  de  décoration  et  voûtée  sur  ogives  ornées 
de  zigzags  (1155  à  1170);  celle  de  iJurJiaui,  tenuiuéc  entre  115")  et  1140, 
comprenait  une  travée  carrée  qui  subsiste  et  une  large  abside  démolie  au 
xviu"  siècle  et  rétablie  de  nos  jours;  le  tout  est  voûté  d'ogives;  celles  de 
l'abside  rctomjjaient  sur  de  courts  pilastres  à  cariatides  adossées.  La 
salle  capitulaire  de  Kirkstall  a  le  plan  rectangulaire,  avec  deux  piliers  en 
faisceaux  de  colonnes;  le  style  est  celui  de  la  seconde  moitié  du  xu"  siècle. 
Celle  de  l'urness  est  plus  vaste  et  di'  même  plan.  Toutes  ont  la  dispo- 
sition normande,  qui  se  voit  aussi 
en  France  à  Fontaine-Guérard  et 
qui  consiste  à  ouvrir  sur  le  cloître 
trois  portails  au  lieu  d'un  portail 
entre  deux  fenêtres.  A  partir  du 
xii''  siècle,  les  salles  capitulaires 
anglaises  prennent  souvent  un 
plan  tout  particulier,  en  forme  de 
rotonde,  (le  plan  se  rencontre 
aussi,  mais  exceptionnellement, 
en  Espagne  ;  dans  les  autres  con- 
lii'es  il  est  inconnu,  et  dans  la 
<  il  ande-Bretagne  même  il  n'est 
pas  universel. 

Ces  chapitres  en  forme  de 
rotonde  ont  souvent  un  pilier  cen- 
tral, comme  à  ^^'orcester  (xii"  s.), 
Westminster,  Salisbury,  Lincoln 
el   Lichfleld  (xiir  siècIeV 

Comme  bâtiments  inonasti- 
qni's  rcmai-quables.  il  faut  citer  encore,  à  Fountains,  le  réfectoire,  les 
immenses  celliers  voûtés  à  tiuis  nefs,  les  latrines,  suite  de  niches  exté- 
rieures disposées  en  lile  au-dessus  d'un  canal  d'eau  courante  comme  à 
Maubuiss(jn,  le  logis  des  hôtes  et  l'inllrmerie,  h'  tout  du  xni'  siècle;  à 
Kirkstall,  les  restes  de  la  cuisine.  Le  plus  beau  cloître  du  xiu'  siècle 
paraît  être  celui  de  Salisbury,  entièrement  voûté  et  ajouré  aussi  complè- 
tement que  possible  d'une  suite  d'arcades  à  fencstrages  semblables  à 
ceux  du  cloître  de  Saint-,lean-de-\  ignés  à  Soissons.  Le  cloître  de  Lin- 
coln, de  la  lin  du  xni'  siècle,  se  compose  d'une  claire-voie  très  légère, 
gracieusement  décou[ié(^,  et  d'une  voùie  di'  bois  don!  les  clrfs  portent  de 
précieuses  sculptures,  ligurines  de  loiilc  soilr,  d'un  I)eau  style  el  d'uni' 
exécution  remarqualde. 


I.AIlCIIlTECTrRi:  GOTIIIOUK  Iil"  XllI    SIKCM-:  7.1 

Ap.r.iiiTECTLP.E  CIVILE  ET  MiLiTAU'.E.  —  L'urcliilcci lire  civile  esl  surloiil 
représentée  auxiii"  cl  au. \iv"  siècle  par  des  manoirs.  L'un  des  plus  anciens, 
le  château  d"Oakliam  (Rutlandshire)  conserve  une  grande  salle  de  la  (in 
du  xu'  siècle,  partagée  en  trois  nefs  par  des  colonnes  à  riches  chapiteaux 
de  feuillage,  déjà  gothiques,  qui  portent  des  arcades  en  plein  cintre  el  une 
charpente  apparente.  Des  statuettes  assises  reposent  sur  le  tailloir  des 
chapiteaux;  les  fenêtres  géminées  s'encadrent  à  l'intérieur  dans  des  em- 
hrasures  en  plein  cintre  el  onl  au  dehors  des  tympans  sculptés  en  tiers- 
point:  le  portail  esl  en  plein  cintre;  une  sculpture  élégante  enrichit  loul(> 
celle  archileclure.  qui  peut  dater  de    IISO  à   1200.  Xursie-d  Courl  i  Kenl'i 


Fie.  .">S.  —  Les  celliers  de  Fuiiiil;iiiis  .\liijey. 

et  la  salle  royale  de  ^^'inchester,  un  siècle  plus  tard,  présentent  la  même 
disposition;  la  seconde  a  pour  supports  des  faisceaux  de  colonnelles. 

Pour  le  xni''  siècle,  un  des  monuments  les  plus  originaux  est  le  manoir 
de  Stokesay.  Il  comprend  une  grande  salle  tenant  dune  part  à  un  cellier, 
et  de  l'autre  à  une  galerie  qui  la  relie  à  un  donjon  de  plan  octogonal  ayant 
une  face  remplacée  par  deux  pans  rentrants  qui  dessinent  comme  des 
bretèches  jumelles.  La  salle  a  de  grandes  baies  en  tiers-point  avec  tym- 
pan garni  dun  ochIks  sui'  deux  lancetles  à  haNcrse  médiane.  (Jes  baies 
s'encadrent  sous  une  suite  de  })ignons  latéraux.  La  cliarpenle,  appareille 
à  l'intérieur,  avec  fermes  à  aisselliers  courbes,  esl  d'un  gi-and  caractère. 
Le  manoir  de  Longthorpe  (Norlhamplonsliire  olVre  une  tlisposition 
d'ensemble  analogue. 


s(i  iiisToii!!-:  DK  i;art 

Le  cl]àl(>;iii  d'Aydon  '  .Xorlliiiiuljcrliind)  esl  (•onijM>s('>  d'une  suilc  non 
.syinrlriquo  de  liAlimonls  recUingulaires  el  de  deux  enclos  irréguliers, 
dont  lun  était  un  jardin,  laulre  une  cour  de  ferme.  L'architecture  appar- 
tient au  xui'  et  au  xiv'  siècle.   La  distribution  est  déjà  compliquée. 

Lai'cliitecture  militaire  a  laissé  de  très  beaux  monuments  de  lépoque 
de  transition  :  le  château  de  Conisborough,  de  la  lin  du  xif  siècle,  avec  son 
imposant  donjon  polygonal  renforcé  de  massifs  contreforts  dont  la  tète 
devait  soutenir  des  hourds,  conserve  intactes  deux  très  belles  cheminées 
et  une  charmante  chapelle  de  transition  logée  dans  l'épaisseur  d'une 
murail!(\  Le  donjon  rectangulaire  de  Middleliam,  dont  la  chemise  et  la 
chapelle  ont  élé  icbàlies  au  m\'  siècle,  esl  une  énorme  et  imjiosante  con- 
struction du  xii'  siècle,  divisée  du  haut  en  bas  par  un  gros  mur  de  refend, 
comme  ceux  d'Arqués  el  d'Hastings.  Le  rez-de-chaussée  semble  avoir  été 
\(iùl(''  d'ogives. 

\\ 

ITALIE 

De  toutes  les  contrées  cpii  employèrenl  le  slyle  gothiipK^,  l'Ilalie  est 
celle  (|ui  l'a  le  moins  compris  :  la  franchise  et  la  rigueur  de  logique  qui 
soni  l'essence  même  de  ce  slyh^  s'accommodaient  mal,  en  effet,  avec  les 
traditions  ailisli(pies  du  peujile  romain  el  av(^r  le  tempérament  d'une 
race  plus  sentimentale  que  logicienne,  plus  habile  dans  l'art  d'arranger 
que  créatrice,  et  qui  n'aime  guère  la  \(rit('  ([u'cmbellie.  Ce  que  l'Italie  a 
fait  pour  l'art  gothique,  ce  fut  de  lui  donner  le  nom,  absurde,  sous  lequel 
nous  le  désignons  et  qui,  pour  les  Maîtres  de  la  Renaissance,  voulait  dire 
barbare  et  tudesque;  or,  pour  le  Romain,  barliare  est  tout  étranger 
hormis  le  Grec,  qu'il  a  ci'u  comprendre,  el  à  ce  mot  s'attache  une  idée 
de  mépris.  Ainsi  pensait-on  du  gothique  en  Italie  au  xv''  siècle,  et  l'on 
constatait  qu'au  tcnqis  où  les  peuples  latins  adoptaient  la  Renaissance, 
les  peuples  germaniques  restaient  hdèles  à  un  art  qu'eux-mêmes  et  leurs 
voisins  pouvaient  croire  alors  né  chez  eux.  En  réalité,  ils  se  l'étaient 
seulement  assimilé  profondémenl. 

Il  est  faux  que  les  Allemands  aient  |M>rté  le  style  golhiquc  en  Italie, 
comme  on  l'a  cru,  peut-être  à  cause  de  l'origine  commune  du  gothique  ita- 
lien et  d'une  partie  de  l'art  gothique  allemand  ;  mais  si  la  première  impor- 
tation gothique  n'est  pas  leur  l'ait,  on  peut  leur  altritmer  la  dernière:  le 
style  de  la  cathédrale  de  Milan  esl  germanique.  Le  style  germanique 
avait  aussi  régné  en  Italie  à  l'époque  romane.  Les  autres  sources  de 
l'architecture  gothique  d'Italie  sont  toutes  fran<;aises;  en  voici  l'énunié- 
ralion  par  ordre  chronologic[ue. 


I.ARCHITECTURE  GOTHIQUE  1)L:  XIII'  SIÈCLE  si 

La  plus  iiii]Mirl:i:il(',  comme  la  plus  curieuse,  csl  l'inlluence  de  rordrc 
de  Cileaux  qui,  à  la  Un  du  xu''  et  au  début  du  xiii"  siècle,  initia  le  centre, 
puis  le  nord  de  l'Italie  à  l'art  de  la  Bourgogne,  berceau  de  l'ordre. 

Presque  en  même  temps,  dans  la  première  moitié  du  xiif  siècle,  les 
chanoines  de  Saint-Victor  de  Paris  bAlissaient  à  \'erceil  en  Piémont  une 
église  et  des  bâtiments  claustraux  de  style  français,  cl  peu  après,  la 
cathédrale  de  Gènes  s'inspirait  de  modèles  également  l'rançais.  Dans  le 
sud,  les  chanoines  du  Saint-Sépulcre  construisaient  vers  1190,  à  Barleita, 
une  église  de  style  bourguignon,  et  les  chevaliers  Teutoniques  une  église 
de  transition  à  Messine,  ^'ers  1255,  dans  le  royaume  des  Deux-Siciles, 
Frédéric  II.  (|ui  (''lait  roi  de  Jérusalem,  nccueillaii  des  colons  IVancais 
émigrés  de  l'Orioni  latin,  el  parmi  eux  des  arlistcs.  Frédéric  II  avait  vai- 
nement tenté  d'asservir  le  i-oyaunie  de  (iliypre  ;  ses  troupes  Ijallues  et 
chassées  entraînèrent  dans  leur  fuite  des  colons  français  bannis  de  ce 
royaume  pour  avoir  embrassé  sa  cause;  parmi  eux,  un  jeune  gentilhomme, 
habile  ingénieur  et  maître  d'ceuvres,  Philippe  Chinard,  d'origine  cham- 
])enoise.  Un  grand  noirdjr(_'  tle  forteresses  et  quelques  églises  bâties  alors 
dans  l'Italie  du  Sud  el  la  Sicile  apparlienneni  à  l'art  français  de  l'Orient 
latin. 

Fn  même  temps,  l'ordre  alors  nouveau  de  Sainl-Franet>is  imporlail 
des  modèles  d'art  français.  C'est  le  centre  ou  le  midi  de  la  France  qui, 
cette  fois,  entre  en  ligne  avec  l'église  de  Saint-François  d'Assise  (termi- 
née de  1256  à  1259).  L'église  Saiid-h'rançois  de  Piologne  présenle  un  lype 
dilTérent;  elle  fui  élevée  de  P2."()  à  I2i0.  Mais  ces  églises  mères  furent  mal 
imitées,  et,  durant  la  fin  du  xiii'  et  lcxi\'  siècle,  c'est  à  l'art  leplus  apjiauvi'i 
de  la  Provence  que  les  ordres  de  Saint-Fiançois  et  de  Saint-Dominique, 
tout-puissants  dans  le  sud  de  la  France,  demandèrent  le  modèle  des  nom- 
breuses églises  qu'ils  élevèrent  en  Italie.  Leur  influence  fut  de  toutes  la 
moins  heureuse;  l'austérité  de  l'ordre  de  Cîleaux  n'avait  fait  qu'épurer 
l'architecture,  la  pauvreté  volontaire  des  ordres  mendiante  sut  la  rendre 
misérable. 

^'ers  1270,  Charles  F'  d'Anjou,  maître  du  royaume  des  Deux-Siciles, 
y  amena  un  nouvel  et  plus  nombreux  apport  de  population  française  el 
des  artistes.  L'histoire  a  i-etenu  le  nom  du  grand  maître  des  œuvres  de 
Charles  \",  Pierre  d'Angicourt.  Le  style  adopté  fut  le  gothique  du  midi  de 
la  France.  Toutes  ces  importations  ont  donné  naissance  à  des  imitations 
locales,  interprétations  plus  ou  moins  mallieureuses. 

Bien  que  le  style  gothique  soit  manifestement  en  Ilalii'  un  art  d  im- 
portation, le  principe  de  la  croisée  d'ogives  semble  avoir  été  connu  de 
très  bonne  heure  en  Lombardic,  si  Ion  s'en  rapporte  à  l'emploi  sinnd- 
tané  de  ce  membre  d'architecture  et  de  formes  complètement  romani-s  à 
Saiut-Ambroise  de  Milan,  Sainl-Miciirl  de  Pavie,  etc.  Ces  voûtes  d'uLiives 

T.  ir.  —  Il 


8'i  IIISTOIRF.  T)V.  LABT 

constilucnl  un  des  pi'oljlrmcs  les  plus  il('-licals  de  l";ii-clit'oloii'i<'  du  moyon 
âge.  Les  documents  éci'ils,  loin  d'échiii-er  la  queslion,  l'obscurciraienl 
plutôt;  nous  savons  en  effet  posilivcnienl  que  Soinl-Ambroise  fut  bâti  par 
rarchevèque  Angilbcrt  (8'24-8r)0)  et  remanié  au  xi''  siècle,  qu'une  partie 
des  voûtes  sV'croula  en  Kl'.Kl  cl  (pi'un  des  clochers  datç  de  112U;  il  semble 
hors  de  doute  que  plus  (^riinr  lia\(''e  de  voùles  fut  refaite  et  que  le 
xu'  siècle  a  vu  s'élever  non  seulement  un  clocher,  mais  une  grande  partie 
de  la  nef  où  des  bases  sont  plantées  normalement  aux  ogives,  flelte  nef 
présente  le  style  (|ui  parloul  lui  usili'-  mts  le  milieu  tlu  xii'  siècle.  M.  le 
commandeur  Ri\()ira  a  bien  prou\é  que  Sainl-Miehel  de  r'a\ir.  monu- 
ment toul  à  l'ail  (bi  même  slyle.  est  du  xii'  siècle  ;  il  est  'rai  (pi'il  suppose 
Saint-Ambroisr  antérieui',  à  cause  de  sa  construction  jilus  timide,  qui 
n"élè\e  jias  la  Mtùle  centrale  au-dessus  des  tribunes  et  n'éclaire  pas  la 
nef,  mais  l'argument  n'est  pas  sans  réplique  :  Saint-Michel  de  l'a\ie, 
n  ayant  pas  darcs-boutants,  est  une  construction  dont  la  hardiesse  pour- 
rail  bien  n'être  que  de  l'ignoranci',  et  par  lapporl  à  hupu'lb'  Saint- 
Anibroise  serait  non  un  premier  essai  plus  timide,  mais  l'ieuNre  d  un 
artiste  que  l'expérience  a  i-endu  plus  prudent,  ('.est  ainsi  que  les  plu> 
anciennes  églises  romanes  d'Auvergne,  comme  His,  Glaine-Montégut,  ont 
des  fenêtres  hautes  qui  disparaissent  dans  les  plus  récentes,  comme  Orci- 
\al,  Issoire.  —  I^esle  une  autre  église  du  xi'  siècle  pourvue  d'une  croisée 
d'ogives,  Saint-Flavien  de  Monteliascone,  authenli(|uement  tlatéc  de  lOÔ'i; 
c'est  une  chapelle  à  deux  étages  reliés  jiar  une  travée  sans  voûte  infé- 
rieure; le  type  est  germanique,  il  lajijielle  la  chapelle  de  Scln\arzrhein- 
dorf  et  l'église  octogone  du  Sainl-Lsjuit  à  A\'isby  (Gotland);  quant  au 
style,  il  marque  deux  époques  bien  lraneli<'M's  :  à  l'ouest,  un  prolonge- 
ment du  XIV'  siècle  dans  la  façade  diupiel  a  été  réencastrée  l'inscription 
qui  donne  la  date  de  lOr)^  et  le  nom  du  maître  d'ieuvres  Lando;  à  l'est, 
ime  partie  dont  l'architc^cture  est  romane  et  dont  l'étage  inférieur,  seul 
voûté,  a  sur  ses  collatéraux  des  croisées  d'ogives  assez  épaisses,  de 
|)rolil  carré,  reposant  sur  des  colonnes  adossées  qui  leur  sont  normales, 
et  qui  rapi)ellent  tout  à  fait  celles  de  Milan  et  de  Pavie.  L'étage  supérieur 
rappelle  les  églises  de  Toscanella,  dont  l'une  (Saint-Pierre)  est  liien  du 
XI"  siècle,  et  plus  encoi'C  les  églises  construites  à  Mterbe  depuis  le 
xn'  siècle  (San  (iiovanni  in  Zoccoli,  San  Sistoi  jusqu'au  xiv''  (La  Madonna 
délie  Rose).  C'est  simplement  la  persistance  du  type  basilical.  Un  chapi- 
teau bizarre,  cruciforme,  à  angles  coupés,  reposant  sur  un  fût  cylindrique, 
a  été  regardé  comme  annonç;ant  à  longue  distance  la  forme  de  certains 
supports  gothiques,  mais  n'est  à  coup  sûr  qu'un  morceau  i-employé  et 
détourné  de  sa  destination  j)rimitive  :  un  fragment  de  faisceau  de  fûts  à 
pans  coupés  surmonte  d'astragale.  En  l'état  actuel,  les  quatre  saillies  sont 
sans  emploi,  et  le  dessous  non  seulement  ne  se  raccorde  pas  au  fût,  mais 


\n(  iurKCTiiU':  ootiiioue  nr  xiii  sikcm-, 


csl  coiiii>k''lrinciil  raliulcux,  landis  ([ue  les  lares  M'ilicalcs  soiil  liés  i)i<Mi 
dressées;  c'est  peul-èlre  un  socle  du  xiv"  siècle,  l'elnuriii''. 

Celle  chapelle  haule  n"a  donc  rien  qui  puisse  être  ulilisr  |KMir  l'his- 
loire  des  oriiiines  golliiques,  tandis  que  les  voûtes  d"ogivcs  d'iiin'  partie 
dr  la  (diapelle  basse  sont  bien  contemporaines  de  leurs  su})porls  romans 
et  d'un  style  lombard  bien  caractérisé  :  les  caractères  sont  les  mêmes  qu'à 
Sainl-Ambroise.  El  qui  pourrait  prouver  ipie  l'inscription  commémoi-ativc 
remonlée  dans  la  l'aeade  du  xiv"  siècle  provienne  d'une  portion  d'édilice 
contemporaine  des  plus  anciennes  parties  conser\ées.'  De  l'ancienne 
façade,  nous  n'avons  pas  d'autres  débris;  qui  sait  si  la  façade  de  IO.~i>, 
restée  debout  juscju'au  xiv"  siècle,  n'était 
pas  alors  le  seul  vestige  de  l'édifice  pri- 
mitif? Un  a  pu,  à  la  fin  du  xii'  siècle, 
rebâtir  r('glise,  sauf  cette  partie;  cela 
s'est  fait  des  centaines  de  fois,  les 
façades  romanes  étant  souvent  plus 
lielles  et  plus  solides  que  le  reste  de 
l'église;  puis,  au  xiv'  siècle,  })Our 
agrandir,  on  aura  jelé  bas  cette  façade 
en  cons(M'Nant  l'inscriplion  (|ue  l'un 
devait  considérer  di'jà  connue  se  rap- 
portant à  l'église  entière.  S'il  en  est 
ainsi,  nous  ne  sommes  pas  rensei- 
gnés sur  la  construction  de  la  fin  du 
xu'  siècle,  tandis  que  l'insci-iplion 
relaie  celle  du  xi' ,  dont  il  ne  reste 
l'ien  ;  le  cas  ([ue  je  suppose  serait  ana- 
logue à  une  joule  d'exeinjiles  connus. 

A  rin\ersc  de  ces  monuments,  on  trouve 
AM\-ergiie.  en  Allemagne,  en  ProAcnce,  des  (Mlili 
>eule  est  gotliiquc.  I^e  ly|)e  de  la  basilique  n'y  e>l  jamais  tondi(''  en  (l(''su('-- 
Uule  ;  il  se  renconlre  souvent  à  l'cqioquc  romane  :  à  San  Miniato,  à  l^is- 
loie,  à  \  ilcrbe,  el,  jusqu'au  xiv'' siècle,  il  reslera  lV(''(pienl. 

Le  premier  modèle  golliiipie  iuqiorté  en  Italie  |iar  les  ( '.ishMciens  est 
labbaye  de  Fossanova,  sur  la  \(tie  Appienne,  près  de  Terracinc.  I.e  ton- 
daleur  lui.  en  IlST.  l'enqjereur  Frédéric  F',  el  la  nuiison  nn''re  fut 
l'abbaye  d'Ilaulecdndie  en  Savoie,  dont  l'église  l'Iail  un  modeste  édifice 
roman.  Il  l'aul  donc  cliei-cliei-  ailleui's  <pn'  dans  la  personnalilé  d(>  ses  l'on- 
daleur>  l'origiiii'  du  >l\le  nellemeni  bourguigmm  de  la  nouvelle  abbaye: 
c'est  sans  dimle  an  cli,qiih-e  gi'uéral  di'  Cîleaiiv  <|ne  les  j)lans  l'urent 
arrêtés  el  l'artisle  cli(>i>i.  I.e  cloilre  esl  lombard,  mais,  dès  la  lin  du 
xir  siècle,  l'ét-lise  el  le  r.-lecloire  luitul  cunuuencés  dans  un  tout  aulrc 


.-Ihl.Mli.' 

1 •  ro^s.-iii 

,v.-,. 

Ilali< 

connue 

en 

loni 

a  décoi'a 

ion 

FiG.  liO.  —  Ks-lise  de  Cas 


84  iiisKiim:  III';  laiît 

slylc,  ri  Icuf  iiiiHii;iii;ilii)ii  ciii  lieu  en  iniMiic  Icinjis,  rii  l'JIIS.  Le  iiianli 
18  juin,  Iiinoreiil  111,  airivr  en  grande  ]Hiin|ic,  soupa  dans  le  réfectoire, 
lojîca  ses  tieii.v  ceiils  clieN aux  dans  les  écuries  et  passa  la  nuit;  le  lendc- 
uiaia,  au  levei'  du  jour,   il  consacra  IV'ylise  pendant  que  TcnNoyé  du  roi 

de  Sicile  ajiporlait  au 
IVrre  du  pape  l'inM'sli- 
lure  du  comté  de  Sora. 
Cette  solennité  devait 
avoir  d'importantes 
consé(|uences  :  Fossa- 
nova  dotait,  en  clTct, 
rilalie  d'un  modèle 
d'art  plus  parlait  que 
tout  ce  qu'on  y  avait 
vu  depuis  les  Grecs,  et 
qui  m  école;  labbayc 
devait  essaimer  et  non 
seulement  lui  monas- 
tère, mais  une  universilé  'sliidiitui  arliuin).  De  ce  foyer  rayonna,  pendant 
plus  d'un  siècle,  sur  l'Ilalie  l'enseignement  des  maîlres  ijolhiqucs.  Avant 
UK'nic  d  avoir  achevé 
ses  bâtiments,  Fossa- 
nova  fondait  une  autre 
abbaye  aussi  impor- 
tante, Casamari,  con- 
sacrée en  septembre 
l'217.  L'église  estd'un 
slyle  sensiJilcmeni 
plus  avancé;  la  salle 
capitulairc  et  les  au- 
tres bâtiments  claus- 
traux sont  du  même 
arl  ;  quant  au  cloître, 
c'est  un  mélange  d'art 
ilalicn      cl     l'rançais. 

A  leur  tour,  dès  i'JOX.  1rs  moines  de  Casamari  fondaient,  dans  les 
Al)ruzzes,  Sainte-Marie  d'Arliona,  cl  peu  apiès,  en  Toscane,  San  Gal- 
gano,  dont  les  travaux  furent  commencés  aussitôt  après  la  consécration 
de  Casamari,  en  1218.  Les  moines  de  ces  abbayes  étendirent  rapidement 
leurs  possessions  et  mulliplièienl  leurs  constructions.  l']n  l'JlO,  ceux  de 
Casamari  recevaient  l'abbaye  de  Saint-Nicolas  de  Girgenti  (Sicile!:  en 
\27>1 ,  ceux  de  San  tialgano,  l'abltaye  de  Sellimo,  près  Floi'cnce.  En  même 


■AFiCHlTECTL'Rfc:  GOTHIOUK  DU  XI 11'  SIÈCLE 


k'iiips  ([UL'  leurs  propres  édifices,  les  religieux  maîtres  d'œuvres  cnlre- 
prentiienl  de  diriger  les  constructions  que  les  habitants  du  pays,  séduits 
par  l'art  nouveau  qu'ils  apportaient,  venaient  leur  confier.  C'est  ainsi  que, 
de  J259  à  l'268,  trois  convers  de  San  Galgano,  Fra  ^'ernaccio,  Fra 
Melano,  Fra  Mario,  furent  maîtres  de  l'œuvre  de  la  cathédrale  de  Sienne; 
la  cathédrale  de  Piperno,  proche  de  Fossanova,  fut  aussi  reconstruite  en 
style  bourguignon,  à  l'imitation  de  cette  abbaye,  et  les  moines  de  Fos- 
sanova firent  des  élèves,  comme  Petrus  Gulinari  cl  ses  lils  Morisius  el 
Jacobus,  de  Piperno,  qui  bâtirent  et  signèrent  on  l'2'.ll  l'église  d'Amaseno, 
dans  un  style  bour- 
guignon antérieur  '*^^^**^^ 
d'un  siècle. 

Cependant,  la 
prospérité  et  l'acti- 
vité des  cisterciens 
devait  prendre  fin  au 
déclin  du  xiii'^  siècle  : 
les  moines  de  Fos- 
sanova, vers  12^)(l, 
avaient  reliàti  leur 
salie  c  a  p  i  t  u  1  a  i  r  e 
dans  le  meilleur  style 
gothique;  de  l'28U  à 
l.~)00  environ,  ils  re- 
l)àtirenl  un  côté  du 
cloître,  puis  ils  ces- 
sèrent de  consti'uire  ; 
Casamari  s'était 
achevé    d'un    jet    cl 

promptcmenl  ;  Arhoiia  ne  disposa  pas  des  mêmes  ressources,  et  San 
(lalgano  fut  commencé  sur  un  plan  trop  vaste;  ces  deux  abbayes  mar- 
(pienl  le  point  d'arrêt  de  1  art  et  de  la  prospérité  des  cisterciens.  A  Sainte- 
Marie  d'Arbona,  l'église,  avec  sa  nef  atro|ihiée  et  la  salle  capitulaire,  ne 
l'ait  i|n'alouidir  l'architecture  de  Casamari;  à  San  dalgano,  l'église  est, 
au  riMilrairr,  ti(i[i  grande:  on  l'arlicva  a\i'e  peine  au  début  du  xiv''  siècle, 
et  la  partie  occidentale,  bâtie  par  Fra  Ugolino  di  ^lalfeo.  mauvais  élèxc 
italien  des  maîtres  bourguignons,  n'est  qu'un  pastiche  maladioil  de  la 
j)arlie  orientale,  une  iniilalioii  pleine  de  contresens  el  d'archaïsmes. 

L  apogée  de  lart  cistercien  est  marqué  au  milieu  du  xui'  siècle  par  le 
chapitre  de  Fossanova  et  j)ar  l'abbaye  de  Sainl-^lartin,  près  \  ilerbe. 
(êuvres  d'artistes  venus  de  Bourgogne.  Ce  nouvel  a|)p<)il  eut  aussi 
quelque  résultat  :   N'iterbe.  conune  Piperno  el  comme  Sienne,  devint   uu 


■ir,.  02. —  Église  abbaliale  de  San  Mailiuo,  près  Viterbe. 


SO  IIISTOIHK  DE  L'ART 

[i)\fv  (\';w\  i:()llii(iur,  iii-àcc  au  voisinage  el  à  l'inllucnce  des  moines  de 
Cileaux. 

Ihms  une  parlic  de  I  Ualic  [dus  \oisini'  jiouilani  dr  la  brancc.  leurs 
uiaîli'es  d'ceuvres  l'urenl  moins  Innireux  :  il  semlile  que  rcuijdoi  de  la 
liri(|iu\  doni  ils  n'avaicnl  pas  a]i|iris  à  se  ser\ii-  en  Bourgotiiie,  leur  ail 
(■||(''  uni'  jiai'lie  de  leurs  moyens.  Mais  la  grande  inlV-riorih'^  de  ces  monu- 
ments consiste  dans  leurs  remaniemenls  :  eoinmencés  trop  tôt,  dans  an 
slvle  encore  roman,  ils  ont  r\r  adaptés,  après  coup,  à  l'arcliitecture 
g()llii(|uc:  la  plus  runnur  de  ces  alihaycs  du  ruM'd  csl  ( '.liiai'a\  allr  pi-rs 
Milan,  l'onih'M-  ru  I  I  ."."p  par  sainl  Bernard,  consacrée  en  lL"il  comme  en 
témoigne  une  insciipiion. 

On  sait  ([ue  les  églises  cisterciennes  n'ont  que  des  clochers  de  bois 
ou  des  clochers  de  pierre  1res  modestes.  Celui  de  Casamari  est  un  modèle 
de  ce  dernier  genre,  l'ormé  d'un  seul  étage  carré  et  plus  étroit  que  la  net", 
au-dessus  des  voûtes  de  laquelle  il  est  porté  sur  des  arcs.  Le  clocher  de 
Fossanoxa  eonsliiu(\  au  conlrair(\  une  singulière  dérogalion  aux  règles 
dr  Cileaux.  11  n'esl  pas  iHuuguignon .  nuiis  limousin,  inspiré  évidemment 
lin  pelil  clocliei-  iictogdue  d'()lia/.ine  :  ipiaire  de  ses  ai'("les  coïncident, 
selon  la  mode  limousine,  avec  la  créle  des  toitures;  mais  au  lieu  d'un 
(■•lage,  il  <'n  a  deux,  surmontés  trun(^  pyramide  de  pierre  et  d'un  lanlernon  ; 
les  angles  sont  garnis  de  colonnettes  saillantes  comme  dans  les  clochers 
octogones  gothiques  d'Auvergne  et  de  Provence.  Chiaravalle,  près  Milan, 
})ossède  aussi  une  Jour  octogone  très  élevée,  mais  c'est  uni'  lanterne  de 
hrique;  (die  rap}>(dle  la  tour  de  Sainl-Sernin  de  Toulouse. 

Ce  plan  des  églises  cisterciennes  d'Ilalie  es!  siuijile.  A  Valvisciolo, 
1  ('g lise  du  xni'  siècle,  eneoi'e  romane,  n'a  (pi'un  iduinir  carré,  une  nef  à 
basculés  lerniin(''s  (''galemeid  en  rectangle;  r(''giise  romane  di'  Sainl- 
Paul-Trois-Fonlaines,  piès  Honu',  les  abbayes  de  Chiaravalle  di  Casla- 
gnola,  h'ossanova  el  Arbona  oui.  déplus,  un  li-ansept avec  quatre  chapelles 
(•arr(''es:  Chiaravalle.  près  .Milan,  en  a  six:  Casamari  et  San  (jalgano 
(puilre,el  un  bas  i-CAr  en  regard;  enlin,  l'église  de  Sainl-.Marlin  près 
\  ijerlie.  -,[.  au  lieu  du  (dii'xel  cari'i'-.  une  abside  polygonale,  et,  à  l'est  de 
clia((ue  bras  de  IraiisepC  deux  iraxées  formant  une  chapelle  h  deux  autels. 

Toutes  ces  églises  soni  eidièi-ement  voûtées,  avec  vaisseau  central 
dominant  franchement  les  bas  ciMés.  mais  sans  arcs-boulants.  L'abbaye 
de  \  alvisciolo,  au  xni'  siècle,  n'a  encore  que  des  voûtes  d'arêtes;  à  Fos- 
sanova,  l'église,  de  1180  environ  à  l^OS,  est  voûtée  de  même,  sauf  au 
cari-é  du  transept  qui  possède  une  croisée  d'ogives  et  de  liernes;  à  Casa- 
maii.  Ai-bona  el  San  (îalgano,  la  voùle  d'ogives  règne  partout  et  le  carré 
du  transept  a  pareillement  des  liernes.  Ces  églises  ont  des  piliers  carrés 
à  colonne  engagée  sur  chaque  lace. 


L'ARCHITECTURE  (iOTlIIOLE  lU-NIII     SIKCI. 


S7 


Les  cloîlres  soiil  imiiiis  iiih'Tessiinls  (inVn  l''r:iiic(' on  en  Msiiiiniic:  li' 
pins  (■■li''i;iinl .  M  ( '.lii:ii:i\  nllr  tlrllii  (  lolduilui,  p;ii-;iil  (hiliT  iln  coinnicnccnicnl 
du  \i\'  sii'cU';  ses  \()ùl('s  d  oi;'i\('s  ri'luinljcnl  ^nr  des  rnlols  de  l'eiiilhiiics, 
dans  chaque  tra\ée  s  ouvre  une  suite  de  peliles  arcades  |iorlées  sur  de 
iincs  colonncltes  jumelles  de  marbre  rouge,  dont  les  chapiteaux  canw'-s 
n'ont  que  des  moulures.  La  partie  gothique  du  cloître  de  Fossaiioxa  date 
de  la  fin  du  xiu''  et  du  \i\'  siècle;  elle  n"a  que  des  \(M'dcs  d';irrics:  chacinr 
travée  a,  de  môme,  une  snilc  de  petites  arcades  eu  lier^-poinl  portées  sui' 
colonncltes  jumelles  de  mailire  l>lanc,  et  les  jdus  r('cenles  ont  des  fnls 
sculptés  a\ec  recherche.  L'édicule  cari-é' du  la\alioest  élé'gant  ;  ces  moi-- 


cean\  d'architecture  s'écartent  sensildi'inenl  di 

nii  ro\ei 


d'; 


dèles  français. 
I   golliiipH'  (l(''rivi'' 


f 


,  —  CnupcilcIjicallK'ilruloilc 


Les  einirons  de  Fossanova   i'ni'eii 
la     I5oiu'gogne;     ou     peut     citer 
comme  o:'uvres  de  cette  école  :  à 
Piperno,   la  cathédrale  avec  son 
porche  tout  semblable  à  celui  de 
Saint-Philibert  de  Dijon;  l'église 
Saint-Laureni      xii'      s.  .    l'église     ':' 
dominicaine     de     Saint-Thomas-     ,:- 
d'Aipun,  consacrée  l'ii  ITir/t;  l'hô-      p 
pital    des    Anionins    et    leur  cha-     L 
pelle   bàlie    en    l."."()    par  Toballo     ^ 
de  Jauni;  à    Sermoneta,    Sainte- 
Marie,  Saint-.Michel,  Saint-Nico- 
las; à  Sezze,  la  cathédrale  consa- 
crée   en    1564,     Saint-Pierre,    ci 

'  I  L'  ;i|>!'C-    IMMII'J   l-l  I.CV'JJU    j 

l'église  démolie  de  Saint-LaurenI  ; 

à  Subiaco,  la  chapelle  et  la  crypte-escalier  de  Saint-BenoM  el  I 
de  Sainte-Scolastique  ;  Sainte-Marie-des-l!oseau\  el  Saiid-Mnic  près 
Sonnino;  à  Terracinc,  l'église  Dominicaine  et  la  cliajielle  de  l'Annoiu^ia- 
tion,  par  André  de  Piperno;  à  Fondi,  Saint-Piei-re,  Xolic-Daine-de-iion- 
Secours;  à  Ferentino,  Saint-Antoine  (seconde  moitié  du  xiii'  s.  ,  Sainl- 
^'alentin;à  Anagni.  la  calhédi'ale  ;  Saiiile-Marie-dn-Fleuve  à  (leccano. 
Sainte-Marie-Majeui-c  de  l^'erentinu,  réduction  tiès  élégante  de  Fossa- 
nova, date  du  xiii'  siècle.  Elle  a.  comme  b'ossanova.  une  tour  centrale  octo- 
gone ])Oséc  d'angle. 

L'inlluence  de  San  (ialgano  n'a  pas  éti''  moins  C(uisid(''ra|j|e.  el  a  pro- 
duit des  monuments  plus  célèbres.  Les  archives  de  la  calliédrale  de 
Sienne,  j)ubliées  par  Milanesi,  permettent  de  saisir  la  jnenve  matérielle 
de  cette  influence.  Les  plus  anciens  documenis  numlreul.  en  LJ-'w.  l'd'uvre 
dirigée  par  un  religieux  de  San  Galgano,  l'ra  \Crnaccio;  en  l'é\rier  LitiO, 
il  est  remplacé  par   Fra   Mclauo.  couvers,  (pu  parail    pour  la  dernière  lois 


M.rlail 


HISTOIRE  DE  L'ART 


à  Sienne  en  l'2(iS;  il  ;iiir;ut  réinlégré  son  ablmye  de  l'iTI  ;i  I27i;  mais  les 
cisterciens  continuaient  de  diriger  l'œuvre  :  en  I'JS'k  !<•  maîlre  élait  un 
troisième  religieux  de  San  Galgano,  Fra  Maggio. 

La  coupole  lomliarde  du  transept  et  le  clocher  non  moins  lombard 
de  la  cathédrale  semblent  antérieurs  à  i2o9,  cl  peut-être  à  la  prise  de  pos- 
session des  chantiers  par  les  cisterciens;  le  chevet,  dont  les  voûtes 
s'achevaient  en  I'2(i0,  rappelle  par  son  plan  rectangulaire  et  par  ses  trois 

fenêtres  surmontées 
d'une  rose,  les  habi- 
tudes bourguignonnes; 
les  fenêtres  hautes  de 
la  nef  sont  d'un  modèle 
l)ien  français,  et.  dans 
loid(^  l'église,  une  par- 
tie de  l'ordonnance  tant 
intérieure  qu'extérieure 
est  nettement  bourgui- 
gnonne :  les  jjiliers 
carrés  cantonnés  de 
quatre  grosses colonnes 
engagées,  la  corniche 
intérieure  de  très  forte 
saillie  qui  règne  au- 
dessus  des  arcades, en- 
lin  la  corniche  exté- 
rieure à  modillons  dont 
les  faces  latérales  évi- 
dées  forment  entre  eux 
des  cavités  demi-circu- 
laires, sont  ;iulant  de 
particularités  familiè- 
res à  l'architecture  de 
Bourgogne  de  la  fin  du  xif  et  du  commencement  du  xui"  siècle,  que  les 
moines  venus  de  Casamari  avaient  enseignées  à  San  Galgano.  L'ordon- 
nance des  portails  de  l'église  et  du  baptistère,  avec  baie  en  plein  cintre 
flanquée  de  deux  baies  en  tiers-jioint,  rappelle  les  porches  de  Saint-Phili- 
bert de  Dijon  et  de  I5eaune,et  le  porche  bourguignon  de  Piperno.  Dans  le 
haut  de  la  façade,  qui  date  du  xiv'  siècle,  la  galerie  extérieure  à  frontons 
rappelle  celle  de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  et  les  deux  tourelles  à  baies 
encadrées  de  pignons  sont  le  diminutif  d'une  disposition  champenoise 
qu'on  observe  à  la  cathédrale  et  à  Saint-Nicaise  de  Reims,  ainsi  qu'à  la 
calhédi'ale  champenoise  de  Famagouste  (Chypre).  La  sculptui'c  de  beau- 


Phot  Lombanli, 


FiG.  04.  —  Cnlhodralr  de  Sienne. 


L'ARCHITECTUHK  (iOTHIOUE  DF  Xlll    SlI-.r.LK 


coup  de  chapilcaux  est  l'raiiç;aise.  Fi';uit;ais  également,  dans  ses  parties 
les  plus  anciennes,  le  curieux  et  magnifique  pavement;  il  consiste,  comme 
à  Saint-Bertin  et  Noire-Dame  de  Saint-Omer,  Tliérouanne,  .Mont-Saint- 
VAo'i,  Saint-Nicaise  de  i^'ims,  en  dalles  oi'nées  de  ligures  cxécuh'es  en 
cliamplevé,  dont  les  creux  son!  rem]ilis  de  mastic  noii-. 

Toutefois,  d'autres  dispositions  pi'ocèdenl  de  traditions  loialcs, 
comme  la  coupole,  le  clocliei',  Tapparcil  alterné  noirci  Idanc,  et  cerlains 
pastiches  du  décor  romain,  comme  les  frises  insérées  entre  les  chapiteaux 
et  les  retomhées,  ou  les  fùls  de 
colonnes  des  portails  ornés  de 
rinceaux.  Pour  les  xui'" et  xiv'' siè- 
cles, 71  noms  de  maçons  et  de 
tailleurs  dimages  ayant  travaillé 
à  cette  œuvre  composite  sont 
parvenusjusqu'à  nous  :  Milanesi 
les  a  fait  connaître,  et  je  ne  noie 
ici  que  les  cisterciens,  et  les 
deux  célèbres  sculpteurs  Jean  et 
Nicolas  de  Pise;  on  sait  cpie  ces 
derniers  ont  exécuté  la  chaire, 
de  l'2ti:)  à  P207.  Selon  M.  Emile 
Bertaux,  comme  on  le  verra 
plus  loin,  ces  artistes  auraient 
pris  contact  antérieurcmenl. 
dans  rilalie  du  Sud  avec  les 
artistes  français  de  Frédéric  II. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ils  rencon- 
trèrent à  Sienne  des  maîtres  de 
France,  et  «  l'initiation  à  peu 
près  complète  à  l'art  des  scid- 
pleurs  français  »,  que  Frdix  de 
Verneilh      remarquait      déjà     chç/.     eux,     ]ieut     sCxplicpu'r     aiséuKMil. 

Les  autres  églises  gothiques  de  Sienne  sont  des  ri'tluclions  a|)}iau- 
vries  de  San  Galgano  ou  delà  cathédrale,  comme  Sainl-ltoniinique,  élevé 
cnlie  I'2'21  et  1540,  et  Saiiil-Fraiiçois,  l'drvé  de  |-2'('.t  à  \i'^'.K  iniis  repris 
par  Fra  Agostino  et  Fra  Agnolo,  franciscains,  en  l."'2(i.  Parmi  les  églises 
de  la  famille  de  la  cathédrale  de  Sienne,  il  faut  signaler  la  petite  cathé- 
drale de  Grosselo,  une  drs  jilns  jolies  églises  d'ilalii'.  poi-laiil  la  dale 
iniliale  de  l^Uk  el  le  nom  du  maître  d'unnres  siennois  So/.o  di  [{usli- 
cliino;  Saint-.Vndri'  d'()r\ieto.  monument  du  milieu  du  xuT  siècle,  el 
Saint-François  dans  la  même  ville;  à  Pise,  Sainte-datherine  (I'2r)d)  el 
Saint-Michel-du-Bourg  qui  passe  pour  l'œuvre  de  Nicolas  de  Pise  ou  de 


90  IlISTOlIil':  DE  I.'AIÎT 

l'i'a  (iiiglicliiio,  son  éli'vc  ;  Saiiil-I  )(iiriiiii<|uc  de  Pérousc,  jilliiliiK' ;'i  .Iran 
de  Pise,  la  calliédralc,  Sainl-I)umiiii(|ur  et  Sainl-I''ranrnis  dr  l'raln.  les 
églises  d'Asciano,  Monlieiano,  clc. 

]/(''L;]ise  des  clianoiiics  de  Sainl-\  iclor  à  Verceil.  Sainl-Aiidr(''.  ]ii('-- 
scidc  lin  jilan  (|iii  })arli(ip<'  des  l'-glises  eistercieniies  i-\  des  |)rali((ues 
(•liaiii|ienoises  :  clievct  reclangulaire.  quatre  ehapcUes  à  paiis  de  dimen- 
sions déeroissanlcs  ouveiies  sur  un  transept  simple,  ime  nef  avec  bas 
côtés,  une  tour-lanterne  octogone,  deux  petites  tours  carrées  à  la  façade. 
L'église  est  entièrement  voidée  d'ogives,  les  arcs-boutants  sont  sim})lcs  et 
bien  construits.  Les  portails,  les  piliers,  les  colonnetles,  les  arcs-dou- 
bleaux  sont  en  })ieri'e  ;  dans  les  ogives,  Irois  briques  alternent  avec  un 
claveau  de  pierre;  le  plein  des  murs  est  en  brique.  L'architecture  est  un 
mélange  d'art  lombard  et  d  art  golbicpie. 

L'Italie  du  Sud  a  des  églises  de  transition,  œuvres  des  moines  de 
r(  )rient  hdin  :  chanoines  du  Saint-Sépulcre  à  Bai-letta,  el  chevaliers  teu- 
l<iiH(pi('s  à  Messine.  Les  dates  exacics  de  ces  nionuiiiriils  nr  nous  sont 
pas  connues,  mais  ils  ne  |)eu\ent  a\<)ir  été  éle\(''s  qu  à  la  lin  du  mi'  siècle  ; 
l'église  de  Messine  l'sl  un  éli''gant  exemjde,  tel  qu'il  pouiiait  se  trouver 
en  France  mcMne  ;  l'église  de  lîailella  pi'i'-senle  un  raiaclèie  bourguignon 
nettement  accusé.  Le  pian  est,  toutelnis;  celui  des  églises  de  l'Orient 
latin.  Ses  trois  al)sides  à  cul-de-i'our s'ouvrent  directement  sui'un  transept 
très  peu  saillant  à  coupole  octogone;  le  peu  d'élévation  de  la  nef  par 
rappoit  aux  bas  côt('-s,  les  tei'rasses,  sont  autant  de  particularités  qui 
rappidieni  les  églises  de  Palestine:  la  corniehe  à  uiodillons  des  absides 
est  semblable  à  celle  du  baptislèie  de  .lelx'il.  Peut-être  ces  absides  sont- 
elles  antérieures  à  la  nef.  (lelle-ci  présente  j)lusieurs  particularités  bour- 
guignonnes: un  narlhex  dont  la  tribune  avait  à  l'origine  une  absidiole  en 
encorbellement  ;  des  arcades  en  tiers-point  et  des  piliers  carrés  cantonnés 
de  trois  colonnes  engagées  et  d'un  jiilastre  à  cliapiteau  sculpté;  au-dessus 
de  ces  |(ilastres,  un  singulier  tronçon  d'i^ntablenien! ,  et.  au  niveau  de  leurs 
tailloirs,  un  cordim  lK)ri/.oidal  de  foi'te  saillie:  eulin  et  sui'toid.  au  sud.  un 
portail  à  fronton,  \oussiires  eu  tiers-point  el  pilastres  à  fùls  orni's  de 
losaees  dans  des  cei'cles  perlés  el  à  soubassements  cannelés;  ces  orne- 
ments rapp(dlent  les  jiorlails  de  Tonnerre,  Avallon,  Semur-en-Brionnais. 
( Juaid  à  la  curnielie.  avec  les  cav  il(''s  deuii-eireidaii'es  creusées  entre  ses 
modillons,  elle  rappelle  loules  les  eoin  iciies  de  la  Bourgogne  ;  elle  a  de 
plus,  sur  clia(pie  inodilliui.  lui  niolif  seul]it(''  d'un  très  beau  style  :  tètes 
d'hommes  et  d'animaux,  orm'uients  divers.  L'église  devait  avoir  un 
porche  au  delà  de  son  narlhex  avec  deux  tours  carrées,  et  le  transept  a 
]Mirl(''  une  loin- octogone:  c'est  la  disposition  de  Paray-le-Monial  el  de  [>a 
Charité. 

L'ar(diilecture  gothique  du  règne  de  Fr(Wl('ric  II  dans  l'Italie  du   Sud 


LARCIUTIICTUHK  COTIIKjrK  1)1    Mil    SIKCI.I-;  iil 

osl  surloiil  civile  el  inililairc  ;  il  l'iiut  cependant  ciler  la  calliédiale  de 
Cosenza,  mélange  de  l'oriurs  L;ollii([urs  françaises  cl  de  persistances 
romanes:  elle  appartient  à  l'école  du  loyaume  de  Jérusalem.  Le  sanc- 
tuaire est  une  abside  à  cul-de-rour.  aicliaïsme  qui  a  subsisté  jusqu'à  la  lin 
du  xiv''  siècle  en  Chypre,  et  qui  n'e>l  pas  étonnant  dans  cette  église,  vnii- 
semblablement  bâtie  par  un  maître  d'œuvres  d'oui re-UKM'.  La  façade  esl 
percée  dune  grande  rose  et  de  trois  portails  en  tiers-point;  son  appaii  il 
est  alterné  de  deux  couleurs  dans  le  goùl  lomliard.  (l'csl  probablenieni  à 
une  inspii'ation  Imurguignonnc  (pi'esl  ilTi  le  conlon  «pii  couiie  à  mi-iiauteur 
l'ordonnance  iidérieure.  A  toul  prendre,  eelle  (''Liiise  e-^l  incohéi'i'ule  et 
mal  com[)Osce,  mais  elle  altesie  incordeslableuienl  l'inlluence  frau(;aise. 
Ce  qu'elle  a  de  plus  remarquable  esl  la  tombe  d'Isabelle,  femme  de  IMii- 
lippe  le  Hardi,  morte  d'un  accident  en  !'270,  au  cours  d'une  escale  de  la 
flotte  qui  ramenai!  le  corps  de  saint  Lduis.  L'architecture  l'n  e>l  puie- 
mcnt  française;  t-'esl  une  grande  arcalure  subdivisée  par  des  meneaux  cl 
ornée  d'un  tyuqian  découpé:  au  centic,  est  une  \  ierge  ;  à  droite  et  à 
gauche  s'agenouillent  les  statues  du  roi  et  de  la  reine. 

L'église  Saint-Micliel  dans  la  grotte  de  Monte  Sanl"  Angelo.  sur  le 
mont  Gargano  en  Fouille,  est  datée  de  1274.  Elle  comprend  un  saii<luairc 
carré  et  trois  travées  de  nef  voûtés  sur  ogives  en  tore  aminci;  les  dou- 
bleaux  sont  ('pais  cl  sans  moulure,  fornu's  de  deux  liandeaux  et  retom- 
bant sur  des  pilastres  à  simple  lailloir.  Une  des  paiois  est  l'ormi''e  «lu 
rocher  oïi  s'ouvre  la  grolle  miraculcus(^  ;  de  ce  côii'-.  les  pilaslres  soid 
très  courts,  et  entre  eux  sont  bandés  des  arcs  de  décharge  en  tiers-point. 

Les  châteaux  de  Frédéric  II  appartiennent  presque  complètemeni  à 
l'arl  L:()llii(pie  français.  Le  château  i\r  'l'rani.  (pie  l'on  sait  brdi  par  l'ingi''- 
nieur  chy})rois  Philippe  Chiuard,  est,  comme  le  château  de  Cérines,  un 
rectangle  avec  tours  aux  angles;  il  a  des  fenêtres  semblables  à  celles  de 
Saint-IIilarion.  Le  CasIcI  Maniace  de  Syracuse  occupe,  comme  celui  de 
Cérines.  un  îlot  défendant  le  port.  C'est  aussi  un  rectangle  à  quatre  tours 
rondes,  avec  cour  centrale  carrée,  et  deux  étages  entièrement  couverts 
de  voûtes  d'ogives  retombant  sur  de  grosses  colonnes  engagées,  dont  les 
cliapileaux  octogones    onl    deux    rangs   de  ci'ochcls. 

Castel  dcl  Monte,  bàli  peu  avani  l'24(l.  es!  un  autre  château  régulier 
cl  entièrement  Mjûté;  son  enceinte  el  ses  lours  soni  nclogones;  comme  la 
Tour  Constance  d'Aigues-Mortes,  il  a  des  terrasses  qui  recueillent  les 
eaux  pluviales  el  les  écoulent  dans  des  citernes  occupant  une  partie  des 
tours.  La  piiric  d'ciilréc  c>l  llanquée  de  pilastres  cannelés  el  sui'monléc 
d'un  IVonloii  qui  rajipellenl  certains  portails  bourguignons  de  la  fin  du 
xin"  siècle  ;  les  voûtes  du  rez-de-chaussée  forment  des  travées  cariées,  sur 
croisées  d'ogives  alternant  avec  des  sections  triangulaires  de  ben-eaux 
brisés  qui  rachètent  le  plan  en  trapèze.  Les  arcs  de  ces  voûtes  relombenl 


92 


HISTOIRE  DE  I/ART 


sur  ties  colonnes  engagées  semblables  à  celles  de  Syracuse.  A  l'étage 
supérieur,  elles  sont  remplacées  par  des  faisceaux  de  colonnettes  dont 
les  luis  Irès  élargis  à  la  base  et  les  chapiteaux  à  feuilles  d'acanthe  ne 
sont  }tliiN  pniciiirnl  IVjiiir.iis :  il  en  csl  de  même  des  cheminées  à  manteaux 
coni(pirs  cl  (le  la  bande  décoialivc  d'appareil  réticulé  qui  circule  à  mi- 
hanhnr  des  clianibres  ;  il  y  a  là  une  influence  archaïque  et  germanique; 
cnlin,  les  i)arqueis  et  certains  revêtements  de  murailles  étaient  de 
mosaïfpies  slellilbrmes  en  marbre,  œuvre  d'artistes  arabes.  L'aménage- 
nieiil  ('Liil  ciinforliible.  chaque  appartement  avait  des  latrines  pourvues 
de  conduites  d  eau. 

i /église  Saint-François  d'Assise,  en  cours  d'exé- 
culion  en  l''2'29  était  terminée  en  l^ôt),  ou  peu  s'en 
faut,  car  on  s'occujiait  de  la  meubler;  le  clocher  fut 
construit  après  l'église,  et  était  terminé  en  1259;  on 
s'occupait  alors  de  fondre  les  cloches;  en  1246,  on 
éle\a  le  niui'  de  soutènement  du  parvis,  et,  le 
2")  mai  I2"i.",  Innocent  III  consacra  l'église.  On 
connaît  deux  maîtres  de  l'œuvre,  le  franciscain 
Filippo  da  (lauipello,  de  1252  à  12r)"i,  et  Petrus 
Luprandi,  cité  comme  témoin  dans  un  acte;  mais  on 
ignore  quel  artiste  fit  les  plans  et  dirigea  les  premiers 
travaux,  et  la  nationalité  des  deux  maîtres  connus  est 
doLileuse  (un  village  de  Campello  existe  bien,  près 
d'Assise,  mais  il  s'en  trouve  d'autres,  et  le  nom 
peut  encore  cire  une  ti-aduction  de  C.hanqieaux, 
vocable  assez  répandu).  On  sait  que  l'édifice,  bâti  sur 
un  escarpement,  comprend  église  haute  et  église 
basse  à  demi  souterraine.  Chacune  a  une  nef  simple, 
un  transept  et  une  abside  aussi  large  que  la  nef,  le  tout  \oùté  d'ogives; 
c'est  le  type  du  midi  de  la  France  et,  comme  dans  cette  région,  la  crypte 
a  uni^  suite  de  chapelles  entre  les  contreforts.  File  est  donc  plus  étendue 
que  r('glise  supérieure,  disposition  rare  qui  se  trouve  aussi  à  l'église 
romane  tle  IMonlmajour,  près  Arles.  Comme  dans  les  églises  à  une  nef  de 
l'Anjou  et  du  Languedoc,  une  coursière  traverse  les  embrasures  des  fenê- 
tres et  passe  à  travers  les  piliers,  qui  sont  des  faisceaux  de  fines  colonnes  ; 
au  liansept,  ce  passage  se  transforme  en  Iriforiuni  avec  arcades,  comme 
à  Sainl-C;qirais  d'Agen.  La  corniche  à  modillons  est  d'un  type  commun 
dans  le  midi  de  la  France.  Les  contreforts  sont  cylindriques,  particula- 
rité très  rare  qui  se  rencontre  à  Sainte-Cécile  d'Albi.  A  ces  contreforts 
ont  été  appliqués,  sans  doute  après  coup,  des  arcs-boutants  lourds  et  très 
simples.  Les  fenêtres  sont  en  tiers-point,  de  dimensions  médiocres,  avec 
meneau  surumnlé  d'un  (luatrercuillc,  et  couronnées  d'un  très  maigre  lar- 


FiG.    65. 
i]v  Sainl-Franc 
(l'.\ssise. 


LAHCHITKC.TURE  COTIIIOUE  Di:  XIIl"  SIÈCLE  '.r> 

mier.  Les  porlails  sont,  coinine  les  fcncMres,  refendus  en  deux  Lnics  sur- 
montées d'une  petite  rose  qui  s"encadre  dans  la  voussure.  C'est  un  type 
assez  répandu  en  Champagne,  Bourgogne,  Provence,  Chypre  (Villeneuve- 
l'Archevéque,  portail  ouest;  Bcaucaire,  Sainte-Catiierine  de  Nirosie)  et 
Angleterre. 

Sainte-CIair(^  d'Assise  est  une  réduction  misérable  de  Saint-François, 
qui  a  perdu  tout  le  charme  de  l'original.  Les  proportions  sont  beaucoup 
moins  heureuses;  les  faisceaux  de  colonneties  sont  remplacés  par  des 
supports  uniques,  aux  chapiteaux  sans  grâce;  les  fenêtres  sont  de  simples 
lancettes;  l'église  a  des  arcs-boutants,  plus  lourds  encore,  mais  n'a  pas 
de  crypte.  Commencée  en  l'257  sous  la  direction  de  fra  l'ilippo  da  Cam- 
pcUo,  elle  montre  bien  cpie  celui-ci  ne  peut  avoir  été  capable  de  com- 
poser Saint-François. 

Saint-François  de  Bologne  appartient  à  un  tout  autre  type,  et,  seule 
en  Italie,  cette  église  a  un  plan  tout  à  fait  développé  et  des  arcs-boutants 
bien  compris.  Elle  fut  bâtie  de  ItiôG  à  l!240,  sous  la  direction  du  maître 
d'o'uvres  .Marc  de  Brescia,  et  du  frère  Jean,  franciscain,  qui  refit  de  l'2M 
à  l'J.Mi  deux  arcades  écroulées.  En  12G1  fut  élevé  le  clocher  au  sud  tlu 
transept;  en  1290,  le  maître  d'œuvres  Bonino  et  son  aide  Niccolo  con- 
struisirent à  côté  un  plus  grand  clocher  isolé  ;  en  138.",  on  travaillait  à  la 
façade.  Le  travertin  a  été  employé  pour  l'encadrement  des  portails,  quel- 
ques bas-reliefs  de  la  façade,  les  chapiteaux  et  bases  des  piliers,  les  me- 
neaux et  remplages  des  fenêtres;  tout  le  reste  est  en  brique. 

L'église  de  Bologne  a  eu  plus  d'iniluence  que  celle  d'Assise;  le  plan 
du  chœur,  avec  son  déambulatoire  à  chapelles  carrées,  a  inspiré  au 
xiv""  siècle,  à  Bologne  même,  l'église  des  Servi,  et  à  Padoue  la  célèbre  église 
de  Saint-Antoine,  qui  imite  en  même  temps  Saint-Marc  de  \  enise  et  com- 
bine avec  l'emploi  des  voûtes  d'ogives  sur  le  clueur  et  les  collatéraux  le. 
système  byzantin  de  trois  coupoles  sur  tambours  couvrant  la  nef  centrale 
Chaque  travée  de  nef  de  Saint-François  de  Bologne,  couverte  de  voûtes 
sexpartites,  répond  à  deux  travées  des  collatéraux;  le  transept  simple  ne 
dépassait  pas  originairement  les  bas  côtés;  le  déambulatoire  est  moins 
éh'vé  que  les  bas  côtés  et  a  neuf  chapelles  carrées.  Les  triangles  qu'elles 
laissent  entre  elles  ne  sont  pas  remplis  de  maçonnerie  comme  dans  beau- 
coup d'églises,  mais  entre  les  angles  sont  bandés  des  arcs  très  plais 
formant  étrésillons  et  ne  portant  pas  la  loiture,  car  chaque  chapelle  a  son 
toit  à  pignon.  Comme  en  témoignent  les  vides  intermédiaires  des  cha- 
pelles, les  culées  des  arcs-boutants  sont  peu  épaisses  et  portent  en  partie 
sur  les  piles  du  déambidatoire.  Dans  la  nef,  les  arcs-boutants  alternent 
avec  de  lourds  é}M'i-ons  dr  Mia(;(uinrric  plrinr  qui  épaidrid  les  refondiéi'S 
pi'iiicipalrs.  tandis  que  1  arc-houlani  cni  rcspond  M'ulcment  à  l'arc  do 
i-rlriMl  des  \()ùlcs  >c\[Kiililcs  :  ai-cs-li(iulants  cl  ('•perons  sendileiil  ajoulés, 


1)4  lllSIcmil':   l)H  LAUT 

cl  ce  lui  s.iiis  (Idulr  (jr  li'M  à  1-J"i(i,  dans  la  l'crarun  i\\u  suivi!  Ircroiilc- 
mrill   |i;irlirl. 

'Ions  les  arcs  et  loulrs  les  liaies  sonl  en  licrs-poinl  ;  les  lenèlres 
hautes  du  clneur  sont  surmontées  d'(i'ils-de-h(i'uf  comme  à  Saint-Bertrand 
de  r,(.uiini;es.  Les  supports  de  la  nef  sont  lous  d'égale  force,  malgré 
l'emploi  (les  voûtes  sexpartites  el  l'alternance  des  arcs-boutanls  et  des 
éperons.  Ce  sont  des  piliers  octogones  surmontés  de  chapiteaux  à  cor- 
heille  lisse  ou  feuillue;  au  nord-ouest  on  a  essayé  une  alternance  pure- 
ment décorative  en  décomposant  deux  de  ces  piliers  en  faisceau  de  huit 
j)ilastres.  Les  voûtes  de  la  nef  retombent  sur  des  pilastres  à  angles 
coupés  engagés,  assis  sur  le  tailloir  des  piliers;  le  transept  cl  le  déandm- 
latoirc  onl  des  faisceaux  de  colonnettes.  Les  l'cnètrcs  îles  chapelles  du 
chd'ur  avaient  des  meneaux  à  colonnettes  et  à  trèfles  du  meilleur  style 
français;  celles  de  la  nef  sont  closes  de  lames  de  travertin  criblées  de 
trous  où  s'enchâssent  des  lentilles  de  verre.  Le  clocher  porte  une  flèche 
et  des  clochetons  de  luiipie  (•()ni(iu('s.  La  façade,  comiiosition  absurde 
sans  nul  rapport  avec  l'édilice.  a  fait  école  à  \'iccnce  et  à  IMaisance. 
C'est  un  pignon  unique  et  trop  grand,  percé  de  trois  (l•il^-(le-b<l'u^  donl 
deux  s'ou\  rent  dans  le  vide  au-dessus  des  bas  ci"it(''S. 

L'église  Sainl-b'raiiçois  de  \'iterlie  procède  de  celle  d'Assise  et  des 
éditices  cisterciens.  Les  travaux  ont  été  commencés  après  L237  ;  l'édilice 
est  bien  bâti,  assez  bien  proportionné,  et  sa  pauvreté  voulue  n'est  pas  sans 
élégance.  L'église  dominicaine  de  Sainte-Marie-Nouvelle  à  Florence,  bâtie 
en  pierre,  de  1277)  à  1")}!),  est  une  des  meilleures  constructions  d'Italie; 
avec  sa  nef  peu  éhnée  au-dessus  de  bas  côtés  étroits,  elle  rappelle  cer- 
taines églises  du  cenire  et  du  midi  de  la  b'rance.  Elle  n'a  pas  d'arcs- 
lioutants,  luais  des  (■perons  portés  sur  les  doul)leaux  des  collatéraux 
suffisent  à  épauler  la  voûte  de  la  nef  et.  dans  les  lunettes  de  celle-ci,  on  a 
pu  encore  percer  des  (eils-de-b(euf  comme  dans  diverses  églises  françaises 
(Vaugirard,  Arcueil,  etc.).  Le  sanctuaire  carré  s'encadre  de  clia]ielles 
carrées,  celle  du  nord  surmontée  d'une  petite  tour  que  couronnent  une 
flèche  à  quatre  ]ians  el  (piafre  l'ionlons  rappelant  Saint-Germain  d'Auxerre 
ou  les  clochers  germaniques.  La  corniche  à  arcalures  est  germanique  ou 
lombarde;  les  voùles  sont  bombées,  les  doubleaux  épais  et  sans  mou- 
lures. Les  (piatre  colonnes  engagées  dans  les  piliers  cruciformes  et  les 
colonnettes  piofilées  dans  leurs  angles  ont  des  chapiteaux  à  deux  rangs 
de  feuillages  un  peu  mous,  rappelant  ceux  du  midi  de  la  France. 

Les  monuments  élevés  dans  le  Sud.  sous  Charles  T'  et  ses  successeurs 
immédiats,  sont  généralement  médiocres.  Le  plus  ancien  fut  une  abbaye 
cistercienne  dédiée  à  la  Victoire  sur  le  champ  de  bataille  de  Scurcola 
Marsicana,  au  Itord  du  lac  b'ucin.  Ses  fondations  permettent  de  constater 


i.ARciiiTi'.cTrni':  (ioTiiHiri',  i»r  xm   sikci.h 


(liii'  l'riilise  et  les  autres  hàliments  atlVchiieiil   la  inèiiie    dispusilion  (|iii' 
(lasanuiri  et  Fossanova. 

La  })lus  belle  église  conslruile  sous  Charles  I'"'  est  Saiiil-Laurenl  de 
Naples.  La  nef  a  été  travestie  au  xviu''  siècle:  le  clueur,  siiiipleinrnl  l|■;nl^- 
l'ornié  en  magasin,  a  moins  souffert;  c'est  un  monumeni  rare  cl  reniar- 
qualile,  car  il  offre  le  type  d'une  grande  abside  française  à  déaudjulaloire 
avec  ses  chapelles  rayonnantes  ; 
les  voûtes  d'ogives  retombent  sur 
d'élégantes  colonnettes.  A  Naples, 
la  cathédrale  Saint-Janvier  et 
Saint- Dominique-Majeur  ;  à  Lu- 
cera,  la  cathédrale;  à  .Messine, 
Saint-Fi'nnçois,  sont  des  églises  à 
nef  cl  bas  (•(^(('•s  sans  voûte,  avec 
trois  aiisidrs  polygonales  voûtées 
d'ogives;  leuis  piliers  rectangu- 
laires ont  deux  colonnes  engagées 
l'épondanl  à  la  seconde  voussure 
des  arcades,  en  tiers-point  et  Ijien 
moulurées;  les  chapiteaux  oclo- 
gones  feuillus  appartiennent  au 
type  du  midi  de  la  France.  Sainli'- 
(  llaire  de  Naples,  conforme  à  un 
autre  type  provençal,  a  de  cha(pie 
côté  de  sa  large  nef  une  suite  <le 
chapelles. 

l^a  plus  élégante  peul-èli-e  des 
églises  de  Naples  était  la  petite 
église  Saint-Eloi,  fi-ançaise  par  ses 
patrons  les  saints  Floi,  Denis  et 
Martin;  française  par  ses  fonda- 
teurs Jean  d'Aulnn,  Guillaume  de 
Lyon  et  (iuillauiui'  de  Bourgogne, 
et  non  moins  française  d'architec- 
ture, avec  sa  nef  et  ses  bas  côtés  voûtés  d'ogives,  ses  Irois  absides  à  pans 
et  son  élégant  portail  nord  de  la  lin  du  xin'   siècle. 

Le  clocher  de  Lucera.  avec  ('lage  oclogone  élégant  quoi(|u'un  peu 
mesquin,  posé  sans  Iransilion  sur  une  base  carrée  et  couronné  dune 
courte  tlèche  de  maçonnerie,  esl  conforme  aux  modèles  provençaux. 

11  existe  au  xin*"  siècdc  dans  le  sud-est  de  la  Fiance  et  le  nord  de 
litalie  une  école  d'archilcflure,  (pn^  l'on  poiu  rail  nommer  école  des  .\lp(^s, 
mélange  de  gothique  français  cl  ilc  roman  lombard  :   la  cathédrale  d  Lm- 


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HISTOIHK  DK  LAIîT 


hriiii,  Féiilise  de  Seyne,  voiit(!'es  en  berceau,  la  calhrdrali'  de  Gènes,  et 
Saint-Sauveur,  près  Lavagna,  dépourvues  de  voûtes,  ont  par  ailleurs 
les  caractères  du  meilleur  style  gothique  du  milieu  du  xiii'  siècle;  la 
sculpture  et  les  moulures  ne  diffèrent  pas  de  celles  de  l'Ile-de-France, 
mais  sont  exécutées  en  beaux  marbres  blancs  et  noirs,  et  seuls  l'emploi 
alterné  de  ces  mar])rcs  et  les  frises  d'arcatures  raccordées  à  des  plates- 
bandes,  jiersislance  de  deux  tradilions  lombardes,  donnent  un  caractère 

parliculier  à  ces  édi- 
lices.  Les  arcades, 
les  porlails,  et  sou- 
vent les  fenêtres, 
sont  en  tiers-point; 
la  façade  est  généra- 
lement percée  dune 
grande  rose  à  fenes- 
trage  rayonnant, 
aussi  hardiment  épa- 
nouie que  dansTIle- 
de-France. 

Les  trois  |)or- 
lails  de  façade  de  la 
cathédrale  de  Gènes 
sont  un  magnifique 
morceau  d'art  du 
xHi'  siècle;  beaux  de 
proportions  et  de 
détails,  ils  sontpeut- 
ètre  trop  peu  con- 
nus. Dans  leurs  ar- 
chivoltes on  remar- 
que des  zigzags,  ré- 
miniscence romane 
(|ui,  en  Normandie 
ou  en  Angleterre,  serait  conforme  aux  haiiiludes  et  (pii  ne  se  retrouve 
pas  dans  les  édidces  romans  du  pays  ;  mais  les  chapiteaux  à  tailloirs  scul- 
ptés sont  semblables  à  ceux  de  Saint-Pierre  de  Lisieux.  d  <1  aulres  orne- 
ments ra|)pellent  les  portails  de  Mantes. 

D'autres  porlails  sont  moins  ornés,  mais  élégants;  ils  sont,  en  général, 
surmontés  d'un  fronton,  et  souvent  leur  dernière  voussure,  par  une  tradi- 
tion lombarde,  repose  sur  des  colonnettes  détachées  des  piédroits; 
elle  peut  même  former  une  saillie  proéminente  au  point  de  constituer  un 
véritable  porche,  comme  à  Digne,  Embrun,  Ancône,  et  très  souvent  ces 


l.AliCIllTECTUHE  (;OTIligL:E  DU  Xlll'   SlKCl.li  07 

rulunnellrs  conlinuent  de  reposer  sur  des  lions  accroupis.  On  reniai'- 
quera  que,  dans  le  plus  pur  style  gothique  du  xiii"  siècle,  à  la  cathédrale 
de  Chartres,  à  Sainl-Julien-du-Saut  (Yonne),  le  môme  type  de  porche  est 
admis;  il  est  prohahle  qu'il  dérive  de  la  tradition  lombarde  par  l'intermé- 
diaire de  modèles  romans  français  ayant  recueilli  cette  influence,  comme 
le  porche  de  Saint-Gilles. 

Les  colonnes  rondes  trapues  à  chapiteaux  feuillus  de  la  cathédrale 
de  Gènes  ne  ditl'èi'ent  guère  des  piliers  français  du  même  type.  Si  la  scul- 
pture d'ornement  est  digne  de  la  France,  la  statuaire  a  gardé  la  rudesse 
lombarde,  comme  en  témoigne  le  curieux  jubé  du  xm''  siècle  de  l'église  de 
\'ezzolano,  précieux  modèle  de  reconstitution  pour  les  jubés  français  du 
xiu'  siècle,  tels  que  ceux  dont  l'église  du  Bourget  (Savoie),  les  cathédrales 
de  Bourges,  de  Chartres  et  de  Paris  conservent  des  frises  ou  débris  de 
frises.  Le  jubé  de  \'czzolano,  encore  intact,  jH'ésenle  un  mur  plein  percé 
d'une  seule  jiortc  centrale  en  tiers-point,  flanquée  de  deux  autels;  la 
porte  et  les  autels  s'abritent  sous  une  tribune  portée  en  avant  de  la  cloi- 
son sur  des  arcades  en  tiers-point  que  soutiennent  de  jolies  colonnettes 
avec  chapiteaux  à  crochets;  la  frise  sculptée  forme  le  parapet. 

L  école  des  Alpes  possède  des  clochers  carrés,  hardis  et  élégants, 
dont  la  tour  reste  complètement  lombarde,  avec  des  séries  de  petites 
baies  en  plein  cintre  portées  sur  des  colonnettes  à  chapiteaux  barlongs, 
d'ornementation  et  de  galbe  à  peu  près  nuls;  mais  ces  tours  se  couron- 
nent de  flèches  octogones  élancées;  quatre  pyramidions  triangulaires 
chargent  les  angles.  Ces  flèches  rappellent  par  leur  type,  par  leur 
silhouette  élégante  et  par  leur  hardiesse  celles  du  nord  plutôt  que  celles 
du  midi  de  la  P^rance;  elles  s'en  distinguent  seulement  par  plus  de  sim- 
plicité; semblables  en  cela  à  celles  du  Poitou,  jamais  elles  n'ont  ces  bou- 
dins d'angle  qui  donnent  une  si  élégante  fermeté  aux  flèches  fi-ançaises  ; 
jamais  non  plus  leurs  faces  ne  sont  guillochées  d'imbrications  ou  percées 
d'ouvertures  comme  en  France  ;  leur  type  est  toutefois  d'une  origine  fran- 
çaise incontestablr. 

Dans  le  nord  de  1  Italie,  lieaucoup  d'églises  de  brique  uni  un  style 
gothique  qui  mêle  à  l'imitation  du  midi  de  la  France  les  traditions  lom- 
bardes et  quelques  influences  germaniques.  On  y  trouve  des  nefs  uniques 
ou  triples,  bordées  de  chapelles,  une  persistance  du  chapiteau  cubique, 
deux  travées  de  bas  côtés  pour  une  de  nef.  Parmi  les  types  les  plus  par- 
faits de  ce  genre  d'églises,  il  faut  citer  celle  des  Carmes  de  Plaisance,  el 
I  abhaliale  cistercienne  de  Chiaravallc  di  Castagnuhi. 

La  ^V"nélie  et  l'Emilie  possèdent  une  école  gothique  qui  n'est  pas 
sans  inlércL  ])i(n  que  trop  souvent  ses  églises  soient  encombrées  de  gros 
eniraits  de  bois  étrésillonnant  les  arcades  et  les  doubleaux.  Ces  églises 
du    xiii"   et    du   XI v"   siècle   sont    très    simples;    leurs  supports  sont  des 

T.   II.   —    l"> 


iiisToiiii-;  i)K  i.AJrr 


coldlllics  (Ir  |iiriTr  :i\rc  cli.ilii  I  ciinx  à  cinclirls  il  llli  ;iii  \fr>  jKUnrc;  cclli'S 
de  l;i  nrlsoiil  liuU'cs  |i;ir  ilo  murs  Iransverstuix  portés  sur  l(;s  doul)leaux 
dos  l)iis  ciMi's.  |ilul(")l  (|ur  |i;ir  di's  arcs-houlanls;  les  ahsitlcs  à  jiaus  ont  de 
loniiiics  rru(''li-('s  cl  |M(ssrili'iil  larruiriil  uu  (li''aiuliuhitnin'.  La  |iirrr('  s(; 
UkMi'  (lisci-ririiicnl  à  la  li|-i(|nr  |m)ui'  Inniiiir  des  sM|i|i()iis,  (|urli|Mcs  cuca- 
drcuiciils,  (les  parlirs  scul|ili''i's  cl  des  cITcls  de  cdulcnrs.  (lelle  areliilee- 
lure  sinspireà  la  l'ois  des  modèles  eislcreiens  el  IVaiieiseains.  el  <ei-laiue- 
iiicnt  aussi  de  ([uel(|ue  iiinuenee  française  direele.  Les  piliei-s  eu  Innue  île 
colonnes  roniles,  (|ui  siuil  Trcquents  dans  ees  édiliees.  ne  jieuNcid .  eu  elTel, 
être  imités  des  (_eu\  res  eistcrcienues  ou  franciscaines  du  \ oisinai^i'.  Le 
plan  des  églises  SainIs-Jcan-el-Paul  et  Saint-François  (/•'ivnv')  de  \'cnise  et 
Sainte-Auastasie  de  A'érone  com|u-end  une  aliside 
I)olygonale  simple  el  des  eliapelles  de  ui("'me 
plan  au  transept. 

Sainls-Jean-et-I*aul  <'st  uu  gi-and  r'diliec  de 
propoi'lions  Inip  ('■lauec-es  el  de  e((ii>h-uel  ion  peu 
solide;  les  hautes  colonni's  soid  à  peu  prè>  la 
seule  partie  de  pierre;  les  \oùt("s  u  (ud  jias 
trarcs-houtanls,  el  LelTel  inlTuieur  est  alourdi  el 
ii'àté  par  des  poutres  loiniaul  (■Irésillons.  Par  uu 
euiieux  archaïsme,  le  carré  du  transept  porte; 
uiu'  eoujiole  sur  pendentifs,  ])rocédant  de  celles 
de  Saint-Mare. 

A  Ferrare.  la  cathédrale  du  xiii'  siècle,  avec 

ses   trois   nefs   et    ses   galeries   extéi'ieurcs.    est 

d  inspiration  germaniipu'.  Ln  bas-relief  du  .Tuge- 

uu'ut  Dernier,  insjiiré  des  portails  français,  a  i-[r   sculpté  au   IVoidiui  de 

la  tribune  du  porche  londiard. 

A  Houu',  rarchiteeture  gotliiipie  ii'esl  pas  plus  i-ai-e,  elle  esl  seule- 
ment [dus  uK'dioei'e  ipie  pai-|nul  ailleui-s.  LV'glise  Saiul-Jeau-de-Latran 
a\ail  rei;u  an  xm'  >iè(de  une  abside  1res  eurieuse  qu'on  a  remplacée  i)ar 
une  (eii\re  d'iuie  |dale  baualil(''  el  d'une  exli-i'uiie  laideur,  dette  abside 
de  brique  à  pans  eiuqii's  a\ait,  comme  Notre-Dame  de  Paris,  uu  d(''ani- 
bulatoire  di\is('>  en  deux  jiar  un  rang  de  colonnes,  et  dépour\u  de  eha- 
j)elles  rayonnantes;  des  arcs  de  décharge  eu  plein  eintie  existaient  à 
l'abside  enlr(>  des  coidi-eforls  en  forme  de  fùls  de  colonnes,  [.,'église  des 
F'ranciscains,  l'.l/vf  ('.(rii,  dont  les  murs  lab'u-aux  sulisistent ,  se  compose 
dun  vaisseau  unique  el  sans  \oùle,  eu  bric[ue,  du  style  le  plus  misérable. 
L'église  dominicaine  de  la  Minerxe  semble  inspirée  à  la  fois  de  Casamari 
cl  de  Saint-Fi'ançois  d'.Xssise. 

Dans  les  Abbruzes,  l'arehileelnre  iiiip(irl(''e  pa|-  les  ( '.islereiens  a 
exci'cé  sou  iiillueiicc  sur  un  eeilain    nondire  de  [icliles  (''glises  :    Sulmmie, 


Fie.  (i'.i.— Coupe  de  Sainte-.Vnasl 
de  Vérone. 
. Daprès  Dehio  cl  De/nl'l.l 


i.Ai!(;iiiTi:(:Tri!i:  i.nTiiiorr:  nr  xiii   sikc.i.k 


'l';iliiiac()Z/.().  (  Irliimi,  Tra>Mcr(i.  l'alniio.  (  »rl<ina .  (  iorullo.  clc:  l'ahsidc 
(11'  la  riii-icu>c  i''L;lisr  Saiiilr-Marie-de.s-Gi"àci's.  |iir--  lîosriolo,  a\cc  ses 
jolio  arcaluics  cxlri-irtircr-  du  nirme  style  iiiu-  la  partie  golliiqiie  du 
r-loftre   de    p^ossanova,    et    le    iransepl,    analogue    à    celui    de     Sainle- 

.Marie-(lu-I-"Ieuve,  à  Ccccano,  téuioi- 
1  •  ,  gnenl    lrè>   i-videmment   de   cette    in- 

llueni'e. 

l/arcliileclure  civile,  comme  l'ar- 
cliilectui'e  religieuse,  s'est  surtoui 
développée  dans  les  zones  diniluencr 
des  églises  et  des  abbayes,  qui  oui  él('' 
les  premiers  modèles  du  style  gotbi- 
(|Ue.  et  dont  elle  sesl  souxcnl  au--si 
inspirée. 

Le  jialais  de    lerracine,  relii'  à  la 


— 'Jja«j-i-J_'-L'  jJ_!. 


Fie.  70. —  r';il.ii~  ili.'  la  Soisiieuric  i.\n"-.\iv' sii-clo 


callii''diale  parmi  passage  jeli'-  >iir  une  \-onle  au-dessus  (Tune  rue.  dale 
i\[\  xili'  siècle  ri  coiiservi'  de  liè>  belles  l'eiiètres  à  arcs  tj'éOés,  groupés 
>i)Us  des  arcs  de  di'cliarge.  Le  jialais  de  l'iperno  comprend  un  rcz-de 
cbaussée.  a\ec  jiorl  iipies  à  \  nùle>  d  aiiMcs.  aies  en  I  iiM'S-poinl  et  piliers 
criU'ii'oruies.  el  ileu\  ('lage^  à  reiKMres  eu  liers-poiiil  groii|)ées  par  deux 
ou   Irciis  a\  ec  cobinnelles  inleiim'Mliaires.   .\n-dessus  de  la  iiorlc   dentrée 


100  IllSTOllîE  m-    I.Al'.T 

s'ouvre  un  œil-d(>-l)œurocl{)i;'on(',  à  cnciulremenl  I'csIoiuk'',  assez  original. 

A  Fcrenlino  et  à  Anagni,  de  jolies  maisons  du  xiii''  siècle  ont,  au  pre- 
mier étage,  une  loge  de  deux  travées,  largement  ouverte  par  deux  grandes 
arcades  retombant,  à  Fei-enlino  sur  un  pilier  carré,  à  Anagni  sur  une 
colonne  couronnée  d'un  cliapiieau  à  crochets;  l'une  des  travées  abrite  un 
palier;  l'autre,  un  escalier  droit  qui  y  accède.  Le  para})eL  du  palier,  à 
Ferentino,  était  porte  en  avant  sur  des  corbeaux  de  type  bourguignon. 
Plusieurs  maisons  de  Vilerbc  et  d'Orvieto  présentent  une  disposition  ana- 
logue et,  dans  celles  de  Vilerbc  surtout,  les  profils  apparlienniMil  au  meil- 
leur style  gothique  du  xni"  siècle. 

Le  clu\teau  de  Prato,  du  xui"  siècle,  a  un  jiortail  français  —  à  part 
les  lions,  et  des  consoles  bourguignonnes  semblables  à  celles  de  l'église 
d'Ecrouves,  près  Tout. 

A  Sienne,  le  palais  Tolomei  date  du  xui''  siècle;  bâti  en  pierre  et  non 
en  brique  comme  les  autres  constructions  civiles  de  Sienne,  il  emprunte 
à  cet  appareil  un  aspect  plus  monumental;  comme  la  cathédrale,  il  a 
subi  l'inlluence  de  la  Bourgogne  :  ses  fenêtres  en  tiers-point  sont  garnies 
de  colonnettes  portant  deux  petites  arcades  à  redents  et  un  quatrefeuille 
dans  un  cercle;  la  retombée  centrale  s'orne,  comme  dans  les  iriforiums  de 
Bourgogne,  d'un  congé  sculpté  en  haut  relief,  buste  ou  volute  de  feuillage. 

Le  palais  municipal  de  Sienne  est  d'une  architecture  plus  simple  et 
uniforme;  il  fut  bâti  en  brique  de   1289  à   1,109. 

Un  palais  de  Barletta,  du  xiii'  ou  xiv'  siècle,  reproduit  dans  sa  façade 
l'ordonnance  intérieure  des  églises  cisterciennes. 

Les  travaux  publics,  routes,  ^Jonts,  canaux  d'irrigation,  aqueducs, 
fontaines,  ports  et  phares,  ont  été  l'objet  d'une  grande  sollicitude  en  Ita- 
lie, car  les  intérêts  du  commerce  et  de  l'industrie  étaient  parfaitement 
entendus  des  peuples  et  des  gouvernements.  On  peut  citer  de  très  Ijeaux 
ponts,  comme  celui  de  ^'l'•r(>n(■.  La  Iradilion  ou  l'iniilalion  des  a(pi('ducs  à 
arcades  des  liomains  se  constate,  comme  en  1^'rance,  aux  xin'  el 
xiv''  siècles;  au  d(''but  du  xm' ,  l'abbaye  de  (lasamari  a  un  acpieduc  de 
pierre  à  arcades  en  plein  cintre,  portées  sur  de  larges  et  lourds  piliers; 
un  aqueduc  plus  élégant,  porté  sur  des  arcs  en  tiers-point  et  sur  des  piles 
carrées  couronnées  d'impostes,  traverse  la  ville  de  Sulmone  jusqu'à  la 
grande  place  dont  il  alimente  la  fontaine,  et  porte  en  majuscule  gothique 
la  date  de  \2hi'>  et  des  vers  à  l'honneur  du  maître  de  l'œuvre,  Durand. 

A  l'extérieur  de  la  ville  de  Salei-ne,  s'élèvent  d'importants  aqueducs 
à  arcades  en  tiers-point,  bàlis  en  menues  pieri-es  et  paraissant  dater 
du  xiv''  siècle.  Leurs  piles  sont  minces  et  élevées;  ils  ont  deux  étages 
d'arcades  brisées  et  des  arcs  surbaissés  avec  évidements  au-dessus  des 
retombées. 


LARCrilTECTURI-:  GOTIIIOUE  I)i:  XI 


siKci.i-: 


101 


Do  IpcIIcs  l'onliiiiics  i;ollii(iLi('s  s  (''Irveiil  oncoi'e  d;nis  (|U('l<|vios  villes 
d'Ilalii' :  oa  cii  trouve,  coinine  en  France,  de  Iruis  I.Npes  :  Ijossin  adossé 
cL  décom  (M't  ;  Itassin  couvert  d'une  voùle  portée  sur  un  mur  de  fond,  des 
arcades  et  des  piliers  (ccst  le  type  des  imposantes  l'onlaines  d(^  Sienne, 
Fonte  Branda  et  Fonte  Nitova,  toutes  deux  en  brique,  et  de  celle  de  San 
Gemignano);  enfin,  bassin  circulaire  ou  polygonal  isolé,  avec  pyramide  au 
centre,  et  parfois  bassin  supérieur.  L'Italie  en  possède  plusieurs  tiès 
beaux  exemples  :  à  Viterbe,  la  fontaine  des  Gatteschi,  dite  Sans-Pareille, 
sur  le  Marcbé  aux  berbes,  est   sia^née  du  maître   d'œuvres   lleiieilictiis  et 


l'ii;.  71 .  —  rniil.-iiiii'  su 


datée  de  l'27'.l.  Du  bassin  ci-ucifoi-nie,  ('■jevi''  sur  cirui  degrés,  émerge  une 
colonne  soutenant  une  \asque  à  ([ualre  lobes,  surnutidée  elle-même  d'ime 
colonnette  portant  une  dernière  vasque  de  même  jilan.  Dans  celle-ci  se 
dresse  un  clocbcton  <l'oii  jaillit  une  gerbe  d'eau;  des  gargouilles  sont 
ménagées  au  bord  des  vasques,  et  du  soeb'  du  pilier  central  sortent  des 
gargouilles  qui  se  déversent  dans  les  quatre  bassins  inférieurs.  A  Pérouse, 
la  fontaine  de  la  Place  du  Municipe  date  du  xiii- siècle.  Le  maître  de  l'œuvre 
fut  un  moine,  Benvegnate  de  Pérouse;  les  sculpteurs,  Jean  et  Nicolas 
do  Pisc;  l'ingénieur  vénitien  Buoninsegna  exécuta  la  canalisation.  Une 
inscription  métrique  célèbre  leurs  mérites.  La  funlaine  se  conqjoso  de 
deux  bassins  superposés  :  un(^  cuve  à  fond  plat  à  douze  côtés  est  portée 
sur  des  colonnettes  au-dessus  d'une  autre  cuve  à  vingt-cin(j  pans.  Cbacune 


102  lllSIOIIIi:    1)1.    I.AliT 

(le  CCS  faces  l'orme  un  |Kiiin(Mii  sciil|il('',  cl  au-dessus  de  la  seconde  \as(|ue 
un  bassin  circula i ic  (■■lc\('  sur  inie  pile  porle  un  groupe  de  trois  cariatides 
de  bronze  qui.  Iui-!iii"ine.  soutieni  une  dernière  vasque  denii-sphérique 
d'où  jaillit  un  je!  d'eau.  L'eau  i-et(in)lie  d'un  bassin  dans  Tauti-e;  la  cuve 
do(l(''catione  se  \  ide  dans  le  bassin  iid'i'M-ieui'  jiar  (les  gargouilles  nicnagées 
au  bas  de  ses  angles,  orn(''s  de  slaluelles. 


VII 
SUISSE 

La  Suisse,  qui  parle  trois  langues,  subit  de  même  l'influence  de  trois 
écoles  d'architecture  :  la  Suisse  française  est  du  domaine  de  l'école  de 
Bourgogne,  la  Suisse  allemande  a|)parlienl  à  l'école  germanique,  et  la 
partie  du  pays  qui  confine  à  l'Italie  a  pratiqué  l'art  lombard.  Les  premiers 
édifici's  de  transition  peu\enl  avoir  rlr,  comme  ailleurs,  des  œuvres  de 
l'ordre  de  Cîleaux;  le  portail  cistercien  de  Bonmont,  jirès  Genève,  appar- 
tient à  ce  style,  mais  les  abbayes  cisterciennes  de  Suisse  ne  renferment, 
en  généi'al,  que  des  bâtiments  romans  ou  de  style  gothique  avancé. 

La  reconstruction  de  la  cathédrale  de  Bàle  a  élé  commencée  en  llS't; 
sa  consécration  a  eu  lieu  en  1505.  Dans  la  nef  et  le  déambulatoire,  de 
style  gothique  primitif  germanique,  l'inlluence  lombarde  apparaît  dans 
les  arcades  en  tiers-point  à  claveaux  alternés  de  deux  couleurs  et  non 
extradossées.  Les  piliers  ont  des  colonnes  engagées  simples,  pour  la 
seconde  voussure,  et  triples  pour  répondre  aux  arcs  des  voûtes;  toutes 
ont  de  gros  chapiteaux  cubiques  lisses  ou  lourdement  sculptés.  Un  puis- 
sant cordon  sculpté  règne  sous  l'appui  des  grandes  baies  romanes  des 
triluuies,  refendues  en  trois  petites  arcades  à   courtes  colonneltes. 

La  cathédrale  de  Coire  a  été  consacrée  en  11 78.  De  cette  époque 
datent  le  sanctuaire  et  le  clneur.  La  nef  de  trois  travées  carrées,  cl  ses 
bas  côtés  éti'oits  comprenant  aulant  de  travées  barlongues,  ont  élé  lente- 
ment élevées,  comme  le  prouvent  les  dates  des  consécrations  d'autels  en 
12i0,  l'2M),  vers  l'iS'J,  L"05,  15L_*.  L'architecture  est  pesante,  les  voûtes 
bombées  sont  portées  sur  d'épais  doubleaux  brisés  et  sur  des  ogives 
sans  moulures  auxquelles  correspondent  mal  les  chapiteaux  des  lourds 
faisceaux  de  colonnes  et  de  j)ilastres.  Dans  ces  chapiteaux,  des  frondai- 
sons encore  romanes  se  mêlent  à  des  ligures  et  à  des  animaux  il'une  exé- 
cution grossière.  On  y  voit  des  aigles  impériales,  des  serpents,  des 
scènes  légendairi's,  de  grandes  feuilles  d'eau  à  lourdes  volutes;  les  tail- 
loirs sont  également  sculptés.   La  nef  s'éclaire  par  des  groupes  de  deux 


I,An<.HITr:(.TL"RE  (iOTIIIOlK  Dr  XllI    SIKC 


105 


l'ciuMirs.  I.e  porloil  cil  plein  ciiilic  ;i  de  iiuillijiles  voussures  à  nioiilures 
golliiques  el  à  liiies  colonnelles  eouronnées  du  classique  ciiapilcau  à 
crocliels  (lu  xui'  siècle.  La  porte  du  parvis  appartenait  au  style  de  tran- 
sition ;  il  en  reste  les  montants,  ornés  des  statues  des  saints  Pierre  et 
Paul,  ligures  étirées  en  longueur  eouime  dans  les  portails  l'raïu'iiis  du 
xu'  siècle;  an-ilessus,  des  impostes  à  tètes  de  lions  alli'>lciil  rinlluencc 
germanique. 

A  Sion  en  \alais,  Féglise  de  N'alère  ronlienl  une  partie  de  uHune 
style  el  île  la  miunc  date:  une  plus  grande  partie  du  nui'  siècle  cl  d"un 
l)on  style  IVançais,  cjui  rappelle 
les  édifices  bourguignons.  Une 
particularité  rare  et  intéressante 
est  11'  juhé  du  xui'  siècle,  com- 
l)Osé  dun  mur  plein  percé  d'une 
simple  petite  porte  centrale  en 
tier.s-point.  dette  porte  est  cou- 
ronnée d'une  arcature  tréfléc  et 
dun  l'ronton;  à  droite  et  à 
gauche,  la  cb'iture  est  ornée 
d'arcalurcs  surmontées  d'une 
frise  lisse,  qui  devait  être  oruc'c 
de  peintures,  comme  étaient  or- 
nées de  sculptures  les  frises  des 
jubés  de  Paris,  Bourges,  le 
Bourget,  ^'czzolano,  contempo- 
rains de  celui-ci. 

La  cathédrale  de  Genève 
appartient  ]dus  ncilemcni  (Uiciu'c 
à   l'art    bourguignon,    a\ec    une  i  i..,  :j  —  (.,iiih',|i,i1,>  ,ir  i..iii>.iiiim'. 

légère     influence     germanique. 

(Juelques  portions  inférieures  dalcnl  de  la  seconde  moitié  du  \n'  >iècle, 
et  elle  n'a  été  achevée  qu'au  xv''.  b^lle  pri'sente  une  grande  |iarenlè  avec 
les  églises  de  la  \all(''e  du  i'Iièuu'.  spécialiunent  la  cathédrale  de  L\<>n  el 
l'église  de  Romans. 

La  calliiMli-iile  de  Lausanne,  incendiiT  Ir  |N  juillel  \-17t'>.  rebâtie  aloi-s 
et  consaer(''e  le  |,S  orlobre  127-"i.  complèlenieiil  reslauri'e  di>  iHis  jours  |iar 
\'iollel-le-l)ue,  esl  IV'dilice  golhiipu'  le  plus  parfait  de  Suisse  :  elle  ;qip;ii- 
tient  au  plus  pur  style  bourguignon.  Llle  a,  comme  la  cathéilrale  de  Sens, 
un  déambulatoire  à  cha})elle  unique;  la  tour-lanterne  rappelh^  celles  de 
Notre-Dame  de  Dijon  et  de  Xotre-Daine  de  C.luny;  comiue  à  (ienè\e.  à 
Lyon  et  en  Bourgogne,  on  voil  dans  le  elueur  des  pilastres  earnielés.  Dans 
le    ^■aisseau  central,  un  liiloriuui  à  ai-calures  simples  sur  colonuetlcs  élé- 


iiisr(»ii;i':  i»i': 


AItT 


ganlcs,  csl  suriiioiilr  d'iinr  seconde  galerie  qui  Iraverse  les  enii)i'asures 
des  fcnèLres  cl  les  las  de  charge  des  voùles,  et  dont  les  baies  sont  dis- 
posées par  groupes  de  trois.  La  tour-lanterne  a  également  un  triforium. 
Aux  voùles  sexpartites  de  la  nef  répond  une  alternance  de  supports;  les 
uns  sont  des  piliers  dont  l'épaisseur  se  dissimule  sous  la  forme  agréable 
d'un  faisceau  de  colonnes  de  divers  modules;  les  autres  sont  de  deux 
types  originaux  el  élégants  :  à  l'esl,  une  grosse  colonne,  comme  celles  du 
déambulatoire,  est  accostée  d'une  colonnettc  isolée,  qui  traverse  son 
tailloir  pour  nllei-  chercher  la  retombée   du  doubleau  central  de  la  voùie; 

à  l'ouest,  se  groupent  une  colonne 
moyenne  et  deux  grosses  colonnes, 
toutes  trois  indépendantes  entre  elles, 
disposition  qui  a  son  analogue  à  Am- 
bronnay  (Ain).  La  grosse  tour  occiden- 
tale carrée  surmonte  un  porche  inté- 
rieurement de  plan  ovale,  car  il  forme 
deux  absides  au  nord  et  au  sud.  Elles 
ont  des  culs-de-four  nervés  de  bran- 
ches d'ogives,  cjui  retombent  sur  des 
colonnettes  coupées  par  des  dais  abri- 
tant des  statues.  Cette  architecture 
rappelle  celle  du  sud-ouest  de  la  France. 
Sur  la  façade  sud,  on  admire  la  grande 
rose  du  transept,  d'un  tracé  très  origi- 
nal, lelle  que,  vers  le  milieu  du  xiif  siè- 
cle, \'illard  de  Honnecourt  la  dessina 
dans  son  célèbre  Album.  On  admire 
aussi  le  porche  carré,  baldaquin  dont 
les  trois  arches  en  tiers-point  et  les 
voûtes  relonibenl  sur  d'élégantes  colonnettes,  el  dont  les  contreforts 
d'angles  ont  la  forme  de  faisceaux  d'une  colonne  cl  quatre  colonnettes 
soutenant  des  piiuieles. 

La  Suisse  a  peu  d'autres  églises  du  xiu- siècle,  et  elles  ont  peu  d'impor- 
tance et  d'intérêt,  comme  l'élégante  petite  église  Saint-François  de  Lau- 
sanne, el  la  1res  modeste  église  de  Saligny  près  Genève.  On  peut  attri- 
buer à  cette  épocpie  quelques  llèches  de  pierre  octogones  comme  celles  de 
Montreux  et  de  Saint-Maurice-en-Valais.  L'archilecture  monastique  du 
même  temps  a  laissé  f[uelques  vestiges  intéressants.  I^e  cloître  de  ÎVeuf- 
chàlel  présente  une  suite  élégante  de  baies  en  tiers-point,  refendues  en 
trois  peliles  arcades,  qui  soutiennent  un  tympan  percé  d'un  œil-de-bœuf. 
(_)n  peut  citer  comme  un  joli  modèle  de  pur  style  bourguignon  du 
xiii''  siècle  le  pelil  monaslèrc  de  la  ^laigrangi'.  bAli  par  les  religieuses  de 


—  Salle  bnsso  i]\}  c-lii'ileau 

,1c     ChilldlL 


L'AHCHlTECTriŒ  GOTllIOUE  DU  XIII    SIÈCLE  10,', 

Cilcaux,  sous  les  murs  de  Fribourg.  Les  pignons  de  la  chapelle  sont  percés 
de  roses  à  redents  lobés  très  caractéristiques. 

L'ai'cliilcclun^  inililaire  csl  représentée  sur  le  lac  de  Genp\e,  à 
Chillon,  par  le  remarquable  château  bien  connu  île  tous  les  visiteurs  de 
celte  l)clle  contrée.  C'est  en  l'224  que  le  comte  de  Savoie.  Thomas  I", 
écri\ait  à  son  châtelain  Oudry  de  l'aire  construire  cet  édifice  et  d'y 
apporter  tousses  soins;  de  l'iài  à  l'.Mii-,  le  comte  Pierre  II  y  exécuta  des 
travaux  considérables,  qu'Amédée  \  lit  achever  vers  1500.  Le  château 
occupe  un  îlot  voisin  de  la  rive  du  lac,  et  dont  il  épouse  la  forme  allongée 
irrégulière;  ses  bâtiments  s'étendent  autour  de  cinq  cours;  les  apparte- 
ments regardent  le  côté  du  lac,  moins  exposé;  trois  tours  circulaires 
et,  au  sud,  un  grand  donjon  carré  flanquent  la  forteresse.  L'intérieur  a 
conservé  une  grande  partie  de  ses  dispositions  anciennes  :  le  sous-sol 
divisé  en  deux  nefs  par  des  colonnes  à  cliapiteaux  octogones  sans  scul- 
pture, a  des  voûtes  d'ogives  élégantes,  et  l'une  de  ses  parois  est  formée 
par  le  rocher;  au-dessus,  subsistent  des  salles  aux  plafonds  caissonnés 
soutenus  par  des  poutres  robustes  et  par  de  grosses  colonnes  de  bois  ou 
de  fines  colonnes  de  pierre  ayant  les  chaj)iteaux  à  crochels  du  xiii''  siècle. 

Le  château  de  la  Bâtie,  qui  domine.  Martigny,  possède  un  très  beau 
donjon  cylindrique  élevé  de  L2(iO  à  L2G8,  sans  doute  par  Pierre  II  de 
Savoie.  Le  donjon  d'Estavayer  et  celui  de  llomonl  appartiennent  au 
inème  type;  le  second  date  de  12.~ri. 


ESPAGNE    ET    PORTUGAL 

L'architecture  gothique  est  venue  directement  de  France  en  Espagne 
par  des  voies  diverses  et  rapides  ;  en  effet,  depuis  le  xf  siècle  jusqu'au  xiii'', 
les  rapports  des  deux  pays  furent  multiples,  intimes  cl  fréquents.  Chaque 
génération  de  familles  souveraines  contractait  quchpie  alliance  au  delà 
des  Pyrénées,  qui  ne  furent  jamais  une  barrière.  Les  relations  du  clergé 
n'étaient  pas  moins  nombreuses;  jusqu'au  xu"  siècle,  les  évêques  de 
Gérone,  Barcelone  et  Urgel  relevèrent  des  archevêques  de  Narbonne;  un 
grand  nombre  de  prélats  travaillèrent  à  faire  pénétrer  en  Espagne  l'in- 
lluence  française  :  il  faut  citer  parmi  eux  les  papes  Pascal  II,  ancien  moine 
deCluny,  et  Calixte  II  (Guy  de  Bourgogne),  oncle  d'Alphonse  Henriquez, 
roi  de  Castillc,  Galice  et  Léon.  —  les  abbés  deChiny  saint  Hugues  et  Pierix- 
le  \  énérable.  Si  l'on  parcourt  les  calalogues  des  é\('ipies  de  l'Espauiu'  au 

T.  II.  —  li 


IlISlnlIil-,    m;    l.'AUT 


xii'  sirclc,  (III  rciiiar(|ii('ra  que  prcs(iiic  loiis  les  sièges  rurciil  occupés  |iar 
des  moines  de  (\;iuiiy  ;  les  dons  des  rois  d'Espagne  afnucrenl  alors  à  la  grande 
abbaye,  el  ses  prieurés  se  multiplièrenl  dans  la  péninsule;  ses  moines  y 
i'uiciil  loiil-puissiinls.  Le  royaume  de  l'orlugal,  au  conirnire,  fondé  en 
1!  V.',  au  iiioiiieiil  où  rinlluence  de  saiul  Bernard  supplanLaiL  celle  de 
l'ordre  de  Cluiiy,  lui  le  domaine  des  eislereiens  :  en  Espagne  même,  ils 
devini-enl  1res  puissants  dans  la  secondi'  uioilié  du  mi'  et  au  xiii"  siècle. 
En    Calalogne.  les  grandes  abbayes   cislercieniies  de   l'oi.lel   cl    de 

Sanlas  Creus  furent  fond(''es 
])ar  les  moines  de  Eonlfroiile 
juèsNarbonne,  etinitièreni  la 
conlr(''e  au  style  gothique.  Là 
connue  en  Italie,  les  mailres 
d'(euvres  de  l'ordre  se  niireul 
au  service  des  évéques.  Eu 
i'.'-'iC),  mourut  un  certain  fi'ère 
Bernard,  maître  des  Iravau.x 
de  la  cathédrale  de  Tarra- 
gone  :  il  devait  a\<>ir  eu  un 
prédéci'sseur  venu  de  bout- 
froide,  car  le  cloître  de  la  <a- 
lliédrale  présente  une  frap- 
pante similitude  a\  ce  celui 
de  cette  abbaye. 

Les  églises  cisterciennes 
('•levées  en  Espagne  à  la  fin  du 
xii'  et  au  xui'  siècle  ont  les 
]ilans  haliitu(ds;  Santas  Creus 
(  ll")7'i  a  le  plus  usuel:  sanc- 
tuaire carré  et  quatre  clia- 
pelles  carrées  au  transept. 
Même  })lan  à  l'église  cluniste 
de  Camprodon  ;  à  Las  Huclgas  près  Burgos,  abbaye  de  femmes  de 
Cîteaux,  il  est  modilié  par  le  tracé  polygonal  du  sanctuaire;  enfin,  le  plan 
de  Claii\an\  et  Pontigny,  déambulatoire  avec  ceinture  de  chapelles 
carrées,  se  lioiixc  à  Veruela  (Jl'id-ILM)  en  Catalogne,  et,  en  Portugal,  à 
Alcobaza  (1  l'i8-PJ'J'i). 

En  élévation,  ces  églises  témoignent  d'inspirations  diverses.  Poblet 
et  Santas  (Ireus  ont  le  style  gothique  primitif  du  midi  de  la  France  :  de 
grands  piliers  très  élevés,  formés  de  groupes  de  pilastres  couronnés  d'im- 
postes; là  oii  les  colonnes  apparaissent,  les  chapiteaux  sont  nus,  comme 
à  l'ontfroide.  et  les  (''paisses  croisées  d'ogives  sont  de  profil  cari'é. 


i.AHCiHTKCTir.i':  (kitiiiihi;  m   mm   sii':f;i.F. 


C'est  sons  l;i  l'oi-iiic  liourti'uiiiiioniic  (|uc'  Ir  slylc  ilc  I  i-:ni>il  ion  ;i|i|iai-;ul 
dans  la  calhédralc  (l(^  Lugo,  coiisacrr'c  en  I  177.  V.i\  Lïianilr  partir  rinnaiic, 
cl  analogue  dans  sa  nef  à  la  (•allu''dralc  d'Aiilnii.  i-Wc  a  une  (•i'ois(''e 
d"ogives  au  earré  du  transept.  Ce  pi'oe(''dé  de  \()ùle  paiiil  commode  et 
s'étendit;  r(''glise  e()ll(''i;iale  Sainl-^  ineeiil  d'.Vvila  avait  i''l(''  eommenerc 
dans  rai'idiilrrlure  romane  du  Languedoc;  au  UKunenl  (m'i  (liteaux  prenail 
le  pas  sur  (  '.luny,  elle 
l'ut  coidinnr'c  eu  style 
linui'guiguou.el  .(|uand 
les  a\autages  de  la 
voûte  d'ogives  lurent 
connus,  elle  en  reç;ut 
sur  la  nef;  on  plaça 
des  chapiteaux  en  biais 
siu'  des  pilastres  à  an- 
gle droit,  comme  à 
l'ontigny,  pour  rece- 
voir les  ogives.  Ces 
voûtes  datent  seule- 
ment du  règne  de  saint 
Ferdinand  (l'Jl  7- LiOtii. 

Au  contraire,  l'ar- 
chitecture des  églises 
cisterciennes  d'Alco- 
baza  (Portugal  I  et  Las 
Huelgas  procède  du 
sud-ouest  delà  France  ; 
la  première  a  trois  nefs 
élevées  avec  voûtes 
d'ogives  bombées  et 
doubleaux  l'^pais  mou- 
lui'(''s:  les  piliei's  mas- 
sifs et  hauts  ont  de 
nombi'euses  et  sncIIcs  <'(ilnnnc>  cngag(''es.  Cette  églis(\  du  l_\pc  de  la 
catlii''dralr  de  l'oilicr^-  nu  di'  (landes,  près  Saumur,  a  l'ail  ('■cdie.  comuie  le 
moidre  au  \l\'   >ièele  IV'glise  de  IJallialha. 

La  catlnMlrale  de  Zauu)ra,  moins  le  (dneur  reconsi  mil ,  esl  un  (■•dilice 
de  transition  bAti  dans  le  style  de  r.\(piilaine.  File  eut  suceessi\('meul 
pour  ('vèques  Bernard  de  Périgueux  el  .l(M('iuie  di'  Périgueux;  mais  le 
second,  étant  mort  en  1  Pi(i,  a  |)u  tout  au  plus  couimeiicer  l'église,  cpii  fui 
consacrée  en  Wl't.  (Juoi  (pi'il  en  soit,  le  mailic  de  l'o'uvi'e  jiaraît  bieiiètre 
venu  du  uu'-me  pa\s  (ui  d'une  ri'gion  \nisine.  -.oil  de  l'Anjon,  du  P(''rigord 


108 


iiisrnini';  di-,  laiît 


ou  (In  Languedor,  cl  la  caliirdraic  de  Salamanque,  doal  le  mrnio  Jcrùmc 
l'id  orciicvèque,  appartiont  aussi  à  la  mcMne  architecture,  mais  est  ccrlai- 
nement  postérieure  à  son  temps.  Elle  fut  achevée  avant  fl78.  A  Sepul- 
veda,  l'église  de  la  Vii-gen  de  las  Pcùas,  en  partie  défigurée  au  xviii''  siè- 
cle, appartient  à  la  même  famille  que  la  cathédrale  de  Salamanque;  elle 
a  des  piliers  analogues  et  un  poridie  voûté  d'ogives  épaisses  à  triple  liou- 
din.  A  Toro,  la  collégiale,  commencée  apparemment  vers  IKiO  ou  1170, 
ne  fut  terminée  qu'au  xui"  siècle;  dans  sa  partie  de  Iransilion,  clic  a  la 
plus  grande  analogie  avec  la  cathédrale  de  Zamora,  dont  elle  est  proche; 
l'église  d'Iraclie  en  Navarre  peut  se  rattacher  au  même  groupe.  La  nef  de 
Toro  n'est  couverte  que  d'un  herceau  hrisé,  et  les  has  côtés  de  la  cathé- 
drale de  Zamora  n'ont  qu'une  voilte 
d'arêtes;  la  nef  y  est  voûtée  d'ogives; 
à  Toro,  ce  sont  les  has  côtés;  à  Sala- 
manque, c'est  toute  l'église  qui  sem- 
ble, par  conséquent,  être  moins  an- 
cienne, et  dont  la  décoration  est  assez 
différente:  la  scul|ilurc  y  est  heau- 
coup  plus  riche  cl  plus  Une,  dans  le 
style  de  l'école  romane  de  Toulouse, 
tandis  qu'à  Zamora,  comme  dans  cer- 
tains monuments  du  centre  (\c  la 
France,  les  chapiteaux  ne  son! 
qu'épannelés.  Les  voûtes  d'ogives  d<^ 
ces  diverses  églises  ont  des  doubleaux 
épais,  des  ogives  et  souvent  aussi  des 
liernes  dont  le  profil  est  composé  de 
trois  tores;  celui  du  centre,  anguleux;  enfin,  non  seulement  elles  sont 
bombées,  mais  leur  appareil  est  celui  des  coupoles  ou  s'en  rapproche. 
C'est  le  type  de  voûte  que  l'on  trouve  en  France  au  carré  du  transept  de 
Montagne  (Gironde),  de  Notre-Dame  de  Nantilly  et  de  Saint-Pierre  de 
Saumur;  mais  ici,  le  système  s'élend  à  loulcs  les  tra\ées.  Le  carn''  du 
transept,  dans  les  églises  de  Toi-o,  Zamora  et  Irachc,  csl  surmonii'  d'une 
lanterne  circulaire  cantonnée  de  tourillons;  celle  lanlcrnc  i-cposc  sur  des 
pendentifs  comme  celles  du  Dorât  (llaute-^  ienne)  et  de  Saint-Laumer 
de  Blois,  el  elle  est  voûtée  d'une  coupole  sur  branches  d'ogives,  comme 
il  a  pu  en  exister  eu  Languedoc  ou  en  Poitou;  à  rcxtéricur,  ces  lanternes 
affectent  la  foinie  des  clochers  romans  à  nèclies  coniques  du  sud-ouest 
de  la  France,  tels  que  ceux  de  Montierneuf,  de  Notre-Dame  de  Poitiers, 
et  de  Sainte-Marie  de  Saintes. 

La   salle  ca|iitulaire  de  Salamanque  est    une    pièce   carrée,    voûtée 
de    m<"'nie    d  une    coiqiole    sur    branches    d'ogives;    les    quatre    angles 


'fi.  —  l.:iiilonicdc  rc'nlisedcTon 


i.Aiii.inTKc.Ti'iu-:  Goriiinri'  nu  xiii  sii-icue 


sont    rachetés,   non   plus   ]i;ii'    des    ])endentifs,    mais    par  îles   I  rompes. 

En  Espagne  comme  dans  le  sud-ouest  et  le  centre  de  la  Erance,  il 
nest  ])as  rare  que  labsidc  des  églises  de  transition  ou  de  début  de  la 
période  gothique  ait  une  voûte  à  cul-de-four  sur  branche  d'ogives;  c'est 
]c  cas  des  églises  cisterciennes  de  \'crucla,  Poblet  et  Alcobaza,  et  de  la 
calli('drale  de  Tarragone;  on  peul  comparer  ces  absides  à  celles  de  Sainl- 
Amand-ÎNIontrond  (Cher),  Chirac  (Lozère),  etc.  Le  second  état  du  style 
gothique  du  sud-ouest  de  la  France  se  voit  dans  la  salle  capitulaire  d'Al- 
cobaza  et  dans  le  sanctuaire  cl  les  cliaiielles  du  transept  de  Las  lluclgas. 
Les  voûtes  d'ogives  sont  portées  siu'  des  armatures  ramiiiées  ;  les  arcs 
sont  profilés  en  boudins,  et 
les  angles  sont  couverts  de 
voùtins  en  forme  de  trompes. 
11  est  à  remarquerque  la  reine 
Aliénor,  fondatrice  de  Las 
Huelgas,  était  fille  de  Henii  1! 
Plantagenet. 

L'église  ronde  du  T(^mple 
de  Ségovie  est  aussi  un  édi- 
fice de  transition.  L'église  des 
'l'empliers  de  Villalcazar  de 
Sirga,  près  Palencia,  est  un 
intéressant  édifice  gothique 
primitif,  élevé  au  xiii''  siècle 
et  terminé  seulement  vers 
t'27i.  Le  plan  comprend  un 
chevet  droit  avec  collatéraux 
voûtés  terminés  au  même 
point,  comme  dans  certaines  églises  champenoises  (Puiseaux,  Cham- 
peaux),  bourguignonnes  (Vcrmanton),  ou  du  centre  de  la  France  (Saint- 
Junien,  la  Souterraine);  comme  ces  dernières  et  comme  la  calhédrah;  de 
Poitiers,  dont  le  plan  est  analogue,  ce  monument  a  trois  nefs;  les  dou- 
bleaux  sont  épais  et,  comme  les  grandes  arcades,  ils  retombent  sur  des 
colonnes  adossées  jumelles  qui,  avec  les  colonneltes  des  ogives,  entourent 
il'  pilier  d'un  faisceau  compli'l  dr  cnloinirs. 

Le  déambulatoire  de  la  caliH'diali'  (i'A\ila  e>l  un  monument  de 
transition  très  curieux.  Comme  dans  ccrlaiiies  églises  londtariles  et  ger- 
maniques, telles  que  l'église  cistercienne  rhénane  de  IleistiM-bach,  comme 
aussi  l'abbatiale  de  Dommariin,  une  suite  d'absidioles  est  emj)àtée  dans 
un  gros  mur  qui  décrit  au  dehor-  un  seul  demi-cercle.  De  |)lus,  un 
second  déamindaloire  beaue()u|i  |dus  él  roil  règne  enlre  le  déaiubidaloire 
principal   r|  les  cliapeiles,  coiiime  ,'i  Sainl-.Ma rii ii-dcs-Cliamps  et  à  Saiid- 


77.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Tolède. 

(U.i|ii-è5  Dehioet  BrauM.) 


11.0 


nis'ioiiii':  i)i;  laut 


I>cnis  ;  iui-dessus  (lu  l;iilluir  des  colonnes  (|ni  s(''|i:ir('nl  relie  ,-ill(''e  ('■Iroile 
du  déambulaloire  proprement  dit,  des  linteaux  de  pierre  Ibrment  étré- 
sillon  sous  les  douhleaux,  afin  de  résister  à  la  poussée  des  voi^iles  de  la 
galeiie  priiieijiide.  (l'estle  procédé  employé  plus  lard  dans  les  bas  côtés 
étroits  de  la  crypic  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris.  Les  oi;ives  sont  scul- 
ptées de  grosses  rosaces,  ornement  assez  fréquent  en  Bourgogne  et  en 
Languedoc,  où  il  occupe  cependant  d'autres  places;  les  chapiteaux  sont 
lisses,  les  colonnes  i-eposent  sur  des  socles  élevés  couronnés  d'une  mou- 
lure. Les  petites  fenêtres  des  chapelles  sont  percées  dans  Taxe  des  contrc- 


FiG.  7,S.  —  Transopl  (!,•  l,-i  ,;illir,lr,ili'  (!.■  Tolr.lr. 

torts,  disposition  hi/urre  (pij  n'est   pas  très  exrejtl  ionnelle  dans  l'ouest  de 
la  1^'rance. 

L  l'Espagne  a  liien  mieux  prolilc''  (pie  l'ilalie  des  leçons  d'art  i-e(;ues 
des  moines  bourguignons  et  de  ses  relations  continuelles  avec  la  France  : 
le  style  gothique  y  a  eu  tout  son  épanouissement;  les  cathédrales  de 
Tolède,  Burgos  et  Léon  sont  égales  en  mérite  aux  grandes  églises  bâties 
chez  nous  aux  mêmes  dates.  Il  est  vrai  que  leur  style  ne  les  en  dislingue 
en  rien.  Dans  ces  édifices,  c'est  encore  rinlluence  du  centre  de  la  France 
qui  règne  :  l'inspiration  de  Burgos  et  de  Tolède  vient  de  Bourges;  les 
auteurs  de  la  cathédrale  de  Léon  sont  allés  chercher  un  peu  plus  fai-d 
leurs  modèles  plus  au  nord,  à  Chartres  et  en  Champagne.  L'union  des 
couronnes  de  Navarre  et  de  Champagne  à  la  lin  du  xiii'  siècle  n'a  sans 
doute  pas  été  étrangère  à  ce  dernier  fait. 


LAHCUlTECTriiK  (iOTllIOlIl-:  DU  XIIT  SIB.I.E 


111 


l,;i  ciillMMlriilc  (le  P)Ui-g;os,  livrée  au  culte  eu  l'jriO,  a  élr  loïKlrc  en 
l'J'J(i;  rllc  ;i  inic  liiande  analogie  avec  celle  de  Tolède,  un  peu  plus  léceiile. 
(tu  lie  ((iniKiil  pas  le  maître  d'œuvrcs  ;  celui  de  la  cathédrale  de  Tolède 
élail  b'raiii  ais.  s'appelait  l'rinis  l'rlri,  Pierre,  lits  de  Pierre,  et  mourut  en 
l'J'.KI.  11  esl  enterré  tians  la  cathédrale.  Ces  deux  cathé(lrales  on! ,  e(»iiiiiie 
cille  de  l!oui-ees,  uue  douhle  ceinture  de  bas  côtés,  dont  la  iireinière 
zniie  a  un  ti-il'orium  connue  le  vaisseau  eeiilr;d.  La  iii("'iiie  pailieularité 
e\i>le  (huis  les  cathédrales  de  Lisieux 
el  du  Mans,  mais  elles  appart iennenl 
à  r(''cole  normande  et  leur  style 
difTère  de  celui  des  deux  églises 
espagnoles,  qui  ont,  au  contraire, 
beaucoup  de  points  de  ressemblance 
avec  celle  de  Bourges.  Celle  de  Tolède 
a  la  même  forme  de  piliers  au  carré 
du  h'ansi'pl .  et  le  plan  de  son  déam- 
bulatoire jiarail  inspiré  de  celui  de 
Bourges  tel  qu'il  se  trouve  depuis 
l'addition  de  ses  petites  absidioles 
espacées  :  mais  à  Tolède,  on  les  a  t'ait 
alterner  avec  des  chapelles  carrées 
moins  profondes.  Cette  alternance  ne 
se  \()il  (pie  là  el  dans  un  dessin  de 
ralliiiiii  de  N'ilhird  de  HonnecourI 
doiiiK'  ((iinnie  le  fruit  de  sa  coUalio- 
ration  avec  Pierre  de  Corbie.  Le 
maître  d'œuvres  Peints  Pétri  serait-il 
Piei'i'c  de  CoiTie,  mort  en  ce  cas  tr(''> 
âgé,  ou  son  lils  ■.'....  La  cathédrale  de 
Burgos  ressemble  aussi  à  celle  de 
Bourges  ]iar  les  proportions  surbais- 
sées et  la  eoiiiposilion  (Je  son  tril'o- 
riuni   à    Iviiipan     percé    d'ouvertures 

tréllées  sous  un  gi'and  arc  de  décharge.  L;i  principale  dirr(M-eiice  e>|  (pic 
les  deux  cathédrales  espagnoles  oui  un  lr;iiiNcp|.  tu  dessin  assez,  pailicu- 
lier  se  |-enia!-(pie  à  la  rose  occidentale  de  ToI('m1c.  Pour  l'(''l  résilloiiiier  cl 
meubler  en  inèiiie  tenqis  les  coins  iiif('Tieiirs  de  hi  griindc  biiic  (pii  IVii- 
cadre.  on  a  imaginé  d'y  tracer  deux  (|uarts  de  rose  en  sens  iincrseel  laii- 
gents  ,'i  sa  circonférence.  Pareille  combinaison  cxisic  à  la  rose  occiden- 
tale de  Candes  (Maine-et-Loire). 

La    caihédrale    de    Léon    esl     le     plus    p:iiT;nl     moniiiiient     gothique 
(IL>|iagne;    elle    c>l    aussi    l(''g(''re,    aussi    (l('-licaleiiieiil    ajourée    qiu>    les 


\\->  iiisToiRi':  DE  i;art 

ineilleurcs  églises  franraiscs  de  la  seconde  iiiciilic''  du  xin'  sir<le;  elle  a  le 
même  plan  que  les  grandes  églises  de  France:  déambulatoire  à  suite  con- 
tinue de  chapelles;  transept  avec  chapelles  à  Test;  nef  avec  bas  côtés; 
deux  tours  cl  un  })orche  à  la  façade;  mais  comme  à  la  cathédrale  de 
Cologne,  et  à  rin\erse  de  l'usage  i'rançais,  la  chapelle  de  la  Vierge  esi  de 
même  grandeur  que  les  autres.  Fondée  par  l'évèque  D.  Manrique,  (pii 
mourut  en  l^OS,  la  cathédrale  semble  n'avoir  rien  gardé  de  ce  temps.  On 
sait  qu'en  J'258  et  1275  des  indulgences  étaient  accordées  pour  l'œuvre, 
et  qu'en  1505  les  travaux  étaient  terminés;  le  style  appartient,  en  effet, 
à  la  seconde  moitié  du  xui"  siècle,  abstraction  laite  d'additions  des  xv° 
et  xvi''  siècles,  qui  n'ont  pas  modifié  le  caractère  général.  Les  arcs- 
boutants  sont  réduits,  comme  dans  les  monuments  les  plus  légers  de  l'art 
gothique,  à  la  proportion  d'étais. 

Les  piliers  cylindriques  ont  trois  colonnes  appliquées  sous  les 
arcades  et  sous  les  doubleaux  des  bas  côtés;  dans  la  nef,  un  groupe 
de  trois  colonnettes,  oij  deux  autres  jîlus  minces  se  joignent  à  partir  du 
tailloir  des  piliers  pour  porter  les  formerets  de  la  voûte  centrale.  Dans  le 
chœur,  les  chapiteaux  du  pilier  principal  ont  deux  étages  de  feuillage  et 
sont  accolés  à  des  chapiteaux  de  colonnettes,  de  moitié  plus  courts,  sous  le 
même  tailloir  :  c'est  la  disposition  bien  connue  des  cathédrales  de  Char- 
tres et  de  Reims,  et  les  crochets  des  arcs-boutants  rappellent  cette  dernière. 
Comme  aux  cathédrales  d'Amiens  et  de  Troyes,  les  fenêtres  à  riches 
armatures  occupent  tout  l'espace  compris  sous  les  formerets,  et  les 
colonnettes  de  leurs  meneaux  descendent  jusque  sur  l'appui  du  triforium, 
qui  n'est  guère  qu'un  second  étage  de  fenestrage,  mais  on  n'a  pas  été 
jusqu'à  le  vitrer.  La  composition  de  ce  triforium  est  assez  particulière  : 
il  comprend  dans  chaque  travée  deux  baies  refendues  par  un  meneau 
central,  et,  aux  extrémités,  deux  lancettes  simples  suraiguës,  telles  qu'en 
ont  les  architectures  normande  et  champenoise.  Une  autre  particularité 
fréquente  en  Champagne  et  aussi  en  Bourgogne,  se  trouve  à  Léon  :  les 
deux  cordons  qui  délimitent  le  triforium  ressautent  en  forme  de  bagues 
autour  des  colonnes;  onOn,  disjiosition  encore  plus  caractéristique  de 
la  même  école,  une  coursière  inléricurc  traverse  les  eml)rasures  des 
fenêtres  des  bas  côtés. 

Les  portails  sont  très  beaux;  ils  ont,  comme  ceux  de  France,  des 
tympans  historiés  sur  plusieurs  registres.  C'est  sur  les  porches  latéraux 
de  la  cathédrale  de  Chartres  qu'a  été  copié  le  beau  porche  occidental.  11 
se  compose  de  même  de  trois  travées  voûtées  de  berceaux  à  nervures  repo- 
sant sur  des  linteaux,  et  de  deux  travées  intermédiaires  excessivement 
étroites,  séparant  ces  trois  arches.  Il  est  à  remarquer  que  les  baies 
étroites,  intermédiaires  des  trois  grandes  arches,  n'ont  pas  le  même 
dessin  (|u'à  Chartres,  mais  sont  tracées  en  arc  suraigu,  comme  les  haies 


L'AnciIITECTl'r.l'   COTIIIOUE  DU  XIII    SIÈCLE  llô 

(■•iioilcs  du  Irilorium.  (Iclle  similihulc  d'allernancc  de  largeurs  el,  de 
ti'aeé,  dans  le  porche  et  dans  le  triforium,  lendrail  à  prouver  que  ces 
parties  du  monument  sont  l'œuvre  d'un  même  artiste.  Ces  arcs  suraigus 
ne  se  trouvent  pas  à  Chartres,  mais  en  Champagne,  e(  aussi  à  Bourges,  où 
les  artistes  gothiques  d'Espagne  ont  puisé  beaucoup  d'ins]iiralions.  Sous 
une  inlluence  sans  doute  champenoise,  l'église  Saint-Pieirc  de  Bourges 
a  reçu  des  arcades  étrangement  aiguës,  et  des  coursières  dans  les  embra- 
sures des  fenêtres. 

La  calliédrale  de  Cuenca  l'ut  consacrée  en  l'JtlS;  elle  était  certaine- 


BIBBlilH 

t  ^^HHH^HhH^^^^^B 

^^^S^^BhSb^I^^^h 

Fie.  Sn.   —   P.ill.lil    ,|r   1,1   .Mlhrdr 


nienl  alors  peu  avancée.  L'aii-;idc,  aujourd'hui  pourvue  d'un  déanii)ula- 
loire  du  xv'  siècle,  était  simj)le,  el  (piaire chapelles  s'enivraient  sur  le 
transept;  la  nef  et  ses  bas  ci'jtés  seniMciil  apjinrlenir  au  milieu  ou  au  troi- 
siénic  quart  du  xiii-  siècle.  L'ordonnance  est  l)elle  et  originale,  el  rappelhî 
l'arl    champenois. 

La  pi'lile  calli(Mli-ale  du  liniii-g  d'Osuiia  dale  en  parlii^  du  commence- 
menl  du  xui'  siècle;  sou  arcliileclui'C  esl  un  [leu  lourde;  ses  pili(M's  de 
divers  plans  sont  cantonnés  de  colonnelles  à  liague  cenli'alc;  les  bases 
alliipies  déprimées  ont  des  grid'es. 

L'Espagne  a  de  très  beaux  cloilres  golhi([U(>s  :  celui  de  la  calh(''drale 
d'Avila  appartient  à  un  style  sévère  du  milieu  environ  du  xui"  siècle,  (pii 
ra})pelle  d'autant  mieux  certains  édilices  du  centre  de  la  France  que  la 
Cousirui-lion  l'sl   imi   graiiil.  ( '.(•Il  c  piri-i-r   ;i  iiiqi(i-<i''  une   gi'ande  sobriété' de 

T.    II.      -    I.") 


Mi  IllSIdllU-:  1)1-:   LAiiT 

sciilpliiro.  Los  voûtes  d'ogives  relombenl  d'une  jkiiI  sur  des  eidols  lous 
semblables,  de  rautrc  sur  des  piliers  à  faisceaux  de  colonncttes  qui  sépa- 
rent les  grandes  baies;  celles-ci  se  subdivisent  en  quatre  formes,  et  trois 
simples  cercles  garnissent  leur  iympan. 

Beaucoup  plus  ricbe  est  le  beau  cloître  à  deux  (Mages  de  la  catlié- 
dralc  de  Burgos,  œuvre  de  la  seconde  moitii'  du  xni'  siècle.  A  l'extérieur, 
les  contreforts  sont  ornés  à  cliaque  étage  d'un  gàblc  sur  colonncttes  et 
surmontés  de  clochetons;  deux  belles  cornicbes  de  feuillage  en  forme  de 
chapiteau  développé  couronnent  chaque  étage;  les  larges  baies,  aux 
archivoltes  ornées  de  moulures  et  de  fleurettes,  sont  subdivisées  par  de 
fines  colonncttes.  L'intérieur  est  encore  plus  riche  :  des  groupes  de 
colonncttes  divisent  de  part  et  d'autre  les  travées,  mais  celles  du  côté  du 
préau  portent  seules  la  voûte  qui  retombe  d'autre  part  sur  des  consoles 
orn(''es  de  belles  ligures  d'anges.  Du  C(Mé  inl(''rieur,  les  piliei-s  à  faisceaux 
de  colonnellcs  que  surmordiMil  ces  anges  oui  pour  fonction  de  recevoir 
les  voussures  d'une  série  de  niches  ménagées  pour  des  tombeaux.  Ces 
voussures  ont  la  plus  opulente  ornementation  de  feuillages  variés,  for- 
mant deux  bandeaux  homogènes,  mais  dilTércnts  entre  eux  :  on  y  voit 
le  chêne,  le  houx,  le  sycomore,  le  nénuphar  et  autres  \('gétaux;  les  chapi- 
teaux des  piliers  forment  des  frises  continues,  également  très  belles,  où  se 
mêlent  divers  animaux,  notamment  des  singes.  Au  centre  des  tympans, 
au-dessus  des  tombeaux,  s'alignent  des  statues  sur  consoles,  et  un  pilier 
d'angle  du  cloître,  garni  de  dais  et  de  consoles,  comme  un  jambage  de 
portail,  porte  un  très  beau  groupe  en  haut  relief  de  l'Adoration  des  Mages. 

Le  cloître  de  la  cathédrale  de  Léon  présente  une  ordonnance  sem- 
lilable,  a\ec  les  mêmes  enfoncements  à  voussures  sculptées. 

Ouelques  salles  capitulaires  sont  analogues  aux  rotondes  d'Angle- 
terre; le  chapitre  de  la  cathédrale  de  Palencia,  et  une  chapelle  du  cloître 
de  Salamanque,  bâtie  vers  la  fin  du  xii''  siècle,  comme  salle  capitulaire, 
sont  des  piè'ces  carrées  doid  hi  parlie  supérieure  est  ramenée  })ar  des 
trompes  au  plan  octogonal,  el  couNcrte  comme  les  lanternes  de  Sala- 
manque, Zamora  et  Toro,  d'une  coupole  sur  branches  d'ogives. 


IX 

L'ORIENT    LATIN 

P.VLESTiNiî  ET  SviiiE.  —  Lcs  uialheurs  du  royaume  de  Jérusalem,  coïn- 
cidant avec  les  progrès  du  style  gothique,  ont  nui  au  développement  de  cet 

ar!  en  Palcsline;  mais  les  colons  latins  d'Orient  ne  perdaient   jamais  cou- 


LARCHITECTURE  GOTIIiOUE  DU  Mil'  SifiCLE 


115 


l'nil.iil  <lcrrt;liM'  ,!.•  r. 


rage,  et  rOccidenl  ne  cessait  de  leur  envoyer  des  secours.  Ils  ont  hàli  des 
églises  à  Gaza,  par  cxcuiple.  jusqu'aux  derniers  jours  de  leur  occupation, 
et  les  luttes  à  soutenir  ont  nécessité  la  construction  di'  iimnlxiMix  dm  i;\n(ip 
militaires  qu'on  a  eu  inlérèl  à  faire,  et  . 

qu'on  a  faits,  selon  les  derniers  pro- 
grès de  l'art.  Les  plus  belles  construc- 
tions dans  celte  région  furent  les  for- 
teresses de  Safita  (Chaslel-Blanc),  de 
Margat,  etc. 

Le  style  gothique  est  nécessaire- 
ment plus  rare  que  le  roman  en  Pales- 
tine, puisque  le  royaume  a  vécu  plus 
longtemps  sous  le  règne  du  pi'cmier 
style,  cl  }uiis(pie.  du  désastre  de  li.sT 
à  la  clinle  linale  de  LJUl,  il  fut  de  ])lus 
en  plus  r('duit.  (JependanI,  .lérusalem 
elle-même  a  des  morceaux  de  honne 
architecture  gothi(|ue,  car  la  courte 
réoccupiilioii  (le  l'r('(l('ric  II,  di.'  l'2'2!) 
à  l'iil,  suflil  pour  restaurer  divers 
édifices.  Ce  (pic  nous  a\ons  de  style 
gothiciue  en  Syrie  permet  de  croire  que  cet  art,  si  le  royaume  de  .léru- 
salem eût  vécu,  y  aurait  été  aussi  prospère  et  aussi  beau  ([ue  dans  1  ile  de 

Cliypre.  La  croisée 
d'ogives  s'est  intro- 
duite en  Palestine  et 
Svric,  peut-être  à  la 
lin  du  xiT,  peut-être 
seulement  au  début 
tlu  xiii"  siècle;  son 
enqiloi  ne  modilia 
pas  les  formes  archi- 
tectoniques,  qui  ré- 
pondaient parfaite- 
ment à  leurs  be- 
soins; les  terrasses 
qui  remplaçaient  les 
combles  il  i  s  pen- 
saient de  sur(de\er:  l'inlcnsili''  du  soleil  dispensait  d'ouvrir  de  grandes 
baies;  rem|ii<ii  de  l'arc  brisi'  s'était  déjà  généralisé  dans  le  style  roman.  On 
n'avait  donc  rien  à  modilier,  et  quand  on  acce))la  la  croisée  d'ogives  comme 
un  procédé  plus  solide  cl  plus  commode  que  la  simple  voûte  d  arêtes,  on 


110 


HISTOIRE  DK  i;aht 


Cli.-'ih'.-iu  do  Safila  (r.li;islel-l!l;ii](;). 


lions 


l'adopia  a\uc  une  (•('rlaiiie  iiidin'rrenci';  soincnl  encore,  au  xiii"  siècle,  on 
s'en  passa.  L'ornenicnlalion  golliii|ue,  dans  un  pays  où  la  végétation  n'est 
rien  moins  que  luxuriante,  n'inspira  pas  de  modèles  spéciaux  et  se  réduisit 
à  des  types  im|)orlés,  n'ayant    ni  plus  de  \ie  ni  plus  d'à-propos  que  les 

anciennes  l'euillcs 
d'acanthe.  La  déco- 
ration ne  fut  donc 
qu'un  second  classi- 
cisme, offrant  sur  1(' 
précédent  le  seul 
avantage  de  la  nou- 
veauté; on  radoj)ta 
assez  lentement  et 
surtout  inégale- 
ment, et  celte  adop- 
tion ne  coïncide  pas 
nécessairement  avec 
celle  de  la  croisée 
d'ogives.  Rien  ne  fui 
modifié  aux  disposi- 
générales  des  édifices.  La  cathédrale  Sainl-Jean-de-Samarie  à 
Sébaste,  dit  M.  de  Vogiié,  «  est,  après  celle  du  Saint-Sépulcre  de  Jéru- 
salem, la  plus  con- 
sidérable et  la  plus 
ornée  que  les  (Iroi- 
sés  aient  élevée  en 
Terre  Sainte;  du 
moins  est-ce,  de 
toutes  les  églises  (pii 
sont  parvenues  jus- 
qu'à nous,  et  dont 
j'ai  pu  \isil('r  les 
ruines,  celle  qui,  par 
l'importance  de  ses 
proportions,  par  le 
soin    apporté     dans 

l'exécution  de  ses  différentes  parties,  fail  le  plus  d'iionneur  auxarchitectes 
des  Croisés,  et  porte  les  caractères  les  plus  évidents  de  son  origine  fran- 
çaise ».  La  cathédrale  de  Sébaste,  bâtie  dans  un  appareil  magnifique,  se 
composait  de  trois  absides  précédées  d'une  travée  de  chœur  et  d'un  tran- 
sept sans  saillie,  que  prolongeaient  des  bas  côtés  presque  aussi  hauts  flan- 
quant les  ipiaire  Iravées  de  la  nef.  La  l'acade,  d'une  absolue  nudité,  avait 


Fk       'ii    —   PdllHIIK     llltl.lK.Ul    (lu 


ll.llt,lll    (I  ^(l^-^-ll(I    AKi.kI. 


LAU(;niTKC.TLT.K  (lOTIIIorK  Dr  xiii    SIÈCLE 


117 


deux  pclilcs  lours  carrées  sans  saillie  sui-raligncmenl.  Des  voùlcs  dOt^ives 
assez  fortement  bombées  couvraient  tout  l'édifice;  leurs  doublcaux  étaient 
épais  et  sans  moulures;  aux  piliers  rectangulaires  viennent  s'appliquer 
quatre  colonnes  répondant  aux  doublcaux  et  aux  secondes  voussures  des 
grandes  arcades,  et  quatre  colonnes  plus  petites  répondant  aux  ogives 
auxquelles  leurs  bases  et  chapiteaux  sont  normaux;  les  bases  sont  légère- 
ment déprimées;  les  chapiteaux  montrent  d'assez  médiocres  combinaisons 
du  type  corinthien  et  du  crochet  gothique. 

A  Torlose,  l'église  Notre-Dame,  toute  romane  de  slrudure,  a  des  cha- 
piteaux gothiques  d'un  bien  meilleur 
type  du  xiif  siècle,  et  les  fenêtres  de 
sa   façade  appartiennent  au  plus  pur 
style  ogival  primitif  de  France. 

Le  gros  clocher  carré  du  Saint-       .  i 
Sépulcre  à  Jérusalem   est  gothique,      ^' 
commencé  peut-être   avant   la  chutr      -^ 
de  la  ville  sous  la  domination  sarra- 
zinc,   en    IhST,    il    dut  être   termim- 
lorsque    Frédéric   II   eut    raciieté    la 
ville   en    rj'J'.l,   car  la  forme  de   son 
ancien  couronnement,  connu  par  les 
gravures  de  Breydenbach,  était  ger- 
maniipic,    il    reste   aujourd'hui   ileux 
étages  au-dessus  du  lez-de-chaussée, 
cl  l'appui  des  baies  de  lavant-dernier 
étage,  qui,  comme  le  premier,  avait 
des  groujtes  de  deux  baies  en  tiers- 
point  très  sim[ile. 

A  Saint-.Jean-d'Acre.  Pococke  \it 
encore  la  cathédrale  Saint-André. 
»  superbe   église   gothique   avec   un 

portique  ».  Elle  a  été  dessinée  par  Cornelis  de  Bruyn.  C'était  une  église 
à  bas  côtés  et  sans  arcs-boutants,  ayant  à  la  façade  trois  portails  sur- 
montés d'autant  de  fenêtres. La  fenêtre  centrale  était  subdivisée  en  trois 
baies  sdiilciiiiiil  Irois  cei'cles  disposés  en  triangle;  di's  arcalures  r(''gnaient 
entre  l'appui  di's  baies  el  les  portails.  L(irs(|ir('H  l'J'.M  \r  sullan  Kclaonn 
conquit  Saint-.Jean-d'Acre,  il  transporta  au  Ç.n'wr  un  |Hirhiil  de  la  cnllié- 
drale;  ce  trophée  orne  encore  le  muristan  qui  porte  son  nom.  (l'est  une 
o'uvre  française  élégante,  du  milieu  du  \ni'  siècle,  qui  a  pour  traits  paili- 
culiers  la  hauteur  des  jambages  et  le  tracé  polygonal  di's  fùls. 

A  Athlit,  place  forte  fondée  par  les  Templiers  en  I'2IS,  subsistent  les 
restes  de  d(Mix  églisrs  gothiques:  l'une  dodécagone  à  trois   absides  pen- 


Fi(,.  sr,.  —  Aiii-icn  portail  lic  I.-i 
de  S'-Joan  d'AiTO,  Irnnsporti' 


rnllir.li-.ilc 
m  ('..liic. 


lis  IIISTOIHK   I)K   L'ART 

laii'onalcs;  ruiilre,  ;iii  fcnlrc  de  la  ville,  formée  d'une  nel',  de  bas  c(Més  cl 
de  II  ois  absides.  M.  de  \'ogué  y  a  admiré  une  frise  d'animaux  sculptés. 

('.iivL'i;i;.  —  C.'rsl  en  Il'.M  (|ur  liicliard  (lo'ur  de  Lion  s'empaia  de 
('.liyjue;  ineidenl  inijuévu,  qui  donna,  en  quelques  jours,  le  résullal  le 
jilus  durable  de  toutes  les  Croisades.  Le  royaume  de  Jérusalem  devait 
encore  agoniser  pendant  un  siècle,  toujours  plus  entamé  par  l'ennemi 
commun  et  toujours  plus  divisé  contre  lui-même,  ne  se  soutenant  que  par 
les  secours  de  l'Europe.  En  l^rjO,  Frédéric  Barbcrousse  racheta  pour 
quelques  années  Jérusalem;  de  L2r)0  h  ltir)7,  saint  Louis  restaura  les  villes 
ci  1rs  foris  de  la  côte;  enlin,  en  LJ!U,  Beyrouth,  puis  Saini-Jean-d'Acre 
iombaient  définili\emenl  aux  mains  des  Sarrazins.  Durant  ce  siècle  de 
lullcs  cl  de  troubles,  on  l)àtit  beaucoup  de  forteresses  et  l'on  restaura 
bien  des  sanctuaires;  beaucoup  d'argent  d'Europe  s'y  engloutit;  i)uis, 
(|uand  les  Latins  jierdirenl  en  Asie  leurs  dernières  possessions  continen- 
lalcs,  les  survivants  passèrent  en  (Ihyprc  où,  dej)uis  pi-ès  de  cent  ans,  à 
l'alni  des  Sarrasins,  les  sujets  des  Lusignans  avaient  pu  coloniser  et 
bàlir.  La  ruine  du  royaume  de  Jérusalem  donna  l'essor  au  royaume  de 
CJivjire. 

.I(''rnsalem,  la  Syrie  et  Chypre  oïd  puisé  l'arl  golhique  aux  m(''mes 
sources;  mais  les  plus  belles  constructions  du  continent  furent  des  forte- 
resses; celles  de  Chypre,  des  monuments  religieux  et  civils.  De  plus,  le 
royaume  de  Jérusalem  avait  déjà  loul  un  pass(''  d'arl  latin;  quand  le  sl\le 
gothique  lui  fut  appoiié,  il  y  rencoulra  des  ti'aditions  romanes  et  s'\'  uuMa 
souvent;  en  Chy))i'e,  l'ai'l  gothique  ne  rencontra  que  l'art  byzantin  «pii. 
pratiqué  par  un  peu])le  dilTérent,  n'eut  qu'une  influence  à  peu  piès  nulle 
sur  les  conquérants. 

Dès  cjuil  eut  acquis  l'île  de  Chypre,  Guy  de  Lusignan  pi'it  pour  colo- 
niser les  moyens  les  plus  sages  :  il  assura  ilès  l'abord  au  clergé  latin  cl 
à  la  nolilesse  latine  de  riches  possessions;  aux  commerçants,  des  facilités 
et  avantages;  aux  agriculteurs,  des  terres.  La  population  grecque,  qui  par 
deux  fois  avait  prou\  é  son  peu  de  sympathie  pour  les  conquérants,  paya, 
bien  entendu,  les  frais  de  cette  colonisation,  mais  on  ne  lui  confisqua  de 
biens  et  de  libertés  que  ce  qu'il  fallait  pour  ne  pas  la  décourager  de 
concourir  à  la  prospérité  du  royaume.  L'Église  orthodoxe  fut  réduite 
à  la  portion  congrue,  et  ses  sièges  ('piscopaux  transférés  dans  des  bourgs 
de  l'iidéi'ieur  qui  restèrent  presque  com])lèlemenl  indigènes;  l'arclievèque 
latin  fut  installé  dans  la  métropole  Sainte-Sophie  de  Nicosie,  et  entra  en 
pjossession  de  ses  domaines,  tandis  que  de  nombreuses  familles  françaises 
venaient  peupler  la  capitale.  L'ancienne  église  byzantine,  avec  ses  dimen- 
sions exiguës  et  sa  lourde  architecture,  ne  pouvait  satisfaire  longtemps 
ce  clergé  et  ce  peuple  arrivés  de  France  au  moment  oii  l'ai'l  golhique  s'y 


LAriCIllTECTURE  GOTIIIOL'I':  Dl'  XIII    SIÈCLE 


épaiiûiiissail  dans  loulc  sa  s|ilt'iuleur.  Dès  ll!K",  il  s(MnI)l('  (|up  des  liavaiix 
furent  commencés  à  Sainle-Sophic,  el  en  I'20!»  rar(lie\r(|ue  invilall  1a 
reine  Alix  de  Champagne  à  poser  la  première  pierre  d'une  église  qui 
devait  égaler  les  caihédrales  françaises.  Frère  du  chantre  de  Notre-Dame 
de  Paris,  l'archevêque  Thierry  avait  dû  faire  venir  un  maître  d'œuvres  de 
rile-de-France,  et  la  reine  Alix  avait  certainement  aussi,  de  son  côté,  fait 
appel  à  quelque  artiste  de  Champagne.  Le  chœur  de  la  nouvelle  église 
reçut  le  plan  assez  particulier  qu'avait  alors  Notre-Dame  de  Paris,  et  qui 
se  retrouve  à  Mantes,  h  Gonesse,  à  Deuil,  à  Doullens  :  un  déambula- 
toire sans  chapelles,  et  ce  déambu- 
latoire est  couronné  d'une  corniche 
du  type  })articulier  à  la  Champagne 
et  à  la  Bourgogne.  L'économie 
s'imposait  aux  constructeurs,  car  le 
nouveau  royaume  n'avait  pas  encore 
eu  h-  temps  de  s'em-ichir  :  ils  rem- 
ployèrent dans  le  déamijulatoire  les 
colonnes  antiques  cpie  l'église  by- 
zantine avait  une  première  fois  em- 
pruntées, et  —  peut-être  sous  l'ins- 
piration de  quelque  maître  d'oeuvres 
du  Centre  ou  du  Midi  —  ils  firent 
un  transept  composé  de  deux  cha- 
pelles ne  dépassant  pas  la  hauteur 
des  bas  côtes.  Peut-être  ce  transept 
est-il  la  plus  ancienne  partie  de 
l'église;  on  y  trouve,  en  elfel,  au 
nord,  un  poi'tail  qui  peut  dater  de  la 
lin  du  xii'  siècle,  et  ses  absidioles 
UKuiIrent  une  persistance  d'art  ro- 
man, telle  qu'on  en  voyait  alors  dans  le  royaume  de  Jérusalem.  Au  nord- 
est  du  transept  est  accolée  une  chapelle  du  trésor,  à  deux  étages,  bâtie 
vers  le  milieu  du  xiii-  siècle;  elle  possède  encore  des  absides  à  cul-de-four. 
La  j)ai-tie  de  la  nef  qui  tient  au  bi'as  nord  du  transept  montre  que  la 
cathédrale  fut  commencée  pour  recevoir  des  toits  plats  sur  les  bas  côtés, 
et  un  triforium  dont  il  reste  la  moitié  d'une  baie  tréOée;  mais  on  renonça 
presque  aussitôt  à  ce  projet  ;  le  climat  permettait  et  la  pénurie  de  bois 
ordonnait  de  faire  des  terrasses  et  non  des  charpentes;  ce  système  ame- 
nait à  donner  moins  de  hauteur  au  vaisseau  central,  le  triforium  devenant 
inutile,  rt  l'on  obtenait  à  la  l'dis  plus  d'économie  et  de  solidité.  L'économie 
siuq)osait  :  i-n  l'ii*!».  Fr('di'Tic  II  était  venu  |iorierla  gucri-c  dans  le  nou- 
veau royaume.  (|ui  l'aillil  pi'iir;   lnipi''riaux  r\  (lliyprois  pi-ircid  el  l'epi-irent 


l'Iiot    Knla 

Fic.  Stl."—  Ç;iliiodraIo  do  Nicosie. 


120  IIISTOIRI-   DH  L'ART 

Nicosie,  cl  la  (•iilli(''(lral('  dul  rcslei'  à  peu  près  slalionnaii'e  jieiulaiil  les 
dix  années  qui  suivirent  le  léLablissemenL  de  la  paix;  mais  en  Iti-iT-l'ilS, 
saint  Louis  et  toute  la  noblesse  de  France  furent  sept  mois  les  hôtes  de 
Chypre,  et  firent  largesse  aux  églises.  Dei'rièrc  leur  armée  venail  lout  un 
exode  de  lahoureurs  et  d'artisans  qui  pensaient  cohtniscr  lEgypIe;  en 
1250,  i'e\p('dili()n  ayant  échoué,  (lliyjire,  (jui  en  a\ail  déjà  absorbé  les 
fonds,  en  recueillit  les  épaves.  A  cette  époque,  les  travaux  prirent  un 
nouvel  essor;  un  très  beau  portail  de  marbre  blanc  fut  construit  au  sud 
du  transept  dans  le  meilleur  style  français,  et  la  nef  reçut,  comme  le 
chœur,  des  piliers  ronds  en  forme  de  colonnes;  leurs  chapiteaux  octo- 
gones avaient  alors  des  crochels  de  feuillages  que  les  Turcs  ont  détruits 
au  xviT'  siècle. 

Les  porls  de  Paphos,  Limassol  et  Famagouslc  avaient  aussi  leurs 
cathédrales  latines.  Très  malheureusement,  Paphos  et  Limassol  ont  été 
si  souvent  ravagées,  que  de  la  cathédrale  de  Limassol  il  ne  reste  plus  une 
pien-e  el  ([ue  celle  de  Paphos  n'esl  i-c pr('' se n !('•(■  (|ue  par  un  conircrori 
tl'angle  et  un  monceau  de  décombies. 

A  Famagouslc,  Sainl-Georges-des-Lalins,  construit  à  la  lin  du 
xiii'  siècle,  offre  le  plan  et  les  proportions  élancées  de  la  Sainle-Cha}>elle 
de  Paris,  cl  son  style  n'est  pas  moins  pur. 

Au  nord  de  l'église  des  Saints-Pierre-et-Paul,  un  grand  portail  à 
colonnes  et  sculptures  de  marbre  est  le  rcnqjloi  d'une  œuvre  plus 
ancienne,  car  ses  chapiteaux  prolongés  en  frises  de  végétations  variées 
appartiennent  à  l'art  français  du  Midi,  et  de  la  seconde  moitié  du 
xiif  siècle;  la  hauteur  des  jambages  rappelle  l'ancien  portail  nord  de  la 
cathédrale  de  Nicosie  et  le  portail  de  Saint-Jcan-d'Acre  transporté  au 
Caire.  Le  fronton  aigu  date  du  xiv""  siècle. 

Une  série  d'élégantes  églises  à  net  uiii(pic  inil  élé  exécutées  au 
xiii''  siècle  dans  un  style  tout  voisin  de  celui  tic  rile-de-France;  au  xiv'', 
dans  celui  de  la  Pi-ovcnce  ou  du  Languedoc. 

Notre-l)ame-de-Tyr,  à  Nicosie,  église  d'une  abbaye  de  femmes,  fut 
commencée  à  la  lin  du  xiii"  siècle;  saccagée  dans  une  émeute  en  LjIO 
avant  d'être  aclievée,  puis  terminée  assez  misérablement. 

L'arcliilecture  mililaire  a  de  remarquables  édilices,  mais  en  pelil 
nombre,  le  roi  s'étant  l'éservé  la  possession  des  i'urteresses.  On  peut  divi- 
ser les  cliàleaux  en  chàlcaux  de  plaine,  de  plan  régulier,  et  chàle;nix  de 
montagne,  suivant  toutes  les  irrégularités  d'un  sol  accidenté. 

Les  châteaux  de  plaine  sont  ceux  qui  défendaient  les  ports  de  Cérines, 
Famagouslc  et  Limassol,  et  le  château  de  Sigouri.  Les  châteaux  de  mon- 
tagne sont  Saint-IIilarion,  Kanlara  et  Buffavent,  construits  au  xiii'  siècle, 
restaurés    au    xiv'.    Les    châteaux   de    Cérines,  Famagouslc    et    Sigouri 


I/AncilITECTinE  (lOTIlIQUE  DU  XIH"  SIÈCIJ':  l-il 

niloiilaiolil  le  plan  (\{\  caslriiiii  Iiyzanlin,  rcelan^-ulairi'  avec  lonrs 
J'an-lrs. 

Le  pi-L'iaier  exislail  déjà  en  l'Jll;  iiiiu  parlie  date  de  celle  ('[HKine; 
les  ^'éniliens  ont  remanié  le  l'este  au  xvi''  siècle.  Le  chàleau  élait  loniplè- 
Icnienl  cnlouré  d'eau;  sur  une  pointe  de  Iflot  du  c(Ué  du  j>oit,  on  a\ail 
respecté  une  jolie  chapelle  byzantine;  elle  était  dominée  par  un  donjon 
carré  à  quatre  contreforts  adhérant  à  un  angle  de  la  forteresse,  les  autres 
avaient  des  tours  rondes;  des  portes  donnaient  sur  le  port  et  de  deux 
côtés  sur  la  mer;  des  citernes  voûtées  régnaient  sous  une  partie  des  bâti- 
ments; le  rez-de-chaussée  était  entièrement  voûté;  lélage  supérieur  en 
[)artie  seulement.  Les  berceaux  et  les  voûtes  d'arêtes  couvraient  les 
citernes  et  les  salles,  des  culs-de-four  les  étages  des  tours,  mais  la  voûte 
d'ogives  n'apparaît  nulle  part  ;  quelques  doubleaux  reposaient  sur  des 
consoles  moulurées  ou  scupltées.  Les  appartements  royaux  avaient  de 
larges  balcons  de  bois  sur  l'esplanade;  ces  balcons  devaient  former  loge 
couverte,  et  ils  reposaient  sur  d'énormes  et  imposantes  consoles  de  pierre 
à  assises  profdées  en  quart  de  rond.  Des  créneaux  refendus  d'archères 
bordaient  les  terrasses  et  les  chemins  de  ronde.  Le  chàleau  de  Fama- 
gouste,  bâti  en  1510,  est  analogue  comme  plan  et  emplacement.  Le  châ- 
teau de  Limassol,  du  xiu"  siècle,  rappelle  le  plan  de  celui  de  Foix.  Il  com- 
prend un  gros  donjon  carré  avec  tourelle  d'escalier  sur  un  angle,  et  une 
esplanade  en  rectangle  allongé  très  étroit,  bordée  de  chambres  voûtées  et 
percées  d'archères.  Cette  partie  a  la  même  largeur  que  le  donjon;  l'en- 
semble de  la  forteresse  est  donc  un  rectangle  allongé. 

Les  châteaux  de  montagne  sont  plus  vastes,  et  leur  plan  est  trop 
compliqué  pour  être  défini;  cependant,  tous  comprennent  deux  enceintes 
successives,  un  baille  où  l'on  accède  du  cùlé  de  l'intérieur  des  terres, 
moins  exposé  et  moins  aliruj)t,  et  une  enceinte  supérieure  sur  le  dernier 
plateau.  Ces  châteaux  ont  tous  de  grands  réservoirs  à  ciel  ouvert,  ména- 
gés pour  recueillir  les  eaux  pluviales. 

Le  château  de  Buffavent  est  un  prodige  de  hardiesse;  son  site  est 
presque  inaccessible;  ses  pierres, en  grande  partie  extraites  des  carrières 
de  la  côte,  ont  dû  être  montées  par  des  cordes  et  des  treuils.  La  basse- 
cour  occupe  un  palier  de  montagne  que  domine  de  très  haut  la  falaise 
abrupte  qui  porte  la  seconde  enceinte,  suite  de  pièces  cari-ées,  citernes  et 
(duunbres,  voûtées  pour  la  plupart,  établies  sur  la  ci'ète  d'une  liaide  mon- 
tagne. Les  deux  enceintes  communiquaient  par  un  escalier  laiilr'  dans  le 
roc.  Ce  château  n'a  que  peu  de  flanqucments  dans  sa  première  enceinte; 
la  partie  haute  n'a  ni  flanquemenl  ni  archère,  et  ses  portes  en  tiers-point 
n'ont  pas  de  défense  spéciale,  la  situation  snllisait  à  le  |irotéger.  11  n'a 
jamais  été  pris. 

Le  château  de  Saint-liilari(»n  ou  I  )ien-d'Aiii<iur  est   beaucoup   plus 

T.    M.    —    Iti 


insToinE  i)i:  i/aiît 


iiniMH-liiiil .  Il  ;i  coiisri'v  (■■  !:i  clKiiiclIr  liy/;inliiir  de  l'criiiil iii;('  (1li  sailli. 
Une  grande  basse-cuur  descend  sur  un  vcrsanl  de  la  montagne.  Les  murs 
sont  flanqués  de  tours  rondes;  la  porte  est  précédée  d'une  barbacanc  et 
surmonli''c  tl'un  niàciiii-oulis  à  consoles  sculptées.  In  gn)U|ie  couipacl  et 
irrégulier  de  bàliuiciiis  la  commande  cl  occupe  un  ]ialiiT  dr  hi  nuinlagnc^; 
là  soni  de  vasies  apparlcmcnls,  la  cliajM'Ilc  cl  une  gi-andc  loge  carrée 
voùl(''c  d'arêtes  qui  s'ouvre  par  Irois  (''normes  arcs  en  ticrs-poini,  hors  de 
portée  des  traits,  au  sommet  d'un  roc  d'où  la  vue  est  splendide.  Le  pla- 
teau terminal  de  la  montagne  forme  une  dernière  cnceinle;  il  est  dominé 
par  deux  rochers  que  Ton  a  réunis  par  des  constructions,  et  dont  le  plus 
éde\é  a  été  couronné  de  deux  réduits  en  forme  de  tours  carrées  comnuui- 
dant   toute  la   l'orleresse.    llans  la  dernière  enceinte  se  trouve  la  grande 

salle  seigneuriale,  com- 
jtrenant  une  salle  basse 
v<u"dée  en  lierccau 
liiisi'',  et  une  salle  haute 
sans  voiMe,  éclairée 
A  ers  l'intérieur  par  des 
portes- fen(Mres  accé- 
daid  à  un  balcon  cou- 
M'rl  en  bois;  du  C('ité 
di'  rext(''rieur,  au  con- 
t  laire,  par  de  très  belles 
t'enètres  à  meneaux 
sui'montés  de  rosaces 
dans  le  meilleur  style 
français  du  xur  siècle. 
De  la  salle  basse,  une  porte  s'ouvre  sur  un  précipice  où  l'on  pouvait  se 
(l(''barrnsser  de  toutes  choses  gênantes,  immondices,  objets  cassés  ou 
personnages  eneondu-auts.  Par  exception,  une  [lartie  des  brdiments  de 
Saint-Iiilariiui  étaient  couverts  de  toits  aigus,  ]u-('-caution  contre  les 
neiges,  dont  il   loud»e  (pud([uefois  sur  ce  S(uumet. 

L'architecture  civile  était  abondante  et  belle  dans  le  royaume  de 
(Ihypre.  Au  xiu'  siècle,  les  maisons  de  Nicosie  (Haient  égayées  de  pein- 
tures (pii  les  faisaient  ressembler  à  celles  d"Anti<»ch(\  au  dire  de  W'illi- 
braud  d'Oldenbourg.  On  incrustait  aussi  dans  les  façades  des  plats  de 
faïence  arabe  dont  quelques-uns  ont  été  retrouvés. 

Chypre  a  possiVli''  jibisieurs  monastères  llorissants;  le  principal  et  le 
seul  bien  consei-\é  est  Lapais,  abbayi'  de  l'ordix'  de  l'i-émontr('',  l'ond<''c 
par  Hugues  III  (L2(i7  f  Li8i),  terminée  par  Hugues  IV  (\7)11  f  iriOI);  un 
autre  monaslèie  célèbre  était,  à  Nicosie,  l'abbaye  de  Notrc-Dame-des- 
01iami)S,  qui,  fondée  au  commeiicemeut  du    xin'   siècle,  pour  les  cister- 


M-  <\r  l.-i  yr; s,- 

de  S.iiiil-llll.ii-idii. 


Ih    du  (  Il  \U   II) 


LARCIlITECTUni-;  (.(ITIIKJIE  IH    XIII    SIIICU'.  l'jr, 

(•ifns,devinl  iui  xiv'  un  couxciil  de  franciscains:  en  l'.IOI.dcs  rdiiillcs  m'en 
onl  l'ail  rclromcr  les  fondalidus. 

Grince.  —  Larcliilcclnre  golhiquc  de  la  (irccc  csl  1res  rare  el  assez 
médiocre.  Les  moines  de  Cilcaux,  qui  avaient  suivi  les  Croisés  en  l'204, 
se  firent  donner  par  eux  diverses  églises,  comme  l'abbaye  de  Dafni,  près 
Athènes,  et  fondèrent  en  Morce  quelques  ('laMisseiuenls  dont  il  lesle  des 
ruines.  Elles  sont  sans  caractère  artisticpie,  mais  la  voùle  dogives,  l'arc  en 
tiers-point  et  de  grossiers  chapiteaux  à  crochets  y  témoignent  de  l'origine 
française  des  constructeurs.  Le  plus  connu  de  ces  vestiges  est  le  porche 
que  les  cisterciens  reconstruisirent  au  xiu''  siècle,  après  un  tremblement 
de  terre,  à  l'église  byzantine  de  Dafni.  11  utilise  une  partie  de  l'ancienne 
maçonnerie  byzantine  et  se  conq)ose  de  Irois  lra^('•es:  ^m  ceidic,  une 
grande  arcade  en  liers-poiid  ;  à  di-nile  el  à  gauche,  des  haies  gi''uiiiir'es  de 
même  Iracé,  oii  des  colonnes  aniicpies  ulilis(''es  poui'  soulenir  la  r<'loiidH''e 
cenli'ale  onl  éh'-  d(''nionli''es  ci  eniporl(''es  jiar  loi'd  l'ilgiii.  L'oidoniiane(? 
rappelait  celle  du  porcdie  de  Ponligny. 

Un  j)elil  monument  pai'liellemeni  voiMé  d'ogives  exisie  à  Alliènes 
miMiie,  au  pied  el  à  (piel(|iles  pas  de  r,\er( i| lole,  en  regard  de  iadl'otte 
(le  l'an,  ('/esl  une  mine  (pie  son  di'jahi  euieid  menace  d'une  disparition 
prochaine.  Les  (piarliers  hondiés  des  ^■oùles  sont  l'orni(''s  d Un  hlocag(î 
appareillé  en  coupole;  les  ogiscs  relondieni  sur  des  eulols  à  sculptures 
byzantines  (pu  [ieu\(Mil  pro\enii'  d  lui  édiliee  anlérieiu'.  Les  ogives  pro- 
lilées  en  sinqile  boudin  \iennenl  buler  sur  une  clef  en  forme  de  li()n(;on 
de  fùl  oclogone,  doni  l'exlrémilé  inférieure  est  taillée  en  pelil  cidol  pen- 
danl.  (lelle  clef  sendile  inspin'e  d'un  ]ioin(;on  de  (diarjienle,  el  sa  l'orme 
pendanle  rappelle  limidemenl  certains  (wemples  germani(pu?s  ;  rju'cliilec- 
lure  de  toute  l'église  jieut .  du  reste,  se  rattachera  l'école  londiarde. 

Il  faut  citer  en  Moréc  les  ruines  du  monastère  de  Xotrc-Danie  d'l>o\  a 
el  l'abside  de  Sainte-Sophie  d'Andravida. 

L'église  Sainte-Sophie  (le  l"r(''hi/,on(le  est  un  ('ililice  hyzanlin  an(piel 
ont  collaboré  des  seul})teui-s  gotlii(pies;  un  tout  au  moins.  I']||e  date  de 
L2ÔS  à  i'265.  Le  porche  sud  a  un  lyuqian  scLilpté  ([ui  n'est  pas  sans  analo- 
gie avec  les  œuvi'es  lVancais(_'s,  et  doid  rarchi\olte.  en  tous  cas,  appar- 
tient au  plus  jmr  style  finançais  de  répO([ue  et  rappidle  ahsolnmenl  les 
cordons  exécutés  à  la  même  date  sur  la  façade  de  Notre-Dame  de  Paris. 

In  jteu  partout  en  Grèce,  s'élèvent  des  ruines  de  châteaux  francs 
don!  les  pi-incipaux  son!  ceux  de  Mislra  et  (larileiia. 

l;iiiLii>i;i;.\i'HiF  .  —  \'nir  li\ii'  l\.  ili,i|iiln'  \i. 


CHAPITRE    11 

FOIiJIATIOX  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTllIijUE 
DU  MILIEU  DU  Xir  A  LA  FIN  DU  XllP  SIÈCLE 

T 

LA    SCULPTURE    EN     FRANCE' 

En  même  temps  que  rarchitccluiT  évolue  sous  l'aclion  cL  dans  la 
logique  féconde  de  ses  lois  organiques,  une  sculpture  nouvelle  naît  el  se  , 
développe  sur  le  monument  auquel  elle  adhère  comme  la  plante  au  sol  el 
qu'elle  anime  et  commente,  comme  d'autant  de  vivants  idéogrammes,  de; 
ses  statues  et  de  ses  bas-reliefs.  Un  style  s'élaltore  et  un  programme  icono- 
graphique se  constitue.  C'est  l'œuvre  de  la  France  proprement  dilc  au 
cours  de  la  seconde  moHié  du  \if  siècle  et  au  commencement  du  xiii' .  Au 
lciiqi>  de  saini  Louis,  larl  IViinrais  s'otTrira  comme  un  modèle  à  lnulr 
la  (duélienté  oecidenlah'.  C.'rsl  donc  par  la  France  qu'il  convieni  (\i'  com- 
mencer l'étude  de  la  foiinalion  cl  de  j'évoluiion  de  la  sculpture  golhiqiic. 

Celte  sculpture  est  l'inlcrprélalion  par  des  artisans  laïques  d'un 
programme  élaboré  jtar  les  clercs  —  interprétation  docih;  et  lichMe, 
mais  pour  les  besoins  de  laquelle  les  imagiers  prendront,  au  cours  du 
siècle,  de  plus  en  plus  contact  avec  la  nature,  mère  des  hérésies.  Ce  qui, 
dans  la  pensée  et  dans  les  livres  des  docteurs,  était  alisiraction  el  n|i|ia- 
rence  pure,  devient,  [>ar  eux,  forme  tangible  et  réalité;  ils  considèrent 
dans  les  <■  cho.ses  visibles  »  non  plus  seulement  «  le  signe  des  invisibles  », 
comme  voulait  Suger,  mais  une  création  à  leur  usage,  une  matière  ollerte 
à  leur  vision  et  à  leur  génie  d'artistes,  si  bien  qu'à  c('>lé  de  I  bistoiic 
morale   l'I    religieuse  à  bupielle    ii>   re>,lenl    inlimemeid    el    prolondémenl 

I.   r.ii-  M.  Aiidrr  Michrl. 


1-Jii  lUSlOllIlO  DK  i.Aiir 

associrs.  (loiil  Un  soiiI  iii("'IIIc  (|(''|)cn(liiiils.  ils  oui  Irnr  |iii)|iir  liisloirc,  i  rllc 
de  Iciii'  arl .  de  leur  l('rliiii(|iic.  de  leur  slylc,  des  idrlins  ({ui  se  grou})('ronl 
aidour  de  Icllc  (ui  l(dlr  iiidi\  idiudilé  plus  ou  iiiuiiis  loilc,  (|ui  rccevronl  cl 
se  IransmeUront;  en  les  modifiant  sans  cesse,  les  traditions  et  les  recettes 
du  métier.  Ils  n'étaient  pas  des  lhéoloa;iens,  mais  des  sculpteurs  inspirés 
par  des  lliiMilogicns  :  (piand  ils  laillaicnl.  dans  leur  beau  liais  de  Scnlis 
ou  de  \ernon,  le  peuple  de  pr()|ilièles,  dap('i|]'es,  de  saints,  toute 
riiisidire  sacrée,  qui  allai!  \\\vf  sur  la  (■all](''di'ale,  ils  ignoraient  tout  ce 
que  les  savants  avaient  pu  accumuler  sur  ces  figures  de  gloses  el  d'exé- 
gèses; le  symbole  n'était  pas  leur  affaire  mais  l'œuvre  d'art,  conli(''e  à 
leurs  soins,  et  moins  ils  furent  dogmatiques,  plus  ils  furent  humains. 
Le  cliantiei-  où  ils  travaillaient  n'était  pas  une  chapelle  close,  un  s('Miii- 
naii'c  ou  une  chamhre  hanle.  Vu  \ili-ail  de  la  cathédrale  de  (  '.luuires,  oITeit 
jiai'  leur  cor]ioraliiin  à  Noire  Dame,  au  lemps  de  leiu-  ph'iiic  Ihii'aison, 
nous  les  moidre  au  lra\ail,nons  inli'iidiiil  (hins  linléTiein'  iiiimiic  de  Icin' 
<(  hutle  ».  Ils  porieni  le  cosluuie  laïque;  ils  soid  ((liffi's  du  lioiiucl  lérnii' 
sur  les  oreilles  ef  noué  sous  le  menlon  (pie  l'on  voil  à  Ions  1rs  gens  du 
peuple  dans  les  mi  nia  I  lires  du  Psanlier  de  sain!  Louis  ;  laiidis  ipie  les  uns 
undieul  la  tiernière  main  à  une  siaiue  de  roi  ou  au  d(''cor  d'un  iliapileau, 
un  com[iagnon  sendile  ui(''diler  sur  qu(dque  diMail  d'e\(''culion  iiKi(die\é; 
mais  lui  judre,  à  (|ui  le  lra\ail  a  donm''  soif,  \ide  d'un  (-(Uip  un  grand 
verre  de  vin. 

< '.oNSi  rriTioN  DU  pnoi.nA.M.ME  ndNo(,iiAi'unjri;.  —  .\\aiil  d(''liidier  leur 
O'uvre  propre,  il  convieni  donc  di;  résumer  le  programiue  iconograplii(|U(' 
que  celte  a:'uvre  eul  pour  mission  d'exprimer.  L'('qioque  romane  |)ropie- 
nient  dite  avail  ou\'erl  accès  à  la  sculplure  dans  l'arl  UKunimeiilal  (  liii'- 
lien  el  l'on  a  vu  (tome  1,  p.  .">iS!l  et  suiv.)  la  diversité  des  thèmes  qu'elle 
avail  dévelop])(''s  et  dans  cpielle  complexité  laborieuse  de  styles  et  de 
.moyens.  La  lendance  de  r(''p(i(p;e  ^  gollii(pie  ..  sera  d'abord  d(/  siinplilier, 
d'ordonner  et  d  unilier  toiiies  choses;  nous  le  veri'ons  poui' la  plasli(pie  ; 
l'cnseignenu'nt  des  universil(''s,  les  aiiiliilious  encyclop(''di(pies  de  la 
'  t  scolastique  y  (•(udi'ibuèreiil  |uiissaiiiineiil  pcniiloiil  ce  ipu  est  de  licoiu)- 
graphie. 

Les  cathédrales  furent,  elles  aussi,  comme  luie  grande  «  somme  »  de 
pierre,  une  encyclopédie  monumentale  où  toute  la  doctrine  di'  l'Lglise 
prit  corps  el  s'anima  en  parlantes  images  —  el  si  de  l'une  à  l'aulrc  les 
«  variantes  <>  sont  nombreuses,  le  llième  essentiel  reste  parloul  le  même. 
C'est  celui  de  la  Foi  chrétienne  et  de  renseignement  de  l'Lglise. 
Dieu  a  créé  le  monde  el  l'houmie;  le  péché  est  entré  dans  le  monde  et, 
avec  le  péché,  la  mort  el  le  châtiment.  Dieu  a  donné  son  lils  unique,  né 
d'une  vierge,  pour  le  radial  de  riiuiuanité  coupable  el  conda.anée.  Ce  fds, 


FORMATION  1:T  1)I;\  Kl.OI'l'KM  I:N  1    I)|':  LA  SCILPTI^RK  (lOTlIIorK     \-ii 

l'iiil  liomiiii'.  csl  m'',  a  V(''cu.  :i  ju-i'cIk''.  :i  MiulTrii  cl  csl  niuri  |);u'ini  nous. 
Il  a  été  crucifié,  il  a  été  enseveli,  il  est  descendu  aux  enfei's,  il  csl  rcssus- 
eilé  d'cnire  les  morts,  il  est  monté  au  ciel,  il  s'est  assis  à  la  droite  du 
Père;  de  là.  il  xirnili'n  puLii'  Jiiliit  lcs\i\aiils  cl  1rs  morts.  Les  ajiiMres  el 
les  (•\ani;-i''lisli's  mil  ciisriom''  celle  vi''rili'':  les  niarUrs  el  les  sainis  en  (tnl 
lémoig'Mr'' ;  les  docteurs  l'iuil  c()ninienl(''e.  l  ne  discipline  morale  e^l 
sortie  de  cet  enscii^nemenl.  Ceux  qui  auront  cru  «1  auronl  liien  vécu 
seront  sauvés  el,  au  jour  du  jugement,  ils  entreront  ]iar  la  porlc  d'or  dans 
la  gloire  de  la  .l(''rusalem  ci'destc,  tandis  (|ue  les  mau\ais  rece\  loni  leui' 
chà  liment. 

Autour  de  la  ligure  centrale  dn  Clii-isl,  ([ui  occupera  aux  tympans  et  aux 
trumeaux  une  jilace  d'honneur,  toute  (•(_■[((■  histoire  sera  ordonn(''cel  [irendra 
\\('.  Les  apôtres  se  tiendroni  à  droite  el  à  gauche  du  Maître;  les  vierges 
sages  el  les  vierges  l'olles,  doni  la  paraliole  n'est  cpie  le  comnu'utaire 
imagé  de  la  venue  du  juge,  les  \crlus  el  les  vices,  dont  les  imagiers  du 
xn"'  siècle  axaient  (h''ià  repn''senli''  laiil  de  fois  les  conllils  cl  (pie  le 
xui'  siècle  évoipiera  sur  un  ilième  iiouxcau.  seront  sculpt<'s  non  hiin  tlii 
jugemenl.  Les  sainis  et  les  docleui-s.  s|ii'cialeiiienl  vén(''rés  dans  le  diocèse 
ou  dont  la  cathédrale  possède  des  rcli([ues,  seront  représentés  sur  les 
]>ortails  latéraux  et  la  lignée  des  ancêtres  de  Marie  formera  la  solen- 
nelle galerie  des  Hnis.  lue  place  d'honneur  sera  toujours  réservée  à  la 
Mère  de  Dieu.  La  plupart  des  cathédrales  :  Sentis,  Noyon,  Laon,  Paris, 
Amiens.  C.hai-lres,  lieims  seroni  des  A'o/rc-Drt/^c;  celles  de  Bourges,  Sens. 
Auxerre  l'I  Limoges  seront  consaen''es  à  saint  l']tienne.  le  premier  con- 
fesseur de  la  l''oi;  celles  de  Poiliers  el  de  Troyes,  à  saint  Piei're  :  celle  de 
Bordeaux,  à  saint  André;  celle  du  Mans,  à  saint  Julien;  mais  la  \ierge 
n'y  perdra  jamais  sa  place.  Son  culte,  déjà  si  populaire  an  xn'  siècle, 
prendra  an  xiii  un  immense  développemenl.  el  la  ligure  de  Marie,  plus 
encore  (pic  celle  tic  ,lésus-('.lirisl ,  occu|  era  les  sculpleurs. 

Enlin.  comme  la  \  ie  humaim^  tout  entière  se  développe,  sous  le 
regard  du  Dieu  qui  l'a  donnée  et  (pii  la  jugera,  elle  est  évoquée  dans  les 
formes  essentielles  de  son  activih'anx  mnis  des  cathédrales.  C'est  d'abord 
l'd'uvre  des  sept  jours,  l'apparition  de  l'homme,  le  premier  conllit  avec  le 
(h'-mon,  la  cliule,  l'expulsion  du  Paradis.  La  loi  du  travail  entre  dans  le 
monde  el  Miici  les  lra\aux  des  mois;  un  calendrier  di^  jiierre  (''MKpiera  la 
Miccession  (le>  saisons  el  des  cull  lires,  les  occupai  ions  (lixcrses  de  la  \  le 
descham|i>;  depuis  les  seiiiaille>  el  la  pr(''paral  ion  de  la  \  igné  jn^ipi  an\ 
moissons,  aux  vendanges,  à  la  glainh'c  el  à  la  saignée  du  porc,  les  ima- 
giers raconteront  t(nite  !'liistoire  du  paysan,  toute  l'aclivité  des  cam- 
pagnes féconde-,.  l'iii>  Cl'  -eroiil  les  ail>  liliiM'aiix.  dont  les  universités 
enseignaienl  iii('lhodi(piemenl  les  classilicalions  cl  les  rc'gles,  el  dès  le 
milieu  (In  y'\'    siècle,  à  (Iharlres  on  ce!  enseitiiUMnenl   avail  reçu  nue   ini- 


HISTOIRE  DK  I.ART 


pulsion  |i;irl  iciilirrcnioiil  vive  cl  coiiiith'  des  iiKiilrcs  cl  des  lli(V)ricicns 
illuslrcs,  les  imagiers  cmprunlcronl  aux  uiinialures  des  inanuserils  de 
xMareianus  Capclla  les  figures  de  dame  Grammaire  qui.  sou  l'ouel  à  la 
main,  enseigne  les  enfants,  de  I^lH''toi'i((ue  f|ui  essaye  de  féaux  gestes, 
d'Astronomie  qui  mesure  le  ciel,  de  Dialectique  qui  coniple  sur  les  doigts 
les  raisonnements  qu'elle  enchaîne  avec  subtilité....  Les  éj)isodes  anec- 
dotiqucs  de  la  vie  familière  pourronl  même  lrou\'er  ))lace  à  cCAv  des  plus 
hauts  symboles. 

f-ertes,  lout  cela  n'est  pas  tout  à  l'ait  une  découverte  du  xui''  siècle 
ni  une  nouveauté  dans  l'histoire  de  l'art  chré- 
tien. La  nou\eaulé  c'est  d'avoir  groujx',  selon 
un  rythme  plastique  et  doctrinal,  ce  rpii  jus- 
«[ue-là  était  plus  ou  moins  dispersé,  si  iiica  (|ue 
l'on  peut  retrouver  transposé  et  vivant  dans  la 
pierre  taillée  ou  dans  la  splendeur  des  vitraux, 
liiul  ce  qu'un  \'inceut  de  Beauvais  avait  con- 
densé cl  ordonné  de  la  pensée  et  du  savoir  de 
son  siècle  dans  les  quatre  parties  de  sa  grande 
Encyclopédie,  de  son  Grand  Miroir  {^jh'ciiIiuii 
iiuijns]  où  venaient  se  reiléler  la  Nature,  la 
Science,  la  Morale  et  l'Histoire,  c'est-à-dire  la 
vie  et  l'humanité  tout  entières,  à  la  lumière  de 
la  Foi. 

On  n'arriva  pas  du  premier  coup  ;i  cette 
belle  et  synthétique  ordonnance  et  on  ne  s'y 
tint  pas  longtemps;  elle  marque  raboulisscment 
de  longs  tâtonnements;  elle  reste  comme  la 
réussite  harmonieuse  et  imposante  de  fout  un 
grand  cycle  de  la  culture  humaine.  Elle  est  dans 
l'histoire  de  l'art  chrétien  ce  que  l'art  grec  du  v'  siècle  avant  le  Glirist  est 
dans  l'histoire  de  l'art  antique;  il  n'est  pas  dans  les  annales  morales  et 
artistiques  de  l'humanité  d'époque  plus  remplie,  et  plus  noblement.  La 
série  des  «  portails  imagés  »  —  de  Saint-Denis  en  France  à  Notre-Dame 
de  Paris,  du  milieu  du  xu''  siècle  environ  aux  premières  années  du  xiii" 
(11  iO  à  LilO,  pour  donner  des  dates,  qui  ne  sauraient  être  absolument 
rigoureuses)  —  nous  fournit  comme  les  témoins  et  les  jalons  de  ce 
grand  mouvement,  les  éléments  de  celle  double  histoire  iconographique 
et  artistique.  Mais  si  l'on  en  discerne  assez  nettement  la  courbe  générale, 
les  difficultés  .se  multiplient  dès  qu'on  veut  préciser  avec  exactitude  les 
divers  moments  de  cette  évolution. 

Au-dessous  et  de  chaque  côté  du  Christ  en  majesté,  assis  et  bénissant 
au  tympan  entre  les    symboles  des  évangélistes,  le  collège  apostolique 


iMG.  88,  —  La  Granimaiic 

avec    Donal    ou    Priscicn 

la  Musique  avec  PyUiaycui 

(Calhcdrale  Je  r.h.irli-ps.) 


FORMATION  ET  DÉVF-n.OPPKMENT  DE  LA  SCULPTURE  (lOTHIOIE     1-29 

vient  d  abord  prendre  place;  assis  ou  di'lxtul,  alignés  au  linteau,  les 
disciples  accompagnent  le  Maître,  en  attendant  que,  adossés  aux  colonnes 
des  piédroits,  ils  occupent  de  chaque  côté  du  trumeau  tous  les  ébra- 
sements  de  la  porte  centrale.  Les  vieillards  de  l'Apocalypse  et  l'arbre 
généalogique  du  Christ  sont  placés  près  de  lui  aux  cordons  des  voussu- 
res ;  mais  bientôt  les  statues  des  ancêtres  de  Marie  et  des  rois  de  Juda 
se  dresseront  en  théorie  solennelle  au  centre  de  la  façade,  au-dessous  ou 
au-dessus  de  la  grande  rose,  dans  la  «  galerie  des  rois  ».  Quand  l'église  a 
plusieurs  portes,  Marie  occupe  la  seconde,  escortée  aux  piédroits  et  dans 
les  archivoltes  des  c  figures»  typologiques  et  prophétiques  d'Abraham,  de 
Moïse,  de  Samuel,  de  David,  d'Isa'ie,  de  saint  Jean-Baptiste. 

Dès  que  le  programme  iconographique  est  complètement  formulé,  la 
troisième  porte  est  réservée  à  l'un  des  premiers  évêques  du  diocèse  ou  ' 
aux  saints,  confesseurs  et  martyrs  dont  quelque  insigne  relique  y  est  spé- 
cialement vénérée.  A  Notre-Dame  de  Paris,  saint  Marcel  occupait  le 
trumeau  de  la  porte  romane  conservée  dans  la  nouvelle  façade  ;  à  Amiens,  - 
c'est  saint  Firmin;  à  Reims,  saint  Rémi.  Dès  lors,  la  porte  centrale,  pré- 
sentera aux  yeux  des  fidèles  qui  franchiront  le  seuil  de  l'église  la  vision 
du  Jugement  dernier.  Le  drame  que  le  xif  siècle  avait  déjà  évoqué  avec 
une  force  singulière,  d'après  l'Apocalypse  de  saint  Jean  plus  ou  moins 
mêlé  —  comme  à  Autun,  à  Conques,  à  Sainle-Trophime  d'Arles  —  à  la  des- 
cription de  l'évangile  de  saint  Mathieu,  prend  dès  le  début  du  xiii'  siècle 
sa  forme  définitive.  De  Laon  à  Chartres,  à  Paris,  à  Amiens,  à  Poitiers, 
à  Bourges,  on  retrouve  —  avec  une  progression  constante  dans  l'anima- 
tion de  la  mise  en  scène  et,  si  l'on  peut  dire,  dans  le  détail  anecdotique, 
—  la  même  ordonnance  générale.  «  Alors  le  signe  du  Fils  de  l'homme 
paraîtra  dans  le  ciel,  toutes  les  tribus  de  la  terre  se  lamenteront  et  elles 
verront  le  Fils  de  l'homme  venant  dans  les  nuées  du  ciel  avec  puissance  et 
une  grande  gloire  i.  Au  tympan,  Jésus  est  assis,  sans  couronne,  le  torse 
à  moitié  découvert,  les  mains  levées,  montrant  ses  plaies.  Près  de  lui,  des 
anges  sonnent  de  la  trompette:  à  leur  a[)pel  les  tombeaux  s'ouvrent  et  les 
morts  se  lèvent  pour  comparaître  au  tribunal.  D'autres  anges  portent  les 
instruments  de  la  Passion;  assis  aux  côtés  du  Juge  ou  agenouillés  à 
ses  pieds,  deux  témoins, —  dont  il  n'est  question  à  cette  place  dans  aucun 
texte  évangélique,  mais  que  l'imagination  populaire  voulut  convier  à  une 
suprême  tentative  d'intercession,  —  Marie  et  Jean,  le  disciple  bien-aimé', 
implorent  [lour  le  pardon  des  pécheurs  au  moment  où  va  être  prononcée 
la  sentence  sans  appel.  Comme  Marie,  suivant  les  récits  qui  pullulèrent 
alors  et  où  .se  complut  l'exégèse  tendrement  optimiste  du  peuple,  avait 
pris   la  plac(>  de   la    nonne   infidèle   et   volage,  et  accompli   dans   l'inté- 

I.  A  Reims,  et  (lueliniefois  dans  l"Est,  .sans  doule  suiis  une  inlliience  germanique,  saint 
Jean  est  remplacé  par  saint  Jean-Baptisle. 


l'.ll  HISTOIRE  DK  I.AliT 

rieur  du  couvenl  loulcs  les  làclies  (|ue  la  fugilive  avail  aliaiidonnécs,  pour 
lui  laisser  le  temps  du  repentir  et  du  retour;  comme  elle  avait  soutenu 
sur  la  corde  de  la  potence  le  voleur  qui  allait  mourir  sans  repentir,  c'est- 
à-dire  sans  pardon,  il  parut  nécessaire  et  conforme  à  sa  mission  qu'à 
l'heure  terrible  oii  la  justice  et  la  colère  divine  demandaient  compte  à 
(ous  les  hommes  de  l'emploi  qu'ils  avaieni  l'ail  de  la  vie  (pii  leur  avait 
été  donnée  et  des  moyens  de  grâce  qui  leur  avaicnl  été  ofTerls,  la  média- 
trice inlinimcnt  indulgente  et  secouralilc  inlcrvinl  une  dernière  fois, 
assistée  de  celui  que  le  Maître  expirant  sur  la  croix  lui  avait  légué  comme 
un  fds.  Au-dessous  du  Juge,  l'archange  saint  Michel  pèse  dans  sa  balance 
les  ûmes  inégales,  et  la  séparation  des  bons  et  des  méchanis  se  fait  à  sa 
droite  et  à  sa  gauche.  Les  élus  entrent,  les  mains  jointes  et  le  front 
ladieux,  conduits  par  des  anges,  dans  la  gloire  de  la  Jérusalem  céleste; 
les  maudits  sont  précipités  dans  la  gueule  ouverte  de  Léviathan  qui  est 
l'enfer.  Dans  les  voussures,  la  scène  se  continue;  les  anges,  les  chérubins, 
les  vierges,  les  confesseurs  et  les  martyrs  assistent,  aux  balcons  du  ciel,  à 
l'arrivée  des  élus  ;  les  anges  psychopompes  portent  à  Abraham,  qui  les 
reçoit  dans  son  sein,  les  précieux  fardeaux  qui  leur  sont  confiés;  quelque- 
!  fois,  à  Notre-Dame  de  Paris  par  exemple,  les  chevaux  de  l'Apocalypse 
/  passent  dans  un  galop  furieux,  comme  un  rappel  de  l'ancien  thème  icono- 
f    graphique  dont  le  scénario  était  emi)runté  à  la  vision  de  saint  Jean. 

C'est  autour  de  ce  motif  central  que  s'ordonna  tout  le  poème  mys- 
tique, toute  la  représentation  historique,  morale,  symbolique  cl  encyclo- 
pédique que  les  imagiers  du  xiii'  siècle  eurent  à  mettre  en  œuvre.  Dans 
l'unité  |)roronde  de  l'inspiration  cl  de  la  doctrine  communes,  il  y  eut  une 
grande  variété  de  dispositifs  architectoniques  et  d'interprétations  plas- 
tiques. D'un  bout  à  l'autre  du  siècle,  on  constate  dans  l'évolution  géné- 
rale du  style,  dans  la  recherche  de  l'e.xpression  et  du  mouvement,  l'action 
de  plus  en  plus  reconnaissable  d'un  sentiment  nouveau,  et  comme  une 
émancipation  progressive  de  l'artiste. 

La  TRANsrnoN'  du  «  roman»  al"  <■  gothiole  ».  —  Parler  de  transition 
du  «  roman  »  au  «'  gothique  »,  comme  du  passage  d'un  certain  état  existant 
en  soi  à  un  autre  état,  c'est  presque  faire  de  la  métaphysique  et  créer  des 
entités  qui  sont  l'œuvre  de  notre  esprit  beaucoup  plus  que  des  réalités 
vivantes.  Du  xii"  au  xiii"  siècle,  et  des  ateliers  de  Bourgogne,  de  Langue- 
doc, de  Saintonge  et  de  Poitou  à  ceux  de  l'Ile-de-France,  une  évolution  se 
'  fit,  dont  on  distingue  très  nettement  le  caractère  quand  on   compare  le 

L point  de  départ  au  point  d'arrivée  et  le  tympan  de  Vézelay  par  exemple 
au  tympan  de  la  porte  de  la  Vierge  à  Notre-Dame  de  Paris  ;  mais  il  est 
plus  difficile  de  marquer  avec  une  précision  certaine  tous  les  moments  et 
les  dates  de  cette  transformation.    Ce   qui  la   caractérise,    c'est   d'abord 


FORMATION  ET  I)f:VELOPPE.MEXT  DE  LA  SCIEPTURE  flOTIIIQrE    l."l 

raH(''iui;ili(Mi,  |Miis  la  siipprcssidii  Graduelle  de  luus  les  |)arlis  pris  roincii- 
limiiicls  i|ii!  s'('l,uciil  (''lalilis  dans  les  aleliersd'Autun,  de  Vézelay,  de  Mois- 
sae,  de   Tunlouse.   A  inesuic  ([u'dii  approelie  d'a\anlaa-e  du  xiii'  sièele,  la    / 
draperie  leiid  à  devenir  plus  simple,  les  alliludcs  plus  nalurelles,   le  slyle  y 


moins  conlourné;  une  sorte  d'apaisement  se  produit.  Par  quelles  voies  sest 


llir.lr.il,-   .lu   M.-iii-. 


faite  celle  I  i  ansl'oi'inal  ion  ■'  A  (pu'lle  ép(Mpn'  préeise?  Si  l'on  admellail 
pour  le  porlail  laliTal  de  Saiul-.l  nlien  du  Mans  la  dale  propos(''e  jiar 
M.  Fleury  ci  (pie,  ant(''ii('nres  au  |iorclie  proprenieiil  dil,  les  slal  ues  ipii 
décorent  les  pii'droils.  les  has-rolict's  des  tympans  el  les  liiiuriiu's  d(>s 
voussuies  aient  pu  iHre  en  place  dès  I  157,  ce  monument  [)rendi'ait  une 
importance  singulière.  Non  seulemeid  11  aui'ail  précédé  Saint-Denis  el 
Charires,  mais  il  présenterai!,  par  la  juxlaposillon  de  la  o-rande  ligure  à 
demi-reliel' encastrée  au  moulant  delà  [lurle  avec  les  slalues-colonnes  des 


1Ô2  HISTOIRE   DE  L'ART 

éhrascmcnls,  un  disposilif  très  intrrcssanl  cl  doiil  à  la  poiic  seittcnlrio- 
nalc  delà  calhcdralede  Tournai  (porte  Mantille),  à  Nolre-Dame-de-Vaux 
de  Chàlons,  peut-tMre  h  Sainl-Ayoul  de  Provins,  on  retrouverait  des  simi- 
laires. La  transition  du  bas-relief  à  la  statue  s'y  opère  logiquement.  Les 
ligures  plaies  qui,  aux  piliers  des  cloîtres  comme  à  Moissac,  aux  façades 
des  églises  comme  à  Azay-le-Rideau,  à  Saint-Jouin  de  Marne,  ou  bien 
encore  aux  montants  des  portails  comme  à  San  licmo  de  \'éronc  ou  à 
Ferrare,  étaient  simplement  plaquées  au  mur,  s'incorporent  à  farchilcc- 
,  turc  et  s'unissent  à  son  organisme,  à  mesure  que  se  développe  le  type 
nouveau  des  portails  images.  Étroitement  limitées  d'abord  aux  dimen- 
sions même  de  la  colonne  où  elles  sont  adossées,  mesurant  leur  attitude 
et  leurs  gestes  à  la  rigidité  impérieuse  de  ce  support  exigu,  elles  tendront, 
dès  le  xiii"  siècle,  non  pas  encore  à  s'en  affranchir,  mais  à  s'y  accom- 
;  moder  plus  librement;  elles  y  vivront  d'une  vie  plus  indépendante  jusqu'au 
'  jour  où  elles  rejetteront  complètement  le  tuteur  devenu  incommode  pour 
leurs  draperies  plus  amples  et  leurs  gestes  plus  animés. 

Mais  peut-on  admettre  pour  le  portail  du  Mans  la  date  de  1157.'  Elle 
iiaraîlra  un  peu  prématurée  sans  doute;  moins  invraisemblable  toutefois 
que  celle  du  commencement  du  xin.  i)roposéc  en  ces  dernières  années  pour 
la  façade  occidentale  de  Chartres. 

C'est  un  grand  malheur  qu'il  ne  reste  rien  à  Saint-Denis  de  l'étal 
ancien  des  trois  portes  de  Suger.  Dans  la  description  qu'il  a  lui-même 
écrite  de  sa  chère  basilique  royale,  il  parle  avec  grands  détails  de  cer- 
taines parties  de  la  construction  et  du  décor  dont  il  fui  l'ordonnateur, 
mais  il  reste  beaucoup  trop  laconique  à  notre  gré  sur  beaucoup  d'autres 
points.  Il  dit  expressément  qu'il  pourvut  lui-même  à  l'ouverture  des  trois 
portes,  comme  à  l'agrandissement  de  la  nef  et  de  l'entrée  de  l'église  :  in 
ampli ficdlumc  covporis  ccdesiac  <i  inlroiliis:  cl  valvannii  Iripiicntionc.  Ces 
portes,  il  en  fil  exécuter  les  vantaux  de  bronze  où  la  Passion,  l'Ascension 
et  la  Résurrection  du  Sauveur  étaient  représentées:  mais  il  ne  dit  rien 
expressément  des  statues  qui,  au  témoignage  de  Félibien  cl  des  dessins 
exécutés  pour  Montfaucon,  décoraient  les  piédroits.  IV(//v/.s  siiiniilrm  priiici- 
IKih'x.  (iccif:is  fusdiiliiis  ri  rkriis  sculploribus ,  iiiullis  r.rpciisis.  niullu  suiiiplii  in 
ranini  (lccuralii}in\  ni  nohili  potiiciii  conveniebal,  cir.rinuis.  Faut-il  entendre 
ce  texte  au  sens  étroit  et  l'appliquer  aux  seuls  vantaux  des  portes,  comme 
on  a  voulu  le  faire  pour  en  tirer  argument  contre  la  possibilité  de  l'exis- 
tence, à  la  date  de  lliO,  d'un  tel  ensemble  de  sculpture  monumentale? 
N'est-il  pas  plus  vraisemblable  que  ces  sculpteurs,  choisis  par  Suger,  ne 
le  furent  pas  seulement  pour  préparer  le  travail  des  fondeurs  et  que  ce 
noble  portique  auquel  il  avait  donné  tant  de  soins,  fut  pourvu  par  lui  de 
tout  le  décor  plastique  dont  la  tradition  lui  fit  toujours  honneur? 

.\ce  décorde  sculpture  et  de  statuaire,  il  lit  pourtant  "  conlraircmeut 


FORMATION  ET  r)É\ELOPPEMENT  DE  l.A  SCULPTURE  GOTHIQUE     155 

à  l'usage  nouveau  »,  une  dérogation  en  dccidanl  qu'au  lynipan  de  la  porte 
de  gauche,  on  placerait  une  mosaïque  au  lieu  d'un  bas-relief,  et  il  a  eu  soin 
de  noter  lui-même  ce  détail.  Mais  dans  l'état  oi^i  les  révolutions,  le 
temps  et  les  restaurateurs  nous  ont  livré  le  monument,  il  est  devenu 
impossible  de  l'interroger  directement  pour  essayer  de  déchiffrer  le  secret 
de  son  histoire.  Les  quelques  têtes  recueillies  au  Musée  du  Louvre  dans 
les  anciens  chantiers  de  la  basilique  et  qui  paraissent  avoir  appartenu  à 
une  série  des  vieillards  de  l'Apocalypse,  sont  d'époques  ditTérentes,  allant 
du  commencement  à  la  seconde  moitié  et  même  à  la  lin  du  xif  siècle,  cl 
il  n'est  pas  dit  qu'elles  proviennent  toutes  du  monument  lui-même.  Les 
dessins  de  Montfaucon  donnent  l'impression  de  statues  de  style  intermé- 
diaire entre  celles  qui  sont  placées  aux  piédroits  extrêmes  des  portes  laté- 
rales et  celles  de  la  porte  centrale  de  la  façade  occidentale  de  Chartres  :  quel- 
ques-unes ont  les  jambes  bizarrement  croisées,  comme  on  en  voit  sur 
certains  ivoires  allemands,  dans  les  sculptures  de  Moissac,  à  Toulouse,  à 
Carennac,  au  linteau  de  la  porte  centrale  de  Chartres  et  jusqu'au  portail 
de  Senlis.  Mais  l'interprétation  qu'en  a  donnée  le  dessinateur  du  xvu'"  siè- 
cle ne  permet  plus  de  se  rendre  compte  exactement  de  la  facture  et  de 
l'expression  des  têtes....  On  en  est  donc  réduit  à  dire  qu'il  paraît  vraisem- 
blable que  ce  grand  chantier  de  Saint-Denis  fut.  pour  la  sculpture  monu- 
mentale comme  pour  l'architecture,  l'atelier  décisif  dans  l'élaboration  et, 
si  l'on  peut  dire,  la  proclamation  du  style  nouveau.  C'est  là  que  la  croisée 
d'ogive,  après  une  période  d'obscure  incubation  et  de  tâtonnements,  fit 
vraiment  son  apparition  et  comme  sa  démonstration  oflicielle  et  solen- 
nelle. Suger  avait,  de  tous  les  points  du  royaume  et  même  de  la  chré- 
tienté, convoqué  tous  ceux  qui  pouvaient  collaborer  dignement  à  l'édi- 
fication et  à  l'ornement  du  temple  dont  il  voulait  faire  la  maison  royale 
de  la  divinité,  et  au  sujet  duquel  il  soutint  contre  saint  Bernard  une  polé- 
mique célèbre:  il  serait  bien  étonnant  rpie  seuls  parmi  les  artistes  du 
temps,  les  sculplours  aient  été  laissés  de  c(Ué.  Si  les  statues  dont  nous 
n'avons  plus  que  le  dessin  ne  décoraient  pas  les  abords  du  ><  noble  por- 
tique »,  le  jour  où  Suger  procéda  à  sa  consécration,  elles  ne  durent  guère 
tarder  à  y  prendre  place.  M.  W.  Vôge  a  très  ingénieusement  remarqué, 
dans  les  indications  fournies  sur  ces  statues  par  les  dessins  de  Mont- 
faucon,  des  vesliges  d'iniluences  languedociennes;  et  l'une  des  raisons 
de  résister  à  l'hypothèse  que  les  ateliers  de  Saint-Denis  auraient  en 
cfTet  contenu  et  comme  amalgamé  dans  le  style  nouveau  des  éléments 
toulousains  et  bourguignons,  est  sans  doute  qu'elle  est  trop  sédui- 
sante. 

A  défaut  de  Saint-Denis,  on  peut  du  moins  étudier  et  suivre  à  Etani- 
pes,  à  Bourges,  à  Chartres,  à  Saint-Maurice  d'Angers,  et  dans  une  série 
d'éarlises  comme  Saint-Avoul  de  Provins,  Notre-Dame  de  Chàlons.  \'er- 


HISTOIHE  DK   I/AHT 


luenlon,  clc,  clc.  les  progrès  de  1  :iiiii''ii;it;(;nic'iil  des  [lorhiils  à  sl;iliics 
cl  la  l'orinalion  du  slylc  inoiiumcnhd  (|iii.  après  avoir  élé,  à  ses  débuts, 
tributaire  des  écoles  de  Ijoui'goyne  el  de  Languedoc  alors  dans  le  pre- 
nii(n' éclal  de  leur  (''|iaii(iuisscinenl  ])r(''eoee,  ne  tarda  pas  à  les  inllueneei' 
à  son  tour. 

Le  cœur  de  celle  (Hude  esl  aujourd'hui  à  C-barlres.  C'est  là  que  le 
style  nouveau  se  manil'csle  avec  le  plus  d'ampleur 
et  de  puissance,  c'est  là  qu'il  rencontra  dans  un 
atelier  qui  comptait  les  premiers  artistes  du  li  lups. 
les  interprètes  les  plus  remarquables.  On  iieut 
expliquer  de  deux  façons  l'inégalité  frajipanle  de 
facture  et  surtout  de  mérite  que  l'on  remarque 
entre  les  statues  des  parties  extrêmes  des  portes 
latérales  et  celles  du  portail  central  :  ou  bien  des 
sculpteurs  d'âge  et  de  talent  très  différents  ont 
collaboré  à  la  même  épofpie,  à  la  même  (eu\re,  nu 
bien  cette  (i'u\re  a  (''lé  t'onduite  par  étapes  et 
c''p()(|ues  successives,  et  il  n'est  jias  inipossilile  ipie 
b's  deux  explications  soient  bonnes;  il  y  cul  dans 
1(^  chantier  des  ouvriers  d'habileté  inégale,  d'âge 
différent  et  ces  ouvriers  n'achevèrent  pas  d'un  seul 
coup  le  travail.  On  pourrait,  à  ne  considérer  que  le 
style,  y  compter  au  moins  deux  moments  successifs  ; 
les  plus  anciennes  figures  seraient  celles  des  por- 
tails latéraux  (dont  les  auteurs  allèrent  sans  doute 
ensuite  travailler  à  Étampes)  et  quelques-unes  des 
ligurines  encastrées  aux  montants  des  trois  portes  ; 
les  statues  du  portail  central  et  celles  (pii  les  avoi- 
sinent  marqueraierd  l'apogée  de  cet  art.  Dans  les 
statues  latérales,  il  lesfe  encore  empêtré  dans  des 

I  „,  ;i(i      sh ii.i.iii.        fornrules  de  draperies  conventionnelles;  il  n'arrive 

,1,,  (,,ii„.ii.  pas  a  s  en  dégager,  même  quand  it  copie  tes  cos- 

(i',a„iH|u.' ,!e  N.nii  iiriii- ,  juincs  cout cmporai US .  Au  portail  central,  le  style 
n'a  plus  guère  de  rigidité  (pic  celle  qui  résulte  de  l'étroite  accommodation 
des  statues  à  la  colonne.  Tous  les  détails  du  costume  et  de  la  coiffure, 
les  manches  pendantes  cl  les  longues  tresses  —  si  souvent  condamnées 
par  les  |nédicalcurs  (xunuie  une  mode  immodeste  el  (pie  I'imi  \il  plus 
d'une  fois  de  Indlcs  dames,  émues  par  un  sermon,  aller  offrir  en  exj)iation 
aux  ciseaux  de  l'cvcque  —  sont  dune  linesse  d'exécution  exacte  cl  pré- 
,  cieuse.  Ouanl  aux  ligures,  elles  ont  l'accent  même  de  la  vie  :  avec  leurs 
'yeux  aux  pi'uuellcs  ouvertes,  leur  sourii-e  et  leur  visage  d'une  indi\i- 
(Uudili''  si  uKir(|ui''e,  elles  formeiil  dans  l'hisloii-e  de  la  sculpture  un  groupe 


FORMATKJX  ETÎDÉVKLOPPE.Mi:XT  Dl-    LA  SCULPTURE  GOTHIOUE     15'> 


vraiiiienl  oxceplionnol.  (le  qu'elles  y  représeiileiil,  celle  sorte  de  réalisme 
curieux,  incisif  et  primesaulier,  ne  s'était  pas  encore  rencontré  à  ce  degré 
dans  l'art  antérieur  et  ne  se  retrouvera  guère  avec  une  pareille  intensité 
dans  la  suite.  Déjà  à  Corbeil,  dans  les  deux  belles  stalues  longtemps 
connues  sous  les  noms  de  Clovis  el  de  Clnlilde  —  et  qui  n'étaient  que  des 
rois  du  liber  generationis  — 
l'acuité  de  l'accent  s'atténue. 

Les  vieillards  de  l'Apo- 
calypse, debout  à  la  retombée 
des  voussures  de  la  porte 
centrale,  pourraient  presque 
inarquer  une  troisième  étape 
el  représenter  l'époque  inter- 
médiaire entre  l'art  de  Char- 
tres à  sa  première  période 
(entre  Hi5-li00  environ') 
d'une  part  et  les  années  d'ac- 
tivité iëconde  qui  suivirent 
l'inccntlie  de  H!)4  et  virent,  au 
début  du  xiif  siècle, construire 
et  décorer  les  portes  des  tran- 
septs, et  d'abord  celles  du 
transept  septentrional. 

Nous  axons  au  (pi'oii 
])Ourrail  délinir  les  tendances 
directrices  de  l'évoluliiiii  (pii 
s'accomplit  culrr  ces  deux 
époques  en  disant  qu'elles 
provoquèrent  l'élimination 
graduelle  de  tout  ce  qui,  dans 
les  traditions  des  ateliers  an- 
térieurs, n'était  plus  cpie  la 
répétition  stéréotypée  d'an- 
ciens modèles  imités  servilement,  inconsciemnirnl  li('-iil(''s  >;m-  iHMiéfîce 
d  inventaire  :  par  exemple,  ces  brusqu(.'s  retroussis  du  Imrd  iiiterii'ur  des 
draperies,  manteaux  ou  tuni(pies,  (Mnpiunt(''s  d'aiiord  aux  miniatures 
byzantines  et  dont  on  Acrra  la  ti-adition  s'attarder  dans  ([nr!(|iii's  détails 
de  la  porte  Sainte-Anne  à  Notre-Danu'  de  l'aria  niiuileaiix  des  deux 
anges  qui  encensent  la  .Madone  au  tympan,  el  de  lange  de  l'Annoncia- 
tion au  linteaui.  (In  dirait  ([ue  du  jour  où  l'on  s'a\isa  de  clier(dier  dans 
la  flore  naturcdie.  jiour  les  substituer  au  répertoire  conqjosite  de  la  gram- 
maire ornementale  ins(pie-là  usitée.  Icjus   les   édémenls   de    la   scul])lure 


I).ime 


I  :,r, 


HISTOIRE  DF.  L'ART 


(lci-(jrali\r  !i'l  les  \i()lciilrs  înliiHuir^hil  ions  de  s;iiiil  lirniniil  nr  l'ui'i'iil 
pcut-èlrp  pas  élrangères  à  celte  Iranslormalioiii,  le  goùl  de  plus  en  plus 
efficace  de  la  simplicité  s'éveilla  dans  les  esprits;  l'œil  appi'it  à  regarder 
la  naUii'e,  il  de\iul  scnsililc  à  la  tiràce  vivanle  cl  des  d(^slinées  nouvelles 
s'iHurirenl  à  l'acl  des  imagiers. 

l'our  martpier  les  étapes  de  celle  évokilif)n  deiiuis  les  ligures  les 
plus  archaïques  d'Etampcs,  sœurs  de  celles  de  Chartres,  jusqu'aux  tym- 
pans du  Couronnement  de  la  Merge  et  aux  figures  des  prophètes  du  tran- 
sept septentrional,  c'est-à-dire  de  1 1  i')  environ  aux  premières  années  du 


i-tiut  (le  la  uoiimi  des  M   II 

l.c  i;iiri-l  cil  niaje^lé.  Tympan  ceiiti-aj  de  la  l'açado  occiiJeiitale 
di'  la  liasili(iuo  df  Chartres. 


xiiT  siècle,  on  lr(>n\erail  à  Charties  même,  à  ('orbeil,  à  Notre-Dame  de 
l^aris,à  la  callii'drale  el  à  Saint-Hemi  de  Heims,à  Saint-Yved  de  Braisne, 
à  Sens,  à  Laon  cl  à  Scnlis  des  témoins  signilicatifs.  Au  tympan  de  la 
porte  centrale  de  Chartres,  le  Christ  en  majesté  est  déjà  le  précurseur  du 
(^irisl  enseignant  du  transept  méridional.  La  tète  est  d'une  individualité 
fortement  et  simplement  soulignée;  on  y  retrouve,  mais  épuré,  assoupli 
et  paré  d'une  beauté  nouvelle,  le  ty[)e  dont  l'ivoire  de  la  collection  Spitzer 
el  le  tympan  de  .Moissac  offraient  le  modèle  plus  barbare;  le  vêtement  à 
plis  serrés  colle  au  corps  ipi'il  recouvre  tout  entier  el  dont  il  dessine 
les  formes.  La  direction  des  plis,  en  dépit  du  parti  pris  triangulaire  qui 
se  prolongera  assez  longtemps  encore,  est  normale  et  suit  logiquement 
les  indications  du  geste.  Ce  qui  reste   d'archaïsme    dans   le    tuyaulé   du 


FORMATION  ET  nKVRI.OPPEMENT  DE  LA  SCUI.PTl'RE  GOTIIIOLE     ir.7 


lioid  iiirérieur  de  la  lungiie  liiniquc 
donne  au  style  encore  plus  d'élégance 
nerveuse  que  de  sécheresse.  Les  apôtres 
alignés  au  linteau,  et  qui  furent  certaine- 
ment l'œuvre  dun  sculpteur  plus  attardé 
dans  les  traditions  anciennes,  conlrastenl 
de  la  façon  la  plus  instructive  avec  les 
admirables  vieillards  de  l'Apocalypse, 
debout  à  la  naissance  des  \oussur(\s. 
Ceux-ci  marquiMit  le  poini  culminant  de 
l'atelier  qui  travailla  à  ce  jiorlail  :  fierté 
de  l'allure,  liberté  de  la  facture,  person- 
nalité et  grandeur  de  l'expression,  toul 
en  eux  témoigne  d'un  art  déjà  mfir  pour 
les  chefs-d'œuvre. 

La  Vierge  assise  au  tympan  de  la 
porte  voisine,  et  dans  laf|ui'lle  M.  .Mau- 
rice Lanore  veut,  non  sans  vraisem- 
blance, reconnaître  celle  que  l'archi- 
diacre Riclier,  mort  en  lloO,  avait  offerte 
itour    décorer    Ypiilrée  de    r(''glise,   est    au 


Pli,,l    ,li-  la  l.,.iiiiii    dl•^  M    II 

-  T\  nipan  (le  la  porte  S.Tinlo-Aiine 
iXdlre-Dame  (le  Paris). 


Phol   Trompellc. 
FiG.  9i.  —  ÉvOqiie  et  deux  acolytes.  Bas-relief 
de  la  porte  romane  de  la  cathédrale  de  Reims. 

église  de  la  \'ierge  cpii  ilisparul  a\ei 


I  d  un  maîlre  phi-^  avance  ou 
plus  génial  que  l'aulrur  ou  les  au- 
teurs des  deux  i-egisires  de  iias- 
reliefs  au-dessus  desquels  elle  est 
jilacée.  Le  raccord  maladroit  di-s 
diverses  parties  de  la  composition 
moins  encore  que  la  différence  du 
style,  le  module  inégal  des  lèle> 
léinoigncnt  de  celle  inlervcnlioii 
d'artistes  difTérenls;  el  les  allé- 
gories des  arts  libéraux  révèlenl 
encore  d'autres  nuances  (Tr^'en- 
tion. 

A  Notre-Dame  de  Paris,  la 
Vierge  de  la  porte  Sainte-Anne  es! 
comme  la  so:'ur  jumelle  de  celle  de 
C.harlri^s.  (Mi  l'avait  longtemps 
considérée  eommt^  eontenqtoraiiie 
des  travaux  (pie  l'arcliidiaerr 
l'iliennc  de  (îarlande  lit  exécuter, 
eiilie  IITir)  el  \\W.  à  l'ancienne 
■glise  v()i-^ille  de  Saiiil-Llieniie  pour 
r.  11.  -    18 


IIISTOini".  I)K  I.AliT 


l'aire  place  à  la  ii<.u\cilc  rallirdi'alc,  ci  (•'(•lail  sans  doulr  la  \irillii'  iiii  jicu 
trop.  M.  de  Lasleyrie  la  considère  comme  postérieure  à  1180,  ce  qui  est 
peut-être  la  rajeunir  un  peu  trop  aussi,  surtout  si  l'on  admet,  avec 
M.  Mortel,  que  le  tympan  de  la  porte  septentrionale  de  la  même  façade 
ait  pu  être  en  place  dès  1210.  Dans  révolution  générale  de  la  sculpture 
française  au  cours  de  la  seconde  moitii-  du  xii'  siècle,  la  Vierge  romane 
de  Paris  devrait  lofiiquemenl  se  placer  plusieurs  années  avant  celle  qui 
a  été  encastrée  aux  murs  du  transept  septentrional  de  la  cathédrale  de 

Heims  et  qui  provient  vraisemblable- 
ment d'un  tombeau,  ainsi  que  l'a  in- 
iicMiicuscment   supposé    Mlle    Louise 
riilion  cl  comme   semblent   le  prou- 
\er   les    anges   psychophores    et    les 
rl.rcs  pi-océdant  aux  rites  funéraires 
qui     l'entourent.      Si    l'on    compare 
celle-ci  aux   culs-de-lampe  de  Saint- 
liemi  de  Reims  qui  ne  sauraient  être 
liostérieurs  à  ■1181,  —  s'ils  sont  con- 
temporains   de    l'architecture    à     la- 
(pielle  ils  sont  incorporés  et  (pii  date 
de  Pierre   de   Celles   (1102-1181).  — 
on  ne  saurait  la  situer  beaucoup  plus 
avant  dans  le  xu'  siècle.  Mais  il  faut 
avouer  que  nous  en  sommes  encore 
léduits,  à  dix  ou  vingt  ans  près,  à  des 
approximations  un  peu  flottantes.  Il  y 
eut  des  ateliers  retardataires  qui  con- 
tinuèrent jusqu'à  la  fin  du  xu"  siècle 
un  style  déjà  dépassé  par  les  maîtres 
précurseurs  des  chefs-d'œuvre  du  xiii' . 
Encore  faut-il  ne  pas  resserrer  dans 
un  espace  invraisi^mblaidcment  restreint  la  gestation  de  tout  ce  que  le 
xui"  siècle  allait  dès  ses  débuts  réaliser  de  chefs-d'œuvre  et  qui  ne  saurait 
s'être  élaboré  en  moins  de  temps  qu'il  n'en  fallut  à  la  sculpture  grecque 
pour  évoluer  du  slyle  éginétique  à  celui  du  Parthénon.  La  crise  de  rajeu- 
nissement cpii  a  sini  en  ces  dernières  années   dans  l'archéologie  romane 
nous  amènerait  à  conclure  que  la  France  —  après  avoir  été  en  relard  sur 
l'Italie,  l'Espagne  et  l'Allemagne  pendant  tout  le  xu"  siècle,  —  improvisa 
tout  à  coup  des  chefs-d'œuvre  et  passa  en  quelques  années  du  style  du 
portail  royal  de  Chartres  à  celui  du  tympan  de  la  Vierge  de  Paris  (fig.  99) 
ou  du  saint  Firmin  d'Amiens.  Cela  est  tout  de  même  difficile  à  accepter. 
Il  n'est  pas  arbitraire   de    rappeler  à    propos  de  cet  art  français  le 


■  Cul-delampe  du  cluKur  de  Saiiit-Rù 
de  Reims. 


FORMATION  ET  DEVELOPPEMENT  DE  LA  SCLEPTURE  GOTIIIOUE    lô'J 


souvenir  de  la  sculpture  grecque  telle  (|u'elle  se  couipoiia  entre  le  vieux 
temple  d'Alhéna  et  le  Parthénon  de  Pliidias.  Ce  n'est  certes  pas  que  l'on 
puisse  supposer  une  action  directe  de  lune  à  l'autre  et  une  imitation 
consciente  de  la  part  des  maîtres  français;  mais  il  faut  croire  que  des  lois, 
constantes  à  travers  les  civilisations  et  les  croyances  changeantes,  prési- 
dent à  l'évolution  de  l'organisme  vivant  qu'est  une  école  d'art.  (Jue  l'on 
examine  la  facture  de  l'admirable  tête  de  scribe,  assis  à  l'angle  gauche  du 
tympan  de  la  porte  de  Sainte-Anne,  occupé  à  transcrire  l'acte  de  dona- 
tion où  interviennent  sans  doute  Maurice  de  Sully  et  Louis  VU,  et  qu'on 
la  compare  à  la  tête  de  YHcraklcs  conihaltant  le  Umreau  Cretois  de  la  métope 
d'Olympie  :  facture  par  masses  simplifiées  de  la  barbe,  construction  du 
visage  par  larges  plans  sur  une 
armature  osseuse  fortement 
accusée,  les  <'  procédés  »  sont 
presque  identiques,  si  l'expres- 
sion d'ailleurs  est  fort  diffé- 
rente. Les  analogies  ne  sont 
pas  moins  frappantes  si  l'on 
compare  d'une  part  les  dra- 
peries des  statues-colonnes  de 
Chartres  et  de  Corbeil  avec 
celles  du  tympan  de  la  Vierge 
à  Notre-Dame  de  Paris  ou  de  la 
Visitation  de  Reims  et,  d'autre 
part,  celles  des  statues  fémi- 
nines découvertes  dans  les 
fouilles  de  l'Acropole  d'avant 
les    guerres    médiques      avec 

celles  de  la  frise  des  Panathénées  ou  des  Parques  du  fronton.  Des  unes 
aux  autres,  la  progresion  fut  la  même  ou  plutôt  s'accomplit  d'après  le 
même  rythme. 

La  Vierge  du  tympan  de  Heims  est  connue  à  la  limite  extrême  des 
teuq)s  "  romans  »  et  de  l'épotpie  <<  gothique  »  ;  elle  peut  servir  à  marcjucr 
la  transition;  on  dirait  presque  qu'elle  nous  y  fait  assister.  Le  style  de 
ses  draperies,  encore  anguleux  et  tendu,  s'anime  pourtant,  comme  son 
corps  lui-même;  elle  n'est  plus  seulement  le  siège  de  l'enfant  Dieu,  <>  le 
trône  de  Salomon  »  ;  elle  a  pris  son  (ils  sur  le  bras  droit  d'un  geste  non 
plus  sacerdotal,  mais  déjà  jiresque  malermi...  I-^lle  ne  reparaîtra  plus 
dès  lors  aux  tympans  des  cathédrales  que  pour  y  èhc  couronnée  par  Jésus 
ou  intercéder  près  de  lui  à  l'heure  du  Jugement  dernier. 

Au  moment  oîi  furent  sculptées,  à  l'extrême  lin  thi  xu  siècle,  des 
ligures  comme  celles  de  Saint- Yved  de  Braisne  (jui  se  ratlaeiienl,  avec  un 


l'hul.  Martin  Sabon 

de  la  porle  Sainte-Anne 
■  .1,-  Paris. 


110  HISTOIRE  Dtl  LAHT 

peu  plus  de  souplesse  dans  les  dni[)eries  h,  eelles  du  lynipuu  roman  de 
lieims,  le  slyle  du  xm'  siècle  esl  né.  Nous  allons  le  voir  évoluer,  au 
cours  de  ce  siècle  si  fécond  en  chefs-d'œuvre,  jusqu'au  moment  où  se 
manifeslcrenL  les  premiers  symplômes  de  la  Iransformation  profonde  (pii 
s'accomplira  à  l'époque  suivante. 

La  STATiAiriE  DES  GRANDES  CATiiÉDUALES.  —  Si  l'on  voulail  analyser 
une  à  une  les  slalues  qui  composent  le  peuple  innombrable  qui  vit  aux 
murs  des  cathédrales,  on  viendrait  difficilement  à  bout  de  ce  dénombre- 
ment, et  l'on  courrait  le  risque  de  n'aboutir  qu'à  de  longues  et  sèclies 
énumérations.  Et  d'aulre  part,  à  tâcher  de  définir  en  leurs  moindres  parti- 
cularités les  styles  ou  les  nuances  de  slylc  qu'on  y  relève,  à  classer  rigou- 
reusement, d'après  les  indications  de  la  draperie  et  le  module  des  figures, 
les  différentes  «  écoles  »  qui  travaillèrent  au  grand  œuvre,  on  risquerait 
de  réduire  à  des  formules  abstraites  un  art  qui  fut  entre  tous  humain  et 
expressif.  Il  faut,  dans  une  histoire  générale,  se  résoudre  à  sacrifier  beau- 
coup de  détails  pour  concentrer  sur  quelques  types  particulièrement 
représentatifs  les  explications  ou  définitions  essentielles. 

Dans  les  chantiers  où  les  imagiers  travaillaient  à  pied  d'œuvrc,  la  vie 
devait  être  intense  et  les  propos  divers.  Nous  cherchons  à  travers  les 
siècles  à  démêler  les  sources  de  l'inspiration,  les  origines  et  les  éléments 
du  style,  et  nous  tendons  à  créer  des  entités  métaphysiques  que  nous 
substituons  insensiblement  dans  notre  déterminisme  scolastique  à  la 
réalité  vivante  et  riche  (|ui  nous  échappe.  Il  y  eut  sans  doute  des  modèles 
que  l'on  se  transmettait  d'atelier  à  atelier,  des  recueils  de  dessins,  de 
(<  patrons  ..  tirés  des  miniatures,  sortes  de  petits  «  corpus  »  à  l'usage  des 
tailleurs  d'iuuiges;  il  y  eut  des  recettes  écrites  ou  réduites  en  formules 
graphiques  ou  géométriques,  comme  l'album  de  Villard  de  Honnecourt 
nous  permet  d'en  entrevoir  (luelques-unes;  il  y  eut  l'influence  des  ivoires 
bvzanlins  de  la  plus  belle  épu([ue,  où  (pirlqne  clinx'  de  la  Ijeauté  aniiipie 
revivait  en  de  petits  bas-reliefs  portatifs  et  sous  la  consécration  chré- 
tienne et  (pii,  rapportés  en  grand  nondue  ;q)rès  la  prise  de  Constanti- 
nople  en  l'JOi,  introduisirent  dans  les  trésors  d'églises  et  dans  les  chan- 
tiers d'admirables  modèles;....  mais  il  y  eut  aussi  l'observation  directe  et 
personnelle  d'artisans  dont  les  yeux  et  l'esprit  s'étaient  ouverts  à  la 
beauté;  il  y  eut  la  nature  à  côté  des  "  modèles  »  plastiques,  le  génie  à 
côté  et  au-dessus  des  indications  et  directions  transmises,  et  de  tout  cela 
—  sous  la  discipline  du  maître  de  l'œuvre,  sous  la  sollicitation  du  grand 
monument  qui  règle  et  alimente  de  sa  propre  vie  organique  les  statues 
qui  le  complètent  et  l'animent,  sous  l'autorité  de  la  doctrine  de  plus  en 
plus  librement  interprétée  mais  toujours  efficace  —  se  forma  la  plus 
admirable  scul}iture  monumentale  qui  ail  jiaru  dans  le  monde  depuis  la 


FORMATION  ET  DÉVEl.OPPEME.^T  DE  LA  SCUEPTIHE  (iOTIllOUE    111 

Grèce  anliquc.  Comme  elle  esl  groupée  el  évolue,  si  l'on  peuL  dire, 
autour  de  quel([ues  thèmes  iconographiques,  nous  essaierons  de  montrer 
en  même  temps  par  quelques  exemples  l'évolution  de  chacun  de  ces 
Ihèmes,  de  lart  qui  les  interprète  et  des  styles  qui  s'y  révèlent,  et  nous 
aurons  ainsi  à  noter  chemin  faisant  les  influences  exercées  ou  échangées 
d'un  grand  clianlier  à  rautr(\  de  Chartres  à  Paris,  de  Paris  à  Amiens, 
d'Amiens  à  Reims,  en  attendant  (|ue  nous  en  suivions  la  trace  et  l'action 
en  Allemogne,  en  Espagne,  en  Angleterre  et  même  en  Italie. 


—  l!a>-ivlicl 


<lil   lr,ilisi-|.l  -ciilciiliioiial  <ir   l:i  ,mIIi.n|i;iI,>   .!,■    |i, 


l-lnhc  le  Cliii>l  en  niajrslé  dr  h,  porte  rcnl  raie  de  ht  faradr  („•<•!. lent  a  le 
de  Cliarlre>.  \c  i'Awi^l  cuiininnanl  la  \  i(.'i'g(_'  de  la  porte  du  transept 
septentrional,  le  Clirist  enseignani  du  Inimeauet  le  Christ  juge  su|irème 
du  tynqian  de  la  porte  du  transept  un' lidinnal.  nu  dend-siè(dc  cnxiron 
s'écoula  el  Ion  pieut  ilire  ipie  rien  nr  lui  phis  >  >ui\i  ".  })lus  logi(pir  (|iie 
le  passage  d'un  style  à  l'autre.  A\ec  un  peu  moins  de  rigidité,  le  prin- 
cipe de  la  draperie  est  resté  le  nuMue  au  tympan  du  Coiirunnciiu'ul  de  lu 
Vierge  qu  à  celui  du  mi'  >iè(li',  cl  iiK'nir  ne  retrouverait-on  pas  dans 
le  visage  du  ('.liri>t  l)éni^>aut  du  transept  méridional,  dans  le  dessin  de  la 
huLielie  aux  lèvres  un  peu  fortes,  dans  la  construction  des  p(jiiimettes  >ai!- 


l'i'J  •  IIISTOIHE  DE  LAlîT 

lanlcs,  dans  la  tli\isi(m  de  la  liarlic  en  mèches  bouclées,  dans  l'exjjression 
(l(''bonnaire  el  iicnsive  de  sa  |)hysiononiie,  plus  d'une  anakiirie?  Il  ne 
saurai!  (Mre  question  ici  de  transformation  radicale,  de  révolu! ion  ;  cCsl 
un  acheminement  progressif,  régulier  et  noruuil  vers  une  inteipi(''lali(in 
plus  souple  et  comme  une  prise  de  possession  paisible  de  la  vie. 

Dès  le  début  du  xiif  siècle,  le  motif  du  couronnement  de  Marie  avec, 
au  linteau,  sa  mort  et  son  assomption,  se  substitue  à  la  tradition  icono- 
graphique de  la  Vierge  en  majesté  de  l'époque  romane,  el  il  n'est  pas  de 
thème  que  les  imagiers  de  celte  époque  aient  traité  avec  plus  de  xervcil 
de  grâce.  Ce  n'est  pas  dans  l'évangile  qu'ils  en  trouvaient  l'indicalion. 
mais  dans  les  récils  apocryphes,  plus  populaires  que  les  évangiles,  dont 
Jacques  de  \  oragine  devait  recueillir  dans  sa  Lcijeudc  dorcc  les  plus 
répandus  ou  les  plus  merveilleux,  el  que  l'Eglise  admit  sans  résistance 
dans  son  iconograpliie,  bien  qu'elle  ne  les  accueillît  pas  dans  sa  lilurgie. 


FiG.  98.  —  Mort  et  résurrection  île  la  Vierge.  Linteau  Je  la  porte  centrale  de  Notre-Dame  de  Senli^. 

Marie,  —  qui  a  vécu  douze  ans  selon  les  uns,  vingt-quatre  ans  selon  les 
autres,  après  le  drame  du  calvaire,  —  a  été  avertie  de  sa  mort  prochaine 
par  un  ange  porleiir  d'une  branche  de  palmier  cueillie  dans  le  paradis. 
l'Hic  a  demandi''  (pic  «  ses  frères  les  apôtres  "  se  réunissent  à  son  chcxel,  cl 
Jésus  les  a  miraculeusement  <■  enle\(''s  sur  des  nu(''es  des  endi'oils  où  ils 
lirèchaienl  n  et  rassemblés  autour  de  sa  mère.  Il  vient  lui-même  et  dit: 
«  Viens,  loi  que  j'aie  élue,  et  je  te  placerai  sur  mon  trône,  car  j'ai  désiré  ta 
beauté....  »  Et  l'àme  de  Marie  sort  de  son  corps  el  elle  s'envole  dans  les 
bras  de  son  fils.  Puis,  sur  l'ordre  du  Maître,  les  apôtres  portent  lecorjis 
dans  la  vallée  de  Josaphat  et  le  couchent  dans  un  tombeau  tout  neuf: 
ils  attendent  trois  jours,  et  le  troisième  jour,  les  chœurs  des  anges 
enlèvent  celle  qui  avait  enfanté  leur  roi,  en  chantant  :  »  Ouellc  est  celle 
qui  monte  du  désert?  Elle  est  belle  au-dessus  de  toutes  les  filles  de  Jéru- 
salem, pleine  de  charité  et  d'amour.  » 

Les  imagiers  ne  paraissent  pas  avoir  retenu  l'épisode  de  la  «  seconde 
Annonciation  ».  que  les  miniaturistes  et  les  ivoiriers  reproduisirent  assez 
souvent;  mais  ils  ont  représenlé  sans  se  lasser  la  mort,  les  funérailles  et 


FORMATIOX  ET  DÉVIÎLOr'PEMEXT  DE  LA  SCLEPTIHE  (lOTIllulE    1 'm 

l'assomplion.  A  Senlis,  le  thème  est  traité  avee  une  sorte  de  lyrisme;  les 
ap(Mres  déposent  le  corps  et  s'empressent  avec  une  extraordinaire  anima- 
tion; les  uns  encensent  d'une  main  tandis  qu'ils  soutiennent  de  l'autre  la 
précieuse  dépouille;  les  autres  se  lamentent.  Malheureusement  les  muti- 
lations subies  par  le  bas-relief  l'ont  rendu  en  partie  illisible. 

L'autre  côté  a,  par  bonheur,  moins  souffert  des  injures  du  temps  et 
des  hommes,  et  rien  n'égale  la  grâce  juvénile,  l'affairement  tendrement  res- 
pectueux et  joyeux  des  anges  qui  viennent  enlever  du  tombeau  où  les  dis- 
ciples l'avaient  couchée  «  Celle  qui  enfanta  leur  Roi  ».  Les  draperies  col- 
lantes dessinent  nettement  les  formes  et  les  attitudes  des  corps  graciles  et 
nerveux;  les  gestes  sont  d'une  justesse  vivement  indiquée.  C'est  l'art  des 
plus  beaux  chapiteaux  de  la  façade  occidentale  de  Chartres,  épuré  et  vivifié 
par  un  goût  plus  délicat,  une  expérience  et  une  science  nouvelles.  Au 
tympan,  sous  un  édicule  polylobé,  le  Christ  lève  gravement  la  main  vers 
sa  mère  pour  la  bénir;  les  draperies  de  son  manteau  à  bords  ondulés 
rappellent  celles  de  voussures  de  Saint-Yved  de  Braisne  et  la  belle  Vierge 
provenant  d'un  ancien  tympan  de  même  style  que  l'on  voit  encore  encas- 
trée au  mur  du  sanctuaire.  Aux  piédroits,  les  statues  des  patriarches 
figurant  Jésu.s-Christ  dans  l'Ancienne  Loi,  et  dont  les  tètes  sont  modernes, 
se  dressent  en  des  postures  encore  contournées.  Ils  commencent  à  vivre, 
mais  gauchement,  sur  la  colonne  où  ils  sont  adossés,  et  leurs  draperies 
collantes,  à  petits  plis,  sont  comme  intermédiaires  entre  les  draperies  des 
statues  du  portail  septentrional  de  Saint-Denis  ou  de  la  porte  Sainte- 
Anne  à  Notre-Dame  de  Paris  et  celles  des  prophètes  el  patriarches  du 
transept  septentrional  de  Chartres. 

Le  thème  est  repris,  à  Chartres,  avec  une  ampleur  et  une  grandeur 
saisissantes.  Ce  n'est  plus  seulement  le  couronnement,  mais  toute  l'his- 
toire de  Marie.  Au  trumeau  de  la  porte  centrale,  elle  est  tout  enfant  dans 
les  bras  de  sainte  Anne;  le  tympan  de  la  porte  latérale  représente  la 
Nfttiviti'  et  VAdoraliiin  îles  .Marji's,  tandis  que,  aux  piédroits,  se  dressent 
les  grandes  statues  de  VAiinoncidIloii  et  de  la  Visitntion.  Les  voussures 
('•voquent,  avec  la  toison  de  Gédéon  et  le  buisson  ardent,  l'image  de  sa 
virginité;  au  tympan  central,  son  couronneincnf,  sa  mort  et  sa  résuvrec- 
tioti  complètent  le  cycle  légendaire.  Aux  ébrasements,  de  chaque  côté  de 
sainte  Anne  :  David,  Samuel,  Moïse,  Abraham,  IMelchissédec,  les  «  figures  » 
(lu  Christ  dans  l'Ancienne  Loi, —  Isa'ie,  Jérémie,  Siméon,  saint  Jean-Bap- 
tislr,  saint  Pierre,  tiareen  tète,  c'est-à-dire  les  prophètes  qui  l'annoncèrent, 
le  précurseur  qui  le  baptisa  et  l'apôtre  qui  témoigne  que  les  prophéties  sont 
abolies  et  la  loi  accomplie  ;  admirables  et  sévères  images,  aboutissement 
de  ce  qu'avaient  entrevu  sans  le  réaliser  —  autant  qu'on  peut  aujourd'hui 
juger  leur  œuvre  restaurée  —  les  sculpteurs  du  transept  septentrional  de 
Saint-Denis.  Quant  aux  auteurs  de  YAnnoni-idlion  el  de  la  Visitation,   ils 


lii  IlISTOinK  DE  I/ART 

sonl  les  maîtres  (le  ceux  qui  Ijientùl  eiilreronl  en  seène  ;i  la  calhédrale 
de  Strasbourg. 

L'atelier  de  Chartres  a  interprété  avec  moins  de  fougue  que  celui 
de  Senlis  le  thème  de  la  mort  et  de  la  résurrection  de  Marie.  A  Laon,  des 
restaurations  indiscrètes  ont  altéré  la  plupart  des  sculptures  des  portails. 
Les  tètes  du  couronnement  sont  toutes  modernes;  les  draperies,  un  peu 
plus  étriquées  qu'à  Chartres,  n'ont  subi  aucune  restauration.  Toutes  les 
scènes  de  la  vie  de  Marie  sculptées  au  linteau  et  au  tympan  sont  accom- 


a„  I 


lilcMln(iii.-il   lie  Cli.-irlfCS 


pagnées  et  commentées  aux  voussures  non  seulement  par  les  jXnges  cl 
les  Vertus,  mais,  comme  M.  É.  Mâle  l'a  prouvé,  par  une  illustration  litté- 
rale d'un  sermon  très  souvent  cité  d'Honorius  d'Autun  pour  la  fêle  de 
l'Annonciation. 

Il  s'agissait  d'élahlir  que  la  virginité  de  Marie  avait  été  annoncée 
par  les  prophètes  et  symbolisée  par  l'Ancien  Testament;  la  subtilité  d'un 
exégète  du  xii''  siècle  n'était  pas  en  peine  de  découvrir  dans  les  textes 
bildiques  des  arguments  et  des  images  :  la  toison  de  Gédéon  sur  laquelle 
descendit  la  rosée  du  ciel,  le  buisson  ardent  de  Moïse  que  le  feu  ne  peut 
consumer  et  au  milieu  duquel  Dieu  apparaît  (telle  la  Vierge  que  pénètre 
la  flamme  du  Saint-Esprit  et  qui  ne  connut  pas  le  feu  delà  concupiscence), 
la  verge  d'Aaron  qui  tleurit  et  produisit  son  fruit,  la  porte  fermée  que  vil 


FOIiMATIOX  ET  DKVKI.Ol'l'EMENT  DE  EA  S<  lUEl»  ILliE  GUTIIIOrE     I  l-". 

l^zj'chiel  et  ]i;n-  hii|urllc  passa  lo  roi  des  rois  cl  ([u  il  laissa  rotV'rm(''0  Iclic 
-Marie,  Porlr  du  C.ii'l.  loiijoiii-s  inladc  a|ir(''s  ronraiilcincal  :  la  pinrc  drla- 
chrc  de  la  nionlaûiie  <{ui  in'ise  la  slaliie  di-  ?s'al)Ucliod()ii()S(»i-  cl  reinpiil  le 
monde;  la  iiouri'iluri'  <|iir  le  proplièle  Ahacuc  l'ail  j)assei-  à  I  )aniel  sans 
hriser  le  sceau  de  la  pierre  qui  ferme  la  fosse  où  il  est  enuiiuré...,  aulanl  de 
"  figures  »  imagiuécs  par  la  dialectique  suhtile  et  indiscrète  du  docleur, 
converlii's   pai-  un   clt-r,-  sa\ant   en  proiiramme  iconoii'i-aplii(|ui'  el    hans- 


mises  par  celui-ci  à  un  iinat-ier  qui  lr>  jailla.  vaillr  (|uc  vaille,  dans  la 
pierre,  sans  y  entendre  malice.  (In  les  icirouvera  un  (piai-t  de  sic(dc  plus 
tard  aux  souhassemenls  de  la  cathédrale  (rAiniens  -nix.  Kirn.  _ 

Le  chef-d'œuvre  de  celte  iconographie  de  la  \  ierge  —  inscparabh* 
de  celle  du  Christ  —  c'est,  incontestablement,  pour  les  ])remières  années 
du  XIII"  siècle,  le  tympan  de  la  porte  de  gauche  à  la  façade  occidenlale  de 
Notre-Dame  de  Paris.  Ici,  un  sculpteur  de  gi-nie  s'est  emparé  du  thème 
tradiliouncl  ;  il  en  a  du  un'mc  coup  condensé  les  donn(M^s  lilléraircs,  sim- 
plifié et  élargi  le  dispositif  plastique.  Dans  le  i-egislrc  inférieur,  six  per- 
sonnages   sont  assis  de   chaque  côlc-  i\c   l'arche  d'alliance,  symiiole  de 

T.     11.    —     lit 


IIISTOIIΠ DE  L'ART 


Marie  :  Irois  jn-oplièlcs  <'l  Iruis  rois,  —  ses  précurseurs  el  ses  anrèlres; 
au-dessus,  en  présence  (lu  Chrisl  (|ni  Im'imI  el  (i(•^  apôlres  ({iii  in(-(iilent, 
deux  anges,  avec  des  précautions  iulinies,  un  lendic  el  iiiiai  lespeel,  la 
soulèvent  du  tombeau;  —  la  jjrésenee  de  ces  deux  messagers  doit  faii-e 
écarter  riiypothèsc  qu'il  s'agirait  ici  de  la  mort  de  la  Vierge;  c'est  bien 
à  son  réveil  que  son  fils  et  <i  ses  l'rères  les  apôtres  ><  assistent;  les  anges 
n'ont  jamais  été  ses  fossoyeurs,  mais  les  témoins  et  les  agents  de  sa 
résuri'ection  ;  —  elle  relève  la  tète  et  joint  les  mains  ;  elle  \a  se  dresser  vers 
Celui  qui  l'apjjclle  et  la  Ijénil.  Au  registre  sup(''rieur,  elle  a  pris  place  sur 
le  même  trône,  el  tournée  vers  Jésus,  dans  un  m(iu\emcHl  d'Immililc' 
radieuse,  elle  reçoit  la  bénédiclioii  qu'il  lui  donne  cl  la  coui'oime  (pi'un 

ange  Aient  poser  sur  sa  tète.  (Juel- 
(pies  imperceptibles  traces  d'ai- 
cbaïsme  subsistent  çà  et  là;  le  bord 
inIV'rieur  de  la  tunique  du  Cluist  et  de 
la  rol)e  de  Alarie  conservent  encore 
un  souxcnir  de  ces  plis  a]dalis,  tuyau- 
l(''s  cl  connue  i'epass(''S  qui  s'étageni 
entre  les  pietls  de  la  Madone  j'omane 
au  tym])an  de  la  porte  de  droite.  Mais 
de  l'iuic  à  l'autre  (pudie  lransform;i- 
lion!  I.a  Liraperie  a  trouvé,  a\cc  toute 
sa  nolilesse,  sa  souplesse,  son  liar- 
monic  logique,  la  plus  belle  simpli- 
cil(';  elle  suit  exactement  les  indica- 
tions du  geste  cl  s'y  adapte  avec  une 
justesse  parfaite  l'I  une  impeccable 
eurylbmie.  l/arl  cnti-e  en  possession 
de  toules  ses  ressources;  c'est  Ibeure  enclianl(''c  où,  s'ajiproebani  delà 
nalui-e  et  de  la  vie  avec  une  ajiplieation  encoi'c  eraiidi\e  el  luie  timidité 
virginale,  il  s'en  empare  doucement,  jouit  de  sa  conquête  sans  abuser  de 
son  pouvoir,  tout  entier  au  service  d'un  idéal  qui  le  domine.  Sur  tous  les 
visages  lleurit  une  pudeur  cbarmante,  mais  qui  n'efface  pas  le  caractère  el 
l'expression.  La  figure  du  Clirist  a  l'aulorilé  el  la  tendresse;  la  force  cl  la 
bonté  y  éclatent  en  traits  de  huidère;  celle  de  la  Vierge  tremblante 
d'humilité  el  de  joie,  celles  des  apôtres,  des  projihèles  cl  des  i-ois,  pen- 
sives, graves  ou  rêveuses,  ont  la  sérénité  de  l'art  aiditpu',  dont  la  grâce 
el  la  beauté  sont  ici  rendues  au  monde,  mais  avec  un  sentiment  non\eau 
et  après  le  baptême. 

Au-dessus  de  la  lêle  des  deux  apôtres  assis  aux  deux  exti-émités  du 
registre  central,  el  pour  garnir  le  champ  du  bas-relief,  un  chêne  el  un 
olivier  infléchissent  harmonieusement   leurs   branches.    La  nalui-e  l'ail   ici 


lu..  1(11.  —  L:i  Vierge  cl  l'Enfanl. 
caile  occidentale  de  Noire-Dame  d'Aiiiicii' 


eau  de  l;i  porte  de  druili- 


FORMATION"  ET  DKXELOPPHMEXT  DE  LA  SCUI.PTUni:  COTHKJLE    1  i7 

sciilir  sa  présence  réelle.  Elle  esl  ciilirT  dés  Icjrs  dans  la  cathédrale  à 
laquelle  elle  prèle  l'inépuisalile  h(''S(ir  de  sa  llore.  Viullel-le-Duc  a  dit 
admirablement  avec  quel  arl  savanl,  cpn  1  ixnM  délicat  et  sûr  —  cl  suivant 
quelle  progression  —  les  imagiers  oiniMuanislcs  surent  l'uliliser; 
comment  la  feuille  de  fouçtérc^  au  momi'ul  où  rlle  commence  à  se  (h'-Mv 


lopper,  l'arum  qui  s'épanouil  au  luintemps  dans  les  plaines  humides  de 
l'Ile-de-France,  où  les  paysans  lui  onl  donné  le  nom  déplante  de  fécon- 
dité, la  puissance  vilah'  des  liouiiicons  qui  vont  s'ouMir.  -  les  lii>-iu's 
énergiques  de  leurs  ligrllcs  naissantes»  <■!  gonllées  de  sève,  les  pislils, 
les  graines  et  jusqu'aux  élauiincs  des  llcurs.  fouriiirml  aux  premiers  orne- 
manisles  g((llii(pies  leurs  modèles  el  leurs  inspirai  ions.  (  l'esl  a\('cces  éh''- 

menls    (|u'ils    eomiinsérenl    le    di'e<i|-    dn    cliiiMM-    de    \nli'e-llaiiie   de    Paris. 


IIISTUIHE  DE  LAIiï 


Puis,  (Ir  I  iiiiihil  iiiii  (le  |;i  (lovr  iiiii^sMiilc.  ils  piissml  ;i  i  iiiiilalidii  (_!(' I;i 
llorc  (|ui  se  (l(''\ cloiiiic  :  ••  les  liges  snilongciil  cl  >  iiuniigrisscnl  ".  les 
feuilles  s  (iii\  i-ciil,  s'(''laleiil  ;  les  houloiis  de\ieiim'iil  des  Heurs  el  des 
IVuils    .1;    la    loi-(''l    el    le  \ei't;er,   le   jardin  cl    la  prairie.  —  li(.'rre,  eressoa. 


lui.   Kr,.  —  l!,is-n'lii>r~   svnil 


I       I     I    I     \  ]M_I  \1I1H  II- 


pei'sil,  liseron,  inau\c,  idaulin.  (''glaulicr.  \  igné,  érable,  cliène. —  la  nalure 
enlici'e,  sont  nus  à  e(udril)uli(in.  el  dans  les  j'euillages  épanouis,  à  la  place 
des  uionslres  dont  s'irrilail  le  lion  sens  d"un  sain!  Bernard,  les  oiseau.v 
du  ])on  Dieu,  jns(|uc  sur  les   li>iulieau.\,  \  iendronl  l'aire  leur  nid. 

Le  lynipaii  de  la  |)(>i-|e  de  la  N'iei'gc  à  Xcil  i-e-l  lame  de  Paris  rcsie  jiai' 
la  conijiosition  euuniic  par  la  licanli''  une  (eu\  l'c  e.\ce}ili(>nnelle.  C/esl  la 
disposilion    de    Senlis,    de    Paon,   de  (lliarlres   (a\ec  la   juxiajtosilion   au 


KOHMATldX 


i)i:\  i-:L(ti'i*E-\ii:\i  de  la  scrij'iiiu-:  (.otiiioie  iv.i 


lilltrjiil  delà  MorI  cl  dr  la  lt('-sunTcli(iir  ,  nui  lïil  ii,(''ii(Tali'Uiciil  ;hI(i]iI(''c. 
()n  hi  i-clroiiM'  à  l.au>aniic,  où  les  inlluences  bourguignonnes  se  l'uni 
SI  iilir  dans  la  scLdpUiic'  cuMuiic  dans  rarc-hiteclurc,  à  Amiens,  à  l.ong- 
j)ont,  à  Sens,  où.  comme  à  Saint-Thibault  (Côle-d'On.  rAssomplion  esl 
aussi  représentée  à  côté  de  la  Résurrection. 

.M.  Georges  Durand,  le  dernier  et  le  plus  autorisi'  (\c>  iiisloiinis  de 
la  cathédrale  d'Amiens,  a  fixé  vers  12'2ô  l'oxéculion  de  Joule  la  slaluaire 
du  portail  occidental,  dont 
la  date  exirème  ne  saurait 
dépasser  l'25(>.  Liniluence 
d(_'  Paris  y  est  li-ès  recon- 
naissablc.  et  sans  doute, 
nous  ]i(Mi\(ius  nous  faire 
une  idée  d'aprè>  les  adiui- 
i-ables  statues  de  VAiiiioii- 
ciatidii,  (le  la  Visitaliou.  et 
de  la  Pn'si'iildlidii  au  Tciujilc 
adossées  aux  ]iii''droits, 
des  chefs-d'(euvre  dont 
Notre-Dame  de  Paris  a  (''lé 
dépouillée.  Par  siui  luiib''. 
son  Iiomogén(''ité  et  sa  con- 
servation, en  dépit  de  quel- 
ques restaurations,  cette 
«  porte  de  la  ^Mère-Dieu  ■> 
d'Amiens  i-esle  l'illustra- 
tion monumentale  la  plus 
complète  et  la  plus  iuqto]- 
tante  du  culte  de  Mai-ie  qui 
soit  par\ cnue  jusqu'à  nous. 
Au  trumeau.  —  sur  lequel  est  sculptée,  en  six  petils  has-i-eliers,  l'histoire 
d'Adam,  de  la  tentation  et  de  la  chute  dont  le  lils  de  .Marie  rachètera 
l'humanité.  — la  \'ierge  se  dresse  avec  rKuTanl  surle  bras  gauche  ;  elle 
foule  aux  pieds  un  démon  à  (pieue  de  serpent  et  t("'te  de  l'eumie:  l'Ih'  jiorle 
sur  le  voile  (pii  recou\re  ses  cheveux  une  richi'  couronne;  son  ^■isage 
grave  et  timide  ne  s'incline  pas  vers  l'Hutanl  et  ne  lui  souiil  pas;  l'iMifanl 
ne  joue  pas  avec  elle,  il  hénil. 

Dans  Fébrasenient  du  portail,  six  grandes  statues  à  droite  représentent 
VAuituiicidlioii.  la  Visildlioii  et  la  PrcuinilaHou;  six  à  gauche,  les  rois  Mai/ff:. 
lli'nidc,  Sdldiimii  et  la  /-t'iur  ilc  Sabd .  Engag(''S  deux  à  deux  en  de  graM's 
dialogues,  lange  (iabriel  el  Mai-ie,  Marie  cl  l-^lisahelh.  Marie  el  le\ieillard 
Siméon    oITrent.  dans  l'unili''    du    mr^iie   >l\le.  de-    nuancer-,  d'cxiu-i'ssion 


Fi(,.  iO-i 


iUiC(li;ilc   lie   l'icili 


150 


IIISTOIRI':  DE 


iiussi  diMiciilcinciit^lUf  solircmciil  noires;  la  \'ii'i'i4c  df  l:i  l'isiliilioii  nVsl 
pas,  en  dépil  de  l'idcnlitr  du  vêlement  cl  de  la  lesscuddaiicc  des  hMes,  la 
répétililion  pure  et  simple  de  celle  de  VAinioni-idUon;  sous  la  draperie 
tendue  de  son  manteau  en  forme  de  chasuble  donl  le  pli  Iriangulaire 
s'élargit,  se  l'évèle  déj;'i  sa  ju'ochaine  matei-nilé,  ipie  le  geste  de  sa  main 
gauclie  désigne  discrétemeni  ;  un  layoïiueuicid  de  joie  et  presque  d'orgueil 
maternel  l'éclairé  dans  le  grou^ie  de  la  Prî-nenldUoii  et  la  figui'c  de  Siméon. 
lendant  vers  l'Enfant  ses  mains  couvcrles  de  la  Srliimla  juive  et  s'appr('''lanl 
à  chanter  le  iY)n(r  (//)/(/7//.s-,  Domine'.,  s'illuiiiinc  d'un  souiire  d'inlime  (''nio- 

lion    cl    de    ra\isscmcnt;    l'ar- 
•^  change.  a\ec  les  boucles  encore 

ai'chaïques  de  sa  chevelure,  a  la 
grâce  sérieuse  et  juvénile  d'un 
enl'anl  dechoîur;  l'^lisabelh  esl 
une  admiralile  malrone....  Si 
l'on  ra|)proclie  de  ces  statues  les 
plus  beaux  ivoires  byzantins  des 
\'  et XI'  siècles,  —  entre  l>eaucoup 
d'autres  la  Vierge  tl'Utrecht,  [lar 
exemple, —  on  se  rendra  compte 
de  la  mesure  dans  laquelle  nos 
imagiers  ont  pu,  —  pour  le  trai- 
tement de  la  drapei'ie,  l'arrange- 
menl  des  ^oiles  sur  les  tètes 
IV'miniues.  -  lirer  ])ai'ti  de 
]iai'(Mls  modèles  et  aussi  avec 
(piclle  liberl(''  ils  s'en  sonl  sei'- 
vis.  La  di'aperi(>  se  couipoilc  ici. 
i\i\  lune  à  l'autre  ligure,  avec 
une  grande  varicl('';  loudiaiil  à 
l)lis  droits  et  s'arrètant  sur  le  cou-de-picd  dans  la  Vierge  de  la  Vlsilalioii, 
elle  déborde  en  ondulations  comme  un  flot  qui  s'étale  dans  celle  de  la  /'r.'- 
sriiliiiiDii  qu'on  pourrait  croire  un  peu  postérieure,  mais  qui  n'est  vraisem- 
blalilement  (pie  l'œuvre  contemporaine  d'un  autre  compagnon.  Dans  la 
\  isiidliiiit  de  (lliarlres,  c'est  par  une  sorte  de  bouirelet  arrondi  que  le 
bord  de  la  robe  ondule  au-dessus  du  pied;  la  draperie  d'Amiens  est 
comme  interm(''diaire  (Mdre  celle  de  la  l'islla/ion  cliariraine  cl  celle  de 
S(iii)lr  Mixlrsli'  du  même  porche  septentrional. 

Sous  chacune  de  ces  grandes  statues,  de  charmantes  figurines 
accroupies  (»(«/'//(o».yc/s)  servent  de  supports  ;  dans  les  quatre  feuilles  du 
soubassement,  des  bas-reliefs  d'exécution  inégale,  confiés  à  des  artistes 
assun''menl    moins  habiles  (rue  ceux  (uii  travaillaient  aux  soubassements 


llhc  (h   >l(     .l(     KrillIS. 


l'dRMATKtX  ET  lUiNELOPPEMENT  DE  EA  SCUEPTEHE   COTIIIOUE    IM 

de  la  ]>uiie  Sainl-Firiiiin,  iciii'rscntrnl  lo  <■  liiiiires  ••  liil»li(jues  de  Marie 
(toison  de  Gédéon,  verge  d'Aanm.  ])uissoii  ardent,  elc),  ol  des  épisodes 
de  riiistoire  de  saint  Jean-Baptiste,  des  rois  ]\Iages  et  de  l'enfance  du 
Christ  d'après  l'évangile  de  saint  .Mathieu  el  la  légende  dorée. 

Dans  la  composition  du  lynipan.  l'atelier  de  la  porte  d'Amiens  a  com- 
liiiK'  les  influences  de  l'ai'is  a\ec  celles  de  Chartres.  Au  linteau  six  per- 
sonnages bibliques  sont  assis  dans  l'attitude  de  ceux  du  tympan  de  la 
porte  de  la  Vierge  à  Notre-Dame  de  Paris,  mais  sculptés  en  ronde-bosse 


et  tous  palriairiies  ou  proplièles,  parmi  lesquels  Aaron  et  Moïse  sont  très 
i-econnaissables.  A  la  zone  intermédiaire,  la  Mmi  cl  la  llésiin-cihaii  de- 
Marie  sont  juxtaposées,  le  Conrauneiuoil  occujie  la  zone  siqiérieure.  Mais 
i'arl  d'Amiens  reste  ici  inférieur  à  celui  de  Paris....  L'atelier  qui  repi'il  à 
i.ongpont  le  même  programme  est  tout  voisin  de  celui  d'Amiens,  avec 
des  qualités  d'exécution  plus  fermes  et  plus  d'une  variante  d'ailleurs  dans 
le  détail  de  la  composition....  Mais  ces  comparaisons  minulitnises  ne  sau- 
raient trouver  place  ici. 

A  Reims,  des  inllneuro  de  C.liarires  el  d'Amiens  se  juxtaposent  et  se 
mêlent  à  un  coui-anl  d'ail  local  profondéinenl  original.  Dans  la  série  tics 
patriarches  de   la  |ioi-le  de  droite,  c'csl  l'alelier  de  Cliarlres  (pii  a  fourni 


i;/2 


IllSTOIRK  D1-:  LAliT 


les  luodMcs  cl  |iriil-("'li'('  aussi  les  iii'lisics,  à  une  riicxiiic  coiilcniporiiiiH' 
(li^s  pn'iiiirrs  lra\  ;ni\  (-((11(11111  s  par  Jean  (l'<  )|-)iais  (  121  l-j  1*31  '),  où  l'on  pr(''- 
para  sans  doiilc  rc.\('M-ul  ion  d'un  p(Hlail   oeeideninl  qui  ne  l'ul  jamais  exi'-- 

culé  el  tlonl  on  relrouverail 
d'aulres  \eslit>es  dans  les 
porli's  (lu  iransepl  sejilen- 
liional,  si  gauchemenl  en- 
(■ash-(''es  dans  l'arcliileeture 
(pii  les  coidicnl  cl  ne  scni- 
lilail  ]ias  l(^s  pr(''\()ii'.  A  la 
poiic  cculralc  de  la  l'a(;adc 
occidculalc.  dans  la  s(''ric  de 
\\\iuii)ii<lfi//(iii.  lie  la  \isil(il((,ti 
cl  (le  la  l'rcsfiild/ldii  (III  li'iii- 
l'Ir.  cerlaiues  slalucs  soni 
connue  les  sœurs  de  c(dlcN 
d  Amiens,  alors  que  leurs 
\(iisines  i'el(''venl  de  Iradi- 
I  ions  lr(''s  (lifr(''renles. 

La  \  icr^'c  de  \'Ainiiiii<i(i- 
liini  a  la  jdus  g-rande  rcssem- 
Idance  a\cc  celle  d'Amiens, 
mais  l'archange  r(''niois  por- 
leur  du  message  divin  diff(''r(^ 
radicalcmcnl  de  son  cong(''- 
ncTc  ami(''m(is.  L'aniplc  maii- 
leau  don!  il  se  dra|te  u\cc 
une  Airluosih''  sa\anlc.  le 
souriic  aigu  el  prescpie  ma- 
licieux dont  il  accompagne 
ses  paroles,  les  boucles  t'ri- 
sc'-es  de  sa  chevelure  (fig.  lOG) 
le  placeni  parmi  les  derniers 
venus  dans  celle  glorieuse 
cohorle  d'anges  (pii  fonl  à 
Noire-Dame  de  Reims  un  corl(''ge  d'IionncTir  cl  une  inconqtarahie  pai-urc. 


l-r.i-mciil   irinir  -Irh 
|\hi...,-  lia   l.niiMV  ) 


I.  .\r  III.'  I 
.■In-inl,..  illl  I 
-..ml  .ni'.-ii.'iii 
,!,■  Ch.iiliv-  .1 
.ivc-  l.-iir-  .-Il 
|,I,I,-,T  l.i  sciiliilii 
.i,-.,-|,..  IM   |,liw..r 


,|l.,l.,i;l.'    ,l,'    l,-|    .■.■llll.-.ll:ll.'  .!.■   l:.'llll-.  ,-|ll\  .-(.11- 

;,m  j,.  ,T.,is  .|ii,'  !.■-  |.;ilii,urli.--  .!.■  Cli.-irliv- 
II   .-l   .■-^(■iilii'l   .!.■  .li-hiii^ii.T  .niv  li:iii>c|>l- 

r,ili..r.l    (■(■II.'    lies    |M.il.->    |.i(i|iiv II!    .Iil.- 

.|,|<.   |,ui-  .■.■II.'    .In    1I..I.II.'    .|iii    I.'-    liivir.lc.   <;■.■-!    .ilii-.'-   l-ii(t  'liiil    r.inl 
,1,'s  //..rr/.,-s:  .•n.-iiil    l-'i(l,    cl.  cruyiiiis-iKiiis.   .I;iii~   l.-i    iHviiiii''!'.'  (l.-.-;idc   .lii 

,.    l,;,lli,'    (!.■    .cil.'    il.-   i,n,l,-s. 


,1111;. ',  |i.>ui-  II-  i|iii  .■ '.•ni.'  I 

...iii  h.iv.iil  .1.'   M.   Ii.'^iii.-n-.. 
-  .i    l.i  .l.ili-  .1.'   1-Jil)  .ju'il   ill.l 

\   r'|Mi.|iirs  ii.iii^  r.'M-.-iii 


i-()i!M\ii<»x  i;t  I)i;\  i;i.(ii'I'Emi:nt  de  la  scuei'Ture  (iOTinoui-:  i.").". 


Les  jilus  anciens  veillcnl  près  du  Clirisl,encasli"(''S  aux  murs  de  l'abside;  — 
Icurthéoric  se  développe  ensuite  au-dessus  des  piliers  contrebutanls;  aux 
ébrasemenls  des  portails,  ils  assistent  les  saints  martyrs  ou  interviennent 
dans  les  scènes  du  Nouveau  Testament;  —  ou  Jugement  dernier  enlin,  ils 
se  mèleni  avec  une  nuance  d'empressement  souriant  et  courtois;  en  appor- 
lanl  à  Aliiaiiaiii  les  petites  âmes  dont  ils  ont  le  dépôt,  chacun  d'eux  fait  sa 
plus  belle  révérence....  La  cathédrale  de  Reims  est  par  excellence  la  cathé- 
drale des  anges.  Et  de  ceux  de  l'abside  à  celui  de  l'Annonciation,  on  peul 
suixre  dans  ICxpicssiiin  de 
plus  en  }tlus  aigui"'  du  sou- 
lire,  dans  les  particularilc^ 
de  la  l'acturc  de  plus  en 
plus  libre  cl  dans  le  slylc 
de  la  draperie,  révolution 
lie  la  sculpture  elle-mcnic 
Le  groupe  Ac  la  Vislia- 
lion  s'oppose  j)lus  qu'il  ne 
se  juxtapose  à  celui  de 
VAiuioiicifilliiii .  lanl  le  ca- 
ractère cl  le  module  des 
figures  comme  le  traile- 
menl  de  la  draperie  sont  de 
l'un  à  j'aulic  différents.  Il 
imporle  loulel'ois  de  re- 
marcjuer  (pic  ces  deux  sta- 
tues qui  prennent,  par  le 
contraste,  une  valeur  extra- 
ordinaire dans  la  série  de 
la  façade  occidentale,  ne 
sont  pas  une  exception  dans 
la  statuaire  de  la  cathédrale 
de  Reims.  Le  Christ  de  l'aliside  et  quelques-uns  des  anges  que  je  mention- 
nais tout  à  l'heure  et  qui  comptent  parmi  les  plus  anciens  (vers  1240  et 
plutôt  avant  qu'après  cette  date),  sont  drapés  à  plis  nombreux  d'après  un 
système  toul  pareil.  \'ers  la  même  époque,  Villart  de  Honnecourt  rem- 
plissait son  allium  de  croquis  où  l'on  retrouve  (tVr/i(.'>,  //((w////(^,  figures 
des  Api'ilrcx.  de  Vlù/lisc^  etc.),  les  mêmes  caractères,  la  même  abondance  et 
la  même  contexture  des  plis;  au  portail  du  transept  septentrional,  saini 
Pierre  et  les  apôtres  ses  voisins  peuvent  être  rangés  dans  la  même  série. 
Nous  verrou  s  qui'  la  propagalion  de  ci>  style  S(^  fit  rajiidcMnent  en  Allemagne'. 


Callirili-.ili'  ili'  Hi'iiii-. 


I.  r. 


1Û4 


HISTOIRE  l)K  LAP.T 


Esl-ce  à  dii'c  ((u'il  y  cul  en  l-'ranci' —  coiiinic  en  Ihilic  ;i\cc  >,'icol;ts 
de  Piseà  follc  dalc,  ci^l-à-diic  mis  le  miliru  ri  dans  la  seconde  moitié  du 
xiii'  siècle  —  des  velléilés  ou  des  lenlalives  de  lîenaissance  «  classique  "? 
Il  n'est  juis  (joui eux  (|ue  des  ligures  eoniuie  celles  de  Marie  el  d'Elisabeth 
dans  la  Visihilioii  de  lieinis  ne  pouiTont  (Mre  rapinoeliés  (|ue  de  modèles 
i^recson  grvco-roniains,  et  l'on  ne  saurait  comparer  |i;u' exemple  la  \  iei'fie 
de  la  Yisildluni  à  la  stèle  grecque  acquise  ])ar  le  Louvre  en  1880  (fig.  KIT  i. 
sans  être  rra]i|ir  des  analogies  qui  s'y  rencontrent   tant  dans  le  caractère 


V\t:.  IU',1.  —  SaintJose|ih,  ;mi  porlail  cenli  il  (l(   I  i  I         I  i,J, 

df   In  (•.■illicMlrjilo  (Ir  1     un- 

de  la  draperie  que  dans  la  eonsti-uction  de  la  ligure  (dessin  de  la  liouelie, 
modèle  des  joues,  facture  des  clieveux  épais  et  ondulés). 

Les  sculptures  antiques  avaient  abondé  dans  le  Nord-Esl;  à  Reims, 
à  Langres,  à  Besancon,  dans  les  vallées  de  la  Meuse  et  de  la  Moselle,  à 
Metz,  à  Trêves,  à  Maestriclit,  à  Utrecht,  dans  la  vallée  du  Rhin,  de 
^layence  à  Cologne,  les  sarcophages,  les  stèles  et  les  statues  avaient 
couvert  le  sol.  ^  eut-il  imitation  directe  ]iar  les  imagiei's  elianq)enois  de 
(pielques-uns  dc  ces  modèles?  On  jieut  le  supposer,  puisque  ^'illard  de 
llonneeourl  ne  négligeait  pas  à  l'occasion  de  dessinei'  «  d'après  l'an- 
tique '>,  encore  que  ses  dessins  témoignent  d'une  assimilation  assez  j)eu 
ef'licace  des  œuvres  qui  avaient  attiré  sa  curiosité!  La  transmission  put- 
elle  se  faire  par  des  ivoires?...  En  tous  cas,  il  y  eut  transposition  })lus 
que  co|)ie  véritable,  et  cet  incident  de  l'histoire  de  la  sculpture  n'eut  à 
riieure  où  il  se  jii'oduisil  aucune  conséquence  durable. 


X.A  PRÉSENTATION  AU    TEMPLE 
l  Porte  centraie  de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Reims) 


Histoire  de lArtn  PI  m 


Ll^nune  Anaand  Colin  Paru 


FOnMATlOX  Kl'  DEVELOPI'KME.NT  DE  I,A  S(  .ULPTUF.E  (ioTllIOUE    1.".: 


Dans  la  Pir.-:('iil(ili()ii  (tu  Ti'iiipli'  <|iii,  au  iinMiK,^  poi'lail  de  Reims,  occupe, 
en  face  de  VAininiicidliiin  et  de  la  \'isil(i/i(iii.  l'idji-asemenl  de  gauche,  deux 
groupes  de  slaliies  se  juNlajMisrnI  doiil 
Fesprit  et  la  t'aclure  rcvchMit  l'inltM-MMitioii 
d'artistes  appartenant  à  deux  écoles  ou  gén(''- 
rations  différentes.  A  côté  de  la  Vierge,  hum- 
ide el  liiilide,  sœur  de  celle  de  V Ali imiicidliiiii . 
et  du  \ieillard  grave  et  recueilli,  .)(ise|di  el 
Anne,  avec  leur  sourire  aigu  et  leur  miiu 
tutée,  manifestent  plus  de  curiositi'  (|U( 
d'émotion.  Joseph,  avec  les  boucles  de  s; 
chevelure  en  coup  île  vent  el  la  moustachi 
ijui  découvre  le  sourire  de  ses  lèvres  pincée^ 
ifig.  lO!»  .  a  d(''jà  l'ail- d'un  ■  rapin  "  iiilelligeiil 
et  scej)lique.  el  c'est  |u'olial(leuienl  à  cpudcpie 
figure  de  ce  genre,  aussi  émancipée  el  aussi 
vivant(\  que  pensait  révêc{ue  (iuillaume  de 
blende,  quand  —  opposant  les  artistes  d'au- 
trefois, dociles  aux  directions  et  disciplines  de 
l'Eglise  ordonnatrice  et  maîtresse  de  toutes 
les  images,  à  ceux  de  la  fin  du  xiii'  siècle,  ([ui 
introduisaient  dans  riconograjdiii^  toutes  les 
fantaisies  de  leur  iiuagination  —  il  citai!  le- 
vers d'Horace  : 

Iiiiliiril'iis  filiiiii'  jiiii'/is 

Oiiiil/ihrl  inidriiili  si'iiijirr  / iiil  :i'iiuil  iiiilcsliis, 

La  drapei-je.  do  ni  les  gi'auils  |dis  s'(''l()lfeiil 
el  se  creuseid,  s'anime  (die  aussi  (-(imuie  d'nii 
souflle    nou\eau. 

La  mé'nie  prngL-es^ion  s'(d)ser\e  dans 
l'inlerpriMatiiiii  du  \isagi'  de  Marie  au  cours 
du  xur  siè(de.  A  la  porte  du  transept  septen- 
trional de  .Xolre-Hanu'  de  Paris,  que  l'on  peul 
clatei'  de  I  •J,"i7  en\  ii'on  ou  des  années  (pii  sui- 
virent immédiatement,  elle  tient  l'Enfant  dans 
ses  liras  non  |)lus  avec  une  gravité  sacerdo- 
lale.    niai>   a\i'c   une  \  ivaeili''   joyeuse  ;    elle  le 

soulcNc  de\anl  elle  et  lui  sourit  avec  une  expression  triomphante  de  liert('' 
maternelle.  Au  linteau  et  au  tympan,  où  l'histoire  de  l'enfance  du  Christ 
se  mêle  à  la  repr(''seulaliou  de  la  l(''geiide  di' Tli(''ophile  xoirT.  L.p.  (>'2I  el 
iJ2i).    la    \i\aeilc''   du   n'-eil  >'aeceul  ue  dans  le  un'uie  sens,    l  u  ]ias  (Micore. 


l\nll-|--|l.llrM'  <lf    l'arisi 


lIlSTdll'il':  1)1':  LAHT 


cL  iiiic  iiiiaiirr  iiuu\L'llc  dc\ifiulra  sensililc.  A  la  porle  durc'r  d'Aiiiiens, 
\L'rs  1*288,  Marie  accueille  les  visiteui's  et  les  pèlerins  d'un  sourire  où  il 
semble  bien  que  viennent  se  mêler  un  peu  de  çoquellerie  cl  un  certain 
désir  de  plaire  (lig.  111).  RusUin  Ta  appelée  la  «  Souluclle  jpicaidc  ». 
«'  Soubrette  »  n'est  peut-être  pas  trèsjuste  ;  mais  qu'il  y  ait  dans  cette  tète 
inclinée  et  rieuse  une  intention  de  grâce  plus  mondaine,  cela  n'est  pas 
douteux.  L'esprit  du  temps  a  fait  son  œuvre  :  à  force  de  regarder  la  vie  el 
la  nature  jiour  y  clierclier  les  formes  expressives  de  l'idéal  qu'ils  a^  aient  à 


de  hi  1 


llK'dr.ile  (l'Amiens. 


interpréter,  les  imagiers  ont  cédé  à  la  séduction  de  la  nature  cl  de  la  vie; 
ils  veulent  suivre  de  plus  près  leurs  indications;  le  modelé  s'acccnlue  ;  les 
plans  se  muliiplienldans  la  construction  des  ligures  connue  dans  la  dra- 
perie. La  sculpture  tend  à  de\('nii'  plus  souj)lc  et  plus  vi\anlc,  mais  elli' 
est  moins  simple  et  moins  nionumcnlale.  .Vu  ti-umeau  de  la  poilc  ccnlralc 
de  Reims  (fig.  112),  le  maniérisme  est  déjà  très  sensible.  La  Vierge  ici  esl 
une  grande  dame  précieuse  et  un  jieu  guindée,  qui  soui-it  du  Ijout  de  ses 
lèvres  minces  et  de  ses  cils  clignotants,  selon  le  rilr  ou  le  code  d'une 
mode  et  d'une  élégance  conventionnelles.  Dès  le  déhid  du  xm"  siècle,  un 
poète  de  cour,  Anglais  d'origine,  Alexandre  Neckam,  uolail  chez  les 
mondaines  de  son  leuqis  une  certaine  alleelalion  de  c  dislinetion  ',une 
certaine  recheix-lie  de  la  nàlenr.  Les  joues  ronces  el  i-oiides  ('■laieiil  bonnes 


i(»i;.\iAii()X 


i)K\  i:l(»i'I>kment  dk  i,a  scrLPTiHK  co'i'iiioui':  i:.7 


[luur  les  paysannes  ;  mais  les  IViunics  dix  monde  se  seraient  crues  discjua- 
lifiée.s  aux  yeux  de  leurs  elievaliers  par  un  air  de  santé  trop  florissante  ; 
aussi  s'etïorçaient-elles  datténuer  par  le  jeûne  volontaire  ce  que  leur 
tempérament  et  la  nature  pouvaient  leur  avoir  donné  de  sang  trop  riche 
ou   de  rondeurs   trop   épanouies  : 

Allrril  /<'/inuil  iiiciisd  nuiiiiil(/iir  iriin- 

I  mil 

El  jinirsiis  (iiuirr  ihiUchI  ijina  fm-il  : 

.'S  mil     (/ii;r     mm     jiiiUcI     silii     iiislicd 

\i/ii;i'tiiic    riili'liir: 

«     ///<•     ilrrrl.     hir    nilar    rsl     mus 

[inmiiilis    I.  (iil. 

Les  uuniatui-isies  avant  les 
sculpteurs  s'inspirèrent  de  ces 
nuances  cliangeanles  de  la  mode; 
ils  étaient,  plus  que  les  tailleurs  de 
pierre,  en  rajjports  personnels  avec 
les  gi'ands  de  ce  monde  et  les  mai- 
Ires  des  élégances  ;  mais  les  sim- 
ples imagiers  subirent  à  leur  (our 
ces  inlluences,  par  rcllet  plus  que 
par  contact  direct,  et  nous  en  ver- 
rons les  elTels  à  la  lin  du  xiii'  el 
surtout  dans  la  première  moitié  du 
xiv"  siècle. 

Pour  siMvre  dans  tous  ces  dé- 
lails  el  dans  l'immense  domaine  de 
l'art  du  xiu"  siècle  celte  transforma- 
tion graduelle  de  liconograpliie  el 
du  slyli',  u\\  gi-(is  li\  re  serait  n(''ces- 
saire  el  ne  sul'lirait  }n\s.  (Ju'il 
s'agisse  des  scènes  de  l'enfance  ilu 
Christ  el  de  la  vie  de  Marie  depuis 
l'Annonciation,  ou  bien  de  la  Moi 
ment  de  la  Vierge,  les  remarques  de  cet  ordre  pourraient  être  mullipliees 
el,  selon  les  régions,  à  ce  qu'amène  de  nuances  changeantes  la  marche  du 
lemj)s  il  faudrait  ajoulei' ce  qu'un  cerlain  esprit  r(''gional  a  pu  siisciler  de 
diver>ilé  dans  le  slyle.  i/iiilhience  de  rile-de-h'rance  se  fera  sentir  par  une 
élégance  j)lus  sol)n>  el  plus  (hdicate  ;  la  verve  hourguigiionne  s'élalera  en 
ligures  plus  grasses  el  plus  élolfées  qui  s'alViueroni  aux  conlins  de  la 
Champagne  et  de  l'Ilc-de-France  ;  le  module  des  ((Mes  ira,  selon  les  ale- 


l,  de  la  liésurreclion  ou  du  Couronne- 


108 


HISTOIRE  DE  I.ART 


licis,  s';illi)ni;('aiil  jiis(iii':'i  ICxirrinr  liniilt^  où  l.i  roriiiulc  se  Milislilue  ti 
lontcolisei-valiondircclc;  cl,  à  Amiens  comnic  à  Hcinis,  on  m  rclrverail 
des  exemples  signilieatit's. 

Au  lympon  de  Doniiemarie-en-Monlois  drlml  du  xiii'  siècle  ,  où  la 
\'ierge  assise  avec  l'Enfant  sur  les  genoux  est  encensée  par  deux  anges 
agenouillés  et  adorée  par  deux  petits  donateurs  qui  baisent  un  pan  de  sa 
robe,  la  draperie  est  celle  du  porlail  seplenirional  de  Chartres;  à  Villc- 

ncuvc-rArcIievéque  (lig.  ll'i) 
aux  conlins  de  la  Bourgogne 
el  de  la  Cliamjiagne,  c'est, 
dans  les  ligures  des  })iédroits, 
une  inlluence  rémoise  qui  se 
fait  sentir,  mais  dans  les  par- 
ties de  sa  statuaire  oij  Reims 
voisine  avec  Amiens;  au  tym- 
pan, inlermédiairc  si  l'on  peut 
diri'  enire  celui  de  la  petite 
|M>rle  gauche  de  Sens  et  celui 
d'Auxerre  (fig.  Mil  l'ampleur 
Ijourguignonne  commence  à 
s'(''pan()uir. 

L'ingéniosité  des  ima- 
giers à  diversilier,  dans  l'unib'' 
traditionnelle  du  llième  ico- 
nogra})iiique,  le  dis}iositif  de 
leurs  bas-reliefs,  comme  les 
archilecles  l'ordonnance  géné- 
rale de  idiaque  portail,  esl 
\raimenl  admirable.  Dans 
rAd<iralion  des  Mages,  c'est 
l'altitude  des  rois, la  présence 
ou  l'absence  de  sainl  Joseph,  celle  de  l'ange  —  guide  de  la  marche  prodi- 
gieuse à  haveis  h^s  dései'ls  et  porteur  de  l'étoile-fanal  ou  bien  témoin  de 
l'adoralion.  un  encensoir  ou  un  chandelier  à  la  main,  —  qui  sont  les  élé- 
ments sans  cesse  modifiés  en  cond)inaisons  nouvelles  de  cette  variété. 
Pour  le  Coiiroimeiiu'iil  ilr  l<i  F/oy/c  —  dont  le  culte  de  Marie,  de  plus  en  plus 
populaire,  suscita  d'innombrables  répétitions  el  oia  il  semblerait  que  les 
exigences  de  la  donnée  iconographique,  la  précision  du  geste  indiqué,  le 
fète-à-tète  des  deux  acteurs  de  la  scène  risquaient  d'enfermer  les  imagiers 
dans  un  champ  très  restreinl  d'inventions  possibles,  —  c'est  encore  par 
^inler^enlion  des  anges,  qui  sont  comme  le  chœur  de  la  divine  tragédie, 
du  grand  «  mystère  "  évoqué  par  l'ai-l  du  moyen  âge,  ou  bien  par  celle  des 


Fu:.   115. 
do  Trolls 


Il     1     d     I  ,  I  u    <Ji       k~  M     II 

-  Tiiiiiieau  et  cliiasciiienl  du  |)()ilail 
de  N'illenevivc  rAi-rhevèque  (Vonncl. 


l'OliMAIION"   KT  l)i:\  IJ.dPl'EMKNI    DK  LA   SCI  Ll>Tn;i:  (iOTliloil';    i;,',) 

liicnlu'urcux  (iiii.  craprrsJacqiK's  de  N'oragine,  accompagiuiiciil  Marie  dans 
le  ciel,  c'est  par  rallilude  el  le  groupement  de  ces  gracieux  lémoins,  que 
la  composition  s"anime,  se  renouvelle  et  évite  les  redites  littérales.  Le 
geste  et  l'expression  des  deux  interlocuteurs  principaux  sont  d'ailleurs 
délicatement  variés.  Assis  sur  le  même  banc,  la  Merge  et  le  Christ  sont 
tournés  l'un  vers  l'autre.  Mais  il  est  tant  de  nuances  possibles  dans  ce 
dialogue  surnaturel,  soil  que  la  ^'ierge  s'incline  pour  recevoir  la  couronne 


el  allendi'  liuiublcnient  le  uiunicnt  de  la  recevoir,  soil  qu'ellr  llécliisse 
légèrement  le  genou  el  la  lèle,  soit  que  son  fils  lui-même  ou  un  ange 
vi(Minent  poser  sur  son  fronl  le  diadème  de  perles....  A  Laon,  à  Senlis, 
;'i  Cliarircs,  à  Paris,  qu'il  s'agisse  de  la  porte  de  la  A'ierge  ou  du  tynqtan 
de  la  petite  ^<  porte  rouge  •>,  à  Amiens,  à  l'abbaye  de  Longpont,  à  Beau- 
vais,  à  Auxerrc,  à  Mouticrs-Saint-Jean.  îi  Bourges,  etc.,  etc.,  c'est  toujours 
le  même  motif  el  ce  n'csl  jamais  la  même  répliipie.  Dans  le  silence  des 
textes  évangéliques,  c'est  à  la  légende  que  l'on  dul  rnqirunicr  le  scénario, 
très  simple  d'ailleurs,  et  sans  descriplion  (■ii(()nslanci(''e,  cprelle  livrait  à 
l'imagination  des  imagiers,  cpii  ne  s'en  enqtarèreni  vraiment  (pi  au 
xiii'' siècle.  <<   N'iens  du  Liban,  mon  ('/«mi.sc.  dil  .Jésus  à  Marie,  viens  recc- 


100 


HISTOIRE  DE  LAliT 


voir  la  couioniK?....  Elle  s'assit  sur  le  trône  à  la  droite  de  son  fils.  ■■  Cela 
siifUi.  11  est  à  i-eniarqucr  que  c'est  de  ces  llii-Dics  simples  et  généraux  que 
l'art  devait  tirer  les  plus  riches  motifs.  Toutes  les  fois  qu'elle  est  liée  à  des 
indications  trop  précises  ou  à  des  intentions  d'exégèse  ou  de  symbole  Irop 
compliquées,  la  verve  plastique  des  artistes  s'appauvrit  ou  se  dessèche; 
elle  s'élève  au  contraire,  s'émeut  et  s'élargit  à  mesure  que  les  données 
iconographiques  lui  ou^•l■cn[  un  champ  plus  ^  astc  où  l'imaginalion.  mise 


Ailor.ilii.iii  des  M;igos.  Tymp.-iii  do  la  clia|ielle  archiépiscopale  de  Keiiiis 


en  contact  avec  la  nature,  a  le  douljle  liénélice  d'un   support  précis  et 
d'une  lihcrié  plus  gi-ande. 

Parmi  les  monuments  du  .xni'  siècle,  il  est  une  série  où  les  chefs- 
d'œuvre  abondaient,  si  nous  en  jugeons  par  les  fragments  çà  et  là 
retrouvés  et  sauvés  de  la  ruine,  et  que  le  vandalisme  des  chanoines  — 
f  gens  de  goût  »  des  xvii''  et  wiiT'  siècles  —  a  presque  complètement 
détruits:  ce  sont  les  jubés.  Celui  de  Chartres  portait,  en  une  suite  de 
bas-reliefs,  une  iconographie  de  l'enfance  du  Christ  qui  devait  conq^ter 
parmi  les  plus  parfaites  sculptures  du  temps.  Il  remontait  à  Tépiscopat 
de  Mathieu  des  Champs  (1247-1259),  peut-être  même,  pour  certaines  par- 
ties, à  celui  de  Pierre  de  Mincy  (1260-1276).  Sébastien  Rouillard  nous  en 
a  laissé  cette  description  :  «  Venant  à  la  poi'tc  du  chœur  pour  sortir  de  la 
nef,  se  Irouvenl  deux  escaliers  de  pieri-e  de  taille  par  les([ucls  on  monte  de 


Fdl'.MATIOX   ET  DKVIirj  IPI'II.MKXT   DK  I. A  SCri.l'TI   l!K   liOTFlloUR    llU 

coslé  cl  d'aulrc  au  poulpitre,  Icciuel  coiilifiil  I  I  loiscs  de  lonij-  et  de  large 
}  toises  el    !)  pouces.   Il   est  artistcuiciil  i'ail  el  basli  de  pierres  de  taille 


11...  11(1.  —  r.ouronriemenl  il'-  i.é   \  lu;.-,  .m   hum-, 
.l^  1.1  cathcdnile  d'Auxeiic 


|in,|,'   il(_-  .IroKc 


l'hot-  Mailiii  SaK 

In..   117.  —  Lf-  Koi-  Maiji'-i  aM'ili-;  ]i,if  l'anifc.  Fraijment  du  jubé 
d(-  la  c,illi.:-(Jralc  de  Cliartre-;. 


de  diverses  histoires,  tleurs  et  compartiments  soutenus  de  colonnes  de 
pierre  d'une  seule  pièce  et  si  minces  et  délicates  que  les  meilleurs  archi- 

T.  II.   —  -21 


HISTOIRE  DE  LART 


tectes  de   ce    lemp.s  ù    peine   oseraient-ils    promeltre    de   pouvoir  laii'e 
mieux....  ■■ 

Une  autre  description,  de  la  lin  du  xvii''  siècle,  ajoute  seulement  à 
cette  indication  trop  sommaire  :  <<  Il  est  enrichi  de  diverses  figures  qui 
représentent  plusieurs  histoires  mais  n'ont  garde  de  ressembler  à  celles 
de  la  clôture  du  chœur  et  cependant  sont  fort  belles  ». 

Enfln,  le  greffier  du  grenier  à  sel  Pintard  fournit  ce  renseignement 

complémentaire  :  <(  Ce 
pul pitre  est  ouvragé  tout 
au  tour  d'histoires  de  l'An- 
rien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment, de  figures  et  de 
compartiments  en  relief  » . 
En  1761,  le  chapitre 
ayant  décidé  de  décorer 
le  sanctuaire  et  le  chœur 
dont  le  style  «  gothique 
ri  barbare  »  choquait  le 
lion  goût  des  chanoines 
lettrés  (Racine  visitant  la 
rathédrale  l'avait  jugée 
'  assez  grande  mais  un 
peu  barbare  »),  le  jubé  fut 
sacrifié.  11  était  d'ailleurs 
en  mauvais  état,  lézardé 
et  branlant.  Le  25  août 
1702,  il  fut  visité  par  deux 
architectes,  Guillois,  atta- 
ché au  service  du  Roi,  et 
Brissart  de  Chartres;  et 
Retoub  dit  le  Franc, 
maître  serrurier,  ayant 
déclan'-  (pi'il  faudrait  SOd  livres  de  fer  |)0ur  les  consolider,  la  démolition 
en  fut  décidée  ■■  après  meure  délibération  ».  L'évêque  donna  son  adhé- 
sion par  une  lettre  datée  de  Versailles  le  21  avril  1763  et  conservée  aux 
archives  déparmentales  d'Eure-et-Loir.  On  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre  et 
un  mois  après  le  chef-d'œuvre  n'existait  plus,  o  Le  jubé  a  été  détruit, 
écrivait  un  contemporain,  lorsqu'on  travailla  à  décorer  le  chœur  dans 
l'état  où  il  est  à  présent,  et  ce  n'est  pas  une  perte  pour  les  arts.  C'était  un 
monument  indigne  de  cette  superbe  basilique;  mais  ne  l'ayant  pu  faire 
beau,  on  l'avait  fait  riche.  Tous  les  innombrables  sujets  de  sculpture  et 
petits  ornements  de  mauvais  goût  dont  il  était  surchargé,  étaient  dorés  «i. 


KiG.  us.  —  Suinl  MiiUuLHi   t''rn\ant  sous  la  dictée 

de  l'ange,  (bas-relief  provenant  de  Chartres}. 

(Musée  (lu  Louvre.) 


FORMATION"  ET  DÉVELOPPEMFiNT  DE  LA  SCULPTURE  GOTIIIOUE    IOm 


A  Paris,  à  Auxerre,  la  dcstruclion  a  été  plus  coaiplf-lc  encore.  Bourges  a 
conservé  la  plupart  des  admirables  bas-reliefs  qui  composaient  son  jubé 
et  que  l'on  pourrait  comparer  aux  métopes  des  temples  antiques. 

L'image  du  Christ,  dans  toute  cette  iconographie,  est  intimement  liée 
à  celle  de  sa  INIère.  Il  n'est  représenté  isolément  qu'aux  tympans,  où  il 
siège  en  majesté,  au 
xii"  siècle  et  dans 
quelques  monu- 
ments du  commen- 
cement du  xiii%  puis 
au  trumeau  de  la 
porte  centrale,  où  il 
enseigne,  entouré  de 
ses  disciples.  A 
Saint-Pierre  de 
Moulins  et  à  Saint- 
Benoît-sur-Loire,  ce 
ne  sont  plus  les  sym- 
boles des  Evangé- 
listes,  mais  les  Evan- 
gélistes  eux-mêmes, 
assis  à  leur  pupitre 
et  écrivant,  qui  en- 
tourent la  figure  de 
majesté.  Le  même 
motif  reparaîtra  un 
peu  plus  tard  en 
Espagne,  à  Pmrgos 
et  à  Léon. 

Le  Christ  du  tym- 
pan de  la  porte  sep- 
tentrionale de  la  façade  occidentale  de  Notre-Dame  de  Paris,  et  aussi 
celui  du  tympan  du  Jugement  dernier  peuvent  nous  indiquer,  à  di-faut 
de  la  grande  >lalue  détiiiite  qui  se  dressait  au  Irunieau  de  celle  sect>ude 
porte,  comment  les  sculp[çur>  du  temps  se  représenlaient  le  l'ils  de 
l'homme  qui  fui  le  Fils  de  Itien.  CIn  peu!  compléter  ces  indications  par 
deux  monuments  d'inq)orlance  capitale  ipii  sont,  l'un  au  portail  méri- 
dional de  Chartres,  l'autre  à  la  porte  centrale  de  la  façade  occidentale 
d'Amiens.  Le  Christ  de  Chartres,  avec  sa  figure  plus  individuelle,  son 
expression  de  bonté  un  |ieu  Iriste,  s'il  n'n  pns  la  beautt''  ]ilus  classique 
du    ■  Beau  Dieu  ■'    d'.\uMrii>.    rsl    pciil-rirc  d'uiir   humanili-    plus  émou- 


1()4 


IIISTOIIU':  DE  LAHT 


vante,  plus  scinlilalilr  ;ui  -  l-"ils  dr  riiouiiin'.  -  à  l'un  dVnlrc  nous.... 
Autour  <lr  lui.  1rs  (lou/.c  ApiMri's.  rudes  figures  largemcnl  modelées,  de 
facture  un  yen  IVusIc,  mais  avec  une  expression  tout  à  fait  éloquente 
d'énergie  pnMc  à  l'ai-linn;  leurs  picd>  nus,  d'un  dessin  see  et  nerveux, 
sont  di's  uiorreaux  d'arcliaïsnn'  sa^anl  el  savoui-eux. 

j.c  Chrisl    d'Aïuiens  a  la  sérénilé  pensive,  l'auliu-ilé.    la    noidrsM'  l'i   la 

douceur.    Il    esl    liaili''    par    larges 
jdans,    couuiic    il     con\  ieni    à    une 
statue    nionuuientale,    mais    d'une 
cxéculi<ui     plus    caressée    :     léger 
renneuieni    du    l'nud    au-dessus  de 
l'arcade      soui'cilièi-e,      jKiunnelles 
ir'gèreuieni     saillaides.    i'orle     con- 
slrucliiMi  du  inenliMi   sous  la  liarlie 
sé|iar(''e       en        houides       ()pp()s(''es, 
linesse    de    la    liouclie   tpii    va    s'ou- 
w'w    pour     des    paidles   de    jiaix   cl 
d'amour,    ovale  allonge''  du   \  isagi! 
(pi'accompagnent    et    qu'encadrent 
les  boucles  soyeuses  de  la  cheve- 
lure, tout  ici  révèle  dans  une  hu- 
m;init(''    fraternelle    el     supérieure 
laccomplissemeiil    supiiMne  de  ses 
]dus  liantes  pei-lecl  ions.  On  relrou- 
vei-ail    sans    doule    dans    les   jilus 
lieaux    ixoires   byzantins   du    x'    et 
du  xT    siècle  le   type  originaire    de 
celle  iidei-pr(''lati(m  de  la  liguri'  dU 
C.lirisl,  —  et  ces  })elils  has-reliefs 
]MU-lalirs     scrvii'aienl     comme     de 
Irait    d'union    entre    l'art    antique 
el  les  maîtres  ilu  xin'  siècle.  Mais 
l'interprélalion    de   ceux-ci   leste   originale   el    libre,    (le   n'est   plus    ici 
le  dieu  païen:  ce  n'est   jias  non   plus  l'Apollon  ou   le  Jupiter  catholique 
que  la  lii'naissanee  placera  sur  ses  autels  et   dont  l'art  jésuite  fera,  jibis 
tard,  une  sorte  de  Dieu  bellàli-<'  >■[  complaisani  :  c'est  le  maître  cl  l'ami:  il 
enseigne  et  il  bénil  ;  ses  pii^ds  i-ejioscnt  sur  le  lion  cl  le  dragon  :  l'aspic  el 
le   basilic,  —  conformémeni   aux  paroles  des  psaumes, —  symboles  du 
démon  dont  le  Christ  est  vainqueur,  sont  sculptés  de  chaque  côté  du  socle 
où  s'iMiroule  la  \ii:iie,  -  la  \  l'aie  \  igné  -  —  nja  siim  rilis  rrni  —  dont    son 
Père  esl  le  vigneron....  Plus  bas  une  staluelle  cncastri''e  dans  la  face  anté- 
rieure du  trumeau  —  et  oii  l'on  a  voulu  tour  à  tour   r(M'onnaîtrc  David. 


l'IlHl       Al, Il  II 

Fi(..   l'JO.  —   ï.r  Cliiisl   ciisei^^n.'iiil. 

Ti'umc-jiu  lie   l,i  iiorh'  inili-Mk'  du  |iimI,' 

iiii'i'iilliiii.il  il.'  r.li.-ii'Ucs. 


FORMATION  KT  DKVELOPPEMKNT  DE  LA  SCULPTURE  fiOTHlOUE    16Ô 


Dagoberl.   Pliiliinic  Auguste  et   même   Bacchus,    représonle   vraisembla- 
blement Salomon,  que  Ton  retrouve  également  à  StrasJjourg  et  à  Sens. 

Les  grandes  statues  du  Clirisl  que  le  xiii"  siècle  avait  taillées  au  tru- 
meau des  portails,  ont  été  pour  la 
plupart  détruites.  Celle  du  ^  Beau 
Dieu  »  lie  Beims,  gâtée  peut-être 
par  des.  retouches  indiscrètes,  est 
loin  de  nicriler  la  célébrité  dont 
elle  jouit.  C'est  aux  tympans  du 
JugeuKMil  dernier  ([u'il  faut  éludicr 
révt)iuli()ii  (!("  la  ligure  du  ('.liii>l 
au  cours  du  xui'  siècle. 

Les  Apôtres  groupés  à  la  dmili- 
et  à  la  gaucliiî  du  «  Beau  Diru 
d'Amiens  sont  —  avec  leurs  lèle> 
à  l'ovale  généralement  très  allongé 
cl  d'im  module  plus  foi't  qu'en  au- 
cune aulir  des  séries  similaires 
—  très  dill'érents  de  ceux  de  Char- 
tres. Les  imagiers  se  représentaient 
d'ailleurs  les  discij)les  sous  les 
aspects  les  plus  variés.  Tantôt,  à 
Bampillon.  jiar  exemple,  ils  oui 
l'aspect  juvénile  et  plusieurs  même 
la  figure  imberbe,  mais  c'est  là  une 
série  tout  à  fait  exceptionnelle  pour 
laquelle  on  dirait  que  quelque  sar- 
cophage des  ])remiers  temps  clirc'- 
tiens  a  ]m  servir,  au  di'diul  iln 
XIV''  siècle,  de  nioilèle  aux  scid- 
pteurs;  plus  souvent,  ils  ont  l'ex- 
pression un  peu  rude  que  leur  ont 
donnée  les  maîtres  de  Chartres,  ceux 
de  la  porte  septentrionale  de 
Beims  et,  avec  une  insistance  sin- 
gulièrement expressive,  celui  (jui 
sculpta  les  statues  de  La  ('oulnic 
nu  Mans.  A  Amiens.  il>  soni  d'un 
type    plus    rc'guliei'    et    plus    \oisiu 


'lui    du    ('.liri-l     lui-m("'iue:    à    la 


porte  dorée,  ils  reparaissent  au  linli'au,  pai('>  d  un  cliaruK'  pilloresqiie 
nouveau  el  avee  des  vivacités  d'expression  <■!  d'alliludc  d'uiir  valeur  plus 
ane((loli(|iic  [irut-(Mi-e  (pic   lilurgiijue.    Mais    ici  eiicoir    li>    jiertes  sont 


HISTOIRE  DE  L'ART 


irréparahlcs,  cl  nous  n'avons  conser\(''  (jiiunc  uiininic  jiarlic  de  l'œuvre 
des  ancêtres. 

On  aurait  peine  à  coni])rendie  l'iconotiraphie  qui  se  développe  autour 
de  la  ligure  des  Apôtres  et  les  attributs  qu'ils  portent,  si  l'on  s'en  tenait  à 
ce  que  les  Acics  des  Apôlrcs  nous  onl  appris  sur  eux.  Mais  ici  encore  la 
légende  foisonna  en  marge  de  l'iiisloiie  e(  (-'(^sl  d'elle  que  s'inspirèrent  les 
imagiers.  Sur  les  voyages  des  Apôtres,  sur  leurs  miracles,  les  circons- 
tances de  leur  mort,  les  Apocryphes  sont  pleins  d'anecdotes  où  les  maîtres 

verriers  plus  encore  que  les 
sculpteurs  allèrent  puiser  les 
éléments  de  leui's  illustrations. 
L'histoire  de  saint  Jean,  pres- 
que tout  entière  empruntée  à 
la  Légende  dorée,  occupa  ceux- 
ci  plus  qu'aucune  autre.  La 
cathédrale  de  Lyon  en  donnera, 
au  début  du  xiv"  siècle,  une  ico- 
nographie presque  complète;  au 
début  du  XHi'',  à  la  porte  Saint- 
Jean  de  la  cathédrale  de  Rouen, 
dont  les  soubassements  repro- 
duisent presque  exactement  un 
motif  ornemental  que  l'on  re- 
trouve à  Saint-Gilles,  à  Chartres 
et  à  Etampes,  le  tympan  repré- 
sente, au-dessus  de  la  mort  de 
saint  Jean-Baptiste ,  celle  de 
l'évangéliste.  Arrivé  à  l'âge  de 
!lil  ans,  l'Apôtre,  dont  toute  la 
prédication  se  liornait  alors  à  répéter  :  "  Mes  enfants,  aimez-vous  les 
uns  les  autres  »,  reç;ut  de  Jésus-Christ  cet  appel  :  <■  Viens  à  moi,  il  est 
temps  que  tu  t'assoyes  à  ma  table  avec  tes  frères.  »  Il  fit  alors  creuser  une 
fosse  au  pied  de  l'autel  ;  il  y  descendit,  exhorta  les  fidèles  et  pria  ;  une 
splendeur  aveuglante  l'environna  tout  à  coup;  et,  quand  la  clarté  se  fut 
dissipée,  il  avait  disparu. 

A  côté  du  Christ  et  des  jVpùlres,  prenaient  place,  comme  nous  avons 
dit,  les  docteurs,  les  propagateurs  de  la  foi,  h^s  saints  et  les  martyrs  dont 
chaque  diocèse  avait  plus  spécialement  conservé  le  culte  ou  possédait  les 
reliques.  Il  y  eut  là  pour  les  imagiers  une  matière  singulièrement  riche  et 
féconde.  Il  ne  s'agissait  pas  de  faire  des  portraits,  et  d'ailleurs  les  origi- 
naux de  ces  portraits  avaient  disparu  depuis  trop  longtemps  pour  qu'aucune 
préoccupation  iconique  put  être  prise  en  considération.  Les  sculpteurs  se 


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Fie.  122.  —   F,u<[c  i]ii  "  Beau  Dieu  »  d'Amiens. 


FORMATION  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    IfiT 

servirent  de  la  nature  pour  façonner,  selon  l'idée  et  la  représentation 
intérieure  que  la  tradition,  la  piété  et  la  légende  avaient  lentement  mode- 
lées, les  statues  qui  se  dressaient  aux  trumeaux  ou  aux  piédroiLs  des 
portes  latérales,  ou  les  has-reliefs  anecdotiques  relatant  les  miracles,  le 


i'Iint.  delaLoiiiiu.  de^  :il.  H. 


A|iôtres  du  portail  de  l'église  de  La  Coulure,  au  Mans 


martyre,  les  épisodes  de  la  translation  des  reliques,  elc.  C'étail  un  champ 
infini  qui  s'ouvrait  à  leur  art.  Plus  libres  ici  que  dans  aucune  autre  partie 
de  leur  tâche,  provoqués  à  une  invention  moins  conditionnée  par  la  ma- 
jesté ou  l'abondance  des  traditions,  obligés  souvent  de  créer  de  toutes 
pièces  ou  n'ayant  à  leur  disposition  que  quelques  miniatures  de  manus- 
crits locaux,  les  imagiers  du  xiii"  siècle  laissèrent  dans  ces  séries  iconogra- 
phiques quelques-uns   de   leurs  chefs-d'œuvre  les  plus   originaux.  Il  ne 


IlISTOIHl':  Dl-;  I.AliT 


nous  est  rien  reslc  des  slalues  de  Nolre-Dninc  de  Paris;   c'esl  aux  cliar- 
manls  bas-reliefs  qui  occonipagnaient  ces  slatues,  que  l'on  peul  juger  de 


l'uilc    ^.UIll-JlJ 


leur  valeur,  el  sans  doute  la  sainte  Geneviève  qui  s'adossait  à  l'un  des  pic- 
droits  de  la  porte  de  la  Vierge  ressemblait  beaucoup  à  celle  qui  l'ut  sculptée 
jM'u  d'années  après  au  trumeau  de  r('>glise  consacrée  à  la  sainte  sur  sa 


FOHMATIOX  ET  DKVia.OPPE.MKXT  IH-;  T.V  SCriPTrHK  (iOTIIIorK    Hl'.l 


«  inontagiK'  »,  quand  on  rt'iiova  une  l'ois  de  plus  In  vieille  ljiisili(|ue  cons- 
truite en  exécution  du  vœu  de  Clovis  à  Tolbiac.  Vu  <lial)le  e[  un  ange, 
juchés  sur  son  épaule,  éteignaient  et  rallumaient  tour  à  lour  le  cierge 
qu'elle  portail  en  se  rendant  au  pèlerinage  de  Sainl-Denis.  Mais  à  Char- 
tres, à  Amiens,  à  Reims,  à  Saint-Leu-d"Esserent,  etc..  d'admirables 
témoins  subsistent  encore.  A  Notre-Dame  d'Amiens,  c'est  saint  Firmin 
debout  au  seuil  de  l'église,  bénissant  d'un  geste  à  la  l'ois  débonnaire  et 
énergique,  et  qui  porte  si  bien  sur 
son  visage  tous  les  traits  révéla- 
teurs de  la  bonté  active  et  effi- 
cace. Rien  de  plu.s  simple  que  celle 
prodigieuse  figure,  de  style  essen- 
tiellement monumental  et  d'expres- 
sion doublement  persuasive,  di' 
modelé  large  et  sobre,  mais  où 
l'accent  est  partout  placé  avec  une 
impeccable  sûreté.  A  Reims,  la 
slalue  et  Thistoire  de  saint  Rémi 
occupent  le  trumeau  et  le  tympan 
d'une  des  portes  du  transept  sep- 
tentrional. A  Chartres  c'est,  entre 
vingt  autres  :  saint  Martin  de 
Tours,  le  soldat  qui  vint  au  chris- 
tianisme par  la  charité,  le  grand 
orateur  qui  chassa  les  faux  dieux 
implantés  .sur  le  sol  de  la  Gaule  et 
dont  l'action  conquérante  amena 
à  l'Eglise  tant  de  villes  et  tant  de 
provinces,  le  thaumartuge  inépui- 
sable qui  allait  semant  devant  lui 

les  prodiges  et  que  la  foi  du  moyen  âge  accompagna  si  longtemps  dune 
innombrable  dévotion.  Il  est  placé  à  la  porte  du  porche  méridional,  à 
côté  de  saint  Grégoire  le  Grand  et  de  saint  Jérôme,  et  l'on  peut  dire 
que  la  juxtaposition  de  ces  trois  figures  met  non  seulement  en  valeur 
mais  en  évidence  la  beauté  singulière  et  diversement  expressive  de 
chacune  d'elles.  Chez  saint  Martin  tout  est  action  :  la  bouche  entr'ou- 
verte,  la  tète  haute,  le  front  large,  les  yeux  profondément  enfoncés  sous 
l'arcade  sourcilière,  un  mélange  d'autorité,  d'énergie  et  de  bonté;  à  côté 
de  lui  saint  Jérôme,  tenant  à  la  main  le  Livre  Saint  qu'il  a  traduit,  a 
le  recueillement  et  pres(|ue  la  timidité  d'un  homme  de  caiiinel;  saint 
Grégoire,  avec  la  colombe  sur  son  épaule,  ajoute  à  cette  expression 
méditative  de  l'élude   et  de  la  concentration  le   rellet  d'une  inspiration 

T.    H.    -    '22 


riiul.  raul  \iliy, 

Fiii.  I'2.">.  —  T(Mes  de  sainte  Geneviève 
^1    d'un    .inse    (anciennement   au   trumeau 

du  |iorlnll  de    l'église    Sainte-Geneviève). 


170 


IIISTOIRR  DE  LAIST 


iupéricuro.  Sous  ses  pieds  on  voil   représenté,  comine  sous  eliacune  des 

statues  de  cette  première  moitié 
du  xiii'^  siècle,  un  petit  person- 
nage qui  en  complète  la  signifi- 
cation morale  ou  historique,  en 
même  temps  qu'elle  sert  à  l'orne- 
mentation.  Sous  les  pieds  de  saint 
fllément,  c'est  une  petite  église  au 
milieu  des  eaux,  allusion  au  mi- 
laclc  raconté  par  Jacques  de  Vo- 
l'aginc  et  à  la  chapelle  de  marhre 
qui  jaillit  des  flots  à  l'endroit  oia  le 
saint  avait  été  précipité.  Sous 
saint  Grégoire,  c'est  un  scribe  ao 
^^  _       croupi  devant  un  pupitre,  qui  tout 

M^m  ;  I  paHl      -'  coup  s'interrompt  d'écrire  et  re- 

*■    ï  jàÊ    i  jÊ^^M      gai"de,  curieux,  à  travers  un  rideau  : 

—        i    ■.^■i       simple    illustration    de     l'incident 
lu..  iJii.  _  s;iiiit  l'iiiiiiii  (  \riii  ii^i  rapporté  par  le   diacre  Jean,  bio- 

graphe de  saint  Grégoire  :  «  Lors- 
que Grégoire  composait  ses  commentaires  sur  la  vision  d'b^zéchiel,  son 
secrétaire,  Pierre,  étonné  des 
longs  intervalles  qu'il  niellait  en 
dictant,  perça,  jtar  le  stylet  qui 
lui  servait  à  écrire,  le  rideau  qui 
les  séparait  l'un  de  l'autre  et, 
regardant  parle  trou,  il  aperçut 
une  colombe  blanche  comme  la 
neige,  posée  sur  l'épaule  de  Gré- 
goire. La  colombe  tenait  son 
bec  près  de  l'oreille  du  saint; 
quand  elle  se  relirait,  Grégoire 
dictait  et  le  secrétaire  écrivail 
ses  paroles...  »  Sous  les  pieds 
de  saint  Martin  sont  deux  chiens 
affrontés  sur  lesquels  il  appuie 
sa  crosse  :  i>  Les  animaux  élaienl 
soumis  à  Martin.  11  vit  un  jour 
deux  chiens  qui  poursuivaient  un 

lièvre;  il  leur  ordonna  d'abandon-  ,„     „ 

ner  cette  pauvre  bête;  aussitôt  l'i'..  12t.  —  sami  .nluLiu,  saini  Jrnjmc, 

les   ciiiens   s'arrêtèrent,    comme       (portail  méndionaTde  bcTthédrale  de  Ghailres). 


FORMATIOX  ET  I)É\  KI.OPPKMKXT  DK  I.A  SCCLPTCRK  (iOTIIIori':     171 


liés  à  leur  place.  »  Sous  les 
pieds  de  sainlJérùnie,  c'est  la 
Synagogue,  aux  yeux  bandés; 
sous  saint  Nicolas  c'est  le 
cruel  hôtelier  qui  avait  exposé 
et  jeté  dans  un  saloir  les  trois 
enfants  ressuscites  par  le  saint 
archevêque;  sous  saint  Lau- 
rent, rempereur  Valéricn  (|ui 
ordonna  son  supplice;  sous 
saint  Théodore,  dont  la  cathé- 
drale de  Chartres  possédait  la 
tête  apportée  de  Rome  vers 
1120,  c'est  l'empereur  Licinus. 
Ce  saintThéodore  est  la  re- 
|ir(''sen- 
lation  , 
la  jirr- 
sonnili- 
cal ion 
i  d  é  a  1  e 
(lu    saint 


'\G.  I'2M.  —  Socle  ol  pallie  iiil'i'i-ieiire  de  la  statue 
lie  ^^aillL  Grégoire  le  (li-aud  (Chartres). 


Fie.  129. —  Saint  Tli. 
(Chartres). 


uerrier;  il  porte  le  costume  des  com- 
pao-nons  de  saint  Louis  à  la  croisade,  et  nous 
conserve  une  image  du  chevalier  français,  la  plus 
exacte  en  même  temps,  et  la  plus  charmante  et  la 
plus  noble  qui  ait  jamais  été  peinte  ou  sculptée. 

La  série  de  ces  statues  et  des  bas-reliefs  (pii  les 
ciinipirleut,  si  l'on  en  dressait  le  CarjiKs.  permet- 
trait (\i'  constituer  delà  façon  la  plus  sûre  l'histoire 
(les  (iiirércnts  ateliers  qui  intervinrent  dans  la 
glande  ccuvre  des  cathédrales  françaises.  Pour  que 
ce  Cdfpus  filt  complet,  il  faudrait  pouvoir,  aux  séries 
(les  a|t(')lres,  des  patriafches  et  des  saints,  ajouter 
hiul  (T  qui  a  survécu  à  la  crise  trois  fois  séculaire 
ilr  vaiulalisine  que  les  guerres  de  religion,  le 
goût  classique  des  chanoines  des  x\  ii'  cl  wiiT  siè- 
cles, la  révohdion  et  enfin,  luMas!  1rs  icslaiiia- 
lioiis,  oui  briilalrincnl  ou  Miuiiiiii--i'iiiciil  diMniil. 
11  y  eut  au  uu)ycii  âge  une  sialiiaire  en  bois, 
aussi  riclii'.  |i(nd-élre  que  la  sialiiaire  en  pierre. 
C'i'sl  à  peine  s'il  en  sidisisle  cà  el  là  (pielques 
épaves.  Le  "  roi  ■>  de  l'ancienne  colleclioii  (  '.ourajod, 


HISTOIRE  DE  L'ART 


aujourd'hui  au  niusrf  du  Louvro,  en  est  un  des  jdus  iirrcicux  témoins, 
et  pcut-èlrc  Taisait-il  jiaiiic  de  ((ucl(|uc  adoration  des  Mages,  taillée  entre 
Amiens  cl  Paris  par  un  imagier  de  la  [iremière  moitié  du  xiii''  siècle. 

Des  patriarches  du  por- 
tail septenti'ional  de  Chartres 
aux  dernières  figures  de 
Reims,  toutes  les  nuances  et 
tous  les  modes  de  l'intcrpré- 
lalion  plastique  de  la  figure 
humaine  au  xm"^  siècle  y  se- 
raient représentés.  Les  plus 
anciennes,  celles  de  l'extrême 
lin  du  xii''  ou  du  début  du 
xiii',  gardent  encore  pour  la 
plupart  rattitude  rigide,  le 
parallélisme  des  deux  jambes 
des  statues  du  portail  occi- 
dental de  Chartres,  à  moins 
(pielles  ne  traduisent  ou  ne 
trahissent  leur  aspiration  à 
la  vie  par  le  croisement  bi- 
zaïre  des  pieds  cpii,  de  cer- 
lains  ivoires,  passa  dans  la 
statuaire;  mais  déjà  une  lé- 
gère flexion  du  genou,  le 
j>oids  du  corps  portant  sur 
l'autre  jandie.  détermine  des 
variétés  d'altitudes  qui,  sans 
rien  enlever  à  la  majesté 
monumentale  de  l'ensemble, 
suffisent  à  y  introduire  l'im- 
pression de  la  diversité  et  de 
la  vie.  Bientôt  on  observe  sur 
(pu'lques  statues  (Vierges  de 
\  AiiiiiHuidIidii  et  surtout  Sijiki- 
<j<>iji(i')  une  tendance  à  s'iiifli'- 
cliir  légèrement  sui\aul  un 
arc  dont  le  sommet  corres- 
pondrait à  la  partie  cenirale  de  la  ligure.  C'est  surtout  dans  les  figures 
de  la  Synagogue  que  celte  tendance  s'accuse  de  bonne  heure,  et  dans 
ce  cas  elle  s"expli(pu'  ualnrellemenl  ])ar  les  données  iconogra])hi(pies 
elh^s-mèmes  ;    la    Synagogui,^    (''laid    rt'pr(''seidée     —    jiar   contrasle    a\ec 


)i(,.   ir,().  —  s.laUic  .-Il  \,oi^. 
Première  moitié  du  .\iii=  siècle. 

(Musée    du    Louvi'e.) 


r  (iliMATION  ET  DKVELOPPEMENT  DK  LA  SCIIPTURK  GOTIIlon:     17". 

l'Eglise  aux  regards  droits  et  à  l'attitude  IV'rme  et  dominatrire  —  les 
yeux  bandés,  détaillante,  appuyée  à  un  étendard  dont  la  iianipe  e>t  brisée. 
Le  jet  de  la  draperie  suit  avec  une  souplesse  croissante  les  indications 
du  corps,  elle  va  s'animant  et  se  "  colorant  »  de  plus  en  plus,  creusant  des 
plis  plus  profonds,  des  sinuosités  plus  accentuées,  des  remous  jilus  bouil- 


FiG.    loi.   —   L;i    SMl.ll;..i;llr.    ri 


|-l,„t    Tr.,r„p.-I 

•In  iLiiiiept  iuéi-idioïKil  de  hi  calliédrale  de  Heii 


lonnants,  à  mesure  que  Ion  dépasse  le  milieu  du  siècle.  On  en  voit  un 
premier  exemple  dans  les  Apôtres  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris  (fig.  15'2'l, 
adossés  aux  colonnettes  de  la  nef  comme  pour  «  étoffer  »  de  leurs 
amples  silhouettes  les  verticales  menacées  de  maigreur  excessive  depuis 
qu'aux  robustes  chapiteaux  des  colonnes  de  Notre-Dame  s'était  substitué 
l'essor  des  lignes  ascendantes.  Enfin,  le  dessin  et  l'expression  des  figures 
évoluent  dans  le  même  sens  :  recherchant  toujours  plus  le  caractère  et  la 
vie,  multipliant  les  plans,  délachanl  el  frisant  b-s  boucles  des  cheveux  et 
des  barbes,  et  aboutissant  —  >uiliiiil  à  lleinis.  où  l'art  du  xiii''  siècle  atlei- 


m 


HISTOIRE  DE  I/ART 


gnit  à  l'originiiHlr  lajilus  audacieuse  el  aux  plus  ('•loiiiiantes  divinations  de 
l'avenir  —  à  ces  figures  dune  acuité  d'intention  aussi  individuelle  que  le 
saint  Joseph  de  la  Préseiilalio»  au  Iciniilc.  C'est  de  là,  nous  le  verrons,  que 
sortirent,  ou  c'est  à  cette  école  que  se  formèrent  quelques-uns  des  maîtres 

(le  la  sculpture  allemande,  et  pcul-ctrc 
laul-il    attribuer  à  des  influences   com- 
iùnécs  de  France  et  d'Allemagne  cette 
tendance  à   1'  <>  expression  »,   celte   re- 
clicrclie   du    caractère    qui,    dans   l'art 
allemand,  tournent  souvent  à  la  grimace, 
mais  (jui   étaient  dans  ses  instincts  cl 
qui  jouèrent  dans  le  développement  du 
réalisme    un     rôle    prépondérant.     Les 
parties  hautes  de  Notre-Dame  de  Reims 
réservent,  à  ce  point  de  vue,  les  surprises 
les   i)lus   saisissantes    à   qui    a    pu   en 
explorer,     d'échafaudage     en    échafau- 
dage,   les  recoins   les   plus   cachés.  Ce 
sont,  à  la  retombée  des  arcs,  des  lètes 
—  les  unes  graves,  les  autres  souriantes, 
(juelques-unes    caricaturales    —    où    la 
verve  de  l'invention  et  de  l'exécution  se 
donne  libre  carrière,  sans  aucune  préoc- 
cupation de  symbolisme  ou  d'exégèse, 
en  dehors   de    tout  programme  icono- 
graphique réglé  ou  ordonné  par  l'Église, 
dans  la  seule  recherche  du  caractère  el 
de  l'expression.  Elles  témoignent  qu'aux 
imagiers   émancipés,    travaillant,    sem- 
ble-t-il,    pour   leur    seul    plaisir,    celle 
licence   de   tout  oser,  à  laquelle   Guil- 
laume Durand  faisait  allusion,  était  dès 
lors  arcord(''C  sans  limite. 

1/arl    bourguignon,    à     Notre-Dame 
de   Dijon,  avait  connu    des   liardiesses 
presque  égales;   le  «   Moqueur  de  Di- 
jon  »   peut   prendre   place  à   côté   des 
figures    de    Reims    qui,    plus    variées,    plus     fines    et    plus    exquises, 
atteignent  quelquefois   au  mystère   et  à   la    beauté  du    sourire    léonar- 
desque. 

Ces  figures  sont  comme  la  Iransilion  entre  la  statuaire  proprcmiMit  dite 
et  le  bas-relief. 


I  h.il    .1.    laC.iiiim    des  .M    H 

Fk..  1Ô2.  —  .\[i(jlie  piirtant  la  croix  tk' 
consécration  (  Sainte-Chapelle i. 


FORMATION  ET  DÉVKI.OIM'K.MKXT  DII  LA  SCILPTURE  COTIIKH  i:     r 


Cet  art  du  Las-reliel",  qui.  daus  les  lympaus,  trouvai!  un  clianni  i^loiicux 
el  comme  une  place  d'honneur  à  l'entrée  de  l'église,  le  xui  siècle  l'a  divei- 
sifîé  avec  une  merveilleuse  souplesse.  Il  l'a  adapté,  sans  qu'on  sente  jamais 
la  gêne  ni  même  l'effort,  à  toutes  les  exigences  et  toutes  les  variétés  du 
programme  architectonique.  Dans  les  tympans,  d'abord.  Nous  avons  vu 
avec  quelle  diversité  s'y  était  multiplié  et  à  quelle  splendeur  sereine  y 
avait  atteint  le  thème  de  la  Mort,  de  la  Résurrection  et  de  l'Assomption  de 
la  Vierge.  Mais  les  légendes  de  la  vie  et  du  martyre  des  saints  y  furent 
aussi  sculptées.  A  Sens,  dont  la  cathéilrale  est  placée  sous  l'invocation 
du  premier  diacre  martyr,  —  au-dessus  de  la  délicieuse  statue  du  saint, 
chef-d'œuvre  de  l'art  du  xiu' 
siècle  dans  sa  fleur,  les  épi- 
sodes de  sa  conversion,  de 
sa  prédication,  de  son  pro- 
cès et  de  sa  lapidation  son! 
sculptés  au  tympan,  en  une 
série  de  bas-reliefs  inscrits 
en  des  compartiments  et  mé- 
daillons polylobés,  confor- 
mément à  un  usage  très  ré- 
pandu en  Champagne  et  que 
l'on  retrouve  notamment  à 
Saint-Urbain  de  Troyes. 

Au  transept  méridional 
de  Notre-Dame  de  Paris,  le 
même  thème  est  repris  avec 
une  animation  plus  grande. 
Nous  sommes  ici  dans  la 
seconde  moitié  du  xiii''  siè- 
cle, —  après  ITol,  date  initiale  de  la  construction  du  portail  par 
Jean  de  Chelles.  Saint  Etienne  écoule  d'abord  la  parole  des  Évan- 
gélistes  qui  le  convertissent;  il  prêche  à  son  tour—  el  le  groupe  des 
auditeurs,  hommes  el  femmes  debout  ou  accroupis  devant  lui,  se  retrou- 
vera, avec  à  peine  quelques  variantes,  dans  les  tableaux  de  Carpaccio  et 
les  fresques  de  Fra  Angelico  ;  —  puis  il  est  arrêté  par  un  soldat  revêtu  de 
l'armure  romaine,  conduit  devant  le  proconsul  et  lapidé:  son  Ame  est 
recueillie  par  Dieu  lui-même.  Recherche  du  geste  expressif  cl  de  l'allilude 
pittoresque,  tout  révèle  ici  les  progrès  de  ce  qu'on  ])ouriail  appeler  le 
style  anecdotique,  parallèlement  à  l'évolution  du  style  monumental. 

A  Semur-en-Auxois,  un  tympan  de  l'église  est  tout  entier  consacré  à 
la  légende  de  saint  Thomas.  On  y  avait  d'abord  voulu  reconnaîlre  l'his- 
toire du  meurtre  de  Dalmace  assassiné  par  ordre  de  Robert  duc  de  Rour- 


'-   —  Figiiiiiir   S(.-Lil|ilrf  Je  l';iÈ'(lii vollfi 
la  rose  du  transept   iiu-ridinnal 
(Reims). 


HISTOIRE   DK   T."ART 


1  H..  Iji.  —  Cul-de-lauipc  (Tuur  du  transept 
mrrididiial  do  la  cathédrale  de  Reims). 


avec  celle  danse  des  jonglcresscs 
cxéculée  sur  les  mains,  si  sou- 
vent représentée  au  banquet 
d'Hérode,  —  un  chien  apportant 
dans  sa  gueule  la  main  de  l'é- 
clianson  qui  avait  souffleté 
saint  Thomas  et  que  l'Eternel 
avait  puni  en  le  faisant  dévorer 
par  des  lions;  —  saint  Thomas 
recevant  de  Gondoforus  l'ordre 
de  construire  un  palais  ;  —  dis- 
tribuant aux  pauvres  l'argent 
destiné  à  cette  construction.... 
L'anecdote  est  traitée  ici  dans 
cette  manière  large  et  pleine, 
particulière  aux  imagiers  bour- 
guignons. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement 
aux  tympans  que  se  développent 
les  bas-reliefs.  Ici  encore  il  faut 


gogne,  —  ou  !)ien  la  conver- 
sion des  peuples  au  christia- 
nisme. M.  É.  M  Aie  a  iden- 
lifié  de  la  façon  la  plus  sûre 
la  série  des  épisodes  repré- 
sentés. Il  s'agit  du  roman 
des  aventures  de  saint  Tho- 
mas dans  ITnde  et  de  son 
voyage  dans  le  royaume  de 
Gondoforus,  qui  fit  fortune 
au  moyen  âge  en  dépit  de  la 
condamnation  prononcée  par 
saint  Augustin  contre  cette 
invention  des  Manichéens. 
L'imagier  de  Semur  a  suc- 
cessivement représenté  saint 
Thomas  mettant  la  main 
dans  le  côté  du  Christ,  — 
la  rencontre  du  saint  avec  le 
prévôt  de  Gondoforus  à  Cé- 
sarée,  —  la  traversée  en  ba- 
teau vers  l'Inde,  —  un  festin 


l'iiot  Trompette 

FiG.  155.  —  Cul-de-lampe  (Tour  du  tiansept 
méridional  de  la  cathédrale  de  Reims). 


FORMATION  ET  nK\  ELOPPEMEXT  DE  LA  SCULPTURE  ClOTIIlOUE     177 

se  borner  à  résumer  en  quelques  exemples  ce  qui  exigerait  de  longs  déve- 
loppements. A  Amiens,  c'est  dans  une  série  de  polylobes,  au  pied 
des  statues   des  Apôtres,  des  Prophètes  et  des  Saints,  que  s'inscrivent 


l'i.ri.iil  .!•■  >.' 


les  scènes  qui  complètent  la  signification  iconographique  de  chacune 
de  ces  statues,  et  ce  sont  successivement  les  épisodes  relatés  aux  Actes 
des  Apôtres  ou  dans  les  Légendaires,  les  faits  symboliques  de  l'Ancien 
Testament  relatifs  aux  prophéties  ou  bien  encore  les  Vertus  et  les 
Vices  qui   nous   ouvrent    ou   nous   ferment  les  portes  de  la  Jérusalem 


178  HISTOIRE  DE  LART 

cclcsLc,  ou  liicn  eiiliii  lo  calendrier,  signci^  du    /.odiaquc  ri   Iravaiix  des 
jours  et  des  mois. 

Ce  thème  des  travaux  des  mois,  dévclojipé  par  les  miniaturistes 
depuis  les  temps  carolingiens,  fournit  aux  imagiers  des  motil's  toujours 
les  mêmes,  mais  traités  avec  une  ingéniosité  charmante  à  les  adaj)ler  aux 
dispositions  architectoniques  toujours  diverses  de  chaque  monument. 
Janvier  s'asseoit  à  tahle  [Jainis  bifroii.'i),  ami  des  repas  copieux;  Févi-ier, 
paysan  frileux,  maltraité  par  les  durs  hivers,  a  rahnilu  son  capuchon,  posé 


SCS  chaussures  et  se  chauffe  au  fojer  où  la  mai-mile  bout;  Mars  taille  ou 
bêche  sa  vigne;  Avril  et  .Mai  rêvent  devant  les  premières  fleurs;  Juin, 
Juillet  et  Août  s'occupent  des  moissons;  puis  c'est  la  saison  des  ven- 
danges, Octobre  foule  les  raisins;  l'hiver  revient,  il  faut  pourvoir  aux  pro- 
visions pour  la  saison  mauvaise;  Novembre  conduira  le  porc  à  la  glandéc 
et  Décembre  l'égorgera  pour  apjirèter  les  régimes  de  boudins  confor- 
tables que  l'on  servira  à  la  table  de  Janvier  ou  que,  à  Notre-Dame  de  Paris, 
])ar  exemple,  Février  accrochera  dans  sa  clieminée  au-dessus  de  la  mar- 
mile  bouillaide. 

A  Notre-Dame  de  Paris,  c'est  lanl(')t,  comme  à  la  jiortc  de  la  ^'ierge 
et  à  celle  du  Jugement  (malheureusement  très  restaurée  par  Soufllot),  en 
de  petits  carrés  surmontés  d'un  gable  fleuronné  que  sont  inscrits  les 
épisodes  de   la  vie  des  saints  ou  ces   représentations  des  ^'ertus  et  des 


FOIiMATlOX   HT   ni:\  KI.npPKMHNT  DE  LA  SCULPTURE  (iOTHlOUK     179 

\  ices  que  l'on  voit  tuuiuur.s  près  du  .lugcnienl  dernier,  ou  Mcn  l'ulin. 
comme  à  la  porte  de  saint  Etienne,  en  des  encadrements  égalemeul  polv- 
lobcs,  CCS  épisodes,  dont  Tinterprétation  n"est  pas  encore  tout  à  fait 
élucidée,  mais  où  il  est  permis  de  reconnaître  des  scènes  de  la  vie  des 
écoliers  et  où  la  verve  spirituelle  du  sculpteur  a  tiré  un  si  joli  parti  des 
costumes  du  temps.  Le  groupe  des  élèves  réunis  autour  de  la  cliaire  du 


l'iiot.  de  la  Caillai  di;à  M.  H- 
Fir..  UiS.  —  r.a  fiiimnmnicin.  la  Picdicalidii  et  le  Marlyre  de  saint  Kliennc, 
an  tyijiiiaii  de  la  jinrle  du  liaiisciit  iin'i'idional  de  Nidi'e-Iiaïue  de  Paris. 


professeur  qui  enseigne  est,  par  la  lilierté  de  la  composition,  la  soujilesse 
et  l'élégance  de  la  facture  et  ce  pétillement  d'esprit  qui  semJjle  courir  sur 
toutes  les  figures,  un  morceau  loul  à  fait  délicieux. 

A  Chartres,  sur  les  piliers  du  porche  méridional,  les  représenta- 
tions des  Vertus  et  des  ^'ices  et  les  vies  de  saints  ont  été,  par  une  dis- 
position tout  à  fait  exceptionnelle,  sculptées  en  petits  bas-reliefs  super- 
posés et  séparés  par  des  motifs  d'architecture  ;  et  peut-être  dans  aucune 
autre  église  l'iconographie  des  ^'ertus  et  des  Vices  n'a-t-ellc  élé  plus 
systématiquement  et  plus  complètement  interprétée.  Le  thème  iniliai  en 
est  d'ailleurs  très  sensiMeinent  jiareil  à  ceux  que  l'on  rencontre  à  Paris 
ou  à  Amiens;  clia((ur  mm-Ih  csI  rc|ir('>ciiir'r  p.ii-  luic  rciiiiiii'  assise  tenant 
à  la  main  un  écusson  cpii    |iiiili'   le  >\nilMi|r  (li>l  imlil'  qui   |,i   earaclérise  : 


180 


IllSTOlHE  m-:  L'ART 


le  Courage,  casque  en  Iclc,  épée  en  main,  a\ec  un  lion  sur  un  écu,  la 
bonté  avec  son  agneau,  la  Cliarilé  a\  ec  les  enfants  qu'elle  abrite  ou  le 
pauvre  auquel  elle  donne  son  manteau,  la  Paix  avec  son  rameau  d'olivier, 
la  Fidélilé  avec  son  cbien,  etc.,  etc.,  tandis  (jue  la  Colère  se  décliire  de 
ses  pr'opres  mains  la  poilrine  ou  bien  envoie  im  coup  de  pied  ^iolenl  à  un 
serviteur  plac('  dcvani  elle,  l'inlidélilé  abandonne  à  la  porte  du  couvent 
qu'elle  (pûlle  ses  vêlements  monastiques,  l'Idolâtrie  s'agenouille  devant 
une  idole  gi'otes(pu',  l'Avarice  entasse  dans  un  coffre  ses  inutiles  trésors, 


m^:^ 

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Lci^ondos  de  s:i 


m  l\]iiii;in  de   l'église  de  Senuir. 


la  Discoi'de  met    aux  prises  deux  personnages  qid  échangent  des  coups, 
la  LAcheté  fuit  devant  un  lièvre,  etc.,  etc. 

A  Bourges,  à  Auxerre,  c'est  encore  aux  soubassements  de  la  cathédrale 
un  foisonnement  de  scènes,  mais  disposées  de  façon  tout  à  fait  différente. 
A  Bourges,  c'est  dans  les  écoinçons  ménagés  entre  les  arcatures  du 
soubassement  qu'ont  été  placées  les  charmantes  représentations  de  la 
Genèse  et  du  Nouveau  Testament  ipii  se  continuèrent  du  xiu'' au  xvi''  siècle. 
Chaque  cathédrale  a  son  iilustrati<ui  cl  (pielquefois  ses  illustrations  de  la 
Genèse.  Et  ici  enccur,  dans  l'unité  du  iliènu'  initial  éclate  une  variété 
charmante  d'adaiilalion  cl  d'iiilci'piélalion.  A  Chai-tres,  aux  voussui'cs  du 
porche  scptcnli'ioiiai,  Ihishiirr  de  chacun  des  sept  jdurs  est  représentée 
sur  deux  cordons  parallèles.  Dans  l'une.  Dieu  sous  les  espèces  du  Christ, 
médite  l'acte  que  sa  volonté  créatrice  évoquera  au  cordon  voisin.  Il  rêve, 
et  près   de  lui  le  ciel  ci    les  cnulinents,    la    terre  et    l'eau    naissent  et   se 


FORMATIOX  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTIllOUE     ISl 


enirent   dons   le   monde.  !< 


jcllrn 


séparent,  le  jour  el  la  nui 
comme  des  disques  les  astres 
dans  l'infini,  les  animaux, 
les  végétaux  paraissent,  les 
fleurs  s'ouvrent,  les  nids  se 
peuplent  ;  enfin  le  Créateur, 
sculpteur  di\in,  modèle  du 
pouce  dans  un  bloc  de 
glaise  humide  la  figure  du 
premier  homme,  que  son 
souffle  animera...  AAuxerre, 
à  la  fin  du  xiu'^  siècle,  c'est 
avec  des  nuances  nouvelles 
et,  dans  la  représentation 
du  nu,  une  élégance  raffinée 
el  nerveuse  que  le  thème 
est  repris.  Vn  système  al- 
terné de  Las-reliefs  à  Heur 
de  pierre  inscrits  dans  des 
quatrefeuilles  ou  dans  des 
polylobes,  ou  iiirn  des  sta- 
tues à  plein  relief  placées 
dans  des  niches  y  fournis- 
sent tous  les  éléments  de 
la  décoration  des  soubas- 
sements.  L'Ancien  Testament,   les   allégories  des  .\rts   libéraux   v  soni 


riG.  1 10.  —  Le  mois  d'Uctubiu 
(Notre-Dame  de  Paris.) 


La  Liicheté 

1er   lie  Pari>  . 


Kl...  UJ.  —  l.a  Diirelé 

Nnhv  I):in.C(in  Paris 


altcrnati\onieut    ligures.    Kulin,    à   i'exir('Uii'    lijiule   du    xiii"  siècle   cl   au 
xiv°  siècle,  à    Rouen,  à  la   porte  des  Libraires  et  à   celle  de  la  Calendc 


HISTOlliK  DE  L'ART 


L'icoiiogrii])liie  dc's  Arts  lil 


(•"csl  dans  une  srvlc  ilc  jiclils  cadiMjs  rcctaiigidaircs  limilanl  dr  jK.'lils 
qualrcreuillcs  (iiioid  (Hé  superposées  des  centaines  de  scènes  où  l'Ancien 
Tcslanicnl,  les  \  ies  de  saints,  les  Bestiaires,  en  même  tem|isque  l'Evan- 
gile, ont  fourni  à  l'inépuisalilc  fantaisie  des  sculpteurs  une  inépuisable 
matière. 

'■raux,  dont  on  a  \u  à  C'iiarlres  un  des})lus 
anciens  exem- 
ples sculptés, 
})rit  sur  les 
uiurs  des  gi-an- 
des  cathédrales 
un  brillant  dé- 
\eloj)|)ement.A 
Laon,  comme 
à  Chartres  oîi 
Anselme,  le 
maître  de  riuil- 
laiimcdi'(  ;liam- 
pcaux  et  d'A- 
li('']ard,  avait 
laissé  u  n  e 
i;loire  univer- 
selle, les  Arts 
libéraux  furent 
sculptés  sur  la 
façade  de  la 
nouvelle  cathé- 
drale cent  ans 
en\iron  après 
sa  moi'l.  La 
l'Iiilduapliic  y  fut  représentée  la  tète  voilée  de  nuages,  une  échelle  ajipuyée 
contre  la  poitrine,  avec  les  attributs  que  Boëce  lui  avait  prêtés  dans  sa 
('.(iiisiihiliou  pliilosopliiqut';  cette  interprétation  du  texte  de  Boëce  est  com- 
pl(-t('-e  à  Sens  par  une  autre  figurine,  sculptée  au  soubassement  du  portail, 
ayani  un  sceptre  el  un  livre  en  mains  el  sur  sa  robe  les  II  et  les  (■),  dési- 
gnalion  de  la  philosophie  pi'atique  et  théorique.  A  Auxerre,  les  figures 
du  Irivhnit  el  du  quodririiiiit  sonl  sculptées  au  soubassement  du  portail 
et  peintes  aux  vitraux.  Toutes  les  villes  d'université  eurent  sur  les  murs 
de  leurs  églises  une  illustration  des  sciences  et  des  arts.  Notre-Dame  de 
l'ai-is  ne  faisait  pas  excc]ition  à  la  règle;  mais  les  mutilations  qu'elle 
sul)il  à  la  lin  du  .wiii'  siècle  ont  fait  disparaître  toute  cette  partie  de  sa 
statuaire. 


Fio.  li'.  —  La  Genèse  (voussures  du  porclio  septeiilrion.il 
(Je  la  i-ntliédi'iile  de  Clciilres). 


FORMATION   ET  DKVELOPPE.MKXT  DE  LA  SCULPTURI':  (iOTHIOLl':     ISÔ 

Le  romaiitism.'  nvail  ;illril)Ui'  au  »  grotesque  »  une  place  Imil  à  l'ail 
excessive  dans  l'art  gothique.  On  peut  dire  quau  xm''  siècle  les  inolifs 
drolatiques  ou  obscènes  n'apparaissent  que  comme  de  rares  exceptions. 
C'est  le  plus  souvent  aux  Bexliniri's  (piils  sont  empruntés,  mais  beaucoup 
sont  des  inventions  et  des  fantaisies  dont  la  verve  des  imagiers  doit  avoir 
tout  l'honneur.  A  Sens,  au-dessous  des  sciences  et  des  arts  libéraux,  le 
ScidiKidc  qui  se  fait  un  parasol  de  son  pied  monstrueux,  l'éléphant  de 
l'Inde,  l'autruche,  le  grillon,  le   chameau   ont   été    représentés    ou  ima- 


FiG.  1-ii.  —  La  Gi.'iic.rc  ^.-Mjulja.-^cineia  .k-  la  ealhodralc  Je  LcjiiiijcsJ. 


ginés.  A  Notre-Dame  de  Paris,  deux  belles  allégories  de  la  Terre  et  île  la 
Mer  prolongent  jusqu'à  la  \ision  de  l'univers  entier  les  giacieuses 
géorgiques  des  travaux  des  mois. 

Le  point  d'aboutissement,  si  l'on  peut  dire,  de  toule  celte  icono- 
graphie, c'est  le  Jugement  dernier.  Le  Fils  de  l'homme  reviendra  pour 
juger  les  vivants  et  les  imirls;  cliacun  rendra  compte  de  l'usage  (|nil  a 
fait  de  la  lilierté  qui  lui  lui  oclroyée  et  des  moyens  de  salul  (pii  lui 
furent  offerts.  Les  actions  seront  pesées  dans  la  balance  cl  <liaciin 
obtiendra  la  récompense  ou  le  cliàlinicnt  qu'il  aura  uK'iiL'.  C.'csl  là  le 
thème  que  tous  les  enseigncnicnls  de  lllglisc  Ions  li^s  seiiiions  de  ses 
prédicateurs,  tous  les  commentaires  de  ses  calécliislcs  uni  multiplié  à 
travers  les  siècles.  C'est  là  la  représentation  cenlrah^  (|u'à  l'entrée  même 
de  la  <'al  lii''drale,  on  a  voiilii  placer  sous  les  \f'u\  de>  lidcles. 


1S4 


IllsroiliK   DE  LAIST 


quclquescxcmplos  ;  c'est  la  vision  ap 


Le  xii'  siccle  ii'avail  pas  iLfiioré  ce  lliènic;  nous  a\ons  (l(''jà  vu  avec 
quelle  puissance  dranialiquc  il  l'avait  représenté  au  tympan  de  Saint- 
Lazare  d'Autun, comment  à  Sainte-Foy  de  Conques  l'imagier  s'était  inspiré 
de  l'Lvangile  de  saint  Mathieu.  Mais  on  n'en  citerait  à  cette  époque  que 

alyptique  de  saint  Jean  qui  a  surtout 
hanté  l'imagination  des  hom- 
mes de  l'époque  romane.  Au 
xui"  siccle,  toutes  les  cathé- 
drales ont  leur  Jugement  der- 
nier, et  c'est  à  l'Lvangile  de 
saint  Mathieu  que  sont  tou- 
jours empruntés  les  motifs 
iconographicpies  où  chaque 
sculpteur,  d'ailleurs,  a  intro- 
duit des  dispositions  ou  des 
nuances  d'interprc'dation  qui 
lui  sont  personnelles.  Ici  en- 
core, à  suivre  chronologique- 
ment la  série  de  ces  représen- 
tations, on  peut  vérifier  une 
l'ois  de  plus  ce  que  nous  avons 
déjà  indiqué  sur  l'évolution  de 
la  sculptiu-e  du  xiii''  siècle, 
allant  de  génération  en  géné- 
ration vers  une  interprétation 
de  plus  en  plus  libre  de  la  vie 
et  une  recherche  de  plus  en 
plus  marquée  du  mouvement. 
C'est  à  Laon  ou  à  Char- 
tres que  ce  thème  s'organisa. 
A  Laon,  sous  les  pieds  du 
Christ,  assis  au  milieu  du  col- 
lège apostolique  et  assisté  par  des  anges  portant  les  instruments  de  la 
Passion,  les  tombeaux  s'ouvrent;  au  linteau  (qui  est  une  addition  posté- 
rieure), l'ange  exécuteur  des  sentences  divines  sépare  les  bons  et  les 
méchants.  A  Chartres,  la  scène  est  encore  réduite  à  ses  éléments  consli- 
lutii's  les  plus  simples.  Le  tympan  est  divisé  en  deux  registres:  dans  la 
partie  inférieure,  de  chaque  côté  d'une  figure  centrale,  celle  de  saint 
Michel  qui  tenait  les  balances  dans  lesquelles  sont  pesées  les  actions,  une 
double  théorie  se  détaclie  :  à  droite,  les  élus  sont  conduits  par  des  anges 
vers  la  Jérusalem  céleste,  et  les  uns  contemplent  déjà  la  porte  de  gloire 
qui  va  s'ouvrir,  tandis  que  les  autres  joignent  les  mains -et  regardent  en 


(soubassemenl  de  la  cathédrale  d'AuxeiMC). 


FORMATION  ET  DÉVELOPPEMI- \T  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE  n:> 

haut  vers  celui  qui  les  a  raclielés;  à  gauche  les  damnés  sont  précipités 
dans  la  gueule  ouverte  de  Tenfer,  accueillis  par  des  diables  grimaçants 
qui  les  torturent,  et  poussés  par  trois  anges  à  la  figure  giavc  cl  sombre, 
exécuteurs  désolés  de  la  sentence  sans  appel.  Au-dessus,  le  Clu-ist  est 
assis,  portant  à  ses  mains  et  t'i  ses  pieils  les  traces  des  clous  de  la  croix, 
les  jambes,  les  bras  et  la  moitié  du  torse  nus,  les  deux  mains  levées  à 
hauteur  des  épaules,  ayant  au-dessus  de  sa  tête  quatre  anges  qui  tiennent 


Fio.  140.  —  .\rt5  libéraux  et  basiliaire  (soubassement  de  la  i-alliedraie  de  Fiers). 


la  couronne  d'épines,  les  clous  et  la  croix,  tandis  que  deux  autres  sont 
agenouillés  près  de  lui,  avec  la  kncc,  la  colonne  et  le  fouet  de  la  llagel- 
lation.  A  côté  de  ces  anges,  deux  figures  ont  pris  place  :  celles  de  saint 
Jean  le  disciple  et  de  la  \'ierge  Marie,  témoins,  comme  nous  l'avons  dit, 
de  la  compassion  fraternelle  et  du  charmant  optimisme  de  l'imagination 
po]udaiie. 

Ce  que  le  tympan  de  (Jlhartrcs  a  ainsi  indiqué  et  résumé  dans  ses 
éléments  essentiels  va  se  développer  progressivement  à  Amiens,  à  Notre- 
Dame  de  Paris,  à  Reims,  à  Poitiers,  à  Bourges,  à  Rouen,  etc. 

A  Notre-Dame  de  Paris,  plus  de  tâtonnements  :  le  thème  est  con- 
stitué; il  se  développe  logiquement  au  tympan  et  se  continue  dans  les 
voussures  où  les  chevaux  de  l'Apocalypse,  précurseurs  du  cataclysme 
suprême,  passent  dans  un  galop  effréné,  où  les  supplices  se  continuent 

T.   II.  —  '2i 


isn 


HISTOIRE   DE  LAUT 


du  côté  dos  rc'iirouvés,  où  la  srréiiilc  (Herncllc  se  rcllMc  dans  les  altitudes 
paisibles  cl  sur  les  IVonts  unis  des  témoins  bienheureux,  du  côté  des  élus. 
Le  réveil  des  morts  sculpté  au  linteau  est  moderne,  Soufflet  ayant  déposé 
celui  du  xuT  siècle  —  dont  les  fragments  sont  au  Musée  de  Cluny  — 
quand  il  agrandit  la  porte  centrale  pour  ]c  passage  du  dais  des  proces- 
sions. A  Amiens  — et  c'est  un  détail  qui  se  retrouvait  peut-être  à  Nolre-1 

Dame  de  Paris,  —  l'appa- 
rition du  Fils  de  l'homme, 
sortant  d'un  nuage  à  mi- 
corps,  ayant  dans  "  sa 
bouche  »  le  glaive  de  sa 
parole,  «  le  double  glaive 
tpii  frappera  les  nations  », 
escorté  de  deux  anges 
portant  le  Soleil  et  la  Lune 
(pii  seront  ojiscurcis 
!  heure  redoulaijle,  est  di 
lincle    de    la     \  enue    du 

Juge Au  linteau,  portant/ 

sur  une  jolie  frise  où  des 
oiseaux  jouent  au  milieu 
de  rinceaux  de  vignes  et 
de  grappes,  les  morts  sor- 
tent de  leurs  tombeaux,  ré- 
veillés par  les  anges  son- 
nant de  la  buccine,  et  saint 
Michel  pèse  les  actions  : 
dans  un  plateau  de  la  ba- 
lance est  l'Agneau  pascal 
«  qui  lave  les  |)échés  du 
monde  »  (le  fléau  de  gau- 
che e-it  une  rcslauialion 
moderne);  l'Église  et  la 
Synagogue  sont  assises  à  ses  pieds.  Les  morts  ressuscitent,  non  pas  à 
l'àgc  qu'ils  avaient  au  momcnl  où  ils  passèrent  de  noire  monde  à  l'autre; 
mais,  ainsi  que  l'avait  enseigné  Ilonorius  d'Aulun.  en  pleine  jeunesse, 
à  l'i'ige  parfait  de  IriMiti'  ans,  rpii  était  celui  du  ('.hrist  au  moment  où  il 
Irionqdia  de  la  mort.  Dans  la  séparation  des  bons  et  des  méchants,  une 
inq)arlialilé  absolue  est  observée;  toutes  les  conditions  sont  traitées  avec 
une  justice  égale  :  les  rois,  les  pajies,  les  évèques  ne  sont  pas  soustraits 
au  châtiment  s'ils  l'ont  mérité;  mais  il  est  remarquable  qu'à  Amiens, 
c'est  un  frère  Franciscain  qui  entre  le  premier  au  Paradis  (et  le  même 


1  lo    1.     -  I  (  -  \ii~  1 
(souiiassoiiioHi  uo  ki 


\  ontio  Ipk  _  ilil  '■ 
iruie    u  .'vuxeri-c.; 


roiiMATlUX  ET  DÉVELOPPKMEM  DE  LA  SCII.PTLUE  CCmilOUE     187 

Irait  se  rolrouvera  un  iiru  plus  laid  à  La  Coulure  du  Mans  cl  à  Bour^esl. 
Dans  les  voussures,  un  diable  du  cùlé  des  réprouvés  caresse,  avec  une 
tendresse  ironique,  une  femme  damnée;  du  côté  des  élus,  Abraham 
debout  reçoit  les  âmes  dans  son  sein.  A  Poitiers.  le  disjiositii'  général 
reste  à  peu  près  le  même:  mais  à  Reims  il  est  tout  difTércnt  :  c'est  dans  la 
partie  supérieure  du  tympan,  comme  à  Saint-Urbain  de  Troyes,  qu'est 
placé   le  réveil    des   morts:  le   chœur   des   \'crlus  assiste  au   drame   du 


FiG.  lis.  —  Juicenient  dernier  (Cliai'lre~). 


Jugement  et  la  scène  des  âmes  portées  à  Abraham  }uir  îles  anges  sou- 
riants, saluant  et  alTables.  prend  une  importance  exceptionnelle  et  une 
valeur  délicieuse.  A  Hampillon.  le  Christ  occupe  presque  tout  le  tympan, 
et  le  réveil  des  morts  jirend  au  linteau  presque  toute  la  place. 

A  la  lin  du  xiu'  siècle,  à  Bourges  et  à  Rouen,  la  scène  s'animera  plus 
encore.  11  ne  reste  du  Jugement  de  Rouen,  au  portail  des  Libraires,  que 
le  réveil  des  morts,  mais  on  peut  voir  à  Bourges  comment  le  thème  s'est 
développé,  élargi  et  diversifié.  Saint  Michel  tient  toujours  les  balances 
et  caresse  une  figurine  humainr:  c'f>l  la  petite  ànie  dont  Ir  soii  est  en 
suspens,  cl  dont  un  diable  gouaillrur  semble  atlendre  ([u'on  lui  fasse 
livraison.    A    droite,    les    anges    s'avancent    porlanl    l'ànie    rachetée,    i[ui 


15 


HISTOIRE    DK  LART 


lien!  à  lu  main  un  rameau  liiomplial  et  que  piéeèdcnl  \ris  la  [Rirle  de  la 
Jérusalem  céleste  le  moine,  le  roi  et  la  noble  dame  qui  ont  également 
mérité  le  paradis.  Saint  Pierre  lui-même  ouvre  la  porte  pour  les  intro- 
duire, et  sous  l'abri  d'un  édicule  on  voit  une  figure  assise  qui,  dans  un 
pan  de  son  manteau,  riMMieille  toule  une  rollcrtion  de  petites  âmes  égale- 
ment rachetées.  C'est,  une  fuis  de  |ilns.  rinlei-pr(''lation  naïve  et  char- 
mante du  verset  de  saint  ^lattliieu  disant  qu'Abraham  recevra  dans  son 
sein  les  Ames  des  élus.  De  l'autre  côté  c'est  l'enfer,  et  ici  la  fantaisie  de 

l'imagier  s'est  déjiensée 
avec  une  verve  plus 
gouailleuse  encore  que 
tragique.  Ces  diables, 
à  les  bien  regarder, 
sont  surtout  comiques  ; 
il  n'est  pas  sur  que  le 
sculpteur  qui  les  fa- 
çonna ait  eu,  des  réali- 
tés horrifiques  de  la 
damnation  et  des  clià- 
liments  réservés  aux 
coupables,  une  crainte 
liien  authentique;  il 
s'est  amusé  plutôt  à 
imaginer  des  démons 
dilTormes  et  mons- 
trueux, leur  ajoutant 
sur  le  ventre  et  ailleurs 
des  figures  grotesques, 
faisant  d'eux  des  ty])es 
de  la  laideur  et  de  la 
dilTormité  humaines,  mais  sui-tout  dénormes  et  presque  joviales  cai'ica- 
tures.  L'expression  de  ceux  qui  attisent  à  grands  coups  de  soufflet  le  feu 
qui  fait  bouillir  la  marmite,  les  grimaces  de  ceux  qui  à  coups  de  gaiTes 
poussent  vers  le  supplice  les  damnés  qui  Leur  sont  confiés,  tous  enlin 
semblent  prendre  part,  a\  ec  luie  exubérance  déjà  rabelaisienne,  à  quel([uc 
représentation  d'un  mystère  oii  réh'ment  comique  atténuerait  beaucoup 
l'angoisse  (pi  iiispirail  aux  uiaitres  du  xT' siècle  la  formidable  apparition 
du  Ih'x  lrciiu'ii(Uc  iiiiijcshilis. 


riiûi.  do  1.1  coiiiiM. 
I-'iG.  lill.  —  ri-.-igiiKMil  lie?:  voussures  de  la  poilc 
du  Jugomenl  (NoUo-Li;inie  de  Piuis). 


La  s(  ii.i'TLRK  1  LNihiAU',!:.  —  Daus  ces  monuments  où  toute  la  doc- 
trine et  toute  la  \ie  étaient  ainsi  représentées  par  l'art  de  nos  sculpteurs, 
la  mort  avait  aussi  son  asile.  Les  cathédrales,  où   l'on   n'a\ait    d'abord 


FORMATION  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SC.ULPTUHE  GOTIllOLE     189 


accordé  le  droit  de  sépullure  ([u'aiix  évèques,  furent,  au  cours  des  siècles, 
habitées  par  les  générations  disparues  des  ancêtres,  et  si  n^iis  avions 
conservé  tous  les  tombeaux  dont  elles  reçurent  le  dép(M  cl  la  ]»arur(', 
c'est  de  milliers  de  figures  nouvelles  que  s'augmenterait  le  peuple  de 
statues,  dont  nous  venons  de  dénombrer  sommairement  les  principales 
catégories.  De  toutes  les  parties  de  l'église,  celle-ci  fut  malheureusement 
celle  qui  eut  le  plus  à  souffrir.  Des  le  xvi""  siècle  les  mutila!  ions  coninnii- 
cent;  elles  se  continuent  au 
xvu"  et  au  xviu""  ;  sauf  de  rares 
exceptions,  toutes  les  statues 
1  tombales  en  métal  précieux  ou 
en  bronze  avaient  été  fondues 
avant  la  Révolution,  qui,  lors- 
quelle  arriva,  ne  fit  guère  qu'a- 
chever l'œuvre  de  destruction. 
C'est  dans  les  anciens  recueil- 
de  dessins  comme  celui  de  Gai- 
gnières,  que  nous  pouvons  nous 
faire  une  idée,  bien  incomplèlr 
encore,  de  tout  ce  qui  a  disparu, 
et  à  laide  des  quelques  épaves 
miraculeusement  sauvées  du 
grand  naufrage,  essayer  de 
nous  représenter  ce  que  nou> 
avons  perdu. 

Au  xiii"  siècle,  la  rigueur 
des  lois  ecclésiastiques  qui  in- 
terdisaient la  sépulture  dt> 
laïques  dans  les  églises  s'était 
déjà  relâchée  i  Isabelle  de 
Ilainaut,  première  femme  de 
Philippe  Auguste,  fut  enterrée 
dans  le  chœur  de  Notre-Dame  de  Paris,  où  Eude  de  Sully,  mort  en  l'iUS, 
avait  aussi  sa  tombe  <<  de  cuivre  »  signée  :  Stepluniim  de  Doissc  me  jccil...); 
et  dans  les  abbatiales,  avant  cette  date,  une  place  avait  été  réservée  non 
seulement  aux  prélats  el  abbés,  mais  aussi  aux  fondateurs  et  à  leur  famille. 
Les  comtes  de  Dreux  cl  de  Braisne  firent  de  Sainl-'^ved  comme  un 
Saint-Denis  féodal;  Royaumonl,  Longpont,  Vendôme,  Juinièges.  Lu, 
Poissy,  Sainte-Geneviève  étaient  aussi  riches  en  londieaux. 

La  forme  des  lomlieaux  juscpi'à  la  fin  du  xiii'  >iè<le  l'ut  infiniment 
variée,  mais  peut  se  ramener  à  (pH,'!(|ues  types  priucipaux  :  1  '  la  dalle  en 
pierre  ou  en   métal,  avec  ou   sans   effigie  gravée,  émaillée.  sculplrc.  ou 


FiG.  l.'^O.  —  Fiagmenl  de  runcioii  jubé 

de  Notre-Dame  de  Paris. 

(Musée  de  Louvre.) 


HlSïOllil-:   DE  LART 


mémo  rappoi'léc  en  iiiusaïquc,  comiiic  la  "  touiln'  plaie  ■  di'  1  (''vèiiuc  d  Ar- 
ras,  Frumaklus,  morl  en  1180  (la  dalle  funéraire  de  l'archiLecte  Hughes 
Libcrgier,  autrefois  à  Sainl-Nicaise  de  Reims,  aujourd'hui  dans  la  cathé- 
drale, est  un  des  })lus  heaux  exemples  des  tombes  gravées';  celle  de 
Frédegonde  autrefois  à  Sainl-Germain-des-Prés,  aujourd'hui  à  Saint- 
Denis,  fut  exécutée  au  xii"  siècle,  peut-être  même  au  début  du  xiii',  d'après 
les  procédés  décrits  par  Théophile  au  chapitre  xu  livre  II  de  la  Scltediila 
dircrsariim  artium);  —  '2"  le  sarcophage  ou  cénotaphe,  avec  représentation 
du  mort  couché  comme  sur  un  lit  de  parade,  adossé  au  mur,  abrité  d'un 

enfeu  ou  isolé;  — o"rédiculc 
en  forme  de  cliàsse  ou  tic 
chapelle.  Autour  ou  au-des- 
sous de  l'effigie  du  mort,  on 
trouve  dès  le  xii"  siècle  le 
cortège  ou  les  rites  des  fu- 
nérailles (voir  tome I, p.  O.JT) 
sculptés  en  bas-reliefs.  Les 
symlioles  de  la  foi,  qui  lend 
la  mort  confiante  et  paisible, 
viennent  aussi  se  mêler  ou 
se  superposer  à  la  représen- 
tation des  funérailles  — 
enfin,  en  certains  cas,  s'y 
ajoutent  des  épisodes  de  la 
vie  de  celui  qui  dort  sous  la 
ioinbe. 

Les  Idiiibi-aux  en  iiK'lal, 
tpii  l'urenl  peut-être  les  {)lus 
nombreux  au  moyen  âge,  ont 
presque  huis  disparu.  Par  une  lare  forlune,  la  cathédrale  il'Amiens  a 
cons('rv(''  deux  numumenls  à  jieu  près  uiiicpies,  les  tombes  en  bronze  des 
deux  ('■\("'(pies.  l^M'ard  de  Fouilloy  ipii  jeta  les  fondements  de  la  cathédrale 
et  mourut  au  mois  de  décembre  P222,  et  son  successeur  Geoffroy  d'Eu, 
qui  mourut  le  2r)  novembre  1250.  Deux  belles  inscriptions  gravées  dans 
le  broii/.e,  perp(''l ucnl  le  snmciiii'  de  leurs  services  et  de  la  reconnais- 
sance de  leurs  coiiciloyen^. 

Ces  deux  lombes,  primitivement  placées  au  milieu  de  la  nef,  trans- 
portées en  1762  à  droite  et  à  gauche  du  grand  portail,  n'occupent  leur 
place  actuelle,  sous  les  arcades  entre  la  nef  et  les  bas  côtés,  que  depuis 


Fjg.  1M.  —  Tcinibenn  du  xu' 


I  Ir    .I.Ml^    lri;ll>,_ 


do  (.;lianuiliL-i-cs  (Ihiute-Loire). 


1.  ..  r»»,/..-,  dil  Diii-:irigo 
Errard.  jiarce  qu'aiitix'fois  les 
D'où  le  nom  de  lnmhirru  donin 


pallie  e\téiieiii-e  d'un  sépiilci'e.  ou  couverture  suivant 
-cpuli-res  étaient  S(.iuvent  couverts  d'ornements  précieux.  ■• 
aux  sculpteurs  qui  exécutaient  les  effigies  funéraires. 


FOR.MATIOX  ET  DÉNELOPPEMEXT  DE  LA  SCLEPTIRE  (lOTIIlOrE     l'.H 


1867,  c'est-à-dire  depuis  rinlerventioa   de  Viollet-le-Duc.  Chacune   des 

deux  lombes  est  formée  d'une  grande  plaque  rectangulaire  portée  par  des 

lions  et  coulée  en  bronze  d'une  seule  pièce;  le  défunt  y  est  représenté  en 

gisant,  revêtu  de  ses  ornements 

pontificaux.    Celle    d'Evrard   de 

Fouilloy  est  la  plus  riche;  clic 

fut   exécutée   après   la   mort   de 

lévèque  dont   elle  commémore 

les  bienfaits  et  les  vertus  en  une 

belle  inscription  ciselée  après  la 

fonte  : 

Qui  iiiipnhun  p'ivil  :  (jiii  fiiuild- 

\ini'i>la  Ifiidi'il 
Hiijiis  slriiclurf  :  eu  jus  j'iiil 

\in'hs  ddld  fil  ri-  : 
llic  rcihilrus  nafiltis.  fuma 

[requk'scit  Ewordiis 
Vil-  pins  afflictis  viilins;  hUcln 

{rrlirlis... 
Milibiis  aijniis  cral,  liniiiiHx 

[Ici),  Uni  II  siiprrl/js. 

Bien  que  la  figure  de  l'évè- 
quc,  d'un  très  beau  style,  soil 
déjà  individuelle,  avec  son  froni 
bombé,  ses  lèvres  épaisses  lar- 
gement dessinées,  et  qu'elle 
diffère  sensiblement  de  celle  de 
Geoffroy  d'Eu,  il  serait  sans 
doute  excessif  de  parler  ici  de 
portraits  véritables.  A  cette  date 
les  effigies  tombales  ne  sont 
encore  qu'une  image  conven- 
tionnelle ou  idéalisée  conservant 
le  souvenir  et  le  nom  plus  i[\\r  la 
ressemblance  du  mort. 

A  Saint-Nazaire  de  Cai-cas- 
sonne,    le    tombeau    cénotaphe 

de  l'évèque  Radulphe  fui.  au  milieu  du  xiu''  siècle,  appliqué  contre  le  mur 
de  l'église;  il  présente.  >ui-  une  surface  verticale.  «  comme  le  développe- 
ment de  toutes  les  parties  (pii  constituent  le  mausolée,  avec  soubassc 
inenl,  image  du  mort  et  dais  ».  Sur  le  sarcophage,  des  chanoines  sous  des 


—  Tombe  d'Évianl  de  Toiii 
(CalliC'drale  d'Amiens). 


192 


HISTOIRE  DE  L'ART 


orcalurcs  assislenl  aux  oljsrqiics  de  chaque  colé  d'un  lit  de  parade  où  le 
mort  est  couclic,  entouré  d'évèques  officiants  el  de  clercs.  Au-dessus,  en 
bas-relief,  cstdressée  l'effigie  de  Radulphe, debout  et  bénissant  —  et  rece- 
vant lui-même  la  bénédiction  de  la  main  divine.  —  Au  xi\  ''  siècle,  et  dans 
la  même  église,  le  même  thème  funéraii-e  sera  repris,  mais  avec  des  déve- 
loppements plus  brillants 
encore,  pour  le  tombeau  de 
Pierre  de  Roquefort. 

Saint-Denis,  en  dépit  des 
mutilations  et  des  ravages 
du  temps  et  îles  hommes,  est 
resté  le  musée  par  excellence 
de  la  sculpture  funéraire 
française,  notamment  pour 
le  xiii''  siècle.  Saint  Louis  y 
lit  refaire  les  tombeaux  de 
ses  prédécesseurs  et  l'on  y  a 
réuni  au  xix'  siècle  quelques 
monuments  provenant  de 
Saint-Gcrmain-des-Prés,  de 
l'abbaye  de  Royaumont,  des 
(Jélestins  et  d'autres  cha- 
pelles ruinées  à  la  Révolution. 
Les  statues  de  Louis, 
fils  aîné  de  saint  Louis,  et 
de  Philippe,  son  frère,  qui 
étaient  autrefois  dans  l'ab- 
baye de  Royaumont  et  qui, 
après  sa  destruction,  ont  été 
recueillies  dans  celle  de 
Saint-Denis,  furent  exécutées 
immédiatement  après  la  mort 
de  ces  princes.  Le  gisant  y 
est  couché  sur  le  lit  de  parade,  les  mains  jointes  et  les  yeux  ouverts,  le 
chef  posé  sur  un  coussin  que  soutiennent  deux  petits  angelots  agenouillés 
ou  porteurs  d'encensoirs,  les  pieds  appuyés  sur  un  animal  héraldique.  Ce 
sont  encore,  en  dépit  de  quelques  restaurations  indiscrètes,  d'admirables 
témoins  de  l'art  funéraire  du  xiii''  siècle  dans  sa  simplicité,  son  charme  el 
sa  grandeur.  Le  mort  repose  dans  la  sérénité  et  la  confiance  en  attendant 
le  jour  de  la  résurrection.  Sur  les  côtés  du  sarcophage  se  déroule  un  cor- 
tège qui  est  la  représentation  des  funérailles  :  membres  du  clergé,  officiers 
de  la  cour  portant  le  cercueil,  au  milieu  desquels  on  remarque  la  présence 


FiG.  1 JJ.  —  Tombeau  de  l'évêque  Radulphe 
à  Sainl-Nazaii-e  de  Carcassonne. 


FOHMATiox  \:t  i>k\i;i.oi'I'i:mi:nt  \n:  la  scui.i'Turii:  (;otiiioi  !•:    ms 

d'un  roi  de  Honprie  qui,  se  trouvant  à  ce  nionienl  l'IuJie  du  r((i  de  France, 

M)ulid  participer  lui-même 

au    transjtort     de    lenl'anl 

royal.   Plusieurs  parties  de 

ces    tombeaux  onl    (■■1(''  ir- 

faites  par  ^'iollel-le-i  lue. 
Si,    dans   ces   statues. 

on  ne  peut  pas  encore  dis- 
cerner de  })orlraits  jiropre- 

ment     dits,    à    plus     forte 

raison    ne     saurait-on     en 

trouver    dans    la   série   de 

ces    tombeaux    postluimes 

que  saint   Louis,  au  com- 
mencement de  la  seconde 

moitié    du    xiii''   siècle,  fit 

élever  à  ses   prédécesseurs.  Pas  plus  pour  celui  de    Dagobert  que  pour 

celui  de  Constance  d'Arles, 
femme  de  Robert  le  Pieux, 
morte  en  I0r)'2,  il  ne  pouvait 
cMre  (pu_^slion  di_^  l'essem- 
blance  individuelle,  t-esont 
seulement  d'idéales  et  bel- 
les efligies,  paisibles  et  pres- 
cpic  souriantes. 

Le  monument  de  Da- 
gobert, dont  GeolTroy-De- 
cbaume  a  refait  la  statue 
tombale  et  çà  et  là  quelques 
fragments,  conserve  pour- 
tant, dans  Tensemble.  sa 
pbysionomie  originale  et 
présente,  sous  la  forme  la 
plus  cbarmanic,  en  même 
temps  quun  type  très  i)ar- 
liculier  de  cénotaplie,  une 
illusl ra  t  i  o  n  a  n  e c  d  o  t  i  ([  u  e 
d'un(>  légeutle  recueillie  |)ar 
(îuillaume  de  Nangis.  Le 
monument  est  en  foi-me  de 

,  .  clianclle  à    double  face    au 

I  IG.  loj.  —  Cunolaplif  de  Dasobert  '         ,       ^.,     ■        i   .     •      '     , 

^abbaye  de  Sainl-Dcni?j.  rcvcrs   Ic    Ciirist    bénissant 


HISTOIRE  DR  1;ART 


csl  invoqiii''  |)ar  li^  P«oi  et  la  Reine).  Les  slalues  de  la  reine  Nanlildc  cl  de 
(liovis  11  se  liennenl  debout  aux  deux  côtés  du  gisant.  Sur  la  j)ai'oi  du 
fond  se  déroule,  en  trois  zones,  la  vision  qu'avait  eue,  après  la  mort  du 
roi,  un  ermite,  Jean,  relire  dans  une  île  lointaine.  SainI  Denis  lui  com- 
mande de  prier  pour  Dagobert  qui  venait  de  mourir  ce  jour  même.  L'ei-- 
mitc  se  réveille  et  aperçoit  sur  la  mer  une  barque  dans  laquelle  l'âme 
du  roi  est  tourmentée  par  des  démons  (première  zone);  — attirés  par  les 
cris  du  roi,  saint  Denis,  saint  Maurice  et  saint  Martin  délivrent  l'àme  en 
peine  (seconde  zone);  —  ils  la  conduisent  dans  le  sein  d'Abraham,  et 

l'anachorète  les  entend 
ciianter  ces  paroles  du 
psaume  :  «  Heureux  celui 
que  l'Eternel  a  élu  .1  (troi- 
sième zone)....  ■■  l'.l  se  ne 
me  croyez,  ajoute  (_niii- 
laume  de  Nangis,  allez  à 
Sainct-Denis  en  France, 
en  l'église,  el  regardez  de- 
vant l'autel  où  l'on  chante 
tous  les  jours  la  grand' 
messe,  là  où  le  roi  Dago- 
bert gist.  Là  rerrcz-rous 
(iii-(h'ssus  (le  hnj  cr  que 
vous  dij  (lu  jtouriruici  cl  de 
noble  l'urre  riclieincul  euhi- 
uiiuée.  M  Comme  presque 
loutes  les  statues  du    lemps,    ce    bas-relief  était  eubiuiiné. 

Ce  thème  funéraire  se  pliait  à  des  formes  très  diverses.  Nous  ne  pou- 
vons qu'indiquer  sommairement  ici  quelques-uns  de  ces  développements. 
A  Sainl-Faion  île  Meaux,  vers  la  fin  du  xii''  siècle,  les  bénédictins  avaient 
élevé  en  l'honneur  de  saint  Benoît  et  d'Ûgier  le  Danois  un  cénotaphe 
somptueux  où  l'on  voyait  représentées,  avec  six  grandes  statues,  des 
('  histoires  »  de  saint  Benoîl,  d'Aude,  "  (ille  de  Charlemagne  »,  et  de  Ro- 
land (voy.  Aunali-s  ord.  S.  11.  11,  ."."mi.  Vers  lt270,  à  Saint-Jean  d'Aix,  on 
avait  élevé,  pour  la  femme  de  (Jliarles  d'Anjou  et  son  père,  de  magnifiques 
mausolées,  malheureusement  détruits  (gravés  par  Millin),  où  le  cortège 
des  funérailles,  l'assistance  des  saints  et  des  anges  et  la  réception  de  l'âme 
au  ciel  avaient  reçu  un  développement  monumental.  Quand  il  s'agissait, 
comme  dans  l'église  d'Obazine  en  Corrèze,par  exennde,d'un  saint  popu- 
laire dans  le  pays,  le  tombeau  prenail  la  forme  d'une  châsse.  Le  mort  est 
couché  sur  une  dalle;  il  apparaît,  enlre  les  arcatures  ajourées,  les  mains 
croisées  sur  la  poitiine;  et  le  modelé  de  cette  figure,  aux  yeux  fermés 


Frngincnl  ilii  c-L'nol.i|ili( 
(l'Ohnzini'. 


lo  sninl  Élienne 


KOHMATION  ET  DÉNKLOPPKME.NT  DE  LA  SCULPTIHE  (;()Tni()rE     lïtj 


(contrairement  à  riisaye  ))resque  constant  alors  —  du  moins  en  Finance  — 
de  représenter  les  morts  les  yeux  ouverts),  maigre,  nerveuse  et  déjà 
))lus  individuelle,  est  un  de  ces  nombreux  morceaux  où  l'art  du  xiii''  siècle 
finissant  se  montre  riche  de  tout  ce  que  l'avenir  procluiin  chAcloppera. 
Sur  les  rampants  de  la  toiture  cpii  ahi'ilc  la  slaluc  tondjale,  un  double 
cortège  est  représenté  :  ce  soni  les  uidincs  de  l'abbaye  l'ondi'-c  par  saiid 
Etienne  qui,  d'abord  sur  la 
terre  et  puis,  après  leur 
luori ,  dans  le  ciel,  \  iennrnl 
honorer  la \ icrge; des  anges 
à  mi-corps,  les  mains  jointes 
ou  porteurs  de  livres,  de 
calices,  d'encensoirs,  occu- 
pent les  arcatures  qui  sur- 
montent ces  petits  groupes, 
tandis  que  dans  les  écoin- 
cons  inférieurs  s'étalent  de 
charmants  feuillages  et  que, 
sur  les  frontons,  des  ar- 
bustes fleuris  où  des  oiseaux 
chaideurs  sont  venus  se 
jioser,  éxoipient  au-dessus 
de  celte  image  de  la  mort 
riche  de  toutes  h's  pro- 
messes de  l'espérance  et  de 
l'immortalité,  la  joie  et  le 
triomphe  de  la  vie.  Nous 
verrons  bientôt,  au  cours 
du  xiv"  siècle,  se  transfor- 
mer radicalement  cette  in- 
terprétation    de     la     niorl. 

A  partir  de  c(>tte  date,  c'est-à-dire  veis  la  lin  du  xiii'  siècle,  le 
portrait  —  ou  l'intention  tout  au  moins  du  portrait  —  commencer  à 
paraître  dans  la  sculpture  lunéraiic.  A  Saint-Denis  même,  siu-  le  tom- 
beau des  successeurs  immédiats  de  saint  Louis,  celle  Iraiisfoiuialion 
se  fait  sentir.  Mais  c'est  le  UHinienl  où.  dans  la  sculpture  française, 
les  symptômes  se  mulli|ilieHl  d'une  é\(>bdi(_)n.  au  cours  de  laquelle  I  idéa- 
lisme charmant  du  xui'  siècle  tournerait  insensiblement  à  un  maniérisme 
bientôt  figé,  si  l'intervention  graduelle  d'un  réalisme  nouveau  n'y  intro- 
duisait les  gerino  d'une  >nrle  (II'  "  i-enai>saiice  II.  Nous  éludierons,  dans 
la  seconde  parlie  de  ce  volume,  celte  crise  décisive  dan-^  Ihisloire  de 
l'arl  ein-()p(''eu. 


Fie.  1."h.  —  l'oilnil  de  l'i 


l'I/ol    de-  1; - if,  M    II. 

isc  d'Ambronoy  (Ain). 


19fi 


HlSTOllΠ DE  L'ART 


IvM'ANsioN  m-:  LA  sTAïiAiRE  GOTiiiouE.  —  C'csl  (laos  Ics  cliaiilicis  des 
grandes  calliédralcs  que  la  sculpUire  du  xiu''  siècle  eut  ses  foyers  créa- 
teurs; mais  clic  rayonna  de  là  sur  tout  le  pays  et  au  delà  des  frontières, 


l'Iiot.  de  Greck. 


FiG.  KifS.  —  l'urchc  de  la  callu 


et  se  rcvclil  niènie,  dans  les  provinces  dont  le  leuipérament  artistique  était 
depuis  le  Ml'  sirile  forlemenl  conslilué,  (l'un  accent  l'éyional  quelquefois 
très  sensible.  Le  dialecte  le  plus  pur,  si  l'on  [)eutdire,  est  celui  de  l'IIe-de- 
F'rancc,  et  le  tympan  de  la  porte  de  la  Vierge  à  Notre-I>ame  de  Paris  en 
conserve  la  forme  la  jikis  exquise.  (Jn  en  peut  suivre  à  Manies,  h  Saint 


FOliMATIoX  ET  DKNKLOPPKMENT  DK  LA  SC.ULI'Tl  liK  (  io  Tllini'l-.      197 

Siilpicc-dc-Favières,  à  Sainl-Leii.  jusciu'à  Kvrcux  la  }ir(>iiaiia(i(Mi  cl, 
par  delà  son  propre  lerritoiro,  de  brillanles  manircslalions,  d'une  part 
dans  le  Beauvaisis  et  le  Soissonnais  (Noyon.  Sainl-Jean-des-Vignes'),  jus- 
qu'aux  liniilcs  oii    l'école  de    Picardie  rencnnli'c  l'école  llaniande,  cl  de 


ÉW* 


■r-j 


Imc.   I.'j'.i,  —    l'iiil.iil  iriiMC  niu-iomic  rixlisç  de  llax. 

i'aiilrc  cil  .Xonnaiiilir.  m'i  les  imagiers,  aux  soubassements  des  portails  de 
la  lialende  et  des  Libraires,  sculpleiil,  à  la  lin  du  mm  siècle,  ces  cliarmanls 
bas-relicl's  de  la  (îenèse  et  des  liisloircs  Ac  .ludilli.  Joscpli.  IN'becca,  etc., 
ou  encore  drs  \irs  i\r  saiids  idcnliiii'-cs  |iar  Mile  Louise  l'illicm.  Les  cathé- 
drales de  lîayi'ux,  de  S(''e/,  (le  Coulances,  l'aliliaye  du  MnnLSaiiil-.M  ichel, 
(pianlih-    de   |ielilcs    églises   du   Cahados.    de   la    Sciiie-lnrériein-c.    de    la 


lus  IIISTOIHE  DE  I.AUT 

Mnnchc  ('l  de  l'Eure  conservent  de  précieux  vcsliges  de  la  slaluaire  et 
de  la  décoration  sur  lesquelles  les  iconoclastes  se  sont  malheureusement 
rués  à  plusieurs  reprises.... 

Un  a  vu  l'importance  et  la  force  expansive  de  l'école  de  Cliampagne. 
Comme  celle  de  l'Ile-de-Francc,  dont  elle  subit  l'influence,  elle  rayonne 
par  delà  ses  fronlières  et  se  combine  souvent,  tantôt  avec  l'école  de 
Bourgogne  dont  il  semble  qu'on  retrouve  comme  un  écho  jusqu'à  Vouzon 
dans  les  Ardennes,  tantôt  avec  celle  de  l'Ilc-de-Francc,  comme  à  Ville- 
neuve-lc-Comte  ou  à  Villeneuve-rArchevcquc.  Vers  l'est,  à  Chaumont  et 
à  Toul,  et  jusqu'à  Metz,  elle  reçoit  quelques  infdtrations  germaniques; 
mais  nous  verrons  qu'en  plein  territoire  allemand  elle  intervient  encore 
comme  une  initiatrice. 

L'école  de  Bourgogne  est,  à  côté  des  grandes  écoles  créatrices  du 
xni"  siècle,  la  plus  originale.  Elle  conserve  une  saveur,  une  verve  et  une 
abondance  dont  nous  avons  eu  l'occasion  de  signaler  au  cours  de  ce 
chapitre  quebiues  exemples,  et  dont  on  retrouve  des  traces  jusqu'à 
Lausanne. 

Au  sud  de  la  Loire,  c'est  encore  d'influences  combinées  de  ces 
divers  ateliers  qu'est  faite  la  sculpture  qui  se  propage,  avec  l'architecture, 
dans  la  seconde  moitié  du  xm""  siècle.  A  Bordeaux,  le  porche  de  Saint- 
Seurin  ('LiOO)  en  olfre  un  des  exemples  les  plus  brillants  et  les  plus  ori- 
ginaux par  l'abondance  et  la  verve  de  l'ornementation  qui  se  mêle  à  la 
statuaire.  A  Dax  et  jusqu'à  Bayonne,  c'est-à-dire  jusqu'au  point  où 
l'école  française  va  passer  les  Pyrénées  pour  exercer  sur  l'Espagne  une 
influence  singulièrement  féconde,  on  constate  encore  ses  progrès  et  ses 
conquêtes. 

Un  va  voir  comment  s'exerça  en  Angleterre  et  en  Espagne  cette 
influence  française,  et  dans  (pielle  mesure  elle  y  rencontra  d'autres  élé- 
ments autochtones.  Dans  la  seconde  partie  de  ce  volume,  en  même  temps 
qu'on  suivra,  en  l'rance  même,  l'évolution  de  la  statuaire  monumentale, 
on  en  reprendra  l'étude  en  Allemagne  el  en  Italie. 


LA  SCULPTURE  EN  ANGLETERRE 


Les  origines  de  la  scrij-Tip.E  anglaise.  —  La  sciilplui'c  anglaise 
avait  des  traditions  nalionales  lorsque,  vers  la  fin  du  xn'  sircle,  elle 
accepta,  comme  loule  la   chrétienté,  la  mode  de  France. 

L'occupation  romaine  avait  laissé  à  la  Grande-Brelagne  peu\le  sou- 
venirs artistiques,  et  son  art  ne  commença 
réellement  qu'avec  le  christianisme,  vers  le 
vil""  siècle;  mais  il  se  révèle  alors  supérieur  à 
celui  des  Gaules.  L'inspiration  est,  du  resle, 
différente  :  les  motifs  celtiques  se  mêlent  aux 
modèles  byzantins,  de  même  que  le  christia 
nisme  arrivait  par  deux  voies  :  saint  Augustin, 
en  600,  étant  venu  directement  de  Rome,  en  ame- 
nant des  artistes  [cn-liftrcs]  et  des  objets  d'arl, 
—  et  les  premiers  moines,  en  635,  étant  venus 
d'Irlande  à  Lindisfarne.  En  669,  l'archevêque 
Théodore,  un  Syrien  de  Tarse,  fut  encore  en- 
voyé de  Rome;  puis  dans  la  seconde  moitié  du 
vu"  siècle,  une  nouvelle  impulsion  fut  donner 
à  l'art  et  de  nouveaux  artistes,  surtout  des 
maçons  [cavneutarii],  continentaux  furent  ame- 
nés par  saint  Wilfrid,  fondateur  des  églises  de 
Ripon  et  d'Hexham,  et  par  saint  Benoît  Biscop, 
fondateur  de  celles  de  Wearmoulh  et  Jarrow, 
qui  alla,  nous  dit  Bède,  chercher  des  maçons 
et  des  verriers  en  Gaule. 

Deux  monuments  sont  d'une  extrême  im- 
portance pour  l'étude  de  ces  origines  :  les  croix 

de  Bewcastle  et  d'Hexham.  Celle  de  Bewcastle  porte  une  inscription  ru- 
nique  qui  l'attribue  formellement  à  la  première  année  du  règne  d'Ladfrith, 
c'est-à-dire  à  670,  et  l'inscription  a  tous  les  caractères  du  temps.  La  croix 
d'Hexham,  aujourd'hui  trans|)ortéc  à  Durham,  porte  le  nom  de  l'évêque 
Acca,  mort  en  7iO,  et  parail  rive  une  des  deux  croix  (pii   s'élevaient    sur 


û.  —  DùLail  (le  la  croi.ic 
de  Bewcaslle. 


1.  l'ar  M.  C.  Kiil.irl. 


200  msToirsE  de  i;ai'.t 

sa  lomlic.  Toutes  deux  onl  un  lui  à  quatre  faces  couvertes  de  failjlcs 
reliefs  :  à  Bewcastle,  ce  sont  des  billetles,  des  entrelacs,  des  rinceaux 
accompagnés  d'oiseaux,  reproduction  très  pure  d'un  modèle  oriental, 
et  une  figure  du  Christ  enseignani,  digne  de  l'art  byzantin  doni  elle  ]ii'o- 
cède.  Quant  à  la  croix  d'Ilexham,  elle  porte  des  pampres  plus  fournis 
de  grappes  que  de  feuilles  et  symétriquement  entrelacés  pour  dessiner 
une  suite  de  médaillons.  Cette  décoration  offre  une  analogie  très  frap- 
pante avec  celle  du  trône  de  l'archevêque  Maximien  à  Ravenne. 

Le  style  d'un  panneau  de  sculpture  conservé  à  Hexhani  est  encore 
jilus  étonnant.  Parmi  des  rinceaux  de  pampres  s'y  mouvaient  des  figurines 
nues  d'un  dessin  tout  proche  de  l'antique.  A  Jcdburgh  (Roxburgshire),un 
autre  panneau  de  pierre  sculpté  montre  des  rinceaux  de  pampres  parlant 
d'une  tige  centrale  et  des  animaux  affrontés  dans  leurs  spirales  :  le  dessin 
en  est  assez  bon  et  copie  exactement  une  œuvre  byzantine.  Aussi  frappani 
est  le  buste  de  Christ  imberbe  sous  une  arcature  conservé  à  Rolhbuig 
(Northumberland);  c'est  la  copie  d'un  ivoire  byzantin. 

Ces  onivres  sont  rares,  et  l'école  (jui  les  créa  ne  tarda  pas  à  dégé- 
nérer :  au  musée  de  la  cathédrale  de  Durham.  deux  fragments  de  pieds  de 
croix  analogues  à  celui  d'Ilexham  et  quelques  autres  débris  de  même  style 
montrent  un  travail  beaucoup  plus  grossier.  Une  curieuse  pièce  du  même 
musée  montre  ce  qu'était  devenue  la  représentation  de  la  figure  humaine 
dans  les  dernières  années  du  vu"  siècle.  C'est  le  cercueil  de  bois  de  saint 
Culidjcrl  exécuté  en  6!)8  par  les  moines  de  Lindisfarne.  Le  Christ  entre 
les  Quatre  Animaux,  la  N'icrge,  les  Archanges,  y  sont  représentés  en 
simple  gravure  au  Irait,  avec  une  médiocre  entente  des  proportions  et 
des  formes,  et  de  façon  toute  conventionnelle  et  systématique,  mais  non 
sans  habileté.  La  tradition  byzantine  est  encore  évidente  dans  ces 
curieuses  figures  qui  rappellent  beaucoup  la  Vierge  Marie  gravée  sous  les 
traits  d'une  Orante  dans  la  crypte  de  Saint-Maximin  (Var). 

Bientôt,  et  pour  environ  quatre  siècles,  la  sculpture  va  se  confiner  à 
peu  près  dans  les  dessins  géométriques,  dans  les  représentations  de  quel- 
ques végétaux  stylisés  à  outrance  et  d'animaux  fantastiques.  Ses  princi- 
jîales  œuvres  seront  des  croix  monumentales,  des  couvercles  de  sarco- 
phages à  petits  toits  bombés  ornés  de  croix  et  d'entrelacs,  comme  à  Peter- 
borough,  de  rinceaux,  quelquefois  aus.si  d'animaux.  Les  croix  mêlent  à 
leurs  entrelacs  celtiques  des  figures  d'une  extrême  sauvagerie,  traitées  en 
méplat.  Elles  ressemblent  à  celles  de  l'Irlande;  on  sait,  du  reste,  que  les 
abbayes  irlandaises  étaient  alors  le  foyer  d'oîi  les  arts  rayonnaient  dans  la 
Grande-Bretagne  et  la  Scandinavie. 

C'est  encore  au  musée  épiscopal  de  Durham  qu'un  fragment  de  croix 
à  trois  personnages,  provenant  de  Gainford,  montre  à  quel  point  d'abâtar- 
dissement était  parvenue  vers  le  x''  siècle  la  représentation  de  la  tigure 


FORMATION   1:T  Dt VKLOIM'EMI'.NT  DH   LA  SCLLPTLHE  (lOTIIlOUK     2UI 

luiinaine.  On  peut  allril)ui'r  au  xi'  sircle  C|uelqiics  pièces  de  la  môme  col- 
lection, comme  la  croix  monumentale  trouvée  sous  la  salle  capitulaire  de 
Durham.  Une  cuve  baptismale  de  cette  époque,  au  musée  d'York,  n"esl 
pas  moins  barbare  de  dessin;  de  plus,  elle  est  exécutée  en  méplat,  et  en  si 
faible  relief  qu'elle  est  plutôt  gravée  que  sculptée. 


Éi'OQUE  ROMANE.  —  L'art  Scandinave,  en  partie  inspiré  de  l'art  irlan- 
dais, s'étend  alors  sur  l'Angle- 
terre, car  Suénon  s'est  fait  cou- 
ronner à  Londres  en  101.")  ;  C.anul 
occupe  le  nord  du  pays  eu  KM  i, 
toute  la  Grande-Bretagne  en 
1017;  l'Ecosse  en  lOôi;  Ilarobl 
et  Canut  II  régnent  après  lui 
jusqu'en  1042.  Un  bas-relief 
danois  du  xf  siècle  figurant  le 
cerf  cl  le  serpent  a  été  trouvé 
dans  le  cimetière  de  Saint-Paul 
de  Londres,  et  figure  au  musée 
du  Guildball. 

L  iiillucnce  artistique  de 
1  Irlande  continue  de  s'exercer 
jusqu'au  xii"  siècle.  C'est  alors 
seulement  que  la  sculpture  irlan- 
daise acquiert,  sous  une  in- 
lluence  venue  du  continent, 
quebjue  sentiment  de  la  forme 
humaine  qu'elle  avait  si  étran- 
gement stylisée.  Les  bas-reliefs 

des  tympans  d'Ardmore,  malgré  leur  barbarie,  et  surtout  les  figurines  de 
la  châsse  de  saint  Magne,  autrefois  à  Drumlane,  témoignent  de  ce  progrès 
dû  certainement  à  une  inlluence  continentale.  De  môme  en  Angleterre,  le 
xi'  siècle,  d'une  fécondité  si  précoce  dans  le  domaine  de  l'architecture, 
n'a  pas  \u  progresser  la  scul|iture  :  on  sait  que  les  conquérants,  bons 
architectes,  se  contentaient  d'une  décoration  peu  variée  et  géométrique, 
et  qu'ils  n'abordaient  pas  la  statuaire.  Les  chapiteaux  de  la  crypte  de  Can- 
terbury,  un  linteau  de  Southwell  figurant  saint  Michel  et  le  Dragon,  les 
tympans  de  Moreton-\'alence  (Gloucestershirei  et  de  Fordington  (Dorset) 
ont  le  style  des  chapiteaux  de  Caen  et  d'un  tympan  de  CoUeville;  les  tym- 
pans d'Ault-IIucknall  ;  Derbyshire),  Dinton  (Buckinghamshire),  les  modil- 
lons  de  Homsey,  sont  comparal)Ies  aux  tympans  et  modillons  des  églises 
normandes  du  continent  :  les  portails  ont  les  mômes  \oussures  à  zigzags, 

T.   II.  —  'iO 


,  liU.  —  Bas-rolii-r  ipimv.ij:iiiI  île  Sel-c- 
dans  la  cathédialu  de  Chiihester. 


202 


HISTOIRE  DE  L'ART 


ol  ceux  de  Kilpcck,  d'ElUslonc  el  d'Ifllcy  onl  des  Irirs  jil(il,'.'<  h.ul  :^  Inil 
semblables  aux  exemples  de  Normandie;  à  llercford  même,  un  cbapilcau 
historié  du  xi"  siècle  égale  en  lourdeur  et  en  grossièreté  ceux  du  continent. 

Cependant  l'importation  normande  n'absorbe  point  la  sculpture  autant 
que  l'architecture,  car  il  survit  quelque  cliose  de  l'ornement  saxon,  Scan- 
dinave et  irlandais;  d'autre  part,  des  fonts  baptismaux  de  Tournai  étaient 
importés  à  Southampton,  à  Winchester  cl  autres  lieux. 

La  sculpture  du  xn''  siècle  procède  de  toutes  ces  influences  :  certains 
morceaux  continuent  ou  renouvellent  les  traditions  du  premier  art  saxon  : 
deux  bas-reliefs  de  la  Résurrection  de  Lazare  (fig.  Kil),  apportés  de  Selsea 
dans  la  cathédrale  de  Chichester,  reproduisent   de  la  façon  la   plus  frap- 


jf^r^ 


Fk;.  102  —  Frise  do  la  façade  occideiilale  de  la  calliédralc  de  Lincoln. 


pante  le  style  des  ivoires  byzantins.  Ces  sculptures  surprenantes  taillées 
en  plein  appareil  sont  attribuées  à  l'époque  saxonne,  mais  l'habileté  de 
l'exécution,  la  saillie  du  relief,  la  qualité  du  dessin  et  l'architecture  d'une 
porte  de  ville  qui  a  des  chapiteaux  semblables  à  ceux  de  la  chapelle  de 
la  Vierge  de  la  cathédrale  même  de  Chichester,  tout  cela  permet  d'attri- 
buer l'œuvre  au  xii''  siècle. 

J'incline  à  attribuer  la  môme  date  au  fût  de  croix  historié  de  Ruthwell 
(Dumfries),  insj)iré  aussi  de  l'art  byzantin.  Le  caractère  de  ses  hauts 
reliefs  et  de  ses  inscriptions  indique  celte  date,  et  je  n'hésite  pas  à  dater 
de  même  un  beau  cénotaphe  en  forme  de  sarcophage  de  la  cathédrale  de 
Peterborough,  —  du  moins  le  colTre  orné  de  personnages  Jiien  ]H-opor- 
tionnés  sous  des  arcatures,  car  le  couvercle  à  rinceaux  de  style  irlandais 
peut  être  antérieur. 

11  n'est  pas  plus  douteux  pour  moi  qu'il  faille  dater  du  xii'  siècle  les 
beaux  anges  volants  rapportés  au-dessus  de  l'arc  triomphal  de  l'église 
saxonne    de   Biadtbrd-sur-Avon,  et   les   deux  grands   crucitix   de  pierre 


FORMATION  ET  DÉVELOPPKMENT  DE  EA  SCLLPTIHE  COTIIlOrE     '205 


maçonnés  à  l'extérieur  des  églises  de  Litlle  Langford  ((Ixfonlsliire)  el  de 
Romsey.  Le  preniiiT  a  la  longue  robe  et  la  eeinlure  iiouc'e  à  loiii^s  IhhiIs 
pendants;  le  second,  nu  et  fort  bien  dessiné,  ne  pourrait  être  <pic  du 
xiii"  siècle  s'il  n'appartient  pas  au  xu' . 

Au  premier  quart  du  xu'   siècle,  on  peut  attribuer  un  assez  grand 
noudire  de  tympans  sculptés  assez  babilemcnt  en  faible  relief  dans  un 
dessin  stylisé,  extrêmement  raide  et  sec,  sans  aucun  scnlinn'nl  des  pnj- 
porlions.  Le  tympan  de  Fownliope 
(Ilerefordshirc)  est  un  type  parfail 
de  ce  genre.  A  la  même  famille  ap- 
partiennent ceux  de  Thôpital  Saint- 
Léonard  à  Hereford,  de  Rowlstone 
et  de   Shobdon,   tous   d'un   même 
modèle  qui  semble  inspiré  de  quel- 
que œuvre  d'orfèvrerie. 

Les  frises  bistoriées  de  la  fa- 
çade de  la  catbédrale  de  Lincoln 
(fig.  10'2),  à  laquelle  on  ti-availlait 
en  1073,  sont  peut-être  interpo- 
lées; en  tout  cas,  elles  remontent 
au  commencement  du  xu"  siècle 
et  ne  sauraient  être  antérieures. 
Elles  sont  importantes  comme 
origine  d'une  tradition  qui  donnera 
au  xni"  siècle  les  frises  bistoriées, 
autrement  belles,  de  la  façade  de 
\\'ells.  Ces  frises  représentent  des 
sujets  tin''S  de  la  (Irnrsc  cl  de 
rb]\;uigilc  :  Adam.  Noé,  la  desccuii' 
ciples  d'Emmaûs,  et  autres  scènes.  On  y  \(iil.  comme  sur  le  continent, 
des  ligures  inspirées  de  l'art  romain  provincial  dont  elles  ont  Inutc  la 
lourdeur,  et  des  vêtements  collants  à  petits  })lis  formant  des  couibcs 
concentriques  comme  en  France.  Les  mêmes  formes  lourdes  et  trapues  se 
voient  à  Mucli  \\'enlock,  dans  un  bas-relief  du  lavabo  du  cloître. 

Tout  dilTérent  est  le  style  du  lyiuiian  de  Malmesbury.  «ruvre  monas- 
tique qui  s'inspire  peut-être  de  Moissac  :  les  personnages  assis  y  ont  les 
mêmes  attitudes  contournées,  les  mêmes  robes  à  menus  plis.  (;e  style  se 
rencontre  encore  à  Bristol  dans  un  bas-relief  de  Jésus  descendani  aux 
Limbes,  dans  une  très  belle  Vierge,  malheureusement  décapitée,  de  la 
(■al!i(''dralf  d  '^inj-k.  cl  siirlnnl  (laii>  une  magnifique  figure  d'apcMi'c  i\r  la  lin 
du  xh'  siècle,  recueillie  dans  le  cliiili'c  de  Lincoln.  (_'.elle-ci  est  déjà  de  l'art 
de  transition.  On  n'en  saurait  dire  autant  des  ligures  li'ès  barbares  cpù,  à 


.  -  Détail  ik-  la  .toiv  .1.-  Kfllu; 
(.■omti-  lie  Diiiliaini. 


i\f   du    ('.lirisl    aux    Enfers,    les    Dis- 


204 


HISTOIRE  DE  LART 


Kilpcck,  se  mêlent  à  des  rinceaux  et  à  des  dragons  sur  les  montants  du 
portail  sud  et  de  l'are  triompiial.  Elles  ont  pourtant  une  parenté  avec  le 
style  du  portail  de  Chartres,  tant  par  la  eomposition  générale  que  par  les 
formes  émaciées.  Ce  grouillement  de  figurines  dans  des  rineeaux  est,  du 
rest(\  un  llièmc  très  inlernational.  Il  a  trouvé  en  Angleterre  une  magni- 
ii(pic  applicalion  dans  le  eélèl)re  eandélalire  de  ]:)ronze  de  Gloucester. 

Les  tympans  ornés  d'un  Christ  en  Majesté,  à  Ely,  à  Barfreslon,  à 
Rochester,   les  Aoussures  ornées  de  m('Mlaillons   satiriques  à   Barfreston, 


Fir,.   Kii.  -  roiUul  occidental  de  h\  calh.-di  aie  de  lln,lieslei-. 


sont  également  des  teuvres  parallèles  aux  portails  tVaneais  et  procédant 
d'une  inspiration  continentale.  La  croix  monumentale  de  Kellœ,  près 
Durliam  (ftg.  165),  est  un  fort  bel  exemple  de  ce  même  style,  tout  proche 
de  la  transition;  on  peut  en  dire  autant  de  la  cuve  baptismale  en  plomb 
de  Dorcliesler  (Oxfordshire)  dont  les  arcatures  encadrent  des  Apôtres 
assis,  fort  élégants  de  dessin  et  bien  drapés  dans  leurs  roiies  à  petits  jilis. 
Des  figures  moins  stylisées  et  déjà  très  naturalistes  apparaissent  sur  des 
fonts  de  pi(.'rre  sculpb's  en  Angleterre  cl  dont  le  d(''cor  est  rneore  roman, 
à  Burnliam-Decpdale  (iVorfolk),  sur  une  cuve  ornée  des  Ti'avnux  des  Mois, 
et  à  Southorp  (Gloucestershirel  où  l'on  remarque  un  gueriier  terrassant 
>(in  cnncnii  rt  les  ligures  de  l'f^glise  et  de  la  Synagogue.  Ces  dernières 
sculjitures  sont  déjà  golliiques. 

Les  plus  fines  sculptures  de  transition  de  l'Anglelerre  son!   les  pdits 


FORMATK^N  KT  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIOUE  -20:. 


bas  reliefs  à  personnages,  quart  de  granileur  nature,  conservés  au  musée 
(le  la  cathédrale  de  Durliam  et  qui  peuvent  provenir  d'un  jubé  ou  d'une 
clôture  de  cho?ur  de  cette  église.  Ils  semblent  dater  de  la  fin  du  \ii"  siècle, 
el  leur  style  est  incontestablement  plus  avancé  et  plus  parlai!  que  celui  des 
cariatides  toutes  romanes  et  sans  dessin  de  la  salle  capilulaire  bâtie  vers 
IliO.  Les  sujets  semblent  représenter  les  Apôtres  au  Jardin  des  Oliviers 
cl  Irois  scènes  des  apparitions  du  Christ  ressuscité.  Les  vêlements,  col- 
la nts  el  bordés  de  galons  perlés,  ont  des  plis 
minces  curieusement  contournés  autour  des 
saillies  du  corps,  mais  les  proportions  sont  régu- 
lières et  exactes;  le  dessin  est  bon.  Les  arbres, 
d'essences  variées,  sont  stylisés  à  outrance.  Ces 
sculptures  oui  une  grande  analogie  avec  les 
(iMivres  françaises  de  la  même  période,  mais 
l'ii'uvre  qui  rappelle  le  plus  e.xactement  la  sta- 
tuaire française  de  transition  est  le  portail  occi- 
dental de  la  calhédrale  de  liochester (lig.  Kii),  qui 
par  son  lynqian,  ses  voussures,  les  statues  de  ses 
jambages,  évoque  la  conqiaraison  avec  celui  de 
Chartres.  A  deux  des  colonnettes  adhèrent  les 
statues  de  Salomon  et  de  la  reine  de  Saba,  plus 
petites  que  celles  de  Chartres  ou  de  Corbeil,  mais 
absolument  du  même  style.  Il  est  à  remarquer 
qu'elles  sont  postérieures  au  portail,  car  deux 
bagues  ont  été  descendues  pour  leur  faire  place, 
et  le  portail  lui-même,  dont  on  n'a  malheureuse- 
ment pas  la  date  précise,  ne  semble  guère  anté- 
riciii-  à  1  KiO. 

I  )cs  statues  plus  grandc's  cjue  nature  garnis- 
saient le  portail  d('lruil  de  Sainle-.Marie  d'York  : 

elles  ont  été  recueillies  au  musée  de  celte  ville.  Leui'  slyle,  plus  avancé, 
est  voisin  de  celui  des  portails  de  Senlis  et  de  Laon  ;  les  draperies  forment 
de  petits  plis;  les  cheveux  et  la  barbe  forment  de  longues  mèches  striées. 
Les  unes  el  les  autres  sont  inférieures  aux  beaux  modèles  français,  et 
l'exécution  en  est  assez  rude. 


.  —  SUiltie  de  Mois 
menant  ilti  portail 
inlc  Marie  d'Vorli. 


Éi'ooiE  c.oruinri;.  —  Au  xni'  siècle.  l'Angleleire  eut,  comme  la 
France,  une  belle  floraison  sculpturale  ;  la  slaluaire  y  aH'ccte  des  caractères 
analogues,  mais  elle  est  moins  nombreuse  et  surtout  i-épartic  d'une  façon 
liMite  dilVéï-enle.  Les  portails  ont  été  en  France  leprinci[)al  champ  ofl'ert  au 
talent  lies  sculpteurs  golbiques;  en  Angleterre,  les  statues  sont  rares  sur 
les  montants,  et  les  lynipans.  ipiaïul  il  l'ii  existe,  n'ont   d'autres  bas- reliefs 


m<  HISTOIRE  DE  L'ART 

qu'un  iu(Ml;iillun  central;  enfin,  hcaucoup  de  sujets  en  bas-reliet's  occupent 
les  écoinçons  des  arcatures  intérieures  des  églises,  soit  au  bas  des  murs, 
comme  à  \\'orcester,  soit  au  triforium,  comme  à  Lincoln,  soit  même  au- 
dessus  des  fenêtres  dans  le  chevet  de  Worcester. 

Les  façades  des  grandes  églises  sont  assez  souvent  dépourvues  de 
statuaire  ou  n'ont  que  quelques  figures  espacées  sous  des  arcatures,  comme 
à  Salisbury  ou  au  sud  du  chœur  de  Lincoln  ;  exceptionnellement,  les 
façades  des  cathédrales  de  Wells,  Lichfield  et  Salisbury  ont  de  nom- 
breuses statues,  mais  qui  se  logent  dans  les  rangs  d'arcatures  superposés 
du  haut  en  bas  de  ces  façades,  disposition  analogue  à  celle  du  porche  de 
Candes  (Maine-et-Loire)  ou  du  revers  de  la  façade  de  la  cathédrale  de 
Reims,  et  qui  sera  imitée  au  xv"  siècle  à  celle  de  Rouen. 

Le  caractère  de  la  sculpture  diffère  sensiblement  selon  quelle  est  en 
bois,  en  pierre  de  taille,  en  purbeck  ou  en  bronze. 

Le  marbre  de  Purbeck  donne  aux  effigies  un  caraclère  lourd,  épais, 
quelque  peu  mou,  comme  le  granit  et  le  grès.  De  plus,  celle  [lierre  se 
délite  avec  le  temps,  et  beaucoup  d'effigies  sont  aujourd'hui  irrémédiable- 
ment défigurées. 

Les  plus  anciens  tombeaux  faits  en  cette  matière  (et  l'Angleterre, 
ayant  moins  détruit  les  monuments  de  son  art  national,  possède  un 
nombre  plus  grand  de  statues  funéraires  que  la  France)  ont  une  compo- 
sition assez  uniforme  qui  resta  de  règle  jusqu'au  xiv''  siècle  :  le  gisant  est 
sous  un  dais  simple  à  arcalure  tréfiée,  dont  les  écoinçons  et  les  montants 
sont  ornés  de  rinceaux  de  feuillages  gothiques  normands,  très  riches,  for- 
mant des  entrelacs  touffus.  Ce  type  de  tombeau  paraît  déri\é  de  modèles 
importés  des  ateliers  de  Tournai.  On  sait  déjà  que  des  fonts  baptismaux 
romans  en  pierre  bleue  de  Tournai  ont  été  apportés  au  xii'  siècle  à  Win- 
chcsler,  à  S()ulhaui|ilnn  ri  ailicins,  11  en  fui  de  même  des  pierres  tombales, 
cl  la  caihédrale  de  Salisijury  conserxe  une  effigie  d'évéquc  couchée  entre 
des  rinceaux  qui  resseud)le  tout  à  l'ait  à  une  tombe  de  même  époque,  dite 
tombeau  de  sainte  Pharadde,à  Rruay  (Nord);  or,  cette  tombe  est  en  pierre 
de  Tournai.  On  croit  que  c'est  celle  de  l'évèque  Roger,  mort  en  1159;  la 
tète  a  été  remplacée  à  la  fin  du  xiii°  siècle  par  une  tète  de  pierre  blanche. 
A  Exeter,  la  tombe  de  l'évèque  Iscanus,  mort  en  1181,  est  d'un  style  ana- 
logue, mais  beaucoup  plus  grossier,  (".'est  une  imitalion  en  marijre  de 
Purbeck  des  tombes  lournaisiennes.  Peu  d'années  plus  lard,  les  lundiiers 
anglais  savaient  sculpter  dans  le  marbre  de  Purbeck  des  effigies  en  haul 
relief,  des  dais  d'architecture  et  des  rinceaux  d'un  dessin  sensiblement 
meilleur.  On  peut  citer  à  Peterboroug  une  tombe  d'évêque  d'un  travail 
encore  lourd  et  mou;  à  Exeter,  la  lom])e  de  l'évèque  Marshall,  mort  en 
l'20(),  d'un  travail  sec,  au  contraire,  avec  les  draperies  à  petits  plis  du 
style  de  transition;  à  Worcester,  deux  tombes  d'évèques  de  la  première 


FoliMATloN  1-:T  nÉVI':i.OPI'EMi:NT  DE  LA  SCULPTURE  OOTIIIOUI'.     '_'(I7 

nioilic  du  xiii'  sirt-le  i  lii;'.  ItiCn,  d'iiii  dessin  assez  correct  el  um'-ihc  rlét>nnL 
Le  tombeau  de  révèque  Anselme,  mort  en  i2il ,  dans  la  cathédrale  de 
Saint-David,  est  une  autre  variante  de  la  même  tradition  ;  son  style  est 
un  peu  sec. 

D'autres  effigies  tombales  en  mariire  de  Purbeck  n'ont  pas  d'encadre- 
ment d'architecture.  Trois  d'entre  elles  représentent  des  Templiers  dans 
leur  église  de  Londres.  La  plus  ancienne,  de  1200  environ,  est  la  plus 
belle;  la  figure  énergique  et  rude  d'un  vieux  guerrier,  qui  fut  en  même 
temps  un  ascète,  est  rendue  avec  un  rare  lionheur  el  avec  une  belle  simpli- 
cité de  dessin;  très  peu  de  ces  tombeaux,  par  malheur,  ont  la  même  valeur 
artistique,  el  celui-là  ayant  été  restauré,  il  est  fort  à  craindre  qu'il  ne 
faille  pas  faire  honneur  de  ses  (|ualili''s  à   l'nrliste  du  xni"  siècle.  Deux 


Fir,.  ICO.  —  Tombeau  dï-V("'i[ue  ihms  la  ralliédrale  de  \\'(jicesti_'i-. 


autres,  d'une  trentaine  d'années  postérieurs  et  moins  retouchés,  ne  sont 
pas  sans  mérite,  quoique  un  peu  maigres  et  secs,  el  l'une  des  figures  est 
aussi  un  fort  beau  portrait,  apparemment  sincère. 

Deux  tombes  du  même  temps,  à  Worcester,  n'ont  pas  les  mêmes  qua- 
lités :  celle  du  roi  Jean,  exécutée  vers  12")0,  offre  un  mélange  de  lourdeurs 
et  de  maigreurs,  bien  que  l'allure  générale  en  soil  fort  belle;  et  une  tombe 
de  dame  du  temps  de  saint  Louis,  encadrée  de  rinceaux  suivani  la  vieille 
tradition,  n'a  pour  elle  ni  l'ensemble,  ni  le  dessin,  ni  la  grâce,  ni  j'élude 
sincère  des  draperies. 

I^a  slaluede  l'évèque  Norlliwold  miorlen  I '_'^ i ; ,  à  Hly, présente  encore 
les  petits  plis  du  xii"  siècle:  ciMIe  figure,  comme  plusieurs  aulres,  se  fait 
remarquer  par  l'énormité  el  l'écartement  des  oreilles;  au  contraire,  celle 
de  l'évêque  Rilkenny  (mort  deux  ans  après)  dans  la  même  calhédrale,  ne 
manque  ni  de  correction,  ni  d'élégance  el  de  souplesse.  Hlle  est  de 
l'époque  qui  marque  l'apogée  de  l'art  des  tombiers  de  Purbeck;  car  les 
dernières  années  du  xui''  siècle  ont  vu  se  produire  des  œuvres  lourdes, 
comme  deux  monuments  d'évè([ues  à  Rocliester  el  un  autre  à  Salisbury,  et, 
à  Liciifirld.  celui  de  I'c'n ("'(fiie  Palle>liidl,  morl  \ers  \2i\.  Deux  lundtes  de 


208  HISTOIRE  DE  LART 

dames  de  ht  lin  du  .\iii°  siècle,  à  Ronisey  el  h  Ahei'gavcnny,  oui,  au  eoii- 
liaiic,  une  certaine  maigreur,  mais  la  première  n'est  pas  sans  grâce  et 
sans  mérite.  La  seconde  est  cuiùeuse  par  Técu  llcurdelysé  pose  sur  le  corps 
de  la  gisante  comme  sur  celui  d'un  guerrier. 

Le  calcaire  oolithique  a  donné  beaucoup  plus  d'aisance  au  ciseau; 
mais  lorsqu'ils  ont  eu  affaire  à  cette  matière,  les  sculpteurs  sont  trop  sou- 
vent tombés  dans  la  mollesse  :  c'est  le  défaut  de  la  tombe  de  Fiobert 
de  Gloucester,  à  Saint-Jacques  de  Bristol,  malgré  l'élégante  précision  de 
ses  drapeiies;  c'est  aussi  celui  d'une  loudie  de  clievaliei' d'Abeydare  qui 
est,  en  outre,  mal  proportionnée.  Au  contraire,  la  statue  tomJjale  de 
Guillaume  Longuespée,  à  la  cathédrale  de  Salisbuiy,  est  lui  modèle  de 
dessin  élégant  et  correct,  et  de  belle  et  simple  allure. 

Une  effigie  tombale  de  chevalier,  mal  proportionnée,  à  Bridpurl,  une 
autre  à  Sainte-Marie  RedclifF  de  Bristol,  la  tète  d'un  troisième  à  Exeler, 
sont  des  poriraits  très^ivants  et  d'un  modelé  gras  et  souple  fort  remar- 
quable. 

La  pierre  de  taille  a  donné  des  monuments  analogues;  le  plus  beau 
est  l'admirable  statue  tombale  du  chancelier  Swinfield  (mort  en  1299)  dans 
la  cathédrale  d'IIereford.  La  tète  est  d'une  grave  el  belle  expression;  le 
corps  émacié  est  serré  dans  une  longue  robe  aux  plis  multiples  élégam- 
ment recherchés  et  supérieurement  étudiés.  Dans  la  même  église,  une 
tombe  de  1280,  celle  do  l'évèque  Bronescombe,  se  recommande  aussi  par 
ses  draperies;  très  élégantes  également  sont  les  efiigies  tombales  d'un 
chevalier  et  d'une  dame,  de  1500  environ,  à  Béer  Ferrers,  celles  d'un  autre 
couple  contemporain,  à  Ilernby,  d'une  exécution  simple  et  puissante. 
(Citons  aussi  d'assez  belles  statues  tombales  de  la  même  pierre  el  ilu 
même  temps  à  Rippingale  (Lincolnsliire).  A  Westminster,  l'effigie  tom- 
bale de  Crouchback,  comte  de  Lancastre,  à  Abergavenny  (Monmoulhi  une 
autre  tombe  de  chevalier  couché,  sont  d'une  allure  noble  el  simple,  et  d'un 
très  beau  dessin. 

Les  effigies  funéraires  en  bois  de  chêne  ont  dû  être  en  usage  dès  le 
xii"  siècle,  puisqu'il  s'en  trouve  dans  les  monuments  des  Planlagenets  à 
Fonlevraull ,  mais  on  n Cn  a  ]>as  conservé  d  antérieures  à  la  lin  du  xiii'^  siècle. 
Ce  sont  les  œuvres  d'un  petit  nombre  de  tondiiers  *pii  l'cproduisent  les 
mêmes  modèles,  et  leur  teciinique  est  la  même  que  celle  de  la  pierie. 
JM.  Prior  croit,  d'après  leur  style,  que  l'atelier  était  à  Londies.  L'efligie 
loud)ale  de  George  de  Cantelupe  (mort  en  1275),  à  Abergavenny,  est  une 
œuvre  d'une  belle  allure  et  d'un  beau  dessin.  Le  style  général,  les  mains 
jointes,  le  double  oreiller  et  l'absence  d'écu  permettent  de  le  comparer  à 
quelques  tombes  de  Westminster,  spécialement  à  celle  de  Crouchback. 

Parmi  les  plus  anciens  gisants  de  bois,  il  faut  citer  la  tombe  de  Simon 
Borard  el  de  sa  femme,  à  Clifton  Reynes  (Buckinghamshire).  Elle  semble 


K(»r,MATi()\  HT  iii;vi:i.oi'im;.\ii:.\t  de  la  sculpture  (iotiiioue   '20'.i 


toutefois  postérieure  à  la  date  de  mort  de  ce  seigneur,  qui  est  l^tJT.  Le 
travail  est  moins  lin,  et  très  simple,  les  longs  plis  plats  ont  un  >lvle  parti- 
culier. A  Londres,  une  effigie  de  chevalier  tenant  Técu  et  tiraul  lépr-e  se 
voit  à  Saint-Sauveur,  Suulliwarlv;  c'est  une  répliipie  des  lomhes  de  pierre 
du  l'empie. 

Parmi  les  enigies  d'ecclésiastiques,  la  plus  iielle.  et  l'une  des  plus 
belles  statues  tombales  d'An- 
gleterre, est,  dans  le  transept 
de  la  cathédrale  de  Canter- 
bury,  celle  de  l'archevêque 
Peckham  mort  en  P2!l'2. 

En  Angleterre,  comme 
en  France,  les  effigies  de 
bois  ont  été  souvent  desti- 
nées   à    être     habillées     de 

lames  de  mêlai.  Fk;.  k;:.  -  EHigl..-  funi-iaiio  de.  Guillnm.ie  (le  Volcnce 

à  \Vcsliiiiiisl,.|-, 

A\\  estminster,en  l'iTI , 
la  statue  tombale  en  l)ois  de  la  jeune  pi-incesse  Callierine  l'ut  revêtue  de 
lames  d'argent,  et,  en  120(1,  celle  de  Guillaume  de  \'alence,  qui  subsiste 
dans  la  même  église,  est  une  o'uvre  de  bois  revêtue  de  lames  de  bronze 
dor(''.  embouties:  mais  celle  tombe  lig.  107  l'st  de  travail  tVançais,  non 
anglais.  Le  style  en  esl  bien  nc[.  il  appartient  aux  ateliers  de  Limoges;  le 

grand  écu  éniaillc'  (pii 
subsiste,  les  plaquettes 
démail  armoriées  ipii  par- 
semaient la  cotte  d'armes 
du  chevalier  ne  peuvent 
laisser  aucun  doute  sui' 
cette  provenance.  Enlin, 
les  ((  toml)iers  »  anglais 
pratiquèrent  aussi  l'art  de 
la  fonte,  et  l'on  peut  citer 
à  cette  époque  des  sta- 
tues funéraires  en  bronze 
coulé. 

Les  statues  loiubales 
anglai.sesoni  un  slyle  loul  dilT'éieni  de  celui  du  continent  et,  en  général. 
beaucoup  plus  dramatique;  ce  n'est  pas  la  paix  de  la  couche  mortuaire: 
beaucoup  de  chevaliers  sont  représentés  tirant  i'épée  du  fourreau;  cer- 
tains sont  sans  écu;  par  contre,  on  voit  une  noble  dame,  à  Abergavenny, 
•sous  le  bouclier  armorié;  à  WeslmiM>ler,  tleiix  conjoints  se  ticnneni  par 
la  main  (dis|i()silion  dont  on  peut  citei-  un  exemple  à  Limoges);  enlin.  un 


au  iiR-len.lu  ,|e  Ii,,|,ei  l,  ,|,„;  de  Nor 

Ù  (JlDdCosttT. 


HISTOIRE  DK  I.AIîT 


noljlcs    soiil    l'cpréseiilrs   !(•>,  j.iiiiljcs  croisées 
;i   reçu  dans    l;\    créance   populaire   une  l'aussc 


iiraiiil  noiiiljiT  iriioiiinK 
(fig.  IC.Si.  Celle  allihnl. 
inter'prctation  :  ell("  passe  pour  le  privilège  de  ceux  qui  lurent  à  la  croi- 
sade; rien  n'autorise  cette  jiizarre  explication;  on  sait,  au  contraire,  que 
le  croisement  des  jambes  est  une  altilude  seigneuriale.  Les  j)ersonnages 
investis  de  laulorité,  les  juges  en  particulier,  croisent  les  jambes  dans 
1  iconographie  du  luoven  âge,  cl.  au  x\n'  siècle  encore,  nos  driUlrs 
i-econnnarid(.'nt  aux  enl'anlsel  aux  inIV'ricurs  de  ne  pas  avoir  liniperlinence 

de  iircndre  cetic  attitiule,  réser- 
vée aux   personnes   de  (uialili''. 


Statuaire  monumentale.  — 
La  façade  de  la  cathédrale  de 
Wells,  qui  oITre  le  plus  bel  en- 
semble de  statuaire  de  la 
(Irande-lii'etagne,  a  été  cons- 
truite de  1220  à  LJi'2.  Llle  est 
occupée,  du  soubassement  au 
jiignon,  ]tar  des  combinaisons 
d'arcalurcs  encadrant  des  sia- 
lues.  dette  décoration  fait  ré- 
joui' sur  les  faces  latérales  des 
cloelieis.  L'est  un  magnifique 
exenq)lairc  de  statuaire  monu- 
mentale, et  très  peu  d'autres 
monumenis  au  monde  ont  une 
imagerie  comparable. 
s  (Paient  occupées  pai'  un  Lbrist 


FiG.  V'iO.  —  Noé  oonstruisant  TaiThe. 
Façaile  de  la  oatlirclrale  tic  Wells. 


Au  somme!  de  la  facadi 


Inus  niclu^ 


en  majesté,  et,  probablement,  la  N'iergeet  saint  Jean;  au-dessous  se  déroule 
une  gab^rie  des  Apôtres,  puis  neuf  anges  représentent  les  diverses  catégo- 
ries de  la  hiérarchie  céleste.  Au-dessous,  une  suite  d'ai'caturcs  coupées 
par  les  pignons  des  portails  est  occupée  par  des  scènes  de  la  Résurrec- 
tion des  morts.  C'est  donc.  eomuK^  à  la  cathédrale  de  Ferrare,  une  trans- 
position de  ce  thème  du  Jugement  dernier  qui,  en  France,  se  groupe  et  se 
résume  dans  le  tympan  et  les  voussures  du  grand  portail.  Le  tympan  de 
celui  de  Wells  ne  contient  (ju'une  ligure  de  la  \'ierge  encensée  par  deux 
anges;  au-dessus  du  fronton  qui  l'encadre,  un  panneau  est  occupé  par  le 
couronnement  de  Notre  Dame.  Au-dessus  sont  les  statues  de  Salomon 
et  de  la  reine  de  Saba.  A  droite  et  à  gauche  de  ces  statues  et  au-dessus 
d'elles,  ainsi  qu'aux  deux  côtés  du  portail,  se  développent  les  (''pisodes  de 
la  Résuriection  des  Morts. 

C'est  un  caractère  spécial  de  l'ait  anglais  d'avoir  donné  une  grande 


ItilîMATlOX  ET  DKVEI.OPPliMKNT  DE  LA  SCULPTURE  GOTIlinUE    '.'II 


richesse  aux  écoineons  isjxnidrils)  ([ui  surmonlenl  les  ai-calurcs,  alors  que 
souvent  les  chapiteaux  (l(>  leurs  supports  sont  sans  sculpture.  Ainsi  la 
petite  église  de  Slone,  près  I.ondres,les  cathédrales  de  \\'inchestcr  et  tic 
Wells  ont  de  très  l'ichcs ccoinçons  de  rcuillages,  lièfles  normands  nièh's  de 
quelques  animaux  fantastiques.  Parfois,  des  écoincons  sont  ornés  de 
personnages,  le  plus  souvent  d'anges  aux  ailes  déployées,  comme  au  tran- 
sept construit  par  Tévèque  Hugues  d'Avalon  à  Lincoln  ivers  l'iOO)  et  à 
celui  de  Winchester  (arcalures  des  premières  années  du  xiii"  siècle. 
11g.  170):  mais  les  plus  heaux  exemples  sont  aux  exlréniilés  du  lransc]it 
de  Westminster,  vers  l'2i(),  et  dans  le  célèbre  clitcur  des  Anrji'sde  Lincoln, 
élevé  de   L_'."i7  à  L2S(). 

Les  anges  des  écoincons  du  transept  di_'  Westminsler  >nnl  les  plus 
grands  et  les  plus  beaux;  ils 
datent  de  l^oO  à.  L2(10;  dans  le 
croisillon  nord  qui  est  le  plus 
ancien,  il  en  subsiste  deux  sur 
quatre.  Ce  sont  désœuvrés  d'un 
dessin  très  pur,  très  noble  et  très 
calme,  d'une  grâce  pensive.  Dans 
le  croisillon  sud,  les  ligures  cen- 
trales sul)sistent  et  les  juigcs  stuit 
au  nombre  de  quatre,  moins 
correctement  dessinés  et  moins 
calmes  d'attitudes. 

A  Lincoln,  dans  le  cho'ui' 
des  Anges,  tous  les  triangles 
entre    les    arcades    du    triforium 

sont  historiés:  la  jilupart  orn(''s  d'anges  aux  ailes  éployées  tenant  des 
attributs:  qmdqucs  autres  de  divers  sujets  :  on  y  remarque  l'.Xdoration 
lies  Mag(^s,  au  côté  sud.  ipii  est  le  meilleur.  C.es  figures  ont  la  miè- 
vrerie et  l'afféterie  des  œuvres  de  la  lin  du  xui"  siècle;  elles  n'en  sont 
pas  moins  très  jolies,  mais  après  avoir  \  u  les  statues  du  portail  sud,  ou 
hésite  à  les  déclarer  belles.  Dans  les  écoini^ons  bcaucou})  plus  petits  des 
ai'catures  du  bas  des  nuirs,  on  a  souvent  aussi  sculpté  des  anges,  tels 
que  ceux  du  croisillon  nord  de  W  inchesler.  aux  ailes  épannidées,  ceux 
du  croisillon  nord  de  Lincoln.  ligures  en  haut  relief  aux  ailes  ébou- 
riffées, aux  draperies  agitées,  à  l'allure  étrange. 

La  chapelle  de  la  \'ierge  de  Bristol  possède  une  intéressante  série 
d'écoinçons  ornés;  mais  la  plus  riche  est  celle  du  chœur  et  des  deux  tran- 
septs delà  cathédrale  de  W'orcestcr.  Là  sont  |iarsruiés  dans  un  capricieux 
désoi'dre  les  sujets  les  plus  diveis,  (jrneuienls,  \(-gétaux.  monstres,  his- 
toires  de  saiids  et  scènes   du  Jugement  dernier.    On  remarque   surtout 


212 


HISTOIRE  DE  LART 


Fio.  171.  — Cliapiteanx  île  la 


ihuis  le  rroisillon  noid  du  Iransepl  occidenlal  saint  Micliel  IcirassanI  le 
diable,  la  Résurrection  des  Morts,  saint  Michel  peseur  d'âmes,  et  dans  le 
bas  coté  sud  du  chœur  une  curieuse  scène  de  damnation,  qui  devrait 
faire  suite  aux  sujets  précédents.  C'est  l'une  des  répliques  les  plus  (''ner- 
giques  et  les  plus  audacieuses  de  ce  thème,  si  fréquent,  du  damné  tour- 
menté par  les  diables,  et  son 
expression  caricaturale  ne  peut 
être  dépassée.  Le  reste  de  ces 
sculptures,  malheureusement 
trop  mutilées  et  trop  restaurées, 
est  peu  expressif,  archaïque  et 
maigre.  Dans  la  salle  capitu- 
laire  en  rotonde  de  Salisbury, 
une  série  décoinçons  du  même 
genre  présente  un  style  ana- 
logue, mais  les  sujets  sont  en 
ordre  parfait.  C'est  l'illustra- 
tion   de   la    Bible   depuis   Adam  jusqu'à    Moïse. 

Les  chapiteaux  (lig.  ITLict  les  sommiers  du  xiii"  siècle  contiennent 
un  grand  nombre  de  figurines  qui  comptent  parmi  les  meilleures  de  la 
sculpture  anglaise.  Beaucoup  de  retombées  d'archivoltes,  beaucoup  de 
consoles  soutenant  les  supports  en  encorbellement  sont  ornées  de 
tètes,  quelques-unes  d'un  beau  caractère,  spécialement  dans  les  cathé- 
drales de  \\'ells  et  de  Salisbury  et  au  prieuré  de  Boxgrove  près  Win- 
chester. 

Des  tètes  plus  récentes  et  d'une  grande  beauté  se  voient  dans  les 
mêmes  églises  et  aux  salles  ca- 
pitulaires  de  Weslminsler  et  de 
Salisbury,  dans  le  transept 
oriental  de  Durhani  et  à  Lin- 
coln. 

Les  chapiteaux  à  figures 
sont  surtout  nombreux  à  la 
cathédrale  de  Wells;  ils  con- 
tiennent des  caricatures  à 
grosses  tètes  (fig.  [12]  émer- 
geant parmi  les  bouquets  de 
feuillages.  Ces  figures  sont  rudes  et  souvent  incorrectes,  mais  font  bien 
dans  l'ensemble  et  sont  d'une  fantaisie  parfois  amusante.  Un  en  voit 
quelques  autres  à  Lincoln. 

Les  portails  de  Lichfield,  du  chapitre  de  Westminster,  et  de  Lincoln 
(portail  sud-est,  tig.  17.3)  ont  des  voussures  de  rinceaux  de  feuillages  parmi 


-Colhr.lralc  .le  Wills 
I    cliapilcau    (lu    clw 


FOIîMATION'  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  (.(irilKtl  |;     21". 

lesquels  des  places  sont  ménagées  pour  des  figurines.  Celle  eoudiinai>on 
d'ornement  végétal  et  de  figures  est  spéciale  à  l'Angielcrrc.  La  \oussurc 


LiG.   17j.  —  D.'l.iil  du  |..iil,iil  .lu  cli.nir  dos  Aiiiros  à  l;i  c:itliOdi;di'  de  Liiunlii 


(II'  \\r>|ininslci- e>l  la  plus  lidlr  ;mi  pniul  de  \u<-  du  >l\lc  des  lii^urr>:  à 
Lincoln,  le  reliel' esl  plus  accruiu('.  li'-.  riucraux  sou!  d'une  puissance  cl 
d'une  beauté  remarqualilcs  ;  les  liguriuo  des  \'crtus  oïd  des  tètes  assez 


214  HISTOIRK  DK  LAHT 

vulgaires,  <lcs  iilliludos  et  des  draperies  maniérées  qui  annonceul  l'arl  du 
xiv"  sièelc. 

Au  poi'lail  de  la  salle  capilulaire  de  Salisbin-y,  les  liguiines  des  Ver- 
tus et  des  \  iees  sonl  logé'es  sous  des  dais,  comme  en  Fi-ance  :  elles  sont 
antérieures  et  d'un  meilleur  style,  qui  rappelle  beaucoup  la  façon  dont  les 
mêmes  sujets  sont  traites  aux  porclics  latéraux  de  Chartres. 

Le  portail  de  l'église  abbatiale  de  C.rowland  est  oi'uc  d'un  quatre- 
fcuillc  oi!i  étaient  sculptées  cinq  petites  scènes  de  la  vie  de  saint  Guthlac, 
œuvre  assez  lourde,  autant  (pi'on  peut  juger  aujourd'hui  ces  bas-reliefs 
très  frustes. 


III 

LA      SCULPTURE      CHRÉTIENNE      EN      ESPAGNE 
DES     ORIGINES     AU      XIV      SIÈCLE' 

L'étude  de  la  scul|)ture  espagnole  du  moyen  âge  rencontre  des  diffi- 
cultés exceptionnelles,  non  seulement  à  cause  de  la  pénurie  de  documents 
authentiques  et  d'études  critiques,  mais  encore  à  cause  du  caractère  ar- 
chaïsant  de  beaucoup  de  monuments.  Avant  d'aI)order  la  p(''iiode  féconde 
et  brillante  pendant  la([uelle  l'art  espagnol,  en  imitaid  l'art  franç;ais,  a 
j)roduit  des  o-uvres  qui  égaieul  leurs  modèles  et  parl'(»is  les  dépassent,  il 
est  nécessaire  d'établir  le  bilan  des  traditions  anciennes,  en  remontant 
jusqu'aux  périodes  plus  obscures  dont  l'histoire  sommaire  n'a  pu  encore 
trouver  place  tlans  cet  ouvrage. 

Li:s  ORIGINES.  , —  Les  premiers  monuments  de  la  sculpture  chré- 
tienne avaient  été,  en  Espagne  comme  en  Italie  et  en  Gaule,  des  sarco- 
phages. 

Pour  le  style  des  reliefs,  comme  [lour  l'iconographie,  la  plupart  des 
sarco|)hages  chréliens  d'Espagne  ne  diffèrent  en  rien  des  sarcophages  de 
Home  et  de  ceux  d'Arles:  beaucouj)  d'entre  eux  en  provenaii'ut  prol)able- 
ment.  D'autres,  dont  la  série  esl  re)ir('sentée  aujourd'hui  pai'  un  exem- 
plaire unique,  venaieid  sans  doute  de  plus  loin.  Le  sarcophage  reirouxé  à 
Ecija  dans  la  province  de  Séville,  par  le  choix  des  sujets  et  la  dispnsilinn 
des  reliefs,  rapjielle  les  sarcophages  de  Ravenne. 

Les  \Msigolhs,  maîtres  de  l'Espagne  entière  avani  la  lin  du  m'  siècle, 

1.   I';if  M.  Emile  P.cilaiix. 


|'(ii;m\ti(»n  1.1  iii;\"i;i.(i|'I'i:mi;nt  de  la  sculptihe  cotiiioue    -iC) 

y  liii'iil  rri;iii'i-  une  civilisation  nussi  savante,  sinon  aussi  In-illantc  (|iic 
Taxait  ('■11''  au  conuileliceniciil  du  nuMUr  sircli;  la  ri\ilisal  ion  ilcs()sli-o- 
ii'otii.-^  (I  Italie.  Aucune  des  grandes  (''tilises  t'ondée's  au  \  i'  et  au  xiT  siècle 
ne  s'est  conservée  dans  sou  étal  piiiuitir.  Avec  le  ln''S(M'  de  <  iiiarrazar. 
dont  VAniirria  Ik'cil  de  Madrid  possède  la  moindre  partie,  les  seuls  monu- 
ments de  la  puissance  wisigotliique  en  Espagne  sont  des  fragments  de 
marbre  sculpté. 

A  la  fin  du  v''  siècle,  l'emiiiie  harbare  (pii  s'avançait  de  l'Aipiitaine 
jusqu'aux  Colonnes  d'IIei-cule  avait  eu  pour  cajulale  Toulouse.  Deux 
siècles  plus  tard,  les  villes  de  cet  empire  où  se  concentiait  l'actixilé  des 
souverains  et  des  plus  riches  évêques  furent  Mérida,  Tolède,  C.ordouc.  Il 
est  encore  difficile  d'étudier  les  fragments  vvisigotliiques  retrouvés  dans 
ces  trois  centres,  soit  sur  les  planches  sans  légendes  éparses  dans  la 
collection  inachevée  des  Moinunculos  (niiui/rrloiiicos,  soit  sur  les  champs 
de  ruines  et  dans  les  étroites  salles  des  iriusées  archéologiques  où  les 
marbres  gisent  en  désordre. 

Parmi  ces  mai-lires  on  distingue  des  stylobales,  des  ]iilastres,  des 
phupies  de  lidjisi'iniii,  des  di'\auts  d'autel.  La  figure  humaine  a  eonqilèle- 
ment  disparu.  Les  motifs  qui  se  répètent  de  ville  en  ville  sont  des  feuil- 
lages très  secs,  des  rinceaux  de  pampres  et  des  palmclles  ou  d(^s  figures 
géométriques  :  croix  grec(jues,  clirisines  accompagnés  de  l'A  et  de  l't), 
étoiles  à  six  rais,  grandes  rosaces  et  suites  d'arcalures.  Clcs  uuilifs,  dont 
plusieurs  se  reirouvent  sur  les  couionnes  de  Guarrazar,  sont  ceux  qui 
composent  la  décoration  sculptée  des  plus  anciennes  églises  de  Syrie. 

Tout  d'abord  les  conquérants  arabes  se  contentèrent  de  prendre  aux 
chrétiens  les  édifices  nécessaires  au  culte,  ou  même  de  les  partager  avec 
eux.  Peut-être  des  marbriers  chrétiens  ont-ils  sculpté  au  viu'  siècle,  pour 
quelque  mosquée,  des  plaques  telles  que  celles  de  Mérida,  sur  lesi|uelles 
les  anciens  motifs  gréco-syriens  de  l'époque  wisigothique  se  compliquent 
d'une  suite  d'arcs  brisés  et  entrecroisés  ou  s'accompagnent  de  caractères 
coufi([ues.  Dans  la  période  brillante  qui  commence  avec  le  règne  du 
khalife  Abd-er-Rahman,  les  souverains  de  rAndalousie  font  venir  leurs 
artistes  d'un  Orient  plus  lointain  et  plus  splendide  que  celui  dont  les  rois 
wisigoths  avaient  connu  le  refict.  Cep(>ndant  quel(|ues  traditions  de  l'art 
vvisigolbi([ue  survécurent  obstinément,  avec  le  vieux  rit  mm  romain,  dans 
les  chrétientés  mozarabes  (pii  eontiniiaieid  à  ei'li'-bi'er  leur  cidle  sous  la 
domination   musuhnane. 

La  |ielile  ville  de  Lcbrija,  à  'M)  kilomètres  de  Jerez,  conserve  une 
(■glise.  Sauta  Maria,  dont  la  plus  gi-aude  partie  est  antérieure  ;i  la  jvcoh- 
ijiiistii  (le  |:i  \illc  par  >aint  Ferdinand  'i'Jiili.  Les  formes  de  rai'chileclure 
sDut  eellcs  des  l'ililiees  l'omaiis  l'IeN  l'-s  dans  les  l'ovauuu's  chrétiens 
d  l']spagne  ;  mais    les  ehapileaux   liislorii-^    ripioduix'ul   eircore  les  motifs 


216  IIISTOinK  DK  LART 

végétaux  ou  ^(''OUiélriqui's  (jui  (l('C()i-;iicnl  les  j)I;h|uos  de  uiarliri^  sculptées 
en  Andalousie  peu  d'années  avant  ou  après  linvasion  musulmane. 

Les  chrétiens  refoulés  vers  le  nord  emportaient  avec  eux  dans  les 
Pyrénées  asturiennes  le  (',(h1i'  de  Réccswinihe,  les  écrits  d'iNidori'  de 
Sévillc  et  le  système  de  décoration  géométrique  adopté  dans  l'ancien 
royaume  wisigotli.  Après  les  premiei's  succès  remportés  sur  les  musul- 
mans et  la  fondation  d'un  nou\  eau  royaume,  qui  eut  Oviedo  pour  capi- 
tale, les  églises  se  multiplièrent  sui'  le  territoire  reconquis.  Plusieurs  des 
églises  fondées  par  les  souverains  du  petit  royaume  sont  encore  debout. 
Elles  ont  été  présentées  par  les  plus  prudents  des  archéologues  espagnols 
comme  des  monuments  restés  à  peu  pi-ès  intacts  depuis  le  ix'"  et  le 
x'  siècle.  D'a}H-ès  cette  thèse,  les  districts  montagneux  du  nord-ouest  de 
l'Espagne  conserveraient  une  série  d'édifices  de  l'époque  carolingienne 
bien  plus  complète  que  celles  qui  subsistent  dans  les  autres  pays 
d'Europe.  Mais  une  thèse  opposée  a  été  soutenue  récemment  :  si  l'on  en 
croit  M.  Marignan,  les  Asturies  et  l'Espagne  entière  ne  posséderaient  pas 
une  seule  construction  antérieure  au  xn''  siècle.  La  vérité  doit  être  cher- 
chée entre  ces  deux  thèses. 

Les  plus  connus  des  monuments  siu'  lesquels  doit  porter  la  discussion 
sont  deux  églises  bâties  au  flanc  d'une  montagne,  près  d'Ovicdo  : 
San  Miguel  de  Lino  et  Sanla  Maria  de  Naranco'.  Elles  ont  été,  d'après 
les  chroniqueurs,  fondées  l'une  et  l'autre  au  milieu  du  ix"  siècle.  Une 
objection  a  été  soulevée  par  le  critique  qui  a  révoqué  en  doute  l'ancien- 
neté attribuée  à  ces  deux  édilices  :  tous  deux  sont  voûtés.  Mais  des  docu- 
ments —  qui  remontent  les  uns  au  xf  siècle,  les  autres  au  x'  —  attestent 
formellement  que  dès  l'origine  les  deux  églises  de  Lino  et  de  Naranco 
ont  été  l'une  et  l'autre  construites  avec  des  voûtes,  —  cnic  fornicea,  — 
rien  qu'en  chaux  et  en  pierre,  plarihiis  cenlris  forniceis  concamerala,  sohi 
calce  cl  Uipidihus  coiislnicla.  Le  palais  du  roi  Ramire,  élevé  à  côté  de  Sanla 
Maria  de  Naranco,  était,  lui  aussi,  bâti  <(  sans  bois  »,  —  palulinin  sine 
Ihjno  niiro  opcrc  iiifcriits  superiusijiic  ciiiiinhiluin.  Ces  constructions  sont 
citées  par  les  chroniqueurs  eux-mêmes  comme  des  nouveautés  dignes 
d'admiration;  elles  confirment  l'opinion,  de  plus  en  plus  accréditée,  qui 
fait  remonter  les  essais  d'une  nouvelle  architecture  voûtée  à  l'époque 
carolingienne.  Si  l'on  en  juge  par  les  détails  de  la  construction,  —  arcs 
doublcaux,  contreforts,  —  les  voûtes  de  Santa  Maria  de  Naranco  ont  été 
tout  au  moins  restaurées  et  renforcées  au  xii"  siècle.  Celles  de  San  Miguel 
de  Lino  n'offrent  pas  de  signes  manifestes  d'une  reprise. 

Ces  observations  étaient  des  préliminaires  indispensables;»  l'étude  des 
sculptures  qui  font  corps  avec  les  deux  églises  voisines  d'Oviedo.   Les 

1.  Cf.  lonie  I.  'i'  p;irlii\  p.  5rVJ-JtiO,  lig.  'JUi-'J',);,. 


KORMATION  ET  1)K\"I:L()1>PI:M  KNT  DE  LA  SCULPTIRE  GOTIIKjrE     21' 


t 


J.. 


\\ 


reliefs  qui  décorent  les  montanls  du  [lorlail  de  San  Miguel  de  Lino,  <"t  c[ui 
se  font  face  des  deux  côtés  de  lenlrée,  ne  reproduisent  plus  les  simples 
motifs  géométriques  des  Iraiiscini.-r.  Des  figurines  humaines  qui  ont  donne'- 
lieu  aux  interprétations  les  jdus  fanlaisisles  paraissent  dans  deux  groupes 
dont  chacun  est  répété  par  trois  lois, 
d  un  montant  à  l'autre.  En  réalité,  le 
sculpteur  a  simplement  copié,  comme 
un  motif  de  décoration  à  multiplier 
autant  de  fois  qu'il  était  nécessaire 
pour  couvrir  le  champ  de  marbre,  les 
deux  feuillets  d'un  diptyque  consu- 
laire d'ivoire  :  le  consul,  assis  dans  sa 
loge  du  cirque,  la  main  prête  à  donner 
le  signal  des  jeux  en  lançant  la  mappa: 
à  sa  droite  et  à  sa  gauche  deux  gardes, 
ou  peut-être  les  personnifications  de 
Rome  et  de  Constantinople  ;  sur 
l'autre  feuillet  l'arène,  avec  les  grilles 
des  cages  et  les  périlleux  exploits  des 
belluaires  et  des  acrobates.  Le  modèle 
était  du  vi'  siècle  ou  du  wi".  La  copie 
peut-elle  être  du  ix"?  Lu  ouvrage 
aussi  enfantin  est  presque  impossible 
à  dater.  Il  est.  en  tout  cas,  un  essai 
aventureux  du  marbrier  qui  a  gra\é 
sur  les  archivoltes  de  l'iconostase 
élevé  en  travers  du  chœur  de  l'églisi' 
une  suite  de  méandres  circulaire^ 
et  de  rosaces  étoilées  ou  rayonnani 
en  «  soleil  »  de  feu  d'artifice,  qui 
sont  des  motifs  communs  dans  h- 
fragments  wisigothiques.  Le  mulil 
des  cercles  est  développé  dans  les 
rcmplages  ajourés  des  fenêtres,  de 
manière  à  composer  des  entrelacs  où 
\c  vieux  motif  syrien  rivalise  de  fan- 
taisie légère  avec  les  combinaisons  géométriqiu's  de  lail  musulman. 
Une  sorte  de  lien  continu  est  établi  entre  toutes  ces  sculptures  par  des 
frises  formées  d'une  corde  double,  qui  suit  la  courbe  des  archivoltes, 
serpente  jusque  sur  les  chapiteaux  et  se  ré(hiit  à  la  grosseui'  d'une  corde- 
lelte  pour  encadrer  les  |ielils  panneaux  à  ligurines.  ('.est  un  (i(''\eloppe- 
lUi'ui   hyperlrophiqnr   t\r   Iriilirlais   nalli'.   UKilil'plus   bailiair  <pi'orien- 


rUot.  LaurLMit-l,a 


FiG.  174.  —  Les  jeux  du  cirque. 
Pias-reliels  sur  les  montants  du  portail 
de  San  Miauel  de  Lino,  piès  d'Oviodu 

(ix-  siècle?). 


-î\»  HISTOIRE  DE  LART 

lai,    qui    va    devenir    caractéristique   dans  les  monumcnis   des  Aslurios. 

Dans  l'église  de  Santa  Maria  de  Naranco,  ces  «  cordes  »  doubles 
arrivent  ;\  couvrir  de  leurs  stries  les  faisceaux  de  quatre  colonnettes  qui 
supportent  les  arcliivoltcs  de  l'iconostase  et  les  arcades  avcuiiles  qui  se 
développent  des  deux  côtés  de  la  nef  unique.  Mais  des  motifs  tout  nou- 
veaux concourent  à  la  richesse  de  la  décoration  sculptée.  Ce  sont  de 
grands  disques  de  pierre,  encastrés,  tant  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur  de 
l'église,  entre  les  archivoltes.  Au  centre  de  chacun  de  ces  discpies  est 
représenté  un  animal  ou  un  groiii)e  de  deux  oiseaux  affrontés.  L'exécu- 
tion est  aussi  grossière  que  celle  des  reliefs  du  portail  de  San  Miguel.  Le 
modèle  est  également  oriental.  Mais,  au  lieu  de  copier  un  ivoire,  le  scul- 
pteur barl)are  s'est  manifestement  inspiré  de  disques  décoratifs  pareils  à 
ceux  qui  se  trouvent  encastrés  et  dis|)osés  de  même  sur  les  l'açadcs  des 
plus  anciens  palais  de  Venise  hàtis  du  ix*"  au  xi''  siècle  à  l'instar  des 
palais  byzantins.  Peut-être  des  disques  semblables  ornaient-ils  le  palais 
élevé  à  côté  de  r(''glise  par  le  roi  liamire. 

Chacun  des  discpu's  de  Santa  Maiia  (i(^  Naranco  esl  railaché  à  la 
corniche  couranle  par  rinlerm(''diaire  d'une  bande  de  pierre  scidiib''e, 
qui  alioulil  à  la  i'eloml>(''e  dim  arc-douiili'au  et  send)le  le  jirolonger  sur 
le  U1IU-.  La  décoralioii  n'e>l  plus  composc'e  d'animaux  fantastiques, 
mais  de  figurines  représentant  des  iiommes  deboul  el  des  cavaliers  (|ui 
semblent- courir.  Ces  figurines  ressemblent  à  celles  (pii  décorenl  ib^s 
bi'iques  (>stampées  ou  de  petits  reliefs  de  pierre  (|ui  oui  vlv  allrii)U(''s  en 
F'rance  à  répoc[ue  carolingienne'. 

L'ensemble  de  reliefs  foi-mé,  dans  l'église  tle  Xaranco.  pai-  les  cha- 
piteaux, les  disques  el  les  bandes  remonte  certainement  à  une  djije  fort 
ancienuf^  :  cet  ensemble  se  trouve  exactement  copié  dans  une  pelile 
église  |ierdue  au  milieu  des  montagnes,  au  sud  d'(>viedo,  Yfriiiilu  de 
Sanla  (  '.rislina  de  Lena. 

Les  (''Iranges  mdnuuienls  (|ui  i'epi-(''senleiil  lai-l  (r()\ie(l().  la  ca|iilale 
du  jeiuKM'oyaume,  formeni  un  groupe  isdh''.  Les  ii'adilidiis  tpii  snr\iv(Md 
autour  d'eux  soni  celles  de  l'arl  \visig(illii(pie.  ('.el  arl  dess(''clM''  pPdlonge 
dans  les  \;dlinis  de  la  Calice  cl  jus(pie  dans  les  \illes  du  lill  oral  canta- 
bri(pic  nue  iiijcrnunable  \icillesse.  .\(ind_ii-e  de  UKinuinenls  u\\  de  frag- 
uH'uls  du  xii'  (M  du  xni''  siècle  son!  d(''i-(_)r(''s,  non  seulement  comuie  au  ix'' 
ou  au  \'  siècle,  mais  conimeau  \\i'  ou  an  nui'.  Les  exemples  ne  nKunpu'nt 
jias  :  il  sulTii-a  d'eu  cilcr  un  scid.  L'(''glise  de  Sanla  Ci'islina  de  Lena  a 
conser\(''  à  sa  place  piiuiilix  (■  une  phnpie  de  cicMure  de  clucur,  décorée 
de  rosaces,  de  <-i(ii\  cl  (le  pampres.  Sur  la  bordure  de  cette  plaque  une 
inscriiilinii.   dniil     lc>    lcllre>,  xiiil    réservées    en   i-clief.    nomme   un  abbé 


ll.Hl, 


l(ir,MATl(1X  HT  1)I-:\1:L0PPKMENT  de  1,A  SCULPTUnK  (lOTlIIOUE    -il'.t 


Fl.nini'-.   ilnilliMirs  inroiimi.  (  .c-,  senlpl  hits   ~ 

,| rllrs    ,|.-S    cliapil.MllX     i\r     Ir-ll-r    ri     ,1,-. 

iii.Mix.   M.iis  coiiimenl    iI;iIit  n-Wi-  ii-tiiisniin, . 
1,1  iTypIr   (le  l;i    .Mlln-.JiMlr    ,!,■    S:iiil,iiii|i|-    m 


|H'(I    |)lu-i   ;iiTli;rM|iic 

a    -illii II.--  .r.iiii- 

>\\   .1    n'iii-(iiil  II'   ihiii> 

ll\i'rclc     lie     >,-||-( 


'"■-'I" 


docoré  dt"  molil's  géonuMiicjiios  l'iicorc  plus  éiémcnlaircs.  ri  dnlc  par  une 
inscription,  également  i-éservéc  en  relief,  qui  mentionne  un  personnage 
mort  en  l'an  l'240'? 

Cependant  un  essor  nouveau  de  l'itrl,  ([ui  se  manil'esie  clairemenl 
dans  la  sculpture,  accompagne  les  progrès  de  la  puissance  chrétienne. 
Une  petite  église  d'apparence  tort  ancienne.  San  Pedro  de  la  Nave,  qui 
s'élève  au  bord 
de  l'Esla.  non 
loindeZamora, 
a  conservé  ses 
clia[)iieaux  en 
forme  de  tra- 
pèze, qui  sont 
couverts  d  e 
s  I-  Il  1  p  l  u  re  s  . 
ainsi  ipu^  leurs 
laillnirs.  Le  re- 
lier es!  aussi 
|iau\  rc  (jui'  >ur 
le>  disipies  tie 
Saiila  Maria  de 
Naraiico.  el    le 


-  ('.uv(;  li:iiilisni:ili'  de  San  I~idn 
Diiiucs  I.-  iiiMiihii-'c  .In  .MiiM-r  ,11-1  lié..l"i;i.i 


Ir   L.'OII   IM 
de  M.iJri.l. 


gauche.  .Mais  au  réiieiloire  di's  motifs  géométriques,  aux  arcatures  en 
fer  à  cheval,  aux  silhouettes  d'animaux  alTrontés  s'ajoutent  des  ligurines 
humaines  qui  ne  sont  plus  des  êtres  sans  rôle  et  sans  nom.  (les  fantoches 
re|)résentenl  des  personnages  de  l'histoire  sacrée  :  Daniel  dans  la  fosse 
aux  lions  (nhi  Daniel  iiiissus  est  iii  lacuiii  Ifuituin),  .\braham  prèl  à  immoler 
lsaa(;("/"    Ahrddiii    nhlulit  Isiu-  /ili/mi   siniiii    iihicmistiiin  l>(iiiiiii<i\. 

L'inlluence  de  la  capilale  déchue  se  manifesta  encore  faililemeni 
dans  les  capitales  des  nom  eaux  royaumes  de  Léon  et  de  Caslille.  .\  Léon, 
la  cuve  baptismale  conservée  sous  les  voûtes  romanes  de  San  Isidro  est 
probablement  le  seul  reste  de  l'église  où  le  roi  Ferdinand  apporta  en  10(i." 
Ii'>  ii'liques  du  saint  docteur  de  Si'-v  ille.  (■('■dées  par  un  (''Uiir  vaincu.  Sur 
lune  des  faces  du  culie  aux  (''paisses  parois,  deux  lions  sont  all'ronlés, 
comme  ceux  qui  décorent  les  élofl'es  moresques;  sur  une  autre,  trois  ligu- 
rines humaines  sont  debout  à  côté  d'une  sorte  de  palmier;  cntin  sur  deux 
des  faces  reparaît  par  deux  fois,  avec  de  légères  variantes,  une  même  suite 


220  HISTOIRE  DE  L'ART 

(le  iHTsonuages.  Il  r;itil  un  cll'nil  (l'iiiKii;iii;ilion  pour  dislintj;uoi-,  dans  celle 
procession  monoU)iiç,  la  \  icrge  assise  sur  un  Irùne  rusliquc,  saint 
Joseph  debout  derrière  elle,  et  deux  scènes  de  baplcme.  Le  sculpteur  de 
Léon  se  répète  sans  plus  de  scrupule  que  celui  du  portail  de  San  Miguel 
de  Lino.  Il  se  montre  aussi  impuissant  que  le  sculpteur  d'Oviedo  à  carac- 
tériser un  t\  |ie  ou  un  costume.  Lune  des  scènes  de  baptême  est  censée 
figurer  le  baptême  du  Christ  :  le  seul  indice  qui  permette  de  reconnaître 
les  personnages  est  la  présence  de  la  Colombe  divine,  posée  sur  la  tète 
miMne  de  .Iean-I>aplisle. 

Il  existe  un  sarcoj)liage  d(''cor(''  de  reliefs  qui  a  dû  être  sculpté  vers  le 
lué^me  temps  que  la  cuve  de  Léon  et  qui  est  l'imitation  manifeste  de 
quelque  sarcophage  chrétien  analogue  à  celui  d'Ecija;  ce  sarcophage, 
trouvé  à  Bi-iviesca,  est  conservé  au  musée  provincial  de  Burgos.  Des  figu- 
rines humaines,  vérilables  hiéroglyphes  sculptés  en  bas-relief,  se  suivent 
sans  ordre  apparent,  jicle-mêlc  avec  un  scrjicnt  qui  paraît  être  celui  de  la 
Genèse,  une  c'elielle  (|ui  jK'ul  ("'Ire  celle  (le  .Ia<()li,  un  clirisnie  wisigothique, 
emblènie  d  une  inierNcntion  di\ine,  et  des  arbres  à  feuilles  de  figuier 
contournés  connue  ceux  <|ui  sont  lirodés  sur  la  «  tapisserie  »  de  Bayeux. 

Les  chapiteaux  de  San  Pedro  de  la  Nave,  la  cuve  de  Léon,  le  sarco- 
phage de  Briviesca  foi'ment  un  groupe  qui  mérite  l'attention  de  l'historien. 
Certes  ces  reliefs  sont  aussi  informes  et  aussi  inintelligibles  que  les  plus 
grossières  ci  les  plus  mystérieuses  des  statuettes  exhumées  au  Cerro 
de  los  Santos.  Mais  ils  ne  doivent  presque  rien  à  l'art  musulman,  absolu- 
ment rien  à  l'art  du  Nord  :  ils  sont,  dans  le  siècle  du  Cid,  les  premiers 
rudiments  d'un  ai'i  "  espaiiiiol  ".  ('.et  arl  enfaidin  eoiilenait  peul-(''li'e  des 
germes  de  vitalité;  mais  le  (lé\eloppement  de  la  iinuNclle  ci\ilisation 
chrétienne  qui  grandissail  eidrc  les  Pyrénées  el  le  pays  des  inddèles 
avait  i''l(''  trop  lent.  Pendant  ipie  les  c(in([nètes  de  I''erdinand  le  (iiaiid 
et  d Mplnjuse  \  1  préparaient  un  ^aste  cluunp  à  Tessoi'  national,  les  rési- 
dences royales,  les  \illes  éjiiscojiales,  les  monastères  les  plus  reculés 
s'ouvraient  à  une  civilisation  étrangère,  qui  étouffa  sous  des  semences 
précoces  et  fécondes  les  germes  à  peine  sortis  de  la  terre  d'Espagne. 


La  sculpture    romane. 

('  A  parlii-  (lu  i(  t;ne  d'-Mpluinse  W,  (■■cri!  Dozy,  l'Lspagiie  fut 
lilt(''ralement  inonds-e  de  t'raïK^ais.  Telle  \ille  fut  ]ieupl(''e  enti('Te- 
luent   de  Français,    lelle    autre    cul    luie    rue    avec    un     (piarlier  (pii  |Mir- 

l.iil     leur    nom.    L  Eglise    (le\inl     eidi(''reiuenl     IVan(;aise Les     h'rau- 

çais    renqilissent    i-[    l'éformeiit    les    couvenls  et,    désormais,    l(;s   hantes 
dignités,  les  riches  bénétices  sont  pour   eux.   Tolède  à   peine  conquise, 


FORMATION  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    221 


cesl  un  Français,  Bernard,  qui  y  do\  icnt  archevêque,  c'est-à-ilirc  primat 
d'Espagne.  »  Bernard  était  un  moine  de  f'.luny.  Grâce  à  lui  cl  à  mmi 
protecteur,  Alphonse  VI,  l'Espagne  devint  en  peu  d'années  la  proxinci' 
la  plus  florissante  de  Tordre  clunisien  hors  de  France.  L'ordre  y  atteint 
son  apogée  au  milieu  du  xu"'  siècle,  lorsque  Pierre  le  \'énérahle  entre- 
prend une  tournée  d'inspection  dans  les  monastères  d'Espagne.  Cepen- 
dant, à  celle  dale,  la  prépondérance  de  Cluny  commence  à  être  combattue 
par  celle  de  Cîleaux.  Les  Cisterciens,  introduits  en  Navarre  dès  MOI  par 
le  roi  Garcia  Ramirez,  sont  admis  et  favorisés  en  Catalogne  par  le  comte 
Berenguer  IV,  en  Aragon  par  le  roi  Pedro  Atarès,  en  Castille  par 
Alphonse  VII  «  l'Em- 
pereur ».  Les  deux 
ordres  français  ont 
largement  concouru  au 
développement  de  1  art 
religieux  en  Espagne, 
mais  les  intluences 
(piils  exercèrent  ne 
pouvaient  être  concor- 
dantes. La  mission  de 
l'ordre  cistercien  dans 
le  domaine  des  arts 
était  limitée  d'avance 
par  la  règle  dont  saint 
Bernard  avait  dicté  les 
préceptes  austères. 
Favorable  à  la  solidité 
et  à  la  pure  beauté  de 
la  construction,  hostile 
à  la  sculpture,  comme 

à  tnule  décoration,  cette  règle  fut  stiùclemenl  suivie  dans  les  fon^lalions 
([ue  l'ordre  multiplia  en  Catalogne,  en  Navarre,  en  Aragon  et  jusqu'en 
Castille.  De  ces  immenses  maisons  de  prières  il  reste  des  ensembh^s 
d'édifices  et  de  ruines  qui  comptent  parmi  les  œuvres  les  plus  impo- 
santes du  moyen  âge  chrétien.  Dans  l'intérieur  de  leur  enceinte  de  ville 
forte  aucune  décoration  à  silhouette  vivante  n'anime  la  nudité  des  pierres. 
Les  chapiteaux  dont  les  moines  français  ont  donne  les  modèles  ont 
des  corbeilles  lisses,  connue  ceux  de  la  grande  église  de  Poblet,  ou 
entourées  simplement  de  larges  feuilles  d'eau,  comme  les  chapileaux  des 
salles  capitulaires  de  la  Uliva,  en  Navarre,  et  de  ^'eruela,  en  Aragon. 
Le  décor  végétal  n'est  détaillé  avec  soin  que  dans  un  nmnumi'nt  cisler- 
ricn    du   xiii"   siècle,  le   pclil   rloilrv  des  dames    nobles  de    Las   lluelgas. 


FiG.  176.  —  Chapiteaux  de  107Ô-107U. 
Cliiilro  do  Sanlo  Domingo  de  Silos  (Caslill 


Hisroir.i':  de  i.Airr 


prrs  ilr  Ihiriios,  oi'i  l,-i  sini|ilicil(''  des  motifs  i'('|ir()(luils  sur  les  cIl-iimIimiix 
rsl  riiricliic  |i;ir  l,-i  i  li'l  ic,-|  I  rssi'  lie  l;i  ciM'Ilin'.  Si  lirs  iMi\rirr^  lnr;Ml\  inlrr- 
\  n-niiriil  .    |.;u'    r\rlii|i|i'    il.iiis    hi    i  i('Ti  ir:il  iiil]     ilc>    i-|(iill'r>    ri     ilc>    I  i.'i  I  i  liicii  I  ■- 

(■cin\  l'iil  iicis  (11-  l'dlili'l  .  ils  n'|irlciil .  ciiniiipi'  s'ils  iiil  rr|in''hiiciil  ihiiis  Inir 
ilinicck'  11.'  iiKil  d'orclic  doiiiK-.  les  aïolifs  les  jilil.->  >iiiij)lrs  cl  les  |>lii> 
archaïques,  ceux  qui  étaient  déjà  traditionnels  dans  les  ateliers  wisigollis. 
Au  commencement  du  xiii'  siècle,  ils  tressent  auloiir  des  cliapiteaux  et 
des  consoles  qui  porleni  des  arcs  en  tiers-poini  loule  une  vannerie  d'en- 
trelacs. 

Dans  le  (l(''veloppement  de  la  sculpturi'  romane  d'Espagne,  le  rôle  de 

(_lît(>aux  devait  être  né- 
gatif ;  celui  de  Cluny 
pou\ait  être  actif.  (Juellc 
a  été  son  étendue  et  son 
caractère?  Parmi   les  in- 

lluences  éil'angères  qui 
oïd  cniicouru  à  la  forma- 
tion de  la  sculpture  ro- 
mane d'I'^spagne.  une  ac- 
linn  |ir('qnuid(''raiile  doit- 
elle  être  attribuée  à  l'art 
clunisien ,  c'est-à-dire  à 
une  école  d(^  sculpture 
liourguignonne  ?  Une  ré- 
ponse à  ces  (piestionssera 
préparée  par  l'i-lude  des 
monuments.  Toute  la  moi- 
tié septentrionale  de  l'Espagne  a  conservé  des  eiiseuddes  eoiisidéraldes 
ou  des  restes  importants  de  sculpture  rnmane.  C'est,  dans  l'art  du  moyen 
âge,  un   trésor  ipie  l'arcdu-ologie  scmide  avoir  dédaigné. 

Pour  la  |>lupai-|  des  monumenis.  un  essai  de  classement  par  écoles 
pi'oN  inciales  serait  pi-(Mual  ur(''.  Le  plus  sim|ili' aciuellemejil  parai!  être  de 
grouper  les  séries  de  sculptures  (pii  ont  les  mêmes  formes  spéciliques, 
imposées  par  un  rôle  analogue  dans  un  cdrps  darcliilecture.  (Icrlaines 
des  séri(_'s  ainsi  l'orm(''es  soni  d  ailleurs  si  nond:)reuses  et  si  l'enuwipialiles 
que  leur  seule  élude  promet  des  conclusions  étendues. 


FiG.   177.  —  Clin|.il(\iii\  (le  hi  llii  ilu  xi'  ^U'vU\ 
Clnilit'   (11-   Sniilc)  LlniiiLiii;n  do  Silos  (Caslille). 


Les  CLOITRES  A  cu.M'iTEAix  nisTor,ii';s.  —  Les  provinces  septentrio- 
nales de  l'b^spagnc  possèdeni  jilus  de  cloîtres  romans  cpie  la  Erance 
elle-même.  En  laissant  de  côté  les  cloîtres  cisterciens  et  les  imitations 
de  ces  cloîtres  qui  se  sont  multipliées  en  Catalogne,  on  compte,  pour  la 
période  aniérieuri'  au  xiv"  siècle,  une  vingtaine  de  cloîtres  à  chapiteaux 


FORMATION  HT  OKVEI.OPPEMKNT  OK  I. A  SCI  [.PTURI-:  (lOTMlOUE 


liisloriés,  depuis  Barcelone  jusqu'à  Oviedo  et  depuis  Salamauque  jusqu'à 
Tarragone.  Les  uns  sont  attenants  à  des  églises  de  monastères,  les  autres 
à  des  cathédrales.  Leur  nombre  ne  s'explique  pas  seulement  par  le  déve- 
loppement de  la  vie  monastique  et  par  l'influence  qu'elle  a  exercée  sur  les 
habitudes  des  chanoines  réguliers.  Plusieurs  de  ces  promenoirs  étaient 
certainement  dès  l'origine  ouverts  aux  fidèles  par  des  portes  nudtipies. 
Ils  avaient,  à  côté  de  l'église,  le  même  rôle  que  les  portiques  élevés  devant 
les  mosquées.  Aujourd'hui  encore,  quelques-uns  des  plus  vieux  cloîtres 
d'Espagne  entourent  de  leurs  colonnades  des  jardins  aussi  luxui-ianis  et 
aussi  embaumés  que  les  bos- 
quets d'orangers  enclos  dans 
la  célèbre  cour  de  l'ancienne 
mosquée  de  (lordoue,  le  l'allo 
(h'  los  Nannijus. 

Le  i)lus  ancien  de  ces 
cloîtres  dont  une  partie  tout 
au  moins  soit  exactemeni 
datée  est  celui  du  monastère 
di^  Sanlo  Domingo  de  Silos, 
bàii  à  égale  distance  de  lîur- 
gos  et  d'(>sma,  au  fond  li'un 
\allon.  enlie  les  contrei'oits 
dune  âpre  sirrra.  Le  cloitif. 
dont  les  cent  trente-huit  co- 
lonnes portent  autant  de  cha- 
piteaux historiés,  fut  com- 
mencé ,  vers  le  milieu  du 
xi'  siècle,  par  l'aljbé  Domi- 
nique, dont  11'  nom  est  encore  v(''nér(''  <lans  l'abliaye.  L"un  des  groupes  de 
chapilraiix.  dniil  le-,  colonnes  s'adossent  à  un  jiilier  (''leN  i''  au  milieu  de  la 
face  non!  du  eloil  re,  porte  sur  son  lailloii'  une  inseriplion  ipii  es!  I  l'^pi- 
laplie  (lu  Miiul  ablié.  mort  en  107.".  Celle  iusefi|)t ion  a  élé  giMvée  au 
leiiip>  (III  le  l(iUllie;iii  \(''ii('Té  se  Irdlivail  placi'^  dans  le  |ii-oiuenoir  du 
cloitr<',  en  face  du  pilier  : 

lldc  I II iiihii  Ifijiliii-  ilirii  (jui  luri'  hi'd/iir 

Or.  h^s  (■lir(iiii(|ueiir>  (■(uileiiipuraiiis  de  >aiiil  Doniiuiipie  de  Silos 
altesteni  (|iie  le  Nuiilieau  fut  enlesé  du  eloil  re  il(''^  lUTtiel  I  raiisf(''ré  dans 
l'église,  où  il  re^hi  il(''SOrmais.  (  Te-l  seilleiiielil  au  Mil'  si(''cle  ipi'll  11  liioilU- 
iiieiil  (•oiuiui'iiioral  if  l'ut  piae(''  dau>  le  eloil  re.  p(Uir  uiaiNpier  la  place  pri- 
mili\  e  du  louilieau  ;  l'inx-ripl  ion  fui  repidiliiil  e.  en  caraelères  toul  ilill'é 
rents.  sur  le  ei'Mlolaplie, 


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^^Knl^S^îk^!^!!^^^^ 

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I.-i,..  ns.  —  (.li,i|illcaii  lie  l;i  li"  du  \r  sii-clo. 
C.Uiare  (le  S.iiild   Hdiiiingo  de  Siliis  (C;islill(). 


HISTOIRE  DE  L'ART 


Les  doux  chapiteaux  de  Silos  (jui  onl  été  sculptés  avant  1070  ne  res- 
semblent en  rien  à  ceux  des  églises  dOviedo  ou  de  San  Pedro  delà  Nave. 
Ils  sont  couverts  d'un  véritable  grouillement  de  monstres  adossés  ou  af- 
frontés deux  à  deux  :  harpies  à  tètes  de  femmes,  chacals,  aigles  di'voi'ant 
des  quadrupèdes.  Une  foule  d'animaux  et  d'êtres  fantastiques,  évidem- 
ment sortis  du  même  ate- 
lier de  sculpteurs,  ])ullu- 
Icnl  sur  la  plupart  des 
cliapileaux  qui  surmon- 
lent  les  colonnades  des 
faces  nord  et  est  du  cloître. 
(  ','est  un  long  (l(''lilé  des 
;niimaux  l't  des  monstres 
lie  l'Ûrienf,  formant  des 
rntrelacemenlsc|ui  d'abord 
s(Miiblent  inextricables  et 
(pii  se  résolvent  toujours 
en  arabesques  symétri- 
([uemenl  tracées  deux  j)ar 
deux. 

Les  sculpteurs  tran- 
chais du  xi''  siècle  connais- 
saient des  monstres  d'es- 
pèces fort  semblables  : 
presque  toute  la  faune  ro- 
mane du  nord  est  d'ori- 
gine orientale.  (Cependant 
certains  êtres  qui  appa- 
raissent sur  les  chapi- 
teaux de  Silos  —  anti- 
lopes ailées  et  couvertes 
de  plumes,  marlichores  à 
tête  couronnée,  que  bec- 
quètent  des  aigles  ■ —  ont 
une  étrangeté  unique.  Le 
style  de   ces   sculptures   n'a    rien    d'»  euro|i(''en    ». 

Peut-on  attribuer  les  jdus  anciens  chapiteaux  de  Silos  h  quelque 
moine  ou  à  (pielque  laïc,  qui  aurait  pris  pour  modèle  un  ouvrage  d'art 
musulman,  pareil  au  coffret  conservé  dans  le  trésor  de  l'abbaye  (au- 
jourd'hui au  musée  provincial  de  Burgos),  et  qui,  d'après  l'inscription, 
fut  achevé  à  Médina  Cuenca,  en  1020,  par  Mohammed  Ben  Zeiyan?  Mais 
comment  supposer  qu'un  marbrier  chrétien  d'Espagne  eût  acquis  toute  la 


Fii;.  no.  —  La  Descente  de  Croix.  Bas-relief 

du  cloître  de  Santo  Domingo  de  Silos  (Caslille), 

xir  siècle. 


IdliMATKiX   f:T  ltK\i:i.()IM'I.Mi:\T  DE  I.A  SCUI.PTinF.  Co  III  loi 


\irtu()sil(''  d'un  firlisan  oricnhil  (l;iiis  le  sii-clc  où  le  sciil|ili'ur  ilc  In  cuve 
baplisinalo  do  l.éon  élail  aussi  iiii|iiiissaiil  à  faraclériser  la  l'oriiir  d'iiii 
lion  que  celle  d"un  houinie '.'  Il  y  a  d'ailleuis  dans  les  f^a^  (''es  primitives 
du  cloître  de  Silos  plusieurs  cliapileaux  où  le  di^Cdr  animal  lail  place  à 
un  décor  végétal,  composé  de  })lanles  grasses  et  de  pommes  de  jiin  i|ui 
sont  exactement  stylisées  comme  dans  les  édifices  de  Tolède  di-cmés 
par  des  musulmans  ou  des 

juifs  (Santa  Maria  la  lîlan-      '',>-i'-i*-i.-i."»'«-'",%s'-t**^= 
ca).  Ces  morceaux  de  seul-      -—— '  '  " 

jilure  monumentale,  placés 
sur  les  colonnes  d"un  cloî- 
tre, et  qui  semblent  em- 
pruntés à  une  mosquée  ou 
à  une  synagogue,  ne  peu- 
venl  (Hre  attribués  ipi  à  un 
a  leliei- moresque.  Labbaye 
de  Silos  possédai  [,  au 
temps  de  saint  Domini([U(\ 
des  es(da\('s  musulmans. 
(Test  l'un  d'eux  (pii  a  orné 
de  liligranes  Ténorme  ca- 
lice en  argent  doré  con- 
serA'é  dans  le  trésor  du 
monastère  et  sous  le  pied 
duquel  est  gravée  une  in- 
s(  ii|ilicin  au  nom  du  saini 
abbé.  Ce  sord  d'autres  es- 
claves qui  auront  décoré 
les  (diajiileaux  du  cloître, 
don!  l'un  jiorle  r('pilajtlie 
du  même  saiid.  Lem-  r("de  l'i 

s'est   l)orné  à  sculplei'  des 
l'euillagi^s  et  des  animaux. 
D'autres  sculpteurs  ont  travail  h-  à 
d'eux  ou  après  eux. 

Dans  chacun  des  j)iliers  massifs  qui  occupent  les  angles  du  (doître 
sont  encastrés  deux  grands  lias-reliefs;  six  d'entre  eux  sont  manifesleuH'nt 
l'ouvrage  d'un  même  atelier,  simm  d'une  uK'me  main.  Ils  repr(''senlenl  les 
dernières  scènes  de  l'idstoire  ('Nangidiiiue  :  la  Descente  île  croix,  la  Mise 
au  tombeau  et  la  \'isile  des  saiides  femmes,  le  Clirisl  et  le>  disciples 
d'Emmaiis,  le  Christ  apjtaraissanl  à  Thomas  au  milieu  des  AjkMi'Cs,  l.Vs- 
cension  du  (^hjist  et  la  Descente  du  Saint-Esprit. 


,.   INII,  —  I.e-  S.iiiilos  FcMiiiics  .111 
■iclicr  (lu  <lc)iliv  dr  S.iiilo    Duiiiil 
(\ii    siri.ie). 


orafion  du  cloître  de  Silos  à  côté 


22C 


IIISTOIP.I-:  1)1".   I.'AI'.T 


Le  scul|ilrMr  ne  se  souvicnl  |ilns  des  iiiloiMiirs  li^iiriiH's  (l'(  )\  icdo  ou 
de  Léon  ;  il  n'iniilc  point  à  sa  nianiri-e  les  reliefs  des  sarcophages  romains; 
il  ne  s'inspire  poini  dii-eelemenl  des  JMiii'rs.  Les  Iradilions  qu'il  représente 
soni  celles  d'un  arl  (pii  s'i'sl  foi-uir  au  noi'd  des  Pyrénées. 

La  suite  des  sujets  représentés  sur  les  anciens  reliefs  des  piliers  de 
Silos  reparaît  presque  (ont  entière  dans  la  série  des  reliefs  et  des  statues 

(pii  décorcnl  les  piliers  du 
cioili-e  de  Sainl-Tropliinie 
d'Arles.  Le  programme  ico- 
nograpliique  commun  à  t\n\\ 
cloîtres  de  la  Provence  el  de 
la  C.aslille  a  été  connu  égale- 
ment dans  l'iVquitaine.  ('/est 
en  elTct  à  Toulouse,  el  non 
jioinl  à  Arles,  (pi'il  faul  clier- 
cliei-  les  modèles  des  l'eliefs 
de  Silos.  Plusieurs  des  apô- 
Ires  deliout  auloui'  ilu  (christ 
dans  la  scène  de  l'Incrédulilé 
de  Thomas  croisent  les  Jam- 
Ijes,  comme  s'ils  tournaieni 
sur  eux-mêmes,  à  la  façon  de 
certains  derviches.  Au  })ied 
de  la  croix,  saint  Jean  éploré 
a  pris  cette  attitude  dansanic 
qui  est  celle  des  apôtres  grou- 
pés jadis  deux  par  deux  à 
l'entrée  de  la  salle  capitulaire 
d(^  Saint-Etienne  de  Toulouse. 
Les  rapprochements  peuvent 
être  poussés  jusqu'aux  plus 
menus  détails  :  c'est  ainsi 
que  les  singuliers  rochers  en 
forme  de  llammèches  qui 
hérissent  le  sot  du  (lalvaire,  dans  la  scène  de  la  Descente  de  croix,  sont 
identiques  à  ceux  qui  sont  figurés  sur  un  ancien  chapiteau  de  Saint- 
Étienne,  el  doni  jaillit  une  source  où  Marie  l'Égyptienne  vient  laver  sa 
longue  (■Iic\clurc.  L'nn  des  laics  détails  des  reliefs  de  Silos  qui  ne  se 
retrouvent  point  parmi  les  dél.ris  des  monuments  romans  de  la  région 
toulousaine  est  la  coilTure  donnée  à  toutes  les  figures  féminines,  — 
même  à  la  Vierge  qui  baise  la  main  du  Crucifié  et  fi  l'image  de  la  Lune 
qui  pleure  entre  les    nuées,  au-dessus  de   la   croix.  Celle  gninqie  raidie 


Fiii.  ixi.  —  i;iiiciri.iiiiii(''  iii'  s.iiiii  ■riidMi.is. 

ri,Tt-ri'licl'  (lu  cliiitri'  de  S;iiU(i  l)oi]iirii;i>  de  .Sdiis 
(\u'  i^iècle). 


FOHMATION  ET  l)l-:\  IJ.OPl'K.MENT  DK  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    227 

auluiir  du  cou  coimiic  une  fraise  du  xvi''  siècle  et  le  bonnet  serré  sur  un 
voile  (Mroit  étaienl  des  modes  espagnoles  :  le  sculpteur  venu  de  Toulouse 
à  Silos  a  iniroiluil  dans  le  drame  sacré  des  détails  de  costume  contempo- 
rain (pi'il  aura  oliservés  en  Castille. 

Ces  étranges  reliel's  sont  certainement  postérieurs  aux  chapiteaux  de 
travail  musulman  exécutes  avant  lO/ti.  Le  modelé  rond  et  sommaire,  la 
raidriii-  (Ir  la  draperie,  doni  les  m<iu\('menls  soni  iii(li(pii''s  siuijilcnicnl 
par  di's  slrics  doiddes,  les  cassures  des  plis  (jui  d('M-oupi'iil  sur  !(_'  liord  tics 
vèteuieiils  une  dentelure  aussi  régulière  ipu'  ccllo  des  voiU^s  drapés  sur 
les  statues  archaïques  d'Athènes,  se  retrouvent  dans  les  œuvres  primi- 
tives de  la  sculpture  toulousaine.  Mais  les  reliefs  de  Silos  montrent  un 
sens  du  mouvement  et  de  la  beauté  plastique  qui,  dans  la  série  chronolo- 
gique des  sculptures  de  Moissac,  ferait  penser  au  tympan  fameux  du 
portail,  bien  p!u[(")[  cpi'à  la  série  encore  luirliare  des  Apôtres.  D'ailleurs,  ce 
n'est  pas  Moissac  tpii  olVrira  les  éléments  d'un  rapprochement  tiécisif  avec 
les  reliefs  de  Silos.  Les  personnages  demi-nus  représentés  sui-  ces  reliefs 
sont  presque  identiques,  par  le  type,  les  proportions,  les  moindres  détails 
de  la  chevelure  et  de  la  draperie,  aux  figures  humaines  placées  sur  les 
montants  du  portail  de  Souillac  à  C(jté  dune  elïroyable  mêlée  île 
monstres  qui  s'entre-dévorcnt. 

La  date  des  reliefs  de  Souillac  n'est  pas  connue;  }>our  fixer  celle  des 
reliefs  de  Silos,  on  n'a  qu'un  détail  :  le  costume  des  hommes  d'armes  qui 
gardent  le  sépulcre  du  Christ.  Ils  n'ont  plus  la  large  ronde,  à  la  mod(; 
musulmane,  que  tiennent  les  guerriers  dessinés  vers  l'an  1100  sur  un  ma- 
nuscrit de  Silos,  aujourd'hui  conservé  au  British  Muséum.  Leur  écu  très 
haut  et  pointu,  leur  longue  [uni(pu'.  leui'  haulirrl,  (pii  londie  jusqu  aux 
genoux  el  enserre  la  léle  dans  un  cainichon  de  mailles,  leur  heaume 
prcs([ue  rond  sendih'nt  l'aire  partie  du  liainais  de  guerre  porté  vers  le 
milieu  du  xiU'  siècle. 

La  décoration  du  cloître  ne  fui  pas  terminée  avant  le  siècle  suivanl. 
C'est  à  celte  épofjue  (pu'  l'on  doit  assigner  les  deux  derniers  reliefs, placés 
à  l'angle  sud-ouest,  —  l'arbre  de  Jessé  et  l'Annonciation.  Ils  ne  se  ratta- 
chent aux  six  autres  ni  par  la  suite  du  programme  iconographi(|ue,  ni  par 
les  caractères  plastiques.  La  lète  sourianb^  et  bouclée  de  l'ange,  les  dra- 
perie- linemcnt  plissées,  les  détails  un-mes  de  jarcature  et  de  son  cou- 
ronnement de  tourelles  témoignent  d'un  apport  de  l'art  français  du  nord. 
Mais  les  formes  nouvelles  se  trouvent  combinées  à  Silos  avec  des  formules 
archaïques;  peut-être,  axant  d'arri\ei'  au  cœur  de  la  \ieiile  (bastille, 
s'étaient-elles  attardées  dans  (pielqne  atelier  fidèle  à  d'anciennes  tradi- 
tions locales,  comme  le  Inreiil  au  mu'  siècle  les  ateliers  toulousains. 
D'ailleurs  le  relief  de  r.Vnnoncialioii  |Mi''seiile  bien  des  particularilés  (pii 
ne   ^.e  leJiDuvenl   au   xui'    siècle   ni   dan>   le   noid.   ni   dans  le  midi   de   la 


228 


iiisToinK  ni':  la  ht 


l-r'iinrc.  Il  |icul  |),issri-  pour  l;i  |iliis  iiiiciciiiic  i-c|ii'(''S('iihil  iun  <ln  ^^iijrl  (lù 
l'inig'c,  loiijoiii's  (Ii'ImuiI  ;iii  |p(ii'l;iil  ilrs  (mIIk^Ii-mIcs  coiiiiiii-  sur  1rs  iiiiiii;i- 
liin's  liy/,anliiics,  sdil  :iii'rii(iuill('.  Il  rii|i|ii-nclic  de  hi  srriii'  de  rAniiom-ia- 
iiiin  II'  iiiiilirdii  (  Idiirdiiiiriiiciil ,  (|ni  siiil  dOrdiiiaii'c  la  .Mori  ilc  la  \  ierge. 
haiisla   r(iin|H)sil  iniiruiiimc   rr\(''cul  inii.  la  \  iiiiK'ur  cl    la    hardiesse  d  un 

\('TilaMi'    arlislc 

tA.*-. ',  iV  >'-»iL.  i      :à  *yL^iSai^^^^       une  i^auc  licrie 

nianireste  et  une 
S(''iMe  de  conven- 
li()ns|in('Tiles.Le 
tout  l'orme  une 
(cuvreuni(|ue,en 
son  cliarine  lii- 
/.ari'e,  de  la  scul- 
jil  iii-e  romane  sur 
s(pii  d(''i-lin. 

La  liniii'ue 
|iei'sisl;uice  des 
I  lad  liions  ar- 
eliaï([ues  à  Silos 
s'est  encore  ma- 
nifeslée  dans  la 
di''C()iali(in  du 
cidii  rc  su  |ié- 
ricur,  (|iii  l'iil 
cdusiruil  au  \ui 
siècle  cl  sans 
diiule  peu  de 
leuips  après  l'a- 
chèveuient  du 
cloître  inférieur. 
Parmi  les  chapi- 
teaux des  gale- 
ries du  premier  étage,  la  plupart  sont  ornés  de  «  crochets  »  de  feuillage, 
copies  plus  ou  uioins  jualadroites  des  uiodèles  inventés  dans  le  nord  de 
l;i  j^'ranee;  (pielipies-uiis  pnrleul  des  iigurines  d'un  travail  somniain'  et 
barl)are.  Il  eu  es!  de  foil  euiieuses,  comme  celles  qui  représentent  des 
artisans  à  r()u\  rage,  eid  re  aiilres  des  souffleurs  de  verre,  ^lais  les  ouvriers 
liicaux  ipii  nul  seulph'  ces  liguriues  u'out  ]dus  rien  di'  l'Iialiileh''  (pi'ax  aieid 
ui(Uiln''e  les  scidpleurs  du  eloilre  iuri'Tieiu-  —  UKii'es,  loulousains  ou 
castillans.   Ku  plein  xiii'  siècle,  ils  seniMenl  l'aire  relour  au  xi'. 


Fui.   IX'i.  —   I.'ArmiiiicijiUoii  et  le  CfiuruMiMiii.nl   .le  l;i  \  ioi'gi 
ii.-is-roliclilu  floitrc  de  Saiito  l)oniini,'ii  lie  sllus  ixiif  siècle). 


l'on.MATloN  ET  nHVEI.dPl'HMliNT  DE  LA  SCULPTIRE  COIIIIOI  E 


Il  viiui  n(''cess;iirr  de  |u-(''cis('r.  dans  cet  ouvraiic  l'iiisloiiv  arl  isli(|ur 
d'un  monument  à  pou  près  inconnu,  qui  est,  sans  conteste,  le  |)lus  ancien 
des  cloîtres  romans  à  chapiteaux  historiés,  qui  ne  le  cède  à  aucun  pour  la 
richesse  de  la  décoration  plaslitpie,  et  qui,  commencé  avanl  1rs  cldilns 
les  plus  célèbres  du  midi  de  la  France,  a  été  achevé  a|irrs  eux,  par  le 
travail  de  plusieurs  générations. 

Dans  le  nomjirc^  des  ciiaiiilcaux  et  des  grands  has-reliel's  qui  cnm- 
|)(iscnl  la  décoration  si-ulpli''r  lU'  i-f  rinilre,  il  a  ('■l(''  pcissiMc  de  disliiigiicr 
l'apport  de  deux  arts,  qui,  depuis  la  lui  du  xi''  siècle,  doniinri-onl  en  l-ls- 
jtagne  :  l'art  moresque  cl  l'art  français. 

Les  chapiteaux  de  Silos  (pii  (nii  été  sculptés  par  des  imisulniaiis 
restent  des  exceptions  dans  riii>li)iri'  de  l'ai-l  eui-npiMMi  Lm-qnr  les  i-nis 
de  Castille  et  d'Aragon, 
maîtres  d'une  partie  dr 
l'Andalousie,  compleroni 
paiini  leurs  sujets,  dans 
Idiilr  l'c'tendue  de  leur> 
dnniaincs.  des  nli!li(•l■^ 
dai'lisans  musulman^  (ui 
juirs,  lc>.  s(iUM'i-;uii>.  Ir^ 
seigneurs  et  les  ]ir('lals 
emploieront  à  I  envi  ces 
artisans  dont  l'habileté 
tenait  de  la  magie.  Du 
xii"     au     xiv"    siècle,     la 

faM'ur  des  puissants  r[  des  riches  ne  cessera  de  grandii-  l'inqior- 
lancc  dr  I  ai'l  mnsulniaii  dans  li-ispagnr  chrétienne^  de  I  arl  iiimlridr. 
Mais  cet  art  ne  connaît  plus  la  sculpture  et  connaît  à  peine  le  relief. 
Il  abandonne  la  pierre  et  le  marbre  pour  la  brique  nue  ou  l'inaillée 
el  le  >luc  peint  et  doré,  le  (h'-eor  animal  punr  les  condiinaisons  gi''ouii'- 
lii(pie>.  Il  cesse  de  concourir  à  la  décoi-ation  plaslicpie.  jiour  déployer 
sur  les  parois  des  édifices  profanes  ou  sacrés  —  Alcazar  de  Séville, 
Scd  de  Saragosse,  clochers  de  Teruel  —  ses  fantaisies  guidées  par  des 
épures. 

Dans  toute  l'Espagne  seplenlrionale  l'inlluenee  de  l'art  français 
devient  prépondérante.  L'élude  de>  eloitres  el  de  |eiir>  eliaiiileaux  his- 
toriés montrera  comment  ce!  ail  a  enriidii  el  \i\ill(''  les  traditions 
locales. 

Les  plus  arcliaïques  des  cloîtr(\s  esjiagnols  se  tmiivenl  en  (ialalogne: 
leur  architecture  est  trapue,  leur  sculpture^  très  sommaire.  Les  cha|)ileaux 
du  cloître  primitif  de  la  cathédrale  de  Manresa.  dont  il  ne  subsiste  que 
Irois  arcadi's.   sont    d(''cori'-s  de   Ndlule^   l'if'nienlaires   e|    d'informes  tiMes 


^^^K  '■ 

'  '"  9 

^KË^^^felt^"  '^            y* 

r      ^.^—^.^^^^— ^'"^^B 

31 

Chapile.Mi  <lii  ,  l..iii,^  de  Ripoll  (C-iInlngnc). 
XM    ol  xi\     siècles. 


HisToiiîi-.  i)K  i;art 


philcs;  ceux  du  clnilr(^  diMiioli  de  Snn  l'cic  t\t'  les  l'iicllcs,  à  Barcelone, 
dont  quelques-uns  onl  (■!('■  Iransporlés  au  uuisée  arclH''ologique  de  la  ville, 
ont  des  bosses  de  l'oriiie  (■i)niiiliqu(''e.  t)i'i  il  l'sl  diflicile  de  reconnaître 
riuiagc  d"un  lionune  ou  d'un  animal.  Ceux  du  uius(''e  arciH''ologi(jue  de 
Vieil,  qui  pro\i<'nuenl  de  rancim  cloilre  de  la  (■alli(''draie,  soid  à  jieine 
mieux  dégrossis. 

()uel(|ues  cluilre^  cneori'  drlinul  an  milieu  de  monastères  aban- 
donnés soni  les  i-esles  les  plus  imporianls  de  celte  période  primitive. 
Celui  de  Sanla  Mai'ia  d'b^slany.  (pii  a  i''lé  arlievé  on  rr^lanré  en  partie 
vei's  la  lin  dn  xiT  siècle,  consei-\('  sni'  deux  de  ses  l'accs  luu;  suite  de  cba- 
jiiicanx  en  lonm'  de  lioiu'  de  jiyraniide  renversé,  dont  le  décor  méplat 
fiiil    penser    aux    IVaiiiueuls    de    ré|ioque    \visii;olIii(pie.    Dans  le    grand 

cloître  de  San  Benct  de 
Bagcs,  non  loin  de  Man- 
resa,  qui  est  resté  intact 
dejiuis  le  \\i"  siècle,  l'une 
des  colonnes  trapues  }iorle 
un  chapiteau  analogue  à 
ceux  d'Estany,  mais  beau- 
coup plus  barbare  ;  on 
peut  distinguer,  sur  deux 
faces,  le  groupe  de  l'An- 
nonciation et  un  Christ 
bénissant.  Le  relief  des 
autres  chapiteaux  ■ —  oi'i 
l'on  reconnaît,  dans  la 
confusion  des  entrelacs, 
quelques  figurines  de  moines,  d'anges  et  la  ^'iel•ge  avec  un  abbé  age- 
nouilh'  à  ses  pieds  —  i;st  plus  gras  et  plus  nnju.  Le  cloître  de  Santa  Maria 
de  Lluça,  voisin  des  Pyi'énées,  ressend)le  à  celui  d'Estany  par  la  légèreté 
de  ses  colonnettes  et  à  celui  de  Bages  par  les  monstres  qui  couvrent  ses 
chapiteaux.  Il  n'y  a  encore  que  des  monstres  sur  les  chapiteaux  du  char- 
mant petit  cloître  de  San  Pau  del  Camp  à  Barcelone,  dont  les  arcades 
ti'éllées  onl  été  sans  doute  imitées  de  l'architecture  moresque.  La  seule 
face  du  grand  cloilre  de  Bipoll  qui  remonte  au  xu'  siècle  a  des  chapiteaux 
presque  uniquement  décorés  de  rinceaux  et  de  palmettes  qui,  par  la 
précision  du  dessin  et  l'accentuation  ti'anchante  des  détails,  ressemblent 
exactement  aux  plus  anciennes  sculjdures  du  cloître  d'Elue,  commen- 
cées vers  1  IT'i. 

L'un  des  premiers  cloîtres  espagnols  dont  les  sculptures  composent 
un  cycle  iconographique  se  trouve  dans  le  nord  de  l'Aragon,  à  Pluesca. 
Il  fait  partie  du  liés  ancien  nujnasièrc  de  San  Pedro  cl  V'iejo.  Le  monu- 


Fic;.  ISi.  —  (;li,i|iil' 


à  llucsca  (.\ragiiii).  xn' 


'OU  Pedro  el  \iejo, 
siècle. 


FORMATION  ET  DKNELOPPEMKXT  DE  LA  SCCLPTUIiE  COTllIOl  E     'J.'l 


nient,  radicalenuMil  reslaurc''  au  xix'  .siècle,  serait  à  peu  pi-rs  penlu  pour 
riiistoire,  sans  les  moulages  et  les  pliotogi-aphies  qui  l'ont  connaître 
létat  des  originaux  jetés  au  rebut. 

Les  clnqiileanx,  dont  chacun  coill'e  deux  colonnetles,  se  parlagenl 
en  deux  séries:  les  uns,  hérissés  d'ellVoyahles  grajipes  de  monstres; 
les  autres,  au  nombre  de  vingt  et  un,  exposant  tout  le  r(''(il  de  l'histoire 
évangélique,  depuis  la  rencontre  de  Joachim  et  d'Anne  à  la  Porte  d"Or 
jusqu'à  la  Pentecôte  et  à  l'Assomption  de  la  Vierge.  Six  grandes  figures 
dapôlres  en  bas-relief  sont  placées  à  la  partie  supérieure  des  quatre 
piliers  d'angle  et  des  deux  piliers  qui  interrompent  la  colonnade  du 
cloître,  au  milieu  des  faces  longues  du  rectangle.  Ces  apôtres  rappel- 
lent ceux  de  Moissac.  Le  vieux  cloître  aragonais  relève  directement  de 
l'art  toulousain.  Les  ar- 
tisans voyageurs  qui  oui 
fait  connaître  cet  arl  à 
Huesca  ont  laissé-  la 
trace  de  leur  jiassage  au 
milieu  des  montagnes 
et  près  du  débouché  t\i' 
la  route  qui  conduisail 
d'Aquitaine  en  Aragon, 
La  ville  de  Jaca  est  la 
première  étape  en  Ls- 
pagne  après  le  facile 
passage  du  délih''  du 
Somport.  Lue  des  hau- 
teurs qui  entourent  de  loin  celte  ville  porle  le  mouaslèrc  l'anieiix  de  San 
Juan  de  la  Pena.  Plusieurs  des  chapiteaux  du  cloître,  qui  rcprésenlnd 
des  scènes  de  la  vie  du  Christ,  sont  presque  entièrement  paivils  à  des 
chapiteaux  de  lluesca. 

Les  cloîtres  de  San  .luan  de  la  l'efia  et  ceux  de  San  Pedro  el  ^'icjo 
rappellent  les  anciens  cloîtres  toulousains,  non  sculenii'iil  pai'  la  ridiesse 
de  leur  iconographie,  mais  encore  par  les  étranges  inégalités  que  pré- 
sente l'exécution  même  de  leurs  sculptures:  autant  les  figures  humaines 
sont  grossièi'es.  a\cc  Irurs  tries  énormes  et  leurs  yi/nx  i-onds  à  lleur  de 
tète,  autant  la  jiantomiuie  peut  être  expressive,  l'indiealion  de  lel  acces- 
soire juste  et  spii'iluelle.  La  date  de  ces  chapiteaux  esl  (lillieile  à  piéciser 
d'après  le  style  des  reliefs.  La  coill'ure  des  femmes,  loul  espagnole,  est 
presque  exactement  pareille  à  celle  tpii  est  représentée  sur  les  reliefs  de 
Silos.  Une  inscription,  peu  connue.  (|ni  se  trouve  gravée  sur  l'un  des 
piliers  d'angle  el  a  été  évidemmeni  .ijonlée  ajirès  la  consiruclion  du 
pilier,  —  comme  celle  (pii  a  permis  de  dalei'  approximali\  emeni  le  cloître 


Fk;.  IS."i.  —  I,a  Flagellalion.  Chapileau  du  cloiU-e  de  San 
Podni  cl  Viojo.  à  lluesca  (Aragon),  xn"  siècle. 


iiisroiiii-:  WK  1  AiiT 


(11'  S.iinl- 1  roiiliiiui'  d'Arles,  —  csl    r(')pil;i|ilic  ilii  luiMic  InTiiiinl,  morl  en 
lan  (lu  Chrisl   1  IMl. 

Les  cloîlrcîs  ;i  cliapilciiiix  liisl()ri(''s  de  San  .Iikih  de  la  IVna  fi  d(^  San 
Pedro  d'Iluesea  sont  les  seuls  (|ue  |ioss('(le  l'Ar-a^dii.  Pour  suivre  les 
])roij;r('s  de  la  sculjilurc  dans  les  cloîtres  espagnols,  il  l'aul  passer  du 
nord  de  TAragon  au  nord  de  la  Na\aiTe,  et  revenir  ensuile  aux  pro- 
vinces maritimes  de  la  Catalogne. 

La  sculpture  navarraisc  avail  él(''  d'abord,  apri's  le  rc'^veil  du  xi'' siè- 
cle, aussi  primitive  que  la  sculpture  catalane.  On  en  peul  juger  par  les 
(diapileaux   de  Vdlriinii  de  l'église   de   Gazolaz.    Dans  la  seconde  moitié 

du  xiT  si('cle, 
/■-:::  I  arl  du  midi 
de  la  l''rance 
passa  en  vain- 
(pieur  les  déli- 
l(''s  de  lionce- 
vaux.  (À'  sont 
des  Fran(;ais 
(pii  on!  sculpté 
à  Pampelune 
les  chapiteaux 
du  cloître  de 
l'ancienne  ca- 
lliédrale,  dont 
(pielques  -  uns 
ont  été  l'etrou- 
\(''s  et  ex]ios('-s 
dans  un  coin  du  cloilre  cliaruianl  c((nslruil  au  xi\'  si(''cie  à  cCAr  du 
(doîlre  primilil'.  Sur  ces  cliapiteaux,  les  motifs  de  décoration  végétale 
on!  jiour  la  |iiupar[  les  formes  charnues  et  vivaces  des  rinceaux  et  des 
palmelles  (pii  se  jouent  sur  les  chapiteaux  et  les  tailloirs  du  cloître  de 
Moissac.  Les  personnages  cpu  représenlent  sur  rpiatre  des  chapiteaux 
une  suite  île  scc-nes  de  la  Passion  nu)ntrent  des  formes  pleines  et  nouri'ics 
comme  celles  des  reliefs  de  sarco]iliag(^s  antiques,  dépendant  c'est  de  la 
région  toulousaine,  et  non  d(^  la  Provence,  liche  en  modèles  romains, 
qu'est  venu  le  scuipieui'.  (Tes!  à  Toulouse  que  l'art  a  possédé  la  verve  à 
la  fois  tragi(pu_'  et  Irixiale  (pii  anime  les  reliefs  des  cliapiteaux  de  Pam]ie- 
lune. 

il  est  p(issil)le  de  reconstituer  par  la  pensée  l'architeclui'e  du  cloilre 
dont  ces  chapiteaux  oïd  t'ait  partie,  d'après  le  cloîti'e  de  San  Pedro 
la  Pua,  qui  s'est  consei\('',  à  luie  trentaine  de  kilomètres  au  sud  de  Pam- 
pelune,   dans    la    petite    ville    d'Estella.    Le    cloilre    d'Eslella    a    dû    èlre 


Fie,   ISfi.  _  l,a   |;r-iiiiv(li.,iL  fin   Chrisl.  (  :ii.i|)ileoii  .le  I  juicicii  cl.iiUc 
di-  hi  cillir.lr.ile  dr    l',uii|.cliiiic  Jlii  ilii  \\v   sirclr). 


FORMATION  ET  DKVEI.dl'I'l'MKXT  l)i;  LA  SCri.PTLHE  COTIIIOIE     i'.J 


conslniil  iuix  envii'ons  de  l'nn  l'.'ItO.  Lo  yraïul  cloîlre  do  ]a  calluMlialc  i\r 
Tiidela,  dans  lequel  se  conlinue  1<t  même  tradition  artistique,  est  ccrlai- 
nement  du  xiii'^  siècle.  Les  scènes  religieuses  y  voisinent  encore  axer  des 
groupes  de  monstres.  Les  (•((iii|Mi>il  idiis  sont  inonoioni's  ;  l'r\(''(ulion  est 
grossière.  Pourtant  quel(|ues  ih'IaiU  monlrcnl  que  l'art  loulousain,  en 
continuant  sa  marche  dans  le  royaume  de  Navarre,  se  modifiait  sous 
Taclion  d'influences  nouvelles  (|ui  \  enaient  du  nord  di^  la  Fi'ance. 

Pendant  ce  temps,  unr  (■■(•{)!(•  de  sculpture  romane,  moins  slriclcmcnl 
confinée  dans  l'imifaliou  des  modèles  français,  s"a]ipli(piail  en  (lalalni;iic 
à  la  décoration  d'une 
série  de  cloîtres  qui 
n'ont  plus  rien  de 
commun  avec  les  cloî- 
tres primitifs  dEstany 
et  de  San  Benêt  de 
Bages.  L'un  d'eux  est 
à  quelques  milles  de 
Barcelone,  dans  l'an- 
cien monastèri>  de  San 
Cugat  del  Vallès 
(Saint -(".ucul'ali ,  de- 
\enu  le  centre  d'un 
hourg  coquet.  Malgré 
les  mutilations  subies 
par  beaucoup  de  cha- 
piteaux, la  décoration 
sculptée  du  cloître  de 
San  Cugal  présente 
des  caractères  qui  la 
distinguent  de  toutes  les  séries  ih 
rincs  d'animaux  sont  rares  et  n'ont  plus  la  férocité  barbare  des  monstres 
d'Huesca.  La  décoration  végétale  reproduit  les  rinceaux  perlés,  les  pal- 
melles,  les  pommes  de  pin  et  les  grappes  du  cloîlre  de  Bipoll;  mais  à 
San  Cugat  les  rameaux  (jui  se  nouent  oui  moins  de  sécheresse,  les  i'euil- 
lages  et  les  fruits  stylisés  moins  de  maigreur.  Ouelques  chapiteaux  seule- 
ment sont  réservés  pour  les  scènes  sacrées  ;  loin  de  former  un  récit  continu , 
comme  à  Huesca,  les  sujets  tirés  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  se 
trouvent  séparés  les  uns  des  autres  par  des  files  de  colonnes.  Ils  send)lent 
avoir  été  choisis  et  placés  au  hasard.  L'un  des  plus  curieux  est  celui  sur 
lequel  sont  réunies  quatre  figures  allégoriques  de  ^'ertus  :  l'une  a  le  voile 
et  l'attitude  des  <<  orantes  »;  les  autres,  guerrières  couronnées,  percent 
de  leur  lance  les  \'ices  abattus  sous   leurs  pieds,    l'n   cliapileau    expose 

T.  H.   —   50 


11...  i,s:. 

ik-  S;in  1' 


Niili  lue  laiii;oii"'  •■.  Cli.Tpileau  du  cloilrc 
o  l;i  Hua  (vers  120(1),  à  Estella  (.\avarre). 

lii'fs  énumérées  jus(priei.  Les  figu- 


254  IIISTOIRK  l»H  I.'AHT 

riiisloii-e  du  Mauvais  Iliclic  cl  de  Lazare,  rcprésenléc  à  Moissac.  Plus 
d'un  d<Mail  familier  anime  les  scènes  sacrées.  Mais  le  seulpleur  va  plus 
loin  :  il  éltauclie  sur  (piclques  chapiteaux  de  vérilables  iMudes  d'après 
nalure  :  ici  ce  sont  les  luoines  de  l'abbaye,  avec  leur  abbé;  là  des  lut- 
teurs, des  bergers  cl  jusqu'à  un  tonnelier  occupé  à  cercler  une  barrique. 
Cependant  ce  réalisme  est  tempéré  par  quelques  souvenirs  classiques.  Il 
semble  fpie  les  Iraditions  de  l'arl  toulousain  (i  de  l'url  pi-o\('n(;al  aient 
été  combinées  dans  une  œuvre  originale  et  vivante  par  le  sculpteur  de 
San  Cugal. 

Ce  maître  ingénieux  s'était  représenté  lui-même,  tenant  le  ciseau  et 
levant  le  maillet  pour  achever  un  chapiteau  de  même  forme  que  celui  qui 
portait  sa  propre  image.  Une  main  stupide  a  décapité  le  seulpleur  et  a 
cassé  ses  bras.  Heureusement,  une  inscription  encastrée  dans  le  pilier 
d'angle,  à  côté  du  chajuleau  mulilé,  nomme  la  figurine  méconnaissnlile  : 

Hec  est  Arnalli  sculi'toris  forma  Catelli 
Qui  claustrum  talé  construxit;  perpétua  vale. 

L'auleur  du  cloître  de  San  Cugat  s'appelait  Arnall  Calell  :  c'est  un  nom 
catalan,  bien  plutôt  que  français.  La  signature  n'est  accompagnée  d'au- 
cune date;  d'après  des  détails  de  costume  tels  que  la  jaquette  de  mailles 
portée  par  les  soldats  dans  le  Massacre  des  Innocents,  le  cloître  voisin  de 
Barcelone  doit  être  placé  vers  la  fin  du  xif  siècle. 

Deux  cloîtres  qui  ont  d'étroites  analogies  avec  celui  qu'a  construit  et 
décoré  Arnall  Catell  se  trouvent  à  Gérone.  Le  petit  cloître  attenant  à 
l'église  romane  de  San  Père  de  Galligans  serait  identique  pour  l'archi- 
lecturc  à  celui  de  San  Cugat,  si  la  série  des  colonnes  couplées  n'était 
interrompue,  au  milieu  de  chacune  des  faces  du  rectangle,  par  un  groupe 
de  cinq  colonnes,  dont  quatre  sont  disposées  en  quinconce  autour  du  fût 
central.  C'est  dans  l'un  de  ces  quinconces  que  se  trouve  l'unique  chapiteau 
à  sujets  religieux  (pii  soit  inli'oduit  dans  la  décoration  du  cloître  :  le 
sculpteur  y  a  représenté  l'Annonciation,  la  Nativité  et  l'Adoration  des 
Mages.  Les  autres  chapiteaux  sont,  pour  la  plupart,  de  simples  corbeilles 
de   feuilles    d'acanthe,   qui    semblent    imitées    de    modèles  artésiens. 

Le  cloître  de  la  cathédrale  de  Gérone  est  l'un  des  plus  grands  d'Es- 
pagne. Son  architeclure  est  semblable  à  celle  du  cloître  de  San  Père, 
mais  le  quinconce  de  colonnes  est  remplacé,  au  milieu  de  chacune  des 
faces,  par  deux  piliers  de  maçonnerie.  La  décoration  des  piliers  du  grand 
cloître  de  Gérone  est  toute  différente  de  celle  des  piliers  d'angle  du  cloître 
de  San  Cugat  :  dans  ce  dernier,  les  colonnes  adossées  au  pilier  portent 
seules  des  reliefs  ipii  enlourml  la  partie  visible  de  leur  cliaj>iteau;  dans 
l'autre,  les  piliei-s  sont  entourés  d'une  véritalde  frise  de  bas-reliefs  qui 
représentent  tantôt  des  monstres,  tantôt  un  récit  religieux,   tels  que  les 


FORMATION  ET  IlÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCIEPTIRE  OOTHIQUE    255 

scènes  de  la  Genèse,  (lelle  dispusiliou  du  diM-oi-  smlph'',  qui  (^sl  (Hran- 
gère  à  récolc  toulousaine  et  dont  lurigine  peul  iMic  eiicrclii'c  en  Pro- 
vence, se  trouve  exactement  répétée  à  Elne.  11  csl  diriicilc,  ajirès  les 
remaniements  ([ue  ce  ileinier  cloîlre  a  subis  au  \iii'  cl  au  xiv"  siècle, 
d'affirmer  que  ses  piulies  les  plus  amienncs  soicid  aidcTicurcs  au  cloîlre 
de  la  catliédi'ale  de  G(''roni\  Si  les  cloîtres  de  San  Gui;al  el  de  Gi''rone 
sont  l'œuvre  d'artistes  catalans    (jui    s'élairnl   assimile''    l'arl  du    midi    de 


riml    CCI  1:11.x 

FiG.  ISS.  —  Cloître  de  San  Perc  de  Galligans,  à  Géronc  (Calalogiie).  xir  i^ii'clc. 

la  France,  le  cloître  d'Elnc  doit  ("Ire  alliilim'  à  l'un  de  ees  artisics, 
plutôt  qu'à  un  Français. 

Le  travail  des  sculpteurs  qui  ont  décoré  les  cluqiitcaux  et  les  Irises 
du  grand  cloîlre  de  Gérone  paraît  s'être  prolongé  pendant  pins  d'une 
génération,  l  nr  jiarlii'  du  chnli'c  de  la  (•al!i(''drale  est  sans  ddulc  anl(''- 
rieure  au  cloiln.'  de  San  l'ère,  si  l'on  en  Juge  par  un  détail  dv  cosliune 
très  précis.  L'une  des  Irises  du  grand  cloître  représenle  des  tailleurs  tic 
pierre  qui  ti-availlent  en  présence  d'un  évèque  :  celui-ci  porte  la  mitre  à 
deux  cornes  du  xiF'  siècle.  Sur  l'un  des  chapiteaux  de  San  Père,  un 
évèque,  qui  se  montre  au  milieu  d'une  ronde  d'animaux  fantasliipics,  a  la 
mitre  triangulaire  adoptée  vers  la  fin  de  ce  siècle 

D'autres  sculptures  du    cloîlre   i\i'   la  callK'drali'   soûl    p()st(''i'icLires  à 


2.->r. 


IIISTOIliE  DE   L'ART 


celles  (lu  eloilre  de  San  l'ei-e  :  un  curieux  clélail  le  jirouNc.  Sui-  l'un  des 
cliapileaux  du  grand  cloîlre,  où  la  Xali\i[é  cl  l'Adoralion  des  Mages  son! 
■■('■unies  en  un  iiK'iue  r(''cil,  le  lil  de  la  N'iei'ge  esl  |i()S('',  de  la  ra(;()n  la  |ilus 
iiis(dil(%  sui^  le  dos  d'un  clieval.  L'erreur  du  iiraiieien  serai!  inexplicalile,  si 
l'du  ne  se  reporlail  à  un  cliapileau  de  San  Pcrc  qui  rcprc^-sente  les 
ni(Mues  groupes;  ici  laNard-lrain  du  cheval  se  monlre  en  avant  du  lil 
iui)ni(^  sui^  (les  pieds  ('•le\(''s  :  c'est  uue  u(iu\elle  scène  qui  commence.  Le 
sculpleur  de  la  calli('^drale,  en  cupianl  son  prédécesseur,  a  ajouté  aux 
pieds  du  lit  des  saliots  de  cheval. 

Toutes  les  sculptures  du  grand  cloîlre  de  Gérone,  cjuelle  que  soit  leur 
(laie,  sont  l'd'uvre  d'une  même  école.   Elles  ressemblent  aux  sculptures 


WCaWWP'-W^-tavw-- 


l'ii;.    IS!).  —  'l^iilliniis  ik'   piriic   h  ,iv;ullaiil  en  |iir.,flicc  (J'iin  L-vr(iiie 
Cliiiti'C  de  la  i-ollié(irale  de  Giin-niir  (CalalogneJ.  xn'  siècle. 


de  San  Cugat  par  la  rondeui^  du  relief,  la  noblesse  tles  draperies,  la 
beauté  presque  classique  de  quelques  télés,  qui  seraient  dignes  d'un  ate- 
lier provent;al.  En  même  temps,  les  détails  familiers  et  pris  sur  le  vif 
aliondent.  Les  tailleurs  de  pierre  —  luagistri  picanics  lapides  r/ros,  suivant 
la  formule  d'un  document  catalan  —  se  sont  représentés  eux-mêmes  sur 
la  frise  d'un  jiilier  de  Gérone,  comme  le  sculpteur  Arnall  Catell  sur  un 
chapiteau  de  San  Cugat.  Ils  ord  nmltiplié  les  images  des  hommes  du 
peuple  et  de  leurs  oulils  de  li^avail.  jusque  dans  les  scènes  de  la  Bible.  Le 
bois  de  l'arche  de  Noé  est  débité  et  fa(^onné  par  des  scieurs  de  long  et 
des  charpentiers;  c'est  avec  une  houe  de  laboureur  que  Ca'in  tue  Abel. 

L'école  de  sculpteurs  qui  a  lra^  aillé  d'Elne  à  San  Cugat,  près  Barce- 
lone, a  étendu  son  domaine  jusqu'à  Torragone.  Le  cloître  charmant  qui 
s'est  conservé  dans  celle  ville,  au  Hanc  de  la  haute  cathédrale,  difl'ére,  à 
première  vue,  des  cloîtres  catalans  décorés  vers  la  lin  du  xn'  siècle.  Les 
larges  archivoltes  en  tiers-point,  dont  la  portée  embrasse  trois  arcades  des 


FORMATION  ET  nKVIil.OPPEMENT  DE  I.A  SCUEPTERE  (iOTlIloUE    '2:.7 


portiques  et  dont  le  tympan  est  percé  d'un  large  oculiis,  les  contreforts  qui 
révèlent  de  rintérieur  du  jardin  la  présence  des  voûtes  d'ogives  établies 
sur  les  galeries,  reproduisent  les  tracés  delà  plus  ancienne  galerie  élevée 
dans  le  cloîlre  cistercien  de  Poblet,  à  quelques  milles  de  Tarragonc.  La 
sévérité  de  l'architecture  monastique  a  été  égayée  par  l'addition  de  détails 
qui  sont  des  emprunts  faits  à  l'art  moresque  :  les  oculi  ont  été  garnis 
d'un  rcmplage  finement  ajouré;  la  corniche  a  été  agrémentée  de  multiples 
dentelures.  Cette  combinaison  inattendue  d'art  cistercien  et  d'art  musul- 
man se  retrouve  dans  le  plus 
grand  nombre  des  chapi- 
teaux, dont  les  larges  feuilles 
d'eau,  épanouies  comme  elles 
le  seraient  en  France,  se 
ploient  suivant  le  galbe  élancé 
des  chapiteaux  moresques. 

Cependant  une  grande 
part  est  faite  à  la  sculpluic 
dans  la  décoration  du  cloître. 
Les  chapiteaux  historiés  et  le 
magniiiquc  }i()ilail  i[ui  donne 
accès  dans  la  calhédrale  soni 
l'ouvrage  d'un  même  atelier. 
Les  sculpteurs  qui  les  onl 
taillés  dans  de  beaux  marbres 
antiques  se  sont  inspirés  visi- 
blement des  modèles  que  leur 
ofTraient  les  ruines  romaines 
de  Tarraco.  Mais,  tout  en 
donnant  à  leurs  reliefs  plus 
de  rondeur  et  de  poli,  ils  onl 
connu  et  continué  les  traditions  des  sculpteurs  qui  oui  lra\ aillé  à  San 
Cugat  et  à  Gérone.  Le  tympan  du  portail  du  cloître  de  Tarragonc,  avec  son 
Christ  farouclie  assis  au  milieu  des  qualre  animaux  apocalyptiques,  les 
chapiteaux  de  ce  portail  où  les  sujets  sacrés  alternent  avec  les  rinceaux 
d'acanthe  et  les  aigles  romaines,  rappellent  Saint-Trophime  d'Arles. 
Comme  à  Gérone,  les  scènes  religieuses  sont  réparties  sans  ordre  sur  les 
chapiteaux  et  les  piliers.  Les  détails  familiers  sont  plus  nond)reux  encore 
que  dans  les  autres  cloîtres  catalans.  Ouelques-uns d'entre  eux  sont  des 
inventions  uniques  dans  l'iconographie  chrétienne  du  moyen  ûge.  Caïn 
enfant,  jaloux  d'.\hel.qui  esl  allaité  par  Lve,  essaie  d'arracher. son  frère  des 
bras  de  leur  mère:  quand.  ,iiii\é  à  l'i'ige  d'homme,  il  a  satisfait  sa  Iiaine. 
il  rapporte  à  Adam  la  (unique  sanglanle  d'Ahel,  comme  les  lils  d("  Jacob 


KiG.  mil.  —  LWdoration  des  Mages. 

Chapiteau  du  portail  du  eloilre  de  la  cathédrale 

de  Tariagone  (cninmencemcnt  du  xiir  siècle). 


258  HISTOIRE  DE  L'ART 

lapporlcnl  à  leur  père  celle  de  Joseph.  Avanl  le  sacrifiée  d'Aliraliani, 
Isaae  paraît  monlé  sur  l'àne.  Les  bergers  appelés  par  l'ange  dans  la  crèche 
de  la  Nalivilé  ne  se  conienlent  pas  d'adorer  rEnlani  :  ils  le  prennent  dans 
leurs  liras. 

Il  y  a  encore  plus  de  ver\e  el  lie  vie  sur  les  lailloirs,  où  sont  relé- 
gués les  images  profanes,  les  groupes  de  combattanls  et  d'animaux.  Le 
sculpteur  met  en  scène  les  acteurs  de  la  table  ésopique.  Ici  un  chat  fait 
le  mort  :  deux  corbeaux  viennent  se  percher  sur  son  corps;  un  coq  les 
suit;  le  chat  bondit,  les  corbeaux  s'envolent  et  le  coq  est  étranglé  net. 
Ce  chat  a  plus  d'un  tour  dans  son  sac;  il  reparaît  une  seconde  fois  :  les 
souris  ]iorlent  en  terre  sur  une  civière  le  corps  de  leur  ennemi;  deux 
d'entre  elles  tiennent  l'aspersoir  et  le  goupillon;  un  chien,  la  pelle  sur 
l'épaule,  joue  le  rôle  du  fossoyeur.  INlais  le  mort  ressuscite  :  tout  vole  en 
l'air;  c'est  une  fuite  éperdue. 

Les  voûtes  du  cloître  de  Tarragone  ont  été  achevées  en  I2'24;  les 
sculptures  sont  toutes  antérieures  à  cette  date  :  comme  celles  du  cloître 
de  Gérone,  elles  semblent  avoir  occupé  plusieurs  générations  d'artistes. 
Le  dernier  des  cloîtres  catalans  dans  lesquels  s'est  continuée  la  tradition 
romane  était  celui  de  San  Francesch  de  Barcelone,  qui  a  été  démoli  au 
xix'  siècle  et  dont  quelques  chapiteaux  ont  été  conservés  au  musée  archéo- 
logique de  Santa  Agiieda.  Il  avait  été  achevé  en  1240. 

La  ville  de  Soria,  dans  la  vieille  Castille,  a  conservé  deux  cloîtres  du 
commencement  du  xiii'"  siècle,  attenants  l'un  à  l'église  de  San  Pedro, 
l'autre  aux  pittoresques  ruines  de  San  Juan  de  Duero.  Ce  dernier  cloître 
est  surtout  remarquable  par  la  bizarrerie  de  ses  arcades  entrecroisées 
qui,  en  imitant  un  motif  d'architecture  moresque,  arrivent  à  ressembler 
de  la  façon  la  plus  curieuse  aux  arcades  arabo-sicilicnncs  des  cloîtres 
d'Amalfi.  Les  chapiteaux  des  deux  cloîtres  de  Soria,  où  les  monstres 
tiennent  plus  de  place  que  les  scènes  l'cligieuses,  dilTèrent  entièrement 
des  sculptures  du  cloître  de  Silos.  Ils  ont  ([uelque  ressemblance  avec 
ceux  des  cloîtres  catalans. 

Ségovie  est  plus  riche  encore  que  Soria  en  monuments  de  l'époque 
romane.  Les  cloîtres  y  sont  remplacés  par  des  portiques  élevés,  selon  une 
ancienne  habitude  espagnole,  contre  les  façades  latérales  des  églises. 
Entre  tous,  le  portique  de  San  Millau  est  remarquable  par  ses  chapiteaux, 
exactement  pareils  à  ceux  d'un  cloître  et  tout  hérissés  de  bctes  fantas- 
tiques. 

Un  cloître  très  riche  se  trouve  isolé  aux  portes  de  Salamanque.  Il 
faisait  partie  du  monastère  de  laA'ega,  transformé  plus  tard  en  un  collège 
rattaché  à  ceux  de  la  ville  studieuse.  Le  décor  animal  a  pris  sur  les  chapi- 
teaux de  ce  cloître  la  même  variété  et  la  même  vie  que  sur  ceux  d'Estella 
et  de  Moissac. 


FORMATION  ET  ^)1•;^"EI.0PPEM^:^T  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    2:.',» 

Dans  le  nord-oucsl  de  lEspagiic  les  cloîtres,  beaucoup  plus  rares  que 
dans  le  nord-est,  ne  forment  aucun  groupe  homogène.  Celui  d'Aguilar  de 
Campou,  qui  est  le  seul  reste  du  grand  monastère  bénédictin  de  Santa 
Maria  la  Real,  reproduit,  comme  le  cloître  delà  cathédrale  de  Tarragone, 
larchitecture  du  cloître  d'un  monastère  cistercien,  San  Andrès  dcl  Arroyo. 
Presque  tous  les  chapiteaux  qui  se  trouvent  encore  à  leur  place  primitive 


FiG.  101. 


riiul    cuuJin    par  l)    li    Siirano  rjlii;a 

Cluili'e  de  Santilluna  de  Mar  (.\sturies).  Fin  du  xii"  siÈcle. 


sont  ornés  de  l'euillages  d'une  richesse  exubérante,  auquels  se  mêlent 
à  peine  quelques  monstres.  Mais  une  série  de  chapiteaux,  (pii  proviennent 
d'une  face  ruinée  de  ce  cloître  et  qui  ont  été  transportés  au  Musée  arcliéo- 
logicpic  de  Madrid,  sont  décorés  de  figurines  humaines  et  d'animaux 
monstrueux.  On  distingue,  à  côté  d'autres  scènes  de  lutte,  le  ^Massacre 
des  Innocents.  Dans  le  cloître  d'Aguilar  de  («ampoo,  architecture  et 
sculpture  ne  sont  pas  antérieures  au  commencement  du  xiii''  siècle. 

Le  seul  cloître  de  la  région  cantabrique  dont  la  décoration  rappelle 
par  la  variété  de  ses  motifs  celle  des  cloîtres  voisins  des  Pyrénées  fran- 


240  IIlSTOmE  Ï)K  l.AP.T 

çaises  el  de  la  Médilcrronéc,  so  (rouve  ou  liord  de  rAUanli(|uo,  à  Sanlil- 
lana  de  Mar.  Bi(Mi  ([lu^  les  iiiouliires  de  ses  arcades  inaladroilenient  tra- 
cées en  tiers-poinl  indiquent  une  date  voisine  du  xiii'  siècle,  les  reliefs, 
monstres  ou  scènes  liibliqucs,  sont  exécutés  avec  une  grossièreté  ar- 
chaïque. A  côté  des  figurines  reparaissent  quelques-uns  de  ces  motifs 
barbares,  tels  que  les  entrelacs  embrouillés,  dont  la  tradition  persista 
longtemps  dans  les  ateliers  indigènes  des  Asturies. 

Cependant  l'art  du  Midi  de  la  France  avait  pénétré  au  moins  une  fois 
jusqu'au  cœur  des  montagnes  qui  enferment  dans  leur  enceinte  les  monu- 
ments primitifs  de  la  sculpture  espagnole.  La  cathédrale  d'Oviedo  a  eu, 
avant  son  cloître  du  xiv'  siècle,  un  cloître  du  xii'',  dont  il  ne  subsiste  que 
deux  grands  reliefs,  représentant  saint  Pierre  et  saint  Paul,  (les  reliefs 
sont  des  imitations  directes  des  Apôtres  de  Moissac. 

Tombeaux  romans  d'Espagne.  —  Les  cloîtres  d'Espagne,  comme  ceux 
de  France  et  d'Italie,  étaient  les  cimelièrcs  des  princes  et  des  notables. 
Parallèlement  aux  arcades  ouvertes  sur  le  jardin  central,  des  arcades 
ménagées  dans  les  parois  abritaient  les  sarcophages.  La  disposition  pri- 
mitive de  ces  arcosolia,  dont  les  niches  uniformes  se  suivent  en  longues 
liles,  est  conservée  dans  le  cloître  de  San  Benel  de  Bages.  En  dehors  des 
cloîtres,  quelques  sanctuaires  écartés  oi^i  les  pèlerins  étaient  attirés  par 
des  souvenirs  historiques  ou  légendaires  furent  choisis  comme  lieu  de 
repos  par  ceux  qui  pouvaient  y  faire  transporter  leur  dépouille.  La  grotte 
de  Covadonga,  dans  les  Asturies,  celle  de  Nàjera,  dans  la  Navarre,  de- 
vinrent des  cavernes  funéraires. 

Les  sarcophages  de  San  Benêt  de  Bages  sont  de  simples  cuves  de 
marbre  nu.  Ceux  qui  sont  rangés  sous  le  narthex  de  San  Isidro  de  Léon 
et  dont  l'assemblée  compose  le  «  Panthéon  des  rois  »,  sont  plus  grands, 
mais  aussi  pauvres;  il  est  vrai  que  quelques-uns  d'entre  eux  ont  pris  la 
place  de  tombeaux  plus  ornés,  qui  ont  été  violés  et  détruits  en  1808  par 
les  soldats  de  Napoléon.  Des  sarcophages  romains  ont  servi  à  la  sépul- 
ture de  quelques  rois  de  Léon  et  d'Aragon  :  c'est  dans  ini  tombeau 
sculplé  pour  un  païen  que  le  «  roi  chaste  »  repose  à  Oviedo,  et  le  «  roi 
moine  »  à  Huesca. 

Le  sarcophage  de  Briviesca,  imitalion  puérile  d'un  sarcophage  paléo- 
chrétien, reste  une  exception  unique.  La  tradition  du  décor  méplat  est 
conservée  au  delà  du  xi"  siècle  par  les  marbriers  qui  décorent  des  sarco- 
phages dans  des  provinces  fort  éloignées  les  unes  des  autres.  A  Covadonga, 
un  sarcophage  du  xii'  siècle,  qui  repose  sur  des  lions  informes,  est  cou- 
vert, ainsi  que  le  fond  de  la  niche  qui  l'abrite,  d'un  lacis  d'ornemenls 
géométriques.  En  Catalogne,  le  cloître  cistercien  de  Sautas  Creus  con- 
serve, à  côté  de  tombeaux  plus  récents,  un  sarcophage  de  la  fui  du  xu"  siè- 


FORMATION  HT  DKVKLOl'lTiMKNT  Dl':  L.V  S(  lULPTIlU'   (iorillOli;     lU 

clc  (lui  conlienl  les  restes  d'un  Moncada  :  il  est  simpleuieiil  urne  de  colon- 
nettes  et  de  besanls. 

In  t\|ie  fort  curieux  de  inoniuueid  funéraire  se  l'oi'nie  en  ('.asiille 
pendant  le  xi'  sircle.  Le  saicophage,  1res  simple,  décoré  d'une  croix  ou 
d'entrelacs  imitant  une  vannerie,  est  placé  sous  une  arcade  bilol)(''e  dont 
la  retombée  centrale,  au  lieu  de  s'appuyer  sur  une  colonnelte,  porte  sus- 
pendu dans  le  vide  un  cliapiteau  inutile.  Ce  cbapiteau  est  très  probable- 
ment une  traduction  du  pendentif  moresque  dans  le  langage  de  l'art 
roman.  Le  plus  ancien  exemple  de  ces  tombeaux  castillans  se  trouvait 


.dhr.ll.ill'    .1  (Uicdlj 


dans  le  cloître  du  monastère  de  San  Pedro  d'Arlanza,  non  loin  de  Silos  : 
après  la  démolition  des  ruines  de  ce  monastère,  il  a  été  transporté  dans  le 
cloître  haut  de  la  cathédrale  de  Burgos.  L'inscription  gravée  sur  le  sarco- 
phage donne  la  date  :  l'an  1115  de  l'ère  d'Espagne,  qui  avance  de  trente- 
huit  ans  sur  l'ère  de  l'Incarnation  (an  du  Christ  lUToi.  Avila  a  conscr\é 
plusieurs  tombeaux  de  ce  même  type. 

La  décoration  des  sarcophages  espagnols  s'enrichit  dans  la  seconde 
moitié  du  xii*"  siècle,  en  même  temps  que  le  décordes  cloîtres.  L'intlucnce 
de  l'art  du  midi  de  la  France,  manifeste  dans  les  reliefs  des  chapiteaux 
historiés,  peut  être  reconnue  dans  les  sculptures  de  quelques  toml)eanx. 
A  Ovicdo  même,  dans  le  dernier  réduit  des  traditions  vvisigothiques, 
un  sarcophage  conservé  au  petit  musée  de  ville,  celui  d'une  dame 
Gontrada,    morte  en    liSi,   est    décoré    d'oiseaux   et    de    chiens    ([ui   se 

T.  II.  —  r.i 


2i2  IIISTOIIÎE  DE  L'AHT 

inordenl,  les  uns  les  autres,  à  la  faron  des  monstres  du  portail  de  Moissac. 

Les  tombeaux  romans  décorés  de  figures  humaines  sont  rares  en 
Espagne.  Mais  ceux  qui  ont  été  conservés  ollrent  un  intérêt  exceptionnel. 

Le  couvercle  d'un  sarcophage  de  la  cathédrale  de  Lugo,  qui  passe 
pour  contenir  les  restes  de  la  mère  de  saint  Froilàn,  est  orné  d'un  groupe 
qui  représente  la  défunte,  cadavre  nu  et  insexué,  de  proportions  démesu- 
rément longues,  tenu  dans  un  linceul  par  deux  anges  volants,  qui  l'em- 
portent au  ciel,  tandis  que  d'autres  anges  sortent  des  nuées.  Ces  reliefs 
reproduisent  un  motif  qui  se  trouve  répété  sur  un  certain  nombre  de  ces 
petits  reliquaires  en  émail  de  Limoges,  que  le  commerce  répandait  à  tra- 
vers l'Espagne.  Le  tombeau  de  Lugo,  conservé  dans  une  province  qui 
resta  fidèle  aux  traditions  romanes,  n'est  certainement  pas  antérieur  au 
xin"  siècle. 

Le  motif  de  l'àme  emportée  par  les  anges  avait  été  représenté  dès  le 


Fio.  195.  —  Sarcophage  de  Uona  lilanea,  reine  de  Castille  (t  11j8).  Ciyplc  du  mijiia>léi'e 
de  Néjera,  près  Logrono. 

milieu  du  xii^  siècle,  en  même  temps  que  d'autres  motifs,  sur  le  sarco- 
phage d'une  reine  espagnole,  Doua  Blanca,  fille  du  roi  de  Navarre,  Garcia 
Ramirez,  et  femme  du  roi  de  Castille,  Sancho  III  cl  Dcscado,  morte  en 
II.j8,  après  avoir  donné  le  jour  à  l'enfant  qui  devait  être  le  roi 
Alphonse  VIII  et  le  vainqueur  de  las  Navas  de  Tolosa.  Son  tombeau  existe 
encore  dans  la  grotte  de  Nâjera.  Sur  le  couvercle  du  sarcophage  le  Christ 
est  représenté,  au  milieu  des  Apôtres.  Les  reliefs  de  la  face  antérieure 
associent  aux  espérances  de  la  gloire  céleste  le  tableau  des  douleurs  ter- 
restres. Deux  anges  emportent  l'àme  de  la  reine  au-dessus  du  lit  où  son 
corps  est  étendu.  A  droite  le  roi  pleure,  entouré  de  ses  chevaliers;  à 
gauche  des  femmes  désolées  soutiennent  une  infante  dont  le  visage 
grimace  sous  les  cheveux  épars. 

L'art  funéraire  de  l'Espagne  prend  au  xiii'"  siècle  une  richesse  extraor- 
dinaire dans  des  régions  qui,  comme  la  Castille,  n'ont  abandonné  que 
tardivement  les  formes  romanes.  Aucun  tombeau  du  midi  de  la  France  ne 
peut  être  comparé  au  mausolée  somptueux  et  bizarre  qui  est  conservé  dans 
l'église  de  la  Magdalena,  à  Zâmora.  Le  mort,  un  Templier,  est  couché  dans 


FORMATION  KT  DÉVKI.OPPKMENT  DE  LA  SCULPTURE  (iOTlIIOUE     24". 

un  vérilalile  lil.  Des  reliefs  encastrés  dans  la  paroi,  au-dessus  de  la 
couche  funèbre,  montrent  l'âme  nue  emportée  par  deux  petits  anges,  entre 
deux  grands  anges  thuriféraires.  Le  tombeau  est  surmonté  d'un  dais 
massif,  porté  sur  des  colonneltcs  trapues.  Chapiteaux  et  tympans  sont 
couverts  de  monstres  entrelacés.  Le  couronnement  est  tourelé  comme  une 
forteresse,  tandis  que  deux  coupoles  basses  et  godronnées,  creusées  dans 


l'Ihit    cniiiiil    |iar  II    .M    Parera,  lie  llarceloiie 

FiG.  194.  —  Tdiiibcau  d'un  Templier;  égli>;e  de  la  MagiJalena,  à  Zaniora  (xiir'  siècle) 


le  ciel  de  ce  lit   de  pierre,  imitent  les   fantaisies   légères   des   boiseries 
moresques. 

Le  plus  magnifique  des  tombeaux  romans  d'Espagne  par  sa  décora- 
lion  sculptée,  sinon  par  son  architecture,  est  un  reliquaire,  celui  de  saint 
Vincent  et  de  ses  deux  sœurs,  Sabina  et  Christeta,  élevé  dans  le  clm'ur 
de  l'église  de  San  \'icente,  à  Avila.  Le  dais  qui  le  surmonte  de  son  toit 
de  pagode  n'a  été  ajouté  qu'au  xv'  siècle.  Le  sarcophage  du  xni'  est  porté 
par  dix  colonnettcs  :  depuis  les  fûts  cannelés  ou  striés  de  manière  fantai- 
siste jusqu'aux  fines  imbrications  dont  le  réseau  couvre  le  toit  du  sarco- 
phage, tout  le  vieil  édicule  de  marbre  est  ciselé  plutôt  que  sculpté.  Les 
reliefs,  d'une  exécution  libre  et  souple,  sont  fort  cui-icux  par  l'éliremcnt 
ri  ramincissrmrni  extrême  des  projiorlions.  C'est  un  t'aractèrc  (|ui  ne  se 


•ÎU  IIISTOIRI':  1)1-:  I.ART 

retrouve  en  Esjuif^ne  di'  manière  aussi  l'rappanle  ([ue  <lans  un  auli'e  nionu- 
inenl  de  la  sculpture  l'unéraire,  le  sarcophag^e  de  Lugo,  et  ((ui  seiulde 
révéler  une  innuenee  bourguignonne. 

La    UlicORATKlN     SCULPTÉE    DES    ÉGt.ISKS.    ClIAl'ITE.VUX    IIISTOniÉS.    —    Un 

livre  considérable  serait  nécessaire  pour  Fénumération  et  l'analyse  des 
détails  de  décoration  sculptée  (|iii  fonl  corps  avec  les  églises  romanes 
d'Espagne.  Il  faut  se  borner  ici  à  cilci-  un  monument  dont  les  sculptures 
diffèrent  notablement  de  celles  qui  ont  été  étudiées  dans  les  galeries  des 
cjuilics.    {.'(■•Lilisc  (le  San  Marliii.  .'i  iM-éimisla.  |irès  de  Palencia,  est  un 

\  ('•l'ihiblc  musée  desrulplurr 
^  ^J      romane.     Les    modillons    du 

(•lie\ct,  avec  leurs  monsires 
aussi  grands  que  des  gar- 
gouilles de  cathédrales,  les 
chapiteaux  historiés  de  la 
iirf,  taili(''s  dans  d'énormes 
blocs  lie  marbi-e,  sont  égale- 
ment remarquables.  Deux  ate- 
liers ont  travaillé,  sans  doute 
rii  Miéuic  Icmps,  aux  scid- 
jilures  de  celle  église.  L'un 
a\ail  encore  toute  la  gauche- 
rie des  vieux  mai'briers  d'O- 
viedo  ou  de  Léon  :  cet  atelier 
local  n'a  pris  de  l'art  toulousain,  qui  se  répandait  à  travers  l'Espagne,  que 
(|uelques  détails  insignitianls.  L'autie  ateliera  mieux  connu  l'art  du  midi  de 
la  France,  connue  le  prouvent  des  enroulements  de  rinceaux  et  des  groupes 
de  monstres  d  une  vigueur  et  d  une  fantaisie  ('■tonnanles.  ^lais  l'artiste 
(|ui  dirigeait  cet  ati'lier  s'est  (;ncori'  inspiré  d'autres  modèles.  Il  a  étudié 
des  sarcophages  antiques,  pour  y  copier  des  figures  entières,  qu'il  a 
laissées  nues,  et  qui,  dans  les  formes  de  leurs  corps  et  dans  le  sourire  de 
leur  visage,  font  apparaître,  au  milieu  des  monstres  barbares  qu'elles 
combattent  ou  chevauchent,  une  vision  fugitive  de  la  beauté  oubliée. 
D'après  les  détails  du  décor  végétal  qui  les  accompagne,  ces  sculptures 
doivent  être  fort  anciennes;  elles  remontent  sans  doute  à  la  jiiemière 
moitié  du  xii''  siècle.  Le  souffle  de  Renaissance  ([ni.  \eiiu  on  ne  sait  d'où, 
a  passé  alors  sur  la  ■■  Tierra  de  Campos  »,  n'a  touché,  semble-l-il,  (|uun 
artiste  et  s'est  aussilé)t  perdu. 


KiG.  l'.tb.  —  Chapiteau  tic  F 


Les  ronrAii.s  homans  d'Esi'Acini:.  Tvchs  l'iuMrm  s.  Inkliencics  uk  i.'akt 
■\n)iiEsoLE.   —   Les  chapiteaux  historiés    (jui  abondent  dans  bien   d'aulres 


lOlSM.VTlON  ET  DKVELOPI'KMKNT  HK  LA  SCULPTURE  (iOTIIIOUE    'Jt.j 

églises  d'Espagne,  (Icpiiis  la  callirdialc  de  Tarragoiie  jus(|irà  crllc  de 
Salauiaiiquc,  déconcertcnl  les  essais  de  classilicalion,  parce  ([u'ils  ne 
composent  ]ias,  mOnic  à  rinlérieur  d'un  édifice,  des  ensembles  on    des 


suites  ieonogi'aplii(iU('s  cuiiipaiidilrs  ;'i  i'cu\  ijui  >r  iiMiriuili  rui  i\i\\\>  \i-: 
cloîtres.  Les  seules  par-lirs  de  la  di'coialinn  srulpli-c  drs  rgiisrs  (pTum 
(•Inde  rapide  piii>se  gidiipei'  d'ap|-ès  des  aiialiigies  liieii  d(dillie>  snid  l(V 
|inll;iil>.  ('.en\-ei  Inriiieiil  de^  x'ries  dans  lesipieljes  iill  pelll  >lli\|-e  je^ 
progrès,   plus    on    in(iiii>    leiiK   >e|()ii    les    r(''gi(His.   (pii    condniseiil    de    h 


246  IIISTOIP.E  DE  LAP.T 

siiiiplicilr    |iriiiiili\  r    ;'i    uni'  coiiiplrxih''   (|ui  j-i\iilisc  a\cc  relie  de  l;i   \  ic. 

Un  type  élémcnliiire  lie  porlail  s'esl  rinim''  dès  ic  xi"  siècle  dans  les 
provinces  chi'élienm^s  de  ri<]sp;iiine,  cl  s'esL  conserve  dans  plusieurs 
tlenlre  elles  jusquà  la  lin  du  xii".  Les  cliapileaux  sont  très  simples,  et  le 
tympan  nu  ou  absent.  On  peut  cilcr  comme  une  exception  unique  le  por- 
tail de  la  collégiale  de  Ccrvatos  (province  de  Santander),  consacrée  en 
1199,  dont  le  tympan  est  couvert  d'un  tissu  d'entrelacs  de  goût  moresque, 
coupé  d'une  sorte  de  large  galon  sur  lequel  se  détachent  des  silhouettes 
de  lions  alTrontés  et  adossés  les  uns  aux  autres  à  la  tile. 

Dans  la  plupart  des  portails  archaïques,  la  d(''Coralion  sculptée  se 
développe  uniquement  sur  les  archivoltes.  Celle  du  porlail  de  San  Isidro 
d'Avila,  aujourd'hui  placé  comme  une  ruine  pittoresque  dans  le  jardin 
public  de  Madrid,  le  Buen  Retire,  n'a  pour  ornement  que  des  étoiles  et 
des  rosaces,  gravées  plutôt  que  sculptées.  D'autres  sont  ornées  d'un 
simple  cordon  d'entrelacs  ou  poiniillées  de  petites  boules,  comme  les 
archivoltes  du  porlail  de  San  Pedro  d'Arlanza,  qui  a  été  transporté  au 
Musée  archéologique  de  Madrid.  Sur  quelques  portails  primitifs  de  la 
région  de  Ségovie,  chacun  des  chneaux  porte  une  silhouette  méplate, 
monstre  ou  homme,  très  grossièrement  dessinée  et  découpée  (église 
paroissiale  de  Las  Navas  de  Riofrio,  ermila  de  Nuestra  Senora  del  Soto, 
près  Revenga,  etc.).  Celle  iliToralinn  d'archivolte  se  trouve  reproduite 
au  xii*"  siècle  sur  le  poilail  d'une  église  de  Prémontrés,  celle  d'Arenillas 
de  San  Pelayo,  dans  la  province  de  Palencia  :  ici  les  figurines  alignées  en 
demi-cercle  ont  pris  un  relief  robuste;  elles  rappellent  singulièrement  la 
décoration  des  portails  de  la  Sainlonge. 

Les  archivoltes  dentelées,  qui  sont  communes  dans  les  mosquées  et 
les  palais  arabes  de  l'Andalousie  et  du  Maghreb,  et  qui  ont  été  employées 
exceptionnellement  par  les  architectes  des  églises  romanes  d'Espagne 
dans  la  construction  même  des  nefs  (comme  à  San  Isidro  de  Léon),  don- 
nent à  un  certain  nombre  de  portails  espagnols  un  caractère  oriental.  Ce 
détail  de  décoration  architecturale  a  été  reproduit  jusque  dans  le  midi  de 
la  France.  Pourtant  c'est  dans  quelques  régions  d'Espagne  que  les  arcs 
dentelés  ont  été  employés  de  la  façon  la  plus  suivie  à  la  décoration  des 
portails,  cl  tracés  avec  le  plus  de  neltelé  en  même  temps  que  de 
fantaisie. 

Le  motif  se  montre  dans  loule  sa  pureté  à  Z;hiiora,  vers  la  fin  du 
xii"  siècle,  au  vieux  porlail  de  la  cathédrale,  dit  Porte  de  l'Evéque  [l'iiotn 
del  Obispo),el  au  porlail  de  l'église  de  la  Magdalena.  En  Galice,  quelques 
portails  ont  des  dentelures  encore  plus  capricieuses,  qui  semblent  imiter 
un  monograuiini'  coufique  indi'liniment  répété.  Lue  ai'chivolte  découpre 
sur  ce  patron,  et  ipii  surmonte  un  arc  nettement  tracé  en  fer  à  cheval,  s'i'sl 
conservée  à  l'entrée  d'une  petite  église  de  Compostelle,   San   Félix  de 


FOF.MATIOX  ET  DÉVKLOPPKMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    247 

Solovio.  D'aiilres,  loujdin-s  iilnil iiiiii's,  dcssinenl  leurs  lésions  sur  les 
deux  portails  qui  ont  été  élevés  vers  le  milieu  du  xiu''  siècle  aux  extré- 
mités opposées  du  transept  de  la  cathédrale  dOrensc.  Ici  le  motif  em- 
prunté à  l'architecture  musulmane  se  trouve  combiné  avec  toute  une 
décoration  sculptée  en  haut  relief. 

En  Navarre,  l'arc  lobé  el  festonné  ne  joue  dans  la  construction  des 
portails  romans  que  le  rôle  d'un  accessoire  insignifiant.  (lelui  qui  découpe 
ses  pointes  à  l'entrée  d'une  église  de  Puentc  la  Reina  est  surmonté  d'une 


Phot,  Bcrtaux. 

FiG.  107.  —  Porto  du  Palais,  à  la  cathédrale  de  Valence  (vers  12G2). 


qutidruple  archivolte  couverte  de  figurines  en  bas-relief,  à  l'imitation  des 
portails  de  France.  Dans  chacun  des  feston.s  est  inscrite  la  silhouette  d'un 
ange. 

Les  }iortails  aux  arcadi^s  lobées  ont  pi'isdans  le  nord-est  de  l'Espagne 
un  développement  tardif  et  remarquable.  La  cathédrale  romane  de  Lérida, 
élevée  au  sommet  d'une  acropole  de  rocher  et  transformée  en  une 
énorme  caserne  ([ucntourent  des  fortilications  et  des  bastions,  a  conservé 
intacte  la  porte  île  son  transept  méridional,  connue  sous  le  nom  de  Porte 
des  Infants  (en  calalaii.  l'unia  deh  Fillolx).  Les  archivoltes  son!  découpées 
menu  en  figure  de  zigzags  ou  d'arcs  entrelacés  ;  des  rinceaux,  des  pal- 
mcttcs,  des  silhouettes  d'animaux  minuscuhis  couvrent  les  chapiteaux,  les 
arcliiv(jlles  non  di'nli'ii'i's  cl  les  Iriantrles  nn'mes  des  f(;stons  ;  ces  arabes- 


24S  IIIS'IOIHE  Dl'   L'AI'.T 

(|iics  sonl   aussi    liinMiicnl   r(;'r(>uill(''(_'s  que  colles  (|iii  décorcnl  les  coUrcIs 
iiiorosques  d'ivoire 

Le  porinil  de  L(ri(in  fiiil  rorps  avrr  un  rdifiro  rommoiUM'-  on  l'JOSot 
consacré  on  l'JTS.  Il  a  dii  vive  oxoonio  vois  \-H){).  Eu  cllVl.  nn  poilail 
presque  identique  a  été  élevé  à  l'enlréo  du  IransepL  méridional  de  la 
cathédrale  de  Valence,  dont  la  oonslruclion  a  été  cominenoée  en  lîOi.  On 
l'appelle  la  Porte  du  Palais  (en  (alalan.  l'uci-ln  dcl  l'alaii].  Les  donalciirs 
de  ce  jjortail  ont  fait  graver  loui's  noms  entre  les  modillons  do  la  cor- 
niche et  l'ail  sculploi-  leurs  portraits  ])ar  couples  sur  les  modillons  eux- 
mêmes.  Los  hommes  sont  tète  nue,  avec  les  cheveux  longs  et  coupés 
dioit  ;  les  femmes  sont  coiffées  d'un  chaperon  ou  d'une  sorte  do  tiare 
on  toile  empesée.  Tous  appartiennent  à  des  familles  d'immigranis  qui 
venaient  de  Lcrida.   Le  sculpteur  de  la  Porte  des  Infants  ou  l'un  de  ses 

élèves    directs    aura    été 

f'     j^'^'^^\f>^  ^    i  appelé  par  eux  à  \'alonco. 

/  "V  4        ^"^W  r^  Palais,    il  a   rodoul.lé    de 

^  ^  *^  ^'^^      ***Jr  virluosilé,     au    poini     de 

^   J&.JB  jf^^^f^HI  jrarrt^  détacher      complètement 

i^^MÊr^P^i  ^K.      i'  »■•  lesornemonlsd'unoétroitc 


/      ^      ^^,-«1^      '    w^     1t  archivolte    sur  une  mou- 

;    ;,^f^.t*^        .,,        ^,    '"^Si.  '"'■'^   "'^"'tl''f'    en    passant 


les     outils     derrière    les 
tiges  frêles  et  les  minces 


Fjg.  lus.  —  Portail  de  réglise  San  Pedro,  à  Iliiesca  p 

(première  moitié  du  .\ir  siècle).  IlgUrinOS. 

L'iconographie  sacrée 
s'est  d('veloppée  dans  un  grand  iiomlue  de  monuments  espagnols  depuis 
le  commencement  du  xii''  siècle.  Ces  monuments  se  trouvent  épars  dans 
les  divers  royaumes  chrétiens:  la  succession  historique  des  motifs  et 
des  formes  doit  être  reconstituée  on  dehors  de  tout  ordre  géographique, 
et  comme  à  \o\  d'oiseau. 

Un  motif  archaïque  et  encore  g(''omélri(pio,  le  cluismo,  a  été  repro- 
duit avec  une  romarquahle  persislance  dans  la  décoration  des  portails 
romans  tl  Es})agne.  Il  y  garde  la  forme  de  monogramme  compliqué  ([ui 
se  trouve  sur  les  fragments  de  IVpoquo  wisigothique.  Un  curieux  com- 
mentaire de  ce  monogramme  est  ilonné  par  une  inscription  gravée 
au  commencement  du  xii"  siècle  sur  le  tympan  du  portail  de  la  cathé- 
drale de  Jaca  : 

Ildc  in  scrijiliii'ii,  Icrloi',  si  giioscrrc  cnra . 
/'  l'atrrc.sl,  A  (icniliis  ilnplr.r  csl  cl  S  spiriliifi  dliinis. 
m  Ircn  injure  dotniinis  snnl  tDiun  cl  idem. 


FORMATION  ET  DÉVELOPPEMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTFIIOUE     ->W 

Ce  même  hiéroglyphe,  où  un  clerc  a  cru  lire,  avec  h'  nom  du  Chrisl, 
les  signes  des  trois  Personnes  de  la  Trinité,  est  répété,  non  loin  de  Jaca, 
sur  les  deux  portails  ruinés  de  Santa  Cruz  de  la  Serôs.  Lun  des  scul- 
pteurs qui  ont  décoré  le  portail  de  la  cathédrale  de  Jaca  et  les  chapiteaux 
du  porlique  latéral  de  cet  édifice  est  venu  travailler  à  Huesca;  il  y  a  rei)ro- 
duit  par  trois  fois  le  chrisme  wisigothique  porté  par  deux  anges,  sur 
les  portails  de  l'église  et  du  cloître  de  San  Pedro.  Pour  composer  la  déco- 
ration de  lun  de  ces  portails,  le  chrisme  est  placé  au-dessus  d'un  bas- 
rclicr  (le  l'Adoration  des  Mages,  comme  un  tympan  au-dessus  d'un  lin- 


FiG.  l'J'J.  —  Tympan  d'une  porte  latérale  de  l'église  de  San  Isidro,  à  Léon 
(première  moitié  du  xir  siècle). 

teau.  Les  larges  faces  des  rois  mages,  leur  Larhe  dure,  leui's  luniipies 
raides  à  plis  cassés  droit  rappellent,  comme  les  chapiteaux  du  [lurliciue 
de  la  cathédrale  de  Jaca,  les  œuvres  les  plus  archa'i'ques  de  la  sculpture 
toulousaine.  Au  nord  des  Pyrénées,  le  chrisme  wisigothique  se  trouve  uni 
à  un  ensemble  comiiliqiK' de  reliefs  du  m("-me  style  surle  portail  de  l'église 
Sainle-^Iaric  d'Oloron. 

Un  chrisme  idenliqut;,  porté  par  dmix  anges  ^  olants,  est  ligiuV-,  au- 
dessous  d'un  médaillon  de  l'Agneau  de  Dieu,  flanqué  de  deux  Prophètes 
agenouillés,  sur  le  tympan  d'un  portail  latéral  de  réglis(^  San  Andrès 
d'Armentia,  près  Vitoria;  une  inscription  nomme  le  donateur,  liodericus. 
évèque  de  Calahorra.  Le  même  cercle,  contenant  le  même  monogramme 
accompagné  des  mêmes  jetli-es.  reparaît  au  ('(j'ur  île  la  (laslilh'  sur  le  por- 

T.   u.   —  ~>- 


SoO  IIISTOIP,K  DK  L'ART 

lail  (le  l'rylisc  tic  la  \  ii'i;cii  de  las  Pcnas,  à  ScpriK  cda .  ci.  à  rcxlrcinilc 
occidentale  de  la  Galice,  sur  un  porlail  lali'ial  t\i-  la  i)asili(|ue  ilc  Santiago 
de  Composlclle;  mais  sur  ces  jxHtails,  le  niolif  arcliaïciuc  se  trouve  perdu 
au  milieu  d'une  l'oule  de  figures  humaines. 

Portails  de  style  toulousain.  —  Parmi  les  |ioiiails  d'Espagne  qui, 
dès  la  pi-emière  moitié  du  xif  siècle,  se  couvrent  de  bas-reliefs,  il  en  est 
dont  les  sculptures,  tout  en  oITrant  un  sens  religieux,  ne  forment  pas  un 
ensemble  d'images  régulièrement  ordonné.  Les  deux  portails  hiléraux 
de  San  Isidro  de  Léon  appartiennent  à  l'édifice  consacré  en  1147.  Le 
lymjtan  du  plus  grand  de  ces  portails  est  composé  de  plusieurs  plaques 
de  marbre  assemblées.  Celle  qui  fait  office  de  linteau  représente  le  Sacri- 
lice  il'Abraham.  Trois  autres,  taillées  de  manière  à  suivre  la  courbe  de 
l'archivolte,  sont  occupées  par  une  image  de  la  Main  divine  et  par  des 
ang<'s  volants.  l>es  archivoltes  sont  massives  et  sinijdes,  mais  les  scul- 
ptures débordent  largement  sur  l'avant-corps  dans  lequel  le  portail  est 
percé;  deux  statues  debout  sur  des  tètes  de  taureaux  se  font  pendant,  à 
droite  et  à  gauche  de  l'arcade.  Elles  représentent  l'une  un  saint  évèque, 
Isidore  de  Séville,  coiffé  d'une  sorte  de  tiare  basse  comme  le  saint  Pierre 
du  vieux  cloître  d'IIuesca,  l'autre  une  sainte  aux  cheveux  dénoués,  sans 
doute  l'une  des  sœurs  de  saint  Vincent.  Au-dessus  de  ces  deux  statues, 
des  bas-reliefs  de  marbre,  encastrés  dans  la  pieri'c  de  la  muraille  et  dont 
quelques-uns  sont  tombés,  représentaient  une  série  de  musiciens  et  la 
suite  complète  des  signes  du  Zodiaque.  Sur  le  second  portail  plus  petit, 
la  décoration  du  tympan  est  formée  de  trois  plaques,  dont  chacune  est 
consacrée  à  un  sujet  distinct  :  le  Descente  de  croix,  les  Saintes  Femmes 
au  Tombeau,  l'Ascension.  Deux  statues  encastrées  dans  la  paroi  du  tran- 
sept et  disposées  comme  celles  qui  accompagnent  le  grand  portail,  repré- 
sentent saint  Pierre  et  saint  Paul.  Par  la  disposition  et  le  style  des  scul- 
ptures, les  deux  portails  hdéraux  de  San  Isidro  rappellent  manifestement 
le  portail  latéral  de  Saint-Sci-nin  de  Toulouse.  Doit-on  supposer  qu'un 
sculpteur  ait  été  appelé  directement  de  F'rance  dans  la  capitale  du 
royaume  de  Léon?  A\anl  de  n'^pondrc  à  celle  question,  il  est  n/'ccssairc 
d'étudier  un  portail  qui  ressemble  (■troilemcnt  à  ceux  de  San  Isidro, 
mais  qui  est  beaucoup  jilus  grand  et  plus  riche. 

La  basilique  de  Saint-Jacques,  à  Compostelle,  dont^  l'architecture, 
presque  identique  à  celle  de  Saint-Sernin  de  Toulouse,  a  été  certainement 
dessinée  par  un  maître  d'œuvre  français,  a  conservé  l'un  de  ses  portails 
latéraux,  qui  est  contemporain  de  la  construction  du  transept.  Ce  portail 
regarde  le  midi.  On  l'appelle  la  Porte  des  Orfèvres  [l'ucrla  île  l'hilcrian). 
Sur  l'un  des  montants  du  portail  est  gravée  une  inscription  énigmatiquc 
qui  mentionne  la  date  de  la  fondation  de  l'église  :    HI7<S.  Les  reliefs  qui 


FOHMATION  ET  DÉVIil.OPPKMENT  DE  LA  SCULPTUIŒ  (lOTHIoUE    Sâl 

couvrent  le  puiluil  lui-imMiic  cl  liipardi  soiil  jioslérieurs  à  celle  dale,  mais 
aiilérieurs  au  milieu  du  xii'  siècle:  ils  se  Irouvenl  exaclement  décrils  dans 
un  manuscrit  donné  à  la  (  athédrale  de  Compostellc  par  des  pèlerins  fran- 
çais vers  1140  (entre  11. "7  et  lli."). 

Ce  document,  l'un  des  plus  jirccieux  que  possède  l'archéologie  du 
moyen  âge,  permet  de  préciser  le  sens  ou  la  place  jirimitive  de  fpielqiics 


l'Ii.it    llerlaux. 

FiG.  200.  —  La  Puerto  de  Plalerias,  poile  du  transL'pt  mùriilioniil 
(le  la  cathédrale  do  Compostelle  (premiri-e  moitié  xir  siècle). 

détails  des  sculptures.  Trois  des  onze  colonnes  qui  soulicnneut  les  arciii- 
voltes  de  la  baie  sont  en  maiiirc  lilanc  et  couvcrics  de  figurines  il'aprilres 
et  de  prophètes  disposées  sous  des  arcalures,  à  la  manière  des  gi-ands 
Apôtres  de  Moissac.  Les  deux  tympans,  comme  ceux  des  portails  latéraux 
de  San  Isidrode  Léon,  sont  conqiosésde  plusieurs  iihiques  de  marbre  sur 
lesquelles  se  trouvent  juxtaposés  îles  sujets  dilTérenls  :  à  dioite  le  Baiser 
de  Judas,  le  Clu-isl  devant  l'ihile  cl  la  l-'lagelhilion   soiil  phicés  iuiuir^dia- 


iiisroiiiK  Di'  i;AitT 


Icinciil  ;iii-(lrss()iis  (le  l' Adornl  ii >ii  des  Milices  cl  de  rA|ijia]-ili(ia  de  raii<^c 
aux  rois  endormis  ;  à  (j^auclie,  le  mol  il'  inincipal  est  la  Tentation  du  Christ 
dans  le  d(''si'i'l  :  le  resie  du  I  y  m  pan  es!  rempli  par  des  anijes  \  olanis  et  des 
diaiiles  i-ampanis  à  l'orme  de  eliien,  aux([uels  esl  joiide  une  j^i-ande  el 
élrange  ligui'e  tle  femme  assise.   Dans  les  éeoinçons   des  deux  arcailcs, 

(jualre  anges  soufflent  dans  des 
(rompes  comme  pour  appeler  les 
moris  au  dernier  Jugement.  A  leur 
appel,  Abraham  sort  du  tomljeau 
finseription  :  Siuriil  Al/i'aliaiii  de 
IhiuhUi),  au-dessus  de  la  eoloniie  du 
milieu  el  du  clirismc  archa'iquc, 
porl(''  par  deux  lions  adossés.  Le 
palriai'clie  a  \u  le  .loin-  du  Sei- 
gneur i.Jean,  \'lll,  .Mii;  au-dessus 
de  lui  apparaît  le  (llirisl,  non  pas 
assis  sur  son  trône  de  Juge,  mais 
delioul  sur  le  mont  de  la  Transh- 
gur'ali(tn.  A  sa  droite  esl  saint 
Jacques,  enli-e  deux  arhres  (|ue  la 
desciiiilion  ancienne  appelle  des 
cypi-ès;  deri'ière  lui  sont  alignés 
six  des  A|iùtres.  D'aulres  bas- 
reliefs  semblent  encastrés  au  ha- 
sard dans  la  paroi.  Tous  n'étaient 
poini  plac(''s  dès  l'origine  sui'  celte 
façade  de  r(''glise.  (Juclques-uns 
d'entre  eux,  comme  le  groupe  qui 
représenle  Adam  et  Eve  chassés 
du  Paradis  terrestre,  soid  men- 
tionnés dans  la  description  t\\\ 
\\\'    siècle   pai'Uli  les  sculptures  (pii 

FiG.201.  — Le  Créaleui- et  Adam  :1c  roi  David.         (|(H-orai(Mlt    le     iiortail     lali'ral     du 
B.is-i'eliefs  provenant  du  portail  du  Iran- 
sppt  nnrddo  In  catlirdrnlede  Compostcllc.         nord.    Lors(pu_^    ce    portail    fut     Ar- 

moli  au  xviii"  siècle,  ccriains  de 
ses  fragments  ont  servi  à  boucher  les  vides  que  le  temps  avait  faits 
dans  la  décoration  de  la  façade  méridionale;  d'autres  ont  été  disposés  à 
droite  et  à  gauche  du  portail,  à  la  liautcui-  îles  colonnes  :  ce  sont  des 
morceaux  remarquables,  (jui  représenti'nl  la  ('.n'^ition  de  riiomme,  le 
SacriOce  d'Abraham,  le  roi  David  jouani  de  la  \i(de.  les  jambes  croi- 
sées et  les  pieds  posés  sui'  un  lion. 

Cette  combinaison  de  deux  porlails  a  achevé  de  brouiller  l'écheveau 


FORMATION  ET  DKVKLOPPEMENT  DE  LA  SCULPTUIiE  (;OT1IIOUE    'Jô". 


(In  lil  (•ondiu-lcur  que  la  tlcsciiptioii  ilu  xii"  siècle  ollVail  aux  prlciins.  Mais 
dès  l'origine,  les  bas-reliefs  ont  été  rapprochés  sans  ordre;  qucNpu's-uns 
(rentre  eux  ont  pu  donner  prétexte  aux  plus  singulières  inlerprétalions. 
Telle  lut  la  mystérieuse  ligure  de  femme 
(|ui  se  montre  à  côte  de  la  scène  de 
la  Tenlation  du  Christ.  Elle  est  décrite 
dans  le  manuscrit  de  1 1 40  à  la  {ilaee 
même  qu'elle  a  conservée,  sur  le  tympan 
de  gauche.  "  C'était,  dit-on,  une  femme 
adultère,  contrainte  par  son  mari  à  tenir 
sur  ses  genoux  la  tôte  coupée  de  son 
amant  et  à  embrasser  quotidiennement 
cette  tète,  chaque  jour  plus  informe  el 
plus  fétide.  »  En  réalité,  la  iéle  de 
mort  est  la  tête  d'un  animal  ([ue  la 
femme  tient  sur  ses  genoux.  Le  sujet 
est  facile  à  déterminer,  si  l'on  rapproche 
cette  ligure  d'une  autre  toute  semblable 
et  de  même  dimension,  qui  a  été  en- 
castrée également  dès  l'origine  sur  l'un 
des  montants  de  la  porte  de  droite,  en 
face  d'une  figure  d'apôtre.  Cette  seconde 
femme  porte  sur  ses  genoux  un  lion  qui 
ressemble  à  un  caniche.  Elle  avait  été 
destinée  par  le  sculpteur  à  former  avec 
l'autre  un  couple.  Les  deux  mystérieuses 
figures,  si  on  les  réunit  par  la  pensée, 
se  trouvent  composer  un  groupe  iden- 
tique à  celui  des  deux  femmes  assises 
ciilr  à  i('ile  sur  un  bas-relief  du  Musée 
de  Toulouse,  provenant  de  Saiiil-Sernin, 
et  qui  portent,  l'une  un  lion,  l'autre  un 
inoulitn,  deux  des  signes  du  Zodiaque: 
Si(iiiiiin  leonis\  signum  arietis.  Les  deux 
reliefs  de  Compostelle,  comme  le  relief 
de  Toulouse,  et  comme  douze  des  reliefs 
de  San  Isidro  de  Léon,  de\  aieni  ligurer  dans  un  /.odia(iiie 
ceaux  onl  été  disposés  de  la  facdii  la  jibis  inalaiii-oile  lor^  il 
(le>  >culp(ures  ilu  portail  :  i|iielqiii'^-iin>  ilViiIre  ru\  seul 
logés  au-dessus  de  l'arcade  de  L:;iiielie. 

Est-ce  l'un  des  sculpteur>  du  pnihiil  (|iii  |in''sii!a  à  c 


I"ii:.  2(12.  —  Un  signe  du  Zoilia(|no  (le  Lion). 

Dclluil  J'un  lias-relief  <Ic  la  l'un-ln  *■  Pliilfi-his 

Cal!i(;ilrale  île  Coniposlelle. 


loni 


iiior- 
e  rM>.seinMag( 
eiiienl    ont    ('■!( 

ii-ansposilidii; 


donl  1( 


-ullal   fui   de  rendre  une  pallie  de  r(ill\re   iliilil  ell  igiide  pour   h 


25  i 


III S  roi  ni-:  ni';  i.ai'.t 


conLcniporiuns  iiirmes  de  rarlislc  ?  Pciil-èlrc  <Mait-il  parli  laissani  ses 
marbres  sui-  le  clianlicr.  Les  maîtics  ([Mi  ont  décoré  les  deux  portails  du 
transept  de  Cuinpustelle,  celui  du  sud,  qui  est  encore  debout,  celui  du  nord, 
dont  quelques  morceaux  ont  été  conservés,  étaient  des  étrangers.  Deux 
mains  ou  plutôt  deux  manières  sont  faciles  à  distinguer.  Dans  les  reliefs 
qui  couvrent  les  trois  colonnes  historiées  et  dans  ceux  qui  étaient  destinés 

aux  deux  tympans,  les  ligures  sont 
courtes,  les  visages  grossiers,  les 
plis  rares  et  droits.  Un  artiste  plus 
savant  et  plus  souple  a  donné  aux 
ligures  qui  devaient  prendre  place 
au-dessus  des  arcades  des  propor- 
tions plus  longues,  des  draperies 
plus  Unes  et  plus  souples,  des  vi- 
sages plus  beaux.  Ces  sculpteurs 
représentent  deux  générations  suc- 
cessives d'une  même  école,  qui  est 
l'école  toulousaine. 

Il  faut  admettre  que,  depuis  la 
fondation  de  l'église  jusqu'aux  tra- 
vaux entrepris  pour  la  décoration 
des  façades  du  transept,  un  courant 
continuel  a  entraîné  des  architectes 
et  des  sculpteurs  français  du  Midi, 
par  le  »  Chemin  de  saint  Jacques  », 
jusqu'à  la  ville  qui  était  pour  toute 
l'Europe  latine  comme  une  seconde 
Rome.  C'était  le  temps  oîi  Com- 
postelle  était  pleine  de  marchands 
et  de  moines  français,  où  un  clerc  y 
rédigeait  en  français,  pour  la  gloire 
de  saint  Jacques  et  de  Charlemagne, 
la  Chrt)ni(pie  du  Pseuilo-Turpin,  où 
la  porte  du  transept  norti,  celle  dont  (pirl(|iies  fragments  ont  survécu, 
était   ;qi|M'lée  la    '    Porte   [vnnçnific  •> ,  l'aihi  fraiiiii/ciKi. 

Les  étrangers  qui  avaient  travaillé  à  Compostelle  se  sont  transportés 
à  Léon  avant  Lli7.  11  est  à  peu  près  certain  que  les  portails  de  la  basilique 
de  Saint-Jacques  ont  été  exécutés  les  premiers.  Le  portail  du  sud  était 
dans  l'état  où  il  est  resté,  et  les  uiorceaux  conservés  du  portail  du  nord 
étaient  achevés  à  la  date  de  1 1  iO,  où  ils  ont  été  décrits.  Cette  constata- 
tion l'aile  sur  un  monument  d'Espagne  est  importante  pour  l'histoire  de 
l'arl  IVançais.  L'i'lude  des  portails  anciens  de  Compostelle  oblige  à  repor- 


Fk;.  2(C.—  Les  signes  du  Lion  et  du  P.iMie 
Frngmenl  d'un  Zodiaque  provenant 
de  Saint- Sernin. 

(Musée    il.'    Tuiilousc.) 


FORMATION  ET  DKVKLOPPKMENT  DE  LA  SCULPTURE  GOTHIQUE    255 

liT  dans  la  première  moitié  du  xn'   siècle  quel([ues-unes  des  (euvres  les 
plus  remai'qiiahles  de  la  sculplure  toulousaine. 

I.a  deseripliun  de  1 1  iO  l'ait  savoir  que  la  hasilicjuc  de  Sainl-Jae([ues 
possédait,  en  dehors  des  portails  du  transept,  un  troisième  portail  bien 
plus  large,  plus  haut  et  plus  riche.  G  était  le  portail  de  la  façade  ;  il  avait 
trois  baies  et  était  surmonté  d'un  groupe  de  la  Transfiguration  plus  grand 
(|ue  celui  du  portail  nord  :  saint  Jacques  y  reparaissait  à  la  droite  du 
Ciirist.  Ce  portail  a  été  remplacé  dans  le  dernier  quart  du  xii"  siècle  par 
une  œuvre  admirable  et  sans  pareille.  Entre  la  Puerto  de  Plalerias  et  le 
Porlico  de  la  Gloria,  il  y  a  une  solution  de  continuité  dans  la  suite  des  ate- 
liers qui  se  sont  succédé  sur  le  grand  chantier  de  Compostelle. 

Imitations  et  combinaisons  diverses  de  l'art  français  dans  les 
PORTAILS  romans  d'Espagne.  —  Dcs  enseiiibles  iconographiques  moins 
touITus  que  ceux  de  Léon  et  de  Compostelle,  mais  plus  nettement  délinis 
et  plus  clairement  composés,  se  forment  sur  les  portails  et  les  façades 
dans  diverses  régions  de  l'Espagne.  Ouelques  motifs  ont  pu  être  adapt(''s 
par  des  artistes  locaux  à  la  sculpture  monumentale.  Le  Ciirist  donnant  la 
Loi  à  saint  Pierre  et  à  saint  Paul  est  représenté  sur  le  tympan  de  la  petite 
église  de  San  Pau  del  Camp,  à  Barcelone,  exactement  comme  sur  les 
anciens  sarcophages  chrétiens.  Les  détails  qui  complètent  la  décoration 
sculptée  de  la  façade  sont  traditionnels  dans  toute  l'Europe  latine  :  c'est 
la  Main  divine,  l'Ange  et  l'Aigle  des  Evangélisles.  La  croix  inscrite  dans 
un  cercle  et  les  rosaces  qui  sont  gravées,  à  côté  d'inscriptions  en  carac- 
tères anguleux,  sur  le  linteau  et  sur  les  tailloirs  des  chapiteaux,  sont  des 
signes  d'archaïsme.  Le  portail  roman  de  Barcelone  peut  remonter  au 
premier  quart  du  xii'  siècle.  Le  groupe  du  Christ,  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul  est  répété,  en  Catalogne,  sur  le  portail  de  l'église  San  Pau,  à 
San  Joan  de  les  Abadesses.  Les  reliefs  sont  grossiers  et  ont  perdu  toute 
ressemblance  avec  l'art  chrétien  des  premiers  siècles.  D'autres  portails 
catalans  sont  consacrés  à  la  gloire  de  la  \'icrge.  Elle  apparaît  dans  une 
auréole  elliptique  portée  par  des  anges  sur  le  tympan  d'un  portail  de 
Manresa,  jilacé  aujourd'hui  à  l'entrée  du  palais  épiscopal.  Les  ligures  sont 
allongées,  les  draperies  agitées.  Ce  bas-relief  est  très  su})érieur  à  la 
représentation  di'  la  Vierge  glorieuse  portée  par  deux  anges,  qui  ligure 
sur  le  portail  de  Corneilla  de  Confient,  dans  le  lioussillon  français.  Un 
autre  bas-relief  de  la  fin  du  xii'  siècle,  représentant  la  Vierge  glorieuse, 
est  conservé  au  Musée  archéologique  de  Madrid.  Il  provient  de  la  grande 
église  clunisienne  de  Sahagûn,  consacrée  en  1180.  Ce  marbre  tort  curieux 
rappelle  beaucoup  moins  les  sculptures  bourguignonnes  cpie  les  scul- 
ptures toulousaines. 

La  ligure  le  jdns  (•()mmuii(''menl    repiodnile   dans   la   (l('<-(irali(>n  des 


2.".6  HISTOIRK  DE  I.'ART 

lympans  esl  celle  du  Clirisl  en  gloire.  Le  Uoi  céleste  est  accompagne  le 
plus  souvent  des  quatre  symboles  des  Evangélistes.  Ce  groupe  se  ren- 
contre depuis  San  I>or(Mi/.o  de  Carhoeiro,  en  Galice,  jusqu'à  Tarragone. 
Directement  imih'  de  la  siulpluie  IVancaise,  il  a  été  reproduit  par  des 
artistes  d'habileté  très  variable  et  qui  suivaient  des  traditions  très  diverses. 
Le  Christ  glorieux  du  portail  latéral  de  la  cathédrale  de  Tarragone,  taillé 
dans  le  plus  beau  marbre  antique,  a  le  l'elief  d'une  sculpture  provençale 
exécutée  par  une  main  grossière  ;  celui  de  Lugo,  en  Galice,  également 
sculpté  dans  un  marbre  blanc,  a  l'aspect  d'orfèvrerie  incrustée  de  gemmes 
que  conservent  les  grandes  figures  du  tympan  de  Moissac.  Ce  Christ  de 
marbre  était  autrefois  orné  de  cabochons  en  cristal. 

Au  commencement  du  xiii''  siècle,  la  représentation  traditionnelle  du 
Christ  glorieux  se  combine,  sur  le  portail  de  la  Vierge  de  las  Penas,  à 
Sepùlveda,  avec  l'assemblée  des  vingt-quatre  Vieillards  de  l'Apocalypse, 
alignés  sur  l'archivolie,  et  avec  deux  groupes  de  morts  ressuscites,  indi- 
qués sur  le  linteau,  à  côté  d'un  chrisme  archaïque.  L'ensemble  forme  une 
image  sommaire  et  grossière  du  Jugement  dernier. 

Sur  les  façades  de  deux  églises  de  la  province  de  Palencia,  Santiago 
de  Carrion  et  l'église  tlu  village  de  Moarbes,  le  motif  du  Christ  glorieux, 
accompagné  des  quatre  symboles  des  Evangélistes,  s'élargit  de  manière  à 
former  le  milieu  d'une  frise  qui  se  déploie  sur  la  muraille,  au-dessus  d'un 
portail  sans  tympan.  A  droite  et  à  gauche  du  groupe  central,  les  Apôtres 
sont  alignés  sous  des  arcatures.  L'une  des  deux  frises  est  manifestement 
la  copie  de  l'autre.  La  première  en  date  doit  être,  non  la  plus  grossière, 
qui  se  trouve  à  Moarbes,  mais  celle  de  Carriôn,  dont  l'exécution  est  à  la 
fois  puissante  et  raffinée.  L'église  de  Santiago  était  voisine  de  l'un  des 
])!us  importants  monastères  clunisiens d'Espagne,  San  Zoilo  de  Cai'riôn. 
11  csl  im|)()ssil)le  de  distinguer  dans  la  superbe  frise  aucun  détail  d'oi'i- 
gine  bourguignonne.  La  composition  rappellerait  plutôt  les  grandes 
figures,  rangées  symétriquement  sous  des  arcatures,  qui  décorent  les 
façades  de  quelques  églises  du  sud-ouest  de  la  France,  comme  celle  de 
Notre-Dame-la-Grande,  à  Poitiers.  Cependant  les  frises  de  Carriôn  et  de 
Moarbes  ressemblent  de  beaucoup  moins  près  à  ces  ensembles  de  scul- 
pture monumentale  qu'à  des  pièces  d'orfèvrerie,  telles  que  le  devant 
d'autel  en  cuivre  émaillé  d'ouvrage  de  I^imoges,  qui  a  passé  du  monas- 
tère  de  Silos  au  Musée  provincial  de  Burgos. 

Les  statues-colonnes  des  portails  du  nord  de  la  France  ont  été  imi- 
tées en  Espagne  plus  fréquemment  que  dans  l'Aquitaine.  L'église  de  San 
Salvador  de  Leyre,  nécropole  des  premiers  rois  de  Navarre,  dont  les 
ruines  indestructibles  s'élèvent  au  milieu  de  rochers  sauvages,  à  quelques 
milles  de  la  frontière  française,  a  conservé  un  portail  fianqué  de  deux 
figures  de  saints  adossés  aux  pilastres  qui  limitent   l'ébrasement  de  la 


FOISMATION  KT  DEVELOPPEMENT  UE  LA  S(  .ri.PI  rP,!'   COllIlorE    i:û 

I);>io.  fies  (iiiurcs  comiiic  colles  du  iMirUiil  ilc  N'ah'nliirn;.  mu-  je  \rrs;iii( 
ojiposr  (1rs  l'\  r(''ni''('s,  sonl  moins  il(.'s  stnlucs  (|ur  ilrs  lias-rrlirl's  ;  elles 
uni  la  (aille  de  slalui'lles.   Le  seulpli'ur  du   poiiail  de  Lcyrr  s'esl  ronné 


l'Iiul,  du  D.  M    Fan.  liai tcIoiic. 

Kk;.  '201.  —  Porc-hc  de  l'ri.'li~o  do  I!i|i(ill  i  (.ntalognc).  xii"  siècle. 


sail>  duiili-  ;i  Irriilc  lolllc  lusainr .  (  loiiiiur  Ir-,  >cul|il  l'Uis  dr  la  |miiIc  roinaili' 
t\r  ('.()lii|H»li'l|r.  il  a  i:anii  le  Iviilpaii  d'une  suilr  dr  lias- irl  irr>  dmil 
cliacuii  iT|ir('-M'nlc  a\rc  la  UK'iiir  |iii('Tilil<-  un  |MTsi>nnai^i'  <lill'(Tenl  :  le 
C.lirisl  (lu  l'un  des  saints  vénérés  dan>  Ir  munaslère.  Ces  i-eliel's,  (jui  uni  élé 

T.    H.    —    .'i"! 


->:>x  nisToii^K  Di':  i:akt 

coiisiiléiés  à  lurl  cuinnic  des  déliris  d  un  porlail  antérieur  ou  même  d  une 
nuire  église,  sont  manifestement  conlemporains  des  »  statuettes  »  ados- 
sées. L'imitation  des  statues-colonnes  du  nord  de  la  France  est  ici  altérée 
par  des  traditions  méridionales  et  des  archaïsmes  barbares. 

En  avançant  vers  le  centre  ou  vers  l'extrémité  orientale  de  l'Espagne, 
les  inlluenccs  fi'ancaises  reprennent  parfois  leur  pureté.  A  Ségovie,  les 
trois  statues  encastrées  autour  du  portail  de  San  Miguel  ne  sont  que  de 
grands  bas-reliefs;  mais,  à  quelques  pas  de  là,  les  quatre  figures  d'apôtres 
rangées  sous  le  porche  de  San  ^Mai'lin,  sont  de  vraies  statues-colonnes 
comparables  à  celles  du  porche  vieux  de  Chartres.  D'autres  statues  plus 
Irapues  et  plus  raides,  qui  sont  les  restes  de  portails  détruits,  se  trouvent 
encastrées  dans  une  façade  de  l'église  de  Carracedo,  près  de  Corullôn 
(province  de  Léon)  et  dans  la  crypte  de  l'église  de  San  Juste,  à  Sepùlveda. 
Les  arcliitectes  espagnols  ont  employé  parfois  des  statues  de  ce  genre 
dans  des  compositions  originales,  dont  l'équivalent  ne  se  trouve  pas  en 
F"rance.  Le  vestibule  de  la  Camara  Sania  d'Oviedo,  ce  réduit  qui  conserve 
encore  des  reliques  authentiques  des  premiers  royaumes  des  Asturies  et 
de  Léon,  est  couvert  d'une  voûte  en  berceau,  dont  les  énormes  doubleaux 
retombent  sur  des  colonnes  accouplées.  A  chacune  des  colonnes  sont 
adossées  deux  statues  d'apôtres.  (l<'lle  assemblée  de  cariatides  ^iriles 
prend  une  mystérieuse  majesté  dans  l'omlire  du  sanctuaire  liistorique. 

Les  statues-colonnes  ont  été  combinées  avec  une  foule  d'autres 
motifs  étrangers  à  l'art  français  du  Nord  dans  la  décoration  extérieure  de 
([uelques  églises  de  Catalogne  et  de  Navarre,  qui  peuvent  être  comptées 
parmi  les  monuments  les  plus  magniliques  et  les  plus  déconcertants  du 
moyen  âge. 

!>a  parlii'  inri'ricurc  de  la  fa(;iidi' ilc  IV'tiiise  de  liipoll,  sauvée  de  l'in- 
cfiidii'  (pii  11  (h'Iruil  en  185.")  h'  corps  de  l'iMblicr,  rurini'  un  ii\  ai:l-c(irps 
lilléralemcnl  ciiuvril  de  sculplures.  sur  une  longueur  de  onze  mètres  et 
uu(>  liauleur  de  |ilus  de  scpl  mèlres.  Au  milieu  de  la  foule  des  figurines,  les 
deux  slaturs  ad(iss('Ts  aux  cohniiies  (h'  hi  porle  passriil  presque  inaper- 
(Hies.  L'une  esl  lui  Prophrle.  l'aulrc  .s;iinl  l'ierre,  le  patron  de  rabl)aye. 
Parmi  les  nudiiph's  arfhi\  nltcs,  la  pliipail  sont  ornées  de  rinceaux,  de  pal- 
melli's  ou  de  l'uliaiis  di''li(ateiiiciil  ciscir's.  Trois  d'entre  elles  portent  sur 
cliaeuiide  leurs  claveaux  uu  gi'oupe  de  ligiiriiies  qui  avait  un  sens  religieux. 
Au-dessus  des  deux  statues,  douze  reliefs  racontent  la  vie  et  la  mort  de 
saint  Pierre  et  de  saint  Paul  ;  plus  bas,  douze  autres  sont  partagés  entre 
l'histoire  de  Jouas  et  celle  de  Daniid  ;  sui'  l'intrados  de  la  baie  on  ilistingue 
l'histoire  de  Ca'i'n  et  d'AJjel.  Les  reliefs  continuent  sur  la  face  interne  des 
montants,  jus([u'au  seuil,  pour  mettre  en  scène  dans  douze  compartiments 
les  Travaux  d(^s  Mois.  Adroite  et  à  gauche  du  portail,  les  bas-reliefs  se 
dévelop[)ent  sur  cinq  zones  superposées.  Deux  d'entre  elles  seulement,  les 


^.^«v;»— 


Hioi  l;,, 1,1,111  i'.,ii,|.,hi 
l'l(i.    "iliri.  —   lAf:ADE   DE  l'i-,GL1:^E  DE   SANTA   MAIIIA   LA  REAL,  A  SANGËESA   (NAVAIUIE). 
XU°  SIÈCLE. 


i'IlO  IllSTOIl!!':  Di:  i;ai!T 

]illis  pldclii'S  (lu  Sdl.  solll  DCCUpi'TS  |(;ir  (l(\'^  lilrs  d'il  liiiiuuiX.  ^i  lliiiurl  les 
iiiiniisciilrs  ou  grands  monslr(>s  en  IkiuI  irlid'.  Au-ilcssus  dr  hi  zone  intV'- 
ricure,  di's  ligures  liuuiaini's  de  n'raudein'  naluirllc  soni  rauii(''es  sous 
des  nrcalures  d'un  l'ailde  reliel'.  Elles  foruieni  des  gioujies  :  d'un  (•(Mé. 
c'est  le  roi  Da\id,  avec  ses  musiciens  :  t\c  l'aul  rc.  Ir  (  ".lirisl  des  aid  l'ilalr.d 
le  martyre  dun  saint  (''vèque.  Les  trois  /.ones  sii|ii'rieures.  ins(|u'aii  soiu- 
liiel  delà  plus  liaulr  arcldv  iille.  ccinijiosent  un  l'i'cil  de  l'hisloii'e  de  Moïse, 
aninu''  par  des  lalilraux  de  lialailles  liildi<pies.  ImiIIii.  une  Irise  continue, 
assez  seul  Mal  lie  à  cri  le  de  la  l'aeade  de  San!  iago  de  (  '.ari'ii'in.  passe  iiu-des- 
sus  derarchivoll(>  et  occupe  toute  la  largeur  de  lavant-corps.  Le  Christ 
glorieux  y  trône,  entouré  des  \  ieillards  de  l'Ajiocalypse,  qui  jouent  leur 
luusitpie  (•(■■leste. 

Il  n'existe  en  l'rance  aucune  ra(;a(le  romane  (pii  puisse  passer  pour  le 
]>rotolyp('  de  celte  muraille  île  Iias-relief's.  Les  frises  (pii  onl  ('■l(''  sculpl(''es 
dans  la  seconde  moiti(''  du  xii'  si(''cle  sur  les  (l'glises  d'Arles,  de  Beaucaire, 
de  Nîmes,  de  Saint-Gilles,  ne  sont  (pn_'  l'ornement  ou  le  couronnement 
d'une  arcliitectiu'e.  Elles  ne  l'orment  jias  un  re\èlenH'nl.  Le  style  m(''me 
des  sculptures  de  liipoU  n'a  ni  la  vigueur  nei-\cuse  de  l'(''cole  toulousaine, 
ni  le  r(dier  cl  r(''l(;'gance  classi(jLn;'s  de  r(''cole  proxcm-ale.  (i'esl  en  Italie 
seulemenl  (pie  l'on  trouvera  des  ouvrages  disj)OS(''sd'une  maiii(''re  ainilogue 
el  ex(''ciil(''S  a\ec  ce  r(dier  ui(''(li(icre  pour  le.s  grandes  ligures,  ce  soin  pn''- 
cieu.Y  de  marbrier  expert  pour  les  objets  en  minialiire  ou  les  deHailsde  pure 
décoration.  La  façade  d'église  qui  ressemble  le  plus  à  la  singulière  façade 
de  l!i|ioll  est  celle  de  San  Zeno  de  Vérone  (cf.  I.  I.  p.  (i!l!(-700).  Les  scul- 
jileurs  ([ui  ont  décoré,  vers  la  lin  du  xii'  siècle,  la  riche  église  catalane 
étaient  sans  doute  dc^Comaciiii  voyageurs,  comme  ceux  qui  gagnèrent  les 
vall(''es  I(>s  plus  recul(''es  des  Pyrénées  pour  travailler,  en  I  I7.'i.  à  la  Seu 
d't  rgel.  En  tout  cas,  ces  étrangers  ont  vraisemblablemeni  (dn'i  à  un  goiit 
local  ci  "  espagnol  »  en  couvrant  de  reliefs  tout  un  a\  ant-corps  de  façade, 
bien  plus  complètement  que  ne  Font  fait  les  décorateurs  des  grandes  cathé- 
drales de  l'Italie  du  Xord. 

En  Navarre,  les  sculptures  qui  débordent  à  droite  et  à  gauche  ilu 
grand  portail  latéral  de  San  Miguel  d'Estella  ont  pris  un  développement 
comparable  ti  celui  des  sculptures  de  la  façade  de  Ripoll.  Ici  les  inlluences 
étrangères  (pii  dominent  sont  françaises;  mais  l'œuvre  est  originale  et 
vigoureuse;  elle  doit  être  attribuée  à  un  maître  local.  Quoique  l'eifet 
d'ensemble  ait  été  malheureusement  détruit  par  la  construction  d'un 
porclie  que  ferme  une  énorme  grille,  la  conception  de  l'artiste  est  restée 
claire  et  frappante.  L'église  est  consacrée  à  l'Archange  qui  doit  tenir  la 
balance  divine  au  dernier  Jour;  les  reliefs  célèbrent  les  anges  et  annon- 
cent le  Jugement  dernier. 

L'imitation  des  modèles  français  est  beaucoup  plus  apparente  dans  la 


FORMATKlN   KT   l)i:\  I;L«  )r'PKME  NT   |)K  LA  SCrLPTlTŒ  (  iOTIIigil-;     -JOl 

drcoialioii  (1  une  ^ecfjiule  l'jiradr  cooscrvce  en  Xavtirre,  celle  de  léiïlise  île 
Sangiie.sa.  Les  statues  du  portail,  fuselées  comme  les  c(d()nnes  (lu'elles 
cachent  à  peine,  semblent  sculptées  par  un  arlisfe  qui  auiail  vu  le  porche 
vieux  de  Chartres.  Mais  le  lirand  C.hrisl  du  tympan  n'e.-l  [las  le  Dieu  de 
majesté  qu'entourent  les  animaux  ailés.  11  est  leJuge  du  mondr  (pir  re|i!é- 
sentent  au  xif  siècle  les  sculpteurs  du  midi  de  la  France,  et  purle  la  cou- 
ronne du  Christ  de  Moissac.  Le  Christ  glorieux  et  pacifique  ne  se  montre 
qu'au  milieu  de  la  douille  i-angée  d'arcatures  qui  règne  aLi-dessus   de  la 


Fio.  '201;.  —  Pnilnil  .le  San  Tome  de  Soria  (Vieille  Castillc). 


jiai<':  il  (^sl  accompagné  d'anges  cl  de  pruphèles.  C'est  sans  doule  un 
second  artiste  qui  a  exécuté  ces  statues  courtes  et  sommaires.  Un  troi- 
sième |>eut-ètre  a  rempli  les  écoinçons  de  la  grande  arcade  avec  des  reliefs 
di'  Inule  grandeur  et  de  toul(>  forme,  où  des  entrelacs  barbares  et  des 
mon^lres  orientaux  sont  rapprochés  de  (igurines  prises  sur  le  vif,  connue 
celle  du  forgeron  qui  frapjie  sur  son  enclume.  Si  ces  artistes  sont  ditfé- 
renls,  ils  ont  certainement  travaillé  en  même  temps  à  un  tnsemide  com- 
mun. Ils  ont  mêlé  à  des  souvenirs  de  l'art  français  du  Nord  il  du  Midi  les 
traditions  archa'iques  de  l'art  local.  L'œuvre  énorme  et  monstrueuse  qu'ils 
ont  laissée  manifeste  avec  une  sorte  de  na'ivelé  grossière  la  tendance  qui 
s'accuse,  dès  la  fin  du  \ii'  >iècli'.  dans  la  >cuiplure  es[)agnole  et  qui  la  dis- 
tinsue  de  la  sculpture  frani;ai>e  du  Xord.  mé'me  lorsqu'elle  imite  celle-ci  : 
le  sculplrur  n'e>l  >ali>lail  que  >'il  a   fail  disparailre  rarcliilcrlure  sous  les 


'jti'j  iiisKtiitK  hi'.  i.Airr 

l'clict's,  sans  laisser  ua  ro|iiis  à  l'iril.  Les  onicincals  iuulilcs,  moiislrcs  on 
siniitlrs  «huniers,  couvrenl  enlièrenieiit  les  arcliivolles  du  porlail  de  Snn- 
giiesa,  cnlre  les  liguriiies,  cl  se  poursuivent  jnsque  sur  le  eonlreforl.  Les 
artistes  toulousains  de  la  première  moitié  du  xii'  siècle  concevaient  de 
mc'-me  la  sculpture  comme  un  revêtement  ou  une  incrustation,  qu'il  s'agît 
de  décorer  le  portail  de  Saint-Sernin  de  Toulouse  ou  celui  de  Saint- 
Jacques  de  Compostelle.  Un  jieu  plus  lard  les  sculpteurs  du  sud-ouesl 
de  la  France  satisfont  à  un  guùl  analogue  lorsqu'ils  accrochent  des  sla- 
hies  ou  hrodeni  des  reliefs  sur  loule  la  hauteur  des  façades  romanes  de 
Poitiers  ou  d'Angouléme.  Mais  jamais  en  France  les  reliefs  ne  se  suivent 
et  ne  se  pressent  comme  sur  les  façades  de  Ripoll,  d'Eslella  ou  de  San- 
gi'iesa.  Même  en  présence  de  monuments  groupés  dans  les  provinces  pyi"'- 
néennes,  moins  hospitalières  que  l'Aragon  aux  arlistes  niiidi^jars,  il  es! 
permis  d'invoquer,  dès  le  xii''  siècle,  une  inOucnce  lointaine  de  l'ai'! 
moresque,  f(ui  masquait  entièrement  la  pieri'e  et  la  liri(|ue  sous  l'émail, 
la  faïence  et  le  stuc.  La  transposition  des  principes  de  ici  ari  polychrome 
dans  la  sculpture  chrétienne  d'Espagne  ne  de\ienilra  un  iail  conslaiil  et 
évident  que  deux  siècles  plus  tard. 

Les  ])ortails  dont  loute  la  d(''co:  ation  figurée  se  plie  à  un  ordre 
logique  et  à  une  ordoiuiance  architeelurale  sont  des  exceptions  dans  l'art 
roman  d'Espagne.  Ils  rejiroduisent  des  modèles  français.  Parfois,  deux  ou 
trois  de  ces  modèles  se  trouvent  combinés  dans  un  seul  monument 
espagnol.  La  façade  de  San  Tome  (ou  Santo  Domingo)  de  Soria,  avec  ses 
deux  étages  d'arcatures,  est  fort  semblable  aux  façades  poitevines.  La 
décoration  du  portail  réunit  des  motifs  d'origine  assez  difTérente,  dont  la 
plupart  se  rencontrent  ilans  le  sud-ouest  et  l'ouest  de  la  France.  L'archi- 
volte qui  surmonte  le  tympan  porte  les  figurines  des  vingt-quatre  \  ieil- 
lards  de  l'Apocalypse,  .serrés  les  uns  contre  les  autres  à  la  manière  des 
figurines  qui  pullulent  sur  les  portails  du  Poitou  et  de  la  Saintonge.  Deux 
autres  archivoltes  sont  couvertes  de  gi'oupes  en  bas-relief  qui  repré- 
sentent la  Nativité  et  l'Enfance  du  Christ,  en  détaillant  les  épisodes  du 
Massacre  des  Innocents,  qui  se  trouvent  i-acontés  exactement  à  la  même 
place  sur  le  vieux  portail  de  la  cathédrale  du  Mans,  avec  la  même  variété 
de  gestes  violents'.  Les  scènes  de  la  Genèse  qui,  sur  ce  dernier  portail, 
occupent  l'archivolle  supérieure  sont  reléguées,  à  San  Tome  de  Soria, 
sin-  les  chapiteaux  du  poi-tail  :  ici  l'archivolte  supérieure  est  consacrée 
tout  (Milière  au  récit  de  la  Passion  du  Christ,  qui  se  poursuit  à  travers  les 
groupes  serrés,  sans  aucun  rejios  entre  les  dilf(''rentes  scènes.  La  rudesse 
du  style,  la  v(M've  populaire  (hi  i'(''cil  rappelleni  les  l'eliel's  des  plus  gros- 
siers chapiteaux  des  cloilres  na\arrais  ci   calalans,  au\(|uels  resseiublenL 

I.  C.e  raiHiiOiliOiiieiiL  csl  dû  à  M.  Seiiaim  F:Uig;iU. 


l'diiMATioN  i;i-  IH'A  i;i,(ii'i'i;.Mi;.\i'  di-:  i,\  sci  i.i'iriii-;  coriiiuri',    v<:, 

;'i  Sorin,  CL'iix  des  clitilrcs  de  Sun  Pedro  <■(  de  S;iii  .liuiii  (\r  Diirid.  I.c 
siidiilrur  (lui  csl  \cnii  drrorer  la  façade  de  rôglise  de  Sorin  nV-l;iil  sùre- 
iiifiil  ni  un  l'oilcxin,  ni  un  .Manccau,  ni  un  Français  du  Nord  ou  du  Midi. 
Il  a  iidroduil  parmi  les  reliefs  du  porlail  de  San  Tome  des  niolils 
don!  il  n'exisle  poinl  d'exemple  en  France.  Fe  Dieu  couronné  (pii  li-ône 
au  milieu  du  lympan,  dans  une  aiu'éole  ellipli(|ue  llanipu'e  de  (pudre 
anges,  ne  ressemble  au  Christ  glorieux  des  porlails  français  du  Nord  (pie 
par  la  sereine  beaulé  de  son  visage.  C"csl.  non  pas  le  ChrisI,  mois  le  Père 
Flcrncl;  il  tient  sur  ses  genoux 
le  Christ  enfant.  Parmi  les 
(jualre  anges,  il  en  est  un  qui 
porte  le  Livre  :  c'est  le  symbole 
de  rÉvangéliste  saint  Malliieu. 
Les  trois  autres  tiennent  dans 
un  voile  les  symboles  de  Marc, 
de  Fuc  et  de  Jean,  animaux 
minuscules  dont  on  ne  voit  qui' 
la  lèle  :  celle  de  l'aigle  semble 
^(lriir  d'un  nid.  Ces  représen- 
laliiins  cxceplionnelles  peuveni 
('■li-e  alli-il)U(S's  à  l'imagination 
lii/aiie  d'un  sculpteur  espa- 
gnol. 

\.i'  départ  esl  plus  facile  à 
laiic  cidre  les  motifs  d'origine 
différente  dans  la  décoration 
des  portails  de  San  ^'icente 
d'A\ila.  Ici  un  mail  rc  é'j  ranger 
a  certainement  lra\aillé  à  coté 
d  artisans  locaux.  F'iin  de  ceux- 
ci  a  sculpté  pour  le  porlail  latéral  les  deux  statues  placées  à  droite  de  l'en- 
Irée  et  maladroitement  encastrées,  comme  des  hauts-reliefs,  cntri'  les 
colonnettes.  Fe  tra\ail  sommaire  et  plat  des  draperies  rappelle  encore  les 
reliefs  du  poi-lail  de  San  Isidro  de  F(''on.  F'une  des  statues  re])réseiite  une 
sainte;  elle  est  coin'(''e  d  une  guinipi' cl  d  Un  jjonnel  à  la  mode  espagnole 
du  xiT  siècle.  Fe  groupe  (pii  se  trome  placé  à  gauche  de  l'entrée  est  d'une 
tout  autre  main.  CCsl  une  Aiimmcial  ion.  l/ange  ci  la  \  iei-gc  sont  des 
ligures  plus  gi-andes,  jilus  sveltes,  plus  souples  (pie  les  statues  qui  leur 
font  face;  le  nu  des  jambes  longues  se  di^ssini^  sous  les  plis  lins  de  la 
l(''gère  di-aperie.  Pal-  |rni-  si  vie,  par  leui'  allihidc  ir^gèremcnt  ployée  et 
pciichr'e,  jiar  la  place  m(''mr  qu'elles  (icciqjenl  Mir  le  nu  d'un  pilaslre.  les 
deux  ligui'cs  (In  i^i'oupe  d'.\\ila    rappi'lleul  les  ApiMi'es  réunis  deux  à  deux 


2(1 


-  l.'AiiiKiiiL-iiiUoii.   l'oi'l.ill  l.-ilcial 
de  San  Vircnto  d'A\il.i. 
iC.ciiiiinrnrcment  du  xni'  sirclc  . 


'2(11  IIISTÔIIII-,  |»K  I.AHT 

coiilic  les  |ii(''(lruils  (lu  i^iiiiid  |Miil;iil  de  \  (''/.cliiy.  (',('|)cii(l:\iil  le  lr;i\;iil 
est  iiKiins  ;'ipre  cl  plus  large  ([uc  celui  des  sciilplurcs  du  fiiuu'ux  |i(irclie 
Lourguii^iion.  L'Annoncialion  du  jioiiail  laléral  de  San  Vieeiile  d'Avila  ne 
peut  être  antérieure  à  la  lin  du  xii'  si(''cle. 

Le  portail  principal,  celui  de  la  façade  occidentale,  perniel  de  pr(''ciser 
les  rapproclienienls.  Il  est  divisé  en  deux  baies.  Les  Apôtres  rangés  à 
droileel  à  gauche  de  lenlréc  sont  sortis  de  lalelier  qui  a  e\écul(''le  groupe 
de  l'Aiinoncial  ion  :  deux  Ikmuuk^s  à  longue  Iiai'he.  assis  conlre  le  Irunieau 
ceniral  cl  I  un  des  umnlaids  du  grand  porlail.  soni  pos(''s  el  drap(''s 
comme  la  ^  icrge  du  portail  latéral.  Les  autres,  bien  que  del)out  de\anl 
des  colonnes,  comme  les  statues  des  jtortails  vieux  de  Chai'tres  ou  de 
Bourges,  se  regardcid  l'un  laulre:  gi'oupés  deux  à  deux,  ils  l'urnienl, 
comme  les  apôtres  de  N'ézelay  ou  C(unme  ceux  de  Lîamberg,  imilés  de  l'arl 
bourguignon,  une  c  Santa  Con\ersazione  «.  Lt's  ai'cliivolles  sont  uni([ue- 
mcnt  ornées  de  rinceaux,  dont  quel(|ues-uns  détachent  sur  le  fond  d'une 
large  moulure  leurs  coquilles  de  feuillage  précieusement  ajourées,  (le 
décor  végétal  est  fort  exactement  pareil,  comme  M.  Enlart  la  remar(pié 
(I.  1,  p.  ^7(■>)  à  celui  des  archivoltes  du  portail  de  Sainl-Lazare  d'Avallon. 

L'arlisie  (pii  a  scul|)té  le  grand  porlail  de  l'église  d  A\  ila  esl  l'un  de 
ceux  qui  onl  décoré  le  mausob'^e  de  sainl  \  inceid  el  de  ses  so'urs,  placé 
dans  le  sancluaire  de  celle  (''glise.  Les  liguiines  (b'iuesurénu'nl  allongées 
cpii  paraissent  dans  les  scènes  du  marl\  re,  les  dais  à  tourelles  qui  sur- 
montent les  groupes  rappellent  les  délails  les  plus  caraclérisliques  des 
scidplures  d'ANallon.  L'(''glise  d'ANila  esl,  parmi  les  (''glises  romanes, 
celle  (jui  a  conservé,  hoi's  d('  la  Lîoui'gogne,  le  plus  remarquable  ensendjle 
de  sculpture  bourguignonne. 

L'aist  1  p,an(.ais  i;t  i 'ai;ï  local  dans  i,v  scuipti  r,!;  uomaM':  u'b.si'AfiNi:. 
—  San  ^'icenle  d'A^•ila  semble  donner  une  léponse  à  la  queslion  qui  a  été 
formulée  plus  haut  et  que  suggérait  l'histoire  même  des  oixlres  monas- 
li(pies  dans  l'I'lspagne  du  moyeu  âge.  L'exislence  diiu  alelier  boiirgni- 
gnon  dans  l'une  d(^s  i'(''gions  les  plus  farouches  de  la  \  ieille  (laslille  esl- 
elle  due  à  rirdluence  de  l'I  )rdre  de  (lluny? 

A\ila  ne  possédail  aucun  monastère  de  cet  ordre;  de  plus,  au 
xui'  siècle,  quand  le  porlail  de  San  Vicentc  a  été  sculpté,  la  puissance 
clunisienne  était  très  réduite.  Les  églises  el  les  villes  d'Kspagne  qui 
avaieni  été  les  centres  de  cette  puissance'  n'ont  conservé  aucun  morceau 
de  sculpture  dont  le  carat-lèi'c  bourguignon  soil  nuinil'esle.  Si  les  grands 
bas-reliefs  du  cloilre  de  Silos  ont  (''lé  scul[il('s  par  des  moines,  ces 
inconnus    \enaieul,    n(Ui    de    Bourgogne,    mais   de   ([uebpu'    monastère 

\.  S:ili;ii;iiii.    C-ininii.    Ilueiiiis,    Sm1;iii]:iiiciuc.    Zàinui'a.    Fronii^la.     liuii^ds,    Lcyrc    en 
Xav;in'c. 


i(ti;MAii(iN'  i:r  I)i:vi:i.oi'Im:mi;nt  dp:  i.a  siirLi-'iriU':  coiiiinii';   -i^v., 

(I  \(|iii(aiiie  qiii,coiuinc  celui  ilc  Sainl-Picrrc  de  Moissac,  soniuis  à  (lluiiy 
liciidanl  le  xu''  siècle,  était  un  foyer  d'art  toulousain. 

Les  Bourguignons  qui  ont  travaillé  à  Avila  resicnl  isolés.  Les  prc- 
niiers  el  les  plus  nombreux  des  sculpteurs  qui  ont  l'ait  coniiailrc  à 
l'Espagne  l'art  français  du  xiT  siècle,  étaient  des  méridionaux,  lis  n'oni 
pas  essaimé,  comme  les  moines,  avec  une  communauté;  artisans,  ils  ont 
suivi  l(>s  routes  des  marchands  et  des  pèlerins.  Ces  hommes,  dont  les  noms 
sont  inconnus,  comme  les  noms  de  leurs  compagnons  restés  en  France, 
ont  prolongé  l'école  toulousaine  jusqu'à  Gompostelle,  l'école  provençale 
jusqu'à  Tarragone.   Pour  la  sculpture  romane,  il  n'y  a  pas  de  Pyrénées. 

\'crs  la  fin  du  xu''  siècle,  des  courants  d'iniluences  ipii  descendaient, 
du  sud-ouest,  de  l'ouest  et  du  nord  de  la  Fi'ance,  se  sont  ramifiés  jusqu'au 
C(eur  de  l'Espagne.  L'art  (pii  a\ait  cr(''i''  les  portails  de  Saint-Denis  et  de 
(_;harlres  est  venu  se  combiner  en  Navarre,  en  Castille,  dans  les  Asturies 
même,  avec  l'art  de  l'Aquitaine.  La  plupart  des  formes  provinciales  de  la 
sculpture  française  du  xu''  siècle  onl  i''ti''  connues  en  Espagne  au  moins 
par  (|uelques  détails.  Le  seul  ai'l  chrélien  et  européen  qui  ait  laissé  sa 
trace  dans  les  monuments  romans  d'Espagne,  à  côté  de  l'art  français  du 
.Midi  et  du  Nord,  sendde  (Mre  l'arl  lombard,  représenté  |iar  les  seul]iteuis 
(lu  porche  de  lii[)oll.  Les  llalieiis  (|ni  (Mit  franchi  les  Pyrénées  ne  se  son! 
point  avancés,  au  \if  et  au  xiu'  siècle,  hors  de  la  Catalogne. 

La  prédominance  des  éléments  français  dans  la  sculpture  idinanc 
d'Espagne  est  un  l'ail  inconteslable.  Cepcndanl  des  ateliers  locaux  s'(''laieni 
formés  au  xii'  siècle  dans  la  phipari  des  pr(j\inces.  Les  uns  repi-oduisenl 
des  motifs  élé'mentaires  qui  reni<iiilaieul  à  l'époque  wisigotliicpie;  d'aiilres 
s'inspirent  de  l'art  musulman.  Les  portails  de  Valence  et  de  Lérida,  dont 
les  tlentelles  de  marbre  ont  la  finesse  des  stucs  moresques,  sont  les  fan- 
taisies bizarres  et  légères  d'un  arlisie  chrétien  —  ]ieut-élre  d'un  ateliei- 
--  (pii  a  rivalisé  avec  les  sculpteurs  et  les  ('"liénistes  nniili'jdis,  sans  les 
copier.  Hien  n'est  plus  original  dans  l'art  roman  tl'Espagnc;  rien  n'est 
jilus  M  espagnol  ». 

A  côté  des  sculpteurs  qui  s'essayaient  à  des  variations  diiïéreides  et 
inégalement  brillantes  sur  des  thèmes  de  l'art  musulman,  d'autres  onl, 
imité  l'iconographie  et  le  style  de  l'art  français.  Il  est  diflicile  actuelle- 
menl  de  l'air(>,  dans  les  cloîtres  et  les  portails  d'Espagne,  la  iiart  des 
b'rançais  voyageurs  et  celle  des  b^spagnols  (|ui  onl  tra\ailli'>  aM'c  ces 
étrangers  ou  qui  sont  allés  peu! -(Mre  chercher  des  leçons  vn  France.  Des 
œuvres  composites  comme  le  portail  de  Sangilesa  })cuventétre  attribuées 
avec  certitude  à  quelque  atelier  local.  .Maisjusqu'ici  une  seule  école  laisse 
ap[)arailre  nettement,  malgré  les  emprunts  faits  à  la  France  du  Midi,  sa 
personnalité  et  son  originalité.  C'est  l'école  catalane,  dont  le  représentant 
devant  l'Iiisloii-e  est  AiMiall  Calell,  le  seLd|ileur  de  Ijai-cebme. 

1.  u.  —  ô't 


266  IllSTOlliE  DE  LAIiT 


La  sculpture  monumentale  en  Galice  à  la  fin  du  XII'  siècle. 

I.i;  (.i;ami  r(ir;(  III-;  m:  i.v  (.\i iii':iiF!AI,I';  dp:  (Iompostelliî.  —  Dans  le 
(Icniii'i-  (luail  (lu  \ii'  sirclc,  un  jiorclie  rlcvr  à  rextrcmilé  occidcn- 
ialf  (If  ri'^spaiinc  rgala  |i()iir  lani|il('ur  (^Ics  proportions  et  la  a;ran<lf'ur 
(le  la  conci'plion  les  jiorchcs  rran(2ais  les  plus  solennels,  en  les  (^lépas- 
sant  pour  la  l'orec  (lraniali(pie,  non  moins  que  pour  la  iierl('-  de  l'ext''- 
culion.  (".(' }»orehe  esl   celui  de  la  ealli(''dral(^   de  (]oni]>oslelle,    le  Porllro 

llf  1(1   dltl]  i(l. 

Il  esl  élevé,  comme  une  église,  sur  une  er\|)[e.  Le  porlail  de  la 
Transliguration,  terminé  avant  1 1  iO,  s'ouvrait  en  liaul  d'une  jiente 
abrupte,  et  au  somme!  de  lune  des  collines  sur  lescpielles  a  été  liàlie  la 
Rome  espagnole.  In  large  escalier  devait  monter  vers  les  trois  haies. 
Pour  construire  un  jiorclie  devant  l'ancienne  façade,  il  fallut  lui  pr(''parer 
un  soubassement;  ce  fut  la  chapelle  qui  est  appelée  aujourd'hui  sans 
nulh?  i-aison  la  vieille  cathédrale  (Calcilral  vicjd)).  La  décoration  extérieure 
du  porche  a  disparu  sous  les  ornements  de  la  magnifique  façade  har()(pic. 
Sa  décoration  intéi'ieure  est  intacte.  Les  piliers  de  ce  porche,  (pu  sou- 
tiennent de  hautes  voiites  d'ogives,  oïd  pour  fiunlalions  les  pilici-s  de  la 
chapelle  inférieure.  Cependant  leur  so(  le  ne  louche  pas  le  sol.  il  repose 
sur  l'échinc  d'animaux  énormes,  Ix'diers,  lions,  ours,  griffons,  qui  sem- 
blent seuls  soutenir  la  niasse  de  la  construction.  Un  houuue  est  à  demi 
couché  sous  le  faisceau  de  quatre  colonnettes  qui  partage  en  deux  la  baie 
i-cnlrale.  Ces  supports  vi\ants  sont  de  granit ,  connue  la  cathédrale  entière 
et  la  (diapelle  basse.  l'restpie  toutes  les  sculptures  du  porche  sont  de  la 
nnune  matic're.  Seules  qvndtpies  colonnelles  de  marbre  blanc,  ciseh'i^s  par 
le  sculpteur  comme  des  ivoires,  relèvent  de  leur  Idancheur  ilorée  le  ton 
sévère  de  l'architecture  et  des  reliefs. 

Une  colonnelte  de  marbre  esl  a(^lossée  au  trumeau  de  la  grande 
baie.  Son  lut,  profondément  l'efouillc,  où  les  figurines  se  mêlent  aux 
rinceaux,  esl  un  arbre  de  Jessé;  son  chapiteau  montre  une  singulière 
image  de  la  Trinité,  ('.elle  colonne  pi'écieuse  esi  le  |)i(''deslal  d'une  grande 
statue  de  saint  Jacques.  L'ap(Mi-e,  assis  sur  iiu  tr(iiie  drapé,  s'appuie 
d'iHie  uiaiu  sur  son  bAlon  de  pèlerin  et  tient  de  l'autre  la  banderole 
où  il  esl  (■■(•rit  (pie  le  Seigneur  l'envoya  évangéliser  les  Espagnes  {Misit  itie 
Ddni'nnix). 

Des  stalues d'hommes  se  dressent  dansl'éhrasemenl  des  Irois  portails, 
debout  au-dessus  des  colonnettes  de  granit  j)oli  ou  île  niarlire  ouvragé  :  à 
la  droite  de  saint  Jaccfues,  des  prophètes;  à  sa  gauche,  les  A|iùlres.  En 
face  d'eux,  des  statues  moins  nombreuses  sont  adossées  aux  piliers  exté- 


Fdi'.MAiidN  i:t  I)EVHL<»im'i:mi:nt  i»i:  la  S(:rLi>Ti  lu;  (.(cniiori:   ^i;: 


i'ii?iir.s  (lu  pinihc.  Ce  sont  qiuilrc  })ro|)lièles.  une  femme  couronnée  ([ui 
]H'iil  (Mic  la  iiro|iliélesse  Judilli,  el  une  l'emme  ^oill'■(■  (jni  csl  la  siiiylie 
aniioiieiatiioe  du  Jugemcnl  dernier.  Aux  quatre  angles  du  porche,  quatre 
anges,  placés  à  la  retomli(''e  îles  arcs  ogives,  sonnent  les  iiompettes  qui 
doivent  réveiller  les  morts.  D'autres  anges,  j)lacés  au-dessus  des  Prophètes 
et  des  Apôtres  et  formant  deux  groupes  entre  les  tympans  des  trois  por- 
tail>.  rccuiMllent  dans  leurs  manteaux  les  âmes  des  ressuscites.  Les  allu- 
sions au  Jugement  se  précisent  sur  l'archivolte  du  portail  de  dioile  (pii  rsl 
couverte  de  figurines,  tandis  ([ue  celle  du  portail  de  gauciie  resie  unii|ue- 
ment  décorée  de  rinceaux  et  de 
rosaces.  Au  sommet  de  l'archivolte, 
une  tète  majestueuse  qui  ressemble 
à  celle  du  Christ  apparaît  au-des- 
sus d'uiir  l(-te  d'ange.  Des  bande- 
roles qui  s'écartent  à  droite  et  à 
gauche  de  ces  deux  léles  conlc- 
naicnl  les  ]iaroles  de  bénédiction 
<l  df  malédiction,  D'un  côté,  sur 
i:i  coui'lir  de  l'arcade,  les  anges  d 
les  ('lus  forment  des  couples  de 
bienheui'eux;  de  l'autre  les  damnés 
sont  torturés   par  les  diables  nus. 

Le  Christ  juge  el  roi  se  dresse 
au  milieu  ilu  tympan  du  portai! 
central,  figure  géante,  qui  mesure 
cinq  mèlres  de  haut.  .\  ses  côl(''s 
les  Evangélisles  sont  assis,  accom- 
pagnés de  leurs  symboles  ailés; 
des  anges  portent  les  attributs  de 
la  Passion.  Sur  l'immense  arcbivol 
calypse.  jouent  des  instruments  les  plus  divers  en  l'honneur  du  Roi 
céleste.  En  face  du  tympan,  sur  deux  des  piliers  extérieurs,  deux  anges 
inclinés  vers  le  Tout-Puissant  l'adorent. 

Dans  l'Espagne  chrétienne  aucun  monument,  avant  l'époque  des 
grandes  cathédrales  du  xin"  siècle,  n'est  comparal)le  au  porche  de 
Couq)ostelle  :  aucun  n'est  comme  lui  une  construction  d'architecte,  de 
sculpteur  el  de  poète.  En  France  les  porches  de  Chartres  exposent  une 
iconographie  j)lus  conqjliquée  el  plus  savante.  L'auteur  du  jiorche  de 
Compostelle  n'a  pas  réalisé  en  [jierre  une  Somme  théologicjue,  mais  une 
hymne  épicpie. 

La  nolilesse  tics  formes,  l'inlensili''  (h;  l'expression,  la  pei'fection  du 
travail  >iiul  dignes  de  la  grandeur  de  la  conception.  L'c'qiopi'e  (pii  associe 


jh.le-.iil  l'..rli.|iii' il,- kl  Gin 
icuvre  (le  mailre  Mathieu  (11S3). 
CaUiédrale  de  Sanlia20  de  C"inpostelle. 


('.  vingi-qii;ilre   rois,   ceux  de    rAp( 


208  II1ST0IRI-:  [)!■:  t;ap.t 

l'assemblée  des  Prophèlcs  eL  des  ApùLres  aux  terreurs  du  dernier  Jour  esl 
traversée  çà  et  là  par  des  éclairs  de  drame.  Tandis  que  les  démons  gri- 
macent, les  anges  serrent  dans  leurs  bras  les  petites  âmes  nues  avec  une 
tendresse  violente  comme  une  passion.  La  main  du  sculpteur  esl  tantôt 
presque  brutale,  lorsqu'elle  accuse,  en  marquant  les  méplats,  l'expression 
d'un  visage  de  granit,  tantôt  délicate  et  caressante,  lorsqu'elle  détailb^ 
dans  le  marbre  des  colonnettes  ou  des  chapiteaux  les  frisures  dune  pal- 
mette  en  fleurs  d'iris  ou  qu'elle  modèle  la  rondeur  d'une  figurine  nue. 

L'œuvre  paraîtra  plus  étonnante  si,  tout  en  la  contemplant,  on  a  lu 
sa  date.  Celle-ci  est  gravée  sous  le  linteau  du  portail,  à  droite  et  à  gauche 
du  saint  Jacques,  dans  une  inscription  où  le  maître  lui-même  s'est  nommé 
avec  orgueil  : 

«  En  l'an  de  l'Incarnation  1183,  de  l'ère  espagnole  l'22)i,  le  i"  avril, 
les  linteaux  du  grand  portail  de  l'église  de  Saint-Jacques  ont  été  mis  en 
place  par  maître  Mathieu,  qui  avait  fait  fonction  de  maître  depuis  lu 
construction  des  fondements  du  porche'.  » 

Une  donation  du  roi  de  Léon  Ferdinand  II  à  maître  Mathieu  est  con- 
servée aux  archives  de  la  cathédrale  de  Compostelle.  Ce  document  atteste 
que  l'artiste  était  maître  de  l'œuvre  delà  cathédrale  au  commencement  de 
l'année  1IG8.  Les  travaux  entrepris  à  cette  date  étaient  probablement  ceux 
de  la  chapelle  basse  qui  devait  prolonger  les  fondations  de  l'église  vers  le 
couchant  et  servir  de  crypte  au  grand  porche.  Quant  à  l'inscription  de 
1183,  son  témoignage  est  le  plus  authentique  et  le  plus  solennel  que 
l'histoire  possède  au  sujet  d'une  œuvre  de  sculpture  du  xif  siècle.  Le 
porche  de  Compostelle  est  une  véritable  construction,  oi^i  architecture  cl 
sculpture  sont  inséparables.  Quand  le  linteau  dont  parle  l'inscription  a 
été  posé,  il  a  eu  pour  supports  le  trumeau  auquel  est  adossée  la  statue  de 
sainlJacquesetles  montants  de  granit  dans  lesquels  sont  sculptés  le  Moïse 
et  le  saint  Pierre,  surmontés  l'un  et  l'autre  d'une  statuette  d'ange  qui  fait 
oflice  de  corbeau  sous  l'énorme  architrave.  L'inscription  a  pu  être  gravée 
par  un  artiste  impatient  de  jouir  de  sa  gloire  avant  l'achèvement  total  de 
l'ouvrage.  La  consécration  de  l'église  en  Pi  M  a  dû  suivre  de  près  l'enlè- 
vement des  échafaudages  du  porche.  En  tout  cas,  lorsque  le  Moïse  cl 
le  saint  Pierre  ont  été  sculptés,  c'est-à-dire  avant  M8.">,  toute  l'architec- 
ture était  conçue  et  le  style  de  la  sculpture  était  fixé  par  le  maître  pour 
tout  l'atelier  qui  devait  achever  avec  lui  l'œuvre  prodigieuse. 

D'où  venait  ce  maître  Mathieu'?  Assurément  il  ne  peut  passer  pour 
un  disciple  galicien  des  maîtres  toulousains  qui  avaient  travaillé  aux  por- 
tails du  transept  de  la  cathédrale  de  Compostelle.  Pour  les  sculpteurs  de 

I.  ••  Aniiû  ab  incariiacioae  Domiiii  M'C'LXXXIII-,  Era  l'CC'XXI'/',  die  Kl.  Aprili^  i/iiperli- 
in'niaria  prineipalium  portalium  ecclesie  beati  Jacabi  sunl  rnUocala  jier  inagistriiiii  Malheuin, 
</i(i  a  fundumentis  ipsurmn  poi-lallam  gessil  magisterium  ■■. 


l'diiMATKix  1,1  iir;\  i;i.<iri'i:Mi:M  i»i:  i..\  sc.ri.p'iTRi':  doTiiiori':   iM 

la  l'iieihi  (le  l'Itilcriiis.  les  ivliofs  n'élaienl  que  niarquelcrie  cl  placage; 
ceux  mêmes  qui  avaient  un  sens  religieux  ne  formaient  qu'une  suite  con- 
fuse, où  plus  d'un  détail  devenait  inintelligible.  Pour  le  maître  du  porche, 
statues  et  reliefs  sont  les  matériaux  animés  d'une  architecture  organique 
et  les  strophes  d'un  poème  solennel. 

Hors  de  la  Galice,  l'Espagne  du  Xord  possède-t-cllc  un  monument  où 
la  décoration  sculptée  soit  aussi  intimement  unie  à  la  construction?  11  y  a 
sans  doute  des  ressemblances  dignes  de  remarque  entre  Farchitccture  du 


II...  -im.  —  .'^.■■|i;irali(in  (le-i  t'iii;;  cl  des  d;uiiiié!i.  D.-lail  du  pdirhr  de  1; 
de  CuMi|iiisli'lle  ^liM  \]i    >i('cle|. 


]}orclie  (le  (lumposIcUc  cl  celle  du  vestibule  de  la  ('.(iniin-n  Suiiln  d'{)\ie(l(i. 
Ici  lesarcs-doubleaux  delà  voûte  en  berceau,  qui  retombent  sur  des  piliers 
llanqués  de  statues  d'apôtres,  sont  ornés  de  lourdes  rosaces,  comme  les 
arcades  et  les  nervures  massives  de  la  voûte  qui  couvre  le  porche.  La 
sculpture  est  plus  rude  à  Oviedo  et  paraît  plus  archaïque,  de  même  que  le 
système  de  voûtes.  Cependant  il  n'est  nullement  certain  que  le  vestibule 
de  la  Camara  Sntila  ait  été  construit  antérieurement  au  porche  de  Com- 
postelle.  11  i>eut  être  l'œuvre  d'un  disciple  de  maître  Mathieu,  et  non  d'un 
précurseur. 

D'ailleurs  la  chapelle  aux  voûtes  obscures  n'olTrail  poini  nu  lype  de 
construction  d'où  l'artiste  le  plus  invenlifpùt  tirer  le  dessin  d'un  Irijile 
jiorlail.  Le  modèle  du  porche  de  Compostellc  n'est  pas  eu  Espagne  :  il  ne 
peut  rire  cherché  qu'en  l'^rance.  Parmi  les  purlails  du   xii''  siècle   t\iù  ont 


•-•■n  iiisToir.i':  di-  i;ai!T 


n''|irl(''  les  (lisjmsilioiis  iiiaiigurri's  à  Siiiiil-Dcnis  el  à  Cluirlrcs,  celui  qui 
rrss('iiil)]i-  le  plus  au  porclic  de  ("-oniposlcUc  par  le  slyle  sévère  el  rolmslc 
des  staliies  viriles,  par  la  rieliesse  exulirranle  des  coluniietLes  et  des 
chapiteaux  qui  porLenI  (•es  statues  et  jns(pie  pai-  des  détails  lids  (pic  le 
bonnet  godroniié  d'un  prnpliélr.  rsl  Ir  iiorlail  nii'Tidionai  de  la  ralii(''(lrali' 
de  Bourges. 

Cependant  noniltrc  de  uiolil's  el  dr  di'dails  (pii  coneoui'enl  à  la  d('co- 
ration  sr'ulpl('M'  du  grand  porche  de  (loniposlelle  ne  se  retrouvent  ni  à 
liourges,  ni  dans  le  noid  de  la  France.  Tels  sont  les  monstres  couchés 
côte  à  côte  sous  les  piliers.  Ils  ont  la  taille  énorme  et  le  corps  puissant  des 
monstres  accroupis  entre  le  soubassement  et  les  pilastres  des  portails  de 
Sainl-Ciilles  en  ProxiMice.  Sainl-(  iillcs  était  une  (''laiie  signalée  à  la  dévo- 
tion des  pèlerins  sur  la  plus  IVé(pient(''e  des  (puitre  roules  rran(;ais(^s  (pii 
rejoignaieid  le  ciicuiin  de  Sainl-.lacques. 

Parmi  les  grandes  statues  du  grand  porche  de  Compostelle,  quel- 
ques-unes ci'oisent  les  jambes  dans  l'altitude  de  danse  que  les  sculpteurs 
toulousains  du  xn'  siècle  pn'tenl  à  h'urs  gi'andes  ligures  tl'apùtres. 
L'artiste  qui  a  sc-ulph''  ces  statues  s'est-il  souvenu  de  deux  statues  de 
Sainl-ClilIes,  qui  scMuldenl  être  l'ouvrage  d'un  maître  toulousain?  A-l-il 
vécu  à  Toulouse?  L'hypothèse  est  iuulile.  La  caliiédiale  de  Compostelle 
était  aussi  ri(die  que  Saint-Sei'uin  en  (eu\res  de  sculpture  toulousaine. 
Le  rétable  même  que  l'évèquc  Diego  Gelmirez  avait  donné  vers  1  MO  et 
qui  était  un  ouvrage  d'or  et  d'argent,  rajipelait  par  ses  reliefs  le  portail 
de  -Moissac  :  le  trôiu^  du  Seigneur  y  était  soutenu  jiar  les  (|ualre  l'^vangé- 
listes  et  accompagné  des  Apôti'es,  assis  sur  deux  rangs,  et  des  vingt- 
(puitre  Rois  de  rA|)Ocaly|ise,  disposés  en  cercle  [  pcr  cii-rnilKin),  «comme 
les  avait  vus  saint  Jean,  l'rère  de  saint  Jacques  ».  En  composant  son 
(l'uvie.  le  maître  du  porche  a  pu  s'ius[)irer  des  sculptures  qu'il  trouvait  à 
(^ompostelle  :  il  a  répété  siu- le  lym|)an  du  grand  portail  Cjentral,  non  le 
groupe  de  la  Transfiguration  ipii  surmontait  l'ancien  portail  occidental, 
mais  rassembl(''e  glorieuse  qui  brillait  dans  l'uv  du  retable  de  la  cathé- 
drale. 

Ainsi  le  porche  de  C()uq)()stelle  est  l'o'uvre  d  un  maître  couqilète- 
menl  initié  à  l'art  du  nord  de  la  Fi'ance,  (jui  a  sans  doute  connu  Saint- 
Gilles,  peut-être  Toulouse,  et  qui  a,  semble-t-il,  emprunté  quelques  motifs 
et  même  quelques  archa'ismes  aux  oeuvres  de  ceux  qui  avaient  travaillé  avant 
lui  pour  l'église  de  Saint-Jacques.  Aucun  documentne  mentionne  la  patrie 
de  maître  Mathieu.  Esl-il  un  Galicien  revenu  dans  son  pays  natal  après 
avoir  travaillé  en  France  assez  longtemps  pour  acquérir  la  connaissance 
la  plus  complète  et  la  plus  intime  du  nouvel  art  français?  Est-il  un  Fran- 
çais du  Nord  venu  en  Galice,  et  qui,  en  traversant  le  Provence  et  l'Aqui- 
taine, en  séjournant  à  Compostelle,  serait  arrivé  à  modifier  son  art  dans 


i'(ii!.M.\ri(i\  i;r  1)é\i:i.()PPi:.mi:\t  m;  i.a  sci  i.i'ii  ni:  (.oiiihji  i;   •.'■;i 

(|nrl([iies  drlails  d'icononraiiliii'  on  de  slylr.  loul  cnrcslanl  fidrlr  aux  [iriii- 
cipes  essenliids  (iiii  élaienl  pour  l'art  français  du  Xoid  coninic  des  carac- 
lèros  de  race? 

Coniposirlle  s"(''lail  (■lc\(''c  dans  la  seconde  nioilii''  du  mi'  siècle  au 
rang  d'une  capitale  de  la  chrétienti''  latine.  La  "  ville  apostoli(pic  » 
d'Espagne  était  alors  Lien  plus  brillante  el  plus  vivante  que  la  ville  des 
papes.  Elle  était,  en  même  temps  qu'une  ville  sainte,  la  «  ville  très  excel- 
lente et  fertile  en  toutes  délices  ».  Ses  trouvères  interprétaient  des  thèmes 
de  In  |io(''sie  française  dans  le  dialecte  galieien.  \a-  ('inniducro  (iiillciin  i\r 
la  |jil)liolliè(pie  du  N'aliean  est  contemporain  ilu  l'orli(pic  de  la  (  doire.  Les 
Prophètes  qui  sont  rangés  à  l'entrée  des  portails  de  l'église  de  Sainl- 
Jacques  figuraient  dans  des  représentations  de  drames  liturgicjues.  Les 
instruments  bizarres  dont  les  Rois  de  l'Apocalypse  jouent,  seuls  ou  deux  à 
deux,  sont  ceux  dont  jouaient  en  Galice  les  noides  pour  lesfpiels  il  ('tait  de 
luode  au  xii"  siècle  d'être  musicien. 

Au  temps  où  la  Galice  a  possède''  une  lilléi'alure  el  une  musi(|ue.  pou- 
vait-elle produire  l'artiste  (pii  a  conçu  et  exccuti''  le  porche  de  la  calh('- 
drale?  Il  (''lait  facile  aux  poètes  galiciiMis  de  connaître  les  ('q)opées  el  les 
chansons  de  langue  d'oïl  ou  de  langue  doc  par  les  F'rancais  (pu  \cuaieiil 
en  pèlerinage.  Pour  eonslruire  un  monument  d'architecture  et  de  seid- 
pture  françaises  aussi  st)lide  el  aussi  vixarit  que  le  Porti([ue  de  la  Gloire, 
il  fallait,  non  seulement  avoir  \u  des  (■glises  de  France,  mais  a\  oir 
travaillé  dans  un  chantier  français. 

liien  ne  peruiel  de  croire  qu'un  Espagnol  ait  été  employé  au 
xu'  su'_'cle  à  la  d<''e(U'atioii  d'égliso  telles  (pie  les  cathc'drales  de  (Ihartrcs 
ou  de  Bourges.  Il  est  certain  au  contraire  que,  pendant  t(jut  le  siècle,  les 
Français,  marchands  ou  pèlerins,  ont  afllin''  à  Gompostelle.  Maître  Mathieu 
('■tait  sans  doute  l'un  de  ces  étrangers.  (  )u  sait  (pi'il  v('cut  à  Gompostelle  de 
1  KiS  à  1  IS.".  .M(''uie  si  l'on  suppose  ipic  pendant  ce  temps  il  retourna  quel- 
quefois dans  sa  patrie,  pour  revenir  l)ieid(M  à  son  œuvre,  il  fut  attaelu'' 
assez  longtemps  aux  travaux  de  Gompostelle  pour  qu'il  soit  facile 
d'expliquer  la  présence  des  archa'ismes  et  des  <>  provincialismcs  »  par 
les(pi(ds  le  porche  de  Gompostelle  diffère  des  pures  œuvres  françaises. 

Il  en  diffère  encore  par  des  caractères  plus  profonds.  Xi  les  sculpteurs 
«  romans  »  de  Chartres,  ni  ceux  de  Bourges  n'ont  eu  la  puissance  drama- 
tique et  le  souflle  épique  du  maître  qui  posa  en  1  LS.")  les  linteaux  du  grand 
porlail  de  Gompostelle.  Le  Portique  de  la  Gloire  reste  en  son  temps  une 
œ-uvre  unique.  Son  auteur  est,  parmi  les  très  rares  artistes  du  moyen  j^gc 
dont  le  nom  nous  est  connu,  l'un  de  ceux  qui  ont  les  droits  les  plus  incon- 
testables au  titre  de  ci(''aleur  et  d'homme  de  g('nie.  Par  hs  combinaisons 
d'arts  différents  (pi'il  a  r(''alis(''es.  par  le  sens  de  la  beauté  plastifpieet  de 
l'expi-es^ion  poéli(pie  (pi'il  a  po»t''il('-.  |iai-  le  uiysl(''re  uiènie  (pu  envclop[)e 


'ii->  iiisroii!!':  1)1';  i.Ar.r 

SCS  ()i'ii;iiirs,  Ir  iiinilrc  du  porclic  ilc  (l(iin|i(>sl('llc  l'ail  [leiiscr  au  sculplcur 
ilalieu  ([ui,  plus  d'un  deini-sièclc  aprrs  lui,  siijfncra  la  cdiairctlu  Baplislri'c 
de  l'isc.  IMatlrc  Malliicu  csl  I(^  Nicola  l'isauo  d(^  llÙM'opc  occidcnlalc. 

L\  sci'Li'irKii  EN  Galick  Ai'iŒS  jiMiBE  Maiuiku.  —  Tous  les  ('Irmeuls 
\  ilaux  de  l'arl  qui  devait  s'épanouir  pendant  le  xui'  siècle  siir  les  l'açades 
des  callicdrales  de  France  claient  réunis,  à  la  (in  du  xn''  siècle,  dans  la 
décoration  du  ii'rand  porche  de  la  calliédrale  de  Gompostelle.  Si  celle 
(cu\  re  d  un  arli^le  de  g(''nie  a\ail  ('■!('■  une  cr(''alion  espagnole,  elle  aui'ail 
pu  susciter  en  Espagne  une  sculpture  monumentale  qui  se  fût  dévelop})ée 
])arallèlcnient  à  la  sculplurc  française,  sans  se  confondre  avec  elle.  11  est 
ccriain  ([ue  uiaîlre  Malliieu  fil  école  à  ( lompostelle.  Ses  disciples  immé- 
diats onl  décore''  la  grande  salle  du  })alais  arcliiépiscopal  qui  fut  l)àli  dans 
les  ]u-cnnères  années  du  xni''  siècle  à  côté  de  la  calliédrale  cl  au  nortl 
du  iHiu\eau  porche.  C'est  une  salle  de  festins,  préparée  pour  les  récep- 
lidus  d'un  prélat  opulent  et  magnifique.  Les  consoles  sculptées  qui 
j)ortent  les  larges  arceaux  des  voûtes  d'ogives  représentent  soit  des  anges 
chanlanis,  soit  des  musiciens  semblables  aux  rois  qui  forment  à  l'entrée 
t\c  IV'glisc  \oisine  leur  solennel  concert,  soit  des  scènes  de  repas.  La 
salle  avait  elle-m("'me  un  véritable  por(die,  donl  il  reste  Irois  statues. 

In  artiste  du  même  atelier  l'ut  appelé  à  Orense.  La  cathédrale  de 
celte  ville  avait  été  bàlie  sm'  un  plan  prestiuc  identique  à  celui  de  la 
cathédrale  de  Gompostelle.  Le  |iorch(^  qui  fut  éle\é  devant  la  façade  au 
milieu  du  xiii''  siècle  reproduisit  l'orl  exactement  le  "  Poiliipie  de  la 
(iloire  i>.  1/iconographie  des  statues  cl  des  bas-relie'fs  est  la  même  dans 
les  deux  monuments.  11  ne  manque  à  Orense  que  le  (Ihrisl  colossal  :  ]r. 
tympan  du  portail  central  a  été  complèlemenl  transformé  à  l'époque  de 
la  Renaissance.  Les  proportions  de  loutes  les  ligures  sont  |dus  petites 
(pi'à  ('ompostelle,  les  formes  plus  lourdes  et  plus  étriquées. 

Au  temps  même  où  le  porche  de  la  cathédrale  d'Orensc  (''tait  eu  cou- 
sh-uction.  des  innuences  étrangères  (jui  restaient  inconnues  de  maiti'e 
.Mathieu  pénétrèrent  en  Galice.  La  cathédrale  de  Tuy,  petite  ville  de 
Galice  élevée  au  bord  du  IMino  et  toute  proche  de  la  frontière  du  Portugal, 
avait  été  commencée  à  la  fin  du  xii''  siècle  et  consacrée  par  l'évêquc  Esté- 
ban  Egea  avant  Liôo.  Son  portail  remonte  au  premier  quart  du  xiii'  siècle. 
Les  statues  adossées  aux  colonnes  ne  ressemblent  que  de  loin  à  celles  du 
porche  de  Gompostelle  :  elles  ont  des  proportions  moins  vigoureuses  et 
plus  élancées.  Les  arclii\oltes  couvertes  de  rinceaux  et  de  rosaces 
rappellent  la  décoration  bourguignonne  du  ]iortail  de  San  N'icenle 
d'Avila.  Les  groupes  disposés  sur  le  linteau  cL  le  tympan  sont  séparés 
l)ar  des  motifs  d'architecture  à  tourelles.  Ils  représentent  l'Adoration  des 
Beigers  et  l'.Kdoralion   des   ÎMages.    Les   bas-reliefs   du   portail   de   Tuy 


[■■()i!.\[ATi(i.\  i;i-  i)i;\  KL()i'i'i:.\ii;.\T  di:  i.a  sc.i  i.prrni':  coiiiioii-;   'jt:. 

rappt'llenl  \r,\v  ric()no<ira|)liic  dos  sornos,  cf)miiio  pnr  hi  sillioin  llr  des 
liLiiirincs.  \t^  |)((rl;iil  Sninlr-Aniie  do  Xoire-Dame  de  Paris  d  li-  porlail 
cciilral  (le  la  cjd  li(''di'ali'  i\i'  Latin.  f|ui  soal  de  niriiic  cnnsarrt's  à  la  i:I(iii-(' 
de  la  \icr,<2:c  cl  i\r  l'I-lnranl. 

Les  leçons  du  sciilpiciu'  incdiiiiii  de  Iny  el  celles  d(;  iiiailre  Malliieu 
ont  été  combinées  par  un  arlisan  loral  dans  la  décoralion  du  portail  d(^ 
l'église  de  Sanfa  Maria,  à  la  (  lorogne  Ciiriiùin  :  au-dcs>us  de  la  scène  de 
l'Adoration  des  ^Nlages  sont  rangés  les  rois  musiciens,  réduits  au  noinitrc 
de  onze.  Ces  figurines  sont  d'informes  fantoches.  Les  représenlalions  d(" 
l'Adoration  des  Mages  qui  ont  été  répétées  au  xni"  cl  au  mv'  siè(de  sur  les 
portails  de  plusieurs  églises  de  Galice  ne  soni  pas  nmins  grossières.  Les 
statues  adossées,  comme  celles  qui  décorent  le  porlail  de  l'église  de  San- 
tiago à  la  Corogne,  sont,  après  l'ioO,  des  exceptions.  I,a  sculpture  gali- 
cienne fait  rcidur  à  la  Iradilinn  rnnianc. 

Cependanl,  lorstpn'  les  arlistcs  incaux  rcdc\inri'nl  capaldcs  d'cnlrc- 
prcndrc  une  oeuvre  imjioi-tantc  de  scidptui'c  monumcnlalc.  le  poi'ciic  élevé 
à  la  lin  du  \\\"  siècle  devant  la  basiliipie  de  saint  Jacques  s'oH'ril  à  eux 
connue  un  uu)dèle  toujours  fécond.  11  lut  imité  avec  ses  détails  les  plus 
caractéristiques  —  monstres  du  soubassement,  statues  debout  sur  des 
colonnes  liasses,  rois  musiciens  rangés  sur  l'archivolte  —  par  le 
sculplciu'  du  porlail  de  San  Martin  de  Noya,  qu'une  inscripli<ui  graM'c 
sur  le  linteau  date  de  rann(''e  1  iôi.  ^Mais  le  porche  que  des  milliers  de 
jièlerins  admiraient  chacpic  année  à  Composli'Ilc  ('■tail  rcsli''  in<-onnu  de-, 
artistes  qui  avaient  tra\ailli''.  depuis  le  conunencenicnl  du  xiii'  siècle 
en  dehors  de  la  Galice. 


La  sculpture  française  en  Espagne  pendant  le  XIII    siècle. 

Lks  GRANDES  c V rui:iii', \i,i:s  m;  ( '. \si k.le  Er  de  Léon.  —  I^e  xni'  siècle 
l'ut  jiour  rEs])agne  chrétienne  une  épotpie  do  gloire  et  de  prospériti'-.  l  iic 
dernière  invasion  umsulmane  est  arrêtée  dans  la  journ(''e  de  Las  .\a\as  de 
'l'olnsa  l'_'l'J  ;  le  royaume  de  Grenade,  seul  dt'bris  i\i'  la  puissance  des 
iididèlcs  fi\  b]spagne,  est  sans  cesse  mcnaci''.  \]n  l'J.'ll  ruiiitui  des  di'ux 
royaumes  de  (laslille  cl  )\i'  Léon  est  accouqilic  jiar  le  roi  i^'crdiiuiiid.  I  les 
cathédrales  plus  grand(!s  ipu;  celle  de  Gompostellc  s'élèvent  dans  les  ca|)i- 
tales  de  ces  deux  royaumes,  à  Bui'goset  à  Léon.  Les  souvei-ains  président 
;'i  leur  fondation. 

('.es  grandes  (■■gliscs  sont  les  Mioiiuiucnts  d'un  art  royal  cl  <'-piscopar 
•  pii  ne  fui  poinl.  par  sc>  |irinci|ics  et  par  ses  l'oi-nics.  un  ail  naiional. 
Les  arcliilecle>  cl  les  ^culplcurs  que  |iou\;iicnl  l'ouiiiir  la  ('.a>tilli'. 
L(''on   ou   les  aulrcs   i-()\aunics  d  l'^sjiagne.   non!    pi-is  |iail    à   la   conslruc- 

T.    II.    —    ")5 


'^Ti  iiisToiiii';  1)1-:  i;ai!T 

tion  cl  à  la  (l(''coralioii  des  callK'di-alcs  de  l)iii-g(»s  el  de  L(''()n  que  comiiie 
des  aides  ou  des  nianonivres  soumis  à  des  uiaili-es  d'uMnre  venus  de 
l'élranger. 

Les  rapporls  de  la  (laslille  avec  la  France  ('laienl  devenus  de  \Ai\s  en 
plus  élroils  à  la  suite  dit  mariage  tie  l'inl'anlc  Blanche  avec  le  prince  qui 
devait  elrc  le  roi  Louis  N'III  el  le  père  de  saint  Louis.  Les  entreprises 
artistiques,  après  les  cxjiédilions  mililaires,  attirèrent  un  nouvel  afflux  de 
Français.  Il  y  avait  ]iarnii  eux,  non  plus  des  (•omniunaul(''s  de  moines, 
comme  celles  qui  avaient  passé  les  Pyrénées  un  siè(lr  aiqiai-avani,  mais 
des  chevaliers  et  îles  marchands  qui  s'élablirenl  dans  les  r^/.s////as- et  les 
jiohiiicloiii'x,  et  des  artistes  voyageurs  que  les  évèques  et  les  rois  atta- 
chèrent à  Fceuvrc  de  leurs  ealhi'di-ales. 

Celle  de  Burgos  lut  commencée  eu  FilM.  L'église,  fondée  sur  le  jire- 
mier  gradin  du  rocher  fauve  et  nu  qui  poi-lail  la  ciladelle,  a  les  arcs- 
boutants,  les  pinacles  aigus,  les  toui-s  puissantes  d'une  église  de  l'Ile-de- 
Francc.  Il  manque  à  la  ii(  hcsse  d(>  sa  façade  les  sculptures  des  trois 
portails,  dont  l'ébrasement  esl  i-esh'  nu.  Les  deux  portails  ouverts  aux 
extrémités  opposées  du  transepi  oui  peu  soulfeil  des  restaurations  du 
xvi''  siècle.  Celui  du  nddi,  appeh''  |inrl;nl  du  Saniimldl  ' ^niiiraiiiciihil  ?) 
apparaît  en  haut  d'un  escalier  majestueux  ([ui  moule  de  la  ville  à  la 
calhédrale. 

Les  lignes  simples  de  l'arc  hiteclure,  les  masses  clairement  distri- 
l)uées  de  la  sculpture,  hi  puissance  du  lelief,  la  largeur  des  draperies,  la 
beauté  sévère  des  ty])i's,  loul,  jusqu'aux  feuillages  des  chapiteau.x,  mani- 
fcsle  lintervention  d'un  mailre  ^(■nu  de  I^'rancc,  et  probablement  de  Tlle- 
de-b"rance.  Le  motif  central  du  lynq)an  —  le  Chi'ist  gloi'ieux  entre  les 
cpiaire  syndioles  des  Lvangélisles  —  avait  élé  reproduit  déjà  sur  les 
]iorlails  des  églises  romanes  d'Esjiagne.  Mais  sur  le  portail  di^  Burgos  les 
Fvangélistes  eux-mêmes  sont  présents  à  côté  des  animaux  mystérieux.  Le 
grou[)e  ainsi  forme  n'a  pas  trouve  place  dans  la  décoration  extérieure 
des  grandes  cathédrales  de  l'rance.  Il  était  connu  cependant  des  scul- 
pteurs de  la  région  parisienne  :  on  le  dislingue  sur  le  portail  malheureu- 
sement mutilé  de  DonniMuaiie-en-Montois  (Seine-el-IMarne). 

Par  le  style  des  statues'  et  des  figurines,  le  portail  du  Sarmcntal  est 
l'égal  des  plus  fameux  poilails  tIe  France.  L'assembhh'  des  Apôtres  rangés 
aux  pieds  du  Christ  a  la  majesté  du  groupe  des  Prophètes  assis  sur  le 
linteau  du  portail  de  la  ^'ierge,  à  Notre-Dame  de  Paris.  Le  saintJacques 
debout,  appuyé  des  deux  mains  sui-  son  haut  bâton,  enveloppé  dans  son 
manteau  à  plis  droits,  ne  lessemhle  plus  à  l'apôtre  assis  à  l'entrée  de  la 
cathédrale  de  Compostelle  connue  le  dieu  que  venaient  prier  les  pèlerins. 

I.  (tualre  d'onU'c  elles  oui  clé  relnitcç  au  xvr  siècle. 


Foii.MA'riox  \:t  I)i:\  i:i.»)I>I'i:mi;i\t  ni-:  i..v  scni.PTrui-:  coiiiinn;   ->-,:< 

Prc'L  à  marcher,  il  reg-arde  au  loin,  avcr  un  calme  1i('t()Ï([U(\  la  li'rrc  (|u'il 
doit  conquérir  au  Chrisl.  A  cùlé  de  ces  statues  monumentales,  les  ligu- 
riiies  du  tympan,  les  statuettes  des  archivoltes,  détaillées  par  un  Iravail 
précieux,  oITrcnt  le  spectacle  de  la  variété  la  plus  vivanle.  Les  Évangé- 
lisles,  assis  sur  des  chaires  basses  devant  leur  pupitre  de  scribe,  soni 
coilles  (lu  chaperon  des  marchands.  (]'oM   à  jn-ine    si  quelques-uns  des 


rois  musiciens  de  rarchivolie.  plus  Irapns  et  plus  lourds  ((ue  leuis  \(ii- 
sins,  trahissent  la  collaboration  d'un  disciple  local  du  maiire  Iranrais. 

Le  portail  qui  l'ail  pendani  à  celni-ci  sni- la  i'a(;ade  oppos(''e  du  IransepI 
s'ouvre  beaucoup  plus  haut.  De  ci^  i-ù\r,  le  niurlal('i-ald(!  la  net  s'adossail  à 
un  premier  ressaut  du  rocher,  avani  de  iiionl  rr  à  l'air  libre.  Pour  alleindre 
le  portail  nord,  de  TiuliM-ieur  de  l'église,  il  l'aul  gravir  encore  aujourd'hui 
l'escalier  à  rampes  de  i'er  l'oi-gi''  (|ui  est  l'une  des  nier\eilles  de  la  Renais- 
sance espagnole.  L'enln'-e  es!  de  idain-pied  sni'  la  l'ue  ('•Iroilr  qui    Inngi'  la 


-21  r<  iiisruiiii';  ni:  i;\I!T 

t'alli(Mlri\lc,  cl  le  recul  manque  pour  aipprécicr  l'ellel  irenseuilile  du  ]i(irlail. 
L'arcliilecture,  la  disposition  des  slalues  cl  des  i-elicls,  le  slyle  de  l'crMui-c 
rappollenl  direetenienl  le  portail  du  midi.  Les  dou/.r  A|inlres  son!  dehoul. 
.six  par  six.  enlic  les  colonnetles  qui  s'alignenl  dipuis  la  iiaie  de  leiiliée 
jusqu'aux  deux  conlrel'orls  angulaires  du  li-ansi;pl.  Le  un  il  il'  ((iilial  est 
lin  Jugement  dernier. 

Dans  le  sc'^jour  des  Bienheureux,  nn  nmiiir  Iruaiil  une  charte  et  un 
évèque  (déca})ité)  s'avancent  vers  un  roi  el  une  leine.  (l'est  F'erilinand  de 
(lastille  et  Béati'ix  de  Souahe,  i-eprésentés  proliahlenient  de  leur  \ivanl, 
el  admis  d'a\ance  parmi  les  élus  pour  leur  ]ii(''t(''  el  h'ur  génc'-rctsilé.  La  vie 
contemporaine  esl  unie  par  le  seulpjrnr  à  la  \ic  i-(''leslr.  La  reine  \(Mue 
d'une  tunique  droite  à  ceinture  flottante  porte  une  coilTure  tout  espagnole, 
une  sorte  de  tiare  flanquée  de  deux  énormes  torsades,  qui  ressemhle  élran- 
i;euienl  à  la  |ianire  du  linsle  gréco-ibérique  lr()u\(''à  I'HcIk''. 

La  "  poih;  liaule  'i  tlu  transept  est  menliouni''e  sous  le  nom  de  l'orte 
<les  Apôtres  dans  luic  donation  d'Alphonse  X,  datée  de  12'û .  La  poi'te  (pii 
donne  accès  tlu  bras  méridional  du  liansept  dans  le  cloître  esl  certaine- 
ment postérieure  ii  cette  date.  L'archilrelure  des  niches  dont  le  dais 
lourde  abrite  les  statues  esl  plus  complic[uée  et  plus  chargée  de  détails. 
Les  feuillages  des  chapiteaux  el  des  archivoltes  sont  plus  menus  et  plus 
dentelés.  Les  surfaces  cpii  resleni  nues  sui'  Ir  souliassemenl  l'I  le  linleau 
ont  été  couvertes  d'un  damier  écaileh- aux  arnu's  de  C.aslille  et  de  Lc'on. 
Les  statues  ont  jieiilu  leur  rigidité  uKinumentale  :  le  roi  I)a\id  penche  le 
col  et  le  front  comme  la  \'iej-gc  de  l'Annonciation. 

Cependant  la  porte  du  cloître  esl  certainement  une  onnre  du 
xiu'  siècle.  Le  prophète  placé  à  côté  de  David  esl  moins  frisé  que  les 
Apôlres  de  la  Sainte-Cluqielle  de  Paris.  Le  bas-rclicf  du  lympan,  qui 
représente  le  Baptême  du  C.lnisl,  oppose  des  groupes  symétriques.  Les 
figurines  de  ce  lias-relief,  celles  des  Prophètes  et  des  Hois  de  Juda  assis 
sous  les  niches  de  l'archivolte,  n'ont  encore  ni  les  alliludes  conlournées, 
ni  les  expressions  coquettes  que  jircndronl  les  slaluetles  du  xiv''  siècle. 
Les  visages  sont  mâles  et  tiers,  les  drajieries  simples  et  droites.  Le  scul- 
]i|rui-.  piubablenirnl  \rnii  de  h'i'aiice.  appartient  à  la  génération  (pii 
suivit  celle  de^  premiers  sculjileurs  de  la  cath(''drale.  Sans  doute  il 
n'existe  en  France  aucun  portail  qui  puisse  passer  pour  le  prototype  de 
la  petite  porte  de  Bui'gos;  mais  les  mêmes  caractères  se  relrouvcnl  dans 
quelques  morceaux  de  sculpture  française  qui,  comme  les  orfèvreries  des 
sanctuaires,  étaient  destinés  à  être  vus  dans  la  lumière  tamisée  par  les 
vitraux  el  ne  devaient  pas  être  exposés  aux  inlenqiéries.  Tels  sont  les 
fragments  du  jubé  de  (Jiartres.  le^  relirl's  (|ui  d(''C()i'enl  la  l'acadi;  de  la 
cathédrale  de  Reims,  sur  la  paroi  (pii  regarde  la  nef,  les  Apôtres  de  la 
Sainte-Chapelle  de  Paris.  Comme  ces  bas-reliefs  et  ces  statues,  la  petite 


loRMATioN  i:t  I)i:\  i;i.(>i'1'i:.mi:xt  dk  la  sci  i.i'ii  lu:  (.oiiiioi  i-;   rr» 

porli'  de  fîiirgos  csl,  il;uis  l'art  religieux  du  xiii'  sirele,  un  eliel'-dd'uvre  de 

la  sciiljiliirc  il' inirricii r. 

!.!■  rldilii-  aii(|ncl  crllc  |Mirlr  doiiiiail  arers  x'uiiiie   avoii'  élé  ajoulé  à 


riMlilicc  de  la  (•alli<''dralr  dans  Ir  drrnirr  (|nail  du  xiii  sirele.  ('.'est  une 
<_'()nstruetion  à  deux  i-lagi^s.  l/élagc  iidV'iicui- dr-  |inili(|urs  Inrun'  un  \rn- 
lahle  soulnisseaiiMil .  (|ui  a  la  uième  haulrur  (pu'  j'escalirr  de  la  |MU'le 
<lu  Siiniiciiliil  <■{  ({in  (■•li'Ne  le  |ia\iauenl  de  l'élage  supiM-ieur  au   niveau  du 


L'7s  iiisToiiii-:  nr:  i. aut 

iiiMdin  (le  roclier  qui  porLc  réi^lise.  Le  cloîli'c  liuul  a  élé  seul  décoré.  Pcn- 
(liiiil  le  cours  du  xiv'  siècle,  des  chapelles  ont  été  ajoutées  et  des  portails 
nouveaux  sculptés  sur  la  l'ace  orienialc  ;  au  \\'  sièele,  les  tombeaux  se  sont 
niuUipliés  le  long  des  |)arois;  mais  une  s(''iie  de  slaiues,  les  unes  adossées 
aux  gros  piliers  qui  marquent  les  angles  intérieurs  des  portiques  voûtés, 
les  autres  debout  contre  les  parois  et  montées  sur  des  consoles  ornées  de 
l'euillages,  apparticnnenl  au  xiii'  siècle.  La  plupart  |>()rlenl  la  couronne 
royale.  Les  trois  Mages  sont  rangés  en  pr(''sence  de  la  V'icrge  et  de 
l'Enfant  Jésus  devant  l'un  des  piliei's  d'angle.  Ouaire  princes  représentés 
comme  de  tout  jeunes  gens,  à  l'extrémité  opposée  de  la  même  colonnade, 
ne  sont  point  des  personnages  de  l'histoire  biblique  ou  évangéliquc  :  ils 
semblent  former  un  groupe  a\ec  un  l'oi  et  une  reine  placés  sur  des  con- 
soles, en  face  d'eux. 

Les  historiens  espagnols  de  la  calhédrale  de  Burgos  s'accorderd  à 
reconnaître  dans  le  l'oi  el  la  reine  du  cloître  les  fondateurs  de  l'église, 
Ferdinand  et  Bcalrix,  (h'jà  repn''senl('s  sui-  le  linteau  du  poi'lail  septen- 
trional du  transept.  Mais  si  les  visages  faiblement  caractérisés  peuvent 
donner  l'illusion  d'une  ressemblance  entre  les  figurines  du  portail  et  les 
statues  du  cloître,  les  détails  du  costume  et  le  style  des  draperies  sont 
difl'érents.  Les  deux  statues  royales  ont  été,  comme  celles  des  princes 
qui  leur  font  face,  exécutées  pour  le  cloître,  et  la  construction  de  ce 
cloître,  à  en  juger  par  tous  les  détails  d'architecture,  ne  fut  commencée 
qu'après  la  mort  du  saint  roi  ('l'252).  Le  roi  de  Castille  représenté  dans  le 
cloître  est,  selon  toute  vraisemldance,  le  fils  de  Ferdinand,  Alphonse  le 
Savant.  Il  porte  sous  un  manteau  à  la  française,  pareil  i")  ceux  des  rois  de 
Saint-Denis,  une  tunique  à  manches  ('■ti'oites  et  un  surcol  sans  manches, 
collant  au  torse,  dont  la  coupe  était  inconnue  en  France.  La  reine  à 
laquelle  le  roi  do  (lastille  présente  l'anneau,  symljoh^  de  leur  union,  porte 
un  manteau  de  même  forme  et  un  surcot  plus  échancré.  Elle  est  coiffée 
d'une  sorte  de  tiare  en  toile  plissée  très  fin  et  retenue  par  une  menton- 
nière de  même  étoffe  qui  forme  guimpe  autour  du  visage  souriant.  Cette 
coiffure  tout  espagnole,  qui  fait  penser,  elle  aussi,  aux  tiares  des  sta- 
tiii'ttes  ibériques,  est  celle  qu.i  se  trouve  le  plus  fr(''queniment  représcnt('e 
dans  les  miniatures  d'un  uianuscril  compose''  par  le  roi  Alptionseet  enlu- 
miné pour  lui  à  S(''\  ille  entre  L275  et  ['■IHi,  le  fammix  exemplaire  des  Ccin- 
lifjas  (Ici  reii  sahio  qui  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  l'Escurial.  La  reine 
de  Burgos  doit  être  la  feuime  tlu  roi  savant,  \'iolante  d'Aragon.  Alphonse 
l'épousa  en  12i!)  ;  il  en  rut  cin(|  lils.  L'aîné  île  ceux-ci,  don  Ferdinand,  est 
très  probablement  le  prince  représenté  dans  le  cloître  de  Burgos  par  une 
statue  isolée,  comme  l'héritier  de  la  couronne.  Les  quatre  princes  réunis 
en  groupe  seraient  les  autres  inl'anls.  Don  Fei'dinand  mourut  en  127ù. 
On    sait  comment   ses  tils,  les  '■  infants  de   la  (lei'da  ",  furent  d(''possédés 


FORMATKiX  ET   DHVI'l.OPl'K.MKNT   DK   LA  SCULPTIRE  (iOTHIOl  E     'J7 


(le  leurs  droils  éxcnlueis  à  la  eoiiruime  de  Caslille  par  leur  (uiele,  l'inrauL 
don  Snnclio.  Si  les  statues  royales  du  chuTre  de  Burgos  représenlenl 
Alphonse  de  Caslille,  MolanLe  d'Aragon  e|  leurs  cinq  fils,  ces  statues  ne 
peuvent  être  poslérieuscs  à  127o.  Les  infants  étaient  alors  des  jeunes 
gens  de  quinze  à  vingt-cinq  ans,  tels  que  le  sculpteur  les  l'eprésenle.  La 
date  approximative  de  l'JTo  concorderait  avec  le  slyle  tli's  statues.  Les 
infants  du  cloître  ressend)lenl  de  ti'ès  près  aux  statues  de  rois  qui  sont 
rangées  sur  la  façade  principale  de  la  cathédrale  de  Burgos  et  sur  celles 
des  lranse])ls,  enlr(^  les  cohinni'Ucs  tles  galeries  hautes  ([ui  ont  été  ajou- 
tées dans  la  seconde  moitié  du  xiii'  siè- 
cle. L'allure  élégante  de  ces  princes  et 
de  ces  rois,  leur  long  col,  leur  épaisse 
chevelure,  les  gestes  nonchalants  de  la 
main  qui  joue  avec  la  lanière  destinée  à 
retenir,  en  passant  sur  la  poitrine,  le 
manteau  ii'l(''  sur  les  (''paules,  sont  au- 
tant de  caractères  et  de  détails  qui  font 
penser  aux  statues  de  rois  alignées  sur 
la  façade  de  la  cathédrale  de  Beims.  Il 
semble  que  peu  d'années  après  la  mort 
de  saint  Louis,  l'atelier  formé  autour  de 
la  cathédrale  i-oyale  ait  envoyé  d  un 
côté,  à  Bamberg,  l'artiste  ([ui  a  scul- 
pte la  statue  éipiestre  de  rem]iereur- 
che\alier.  de  laulre,  à  lîuryds,  celui  (pu 
à  scul|)lé  les  statues  des  souverains  et  des 
infants  de  Caslille. 

L'cnsenihie  de  sculpture  monumen- 
tale, dont  plusieurs  artistes  d'origine 
française  ont  décoi'é  pendant  le  xui"  siècle 

la  cathédrale  de  lîurgos.  est  conqilété  par  une  œuvre  très  remarquable 
de  sculpture  funéraire.  C'est  la  statue  gisante  du  fondateur  de  l'édifice, 
l'cvèque  Mauricio,  mort  en  1240.  Elle  est  en  cuivre  repoussé;  les  orfrois 
des  vêlements  pontificaux  (Haient  autrefois  garnis  d'émaux  champlevés, 
diiid  (|nehpu_^s  fragments  sont  xisibles.  Ces  émaux  soid  de  fabrication 
limousine;  il  est  très  [iroliable  (pie  la  statue  de  uiétal  a  ('lé  ell('-m("'me 
commandée  à  Limoges,  ("I  non  e\(''cul(''e  sur  place. 

La  cathédrale  de  Bui-gosne  reufeinie,  en  dehors  de  la  statue  tombale 
de  son  fondateur,  aucun  monument  rnu(''iaire  du  xiii'  siècle,  l'allé  n'a  |)as 
reçu  les  dépouilles  mortelles  des  rois  de  Castille.  C'est  dans  la  calhédi-ale 
de  Séville,  au  coMir  de  l'Andalousie  reconquise,  ipu'  \-oulul  reposer  saint 
Ferdinand.  Mais  une  (''ii-lise  \oisine  de  Buryos  el  !)rdie  a\ant  la  cal  h('di-ale 


lu  loi  et  une  reine  de  Caslille. 
ili;  la  cathi'ilrale  de  Burgos 
iilc  moitié  du  .\iii*  siocle). 


280 


IIISTOIRK  DK  I/AFiT 


de  la  \  illc,  r(''i;lisc  roy;il("  dfs  ci^lcicicnno  de  l,;is  I  lurliias,  rcsia  la  iirci'o- 
polc  de  la  maison  de  ( '.astdlc  srlon  la\<d(inl(''  cxpriiiK'-c  en  II'.I!»  par  son 
fondateur,  Alphonse  N'ill.  l.es  iondieaux  anciens  qui  existent  encore  dans 
la  nef,  séparée  du  transept  par  la  clôture  du  monastère,  sont  couverts  de 
grands  poêles  de  velours  armorié  ;  aucun  laïc  n(^  pnil  enlicr  dans  ce  sanc- 
tuaire et  soulever  ces  voiles,  à  Texcepiion  des  i-ois  el  des  infanis 
d'Espagne.  CependanI  (pi('i(pu's-uns  des  londnaux  de  l.as  llurlgas  soid 
connus  par  des  dessins  ou  des  photographies.  Le  plus  important  csl  celui 
de  la  reine  Doua  Berenguela,  qui  fut,  comme  sa  so'ur  P)Ianclie  de   (las- 


Fio.  iiiri.  —  Tomlirau  de  l;i  rfiiio  llmiii  lioreiii;iicla  (f  124i). 
r.liiE'ur  ilos  iolii;ieiises  du  ukiii.'i^Ii'to  do  I.a^  Ilurdy.i'i.  |iri'S  BurErns. 


tille,  la  lutl'ice  diin  prince  deslin(''  à  (le\cnir  un  saiid  roi.  C'esl  elle  qiu 
conserva  la  coiu-onne  de  (laslille  à  sou  lils  h'ei'diiiaiid  el  lui  m(''nagea  la 
possession  du  royaume  de  Léon.  lieriMiguela  mourui  en  l'iii.  Son  iom- 
Iteau  de  Las  liuelgasfut  comuuiiiih'  par  son  lils.  le  roi  Ferdinand,  ou  par 
son  petit-fils,  Alphonse  X.  ('/est  un  sarcophage  })esanl ,  soutenu  pai'  deux 
lions,  et  dont  le  couvercle,  au  lieu  de  supporte]-  une  statue  gisante,  a  la 
forme  d'un  toit  à  douhle  l'ampant.  (  '.e  lomheau,  de  l'orme  toute  romane,  est 
couvert  de  bas-reliefs  exécul(''s  dans  le  style  français  du  nulieudu  xui'  siècle  : 
sur  le  couvercle,  des  scènes  de  l'Lx  angile  de  l'Iud'auce.  depnis  l'Annon- 
ciation jusqu'à  la  Fuite  en  Fgypte  ;  sur  la  face  ant(''i-ieiire  de  la  cuve, 
l'Adoration  des  Mages  et  le  Massacre  des  Innocents  ;  sur  l'une  des  faces 
latérales,  le  Couronnement  de  la  Vierge.  Les  personnages  sont  trapus,  les 


l'oHMATinx  i;i-  i)K\  i;i.()i'i'i;.\ii;\i'  DK  i.A  SCI  i.i'Ti  11I-;  (ioniioi  I-;    'isi 


Irait.s  de  la  Vicrgo  (liirciiirnl  acfenlu(''s.  !.<'  sciil|il<'ui-  iicsl  pas  l'un  des 
maîtres  français  occu|>(''s  aux  lra\au\  ilc  la  callKMlralc  dr  liursi'ds,  mais 
([ui'lque  disciple  ("s[)ait'iu)l  de  t'es  maîlres. 

Les  artistes  locaux  qui  s'étaient  assimilé  les  leçons  des  sculpteurs 
étrangers  firent  connaître  le  style  nouveau  en  dehors  de  Burgos.  Le  j)or- 
tail  de  Téglise  de  SasauKui,  bourgade  perdue  à  vingl  milles  de  l')urgos 
MM's  l'ouesl.  et  (pii  avail  rang  (rév('ché 
au  xiu'  siècle,  est  une  copie  alourdie 
du  portail  du  Sariiicnhil.  ^'ers  1245,  le 
chancelier  de  Ferdinand,  don  Juan, 
archevêque  de  Burgos,  lit  reconstruire 
la  cathédrale  de  Burgo  de  Osma.  doul 
il  avait  été  évéque.  Le  portail  piiuci- 
pal  de  cette  é;^lise  a  C()iiserv(''.  maigri' 
les  resiauralions  du  x\  i'  siècle  el  les 
mutilations  du  xix' ,  plusieurs  statues 
et  bas-reliet's  du  xiii''  (Moïse  avec  le 
serpent  d'airain,  l'Annonciation,  la 
MorI  (Ir  la  \"i('rge\  \(''ritables  traduc- 
tions de  l'art  IVaiiçais  dans  un  dialecte 
casiillan  duiit  la  rudesse  ne  man(|ur 
pas  de  lirrir-. 

La  (';dlii''di'ali'  de  Léon  avait  él('' 
l'ondée  quelques  années  avant  celle  de 
Burgos;  mais  les  travaux  a\ancèreiil 
lentement.  Lorsque  (pie  le  lox  aume  de 
Léon  fut  réuni  à  la  (laslille,  en  l'27)i), 
sa  capitale  perdit  le  rang  de  résidence 
royale.  Elh^  ne  retrouva  une  ]irosp(''ril('' 
passagère  que  >nus  le>  l'ègnes  d'Al- 
jdionse  X  el  de  Sancho  IV,  dans  le 
dernier  (piarl  du  xiii''  siècle.  C'est 
alol's  (pie  |iai';iil  a\(iir  (''!('■  e\(''eill(''e,  en 
l'espace    (le    (piehpies    aiiiK'es.    la    (h'Cdi'al  ioli   sculph''!'    de   la   ('alli(''(lra]e. 

Le  Iransejil  ni(''ridi()iial  de  la  cal  liédrale  de  Léon  a  trois  portails, 
r.eliii  du  milieu  est  une  c()pi(^'  de  la  }iorle  du  Sdniicuhtl,  (pii  occupai!  la 
iiK'iiie  place  dans  la  calh(''drale  de  Burgos;  dans  le  d('lail.  ioul  esl  plus 
nieiiii.  plus  gi(''le.  plus  décou})é.  Les  porles  latérales  qui  llampienl  ce 
porlail  son!  niulih-es  et  insignifiantes.  Ouant  aux  portails  du  Iraiisepl  nord, 
celui  (In  milieu  >'esl  seul  coiir^erNé  iiilacl  cl  resie  à  peine  visihle  dans 
l'omlire  dune  cll.ipelle  (■•|e\('e  ,'IU  Xl\*    si(''e|e  eiilre  la  calliédrale  et  le   iiou- 

\eau  (■i(jilr('  :  il  esl  pres(pi('  i(l('iili(|iie  an  p(nlail  d idi. 

T.   M.   —  50 


rliol.  lie  n.  J.  Olalrai  I 

Fk;.  -Jll.  —  l'di-l.iil  (le  la  (^allx-dcalc 

(le  lliir-o  ,1<^  O-iii.i     xrir    ^\(-r\('^. 


^S2 


HISTOIRE  DE  L'ART 


Le  porche  élevé  devaiil  la  Ibcnde  juinciiialc  de  la  calhédiaie  est 
directement  imité  (rune  église  de  France,  la  cathédrale  de  Chartres.  Le 
rapprochement  a  été  fait  ponr  la  première  lois  par  M.  Enlart  :  il  est  frap- 
pant. Les  tympans  des  portails  qui  donnent  accès  dans  les  nefs  latérales 
sont  consacrés  à  la  gloire  de  la  Vierge  Marie,  patronne  de  la  cathédrale. 
A  gauche,  Marie  est  étendue  sur  le  lit  de  la  Nativité.  Une  série  de 
groupes,  la  Visitation,  l'Annonciation  aux  bergers,  l'Adoration  des 
Mages,  la  Fuite  en  Egypte,  le   Massacre  des  hinocents,  rem]ilissent    le 


—  La  Miirl  cl  le-  CoiiidiiiLcmeiil  ilc  la  N  ieriic.  Tyiiipaii  il'iin  porlail 
latéial  du  poi-clie  de  In  calliéilrale  de  Léon  (lin  du  xiir  siècle). 


tympan.  Adroite,  la  Mère  de  Dieu  esl  couchée  sur  son  lit  de  mort,  au 
milieu  des  Apôtres;  le  groupe  supérieur  est  le  Couronnement  de  la 
Vierge.  Le  porlail  central  glorilie  le  Christ  dans  la  vision  du  Jugement 
dernier. 

Les  ligurines  de  ces  tympans  et  celles  des  archivoltes  n'ont  plus  la 
simplicité  solennelle  des  sculjitures  des  porches  de  Chartres.  Les  têtes 
petites,  les  corps  élégants  et  minces,  les  costumes  à  la  dernière  mode 
ra|ipellent  les  acteurs  insouciants  et  enfantins  du  .lugemenl  dernier  de 
r>ourges.  Le  moyen  âge  n'a  pas  laiss('-  d'oMnre  ]ilus  souriante  et  ])lus 
ex((uise  (pie  le  groupe  des  ('lus  sur  \f  porlail  ccnlral  de  la  (•alh(''drale  de 
Léon.  Un  ange  accueille  un  jeune  homme  nu,  qui  vient  de  ressusciter,  et 
l'enveloppe  d'un  geste  amical  dans  le  pan  de  sa  chape.  Les  élus  qui  ont 


l'oiiMATio.N  i:t  Développement  de  la  scrLPnp.E  (.ornini  i-:   -js.' 

repris  les  vèlcniriils  (lu'ils  portaient  de  leur  vivant  ne  sont  i)oint  pressés 
d'entrer  au  Paradis  :  ils  conversent  familièrement,  le  roi  avec  les  hour- 
geois  coiffés  de  leur  capuchon,  tandis  que  des  antjes  entants  jouent  en 
leur  honneur  d'un  orgue  portatif  et  qu'un  autre  ange  bat  la  mesure.  Ces 
mêmes  petits  musiciens,  accompagnés  de  chanteurs  et  de  thuriféraires, 
reprennent  au-dessous  de  la  Nativité,  sur  le  portail  voisin,  leur  concert 
d'enfants  de  chœur. 

L'auteur  de  ces  délicieux  lias-rdicfs  était  sans  donlr  un  Finançais.  11 


•    rmii»«iitMBtBE>a^feaB85as&aesi??a^^^(^ 


Fir,.  ■210.  —  Les  élus  du  ,lut,'<Mi]rnl  ilcrnirr  ;i  l'oiiti'éc  du  P.ii'jnlis. 
Fragment  du  portail  central  de  la  cathédrale  de  Léon  ifin  du  xwr   siècle 


a  vélu  d'ailleurs  ses  élus,  particulièrement  le  roi,  d'un  costume  à  l'espa- 
gnole. Il  a  su  également  prêter  à  une  figure  de  femme  un  charme  qui 
n'était  point  d'une  Française,  lorsqu'il  a  sculpté  pour  le  trumeau  'du 
portail  central  une  statue  de  Vierge.  Celte  statue  est  encore  à  sa  place, 
sous  un  linteau  couvert  de  feuillage  touffu,  ù  l'abri  d'un  dais  qui  repro- 
duit en  miniature  l'abside  de  la  cathédrale,  avec  ses  arcs-boutants.  Toute 
peinte  en  blanc,  l'œil  noir,  les  sourcils  soulignés  au  pinceau,  les  lèvres 
avivées  de  rouge,  Nneslra  Senora  In  Blaiica,  moins  coquette  et  moins 
maniérée  que  la  ^'ierge  doré(;  d'Amiens,  a,  sous  son  fard,  le  charme  jeune 
et  frais  d'une  jolie  iikiJu. 

Les  autres  slalues  des  pnrlails  el  celles  (pii  sont  adossées  aux  piliers 
extérieurs  du  porche  sont  pour  la  plupart  raidesel  giinuiçantes  ;  plusieurs 


liSi 


HISTOIRE  DE  L'ART 


d  enli'c  L'ile.s  ii  «tiil  rir  mises  en  [ilace  (|ir;ni  \iv'  sircir  :  d'aulrcs  oui  (Hé 
refaites  au  xv'  el  ;iu  .wi.  (iellcs  (|iii  remoiileiil  au  .xni'  soûl  probablement 
l'œuvre  d'un  atelier  loeal.  Ot  nlelier  a  iravaillé  dans  la  catbédrale  même 
à  des  tombeaux,  nolammeui  à  celui  de  l'évèque  Martin,  qui  mourut  en 
i'ISi.  Les  Espagnols  qui  faisaieni  partie  de  l'atelier  de  Léon  n'ont  pas 
exercé   leur   talent  dans  d'autres   \  illes    du    loyaume,   eouime   ceux    de 

Rurtios.  (]e|ieiidanl,  c'est  j)rol>abieiueid  de 
Léon  qu'est  venu  le  sculpteur  qui,  \ers  la 
lin  du  xiii'  siècle,  a  été  appelé  successive- 
iiieid  à  Toi'o  et  à  Ciudad-Rodrigo  el  a 
exécute''  jiour  les  cathédrales  de  ces  deux 
^illes  deux  porlails  presque  identiques.  Le 
linlcau  et  li'  tympan  sont  occupés  par  les 
scènes  de  la  ^lort  el  du  Conronneuient  de 
la  \  ierge.  Au-dessus  des  six  ai'cljivoltes 
dont  les  dais  abritent  (_les  ligurines,  une 
arcliixolle  beaucoup  plus  large  est  cou\ crie 
di'  reliefs  dont  la  confusion  bizarre  laisse 
dislini^ner  les  uiolifs  essentiels  dnn  Juge- 
nu'id  diMiiier.  I)ans  la  diMnialiini  de  ces 
porlails,  le  style  IVançais  du  xui'  siècle 
s'est  alourdi  el  raidi  :  il  en  vient  à  rappe- 
ler le  ]iorclie  de  (  lomposlelle. 

Lies  \ii;iiGi:s  1 1;  ancaises  i;n  I'Isi'agm;. 
—  Nombre  d'(''giises  d'I^lspagne  où  les  scul- 
plenrs  des  calli(''drales  n'oul  pas  lra\aillé 
posNedciil  quelque  slaluelle  ou  si  a  lue  de  Irn- 
\ail  ou  di.'  slyle  lV;uu;ais  :  le  jibis  souxeiil 
une  image  de  \  iergi.',  aujourd'liui  pi-es(pii.' 
invisible  sous  les  ^•ctements  de  lirm  arl.  les 
bij(jux  et  les  ex-v'oto.  Huelques-unes  de  ces  \  ierges  ont  élé  dii'i'cleuienl 
envoyées  d'une  ville  frani^aise  (pu  faisait  commerce  d'objets  de  sainteté. 
La  Vinjcn  de  Iliinillot:,  à  la  cathédrale  de  Palencia,  la  Mi-tjcu  de  lu  Vn/a,  à 
San  Esteban  de  Salamanepie,  soni  des  ouvrages  en  cuiv  re  ('•luailli''  de  pro- 
venance limousine.  Les  statuettes  d'ivoire  venaient  probablement  de  Paris. 
Celle  qui  est  vénérée  dans  la  catbédrale  de  Séville  sous  le  nom  de  la  Vii-f/cii 
(le  las  Balallas  jiasse  pour  nu  pr(''seid  de  sain!  Louis  à  saiul  l'"ei-(liiiand.  Le 
ces  Vierges  d'ivoire,  la  plus  charmaule  esl  la  slatuelte  ciuiservée  dans  le 
trésor  de  la  calh(''drale  de  Tob'^de  ;  la  })lus  cui'icuse  est  une  \ierge  ouvrante 
que  possèdent  les  Clarisses  d'Allari/..  en  Galice  :  elle  fui  donnée  à  leur  mo- 
nastère par  la  reine  Dona  Violaule  (pu  y  prit  le  voile  el  y  mourut  en  l^D'i. 


Fit:.  217.  —  Nuestra  Seùora  la  Blanco 
Ciilliùdr-ale  de  LiV>n  (lin  du  .viir  si.-clf 


FORMATION  ET  DENTXdl'l'KMEXT  DE  I.A  SCEEPTIRI':  (lOTIlIOlE    '28:) 

I.a  srrie  la  plus  iiiiporlanle  esl  coinptisrcilc  iii-aiulcs  slalucscn  pierre, 
en  uiarlire  ou  en  bois,  dont  plusieurs  (uil  ilù  «'Ire  seulplées  sur  |iiaee  pai' 
lies  artistes  voyageurs.  Les  })lus  aneiennes  suul  assises.  La  \'ieri;e  ili,' 
Solsona  (Catalogne)  est  une  œuvre  1res  rcuiarquable.  qui  rappelle  à  la 
Ibis,  jiar  le  type,  le  costume  et  la  coifTure,  les  slalues  royales  de  Cor])eil  ; 
par  la  richesse  des  orfrois  et  des  cabochons  en  reliel",  les  sculptures  de 
lécole  toulousaine.  Cette  statue  doit  remonter  à  la  Un  du  xu"  siècle.  Le 
style   sévère   et  monumental   de   la  première   moitié    du    xm'    siècle   esl 


:f-/rfr. 


I  hi   -JlN.—  l'orlail  ilo  la  catlic.lialc  ,1c  1,.,,,  imh    -i. 


représenté  par  des  statues  de  pierre  d'une  exécution  énergique  et  précise, 
comme  la  Merge  de  Santo  Domingo  de  Silos,  ou  d'un  travail  grossier, 
comme  celle  de  N;ijera.  el  par  des  statues  de  bois  grossièrement  enlumi- 
nées, connue  celles  du  cloître  de  Tarragone,  ou  noircies   par  le  temps, 
comme  la  Moiviiiltt  de  l'église  de  l'Encarnacion,  à  \'alence.  Enlin  quel([ues 
statues  de  marbre   sont  des  types  accomplis  de  la  N'ierge,  telle    cpie  la 
représentèrent  les  sculpteurs  français,  vers  la  lin  du  xui'' siècle,  dans  joui 
sa  grâce   de  jeune    mère,  dont  la   coquetterie    se    dépense  en   aiiiiude 
penchées  et  en    sourires  miguards.    Les   ])lus   aimables  de  c(>s  \  ierge 
sont,    en    Espagne,   celle    de    San    .loan    de    le>    Abadesses,    |u-ès    de 
Pyrénées,  celle  du  clio'ur  de    la  (•ilhédrale    de   Tulèdi'.    celle   d'illescas 
Plusieurs  des  \'ierges  \(''nérées  à  Madrid,  entre  autres  la  l'auieuse  \  ierge 


HISTOIRE  DK  I.ART 


d'Atocha,  sont  di'S  slalues  du  plus  pur  slylc  IVnnrais  tlu  xin'  sircle. 
Au  temps  où  des  églises  de  Catalogne,  des  deux  tlaslillcs  et  même 
du  royaume  de  Valence  recevaient  des  souverains  ou  des  fidèles  ces 
statues  dignes  d "être  citées  à  côté  des  Vierges  de  Reims  et  d'Amiens, 
des  artisans  locaux  continuaient  de  tailler  en  bois  des  images  saintes 
qui  conservaient  la  rigidité  du  xn''  siècle.  On  en  peut  voir  toute  une  série 
dans  les  musées  épiscojiaux  de  \  icli  et  de  Lérida.  Ouelques  Vierges  en 

Itois,  revêtues  d'une  chape  d'argent,  sont 
conservées  dans  des  églises  de  Navarre 
(Roncevaux,  cathédrale  de  Panipelune, 
Dicastillo,  —  provenant  d'Hirache,  — 
l  jué,  Sangiiesa)  ;  une  autre,  toute  sem- 
blable et  qui  peut  être  de  provenance 
navarraise,  fait  partie  du  trésor  de  Tolède. 
Toutes  ces  Vierges  vêtues  d'argent  sont 
d'un  style  fort  archaïque.  Il  arriva  aux 
imagiers  espagnols,  tout  en  se  souvenant 
des  œuvres  françaises,  de  prendre  leurs 
modèles  autour  d'eux  et  jusque  dans  les 
l'aces  vaincues.  Le  saint  Jean-Baptiste 
en  bois  peint  conservé  dans  l'église 
d'Albocacer  (province  de  Valence)  est 
le  portrait  d'un  de  ces  Mores  qui  ont 
mêlé  leur  sang  à  celui  des  conquérants  el 
des  colons  chrétiens,  et  dont  les  descen- 
dants jieuplent  encore  la  llucrUi  de  Va- 
lence et  la  palmoi'aie  d'Elché. 

Les  .\nt;iiAïsMES  dans  la  décoration 

DES     P0RTAU.S     ESPAGNOLS     DU    XIIl"    SmCLE. 

—  La  sculjiture  française  du  xiii''  siècle  resta  complètement  inconnue 
dans  une  grande  partie  de  l'Espagne  chrétienne.  La  région  de  Ségo- 
vie,  en  particulier,  conserva  toutes  ses  traditions  romanes  longtemps 
après  l'achèvement  des  portails  de  la  cathédrale  de  Burgos.  Les 
artistes  étrangers  qui  furent  attirés  dans  les  capitales  du  royaume  de 
Castille  et  de  Léon  ne  firent  école  que  dans  la  ville  qui  était  le  but 
de  leur  voyage.  Ils  ne  répandirent  pas  sur  leur  chemin  la  connais- 
sance de  l'art  nouveau.  L'influence  de  l'art  français  du  nord  resta,  au 
xnf  siècle,  toute  sporadique.  Si  une  influence  française  continuait  à 
pénétrer  en  Espagne  par  les  défilés  des  Pyrénées,  c'était  toujours  celle 
de  l'art  du  midi,  dans  lequel  se  perpétuaient  les  traditions  glorieuses  du 
xn''  siècle. 


i-di'.MAi  M)\  i:r  iiÉ\ ei.()P1'i;mi;n  r  de  la  scri.i'i  l di;  (.oiiiiori:   -isT 


La  Navarre  ne  possède  aucun  poilail  <jui  ressemlilc  à  ceux  de  Burgos 
et  de  L(''on,  on  mtMne  à  ceux  de  Tuy  et  de  Ciudad-Rodrigo.  La  façade  de 
la  cathédrale  de  Tndela,  qui  fut  acIn'xiM'  (hut<  la  pi'i'inii'i-e  inoilic'-  du 
xni'  siècle,  conserve  les  l'omies 
archaïques  et  trapues  du  chœur 
et  de  la  nef  de  l'église.  Le  grand 
portail  reproduit  la  disposition 
des  portails  latéraux,  contem- 
porains du  cloître.  Ses  colon- 
nettes  hasses  portent  huit  archi- 
voltes en  plein  cintre.  Point  de 
statues  adossées;  en  revanche, 
les  chapiteaux  des  colonnettes 
sont  couverts  de  figurines  (pii 
représentent  les  scènes  de  la 
Genèse,  depuis  la  Création  des 
anges  jusqu'au  Sacriiice  d'AJira- 
ham. 

Chacun  des  claveaux  des 
archivoltes  est  un  petit  groupi' 
en  bas-relief  :  d'un  ciMé.  les  élus 
dans  le  Paradis  et  les  anges 
tenant  des  couronnes;  de  l'autre, 
les  morts  qui  sortent  des  sépul- 
cres, et  les  damnés  a^.l  milieu  des 
diables.  Dans  ces  groupes  l'ar- 
tiste a  prodigué  sa  force  tragique 
et  sa  verve  satirique.  Au  milieu 
des  damnés  figurent  des  voleurs 
de  toute  condition  :  l'homme 
d'armes  qui  revient  de  quelque 
alr/ordilc  en  pays  chrétien  avec 
un  ti-(inpcaii  dr  uiduloiis;  les 
mai-rliands  qui  \endenl  à  faux 
poids  :  les  drapiers  devant  leur 
coffre,  le  boucher  (lr\:nil  son 
étal    sous   lequel   fsl    cuiirhé    un 

chien.  Les  apparitions  terribles  des  ressuscites  enveloppés  dans  leur 
suaire  comme  des  fantômes  contrastent  avec  la  sérénité  des  élus,  (|ui. 
réunis  p.ir  couples,  senibleid  cmivcrsrr  drs  ciioses  de  Dieu.  Les  femmes 
portent  le  chaperon  empesé  à  hi  ni(i(h'  rr;ui(;aise.  el  non  les  coilTes  ou  les 
tiares  à   l'espagnole.    Il  sendilc   (piHii    ;,rlislc  parisim.  un    srulpieur    de 


l'hiil    .1.-  la    soi-i,-t.-  clii  llfil-l'i-i 

FiG.  'i'JO.  —  S;iint  Jc;m-Baptisle, 

slaUie  en  bois  peinl  dans  lésilise  d'.Mhocacer 

(|irov.  (le  \'alcnfel.  xni"  sioclo. 


2SS 


IlISTOlIiE  DE  i.Airr 


Xolre-Dainr,  nil  juissr  par  rii(l('la.  Mais  son  inniience  iia  rlv  ni  profonde, 
ni  durable.  Larcliileclure  du  grand  portail  de  la  calliédrale  est  restée 
toute  romane  ;  la  plupart  des  figurines  ont  conservé  des  proportions 
massives  et  lourdes;  enfin  le  tympan  est  resté  nu.  Sous  les  andiivoltes 
où  élus  et  damnés  sont  suspendus  par  grappes,  le  Juge  suprême  n'était 
représenté  dans  sa  gloire  que  par  un(>  ))rinlure  dont  toute  trace  a  aujour- 
d'hui disparu. 

R  ^''J  à  M  '"''  l'f"''''il  de  San 
Bartoloini''  de  Logrono, 
décoré  à  la  lin  du  xm'' 
siècle,  est  une  sorte  de 
compromis  entre ,les  por- 
tails du  nord  de  la  France 
et  le  portail  navarrais  de 
San  ;\Iiguel  d'Estella. 
Les  statues  rangées  en- 
tre les  colonnettes  sont 
élevées  à  la  hauteur  du 
tympan.  La  scM'ie  de  ces 
^                        _  ^   ^   . ., ™  „,  stalues  est   interrominie 

httl^      •  V-nÏ"  «M  liK^^lH       '*!'    '*'    manière    la    plus 

bizarre  par  un  grand  has- 
lelief  d'exécution  lirutalc 
qui  représente  le  martyre 
(\c  saint  lîarthélemy. 

Kn     Catalogne,    les 
scul})teurs     de     portails 
fe/*^  ^'  .  *■  ^m^       '\^*^  I       i'doptent  au  xm'    siècle, 

\li^i-f^'        ''    ^m^    'Êk.^-"^  ^^Wk  m      P"i"   u"e    rencontre    for- 

tuite   et    singulière ,    le 
motif  de  l'Adoration  des 
Mages,  qui  devenait  com- 
mun vers  le  même  temps  à  l'extrémité  opposée  de  l'Espagne,  en  Galice. 
Ce  groupe  est  le  plus  souvent  acconq)agné  du  groupe  de  l'Annonciation, 
parfois  de  la  Fuite  en  Egypte. 

A  Tarragone,  sur  un  petit  portail  de  la  façade  de  la  cathédrale,  les 
figurines  du  tympan ,  réduites  à  des  proportions  minuscules,  gardent  l'allure 
et  la  draperie  des  statuettes  françaises;  mais  ce  tympan  l'ail  parlie  d'un 
portail  dont  l'architecture  trapue  est  toute  romane.  Sur  deux  portails 
catalans,  celui  d'une  église  de  Santa  Coloma  de  Ouerall  <■!  celui  de 
l'église  cistercienne  de  Vallbona  de  las  Monjas,  les  mêmes  motifs  sont 
représentés  par  des  figurines  bien  plus  gauches  et  d'un  plus  faible  relief. 


FiG.  1i\.  —  Di-tails  du  ^rand  poiiail  ilc  lo  cathédrale 
de   Tudela  (Xavano).    Commencement  du  xrii''   siècle. 


FOR.MATION  ET  DÉNI- Loi'PE.MENl   DK  LA  SCI  I.PTURE  (jô'lHIOll-;     'JS9 

Un  sculpteur  de  Lérida,  peul-èlre  celui  qui  a  sculpté  la  l'iiciia  ilcis 
Fillols,  a  réalisé  la  gageure  d"encastrer  les  deux  groupes  de  l'Adoratiou 
des  Mages  et  de  rAniionci;dion  au  milieu  du  portail  de  l'église  d'Agra- 
niunt,  un  portail  sans  tympan,  couver!  de  deulidures  et  de  ciselures 
dans  le  goût  romano-moresque.  Les  figurines  en  haut  relief  se  trouvent 
suspendues  à  l'archivoUe  couverte  de  rinceaux  refouillés  comme  dans 
rivoire. 

Le  portail  d'Agrannuii  est  dnti''  par  une  inscription   de  l'anné'e  1-2,S.". 


Il  est  curieux  de  retrouver  l'iVdoration  des  Mages  logée  à  la  même  place 
sur  un  portail  du  midi  de  la  France,  à  Mimizan,  dans  les  Landes.  Le 
sculpteur  du  portail  de  \'ilIaviciosa,  dans  les  Asturies,  a  accroche  plus 
audacicusement  encore  une  statuette  de  la  Vierge  au  sommet  de  rai'chi- 
volte  en  tiers-point,  comme  une  clef  pendante. 

(Test  en  Navarre,  à  proximité  du  royaume  de  France,  que  l'archaïsme 
de  la  sculpture  espagnole  a  prudiiil  Acrs  la  lin  duxiu'  siècle  ou  au  commen- 
cement du  siècle  suivant  les  roiuhinaisons  les  plus  singulières.  Les  deux 
portails  de  San  Pedro  la  Ruad'Fstella  et  de  San  Roman  deCirauqui  ont  des 
colonneltcs  minces  et  des  ai'chivoltes  lancéolées  fpii  suffisent  à  indiquer 
h'ui' date  approximali\e.  Mais  l'arcade  cpii  sui-moiilc  I'imiI  i-(m'  esl  loliée  à 
la  nuuiière  moresque.  Le  cercle  (pii  marcpic  le  sonuuet  de  cette  aicjule 
est  un  chrisme  wisigothique,  et  cluicune  des  dents  est  couvei-le  d'entrelacs 

T.  u.  —  57 


2110 


lllSTOllili  HE  L'ART 


en  cclievcaiix  aussi  Idonillés  que  ceux  qui  déconiienl,  à  l'époque  niéri)\iii- 
gienne,  les  liijoux  des  peuples  |]Mi-I)ai-(\s. 


Les  tomreaux  espagnols  du  xui'  siècle.  —  Le  luxe  des  lonibeaux  lui 
aussi  grand,  pendant  le  xui"  siècle,  en  Espagne  cju'en  France.  Alphonse  X 
se  souvenait  sans  doute  du  tombeau  de  saint  Louis  «  dont  l'enlaillure 
élait  d'or  el  d'ai'genl  »,  lorsipi'il  lil  ex(''culei- pour  la  calJK'Mlrale  de  Séville 

les    iuausi)l(''i_'s    de    son    père 


Ferdinand  el  de  sa  mère  Béa- 
Irix.  Ce  furent  des  œuvres 
d'orfèvre,  toutes  revêtues  de 
métaux  précieux,  toutes  cou- 
vertes de  joyaux.  Devanl  la 
slalui'  de  la  IV/v/c//  <lr  lus 
llrijcs  (la  \'ierge  des  lioisj, 
donnée  par  saint  Ferdinand 
à  la  cathédrale  établie  dans 
l;i  mosquée,  le  roi  et  la  reine 
(■'talent  représentés  assis  sous 
des  tabernacles  d'argent  doré. 
Après  la  mort  d'Alphonse  X, 
sa  statue  fut  ajoutée  aux 
deux  statues  royales.  Les 
sarcophages,  plaqués  d'ar- 
gent, étaient  armoriés  comme 
un  drap  d'honneur.  Ces  mau- 
solées d'orfèvrerie,  que  Pierre 
le  Cruel  avait  déjà  déjiouillés 
de  h'urs  ])lus  précieux  orne- 
ments ;ui  milieu  duxiv''  siècle, 
furent  transjiorlés,  à  la  lin  du 
xvi'  siècle,  dans  la  nouvelle  cath(''drale  de  Séville;  ils  disparurent  après 
la  canonisation  oflicielle  de  saint  Ferdinand,  en  KiTl,  [kjiu-  l'aire  ])lace 
à  des  tombeaux  de  marine.  Leur  disposition  exacte  reste  inconnue, 
comme  le  nom  de  leur  auteur.  Maître  Jorge  de  Tolède,  citi''  })ar  le  roi 
Alphonse  lui-même  dans  une  de  ses  (',<nili<i<i!<  qui  rapporte  une  légende 
relative  à  la  statue  de  Ferdinand,  avait  exécuté  seulement  un  anneau 
d'or  que  portait  la  statue.  Le  saini  roi  apparut  à  l'orfèvre  j)Our  lui 
ordonner  d'enlever  cet  anneau  de  son  doigt  et  de  le  passer  au  doigt  de 
la  Mergc. 

Il  n'existe  plus  en  Espagne  aucune  efligie  funéi'aire  du  moyen  âge 
(lui  soit  une  slatue  assise,  comme  les  statues  rovales  de  Séville.   Seuls 


l'nll  lll   (l(     s  III    I, 
(  X   1\    1110        Mil     -Il 


(    II    lllljlll 


i(tiiM  A  ridx  i;i'  i)i:\  Ki.di'i'K.MEN  r  di-:  la  sc.ri.r'iiiu-:  (Ktiiiinri;    -jm 

(li'Lix  t(Hiilii';ui\  lie  Las  IIiielLias  pi'iivcnl  duniK'r  iiin'  idée  dr  ce  (|uV'l:iiiMil 
les  sarcophages  i-cvrlus  d'ai^iicnl  (|iii  CDiilriiaicid  les  rcsirsdr  l'rrdiiiaiid. 
de  Béatrix  et  dAljilionse.  (le  sont  les  sarco})liai;es  de  niarljie  ([u'AI- 
plionse  X  lui-même  lit  exécuter  à  la  lin  du  xiu"  siècle  pour  recevoir  les 
ossements  d'Alphonse  VII  et  de  son  lils  Sancho  III,  morls,  l'un  en  llôT, 
l'autre  l'année  suivante.  Ces  sarcophages  sont  décorés  de  pièces 
d'armoiries,  comme  ceux  de  la  Chapelle  royale  de  Séville;  le  château  de 
(bastille  et  le  lion  de  Léon  sont  encadres  dans  des  compartiments  en  forme 


i 


mÛ3A      .i^^dMkimw 


a,U 


^ 


^Hii^ 


FiG.  -in.  —  T. 


(IMOv.  de  l'aleiK-ia, 


de  polygones  étoiles  que  dessineni  îles  enlrelaes  lraei''s  d'après  un  modèle 
morescpie. 

Le  lomi)eau  de  Doua  Berenguela  ne  l'ul  pas  iniili''  par  les  seulpleurs 
(pu  travaillèrent  à  Las  lluelgas.  Les  deux  tombeaux  exécutés  par  ordre  de 
saint  Ferdinand  pour  son  père  Alphonse  \  III,  le  vainqueur  de  Las  Xavas 
de  Toiosa,  et  pour  sa  mère.  Doua  Leonor  d'Angleterre,  sont  aussi  massifs 
que  le  sarcophage  de  la  régente  el  i)i'auc()up  plus  simplement  décor(''s.  La 
représentation  du  deuil  aidour  du  nuirt,  (pii  esl  apparue  dès  le  milieu 
du  XH*"  siècle  sur  le  londieaii  di"  Dona  l'.lani-a.  reine  il(>  C.aslille.  se  irouxc 
exaetemeni  reprodnile  un  sièele  el  demi  plus  lard  >iii-  plusieurs  loiidieau\ 
jilacés  dans  le  transept  de  la  vieille  calh(''drale  de  SalanuHU(ue.  Au- 
dessous  de  la  statue  gisante.  |>leuranls  e(  ])leureurs,  rangés  sur  le  sarco- 
phage, s'arraclieni  les  clirM-ux  a\i'e  di\s  conlorsioiis  et  des  grimaces.  Le 
motif  s'élargit  el  ^'enrieliil  Mird'anlres  ninnumenls  de  la  même  éj)0C[ue. 
Le  corlège  ccclésiasti([ue  de  l'absoide.  (|ui  ligure  d('jà  sui-  des  londieaux 


nisToii!!-:  1)1-:  laut 


IVaiirais  du  xii'  siècle,  derrière  le  gi.stinl,  se  dérouie  à  la  mèuie  place,  au 
ionil  de  r  «  enl'eu  ",  sur  le  iombeau  de  Févêque  de  Léon,  Martin,  mort 
en  l'284.  Le  bas-reliiT  du  sarcopliage  représente  une  "  œuvre  de  Miséri- 
corde »,  une  dislriliul  idii  de  pain  aux  indigents.  Ce  tombeau  a  été  copié 
par  deux  l'ois,  à  peu  d'années  de  dislance,  dans  la  cathédrale  de  Léon. 
Les  deux  représentations  du  deuil  de  la  famille  et  de  la  cérémonie 


religieuse   lurent    révuiie; 


les- 


sculpteurs  castillans,  comme  elles 
l'avaient  été  par  les  imagiers 
(pii  ont  sculpté  vers  12G0,pour 
la  Iiasiliquede  Saint-Denis,  le 
londteau  du  [u-ince  Louis. 
Deux  de  ces  tombeaux  à 
I deureurs  sontconservés  dans 
l'église  des  Templiers  de 
Mllasirga  (province  de  Pa- 
lencia).  Ils  contiennent  les 
rcsies  de  l'infant  don  Felipe, 
cinquième  lils  de  saint  Fer- 
dinand, et  de  sa  femme.  Le 
jeune  jtrince  mourut  en  L274. 
On  l'sl  élonné  de  rencontrer 
à  la  lin  du  xiu''  siècle  des 
œuvres  aussi  primitives  et 
aussi  farouches.  Partoul  l'i- 
mitation de  l'architecture  el 
de  la  sculpture  françaises  est 
manifeste;  partout  elle  est 
al(('rée  pai'  des  réminiscences 
romanes.  La  princesse  est 
hideuse,  avec  ses  yeux  sortis 
de  l'orbite  et  sa  bouche  masquée  par  un  bâillon  funèbre  plissé  comme  la 
mentonnière  de  la  haute  tiare.  Le  prince  est  représenté  avec  le  manteau 
des  Templiers,  les  jambes  cniisrex  :  c'est  une  convention  particulièrement 
al)surde  pour  une  statue  couchée  et  qui  doit  s'expliquer  ici  par  la  longue 
persistance  des  conventions  de  l'art  toulousain,  qu'acceptait  encore 
le  maître  du  porche  de  Compostelle. 

Il  exisle  un  Iombeau  semblable  à  Palazuelos,  dans  la  province  de 
Valladolid;  il  y  en  avait  plusieurs  autres  à  Aguilar  de  Campoo,  dans  la 
jjrovince  de  Léon.  Deux  de  ces  derniers  ont  été  transportés  au  Musée 
archéologique  de  Madrid.  Un  troisième,  très  mutilé,  est  resté  sur  place, 
parmi  les  ruines  de  Santa  Maria  la  Real:  il  porte  la  signature  du  scul- 
pteur: Antonio   Pérez   de   Carrion.  Les  tombeaux   de  \illasirga,  qui  se 


luhr.ui  Au  ,  iMiilir  Aliaii.io 
:;aUiédiale  do  fcialaiiKiuiiiie. 


FORMATION  ET  i)i;\ i:l(ippi:.\ii;ni'  m;  la  scili'H m-:  (ioriiiouK    293 

Irouvenl  à  qiii;l([ues  milles  de  (larriiui,  sont  ccrtaincinpiil   l'dMn  re  de  cet 
artiste. 

Deux  toiiilieaux  de  la  iiièiiie  réyion,  (|ui  onl  aujourd'hui  disjiaïu.  por- 
laient  les  signatures  de  deux  autres  sculpteurs,  en  laniiue  caslillanr.  Celui 
de  don  Ahar  Fernande/,  se  frou\ait  à  (larri('»nnièiae,  dans  une  chapelle  de 

.:^  -'^    K.\     .  '     \     '       '       ■  -  '~~-"  — :-^-  ■ 


•V      • -> -.      .■-^s 


Fie.  '2-20.  —  Tombc-iiix  •\ 


la  j)uissanle  (''glise  bénédictine  de  San  Zoilo;  il  ('lail  l'ann  re  de 
i<  don  Pedro  el  pinlor»:  celui  de  don  Hodrigo  Gonzalez  (iinui.  dans 
léglise  des  Bernardines  de  Benavides,  avait  (Hé  sculpté  en  l'.'Hi  par 
Boy  Marlincz  de  Burueva. 

Les  hidalgos  et  les  princes  de  (laslilie  conirnandricnl  parfois  leurs 
tombeaux  à  des  artistes  locaux  qui  n'étaient  pas  des  chrétiens.  Depuis 
le  xi'"  siècle  les  Juifs  de  Tolède  vivaient  en  lionne  intelligence  avec  les 
maîtres  de  la  \ilie.  A|irès  les  conquéles  d'Alphonse  \\   v\  de    saint    l''erdi- 


■291  iiisroiiiK  m-;  i.aiît 

iiMiid.  1rs  imisulnuins  r(_'sl(''s  (hms  la  Nouvelle  (Instille  riiieal  li-aités  sans 
riiiiieui-.  Les  \ainqueurs  firenl  a]ijtel  à  leur  merveilleuse  habileté  de  déco- 
raleurs.  Au  \iu"  siècle  les  salles  des  palais  de  Tolède  furent  revêtues  de 
faïences  et  de  stucs  esianipés  par  des  Juifs  el  des  luudrjdrs  («  Casa  de 
Mesa  11,  "  Taller  del  Moi'o  »,  etc.),  et  devinrent  pareilles  aux  alcazars 
des  émirs.  Ouehpies-uns  des  seiyneui-s  (pii  vécurent  au  milieu  de 
ces  arabesques  mêlées  d'inscriptions  araljes  eurent  la  fantaisie  de  faire 
décorer  leur  dernière  demeure  comme  leur  palais.  Dans  une  chapelle 
de  la  cathédrale  de  Tolède,  le  tombeau  de  l'un  des  capitaines  de  la 
ville,  lalguacil  don  Fernan  (iudiel,  (|ui  mourut  en  l'_'7(S,esl  une  simple 
niche  revêtue  d'ornements  de  sluc  i\[\  plus  pui-  style  iinidr/iir  et  pareille 
à  une  de  ces  alcijves,  dont  le  nom  m("'me  'al  haha,  la  tente  oi\  Ton 
dort)  a  été  emprunté  })ar  h's  l'ispagnols  du  moyen  ;'ii>e  aux  Mores 
d'Andalousie. 

Le  type  du  tombeau  iiuulcjdr,  a\ec  ses  arabesques,  et  celui  du  tom- 
beau franco-espagnol,  avec  ses  bas-reliefs  et  son  ■<  gisant  »,  se  combi- 
nèrent en  Castille  pour  former  une  série  de  monuments  sans  pareils  dans 
tout  le  moyen  âge.  Un  premier  exemple  de  celte  combinaison  singulière 
est  donné,  à  Tolède  même,  par  le  tombeau  d'un  petit-fils  de  saint  Ferdi- 
nand, l'infant  don  Pérez.  Ce  tombeau,  perdu  dans  une  chapelle  d'un 
monastère  de  femmes  ih>s  Commendadorasde  Santiago),  où  l'on  a  retrouvé 
les  restes  d'une  mosquée,  est  composé  d'un  bas-relief  de  marbre  qui 
représente  le  prince  couché,  dans  un  encadrement  de  stuc  orné  d'ara- 
besques et  de  stalactites  et  entouré  d'une  inscription  latine  en  grandes 
onciales.  D'autres  tombeaux  du  xni''  siècle,  dont  l'architecture  n'a  rien 
d'oriental  et  dont  la  décoration  sculptée  est  très  développée,  sont  sur- 
montés d'une  sorte  de  frise  en  stuc  peint,  composée  de  stalactites  ou  de 
rinceaux  qui  imitent  des  caractères  coufiques.  Tel  est  le  tombeau  d'un 
ecclésiastique,  le  chantre  Aparicio,  dans  la  vieille  cathédrale  de  Sala- 
manque.  Deux  tombeaux  analogues,  mais  d'une  exécution  bien  plus  gros- 
sière, se  trouvent  dans  la  cathédrale  d'Avila.  Les  plus  riches  de  ces  tom- 
beaux composites  sont  ceux  qu'a  conservés  la  misérable  église  de  San 
Estéban,  comprise  dans  l'enceinte  de  la  citadelle  de  (^uellar  (presque  à 
mi-chemin  sur  la  longue  route  qui  conduit  de  Valladolid  à  Ségovie).  Ils 
ont  été  exécutés  vers  le  milieu  du  xiv'  siècle  pour  des  chevaliers  de  la 
famille  Lopez  de  (lordoba  Hinestrosa. 

Au-dessus  des  statues  gisantes  les  arcades  sont  dentelées  et  ajourées. 
Sur  la  paroi  elle-même,  les  frises  d'inscriptions  latines  et  les  écussons 
héraldiques  se  combinent  avec  un  réseau  d'entrelacs  qui  dessinent  des 
losanges  curvilignes.  L'artiste  iinulr/dr  ([ui  a  exécuté  ce  revêtement  de 
stuc  dans  une  église  était  aussi  habile  que  ceux  qui,  vers  le  même  temps, 
travaillaient  à  Séville  dans  l'Alcazar  de  Pierre  le  Cruel. 


FoRMATiu.x  HT  iii:vi:l()1'Im:.\ii;m'  hk  la  scili-tire  (.(rnnoi  i-    '295 

(les  lombeaux,  où  les  molils  d'oriiiine  musulmane  se  eomliinenl  avec 
les  traditions  de  l'art  du  Xord  et  oi^i  la  joyeuse  richesse  de  la  décoration 
orientale  fait  oublier  la  pensée  chrétienne  en  présence  de  la  moi't,  sont 
peut-être  les  monuments  les  plus  étranges  et  les  plus  expressifs  en  ipii  se 
soit  résumée  la  civilisation  castillane  du  moyen  âge. 

BiiaioGRAPiiiK.  —  \'oir  livre  W.  cluii).  vu. 


/ 


ciiAi'iTRi':  m 

LES  MINIATURES  —  LES  VITRAUX 
LA  PEINTURE  MURALE 


I 

LA  MINIATURE  DANS  LES  PAYS  CISALPINS 

DEPUIS  LE  COMMENCEMENT  DU  XIP  JUSQU'AU  MILIEU 

DU  XIV'  SIÈCLE' 

LA    MINIATURE    AU    XII'    SIÈCLE 

Les  écoles  françaises  et  belges.  —  Presque  tout  reste  à  éclaircir 
dans  Ihistoire  de  la  peinture  française  au  moyen  âge.  Nous  entrons  ici 
dans  une  terre  inconnue,  où  cesl  à  peine  si  l'on  découvre  çà  et  là  quel- 
ques traces  d'exploration.  Il  y  a  plus  :  l'évolution  de  la  miniature  au 
xiii"  siècle  s'est  comme  <<  cristallisée  »  autour  de  Paris,  et  toul  le  monde 
le  sait;  mais,  les  origines  de  cet  art  sont  plus  difficiles  à  déterminer,  et 
l'élude  de  ses  centres  principaux   d'élaboration  n'est  pas  encore  faite. 

Au  début,  en  effet,  l'évolution  de  la  miniature  ne  s'est  pas  localisée 
dans  une  grande  ville;  elle  ne  s'est  même  pas  poursuivie  à  l'intérieur  de 
frontières  nationales  plus  ou  moins  larges  ou  étroites.  On  peut  dire  que 
dans  la  France  du  x"  au  xi"  siècle,  le  caractère  distinctif  de  la  miniature 
est  d'être  centrifuge;  son  évolution  suit  celle  des  nations  voisines;  elle  en 
dépend  même  partiellement.  Elle  conserve  ce  caractère  pendant  une 
partie  du  xii'"  siècle.  On  ne  peut,  nulle  part,  apprécier  et  comprendre  avec 
justesse  son  évolution  sans  connaître  l'art  des  pays  limitrophes,  mais  il 
est  indéniable  que  les  calligraphes  et  enlumineurs  français  du  \i['  siècle 
ont  contribué,  pour  une  pari  essentielle,  à  constituer  If  slyb'  nouvrau.  cl 
nous  sommes  con\ainciis  qu'une  exploration  sysléuiati(|ui'  des  jiiblio- 
1.  Par  M.  Aiduir  Ihisclolï. 

T.  II.   -  .■58 


-J!I8  HISTOIRE  DK  I/ART 

llièqucs  départeinciilalfb  iiiellra  toiijour.s  plus  en  luinièic  riiiiportance 
des  écoles  françaises. 

Tdul  d'abord  la  <■  terre  bourguignonne  •>.  ce  centre  de  vie  religieuse! 
TanI  de  mouvements  religieux  profonds  en  sont  partis  pour  se  répandre 
en  Occident  et  y  propager,  en  ai'cbitecture  surtout,  de  fortes  impulsions 
artistiques  que,  selon  toule  vraiscmljlance.  l'art  de  la  miniature  dut  y  être 
cultivé.  Les  moines  artistes  d(^  Cluny  n'auraient-ils  [tas.  dans  ce  domaine, 
exercé  leur  talent  oi-iginal?  La  vigoureuse  [protestation  du  jiui'iianisme 
des  Cisterciens  sullirnil  à  juslilicr  ces  prévisions.  Xous  lisons,  dans  le 
Didlafliis  iiilcr  ClKiiiaccnseiii  cl  Cislerciciisciii  :  «  Aurum  molere  et  cum  illo 
molito  magnas  capitales  pingere  litteras,  quid  est  nisi  inutile  et  otiosum 
opus?  "  Les  Cisterciens  élèvent  leur  protestation  au  moment  précis  où  la 
formation  du  style  de  la  miniature  romane  suliit  une  crise.  11  faut 
regretter  d'autant  plus  vivement  que  lliisloire  de  la  miniature  à  Cluny 
n'ait  jamais  encore  ('■lé  écrite.  La  célèbre  bibliotbèque  de  Cluny  a  été 
détruite  en  K)G2,  pendant  les  gueri'es  de  religion;  quelques  restes  seule- 
ment ont  été  conservés. 

Nous  avons  parlé  des  Cistei'ciens  au  sujet  de  leur  p()l(''nii([ue  contre 
le  luxe  excessif  étalé  par  les  moines  de  Cluny  dans  leurs  livj'cs;  l'examen 
des  restes  que  nous  a  laissés  la  bibliothèque  de  Cîteaux  nous  donne  la 
certitude  que  ces  tendances  aniiartisliques  n'ont  nullement  existé  au 
déliut.  L'abbé  Etienne  Harding,  le  troisième  abbé  et  le  véritable  orga- 
nisateur de  Cîteaux,  n'était  pas,  en  tout  cas,  ennemi  des  miniatures;  on 
pourrait  l'accuser  plutôt  d'avoir  eu  des  goûts  de  bibliophile.  Son  œuvre 
capitale  fut  la  révision  et  la  correction  d'un  exemplaire  de  la  Bible,  qu'il 
fit  entreprendre  avec  l'aide  de  savants  juifs.  11  doit  avoir  commencé  ce 
travail  tout  de  suite  après  son  élection,  sinon  auparavant,  car  l'année 
lltl'.t  est  la  date  de  l'exemplaire  de  luxi',  corrigé  d'après  les  résultats  de 
son  étude  critique  du  texte.  Cette  Bible  est  aujourd'hui  conservée  à  Dijon 
avec  les  restes  de  la  bibliothèque  de  Cîteaux  in"  12-15).  Les  quatre 
volumes  sont  richement  ornés  :  on  n'est  pas  encore  aux  temjis  du  purita- 
nisme cistercien.  Ce  sont,  en  partie,  des  dessins  à  la  |)lume  et  au  lavis 
(jui  occupent  souvent  une  page  tout  entière.  Il  y  a  en  outre  de  nom- 
breuses initiales;  le  grand  J  de  l'histoire  de  la  création  est  rempli  pai-  une 
tige  grimpante,  toute  entremêlée  de  ligures  d'animaux,  réelles  ou  fan- 
taisistes; c'est  le  procédé  d'ornementation  contre  lequel  Bernard  de 
Clairvaux  devait  bientôt  protester.  Parmi  les  images,  la  riche  illustration 
de  la  vie  de  David  attire  lalfenlion.  \oici  tout  d'abord  le  roi  sur  son 
trône,  avec  une  tige  fleurie  et  la  harpe  à  la  main.  A  ses  pieds,  quatre 
petits  personnages  font  de  la  musique  :  carillon,  longue  llùte,  violoncelle 
et  orgue.  Tout  autour,  une  muraille  garnie  de  fours;  sur  les  créneaux 
se  tiennent  des  guerriers  avec  cuirasses,  arcs,  lances,  bannières,  frondes. 


I.KS  MlMATlIiKS  —  LES  VITFÎAUX  —  LA  PELNTL'RL  MURALE 


haclies,  épées.  Liinagr  est  d'une  grande  Leaulé  :  la  diynilé  tlii  roi,  avec 
sa  chevelure  puissante  aux  lignes  ondoyantes,  fait  contraste  avec  les 
mouvements  gracieux  et  la  taille  svelte  des  musiciens.  Les  guerriers  for- 
ment une  vraie  collection  de  types  caractéristiques;  leurs  nez  sont  aussi 
informes  et  lourds  que  variés.  La  sincérité  de  l'observation  s'allie  ici  avec 
l'humour.  Les  mêmes  qualités  se  retrouvent  dans  une  image  qui  rem])lil 
une  page  et  contient 
une  vingtaine  de  scènes 
ruqiruntées  à  la  jeu- 
nesse de  David  jusqu'à 
la  mort  d'Absalon. 

D'où  vient  ce 
style?  Y  avait-il  à  (Ilu- 
ny  un  art  semblable? 
Nous  ne  saurions  le 
dire.  Etienne  Harding 
n'aurait  guère  pu  em- 
prunter ses  modèles  à 
l'Anglet  erre  ;  cepen- 
dant l)ien  des  traits 
raj)pellent  des  travaux 
anglais  plus  récents. 
La  vraisemblance  est 
tpie  l'inlluence  venait 
de  la  France  sei)ten- 
trionale.  Etienne  lui- 
même,  à  l'occasion  de 
son  voyage  en  Flandre, 
fit  faire  à  Saint-Vaasl 
d'Arras  un  manuscrit 
de  luxe,  dont  nous  par- 
lerons plus  tard.  Le 
dessin,  surtout  les 
traits  de  couleur  épaisse  qui  accompagnent  les  jjlis,  rapiiellent  souvent  les 
traditions  du  nord-est  de  la  France. 

Comment  accorder  avec  le  luxe  d'images  dans  les  manusciils  de 
l'abbé  Stéphane  l'ordonnance  des  Conxiu'ludines  (LI54),  dont  \(iiii  la 
teneur,  en  sa  rigueur  draconienne:  ■  Lillr'i;i'  unius  coloris  liant  et  non 
depicta'  ><.  (§  lxxx)?  Ce  paragraphe  es!  de  toute  importance,  car  le  S^lll  des 
Coiixiicludines  prescrit  (pie  les  manuscrits  liturgiques  doivent  èlre  parloul 
lenus  iiiilfiirniiler.  \  cet  elVet.il  y  avait  à  C.ileaux  un  niaiiusrril-ly|ie.  siu- 
lecpiel  les  copies  devaient   se  régler.  Ce  iii.inU'^iTil .  <''eril  en  p:ulie  de  117.) 


Le  i-oi  David.  Bible  de  Talib' 
(l;ilil.  .!.•  Dij.jii,  11.) 


Klioiiiic  llardins 


.-fJO  mSTOJI'.i:  DL  LART 

à  1191.  —  conservé  aujourd  hui,  mais  incomplet,  à  Dijon   n    11  i   &!),  — 
montre  que  l'on  essayait  de  remplacer  For  et -les  peintures  par  une  déco- 
ration calligraphique  multicolore  d'un  goût  parfait:  cela  est  bien  dans 
l'esprit  de  rarcliileclure  cistercienne,  qui  savait  remplacer  par  la  solidité 
et  la  perfection  des  détails  la  magnificence  et  la  richesse. 

Plus  tard,  sans  doute,  on  n'observe  plus  les  prescriptions  avec  la 
même  rigueur:  on  élude  les  ordonnances  et  Ton  se  fait  donner  des 
manuscrits  illustrés:  on  trouve  pailoul,  en  effet,  dans  les  restes  des 
grandes  bibliothèques  cisterciennes,  des  manuscrits  de  luxe  du  xii*  siècle, 
à  Clairvaux,  à  Pontigny,  etc.  Mais  on  va  plus  loin,  et  même  des  Cisterciens 
se  mettent  à  peindre.  h'Exordiurn  Chterciensis  cœnohn ,  écrit  entre 
l'i-24  et  1:256;  aujourd'hui  à  Dijon  ms.  O.m  'ZlHj.  montre  cinq  grandes 
initiales  peintes,  où  I  on  voit  non  seulement  des  figures  d'animaux  décora- 
tives et  symboliques,  mais  encore  un  arbre  généalogique  du  Christ.  Un 
manuscrit  de  V Explanalio  H.  Hieronymi  in  fmiam,  écrit  à  Cîteaux,  aujour- 
d'hui à  Dijon  rns.  129  (90,  montre  un  arbre  généalogique  du  Christ,  ina- 
chevé; la  \'ierge,  debout,  presse  tendrement  l'Enfant  contre  son  visage. 
L'image,  dessin  colorié  en  partie,  trahit  un  beau  talent  artistique  et  aussi 
de  fortes  influences  byzantines,  assez  voisines  de  la  styli.salion  qu'on 
trouve  partout  dans  l'Allemagne  du  xui*  siècle.  Peut-être  les  Cisterciens 
croyaient-ils,  en  se  servant  du  dessin  et  en  évitant  la  gouache  et  l'or, 
ob.server  les  ordonnances  sur  la  décoration  des  livres.  C'est  la  conclusion 
que  nous  imposeraient  deux  manuscrits  du  xui'  siècle  attribués  à  Conrad 
d'Hirsau.  Ils  contiennent  des  dialogues  sur  la  virginité.  L'illustration  de 
ce  livre  paraît  être,  comme  le  texte,  d'origine  allemande;  du  moins,  les 
trois  plus  anciens  manuscrits  illustrés  rappellent  une  origine  allemande. 
Leurs  dessins,  d'un  style  roman  sévère,  sont  transpo.sés  dans  deux  magni- 
fiques copies  dont  l'une  vient  de  Cîteaux  (Troyes,  ras.  232),  l'autre  d'Igny 
(Berlin,  lat.  75  ;  l'inlerprélalion,  libre  et  de  grand  style,  prouve  un 
talent  artistique  éminent.  Dans  les  dessins  originaux,  le  sujet  e.xcilait 
1  intérêt  principal;  ici,  l'élément  artistique  prédomine;  c'est  la  joie  de 
dessiner  avec  enthousiasme,  bien  qu  avec  une  grande  simplicité.  La 
chaste  sévérité,  qui  fait  le  charme  particulier  de  l'architecture  cister- 
cienne, reparaît  dans  la  décoration  très  sobre,  mais  exquise,  des  initiales; 
elles  sont  multicolores  sans  doute,  mais  l'or  est  évité. 

Grande  est  donc  la  valeur  des  ojuvres  isolées  de  l'école  bourgui- 
gnonne; mais,  à  en  juger  d  après  ce  que  nous  connaissons,  on  ne  peut 
constater  ici  d'évolution  qui  aurait  contribué  à  former  le  style  gothique 
nouveau  de  la  miniature.  Il  en  est  de  même  de  l'école  française  occiden- 
tale; elle  a  déjà  été  étudiée  i^cf.  tome  I,  p.  74i  et  suiv./,  car  ses  œuvres 
sont  en  relation  étroite  avec  les  travaux  plus  anciens.  C'est  la  France  sep- 
tentrionale qui  a  le  plus  contribué  à  former  le  style  roman  et  k  le  trans- 


i.i:s  \iiM  \  1 1  i;i  s       I  i;s  \  n  ii\r\       i  \  riiM  i  iti;  \ii  n  \i  i".       ,"oi 


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l'oniiiT  (Ml  si  \  II'  t;(il  liii|iic    I  >f  l;i  \iiriii;iiii|ic  |iis(|iir  |irr'-  (In  I  ilim  ,  nous  I  ion 

\  (ilis,  (hilis  les  !^i:iii(lcs  ;i  |i|  i;i  \  c--  I  icikmIicI  iiio,  un    l'(''sc;iM  de  ccillrcs  iiù   I  dll 

ciillixc    l:i    niMiliiliiic.  (  lu  |iciii    \    I  iiiccr  une   lii^iic   de  (l('niaic:il  ion  ^('o^r;! 

|ilin|n('  ({Ml  COI  rcs|i(Hi(l    .'i    jicii    |iii''s    ;in\    dixi-^KniN  polii  i(|iics.   A   ri''.Nl,l("s 

(l'iurcs   ia|i|icllciil    |ilni('>l    lc->    |ii(iiliiiU  des    (•(■oies    idlcnimidcs  ('(iiil('iii|iii 

raines  :  à  !'(  Iiicsl  ,  (Iles   ia|i|i(  llciil    les  ('•(■(des  ani^laiM's,   I  ,c  iniiivcan  -.In  le, 

en     \iii;li'lcii(',   (''lanl    la   (■(iiis(''(|iicncc  de   la  (■(iii(|n(''l  c    iKiiiiiandc,   (in   |>('iil 

en   (  licirlicr  l'tniyinc    Mir   le  cdiil  iiiciil  ,     \   ce    |hiiiiI    de   \iic,    iiiallicnicii-.c 

liiciil,     les    (iMiNics     cainlalcs    iiian 

ijiicnl    (111    siinl    cncdic    iiicdiinncs  ; 

cl    c'csl     siiildiil     dans     les    grandes 

alilia\  es  de   Ndiiiiandic,  i|iii  (■•laiinl 

CM    rclal  idii    si  (-1  iihIc  a\  ce  I    \m;,'Ii 

IciTc,  (|Mc  les  inaliTiaiis  loid  (h'Iaiil 

Scldii    Idillc     |irdlialillil(',    lail    an 

giais    .s'assimila     li(''s    \ilc     les    in 

HmcIiccs     siiliics     cl  ,    de    I  l('s    IxiliMc 

licMi'c,  inlliicnca  à  -.om  I ■    le  cdii 

I  iiieiil       la     Mil  mal  m  c    aiedai    e    de 

|ia      a    la    iiiiiiial  lire   ( diil  iiienl  aie    cl 

lilill      liai       I  Ider      il  le    Mieiile        e 

'  I 

laeiiiie      an    iiid\  cil  de  I  e\|Mii  lai  mil  | 

I   II     lail     I  r(''s     caraclei  I    I  ii|iie     c   I 

ijHe     le    |ir|elll  ('■     de    Saillie    l'i.ll  lie    c|| 

\  I  C,  •  e         d  a  1 1  .       la        \ a  1 1  d  I  e       du 

Ml      sliade.    a\ail     mie        neeiir    aie    a  k„ 

r.c(|ner()rl  ,       dii       ,e|(iiirnaieiil       le  *  i,i  ,    ^     ,  ^, 

Cdlll     le   .    ddlll     les    (CMVrc.    (Iivalelll  l'iii.  it^H.         Mlllllllltl'dilii»  llllll>iK>l«i>  oUiHiik'" 

Il  Cdiiriid  viiii  lllroiiii.  Miiiiiiacrll  l'Ulcri'Idii. 

''''■'■   ''M""l''-      '"    ^dMllalldle     (,,,lll  ^l^^^^,|^^ ,    ,^,,^ 

llielll      Iraiel      Ilimie      ll\c      rlllli 

le      lla\alis     IMSUlilircS    cl    les    (l'IlVI'cs    la  ni  I  1  m   id  a  I  e      '    I  ,e    l'ail    (  |  Il  '  i  1 1  ir  ,1  JC    (d 

(■\em|i|c   |i|'is  en   Ndl'limnilic   HC  I'('ll'(ni\e  ('"al I    il.in      h        .dilia\  e   ,   In  m 

lliclilICM,    «Ur    les    l'i-dnlleie   ,   de    la     Manille      II    ^    a    lel   aliiilidalK  e  d'il'll  \  rCh  , 
lllllis    l'i(ll''<!    s'inijld    e     ({Il  III     (illc     ICI. ,       III      la     |iailie     la     |dll  s  (''ll'diic  dll 

cimiil,  il  y  a  en  II c  ,  ani  ('•(  liaiip.c  ail  inl  i(|nc,  I  .es  lra\aM\  i\\i  (  (iiilinciil, 

ninis   l'asdii      dil,      (.ni    ia|n(|(  ineiil    (|(.|ia',  .('•,  ;    jiar  (l(dà    le    (anal,   en    idl'cl  , 

•    (liciilelc     |dil  .    ('h'L'anh     iiiiiima^'ca    le  ,  |  ,i(.i.|  ic  .   du    ln\c,    le  >    tnami 

hcriis  |ircc(eii\    d(    liiii   .  aux  |iiiiiccs  liildiii|iliili".  111!  iiii\  mciniircs  ijn  liani 

(dr-r^n'-,  di'\  iiiK  ni    de     I I('dc4  d   scr\  m  ni    .  n  (|iic|i|lic  Hiirjc  l'i  ll\('r  ridi''al, 

\   m;    I     j,       |\|,    II, m. m  .i|i|i.ii  .II!   I  II  de  Ik       .hh  leie,    liidlli ni»     \(ill>i 

(  Im,I    ik.ii     ,   ei.iilliH      |,imil     i|(     ili  |i.ill       mi    lla\all    (laie,    •     llllde    (| IcIIX 

nidllics     de     l'ald.asc     i\r     Sla\(ddl,    ((ddeiamin,     cl      l'iriic.ld,    aelic\  ('■icill 


i>.ii;>  .1. iMiK  ( 


Il  fiiitiiluiA  (*)■((((' 


-.02 


lllSTdlHl-:  DK  LAIST 


en   1(1!I7  ii|>r('>s  qualre  années  de  lalicur  -Brit.    Mus.  Adcl.,  '2SIO(i-l(l7).  Ce 
sonl  d'une  jiarl  des  dessins  délieals  el  (ins,  sur  fond  de  couleur,  avec  des 


< 


Pllnl    Uasi'l.ilï. 

rif,.  2'2il.  —  Scènes  de  I;i  \ie  de  .Idli:  l;i  vie  Mclive,  la  vie  ediitemplalive 
el  les  (Ions  du  Saiiil-K^piil.  l'.ilile  de  r;dilja\e  de  Florelïe. 

(l;nli^|]  .MiiM'iiiii.  177;I7-:I8,) 


personnages  aux  mouvemenls  gracieux  et  vivants,  qui  rappellent  un  peu 
les  ivoires  du  xi'  siècle;  de  l'autre,  de  lourdes  peintures  à  la  gouache  qui 
montrent  le  développement  comiili'l   du  style  roman.  Le  trait  caractéris- 


LES  MIMAI  riii:S  —  LES  VITRAUX  ~   LA  PEIMLRL  MUliALE 


tique,  dans  cette  Bible  et  dans  un  groupe  important  d(>  travaux  lielges 
postérieurs,  est  l'apparition  de  grandes  surfaces  tendues  dans  le  vête- 
ment, autour  desquelles  se  placent,  en  très  grand  nombre,  des  i)lis  paral- 
lèles très  durs  d'exécution.  Ces  contrastes  naturellement  font  mauvais 
effet  :  c'est  dans  de  grandes  figures,  comme  le  Christ  de  la  Majestas 
Domini,  dans  le  second  volume,  qu'on  peut  surtout  les  signaler. 

Au  style  dont  la  Bible  de  Stavelot  est  le  monument  initial  on  peut 
rallacher  une  série  d'œuvres  dont  les  dates  s'échelonnent  jusque  vers 
le  milieu  du  \n"  siècle.  Ce  sont,  pour  la  plupart,  des  évangéliaires,  et,  en 
partie,  des  Bibles:  presque  tous  sont  d'origine  belge  authentique;  maison 
ne  jieut  déterminer  un  centre  précis  pour  leur  exécution.  La  Bible  de 
rabl)ayc  de  Floreffe  diocèse  de  Liège)  est  dans  cette  série  une  oeuvre 
capitale;  elle  s'y  trouvait  peu  après  le  milieu  du  xu''  siècle,  et  y  fut  peut- 
être  écritefBritish  Mus.  Add.. 
1  77rt7-r)S  I.  Dans  le  second  vo- 
lume, qui  commence  par  le 
Livre  de  Job,  deux  images 
aussi  grandes  que  la  page 
nous  ont  été  conservées.  Ce 
sont  des  compositions  de 
sens  profonil,  disposées  en 
grandes  images  ornementales. 
La  première  a  pour  sujet 
-  l'opposition  entre  la  vie  active 
ou  jtratique  et  la  vie  contem- 
plative ou  théorique.  Une  partie  intermédiaire  représente  les  vertus  et  les 
dons  du  Saint-Esprit,  qui  descend  sur  les  Ai)ôtres.  Au-dessus,  se  trouvent 
les  scènes  de  la  vie  de  Job  ;  son  sacrifice  et  les  enfants  assis  au  festin. 
Au-dessous,  les  œuvres  de  miséricorde.  Limage  opposée  décrit  les  mys- 
tères de  la  nature  divine  :  l'abaissement  du  Christ  et  son  élévation.  Suivenl 
quatre  images  pour  les  quatre  Evangiles.  Chaque  scène  est  accompagnée 
de  plusieurs  figures  symboliques.  De  ces  miniatures  pénétrées  d'idées 
typologiques  et  symboliques,  nous  verrons  à  Ilildesheim  les  plus  liclies 
spécimens. 

Le  manuscril  riclicmi'ul  illusin''  des  MuruUn  in  Jah  de  (irégoire 
Bibl.  liai.,  lat.  l.'jtiTJi  présente  quelques  analogies  avec  ce  groupe;  il 
prox  icnl  (lu  diocèse  de  (Cambrai.  Ses  miniatures  sont  pour  la  plupart  iiia- 
che\ées;  au  lieu  de  la  peinture  à  la  gouache,  que  l'on  a\ait  l'intention 
d"em])loyer,  il  n'y  a  ipie  de  simples  dessins  à  la  plume:  mais  ceux-ci 
oii  ne  sont  ])as  encore  ])()s(''es  les  sèches  et  scliématicpies  noi allons  des 
lumières  et  des  ombres,  ju-oduiseni  une  impiTssion  braucou])  plus 
agréable.  11  y  apparaîl    iicllemriil    que  l'aiiislc   \oulail    repr('senter.  avec 


(Hil.l.  n.it.,  lat.  13673.) 


HISTOIRK  DE  LAI'.T 


toutes  ses  Unes  nuances  psychologiques,  riiistoirc  tragique  de  Job.  Dans 
l'expression  des  sentiments,  dans  les  visages  et  les  gestes,  le  peintre  est 
un  maître;  ses  types  de  tètes  revêtent  parfois  un  réalisme  savoureux  qui 
se  fait  valoir  dans  le  dessin  original  du  profil  et  l'agencement  des  barbes. 
Jusqu'où  s'étend,  vers  l'ouest,  la  domination  de  ce  style?  Il  est  diffi- 
cile de  l'établir.  Nous  ne  connaissons  pas  assez  les  manuscrits  illustrés 
qui  ont  dû  être  exécutés  à  Saint-Martin  de  Tournai.  Peut-être  y  a-t-il 
un  lien  entre  Tournai  et  les  pi-oduits  de  l'abbaye  voisine  de  Saint-Amand, 

où  nous  trouvons  une  note  originale 
L'intérêt  se  concentre  ici  autour  d'une 
personnalité,  le  moine  Sawalo,  probable- 
ment identique  avec  un  certain  -  subdia- 
conus  "  nommé  en  1145.  Sawalo  élail, 
sauf  erreur,  peintre  de  profession  ;  il 
signe  ses  peintures,  et  à  côté  de  lui  appa- 
raissent d'autres  copistes.  La  Biblio- 
thèque de  Valenciennes  a  conservé  deux 
oeuvres  signées  de  son  nom  :  une  Bible 
magnifique  (ms.  1),  avec  beaucou})  d'ini- 
tiales, et  un  Peints  Lomhanhm  avec  fron- 
tispice (ms.  178).  La  Bibliothèque  natio- 
nale en  possède  une  autre  (lat.  1099). 
Le  portrait  de  saint  Hilaire,  qui  forme 
l'initiale,  montre  en  Sawalo  un  peintre 
original,  qui  dessine  avec  une  certaine 
largeur  de  style.  La  manière  de  traiter 
les  entrelacs  rappelle  encore  les  l^a^aux 
du  xi'  siècle. 

Les  écoles  qui  se  trouvent  à  l'ouest 
de  la  limite  idéale  que  nous  avons  adop- 
tée, ont  surtout  produit  des  ouvrages  de  bibliothèque,  manuscrits 
avec  frontispices  et  initiales  richement  ornées.  Ce  qui  peut  servir  à 
caractériser  ces  écoles,  c'est,  d'abord,  le  parti  pris  de  grands  feuillages 
fantaisistes  procédant  de  l'acanltie  byzantine  et  que  l'on  retrouve  dans 
l'art  monumental  de  cette  région,  comme  à  Petit-Ouevilly  (Seine-Infé- 
rieure) et  à  Saint-Ouiriace  de  Provins  (Seine-et-Marne);  c'est  ensuite 
l'exécution  des  initiales, qui  se  distinguent  par  une  grande  richesse  d'ima- 
gination; les  peintres  aiment  à  y  intercaler  et  agencer  des  ligures 
d'hommes  et  d'animaux.  Un  coloris  vigoureux,  arbitraire  et  bizarre,  revê- 
tant indifféremmeni  de  bleu,  par  exemple,  des  hommes  ou  des  monstres, 
ajoute  encore  à  la  singularité.  Tous  ces  caractères  sont  communs  à 
l'Angleterre  et  aux  écoles  du  nord  de  la  France.  Nous  y  reviendrons  dans 


amodiais  fiam";  his 

iiiftinr  colofisfas  cttîdfUIJ' 

.milvmt-poiRiirgranauo 

15  ce  pknMOcpnintnrciiifSo 

11110  ilnivtSi.tiianas  .iguiT 

in.irt;'p.nnïiomuii  iiiî  iHu.tp. 

fctn  ^  ytxi  uobis  aunns.'duûi  / 

mtrefidonurâmintpotBu. 

«■  oilcrtionnnquambdbcns 

ff  ôs  omncs  pntfitfffpm  1 


;i.  —  Lui  Ire  inilialu  iJ'iiik 

(le  Sainl-BeiUn. 

(Bibl.  nal.,  lat.  107'.3-4(i.) 


LES  MIMATUIŒS        LES  VITRAUX  —  LA  PEINTURE  Ml  RALE 


nuire  cliapilre   sur   1rs  écoles  anglaises,  inliniment  plus  {(■condes,  e(  qui 
onl  eu  une  éxoluliun  iiieii  plus  logique. 

Dans  le  groupe  oeridenlal,  lécole  de  Saint-Berlin,  à  Sainl-Omei-, 
lenail  sans  doute  la  première  place.  Sainl-Bertiu  nous  est  (h'jà  runnti  au 
XI''  siècle  par  le  mélange  du  style  anglo-saxon  et  du  style  continental  .  11 
est  caractéristique  que  le  premier  artiste,  dont  le  nom  nous  soil  parvenu, 
soit  Anglais  de  naissance.  C.'élail  un  certain  moine  Hélias;  il  exécuta, 
entre  Hit)  et  lltt'i,  sous  Fabljé  Léon,  les  <■  Canons  >-  de  ];\  T'ililiollièqne 
de  Boulogne  ims.  lloi.  Dans  un  autre 
manuscrit  in"  110),  est  représentée  la 
mort  de  labbé  Lambert,  dont  l'âme 
est  reçue  au  ciel.  Un  psautier,  don! 
les  initiales,  au  point  de  vue  des 
images  ou  de  l'ornementation,  ne  se 
distinguent  pas  des  tra^aux  anglais, 
est  conservé  au  collège  Saint-.lolin,  à 
Cambridge  (C.  18).  Le  texte  prouve, 
de  manière  évidente,  qu'il  était  des- 
lin(''  à  Saint-Bertin.  A  ce  |isauliei' 
correspondent  si  élroilemenl  les  [tar- 
ties  anciennes  d'une  Bible  en  quatre 
volumes  (Bibl.  nat.,  laL  lOTiô-lGTiCu 
qu'il  faut  leur  assigner  le  môme  lien 
d'origine.  Cette  Bible  qui,  selon  le  type 
du  XII''  siècle,  est,  d'un  bout  à  l'autre, 
illustrée  par  une  série  d'initiales  à 
figures,  est  un  chef-d'œuvre  de  calli- 
grapliie.  Les  initiales  souvent  étran- 
ges, avec  monstres  et  entrelacements 
de  feuillage,  ont  une  ressemblance 
parfaite  avec  les  initiales  anglaises. 
Même  ressemblance  entre  le  manu- 
scrit de  l((  C.ilé  (le  Dieu  par  saint  Augustin,  à  Boulognc-sur-^Ier  (lus.  âri), 
œuvre  du  moine  Alexandre,  cl  les  travaux  anglais  du  tem[is.  Dans  l'initiale 
du  onzième  livre,  le  Jugenu'nl  dei'nier  esl  ix'jiiésenlé  en  (b'iail  d'une 
manière    qui   rappelle   fort    le   p>aulier   anglais   de  ^lunicli     (Jni.    (S.";ii. 

Dans  le  diocèse  d'Arras.  loule  une  série  d'abbayes  onl  produil  des 
œuvres  calligraphiques  el  arlislicpies  reniarcpialjles.  niiand  l'abbé  Ilar- 
ding,  de  Cîteaux,  doid  nous  connaissons  th'-jà  les  goùls  biiiliopliiles, 
visita  en  I  Di.'i  le  cloître  Sainl-Waast  à  Arras,  il  se  II!  copier  pai-  le  moine 
Osberlus  les  ( '.ommenlaii-es  de  saini  .b'Mvnne  sur  .I<''i-(''inie.  Le  rronlisjiice 
rcprésenle   riii~.|oire    >iiignlière    du    nianiiseril.    S\ii-   l'anlel,    se    trouve   la 


FiG.  iô-i.  —  PiLSenlalioii  prir  le  moine  Osbeiliis 

ilesCoinmeiilaires  île  saiiiUlénJuic  sur  Jérémie. 

(BHjI.  lie  Dijon,  130.) 


r.oo 


HISTOIRE  DE  LAP.T 


»«^^ft^^^l»SS!S^ 


vierfïc  Marie;  ;i  druilc  cl  à  gauche,  l'abbé  d'Arras  cl  l'abbé  de  Cileaux, 
eliacun  avec  le  modèle  de  son  église;  au  premier  plan,  le  copiste  pré- 
scnlc  son  livre.  Le  slyle  esl  1res  simple  cl  sévère  :  personnages  très 
allongés,  aux  contours  marqués,  avec  indication  linéaire  de  l'agencement 
des  plis.  Le  manuscrit  passa  de  Cîteaux  à  Dijon  (ms.   130  (fl7). 

De   l'abbave   bénédictine   de   Saint-Sauveur  d'Anchin,  de   nombreux 

manuscrits  de  luxe  ont 
été  conservés;  ils  datent 
de  l'époque  prospère  de 
saint  Gossuin  (mort  en 
1165)  et  de  ses  succes- 
seurs. Un  manuscrit  du 
livre  de  saint  Augustin 
sur  la  Trinité  (Douai,  ms. 
2hT)  est  d'une  importance 
jiarticulière.  Le  grand 
Irontispice,  en  elTel,  nous 
éclaire  sur  la  mentalité 
des  copistes  et  des  pein- 
tres. L'un  d'eux,  Balduin, 
était  mort  avant  l'achève- 
ment du  livre;  il  est 
représenté  reposant  dans 
le  tombeau;  un  ange  em- 
porte son  âme.  Sur  le 
tombeau,  entre  les  pa- 
trons de  l'abbaye,  saints 
Augustin  et  Gotwin,  l'au- 
Ire  copiste,  Jean,  s'age- 
nouille et  prie  le  Christ 
de  le  recevoir  en  grâce  : 
«  Suscipe  scriplores  ol 
l'oruiii,  Clu'isle,  labnrcs.  » 
Christ  l'exauce,  et  un  ange 
lui  apj)orte  une  couronne.  L  imporlance  de  l'image  est  due  à  l'étrangeté 
du  sujet  plus  encore  qu'à  ses  qualités  artistiques.  Les  artistes  copistes 
d'Anchin  excellaient  surtout  dans  rorncmentation  des  initiales  et  des 
lettres  fantaisistes,  composées  de  figures  et  d'ornements.  Parfois,  copistes 
et  peintres  réglaient  entre  eux  la  division  du  travail;  c'est  ain.si  qu'un 
Rdlxiiius  Maunii<  d'Anchin  (Douai,  ms.  .'40  (780)  est  l'œuvre  commune 
du  peintre  Olivier  et  du  copiste  Reinald,  qui  sont  tous  deux  représentés 
dans  une  initiale.  Souvent,  d'ailleurs,  les  ouvrages  les  plus  intéressants 


li(..  J"j.".  —  Fniiilispice  du  mnniisriil  iln  Livre 
de  saint  AiigiisUn  sur  la  Ti-iriité. 

iliil.l.  iU;  Doiuii,  207.) 


LES  MINIATURES  —  LES  VITRAUX        LA  PEINTURE  MURALE 


•.07 


sont  préciséuicnl  anonyiaes.  C'est  le  cas  d'un  AïKjiisliini^  iii  psalnios  de 
l'abbaye  Sainle-Rietrude  de  Marchiennes.  Le  fronlispice  (Douai,  2ô0) 
représente  saint  Augustin  entouré  des  patrons  de  Marchiennes,  l'initiale  B, 
le  Christ  comme  Juge  suprême  et  David  jouant  de  la  harpe.  Le  lien  avec  la 
peinture  anglaise  est  ici  évident.  11  en  est  de  même  d'un  lra\ail  plus  i(''c(Mit , 
la  grande  initiale  B  du  psautier  de  Marchiennes  i  Douai,  l!t  ,  remplie  de 
scènes  nondireuses  cnniruntêes  à  la  vie  de   David  et  aux  l'^\ ange-listes. 


„^,^™, — 

.trchic^  dafeis:  t|S  figtuuitf 
bnitw.codctti  dtc  mipfo  inotuf 
>  tmo  utbcttit  ]wpa  tru  lotnli' 
putif  caiicdl»  facmnuir  alra 
na.îimc  papa  ntf  fnciido  '»U' 


ncgi  ucl  pnnctpi  cumm  ipfuif 
nnctniiq;  coitinmicluur.''infi 
dtt)  zr  bcjto  imv  «ufq;  luca 
ni5.iviîiamf  fahc<T  poimfiatj 
Atiflqiimmïro  tid  «diui  dmrtu 


I  :^ 


tifq;agctuto.p4lntfjlmi5tw;  6  m?  dtgrinnii  liccr  ttîchgtmtii  af 
iniûcj.«B3cptf<farduiahlnjf  /  \  fôaaittr.-mïolininiinucliiiin 


ju*- 


';T;1tC- 


FiG.  254.  —  Le  p.ipc  Urbain  II  coii^mci,- 
(BiLl.  nat.,  lai.  177IC.) 


Comme  œuvre  du  même  genre,  dans  le  diocèse  de  Cambrai,  citons  le 
livre  des  Evangiles  cjue  le  copiste  Jean,  en  1140,  exécuta  dans  l'abbaye  de 
Licssies  en  Ilainaut  (.Metz,  collection  Salis).  Le  dessin  des  ligures  est, 
ici  aussi,  d'une  extrême  sévérité;  mais  les  pages  ornées  et  les  initiales 
s(uit  d'une  grande  magnificence.  A  côté  du  pampre  aux  larges  teuilles,  on 
remarque  surtout  les  masques  d'animaux  géants  et  quelques  scènes  qui 
rappellent  tout  à  l'ait  les  psautiers  de  l'Angleterre  septentrionale. 

La  période  prospère  de  l'art  du  manuscrit  et  de  l'enluminure,  dans  ces 
cloîtres  bénédiclins  de  la  France  septentrionale,  c'est  le  xn''  siècle.  Une 
seconde  floraison,  mais  faible,  se  produisit  au  mh'  siècle.  A  partir  de  ce 


r.iis 


IllSTOll'.H  DE  L'ART 


moinenl,  les  cloîlirs,  eux  aussi,  rcroivcnl  leurs  manuscrils  des  grands 
renlirs  de  vie  scicnliluiuc  (jui  se  gntupcnl  aulour  des  uni\  crsllrs.  L'rvo- 
lulion  de  la  uiinialure  i.arisicnnc  nous  pci-nicllra  plus  lard  d'expliciucr  ce 
lail.  il  iiu|Hirlc  daulanl  plus  d'examiner  si  Ton  peul  suivre  jusqu'à  Paris, 
au  xii'  sièele,  le  slylc  de  ces  ahhayes  bén('diclines  et  si  l'on  peut  admcllrc 
l'existence  d'influences  arlisliciues  qui  feraient  alors,  du  style  de  l'Angle- 
terre et  de  la  France  seplenliionale,  la  base  de  l'art  nouveau  auxiii"  siècle. 


n  enluminait  des  manuscrits;  est-il  besoin  de 
le  priiuver?  Mais  a-t-on  le  dioit  de 
parler  d'une  école  parisienne  ayant 
unslyle  particulier?  Peu  nombreux 
sont  les  monuments  qui  entrent  ici 
en  considération.  Ici  comme  par- 
liiut,  dans  ce  domaine,  tout  reste  à 
rx|)lorerl  L'ouvrage  capital  est  la 
('.liriiiii(|ue  du  cloître  Saint-Martin- 
(les-(;iianqis,  achevée  vers  11 8S 
Bibl.  nat.,  lat.  17716).  La  Cliro- 
nique  est  précédée  d'un  anliplio- 
naire,  dont  l'image  principali', 
Irès  grande,  représente  la  Transli- 
guralion.  L'image  est  exécutée  en 
gouatdie  sur  fond  d'or,  avec  un 
large  cadre  ornemental.  Si  l'on 
juge,  d'après  cet  échantillon,  du 
talent  (pi'avaient  les  artistes  de 
Saint-Martin  —  et  c'est,  le  fond 
d'or  excellent  le  jtrouve,  mi  lra\ail 
très  soigné  —  on  s'en  fera  une 
assez  médiocre  idée  :  pauvreté  des 
motifs  dans  les  mouvements  et  les 
diaperies,  contours  inhabiles  et  louids,  laideur  des  types  de  tètes,  avec 
le  lias  du  visage  singulièrement  large.  Une  ^'ierge  sur  son  trône  et  la 
série  des  miniatures,  dans  la  Chronique,  ne  valent  pas  mieux;  mais  quel- 
ques miniatures,  du  moins,  ont  un  intérêt  anecdotique,  comme  le  miracle 
de  saint  Hugo  :  la  résurreelion  d'un  mort  sur  l;i  Montagne  Sainte-Gene- 
viève, ou  la  eonsécration  par  le  pa|ie  t  ibain  11  du  maître-autel  de  Cluny 
(fig.  '254).  Elles  se  distinguent  par  la  sinqdieilé  avec  laquelle  elles  rendent 
les  architectures  et  empruntent  certains  traits  à  la  réalité. 

L'aMiaye  Sainl-\  iclor  nous  l'ouiiiil  des  n:ali''riau\  en  jielil  nctudire, 
mais  |ilus  inl(''i-essanls.  t  n  antiplionaire  iJihl.  nal.,lat.  7'.Mi  ,  ('■erit  ])i'olia- 
blemenl    pour    Saint-^'ictor,   paraîl    i"'lre,   dans    ses    initiales,  une  œuvre 


A  Pari. 


^  ï      -  j  .^     Ollranmgiftebitpnn 

nlclTnCalTOlntUltlO     fnrautteiamtfTOlamac 

rairoitniitnnnncitic    piitnio(otrfhc>ftaiioo.w 

j     rf  a       f  mimdininminoqinpti 

jCnllâulniîntt-  mtnhtdicîrnrdflm^fi 

lwmraic(.hitt>rtBia 
qoiincpminftï'f.i'flïi' 
niftaftiirmitrjfimip 
"''  vqiriaiiïmnMi 
1,1-   nfmctara 

li.iitonB"iaiim 
ToftognnaiviîVi 
qttioTiiiiia  ezdiaf^iqi 
Timmnnn^inoitraBl 
apnurtmfiifjBnoifi 
Bobnmi'q^tnmfM^i 
(uIiâ&diUgmi^Tfidftt 
carm  «J  tm  minnlo  ajp 
'        -         ....  j         •♦      TnnoôcohaljGînTndinC't 

tnafnicaftirîicltlniq.  mmvf^^'mmm 

,       .r  .     ■        tiifbUfplicniofîimnnit 

îtlUtiq'Tlira-    Ofinoa   ûmxùmmmeaAa 

ineocuiTDînatnoliittc  fimrfubiumraitiofcï 

-»_         ^-.^        imaf ononit  rormaUy 

pttCroà'bîUtîîtICm)      ftiÇoniroîiinTraiifilm 

,  ,     _•)£—     froijJnahirnnniWnn' 

îiîtrammtnntiaria  OTnMicmiiinp,B.fiDî 

-,         ,  r   j   •  nti-iôWMijràafiifbfg.' 

iftan  à  bOntndOlOl       i<imi,iv(iiffcraramlmi 

-  ...  tiiltol>iâitrf!M;i)faiiiaC( 

nmntruoTwro   on  &niruirfefw.Wg-mr 


I.rlll( 
(i.'l'l 


iiiiluili'  dus  Ciiiiimeukiir 
no  I.uiiil.ard. 

i:il,,  l.ll,  ii:.fi5.) 


LES  xMlNIATUUES  -  LES  VITRAUX  -  LA  PEINTUllE  MURALE        r.dO 

moyenne  de  la  fin  du  \if  siècle.  Les  images  liililiqiies  sonl  moins  inipor- 
lanles  que  les  figures  ornementales.  Un  F,  par  exemple,  représcnle  l'ap- 
parition du  Seigneur  dans  le  temple  de  Salomon  (I.  Rois,  S);  divei's 
bustes  en  petits  médaillons  s'y  joignent  :  le  roi  Salomon,  le  grand  prêtre, 
un  homme  qui  égorge  la  vielime,  des  musiciens,  et  une  jeune  fille  qui 
danse.  Ces  figures,  qui  rappellent  les  lahleaux  de  genre,  font  penser  aux 
manuscrits  de  l'Angleterre  et  de  la  France  septentrionale.  Cette  ressem- 
blance est  plus  visible  dans  un  manuscrit  de  luxe  de  premier  ordre,  mais 
sans  illustrations.  C'est  un  l'jiiinuciilai  iiis  l'clri  Ijiinhdidl  in  l'sdliiins  (P)ii)l. 
nat.,  lai.  lir)*^)),  qu'un  certain  Nicolas,  clerc  de  Sainl-\iclor, légua  àl'abbé 
(iuérin  (f  1I9'2),  et  dont  ce  dernier  fit  cadeau  à  Saint-Germain-dcs-Prés. 
C'est  un  travail  de  même  style  et  aussi  excellent  que  les  meilleurs  manus- 
crits anglais  de  l'époque;  ce  sont  des  initiales  en  couleur,  avec  quelques 
tiges  entrelacées  sur  fond  partie  or,  partie  couleur;  les  tiges  aboutissent 
à  de  grandes  feuilles  aux  extrémités  allongées;  dans  les  tiges,  de  multiples 
petites  figures  d'animaux,  qui  ne  manquent  pas  d'humour  :  on  y  voit  un 
cliien  qui  joue  de  la  guitare,  cl  ainsi  de  suite.  L  n  manusci'it  Ion!  pareil, 
mais  d'un  style  un  peu  plus  ;i\anc(',  se  liouve  à  Munich  fClm.  S'JTi. 
Si  nous  savions  seulement  (|ue  ces  manuscrits  ont  été  exécutés  à  l'aiis! 
On  peul  le  supposer;  quand  un  clerc  parisien,  avant  Hfl'i,  lègue  un 
manusci'il  iwcc  li'  cnmnicnlairc  de  l'(''M'vpic  de  Paris  niorl  en  IKii-,  n'esi-il 
]ias  hès  |ir()l)able,  que  le  manuscril  a  <''l(''  e\(''culé  aussi  à  Paris?  Et  cepen- 
tlaiii.  nous  ne  ]iouvons  parvenir  à  la  cerlilude.  L'art,  dans  les  ateliers  de 
coj)istes  parisiens,  aurait  alors,  vers  117"),  alieinl  le  même  degré  de  per- 
fection C[ue  l'art  anglais.  Et  la  question  se  pose  toujours  :  pourquoi  les 
manuscrits  de  luxe  richement  illustrés,  surtout  les  psautiers,  manquent-ils 
ici,  alors  qu'en  Angleterre,  à  la  même  époque,  ils  apparaissent  en  grand 
nomlire?  La  conclusion  dernière  de  ces  réflexions  est  toujours  la  même  : 
l'Angleterre,  dans  la  miniature  de  cette  période,  a  joué  le  l'ôle  directeur; 
l'école  de  la  France  septentrionale  est  la  sœur  aînée  dont  la  beauté  cl 
les  (piailles  sont  éc]ips(''es  |)ar  celles  d(,'  la  sœur  cadette. 


La  miniature  anglaise. 

En  aucun  pays  le  contraste  entre  la  peinture  du  xu'  siècle  et  celle  de 
la  période  précédente  n'est  aussi  complet  qu'en  Angleterre,  et  nulle  pari 
on  no  \oil  aussi  clairenienl  (pii>  le  nouveau  style  est  en  recul  sur  l'art 
anlérieur.  La  technique  li'gère.  libre,  sommaire  de  la  ])ériode  anglo- 
saxonne,  avec  son  esprit,  sa  spnnl;ini''il(\  sa  iiberb'  d'albiies,  esl  rem- 
placée par  une  lourde  peinlui'e  à  la  goiiaelie  sur  fond  de  enuleui':  le  eon- 
loin-    de    htuies  les   licures  dans     l'enseudile  coniUK'    dans    le    ib-lail  esl 


r,IO  IllSTOllΠ DE  L'ART 

roi-lciiii'iil  acrusc,  ol,  au  drluil  du  nioiiis,  le  style  est  exlrèuu'iuenl  iounl. 

Les  (■oncei)lions  luirdics,  les  mouvcmcnls  dramatiques,  qui  conve- 
naient si  ])ien  au  style  suggestif  de  la  iiériode  précédente,  ne  s"accordent 
pas  avec  cette  technique  sévère,  inipitoyal.ienient  exacte  jusque  dans  le 
moindre  détail.  La  connaissance  de  lanalomie  el  de  la  perspective 
manque;  autrefois  on  savait  s'en  passer  avec  une  sorte  tl'insouciance 
légère  el  gracieuse,  mais,  dansla  nouvelle  lecliniciue,  i'arlisle  porte  péni- 
blement son  ignorance. 

Sans  aucun  doule,  la  transformation  ilu  slylr  dépend  étroitement  de  la 
conquête  normande,  mais  il  y  aurait  erreur  à  ne  voir,  dans  Fart  anglo- 
normand  que  l'imilalion  insulaire  d'un  style  continental.  A  diverses 
époques,  l'Angleterre  a  reçu  du  continent  des  impulsions  aussi  fortes, 
sous  Grégoire  le  Grand,  sous  Ethclwulf  et  Dunstan;  mais  toujours,  par 
la  suite,  lleurit  une  école  fortement  imprégnée  d'éléments  nationaux,  qui 
réagit  à  son  tour  sur  le  continent.  Nous  en  avons  ici  un  exemple.  La 
transformation  du  slyle  nous  échappe  en  ses  détails;  nous  ne  pouvons 
retrouver  les  premiers  germes  que  les  artistes  appelés  du  dehoi'S  avaient 
importés.  En  certaines  œuvres,  comme  la  copie  du  jisautier  d'Ulrecht  déjà 
nuMitionnéc  (Bril.  INIus.,  Harl.,  603),  on  voit  les  peintres  de  la  nouvelle 
école  travailler  à  côté  des  anciens;  puis,  vers  1  LJ.')  seulement,  commence 
in  série  des  œuvres  originales,  qui  vonl  s'éiiandre  en  un  large  courant 
jusqu'à  la  fin  de  la  période. 

Les  prémices  du  nouveau  style,  en  Angleterre,  sont  antérieures  de 
quelques  dix  ans  à  celles  du  continent.  Mais  elles  montrent  aussitôt  des 
particularités  qui  se  conserveront  dans  la  suite;  c'est  surtout  la  joie 
d'illustrer  richement  et  de  décorer  avec  luxe.  On  étend  à  l'infini  les  séries 
de  miniatures  et  c'est  tout  d'abord  sur  les  psautiers  que  s'exerce  cette  fan- 
taisie. Ceux  qui  commandaienl  ces  psautiers  — dignitaires  ecclésiastiques 
ou  femmes  nol)les  —  onl  lai'gi'menl  contribué  par  leur  goût  à  consliluer 
l'art  nouveau.  (J'esl  seulenn'ut  un  siècle  plus  lard  (pi'apparaissent  sur  le 
conlinenl  des  travaux  d'égale  valeur.  Du  reste,  les  grands  manuscrils  de 
biiiliotlièque,  en  particulier  les  Bibles  de  grand  format,  ne  manquent  pas 
en  Angleterre;  dans  la  deuxième  moitié  du  xii'  siècle  surtout,  l'école  an- 
glaise y  excelle.  La  calligraphie  en  est  belle,  mais  ce  sont  les  initiales  qui 
l'ont  la  l'ichcssc  de  ces  manusciils.  Aucune  jiériode  et  aucun  itays  n'ont 
vu,  dans  la  décoration  arlisli(pn^  des  initiales,  une  telle  richesse  d'ima- 
gination el  de  goût.  La  l'anlaisic  créalrice  des  pays  seplenlrion;ur\.  ipii 
s'est  toujours  donnée  libre  carrière  dans  l'ornemenlalion,  s'épanouit  ici 
magnifiquement.  Les  feuilles  immenses  empruntées  à  l'acanthe  byzantine 
prennent  une  forme  qui  fait  penser  à  des  polypes  géants;  les  tiges  entre- 
lacées s'enroulent  en  spirales  multiples,  où  viennent  se  mêler  des  figures 
d  hommes  et  d'animaux  el  les  monstres  les  idus  bizarres,  (^elle  grande 


LES  MIMATUHES  -  LES  VITRArX  -  LA  PEINTURE  MURALE 


richesse  d'imaginalioii  el  la  tendance  au  fanlaslique  se  montrent  aussi 
dans  les  singularités  iconographiques  des  miniatures  et  dans  la  création 
des  types.  On  s'explique  pourquoi  cet  art,  sous  la  conquête  normande,  a 
si  rapidement  dépassé  fart  continental. 

Y  eut-il  pour  le  nouveau  style  un  centre  d'élahoralion?  Il  est  dii'- 
ficile  de  le  savoir.  Les  oeuvres  du  début  à  nous  connues  jusqu'ici 
proviennent  de  contrées  différentes,  et  leur  classiticalion  en  écoles 
déterminées  n'est  pas  facile.  Une  œuvre  capitale  de  la  première  période 
est  le  psautier  de  l'abbaye  de 
Saint-Alhans  près  de  Londres, 
conservé  à  Hildesheim,  dans 
l'église  Saint-Godard.  Nous  con- 
naissons très  exactement  son 
histoire  :  il  l'ut  ('Tril  sous  l'aljljé 
Gaufried  i  11  l'.l-l  I  ilii  ;  son  pre- 
mier possesseur  fut  le  moine 
Roger,  un  ermite  voisin  du  cloî- 
tre, célèbre  par  son  intelligence 
et  sa  piété.  La  décoration  artis- 
tique, œuvre  de  deux  collabora- 
teurs, est,  à  plusieurs  égards, 
tiès  caractéristique.  Le  psautier 
lui-même  est,  tout  d'abord,  illus- 
tré complètement.  Dans  chaque 
initiale  se  trouve  une  petite 
image  qui  s'adapte  littéralement 
au  texte  pris  dans  le  psaume. 
Par  exemple,  au  psaume  LXXIX. 
5  [Deits  rcpulisti  nos)  :  le  Christ 
repousse  du  pied  un  personnage 
nimbé.  Au  fond,  c'est  le  même 
système  d'illustration  que  celui  du  })sauli('r  d  l'Irecht,  ([ui,  dès  le 
xu"  siècle,  fut  copié  plusieurs  fois  en  Angleterre.  Le  psautier  de  Saint- 
Albans  est  aussi  très  important  parce  que  son  frontispice  est  précédé 
d'une  longue  explication  qui  indique  le  but  de  ces  images.  Ce  que  l'image 
montre  corporalilcr  doit  se  i-eproduire  spiriliuiliU')'  dans  la  pensée  du  spec- 
tateur; ces  guerriers  qui  combattent  nous  rappellent  les  luttes  spirituelles 
que  nous  devons  soutenir  contre  le  mal,  etc.  Ces  images  symboliques  des 
initiales  prennent  un  sens  toujours  plus  subtil,  et  elles  permettent  en 
outre  l'introduction  de  scènes  de  genre  intiniment  variées.  Le  psautier 
possède  aussi  une  longue  série  de  miniatures  occupant  toute  la  jtage, 
qui  représentent  la  Chute,  Adam  et  Eve  chassés  du  Paradis,  la  ^  ie  du 


—  LeUrc  iiiiliiile  du  psautier  de  ral)h.n.ve 
;iinl-.\ll>an>,  cuiiservé  à  Uildeslieiin. 


IIlSTOIlil-:  KK  I.AI'.T 


Clirisl.  C.'ol  une  iiii|i<irl;iiilr  innovalinii,  r:w  crllc  s('ric  de  iiiiiiialiircs 
l)ii)li(|iios,  11'  plus  soiivciil  In  Nie  (lu  C.liiisl.  ciiiisliluc  liiiiiir>l  un  (■Icuienl 
liabifurl  (lu  ]is;mli('i' (pii.  au  \ni'' sirclc,  (le\  icudi'a  uuc  surlc  de  lîiiile  en 
images.  Au  ]Miiiil  de  \  ^\l^  ailisi  i(|iu',  vo  uuuiuscril  n'a  |dus  la  uu''uic  valeur. 
La  comparaison  entre  la  manière  des  deux  collahoraleurs  montre  à  quel 
point  les  miniatures  ex(''eul(:>es  à  la  gouache  sont  inf(!'rieures  aux  simples 
lavis.  I.e  pciulre  des  iniliales.  ]iar  exemple,  dans  la  miniature  du  roi 
David  au  milieu  des  musiciens,  donne  aux  l(Mes,de  prolil  hx-<.  accusé,  des 

contours  singuliers  :  le  front 
ne  se  distingue  prcscjue  pas 
du  ne/.,  la  hjvre  inf(Jrieure 
esl  saillante,  le  menton  est 
li(''s  ruyanl;  on  dirait  de 
cari  ca  I  ures  involontaires. 
L'autre  arlisle,(pii  a  ex(''Cul('' 
la  plupart  des  minialures, 
ne  tombe  pas  dans  ces 
excès;  mais  il  allonge  déme- 
surément ses  figures  et  traite 
les  plis  de  façon  toute  primi- 
tive; le  vêlement  est  comme 
collé  aux  memljres.En  dépit 
de  celle  insul'lisance  (le  la 
forme,  plus  d'une  composi- 
tion témoigne  de  quelque  don 
d'expression  d  ra  m  a  l  i  que. 
C'est  riiérilage  de  l'ancienne 
tradition  anglo-saxonne;  les 
formes  nouvelles  pourront  la 
refouler,  mais  sans  la  faire 
complètement  disparaître. 
Le  psautier  de  Sainl-Alhans  a]iparaît  comme  une  exjiression  assez 
exacte  de  l'ju-t  moyen  du  temps,  si  on  le  com}>arc  avec  quelques  autres 
manuscrits  de  luxe  de  l'époque,  surtout  avec  un  jisautier  du  British 
Muséum  (Lansdowne,  ."cSôj,  doni  le  premier  possesseur,  une  abbesse  ou 
une  nonne,  doit  avoir  eu  des  relations  avec  le  couvent  de  nonnes  de 
Shal'lesbury  (Dorsctshire). 

Il  faut  rapprocher  enfin  du  psautier  de  Saint-Albans  une  série  de 
miniatures  sur  folios  fixés  au  commencement  d'un  manuscrit  plus  récent, 
(pii  devint  au  xiv'  siècle  la  propriété  de  l'abbaye  Saint-Edmond  à  Suf- 
follv  (Candti'idge,  Pembroke  Collège).  Ce  sont  des  dessins  à  la  jdume  de 
couleur  brune,  rehaussés  (^'i  et  là  de  polychromie.  Seuls,  les  souliers  el  les 


-Minialure  du  psautier  do  l'abljayc 
de  Saint-Aliians. 


LES  MINIATURES  —  LES  VITRALX        LA  PEINTURE  MURALE        T.lô 

c-licvcu.\  sonl  loiijoiirs  exrculrs  au  lavis,  ('-elle  série  de  dessins  est  inslriic- 
tivo  el  caraclérislique  d(^  la  i-i<-liessc  de  Tari  anglo-normand;  elli^  nous  a 
consei'vé  suiioul  une  série  de  parliculari[('s  (Hranges  qui  ne  se  relrou\enf 
pas  dans  les  miniatures  [y|ii(|uis  du  coniineal.  Par  exemple,  Irllusion  i\u 
Sainl-EspriL  est  représentée  })ar  une  miniature  à  séparations  transver- 
sales: en  haut  trônent,  dans  une  mandorlc,  le  Christ  el  Dieu  le  Père;  pour 
symboliser  leur  unité,  les  deux  bustes  se  grelTenI  sur  une  base  commune. 
Les  tiMes  sont  égales,  mais  le  Chris!  a  ]>'  nimlje  en  forme  de  croix;  à  droite 


jiifmrF-hUis  cliwt  .ictnwUcaiiin 


'i  k.-1t^  ilr$). 


^>«ï-.Jt W  -       .-^"^  r»^*'-  'wfto 


FiG.  238.  —  Miniature  du  psautier  d'Eadwin. 

(Bil.l.  de  Trinily  Collège,  Canil.i  i.Ige,  li.  17.  II. 

et  à  gauche  se  tient  un  séraphin  à  six  ailes;   au-di^ssous,  trône  Marie  au 
milieu  des  Apôtres;  du  bec  de  la  colombe  s'échappent  les  rayons. 

Commencer  par  l'école  de  Saint-Albans  n'est  pas  lui  assigner  un 
rôle  directeur.  Parler  ensuite  de  Canterbui'V  n'est  pas  établir  ipie  cette 
école  ait  dépendu  de  la  première  ou  n'ait  l'ail  (pu_^  la  suivi'C.  Il  faut  nom- 
mer ici,  avant  tout,  le  psauliei'  d'l']ad\vin.  moine  et  peintre  de  ('.hi'isl- 
Cliurch  à  Canterbury  (milieu  du  xii''  sièclci;  ce  psautier,  en  grand  formai 
in-folio,  conservé  dans  la  bibliothèque  de  Trinity  Collège  à  Candjridge 
(H.  17.  Il,  nous  montre  un  porlrail  du  ropisle  qui  ri'm|ilil  toute  la  page. 
Eadwin  est  tout  à  fait  conscient  de  son  inqiorlance  et  dit  lièrenienl  de  lui- 
même  :  <i  SiriploriiiN  iirini-ejis  cr/o  iicc  ohiliirn  ilriiii-:'iis  hiiis  iiicd  iirr  /(liiid  — 
l'rcdlidl  liiiihriniiin  jaiiui  pri'  scciiln  ririnii.  iiniciiiiiiii  (ujns  hlin  ilrcii^:  iiidi- 
riil  liiijiis   i.  Si  la  posl(M'il(''  ne  parlage  pas  loul  à  l'ail  l'ojiinion  orgin'illeusc 

T.    11.    —    W 


HISTOIRE  Î)V.  I.AP.T 


que  le  prince  des  copisles  avait  de  sa  valeur,  elle  ne  peut  ce])endanl  iné- 
connailrc  la  grandeur  de  son  entreprise.  Eadwin  voulait  faire  un  pendant 
au  psautier  d'Utreclit.  Il  copia,  en  cinq  colonnes,  les  diverses  versions  de 
la  Iraduclion  des  Psaumes  avec  les  gloses.  Trois  initiales  peintes,  la  plus 
grande  pour  le  Gallicanum,  sont  en  tète  de  chaque  psaume.  D'ahord.  il  no 
se  conlenle  pas  de   copier  et  de  traduire  en  son  style  les  minialuies  du 

psautier  d'Utreclit;  il 
essaie  de  les  transpo- 
ser; mais,  après  quel- 
ques essais,  il  y  re- 
nonce,et, pour  le  reste 
de  la  série,  suit  exac- 
tement son  modèle. 
D'ailleurs,  il  n'a  pas 
l'ait  seul  tout  le  tra- 
\ail;  on  y  constate 
l'intcrvenlion  de  plu- 
sieurs collaborateurs 
inégalement  doués. 
Le  style  est  tout  t'i 
l'ait  anglo-normand  ; 
à  cet  égard,  le  modèle 
est  resté  sans  in- 
lluence  et  la  repré- 
sentation des  mouve- 
ments a  conservé  une 
hardiesse  remarqua- 
ble. Le  contour  net 
des  figures,  les  vête- 
ments collés  aux 
corps,  lesprofils  gros- 
siers rappellent  les 
manuscrits  de  Saint- 
Albans. 

Si  riches  et  lirillantes  que  soient  leurs  œuvres,  les  écoles  de  Saint- 
Albans  et  de  Canterbury  ne  peuvent  se  mesurer  avec  les  ateliers  contem- 
porains de  Winchester.  Winchester,  centre  de  l'ancienne  école  anglo- 
saxonne,  a  conservé  ses  vieilles  traditions  avec  plus  d'obstination. 
Commençons  par  un  psautier  en  latin  et  en  l'ranco-normand,  qui,  très 
probablement,  l'ut  écrit  pour  Henry  de  Blois,  évèque  de  Winchester, 
avant  MOI  (Brit.  Mus.,  Ncro  Cl\').  Le  texte  est  précédé  de  trente-huit 
miniatures  aussi  grandes  que  la  page,  dont  la  plupart  traitent  de  deux  ù 


l'iG.  'lô'J. —  L'Enler.  Miniature  du  psautier 
éciit  pour  Henry  de  Bloi-;,  évèque  de  Winchester. 


LES  MINIATURES  -  LES  VITRAUX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


quatre  sujets.  Les  peintures  sont  mal  conservées  et  l'on  ne  peut  voir 
jusqu'à  quel  point  les  dessins  bruns  furent  de  simples  lavis  ou  peints  à  la 
Cfouache.  Le  style  —  c'est  ce  qui  le  caractérise  —  essaie  de  concilier  la 
vivacité  anglo-saxonne  avec  les  modes  et  la  technique  nouvelle.  Les  figures 
ont  souvent  une  certaine  violence  de  mouvements  :  le  dessinateur  aime  sur- 
tout faire  saillir  fortement  l;i  lianclic,  et  lelTet  est  encore  augmenté  par  le 
parti  des  vêtements  collés  aux  corps;  il  recherche  le  mouvement  et  l'ex- 
pression, il  s'efforce  d'animer  les  visages  et  se  donne  lihre  carrière  dans 
les  scènes  du  Massacre  des  Innocents  et  de  la  l'assion.  Le  goTd  du  fan- 
tastique sombre  et  sauvage,  (pii  a  sûrement  son  origine  dans  le  caractère 
du  peuple  saxon,  s'exprime  avec  une  force  géniale  dans  le  thème,  naturel- 
lement préféré,  du  Ju- 
gement dernier,  qui  ne 
remplit  pas  moins  de 
neuf  miniatures.  Dans 
la  représentation  des 
tourments  infernaux, 
l'art  anglais  ne  peut 
être  surpassé.  Sa  créa- 
lion  la  plus  originale 
est  celle  de  l'Enfer  con- 
çu comme  une  gueule 
énorme  et  grimaçante. 
Nulle  part  cette  con- 
ception n'a  pris  une 
forme  aussi  effrayante 
que  dans  ce  psautier. 

^lais  le  vrai  chef-d'œuvre  ce  l'école  de  Winchester,  c'est  une  Bible  qui 
fut  également  illustrée  sous  l'épiscopat  d'Henry  de  Blois.  Lesti'ois  grands 
volumes  in-folio  de  cette  Bible  sont  aujourd'hui  conservés  dans  la  calhé- 
drale  de  Winchester.  C'est  probablement  celle  que  le  roi  Henri  11  prit  à 
Winchester  etdonna  en  cadeau  au  couvent  de\\'itham,  ([ui,  entre  1 17")  et 
1180,  la  restitua  à  ^\  inchesler.  L'illustration  avait  été  conçue  de  manière 
grandiose,  avec  miniatures  aussi  grandes  c[ue  la  page,  initiales  en  figures 
et  ornements.  Un  ai'rèt  doit  s'être  produit  de  bonne  heure  clans  l'exécu- 
tion ;  (die  fui  re|irise  pcut-êli'c  trente  années  plus  lard,  mais  jamais  a(die- 
vée.  Il  n  esl  pas  faeile  de  discernei-  les  di\ci'ses  parlies;  les  pbisancienncs 
sont  déjà  l'œuvre  commune  de  deux  artistes  ;  l'un  d'eux  se  rattaidie  |)lus 
étroitement  que  l'autre  à  la  tradition  anglo-saxonne,  ('-"est  cette  main 
«  anglo-saxonn(!  ■>  qui  ;i  cxc^'culi'  Iduir  la  di'Cdralidn  i\\i  Iniisièuie  \oluiue, 
notamment  deux  gi-andes  pages  couM'iles  île  dessins  pour  le  premier 
livre  des  Maccabées  et  le  livre  île  .ludilh.  Parnu  les  nnnialiin^s  achevées, 


miniqiiit. 

iwaacmj  amw  [ram  tloUim    Aou  ■ 
J!)llçaftim.Ura-imrupbi;imTii[uit  iniiiuir.irrjn 
Oitçnftjonu  lUTtKi  piytjpn.vripniTUii(^iia  do 

aingialMrtr,dMabaTiûnilo  Aradicaii  mm 

(kOTTaUraOïniim  mnfrrm,- 


itoicif.i  raiiir.iditi:n  u-  mrminoium 
1"frrcbit  flaicllatrdcr.vbcin.i£iiti  Acradua 

l'Iml.  Hasplorr. 


D.iif,'  lu.nnl  Ie>  pivtios.  JHninturc  de  la  Dible 
«le  la  cathédrale  de  Winchester. 


511-1  IIISTOIRK  DK  LART 

la  nifilicmc  csl  l'iiiiliiilc  il'l'lsiliiis.  L;i  lcii(hiiicc  à  la  stylisation  y  reste 
assez  déiiiaisaiilc,  mais  l'iiiilinlr  Iriiioi^nc  d'iiiic  \érilalile  puissance  d'in- 
vention ornementale;  le  i'eiiillaiie  anglo-saxon  en  l'orme  la  base,  mais 
cnlremélé  de  figures  nombreuses,  hommes  nus  et  dragons.  L'autre  artiste, 
à  peu  prrs  conienijioi'ain,  suil  dr  plus  pi'ès  le  style  du  psautier;  les  con- 
tours Irrs  mouvemcnlés,  le  v(Memenl  élroilemenl  collé  au  corps  avec  les 
plis  ramenés  en  l'aisceaux,  en  sont  les  traits  caractéristiijues  (voir  notam- 
ment les  initiales  du  Psaume  LI,  en  particulier  la  scène  oîi  Doeg  tue  les 
prêtres  (fîg.  iljO).  Nous  ne  pouvons  parler  de  toutes  les  œuvres  qui  s'y 
raltaclicnl  ;  meiilionmiiis  seulement  quelques  pièces  capitales,  de  style  égal 
et  aj)parlenanl  à  la  piemiére  époque  du  règne  d'Henri  II  :  les  Bibles  du 
«  Coi'pus  Clirisii  (lollege  »  à  Cambridge  (n"  2),  et  delà  Bibliothèque  du 
Lambelii  Palace  à  Londres  (n"  5);  ensuite  deux  psauliers  ti'ès  analogues, 
remarquables  par  la  ric-hesse  des  miniatures  comme  jiar  rin\cnli(ui  fantai- 
siste de  leurs  innombrables  initiales;  ils  se  trouvent  à  Glasgow  (Iluntcrian 
Mus.,  U.  7). '2.)  et  à  Copenhague  (Bibl.  Boyale,  Fhott  145);  les  limites  de  ce 
lra\ail  n(>usrnqi("'cli<'nl  niaiheureusemenl  d'insislcr  sur  (•(•s(i'U\  res. 

Le  degi'é  de  pcrleclion  cpie  la  pcinlure  anglaise  a  alleint  dans  les 
minial  urcs  anciennes  de  la  P»il)le  di'  \\  inchesler  jiurait  dû,  si  son  évolu- 
liiin  u'aNail  pas  subi  d'innuences  contraires,  amener  la  formation  d'un 
slyle  1res  mani(''r(''.  VA\f  a  ('li'  arrêtée  pai'  une  influence  byzantine,  1res 
i'orle  el  liés  duraiile,  qui  se  fail  seiilir  dans  la  seconde  moitié  du 
xm'  siècle.  L'(''Voluli(in  es!  ici  parallèle  à  celle  de  l'Allemagne  conlempo- 
raine.  La  seule  dirr(''rence  est  (pie  l'ail  allemand  fui  alleint  axcc  iiiiini- 
meiil  plus  de  ^  iolence  dans  son  originalib'',  el  ne  pnl  se  d(''liarrasser  des 
modèles  (''Irangers  avec  aulanl  de  l'acililé  ipie  l'arl  anglais.  Résumons  les 
effets  produits  par  ces  influences  byzantines.  Il  faut  noter  tout  d'abord  la 
modilicalion  des  figures.  Jusqu'alors  la  règle  était  de  les  allonger  ou  de 
les  contourner  ;'i  plaisir:  voici  (pn^  les  lois  de  la  [iroporliou  eiiirent  en 
vigueur;  elles  exigent  dans  la  forme  une  certaine  largeur  el  une  certaine 
plénitude.  Le  sentiment  du  modelé  s'accentue.  C'est  ensuite  une  manière 
nouvelle  de  draper;  les  vêlements  cessent  de  se  coller  étroitement  au 
corjos  en  plis  concentriques  ;  la  draperie  prend  une  grande  liberté  de  mou- 
vement. En  troisième  lieu  les  types  des  visages  eux-mêmes  subissent 
l'influence  de  l'art  liyzanlin:  on  reproduit  les  rajjjiorls  de  pro])ortion  entre 
les  yeux,  le  ne/,  e[  la  bouche,  sourcils  ar(pi(''S,  ncux  l'enduseii  amande,  nez 
élroil  et  recoui'lié,  liouche  jielile.  lui  oulre,  on  emjii-unle  à  l'art  byzanlin 
toute  une  série  de  iêles  caraclérisli(pics. 

L'ail  anglais  lira  de  celle  influence  byzantine  un  avantage  essenliel  : 
(Ml  allait,  à  parlir  de  ce  moment,  comprendre  mieux  la  forme  humaine,  cl 
réagir  contre  la  conception  purement  OHiementalc  qui  a\ail  juévalu.  Sans 
doute,  l'originalité  nationale  est  en  partie  perdue,  el  le  charme  piquant 


LES  MINIATURES  —  LES  NITISAIX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


-.17 


lie  son  slyle  particulier  maiiquo  aux  niinialurcs  convenlidiincilrs,  mais 
plus  régulières,  qui  procèdent  de  l'art  byzantin.  Pourtant,  il  se  l'ornie  très 
rapidement  un  style  nouveau  qui  met  en 
œuvre  ces  conquêtes,  mais  reste  indé- 
pendant. 

Comme  premiers  témoins  de  l'in- 
fluence, éludions  deux  miniatures  du 
psautier  d'IIcnry  de  Blois  ;  elles  re}ir(''- 
senlcnl  la  mort  de  ^larie.el  la  Mère  de 
Dieu  sur  son  trône,  entourée  d"ar- 
cliant^es.  Ces  miniatures  se  distinguent 
très  nettement  des  autres, bien  qu'elles 
ne  soient  pas  très  postérieures.  Ce  sont 
p(ut-(''tre  des  copies  de  tableaux  byzan- 
tins lapporlés  par  Henry  de  Blois  de 
son  voyage  à  Home  en  1151-il')'J. 
Lécliantillon  jirincipal  du  style  nou- 
veau est  un  psautier  exécuté  vers  la  lin 
du  xii'  siècle  dans  l'abbaye  de  ^^'est- 
minster  (Brit.  Mus.,  lioyal  ms.  2  A, 
XXII).  Ici.  plus  rien  d'aiii^lo-saxon.  i.e 
Christ  sur  son  In'uic  de  la  Majcslas 
diiinhii  est,  jiour  les  projHirlioiis  rt  les 

draperies,  entièrement  imité  de  modèles  byzantins.  L'élément  national  est 
si  bien  refoulé  que,  devant  cette  miniature,  on  parlerait  presque  de  séré- 
nité classicpie.  Le  même  esprit  se  retrouve,  sinon  ;ivee  une  pureté  égale, 
dans  les  auties  miniatures,  surtout  dans 
l'Annoneialion  :  les  tètes  ici  unissent  une 
|ilénitude  et  une  douceur  particulières  à  la 
régularité  du  type  byzantin;  dans  le  vête- 
ment, la  simplicité  noble  et  tranquille  de- 
\  ient  presque  monotone.  La  teclinicpie  de 
la  gouache  est  excellente,  le  fond  d'or  four- 
nil un  repoussoir  magnifique. 

L'influence  byzantine  est  donc  très  efti- 
caee  ici  pour  la  transformation  du  style; 
mais  il  ne  peut  être  question  de  copie 
d'après  des  modèles  particuliers,  comme 
(biiis  le  psautier  de  AMnchester;  il  s'agit 
pluli'il  d  une  ins[iii'ation  générale,  d'un  id(''al 
que  s'est  assimilé  le  peintre.  C'est  le  cas  de  celui  qui  entreprit  d'achever 
la  Bible  de  Winchester,  mais  n'arriva  pas  au  bout  de  son  tra\ail.  l  ne 


FiG. 


-  L'Annonciation.  Miniature 
lie  l'alibave  de  Westminster. 


(Iji-il.  Mus,,  liuy.ll  i 


Qm  ftatJTO  adcnnrpanim'  utBIito  aradinlr 
dornidminMm- 


^ 


Phol    Uasclull 
fi.  i\'l.  —  Esquisse  d'une  minialure 
pour  le  Psaume  CIX. 

(Bil.l.  d.'\Vin.:li.-I.T) 


318 


HISTOIRE  DE  L'AUT 


esquisse  iiour  rilliisiralion  du  iisaumc  CIX  ic'|)r(''senlr  la  Trinité  el  deux 
rois  sur  leurs  [runes;  elle  coneilie  le  calme  solennel  avec  le  mouveuienl 
élégant  et  léger  des  lignes  et  l'harmonie  des  proportions;  c'est  l'un  des 
chefs-d'œuvre  de  la  peinture  au  moyen  âge.  I^e  même  artiste,  ou  un 
artiste  qui  lui  tenait  de  près,  a  exécuté  un  certain  nombre  de  miniatures 
qui  unissent  à  ce  style  épuré  la  force  dramatique  et  le  mouvement  original 
de  la  période  ancienne.  11  l'anl  relever  ici  sui-tout  les  illustrations  des 
psaumes  I  et  CI. 

Quoique  le  uduilire  des  uianuscrils  illustiés  ait  été  très  grand  et  leur 


.PllKTDjMfilil'.ilioiT.ljînitrlIfLrii 
_' lomifi:  lijtiiti'd.lrjiljnipdnliad 

ion-  fntdtno  »  >^fijiii  5rmifj)}H))iuIo  iihI.iko  . 


FiG.  'J'ki.  —  Miiii.-ilnio  |M>iii'  l'illiij^li.ilidii  lin  IVauiin.'  \LIII. 
Coiiic  du  l'.-aulier  U'UIioiIlI. 

(Ilil.l.   ll;.l..  l.il.  SSiO.) 


décoration  très  riche,  il  ne  s'en  est  conservé  qu'un  petit  nondire  (|iii 
puissent  se  comparer  à  la  Bil)le  de  Winchester.  Le  plus  important  est  une 
copie  du  psautier  d'LTrechI,  la  plus  récente  que  l'on  connaisse  (Bibl. 
nat.,  lat.  (SSi(i).  Son  oiigiae  est  incdunue;  il  y  a  <piel(pn'  vraisemblance 
qu'elle  ait  été  écrite  à  (lanterbiiry  à  la  Ihi  du  xii'  siècle;  du  moins  la  ver- 
sion des  miniatures  du  texte  serajiproche  tout  à  l'ail  du  manuscrit  d'Eadwin. 
On  en  a  conservé  huit  grandes  pages  in-folio  dont  la  plupart  contiennent 
douze  miniatures;  on  y  observe  quelques  traces,  assez  rares,  de  l'influence 
byzantine;  mais  en  général  le  style  a  déjà  reconquis  plus  d'indé]ien- 
dance;  l'ancienne  prédilection   pour  les  ligures  dune  extrême  sveltesse 


LES  MINIATURES  -  LES  VITRAUX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


rcapparaîl,    sans   poiirlanl    aucune   irminisccnce    liltéralc  des  anciennes 
parties  de  la  liililc  de  ^^  incliesler.  Les  (rails  troriginalité  iconographique 
sont  rares;  oc  qu'il  y  a  de  plus  élrangc  est  peut-être  la  scène  des  possédés 
dcGerasa,  avec  des  nègres  l'orl  habilement  caractérisés.  Les  illustrations 
du  psauliei'  suiM'ul  la  MM'sion  d'Ividwin;  elles   nous   intéressent  surtout 
par  la  manière  don!  le 
modèle  es!  accouunodé 
au  style    nouveau.    Le 
psautier  d"L  trcchl  sait 
Iiarmoniser    ses    nom- 
breuses scènes  dans  le 
ciel  et  sur  la  terre  a\  ec 
un  vaste  paysage;  ici, 
au  contraire,  les  plans 
sont   nettement    sépa- 
rés;    les     chaînes     île 
montagnes  deviennent 
des  langues  de  terres, 
rubans  serpentins  dont 
le  réseau  couvre  la  mi- 
niature;   le   peintre  ne 
comprend  plus  que  les 
personnages  devraient 
y  être  placés;  il  les  met 
tranquillement  au  beau 
milieu    du    magnifique 
fond     d"or.     \o\v    par 
exemple     les    illuslia- 
tions  du  psaumeXLll  1, 
oi!i  les  défenseurs  de  la 
forteresse,     pleins     de 
confiance   en  Dieu,    se 
tiennent  debout  ou  age- 
nouillés   dans  le   fond 
d'or.  Mais  cette    miniature   (^lig.    '2i-'>i   montre   aussi  quelle  piédilection 
avaient  ces  artistes  pour  les  sujets  de  bataille.  Avec  quel  plaisir  et  quelle 
habileté  la  sortie  des  guerriers  en  lr()U}ie  n'esl-elle  pas  rendue!  Le  psau- 
tier resta  inachevé;   il  fut  continué,  au  xiv"  siècle,  par  un  peintre  italien. 
Il  n'est  pas  absolument  certain  que  ce  psautier  provienne  de  Canter- 
bury;  mais  un  autre  groupe  de  manuscrits  de  luxe  en  provient   certai- 
nement; ce  sont  les  Bibles  de  Mainerus.  Elles  tirent  ce  nom  du  manuscrit 
princii>al  (Bibl.  Sainte-Geneviève,  n""  7-0).  Le  copiste  parle  de  lui-même 


FiG.  '2ii.  —  L'Enfer.  Page  d"un  psautier. 

(riihl.  rn\.  deMiini.l),  Clm.  831) 


r,2n  iiiSTOir.E  ni-  i.'art 

a\o<'  nue  vnnioriliso  qui  rii|i]irlli'  Ividwiii.  11  no  vful  pas  qu'on  doulf  de 
sa  léiiil  iniih''  ri  ci'oil  niTcssairc  de  doniH'i-  un  liisl(M'i([U('  de  sa  l'aniille, 
avec  une  étymologie  hardie  dans  la  dcrivalion  des  noms.  Mainerus  étail-il 
uniquement  colligraphe  ou  clai(-il  aussi  peintre?  Nous  l'ignorons;  en  tout 
cas,  d'aulrcs  ariisles  ont  lra\aiil(''  à  la  lîililc.  Il  en  est  de  même  jiour  la 
Bible  Irrs  analogue  de  la  lîiliiidLlircpie  nationale  (i^al.  1 15."  i-1  i ,').■"),*))  et 
pour  le  fragment  tle  Ponligny  (Lat.  iSiS^iTij.  Si  belle  que  soit  la  décoialii>n 
calligraphique  et  ornementale  de  ces  Bibles,  si  riche  et  si  important  que 
soit  leur  contenu  iconographique,  leur  valeur,  pour  l'histoire  de  l'art,  est 
faible.  Leurs  ligures  sont  inférieures  à  celles  des  œuvres  précédentes. 
Seule  la  décoration  des  tables  canoniques  mérite  d'être  relevée;  ce  sont 
des  scènes  du  Nouveau  Testament,  avec  de  petites  scènes  de  genre  em- 
pruntées probablement  au  Bestiaire,  d'un  acc(Mil  réaliste  et  d'une  drc'ib^ric 
remarquables. 

La  pi'édilection  de  l'épcique  i)Our  les  miniatures  fut  si  grande  t[ue, 
selon  toute  apparence,  la  (piantité  était  parfois  ])lus  estimée  que  la  qualité 
el  (pie  l'oi'iginalilé'  de  l'inN cnlioii  n  (Mail  jias  exigée.  Nous  en  avons  un 
e.\einj)le  dans  trois  psauliers  doni  les  minialiu'es  ont  dû  être  ti'('s  appré- 
ciées. L'exem[ilaire  le  meilleur  el  le  })lus  liche  esta  Munich  (dlm.  Sôà)  ; 
les  deux  autres,  inférieurs  el  plus  pauvres,  sont  ù  Londres  (  Brit.  Mus., 
Arundel  157  et  Boyal  ms.  I  1)  X  ,.  L(^  premier  a  environ  soixante  pages  de 
miniatures,  avec  plusieurs  scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament 
et  d'innombrables  initiales.  L'iconographie  est  ici  plus  importante  que  le 
style;  en  réalit('',  nous  y  trouvons  des  compositions  fort  originales,  par 
exemple  un  .lug(Miienl  dernier  en  cjuafre  miniatuics,  qui  commence  ]iar  la 
Miijcsiiis  />(»;(////:  le  (llirist  pose  le  pied  sur  des  lions  et  des  dragons;  suit 
une  image  du  ciel  avec  toutes  les  catégories  des  Bienheureux;  puis  la 
scène  du  Jugement  proprement  dit,  la  Bésurrection  des  morts,  la  sépara- 
tion des  élus  et  des  r(''pi-ou\  es  :  enlin  un(^  repi'ésenlalion  de  l'iMifer  d'une 
invention  macabre.  Ln  pliable  laisse  des  i'(''prou\  (''s  enchaînés  ensemble 
tendre  vainement  leurs  mains  vers  les  fruits  d'un  arbre  el  l'eau  d'une 
source;  ailleurs,  ils  sont  rôtis  sur  le  gril  ou  suspendus  au  gibet  au-dessus 
du  feu.  Des  évoques  r(jtissent  à  petit  feu  dans  une  marmite,  tandis  (pi'un 
diable,  assis  sur  leur  dos,  les  y  enfonce.  Ce  Jugement  dernier  doit  avoir 
été  célèbre;  cinquante  ans  après,  plus  tard  même,  il  a  été  copié,  en  formes 
gracieuses  imitées  du  gothique,  dans  un  [isautier  de  provenance  probalib}- 
menl  londonienne  (Cambridge.  Ti-iuily  Collège,  B.  xi,  il. 

La  miniature  en  Allemagne. 

La  miniature  allemande  du  xii'  siècle  n'a  presque  rien  sauvé  de  ses 
conquêtes  artistiques  de  la  période  olhonicnne;  même  les  régions  jusque- 


LES  MINIATURES  —  LES  VITI'.AUX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


là  au  premier  }ilan.  les  pays  du  Rhin  suitoul.  passent  au  second,  du 
moins  pour  la  miniature;  les  centres  nouveaux  se  forment  de  préférence 
dans  les  endroits  et  les  contrées  qui  n'avaient  joué,  jusqu'alors,  qu'un  rôle 
modeste.  Des  divergences  de  style  très  accentuées  se  manifestent  pendant 
tout  le  \if  siècle.  D'un  côté,  ce  sont  des  dessins  à  la  plume,  d'une  note 
extrêmement  sévère  et  simple;  de  l'autre,  des  peintures  à  la  gouache 
d'après  des  modèles  byzantins.  Ce  n'est  que  vers  la  fin  du  xu'  siècle  que 
les  inlluences  byzantines  triomphent 
partout  et  inaugurent  un  nou\cau 
style. 

ÉX'OLES  DU  SUD-EST.  —  Depuis  le 
commencement  du  xi'  siècle,  à 
Ralisbonne,  des  inlluences  Ijyzan- 
tines,  conséquence  naturelle  de  la 
situation  géographique,  avaient  joué 
un  rôle  important  dans  la  formation 
du  style.  Au  cours  du  xii'  siècle, 
ces  influences  sont  si  fortes,  dans 
l'Allemagne  du  Sud-Est.  c|ue  les  élé- 
ments byzantins  y  deviennent  pré- 
pondérants. Salzbourg,  siège  de 
l'archevêché  et  centre  ecclésiastique, 
est  aussi,  à  cette  épocpie,  le  centre 
artistique;  il  étend  ses  ramifications 
de  tous  côtés.  L'œuvre  la  plus  bril- 
lante, sinon  la  plus  ancienne,  de 
l'école  de  Salzbourg,  est  le  Lection- 
naire  du  couvent  Sainte-Ehi'enlrud  à 
Salzbourg  i^Munich,  Bibl.  roy.,Clm. 

loOO^).  Sa  décoration  est  surtout  orncmenlale.  La  i)lus  grande  miniature 
représente,  sur  une  demi-page,  le  Christ  à  c[ui  saint  Paul  et  saint  Pierre 
offrent  leurs  hommages.  Les  initiales  ne  contiennent,  pour  la  plupart,  que 
des  demi-figures  :  la  Mère  de  Dieu  avec  l'Enfant  Jésus  et  l'inscription 
«  Sancta  Theotocos  »,  ou  un  Christ  ressuscité.  Types,  composition,  dra- 
peries sont  enqiruntés  au  modèle  byzantin:  seule  une  certaine  fermeté 
un  peu  sèche  trahit  la  mentalité  romane  du  peintre.  A  la  qualité  des  pein- 
tures répond  la  l)eauté  ornementale  de  la  décoration;  elle  met  le  manuscrit 
au  niveau  des  chefs-d'œuvre  de  la  période  othonienne.  Les  initiales  se 
composent  de  grandes  fleurs  qui  rappellent  l'acanthe  byzantine.  Çà  et  là. 
des  animaux  sont  entremêlés  aux  tiges.  La  perfection  technique  et  I  liai- 
monie  des  couleurs  vont  de  pair  dans  ce  chef-d'onivre. 

La  plupart  des  œuvres  qui  se  rattachent  à  l'école  de  Salzbourg  sont 

T.    II.    —    il 


FiG. '2io.— I.i-Cliri 
Leclioni.aii-cde: 


l  fulre  saint  Pierre  et  saint  Paul 
aiiile-Elirentrud  de  Salzliours- 

.11-  Munit-Il.  CIni.  13911?.) 


:,-11  HISTOIRE  DE  L'ART 

(le  Iravail  plus  grossier  el  de  style  plus  maniéré.  Le  style  es!  maniéré 
parce  ({uOn  veut  lriom]iher  des  modèles  byzantins  et  transformer  leurs 
types;  l'iconographie,  de  même,  révèle  de  nombreux  détails  byzantins, 
sans  toutefois  cjuc  la  marque  originelle  de  la  pensée  occidentale  dispa- 
raisse complètement.  Elle  reste  comme  un  noyau  solide  sous  la  gangue 
byzantine  et  se  manifeste  surtout   dans  certains  dessins  à  la  plume. 

Cette  marcIie  parallèle  de  deux  lerliniques  se  retrouve  dans  une  des 
leuvres  les  plus  riches  de  récole,  l'Antiphonaire  du  couvent  Saint-Pierre 
à  Salzbourg  (vers  1100).  La  peinture  à  la  gouache  passant  pour  une 
technique  plus  noble,  les  miniatures  principales  lui  sont  réservées.  Le 
dessin  à  la  plume  noir  et  rouge,  sur  fond  de  couleur,  n'est  qu'un  modeste 
auxiliaire.  Notre  goùl  moderne  n'en  préfère  pas  moins  ces  simples  dessins 
aux  reluisantes  peintures  à  la  gouache.  C'est  avec  les  moyens  les  plus 
simples  que  l'arlisle  a  été  le  plus  expressif. 

L'école  de  Salzbourg  se  proposait  prinripalenient  d'exéruli'r  des 
li\res  liturgiques  et  des  Bibles.  L'illustrai i(tM  de  la  Bible  surtoul  olfrait  à 
la  peinture  un  champ  d'activité  nouveau  el  très  fécond.  Ces  manuscrits 
sont  tous  de  format  géant;  les  miniatures,  au  commencement  des  livres, 
remplissent  facilement  toute  une  page.  On  a  coutume  ensuili'  dedi\iser 
en  plusieurs  parties  cette  grande  surface;  ce  (pii,  à  l'occasion,  donne  lieu 
à  des  formes  ornementales  qui  rappellent  les  médaillons  de  la  peinture  sur 
verre.  C'est  le  cas  de  la  Bible  d'Ei'langen  (^Bibl.  de  l'Université,  Cod.  Ô68j 
qui,  dans  la  deuxième  moitié  du  xii"  siècle,  fut  achetée  pour  Saint- 
Gumperl  à  Ansbach.  Une  autre  Bible  de  même  style  fut  achetée  pai- 
l'abbé  "Walther  de  Michaelbeuern  (llfil-1190)  pour  son  abbaye,  où  le 
premier  \  olume  est  encore  conservé.  Une  troisièmi^  Bible  appartient  au 
couvent  Admonl  en  Styrie;  on  la  fait  remonter  au  fondateur,  l'arche- 
vêque Gebhard  de  Salzbourg  (1081);  celte  tradition  n'est  juste  qu'en 
partie  :  la  Bible  provient  de  Salzbouig,  f)ù  les  deux  autres  Bililes  ont  jni 
également  être  achetées. 

Salzbourg  n'était  pas  le  seul  endroit  où  l'on  cultivât  la  miniature. 
Nous  possédons  encore  de  l'abbé  ^^'alther  de  ÎNlichaelbeuern  un  manu- 
scrit illustré  (Munich,  Clm.  S'271)  qui  suit  de  près  les  modèles  de  Salz- 
bourg; de  1 178  date  un  livre  d'Évangiles  analogue  du  cloître  de  Banshofen 
(Oxford,  Bodl.,  Canonic.  Bibl.,  lat.  (iO).  Ces  œuvres  se  rattachent 
étroitement  à  l'école  de  Salzbourg.  Batisbonne,  au  contraire,  à  cette 
épocjue,  n'a  ]ias  complètement  perdu  son  indépendance  aitistique.  On  peut 
suivre  ici  l'évolution  dans  une  série  de  nuuiuscrils  illu>lri''s  à  la  plume, 
qui  provicnneni  en  partie  du  cloître  voisin  de  Prufening.  A  parlirde  1158, 
le  bibliothécaire  W'olfger  et  le  frère  Swichcr  y  exécuLèrenl  une  >■  .Mater 
A'erborum  »  (Clm.  l.jOU'2),  dont  les  miniatures  montrent  les  vertus,  les 
vices  et  leurs  conséquences  en  des  exemples  historiques.  Ces  dessins  sont 


LES  MINIATURES  -  LES  VITRAUX  -  LA  PEINTURE  MURALE        523 


d'oxcellcnis  rclianlillons  (lu  slyle  roman  srvi'-iv,  sans  hyzanlinisnie,  et  1res 
dignes  d'allrnlion.  Même  avec  l'('m[>li>i  de  la  gouache,  le  slyle  y  reste 
exempt  de  byzanlinisme.  Témoin  le  Kaloidariiim  ncrrologirum  de  Talihaye 
Obermûnster  de  Ratisbonne  (fin  du  \\f  siècle;  Munich,  neichsarchiv.)  ;  la 
miniature  principale  représente  le  Paradis;  des  anges  porteni  les  Ames 
dans  le  sein  d'Abraham,  qui  Irùne  dans  une  mandorle  sur  l'arc-en-cicl.  Le 
Paradis  est  indii|nr>  par  les  lleuves.  les  jdanles  el  les  colombes.  L'eiret 
d'ensemble,  comparé  avec  les 
œuvres  de  Salzbourg,  est  sim- 
ple et  lourd;  il  n'y  a  aucune 
trace  d'inllucnce  byzanline. 

LES  ÉCOLES  DU  SL'D-OCES'l 
(SOVABE  ET  ALSACE).  —  La 
grande  imjioiiancc,  à  r(''poqiie 
othonienne,  des  abbayes  béné- 
diclines  situées  près  du  lac  de 
Constance,  aurai!  dû,  selon 
toutes  prévisions,  rxercer  une 
influence  ])lus  l'orle  sur  l'arl 
roman.  En  réalité,  les  analogies 
sont  insignifianles;  an  con- 
traire, c'est  précisément  la 
Souabe  qui,  vers  le  milieu  du 
xii"  siècle,  représente  surtout 
la  sévérit(''  du  slyle  dans  le 
dessin  à  la  plume.  Une  série 
de  cloîtres  souabes  ont  con- 
servé plusieurs  manuscrits 
illustrés  qui  jellenl  un  jour 
complet  sur  cette  évolution. 
Une  originalité  mar(pu''e  se 
révèle  surtout  dans  les  oeuvres 
du  cloître  de  Zwiefallen.  La  ]ilus  belle  épo([ue  doit  a\  oir  commencé 
peu  après  1150;  les  œuvres  principales  sont  le  Clironicon  Zici/allctisc 
mimis  (Stuttgart,  Bibl.  roy.,  Ilisl.,  in-f",  '/.ir))  et  un  Passionale  (in-f,  5G-:)8). 
La  ligne  sans  doute  es!  Inin  daNoir  la  souplesse  expressive  qu'elle 
acquerra  au  xin^  siècle  Ici  tout  est  encore  loTU-d  et  pesant;  le  vêtement 
est  traité  avec  une  grande  pauvreté  de  motifs;  il  se  colle  au  corps  el 
circonscrit  la  poitrine,  le  \eii|n\  hvs  genoux,  de  lignes  ovales  qui  se 
répètent  avec  régularité;  on  bien  il  se  développe  en  séries  uniformes  de 
plis  aux  arêtes  cassées.  Le  charme  particulier  de  ces  miniatures  est  dans 
l'effort  louchant  que  fait  l'artiste  pour  donner,  avec  son  mince  bagage  de 


îiû.  —  Lv^  ailles  portant  des  âmes 

dans  le  sein  d'Aljiahani. 
Km  nen-nlnglciim  de  Taliliaye  Obermilnslr 
de  Ratisbonne. 
(Municil,  Kciclisarcliiv.) 


.'2i  HISTOIFΠ  DE  L'ART 

proci^'dés,  uni'  l'orme  jilasliquc  à  des  oljjcts  qui  drvuionl  lui  (Jiij)08(;r  d'in- 
nombrables difficultés. 

Ce  style  paraît  ne  pas  avoir  duré,  dans  FAllemagne  du  Sud-Ouest,  au 
delà  de  la  lin  du  xii"  siècle.  Vers  J200,  l'imitation  de  modèles  byzantins 
est  partout  la  règle.  L'œuvre  la  plus  intéressante  de  la  période  de  transi- 
tion est  j)cut-èlrc  le  célèbre  llorlus  deUciarum  de  l'abbesse  du  cloître  de 
Ildiicnliurg  (Saintc-Odilei,  Herrad  de  Landsberg.  Le  manuscrit  a  été 
détruit  en  187(1,  lors  du  bombardemenl  de  la  Bibliotbèque  de  Strasbourg. 
Nous  n'avons,  pour  juger  celle  (cuvi-e,  que  des  i-éj)liques  et  des  copies; 


'"'Vî :,J: 


\ 


'  -^V    Si     i  ['  '  '-■'11'.  '^  '.  - 

r^p^  i  \.;    !'v.     '.  ":     -       .        '      i      "   •  ...  .%/ 

■  i        .  X,': 


'h.. \.;,u<\. 

Fk;.   '217.  —  C.riu-ili\ii>n  syniLidliiiiio.  .MinialiiÈO  de  VUinlnx  deliri,inim. 

mais  les  Irails  fondamentaux  sont  si  clairs,  si  évidents,  ipiil  nous  esl 
possible  de  déterminer  les  courants  essentiels  qui  viennent  s'y  UK'danger. 
l.'lliirlns  (h'Iiciantin  lui-même  est  un  travail  de  compilation,  où  l'auteur 
a  tiré  de  sources  multiples  une  encyclopédie  des  connaissances  néces- 
saires; la  décoration,  comme  le  texte,  garde  les  traces  de  nombreux 
modèles  :  traces  d'influences  occidentales  et  byzantines,  innovations, 
vieilles  traditions  s'entrecroisent  dans  l'esprit  de  l'artiste.  Mais  quels 
que  soient,  dans  les  miniatures,  les  emprunts  iconograpbiques  ou  stylis- 
tiques, on  ne  peut  y  méconnaître  une  individualité  artistique,  et  une  indi- 
vidualité fort  originale.  Cette  miniaturiste  se  distingue,  tout  d'abord,  par 
sa  prédilection  pour  tout  ce  qui  est  étranger,  fantastique  et  bizarre.  C'est 
ainsi  seulement  que  l'on  comprend  pourquoi  elle  donne  un  cycle  de  scènes 


LES  MINIATURES  -  LES  VITRAUX  -  LA  PELNTURE  MURALE 


(Mnjtruntées  au  Nouveau  Teslauii'iil  ([ui  se  rallachc  à  riconogra|iliie 
byzantine,  sans  les  transformations  et  modifications  que  tout  peintre  occi- 
dental y  aurait  apportées.  Kl,  parmi  les  modèles  byzantins,  elle  a  clioisi 
les  plus  riclies  et  les  plus  oi'it>inaux.  Comment  Herrad  a-l-elle  trouve  le 
modèle  vieux-byzantin  quelle  doit  avoir  utilisé  ici?  Où  a-t-elle  puisé  une 
connaissance  si  parfaite  des  Jugements  derniers  byzantins,  cpi'en  les  imi- 
lani,  mais  sans  les  copier  exactement,  elle  nous  donni;  la  révélation  la 
plus  complète  du  type  byzantin?  Et,  à  côté,  nous  trouvons  une  quantité 
d'autres  compositions  qui  n'ont  absolument  rien  de  byzantin;  on  y  voit 
apparaître  les  allégories  et  les 
symboles  de  la  peintuic  pliilosn-  ^r~~-- 
[ilii([ue  occidentale.  Cr  sont  les 
miniatures  qui  ont  pour  modèle 
l'illustration  de  la  l'.'<ii<li(iiiiii(liir 
de  Prudence  et  qui  remplissaient 
dix  pages  du  manuscrit  :  la  Sii/icrhiii 
bien  connue,  lièremenl  campée  sur 
son  clicval  et  sa  peau  de  lion;  les 
\'ertus  et  les  Vices  marcha  ni  au 
combat,  en  longs  cortèges,  dans 
un  costume  d'amazones  imagiiK'' 
d'a}Hès  l'accoutrement  des  clie\a- 
liers  de  l'épocjue.  XOici  aussi 
l'Eglise  représentée  comme  une 
citadelle  oii  se  réfugie  le  croyant: 
la  Philosophie  personnifiée  :  à  ses 
pieds,  sont  assis  Socrate  et  Platon  ; 
de  son  sein  s'échappent  six  lleuves 
auxquels  correspondent  les  ligures 
des  Arts  libéraux,  etc. 

A  W'eingarten,  vers  la  tin  du 
XH'  et  au  commencement  du  xiii'  siècle,  l'activité  artistique  a  été  très 
grande.  On  abandonne  alors  complètement  la  technique  du  dessin  à  la 
plume;  les  manuscrits  sont  richement  illustrés  à  la  gouache.  L'œuvre 
capitale  de  l'école  est  un  missel,  exécuté  sous  l'abbé  Berthold  (1200- 
i-I^'I),  conservé  dans  la  bibliothèque  de  lord  Leicester  à  Holkham  Hall 
(Norfolk).  L'artiste,  un  inconnu,  était  tout  d'abord  un  ornemaniste 
éminent,  moins  par  la  richesse  des  formes  que  par  le  sens  du  coloris; 
ses  ornements  en  argent  sur  fond  noir  sont  d'un  grand  elïet,  et  très  origi- 
nal. Son  style  trahit  de  multiples  intluences.  ^Mais  tous  ces  éléments  sont 
repoussés  au  second  plan  |iar  l'individualité  marquée  de  l'artiste,  l'arloul 
il  s'efforce  de  metlie  de  l'originalité  dans  ses  composilions;   il  donne  une 


FiG.  iis.  —  LArniuiiiialion  à  Zacluiiie. 

jAIissel  lie  rabbé  Berthold. 

(Bilil.  lie  lord  Leir,>s(or.) 


:,^}r,  HISTOIRE  de  laht 

vie  nouvelle  ;iu\  Uirines  anciens;  il  essaye  d"ajiiu-olV)ndir  l'expression.  Il 
est  délicieux,  quand  il  conle  l'Adoralion  des  Mages,  les  détails  et  les  épi- 
sodes de  leur  voyage  et  de  leur  arrivée.  Mais  le  peintre  n'est  pas  seule- 
ment un  conteur  naïf;  il  sait  aussi  prendre,  à  l'occasion,  un  ton  solennel 
dont  l'effet  est  très  persuasif.  Dans  l'Annonciation  à  Zacharie,  par 
exemple,  l'autel  est  entouré  de  colonnes;  à  droite  Zacharie,  à  gauche 
l'ange;  leurs  tèles  seules,  en  partie  cachées  par  les  colonnes,  se  l'cjoi- 
gnent  par-dessus  l'aulel;  ils  se  regardeni  dans  les  yeux,  conscients  de  la 
solennité  du   moment,  (le  sont  des  (rails  qui  déjà  font  pensera  Giotto. 

Au  style  de  la  Ilaule-Allemagne  se  l'attachent  quelques  travaux  exé- 
cutés sur  le  Rhin  moyen;  ils  se  groupent  autour  du  nom  de  sainte  Hilde- 
gard,  l'ahliesse  du  cloître  de  Rupertsberg  (près  de  Bingen),  célèbre  par  ses 
visions  (f  1197).  L'illustration  de  ces  visions  que  la  sainte  a  décrites  dans 
le  livre  «  Scivias  »  (c'est-à-dire  sci  rias  doinini)  est  bien  plus  intéressante 
fjue  son  prétendu  livre  d'heures  (Munich,  Clm.  05.^).  Le  magnifique  manu- 
scrit (Wiesbaden,  Landesbibl.,  in-f',  1),  qui  provient  de  Rupertsberg, 
représente  les  visions  en  trente-cinq  peintures  à  la  gouache.  Le  style  de 
ces  miniatures  est  très  primitif.  L'or,  l'argent,  les  couleurs  sont  splen- 
dides;  mais  le  principal  intérêt  réside  dans  le  sujet,  dans  le  caractère 
sombre  et  fantastique  des  scènes  qui  raj)pellent  les  apocalypses  espa- 
gnoles. En  fait,  aucun  sujet  n'ari'ete  l'artiste.  Avec  une  force  plastique 
aussi  bizarre  que  naïve,  il  sait  expi'imer  ce  qui  entre  dans  nos  concep- 
tions et  ce  qui  les  dépasse.  Il  peint  la  Synagogue  aveugle,  comme  la  vision 
l'exige  :  le  haut  du  corps  lilas,  les  pieds  rouges;  en  sa  poitrine  trône 
JMoïse,  en  son  cœur  Abraham,  en  son  venti'c  les  Prophètes.  Il  fait  du 
diable  un  monstre;  de  sa  gueule  s'échaiipent  des  flèches  et  de  son  coi'ps 
des  torrents  et  des  nuées.  Il  peint  la  tin  du  monde  ilans  le  Jugement  der- 
nier et  enli-evoit  la  magnificence  de  l'au-delà.  C.liose  singulière,  ces  illus- 
trations si  importantes  ont  été  à  peine  remarquées  dans  l'histoire  de 
l'art;  de  même  les  illustrations  des  Visions  de  sainte  Mathilde,  qui  se 
ti-()uvent  dans  un  manuscrit  d'origine  allemande  et  du  xiu*^^  siècle  à 
Lucques  iBibl.  governativa,  n°  lOi^i. 

BAs-RUlN,  WESTPiiMJh:  h'T  SAXh'.  —  (Ic  qui  Caractérise  l'évolution  de 
la  Haute-Allemagne,  c'est  que,  s'écartant  du  lihin,  elle  a  abandonné  les 
centres  dont  l'inlluence  juscpialors  avait  prévalu.  Le  fait  se  reproduit  égale- 
ment dans  l'Allemagne  du  Xord.  La  miniature  rhénane  du  xif  siècle  est 
dépassée  par  celle  des  régions  c|ue  limitent  la  \\'eser  et  l'Elbe;  les  centres 
qui  se  placent  le  plus  vile  en  tête  de  l'évolution  se  Iniuvenl  précisément  à 
l'Est.  Par  op}i()sition  avec  la  Ilaute-AUemagne,  la  peinture  à  la  gouache 
prédomine;  le  dessin  à  la  plume  est  très  rare.  Le  slyle,  en  ses  principes 
fondamentaux,  se  rapproche  du  style  haut-allemand,  tel  yu'il  apparaît 
dans  les  dessins  à  la  plume.  Les  traces  d'influences  byzantines  n'ont  pas 


LES  MINIATURES  —  LES  VlTIiAlX  -  LA  PEINTURE  MURALE 


ilisjiiii'ii,  mois  elles  ne  joiieiil  qu'un  r(')le  presijue  néi;lige:il(l('  diins  l'im- 
pi'ession  d'enseniljlc,  el  n'inlervicnnenl  pas  du  toul  dans  le  coloris  (lui 
l'esle  jjrillanl  et  clair. 

Un  (les  premiers  échanlillons  du  slyle  nouveau  don!  on  puisse  fixer 
la  date,  est  le  manuscrit  des  «  Episloho  el  opuscula  llieroiujnti  ",  éci'it  sous 
rarchevêquc  Frédéric  de  Cologne  (1099-1151)  (Cologne,  Dombibl., 
in-f",  ùO  I.  Le  frontispice  relève  du  style  roman  sévère.  Dans  le  plan  inter- 
médiaire trônent,  en  haut,  le  ChrisI,  en  has  l'archevêque;  les  bustes  des 
Apôtres  et  des  Prophètes  occu- 
pent les  bords  ;  dans  les  coins, 
en  médaillons,  les  vertus  car- 
dinales. Le  fond  est  bleu  avec 
cadre  veri.  Cet  agencemcnl 
complexe  de  l'ensemble  et  du 
fond  est  l'objel  d'une  prédi- 
lection ]iarli(uiirre  dansloulc 
la  peinture  de  lAllemagne  du 
Nord  au  xii"  siècle.  Il  dispara  il 
brusquement  vers  1200. 

Les  manuscrits  de  style 
roman  sévère,  exécutés  à 
Cologne  et  aux  environs,  n'ont 
pas,  en  général,  une  grande 
valeur  artistique.  Nous  nous 
contenterons  de  citer  un  évan- 
géliaire  provenant  de  Saint- 
Pantaléon  à  Cologne  (Stadt- 
arehi\-,  \^^."l'2  ai,  qui  révèle, 
au  moins  dans  les  types  de 
lèle,  une  liés  iorte  influence 
byzantine.  L  n  Péricope,  riche- 
ment illustré,  de  provenance  inconnue  (Bibl.  nat.,  lat.  IT.l'i.';)!,  est  jieul- 
ètre  une  oeuvre  capitale  de  la  miniature  rhénane.  Diverses  particularités 
de  style  paraissent  fonder  cette  hypothèse;  mais,  jusqu'à  ce  jour,  le  manu- 
scrit n'a  pu  être  rattaché  à  aucune  école.  De  vastes  et  simples  eonq)osi- 
tions,que  soutienneul  le  senliment  intense  de  la  grandeur  et  la  profondeur 
de  l'émotion,  racontent  la  vie  du  Christ.  Rien,  dans  les  pays  rhénans,  ne 
peut  leur  être  comparé  ;  on  ne  trouve  leurs  émules  que  dans  l'art  saxon. 
La  ^^'eslpllalie  et  la  Saxe  n'ont  joué,  dans  l'évolution  de  la  peinture 
othonienne,  et  jusqu'à  la  (in  du  \i"  siècle,  (pi'un  rôle  é|ili('nièrc  cl  subal- 
terne. Le  brillani  épanouissenieni  de  cei  arl  vers  le  milieu  ilii  xii'  siècle 
est  d'aulanl  jilus  sur'prenanl.   On  peut   rele\cr  (rois  cenires  principaux, 


-  Mort  de  la  Vi(_Mge.  Minialiire  il'im  Ptricope 
attribué  à  Técole  rliénane. 
(Bilil.  nat.,  lat.  17325.) 


IIISTUllili  DK  LAIi'l 


sans  vouloir  y  laii-c  cnlrrr  toulc  la  masse  des  proihirlious  coiileiiiporaines  : 
les  cloflres  des  bords  de  la  Wescr,  Hildesheim  et  Halbcrstadt. 

L'école  des  cloîlres  de  la  \\'eser:  Korvey,  Ilelmwardeshauscn  sur  la 
Diemel,  non  loin  de  la  A\'eser  et  des  cloîlres  voisins,  n'est  pas  la  plus 
ancienne,  mais  c'est,  des  trois  écoles,  la  plus  conservatrice.  Ses  œuvres 
capitales  sont  le  Livre  de  Fraternité,  de  Korvey,  que  le  prieur  Adalbcrt 
(1147-1170)  fit  exécuter  (Munster,  K.   Staatsarcliiv,  nis.  1.  15.")),  et  le  Livre 

d'Evangiles  qu'après  117."  le 
moine  Iler-iman,  du  cloître  de 
llelmwardesliausen,  a  exécuté 
sur  la  commande  d'Henri  le 
Lion  poui'  la  (•ath(''di-ale  de 
Brunswick. 

Si  un  prince  aussi  remar- 
f[ualile  (prilenri  le  Lion  cboi- 
sissail  un  ai'lisie  dans  le 
rloilic  de  1  lelmwardeshausen, 
pour  lui  taire  exécuter  des 
manuscrits  de  luxe,  c'est  que 
cet  atelier  a^■ait  une  grande  re- 
nounnée.  llelmwardesliausen, 
on  le  sail,  était  déjà  vers  jIOO 
réi(''l)re  j>ar  si's  lra\aux  d'ai'l 
industriel;  les  miniatures  du 
Li\re  d'Evangiles  prouvent  que 
la  |)einturc  en  l'id  l'orlcnient 
inlluencée.  La  sonq)luosilé  de 
la  décoration  va  si  loin  cpie  la 
miniature  elle-même  risque 
d'être  écrasée  sous  les  orne- 
ments. Les  tableaux  nombreux 
qui,  pour  la  plupart,  sont  réunis 
deux  à  deux  sur  ime  page,  sont 
placés  dans  un  cadre  ornemental  composite;  des  Prophètes  en  médail- 
lons et  des  représentations  typologiques  occupent  les  coins.  A  la  Mise  au 
tombeau  et  à  la  \  isite  des  femmes  au  Sépulcre  s'ajoutent,  par  exemple, 
quatre  scènes  empruntées  au  Bestiaire  (Phénix,  Pélican,  Lion).  Dans  la 
surabondance  de  la  décoration,  les  figures  sont  négligées;  même  dans 
l'œuvre  de  Heriman,  incomparable  pour  le  charme  de  l'ornementation, 
elles  restent  très  inlV'rieures  à  ce  qui  se  faisait  à  la  même  époque  à 
Hildesheim.  Le  fait  que  saint  Thomas  de  Canterbury  ligure  dans  le 
frontispice,  où  le  Christ   de  Majesté,  entouré  de  Saints,  trône  au-dessus 


Ph.il    Uascliiff 

2:)0.  —  Les  Saintes  Femmes  au  tombeau. 
Missel  du  prêtre  Henri. 

(Coll.  .lu  comte  I-'iirsU.nlicrg-Stamiiiliein  ) 


LES  MINIATURES  -  LES  MTP.ALX  -  LA  PELXÏURE  .MUllALE        -.29 

du  couple  ducal,  prouve  que  la  uiiniature  est  postérieure  à  117.". 
L'œuvre  la  plus  ancienur  du  slylc  roman  en  Saxe  se  trouve  à 
Ilalberstadt;  c'est  le  leclionnaire  du  chanoine  Markward,  mort  en  1I4S 
(Ilalberstadt,  Domgymnasium,  n"  \~)2).  Mais  le  centre  véritalde  de  la  vie 
artistique  en  Saxe  est  Ilildeslieim.  La  nouvelle  miniature  entre  ici  en 
scène,  peu  après  lloO,  avec  deux  œuvres  très  importantes.  En  IIÔO,  un 
concile  provincial,  à  Erfurt,  avait  permis  la  canonisation  de  l'évèque 
Bernward.  Cet  événement  donna  naissance  à  des  livres  liturgiques  de 
luxe.  On  a  conservé  le  Sacramenlaire  que  le  i)resbyte  et  moine  Ratmann 
acheva  en  1  lôDiIIildesheim,  Domschalzi,  et  un  missel,  exécuté  par  le pres- 
liylc  llenii  de  Midium  (?i,  qui  appartient  au  coude  Furstenberg- 
Stammheim.  Ratmann  et  Henri  se  resserrd^lent  tellement  comme  artistes, 
qu'il  eût  été  impossible  de  distinguer  leurs  travaux  respectifs,  s'ils  ne  les 
avaient  signés.  L'œuvre  d'Henri,  cependant,  est  la  plus  riche  ,'i  tous 
égards.  Ses  miniatures  annoncent,  on  l'a  dit  avec  raison,  la  Bible  des 
Pauvres.  Prenons  })ar  exemple  les  Femmes  au  Sépulcre  >  lig.  I'oOl  Le 
chani))  de  la  miniature  est  divisé  en  neuf  pai'iies  :  au  milieu,  la  scène 
j)rincipale  :  à  gauche  les  guerriers  endormis;  à  droile  le  Projihète  célé- 
brant le  Tombeau  lEsaïc,  XI,  1(1):  en  haut,  au  milieu,  un  homme  que  la 
main  de  Dieu  fait  sortir  du  sépulcre,  le  Ressuscité,  d'après  le  Ps.  L\\,  0: 
à  gauche,  Elisée  ressuscitant  l'enfant  :  à  droite,  Samson  chargé  des  i)ortes 
de  Gaza;  en  bas,  au  milieu,  sur  mi  arbre,  le  Phénix;  à  gauche,  Banaias 
égorgeani  le  liun  (H.  Rois,  xxni,  'idi,  et  l»a\id  tuant  (joliatli.  Ainsi,  outre 
la  prophétie  d'Esaïe,  six  sujets  symbolisant  la  résurrection  et  la  victoire 
sur  la  mort  ou  le  diable.  Celte  multiplicité  de  symboles  s'organise,  dans 
presque  toutes  les  luiniaturcs,  en  un  agencement  de  cadres;  le  fond  d'or 
se  réduit  à  de  petites  surfaces.  [Mais,  si  compliquées  que  soient  ces 
formes,  l'ornementation,  contraii'ement  aux  habitudes  de  l'école  de  Helm- 
wardeshausen,  resl(^  au  second  plan.  La  vi\acilé  ])rillante  du  coloris,  la 
netteté  des  conhuirs  noirs  conlrii)uent  pour  une  part  essenlieile  à  main- 
tenir la  clarté  de  l'enscudjle.  Une  certaine  sérénité  solennelle  résulte  du 
mouvement  lourd  et  mesuré  des  ligures  et  du  calme  de  leurs  attitudes. 


II 

LA    MINIATURE    DES    XIII     ET   XIV    SIECLES 

La  miniature  en  France,  de  Pliilippe  Auguste  à  la  mort  de  saint  Louis. 

Charlemagne  a\ailcouqilèlemerd  réfoi'uu'  1  art  du  li\ree[  delaunnia- 
lure.  Après  lui,  c'est  le  règne  de  saint  Louis  qui  a  vu  s'accomplir,  dans  ce 

T.  II.  —   i'i 


530  lIlSIOlliK  Dl'    I.'AliT 

(loiiuiine,  la  l'ùx  uliilioii  la  plus  prolondc  ;  aucun  pi-iiicc  n'y  a  jiris  une 
pari  aussi  personnelle.  <  >n  j)eul  parlei-  sans  li(''sita(i()n,  en  miniature,  ilu 
«  style  saint  Louis  ».  Il  est  \  i-ai  (pie  les  l'ruils.  arriM'-s  à  maturité  sous  son 
i-èt^ne,  étaient  déjà  eu  llrui'  sous  celui  de  l'Iiilippe  Aus;uste.  Paris,  fpii. 
jusqu'alors,  avait  à  peine  un  nom  dans  l'histoire  de  la  miniature,  prend 
aussitôt  un  rôle  directeur.  (Test  l'heure  où  naît  l'art  que  Dante  a  célébré: 

. . .  l'oïKir  (Il  (jiicll   tnic 
('.II'  (lihuiiiiiiir  ('  rliiaiiiiild   in  l'arigi. 

Les  causes  de  ce  succès  sont  très  dJNcrses.  C.'csl  a\ant  tout  l'impor- 
tance qu'a  eue  l'Université  de  Paris:  la  riche  litléiature  à  laquelle  elle 
donna  naissance  créa  et  développa  autour  d'elle  des  moyens  d'expression. 
Il  faut  un  grand  nombre  de  manuscrits,  car  les  étudiants  accourent  de 
tous  les  |>ays:  la  production  et  le  conuneree  des  livi'es  en  iec()i\enl  une 
impulsion  puissante,  ('.est  aussi  la  grande  \  aleur  scienlilitpie  et  ecclésia- 
li(pu^  ipi'onl  tous  les  livres  parus  sous  les  auspices  de  rUniversid' de  Paris. 
On  désire  que  les  copies  se  règlent  sur  les  textes  modèles  collationnés  à 
Paris;  c'est  à  Paris  que  paraissent  les  livres  bililiques  et  liturgiques  ;  ils 
se  répandent  partout.  Il  s'était  constitué  jjour  la  copie,  la  reliure  et  le 
commerce  des  livres  des  corporations  de  métiers;  les  copistes  la'iques 
l'cmplacent  maintenant  les  moines  (pii,  au  xii'  siècle  encore,  mellaieni 
t;int  de  zèle,   dans  les   grandes  aljbayes,  à  augmenter  les  biltliolhèques. 

Sans  doute  l'arl  et  la  science  n'allaient  pas  toujours  de  pair,  el  ITui- 
versité,  si  l'on  en  juge  par  les  manuscrits  de  la  Sorbonne,  n'eût  probable- 
ment pas  sufti  à  donner  à  l'école  des  miniaturistes  parisiens  la  valeur  d'art 
à  la([uelle  elle  s'éle\a.  .Mais  le  jurisle  bolonais  (Jdofredo  raconte  qu'un 
étudiant  ])arisien  se  ruine  }iour  ses  nuinuscrits,  qu'il  l'ait  peindre  en  lettres 
d'or,  comme  pour  ses  achats  de  souliers,  c  fccil  libros  suos  Ixibuinare  de 
lilli'iix  fiiu'cis  «.  A  la  lin  du  xii'  siècle,  Daniel  de  Morley  se  plaint  déjà  que 
les  étudiants,  avec  leurs  livres  en  lettres  d'or,  <•  rodircs  iniporlabiU's  aurcis 
lillcrls  .>.  prennent  trop  de  place  dans  les  salles  de  cours  à  Paris. 

Plus  encore  que  l'Université,  la  faveur  royale  donna  à  l'école  des 
miniaturistes  parisiens  rimjiorlanci'  arlisli(pii'  (pii  la  rendil  célèbre. 
Depuis  la  nuilheureuse  reine  Ingeburge,  éjiouse  de  Philijipe  Auguste, 
les  membres  de  la  maison  royale,  les  princesses  du  moins,  s'intéressent 
aux  manuscrits  de  luxe.  Blanche  de  Gastille  les  aime  et  les  recherche;  en 
i'2V2,  elle  achète  trois  psautiers  à  un  copiste  d'Orléans.  Sous  le  règne  de 
saint  Louis  enfui,  la  production  artistique  bat  son  plein.  Le  roi,  qui  lisait 
avec  zèle  les  Saintes  Lcrilures,  se  constitua  une  bibliollièque  dans  la  cha- 
pelle du  Palais,  à  l'instar  des  princes  orientaux;  GeolTroy  de  Beaulieu 
nous  l'affirme.  Ses  nianuscrils  de  luxe,  dont  une  partie  seulement  a  été 
conservée,  prouvent  qu'il  a  dû  occu}ier  des  équi[ies  de  miniaturistes  et  de 


LES  MIXIATl  HES  -  LES  ^"ITRAUX        LA  PEINTURE  MURALE        ôni 

copistes.  Nous  aurons  à  rcxcnir  sur  ci's  d'uxri's.  Marguerite  de  Provence 
donne  au  franciscain  (iiiillainne  de  l!ulirucl<.  iiartnnt  en  mission  clicz  le 
l\iian  des  Tartares.  un  «  pxdUcriinii  imldicrfiinum.  in  i/im  cirinl  picliir;!' 
nililc  piilrln:-!'  '■,  et  le  livre  plut  tant  aux  Tartares  «  proplcr  diircus  pirla- 
i(is  »,  (pie  Guillaume  de  liuhruck  n'osa  le  leur  réclamer. 

La  miniatui'e  nouvelle  qui.  dans  la  première  partie  du  xiii'  siècle, 
s'épanouit  en  France,  à  Paris  surtout,  très  probablement,  ne  se  rattacbe 
pas  en  ligne  directe  à  celle  des  écoles  précédenles.  La  miniature  romane 
il  la  peinture  murale  avaient  toujours  sui\i  unr  é\oluli(in  parallèle.  Mais 
la  transformation  fut  décisive  quand  les  nouvelles  formes  architec- 
lurales,  en  supprimant  les  surfaces  murales  et  en  faisant  prévaloir  les 
vides  sur  le-  plriii-..  donnèrent  au\  \itrau\  loidi'  l'importance  <'l  tout 
l'iidérèl.  (  )n  \uuiul  atteindre  les  mêmes  etlVls  en  miniature  et  y  retrouver 
le  retlet  de  ce  qui  faisait,  dans  les  églises,  l'olijct  d'iui(>  inlassable  admi- 
ra lion. 

L  iniluenee  tic  la  peinture  sur  \('rre  fut  tlone  ju'ofontle  sur  le  style,  la 
technique  et  le  coloris,  et  il  e.-t  curieux  de  voir  avec  quelle  facilité  la  mi- 
niature sut  s'accommoder  aux  nouveaux  modèles.  Sans  doute,  le  grand 
style  «  monumental  »\  jiei'dit  beaucoup:  mais  la  peinture  sur  verre  avait 
déjà  renoncé  à  placer  dans  les  femMres  de  grandes  ligures  et  de  vastes 
compositions;  ellr  axait  préfi'ic'  diNiser  les  surfaces  en  de  nombreux 
compartiments  et  encadrements  ornementaux  où  sont  inscrites  de  gra- 
cieuses scènes.  N'était-ce  pas  très  conforme  au  caractère  de  la  miniature? 
L'amour  dr  la  délical(>ssc  et  dr  la  miiiufir  pou\ail-il  mieux  s'affirmer 
(pieu  r(Miuisant  la  jiage  à  une  séi'ie  de  médaillons,  de  losanges  et  de  poly- 
lobes  ?  Mais.  |)our  ne  dire  (pn.^  l'essentiel,  c  est  surtout  dans  le  sentiment 
delà  couleur  que  l'on  jieut  constater  rinlluence  de  la  peinture  sur  verre. 
Elle  est,  à  proprement  parler,  l'art  de  la  couleur;  elle  veut  non  pas  repré- 
senter la  réalité  dans  sa  variété,  mais  créer  une  mosaïque  de  verre,  une 
tenture  translucide  où  les  plus  belles  tonalités  se  fondent  en  un  ensemble 
harmonieux.  Le  rouge  rubis  foncé  et  le  Ideu  dominent,  le  Ijiuii  et  le  vert, 
les  autres  couleurs  ensuite,  y  font  leur  ap|)arition.  mais  de  manière  acces- 
soire. Est-ce  le  fait  du  iiasani.  si.  dans  la  iiiinialure  fran(;aise  du  xiii"  siè- 
cle, la  gamme  des  couleurs  est  à  ce  point  réduite,  si  la  tonalité 
pourpre,  entre  le  rose  et  le  brun,  se  partage  la  prépondérance  avec  le 
bhni.  ne  laissant  aux  autres  couleurs  (pi'un  n'Ae  secondaire  .' 

Sans  doute,  ce  serait  une  erreur  de  ne  \(jii'  dans  les  miniatures  ([ue 
des  vitraux  sur  |)archemin.  \  ouloir  reproduire  tout  l'elfet  des  couleurs 
Iranslueides  eùl  r\c  nue  absni'dib''  <''\idenle.  Li^s  luiiiial  urisles  savaient 
liirii  que  leur  loi-ee  ri'sidail  .lillenrs.  Aux  eouieui's  ardenli's  du  \ili-ail, 
ils  ]iouvaient  opposer  léclal  dr  for:  s(ni  emploi  artislitpie  atteignit  à  des 
i'aflinemenls  extrêmes.  Aucun  aiiisle   de    l'époque,    excepté   peut-être  le 


IIISTOIRK  DE  LAHT 


tailleur  d'ivoire  et  Forfèvre,  ne  peut,  comme  le  uiiniaturLste,  donner  une 
idée  parfaite  du  goût   rallinéde  l'art  de  cour. 

Piu:mu";iu-.  i-kriodi:  i  I'JUO-I '_'">( I).  —  L'évolution  de  la  miniature 
gothique  française  se  divise  en  Irois  périodes.  La  première  va  de  1200 
à    L2-"»0.    Les  manusnils  illiisl  n'"-    sont   légion.  Voici  im  essai  de  classi- 

lication  purement  chronolo- 
gique et  stylistique. 

Chefs-d'œuvre  de  la  pre- 
mière période  : 

PSAuriEiis.  —  Le  psau- 
tier est  le  Hm'C  indispen- 
sal)le  de  la  femme  nohle; 
comme  la  mode  du  vèle- 
nienl,  le  psautier  nous  mon- 
lii'.  presque  de  dix  ans  en 
dix  ans,  les  phases  diverses 
de  l'évolution. 

a]  Psautier  de  la  reine 
Ingehurge  (f  l'25(i),  femme 
de  Philippe  Auguste  (musée 
Condé  à  Chantilly).  Le  ma- 
nuscrit qui  ouvre  cette  série 
ne  s'y  rattache  qu'en  une 
certaine  mesui'c.  Les  in- 
scriptions du  calendrier 
}irou\cnl  qu'il  l'ut  la  pro- 
pri('lé  de  la  reine  Ingehurge. 
Le  caractère  du  style  permet 
de  lixer  la  date  aux  environs 
de  PJOO.  On  peut  aussi  con- 
clure du  calendrier  et  de  la 
liturgie,  que  le  psautier  était 
destiné  à  une  dame  du  continent;  cependant,  au  point  de  vue  artistique, 
il  rappelle  souvent  les  manuscrits  anglais  du  xii'  au  xiii'  siècle.  Les 
miniatures  sont  comme  un  moyen  terme  entre  le  style  sévère,  à  tournures 
byzantines,  et  l'exécution  molle,  flottante,  de  la  draperie  dans  les  manu- 
scrits français  postérieurs.  Les  figures  ont  une  élévation  et  une  grandeur 
qui  rappellent  les  œuvres  de  la  plastique  contemporaine.  Certains  d(''lails 
annoncent  les  Bibles  historiées  de  l'époque  postérieure  :  jiar  cxenq)le, 
l'ornementation  modeste,  mais  très  caractéristique,  de  l'encadrement; 
ensuite  le  coloris  :  le  bleu  et  le  brun  prédominent,  le  rouge  feu  violent  les 


Fiii.  ^M.  —  Arl)ie  de  .les^ié.  PsnuUer  de  la  icine 
Iiigeljinge,  l'emiue  de  Pliilippe  Auguste. 

lMiis,-e  C.OTi.lc,  r.li.iiUiUy.) 


LES  MIXIATLRES 


LES  MTRAIX  —  LA  PEIXTI  lŒ  MURALE 


neulralise,  le  gris  et  le  vert  ne  jouent  (|irun  r(")le  eil'aeé.  Tout  est  sur  fond 
d'or  uni  matinitique,  avec  application  j)artielle  de  dessins.  Les  initiales  et 
le  décor  calligrapliiciues  sont  encore  sohres,  mais  d'une  exquise  beauté  et 
d'une  technique  parfaite. 

h)  Psautier  attribué  à  ^targuerite  de  Bourgogne,  veuve  de  Charles  I'"'' 
(f  1508),  (Bibl.  Sainte-Geneviève,  n"  l^T'u.  Le  psautier  qui  devint  la 
possession  de  celte  reine  semble  avoir  été  destiné  tout  d'abord  à  une 
dame  qui  dut  être  en  rela- 
tions étroites  avec  l'abbaye 
Sainl-I3ertin.  Le  calendrier 
en  fait  foi;  mais  la  litanie 
cite  un  nomlfre  surprenant 
de  saints  anglais.  Le  psau- 
tier commence  par  une  série 
de  scènes  du  Nouveau  Testa- 
ment, que  suit,  dans  le  texte, 
la  Crucilixion.  avec  la  dame  à 
genoux. 

(■)  Psautier  dit  de  la 
reine  Blanche  de  Castille 
(Paris,  Bibl.  de  l'.^rsenal, 
L180).  Une  tradition  très  sûre 
le  rattache  à  la  reine  Blan- 
che. 11  a  été  écrit,  en  tout 
cas,  pour  une  dame  haut  pla- 
cée, au  commencement  du 
xiii"  siècle.  Les  lis,  sur  le 
frontispice,  indiquent  une 
reine  française.  Le  calen- 
drier et  la  litanie  ne  donnent 
pas  l'indication  sûre  des 
lieux.  Mais  il  est  })robable 
que    le    psautier    vient     du 

même  atelier  que  le  précédent.  Il  présente  une  étroite  ressemblance  de 
style  avec  le  psautier  d'Ingeburge,  mais  il  marque  un  progrès  sur  celui-ci. 
La  modification  la  plus  importante  est  que  les  miniatures,  représentant 
les  mêmes  scènes,  sont  disposées  en  médaillons  toujours  réunis  deux  à 
deux  par  un  cadre  ornemental.  C'est  ici  que,  pour  la  première  fois,  on 
voit  s'introduire  dans  la  miniature  les  divisions  du  vitrail.  La  draperie 
est  très  riche,  mais  elle  n'a  plus  le  caractère  de  l'antiquité  byzantine.  Le 
reU\chemenl  de  l'ancien  style  est  encore  plus  marqué  dans  les  tètes  :  pour 
leur  donner  une  expression  et  un  caractère  nouveaux,  on  arrive  souvent 


'2o'2.  —  Mort  et  CouronncmenI  de  la  \iert 
Psautier  dit  de  Blanche  de  Castille. 
(Bilil.  lie  r.\isennl.  IlSii.) 


ISTOllU-:  1>E  L'AHT 


h  d'assez   dé|ilaisantes   invcnlions  :   les  iVonls  lioj)  grands,    laliondante 
chevelure  sont  en  dispropoilion  avec  la  maigreur  du  corps. 

(1)  Psautier  de  la  reine  Jeanne  de  Navarre,  épouse  d'Henri  IV  d'An- 
gleterre (Manchester,  Ryland's  Library).  Son  premier  possesseur  est  resté 
inconnu;  il  appartenait  sans  doute  à  la  cour  de  France.  Dans  ce  psau- 
iier.  l'ordonnance  des  mininlurcs,    empruntée  au  vitrail,  reçoit  de  très 

significatifs  enrichisse- 
menls.  Une  partie  seu- 
lement des  miniatures 
:i  été  conservée;  elles 
sont  inscrites  par  neuf 
dans  des  losanges  flan- 
i|ués  de  polylobes,  et 
leprésentcnt  des  scènes 
ihi  Nouveau  Testa- 
luenl.  A  cause  du  i'or- 
Miat  minuscule,  l'exé- 
I  iition  laisse  souvent  à 
di''sii'er,  mais  le  récit 
est  vivant  et  d'une 
c'ionnante  liberté  dans 
I  iconographie. 

(')  Le  Psautier  de 
.lacob,  fils  de  Suno, 
Irère  et  père  de  deux 
:ue'lievèques  de  Roes- 
kdde  (f  P2i<ii,  (British 
Mus. ,  Egcrlon  ^Oi^).  Ce 
|isautier,  \enu  de  très 
bonne  heure  en  Dane- 
"  mark,  ressemble  beau- 
coup au  précédent, 
mais  chaque  page  n'a 
(|u'un  groupe  do  cinq 
imitai  ion  de    la  [leinture    sur 


i.  —  Miiiialiire  du  psaulici-  de  la  i'<'iiio 
Jeanne  de  Navai-re. 

(Hjlaii.l's  Lil.rary.  M;i.icli(-.ter.) 

accoujilées  en  médaillons  à    1 


Copenhague  (Ms.  KiOdi;  au- 


niiniaturi 
verre. 

/■)  Psautier  de  la  Bibliothèque  Boyah 
tant  qu'on  peut  l'induire  de  la  litanie  déligurée  par  des  ratures,  ce  psautier 
fut  exécuté  à  Paris  et  vint  de  bonne  heure  en  Danemark.  \^ingt-quatre  mi- 
niatures, en  douze  pages,  racontent  la  \ie  du  Christ;  elles  sont  parmi  les 
meilleures  de  ce  slylc.  Comparées  à  celles  du  psautier  de  la  reine 
Blanche,  elles  sont  un  peu  simplifiées,   mais   la  vivacité  du  récit   et  la 


LES  MINIATURES  —  LES  VITRAUX  —  LA  PEINTURE  MURALl-.        r.ô:. 

force  de  l'expression  y  oui  i;agné.  Dons  toulcs  les  ligures.  la  forle  saillie 
des  épaules  el  des  hanches,  propre  à  larl  gollii(pie,  esl  accentuéi',  sou- 
vent même  jusqu'au  maniérisme. 

7)  Psautier  de  Paris  (Bibl.  nal.,  laL  1(175  a).  Les  seize  miniatures, 
dont  chacune  occupe  une  page  et  qui  forment  l'introduction,  sont  très  ana- 
logues aux  précédentes.  Avec  moins  de  vie  peut-être  dans  les  mouve- 
ments, elles  se  distinguent  par  le  dessin  expressif,  presque  paliiélique, 
des  visages. 

BIBLES.  —  La  Bible  de  luxe,  au  xu''  siècle,  esl  une  œuvre  de  dimen- 
sions géantes,  en  plusieurs  tomes.  Dans  les  nombreux  exemplaires  de  la 
«  Bihlia  magna  »  que  l'on  connaît,  la  décoration  s'écarte  rarement  du 
type  des  initiales  à  ligures.  La  représentation  par  cycle  de  l'Ancien  et  du 
Nouveau  Testament  avait,  en  Angleterre  du  moins,  déjà  passé  dans  les 
psautiers  de  luxe.  A  la  limite  du  xii"  el  du  xiii"  siècle,  on  sentit  vivement 
le  besoin  d'une  Bible  qui  pût  se  porter  à  la  main.  Naturellement  ce  nou- 
veau type  de  Bible  dont  on  cherchait,  par  tous  les  moyens,  calligraphie 
et  finesse  du  parchemin,  à  réduire  les  dimensions  et  le  poids,  ne  devait 
être  que  modestement  orné.  La  décoration  se  réduit  aux  initiales  petit 
modèle;  on  ne  les  agrandit  qu'au  commencement  de  la  Genèse  et  de 
l'Evangile  de  saint  Mathieu. 

La  date  et  l'origine  du  type  nouveau  des  petites  Bibles  sont  obscures. 
Piovient-il  du  texte-norme  qui  constituait  la  base  des  études  à  Paris?  De 
la  nouvelle  division  en  cJiapitres  qu'Etienne  Langton  y  avait  établie?  ()uoi 
qu'il  en  soit,  les  exemplaires  les  plus  anciens  sont  sur  la  limite  qui  sépare 
la  décoration  romane  de  la  décoration  gothique;  leur  style  rappelle  l'école 
anglaise.  Telle  est  la  Bible  de  l'abbé  Robert  de  Saint-Augustin  (P224-55) 
à  Canterbury  (Brit.  ^lus.,  Burney  ô).  Saint  Louis  possédait  une  de  ces 
jolies  petites  Bibles  (Bibl.  nat.,lat.  iOi'20);  sa  mère  donna  à  l'abbaye  Saint- 
Victor  un  exemplaire  plus  grand  (Lat.  14597),  avec  des  initiales  fort  mé- 
diocres, dans  le  style  des  psautiers  récents.  En  tout  cas,  dans  la  première 
moitié  du  xiii"  siècle,  on  a  écrit  à  Paris  quantité  de  Bibles;  leur  inlluence 
devait  se  propager  d'autant  plus  que  le  chapitre  général  des  Dominicains 
avait  défendu  de  répandre  des  textes  non  corrigés  à  Paris.  De  plus  la  Bible 
fut,  entre  1200  et  1250,  traduite  en  français;  ces  exemplaires  en  langue 
française  furent  décorés  comme  les  exemplaires  latins  (voir,  à  Paris,  la 
«  Bible  Française  »,  <S!)!I|.  On  ne  peut  séparer  des  manuscrits  des  Bibles 
intégrales  ceux  des  Livres  isolés  avec  commentaiiTs,  publiés  en  grand 
nombre.  Leur  décoration  se  borne  généralement  aux  initiales.  L'o'uvre  la 
plus  lirillante  est  la  Bible  d'Assise,  avec  commentaires,  en  seize  volumes. 

Sans  doute,  ces  manusciils  décorés  aM'c  tant  de  linesse  et  de  grâce 
ne  pouvaient  satisfaire  le  goût  ])assionné  ([ue  l'un  avait  alors  jiour  les 
images.  Or  d'immenses  textes  informes  a\ec  minialures  n'auraient  pas  sufli 


".6  HISTOIRE   DE  L'ART 

à  conlciilcr  l(^s  liilili()|)liilcs.  On  clicrcliii  donc  un  cxpcdienl  cl  on  le  Iroiiva  : 
on  .supprima  coniplMcincnl   le  texte,  ou  liicn  on  se  contenta  de  Fabrci^er. 

De  vraies  Ijililcs  iniaiiécs,  c'est-à-dire  composées  uniquement  de 
miniatures  avec  texte  explicatif  tiès  court,  sont  ce  ipiil  y  a  de  plus  rare. 
Le  chef-d'œuvre  du  genre  se  trouve  dans  la  bihliothèque  de  sir  Thomas 
PJiilipps  à  Clieltenham;  deux  de  ses  feuilles  seulement  sont  à  Paris  (Bihl. 
nal.,  nouv.  a<(|.  lai.,  'i'iQii.  Hn  a  conser\é  en  tout  quai'anle-cinq  feuillets 
peints  des  deux  côtes;  ils  sont  ili-  grand  format  cl  raconlenl  l'histoii'i' 
sainte  jusqu'à  David.  Le  caractère  du  style  rajqjclle  les  derniers  psau- 
tiers de  saint  Louis  (voir  plus  loin);  mais  les  architectures  sont  encore 
romanes,  à  en  juger  d'après  les  feuilles  conservées  à  Paris. 

Peut-être  ces  Bibles  imagées  ont-elles  été  si  rares  parce  ({ue  l'alten- 
tion  fut  à  cette  époque  détournée  par  un  nouvel  olijet  l>ien  fait,  à  vrai 
dire,  pour  alisoiber  complèlcnn'nl  ra(livit(''  drs  artistes  cl  des  liiblio- 
philes.  Il  s'agit  de  la  <■  iîible  moralisée  •>  et  de  la  ■■  lilide  historiée  toute 
tigurée  »,  avec  tout  ce  (jui  s'y  rattache.  î^a  Bililc  moialisée  est,  sans  aucun 
doute,  la  plus  vaste  entreprise  du  Moyen  Age  en  fait  de  miniature.  On  ne 
veut  rien  moins  qu'extraire,  de  tout  l'Ancien  et  de  tout  le  Nouveau  Testa- 
ment des  passages  renfermant,  le  plus  souvent,  plusieurs  versets,  et 
donner  à  chacun  d'eux  une  interprétation  allégorique  ou  morale,  ^'oici 
l'histoire  de  la  Création.  Le  premier  })assage  jiarle  de  la  création  de  la 
lumière;  mais  création  de  la  lumière  ^eut  dire  cr(''alion  des  anges.  Suit  la 
si''paralion  de  la  lumière  d  avec  les  téiièlires;  on  la  représcnle  par  la  sépa- 
ration des  bons  anges  d'avec  les  mauvais.  C'est,  en  ti'oisième  lieu,  la  créa- 
tion de  la  terre  ferme  au  milieu  des  eaux;  elle  est  symbolisée  jiai'  l'Eglise 
(pii  l'i'ste  i'i'rme  au  milieu  des  ;imerl unies  (]o  ce  monde  dont  elle  a  con- 
stammenl  à  soulfrir.  Suit  cnlin  la  si'-paralion  des  eaux  au-dessus  et  au-des- 
sous de  la  terre;  elle  i'(''p(in(l  à  la  s(''paration  des  lions  d'avec  les  méchants. 

Ces  quatre  passages  de  la  Sainte  Ecritui"e  et  leur  interprétation  sont 
représentés  en  images;  nous  connaissons  les  sujets  des  quatre  miniatures: 
ce  sont  la  création  des  anges,  la  chute  des  anges;  puis  r((  Ecclesia  firma  » 
au  milieu  des  «  amariludines  rnundi  »  sous  la  figure  d'une  femme  debout 
entre  un  groupe  de  Juifs  et  un  couple  d'amoureux  (l'amant  est  un  moine); 
eidin  la  séparation  des  bons  d'avec  les  méchants  :  ici  un  évcque  cjui 
liabilli'  un  pamreel  une  femme  pi(nise;  là  un  évèquc  avec  le  faucon  de 
chasse,  auquel  un  laïque  a])porte  un  poisson.  Uuelle  œuvre  immense  qu'une 
telle  illustration  de  la  Biljle  entière!  Elle  devait  renfermer  environ  cinq 
mille  images.  Nous  n'en  connaissons  pas  d'exemplaire  complet;  presque 
comjilet  est  le  manuscrit  en  trois  volumes,  qui  se  partage  entre  la  Bod- 
léienne  d'Oxford  BodI.,  '270  b  .la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  (Lat. 
M5(iÙ)  et  le  British  .Muséum  dlarley,  là'26-ir>27)  ;  en  tout,  six  cent  trente 
fcnilles.    La  jiremière  i'epr(''sente  en  grand  le  Créati'ur  du  monde  :  quatre 


LES  MINIATURES  -  LES  VITHAUX  -  LA  PEINTURE  MURALE        ".7 

anges  liennoni  le  ([uailrilolic,  dans  lequel  se  Iroiive  le  grand  Trùnc  Dans 
sa  main  gaucho,  le  (Ihrisl  lienl   le  globe;  sa  main  droite  ajusle  le  eomjias 


I..1    .icmImiii   ,lr    hl    llllll 

cl  dos  ténobi'cs,  de. 
(Bilil.  .le  sir  Th. 


'M 

IMloI    U.1..1..I1 

le  la  lumièie 


Miuialure  de  la  Uible  iiuiiali.-iec. 
nins  PiiilipiB.  à  CheUenliani.) 


pour  la  création  du  cirl  ci  de  la  terre.  Avec  le  deuxièmi'  t'cuillcl  commence 
l'illuslraliiiu  du  texte  bililicjue  et  de  son  interprétaticju.  Les  images  sont 
loujoni>  iv\niir>  sur  une  page  en  liuil  médaillons  ;  elles  sont  rangées  par 

T.    11.    —    4.") 


r,"S  HISTOIRE   ni'   L'ART 

qualie  en  deux  tuioiincs  \erlicalc.s;  tlciix  auli'cs  cijlunues  cuiiLicaacuL  le 
texk".  Le  louL  se  trouve  dans  un  cadre  onicaiental  dont  les  motifs  uniques 
sont  la  ligne  brisée  cl  des  combinaisons  de  cercles.  L'endroit  oij  les 
médaillons  touchent  le  cadre  ou  les  médaillons  voisins  est  garni  de 
rosettes;  les  miniatures  sont  sur  fond  d'or;  le  fond  des  colonnes  est 
l'ouge-brun  ou  bleu,  toujours  à  petits  carreaux;  dans  les  coins  se  trouvent 
des  looilics  de  (|uadi'ilobes  en  bleu  on  en  brun  avec  apjilicalion  d'or. 
Celle  desci'iplion  des  ornements  et  des  jiarlicularilés  du  coloris  suflit 
déjà  à  metirc  en  lumière  l'étroite  analogie  du  manuscrit  avec  le  groupe 
de  psautiers  dont  nous  venons  de  parlei'.  11  va  sans  dire  que  le  style  des 
miniatures  est  absolument  le  même. 

La  question  est  toujours  celle-ci  :  Comment  une  œuvre  aussi  colos- 
sale a-t-elle  pu  s'exécuter?  Qui  en  supporta  les  frais?  Où  trouva-t-on  les 
•'■quipes  d'artistes  qui  devaient  y  collaborer  afin  de  la  terminer  à  l'époqui» 
] prévue?  El  notre  étonnement  grandit  lorsque  nous  nous  trouvons  en  pré- 
sence, non  d'une  œuvre  unique,  mais  d'au  moins  quatre  exemplaires. 
Et  ces  exemplaires,  autant  que  nous  pouvons  en  juger,  n'étaient  pas  de 
simples  copies;  c'étaient  de  libres  reproductions,  des  travaux  non  méca- 
niqui's,  mais  artistiques!  Un  cxemjilairc  jiaraît  a\oii'été  brùb'  à  Londres 
en  UiiiCi;  d'un  second,  les  bail  derniers  J'euillets  seulement  ont  été  con- 
servés; un  troisième,  avec  une  versiim  du  texte  dilTérente  et  alirégée,  se 
trouve  à  Vienne  (Ilofbibl.,  ms.  ]17i>);  il  n'a  conservé  que  des  parlics  de 
l'iVucicn  Testament  cl  l'Apocalypse. 

Au  point  de  vue  de  riiisluiic  de  l'art,  l'exemplaire  de  \ienne  a  une 
importance  particulière.  Il  est  tout  d'abord  exécuté  avec  plus  de  soin;  le 
frontispice  nous  en  donne  déjà  la  preuve  :  les  anges  s'y  meuvent  avec  plus 
de  liai'diesse  et  de  grâce  que  dans  l'exemplaire  d'Oxford;  le  Clirisl  est 
d'un  slyle  moins  grossier;  de  fins  ornements  animent  le  vêtement  et 
damasquinent  le  fond  d'or.  Le  slyle  est  en  général  le  même;  mais, à  côté 
de  collaborateurs  plus  faibles,  se  distingue  un  peintre  qui  appartient  à 
une  ('cole  un  peu  plus  aacienne  el  se  rapproche  du  slyle  anglo-français 
du  coaiaieacemeal  du  xui''  siècle.  Ce  peintre  aiaie  les  compositions  sei'- 
rées,  qai  aialliplieat  el  rapelisseal  à  la  fois  les  ligares;  soa  coloris  est 
clair  el  varié,  tandis  que,  dans  le  reste  du  manuscrit,  le  brun  el  le  bleu 
prédominent.  La  série  se  termine  par  deux  médaillons.  Dans  le  médaillon 
supérieur  trône  un  roi  avec  un  manuscrit  ouvert;  dans  le  médaillon  infé- 
rieur, un  copiste  ou  un  peintre  (un  laïque)  est  au  travail;  nous  sommes 
donc  en  présence  d'un  livre  royal.  ^lais  quel  est  ce  roi?  Une  longue 
inscription  marginale  paraît  avoir  contenu  la  réponse;  elle  est  effacée  et 
n'a  pas  encore  été  déchiffrée.  Ces  manuscrits  de  luxe  étaient  destinés  à 
une  maison  royale,  c'est  aussi  ce  que  prouve  un  fragment  du  second 
exemplaire.  Une  miniature  en  quatre  parties  représente  un   roi  el   une 


LES  MINIATURES  —  Li:S  VlTliAUX        LA  l'EIXTn',K  MURALE 


reine,  un  ecclésiastique  en  Irain  de  dicler.  un  laïque  en  li'ain  d'écrire; 
mais  toute  indication  de  noms  fait  encore  défaut.  >.'e  serait-il  pas  invrai- 
semblable qu"on  eût  représenté  ici  d'autres  personnages  que  Louis  IX 
et  Blanche  de  Castille.  ou  Marguerite  de  Provence? 

La  <'  Bible  française  »  correspond  à  la  «  Bible  de  Paris  »  latine;  de 
même,  un  pendant  français  complète  la  u  Bible  moralisée»  latine.  La  «  Bible 
historiée  toute  figurée  »,  tel  est  le  nom  que  lui  donnent  les  catalogues.  Les 
miniatures  et  le  texte  contiennent  de  nombreuses  varianles:  mais  la  dispo- 
sition générale  est  la  même. 
Seul  un  exemplaire  ancien 
nous  est  connu  (Vienne,  ms. 
tiàoi).  Il  commence  par  un 
frontispice;  le  Christ  incliiK' 
crée  le  monde  avec  le  compas. 
Pour  l'iconographie,  la  tech- 
nique et  le  style,  cette  minia- 
ture est  très  analogue  à  la  ver- 
sion latine  de  \'ienne;  mais 
l'exécution  en  est  plus  lourde 
et  le  coloris  moins  lin.  Les 
autres  pages  montrent  un  nou- 
\eau  schème.  Le  cadre  général 
est  resté,  mais  les  colonnes  du 
texte  sont  placées  à  l'extérieur; 
les  miniatures  se  trouvent 
dans  un  plan  moyen  qui  ren- 
ferme les  huit  médaillons  : 
entre  eux,  des  quadrilobes  en- 
tiers ou  dédoublés,  avec  des 
bustes  d'anges,  remplissent  les 
coins.     Nous    avons    vu     des 

dispositions  tout  à  fait  analogues  dans  les  psautiers  de  Manchester  et  de 
Londres. 

Nous  avons  étudié,  dans  les  Psautiers  et  les  Bibles,  l'évolution  de  la 
miniature  française  de  1200  à  P2oO.  On  pourrait  citer  d'autres  exemples; 
mais  les  documents  décrits  suffisent  largement  à  nous  donner  l'idée  d'une 
évolution  continue  et  d'une  activité  presque  fiévreuse.  On  voulait  des 
miniatures,  il  n'y  en  avait  jamais  trop!  Dans  les  œuvres  anciennes,  comme 
le  psautier  d'Ingeburge,  l'analogie  avec  la  peinture  anglaise,  avec  la  pein- 
lure  allemande  aussi,  était  si  grande,  qu'on  aurait  pu  s'attendre  au  paral- 
lélisme complet  des  deux  évolutions.  Les  symptômes  du  style  de  transition 
se  manifestent  dans  une  certaine  aiïitation  des  mouvements  et  des  dra- 


i;n;int    et  mesurant  le   inoud 


mole  infiraliaee . 
p.  de  Vienne,  1179.) 


:,.W  IllSTOllîK   ItK  L'ART 

pcries:  mais  Incnhil  s'acruscnl  (raiili-<-s  Iciidanccs.  \'rrs  l'i.M».  l'idral 
nouveau  csl  ariivr  à  niaturilr  et  les  syuiiilôuies  de  la  Iransiliou  dis|ia- 
raissenl  aussilùl. 

Deux  faits  sont  encore  à  relever:  l'unilé  d'évolulion  el  l'aljondanee  de 
japroduclion.  La  question  d'origine  trouve  ici  sa  solution.  Cette  évolution 
n'a  pu  se  faire  qu'à  Paris.  Tout  ce  que  nous  savons  des  artistes,  de  la 
nature  indusirielle  de  leur  travail  el  de  leur  earaclère  laï(pie,  nionlre  <iiie 
nous  ne  sommes  plus  en  présence  de  l'ancien  art  des  clcjitres.  (lest  à 
Paris  que  s'est  organisée  la  corporation  des  copistes  et  des  enlumineurs. 
C'est  à  Paris  que  pouvait  le  plus  aisément  s'exercer  l'influence  de  la  mai- 
son royale  qui  protège  cet  art  et  lui  donne  son  véritable  épanouissement; 
c'est  à  Paris  enfin,  c'est  dans  l'Univcrsilé  de  Paris  qu'il  faut  chercher  les 
auteurs  et  les  correcteurs  des  textes.  Paris  est  donc,  sans  aucun  doute,  le 
centre  de  cet  art.  Mais  la  question  des  })i('mières  origines  n'esl  pas  encore 
résolue.  11  faut  croiri\  selon  loulc  vi'aisenddance,  à  l'inllueiu^c  de  la 
France  sepicnirionale,  de  la  région  (pie  le  canal  mettait  en  relalion  éirnilc 
avec  l'Anglelerre.  En  particulier,  les  i-aj)j)orts  du  psautier  de  la  Itililio- 
Ihcque  Sainle-Genevicve  avec  Saint-Berlin  donnent  à  penser.  11  y  rui,  en 
elTel,  jus(prau  (hdiul  du  xiii'  sièele,  une  aciivilé  arlislique  considérable 
dans  ces  abbaves  du  nord  de  la  France.  Nous  ne  pouvons  encore  appré- 
cier exaclemeni  l'inqiorlance  de  Saint-Berlin  à  celle  époque.  Si  la  liible 
mentionnée  ci-dessus  a  été  exécutée  à  Saint-Bertin  même  et  non  en  Angle- 
terre, les  miniatures  peintes  par  l'auteur  du  Lat.  I(i7i5  révèlent  déjà  une 
tendance  vers  le  style  i>lus  souple  du  xiu'  siècle.  Mais  ici,  la  connaissance 
des  matériaux  est  insuffisante.  Peul-(Mi-e  la  gi'ande  série  de  miniatures 
que  possède  la  lîiblioliièque  royale  de  La  Haye  (Ms.  09)  a-l-idic  élé 
exécutée  à  Sainl-P>ei-I in?  belles  sei-aienl  pour  nous  donner  une  npinion 
|ilus  liaule  de  la  fécondité  de  cet  atelier  (pie  de  la  valeur  des  artistes  (pii 
le  composaient.  Bien  des  traits  rappellent  les  manuscrits  anglais,  peul- 
ctre  le  psautier  de  saint  Louis  à  Leyde;  d'autres  éléments,  l'encadrement 
par  exemple,  font  penser  aux  missels  d'Anchin. 

Ces  deux  missels  d'Anchin  (Bibliothèque  de  l)ouai,  n"  !MI,  autrefois 
P2Ô  et  12."))  sont  les  principaux  échantillons  du  style  nouveau.  La  minia- 
ture de  la  Crucifixion  surprend  tout  d'abord  par  la  simplicité  du  goût;  le 
fond  d'or  est  uni,  entouré  d'un  simple  cadre  d'or,  six  fois  coupé  par  un 
motif  de  losanges.  La  miniature  représente  simplement  la  mort  expia- 
trice  du  Christ,  sans  symboles  ni  allégories  :  le  Sauveur, mort,  est  allaché 
sur  la  croix;  la  tète  est  inclinée  sui-  l'épaule;  sous  la  croix,  Marie  et  .lean; 
au-dessus,  deux  anges;  Ions  les  personnages  ont  une  expression  de  pro- 
fonde douleur.  Le  style  de  toutes  les  ligures  est  d'une  évidente  nouveauté; 
un  mouvement  ondoyant,  gracieux,  aisé,  anime  l'œuvre  tout  entière;  de 
grandes  lignes  unies,  élancées  forment  le  contour  des  figures;  les  plis 


I.i:S  MINIATURES  -  LES  VITRAUX  -  LA  PEINTURE  MURALE 


511 


épais  (lu  v(M('in(Mil  Idiulienl  on  Irails  |iarallrIos  d'une  t^randc  souplesse.  Le 
senliniriil  >V\|iiiine  moins  dans  les  gestes,  1res  nicsur(''s,  ([ue  dans  les 
visages  doni  le  dessin  révèle  un  lalenl  exlraordinaire  à  donner  aux  lignes 
loule  leur  expression.  Un  missel  analogue  du  lîiilisli  Muséum,  mais  hien 
moins  important  et  certainement  ])lus  i-éceni ,  qu'un  clerc,  Gerald  d'Amiens, 
exécuta  en  l'2lS  pour  un  cloître  inconnu,  fournit  un  critérium  sûr  pour  la 
date  de  ce  style.  Ses  initiales  sont  supérieures  à  la  Crucifixion.  Elles  se 
composent  d'entrelacements  de  tiges  délicates  où  s'cnlriMiièleid  de  nom- 
Iireuses  ligures  d'animaux.  Ce  sont  les  mêmes  formes  qui,  à  celle  ('■poqiu^, 
mais  a\ec  plus  d'élégance  et  de 
linesse,  sont  d'usage  en  Angleterre. 
Ces  analogies  sont  très  évidentes, 
surtout  dans  le  Pontifical  de  Sens 
(Metz,  Coll.  Salis,  n"  )>:\),  qui  doit 
avoir  été  exécuté  en   l'2"2i. 

Dkuxikmk  piînioDE. —  La  deuxième 
phase  du  style  gothique,  arrivé  à  sou 
point  culminant,  commence  avec  les 
dernières  (envies  exécutées  pour  saint 
Louis,  à  peu  pr(''s  au  moment  où  l'on 
construit  la  Sainte-Chapelle.  Une  pre- 
mi(''re  et  profonde  différence  s'inqiose 
à  l'allention  :  l'inlluence  décisive  de 
l'architecture  el  de  la  sculpture:  elle 
remplace  celle  de  la  peinlun^  sur 
verre  qui  a\ail  ius(pie-là  prédomin('. 
Ce  sont  siirloul  les  ornements  d'ar- 
chitecture (pu'  le  goi'd  du  temps  aime 

et  dont   il  \('ul   lrou\('r  la  rejirodue-  . 

tion  dans  le  manuscrit  :  les  gables,  les  pinacles  avec  leurs  Heurs  uni- 
formes, les  galeries  ajourées,  les  découpures  des  fenêtres  et  des  rosaces, 
et  même  le  feuillage  réaliste  des  chapiteaux,  bref  les  récentes  innova- 
tions archileelurales  qui  ravissent  les  contemporains,  sont  imitées  avec 
aisance  par  le  pinceau  et  la  phune  du  miniaturiste,  partout  oà  elles 
j>euvent  servir  à  la  décoration. 

Pai'lout  le  l'éalisme  s'accuse;  comme  les  l'ormes  archileelurales,  les 
costumes  el  les  armes  soid  exaelenieiil  ceux  de  IV'|iiMpie  ;  l,i  p(''ii(''l  rauje 
observation  des  animaux  el  des  |)laiiles.  sniloul  dans  l'ornemenlalion, 
révèle  le  sens  (pia  l'artiste  tle  la  ii'alili'.  Mais  il  est  ('-x  ideid  ipie  ce  réa- 
lisme ne  s'exprime  encore  que  dans  le  détail;  le  regard  de  l'arlisle 
n'embrasse  pas  l'ensemble.  Toute  cette  période  ignore  l'observalion  des 


—  Ciiiiilisl. 
il;ihl.  .Ii;  \h 


l'Iiol.  llasclolf. 
Mi-.s,;ld'Anchin. 


r,i2  IlISTOlIil::   DE  L'AlîT 

|ir()j)urlioiis  t'xaclcs,  eoiiimc  k's  problèmes  de  la  [lerspcclivc  il  ne  s'ai!,il 
donc  pas  d'une  rupture  radicale  avec  le  passé. 

Le  changement  de  style  et  de  technique  dans  le  travail  des  figures 
nVsl  pourtant  pas  moins  accusé  que  celui  des  archileclures.  l/idéal  esliié- 
lique  est  de  plus  en  plus  la  délicatesse  dans  le  détail;  le  syslème  des 
médaillons  de  la  peinture  sur  verre  n'est  sans  doute  que  rarement  em- 
ployé, mais  les  ornements  architecturaux  réduisent  la  place  des  minia- 
tures. Les  fonds  à  fines  applications  qui,  jusqu'alors,  comme  dans  la  pein- 
ture sur  verre,  n'avaient  de  place  que  hors  des  médaillons,  sont  introduits 
dans  les  images  elles-mêmes;  les  fonds  d'or  sont  souvent  damasquinés; 
mais,  à  mesure  que  les  fonds  et  les  accessoires  s'enrichissent,  les  figures 
se  simplifient,  le  modelé  s'atténue.  Le  dessin  net  des  contours  aux  fines 
lignes  noires,  le  tracé  souple  des  plis,  le  ton  local  posé  par  teintes  plates 
[iresque  sans  modelé,  la  blancheur  unie  et  paie  des  carnations,  voilà 
quelques  particularités  de  la  technique  nouvelle,  dont  l'apparente  sim- 
plicité cache  d'extrêmes  raffinements.  Ce  que  l'on  cherche,  c'est  à  donner 
aux  figures  celte  délicatesse  et  cette  finesse  excessives  chères  à  la  mode 
du  temps,  et  à  la  silhouette  sa  valeur  et  son  élégance.  Le  coloris  devait 
naturellement  s'adapter  à  cette  transformation  du  goût.  Le  système  de  la 
période  précédente,  construit  sur  le  ferme  accord,  bleu,  or,  rouge-brun, 
disparaît  rapidement;  il  est  remplacé  par  les  tonalités  claires,  les  couleurs 
délicates  et  lumineuses  dont  les  nuances  peuvent  satisfaire  lé  goût  gra- 
cieux et  aimable  de  l'époque;  tout  tend  à  la  suavité. 

A  la  transformation  de  l'image  correspond  celle  de  l'ornementation  ; 
Cl'  fait  est  de  la  plus  grande  importance  pour  la  suite.  L'initiale  s'éloigne 
toujours  jiius  de  son  ancienne  forme  carrée;  elle  devient  plus  longue  et 
plus  sv(_']le;  elle  s'allonge  si  bien  que  ses  extrémités  atteignent  les  bords 
di_'  la  i)age  et  l'ouriiissent  un  point  de  di'}iarl  à  l'ornementation  de  lenca- 
drcment.  Ces  extrémités  sont  d'abord  très  minces,  garnies  de  pointes 
nombreuses,  mais  presque  sans  feuillages.  Elles  s'étalent  souvent  de 
côtés  différents,  comme  les  bras  d'un  polype.  Il  est  assez  rare  en  France 
que  des  animaux  ou  une  petite  scène  viennent  y  prendre  place.  C'est  en 
Angleterre  que  ces  fantaisies  avaient  leur  terre  d'idection. 

Les  œuvres  de  cette  époque  sont  si  nombreuses  qu'il  faut  se  borner  à 
dresser  une  liste  des  plus  typiques  et  montrer,  d'après  ces  exemples,  les 
phases  successives  de  r(''\olution. 

Commençons  par  un  exemple  daté  :  la  ^^ie  de  saint  Denis,  écrite  en 
i'2i8  dans  l'abbaye  de  Saint-Denis  (Bibl.  nat.,  nouv.  acq.  franc.,  1098). 
Les  miniatures  ont  tous  les  caractères  d'une  ceuvre  de  transition  ;  leur 
valeur  artistique  reste  ;iu-dcssous  du  niveau  de  l'art  contemporain.  Le 
coloris  est  presque  monochrome;  l'or  n'y  joue  aucun  rôle.  Par  contre, 
le  style  plus  simple  est  déjà  selon  l'esthétique  nouvelle  (vou'  notamment 


LES  MINIATURES  -  LES  ^•ITRAUX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


];i  \'iergc  assise  sur  un  trùne  el  sous  un  dnis  golliiquc  avec  deux  anges 
qui  porlenl  l'Cncensoir). 

Le  style  nouveau  fait  son  apparition  à  côté  de  l'ancien  dans  les 
«  Évangiles  des  principales  fêtes  de  Tannée  »  (jadis  dans  le  Trésor  de  la 
Sainte-Chapelle;  Bibl.  nat.,  lat.  8892).  On  peut  admettre  que  saint  Louis 
a  commandé  les  liturgies  au  moment  où  l'on  posait  la  première  pierre  de 
la  Sainte-Chapelle.  Aucune  tradition,  cependant,  n'en  fait  foi.  Le  manu- 
scrit est,  dans  ses  vingl-huit  premiers  i'euilleis,  tout  à  l'ail  ancien  ;  il 
contient  non  des  images,  mais 
seulement  des  lettres  historiées 
dans  le  style  de  la  Bible  mora- 
iisée.  A  partir  du  feuillet  2!),  le 
style  change.  Les  trois  derniers 
i'euilleis  sont  tout  à  fait  de 
l'époque  nouvelle  :  arrière-plans 
avec  Unes  applications  sous  bal- 
daquins gothiques, figures  exces- 
sivement sveltes,  coloris  nou- 
\  eaux  avec  beaucoup  de  tonalili's 
sourdes  :  gris,  rose  tendre, 
rouge-ljrun  clair,  etc.  Bref,  le 
style  nouveau  s'épanouit  ici. 
avec  tous  ses  moyens.  L'autre 
lectionnairc  de  la  Sainte-Cha- 
pelle (Lat.  ITô^f)^  appartient  com- 
plètement à  l'époque  nouvelle, 
bien  qu'il  ne  s'accorde  pas  tout 
à  l'ail  avec  les  derniers  feuillets 
du  précédent.  Çà  et  là  quelques 
grotesques  qui  surprennent  :  un 

jeune  \ioloniste  avec  le  corps  d'un  di'agon,  une  jeune  (ille  de  uu'me  forme 
l'i'-coule;  quelques  scènes  de  chasse;  ]q  loul,  ci^pendanl,  de  tenue  timide 
el  discrète;  ces  petites  images  font  corps  avec  l'initiale,  c'est  à  peine  si  un 
jielit  lièvre  ou  un  oiseau  s'en  échappe  pour  se  risquer  jusqu'aux  exli'é- 
mih's  de  l'initiale  el  au  bord  de  l'encadrement. 

La  môme  transformation  du  style  se  retrouve  dans  les  psautiers  de 
saint  Louis.  Nous  n'avons  parlé,  jusqu'ici,  que  de  deux  psautiers,  trans- 
mis au  roi  par  héritage.  Restent  encore  deux  \olumes  que  le  roi  a  certai- 
nement commandés  lui-même  i  l'2o5-l'270i.  Le  roi  a  fait  peul-èlreun  usage 
personnel  du  psautier  i20x  I  i  cm.  i  que  conserve  aujourd'hui  la  Biblio- 
thèque nationale  (Lat.  10525).  Le  texte  ne  contient  que  le  calendrier,  le 
psaulier  et  les  cantiques.  La  calligraphie  en  est  excellente,  mais  simple. 


Fi 


—  .MjraliLinï   et.  Melchisédeo. 
Aliiiialiire  du  psautiei'  do  sainl  Louis, 

(nil.l.  nat-,  l.il.  I05Î5.) 


HISTOIRE  DE  L'ART 


Les  vides  que  laissent  les  vers  à  la  On  de  la  lii^ne  sont  remplis  par  des 
ornenienLs,  avec  motifs  héraldiques  le  plus  souvent  :  lis  de  P'rance,  châ- 
teaux de  Castille,  etc.  Soixante-dix-huit  scènes  racontent  l'histoire 
hihlique  depuis  Caïn  et  Ahel  jusqu'au  commencement  de  Said;  le  début 
est  probablement  incomplet.  Toutes  les  images  sont  encadrées  d'entrela- 
cements, de  dragons  et  de  lierie  aux  fins  ornements  d'or  et  s'enlèvent  sur 
un  fond  d'architecture.  Le  fond  est  d'or;  une  bande  de  nuages  le  sépare 
de  l'architecture.  Les  vues  de  château,  quand  la  scène  y  est  située,  sont 
toujours  modernes. Le  mouvement  des  figures  est  ce  qui  frappe  le  plus; 
ces  héros  de  l'Ancien  Testament  réalisent  dans  leurs  manières  l'idéal 

de  beauté  du  temps  de  saint  Louis.  Ils 
ojjservent  la  grâce  et  perfection  des 
mouvements,  toutes  les  nuances  de  la 
jiolilesse  et  du  cérémonial  île  cour. 
Malgré  leur  sveltesse  excessi\e,  les 
ligures  sont  souvent  anguleuses.  Le 
slyle  nouM'au  n'a  pas  achevé  son  évo- 
liilion.  Le  bleu  et  le  rouge-brun  domi- 
nenl  encore  dans  le  coloris  ;  le  modelé 
est  plus  riche;  mais  dans  quelques 
pages  (par  exemple  25-28),  on  assiste 
à  une  transformation  décisive;  le  colo- 
ris prend  plus  de  ilélicatessc  et  de  dou- 
«•eur,  les  contours  plus  de  svellesse  et 
de  grâce. 

(le  style  est  tout  enlier  celui  du 
deuxième  psautier  de  saint  Louis,  frère 
du  premier  (collection  Yates  Thom- 
son). La  décoration  en  est  j)lns  luxiiriaiile  el  jilus  magnifique;  le  contenu 
plus  riche.  Le  psautier  devient  Licrr  il' Heures.  Le  livre  était  destiné  à  une 
dame.  Peut-être  était-ce  la  pieuse  sœur  de  saint  Louis,  Isabelle  de  France, 
londalrice  de  l'abbaye  de  Longchamp.  Partout  s'accentuent  les  besoins 
de  luxe.  Les  miniatures  du  début  étaient  sans  doute  encore  peu  nom- 
breuses; six  seulement  sont  conservées;  elles  se  rapportent  à  la  vie  de 
David.  Chose  curieuse,  celte  série  continue  le  Psautier  de  Paris.  Le  texte 
commence  avec  le  calendrier,  écrit  tout  or  et  bleu  ;  puis  vient  le  psautier 
dont  les  initiales,  une  seule  exceptée,  ressemblent  à  celles  de  l'exemplaire  de 
Paris  ;  enfin ,  les  nombreux  appendices,  qui  commencent  tous  avec  des  lettres 
historiées.  Ces  initiales  sont  toujours  à  peu  près  carrées  et  à  grande  sur- 
face; elles  sont  ainsi  tout  à  fait  différentes  des  longues  lettres  étroites  des 
lectionnaires.  Une  série  d'artistes  ont  travaillé  aux  petites  initiales  el  à 
l'ornemenlation  de  la  fin  du  manuscrit.  L'un  d'eux  a  atteint  les  plus  beaux 


lie   2js,  _I(  lui  David  joiianl  ilLiaiiM 
Minialuie  du  set-onil  psautier  de  saiiil  I 
ou  d'isaholle  de  France. 


LES  MlXIATl  lti:S  —  Li:S  MTRAIX  —  LA  PEINTURE  MIP.ALE        '.ir> 

effets;  par  l'emploi  du  fond  noir,  il  arrive  à  des  nuances  de  couleurs  char- 
mantes; ses  fins  de  lignes  sont  parsemées  d'excellentes  figures  d'animaux. 
Les  images  du  début  sont  entourées  d'un  ruban  de  tiges  avec  grandes 
feuilles  épineuses  en  couleurs,  elles  ont  aussi  un  décor  architectural,  mais 
tout  simple.  Les  scènes  se  distinguent  par  les  proportions  plus  exactes,  par 
le  dessin  plus  aisé  des  contours,  par  le  coloris  clair  et  gai,  })ar  l'élégance 
extraordinaire  des  lignes  du  visage.  Nous  avons  ici  l'un  des  poiids  culmi- 
nants de  l'évolution;  l'idéal  de  la  miniature  gothique  est  réalisé. 


La  peinture  anglaise  de  transition. 

En  décrivant  l'évolution  du  xii'  siècle,  nous  avons  montré  à  quel  ftoinl 
la  miniature  anglaise,  peu  après  IIM),  s'était  approchée  de  l'art  gothique. 
L'importance  qu'on  attachait  dans  ce  milieu  à  l'élégance  des  silhouettes 
et  à  la  délicatesse  de  l'exécution,  aurait  pu  pousser  l'évolution  dans  le  sens 
de  l'art  gothique  français.  Mais  l'influence  byzantine  contraria  et  arrêta 
le  mouvement.  Au  commencement  du  xiii"  siècle,  quand  l'Angleterre  fut, 
elle  aussi,  saisie  par  la  grande  agitation  de  l'époque  de  transition,  il  ap- 
jiarul  que  cette  complication,  surabondance  et  virtuosité  de  formes,  con- 
venail  en  somme  parfaitement  au  goùl  artistique  de  la  nation;  ce  même 
phénomène  s'était  déjà  produit  à  l'époque  anglo-saxonne.  Il  en  résulta  un 
style  assez  maniéré,  et  dont  on  ne  pourrait  retrouver  l'équivalent  qu'en 
Allemagne.  Ce  style  baroque  produit  des  œuvres  aussi  bizarres  qu'at- 
trayantes, où  l'on  trouve,  avec  une  certaine  sentimentalité  dans  l'expression 
des  télés  et  le  mouvement  souvent  capricieux  des  figures,  le  sens  du  pa- 
tiiélique:  la  force  dramatique  que  révèle  déjà  le  style  anglo-saxon,  s'af- 
firme ici  en  de  grandes  compositions.  Mais  l'art  anglais  était  en  relation 
trop  directe  avec  l'art  français  pour  ne  pas  subir  fortement  son  inlluence. 
11  en  résulte  un  singulier  dédoublement  dans  l'évolution.  Le  style  fran- 
çais, ([ui  tend  à  la  simplification  des  formes,  et  le  style  national, qui  se  jdail 
dans  leur  complexité  luxuriante,  s'entrechoquent,  s'entrecroisent,  et  le 
tableau  chronologique  de  l'évolution  présente  la  confusion  la  plus  étrange. 

Le  style  de  transition  n'atteint  son  point  culminant  que  vers  l'iàO, 
mais  ses  débuts  s'annoncent  dès  le  commencement  du  xiii°  siècle.  Le 
psautier  de  saint  Louis  à  Leyde  montre  déjà  une  certaine  dissolu! ion  di- 
style;  écrit  peut-être  pour  Godefroy  Plantagenet  (1101-l'212i,  il  xini  plus 
tard  en  la  possession  de  Blanche  de  Gastille.  D'après  une  ancienne  note, 
saint  Louis  enfant  aurait  étudié  dans  ce  psautier.  Le  livre  est  riche  en 
miniatures:  mais  celles-ci  ne  sont  remarquables  ni  par  la  composition,  ni 
par  le  style.  Le  coloris  est  désagréable.  La  valeur  du  livre  est  jilus  histo- 
rique qu'artistique. 


HISTOIRE   DE  L'ART 


Inlinimciil  supérieure  csl  la  \  alcur  duu  jisaulier  que  posséda  Roljerl 
de  Liudeseye,  abbé  de  l'elerborouyh  (f  l'i'i'i)  (Soc.  roy.  des  Anliquaires  de 
Londres).  Les  minialurcs,  peu  nombreuses,  révèlent  un  style  original  et 
simple.  Les  figui-es  de  la  C-rueilixion  sont  très  gracieuses,  prescpie  trop 
grêles;  ledessin  des  (■(iniours  a  un  cliarme  captivant;rexprcssion  esl  pro- 
fonde et  sereine.  Très  analogues,  mais  inleiieurs,  sont  un  psautier  ilu 
Fitzwilliani-Museum  à  Cambridge  (Ms.  12)  et  deux  i'euillcls  ajoutés  au 
psautier  d'AugusIin  ('alors  à  Canlerbury)  (Fjrit.  Mus.,  \'esp..  A,  I).  Toutes 

ces  miniatures  sont  déjà  très  pro- 
elies  du  style  gotliique.  La  brus(|ue 
Iransformation  qui  se  j)roduit 
alors  |)araiT  daulanl  plus  élon- 
nante. 

C'est  du  cloître  de  Saint- 
Albansque  proviennent  les  œuvres 
les  plus  caractéristiques  du  slyle 
nouveau  :  ce  sont  celles  du  célèlue 
chroniqueur  Matliieu  Paris,  artisie 
universel,  peintre,  sculpteur  el  or- 
lèvre;  les  Gesta  Abbalum  disent  de 
lui  qu'il  n'a  pas  eu  son  égal  dans 
II'  monde  latin.  Des  miniatures  de 
-Mathieu  Paris  sont  conservées  au 
British  Muséum  et  au  Corpus  Chris!  i 
Collège  de  Cambridge.  Son  slyle 
est  d'une  sévérité  savoureuse;  le 
mouvement  de  ses  dessins  légère- 
ment coloriés  a  de  la  grandeur,  et 
il  excelle  à  exprimer  le  caractère  et 
la  profondeur  du  sentiment.  La  grande  madone  qui  précède  son  œuvre 
liistorique  (Royal,  li  E,  VU),  donne  une  juste  idée  de  son  talent.  Il  est 
encore  fidèle  à  la  tradition  romane  ;  mais  dans  les  lignes  mouvantes  et 
contournées  commence  à  se  manifester  la  tendance  au  style  de  transition. 
Mathieu  Paris  a  illustré  la  vie  du  roi  Offa  dans  un  manuscrit  oij 
chaque  miniature  remplit  la  moitié  supérieure  de  la  page.  C'est  le  type 
du  livre  d'images  très  goûté  vers  1250.  A  la  Bibliothèque  universitaire 
de  Cambridge  se  trouve  une  vie  du  roi  Edouard  le  Confesseur,  en  langue 
française,  illustrée  d'après  les  mêmes  principes  (Ee,  ô,  5!)).  Parmi  les 
miniatures,  quelques-unes  représentent  le  style  de  Mathieu  Paris  sous 
une  forme  d'une  particulière  délicatesse.  Dans  le  couronnement  des  trois 
Rois  par  les  anges,  il  y  a  tant  de  goût,  de  grâce  et  de  senlimenl,  qu'on 
oublie  volontiers  la  bizarrerie  du  style. 


Fil    2yi  — Cnitili\ion    Psautier 
ik  Rnlmt  (11,  Lindeseje,  abbe  de  Pelerboroiitili. 

(S..r.  roy.  a,.3  Aiili.|uair«  ,],•  L.niJr.'s.) 


LES  MIXIATURIÎS    -  LES  VITIUUX  -  LA  l'ElXTfRE  MURALE        r.47 


La  hardiesse  avec  laquelle  ce  style  se  libère  des  Iradilions  hiératiques 
se  révèle  dans  le  missel  de  Henri  de  Chichester,  chanoine  d'Exeler  (vers 
l'ioO)  (Rylands  Library,  Manchester;  autrefois  Bibl.  Lindesiana,  lai.  'li.) 
Le  Christ  ressuscite  est  accompagne  d'anges  qui  jouent  du  violon  et  de  la 
harpe;  la  Vierge,  dans  la  scène  de  la  Nativité,  allaite  l'Enfant,  tandis 
qu'une  servante  frisée  à  la  mode  du  temps,  de  ses  bras  nus  borde  l'accou- 
chée. Le  AU  Soûls  Collège,  à  Oxford,  possède  le  psautier  le  plus  beau 
peut-être  de  ce  style.  Une  gouache  brillante  avec  fond  dor  magnifique- 
ment orné  augmente  l'effet  des  miniatures. 
Le  style  des  draperies  est  trop  chargé;  les 
mouvements  du  corps  et  de  l'àme,  chez 
les  personnages,  sont  également  exa- 
gérés. Marie,  sous  la  croix,  se  tord  de 
douleur;  .lean,  par  contre,  semble  sau- 
tiller, tant  il  y  a  de  grâce  et  de  vivacité 
dans  ses  manières. 

Mais  le  style  baroque  ne  devait  mon- 
licr  toute  sa  force  créatrice  que  dans  une 
grande  œuvre  qui  lui  permît  de  déployer 
toutes  ses  brillantes  qualités.  C'est  l'illus- 
tration de  l'Apocalpyse  qui,  vers  l'"2oO,  en 
français  ou  en  latin,  avec  ou  sans  com- 
mentaire, devient  le  livre  favori  de  la 
société  cultivée.  L'histoire  de  ce  cycle 
miniatural,  dont  nous  avons  de  nombreux 
exemplaires,  est  encore  obscure.  On  nr 
sait  quel  lien  le  rattache  aux  anciens 
cycles  des  manuscrits  espagnols  et  méri- 
dionaux et  de  la  Bible  moralisée.  En  tout 
cas,  c'est  d'Angleterre  que  proviennent 
les  plus  anciens  exemplaires  des  nouvelles 
Apocalypses.  On  en  aimait  sans  doute  le  côté  bizarre  et  fantastique, 
comme  dans  les  ronmns  favoris,  le  roman  d'Alexandre  par  exem})le,  ou 
dans  les  bestiaires  si  ré|>andusen  Angleterre  depuis  le  xii"  siècle.  Le  sujet 
prêtait  aux  représentations  guerrières  et  infernales  ;  il  convenait  bien  au 
génie  d'un  peintre  anglais  et  au  style  nerveux  et  inquiet  de  l'époque  de 
Henri  III.  Le  manuscrit  le  plus  important  et  peut-être  aussi  le  plus 
curieux  est  l'exemplaire  du  Trinity  Collège  à  Cambridge  (R,  Ki,  2;  vers 
l'ion).  Comme  la  plupart  des  autres  exemplaires,  il  représente  la  vie  de 
l'Apôtre  Jean  en  même  temps  que  l'Apocalypse.  Les  miniatures  sont 
semées  dans  le  texte  et  ne  sont  pas  encore  réduites  à  la  moitié  supérieure 
de  la  page.  Des  différences  considérables  de  style  indiquent  la  collabora- 


r.'is  iiisioii;!-;  ni':  i;ai;t 

lion  ûr  plusieurs  ai'lislrs.  lùi  plus  tl'un  cndroil,  le  slylc  se  r;ippruciie  des 
œuvres  IVançaiscs,  el  alors  le  caractère  inquiet  et  contourne  s'atténue.  La 
perfection  est  atteinte,  naturellement,  dons  la  représentation  des  combats 
et  de  l'enfer.  ( l'est,  jiar  exemple,  l'illustration  du  chapitre  XIX,  où  le 
dragon  à  sej)l  tètes  est  précipité  dans  l'enfer  (la  gueule  monstrueuse  de 
l'cMifer  est  conslannnenl  représentée  dans  ces  miniatures)  et  où  les  oiseau.x 
manticnl  la  cliiiir  des  rois  lerrestres  el  de  leurs  armées.  La  chute  des  che- 
\aux  et   (les  casaliers  est  décrite  a^e(■   une  foi'ce   saisissante.  Parmi  les 


*;  '  uvtàc  dtptifr  codlulc  £au(jt)hctt  Ui  fift  Uf 
ts  ntfdmaimttu.çlcfqumdlnautnifkinfii 
mirtfmcrSrtrUlitft.fta.TOntiirltitinxçatudchi 


(uriiuCuiffmtttft.iimk  dcfii.uicftcuCuiftailtD' 
mAlittHuiTUOTmlunttktALi  ftn.dtUirœt. 
«1 0  kc  a  rtifr  lie  Irf  nanti  ûmt  oftif  en  It  rfptic  dri  fr 
Atimftirlt  tlmi.il.ltfflrniWtiftm  ilimh-iinrfmi 


FiG.  2ril.  —  Le  lirai 


:>pt  Irlos  prcripili'  dans  renier.  Miiiialurc  de  IWpoealyin 

[rrinily(;Hlli.^e.  iliiiiil.riilgf.) 


oiseaux  de  proie  affamés,  les  uns  s'abattent  sur  les  cadavres,  tandis  (pic 
les  autres  attendent  encore  perchés  sur  les  arbres  voisins. 

L'Apocalypse  de  Canduidge  n'offre  pas  un  style  aussi  accompli  que 
d'autres  exemplaires  un  jieu  plus  récents.  Le  plus  im))ortant  est  à  la  Bi- 
bliothèque nationale  (  I^'r.  W7\)  ;  son  origine  anglaise  est  évidente  ;  le  style 
est  d'une  grandeur  sau^ag•e,  inconnue  au  gothique  français.  A  peu  près  à 
la  môme  époque  et  au  même  style  appartiennent  les  Apocalypses  de  la 
Bodléienne  à  Oxford  (Bodl.,  D,  4,  17)  elde^L  le  vicomte  Blin  de  Bourdon. 

Dansions  ces  travaux,  l'intluence  de  l'ancienne  peinture  romane  pré- 
domine encore.  A  partir  de  LJ")(),  l'innuence  fran(;aise  gi'anilil,  sans  d(Mrù- 
ner  (■ep(Midant  le  style  national.  Mais  en  même  lemps  apparaissent  en 
Angleterre  les  germes  d'une  éNolution  plus  imh'pendanle  (hin>  le  domaine 
ornemental,  qui  seronl  pour  l'évolution  générale  de  la  plus  grande  inq)or- 
tancc.  L'ornementation  des  bordures  partie  des  initiales,  trait  particulier 


LES  MlMATlItES  -     LES  \  ITRAIX  -  LA  PELNTURE  MIIÎALE 


lie  la  miniature  golhique,  arrive  en  Angleterre  à  son  déveloi>penient 
extrême.  On  utilise  tout  d"al)onl  les  anciens  entrelacements  des  initiales 
romanes;  on  les  remplace  l>ientùt  par  des  motifs  réalistes.  Mais  ressen- 
tie] est  que  les  thèmes  grotesques  s'ajoutent  à  ces  motifs  de  la  lin  île  l'art 
roman:  ils  paraissent  précéder  chronologiquement  rornemenlalion  réa- 
lisle. 

L'idée  d'introduire  des  drôleries  dans  l'encadrement  ne  peut  ètie 
venu(>  de  France.  Si  elle  est  venue  du  continent,  c'est  plutôt  d'Italie. 
-Mais  le  Nord  transforme  complètement  les  modèles  italiens.  L'Angleterre 
est,  en  fait,  la  patrie  de  ce  mode  d'illustration,  tour  à  tour  sérieuse  ou[)lai- 
sante,  profonde  ou  grotesque.  Elle  y  fut  pour  une  bonne  part  la  continua- 
trice de  l'ancienne  ornementation  symiiolique  des  initiales,  cultivée  en 
Angleterre  avec  un  soin  particulier: 
chassée  de  ses  anciennes  possessions 
à  mesure  que  les  initiales  voiml 
iliminuer  leur  format  et  augmenliT 
leur  nomlire,  elle  se  répand  naturelle- 
nienl  au  liord  des  jiages,  sur  les 
longues  tiges  terminales  des  initiales 
désormais  à  la  mode.  D'autres  causes 
encore  vont  fa\oriser  son  épanouisse- 
nu'nt  :  le  réalisme  croissant  de  l'arl 
gothique  se  plaît  à  tout  ce  qui  csl 
représentation  anecdotique  ;  les  idées 
se  sont  modifiées  depuis  que  l'ai-l  a 
passé  des  moines  aux  la'iques.  C'e.'^l  en  \  ain  que  les  successeurs  d'un  Ber- 
nard de  Clairvaux  fulminent  contre  de  telles  images:  le  goùl  du  temps  les 
réclame  et  n'est  point  choqué  de  trouver,  dans  un  livre  de  prières,  la 
frivolité,  le  blasphème  et  même  l'obscénité. 

Très  important  à  ce  point  de  vue  est  un  }isaulier  (pi'Kdmond  <\i'  Lad, 
comte  de  Lincoln  i-j-  12^)7),  ou  un  membre  de  sa  famille  semble  avoir 
possédé  (Bibl.  du  duc  de  Rutland,  Belvoir  Castle).  Ses  miniatures,  qui 
représentent  pour  la  plupai'l  des  sujets  de  l'Ancien  Testament,  olTienl 
toutes  les  particularités  du  style  de  transition  :  mais  plusieurs  scènes  tle 
genre  sur  le  bord  de  la  page  sont  liien  plus  caractéristiques.  Leurs  sujets 
sont  très  divers;  quelques-uns  sont  empruntés  à  la  Fable,  comme  l'his- 
toire du  renard  et  du  héron  ;  d'autres  sont  tirés  de  la  vie  :  scènes  de  chasse 
ou  groupes  de  lutteurs;  mais  les  sujets  satiriques  et  humoristiques  ne 
mantpient  pas  non  ]ilus  :  le  gu(M-rier  qui  attaque  l'escargot,  les  souris  qui 
pendtMil  mucIimI:  une  femme  pi'escpie  nue  (jui  marche  à  (pialic  |iaUes, 
landis  (pi'un  petit  diable  se  balance  sur  son  dos,  etc.,  etc. 

Les  mêmes  éléments  se  retrouvent   dans  un  autre  man^^(  ri!   nni  a 


«MsnS»  munnttmn^mm 
i«<aùmmhttmmtn-jrnnvftt  ..„ 


n 


■Mi.  —  Minialure  du  psauUcr 
uond  de  Laci.  romie  de  Lincoln 

(Bibl.  Ju  duc  de  Rutland.) 


:,hO  HISTOIRE  l)K  LART 

déjà  subi  rorleiiuMit  riiillucncc  française.  C'est  un  psaulier  cxéculé  après 
i'MG  par  le  copiste  Willclmc  (OscoU  Collège,  près  de  Birmingham). 
L'assemblage  de  deux  médaillons  dans  un  radre  à  angles  droits  rappelle 
des  œuvres  françaises  d'avant  i^oO;  niais  le  style  est  déjà  plus  avancé  ; 
une  série  d'apôtres  surtout,  avec  des  mouvements  singuliers  et  la  lianclie 
en  saillie,  évoquent  la  période  d'après  i'i'^iO.  Le  style  grandiose  de  la  dra- 
jirric  rappelle  la  sculpture,  plutôt  (pie  la  peinture  françaises.  D'autre 
pari,  les  initiales  ont  encore  des  détails  romans,  mais  sont  de  foiine  toute 
moderne,  avec  de  longues  tiges  terminales  en  couleurs  et  des  traits  dorés 
encadrant  des  deux  côtés  la  colonne  du  texte.  Les  scènes  de  genre  et  les 
grotesques  y  abondent  :  la  fable  du  coq  qui  chante  et  du  renard,  un  petit 
singe  devant  un  centaure  avec  un  capuchon,  etc. 

11  faut  signaler  encore  deux  A]iocaly|>ses  où  apparaissent  les  mêmes 
jiarlicularités  de  style.  L'exemplaire  de  lii  lîildiothèque  du  Landictli  Pa- 
lace à  Londres  (Ms.'iO'.t)  est  eniiclii  d'une  série  de  miniatures  et  olfre  une 
Madone  renuirquablc  avec  la  donatrice  (Lady  de  Ouincy)  à  genoux,  la 
légende  de  Théophile,  une  Crucifixion,  etc Très  analogue  est  l'Apoca- 
lypse de  la  collection  Yates  Thompson  à  Londres  (N"  ô5),  achevée  par  un 
artiste  italien. 

Ce  tableau  de  l'évolution  de  la  miniature  anglaise  jusqu'à  la  tin  du 
xiif  siècle  montre  comment  le  goût  national  résista  à  la  simplification  de 
la  technique  et  du  style  qu'avait  produite  en  France  l'évolution  de  l'art 
gothique  de  I'2r)0  à  1279.  La  transformation  générale  ne  s'accomplit  qu'à 
la  fin  (lu  siècle,  et  l'art  s'en<Tac:e  aussitôt  dans  une  voie  nou^•elle. 


La  peinture  gotliique  en  Angleterre  et  en  France  (iepuis  la  fin  du  XIII' 

jusqu'au  milieu  du  XIV'  siècle. 

Les  débuts  du  réalisme  et  du  naturalisme. 

A  la  fin  (lu  xnr  siècle,  l'art  fran(;ais  et  l'art  anglais  se  rapprochent 
telleiiieni  (pi'on  peut  difficilement  distinguer  leurs  œuvres  respectives. 
L'évolution  générale  aljoulit  à  un  si  vie  (pii  se  trouve  constitué  dans  le 
dernier  psautier  de  saint  Louis  i(_]olleclion  Yates  TJiompson).  On  peut 
admettre  que  l'évolution  du  style  s'est  tout  d'abord  accomplie  en  F'rance; 
mais  l'art  anglais  suit  do  près  et  dépasse  même  l'art  français.  Dans  l'orne- 
mentation surtout,  l'Angleterre  s'est  montrée  plus  créatrice  et  a  fait  de 
plus  rapides  progrès.  Ainsi  s'exj)lique  la  forte  inlluence  qu'elle  a  exercée 
à  son  tour  sur  le  continent. 

En  Li'ance,  on  se  contente  de  variations  légères  sur  le  style  déjà  cons- 
titu('.  Les  ditférences  que  nous  a^ons  remarquées  entre  les  deux  derniers 
psautiers  de  saint  Louis  s'accusent  toujours  davantage.  Un  voit  augmen- 


LES  MIMATLIIŒS  -  LliS  MTP.Al'X  -     LA  PLLXTl  liL  MUIlALi: 


fs».^ 


.3 


Irr  la  ]irt'dil('ction  pour  la  douceur,  la  souj)li'ss(\  la  délii-alesse;  la  draperie 
sVnricliil  ;  les  hoi'ds  du  vètemeni  onl  uu  niouvenicnl  plus  doux  el  plustira- 
cieiix.  La  leclinique  se  modilic  aussi  ;  on  modèle  da\  aniage.  C'est  le  coloris 
tpii  accuse  le  mieux  la  transformation.  Dejniis  l'idO  environ,  on  peignait 
plus  clair;  cette  tendance  subsiste;  le  vermillon  prédomine  de  plus  en  plus, 
entouré  de  nombreuses  tonalités  pâles.  L'accord  bleu-brun  disparaît.  Les 
fonds  sont  en  or  ou  coloriés,  presque  toujours  ornementés.  C'est  l'orne- 
nienlation,  en  général,  qui  cliange  le  plus.  Les  ramifications  des  initiales, 
jus([vrici  longues,  garnies  dcpic[uants, 
sèclies  de  mouvement,  s'adoucissent 
et  remplacent  leurs  pointes  par  des 
feuilles,  surtout  par  la  feuille  dépines, 
plus  rarement  par  la  feuille  de  cbcne. 
Cette  ornementation  modeste,  uni- 
forme bien  que  gracieuse,  suffit  même 
pour  les  manuscrits  de  premier  ordre; 
l'oinementation  des  bordures  ne  s'en- 
ricliit  et  ne  se  complète  par  les  scènes 
de  genre  drolatique  qu'en  Angleterre; 
ces  éléments  nouveaux  se  propagent 
ensuite  sur  le  continent.  La  transfor- 
mation qui  s'opère  en  Angleterre  aug- 
mente infmiment  le  trésor  des  formes 
par  l'observation  plus  exacte  de  la 
nature.  Les  conquêtes  de  ce  réalisme 
se  font  bientôt  sentir,  non  seulement 
dans  le  détail  de  l'ornementation,  mais 
dans  la  comjiosilion  et  l'exécution  des 
peintures.  De  1510  à  1520,  sûrement 
de  1520  à  1550,  on  essaye,  des  deux 
côtés  du  canal,  de  mettre  les  figures 

en  accord  avec  un  ensemble  arcliilectural  ou  même  avec  un  paysage,  et  de 
représenter  la  perspective.  L'impulsiiui  vient  ici  dlialie;  la  peinture  du 
Moyen  Age  brise  ses  liens;  le  x\'   siècle  s'annonce. 

LA  MlMATcnE  FnAXrAlsi;  (1270-1520).  —  La  liansfomiaiion  du  style 
après  1270  se  révèle  le  plus  clairement  dans  un  lectionnaire  du  Bi-iiisli 
Muséum  (Add.  1754J').  C'est  une  copie,  libre  quant  aux  figures,  fidèle  quant 
au  texte,  du  lectionnaire  de  la  Sainte-CIiapelle  mentionné  plus  baut  (Lat. 
17520).  Les  jolies  petites  miniatures  suivent  de  plus  près,  au  début,  la 
teclinique  et  le  coloris  du  modèle;  on  voit  bientôt  la  di^qieiie  el  le  modelé 
senricbir,  et  les  couleui's  pâlissent.  L'ornenieniaiion  siirloiil  se  dislinguc 
de  celle  du  modèle.  Les  exln'uiili's  des  iniliales  soni  abondaniiiienl  sar- 


ft-iïlittratft-fi'mni 
(é  tli'raltrtv  cr  ralil 
iiiiiiunio(tiiM5:iM_ 
crdinr.  lî'iTdidiinif 
'  m'miiiitiT?.fri'nK 
difhi?  niuhk.  lien 
l  mstiHtÎTiinfrliof 
1  TiiiflMiirtiniuirinV 
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ninmirfhi  rtViiot 
fiiliimnmisnicm 
iiimt'Miifif.  cmlm 

iiiimômcti.  ifrWi 

tnqncnrriiriifh'.cïin 

Vfinmnir  m  tt  n'" 

didnfinirnirino.1 

[iliriiiiin.l.iViiaiiifi 

■"  iim  dimi.fr 

:rlîrmrns: 

ï] flv.-iiln!^    Qi  dfp  laliinm  niro 


ixniidip 


-^/^-^  -:^_ ..^^ 

riiol   Uaselnff, 
Fio.  itM.  —  Mi[iialiii'c  (l'un  lecUonnaiie. 
(Copie  du  1732U  lat.  de  la  Bild.  nat.) 
(Bril.  Mus.,  add.  17341.) 


:,:>->  iiis'i'oiiii';  de  \:.\\\r 

nies  de  l'ciiilles  dépines;  celles-ci  pénètrent  aussi  dans  le  coi'ps  tie  l'ini- 
tiale. Mais  les  scènes  drolatiques  n'interviennent  encore  qu'avec  la  plus 
extrême  réserve;  ce  sont  des  animaux  isolés,  tout  au  plus  des  scènes  de 
chasse.  Même  style  dans  la  Bible  de  Philippe  le  Bel  (Bibl.  nat.,  lat.  248);  on 
n'y  voit  aussi  que  de  petites  initiales.  De  plus  grandes  miniatures  du  nou- 
veau style  se  trouvent  dans  un  manuscrit  qui  réunit  deux  traités:  la 
«  Somme  le  vol  »,  composé  en  1279  par  le  frère  Dominicain  Laurent  pour 
Philippe  111,  et  la  «  Sainte-Abbaye  »  (Brit.  Mus.,  add.  28162  et  Collection 
Yates  Tliompsoni.  Le  volume  possède  cjuatorze  minialures  couvi-ant  la 
page,  divisées  pour  la  plupart  en  compartiments;  les  meilleures  appar- 
tiennent à  l'illustration  de  la  i<  Sainte-Abbaye  ».  Le  fond  d'or  est  à  fines 
applications;  le  rouge  minium  domine,  à  côté  du  bleu,  du  brun,  du  gris; 
le  vert  est  presque  absent;  les  chairs  sont  presque  toujours  claires.  Ces 
minialures  nous  charment  non  seulement  par  la  virtuosité  de  leur  tecli- 
nique,  mais  aussi  par  l'attitude  distinguée  et  élégante  des  personnages, 
par  la  grâce  et  la  sveltesse  des  lignes.  Le  manuscrit,  non  daté,  est  proba- 
blement de  la  fin  du  xiii''  siècle.  A  cette  époque,  ou  peu  après,  doit  avoir 
été  exécuté  un  Bréviaire  de  la  Bibliothèque  municipale  à  Nuremberg 
(Solger,  in-quarto,  n°  4),  que  Charles  de  France  donna  à  la  reine  d'Angle- 
terre. C'est  une  illustration  détaillée  de  la  Vie  de  Jésus-Christ.  Les  minia- 
tures sont  réunies  à  deux  ou  à  quatre  sur  une  seule  page.  Aux  coins  de 
l'encadrement  se  trouve  une  sorte  de  cjuadrilobe  aigu,  alors  très  à  la 
mode.  Les  fonds  sont  toujours  d'or  et  ornementés.  Le  style  tombe  mani- 
festement dans  le  maniérisme.  Les  cheveux  ressemblent  un  peu  à  des  per- 
ruques; les  bords  du  vêtement  sont  contournés  en  forme  de  nœuds; 
l'expression  des  têtes  est  poussée  jusqu'à  l'exagération. 

Un  style  analogue  apparaît  dans  un  certain  nombre  de  travaux  remar- 
quables, de  date  certaine  et  qui  appartiennent  tous  au  début  du  xiv''  siècle. 
Par  exemple  le  manuscrit  de  la  «  Somme  le  roi  »,  que  le  copiste  Lambert 
le  Petit  exécuta  en  loi!  pour  Jeanne,  comtesse  d'Eu  et  de  Guines  (Bibl. 
de  l'Arsenal,  (i.'329).  De  style  plus  simple  et  plus  aisé  est  la  Bible  historiée 
de  l'Arsenal  (Ms.  5059),  exécutée  à  Paris.  A  peu  près  de  la  même  époque 
est  la  «  Vie  et  miracles  de  saint  Denis  »  composée  par  Yves,  moine  de 
Saint-Denis,  et  olfert  à  Philippe  le  Long  vers  l'année  1517.  La  nouveauté 
du  sujet  nous  charme  dans  ces  miniatures;  les  motifs  des  architectures  et 
des  paysages  sont  très  intéressants.  Dans  l'ornementation,  la  feuille 
d'épines  prédomine  toujours.  Cette  simplicité  et  cette  réserve  dans  l'or- 
nementation des  manuscrits  parisiens,  et  même  des  manuscrits  de  luxe 
royaux,  sont  d'autant  plus  frappantes  qu'au  même  moment  la  province 
exécute  des  œuvres  plus  riches  et  plus  variées.  Citons  surtout  (piel(pu?s 
travaux  lorrains,  le  Pontifical  richement  illustré,  destiné  à  Benaud  de  Bar, 
évêque   de  Metz    (1502-1510),  (Bibliothèque   de    sir   Thomas  Brooke,  à 


LES  MINIATURES    -  LES  VITRAUX  -  LA  PELNTURE  MURALE        353 

Ihiddcrsricld)  ;  le  Bréviaire  de  \'erdun,  exécuté  au  commencement  du 
xiv"  siècle  pour  Marguerite  de  Bar,  abbesse  de  Sainl-lNIaur  de  \'crdun 
(tome  I,  dans  la  Coll.  Yates  Thompson;  tome  11,  à  la  Bibl.  de  A'erdun, 
n"  107).  Les  miniatures  de  ces  manusci'its  sont  lout  à  l'ail  au  niveau  des 
œuvres  parisiennes;  elles  possèdent  en  outre  des  encadrements  richement 
ornés  ;  on  y  introduit  les  plinthes,  les  tiges  avec  feuilles  d'épines,  et  une 
foule  de  petites  scènes  drolatiques.  Des  lièvres  ou  des  singes  imitent  des 
actions  humaines;  les  lièvres  prennent  d'assaut  un  manoir,  font  prisonnier 
le  chasseur,  etc.  On  trouve  les  mêmes  détails  au  nord,  dans  un  psautier 
llamand  (Trinily  Cloll.,  Cambridge,  B,  xi,  '22);  dans  un  psautier  de  l'Artois 
(Bibl.  nat.,  lai.  I0ir)5);  dans  la  Vie  de  sainte  Benoîte  écrite  en  17)12  à 
Origny  (Berlin,  Cabinet  des  Estampes!;  dans  un  manuscrit  exécuté  en 
17)17  par  Jean  de  Limoges  (Vérone,  Bibl.  Cap.,  cxciv),  etc.  Un  e.xamen 
altenlif  de  ces  manuscrits  révèle  de  nombreuses  traces  de  riniluence 
anglaise,  qui  apparaîtra  avec  plus  d'é\idence  a]irès  la  description  des 
travaux  anglais  de  l'éjioque. 

LA  Ml-MATCRE  AXGLAiSE  (de  la  iin  du  xiu''  au  milieu  du  xiv'  siècle).  — 
Un  manuscrit  de  128i  montre  avec  quelle  rapidité  on  se  mit,  en  Angle- 
terre, à  suivre  les  modèles  français  et  à  inventer  ensuite  un  slyle  original. 
Le  soi-disant  Psautier  de  Tenison  (Bril.  Mus.,  Add.  2iG8(i)  devait  être  un 
cadeau  de  noce  pour  Alphonse,  fils  d'Edouard  1",  qui  mourut  à  onze  ans, 
peu  après  ses  fiançailles  avec  Marguerite  de  Hollande;  c'est  pourquoi  le 
psautier  est  resté  inachevé.  Dans  son  ornementation,  les  motifs  du  treillis 
roman  se  mêlent  aux  extrémités  des  initiales  dont  les  feuilles  sont  imitées 
de  la  nature.  Une  foule  d'oiseaux,  sur  les  côtés,  témoignent  d'une  obser- 
vation pénétrante  de  la  réalité.  Toutes  sortes  de  drôleries  apparaissent 
sur  le  bord  inférieur  de  l'initiale  :  une  Néréide  allaitant  son  petit;  une 
chasseresse  poursuivant  un  chevreuil;  un  chevalier  tuant  le  dragon  tandis 
que  les  corbeaux  s'abattent  déjà  sur  le  cadavre  de  son  cheval.  De  même 
style  est  le  Psautier  d'Isabelle,  fille  de  Philippe  le  Bel,  exécuté  après  le 
mariage  (1308)  d'Isabelle  avec  Edouard  II,  roi  d'Angleterre  (^Munich,  Bibl. 
royale,  ms.  franc.  10). 

Le  chef-d'œuvre  anglais  de  l'époque  est  incontestablement  le  Qiieen 
Mary  s  Psalter  (Brit.  Mus.,  Royal,  2  B,  vu).  On  l'appelle  ainsi  parce  qu'il 
appartint  au  xvi*"  siècle  à  la  reine  Marie.  On  ignore  sa  destination  primi- 
tive; il  ne  peut  avoir  été  exécuté  qu'au  début  du  xiv''  siècle.  Le  nombre 
des  miniatures  révèle  déjà  le  caractère  extraordinaire  de  cette  œuvre.  Au 
commencement,  sur  soixante-six  feuillets  peints  des  deux  côtés,  une  série 
de  deux  cents  scènes  et  plus  de  l'Ancien  Testament,  depuis  la  chute  des 
Anges  jusqu'à  la  mort  de  Salomon.  Une  simple  plinthe  rouge,  garnie  de 
quelques  feuilles  imitées  de  la  nature,  entoure  ces  légers  dessins  à  la 
plume,  où  sont  posés  des  lavis  à  peine  teintés  de  verls,  de  bruns  ou  de 

T.  II.  —  45 


lilSIOllil';    1)1'.   I.AI'.T 


\iolc't.s.  Leur  chaïaïc  \ iciil  du  inuuvcuiciit  des  ligures,  élégaid  cl  gracieux 
mais  toujours  animé  el  expressif;  la  ieclmiciue  est  un  peu  celle  du  croquis; 
c'est  celle  qui  convient  le  mieux  à  ces  artistes  anglais;  elle  ajoute  à  l'im- 
pression que  produisent  ces  miniatures.  Combien  la  femme  de  PuLijdiar 
est  séduisante  quand  elle  veut  enjôler  Joseph,  mais  combien  insolente 
(|uand  elle  expose  à  la  garde  ses  plaintes  calomniatrices!  —  Celle  sobriété 
l'ail  bienl(')l  jilaci'  à  une  exécution  plus  l'iclic.  Sui\(Mil  en  efTel  cinijuantc- 
cinq  pages,  avant  ci  dans  le  psautier,  eniièremenl  ou  en  partie  couvertes 
de  miniatures  el  (pii  oui  Idides  des  fonds  d'or  ou  de  couleur  avec  apjiii- 
cations.  C'est  l'histoire  de  la  vie  du  (Christ  depuis  l'arbre  de  Jessé  jusqu'au 
Jugement  dernier.   A  ce  grand  cycle  s'ajoute,  sur  le   bord   intérieur   de 

cliaque  page,  une  illusli-ai  ion 
supplémentaire  traitée  dans  la 
leclinique  légère  des  scènes  de 
l'Ancien  Testament.  Une  éton- 
nante richesse  iconographique 
apparaît  à  nos  yeux;  nous  y 
trouvons  tout  un  bestiaire,  des 
légendes  de  Saints,  des  mira- 
cles de  la  \'ierge  Marie,  la 
légende  de  Théophile,  des  fa- 
I)les;  de  plus,  d'innombrables 
si'ènes  de  genre,  idiasscs,  jeux, 
11.5. i„ii  tournois,  et  des  caricatures,  des 
singes  qui  luttent,  etc....  Bref, 
ce  seul  manuscrit  sui'tirail  à 
donner  une  excellente  idée  de 
anglaise  à  celte  époque.  Très  analogue 
est  une  Apocalypse  en  langue  française  (Bril.  Mus.,  Royal,  19  B,  xv),  dont 
les  miniatures  sont  dues  peut-être  à  la  même  main.  D'ailleurs,  l'Apoca- 
lypse es!  eiu'ore,  au  commencemenl  du  xi\'  siècde,  h'  livre  d'images 
favori;  les  plus  beaux  exemplaii'es  ont  (■•l('',  selon  toute  \  raiseudjlance, 
exécutés  en  Angleterre.  Parmi  eux,  deux  manuscrits  très  analogues  (])od- 
léienne.  Douce  IbiO;  Paris,  Bibl.  nat.,  lat.  lO'wi).  Ces  deux  manuscrits 
sont  inachevés;  mais,  dans  leur  simplicité  linéaire,  ils  possèdent  une  force 
et  une  grandeur,  une  énergie  d'expression  el  une  aisance  de  lignes  qui  les 
mettent  au  rang  des  chefs-d'œuvre  de  l'époque. 

Depuis  le  début  du  xiv'  siècle,  c'est  une  école  de  l'Est  (Norfolk, 
Suffolk  et  pays  avoisinanls)  qui  fait  faire  à  la  peinture  anglaise  les  plus 
grands  progrès.  Elle  produit,  en  quelques  dizaines  d'années,  jusque  vers 
le  milieu  du  siècle,  une  foule  de  psautiers  magnifiques  qui,  pour  peu  de 
temjjs,  occupent  le  premier  rang  en  Angleterre  et  même  en  Europe.  Dans 


_         av'it  taflicttuiftfi) 
-t  dttcMutiiimi^oitcniiic 

3   ^ 


imoir  la  Mfnc  aie  t(4  œœ-SiJrt 

c  fc  rtiams  tHS'CDir  .lu  ftiuun't  <ie^ 

loSïli  It  liSiM^  aftmct-  "        ^, 


FiG.  ii;i.  —  La  femme  de  Pulipliar. 

Psautier  de  la  reine  Marie. 

(Brilish  MiHeuni    Royal   î  E   VII.) 

l'imporlanee  qu'avait   la  peinlun 


I.I'.S   MIMATlIiKS         LES   MTl;  AUX         I.V   l'KlNTriîH  Ml  |;AI,I-:         r.5b 

l'iiiiiriucnliilion.  le  l\]ii'  i\f  friiillr>  tlV'|iiiies  disparaîl  dans  la  masse  des 
(■l(''iiiciils  l'ralislrs.  doni  la  \ari(''ir>  ri  la  \i'Til(''  \oiil  l'ii  aiigmciitani .  Les 
iliuslraliuiis  ellcs-inèiiies  aljanduiiiieiil  la  leehuique  goUiique  eoiivenlion- 
iielje  ei  liiiissenl  [lar  .s'engager  dans  une  voie  toute  moderne. 

Un  chef-d'œuvre  ancien  de  l'école  anglaise  de  l'Est  es!  un  psautier 
e.xéeuté  dans  l'abbaye  de  Peterborough  et  qui  vint  ensuite  en  la  posses- 
sion des  rois  de  France  (Bruxelles,  ms.  9Ù61  !.  Chose  curieuse,  ce  psautier 
esl  iirn<''  d'une  grande  série  d'images  typologiques,  réunies  le  plus  souvent 
par  (pialrc  sur  un  même  feuillet.  Le  peintre  avait  en  etTel  pour  modèle 
iiiic  série  de  peintures  du  xii"  siècle,  exécutées  sur  les  revers  des  stalles 
du  rho'ur  à  Peterborough  cl  dont  il  existe  des  descriptions.  Mais  celte 
})arli(ularilé  iconographique  nous  intéresse  moins  que  les  scènes  de  genre 
iniroduiles  dans  l'ornementation  de  ces  encadremenis  ou  sur  la  partie 
des  pages  laissée  m  Idanc  :  scènes  de  la  vie  courtoise  et  galante,  prise  du 
Château  d'Amour  déh'ndu  par  des  jeunes  filles  jetant  des  l'oses.  cliexalier 
reposant  sous  un  arbre  avec  sa  bien-aimée,  etc. 

On  ne  peut  fixer  le  lieu  d'origine  de  la  plupart  de  ces  œuvres;  elles 
ap|iarlenaient  le  plus  souvent  à  des  familles  du  pays  et  proviennent  en 
génc-ral  de  ces  régions.  L'une  des  plus  exquises  est  le  Psautier  de  Robert 
de  Ormesby  (Bodléienne,  Douce  ."(jUj.  Le  grand  frontispice,  sous  forme 
d'arbre  généalogique  du  Christ,  avec  un  couple  à  genoux,  est  encore 
ai-eliaïque  [)ar  rornemenialion,  (|ui  se  comjjose  essenliellemeni  de  tiges 
a\ee  feuilles  d'épines.  Il  contribue  à  l'aiic  paraîtic  |ilus  avanci''s  les  autres 
l'ucadrements  du  manuscrit  ;  on  y  lrou\e  siu-tout  des  fleurs  et  des  fruits 
d'après  nature,  et  le  caprice  de  l'artiste  s'y  est  librement  dépensé,  l  u 
feuillet  du  Psaume  CIX,  représente  Dieu  le  Père  etJésus-Christ  trônant  au 
milieu  des  chérubins;  dans  la  bordure,  deux  cavaliers  nus  juchés  respec- 
lixcment  sm-  un  ours  et  sur  un  lion  se  d<''ehirent  mutuellement  avec  rage; 
on  y  \oit  aussi  de  dos  un  personnage,  couvert  seulement  d'ini  manteau, 
lièiement  camjjé  et  sonnant  de  la  trompette. 

Par  la  vigueur  et  la  fraîcheur  de  l'ornementation,  le  Psautier  d'Ûr- 
mesby  en  éclipse  un  autre  qui  fut  exécuté  pour  un  membre  de  la  famille  de 
sir  \\'illiam  Howard  ( f  L")08),  aïeul  des  ducs  de  Norfolk  (Brit.  Mus., 
Arundel  8.")  .  Mais  ce  psautier  est  aujourd'hui  relié  avec  les  restes 
très  importants  d'un  psautier  donné  par  Robert  de  Lisle  en  I.'ÔO,  et  dont 
quelques  miniatures  sont  de  premier  ordre. 

Les  tendances  picturales  qui  apparaissent  dans  le  PsautiiM-  de  Robert 
de  Lisle,  son!  plus  (''x  idenles  encore  dans  les  deux  chefs-d'a^uvre  de 
l'école  anglaise  de  l'Lsl.  In  psautier  Douai,  ms.  17L  donné  dans  la 
seconde  moitié  du  xiv"  siècle  par  Thomas,  vicaire  de  Gorleston  (Suffolk), 
a  été  probablement  exécuté,  de  lô'i'i  à  lâ'io,  à  Xorwich.  Il  est  encore 
dépassé  par  le  psautier  de  la  Collection  Yales  Thompson,  exécuté  poui- 


5ÔG  HISTOIRE   DE  L'ART 

sii'  \\'illi;un,  éltdjli  ;'i  MulLarlon  (Norfolk),  où  il  niourul  vers  1547,  ou  pour 
son  lils  sir  Thomas,  niorL  en  lôCi.  Il  ressemble  à  celui  de  Douai  el  doit 
être  plulôL  de  1525.  Malgré  son  grand  format,  il  ne  contient  que  de  très 
petites  miniatures,  les  plus  fines  qu'on  puisse  imaginer.  On  y  trouve  tous 
les  éléments  du  paysage  moderne  qui  seront  développés  plus  tard.  A  côté 
de  scènes  bibliques,  figurent  quantité  de  scènes  réalistes.  Le  propriétaire 
du  manuscrit  et  sa  femme  sont  représentés  à  genoux;  plusieurs  tètes 
donnent  l'impression  de  portraits;  toutes  sortes  de  ligures  humaines, 
d'animaux,  de  fleurs  sont  jetés  pêle-mêle  dans  l'encadrement;  c'est  un  vrai 
kaléidoscope.  Partout  la  même  fraîcheur  d'observation.  L'artiste  met 
sa  joie  à  décrire  la  nature  et  préfère  peut-être  les  scènes  bibliques  qui 
lui  en  fournissent  l'occasion.  Comment  ne  pas  pro))liétiser  un  grand 
avenii'  à  cet  art  si  plein  de  sève  juvénile?  Et  pourtant  il  n'a  pas  continué 
à  se  développer.  On  ignore  les  causes  de  sa  décadence  rapide.  La  forme 
s'appauvrit  et  devient  plus  grossière.  Le  Psautier  du  frère  Walther  de 
Bouceby  (Oxford,  Bodl.,  Barlow  'JtJ),  montre  une  ornementation  réduite 
à  quelques  grands  molifs.  Le  psautier  de  sir  Geoffrey  Louterell  of  Irnham 
(Lulworlh  Castle  Library),  exécuté  peu  avant  15i0,  est  caracléristitpie 
sous  ce  rapport.  L'ornementalion  est  encore  plus  dure,  j)lus  }iauvre  île 
formes;  les  scènes  drolatiques  ont  quelque  chose  de  lourd,  malgré  la  fan- 
taisie effrayante  qui^  le  peintre  déploie  dans  ses  monstres....  Mais  la  grande 
époque  de  la  peinture  anglaise  est  passée  ;  elle  ne  recommence  qu'à  la  fin 
du  siècle,  sous  l'inlluence  des  Pays-Bas,  de  la  France  et  de  la  Bohème. 

/.i  MiNiATUitE  FHAXrAiSE  (de  ïù'iO  à  1550).  —  C'est  en  France  que  nous 
retrouvons  le  fil  qui  nous  conduira  jusqu'au  xiv"  el  au  xv'  siècle.  Avant 
d'analyser  le  slyle  de  cetle  période,  jetons  un  coup  d'd'il  d'ensemble  sur 
les  travaux  qu'il  nous  faut  ici  étudier.  Par  un  heureux  hasard,  nous  pou- 
vons leur  rattacher  une  série  de  noms  célèbres.  Ce  n'est  pas  qu'on  puisse 
établir  en  toute  certitude  l'individualilé  de  chaque  artiste;  mais  on  peut 
relier  le  slyle  d'un  atelier  déterminé  à  un  nom  déterminé.  La  plus  grande 
personnalilé  de  l'école  parisienne  nous  parait  être  Jean  Pucelle.  Nous 
savons  qu'entre  1519  el  I5'2i  il  dessina  le  Sceau  de  la  Fraternité  de  Sainl- 
Jacqucs-aux-Pèlerins,  à  Paris.  Il  exécuta  en  1527  la  Bible  latine  copiée 
par  Robert  de  Billyng  (Bibl.  nat.,  lat.  1 1955).  Pucelle  y  travaille  en  colla- 
boration avec  Anciau  de  Cens  (ou  Cens)  et  Jacques  Maci,  et  il  faut 
renoncer  à  délimiter  sa  part  personnelle.  Mais  on  peut  espérer  le  reti'ouver 
dans  les  Hcurcx  de  l'iuellc,  lilre  qu'un  catalogue  de  Jean  de  Berry  donne  à 
un  petit  volume  (aujourd'hui  en  la  possession  de  Mme  Adolphe  de  Holh- 
schild).  Nous  retrouvons  Pucelle  pour  la  quatrième  fois  dans  une  noie 
marginale  du  Bréviaire  de  Belleville  (Bibl.  nat.,  lat.  10485-84).  Il  dirigea 
l'exécution  du  livre;  il  avait  pour  collaliorateurs  Mahiet  Ancelet  et  J.  Che- 
vrier,  qui  avaient  travaillé  à  la  Bible  de  1527.  A  ces  œuvres  authentiques 


ILLUSTRATION  DU  PSAUME   CIX 

PSAUTIER  DE  ROBERT  DE   ORÎ^ESBY 

(Bodléienne. Douce  366) 


Histoire  a^lAi-t,  Il  PI  IV 


Librairie  Annand  Colin,  Pans 


LES  MINIATURES  —  LES  VITHAUX  -  LA  PEINTURE  MURALE        557 

de  Pucellc  el  de  son  école  d'autres  se  ratlaclient  par  les  analogies  de  style 
et  par  les  liens  de  parenté  entre  ceux  qui  les  ont  commandées.  Cet  art  est 
en  relations  étroites  avec  la  cour  de  France  (Heures  attribuées  à  Jeanne 
de  Savoy,  mariée  à  Jean  III,  duc  de  Bretagne;  Coll.  de  Mme  Jacquemart- 
André.  —  Heures  de  Blanche  de  Bourgogne  (f  lôiS),  mariée  à  Edouard, 
comte  de  Savoie,  détruites  en  190i  dans  lincendie  de  la  Bihl.  de  Turin.  — 
Heures  de  Jeanne  II  de  France,  reine  de  Navarre;  Coll.  Yates  Thompson. 
—  Heures  de  sa  bru  Yolande  de  Flandre;  môme  collection.  —  Bréviaire 
de  Jeanne  d'Evreux,  femme  de  Charles  IV,  roi  de  France  et  de  Navarre). 
Cette  énumération  montre  l'importance  du  livre  d'Heures  et  le  désir 
qu'avaient  les  princesses  alliées  à  la  cour  de  France  de  posséder  un  livre 
de  Pucelle  ou  de  sa  manière.  Ce  fait  nous  permet,  le  plus  souvent,  de 
dater  exactement  ces  livres;  la  grande  période  de  l'école  de  Pucelle  va  de 
Id'JT  jusque  vers  lôùO.  D'autres  œuvres  sont  plus  rares;  citons  un  Missel 
(Bibl.  de  l'Arsenal,  n"  (iOS^  et  surtout  une  o-uvre  des  plus  exquises  :  Le 
licrc  (les  mh'ach's  de  XuliT-Dainc,  mis  en  vers  par  Gautier  de  Coincy  (Bibl. 
du  Séminaire  de  Soissons'. 

Le  style  de  l'école  de  Pucellc  se  comjiosc  d'élémenls  (li\(M's.  Il  est 
évident. Iiiul  d'abord. (pi  il  (•(inlinucrn  ni'MK'Tn!  la  tradition  pai'isieniic;  s(^s 
préférences  \ont  vers  l'art  id(''alisl(',  tel  qu'il  se  constitu(^  à  la  lin  du 
xiii''  siècle  :  on  cherche  à  réaliser  la  gràci\  l'aisance,  l'harmonie,  la  tl(''Iica- 
tesse  dans  les  figures,  dans  le  coloris  cl  dans  la  draperie.  Un  réalisme 
vigoureux  ne  peut  naturellement  se  concilier  avec  ces  tendances;  dans 
les  tètes  seules,  on  tolère  plus  de  force  cl  d'originalité,  mais  on  emprunte 
ces  qualités  moins  à  l'observation  de  la  nature  qu'à  l'imitation  des  mo- 
dèles italiens.  Dès  que  les  artistes  s'éloignent  du  type  conventionnel  de 
beauté,  ils  montrent  un  talent  vigoureux  dans  le  portrait  (frontispice 
des  Actes  du  Procès  de  Robert  d'Artois,  1552;  Bibl.  nat.,  franc.  18457). 
Le  réalisme  ne  s'affirme  avec  plus  de  liberté  que  dans  l'ornementation 
des  encadrements.  Image,  initiale  et  texte  sont  entourés  d'un  encadre- 
iiiiiil  composé  de  plinthes  très  étroites  d'où  partent  de  minces  liges  avec 
feuilles  d'épines.  Cet  entrelacement  de  tiges  peut  s'éiiaissii-  juscpi'à  enfer- 
mer la  page  en  une  sorte  de  haie;  la  [plupart  du  temps,  il  esl  très  lâche 
et  laisse  de  grands  vides  pour  les  scènes  drolatiques;  on  aime  surtout 
les  animaux  d'après  nature,  oiseaux,  singes,  papillons,  libellules,  entre- 
mêlés de  formes  humaines  et  de  monstres.  Sur  le  bord  inférieur  on 
voit,  à  l'occasion,  quehpies  scènes  de  genre,  par  exemple  un  joueur  de 
cornemuse  et  d(,'  tandjour  (|ui  l'ail  danser  des  }iaysans.  lui  g(''néral,  la 
partie  ornementale  de  ces  nianuscrils  est  sobre,  comparée  à  la  richesse 
débordante  du  r(''alisnie  cl  des  (li("deries  de  l'école  anglaise;  mais  il  faut 
aduu'tlre  que  les  artistes  français  oui  transformé  à  leiii-  nianière  les 
modèles  anglais. 


5'is  iiiM()ii;i.  m-;  i.Airr 

()ii  pourrait  donc  dire  (|ii Cn  son  rssmrç  I  ('•colr  de  l'iicrllr  d('\Ldo|i[M' 
les  (M(''nienls  (|lic  lui  avaicnl  Iransuiis  la  peinliii-c  anylo-l'ranraisc  au  déluil 
du  xiv'  sirclc.  Mais  celle  analyse  n"a pas  encore  épuisé  les  ]iarlicularilés  de 
celle  ('-cole.  Les  portes  du  Paradis,  dans  le  caleudiier,  nous  oflrenl  une 
archiieclure  étrange,  gotlii(}ue  sans  doute  en  ses  formes  générales,  mais 
1res  dilVérente  de  celle  des  psautiers  de  saint  Louis,  et,  ])Our  tout  dire, 
lic;iui'()up  moins  purement  française.  A  celle  diilV'rcnce  des  lormes  s'ajoute 
celle  du  Iravail.  Tout  dalioi'd,  une  inuo\alioii  :  ou  observe  la  lumière  cl 
les  omiii'es,  le  conlrasle  enli'c  la  \  i\c  clai'h''  du  soleil  et  l'omhre  la  plus 
(■■|)aisse;  on  sent  partout  l'inlenlion  de  ci'éer  des  (eu\res  plastiques,  de 
distinguer  nettement  la  face  antérieure  et  celle  des  côtés,  le  côté  inférieur 
cl  le  c(")té  su})érieur.  Si  imparfaite  que  soit  cette  tentât i\e.  elle  prou\e 
(pidn  se  fait  une  repré.sentalion  nouvelle  del'espace.  Enlin,  dans  (pn-lques 
di'lails  (1  ird(''i'icur  (scène  de  l'Annoncialiou  ,  on  reconnaît  1  arcliilecluic 
delà  |teinlure  italienne  du  Trecento.  Les  illusli-ations  des  <■  Mira(des  de 
.\olre-l  lame  "  en  sont  la  meilleure  [)reu\e.  (In  y  IrouNc  miMue  la  vue 
d'une  \ille,  que  tlomine  une  tour  d'iièilel  de  \ille  analogue  au  l'ala/,/.o 
\ Vccliio  de  Florence. 

Aulanl  le  (■araclère  italien  tic  ces  architectures  e^l  (Aidi/nl  et  leur  pro- 
grès rapide,  aulanl  il  est  diflicile  de  montrer  une  (■■voluli(jn  parallèle  dans 
les  paysages.  Tout  d'ahord,  la  repr(''sentation  du  paysage  est  très  i-es- 
Ireinte,  parce  (pie,  nous  inclinons  à  le  croire,  le  |ieinlre  a\ail  une  prédi- 
lection singulière  à  peindre  les  tapissei-ics  de  fond.  Le  paysage  a\i'c 
horizon  et  atmosphère  ne  fait  pas  encore  son  apj)urition.  Même  le  ])aysage 
vert  de  montagnes,  la  coUiiu'  herbeuse  l)ordée  de  hêtres,  es!  encore  rare. 
DansiuK,'  représeidaliou  du  (  ihrist  au  lombeau.  les  terrasses  de  piei-re, 
connue  toute  la  composilion.  soni  (A  idenuneid  iiiiil(''es  de  modèles 
ilali(.'iis. 

La  transforuuition  \i(ilenle  qui  pousse  la  peinture  hors  des  ornières 
tlu  Moyen  Age  et  la  met  en  conlacl  avec  Tari  antique  el  moderne,  ne  s'est 
donc  pas  produite  en  deçà  des  Alpes.  Nous  avons  montré  plus  haut  que 
l'art  gothique  avait  pour  lui  l'observation  parfaite  du  détail  et  la  reproduc- 
tion fidèle  des  objets,  mais  qu'il  n'était  pas  allé  jusqu'à  aborder  le  pro- 
blème de  l'espace.  Par  contre,  nous  avons  dit  ailleurs  que  l'influence 
byzantine  atleinl,à  l'occasion,  à  une  représentation  véridique  de  l'espace. 
Là  est  la  clef  du  problème.  La  peinture  nouvelle  est  issue  de  rinlluencc 
byzantine,  mais  sur  le  sol  italien,  ^"crs  la  fin  du  xiii"  siècle,  elle  com- 
mence sa  marche  triomphale  au  delà  des  Alpes. 

Le  problème  de  l'influence  italienne  sur  la  miniature  septentrionale 
présente  de  grandes  dilïicullés.  .Jusqu'où  remontent  les  inlluences  ?  Oui 
les  transmet?  Déjà  l'exécution  des  scènes  drolatiques  et  des  figures  de 
l'encadrement    subit  peut-être  l'influence  italienne  peu  après  PJ'iO.  Les 


i.i.s  MiNiATiiiKS       i.i:s  \  iTi'.Ai  X       \.\  PKixi  ri;i:  MiliAi.r.      :,;.'.. 

Iraiisloniialiims  tlii  coloiis  cl  de  la  Iccliiiiqiie,  à  la  lin  tlu  sircle,  l'uni 
penser  aussi  à  l'innuence  ilaliennc;  niais  les  changements  décisils  ame- 
nés par  elle  ne  se  pruduiseni  (pie  vers  \7t'2h.  Lexil  des  papes  à  Avignon 
a-l-il  Iransmis  celle  influenci',  comme  on  l'a  si  souveni  al'firmé  ?  Pour 
l'époque  de  lô'ià,  bien  avant  la  grandeaclivilc  artistique  d'un  Benoît  XII 
el  d'un  (llément  VI,  ce  n'est  pas  très  évident;  nous  savons  du  reste  que 
des  pi'iiil  les  ilalirns,  antérieurement,  a^•ail■nl  lra\'aillé  à  la  cour  de  l'ranri'  ; 
l'Iiilippc.  Jean  lii/.uli,  Nicolas  Mars  sont,  dès  I3()1-,  payés  conniii'  /i/r/orcs- 
miis  cl  gardent  longhMiips  celle  situation.  Clelte  exjtlication  sui'lil  d'aulaul 
mieux  que  l'inlluence  des  miniatui-isles  italiens  esl  heauctiup  moins  cii 
cause  que  celle  des  peintres. 

L'école  de  Pucelle  dure  jusque  vers  lemilieudu  xiv'sièclc.  Alors  cdui- 
uiencc  la  période  nouvelle,  pendant  latpielle  li'  réalisme  du  nord.  repr(''- 
senté  siu-loul  par  les  artistes  llamands  à  Paris.  l'cm|iorla. 


La  miniature  allemande  depuis  la  fin  du  XII'  jusqu'au  milieu  du  XIV   siècle. 

LA   \  Il  TOIRI:  lit:  >'/  17./:  LIY/AMI.\  KT  l..\  l'ÉNÉTBATlOS  iJh  /.M/;/   i.iil  lllijl  I 

i:\  M.i.hMMLXf. —  Le  moment  décisif  dans  l'évolution  de  la  peiidui-e  alle- 
mande au  \nf  siècle  est  celui  de  la  furie  inlluence  liy/aidiiie.  fille 
triomphe  des  anciens  styles,  arrèle  l'exjiansion  de  l'arl  golliiqui'.  Les  le 
xii"  siècle,  on  la  voit  se  propager  surtout  dans  le  sud.  le  nord  ((uiser- 
vant  encore  son  originalité.  De  ll!)0  à  LJIKI.  fait  curieux,  le  laldeau 
change  complètement.  Dans  le  nord,  hruscpie  luplure  avec  le  slyle  liadi- 
lionnel.  au  profil  de  l'inlluence  byzantine;  mais  cette  transfornialion  n'esl 
pas  une  manifeslation  superficielle:  elle  s'explique  par  le  besoin  inlinie 
de  renouveler  les  formes  arlisli(|ues,  pai'  cette  conviction  cpie  le  style 
lourd  el  contraint  usité  jusqu'alors  ne  répondait  plus  aux  exigenies  de 
l'art  moderne.  C'est  ainsi  ([ue,  tout  en  comprenant  bien  la  valeur  de  la 
peinlure  b\7.anline  comme  modèle  à  suivre,  on  sait  l'iiiiilei'  a\ec  origi- 
nalité. 

Les  minialui'es  allemandes  du  xii"  siècle  n'(''laieul  pas  pour  donner 
l'impression  de  cette  li-ansfornialioii  juiissanlc  <|ui  ailleurs  piiM-iMla  la 
naissance  de  l'art  golliicpu'.  N'oiii  (pie.  brusquement,  ce  désir  ai'dcid  d  un 
idéal  artistique  nouveau  [U'cnd  forme.  L  n  phénomène,  dont  on  peul  di-coii- 
vrir  les  traces  dans  la  ])ériode  de  transition,  a])paraît  au  grand  jour,  l  ne 
\ie  nouvelle  >e  nianifc-^lc  dans  li's  ligui'cs;  la  draperii'  s'anime  par  de-, 
moyens  arlilicicls  ;  le>.  contours  s'agitent,  les  étolfes  se  cassenl.  de-, 
franges  ilotlent  an  vent.  Mais  ce  slyle  à  la  fois  figé  et  inipiicl,  n'est  jias  un 
phénomène  Iransiloire.  La  simplilii-a!  ion,  qui  serait  pour  lui  le  salul.  ne 
se  produit  pas:   ildevienl    loujoui--   plus  surchargé,  uiaiii(''i-(''    cl    baidipie. 


IllSTOlItl':  1)K  LAlîT 


(Ja  coiui>li(iuc  les  lormcs  à  plaisir  el  l'on  olioulil  aux  résultats  les  plus 
étranges.  L'évolution  en  Allemagne  s'arrête,  comme  celle  de  l'Angleterre. 
Elle  se  termine  par  l'acceptation  pure  et  simple  de  l'art  gothique  français. 
Ce  qui  donne  à  lait  allemand  de  cette  époque  son  caractère  propre, 
c'est  l'imitation  fidèle  de  l'art  byzantin.  Elle  n'est  pas  facile  à  expliquer. 
Il  ne  peut  être  question  d'une  infiltration  progressive  des  éléments  byzan- 
tins; la  |)einlure  monumentale  s'en  ins|.ire  autant  que  la  miniature.  L'iiis- 

ioire  générale  de  l'art  peut  seule 
ici  nous  éclairer.  Le  xii'  et  le 
xni'  siècle  sont  l'époque  où  l'art 
moyen-byzantin  triomphe  en  Ita- 
lie, au  moment  où  les  empereurs 
allemands,  vers  la  fin  du  xiT  siè- 
cle, comme  héritiers  des  Nor- 
mands, transportent  leur  rési- 
dence dans  l'Italie  méridionale, 
c'est-à-dire  dans  un  domaine  co- 
lonial de  l'art  byzantin.  Les  im- 
pulsions qui  vinrent  de  là  ont 
été  aussi  fortes  que  rintluence 
des  croisades. 

La  patrie  du  style  nouveau 
est  la  Saxe.  A  la  fin  du  xii'  siècle 
appartiennent  encore  deux  œu- 
vres de  transition:  deux  évangé- 
liaircs  (Wolfcnbùttel,  Ilcrzogl. 
Bibl.,  llelmst.  Gi>;  et  Trêves, 
Domschalz,  iV2,  provenant  de 
Paderborn)  dont  le  premier  porte 
la  date  de  1194.  Le  premier  ma- 
nuscrit daté  de  la  peinture  nou- 
velle est  le  Lihclliia  de  consecralluuc o'isinalis  écrit  parle  chapelain  de  Mag- 
debourg,  Henri  de  Jerichow,  en  1214  (Magdebourg,  Domgymnasium,  152). 
A  peu  près  au  même  moment,  le  style  nouveau  a  produit  ses  chefs- 
d'œuvre  :  les  Psautiers  d'IIermann  de  Thuringe  (f  1217).  Fait  caractéris- 
tique, la  plupart  de  ces  œuvres  sont  des  psautiers  :  le  livre  de  prières  de 
la  noble  dame  est,  à  partir  de  ce  moment,  en  Allemagne  comme  en  Angle- 
terre, l'œuvre  la  plus  distinguée  qui  puisse  être  confiée  au  miniaturiste. 
Le  plus  ancien  des  psautiers  d'IIermann  esta  Stuttgart  (Hofbibl.,  Bibl., 
in-f°,  24).  Outre  un  calendrier  avec  les  douze  Apôtres,  il  contient  une  série 
de  scènes  du  Nouveau  Testament.  Partout,  imitation  fidèle  des  modèles 
byzantins,  mais  celte  imitation  est  bien  loin  d'égaler  le  modèle;  l'ascé- 


I'k..  'Jn.'!.  —  liaptumc  du  Cliiisl. 
Miiii.ilui'c  du  [isautier  d'IIermann  de  Thuringe. 

(SUrttgarl,  Horbilil.) 


LES  MINIATURES  —  LES  VITliAlX  —  LA  PEINTURE  MURALE 


-)CI 


lisiiic  des  visages  esl  exagéré,  la  draperie  est  déliguréc  par  l'aceuimdalion 
et  le  coiitournenient  des  plis.  Parmi  les  scènes  du  Nouveau  Testament,  le 
l>a])lème  du  Christ  se  rapproche  le  plus  des  modèles  byzantins;  mais  le 
ty|)e  iconographique  n'est  même  pas  ici  purement  byzantin.  Si  la  distri- 
bution et  le  mouvement  des  figures  est  à  peu  près  concordant,  tout  ce 
qui,  dans  le  modèle  byzantin,  exprime  un  certain  sentiment  de  la  profon- 
ilcur  el  de  l'espace,  a  dis- 
l)aru  dans  la  co})ie  :  les 
montagnes  deviennent  un 
bloc  de  rocher;  le  peintre 
occidental  ne  comprend 
rien  à  une  conception  de 
l'illustration  si  différente 
delà  sienne.  Dans  l'icono- 
graphie, il  innove  sou- 
\ent.  (l'est  dans  ce  ma- 
nuscrit que  l'on  trouM' 
pour  la  })remière  fois  uni' 
Crucifixion  avec  les  trois 
clous.  Dans  la  représenta- 
tion de  la  Descente  aux 
limlies,  des  influences  an- 
glaises se  manifestenl. 
Cette  influence  fut  trans- 
mise peut-être  par  le  ma- 
riage anglais  d'Henri  Ir 
Lion  el  l'éducation  an- 
glaise de  son  fils  Othon. 
Cette  hypothèse,  si  elle 
est  juste,  fait  comprendre 
a\cc  |ilus  de  facilité, 
poiu'quoi  c'est  précisé- 
ment dans  le  livre  de 
jH-ières  princier  que  l'in- 

iluence  anglaise  est  le  plus  sensible.  Le  Livre  de  prières  de  sainte  l'Elisa- 
beth, l)elle-fille  du  landgrave  llermann,  en  est  la  meilleure  preuve  (musée 
de  Cividale).  Il  est  laen  plus  richement  illustré  que  celui  de  Stuttgart  ;  la 
répartition  des  illustrations  trahit  clairement  l'influence  anglaise.  Le  style 
en  est  aussi  plus  libre,  plus  aisé  el  ])lus  original. 

Nous  n'avons  pas  ici  à  énumérei-  la  foule  des  œuvres  qui  se  groupent 
autour  des  Psautiers  d'Hermann  ni  à  poursuivre  dans  toutes  ses  ramifica- 
tions les  évolutions  de  cette  école,  l'ail  curieux,  vers  le  milieu  du  xiii''  siè- 

T.   II.   —    iO 


ilixi.iii,  Miiiialuiv  du  .Mia,cl  de  SriiicUo. 
(Ualberstadt,  Domgj'mnasium.   114.) 


1IIS!(HI;I-:    I»!'    I.AI'.T 


cet  ®  TMtudxaum  v  otiim  «mToiuieto 
num  une  t,i.ni.mYir:-lvvUnt-<oda<te 


de.  une  aoiiv  rllr  iii\iisii)ii  du  slylr  l>y/;iiil iii  se  l'jiil  sciilir  d;ms  l;i  |M'inture 
s:i\()nM(\  au  moiiieiil  (lii  il  smililail  (luVlle  se  lïil  assiniih-,  fii  le  nolionali- 
sanl,(i'  (iii'cllc  lui  avait  cmprunlr.  L'ne  porsonnaliti-  arlislique  rcmar- 
qualilc  iloil  a\(iir  provoqué  celle  lévolulion.  Nous  uo  la  connaissons  pas; 
citons  seulement,  les  deux  cliel's-d'(euvre  :  le  [.ivre  (FEvangilcs  de  riiùtcl 
de  ville  à  Goslai-,  et  le  Missel  du  prévôt  du  chapitre  Semeko  d'Ilalberstadl 
(Domgymnasiuni,  I  l 'i  i.  Les  deux  inanuscrils  sont  tout  à  t'ait  occiden- 
tauxdnnslcurorneinenlation  ;  ils  ne  trahissent  en  l'ien  la  copie  proprement 
dite  de  minialures  hyzantines;   cl  cejxMidanl,  ils  sont  si  imj)réi;nés  d'in- 

lluence  byzantine  qu'on  a  voulu  attri- 
liuer  l'évangéliairc  de  Goslar  à  un  pein- 
tre byzantin.  Il  ne  peut  évidemment  en 
être  question.  Mais  son  auteur  doit  avoir 
vécu  dans  un  centre  d'art  byzantin  et 
avoir  sucé  la  moelle  de  l'esthétique 
byzantine.  Ce  n'est  plus,  en  un  sens,  un 
Occidental;  il  brise  les  limites  de  la 
conception  que  l'Occident  se  faisait  de 
l'interprétation  île  l'espace;  le  premier, 
il  essaie  de  représenter  la  perspective, 
(le  premier  progi'és  aurait  jui  marquer 
pour  la  peinture  allemande  une  sorte  de 
renaissance,  si  ce  maître  avait  été  com- 
pris et  avait  eu  des  successeurs.  Mais  il 
n'en  fut  pas  ainsi.  On  ne  retrouvera  plus 
le  sentiment  profond  de  ses  miniatures, 
le  mouvement  expressif  et  gracieux  de 
ses  figures.  Par  contre,  un  de  ses  d(''rauls 
sera  conservé  et  jouera  un  rôle  impor- 
tant :  c'est  rirdrodurli(jn  dans  le  vêtement  de  la  surcharge  et  de  l'agila- 
tidu.  Le  style  saxon  se  transforme,  se  met  à  aimer  la  minutie,  tombe  dans 
le  maniérisme.  Ces  masses  de  plis  s'écroulant  en  cascades  se  raidissent 
chez  les  successeurs,  qui  remplacent  la  fmesse  des  sentiments  par  la 
grossièreté  paysanne.  Il  en  résulte  des  caricatures  aussi  compliquées  que 
sèches;  toutes  les  grandes  conquêtes  qu'avait  faites  l'étrange  maître  sont 
perdues. 

Dans  la  région  du  Bas-lîhin,  les  manuscrits  illustrés  sonl  rares  au 
xiii'  siècle;  une  industrie  des  livres  d'heures,  comme  celle  delà  Saxe,n  y  a 
jam;us  existé.  Les  travaux  im|)oi-t;nits  datent  du  milieu  du  xin'  siècle.  Le 
plus  intéressant  est  une  copie  de  la  Chronique  Hoyale  de  Cologne  prove- 
nant d'Aix-la-Chapelle  (Bruxelles,  ms.  4(37).  Ce  sont  des  tables  généalo- 
giques et  des  portraits  d'empereurs  ;  exécutés  à  la  gouache,  ils  révèlent 


I-ic.  :ir,7.  —  Miiiinliii-r  .liiii.-  lîil.le 

de  la  réyiou  du  Bas-Hliin. 

(Derlin,  Bibl.  roy.,  Tli.'.jlng,  1, 


Li:.S  MIMATUIŒS  -  LES  VITHAUX     -   LA  PELNTrP.t;  MUHALE 


un  sens  délicat  de  la  couleur.  Le  slyle  a  les  mêmes  surcharges  et  la 
même  agitation  qu'en  Saxe,  mais  il  n"est  pas  aussi  anguleux  et  saccadé; 
il  a  plutôt  une  grandeur  et  un  élan  qui  conviennent  fort  bien  aux  portraits 
d'empereur.  Très  analogue  est  une  Bible  (Bibl.  roy.  de  Berlin,  TIk'oI.  hiL. 
in-P,  579),  dont  les  illustrations  avec  leurs  contours  très  simpliliés  ri  leur 
vigoureux  élan  rappellent  l'art  gothique. 

U:  STYLE  DU  Xlll'  SU-CIJ:  DAXS  f.À  nAUTE-AIXI-}IAUX/:. ~Toiû\c.xif  sicdc, 
dans  le  sud  de  l'Alleuiagne,  est  dominé  par  la  lutte  entre  le  style  national 
et  le  slyle  byzantin,  entre  le  dessin  à  la  plume  et  la  gouache.  En  l"2<M),  le 
slyle  byzantin  l'emporte  partout; 
on  voit  apparaître  en  même  temps, 
comme  dans  le  nord,  une  certaine 
agitation.  Mais  la  particularité  la 
})lus  originale  du  style  saxon,  les 
plis  cassés  de  la  draperie,  ne  se 
rencontre  pas  ici  tout  d'abord  et  ne 
pénètre  qu'au  cours  du  xui'"  siècle, 
sous  l'influence  du  nord. 

Un  groupe  de  manuscrits  illu-- 
Irés  nous  permet  de  suivre  celle 
('•Noiulion  (lu  slyli'.  (Jn  1rs  a  long- 
temps, mais  à  lort.  allriliués  à  un 
seul  artiste,  le  moine  (lonrad  de 
Scheyern;  en  réalih'.  diu\  ariisles 
au  moins  de  ce  nom  ont  dû  tra- 
vailler dans  le  cloître  de  la  IlauL- 
lîavière.  L'abbé  Conrad  i  l'20()-l'2'i:i 
lit  copier  par  le  moine  Conrad  un 
Matutinal  qui  fut  richement  décoré 
de  dessins  à   la  plume  et  au  lavis 

sur  fond  de  couleur.  De  grands  tableaux  apocalyptiques  précèdent  un 
long  cycle  d'illustrations  qui  traite  la  légende  de  P'aust  et  celle  de  Théo- 
|iliilc.  Le  slyle  esl  parlni>  in(''i:al.  Dans  les  tableaux  apocalyptiques,  il  a 
de  la  grandeur  et  de  IV'Ian:  il  suil  ici  d'excellents  modèles.  Dans  la 
légende  de  Théophile,  p:ii-  eonlre,  ce  style  riche  et  solennel  na|ipaiail 
pas  avec  la  même  pureté.  Le  vêtement  est  bien  plus  primitif,  le  dessin  des 
figures  est  moins  correct;  mais  ces  défauts  sont  compensés  par  de 
grandes  qualités.  Le  style  est  plus  original,  rexpres>iuii  plus  indépen- 
dante des  formes  conventionnelles.  L'artiste  laisse  liliru  cours  à  ses 
senlimenU  personnels.  Les  personnages,  par  la  mimicpie  et  le  geste,  foid 
de  \rais  monologues:  c'est,  par  exemple,  l'abbesse  enceinle  cpii.  dans 
son  angoi>.s<'.  demande  secours  à  la  shdue  de  la  .Madoni':  e'e.sl  Théophile 


Liiibloire  <iii  moine  Théophile, 
il II  Maluliiial  île  lahbé  Conrad.. 


(MuniolK  Clm.  niiii.) 


3(ii  HISTOIRE  DE  L'ART 

repoussé  ([ui,  plein  de  raiicuiic  cL  médilanl  une  vengeance,  csL  assis  dans 
sa  cellule.  De  tels  clicfs-d"œuvrc  d'expression  compensent  largement  les 
pertes  faites  pour  la  magnificence  de  la  forme. 

Ce  n'est  pas  par  l'effet  du  hasard  que  le  peintre  de  Scheyern  déploie 
des  qualités  si  surprenantes  dans  l'illustration  d'un  thème  nouveau.  La 
poésie  de  l'époque,  on  peut  le  dire  avec  certitude,  a  exercé  sur  la  peinture 
une  inlluence  féconde.  Dans  les  manuscrits  enluminés  des  poèmes,  on  peut 
signaler  les  mêmes  faiblesses  et  les  mêmes  qualités  :  technique  facile, 
souvent  grande  négligence  d'exécution  et  absence  de  style;  mais,  d'autre 
part,  admirable  vivacité  et  profondeur  psychologique.  D'une  bizarrerie 
étonnante  dans  leurs  erreurs  de  dessin,  mais  d'un  effet  saisissant,  sont 
les  illustrations  de  VÈnridc  de  Henri  de  Veldecke  (Berlin,  Bibl.  roy.,  ms. 
germ.,  in-f",  282),  ou  celles,  plus  soignées,  du  «  Licl  von  der  Marjcl  »  de 
Wcrner  von  Tcgernsee  (Berlin,  ms.  germ.,  in-8°,  109). 

Le  peintre  du  Matutinal  de  Scheyein  trouva  dans  son  cloître  un  suc- 
cesseur :  le  moine  Conrad  qui,  en  1241,  dans  une  de  ses  pièces  capitales, 
la  Mater  vcrburum  (Munich,  CIm.  ITi-O.")),  a  laissé  un  catalogue  de  ses 
œuvres.  D'après  une  note  de  ce  catalogue,  Conrad  a  achevé  le  Matutinal. 
Celui-ci  conlienl,  en  elTi'l,  plusieurs  illustrations  li'ès  différentes  des  pré- 
cédentes :  une  ^Madone  de  Majesté,  saint  Nicolas  et  saint  Pierre,  les 
patrons  de  Scheyern,  les  fêtes  principales  de  la  vie  de  Marie.  Au  point 
de  vue  du  style,  toutes  ces  illustrations  sont  en  grand  progrès. 

C'est  le  style  anguleux  du  xui"  siècle,  fortement  imprégné  de  byzan- 
tinisme,  que  nous  trouvons  en  Bavière  avant  1241.  En  Bavière,  les  tra- 
vaux les  plus  remarquables  sont  des  dessins  à  la  plume.  Pendant  ce 
temps,  dans  l'Allemagne  du  Sud,  dans  la  Franconie,  se  constitue  une 
école  qui  produit  d'élégants  manuscrits  de  luxe  sous  l'influence  thuringo- 
saxonne.  Le  conflit  entre  les  styles  méridionaux  et  les  styles  du  nord 
apparaît  ici  en  un  exemple  frappant  :  un  psautier  de  la  Bibliothèque  de 
Bamberg  (A,  II,  47),  qui,  très  probablement,  a  été  exécuté  à  Bamberg  au 
commencement  du  xni"  siècle.  Les  meilleures  illustrations  de  ce  manu- 
scrit révèlent  toutes  une  influence  byzantine;  mais,  comparées  avec  les 
Psautiers  d'Ilermann  de  Thuringe,  les  formes  ont  plus  d'aisance  et  de 
rondeur;  la  technique  est  plus  souple,  plus  picturale;  bref,  la  note  carac- 
téristique du  style  saxon,  la  raideur  et  la  dureté,  est  absente.  L'analogie 
avec  les  tableaux  apocalyptiques  de  l'alibé  Conrad  de  Scheyern  est  évi- 
dente. Le  peintre  du  psautier  de  Bamlterg,  on  ne  sait  pourquoi,  a  laissé 
son  o'uvre  inachevée;  un  aulre  arlisie  y  a  ajouté  une  illustration  ci  |ilu- 
sieurs  initiales  avec  ligures.  Le  Jugement  dernier  révèle  un  style  ({ui 
ressemble  absolument  au  style  saxon.  Nous  avons  ici  le  produit  d'une 
école  très  analogue,  mais  qu'il  faut  nettement  distinguer;  elle  a  son  siège 
en  Franconie,  à  Wurzbourg,  à  Bamberg,  à  Eichstatt.  Ses  œuvres  sont, 


LES  MIMATURKS  ^  LES  VITRAUX  -  LA  PEINTURE  MURALE 


".05 


pour  la  plupart,  des  psaufiers.  Cette  école  a  eu  sa  grande  période  vers 
1250;  ses  artistes  ont  été  en  relation  directe,  sans  doute,  avec  les  cloîtres 
des  ordres  mendiants,  surtout  des  Dominicains.  La  Bible  de  l'2i()  en  est  la 
preuve;  elle  fut  exécutée  aux  frais  de  l'abbé  d'un  couvent  de  Bénédictins  à 
Sainl-Burchard  pour  le  cloître  des  Dominicains  à  ^^'urzbourg  (Universi- 
talsbibl.,  Bibl.  in-f°,  max.,  fl).  Sur  le  frontispice,  un  moine  à  genoux,  Ilnin- 
ricus  piclor,  présente  la  Bible 

à  saint  Dominique.  Dans  plu-  ^  

sieurs  psautiers,  saint  Fran- 
çois et  saint  Dominique  sont 
représentés  sous  la  croix  dans 
la  scène  de  la  Crucifixion  ;  en 
face  d'eux,  la  Mater  Dolorosa 
percée  d'une  épéc,  innova- 
tion iconographique  inédite 
à  cette  époque  (Maihingen, 
l,î2.Lat.in-8»,  (iet  1,2.  Lat. 
in-i",  21  .  Les  ordres  men- 
diantsont  donc  exercé  ici  une 
iniluencc  artistique.  Mais, 
fait  curieux,  une  série  de  ces 
manuscrits,  y  comiiris  la 
Bible,  montrent  des  particu- 
larités qui  ne  s'expliquent 
que  par  l'influence  française. 
Les  Dominicains  peuvent-ils 
l'avoir  transmise?  Etant  don- 
nées les  relationsétroites  que 
cet  ordre  avait  avec  l'Univer- 
sité de  Paris  et  liiiipoilanci^ 
fpi'il  attribuait  aux  textes  éta- 
blis à  Paris,  cette  hypothèse 
n'est     ]ias     invraisemblablr. 

L'école  de  Franconi(;  a  ilonc  prcs(pic,  dans  ses  premiers  chefs- 
d'œuvre,  les  tendances  byzantines  des  Psautiers  d"IIermann,ipi()i([ue  ses 
(]'U\res  paraissent  lii(Mi  plus  récentes.  Cildus,  comme  exemples  pi'inci- 
|i;ui\,  une  sc'mIc  dr  niiiiialures  (Brit.  Mus,.  Add.  i7()87)  et  les  Psautiers  di' 
Maihingen  1 1.  'J.  Lat.  in-i",  25 et  2i  i.  L'inlluence  française  est  évidente  dans 
le  psautier  de  Munich  l'Clm.  .'')!)0()\  don!  les  initiales  rappellent  encore  la 
lîilile  (le  ll'lti.  All\  >ei''iie>  de  la  \'\r  i\\\  ('.liri-,1  >'n|i|Hi>enl  ici  de  gi'andes 
pages  orn(''es.  doiil  les  iiiiliales  renrernieiil  rillusiraliou  littérale,  (pii 
caraclérise  les  jisaulii'i's  français.  L'eiiIrelaeenienI   des  tiges  est  de  forme 


Miniature  ilu  Psaiitior  de  Miinidi. 


ôlifi 


lIISTOlIiL:  DK  LAUT 


bizarre;  il  esl  L'iilieiiirlL'  de  noiiiI)reus('s  ligures  d'iioiiimes  cL  d'animaux. 
Élégance  et  luxe,  raflinenienl  extrême  de  la  technique  et  du  goût  dans 
la  décoration  du  manuscrit,  tel  esl  le  Lut  que  poursuit  et  atteint  l'école 
franciciue.  En  même  temps,  elle  maintient  les  types  traditionnels,  les 
by/.anlinismcs;  elle  ne  tente  pas  de  transformer  les  illustrations  avec  ori- 
liinalilé.  Depuis  l'I'A)  environ  se  l'ait  partout  sentir  le  besoin  plus  intense 
d'une  conccplioii  nouxelie  et  plus  oi'igiiiidc  dr  la  miniature;  on  veut  par- 
tout en  approfondir  le  contenu 
émotionnel.  L'innovation  dccettc 
dernière  pliase  du  style  roman 
esl,  avant  tout,  l'introduction 
dans  les  scènes  bibliques  de 
divers  traits  qui  les  rendent  plus 
jirofondément  humaines.  La  Ma- 
done a  sans  doute  jjcaucoup 
perdu  de  sa  grandeur  ecclésias- 
tique, le  type  byzantin  du  Christ 
subsiste  sans  doute  en  ses  traits 
foudamenlaux;  mais  la  cheve- 
lure s'agrandit;  les  Jjoucles 
gagnent  en  magnidcence.  Aux 
perruques  et  aux  barbes  liou- 
cli'cs  avec  exagération,  corres- 
|Mind  le  style  surchargé,  ])ajiil- 
hilant,  du  vêtement;  les  con- 
tours cl  surlout  les  in(''\  itables 
fianges  pendantes  semblent  zig- 
zaguer comme  des  éclairs.  Le 
maniérisme  l'emporte. 

Le  chef-d'œuvre  de  ce  style 
est  le  Livre  d'Evangiles  de 
Mayence  (Aschall'enbuurg,  n"  ."),  un  des  manuscrits  illustrés  les  plus 
luxueux  de  la  lin  du  Moyen  .\ge,  écrit  tout  en  or.  Le  lyrisme  du  ton,  la 
délicatesse  du  sentiment,  voilà  ce  qui  s'y  ex}irime  le  mieux.  .\u  manuscrit 
d'Aschatîenbourg,  qui  par  l'ornementation  des  initiales  traiiil  l'inlluence 
française,  se  rattachent  de  nombreuses  œuvres  de  la  Haute-Allemagne. 
La  plus  riche  est  un  psautier  de  Besançon  (Ms.  54),  exécuté  dans  un 
cloître  cistercien  par  une  nonne.  L'introduction  se  compose  de  seize 
miniatures  couxrant  la  page  et  représentant  la  vie  du  Christ;  elles 
sont  peintes  à  la  gouache  sur  fond  d'or,  entourées  d'une  frise  de  feuilles 
aux  formes  gothiques;  on  y  a  ajouté,  peu  après,  un  cycle  aussi  étendu  en 
dessins  au  lavis.  Le  style  se  rapproche  du  manu.scrit  d'Aschaffenboui'g; 


Miniature  du  psautier  de  Besau 

{Bi-saiinm,  n)s.  5V| 


.r  fi^ 


I.KS  MINIATURES  -    LES  MITiAlX     -  I.A  FM-INI  CliK  MlliAl.i:        .'i;7 

mais  l'c'lémenl  Laroquc  est  ici  plus  aii}iarciil.  Il  s'expriiiir  siirloul  parla 
richesse  des  compositions;  la  siiri'acc  csl  remplie  juscpic  ilans  les  euiiis 
extrêmes,  soit  par  des  figures  très  animées,  soit  par  des  paysages,  soit 
par  des  figures  de  remplissage  :  des  anges  descendant  du  ciel,  par  exemple. 
Le  vêtement  est  toujours  raide  et  surchargé;  de  lourdes  perruques 
couvrent  les  têtes.  Malgré  ces  exagérations,  nous  sommes  en  présence 
d'un  beau  talent  ai'tisti(pie,  qui  sait  expi'imer  lamour  le  j)lus  tendre  et  le 
})lus  profond  comme  la  douleur  tragique.  A  les  considérer  de  plus  jurs, 
ces  tètes  révèlent  une  étonnante  observation  de  la  r('-alilé.  un  aluniddii 
complet  des  types  conventionnels.  (Jn  cioit  voir  ici  les  déhuls  de  lail  au 
xv''  siècle. 

Les  œuvres  de  style  analogue  sont  très  nombreuses  dans  rAllemagne 
du  Sud-Est.  Les  pièces  capitales  sont,  avec  un  livre  d'Evangiles  du  cloître 
llidienwart  (Munich,  CIm.  758i),  la  Bible  de  Kremsmiinster,  exécutée 
sous  l'abbé  Frédéric  d'Aich  (  1275-1  ô^ù)  et  un  lectionnairc  à  Berlin  lîibl. 
roy.,  Tbeol.  lat.,  in-f°,  52).  Les  initiales,  tout  en  gardant  les  formes  idiiianiN 
du  contour,  y  sont  remplies  de  feuillage  à  la  gothique.  Cette  ])énétralion 
de  formes  n  gothiques  »  dans  la  luinialure  "  romane  »  devait  nécessaii'c- 
nuMit  se  faire,  puisque  l'archileelure  et  la  seuljilure  s'iMaieiil  depuis  buig- 
tcnqis  modernisées,  et  cela  qu;nul  inèmc  les  (euvrcs  de  la  niiniaiure  fran- 
çaise n'auraient  pas  été  connues.  In  dédoublement  se  protluil  alors  dans 
l'évolution;  en  certains  endroits,  où  de  notables  Mécènes  établissent  le 
contact  avec  la  France,  on  adopte  complètement  le  style  français;  ailleurs, 
on  se  contente  de  moderniser  les  traditions  ou  d'imiter  extérieurement 
les  modèles  français.  Mais  l'élégance  et  la  grâce  courtoise  n'étaient  point 
lefail  des  artistes  allemands.  En  outre,  jusqu'à  l'empereurCbarles  l\',  une 
cour  fait  défaut  en  Allemagne,  et,  avec  elle,  un  centre  d'art. 

b'ail  caractéristique  :  ([uaiid  la  minialurc  française  pénèti'c  en  Alle- 
magne, les  livres  d'Heures  et  les  liturgies  de  luxe  restent  rares;  c'esl 
pourtant  par  eux  que  le  style  nouveau  s'est  propagé.  L'objet  principal  (pie 
se  propose  la  miniature  allemande  depuis  la  lin  du  xui'  siècle  est  plutôt 
l'illustration  de  chroniques,  de  livres  de  droit,  de  romans,  de  recueils  de 
poésies,  etc.  Elle  ne  pouvait  donc  uliliser  directement  les  modèles  fran- 
çais. Dans  toutes  ces  œuvres,  le  sujet  de  l'illustration  est  bien  plus  inté- 
ressant que  sa  forme.  Une  production  abondante  de  technique  grossière 
et  négligée,  qui  a  tous  les  caractères  d'un  mélicr,  suffit  aux  besoins.  Il 
en  est  de  même  pour  les  sujets  moraux,  très  aimés  en  Allemagne,  qu'ollVe 
la  littérature  religieuse.  Les  maiiusi  lils  de  la  "  Biblia  pau})eiiini  '•  en  son! 
un  exemple,  si  l'on  peut  appeliT  noux  elles  ce>  illustrai  ions  (pii  ivunisseiil 
une  scène  de  la  vie  de  Jésus  avec  deux  mod/'les  de  l'Ancien  TeslaiiienI  cl 
quatre  passages  des  Prophélies;  elles  s'expli(iuent,  au  fond,  par  les  cycles 
du  xii"  siècle.   Depuis  la  fin  du  xiii%  ces  séries  d'illuslrations  sont  liés 


')G8 


HISTOIRE  DE  L'ART 


nombreuses.  Des  sujets  analogues,  mais  plus  riches  de  contenu,  se  trou- 
vent clans  l'illustration  du  Spccuhim  humanri>  sdli'iillDiiis  cl  de  la  Conror- 
daulitt  carilalis.  Cette  dernière  nous  oITre  la  collection  la  plus  complète 
des  symboles  et  des  types  du  Moyen  Age.  Tous  ces  manuscrits  sont  illus- 
trés en  dessins  à  la  })lume,  parfois  colories. 

Nous   nous  contenterons   de  caractériser    l'évolulion   de    la   minia- 
ture dans  les  diverses  pro- 
yf{    y/  ^  ,      vinces  par  l'étude  de  quel- 

ques exemples  seulement. 
Dans  les  pays  du  Rhin  et 
de  la  Moselle,  le  plus  an- 
cien manuscrit  daté  est  la 
Bible  que  le  chapelain  Sy- 
mon  acheva,  en  1281,  à 
Mayence.  Sa  valeur  est 
plus  historique  qu'artis- 
tique ;  l'imitation  française 
est  évidente,  mais  la  tech- 
nique rappelle  plutôt  les 
œuvres  françaises  d'avant 
1250  (Coblence,  Gymnasial- 
bibl.,  n°'  2-5).  Bien  supé- 
rieures sont  les  œuvres  du 
Minorité  Jean  de  Yalken- 
burg  (1299)  :  un  Graduel 
à  Cologne  (Erzbischôfl. 
Muséum)  et  un  autre 
à  Bonn  (Universitatsbibl., 
S,  58 i).  Tout  est  français 
dans  ces  manuscrits  :  le 
style,  la  lcchnique,l('  colo- 
ris; mais  partout  une  cer- 
taine lourdeur  fait  obstacle 


•  Ofiiiiîti  (1)1 6\vùv  ttriirnoMftr- 


I 


l'ii.ii  11,1V,. i„ii 

FiG.  271.  —  Voyage  à  Home  de  reinjicreur  Henri  \ll, 
frèi-e  de  Baldouiii,  arclievèiiue  de  Trêves. 


au  charme  des  œuvres  françaises  (voir  le  Missel  de  Priim  à  la  Bibl.  roy. 
de  Berlin,  Theol.  lat.,  in-f",  271).  Un  bibliophile  comme  l'archevêque  Bau- 
douin de  Trêves  (1507-54)  n'avait  pas  de  meilleurs  artistes  à  sa  disposi- 
tion. Si  amusantes  que  soient  les  drôleries  de  son  bréviaire  (Coblence, 
Gymnasialbibl.,  God.  A.),  il  est  encore  bien  loin  des  manuscrits  de 
l'évêque  de  Metz,  Reinald  von  Bar.  Les  peintres  de  Baudouin  ont,  par 
contre,  laissé  un  autre  document  fort  intéressant,  la  série  des  illustra- 
tions qui  ornent  le  voyage  à  Rome  de  l'empereur  Henri  VII,  frère  de 
Baudouin.  On  y  voit,  reproduites  avec  tout  le  réalisme  dont  un  artiste  de 


IJ:s  .MINIATl'IŒS  —  LES  VITI'.AUX  —  LA  PEINTUliE  Ml  l!AI. 


(^AVW.^  liva-tvvtc; 


colle  épuqiK'  ('■laiL  c;i|);il)k',  suixaiilc-lrcizc  scènes  du  voyaye  à  Hume,  en 
dessins  à  la  j)liime  el  au  lavis.  Le  récit  vivant,  l'exactilude  arcliéulugique 
avec  laquelle  les  objets  extérieurs  sont  rendus,  compensent  assez  bien  le 
maigre  talent  du  dessinateur;  plusieurs  de  ses  compositions  prouvent 
qu'il  connaît  la  manière  nouvelle  dont   l'art  italien  représente  l'espace. 

Plus  à  l'Est,  l'inlkience  de  la  miniature  française  se  fait  sentir  un  peu 
|ilus  lard  (pie  sur  le  liliin.  En  Saxe  on  exécute,  vers  l'iT'i,  une  série  de 
psautiers  qui  transforment  à  peine  l'ancien  style  en  adoptant  quelques 
motifs  gothiques  (psautier  de  Magdebourg  daté  de  l'27(i;  Metz,  Coll. 
Salis,   o."i.  Vers  lôOO,  on  imite   un   peu   partout    les    modèles   fiançais. 

Bien  plus  intéressantes  sont  les 
Oîuvrcs  jiroi'anes  di^  l'arl  lluiringo- 
saxon.  ^'ers  la  lin  du  siècle  apparaît 
l'illustration  du  <<  Sachsenspiegel  », 
exécutée  probablement  près  de  Meissen 
(vers  l'iflO).  Parmi  les  quatre  manuscrits 
conservés,  le  plus  ancien  est  à  llcidid- 
berg  ((i87.  Cod.  Pal.  Germ.,  \{\i);  il 
apparlientau  commencenienl  du  xi\'  siè- 
cle;  le  plus  récent  ajipartient  au  hoi- 
sième  quart  du  siècle.  Dans  tous  ces 
manuscrits,  une  colonne  d'illustrations 
devait  toujours  accompagner  une  co- 
lonne du  texte.  Dans  le  manuscrit  le 
mieux  conservé  (Dresde,  M.  52,  vers 
I  "),")()),  il  n'y  a  p;is  moins  de  neuf  cenl 
vingt-quatre  colonnes  illustrées.  Celle 
abondance   prouve    déjà    que   l'élément 

artistique  devait  passer  au  second  plan  et  que  l'on  voulait  surtout  illus- 
trer et  éclaircir  le  texte.  C'est  donc  le  geste  qui  fait  l'intérêt  principal  de 
ces  miniaturt^s;  un  artiste  ne  craint  pas  de  donner  quatre  mains  à  un 
])ersonnage  pour  mieux  expliquer  le  texte  qu'il  a  mission  d'illuslrei-. 

L'illusli-alion  de  la  Chronique  saxonne  a  plus  de  charme;  nous  en 
avons  consei-vé  Irois  exenqtlaires.  Ce  n'est  [jas  un  livre  d'images,  mais 
une  illiislralinn  du  lexle  (pi'un  parsème  de  nombreuses  peliles  \igneiles. 
L'exemplaire  le  pins  ancien  el  le  plus  beau  est  celui  de  Golha  i('.od.  i, 
!)()),  de  la  lin  du  xiii  siècle.  L'illustration  traite  l'histoire  ancienne  et 
s'arrête  au  momeni  oii  le  lexle  se  rapproche  de  l'histoire  conlenqiorainc; 
mais  ces  héros  de  l'anlicpiilé  se  vêtent,  agissent  et  se  meuvcni  comme  les 
contemporains.  Marcus  Curlius,  (|ui  se  précipite  tians  l'abime,  es!  un 
chevalier  cuirassé  ([ui  s'élance  dans  la  gueule  de  l'Enl'ei-.  IJrcf,  dans  ces 
histoires  de;  rantic|uité,  l'artiste  ne  représente  que  son  lenqis. 

T.    II.   —    17 


^retii 


FiG.  m.  —  Marcus  Curlius. 
alure  de  la  Chronique  Universelle. 
(Gùlha,  Coll.  I.  90.) 


HISTOIRE  DE  L'ART 


Les  manuscriLs  illustrés  de  })uèuies  profanes  sont  rares  dans  celle 
éc-ole.  Le  chef-d'œuvre  esl  le  »  Willielm  von  Oranse  »  qu'Henri  de  liesse 
m  exéculer  en  \7)7y'i  ((^assel,  SUend.  Landesbibliolliek).  La  décoralion  en 
esl  loule  française.  C/esl  l'œuvre  de  deux  collaLoraleurs  (jui  sonl  de  valeur 
égale.  Technique,  élégance  du  dessin,  draperie  peuvent  ici  se  incsurer 
nver  les  modèles  français.  L'exiu-ession  vive  du  récit  se  fait  surloul  valoir 
dans  les  sujets  inléressanls.  C'est  le  charme  des  sujets  qui  donne  sa  valeur 
au  groupe  haut-allemand  des  manuscrits  des  Minnesœnger  (manuscril  de 
Weingarlen  à  Stuttgart,  Ilofbibl.,  Poel.  Germ.,  1;  et  avant  tout  le  soi- 
disant  manuscrit  île  Manesse,  à  Ileidelbergj.  Tous  deux  ont  été  probaljle- 
ment  exécutés  })rès  de  Constance  ou  de  Zurich;  ils  imitent  les  mêmes 
modèles  (fin  du  xiirel  couimiMicemeul  du  xiv' s.). 
Ce  sont  des  jiortrails  de  }ioètes  qui  se  iranfor- 
mcnt  en  tableaux  de  mœurs  empruntés  à  la  vie 
courtoise  et  chevaleresque  de  l'époque.  Ils  com- 
mencent par  les  poètes  impériaux;  les  autres 
suivent  d'après  la  hiérarchie.  Tournois,  chasses, 
jeux,  voyages,  aventures  galantes,  tels  sont  les 
sujets.  Le  roi  Conradin  est  à  la  chasse  au  fau- 
con; le  duc  Henri  de  Breslau  reçoit  de  belles 
mains  de  femme  le  prix  du  comljat.  Les  ilélails 
extérieurs  sont  très  bien  observés;  c'esl  un 
tableau  de  l'époque,  aux  couleurs  magnifiques;  il 
évoque  en  nous  l'état  d'âme  romantique  qui  fait 
le  fond  de  ces  poèmes;  mais  ces  illustrations  ne 
nous  saisissent  pas  aussi  i'orlement  ipie  celles 
du  xui"  siècle. 

On  ne  peut  sui\i'e  en  détail  et  par  étapes  la 
|)énétration  en  Allemagne  de  l'art  gothique  et  de  la  miniature  française.  Il 
semble  plutôt  que  celle-ci  ait  pénétré  de  très  bonne  heure  à  l'extrémité 
orientale,  en  Bohème.  La  Bohème  était  faite  pour  jouer,  ilans  l'Allemagne 
de  cette  époque,  un  grand  rôle  politique  et  civilisateur.  Au  xiii''  siècle,  la 
jilupart  des  manuscrits  illustrés  sont  ici  en  relation  étroite  avec  l'Alle- 
magne, surtout  avec  l'art  thuringo-saxon.  Dans  un  psautier  d'une  déco- 
ration luxuriante  (Collection  Yates  Thompson,  n"  08),  apparaît  l'inOuence 
de  la  Haute-Italie;  de  là  un  mélange  de  styles  bizarre.  Au  commencement 
du  xiv''  siècle  appartiennent  plusieurs  groupes  de  manuscrits  illustrés, 
exécutés  sur  commande  de  la  maison  royale  de  Bohème,  qui  imileni 
tous  des  modèles  français  :  par  exemple  les  manuscrits  apparlenani  au 
cloître  de  nonnes  cisterciennes  de  Mariensaal  à  Altbriinn  ;  la  soi  disani 
«  Velislaw-Bibel  »,  à  Prague  (Bibl.  du  Prince  Lobkovitzj,  une  des  plus 
vastes  Bibles   imagées  de  l'époque;  le  passionnai  de  la  juincesse  Cuné- 


FiG.  275.  —  MiniuLui'c 
(riin  manuscrit  des  Minttesi 
(Sliiltgarl,  Dil.l.  rov.,  Poel.  gn 


I.i;s  MIMATinKS         I.KS  VITHAIX         LA   PlilMini':  Mir.AM';         Tnl 

gonde  Prague,  Univcrsil.  Bihl..  xiv,  A,  17).  En  oiilrc,  apparail  en 
Boliéine  une  forte  influence  ilalirnm^:  un  lucA  iaii'e  de  Raigern  (  l~)i'2),  par 
exemple,  a  été  exécuté  d"a}irès  une  liililr  ihdienne.  Os  di\erses  inlluinices 
n'ont  pas  créé  en  Bohême  un  ^lylr  uiiilVu'nic  (Test  seulement  sous 
(iliarles  I\',  au  moment  où  l'art  franco-italien  pénétra  en  Boln'me,  (|u'une 
période  toute  nouvelle  commence  pour  l'art  bohémien. 


LA  PEINÏUIŒ  SUR  VEUHE  ET  LA  PEINTLHE  MLUALE 


LA  PEINTURE  SUR  VERRE  EN  FRANCE' 

Li:s  virii.vLix  m  xm"  siècle.  —  Difficulté  de  cette  étude.  —  Au 
Ml'  sirclc,  la  rareté  des  verrières  étail  une  difficulté;  au  xiii'",  leur  nombre 
devient  un  embarras.  Si  l'on  songe  que  la  plupart  de  ces  vitraux  n'uni  pas 
(le  dates  certaines,  el  que  leurs  auteurs  sont  inconnus,  qu'il  est  presque 
impossible,  par  conséquent,  d'établir  des  séries  cbronologiques  rigou- 
reusi^sel  de  grou|)er  les  œuvres  en  écoles,  on  sentira  combien  une  pareille 
élude  est  malaisée.  Jus(iu"à  présent  les  li\res  ([ui  ont  été  pidiliés  en 
b'i-ance  ou  à  l'étranger  sur  ce  sujet  sont  de  simples  catalogues,  l.'llislnlic 
(le  1(1  pcinliiyc  sur  verre  de  ^L  Ferdinand  de  Lasteyrie  est  assurément  un 
ouxrage  très  méritoire,  mais  il  ne  faut  pas  cberclicr  dans  un  livre  com- 
mencé en  \S7\h  des  vues  d'ensemble  el  un  système.  M.  de  Lasteyrie  a  fait 
ce  que  le  temps  demandait  :  il  a  dit  où  se  trouvaient  les  vitraux  du 
xm'  siècle  el  il  les  a  décrits.  Voyager  à  travers  la  France  à  la  recberchc 
de  nos  anciennes  verrières,  savoir  en  comprendre  les  sujets,  les  dessiner, 
n'était  pas  alors  un  si  mince  mérite.  Aujourd'bui  on  a  le  droit  de  demander 
davantage  à  l'bistorien  de  l'art.  Seul,  un  Anglais,  Westlake,  dans  un  livre 
intitulé  :  A  liislortj  of  deskjn  in  pauilcd  glass,  qui  a  paru  à  Londres  il  y  a 
vingt-cinq  ans,  a  su  faire  autre  chose  qu'une  description.  Le  premier,  il 
a  entrevu  des  rapports.  Il  aura  le  mérite  d'avoir  montré  que  les  vitraux 
des  cathédrales  anglaises  sont  presque  tous  français  d'origine. 

Mais  ce  qui  empêchera  longtemps  encore  d'écrire  l'histoire  du  vitrail, 
c'est  le  petit  nombre  des  reproductions.  Les  comparaisons,  qui  sont 
si  fécondes,  sont  actuellement  difficiles,  souvent  impossibles.  On  a  beau 
voyager  lapidement,  courir  de  Chartres  à  Boui'ges,  de  Bourges  à  Lyon, 
de  Tours  à  Poitiers,  on  a  beau  passer  des  heures  devant  les  originaux,  on 
note  tout,  sauf  telle  particularité  qui  étaitune  marque  d'origine.  Il  faudrait 
avoir  sans  cesse  sous  les  yeux,  dans  un  Corpus  bien  fait,  tous  les  vitraux 
de  France,  el  ce  Curpus  n'existe  pas.  La  photographie  des  couleurs  rendra 
un  jour,  espérons-le,  la  tâche  de  l'historien  plus  facile 

Essayons,  toutefois,  en  utilisant  les  recueils,  encore  si  insuffisants,  de 
]\Iartin  et  Cahier,  de  Hucher,  de  Marchand,  de  mettre  en  ordre  quelques 
idées,  dont  plusieurs  seront  de  simples  liy|M(llirs(s. 

L'ECOLE  DE  CHARTBES.  —  L'écoli'  de  peinture  sur  verre,  issue  de 
1.  l'ar  M.  L'iiiile  Mâle. 


LES  MIMATU1U:S  —  LES  NlTIiAlX  —  LA  l'LlXTL  lili  .MURALE 


S;iiiil-Denis,  dont  nous  avons  retrouvé  les  œuvres  à  Chartres,  au  Mans, 
à  ^'endôme,  à  York,  à  Angers,  à  Poitiers,  dut  sépanouir  |)leineuieiil  dans 
les  dernières  années  du  xii"  siècle,  à  Notre-Dame  de  Paris.  On  sait  que 
Notre-Dame  fut  commencée  en  H63,  et  nous  apprenons  par  Lcviel  que  les 
fenêtres  du  chœur  étaient  déco- 
rées de  verrières  du  xii^  siècle. 
On  nous  dit  même  que  l'une 
d'elles  avait  été  donnée  par  Su- 
ger  :  précieux  détail  qui  nous 
laisse  assez  deviner  à  quelle  école 
s'étaient  formés  les  maîtres  ver- 
riers de  Paris.  Pendant  les  der- 
nières années  du  xii"  siècle,  ils 
eiii'enl  à  garnii'  ilr  \ilrau\  les 
fcni'lres  de  la  nd,  ci  il  est  pro- 
lialilc  que  de  cette  grande  entre- 
prise, la  plus  vaste  qu'on  eût 
encore  vue,  sortit  un  art  nou- 
veau, ('/est  sans  aucun  doute  à 
Paris  qu'il  faudrait  chercher  les 
origines  du  ^  itrail  du  xni''  siècle, 
tel  qu'il  nous  apparaît  à  Chartres. 
Malheureusement  tout  a  disparu, 
et  Notre-Dame  ne  possède  pas 
un  seul  fragment  de  vitrail  qui 
se  rapporte  à  cette  première  épo- 
que. Perte  irréparable!  Un  chaî- 
non nous  manque  et  nous  man- 
ipicra  toujours.  Nous  ne  saurons 
jamais  par  (lueilcs  li'ansitions 
insensibles  le  \itrail  du  \n'  siècle 
est  devenu  celui  du  xm' . 

Au  dt''liul  ihi  Mil'  siècle,  il 
n  y  a\ail  [>Ius  rien  à  l'aire  pour 
les  verriers  à  Notre-Dame  :  mais 

les  fours  qui  s'éteignent  à  Paris  se  rallument  à  Chartres.  Pendant 
près  d'un  demi-siècle,  l'atelier  de  Chartres  fut  le  plus  actif  de  la 
France  entière  et  il  semble  même  que,  durant  les  premières  années,  il 
ait  été  le  seul.  C'est  vraisemblablement  aux  environs  de  i'210  que  l'on 
commence  à  mclhe  en  place  les  vitraux  d(>  la  nef  et  du  chiiMir  de 
Chartres.  C'est  à  celle  dale  que  Philippe  Auguste  vint  à  Chartres,  et 
entendit  la  messe  dans  la  caihédrale  :  ce  qui  laisse  supposer  que  quelques 


Nili'Mil  de  tlharlcningiic.  Iraj'inent. 
(nhartre.?). 


."71  IIISTOIIU-:   DK    LAHT 

I'cikMics  ;iii  moins  (lc\;iiriil  (Mi'c  closes.  Imi  l'iK),  le  carliiliiirc  siiiiialr  la 
iiiori  (In  (•lian<  rlicr  iîohril  de  Bérou,  (|ui,  de  son  \'ivanl.  a\aiL  l'ail 
placi'i-  une  Ncrririe  où  il  riait  rcprésenlé  el  (|ne  l'on  voit  encore  anjonr- 
d'hui.  Mais,  à  C.liailres,  il  l'allul  l'aire  lanl  de  vitraux,  que  cette  o'uvrr 
inuncnse  demanda  bien  des  annres.  Le  vitrail  du  chœur  où  se  voit,  saint 
Louis  ne  |i<nl  ('■Ire  aidéricnr  à  \"2'li>,  d  celui  où  Ferdinand  de  C.aslille 
s'étail  l'ail  r('|ir(''scnlci-  a\('C  sa  seconde  l'cninie  .leanne  de  I)anunai-|in  ne 
ponvail  remonh^'  plus  liaul  (pu'  L2."7.  Il  se  peul  (pie  les  derniers  \ilrau\ 
.lien!    r\r    jk(S(''S   peu    de    leinps   a\anl    la    d(''dicace,    (pii    eut   lieu  en    l'Jlill. 

A  ers  l'JlO,  quand  les  maîtres  ^(•rriers  comnienccrent  à  ch'^corer  la 
(•alli(''(lrale  de  Chartres,  ils  étaient  enc(M('  Ion!  pr^^nctrc^s  des  tiadilions  de 
la  vieille  ('■eole  (le  Sainl-Denis.  .le  n'en  \cii\  pas  d'aidre  preu\c  (pie  le 
vitrail  de  (  diarleuuigiie  et  de  Holand,  (pii  se  xoit  dans  le  d(''andiidaloire  de 
(diarires.  IMusieuis  ni(''daillons  sont  exactement  copi(''s  d'apr/'s  un  \itrail 
de  Saiid-Denis,  doni  le  P.  Montlaucon  nous  a  laissé  des  dessins.  A 
(lliarires,  |iar  e.\enq)le,  la  prise  de  Panipelune  |iar  Charlemagne  n'offre 
aucune  dillerenee  avec  la  prise  de  Nicée  par  les  croisés  du  vitrail  de 
Saint-Denis.  L(^s  cartons  des  artistes  du  tenqis  de  Sugcr  étaient  donc 
eneoi'e,  ai)r(''s  soixante-dix  ans,  conservés  avec  soin  et  iniil(''s.  Preuxc  nou- 
\clle   de   r(''lonnanle   puissance  de  rayonnenuMd   de  celle  anli(|ue  (''cole. 

11  sendde  (pi'au  (h'^hul  du  xiii''  si('cl(\  les  verriers  de  (lliarlics  aieni 
('■l(''  les  seuls  gardiens  de  l'ai't  de  la  peinture  sur  \"erre.  En  loul  cas,  ils 
lurent  |iour  leur  temps  ce  (pie  les  \crriei's  de  Suger  avaient  (''lé  pour- 
l'âge  précédent:  des  initiateurs  et  des  maîtres.  Les  pi-eiives  aliondenl.  Il 
y  a  à  Chartres,  dans  le  bas  côté  de  gauclu^,  un  Aitrail  consaci(''  à  la 
l(''gen(le  de  saint  Luslaclie.  Or,  si  l'on  coin[)arc  les  beaux  rinceaux  de 
l'euillages  (pii  courent  entre  les  iU(''daillons,  et  luènie  la  composilion  de 
certains  m(''daillons,  avec  ce  (|u du  \oil  dans  un  \  il  rail  de  Sens,  égalemenl 
consacre  à  saint  Kustache,  on  sera  ti-a|)pé  de  la  ressemblance.  ]\hiis  ce 
qui  étonnera  daxanlage,  c'(^st  de  voir  (pie  les  nK'Mues  rinceaux  décoratifs 
se  i-elrou\ent  à  (lanlorbéry  dans  un  \itrail  consaer(''  à  saini  Tlunnas. 
('•vèfpu'.  Un  trouve  également  à  (Iharlres,  à  Sens,  à  (Janloi'b(''ry  el  à  Lin- 
coln (les  vitraux  ou  fragments  (h^  vitraux  consacrés  à  saint  Thomas  de 
('aidoiii(''ry.  Suivant  M.  W'esllake,  (pii  les  a  étudiés  de  près,  ces  vitraux 
(illreiii  de  lelles  ressemblances  (pidn  est  obligé  d'admettre  qu'ils  ont  une 
origine  commune.  Mais  (pii  nous  prouve  (pi'ils  \  ienneni  Ions  de  Charti'cs'.' 
Assurénu'ul,  jiour  rpidn  soil  aiiiein''  à  admelire  (pie  ('.liailres  l'ut  le  grand 
atelier  du  eomilieneemeiil  du  MU'  sii''ele,  il  l'aill  encore  d'aulres  preUNCs. 
Il  y  a  à  la  callK'Mliale  de  lîouen  un  \iliail  consaci(''  à  l'iiisloire  de  .losepli, 
(pii  a  les  plus  grandes  analogies  de  style  avec  un  des  \iiraux  de  (Iharlies. 
(>!•,  pai-  une  bonne  fortune  unicpie,  le  \ilrail  de  pKUien  est  signé,  et  il  se 
l louve  justement    que   son   auteur  est    un    verrier   de   Chartres    nonuué 


i.i;s  Mi,MATnii:s  -  i,i:s  vniiAix  -  la  i'hintibi-:  mi:i',ai,i-.      .";. 

Clriiieiil    :    Clcmcns    vHrariiis    Caniolciisis.    N'uilà    un    ai'guuK'iil    ([iii    IV'i-a 
rrllrchir. 

Mais  il  <'a  r.sl  iraulres  encore.  A  Canlorlx'rv,  dans  la  cliapelle  de  la 
Trinité,  un  vitrail  a  exactement  la  même  armalurc  .[u  un  \ilrail  de  Char- 
tres :  particularité  qui  ne  peut  pas  être  due  à  une  simple  coïncidence. 
Dans  cette  même  cathédrale  de  Cantorbéry,  les  grandes  fioures  qui  déco- 


Fi<;.  'l''i.  —  LrgeiiiJc  tk'  ti.iiiil  Kii-Uu-lic  i|ii'iMiiiri-e  iiaili<'i;  xili'uil  ilc  (.lliaiLr( 


reni  lis  verrières  des  IVnèlrcs  haules  soni  de  la  même  l'amille  (|ue  celles 
(Mii  se  soieni  dans  h's  gi'andes  teiKMres  (hi  ehii'urdi'  (iharires.  M.  W  esl- 
lake  rapproche,  non  sans  l'aison,  le  Daniel  de  Charlres  de  l'Isaïe  de  C.an- 
lnrli(''l'\. 

La  pleuve  nie  send>le  l'aile  puui-  l' Auglelerre.  .le  crois  (pi'on  peut  la 
laii'e  aiis>i  pour  la  l''i-aiice.  Il  y  a  à  (Iharires  un  \ilrail  célèhre  lualheu- 
reusement  mnlih-i,  cpii  repri'senle  le  l'oilemenl  de  croix,  la  i'assion  et 
l'Ascension,  enlourés  de  ligures  symlioliques  (Muprunl(''es  à  l'Ancien  Tesla- 
menl.  Or,  îles  vitraux  absolument  ideulitpies,  cl  ipii  >e  ressend)lenl  juxpie 


HISTOIRE  DH  L'ART 


dniis  les  plus  peLiLs  dcLails,  se  voient  à  Bourges,  à  Tours  el   au   Mans,  .le 

ne  doule  pas  (pie  le  Niirail  de 
Cliaiires  ne  soil  le  prololype, 
car  il  se  rattache  lui-même  à 
lin  des  vitraux  symboliques  de 
Saint-Denis  composé  par  Sn- 
ger.  Un  aulie  vilrail  de  (Hiar- 
trcs,  d'une  comjiosition  très 
savante,  est  consacré  à  la  para- 
bole du  Bon  Samaritain,  accom- 
|iagnée  de  son  commentaire 
lli(''ol()gi(pie.  A  vCAr  d'un  nu''- 
daillon  repr(''senlanl  !(■  voya- 
geur d(''p()uill(''  par  des  voleurs, 
«m  \()it  Adam  et  Uve  chassés 
du  I^u-adis  terrestre.  A  côté 
d  nu  ini'dailion  (pii  nous  mon- 
liT  le  \(»yagi'nr  conduit  dans 
luie  iiiMellerie  pal'  le  lion  Sa- 
maritain, ou  \(iit  .lésus-(  ihrisi 
mourant  sur  la  croix,  (i  est 
(pi'en  elTet,  pour  les  Pères  de 
l'Eglise,  l'histoire  du  voyageur 
de  la  parabole  est  l'histoire 
même  de  l'humanité,  perdue 
par  Adam,  et  sauvée  par  .lésus- 
(ihrist.  Or,  ce  vitrail  de  Char- 
tres, dont  la  composition  est 
si  originale,  se  retrouve  iden- 
tique à  Sens,  à  Bourges  et  à 
Rouen,  .l'ajoute  qu'il  tigurait 
aussi  à  Cantorbéry,  comme  le 
prouve  une  ancienne  descrip- 
tion. Les  raitports  entre  Char- 
tres et  Bourges  sont  particu- 
lièrement frappants.  Le  vitrai! 
de  l'Enfant  prodigue  de  Char- 
tres, sans  être  absolument 
semblable  à  celui  de  Ikmrges, 
offre  avec  lui  de  remarquables 
analogies  :   la  bordure  est   la 

même,   et  cerlaines   scènes  (le   (ils  demandant  au   père  sa   part  d  héri- 


—  l^ai'abole  du  Bon  SaiiiuiiUiin, 
vitrail  de  Sens. 

(D'après  Cahier  el  Marliii.) 


I.ES  MIMATURIiS  —  I.r.S  VITRAUX  —  LA  PEINTURr:  MURALE        "il 


tage,  le  père  remettant  au  tils  de  l'argent  el  une  c()up(^)  sont  iden- 
tiques. Et  ce  qui  semble  prouver  que  le  vitrail  de  Chartres  est  le 
plus  ancien,  c'est  que  le  fond,  au  lieu  d'être  occupé,  comme  à  Bourges, 
par  cette  mosa'ique  banale  qui  sera  à  la 
mode  pendant  la  plus  grande  partie  du 
xm'"  siècle,  est  encore  décoré  de  beaux 
rinceaux  suivant  l'ancienne  tradition. 
D'autre  part,  il  est  dinicile  de  n'être 
pas  frappé  de  l'analogie  que  présentent 
les  grandes  figures  des  fenêtres  hautes 
à  Chartres  et  à  Bourges.  A  Chartres, 
par  exemple,  le  vitrail,  où  l'on  voit  h' 
prophète  Jérémic  portant  lévangéliste 
saint  Luc,  a  exactement  la  même  bor- 
tlure  que  le  vitrail  de  Bourges  consacré 
à  saint  .lean-Baplîste.  Si  on  veut  encoie 
examiner,  à  Chartres  et  à  Bourges,  la 
dis})osition  très  particulière  que  les 
\rrricrs  ont  donnée  aux  pieds  de  leurs 
granils  personnagi^s  isolés,  on  restera 
persuadé  que  ces  artistes  apparlenaieni 
à  la  même  école 

(Jue  faut-il  conclure  de  là,  sinon 
qu'aux  environs  de  l'JlO  il  n'y  avait 
encore  dans  le  nord  de  la  France  (ju'un 
grand  atelier  de  peinture  sur  verre, 
celui  de  Chartres.'  Pour  expliquer  les 
analogies  que  nous  venons  de  signaler, 
on  a  à  choisir  entre  deux  hypothèses  : 
ou  bien  les  vitraux  de  Bourges,  de 
Tours,  du  Mans,  de  Sens,  de  Bouen,  de 
Cantorbéry,  de  Lincoln  ont  été  fabriqués 
à  Chartres  et  expédiés  tout  pi-éls  à  élrc 
montés;  —  ou  bien  tics  verriei's  de 
Chartres  sont  venus  (■r(''er  des  aleliei-s 
de  peinture  sur  verre  au])rès  de  ces 
gi'andes  cathédrales,  et  y  ont  a|ip()rl('' 
non  seulement  les  pi'océdi'-s  mais  encore  les  cai-l(iiis  qui  iMaicnl  en  nsai^c  à 
Chartres.  D'ailleurs,  on  [)eul,  suivant  les  cas,  adopter  l'une  ou  l'aniic 
liy})olhèse.  Il  est  possible,  par  exemple,  qu'à  Tours  où,  an  coniniencenienl 
du  xm"  siècle,  il  n'y  avait  à  garnir  de  vitraux  que  les  fenêtres  des  cha- 
pelles absidales,   on  se  soit  contenté  de  faire  venir  les  verrières  toutes 


■  Is;iie  porlaiil  saint  Malh 
(Chai-U-es). 


iisTdiKi';  m-;  l'ais'I" 


prèles  de  Cliarlii's' :  mais  un  adun'llra  [lUis  voluiilicrs  qu'à  la  calliédrak' 
de  Bourges,  conleinpoi'ainc  de  cidlc  de  (lliarlres,  où  vers  1220  il  y  avait  à 
vilrer  de  nombreuses  t'enètics,  ou  ail  cru  devoir  faire  venir  uu  maître 
\  (Trier  de  Chartres. 

Huoi  qu'il  en  soit,  on  voit  quelle  iielle  école  d'art  a  été  au  commence- 
ment du  xm"  siècle  la  cathédrale  de  Chartres.  Ses  savants  chanoines  pro- 
posaient   aux  ar- 
tistes   les    sujets 
de      ces     vitraux 
symboli((ues   (pu 
devaiciil      i''ii(' 
adopli's  par  quel- 
(pies  -  uucs      des 
iirandescalln'Mlra- 
les  de  la  France 
et   de  l'étranger; 
et     ses     maîtres 
^■erriers,  déposi- 
taires des  tradi- 
tions du  passé, 
inqjosaient  par- 
tout leur  (echni- 
(pie.  C'est  à  (  Ihar- 
I  l'i's  (pie  le  \  il  lail 
l'il  l'aspect  qu'il 
de\ait   conserver 
pendant  au  moins 
cinquante  ans;  et 
c'est      l'influence 
de    Chartres    qui 
explique  l'unifor- 
nuté  de  style   (pu  se  remanpie  dans  les  vitraux  de  la  première  partie  du 
MU''  siècle. 

UNE  ÉCOLE  LOCALE  :  LYON.  —  Tous  les  nouveaux  ateliers  créés  pai- 
des  artistes  chartrains  conservèrent  donc  longtemps  les  traditions  de 
Chartres.  J'avoue  ne  pas  voir  en  ([uoi  les  vitraux  île  Bourges,  par  exemple, 
ceux  de  Laon,  ou  les  plus  anciens  vitraux  de  Sens,  de  Tours  et  du  Mans 
diffèrent  de  ceux  de  Chartres.  Un  atelier  cependant,  celui  de  Lyou,  sut 
L'arder  une  sorte  d'originalité.  L'école  de  peinture  sur  verre  de  Lyon  n'est 

1.  La  même  chose  a  dû  se  passée  an  Maii^  yxniv  les  vilcaiix  des  IViièU'cs  alisidales. 
Les  dimensions  avaient  élé  mal  données,  el.  iinaal  on  plaça  les  verrière-,  il  lallul  ■^uppiimer 
les  ((Ordures  el  même  entamer  le  fond. 


MnrI.  de 

II)';. 


sainl  .leaii,  viii-iil  de  L 


I.i:S   MlMAll'RKS  —  l.i:S  NITHAL'X    -   LA  l'I'IM'lRK  MinAI.!': 


nssiiriMuenl  pjis  iiuliii'èiie  :  les  premiers  lunilrcs  des  verriers  lyonnais 
viniaienl  du  Nord.  11  y  a  entre  les  vilraiix  de  Sens  et  ceux  de  Lyon  des 
ressemblances  qui  ne  peuvent  être  l'eiTel  du  hasard.  A  Sens,  le  vitrail  de 
rKnfanI  prodigue  a  la  même  bordure  et  le  même  dessin  de  médaillons  ipic 
le  vitrail  de  saint  Etienne,  à  Lyon.  Oui  dit  Sens  dit  Chartres.  L'école  de 
Lyon  a  donc,  croyons-nous,  la  même  origine  que  toutes  les  autres  :  hypo- 
thèse qui  paraî- 
tra encore  [il us 
vraisemblable 
si  Ton  songe 
(pie  li's  ^itl•au\ 
de  Lyon  M)nl 
loid  à  l'ait  con- 
temporains de 
ceux  de  Char- 
tres. Les  textes 
du  cartulaire 
nous  appren- 
nent, en  etïel. 
(pie  les  vitraux 
du  chevet  (le  la 
cathédrale  de 
Lyon  ont  été 
donnés  par  des 
chanoines  (pii 
faisaient  partie 
du  chapitre  un 
peu  a\ an!  un  un 
peu  après  L2'20. 
Instruits  par 
les    \erriers   de 

la  France  du  Nord,  les  artistes  de  Lyon  adoptèrent  leurs  couleurs,  leni> 
ornements,  leur  teclini(pie;  mais  ils  surent  conser\er  dans  la  dis|i()sili()i 
des  scènes  et  dans  l'iconographie  leurs  vieilles  traditions.  Ces  tradition- 
sont  toutes  byzantines.  Saint  Jean,  par  exemple,  est  représenté  plusieui> 
l'ois  avec  toute  sa  barbe,  suivant  la  piali(pi(^  iisib'M'  en  (hienl.  Dans  h 
scène  de  l'.Vnnoncialion,  la  Vierge  a  un  fuseau  à  la  main,  et.  dans  h 
scène  de  la  Nativité,  elle  est  couchée  sur  un  matelas,  comme  dans  |e- 
miniatures  grecques.  La  Hésurrection  de  La/.are  est  con('ue  suivant  une 
formule  que  nous  montre,  en  (irèce,  une  des  belles  fresqMe-~  de  Mi^lra 
reproduites  par  ^I.  ^  pernian.  L;i  rose  du  nord  montre  des  liustes  d'anges 
inscrits  dans  des  méilaillons  (|ui  sont  des  copies  d'émaux  liyzantins. 


l'ii;.  '279.  —  L'Aniiuncialioii.  vilr,'iil  de  I. 


5S0  HISTOIRE  DE  L'ART 

I/;ilr]ipr  de  Lyon  no  fui  donc  pas  complclcnicnl  conquis:  il  n'accepta 
]Kis  loiis  les  p.ilions  venus  de  Chartres  et  resta  fidèle  aux  pratiques 
anciennes.  Tout  l'Est  de  la  F'rancc  et  certaines  régions  du  INlidi  —  nous 
l'avons  déjà  dit  dans  le  chapitre  consacre  à  la  fresque  (voir  t.  1,  p.  77S-7.SI  i 
—  avaient  été  pénétres  par  l'art  byzantin.  On  en  a  une  pi'cuve  de  plus 
à  Lyon.  C'est  ainsi  qu'en  s'obstinant  à  rester  fidèles  au  passé,  les  verriers 
lyonnais  donnèrent  h  leurs  vitraux  un  accent  qui  les  distingua  de  tous 
ceux  du  même  temps. 

Les  vitr.\ux  ue  la  seconde  moitié  du  xiif  siècle.  —  Vers  le  milieu 
du  xiiT  siècle,  le  principal  atelier  de  peinture  sur  verre  n'est  plus  à  Char- 
tres, luiiis  à  Paris.  De  LilO  à  l^CiO,  en  elïet,  les  maîtres  verriers  de  Paris 
tirent  pieu\<"  d'iuie  activité  étonnante.  En  l'iiS,  la  Sainte-Chapelle  l'ut 
garnie  de  ses  vitraux.  Il  est  prol)aI)le  que  le  jour  île  la  consécration 
(15  avril  PiiiS),  les  quinze  immenses  verrières  (les  plus  grandes  qu'on  eût 
encore  vues),  qui  représentent  tout  l'Ancien  Testament,  étaient  presque 
toutes  en  place.  Un  peu  plus  tard,  la  belle  chapelle  de  la  Vierge  qui  s'éle- 
vait dans  l'enceinte  de  l'abbaye  de  Saint-Gcrmain-des-Prcs,  et  l'église 
al)liafiale  elle-même  furent  garnies  de  vitraux  dont  on  peut  voir  mainte- 
nant quebpies  pauvres  restes  dans  la  chapelle  du  clionir.  Puis  il  fallut 
vitrer  les  nouveaux  transepts  de  Notre-Dame  de  Paris,  dont  l'un,  celui  du 
midi,  porte  la  signature  de  Jean  de  Chelles,  avec  la  date  de  PJÔ7.  Ces 
roses  de  Paris,  qui  ont  I")  mètres  50  centimètres  de  diamètre  et  qui  sont 
divisées  en  quatre-vingt-cinq  compartiments,  étaient,  en  ce  genre, 
l'ieuvre  la  plus  extraordinaire  qu'on  eût  entreprise.  Je  ne  parle  pas  des 
très  nombreuses  églises  de  Paris  et  des  environs,  abbatiales  ou  parois- 
siales, qui  reçurent  alors  ces  innombrables  verrières  dont  l'abbé  Lebeuf 
a  pu  voir  encore  quelques  restes  au  xv!!!""  siècle. 

C'est  donc  très  probablement  à  Paris  que  le  vitrail  du  xiiT  siècle  s'est 
transformé  et  a  pris  l'aspect  que  nous  lui  voyons  jusqu'à  la  fin  du  siècle. 
Avouons  que  ces  changements  ne  furent  pas  heureux.  Assurément  les 
couleurs  restèrent  harmonieuses,  mais  l'abus  du  violet  attrista  certains 
vitraux.  Ce  violet  naissait  de  l'opposition  d'un  treillis  rouge  et  d'un  fond 
bleu;  car  les  artistes  ne  prenaient  plus  la  peine  de  dessiner  entre  les  mé- 
daillons ces  beaux  rinceaux  de  feuillages  qui  s'enlèvent  en  couleurs  variées 
sur  le  fond  bleu  des  vitraux  du  xif  et  du  commencement  du  xiu''  siècle  : 
une  mosaïipie  faite  de  barres  rouges  hachant  un  fond  bleu  leur  suffisait. 
En  rnèuie  temps,  les  larges  bordures  décoratives,  que  les  artistes  de  la 
vieille  école  dessinaient  avec  amour,  disparaissent  :  une  fleur,  une  tour 
de  Castille,  une  crosse  d'évêque,  un  maigre  feuillage  indéfiniment  répétés 
formeront  désormais  le  cadre  modeste  du  vitrail.  La  bordure  des  médail- 
lons s'appauvrit  également  :  elle  se  réduit  à  un  cercle  rouge  borde  d'un 


I,F:S  MINIATURKS  —  LES  VITHAUX  -  LA  TEINTITRE  MURALE        581 

]is('i(''  l)l;uic.  Le  sérieux  profond,  la  conscience  des  anciens  maîtres  res- 
pcclueux  de  leur  art  et  de  la  maison  de  Dieu,  ne  se  relrouvenl  plus  au 
même  degré  :  on  sent  la  liàte  fiévreuse  de  praticiens  obliges  de  beaucoup 
produire  en  peu  de  temps.  Ces  défauts,  d'ailleurs,  ne  deviennent  sensibles 
(]u'aprcs  un  examen  minutieux.  L'œil  qui  n'analyse  pas  reste  cbarmé.  Les 
vitraux  de  la  Sainte-Cbapclle  seront  toujours  pour  le  grand  public  les 
plus  beaux  du  moyen  âge.  Oui  pourrait  avoir  le  courage,  au  milieu  de 
cette  Jérusalem  céleste  bâtie  en  pierres  précieuses,  de  faire  le  critique  et 
de  relever  des  faiblesses  de  détail?  Les  deux  grandes  roses  de  Notre-Dame 
de  Paris  auront  toujours  le  même  privilège.  Quand,  au  sortir  de  l'ombre 
des  nefs,  on  se  trouve  devant  ces  deux  grandes  fleurs  de  deuil,  éblouis- 
santes et  tristes,  on  ne  peut  qu'admirer.  \'iollct-le-Duc  raconte  que  dans 
sa  première  enfance  on  le  porta  un  jour  à  Notre-Dame;  quand  il  fut  dans 
le  transept,  au  moment  où  il  levait  les  yeux  vers  les  verrières,  l'orgue  se 
mit  à  jouer;  et,  plein  d'épouvante  et  d'admiration,  il  crut  que  c'étaient  ces 
grandes  roses  qui  chantaient.  Charmante  erreur  d'enfant,  et  erreur  pleine 
de  sens.  Elle  prouve  que  les  plus  simples  sentent  l'harmonie  de  ces  belles 
couleurs,  qui  ne  peuvent  se  comparer  qu'à  une  belle  musique. 

Linnui'iicc  (1rs  alcliers  parisiens  du  milieu  du  xiii"  siècle  se  reconnaît 
dans  les  vitraux  ipii  ornent  cpielques-unes  des  églises  des  régions  voisines. 
(Ju'il  me  suffise  de  citer  la  grande  rose  de  la  cathédrale  de  Soissons 
consacrée  à  la  Vierge.  Sa  parenté  avec  celles  de  Notre-Dame  de  Paris  se 
manifeste  au  premier  coup  d'œiL  Mais  l'artiste,  pour  réchauffer  le  violet, 
qui  en  est  la  couleur  dominante,  a  bordé  les  compartiments  d'un  liseré 
jaune.  Il  est  impossible  d'avoir  un  sentiment  plus  juste  de  rojiposition 
des  couleurs. 

Mais  les  o'uvres  des  verriers  jiarisiens  se  retrouvent  beaucoup  plus 
loin  encore.  Je  crois  qu'on  peut  leur  attribuer  sans  crainte  les  vitraux  qui 
ornent  les  chapelles  absidalcs  de  la  cathédrale  de  Clermont-Ferrand.  On 
veut  que  ces  vitraux  soient  un  présent  de  saint  Louis,  qui  vint  k  Clermont 
deux  fois,  en  l'iM  et  en  1202  :  et,  de  fait,  les  verrières  d'une  des  chapelles, 
celle  de  la  Vierge,  ont  reçu  un  semis  de  fieurs  de  lis  et  de  tours  de  Cas- 
tille.  Tout  semble  prouver  que  les  vitraux  ont  été  fabriqués  à  Paris  et 
envoyés  à  Clermont.  Dans  la  disposition  des  médaillons,  dans  la  manière 
(il'  traitei-  1rs  fonds,  et  jusque  dans  le  dessin  mesquin  des  bordures,  on 
reconnaît  l'école  qui  a  crée  les  vitraux  de  la  Sainte-Chapelle.  Mêmes 
défauts  dans  le  détail,  mêmes  qualités  dans  l'ensemble.  Comme  à  la 
Sainte-Chapelle  l'artiste  s'est  peu  soucié  qu'on  pût  déchiffrer  les  légendes 
qu'il  raconte;  mais  il  a  voulu  faire  une  mosaïque  éblouissante  qui  pétille 
au  soleil.  Ce  qui  aclièxc  de  rendre  confus  les  vitraux  de  Clermont,  c'est 
(|ue  l'arniature  en  est  très  maladi-oile  :  rarement  elle  dessine  les  contours 
des  ni(''daillons  et  souscnt   elle  les  coupe  en  diiix.    Il   est   (■sidcnl  (pir  les 


r.si>  iiisToiiii':  dp;  i.Airr 

oiivi-ici's  (le  (  iliMiiioiil  i{iii  l'urriil  rli;ii'ii<''s  de  inclirccn  |il;ici'  les  \ilr:iii.\ 
^•(•IHls  (le  l'jiris  n'iix  ;iifiil  ]iiis  I'IkiIiiI  udc  de  ci'  i^oiirc  de  lr;i\;ul  :  ils  s'en 
tu-quillrrenl  l'orl  mal,  cl  inulliiiliricid  ^aucliciurnl  1rs  liaiTcs  dr  IVr  an 
(loiriment  de  In  clarlr 

N'crs  le  iiirini'  l(Mii|(s,  les  l'ciKMrcs  liaules  de  la  calliédrale  dr  l'oiirs 
i-i'c('\aii'nl  IciM-s  \ ci-rirrcs.  L'd'inrc  est  trop  considéi-alde  |)<iiir  (|u'()ii 
puisse  rallriliiicr  à  un  alclier  juuisien.  Mais  ce  doni  on  ne  prui  d((uliT, 
(•"esl  (pie  les  ^('^^ie^s  de  Toufs  naieiil  eu  eonnaissancc  des  modes 
iiouxcllcs  el  des  prali(pu's  expédiii\rs  l'amilirres  aux  arlisles  de  Paris. 
J.cs  ^il^au\  de  Tours  sont  postérieurs  dune  douzaine  données  à  ceux 
de  la  Sainle-Cliapcllc.  Le  cliœur  de  Tours,  terminé  en  \2^)i,  semble 
avdir  él(''  \\\vi-  aux  cm  irons  de  l'2(10.  Imi  elTet,  un  \itrail  a  été  donn('>  |>ar 
.lac(pies  de  (iuérande,  év("'(pie  de  Nantes,  dont  lépiscopat  a  duré  de  l'idO  à 
1270;  un  aidre  porte  les  armes  de  \  incent  de  Pirmil,  évèipie  de  Toiiis, 
<pii  occupa  le  sicii'e  épiscojial  de  l'JT)?  à  P270.  L'iidliuMice  de  la  Sainic- 
Clunicllc  se  reconnaît  ;'i  celte  parliculai'ili'-  (pie  les  hautes  feiKMres  du 
cliienr  de  Tours,  au  lieu  d'("'tre  occupées  par  de  grandes  figures  isolées, 
sont  rem])lies  par  des  médaillons  légendaires.  Une  telle  disposition  des 
\ilraii\  dans  le  (lioMir  est  }u-es(pie  sans  exemjdc  dans  nos  autres  calli('- 
drales.  Il  faut  y  \(>ir  le  désir  d  imiter  ce  (pii  avait  si  Iden  réussi  à  la 
Sainti^-Chapelle.  L"idée  cependant  n"(^st  pas  ti(''s  lieureuse.  A  la  Saiide- 
Cliapelle,  les  petits  méilaillons  qui  s'étagcnt  sur  les  hautes  lancettes  sont 
d'un  très  bon  effet,  parce  qu'ils  sont  à  l'échelle  du  vaisseau,  en  parfaite 
harmonie  avec  ses  dimensions.  11  n'en  est  pas  de  même  à  Tours,  oi!i  les 
petits  compartiments  des  vitraux  (plus  grands  cependant  qu'à  la  Sainte- 
Chapelle)  ne  sont  pas  d'accor'd  a\ ce  les  vastes  pi'oportions  du  elKeiir. 
Soyons  juste  cependani  :  les  sujets  h'^gendaires  de  ces  grands  vitraux  sont 
assez  clairement  or(loiiiii''s,  pour  (|u  avec  un  peu  de  patience  on  jiuisse  les 
déchiffrer  du  bas.  Ouant  à  la  couleur,  elle  est  charmante.  Le  malin,  par 
un  beau  soleil  d'été,  quand  les  orcs-boutants  jettent  sur  les  verrières  de 
grandes  omljres  bleues,  le  (  h(eur  de  Tours  apparaît  comme  une  merveille 
d'art.  La  tonalité  n'est  pas  la  même  qu'à  la  Sainte-Chapelle.  Le  jaune  qui 
se  mêle  au  rouge  et  au  l)leu  donne  à  certains  vitraux  une  riche  couleur 
d  or.  1)  autres,  à  gauche,  ont  un  doux  rayonnement  d'argenl. 

Contemporains  des  verrières  de  Tours  et  même  peiil-étre  un  peu 
antérieurs,  les  vitraux  qui  garnissent  les  fenêtres  du  chœur  de  la  cathédrale 
du  Mans  ont  le  même  caractère.  Nous  avons  dit  que  les  vitraux  des  cha- 
pelles absidales  de  la  cathédrale  du  Mans  (détruits  en  partie  par  les  pro- 
testants) dataient  presque  tous  du  commencement  du  xiii'  si(''cle.  Ceux 
des  fenêtres  du  chonir  sont  postérieurs  cl  furent  mis  en  ])lace  eidre 
l'.TjOet  12(i(l.  L'un  d'eux,  en  elfet,  fut  donné  par  le  chanoine  Philip})e  le 
iSomain,  (pie  le  cartulaiic    mentionne  jiour  la  dernière  fois  en  l^ô.");  un 


i.i;s  \iiM  \Ti'i!i:s    -  i.i;s  \  iTr.Aix       la  I'i;i\  ii  m:  \ii  hai.i: 


aiilrr  lui    oll'cri   |i:ir  Ic- 

vèqiie  Geoirroy  de  Loii- 

ilon  qui  occupa  le  siruc 

(In  Mans  iusi|U('ii  I  '2'.)'.t. 

Un  troisic'uie,  donnr  j)ar 

les  vignerons,  doit  ètic 

de   l'J.M.    Nous   sa\<ins. 

(Ml  cIlVI,   (|n';'i  celle  (laie 

r(''\("-(|ue     (ieollVov     (!('- 

|ila(,;a     les     reli(|ues     de 

saint    .Inlieii,    el     (|n Cn 

in('nnoire  de  celle  (■(■•i('- 

rnonio    Ions    les    corjis 

de     ni(''liei-s     (l(inii(''i'enl 

des  l()r(dies   à  la  catli(''- 

drale.     Les     vignenins 

lirenl  seuls  exceplion  : 

('  au  lieu  de  donner  des 

nambeanx    (|iii     ne    Ini- 

raienl  (|unn  leiM|is,  dil 

un  \ieil  liisloiien,  ils 
ddlUK'Tcid  des  \ilres 
((ni  |i()i'leraienl  loujours 
la  luuiid're  dans  cette 
('•glise  ».  Si  plusieurs 
vitraux  dn  Mans  siml 
anlérieuis  à  ceux  de 
'lours,  d'anti'es  soni 
vraiseniblahlenient  con- 
teuiporains.  On  trouve, 
en  eiret,dans  les  vitraux 
du  Mans,  comme  dans 
les  \ilrau\  de  Tours, 
les  ai'Mies  des  l'irnni. 
(]c  dé'lail  prou\c.  en 
onire,  ipi'ij  y  eul  des 
i-appoi-ls  enh-e  les  deux 
aleliers.  I<:i,  en  elTel, 
plusieurs  l'eiK'IrcN  i\u 
(•lueur  sonI,  au  Mans 
eoninie  à  Tours,  di^co- 
n'^es,  non  pas  de  gi-;uides   ligures  isol(''es,  mai 


Kk;.  '2SI).  —  Viliail  de  sainte  Anne  (;l  de  saint  .lo; 
(l.e  Mansi. 
(IiVilirés  IIucImt.) 


une  >eri( 


liions 


584  HISTOIRE  DE  I.ART 

consacrés  à  la  légende  d'un  saint.  Ces  vitraux,  })lus  confus  que  ceux  de 
Tours,  sont,  du  bas,  à  peu  près  indéchiffrables.  Cette  erreur  a,  au  Mans, 
la  même  cause  qu'à  Tours.  Elle  est  née  du  désir  d'imiter  l'œuvre  des 
verriers  de  la  Sainte-Chapelle. 

Les  mêmes  influences  se  reconnaissent  dans  les  vitraux  du  chœur  de 
la  cathédrale  d'Angers.  Ces  vitraux  sont  postérieurs  à  l!274,  puisque  le 
chœur  ne  fut  terminé  qu'à  celte  époque.  Le  vitrail  de  l'arbre  de  Jessé  mé- 
rite d'être  signalé  tout  particulièrement  à  cause  des  frappantes  analogies 
qu'il  offre  avec  celui  de  la  Sainte-Chapelle. 

La  manière  un  peu  grêle  et  les  pratiques  expéditives  des  verriers  de 
Paris  se  retrouvent  dans  des  régions  plus  voisines  de  l'Ile-de-France,  à 
Amiens,  par  exemple,  et  à  Beauvais.  La  cathédrale  d'Amiens  fut  com- 
mencée en  1220;  celle  de  Beauvais,  en  122Ô  :  ce  fut  donc  certainement 
dans  la  seconde  moitié  du  siècle  que  furent  mises  en  place  les  verrières 
de  ces  deux  églises.  Elles  ont  presque  toutes  disparu  aujourd'hui. 
Celles  qui  subsistent  portent  la  marque  d'une  exécution  un  peu  hâtive  : 
les  bordures  notamment  sont  aussi  pauvres  qu'à  Paris  ou  à  Tours  :  cette 
indigence  est  la  marque  d'une  époque  déjà  avancée.  Bemarquons  encore 
l'analogie  de  l'arbre  de  Jessé  d'Amiens  avec  celui  de  la  Sainte-Chapelle. 

Les  gris,\illes.  Api'arition  d'une  manière  nouvelle.  —  A  mesure 
qu'on  avance  dans  le  xiii''  siècle,  les  baies  deviennent  plus  vastes  et  les  sur- 
faces à  garnir  de  vitraux  s'agrandissent.  Les  verrières  devenaient  donc 
de  plus  en  plus  coûteuses.  C'est  ce  qui  explique  comment  on  fut  amené  à 
adopter  de  larges  bordures  de  grisailles  pour  encadrer  des  figures  de 
couleur.  Petit  à  petit,  on  vit  la  grisaille  augmenter  aux  dépens  de  la  sur- 
face colorée,  et  c'est  ainsi  que  se  prépara  lentement  le  style  qui  devait 
triompher  au  xiv'  siècle. 

La  grisaille,  d'ailleurs,  n'est  pas  une  invention  du  xiii"'  siècle  finis- 
sant :  elle  apparaît  beaucoup  plus  tôt.  Dès  le  milieu  du  xu''  siècle,  on 
trouve  dans  les  églises  de  l'ordre  de  Cîteaux  des  vitraux  incoloz'cs.  Ce 
sont  de  simples  morceaux  de  verre  d'un  blanc  verdàtre  réunis  par  une 
armature  de  plomb.  Cette  décoration  austère,  et  si  conforme  à  l'esprit  de 
l'ordre,  est  néanmoins  d'un  goût  exquis.  Les  plombs,  tordus  comme  le 
fer  forgé  des  grilles  romanes,  dessinent  de  grandes  fleurs  héraldiques, 
sévères  et  charmantes.  Il  est  impossible  d'être  pauvre  avec  plus  de 
noblesse.  Les  vitraux  incolores  découverts  par  l'abbé  Texier,  en  1845, 
dans  les  abbayes  cisterciennes  du  Limousin,  Bonlieu  et  Obazine,  ont  été 
signalés  depuis  par  M.  Amé  dans  diverses  églises  du  département  de 
l'Yonne,  dont  plusieurs  relevaient  de  l'ordre  de  Cîteaux. 

Voilà  qui  ressemble  déjà  à  la  grisaille  du  xin"  siècle,  sans  être  préci- 
sément la  même  chose.  Car,  au  xni°  siècle,  ce  ne  seront  plus  seulement 


LES  MIXIATURKS  -   LES  ^•IT^AUX  -  LA  PEINTUnE  MURALE        r,s;, 

les  plombs  qui  dessincroiil  des  ;ir:ili('s(|iips  sur  uu  fond  iiculre,  gcnérale- 
inenl  gris,  ce  sera  le  piiiiiMii  di'  Ijulislr.  (  Irs  araljes([ues  paiiicipenl  de 
la  couleur  du  fond,  mais  sonl  plus  claires.  L'ensemble  a  son  charme, 
surlout  quand  le  dessin  est  relevé,  comme  il  arrive  souvent,  de  quelques 
Irait  s  de  covdeur.  Ouand  le  soleil  les  pénètre,  les  verrières  grises  versent 
sur  le  mur  ou  sur  les  xcriirres  de  couleur  voisines  un  glacis  nacré  dont 
^  ioUel-le-Duc  a  vanté  la  douceur. 

Si  réussie  que  soit  la  grisaille  (et  quelques-unes  nous  montrent  de 
merveilleux  entrelacs),  elle  n'en  reste  pas  moins  un  procédé  économique. 
A  la  cathédrale  de  Bourges,  par  exemple,  les  fenêtres  hautes,  ornées  dans 
le  voisinage  du  chœur  de  figures  d'Apôtres  et  de  Prophètes,  ne  montrent 
plus  aux  extrémités  de  la  nef  que  de  simples  grisailles.  11  est  évident 
ipi'on  a  voulu  terminer  à  peu  de  frais  une  œuvre  commencée  avec  magni- 
llcenee. 

Mais  à  Auxerre,  nous  voyons  quelque  chose  de  plus  hardi  :  c'est 
une  combinaison  du  vitrail  en  couleur  et  de  la  grisaille.  Dans  les  fenêtres 
iiiiules  du  chœur,  les  grands  personnages  se  détachent  en  couleurs  \  ivcs 
sur  une  large  bordure  de  grisaille.  Dès  lors,  une  manière  nouvelle  était 
trouvée  :  de  cette  combinaison  devait  sortir  le  vitrail  du  xiv"  siècle.  Au 
xiu''  siècle,  les  essais  furent  d'aiiortl  timides.  A  Lyon,  les  Patriarches  des 
l'emMres  hautes,  terribles  figures  aux  yeux  Idancs,  au  mutle  de  fauve,  se 
détachent,  comme  à  Auxerre,  sur  de  larges  bordures  en  grisaille.  A 
Bourges,  de  petits  médaillons  de  couleur,  contenant  des  Saints  ou  des 
Apôtres,  sont  enchâssés  dans  une  rosace  en  grisaille.  A  Saint-Urljain  dt; 
Troyes,  dans  les  dernières  années  du  xin''  siècle,  on  ose  davantage.  Les 
fenêtres  de  cette  élégante  église,  une  des  jdus  pures  du  moyen  âge,  nous 
montrent  le  vitrail  de  couleur  aussi  réduit  qu'il  est  possible  de  l'imaginer. 
Un  médaillon  coloré,  occupé  par  une  scène  du  Nouveau  Testament  ou  de 
la  Légende  des  Saints,  est  comme  perdu  au  milieu  de  ses  hautes  verrières 
en  grisaille.  L'effet  est  séduisant;  le  chœur  de  Saint-LIrbain,  tout  pénétré 
de  lumière,  semble  immatériel,  aussi  léger  que  ces  églises  que  les  dona- 
teurs portent  sur  leur  main  ;  mais  le  riche  crépuscule  qui  baigne  la 
Sainte-Chapelle  est  d'une  juk^sIc  plus  pi'ofonde.  Le  xm'  siècle  ,'i  son 
déclin  semble  moins  sensible  à  la  beaulé'  [lalliélicpie  île  la  couleur  (pi'à  la 
géométrie  des  lignes. 

A  la  lin  du  xin'  siècle,  la  condiinaisim  du  médaillon  de  couleur  et 
du  fond  de  grisaille  esl  adopté'e  par  beaucoup  d'ateliers.  Sainte-iîade- 
gonde  de  Poitiers  nous  oll're  un  curieux  exemple  du  goût  nouveau.  Une 
vei'rière,  consacrée  à  la  patronne  de  l'église,  nous  montre  des  person- 
nages de  couleur  jetés  sur  un  fond  gris.  Ni  bordures,  ni  médaillons,  .\insi 
le  l'ond  bleu  ou  rouge  sur  lequel,  depuis  deux  siècles,  se  détachaient  les 
scènes  légendaires  est  lui-même  supprimé.   On  sent  qu'une  révolution 

T.    H.    —    -il) 


7,so  iiisioiiii':  m;  i;aht 

proruiulc  s'csl  accomplie  cl  qu'on  cnlrc  dans  un  âge  nouvctui,  plus  gris  cl 
])lus  IVoid. 

CAIiACTKHI-S     GIÎNÉUAUX     UES     VITliMX     DU    XIIl'     SlKCLIi.    NoUS    aVOnS 

indiqué,    chemin    faisant,    les    princijjaux    caraclères    des    vlliaux     du 
xm'"  siècle,  résumons-les  brièvement. 

L'armature  n'est  plus  faite  de  barres  de  fer  rigides  se  coupant  à  angle 
droit;  elle  suit  les  conlours  des  médaillons  et  marque  fortement  les  grandes 
divisions  du  vitrail,  lue  armature  du  xiu'  siècle,  par  sa  belle  ordonnance, 
a  déjà  l'aspect  d'une  œuvre  d'art.  Le  progrès  est  ici  manifeste. 

Le  progrès  est  sensible  encore  si  l'on  étudie  le  dessin  ,des  person- 
nages et  la  composition  des  scènes.  Le  xiii''  siècle,  avec  son  audace  ordi- 
naire, a  rompu  tout  d'un  coup  avec  les  vieilles  méthodes  de  dessin  qui 
régnaient  souverainement  dans  l'art  dciniis  sej)t  ou  huit  cents  ans.  Ces 
draperies  qui  collent  au  corps  cl  (|ui  dessinent  l'anatomie  parurent  sou- 
dain aux  artistes  dépourvues  de  loulc  nudité.  Ils  surent  enlin  ouvrir  les 
yeux  et  rendre  ce  qu'ils  voyaient.  Alors  apparurent  les  robes  lloltantes  et 
les  larges  manteaux  où  le  corps  est  à  l'aise.  Les  plis,  simples  et  sobres, 
n'eurent  presque  j)lus  rien  de  conventionnel,  liévolution  profonde,  et  une 
des  plus  subites  qu'on  puisse  signaler  dans  l'histoire  des  arts  du  dessin. 
En  même  temps  le  geste  devint  plus  vrai,  les  relations  des  personnages 
entre  eux  plus  réelles.  Ce  goût  de  vérité  se  remarque  surtout  dans  les 
scènes  empruntées  à  la  Légende  des  Saints,  où  l'artiste,  presque  tou- 
jours dépourvu  de  modèles,  se  trouvait  dans  la  nécessité  de  créer.  Mais 
dans  les  scènes  hiératiques  elles-mêmes  (Enfance  du  Christ,  Passion, 
Résurrection),  où  les  moindres  détails  sont  consacrés  par  des  traditions 
séculaires,  on  sent  déjà  frémir  la  vie.  L'artiste  est  trop  respectueux  du 
passé  pour  imaginer  une  manière  nouvelle  de  re}irésenter  la  Nativité  ou 
la  Mise  en  croix,  mais  il  ose,  parfois,  prêter  aux  acteurs  du  drame  sacré 
un  geste  plus  vrai.  Les  beaux  vitraux  de  Laon  méritent,  à  cet  égard, 
toute  notre  attention.  Il  y  a  dans  la  scène  de  la  Visitation,  par  exemple, 
un  élan  que  personne  n'y  avait  encore  mis.  Mille  petits  détails  révèlent 
un  artiste  naixenuMit  ('qiris  de  la  \érité.  Ihuis  la  scène  de  la  Nali\il('',  une 
des  sages-femmes,  avant  de  baigner  l'enfant,  \érilie  avec  sa  main  si  l'eau 
est  assez  chaude.  Au  moment  où  l'ange  parle  aux  bergers,  l'un  d'eux 
cesse  brusquement  de  jouer  du  chalumeau,  tandis  cjue  le  chien  dresse  la 
tête  pour  avoir  sa  part  de  la  bonne  nouvelle.  Ces  qualités,  fréquentes 
dans  les  vitraux  du  xiii''  siècle,  sont  si  discrètes  qu'il  faut  de  l'attention 
pour  les  remarquer.  11  en  faut  dire  autant  des  qualités  de  composition  : 
elles  ne  frappent  que  quand  on  se  donne  la  })eine  d'analyser.  Il  y  eut 
pourtant,  au  xm'  siècle,  toute  une  esthétique  du  vitrail.  Les  artistes 
comprirent  parfaitement  que  des  scènes  enfermées  dans  une  étroite  ligure 


l.i;S  MIMAIUHKS   -   l.[:S   NlTIiAlX         I.A   l'i:i  NiriSK   MIISAI.I';         r.s7 

géomi'liiiiiK^  cl  doslinécs  à  cire  vues  de  loin  (le\;ii('nl  vive,  ;i\aiil  Idul, 
claires  et  sobres.  Ils  apprirent  à  discerner,  au  milieu  des  récils  prolixes 
de  la  Légende  dorée,  les  épisodes  essentiels.  Ils  appiircnt  aussi  à  repré- 
senter ces  épisodes  avec  sobriété.  Souvent  la  scène  se  joue  enire  lr<iis 
personnages.  (Jmc  iOn  éludie  ladmirable  légende  de  saint  Eustache,  à 
Sens,  on   verra   s'il    (>sl    possible  d  elre  plus  simple.  Tous  les  vilraux  du 


FiG.  2S1.  —  L'.Vnnoncialion  (viU'ail  de  Laoui. 

(ir,ipn-snùrnMl  ctMiJ..ii\.) 


xiu'  siècle  n'uni  pa>  celle  belle  >i mpl icil('  :  plnsieui-s  soni  >m'cliaig(''S.  Il 
e>t  \rai  (le  dire,  m'^anumins.  (pn'  larl  du  \iliail  nbligeail  à  <'linisi|-  el  à 
<'()nden>er.  Les  \crrier>  du  mm'  siècle  iMaienl  enserrés  par  des  règles  aussi 
l'irdiles  ipie  le>  aiileiii>  dramalicpies  i\\\  \\  n'  siècle  :  les  uns  el  les  autres 
d  une  ii(''cessili''  sureni  l'aire  ime  \ei'lii, 

\  nilà  des  progrès  manifesles.  Ayons  mainh'nani  le  coui'age  de  ne 
pas  di»imider  les  dè^raillaiices  de  nos  arlisles  du  xni'  siècle.  S'ils  des- 
sinenl  mieux  la  IJLi'ui'e  liumaine  rpie  les  arlisles  du  xn'  >iècle,  ils  enleiHleiil 
moin>   bien    roi-neinenl .    \.i>    larges   borduics   ipii    eiicadi'aienl    le   \ih-ail 


r.SS  HISTOIRE  DE  L'ART 

(l('\  iciiiiciil  |ilus  (''Iroilcs;  les  feuillages  stylisés  qui  les  décoraieiil  n'ouï 
l)lus  la  uiagiiifique  ampleur  d'aulrelois.  Plus  on  s'éloigne  des  pi-eniièi-cs 
années  du  xuf  siècle  (où  le  décor  a  encore  loulc  sa  noblesse'),  plus  on  est 
rra[ip(''  de  ht  pauvreté  de  la  bordure.  A  [»arlir  de  l'J.'iO,  (die  se  r('Mluil  sou- 
vent à  un  zig-zag,  à  une  Heur  de  lis,  à  une  lour,  à  une  volute  de  feuillage 
indéfiniment  répétés.  Nous  avons  déjà  fail  remarquer  (pie  les  bordures 
enrichies  d'ornement  qui  entouraient  chaque  médaillon  disparaissent 
aussi  et  sont  remplacées  par  un  cercle  généralement  rouge  et  presque 
toujours  relevé  d'un  liseré  blanc. 

En  même  temps  le  beau  fond  bleu,  cpii  donne  lant  de  limpidilé  au.\ 
vitraux  du  xif  siècle,  disparaît  pour  faire  place  à  ce  qu'on  appelle  «  une 
mosaïque  ».  L'espace  qui  s'étend  entre  les  médaillons  est  occupé  par  un 
dessin  fait  de  cercles  et  d'écaillés  qui  se  répètent  indéfiniment.  Le  fond 
est  généralement  rouge;  quant  aux  dessins,  écailles  ou  cercles,  ils  sont 
d'un  bleu  un  peu  froid.  Souvent  même  la  mosaïque  se  réduit  à  un  simple 
Ireillis.  (pu  est  presque  foujoui's  rouge  sur  fond  bleu.  Celle  mosaï(pie 
siuqtliliée  se  remarque  surtout  dans  les  vitraux  de  la  seconde  moitié  du 
xiu''  siècle.  Soignée  ou  négligée,  la  mosaïque  a  toujours  le  même  effet  : 
elle  rend  le  vitrail  plus  sombre.  D'autre  part,  la  combinaison  du  rouge  et 
du  bl(!u  donne  ce  violet  mélancolique  qui  attriste  un  peu  les  verrières  du 
xiii"  siècle. 

N'exagérons  l'icn  loidefois.  I,cs  l)eaux  vitraux  de  la  pi('iui(''re  partie 
du  xui'  siècle,  ceux  de  Chartres  ou  de  Bourges,  restent  des  merveilles  de 
couleur.  Cette  profonde  poésie  de  la  lumière  que  nos  climats  ne  con- 
naissenl  pas,  éclat  des  verdures  éternelles,  splendeur  des  montagnes  loin- 
taines et  de  la  mer,  tout  cet  enchantement  dont  rêve  l'homme  du  Nord, 
nos  artistes  le  mirent  dans  leurs  vitraux.  Michelel  avait  senti  qu'il  y  avait 
quelque  chose  d'aral>e  dans  la  Sainte-Cliapidle.  11  ne  se  trompait  pas  : 
mais  c'est  la  couleur  qui  est  orientale  ici,  non  l'architecture.  Saint  Louis, 
qui  eut  l'àme  trop  tendre  pour  n'être  pas  artiste,  y  retrouvait  la  lumière 
de  la  Méditerranée,  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie.  Le  vitrail  est  l'art  des  pays 
sans  soleil.  C'est  pourquoi  il  fut  complètement  inconnu  au  Midi  de  la 
France  :  il  n'y  apparut  qu'au  xiv'"  siècle,  apporté  par  les  artistes  du  Nord. 

LES  srjKTS.  —  Il  nous  reste  un  mol  à  dire  des  sujets  que  retracèrent 
de  préférence  les  verriers  du  xm'  si(''cle.  11  y  a  d'abord  toute  une  catégorie 
de  vitraux  qu'on  peut  a]t|teler  llicnhniiiiiics,  où  le  plus  haut  enseignement 
est  [iroposé  aux  li(l(''ics.  (hi  y  insiste  surlovd  sur  la  concordance  mysté- 
rieuse de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament.  Dans  un  vitrail  de  Bourges 
lipii  a  été  reproduit  avec  de  légères  variantes  à  Chartres,  au  Mans  et  à 
ïoursl,   on    voit    dans    le    bas  .b'^sus  portant  sa  croix.   Autour  de   lui   se 

I.  Nous  viiiiloii-  p.irliM-  ilos  plus  anciriis  vilraux  de  ( '.luirli-c^i  i:\  des  vitraux  de  Si'iis. 


Li:S  MINIATURES   -    LES  VITIiAUX  -  LA  l'LLNTLUE  MUI'.ALE 


rciiiar([nrnl  Isaac  jiorlanl  le  liois  de  son  sacrifice,  les  Juifs  inar(|uanl  du /*/(/ 
la  porte  de  leurs  maisons,  la  veuve  de  Sarepla  ramassant,  en  présence  du 
pliopliète  Elie,  deux  morceaux  de  bois,  enfin  le  patriarche  Jacob,  bénis- 
sant les  fils  de  Joseph,  Éi)hraïm  et 
Manassé.  Ces  scènes  de  l'Ancien 
Testament  sont  en  effet  autant  de 
figures  o\x  les  commentateurs  nous 
font  apercevoir  la  croix  de  Jésus- 
Christ.  Le  commentaire  le  plus  cé- 
lèbre du  moyen  âge,  la  Glose  ordi- 
luiirc.  nous  apprend  d'abord  quTsaac 
est  une  figure  du  Fils  de  Dieu, 
comme  Abraham  est  une  figure  de 
Dieu  le  père.  Dieu,  qui  devait  don- 
ner son  fils  pour  les  hommes,  a 
voulu  laisser  entrevoir  le  grand 
sacrifice  au  peuple  de  lAnciennc 
Loi.  Tout  le  passage  de  la  Bible  où 
je  sacrifice  d'Abraham  est  raconté, 
(■>!  rriii])li  de  mystères.  CJiaque  mol 
ddil  T'Irc  pesé.  Par  exemple,  les 
liois  j(jurs  de  marche  qui  séparent 
la  demeure  d'Abraham  du  mont 
Moria  signifient  les  trois  âges  du 
peuple  juif,  d'Abraham  à  Mo'ise,  de 
Moïse  à  Jean  -  Baptiste  ,  de  Jean- 
Baptiste  au  Seigneur.  Les  deux  ser- 
viteurs qui  accompagnent  Abraham 
sont  les  deux  fractions  du  |)eup]e 
juif,  Israël  et  Juda.  L'âne,  qui  porte 
les  instruments  du  sacrifice  sans 
saxoir  ce  qu'il  fait,  est  la  Syna- 
gogue ignorante.  Enfin,  le  bois 
qu'Isaac  a  charge  sur  son  i'|iaiile 
est  la  croix  même  de  J(''siis-(  IhrisL 
Le  signe  tracé  jiar  les  .In ils 
sui'  la  porte  de  leurs  maisons  «■lail 
regardé  aussi  comme  une;  figure  i\r 
la  croix.  Les  commentateurs  a\ai<ii 
m  i|iieslii)n.  qui  SI'  trouve 
l'ruplirlc  annonce  (pi'il  a  \u 
ili'  la  lellre  Idii.  (  )n  [lensail  ipie  h.'  /(/'( 


II. 


—  Vilr; 


tl.-  I!om-i;e^ 


il.lh 


■^aue 


e  rapprocliei-  h 

i>    { E.niilc.  il'iiii  passage  d'L/.écliiel .  où   le 

inge   de   Dieu  nian[ucr  les  jusles  au  fi-oni 

d'Lzéchiel   devait  élie  iirécisémenl 


500 


iiisroir.i':  m-;  i.akt 


le  signe  (|ii('  Ics.liiifs  avaiciil  dû  Iraccr,  en  Egyi)lc,  sur  la  jhhIc  de  leurs 
maisons,  (.(minie  d'autre  pari  la  lellre  loti  (T)  olîrait  quelque  ressem- 
blance avec  la  croix,  on  en  avait  conclu  que  ces  deux  passages  faisaient 
allusion  à  la  croix  de  Jésus-Christ. 

Le  médaillon  du  prophète  Élie  et  de  la  veuve  de  Sarepta  préfigure 
encore  le  môme  mystère.  Klic,  chassé  pai-  les  Juifs,  est  envoyé  par  le  Sei- 
gneur dans  le  pays  des  Gentils,  chez  une  veuve  de  Sarepta,  au  territoire 
de  Sidon.  Quand  il  arrive  chez  elle,  la  veuve  vient  de  puiser  de  l'eau,  et 
elle  est  en  Irain  de  ramasser  des  morceaux  de  bois.  Dans  ce  récit,  il  n'esl 
rien  qui  ne  soil  symbolique.  Élie,  chassé  par  les  Juifs,  et,  plus  lard, 
enlevé  sui-  un  char  de  feu,  est  une  ligure  de  Jésus-Christ.  La  veuve  de 

Sarepta  est  l'Eglise  des 
Gentils  accueillant  le  Sau- 
veur que  la  Synagogue 
n'a  pas  voulu  reconnaître. 
Elh'  a  puis(''  de  l'eau  pour 
mar(pi(M'  ([u'elle  croira 
d(''S(irinais  à  la  \erlu  du 
ba[)tème,et  elle  assemi)le 
deux  morceaux  de  bois 
poiu-  marquer  (|u'elle  al- 
lend  désormais  lout  son 
salut  de  la  croix.  C'est 
pourquoi  l'arl  i  sic  (le  Bour- 
ges cl  r,-ii-lisle  (lu  Mans 
ont  mis  entre  les  mains 
de  la  veuve  de  Sarepla.  non  pas  deux  nuirceaux  de  bois,  mais  une 
croix  vérilalde. 

Le  Portement  de  croix  est  acconqiagné  à  Tours  cl  an  Mansi  d'une 
(iualri(''ni(^  scène  symbolique  :  la  béiK'-dicJ  ion  des  (ils  de  Joseph,  b]pliraïni 
et  Manassé,  par  le  patriarche  .lac(di.  Il  l'anl  icconnaître  encore  ici,  avec 
les  interprètes,  une  ligure  de  la  croix;  .lacob,  en  effet,  bénit  ses  [leliis-lils 
«  en  mettant  les  bras  en  croix  »,  comme  le  dit  le  texte  biblique  :  ciicou- 
stance  qui  a  paru  mystérieuse  à  tous  les  commentateurs. 

Ces  exemples  suffironl  pour  donner  une  idée  de  celle  calégorie  de 
vilraux;  on  voil  combien  de  lelles  (euvres  sonl  lidèles  à  l'cnseigiuMnenl 
doclrinal.  Aussi  esl-il  certain  (pie  le  ])i-ogranune  en  était  tracé  par  des 
clercs  très  familiers  avec  la  science  Ihéologique  de  leur  teuqis. 

Les  vilraux  Ihéologiques  ne  sonl  pas,  d'ailleurs,  très  noudireux.  Les 
vitraux  narratifs,  consacrés  à  la  Légende  des  Saints,  sont  beaucoup  plus 
fréquents.  Les  vitraux  des  bas  c(jlés  de  la  cathédrale  de  Chartres,  par 
exemple,  si  merveilleusement  conservés,  sont  les  pages  éclatantes  d'une 


FiG.  !2S3.  —  tluif  marquant  du  tau  la  porle  de  sa  maison 
(fragment  d'un  vitrail  de  Bourges). 


I.KS  MINIATURES  —  I.KS  MTRAUX  -  LA  PEINTURl-:  Ml  RALE        ôiil 

Ij'yciulc  d(ii\'c.  L'ensemble  l'oniie  un  des  jilus  Ijcaux  li\res  à  luiniatures 
que  jamais  |irince  ait  payé  au  poids  de  l'or.  Le  texte  de  Jacques  de  \'ora- 
gine  à  la  main,  on  décliitîrc  sans  peine  toutes  les  scènes.  L'artiste,  en 
commençant  par  le  bas  (c'est  ainsi  qu'il  tau!  lire  les  vitraux  du  xiii''  siècle) 
et  en  s'élcvant  peu  à  peu  jusqu'au  sommet  du  vitrail,  suit  le  légendaire 
pas  à  pas.  L'histoire  de  saint  Eustache,  par  exemple,  se  déroule  tout 
entièi-e,  depuis  l'apparition  du  cerf  miraculeux  à  Plaeidus,  jusqu'au  mar- 
tyre du  saint  et  de  sa  feunne  dans  le  taureau  d'airain. 

Toutes  sortes  de  raisons  ont  contrihué  à  midlipiier  les  vitraux  con- 
sacrés aux  Saints.  D'abord  les  i-eliques  conservées  dans  chaque  église. 
Dans  nos  grandes  cathédrales,  les  reliques  qu'on  vénérait  dans  chacune 
des  chapelles  expliquent  les  vitraux  de  ces  chapelles.  Un  sanctuaire 
qui  conservait  une  relique  de  saint  Jean-Baptiste,  par  exemple,  montrait, 
dans  un  vitrail,  l'histoire  de  saint  Jean-Baptiste.  Mais  les  relii|ues  n'exj)li- 
(puMil  pas  tout.  Souvent  l'histoire  d'un  saint  a  été  choisie  par  le  dona- 
teur (In  vitrail  parce  qu'il  avait  une  dévotion  particulière  pour  ce  saint. 
Les  vitraux  de  nos  cathédrales  ont  été  donnés  par  des  corporations 
ou  par  des  particuliers  qui  ont  voulu  perpétuer  la  mémoire  de  leur 
générosité;  les  panneaux  inférieurs  des  verrières  du  xiii"  siècle  nous 
offrent  généralement  l'image  et  quelquefois  le  nom  des  donateurs  : 
moines  en  pr-ière,  évèqucs  portant  à  la  main  un  modèle  de  vitrail,  cheva- 
liers armés  de  toutes  pièces,  reconnaissables  à  leur  blason,  changeurs 
véritiaid  le  titre  des  monnaies,  pelletiers  vendant  leurs  fourrures,  bou- 
cliers abattant  des  bœufs,  sculpteurs  taillant  des  chapiteaux.  Ces  scènes 
de  la  vie  d'autrefois,  si  précieuses  en  elles-mêmes,  nous  permettent  sou- 
vent de  comprendre  pourquoi  tel  saint  a  été  choisi  de  préférence  à  tel 
autre.  A  Bourges,  par  exemple,  le  vitrail  de  saint  Thomas,  apôtre, 
patron  des  architectes  et  de  tous  les  ouvriers  qui  travaillent  sous  leurs 
ordres,  a  été  offert  par  les  tailleurs  de  pierres.  A  Chartres,  les  épiciers 
tirent  faire  à  leurs  frais  une  verrière  de  saint  Nicolas,  leur  patron,  et  les 
vanniers,  qui  se  mettaient  sous  la  protection  de  saint  Antoine,  une  ver- 
rière où  se  voit  toute  l'histoire  de  ce  solitaire.  Saint  Louis  donne  un 
vitrail  consacré  à  saint  Denis,  le  protecteur  tle  la  monarchie  française,  et 
saint  Ferdinand  de  Castille,  un  vitrail  consacré  à  saint  Jacques,  le  grand 
saint  de  l'Espagne.  Enfin  les  pèlerinages  n'ont  pas  été  sans  inlhience  sur 
le  choix  des  saints.  Plus  d'un  vitrail  a  dû  être  donné  par  un  pèlerin  recon- 
naissant qui  revenait  des  fameux  sanctuaires  de  saint  Jacques  de  Com- 
postelle,  de  saint  Nicolas  de  Bari,  ou  de  saint  Martin  de  Tours.  C'est  une 
chose  très  remarquable,  en  effet,  que  saint  Jacques,  saint  Nicolas  et  saint 
Martin  soient,  de  tous  les  saints  honorés  au  moyen  âge,  ceux  qu'on 
retrouve  le  plus  souvent  dans  nos  églises.  .\  CJiarlrcs.  par  exemple,  où  la 
série  (le-<  verrières  est  presque  complète,   il  y  a  ([ualre  \iliau\  consacrés 


:,iio  HISTOIRE  DE  E'AP.T 

à  sailli  .Jacques;  quaiiL  à  saini  Nicolas  el  à  saiiil   Marlin,  ils  soiil  pciiils 
(ou  sculpics)  jusqu'à  sept  lois. 

Toutes  ces  raisons  explicpient  pourquoi  les  vitraux  consacres  aux 
saints  sont  si  nombreux  dans  nos  cathédrales.  Ils  soni  inliniuiciil  jilus 
nombreux  que  les  vitraux  consacrés  h  Jésus-Christ;  et  dans  ces  vitraux 
mêmes,  toute  la  vie  du  Sauveur  n"a  pas  été  représentée;  on  ne  rencontre 
que  son  Enlance,  sa  Passion,  et  un  très  petit  nombre  de  scènes  de  sa  vie 
pnl)li(pie,  qui  ont  été  choisies  pour  leur  signification  dogmatique. 

Les  viTRALx  uu  xiv'  siècle.  —  CARACTÈRES  généraux.  —  Nous  parle- 
rons beaucoup  plus  brièvement  des  vitraux  du  xiv"  siècle.  L'activité  des 
verriers  ne  s'est  peut-être  pas  alors  ralentie  autant  qu'on  a  voulu  le  dire, 
mais  les  témoignages  de  leur  art  sont  devenus  assez  rares.  Des  très  nom- 
jireux  vilraux  du  xiv''  siècle  qui  ornaient  les  églises  de  Paris  et  les  châ- 
teaux royaux  (car  le  vitrail  apparaît  alors  dans  les  édifices  civils),  il  ne 
reste  plus  aujourd'hui  que  quelques  verrières  à  Saint-Séverin.  Par  une 
l'atalité  singulière,  c'est  au  moment  où  les  noms  de  verriers  commencent 
à  abonder  que  leurs  œuvres  se  l'ont  clairsemées.  Ces  verriers,  d'ailleurs, 
étaient  des  personnages,  puisqu'une  ordonnance  royale  de  L'')90  les 
exempte  de  toute  espèce  d'impôts,  et  de  la  garde  des  portes. 

Il  reste,  cependant,  en  dehors  de  Paris,  assez  de  ^itraux  du 
xiv'  siècle,  pour  qu'il  soit  possililc  de  se  faire  une  idée  nette  des  carac- 
tères de  la  nouvelle  école  de  peinture  sur  verre.  Rien  ne  ressemble  moins 
à  un  vitrail  du  xiii''  siècle  qu'un  vitrail  du  xiv' . 

La  première  modification  qui  frappe  est  celle  de  l'armature.  Le  fer 
foi-gé  ne  dessine  plus  de  figures  géométriques,  cercle,  carré  ou  losange, 
comme  au  siècle  précédent.  Les  verriers,  revenant  à  la  pratique  du 
xii''  siècle,  montent  le  vitrail  sur  des  barres  de  fer  qui  sont  simplement 
horizontales  et  verticales.  La  division  de  la  fenêtre  gothique  par  des 
meneaux  de  plus  en  plus  nombreux  rendait  nécessaire  cette  simplification 
de  l'armature. 

D'autre  pari,  les  plombs,  au  lieu  d'(Mrr  multipliés  comme  au 
xni''  siècle,  sont  employés  avec  une  parcimonie  qui  frajipe  ou  premier 
coup  d'o'il.  C'est  qu'en  effet,  les  verriers  commençaient  à  fabriquer  des 
plaques  de  verre  de  grandes  dimensions,  qu'ils  ne  savaient  pas  obtenir 
autrefois.  Les  liaisons  pouvaient  donc,  sans  inconvénients,  être  moins 
nombreuses.  Mais  ce  prétendu  progrès  contribue  à  enlever  au  vitrail  son 
caractère  essentiel,  qui  est  d'être  une  mosaïque.  Il  en  résulte  une  œuvre 
d'un  aspect  un  peu  neutre,  qui  n'a  plus  les  qualités  des  vitraux  du 
xiif  siècle,  el  qui  n'a  pas  encore  celles  des  vilraux  du  xv'  et  du  xvi".  i<  Ce 
ne  sont  déjà  plus  des  mosaïques,  dit  très  jusiement  M.  V.  de  Lastcyrie, 
et  ce  ne  sont  pas  encore  des  tableaux.  » 


IJ-.S   MIMATI'RES  —  I.KS  \  ITIiAlX  ~  LA.  PEINTIRE   MIRALE         r.ït") 

(lo  (jiii  acli('ve  encore  ilcnlcvor  au  \ilrail  du  \iv''  siècle  l'aspecl  «ruiie 
mosaïque,  c'esl  le  choix  tout  nouveau  des  couleurs.  Les  \criieis  du 
xiv"  siècle  semblent  ne  plus  sentir  cette  joie  naïve  que  la  couleur  donnait 
aux  vieux  maîtres  de  làge  précédent.  Leur  sensibilité  aflinéc  se  plaît  à  des 
combinaisons  de  gris,  de  blanc  el  de  jaune.  La  grisaille,  nous  l'axons  dit, 
apparaît  au  xiii"  siècle  el  envahit  petit  à  jielil  le  \itrail.  Mais  ce  (pii  est 
particulier  au  xi\'  siècle,  c'est  l'usage  iniui(Ml(T(''  du  \erre  blanc  Au  \u'', 
au  xiu''  siècle,  le  blanc  apparaît  à  peine;  de  petites  louches  de  blanc  pla- 
cées avec  adresse  réveillent  les  couleurs  voisines.  Au  xiv"  siècle,  le  blanc 
couvre  de  vastes  surfaces  et  refroidit  tout  le  vitrail,  lùilin,  l'invention 
d'une  couleur  nouvelle,  le  jaune  d'ai'gent,  achève  de  modilier  le  caractère 
de  la  peinture  sur  verre.  Le  procédé  qui  permet  il'obtenir  le  jaune 
d'argent  difTère  de  tout  ce  qu'on  connaissait  jusque-là.  "  Le  verre  n'est 
pas  coloré  dans  la  masse,  dil  un  pi'aticien.  M.  (dtin.  il  nCst  pas  peint 
non  ])lus  :  c'est  une  teinture  qu'on  lui  donne  à  la  place  qu'on  veut.  On 
couvre  les  endroits  qu'on  désire  voir  devenir  jaunes  d'une  légère  couche 
(l'ocic  mélangé  de  chlorure  d'argent .  (  >n  cuit .  et  l'on  eidèM' l'ocie.  nnaiil 
au  ciilorure  d'ai'gent,  il  s'est  ini'orporé  au  \crre  el  l'a  rendu  jaune,  m  honc 
nui  besoin,  comme  jadis,  de  coiqier  sur  un  pairtm  des  uuu'ceaux  de  \eire 
jaune  el  de  les  enchâsser  ensuite  dans  du  plomb.  La  faeilili''  ilu  jiroci'Mb- 
inxitail  à  y  recourir  frécjuemment  :  et,  en  elTet,  le  jaune  daii;ent  nVsl 
pas  rare  dans  les  vitraux  du  xiv'  siècle.  On  voit  combien  est  eiTonée 
la  légende  qui  attribue  au  dominicain  Jacques  dTIm  Kpii  \i\ait  dans 
la  première  partie  du  xv"  siècle)  l'inNcntion  du  jaune  d'argent.  On 
connaît  l'anecdote,  qui  a  (''té  bien  souvent  contéi'  :  un  jour  ([ue  .laccpu^s 
d'I  lin  niellait  au  l'dui-  un  \ilrai!.  l'agrafe  d'argent  de  son  manteau 
tomba  sur  le  \  ei  re.  sans  (|u'ii  s'en  a|ierrùt  :  après  la  cuisson,  il  fut  tout 
étonné  en  icliousanl  l'agiafe.  de  \nir  ((u'elle  avait  communiqué  au 
xei're,  à  l'emlroil  (ii'i  elle  l'hul  lnudi(''e.  une  !)e]le  ctiuleur  jaune,  l'eu 
a|u'ès,  il  aurait  imaginé  de  rruqiiacer  1  argent  par  du  chlorure  d'argent 
nn'di''  à  de  largile. 

('.eiil  ans  avant  .lacipu's  dt  im.les  \ei'riers  français  connaissaienl  le 
procédi''  (loiil  OH  \eul  (pi  il  soit  l'inNcnteur. 

("est  i''galein('nl  au  \l\  siècle'  qu  il  faut  faire  l-cinolilel'  les  (lauias- 
(piiniH'es  sur  \erre  diiulib'',  prui-iMli'  de  décoration  qui  ne  d(Uiiia  ses  plus 
lie;ni\  ellel>(|uau  w'  siècle.  Il  \  a\ail  longtenq>s  (pu*  Ton  cnnnaissail  h' 
\i'rrc  doulili''.  A  \rai  dii-e.  le  veri'e  i-iMige,  an  \ii'' el  au  xin'  >iècle.  n'asail 
jamais  ('■t(''  euqiln\('  (|Ui'  doubli''.  C'est  (pieu  elfel  nue  plaque  de  \  imtc 
rouge,  si  elle  n  ('-lail  |ia>  d(Miblr'e  d'un  \erre  blanc,  paiailrail  nuire,  laul 
est  grande  la  puissance   du   louiic;  (in  su|)ei-posait   donc  à    une  pla(| le 

I.  l'i'iU-iMr-o  mriiic  .■iii\  (Ici'iilric-^  niiiii!'!'-;  du  \iii«  sii''cli\  -;'il  est  \  r.ii  i|iii'  lc~  \  iU'.-(ii\  de 
S.iilil   Irh.iiii  sci.'iil   lii.'ii  ii''cll(Mii(>iil   (le  (■«■Ile  ('■|io(iii('. 

T.  u.  —  ;)0 


Mi  IIISTOIHE  DE  L'AHT 

verre  hlanc  une  dès  mince  lame  de  verre  rouge  el  on  les  omalgamail  par 
la  cuisson.  C/esl  ce  qu'on  appelle  le  verre  doublé.  Un  arlistc  ingénieux 
eul  l'idée,  en  se  servant  de  l'éineri,  d'user  par  j)lace  la  couche  de  rouge  de 
l'açon  à  laisser  a})parailre  le  verre  hlanc  :  on  ohtenail  de  la  sorte  des  ara- 
besques qui  s'enlevaient  en  clair  sur  le  rouge  et  qui  donnaient  une  singu- 
lière richesse  aux  fonds.  Bicnlùl  on  imagina  de  doubler  d'autres  verres 
([uelc  rouge  et  on  multijjlia  les  elTels  imprévus.  Au  xv''  siècle,  les  robes, 
les  chapes,  les  dalmatiques  éblouissent  par  un  éclat  qui  semble  magique 
à  quiconque  ne  connaît  pas  le  secret  du  verre  doublé. 

luilin,  au  xiv"  siècle,  le  dessin  et  la  composition  du  vitrail  prennent 
un  aspect  nouveau.  Le  vitrail  narratif,  composé  de  médaillons  superposés, 
est  désormais  condamné.  L'ampleur  des  fenêtres  n'admet  plus  ces  mille 
petites  scènes  qu'il  deviendrait  impossible  de  discerner.  De  hautes  figures 
conviennent  seules  à  ces  vastes  baies  divisées  par  des  meneaux.  Désormais 
chaque  lancette  sera  occupée  par  un  saint,  souvent  plus  grand  que  nature. 
Mais  comment  garnir  la  partie  haute  de  ces  longues  lancettes?  Une  simple 
grisaille  serait  pauvre.  Les  artistes  du  xiv"  siècle  imaginèrent  d'amplifier 
le  léger  dais  d'architecture,  qui,  dès  le  xiii''  siècle,  apparaît  au-dessus  de  la 
tète  des  personnages  isolés.  11  est  probable  qu'au  xiii*"  siècle,  ce  dais  avait, 
dans  la  pensée  du  dessinateur,  une  valeur  symbolique  :  il  isolait  les  saints 
(lu  reste  de  la  Icrre,  les  montrait  au  seuil  de  la  Jérusalem  céleste'.  Au 
xiv''  siècle,  ce  dais  modeste  devient  une  véi'itable  église,  avec  ses  pinacles, 
ses  arcs-boutants,  ses  gargouilles.  Il  y  a  dans  ces  couronnements  d'arclii- 
tecture  une  richesse  d'invention  souvent  merveilleuse.  Pour  donner  une 
impression  de  vérité  plus  grande,  l'artiste  ne  peint  pas  ses  clochetons  et 
ses  pinacles  ;  il  les  laisse  blancs  comme  la  pierre  neuve.  Parfois  cepen- 
dant il  les  relève  de  jaune  d'or  ou  même  les  dore  tout  à  l'ait;  on  ne  songe 
plus  alors  à  une  église  mais  à  un  i-eliquaire. 

HISTOIRE.  —  Les  premiers  vitraux  du  xiv'  siècle  restent  encore 
tiès  apparentés  à  ceux  de  l'Age  précédent.  Quelques-uns  des  vitraux 
de  Saint-Père  de  Chartres,  et  notamment  celui  de  Jean  de  Mantes,  qui 
est  de  1507,  les  anciens  vitraux  de  Deauvais,  dont  l'un  est  de  1510;  enfin, 
à  la  cathédrale  de  Chartres,  le  vitrail  du  chanoine  Geoffroy,  dont  la  date 
Hotte  entre  1510  et  1517,  sont  des  essais  assez  timides.  A  Chartres 
notamment,  l'architecture  se  réduit  à  une  maigre  arcature  ornée  de 
crochets. 

Dans  le  midi  de  la  France  (où  le  vitrail  fait  alors  son  apparilion),  les 
veri'iers,  très  éloignés  des  ateliers  du  Nord  et  assez  étrangers  h  ce  qui  s'y 
fait,  composent  des  vitraux  qu'on  pourrait  attribuer  au  xiiT  siècle.  Les 
belles  verrières  de  Saint-Nazaire  de  Carcassonne,  qui  ont  été  exécutées 

1.  On  se  souvient  que  les  décorateurs  Uu  xu»  siècle  peignent  les  figures  des  élus  sous 
des  arcalures  dans  la  scène  du  Jugement  dernier. 


I.FS  MINIATURES  —  I,i:S  VITRAUX    -  I.A  PEINTURE  MURALE         r.'.i.". 

(Miirc  l."i>()cl  1,","(),  sunl  aussi  r'i)louissanle.s  ([lie  celles  du  la  ij:;raii(lc  ('•|i()(nie. 
On  y  retrouve  presque  lous  les  procédés  anciens  :  ce  sont  peul-èlie  les 
derniers  vitraux  à  médaillons  légendaires. 

Mais,  dans  la  France  du  Noi'd,  à  la  iiiènie  date,  le  slyle  nouveau  avait 
d(''jà  lous  ses  caractères  essentiels.  Pendant  que  les  verriers  de  Carcas- 
sonne  mettaient  en  place  les  vitraux  si  chaudement  colorés  de  Saint- 
Nazaire,à  Chartres  le  chanoine  Guillaume  Thierry  faisait  exécuter  le  petit 
vitrail  du  transept  méridional  de  la  cathédrale  où  se  voient  des  saints 
et  (les  saintes  (lô'iS).  Rien  de  plus  éloigné  de  l'art  ilu  xiiT'  siècle,  mais 
aussi  rien  de  j)lus  froiil  :  c'est  une  simple  grisaille  relevée  d'un  peu 
(le  jaune. 

A  partir  de  1500  environ,  c'est  dans  le  chœur  de  la  cathédrale 
d'Evreux  qu'on  pourra  le  mieux  suivre  l'histoire  du  vitrail  jusqu'aux  pre- 
mières années  du  xv"  siècle.  Aucuu('  série  n'est  plus  précieuse.  (  h\  y  voit 
l'art  du  vitrail  se  transformer  et  s'enrichir  sous  ses  yeux.  La  plus  ancienne 
verrière  est  probablement  celle  de  Guillaume  d'IIarcourt,  qui  mourut  en 
17}21  :  il  est  possible  d'ailleurs  que  le  vitrail  ait  été  donné  quelques  années 
après  sa  mort  par  sa  veuve,  qu'on  voit  agenouillée  en  face  de  lui.  L'archi- 
tecture qui  encadre  les  personnages  a  déjà  de  l'anqihnr  cl  ne  rajipcllr 
plus  les  timides  essais  des  débuts  tlu  siècle;  cependant  les  pinacles  ne 
s'élèvent  pas  encore  hardiment  et  n'osent  guère  empiéter  sur  le  vaste  fond 
de  la  grisaille.  Mais  dans  le  vitrail  donné  par  Charles  le  Mauvais,  sans 
doute  vers  le  milieu  du  siècle,  les  ornements  d'architecture  deviennent 
magniti(iues.  L'artiste,  épris  de  vérité,  a  eu  l'audace  de  simuler  un  effet 
de  perspective  :  sous  un  des  pinacles  on  aperçoit  la  voûte  d'une  église 
a\ec  ses  nervures.  Enfin,  dans  les  ileux  vitraux  donnés  ])ar  Bernard 
C.ariti,  évèque  d'Evreux  de  l."i7(i  à  iri.S.l,  on  devine  déjà  l'art  du  xv''  siècle. 
L'artiste  ne  veut  plus  faire  un  décor  translucide,  il  essaie  de  l'aire  un 
tabh-au.  La  figure  de  l'évèque,  cpi'il  a  dessinée  deux  fois,  est  un  portrait, 
et  un  portrait  d'une  singulière  acuité.  Il  essaie  de  mettre  en  pcrspecti\e 
non  seulement  les  voûtes  que  les  personnages  ont  au-dessus  de  leur  tète, 
mais  encore  le  parquet  en  damier  qu'ils  ont  sous  les  pieds.  P]nfin  la  boi'- 
dure  grise,  (pii  jusque-là  encadrait  les  \  itraux  du  xiv''  siècle,  est  supprimée 
et  remplacée,  pour  plus  de  vérité,  par  un  montant  d'architecture.  Nous 
sommes  ici  à  la  fin  du  vrai  moyen  âge.  (le  cpii  suffirait  à  le  prouver,  c'est 
la  place  qu'occupe  l'évèque  Bernard  Carili  :  il  n'es!  pas  agenouillé,  connue 
jadis,  aux  pieds  de  son  patron  saint  IScrnard  ;  il  csl  debout  à  ses  côtés, 
aussi  grand  que  lui,  et  semble  s'otVi'ir,  connue  lui,  à  la  \('ni'iali(in  dis 
fidèles.  Ces  vitraux  du  cho'ur  d'Evreux  sont  les  pins  beaux  du  \i\'  siéile. 
Ils  sont  d'une  linq)idili'  (bdicieuse  :  ce  ne  sont  tprots  légers,  bleus 
aériens,  rouges  tianspairnls.  blancs  ai-genlins.  Tout  es!  jiur;  aucune 
nuance  rompue,  point  dr  \i(i|ri  ronunc  au  xiu'   siècle.  Ils  s'Iiai  lunniscnt 


:,>.m  iiisroiiiK  dp:  i/aht 

lii(M\  cillriisciiiciil  :i\cc  ce  clinMir  liniiilicux.  laryciiii'lil  ('•chiiii'  cl  Idiil 
M;iii.-. 

(In  I  riiiiNC  ilc.s\  il  i;iii\  du  \l\'  s  ire  le  (liss(''iiliii(''>  dans  liinlc  la  |- raucr,  : 
il  \  en  a  (|iicl(|n('s  licaiix  rcsics  à  Limoges,  à  (llciiiioni,  à  Troyes,  à  Nar- 
hoiiiic  Mais  il  rsl  inliTcssaiil  «le  ikiIci- (|nc  ("i-sl  la  Xorinandii'  ([iii  nous 
oITre  \c  u;v<>u\>c  le  plus  conijiact  :  on  en  Irousc  dans  le  clui'ur  de  Sainl- 
Oncn  de  iSniu'ii  i|ui  se  dislingucnl  par  la  bcaulé  des  orncmcnls  d'arclii- 
IccJurr;  (in  m  |i((uvr  aussi  à  la  catliédralc  de  lioueii.  dans  la  vasle  clia- 
pi'lii'  du  (dic\cl,  qui  oïd  les  in(Mues  (pialil(''s.  La  cal  li('Mlralc  ilc  S(''c/.,  celle 
de  (liudances  oui  de  nondinnix  iVagnuMils  d'un  cnsenihle  (pu  did  r\v<-  iui- 
posaul.  Imicux  a  la  l)(dlc  série  (\ue  nous  avons  siij,iKdce. 

Daulre  pari,  il  csl  curieux  ipu'  rAnyleleirc  soil  aussi  lii  lie  cjue  la 
Xoruiandie  en  vitraux  du  \i\'  siècle.  (  In  en  voil  à  la  calli('drale  d'l<]xel(>i', 
dans  la  callicdrale  el  dans  la  maison  du  clia|)ilre  à  York,  à  \\  cils,  à 
Gloucesler,  à  Merlon  f".olleg-e  (Oxford).  Il  y  a  là  autre  ciiosc  (pi'une  coïn- 
cidence. Les  \ilraux  anglais  oll'reul  de  rra|ipanles  rcssendilances  avec  nos 
\ilranx  ncuMiiands.  ( '.es  analogies  on!  ('■!('■  signal(''cs  par  .M.  \\  c^ilake.  (pu 
rappidi-lie,  par  cxeui|ilc,  les  xili'aux  d  l'^xeler,  ceux  de  la  maison  du  clia- 
pilre  d'York  cl  ceux  de  Merlon  Collège  des  vilraux  de  iiouen.  Les  gri- 
sailles eu  s(ud  |u-csque  identiques  :  c'est  ini  quadrillé  l'ait  de  losanges 
iiidc'diiiimciit  |-('qi ('•!(■•  s  dont  le  cent|-e  es!  ()ccu|ié'  par  (pH'l(pu's  reuilles 
d  arlires.  Il  est  inqiossilile  d'alIrilMH'r  ces  resscmlilances  au  liasard. 
I>  ailleurs  une  anciemu'  Iraditioii  \i'id  (pic  les  \ilraux  d'ivxetcr  aient  rlv 
acliet(''s  à  lioucn.  Il  y  eut  donc,  seuilde-l-il,  au  xi\'  siècle,  un  gi-aml  atelier 
d'où  son!  sorties  la  plupart  des  \('rri(''res  de  la  Normandie  et  de  l'Angle- 
terre.  <U\  se  trouvait  cet  atelier?  M.  \\  estlake  veut  qu'il  ait  (■■t(''  en 
France  cl  le  placerait  volontiers  à  Rouen.  S'il  en  était  ainsi,  pres(pie  Ions 
les  \itiaux   anglais,  du  xu'   au  xv'siècle,  seraient  l'raii(;ais  d'origine. 

Dans  1  Est,  les  \itrau\  du  xiv'  si(''(de  ont  une  physionomie  assez  diOV'- 
' rente.  L'Alsace  n'adople  [las  l'i  aiudienicut  les  p]'ati(pies  nouxcllcs.  Les 
beau.x  vitraux  de  Strasboui'g,  qui  mériteraient  une  longue  élude,  sont 
plus  apparentés  que  les  nôtres  à  ceux  du  xiii''  siècle.  L'architeclurc  y  tient 
moins  de  place,  les  couleurs  soni  plus  \i\'es,  et,  hieii  (pie  les  ui{''daillons 
soient  supprimés,  la  composition  conserve  encore  son  caractère  narratil' 
(Vie  de  Jésus-Christ). 

Telles  sont,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  les  quelques 
idées  que  peuvent  suggérer  les  \  ilraux  du  moyen  âge.  On  trouvera,  avec 
raison,  (jue  c'est  bien  peu.  Mais,  nous  l'avons  dit,  ce  chapitre  de  l'histoii'e 
de  l'art  ne  pourra  être  écrit  que  le  jour  où  des  artistes  de  bonne  volonté 
auront  a(dicv(''  le  i'uriKis  de  nos  anciennes  \  (■rri(''res,  c()mmenc(''  il  y  a  pins 
de   soixante  ans  par  les  PP.  Martin  et  Cahici' et  pai'M.  h',  de  Lasteyiie. 


I.IiS  .MlMATLliLS   -     LES  \  ITHAUX     -  LA  l'EINTL HL  Ml  UALE 


LA    PEINTURE    SUR    VERRE     EN    SUISSE' 

Li:  xiii'  sii'(  i.i:.  —  ()uui(jiic  la  Suisse  n"ail  jamais  clv  un  (•ciiliv  d  arl 
liés  |iroductif,  les  ('■iliiiccs  des  époques  romanes  et  golhi(|ues  n'\'  luaii- 
qucnl  pas.  La  plupart  d'enLre  eux  onL  loulefois  été  dépouillés  de  leurs 
)ieintures,  et  il  ne  reste  aujourd'liui,  eu  fait  de  vitraux  du  xiii'  siècle,  que 
lieux  ensembles  à  signaler  :  Ja  rose  de  la  catli(''drale  de  Lausanne  et  les 
\itraux  du  couvent  de  W'etlingen  (Argovie). 

La  rose  de  la  calliédrale  de  Lausanne  est  un  ensemble  important; 
\  illard  de  lionnecourt  en  avait  été  fi-appé  et  l'a  reproduite  dans  son 
cailler  de  dessins,  sans  toutefois  se  conformer  exactement  à  l'original. 
Klle  décore  l'extrémité  du  transept  méridional  de  la  cathédrale  et  date  du 
dernier  ijuart  du  xm'  siècle.  Klle  se  rattache  à  la  série  des  roses  de  cette 
(■'licxpu'  (pie  la  l'iance  possède,  et  se  compose  en  grande  partie  de  ligures 
allégoriques  pcrsonnilianl  les  éléments.  Sur  (il  figures,  il  en  reste  40. 
Celles  fpii  manquent  ont  éti''  rem])lacécs  soit  par  des  vitraux  modernes, 
sdil    pal'  des  fragments  anciens   |ir(i\  ruant   d'un  autre  \itrail, 

La  rose  se  couqtosc  de  jiliisicurs  arcs  de  cercle  ciMubinés  autour 
d'un  carre.  Les  mois,  les  éléments,  le  soleil  et  la  lune,  les  fleuves  du 
])aradis  et  d'autres  ligures  consacrées  par  la  tradition  iconographique 
et  dessinées  conformément  au  type  reçu  en  constituent  la  décoration.  Les 
mois,  les  saisons,  le  soleil  et  la  lune,  le  jour  et  la  nuit  sont  représentés 
par  des  allégories.  Le  pi-intemps  est  personnilié  })ar  un  homme  aux 
cheveux  gris,  par  allusion  à  la  neige.  L'ét<''.  sous  la  figure  d'une  femme, 
est  entouré  de  rayons  lumineux  et  faisait  pendant  au  feu,  qui  a  disparu. 
L'automne,  un  homme  placé  entre  deux  ceps  de  vigne,  est  mis  en  regard 
de  la  terre.  L'hiver  enfin,  un  homme  couvert  de  neige,  est  opposé  à  l'eau, 
une  déesse  fluviale  voguant  sur  les  ondes  vertes.  Ces  personnifications 
du  temps  et  de  la  matière  sont  complétées  par  celles  des  quatre  lleuves 
du  paradis,  auxipielles  viennent  s'ajouter  des  monstres,  évocatcurs  de 
mondes  lointains  et  inconnus,  et  d(inl  l'inspiration  remonte  aux  l'ères 
de  l'Eglise,  en  particulier  au  De  Civitale  de  saint  Augustin. 

Ces  diverses  figures  s'harmonisent  en  une  cosmogonie  (pii  iciid  au 
môme  but  que  les  grands  ensembles  réunis  devant  les  portails  gothiques, 
c'est-à-dire  en  un  hymne  k  la  gloire  du  Créateur. 

Les  c(d()rati(ins  soiil  harmonieuses,  \i()li'is  et  verls  di'licats  se  déta- 
chant sur  un  fond  a/iir.  Les  rouges  et  les  jaiino  soiil  rares,  cl,  lors(pic 
r.irli>lc  les  emploie,  il  les  s('-pare  par  îles  intei'sl  iccs  incolores. 

1.   l'.u'  M.  Conrad  .h-  .Mandiicli. 


598  lilSTOUîE  DE  L'AnX 

Ouelqucs  vili:m\  du  cuiiveiit  de  AXcllinj^'en  peuvent  èlre  datés  de 
|'2!i;!.  Ce  sont  des  morceaux  d'un  bel  effet  décoratif,  exécutés  d'une  façon 
sommaire  d'après  des  modèles  romans.  La  coloration  est  brillante  et 
souple.  D'autres  rosaces  contenant  les  figures  du  Christ  et  de  la  \'iergc 
paraissent  d'un  style  plus  récent  que  les  vitraux  purement  décoratifs. 

Le  style  roman  continue  à  prédominer  dans  les  peintures  suisses  de 
la  fin  du  xiu''  siècle.  Ce  n'est  qu'au  début  du  siècle  suivant  que  les  formes 
gothiques  devaient  être  adoptées  d'une  façon  définitive.  D'ailleurs,  les 
O'uvres  datées  de  la  fin  du  xui'' siècle  sont  très  rares,  et  il  semble  qu'après 
l'achèvement  des  grandes  églises  de  Bàle  et  de  Zurich,  il  y  ait  eu  un  arrêt 
dans  la  production  artistique  du  noi'd  de  la  Suisse.  Cette  période  de 
repos  ne  l'ut  pas  stérile,  car  c'est  à  ce  moment  que  les  princiiies  de  l'art 
gothiipie  commencèrent  à  influencer  la  peinture,  dont  le  caractère  se 
transforma  au  xiv''  siècle. 

Le  xiv'  siîicLi:.  —  Le  début  du  xiv'"  siècle  fut  assombri  par  d'âpres 
luttes  politiques  entre  les  maisons  souveraines,  le  haut  clergé  et  la 
noblesse  féodale.  Dans  la  Suisse  allemande,  les  Habsbourg  cherchèrent  à 
affirmer  leur  pouvoir;  dans  la  Suisse  française,  Pierre  de  Savoie  agrandit 
son  territoire  jusqu'à  ce  que  la  rivalité  des  Habsbourg  imposât  une  limite 
à  son  ambition.  Malgré  les  temps  troublés  que  traversait  le  pays,  l'art 
religieux,  complément  obligatoire  du  culte,  s'enrichit  de  nomiu-cuses 
donations,  et  le  vitrail  y  prit  une  place  considérable. 

En  Suisse,  le  principe  du  style  gothique,  qui  tend  à  remplacer  les 
pleins  par  les  vides  et  à  réduire  la  construction  à  un  squelette  de  pierre, 
n'a  pas  été  appliqué  aussi  rigoureusement  que  dans  certaines  contrées  de 
France.  Cependant  les  chœurs  y  ont  une  forme  élancée,  et  leurs  fenêtres 
étroites  et  élevées  se  prêtent  tout  naturellement  à  l'adaptation  de 
verrières. 

Les  vitraux  du  xiv*^  siècle  conservés  en  Suisse  présentent  plus  sou- 
vent des  figures  isolées  de  grande  dimension  que  de  petits  médaillons 
contenant  des  épisodes. 

Parmi  les  plus  anciennes  verrières  du  xiv""  siècle,  il  faut  citer  un 
vitrail  de  l'église  de  Roment,  conservé  au  musée  de  Fribourg  et  repré- 
sentant saint  Sylvestre. 

Dans  l'église  de  Blumenstein  près  Tlioune,  deux  verrières  de  la 
même  époque  contiennent  quatre  saints  entourés  de  cadres  gothiques. 
Au-dessus  de  l'un  d'eux,  saint  Christophe,  on  aperçoit  une  rivière  dans 
laquelle  nagent  des  poissons  dorés.  C'est  la  première  fois  que  pareille 
nuance  apparaît  dans  les  vitraux  suisses.  Le  donateur  figure,  avec  son 
écusson,  au  bas  du  vitrail. 

Les  verrières  de  Koniz  (canton  di'  Berne)  présentent  le  même  carac- 


LES  MINIATURES  —  LES  VlTIiAlX  -  LA  PLLNTUHE  MURALE 


trre  (|ue  celles  de  Bluincnslciii.  La  forme  des  cadres  commence  ioiderois 
à  s'alléger. 

Les  vitraux  de  IV-glise  de  Kappel  (canton  de  Zuricli)  sont  d'un  style 
plus  avancé.  Ouoique  les  pieds  des  personnages  soient  dessinés  d'une 
façon  encore  toute  sché- 
matique, et  en  une  projec- 
tion qui  ne  correspond  pas 
à  la  réalité,  les  visages 
deviennent  plus  expressifs 
et  les  attitudes  plus  vives. 
L'encadrement  s'enrichit 
de  formes  nouvelles. 

Dans  les  verrières  de 
Miinchenbuchsee  (canton 
de  Berne),  on  constate  une 
frappante  affinité  de  style 
avec  les  vitraux  de  Kappel. 
Outre  les  saints  de  grandes 
proportions,  elles  contien- 
nent quelques  compositions 
relatives  à  la  Passion  du 
Christ. 

L'abbaye  d'Hauterivc 
(canton  de  Fribourg)  pos- 
sédait un  bel  ensemble  dont 
les  fragments  ornent  ac- 
tuellement la  Collégiale  de 
Fribourg  et  la  chapelle  du 
cliAteaudeHerrnsheimprès 
de  W'orms.  Les  scènes  de 
la  Passion  du  Christ  insé- 
rées dans  des  médaillons, 
ainsi  que  les  symboles 
des  Evangélistes  ,  sont 
d'un  réalisme  qui  rap|)rlie 

les  vitraux  des  bas  côtés  de  la  cathédrale  de  Fribourg-cn-Brisgau. 
L'art  suisse  est  un  art  de  reflet.  Ses  attaches  le  ramènent  conslam- 
mrnl  aux  centres  plus  importants  des  pays  limitrophes,  qu'il  s'agisse 
de  la  France  pour  la  Suisse  romande,  de  l'Allemagne  pour  la  Suisse 
allemande,  ou  de  l'Italie  pour  la  Suisse  italienne.  On  peut  tcnilcfois  con- 
stater quehpies  iraits  communs  dans  le  développement  du  viliail  suisse 
au  xiv'   siècle.    L'elTort  artistique  s'y  fait  sentir  surtout   dans   iV-Iégancc 


FiG.  28 i  —  Vitrail  de  l'église  de  K;ii)i)el 
(canton  de  Zuricli),  xiv  siècle. 


iim  iiisToiiu-:  ni".  i;ai!T 

(li's  coiirlx^s.  En  iiiriiie  li'iii|is,  li's  |ieiiilr('s  v(M'rirrs  «■lirrcliciil  à  s'cmaii- 
cilHT  (les  formes  liadil inniirllrs  el  à  se  rapproclici-  de  la  iialure.  Les 
saints  commencent  à  prendre  vie  et  à  s'incliner  avec  Menveillancc  vers  le 
spectateur.  Quant  au  décor,  il  est  purement  linéaiie,  dépourvu  de  tout 
modelé,  mais  d'un  style  imposant. 

Les  plus  beaux  vitraux  de  cette  époque,  en  Suisse,  se  trouvent  au 
couvent  <]c  KimiiisiVldcn  (Argovie).  A  la  suite  de  l'assassinat  d'AUjcrl  l" 


jmiMil   iriiii   \ilr.iil  ilr  r.-Kli 


ili'  KDriigsfeldeii  (r.-inlon  J'Ar-i;o\iei 


d'Aulriclie  en  L")(I8,  la  reine  Agnes  avait  l'onde  sur  le  lieu  du  meurtre  un 
couvent  de  F'ranciscains,  ([ui  fut  doté  par  la  maison  d'Auti'iclie  de  nom- 
breuses et  insignes  œuvres  d'art  durant  le  xiv''  siècle.  Les  \  itraux  furent 
confiés  à  lies  artistes  supérieurs  à  ceux  ([ui  travaillaient  en  gén(''ra]  dans 
Cl'  ]iays.  Ils  oITrenI  un  inlér("'l  auquel  ne  peu\enl  pri'lendre  les  ;iiili-es  ]iro- 
diietions  de  la  Suisse  à  cette  époque. 

Les  fen(Mres  <le  l'église  eonlenaieni  pl'inulix  <'nienl  loulrs  des  \  ili'anx. 
Aujouid'liui,  les  verrières  du  cbœur  seules  ont  conserve''  uni'  partie  de 
leur  décoration.  Elles  contiennent  des  scènes  relatives  à  la  \  ir  liu  Chiisl, 
de  la  Vierge,  de  saint  Paul,  de  sainte  Catherine,  de  saint  Jean-Baptiste, 
de  sainte  Hllisabeth  de  Hongrie,  de  saint  François  d'Assise,  de  saint 
Antoine  l'ilermite  et  de  sainte  Claire.  On  y  voit,  en  plus,  des  figures 
d'.Vpùtres  el  des  portraits  de  donateurs.  Des  travaux  de  restauration 
récents  peinie'ttent  actuellement  d'apprécier  ces  œuNres  à  leur  jusle  \aleiu'. 


LES  .MIMATUHI'S  —  LES  VITRAUX    -  LA  PEINTURE  MURALE         iOl 

H'ajurs  M.  II.  Lcliinann,  ces  divers  vilraiix  onl  élé  exéoulés  eiilrc  les 
aiiiires  l">ll  cl  l.iriT.  Le  slyle,  en  i)ar[ieulier  celui  de  la  décoralioii,  se 
développe  au  lui-  cl  à  uiesui'c  que  ces  ouvrages  sont  de  dates  plus 
récenlcs.  Kn  i;('iii'ial  la  composition  est  claire  et  d'un  effet  heureux;  les 
gestes  sont  francs,  les  pliysionomies  bien  marquées.  C'est  le  cas  surtout 
pour  les  scènes  de  la  vie  de  saint  François,  dont  le  souvenir  faisait  alors 
\ilircr  tous  les  cœurs.  De  nombreuses  figures  héraldiques  révèlent,  en 
uulre,  le  sens  décoratif  dont  étaient  doués  les  artistes  de  ce  temps. 

En  Suisse,  l'art  du  vitrail  lient  une  grande  place.  L'ordre  de  Citeaux 
a  particulièrement  contribué  à  l'y  répandre,  au  xii"  siècle.  Plus  taid,  les 
associations  laïques  se  sont  emparées  de  celle  spécialité,  et  les  archives 
du  xiv"  siècle  mentionnent  des  peintres  verriers  à  Bàle  et  à  Berne.  On  ne 
faisait  alors  aucune  dilTérence  entre  les  peintres  et  les  artisans  verriers, 
de  telle  sorte  (pi'un  seul  et  même  indi\idu  s'occupait  de  la  |teiiilure  et  de 
la  fabrication  du  \  err(^  Lorsque  l'indusirie  du  vitrail  deviid  plus  active, 
on  vil  s'élalilir  des  fabiicpies  de  verrerie  dans  les  centres  boisés.  Dès  lors, 
les  peintres  lixés  dans  les  villes  se  bornèrent  à  la  composition  des  cartons 
et  à  la  peinture  proprement  dite,  la  fabrication  du  verre  étant  laissée  à 
l'indusirie  ouvrière. 

LA    PEINTURE    DÉCORATIVE    EN    FRANCE    AU    Xllt 
ET   AU    XIV    SIÈCLE' 

Nous  parlerons  brièvement  de  la  peinture  décorative  en  France  au 
xui''  et  au  xiv*"  siècle.  C'est  qu'en  efl'et  la  grande  peinture  monumen- 
lale,  >i  llorissanle  au  xn'' siècle,  décline  et  meurt  au  xiu''.  Au  moment  où 
les  peinli-es  conunencaienl  à  observer  la  nalur(^  avec  anu)ur  (coninie  à 
.MonI morillon  1,  el  faisaient  pressentir  les  découvertes  de  (iiollo,  des 
églises  nouvelles  surgirent  où  leur  art  ne  trouva  plus  de  place.  L'archi- 
tecture gothique  n'était  nullement  favorable  à  la  peinture  murale.  A  la  fin 
du  xii'  siècle,  les  églises  présentaient  encore  de  vastes  surfaces  planes; 
mais,  à  mesure  qu'on  avance  dans  le  xiif  et  le  xiv"  siècle,  on  voit  les 
pleins  diminuer,  les  vides  augmenter  jus([u'aux  limites  exlrèuK^s  du  pos- 
sible. Comme  tout  le  poids  de  la  voûte  repose  par  les  arcs-boulanls  sur 
les  eoulre-forts,  les  murs  peuvent  disparaître,  et  la  nef  tievieni  une  lumi- 
neuse maison  de  verre.  (Jnebiues  murs  de  clia|ielles,  divisi's  |iai-  des 
colonnclles,  voilà  loni  ce  «pii  re>tail  au  cli''coialeiir.  Il  fallul  pa\erpar  le 
>ac|-ilice  di'  nos  \  ieillo  ('■colo  ([,■  pcini  lli-e  celle  noble  invciilioli  i\r  l'ai'l 
golllique.  L'Ilalie.  relielle  à  nos  pralic|nes,  el  loil|onrs  lidéle  .'lia  vieille 
l'orme  l)a>ilicale.  où  les  pleins  l'emporlciil  sur  les  \  ides,  snl  C(  nisi'ix  e|-  les 
lra<lilions   del'arl    moiinnieiil  al.  elliieiiiril    en!    un   Cinialnn''  l'I  nii  (  lioll  o. 

I.    iMi-  M.  Ij.lllr  M.lhv 

T.    II.    —    Ôl 


402  IllSTOIlil':  l»l'.  I.  AliT 

l'iii  l^'raiicc,  l.-i  |M'iiiliirc  ne  inoiii'iil  pas,  mais  elle  se  Iraiisini-iiia  ;  vWv 
(lc\iiil  la  |)riiiliiiT  Mil'  Ncrt'c.  'l'oiil  le  L;(''nii'  que  1rs  ancicmics  ('■colcs 
avaiciil  (Irpciisé  à  couvi'ii'  les  mui's  de  IVcstiiics,  les  ai'lislcs  du  xiii'  sirclc 
le  iiiii'(Mil,  comme  nous  l'avons  dil,  à  enluminer  leurs  \  ilraux.  I!il  rxcni|i!r 
de  <■  IV'Vdluiion  des  genres  »  sous  la  pression  de  la  nécessi[(''. 

Si  donc  on  xcul  avoir  une  idée  de  la  vraie  peinlure  décoraiixe  du 
xiii'   sièele,  en   Fi'ance.  c'esl   dans  les  ^  ilraux  (|u'il  l'an!   IcHudier. 

Touierois,  comme  nous  allons  le  monlrei-,  il  y  eul  encori'  des 
peinli'cs  lialiiles  à  décorer  un  mur  de  couli'ni's  liarumnieuses  ;  mais  leurs 
œuvres  eurent  un  caractère  tout  nouveau. 

Ce  sont  les  ^  ilraux  ipii  ol)lig'èrenl  les  peinires  à  modiiier  toute  la 
gamnu'  des  cdulenrs  (pi'ils  employaient  dans  la  l'res([ue.  Conunent  la 
peintui'e,  telle  «pion  l'avait  prali(juée  jus([ue-là,  avec  ses  ocres,  ses 
,  blancs  cl  ses  gris,  aurait-elle  pu  lutter  avec  la  lumière  puissamment 
colorée  (pii  lomliait  des  vei'rières?  Les  Ideus  prol'oinls,  li^s  rouges  de 
pourpre  lra\i'rs(''s  par  le  so1(m1  emplissaieid  r(''glise  d'une  almosplière 
(■(dorée  «pii  diMmisail  riiarmouie  discrète  des  anciennes  Ircscjues.  11  fal- 
lait un  renoncer  à  la  peinture  ou  exalter  les  couleurs  jusqu'au  ton  des 
\ili'auN.  ('.'esl  à  <'e  dernier  pai'li  <pi'((ii  s'arr('''ta.  Alors  apparurent  les  ideus 
d  azur  ou  de  c(d)all,  les  vernnllons.  les  pourpres  et  les  ors.  l  n  art  nou- 
veau l'ut  tr(Mi\é  <|ui.  comme  1  ancii'U,  eut  ses  lois. 

L'intérieur  de  la  Sainte  Chapelle,  tel  (piil  a  été  restauré,  nous  donne 
une  idée  assez  juste  de  ces  harmonies  nouvelles.  Les  traces  de  l'ancienne 
décoration  étaient  assez  visibles  pour  qu'on  ait  pu  les  raviver  pres(jue  à 
coup  sur.  Le  rouge  cl  le  bleu  sont,  comme  dans  les  vitraux,  les  couleurs 
diuninanles.  Ce  rouge  et  ce  bleu,  relevés  de  touches  d'or.  ri\aliscnl 
d'éclat  avec  les  couleurs  translucides.  Les  nervures  sont  en  or  pui'  et 
les  voûtes  sont  d  lui  Ixd  azur  >\nL'  des  étoiles  d'or  rendent  plus  lumi- 
neux. L'or,  comme  l'a  fort  bien  exjiliqué  VioUet-le-Duc,  est  la  seule 
couleur  qui  ne  se  ternisse  [las  au  contact  du  bleu:  le  rouge  devient 
\  ioli.'l  el  le  jaune  de\ien[  \i'rt,  mais  l'or  garde  loul  son  i''i-|al  cl  rend 
le  bleu  lui-mèmi'  plus  h'^ger  et  plus  aéi'ien.  loule  celte  peinlure  est 
purement  décorative;  il  y  a  cependant,  à  la  Sainte-Chapelle,  dans  les 
(puilre-feuilles  d(_'  l'ai-c'atni'c,  loule  une  série  de  petites  fresipics  con- 
sacrées aux  nuu-lyrs.  (In  \oit  saint  Sébastien  peicé  de  t]èches,  saint 
Biaise  déchiré  par  des  piipics  de  fer,  saint  Di'uis  di'Mapil(\  >aiiil  b^tienne 
lapidé.  Pour  donner  ])lus  d'éclat  à  ces  peintures,  et  pour  bs  nu'lti'e 
en  harmonie  avec  loul  li'  resle.  l'arliste  avait  imagiui''  de  renqdir  les 
fonds,  sur  lesipirls  .-^e  d('la(dieiil  le>  personnages,  de  pbnpu's  de  \i'rre 
azurées  (pie  i-el(''\ent  encore  des  rinceaux  d'oi-.  lùilhi,  les  douze  belles 
statues  d'.\pôtres  qui  s'adosseni  aux  colonnes  sont  elles-iuème  peintes, 
dorées  et  incrustées.   Telle   est    celte   savante  décoration   intérieure  où 


.i:s  AriMATlRES  —  LES  VITiiAI  \         I.A  l'ElXTlP.E  MURAI, K 


('  (li^  Reims  [irésciihiil  (|uc 


(nul   il  l'Ié  calrul('':   le  jiiMiilrc   csl    (lovciiii   I  aiixilinirc   du    inafli'c   \ri-i'ici-. 

Lo  . Mil'' siècle  ilul  |ii'i''sciilri-  hi^uieoup  (l'iiiirTicuis  i1('m-((|-i''s  Miixanl  \r 
syslème  adopte  à  la  Saiiile-(  lliapelle.  Le  niallicur  est  i|u'il  nous  en  rcsie 
foi't  peu.  A  la  cathédrale  du  Mans,  la  profonde  chapelle  delà  ^'ie^l;(■.  Imil 
éiilouissante  de  vitraux,  reçut  à  une  épo([ue  indéterminée  (au  xi\'  >irilr 
projjahlement)  une  décoration  peinte,  dont  quelques  restes  sidjsislenl 
encore.  Des  anges  musiciens  occupent  les  compartiments  delà  voûte  et  se 
détachent,  non  plus  sur  lazui-,  mais  sur  de  riches  fonds  roiines.  L'or 
apparaît  (^n  jilus  dua  endi'oil.   Les  nervures  étaient  égalemrni    pcinles. 

La  chapelle  de  la  \'ierg'e  à  la  eallii'dral 
ques  restes  de  peintures  qui 
ont  disparu  lors  dune  res- 
tauration récente.  Un  frag- 
ment, reproduit  [lar  M.  Laf- 
lillée,  nous  montre,  comme 
à  la  Sainte-Chapelle,  l'azur 
et  l'or. 

La  tonalité  de  !a  fresipie 
s(^  irouxe  donc,  au  xiii'  siè- 
eje.  pi'orondémenl  modillée 
par  le  \ilrail.  On  voit  même 
un  curieux  phénomène  : 
dans  beaucoup  d'églises,  où 
il  n'y  avait  probablement 
lias  de  vitraux,  les  artistes 
adoptèrent  les  procédés  nou- 
veaux, mais  en  atténuani 
Innli-rciis  la  vivacih''  des  cou- 
leurs. L'église  du  Pelit-Ouc- 
villy.  jirès  de  Rouen,   nous 

oll're  un  lion  exemple  de  l'euiidni  des  l'éeenles  mélliodes.  La  voùle  du  elueur 
est  décorée  de  médaillons  ipji  repiV^senleiil  l'hisloire  des  Mages,  la  fuileeii 
Egypte,  le  Baptême  de  Jésus-(  lliri^l .  Cerlaiiis  détails,  par  exemple,  l'alli- 
tude  de  saint  Joseph  se  relduinanl  pour  contempler  la  A'iei'^i'  el  riùilanl 
montés   sur  l'âne   dont   il   lien!    la    bride,  prouvent    (|ue    l'nMivre   es!    du 

xm"  siècle  el  non  pas,  euui i  la  dil.  du  xn".  D'ailleurs,  le  sy>lème 

décoratif  parle  assez  haul.  Ilii  pri'uiier  enup  d'd'il,  on  voit  (pie  le  peinire 
du  Pelil-()uevilly  a  éli'  proroinlr'liieul  iroubli'  par  les  |n(>i^rès  de  la  |iein- 
liire  sur  verre.  Toiil  dans  snii  (eiivre  |-elé\e  de  l'ail  ilii  \  il  rail  :  le>  iiKMlail- 
lons    ronds   à    fonds    bleus    ipii    eiifel^uiiMll    eliaipie    seène,    le>    niM'S    el    les 

verts  des  costumes,  enfin  la  riche  végétation  orneiiKiilaie  ipii  eoiiil  enlre 
les  médaillons.  L'imitation  est  manifeste.   L'ariisie  d  ailleiiis,  ipii  axait 


I.:i  Fuile  en  Egyple.  Eglise  du  PeUl-Ouovilly 
(Seiae-Ini'érienre). 
(D'.nprès  Gelis-Didot  cl  Laflillée.) 


/lOi  HISTOIRE  DE  L'ART 

conservé  le  sens  de  la  drcoralion  monuinenlalc,  a  adouci  tous  les  Ions  et 
n'a  pas  cherche  à  iniler  d'éclat  avec  son  modèle. 

Une  chapelle  de  l'église  Sainl-Oiiiriace,  à  Provins,  offrait  encore,  il  y 
a  (piclqucs  années,  des  restes  de  peiidures  où  rinlluence  du  vitrail  était 
aussi  manifeste  qu'au  Petit-Ouevilly.  Un  beau  dessin  ornemental  s'enlevant 
sur  un  fond  bleu  semblait  avoir  été  copié  sur  la  bordure  d'une  verrière. 

Dans  la  France  entière,  on  trouve  des  restes  de  cette  peinture  du 
xiii"  siècle,  plus  chaude,  plus  colorée,  où  le  rouge  et  l'azur  dominent.  Un 
médaillon  à  personnages  de  l'église  Saint-Emilion  dans  la  Gironde  est 
tout  à  fait  typique. 

Il  ne  faut  pas  croire  cependant  que  les  vieilles  méthodes  aient  disparu 
soudain.  Dans  certaines  régions  un  peu  éloignées,  les  pcinlrcs  restaient 
fidèles  à  la  grave  harmonie  de  l'ocre  jaune,  de  l'ocre  rouge,  du  gris  et  du 
blanc.  L'église  Saint-Crépin  d'h^vron  dans  la  Mayenne,  dont  l'abside  fut 
décorée  au  xiii''  siècle  d'un  Christ  en  majesté  entouré  d'anges  et  de  saints, 
nous  montre  un  artiste  qui  reste  fidèle  au  pas.sé.  Il  ignore  les  bleus,  les 
verts,  les  vermillons,  les  ors,  toute  la  gamme  nouvelle  des  couleurs. 

Dans  le  même  département,  la  chapelle  de  Pritz  conserve  une  série 
(le  peliles  fresques  du  xiu"  siècle,  consacrées  aux  travaux  de  chaque  mois, 
(linil  la  ionalité  est  aussi  simple.  Beaucoup  de  fresques  du  xni''  siècle  pré- 
seiilenl  des  caractères  analogues.  Jusqu'à  la  fin  du  xi\'  siècle  et  même 
jusqu'au  xv''  on  retrouve  la  sobriété  des  écoles  romanes.  La  plupart  du 
temps  les  artistes  ne  se  donnent  même  pas  la  peine  de  peindre  le  fond  : 
ils  se  contentent  de  l'orner  d'un  semis  d'étoiles  rouges  ou  noires.  C'est 
dans  les  petites  églises  de  campagne,  à  Chassy,  dans  le  Cher,  ou  à  Ver- 
neuil,  dans  la  Nièvre,  par  exemple,  que  se  conservent  le  plus  longtemps 
les  anciennes  méthodes.  A  la  fin  du  xiv''  siècle  le  sujet  favori  des  artistes 
rustiques  sera  le  «  Dit  des  trois  morts  et  des  trois  vifs  ".  Trois  jouvenceaux 
pleins  de  vie  rencontrent  trois  cadavres  qui  se  sont  levés  du  tombeau 
pour  apprendre  aux  joyeux  compagnons  que  la  mort  nous  frap|)c  à  tout 
âge.  Un  peu  d'ocre,  des  traits  noirs  qui  cernent  les  figures,  des  fonds 
blancs  semés  d'étoiles  font  tous  les  frais  de  ces  peintures  qui  ne  laissent 
pas  d'être  décoratives. 

Dans  d'autres  régions,  on  assiste  à  la  lutte  de  l'ancienne  et  de  la  nou- 
velle école.  — La  chapelle  des  Jacobins  à  Agen  nous  offre  un  bon  exemple 
de  l'emploi  des  deux  méthodes  dans  le  même  monument.  Les  parois  sont 
d('-corécs  suivant  l'ancienne  formule,  c'est-à-dire  à  laide  du  Iirun-rouge, 
du  jaune,  du  noir  et  du  blanc.  La  belle  bordure  di^  feuillage,  que  Viol- 
let-le-Duc  a  rendue  célèbre,  ne  comporte  pas  d'autres  couleurs.  Mais, 
dans  les  parties  hautes  de  l'édifice,  le  peintre,  pour  lutter  avec  la  lumière 
des  vitraux,  a  dû  recourir  aux  couleurs  vives.  Le  bleu,  le  pouri)re  et  le 
vert  couvrent  les  voûtes  et  les  nervures. 


LES  MINIATURES  —  LES  VITRAUX  -  LA  PEINTUP.E  MIT'.ALE        40r. 

Bannis  des  églises  gothiques,  les  jtrocédés  de  l'ornenieiiLaliun  romane 
se  conservèi'enl  dans  l'architeclure  féodale  du  xm'  siècle.  Les  manoirs 
(|ui  n  avaieni  ]ias  de  \ili-au.\  pouvaient  rester  fidèles  aux  couleui-s  du 
passi''.  Les  Nofdes  drs  liiurs  de  lîourhon-rArrhamliaull  'Aliici-  a\aicid 
reçu  un  simpli' dessin  dappai'eil  cduleur  d'ni-r(^,  i-ele\  i''  |iai' îles  llciii-s  de 
lis  brun-rouge. 

Les  salles  des  donjons  paraisseni  axoir  élé  déçoives  sui\anl   un  s\s- 


FiG.  287.  —  Scène  Urée  d'un  roman  de  rhevalcrie.  Cliàleau  de  Sainl-Floiel 

(pLiy-de-Dùme). 

(D'après  Gclis-DiJol  et  Lafllllce.) 


lènie  uniforme.  Dans  le  haut,  une  hande  qui  occupe  environ  le  tiers  de  la 
hauteur  totale  est  ornée  de  cavaliers  qui  joutent  ou  condjaticnt.  Sur  le 
reste  du  mur,  une  tenture  aux  plis  réguliers  est  simulée.  On  seid  (jue  la 
peinture  est  ici  un  pis  aller  et  qu'elle  s'efforce  de  remplacer  les  tapis 
qu'on  voyait  sans  dcjule  dans  les  riches  manoirs.  M.  Laffilléc  a  émis  l'idée 
ingénieuse  que  la  hipi>.>ei-ie  de  lîayeux  pourrait  liieu  avoii-  élé  la  partie 
haute  d'une  décoraliou  de  ce  genre.  Les  peintres  d'ailleuis  iic  visèrent 
point  au  tronqx'-l'o^il  cl  ne  cherchèrent  pas  à  imiler  la  richesse  des 
étoffes  (irienlales.  Grâce  à  eux,  le  haron  avoue  sa  pauvreté  avec  une  nu\le 
tierlé.  Les  peintures  de  ce  genre  qui  se  sont  conservées  sont  très  sobres, 
jcs  bleus  en  sont  bannis.  L'harmonie  est  obtenue  à  l'aide  des  ocres,  des 
gris  et  parfois  des  verts.  A  Cindré,  dans  l'Allier,  on  voit  un  tournoi.  Des 


m\  iiisidiiii-;  m;  i;ai;t 

«■Iir\;ili('|-s  <{iil  |in|-|riil  le  (•.•is(|ll('  (lu  Iciiljis  de  siiilll  I  ,(>llis  jnii  I  ciil  ;i\C(: 
;il-(lriir,  cl  1,1  IdlIL^Ilr  liiinssc  lie  leurs  clirN^illN  lliilli'  ;iu  \clll.  A  l'rl'IH'S 
\  ;nii'liisr  ,  (l.iiis  l;i  liiiir  I'\timii(I('.  un  rhrx , -il U'i'  lui  I  c  ;i\  cr  uu  iM''L;ri'  :  cdm- 
|iusili(Ui  i'-|ii<|iic  iu>|iirrT  |i;ir  i|url(|iH'  r-li.-uisuii  de  i^cslc  (|Ui'  nous  ii;nn- 
roiis.  ImiIIu  rii  Au\cii;iic,  ;iu  chrilisui  t\r  S;iiiil-l<'lorcl  se  \oil  une  myslé- 
l'icusc  liislniic  lie  cIh'v  iilcric  :  un  l^ancrlol.  un  Trisian  ou  ([uelqiic  héros 
de  la  Table  Honde',  (|ui  |m)i-Ic  un  ('fn  Manc  d  imir,  a  rencontré  son 
ennemi  dans  une  i'on'l  ;  il  l'a  (K'sareiunK'  ri  il  \a  le  luer;  une  jeune  l'enime 
à   clii'val  l'eiïarde  <■!  lail  un  yesle  d  edVoi.    l  n    fond  lirun-routii'  arlièxc  de 


FiiJ.  if^î^.  —  \'iorgo  encensée  par  des  anges.  C.atliédrale  de  Clerniiuil. 

(D'.i|,res  Gelis-Di.lnl  cl  L.-imilF^iM 

donner  à  la  scène  un  caraclèi-c  lraiii(|ue.  L'anuui-e  des  chevaliers  indique 
que  I  (euvre  est  du  \i\'  siècle.  Au  .\iv'  siè(de.  d  ailleui's,  il  (''lail  encore 
d'usage  de  t'aii'c  jieindi'c  dans  les  grandes  salles  des  c((ndials  de  cheva- 
liers, comme  le  prouvenl  les  anciens  documents  qui  ont  été  conservés  sur 
les  chAleaux  de  Maliaid,  comlesse  d'Ai'lois.  Une  image  de  sainteté  figure 
parfois  à  côlé  de  ces  peinlurt's  chevaleresques.  A  la  tour  Fcrrande,  on 
\iiil  un  saint  ('dii-islo|ilie  (pii.  suivant  la  croyance  du  moyen  Age,  empè- 
cliail   de   mourir  dans  la  joui  lu'^e  celui  qui  l'avait  coidenqilé  le  matin. 

A  mesui'c  (pi'on  avance  dans  le  \i\'  sièrde,  on  voit   la  décoration  de- 

1.  Des  iris(ii|, liens  ninliji-es,  n-lrvcc-  |..ii  \ii,,lolc  irAnveigne.  |i.-iilciil  de  (  ;.il,i.id.  de 
(Tii^laiil  de  Léonais,  dn  royanan'  île  (  :oiii.>ii,nllc  et  .li-  la  l'urèl  péi  illcii-r.  Il  \  .iv.iil  nne 
Huaranlaine  de  IVes(|ncs. 


LES  MIMATIRES  —  I.KS  MTHArX  ^  LA  PKINTURK  MlliALK        i(l7 

\('iiii-  ili'  |ilii>  rii  plus  rr;iL;iiii'iil;iii'i'.  Le  syslôiiii^  iinai;'iar  iiii  xiiT  >irc|c 
>riiili|c  liii-iiic''iiic  >(•  ilissonilic.  |):iiis  iKts  calhédralcs,  on  se  ciiiiIimiIi' 
(l(''s()i-iiiais  (Ir  |iciii(lic  la  clrT  ilr  snrilr.  (  )ii  \(inlail  i'-\  iilciiiiuriil  l'airr 
liuiinriir  à  la  pircc  inailroM'  ilc  la  rnii>l  riicl  ion.  à  crllr  (|iii  niaiiil  iriil 
I  ('■i|nililiic.  Les  cli'ls  (le  xoùtrs  (Maieiil  somcnl  (1rs  i-lids-ilirin  rc  do 
scul|il  INC.  (|iii'  Ir  jM'iiilic  l'cliaussail  îles  plus  \i\cs  couli'Ui's.  Il  y  cni- 
plnyail  Ir  roULl'C,  le  hlcii.  Ir  \  ri'l  cl  l'or.  Il  \\r  si;  coiilciilail  pas  (Je 
peindre  la  clef  clle-iuème,  il  [leignail  aussi  l'amorce  des  quatre  nervures 
quelle  réunit,  pour  bien  indi(|uer  sa  fonction.  Dans  le  reste  de  Tc-difice,  la 
peinture  se  subordonne  de  irmiiis  en  moins  à  rarcliilcclurc  (  )n  xoil 
quelle  est  en  train  de  dexcnir  un  arl  ind('-pcn(Janl .  L  arlisic  pcinl.  sui-  un 
pilier  ou  sur  un  mur,  un  morceau  isolé,  une  belle  icinie  qu'il  veut  faire 
admirei'.  Dans  ['(''tilise  d'ivlireuil,  on  Noil  ici  un  sain!  Biaise,  un  saint 
Laurcnl.  ua  saint  Anloinc  aillcui-s  un  saiid  (icorgcs  à  l'armure  (Sda- 
lanlc.  (Iliaque  morceau  est  peint  avec  soin,  mais  le  sens  de  la  grande 
(l('coralion  est  perdu.  Dans  la  cathédrale  de  ClenuonI,  mômes  errements. 
(  )n  piinl  sur  un  nuir  nu  une  madone  encens(''e  par  des  anges;  un  peu 
plu>  loin,  c'ol  un  chanoine  ageuouilh''  au\  pieds  de  la  \  ierge.  Les 
deux  peintures  son!  belles  :  au  XIV'  si(''cle  elles  (le\aieid  (''blouir  par  1  (''clal 
des  oi's,  des  poui'pres  et  des  bleus;  mais  d(''ià  elles  fuid  picssenlir  le  tableau 
qu'on  accrochera  au.x  murs  de  l'église. 

(  >n  ('■ludiera  dans  la  seconde  partie  de  ce  tome,  léx  oinl  ion  de  la  pein- 
lure  au  cours  du  xiv'  siècle. 


LA    PEINTURE    MURALE    EN    SUISSE' 

Ei'0(jLE  liOM.VNii.  —  En  Suisse,  comme  dans  les  pays  voisins,  les  archi- 
tectes de  l'épotpie  romane  réservaient  de  grandes  surfaces  à  la  peinture. 

Le  conxent  de  Saint-Gall  était  resté,  malgré  son  (b'clin,  une  des 
maisons  religieuses  les  plus  importantes  de  la  Suisse.  La  Légende  de 
saint  Gall,  l'Arbre  de  Jessé,  le  Jugement  dernier  y  étaient  figurés.  Ces 
(Misembles  ont  toutefois  dispai-u.  ci  le  couveni  ne  conserve  auj(Uird'hui. 
en  l'ail  de  peintures.  i\nr  des  monnmenis  illusjn's  donl  le  slyle  ne  (lilf(''i-e 
pas  i|e>  producliiMls  conleniporaines  de  l'iùndpe  cenilide. 

Le  sol  liel\  (''liiph' ollVe  en'di'e  iulacl  un  curieux  spéciuuju  (le  jicinture 
dal('  (lu  Xli'  si(''c|e.  le  plafond  de  r('glise  de  Zillis  icaidon  des  (irisons). 
(le  plafond  se  conqio--e  de  l.'i."  eaisxins  di'corés.  à  l'exl(''rieur,  (^le  monstres 
syml)oli(pu's,  et,  à  linleiienr.  de  >e(''ins  emprunl(''es  aux  Evangiles.  Les 
animaux  imaginaires  rap[)elleid  les  molifs  analogues  (piOn  renconh-e  sur 
I.  l'jir  M.  Conrad  de  Mandutli. 


iOS  IIISIOIIΠ  DE   LAIiT 

les  clKiiiileaux  el  dans  les  luanust-rits  de  celle  ('■poque.  niiani  aux  épisudes 
iiililiques,  ils  soal  Irailés  de  diffcrcnles  manières,  les  uns,  d'une  mise  en 
scène  sommaire,  s"inscrivenl  dans  un  seul  caisson;  les  autres  se  déroulent 
a\  ce  une  i;i-ande  al)ondancc  i\f  diMails  sur  une  suite  de  plusieurs  compar- 
timents. C'est  le  cas,  par  exemple,  de  la  Cène  et  de  l'Adoration  des  Mages. 
i>'arlislc  a  donc  élarfri  ou  rétréci  son  cadre  suivant  le  caprice  de  son 
iiispiralion,  ou,  ce  (pii  csl  plus  probable  encore,  d'après  un  modèle  (piil 
a\ail  sous  les  yeux.  Ces  |i('inlures  sont  dépourvues  de  tout  relief  et  se 
rapproclicnl,  par  le  si  vie,  des  enluminures  du  temps,  en  particulier  du 
Ilitrtus  (leliciariuni  d'IIerrade  de  Landsberg  (f  ll!)r)). 

Comment  expliquer  l'existence  de  cet  important  ensemble,  si  ce  n'est 
par  sa  situation  sur  un  des  passages  alpestres  les  plus  fréquentés  au 
moyen  Age,  celui  du  Spliigen?  Un  artiste  italien  se  rendant  en  Allemagne, 
ou  un  peintre  allemand  en  roule  pour  rilalie.  aura  sans  doute  exécuté  ce 
monument  pendani  son  voyage.  (Juoi  qu'il  eu  soil,  nous  avons  là  un  b'^moi- 
gnagc  pr(''rieux  des  (''clianges  entre  le  Nord  et  le  Midi  (pii  ont  tan!  conli'i- 
bué  à  stimuler  le  mouvement  artistique  à  l'époque  des  llohenstaufen. 

Outre  cet  ouvrage,  la  Suisse  possède  quelques  fragments  de  peinture 
romane.  Les  /'glises  de  Zillis,  de  Biasca  cl  de  Santa  Maria  di  Torello 
{canton  du  Tessin)  présentent  sur  leurs  façades  la  figure  gigantesque  de 
saint  Christophe,  qui  —  d'après  la  croyance  populaire  —  préservait  de  mort 
subite  les  fidèles  ayant  aperçu  son  effigie  de  grand  matin.  L'abside  de 
l'église  de  Montcheraud  (canton  de  Vaud)  est  décorée  de  peintures  figu- 
rant le  Christ  entre  les  Apôtres.  Ces  figures,  de  style  archaïque  el  d'une 
belle  harmonie  de  Ions,  sont  datées  de  la  fin  du  xf  siècle. 

Les  couvenls  d'EinsiedeIn  el  d'Engelberg  (ce  dernier  fondi'  <n  I  l'JOj 
conservent  des  manuscrits  à  miniatures  de  valeur  inégale,  doni  rinir'rèt 
ne  dépasse  pas  celui  des  enluminures  de  Saint-Gall.  Toujours  est-il  que 
les  fondations  religieuses  monopolisaient  alors  la  vie  artistique  en  Suisse. 
Elles  ont  donné  asile  à  des  ouvrages  de  décoration  dont  toute  trace  a  dis- 
paru de  nos  jours'. 

Éi'ooi'E  GOTUiouE.  —  A  l'époque  gothique,  la  peinture  murale  rivali- 
sait avec  l'art  du  vitrail  pour  donner  aux  intérieurs  un  aspect  attrayant. 
La  plupart  des  ensembles  n'ont  pas  résisté  aux  injures  du  temps  et  des 
hommes.  A  la  fin  du  xix'  siècle,  plusieurs  cycles  onl  toutefois  été  décou- 
verts sous  le  ci'é|)i,  cl  l'on  com|)tc  actuellcmenl  un  nombre  assez  consi- 
dérable de  peintures  gothiques  eu  Suisse.  Il  y  existe  dix-sept  ensembles 
de  peinture  religieuse  atlriiniés  au  xiv'  siècle.  Les  ouvrages  les  plus 
importants  se  trouvent  dans  la  chapelle  du  château  de  Berthoud  (canton 

I.   \'(i.vc/.    .I.-It.    lîahn.    ln-srlii,i,lc    'ici'   bUdciiden    Kimsle    in    der    Sdiiuci:-.    Zuiicli,     IS7G, 
p.  'JST  ,■!  ~iiiv. 


iLf  K!^    ^miP  ^jjip"  ^^ii^    sii^    msii^  ^^i:#  mji^   '^miF'Tpy^gg^^ 


no  iiisKHni-:  III';  i.\in' 

(le  l')Ci-nc).  dans  crllr  <lc  Saiiil-(  iall .  à  Slainiiilicini  caiilon  ilc  'rinnt;()vii-'), 
dans  Irylisc  de  Sainl-Arliogasl  à  \\  inlcrl  liui-,  dans  la  cryple  de  la  callié- 
(IimIc  de  lîàle,  dans  la  salU;  du  Chapitre  île  Nolre-Danie  à  Znriidi  et 
dans    l'rylisc   de  Kappel  (canton  de  Zurich). 

Le  slyle  de  ces  œuvres  varie  suivant  la  capacité  des  artistes  qui  les 
ont  exécutées.  11  se  rattache,  en  général,  à  celui  des  vitraux.  Le  dessin  en 
est  sobre  et  ne  nian((uc  pas  d'aisance,  tout  en  étant  assujetti  aux  lois 
inexorables  des  inllexions  gothiques.  Le  coloris  est  peu  varié  et  appliqué 
sans  aucune  recherciie  de  modelé. 

A  r>cithoud,  les  peintures  peuvent  être  datées  du  commencement  du 
xiv'  siècle.  Elles  représentent  des  scènes  de  la  Vie  du  Chiist  et  des  saints. 
Les  ligures  y  sont  grossières  et  dépourvues  d'expression.  Leurs  contours 
sont  rortemenl  accusés  en  rouge  ou  en  noir. 

Les  peintures  de  Notre-Dame  à  Zurich  ont  disparu  au  couis  du 
xix'  siècle.  11  en  existe  toutefois  d'anciennes  coiiies  qui  permettent  d'ap- 
iiréciei- le  talent  de  leurs  aulfurs.  Dans  un  des  paysages,  on  reconnail  la 
(•haiiic  de  l'Albis,  et  cet  effort  pour  reproduire  un  paysage  de  haute  mon- 
ta" ne  mérite  d'être  noté,  car  il  est  un  des  premiers  essais  qui  ont  conduit, 
un  siècle  plus  lard,  la  priuluic  suisse  à  découvrir  le  paysage  al|M'slic  d 
à  le  rendre  avec  les  jeux  de  lumière  qui  constituent  son  })rincipal  alliait. 

Dans  le  couvent  de  Kappel,  les  Gessler  de  Brunegg  ont  fait  exécuter 
une  Crucilixion,  au-dessus  de  laquelle  s'étend,  en  guise  de  tapisserie,  une 
peinture  reproduisant  par  intervalles  égaux  le  motif  des  armes  de  cette 
famille.  Comme  dans  les  vitraux  de  Kônigsfelden,  le  sens  héraldique  du 
temps  se  révèle  ici  d'une  façon  supérieure.  La  scène  de  la  Crucifixion  offre 
un  singulier  mélange  d'émotion  contenue  et  de  rythme.  Si  les  tètes  sont 
trop  grandes  par  rapport  aux  corps,  on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer 
l'expression  vivante  des  figures  et  la  beauté  des  gestes. 

Bàle  a  toujours  été  un  centre  d'art  important.  Au  xiv'  siècle,  il  s'y 
était  même  formé  une  pépinière  d'artistes  qui  travaillèrent  dans  toute  la 
région.  En  L'i'21,  l'enlumineur  Berthold  répondit  à  un  appel  des  Cister- 
ciens d'Aldersbach,  en  Bavière,  et,  en  ITiiT,  le  peintre  Jean  Muttenzer  fut 
appelé  à  Berne  pour  y  décorer  l'église  paroissiale.  A  Bàle,  il  ne  reste  tou- 
tefois  plus,  en  lait  de  ]ieinlure  de  ce  temps,  que  des  fragments  dans  la 
crviil<'  de  la  (  alJM'dialr.  Ils  riiicnl  exécutés  après  le  IrcuddemiMil  déterre 
de  i:î"i(i  <iui  détruisit  une  partie  de  l'édifice  et  en  nécessita  la  réfection. 
Les  plus  anciennes  d'entre  elles  hgurent  des  épisodes  de  la  Vie  du  Christ 
et  des  patrons  de  l'église.  La  composition  y  est  sobre,  le  dessin  correct; 
les  dia]ieries,  prcsipie  toutes  veidàtres,  présenlenl  des  plis  hai'monieux  qui 
accusent  le  slyle  gothi(]uc  dans  son  premier  iléveloppement.  Plusieurs 
ligures,  en  particuliei-  celles  des  saints,  ont  une  suavité  d'expression  qui 
rappelle  les  douces  évocations  de  l'école  de  Cologne.  D'autre  pari,   le 


LES  MINIATURES  -   LES  VITRAUX  -  LA  PEINTUlîE  MURALE         111 

pfinlrc  clici'clic  ;'i  cnfachM-iscr  les  pcrsonnngcs  mis  en  scrnc.  Joseph,  il;ins 
l;i  l'iii/r  VII  i'.ijiijili'.  vi'\  rie  à  prciiiirrc  \ue  sa  sollicil  udc  palrniclli'  ;  les  liniir- 
reaux  cl  les  iiicndianls,  dans  les  scènes  île  marlyi-e,  onl  des  visages  \\\\- 
gaires  sans  lontefois  qn(>  leurs  traits  soient  poussés  juscpi'à  la  caricature. 

D'autres  fresques  [)lus  rtîcentes  reproduisi'nl  des  i'|iisudes  de  la  \  le  de' 
la  \'ierge.  Le  dessin  moins  soigné,  le  modelé  maladroit  y  accusent  un 
ariisie  pins  jeune  el  moins  habile. 

Enlin,  une  troisième  scM'ie  de  peintures  dans  l'ahside  de  la  crypte  a 
fait  l'objet  d'une  restauration  qui  leur  a  enlevé  leur  cacliel  primilit. 

Dans  le  canton  du  Tcssin,  les  influences  italiennes  se  font  sentir 
autant  que  les  inlluences  allemandes  à  Bàle.  Une  peinture  murale  à  Saint- 
Biagio  de  Bellinzona  est  consacrée  à  saint  Christophe  et  rappelle  par  sa 
décoration  les  travaux  des  Irères  Cosmati,  à  I^ome.  Le  dessin  est  plus 
développé,  le  coloris  [ilus  jirofond  el  jtius  nuancé  qui^  dans  le  nord  de  la 
Suisse.  L'ensemble  se  ressent  des  progrès  que  faisait  alors  l'art  italien. 

A  côté  de  la  peinture  religieuse,  les  sujets  profanes  s'imposaient  aux 
artistes  du  xiv°  siècle  dans  les  demeures  seigneuriales  ain>i  (pie  dans  les 
villes  oîi  l'indépendance  et  le  commerce  amenaient  une  aisance  crois- 
sante. Les  écussons  tics  familles,  peints  au  plafond,  alternaient  avec  des 
scènes  empruntées  aux  poèmes  des  tron\èi'es,  à  la  \\q  rusiiipie.  aux  (''pi- 
sodes  guei-riers  el  aux  occupations  journalièri's.  Un  des  exemples  les  plus 
frappants  de  peinture  profane  se  trouvait  dans  la  maison  «  Zum  Loch  »,à 
Zurich, et  a  été  transporté  récemment  au  Musée  national  suisse.  Le  pla- 
fond à  travées  est  décoré  d'écussons  et,  sur  les  parois,  on  voit  se  dérou- 
ler plusieurs  épisodes  rendus  d'une  façon  très  sommaire.  L'clfet  déco- 
ratif de  cet  ensemble  est  charmant,  tant  par  la  distribution  des  masses 
que  par  l'harmonie  des  teintes. 

D'autres  décorations  de  ce  genre  se  trouvent  dans  la  "  llcrrcnslube  », 
à  Diessenhofen,  au  ch;\teau  de  Maxenfeld  (canton  des  Grisons),  et  nous 
possédons  les  descriptions  de  plusieurs  cycles  qui  ornaient  des  maisons 
de  Constance,  de  Wiiilerlliur,  ainsi  cpie  le  chàleau  de  Liebenl'els  (canton 
de  Thurgovie).  Toutes  révcMaienI  sous  une  couleur  un  |ieu  rude  les  dis- 
tractions dont  une  société  encore  jeune  remplissait   ses  loisirs. 

La  \iim\m  iu:.  —  Au  xiv'  siècle,  les  couveids  de  iMMiédiilins,  iel>  que 
celui  d(!  Saillit  lalj  el  d'fJii^eJlMTL;-,  ilaiis  leMpieJs  l'arl  de  la  minialure 
avait  été  cnlli\r-  -.wrr  un  soin  particulier,  c(.)nimencenl  à  (l(''géni''|-ei-.  Le 
mot  d  ordre  a|iparlieid  désormais  aux  frères  de  Cîteaux  et  aux  l'^rancis- 
cains,  don!  l'ellnri  |ioile  sur  un  autre  domaine  (pie  celui  de  l'art.  Lu 
mi'iiie  tem|)s.  les  miiiiiei|)a  li  («''s  se  développent  el  liii^lriicl  ion  commence 
à  se  répandre  dans  les  milieux  profanes.  De  ces  nouvelles  tendances  naît 
le   commerce   de   la  librairie,  qui  porte  sur  les  ouvi-ages  calligraphiés  et 


■'i\-2  IIlSTOini'    DE   I/AHT 

onu's  (lo  miniatures.  Si,  d  une  pari ,  larl  <lc  roiiliimiiiurc  s'abaisse  au  rang 
d'un  |iroduil  de  vcnle  couranlo,  d'aulrc  part,  la  variété  des  ouvrages  écrits 
augmente  et  s'étend  aux  sujets  profanes,  surtout  aux  chants  des  trouvères. 

Une  des  œuvres  les  plus  importantes  de  cette  série  est  la  collection 
de  poèmes  ayant  appartenu  aux  chevaliers  Mancsse,  de  Zurich.  l'A\c  se 
li'ouvait  autrefois  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris  et  fait  aujourd'hui 
partie  de  la  Bibliotlièque  de  Ileidclberg.  Ce  volume  in-folio  contient 
\i\  images  en  pleine  page  qui  précèdent  les  chants  des  divers  poètes  (voir 
p.  570).  Les  sujets  représentés  sont  les  mêmes  qu'on  remarque  dans  les 
fresques  du  temps:  portraits  d'empereurs,  de  rois,  de  princes  et  de  cheva- 
liers, scènes  de  chasse,  de  guerre,  d'amour.  L'exécution  porte  le  cachet 
d'un  art  plein  de  jeunesse  et  de  vie.  Les  figures  peu  caractérisées  ont 
toutes  des  traits  féminins.  C'est  à  peine  si  l'on  distingue  autrement  que  par 
leurs  costumes  les  chevaliers  des  belles  dames  auxquelles  ils  apportent  le 
tribut  de  leur  admiration.  Les  différences  hiérarchiques  entre  grands  sei- 
gneurs et  humbles  chevaliers  sont  na'i'vement  indiquées  par  des  proportions 
différentes,  quoique  les  personnages  soient  ordinairement  sur  le  même 
plan.  La  composition  est  d'une  simplicité  primitive,  et  le  décor  composé 
d'architecture  et  d'arbres  est  rendu  dune  façon  sommaire.  Plusieurs  scènes, 
qu'il  serait  trop  long  de  décrire  ici,  présentent  un  intérêt  très  spécial  et 
mettent  en  lumière  les  coutumes  chevaleresques  du  temps. 

Une  autre  œuvre  héraldique  de  premier  ordre  est  conservée  aujour- 
d'hui au  Musée  de  Zurich  et  contient  une  série  d'armoiries  qui  consti- 
tuent une  des  pièces  les  plus  anciennes  de  ce  genre.  De  nombreux  écus- 
sous  appartenant  aux  familles  nobles  de  la  contrée  s'alignent  les  uns  à 
côté  des  autres.  Ils  sont  dépourvus  du  heaume,  ce  qui  les  date  du  début 
du  xiv''  siècle.  Des  manuscrits  suisses,  à  Munich  [Tristan,  cod.  germ.  51) 
et  à  la  Bibliothèque  de  Saint-Gall  (iv°  30'2),  se  rapprochent  de  la  collec- 
tion Manesse  et  révèlent  la  prospérité  dont  bénéficiait  en  Suisse  l'enlumi- 
nure profane. 


LA   PEINTURE   DU   XI'   AU   XIV   SIÈCLE    EN    ESPAGNE' 


Peintures  murales.  —  Les  monastères  du  nord  de  l'Espagne,  dans 
lesquels  les  études  isidoricnnes  avaient  eu,  après  l'invasion  musulmane, 
une  véiilable  renaissance,  furent  du  i.x"  auxii"  siècle  des  écoles  de  copistes 
et  de  miniaturistes.  Au  temps  où  les  sculpteurs  d'Oviedoetde  Léon  ébau- 
cluiient  encore  leurs  informes  bas-reliefs,  les  moines  qui  enluminaient  à 
l'envi  le  commentaire  de  l'Apocalypse  composé  par  le  moine  espagnol 
1.  l'ar  M.  Emile  Berlaux. 


LES  MINIATURES  —  LES  VITriAlX  ^  LA  PEINTLRE  MURALE 


i\-, 


Bealus  conibinèrenl  des  formules  irlandaises  et  des  détails  moresques' 
dans  une  imagerie  bariolée  dont  la  brutalité  ne  manque  pas  de  force.  Il 
ne  reste  aucune  peinture  muraif  (|ui  ait  le  dessin  énergique  et  les  couleurs 
violentes  de  ces  Apocalypses. 

Les  grandes  ligures  peintes  dans  les  niciies  du  clueur  qui  fui  ajoub'' 


FiG.  'iOf).  —  Peintur-es  murales  du  xir  siècle  dans  le  chœur  de  l'église 

du  "  Crislo  de  la  Luz  ■■.  ;'i  Tolède. 

(D après  les  Moniiinentos  Avquileclamcos  de  Espana.) 

vers  la  fin  du  xii'"  siècle  au  mihrab  voûté  d'une  mosquée  de  Tolède,  pour 
former  la  petite  église  du  «  Cristo  de  la  Luz  »,  représentent  un  art  local 
qui  ne  relève  directement  ni  des  traditions  monastiques  de  la  Navarre  ou 
de  la  (laslille,  ni  des  influences  byzantines.  Les  saintes  représentées 
drIioiiL  avec  des  gestes  d'orantes  et  voilées  de  blanc,  le  prêtre  sans  nimbe, 
V(Mu  d'un  manteau  rouge,  coiffé  d'un  étroit  turban,  et  tenant  h  deux  mains 

I.  I).in>  un  manuscrit  provenant  de  Saint-Sevcr(Landes)  cl  qui  se  raU.ulic  diieclemenl 
à  la  série  des  manuscrits  espagnols  du  xc  siècle,  les  cavaliers  de  l'.Vpocalypse  sont  repré- 
sentés par  des  «  martichores  •  pareilles  aux  monstres  sculptés  sur  les  chapiteaux  de 
Silos.  (Cf.  t.  1",  2'-  partie,  p.  575). 


i  1  i 


iiisioir,!';  Di':  i.aiît 


un  liAloii  nuii('ii\,  l'oriuriil  un  i;r()U|>r  <l'iiii;i!4'i'S  uiii(|ui'  ilaiis  le  moyen  Ctisc 
(•|ir(''lirM.  Siius  (1omI(^  li's  (idrli's  qui  oui  \m  |H'iii(li-c  ces  IVcscjucs  porliiiml 
les  inruu's  co.slumes  oi-icnhiux  (|u;in(l  ils  \rn;ilciil  |irirr  (hin>  la  ni(is(|U('T 
Iriuislbrinéo  en  égliso. 

Dans  l'Aragon  cl  la  Calalognc,  (|uil(|ucs  cImtl-Im'ui-s,  coniuic  C.ar- 
(Icicra.onl  signalé  vers  le  milieu  du  \i\'  siècle  di's  |>eiu[ui'es  murales  (|u'ils 
alliibuaienl  à  des  épotiues  très  reculées.  La  plupart  de  ces  peintures  ont 
disparu  depuis  lors;  d'autres,  comme  celles  de  San  Père  de  Tarrassa.  ne 


I'k;.  2'M.  —  l'resilues  ilu  iiarUicx  Je  San  IsiJrd  de  1 


sont  que  des  ouvrages  grossiers  et  populaires  du  xiv'  ou  du  \v'  siècle. 
Pourtant  la  Catalogne  a  conserve  des  restes  prc'cieux  de  peinluies  du 
xu''  siècle.  Les  plus  remarquables  décorent  l'abside  de  l'église  de  Pédret. 
On  y  voit  les  cin(]  Vierges  sages  et  les  cinq  Vierges  folles  [qiiinquc  fatuc), 
debout  à  droite  et  à  gauche  d'une  l'cine  nimbée,  assise  sur  une  basilique, 
dette  reine  est  l'Eglise;  elle  est  représentée  dans  la  petite  église  catalane 
comme  sur  les  rouleaux  d'ExulIcl  de  rilalie  méridionale  (cf.  t.  I" ,  '2'  partie, 
p.  810  et  suiv.).  Les  figures  mêmes  des  Vierges  sages  et  des  ^'ierges  folles 
ont  une  ressemblance  fort  curieuse  avec  des  fresques  italiennes  de  la  lin 
du  xi''  siècle,  celles  de  la  crypte  de  Saint-Clémenl,  à  l!ome,el  de  la  crypte 
d'Ausonia  (province  de  Gaète). 

L'Espagne  ne  possède  qu'un  ensemble  de  peintures  murales  qui 
puisse  être  rapproché  de  ceux  que  la  France  a  conservés.  Ce  sont  les 
fresques  qui  décorent  le  narthex  de  San  Isidro  de  Léon.  Elles  sont  répar- 


I.F.S   MIMATUlîES  -   IJ-S  MTRArX   -   LA   PKINTll!!:  MlliAU:         li:, 

lies  sur  !a  ponte  ])asso  de  la  façade  de  léi^lise,  sur-  un  miu-  laliral  du  nar- 
llicx  cl  rcviMent  la  plus  grande  parlie  des  voùles  qui  ahiilcul  Ir-,  sarco- 
phages des  rois.  Le  cycle  comprend  des  scènes  évangéliques,  disposées 
sans  ordre  bien  défini  :  Annonciation  aux  bergers,  Massacre  des  Inno- 
cents, Fuite  en  Egyi)te,  Cène,  Baiser  de  Judas, Reniement  de  saint  Pierre, 
('rucifieiiient  :  des  niolifs  apocaly|iti(pic's  :  saint  Jean  à  genoux  devant  le 
('.liii>l  (|iii  ildiiiic  le  livii'  des  visions  à  un  ange,  tandis  que  deux  glaives 
sortent  de  sa  bouche;  les  sept  chandeliers,  les  sept  églises;  le  Christ 
représenté  une  seconde  fois  sur  son  trône,  dans  un  nimbe  aux  couleurs 
d'arc-en-ciel,  entre  quatre  figures  drapées,  dont  trois  ont  les  tètes  des 
animaux  symboliques.  Sur  Tune  des  arcades  sont  figurés  les  Travaux  des 
douze  mois.  L'iconograpiiic  des  scènes,  le  dessin  très  ferme  des 
silhouettes,  le  coloris  dur,  les  tons  docre  jaune  et  rouge,  le  cerné  noir 
témoignent  d'une  imitation  directe  de  l'art  français.  A  côté  de  la  Cène  et 
en  face  du  coq  du  Reniement  de  saint  Pierre,  le  donateur,  Téclianson 
Martial,  sest  l'ait  peindre,  une  tasse  à  la  main.  Ce  personnage  est  un 
inconnu;  des  (l(''tails  de  >l\li'  [irruirl  Inil  seuls  aujourd'hui  de  dater  les 
fresques  de  San  Isidiii;  elles  doivent  èlre  ))ostérieuies  d'un  demi-siècle 
en\iron  aux  [)<)rlails  de  l'église,  qui  ont  été  sculptc's  avant   I  I  il . 

Devants  d'.xltel,  p.et.\bi.i;s  et  relioi  ahu^s  peints.  —  Si  l'Espagne  est 
pauvre  en  peintures  murales  du  moyen  âge,  elle  a  conservé,  en  revanche, 
des  séries  de  panneaux  peints  dont  on  chercherait  vainement  l'équiva- 
lent en  P'rance.  Les  devants  d'autel  et  les  retables  qui  ont  été  réunis  au 
musée  épiscopal  de  \  icii,  et  ([ui  proviennent  poui-  la  plupart  d'églises 
perdues  dans  les  vallons  des  PyriMiées.  forment  une  suite  (|ui  se  développe 
sans  lacunes  graves  depuis  le  xi'  siècle  jusqu'à  la  fln  du  xui'.  Le  plus 
ancien  de  ces  panneaux  et  l'un  des  mieux  conservés  a  été  trouvé  dans  le 
village  de  Montgrony  (n°  9  du  Musée;  fig.  292).  Les  peintures  représentent 
dans  quatre  compartiments  disposés  à  droite  et  à  gauche  d'un  Christ  de 
Majesté,  des  épisodes  de  la  légende  de  saint  Martin.  Les  figurines  sont 
gi-ossièrement  [leintes  avec  îles  taches  de  rouge  sang  de  bo?uf  sur  un  fond 
docre  jaune.  Elles  ne  rappellent  que  de  loin  les  miniatures  des  »  Apoca- 
lypses »  espagnoles.  Le  peintre,  qui  a  raconté  selon  ses  moyens  l'histoire 
du  saint  vénéré  à  Tours,  doit  avoir  connu  des  oeuvres  françaises  qui 
iiid  dis|iai-u.  Le  panneau  esl  fort  ancien,  à  en  juger  pai'  le  coslunic  du 
cavalier  cl  par  cidui  de  r('\r'(pie.  ({ui  ne  porte  [joint  di'  nutie.  Les  inscrip- 
tions sont  seiiilihdile-,,  p;ii'  la  luruii'  des  lelti-es  et  leur  groupemenl  eu 
nionogi'amines,  à  ri'pil^qilie  de  sainl  hiuuini(pie  gi-née  sur  im  cliapilcaii 
de  Silos  \ers  IdT.'i. 

1  iide\,iul  d  aulcj  li(iu\i'-;'i  \  icii  uii-uic  uNdii  M  usée)  est  composé 
de  façon  analogue  et  représente  (piiilic  ipi^inlcs  de  la  \ie  et  du  martyre  de 


416 


HlSTOIIil-:  DE  I.AIiT 


sailli  Laurciil.  L'rjiigraiiliie  est  moins  arcliuï([uc  que  sur  le  iiaiiiicau  de 
saint  Martin.  Le  pape  Sijxliis  porte  celte  fois  la  mitre  à  deux  cornes  qui  a 
été  usitée  pendant  tout  le  mi'  siècle.  Cependant  le  fond,  bariolé  de  rouge 
et  de  jaune,  conserve  le  coloriage  brutal  des  «  Apocalypses  »,  que  l'on 
peut  étudier  en  Catalogne  môme  dans  les  deux  précieux  manuscrits  de 
Gérone  et  de  la  Scu  d'Urgel. 

Les  mêmes  personnages  maigres   et  secs,  avec  des  yeux  énormes, 
reparaissent  sur  un  |innneau   de  la  b'gende  de  saint  André  (n°  1015).  Un 


l'lj„L    .1.   n    M    Fai..  l;j 

FiG.  -'.('2.  —  Hetaljk"  du  xr  siècle,  au  musée  épiscopal  de  \'icli. 


panneau  analogue  et  encore  jdus  bai'bare  se  trouve  au  Musée  municipal 
de  Barcelone;  il  représente  le  Christ  avec  les  douze  Apôtres  sur  un  fond 
jaune. 

Dans  la  série  de  \'ich,  ce  style  primitif  se  montre  affiné  et  adouci, 
tant  pour  le  dessin  que  pour  le  coloris,  sur  un  panneau  (n"  7)  qui  repré- 
sente la  Vierge  sur  son  trône,  avec  les  Rois  mages  et  six  Prophètes.  Les 
encadrements  des  divers  compartiments  sont  ornés  de  reliefs  en  stuc 
qui  imitent  des  orfrois  garnis  de  cabochons.  Le  dessin  change  dans  deux 
panneaux,  consacrés  l'un  à  l'iiisloire  de  la  \'ierge,  l'autre  à  celle  de  sainte 
Marguerite.  Les  proportions  ilrs  tigui'ines  sont  plus  trapues  et  les  visages 
arrondis.  Le  coloris  reste  le  même  :  des  teintes  plates,  vives  sans  être 
claires,  et  toutes  cernées  ou  l'ayées  de  traits  noirs. 

^'ers  la  fin  du  xu"'  siècle,  dessin  et  coloris  changent  conq>lètemrnl. 


LES  MIMATURKS  -  LES  VITRALIX  -  LA  PEINTURE  MUliAI.I':         117 

Les  [K'inlrcs  calalans  sappliqiienl  alors,  coniiiic  les  ininialurisles  et  les 
verriers  l'rancais  du  même  temps,  à  imiter  l'art  byzantin.  Le  musée  de 
\  ieli  donne  des  exemj)les  frappants  de  cette  influence  orientale  dont 
l'explication  historique  reste  à  découvrir.  Sur  un  panneau  dont  quatir 
eomj)arliments  racontent  l'histoire  de  saint  Sernin,  le  patron  de  Tou- 
louse, et  où  le    saint    (''vèriue    porte  la    mitre  Iriangulairc   adopi(''e   vei's 


Fie.  '297).  —  Fi-agiiient  d'un  panneau  de  retable  du  xiir'  siècle, 
au  Musée  épiscupal  de  \'icli. 


117").  le  Clii-lsl  qui  lr(Hicdan>  raui-éole  cenli-alr  a  le  fi'iinl  ravini'  et  le 
rri;ard  inenaeaiil  d'un  Panlocralor  in"  (ii.  Le  modelé  à  relleis  cuivrés, 
d((nl  les  peinliTs  byzantins  avaient  conservé  le  secr(>t,  remplace  les 
Irinics  |ilates  et  le  cerné  noir  des  anciens  ateliers  «  lalins  »  dllalie  cl  de 
KiaiiiT.   L'imitation   des  formes   byzantines  prend  une  élégance  rcmar- 

(piaiilc  (lan>  deux  p; MUXipii  r('pri''sculrnt  l'IiisLiirr  dr  la  N'ierye;  l'un, 

très  nudiji',  à  \  ich  n  1  .  l'au I  rr,  forl  iiirn  cousrrM'.  au  nuisée  municipal 
de  l'iarceloiu'.  C.esdcux  peiidui'es  |ii'u\('n[  iMrc  c()ni|iart''('s  aux  plus  l'cmai-- 
qiialiirv  vitraux  fraiicai^  du  conuuciKH'iurni  i\u   xui'  siècle.   Des   lii;urrs    de 


118  IIISTOIlil':   \n-.  I.AHT 

iiu-'iiii'  sl\li'  ;illcinii('nl  à  des  (liinciisiitns  licaucmn)  plus  g-i'andcs  sui'  (hni.\ 
|iaimo;uix  de  \  icii  doiil  cliacuii  l'aisail  partir. non  [)liis  d'un  devant  daulel, 
mais  d'un  iclalilc.  Le  plus  curieux  d'cnli-e  eux  montre  la  Sagesse  divine 
au  milieu  di's  dons  du  Saint-Esprit,  représeulés  parsejd  colombes, comme 
sur  un  viliail  crlrltre  de  la  basilique  de  Saint-Denis.  Dans  des  œuvres 
de  ce  liciiic,  la  peinture  sur  panneau  rivalise  avec  la  peinture  monu- 
mentale 

Le  style  rraiico-byzantin  se  perd  à  son  lour  dans  la  peinture  cata- 
lane vers  la  lin  du  xm'  siècle;  les  couleurs  vives  et  plates  reparaissent, 
cernées  par  les  contours  épais  d'un  dessin  gras,  dans  des  figurines  telles 
que  le  saint  Pierre  et  le  saint  Paul  du  musée  de   Vich  (n"'  1  et  2). 

Ouelcpies  œuvres  beaucoup  plus  délicates,  où  des  peintres  de  pan- 
neaux ont  imité  le  dessin  souple  et  fin  et  le  coloris  clair  des  miniatures 
françaises  du  temps  de  saint  Louis,  ont  rlv  reli'ouvées  en  Navarre  et 
jusque' dans  la  Nouvelle-Castille.  Un  rétable  du  trésor  de  la  catbédrale  de 
Pampelune.  (pii  rej)résente  le  Crucifiement,  au  milieu  d'une  série  de  figures 
symboliques  et  d'une  assemblée  de  prophètes  et  d'évêques,  a  été  donné 
par  un  prélat  inconnu  qui  s'est  fait  représenter  au  bas  du  tableau,  dans  la 
jiompe  d'une  audience  solennelle.  Le  style,  d'une  élégance  exquise,  est  le 
style  français  de  la  fin  du  xm''  siècle.  Les  figurines,  discrètement  teintées 
de  rose,  de  bleu  eendié  et  de  gris,  se  détachent  à  peine  sur  le  fond  lavé 
d'ocre  jaune  très  pâle. 

Une  œuvre  du  même  style  et  d'un  coloris  analogue  a  été  exécutée  à 
Madrid  sous  le  règne  d'Alphonse  le  Savant  par  un  peintre  local.  C'est  un 
reliquaire  de  bois  peint,  grand  comme  un  sarcophage,  qui  a  contenu  les 
relicpies  du  patron  de  la  ville,  saint  Isidore  le  Laboureur  {Smi  Inliba 
l(ihi-(idiir],  et  ([ui,  après  avoir  soulTert  liien  des  vicissitudes,  a  trouvé  asile 
dans  le  palais  archiépiscopal.  La  forme  du  sarcophage,  la  division  des 
faces  et  du  couvercle  en  compartiments  formes  par  des  arcatures  peintes, 
rappellent  le  tombeau  de  Doua  Berenguela,  à  Las  Iluelgas.  Les  groupes 
disposés  dans  ces  com})artiments  racontent  l'histoire  et  les  miracles  du 
saint.  Ils  forment  un  ensemble  de  scènes  de  la  vie  populaire  aussi  vivantes 
et  aussi  pittoresques  que  les  miniatures  dont  le  «  roi  savant  »  a  l'ait  illus- 
tn^r  ses  œuvres  et  dans  lesquelles  revit,  comme  en  un  royaume  de  Lilli- 
put,  la  glorieuse  Espagne  du  xm''  siècle. 


LES  MIXIATURES  -   LES  VITRAIX         LA  PEINTURE  MLMîALE         UH 

r.Ii'.LKMiUAI'IllE 

I 
LA   MINLVTUIΠ

Pour  les  ouvrages  généraux,  voir  tome  I,  L  p.  427. 

France.  —  L.  Delisle,  Livres  d'imagas  (Histoire  lillériiin- i/c  la  Fiann-,  WXI).  —  S.  Piei:- 
(lEi!,  ilélaaijcs  de  l'aléograpItie.La  Bible  franeaise  <m  iniiijci  ili/c.  Paris,  IM.St.  —  ()L:ii;naI!1).  /.es 
monuments  primitifs  de  la  Règle  cistercienne,  Dijon,  iSlH.  —  DEnAiSNES,  ]fisliiire  de  l'art  dunt: 
In  Flandre,  l'Artois  et  le  Hainaut  avant  le  xv"  siècle.  Lille,  1886.  —  B.\st.\rd,  Histoire  ilc  ,/csiis- 
Christ  en  /îyures,  gouaches  du  xir  nu  xrir  siècle  conservées  jadis  à  la  collégiale  de  Saint- 
Martial  de  Limoges,  Paris,  1879.  —  L.  Delisle,  Notice  de  douze  livres  roi/aux,  Paris,  1002: 
Notice  sur  un  psautier  du  xill"  siècle  appartenant  au  comte  de  Crawford  (Bibl.  de  l'Kcole  des 
Charles),  1807.  —  IIaseloff,  Les  psnuliers  de  saint  Louis  (Extr.  des  Mémoires  de  la  Sociclc 
nationale  des  Anticjuaires  de  France,  t.  XVIII),  Paris,  1899.  —  S.  C.  CocKEnELL,  A  psaltcr  ami 
hoU7-s  exeruted  hefore  1270  for  a  ladtj  connecled  xcith  Saint  Louis,  probably  his  sisler  Isal)ell;i 
lit  l'ranie.  founder  of  the  abbey  of  Longchamp,  now  in  the  collection  of  Henry  Yales 
rhoiiip-iiii.  Londres.  lOO.j. —  l'sauticr  de  saint  Louis,  rejiroduction  des  80  miniatures  du  ins. 
lat.  I0.")20  de  la  Bibliolhèi|ue  Xalionale:  92  [ilanches  avec  introduction  et  notices  par  Ueniy 
Omont,  Paris,  s.  d.  —  L.  Delisle  et  P.  Mever,  L'Apocalypse  en  français  au  xiir  siècle,  Paris. 
1001  (Société  des  anciens  textes  français).  —  The  Apocalypse  of  S.  John  the  divine,  reprc- 
sented  by  figures  reproduced  in  l'acsimile  from  a  nis.  in  the  Bodleian  Library.  Printed  l'or 
the  Roxburghe  Club,  Londres,  1870.  —  The  Met:;  Pontifical,  a  ms.  written  for  Reinhald  von 
Bar,  bishop~of  Metz  (1302-1516),  éd.  by  E.  S.  Dewick,  Londres,  1902.  Publication  du  Roxburghe 
Club.  —  E.  S.  Dewick,  On  a  manuscript  Pontifical  of  a  bishof  of  Metz  of  the  14'''  cent. 
(Arrhaeologia,  LIV,  189i).  —  II.  Yates  Thompson,  Thirty-tiro  miniatures  from  the  book  of 
Joua  IL  Queen  of  Navarr-a.  a  manuscript  of  the  l-i""  century.  Roxburghe  Club.  Londres,  1899. 

—  S.  C.  CocivERELL.  The  l'fiok  nf  Ilnurs  of  Yolande  of  Flanders.  A  ms.  of  the  14'''  century  in 
Ihe  Library  of  II.  Yales  Thompson.  Londres,  1905.  —  (Voir  également  ci-dessous  .Xngleterre). 

Angleterre. —  M.  E.  Thompson,  Ençjlish  illuminated  manuscripts.  Londres,  1893.  —  II.Vatks 
Thompson,  .4  lecture  on  some  emjlish  illuminated  manusci'ipts,  Londres.  19U2. —  Warner. 
Illumiualcd  mss.  in  the  British  .Muséum.  Londi-es,  1900-1904.—  Voir  les  catalogues  de  Biblio- 
théipies.  surtout  ceux  de  Mr.  Montague  Rhodes  James  sur  les  bibliothèques  des  collèges 
de  (  iambridge,  etc.,  et  les  deux  volumes  du  catalogue  de  la  bibliothèque  de  Mr.  Henry  Yales 
riiomiison.  dont  le  premier  est  fait  par  Mr.  James,  le  second  par  dilTérenls  collaborateurs. 

—  Ad.  Goldschmidt,  Der  Alboni-Psalter  in  llildcshcim  und  seine  Beziehunij  zur  sytnbolisclwu 
Iîirchenskul]}lur  des  XII.  Jahrhunderts.  Berlin,  ISO.").  — Westlake  and  Pordue,  TIw  illumina- 
tiims  of  Old  Testament  History  in  Queen  Mary's  l'saller,  Londres  et  Oxford,  s.  d.  —  O.mont, 
Miniatures  du  Psautier  de  saint  Louis.  Manuscrit  lat.  75  .4  de  la  Bibliothèque  de  l'Université 
de  Leydc.  Édition  pholotypique,  Leyde,  1902.  —  Facsimiles  in  photogravure  of  six  pages 
from  a  Psaltcr,  vritten  and  illuminated  ahout  1.Ï25  for  a  member  of  St.  Omer  family  in  Nor- 
folk, subsequently  (i.  1422  A.  D.)  the  property  of  Hunij>lirey,  duke  of  Gloucesler,  and  now 
in  Ihe  library  of  Henry  Y'ates  Thompson.  Londres,  1900.  —  (Voir  également  ci-dessus  : 
Eraiice.) 

Allemagne.  —  Jamtsciiek,  Ccschiclitc  tler  dcutschen  .Malcrci,  Berlin,  IS90. 

SUD-EST. —  WiCKHOFF,  6c.sc/i7-eî6cnrfc,<!  Verzeichnisdcr  illustrierlen  llandschriften  in  Oester- 
reich  (I.  Hermann,  Die  illustrierlen  llandschriften  in  Tirol,  Leipzig,  1905;  II.  Tietze,  Die 
illustrierten  Handsehriftên  in  Sahhurg,  Leipzig,  1905). —  Lind,  £■!■)(  .Antiplionarium  mil  Bildcr- 
schmuck  ans  der  Zeit  des  11.  und  12.  Jahrhunderts  im  Slifte  St.  Peter  zu  .Salzburii.\''\enne.  1870 
(cf.  Milteil.  der  Central-Commission,  1869).—  NEuwinrH,  Sludien  zur  Geschichte  der  Minia- 
iur-Malerei  in  Oesterreich.  {Sitzungsber.  der  k.  Akad.  der  Wissenschaflen  zu  Wien.  Philos, 
histor.  Classe,  112-115).  —  Damricii,  Die  liegensburgcr  Buehmalerei  von  der  Mille  des  12.  bis 
zum  Ende  des  \7,.  Jahrhunderts.  Diss.  Munich,  1902.  —  Damricii.  Ein  luinstlcrdreiblalt  des 
MU.  Jahrh.aus  AVo.«(er-.Sc/iCi/cr)i.  Slrasl)0urg,  1904.  —  Ki(.r,F.i!,  IVVrii(/iC7'  von  Tcgerasec.  (Kleiiic 
Scluillen.  I). 

UEHHADE  DE  LAXDSBEriG.  —  M.Eyc.ELUM-.m.Uerrarl  von  l.andsberg  und  ihrWerkIlorlus 
deliciaruni.  i^tullgarl,  1818.  —Cil.  Sciimidt,  Hcrrade  de  Landsberg.  Strasbourg,  s.  i\.  —  Horlus 
dcliriarum.  publié  aux  frais  de  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments  dWlsace. 
Texte  par  .A.  Stiiafb  et  (l.  Keller.  Strasbourg,  1901. 


1-20  iiisroiRF.  ni-.  i.Anr 

MHS.  Di:  >.\l\ri:  int.blJiMiUi:.  —  Oc.  hklii.li  ^i.i;.  Il,,-  Mi„l,Uiin-,i  r/f;-  l'iùrrrsihilshi- 
bliolhek  :u  JJn,lrll,ri;j.  11.  llcifloll)ori;.  —  A.  v.  d.  Linde.  iJir  ll,i>„lschi-ifln,  ,!,■,■  kijl.  Lumlr:- 
bihUolhck  in   Wirsl,,,,!,-,,.  Wieshndcîi.   IS77. 

1/ss.  L)i:  ]\'i:i.\i:.\HT/:x.  -  lu-imn.  iimi^ri,.-  ijimiiur  /ciiin,:i.  r.Mi:..  p.  ]ws  ,.[  -uiv. 

/,'.!. S-/,7//iV,  S.IXL\  rilUltl.M,/:.  —  hi:ol.E  1)1:  COI.OIjM-:.  —  voir  k'  c;il,il(.i;m'  de  l'Kxiio- 
ï^ilioii  rétrospeclive  de  Diisseldoi-r  on  l'.lOi  (Notes  de  M.  IlasplolV).  —  Aluenhoven',  (ic.fchiiiUc 
lier  h'olner  Ma/erscluile,  Liibcck,  l'Ml. 

ÉCOLhS  SAXONyhS  hT  TNURJXOlhNNhS.  —  Haselou',  Eine  thuriiujisch-siïchsische 
Mnlerschule  des  XIII.  Jahrhimderls,  Strasbourg,  1897.  —  Haseloi-t,  Die  mittelalterliche  Kiinsl. 
Cf.  DoRiNC.  und  Herr,  Meistenoerke  der  Kimsl  ans  Snchsen  und  Tbiiringen,  Magdebourg,  1905. 

—  Weii.v.  Miniaturen  aus  dein  l'sallerium  der  M.  Elisrihelh  in  Cit'idi(le,^)i  Originalaufnalimeii. 
Text  von  H.  Swodod.\,  Vienne,  1898.  —  Beissel,  Ein  Missale  aus  Hildesheim  und  die  Antange 
der  Arnienbibel  {Zeilschrifl  fiit-  rln-is/l.  Ku„.<l.  W.  1902).  —  IioniiEin-.  Uas  Evangoliar  Un 
Ratbause  zu  Goslar  {Jahii,.  d.  k.  jnrtiss.  I(,n,sls,n,i,i,lini,jen.  ISîiS), 

nOllËME.  —  WocE[..  ir/7//.s7((»s  IHIilerhihrl.  Prague,  1X71.  —  M.w  Dxorak.  Die  lllunii- 
naloren  des  Johann  von  Neuniarkt  (Jahi-.  der  Kiiiisls-nniiihniiirii  dm  nlleflilirlisieii  Kniser- 
liaitses,  1901,  p.  55). 

MANUSCniTS  LAÏQUES.—  G.  linii.i;.  Die  l:,nnf,,l,,l  K.iisn-  liy,nrirl,s  VII  i„i  Bi/dn-r,,rl,(.-< 
des  Codex  Balduini.  Berlin,  188!.  — F.  X.  Kii.us.  Iiir  Mi.ii.ihn-r,,  der  M„„r.-<srsrli,'u  Liedrrli,,„d- 
selu-ifl.  Strasbourg,  1887.  —  OECnEI.n.i;uSER.  die  Miinaliirni....  IH.  —  Die  Weiu<jarhier 
Liedevhiiivhrlirifl.  lierausgeg.  vom  Literar  Verein  in  Slutli.'.ul.  \  .  —  .Xmira,  Die  i;i-(issr 
Bilderliandscbrirt  von  'S\"olframs  Willebalni  (Sitz-imgsber.  der  Ihnjer.  Ahid..  der  Wixsriisrli,if- 
len,  11105).  —  Amira,  Die  Dresdener   BildeyhataUrhiifï    des  Sachaenspiegels.  Leipzig,    lOO-i-lOO.". 

—  Amira,  Die  Généalogie  der  Bilderliandschririen  des  Sachsenspiegels  [Aldnnid/.  il.  phitns.- 
jdulul.  Classe  lier  k.  Bayer.  Akivl.  d.  Wisseiisrhiiflni,  190'2). 

IIIIUJA  l'Ml'EBVM.  etc.  —  Ih;ii.i.n.  BoitrMge  zur  cbristl.  Tyiiologie  i./.'/nV..  d.  k.  k. 
(■eiih-,il-n,iinnissi,,ii.  W  18111.  —  Camkiiina  und  IIeiiiM!.  die  Dnrsle/htiigen  der  /Hl.li.i  pniipenim 
iiii  Shfh-  SI.  El.n-iini.  \ieiine.  1805.  —  I.mi;  und  ScmwaI!/,,  l:ilili,i  ],iiiijieritiii  liUM.'li  ileni  Ori- 
liin.d  in  dci-  l,\roMin^!iilil.   m  C.oiisl.iii/,),  Zuricli.   lSli7. 


II 
LA  PEIMLIRK  SUR  VERRE  ET  LA  PEINTURE  MURALE 

France.  —  \  uii'  lonic  1.  p.  81.". 

Suisse.  —  li.vri^  (D'  J.  Iîiholk).  Ceseliicldeder  bildcndcn  Kiinsle  in  derSehwci:,  Zurich,  1870, 
in-8"  p.  580  et  suiv.  —  Baun  (.1.  1!.).  Die  Glasgemdlde  in  der  Rosette  der  Kathcdrale  in  Lnusanne. 
danslesJ/;//r,7,,,,.,oM/,■^,!/i//■7,-,^v^s7•/,enGese(;sc/^f(/Y.^»^■c/^,1878-80.— R.uiN(J.R.)etLEnM.v\.\(II.i. 
Die  si7/i''(i,-(i /><//,•,(  i:l,is<i,-iittilde  in  der  Vincent' sclien  SaDDithinij  in  Kunstnnz,  dans  les  Mit- 
teil.  der  ,1111,11.  Iles.  /.  l,,iiie  \.\II,  1890,  in-4«,  p.  259  et  suiv.  (Bibliographie  détaillée  des  vitrau.x 
suisses,  complétée  dans  l'Indicateur  des  anlicjxtités  suisses,  Zurich,  1900,  in-8",  p.  09  et  suiv.). 

—  Raiin  (J.  1{.),  Die  mil tclalterliehen  Wandrjemdlde  in  der  italienischen  Schwei:-,  dans  les 
Mitleil.  der  anliq.  Ges.  iT.,  1881-1886.  —  Raun  (.1.  ïi.),  Deu.x  suites  de  peintnres  profanes  du 
Xl\''  et  du  XV"  siècle  dans  les  Monuments  de  CArt  suisse.  Genève,  1902,  in-4".  —  Durrer 
(Robert),  Der  mittelalterliche  Bildersclimuck  der  Kapelle  zu  Waltalinr/en  bei  Stammlieim, 
Zwei  Bildereyklen  aus  dem  Anfang  dci  XIV.  Jalirhunderts.  {Die  Gallus  Kapelle  in  Ubcrstamm- 
heini  und  die  Herrenslube  in  Diessenhofen),  dans  les  Mitteil.  der  anliq.  Ges.  Z.,  1898, 
1899,  4":  —  Die  WapjienroHe  von  Zitrich,  ein  licraldischcs  Denkmal  des  XIV.  Jalirhunderts, 
'25  planches  en  couleur  publiées  par  VAntiq.  Ges.  Z.,  s.  d.  —  Leumanx  (llnns).  Zur  Geschiehte 
lier  Glasmalerci  in  der  Scliweiz,  I.  Teil.  IhreEntwickhinç/  bis  zum  Si-hln^sc  ,lfs  1 1.  Jalirhunderts, 
dans  les  Mitteil.  der  antiq.  Ges.  Z.,  1900  (aper.çu  complet  de  rbisbiiic  du  \ilrail  en  Suisse). 

—  Kraus  (J.  X.),  D'ie  Miniaturen  der  Manesse'schcn  IJederhnndschrifl.  (Reproductions  en  fac- 
similé),  Strasbourg,  1887,  in-fol. 

La  peinture,  du  XI'  au  XIV»  siècle  en  Espagne.  —  .Monumentos  arquitecidnicos  de 
Esjiana.  nouv.  édit.,  1905.  Monuments  chrétiens  de  Tolède.  —  .1.  Gudioll  y  Cu.nill,  Aocioncs 
de  arqiico/oyia  sayrada  calalnna.  X'ich,  190'2.  —  Du  même  :  Calàluyo  del  Maseo  arqueoldijico 
arlLilinj  episc.pal  de  Vlrb.  \ich.  ISilj. 


CHAPlTRi:    1\ 
LA   PEINTLPii:  ITALIENNE  AVANT  GIOTTO' 


Les  traditions  latines  et  les  influences  grecques  a  Rome; 
MOSAÏQUES  ET  PEINTURES  DE  lépoque  ROMANE.  —  Dcs  Ic  coiiimcnccmenl 
du  xii*"  siècle  on  entrevoit,  dans  ritalie  entière,  un  réveil  artistique.  Cet 
art  roman,  qui  pousse  de  toutes  parts  des  jets  vigoureu.x,  ne  s"ég-aie  sans 
doute  pas  de  lleurs  bien  délicates;  à  la  végétation  de  rudes  sculptures 
([ui  revêt  les  portails  des  cathédrales  nouvelles  commence  à  répondre,  le 
long  des  nefs  et  des  voûtes,  un  décor  peint  où  l'ornement  stylisé  s'associe 
aux  compositions  pieuses;  mais  la  bonne  volonté  est  plus  évidente  encore 
que  le  talent.  D'oii  peuvent  venir  les  influences  d'art,  et  où  se  concen- 
trent-elles? Si  l'on  essayait  de  dresser  une  carte  de  l'Italie  artistique  vers 
cette  époque,  on  serait  surpris  d'y  trouver  peu  de  grands  espaces  abso- 
lument vides.  Les  jeunes  républiques  batailleuses  et  commerçantes,  que 
l'on  imagine  plus  préoccupées  d'assurer  leur  existence  que  de  l'orner, 
ne  négligent  point  démarquer  leurs  avantages  de  guerre  ou  d'argent  par 
des  constructions  nouvelles,  que  décorent  les  artistes  locaux.  Au  nord, 
\enise  apparaît  comme  un  prolongement  de  Byzance  sur  les  rives  de 
l'Adriatique;  la  basilique  de  Saint-Marc,  déjà  toute  éblouissante  de 
mosaïques  et  de  marljres  précieux,  a  été  consacrée  en  Id'.K").  En  lll'jest 
exécutée  à  Ravcnne  la  grande  mosaï([ue  de  la  cathédrale  dépecée  au 
xviii''  siècle  i;  vers  le  même  temps,  l'abside  de  la  basilique  de  Saint- 
Ambroise  de  Milan  est  revêtue  d'une  mosaïque  assez  barbare  où  le 
Christ  trône  entre  les  saints  Protais  et  Gervais,  et  où  saint  Ambioise  est 
représenté  deux  fois,  célébi-ant  la  messe  à  ^lilan  ci  assistant  aux 
obsèques  de  saint  Martin  à  Tours.  .\  Vérone,  le  Musée  conserve  des 
fragments  de  iVi'sipies  du  xii'  siècle;  à  Reggio,  nous  sa\onsque  la  façade; 
delà  catlit''dralc  lui  orn(''e   de  peintures,    admirées    au  point   ipii'  le  niuni- 

I.  I';ii-  M.  Aii.hv  l'L-ralé. 


122  HISTOIRE   1)1".   I.ART 

(•i])c  pi'(iliiii;i  (l'allumer  du  IVu  sur  la  place,  de  craiulc  (pic  la  ruiiu''c  ne 
les  li'àlàl  ;  à  .M()d(''ii('  aussi,  la  cal  li('Mlral('  re(^ut  d(?s  pciul  lires,  doul  il  suli- 
,si.sle  quelques  ligures  d'aui^es.  A  Bologne,  on  trouve  en  llHIO  le  iKun 
d'un  Gaiidiil/iniis  piclor:  i\  Purnie,  d(''s  1068,  un  Everard,  \n-ulrc  et  iiciiilrc. 
Là  aussi,  couimc  à  Rcggio,  la  liKiadc  de  la  calluklrale  était  toute  peinte. 
.Jusqu'en  des  recoins  perdus  au  pied  des  hautes  Alpes,  les  héncdictins 
ont  laisse!'  une  trace  durable  de  leur  passage  :  à  San  Pielro  di  (livale, 
une  petite  église  construite  par  eux  abrite  encore  des  figui'es  de  style 
grec.  Puis  c'est  la  Toscane,  a\('C  Pisc  ci  Sienne,  riches  en  arlisles 
plus  que  toutes  autres  cités;  avec  Florence,  où  l'on  rencontre  en  lOGC) 
le  nom  de  Fra  Rustico,  clerc  et  peintre,  en  IIP.'  celui  de  Girolamo  di 
Morello,  en  I  PM  celui  de  .Mai-chisello.  Plus  bas,  c'esl  lîome,  (pii, 
tout  alïaihlie,  déchirée,  dévastée,  garde  encore  la  majesié  de  la  puis- 
sance jiapale.  Au  delà  du  Sainl-lMupire,  la  ferlile  (lamjianieel  les  villes 
apuliennes,  et,  plus  au  sud,  les  régions  à  demi  sauvages  où  les  moines 
basiliens  s'enferment  dans  leurs  grottes  pour  en  tapisser  les  parois 
(le  peintures  semblal)les  à  celles  de  l'Athos,  conduisent  vers  la 
Sicile,  cette  outre  (ïr(''cc,  où  vont  surgir  d'admiral)les  monuments 
byzantins. 

La  plupart  des  artistes,  nous  l'avons  déjà  vu,  sont  dirigés  par  les 
ordres  monastiques  établis  dans  la  péninsule;  il  serait  plus  juste  de  dire 
qu'ils  appartiennent  alors  au  seul  ordre  des  bénédictins,  dont  les  monas- 
tères, du  sud  au  nord,  regardent  tous  vers  le  Mont  Cassin.  Les  cister- 
ciens, fpii  vers  la  fin  du  xif  siècle  apporteront  de  France  les  premiers 
éléments  de  l'arl  gothique,  ne  seront  que  des  architectes;  les  bénédictins 
sont  des  peintres.  Enlumineurs  et  fresquistes,  ils  ont  un  enseignement  et 
une  tradition  d'art;  mais  leurs  propres  ressources  deviennent  insufli- 
santes,  s'il  s'agit  de  renouveler  les  grands  décors  ipii  tiicnt  la  lieaiit(''  des 
l)asiliques  romaines  jusqu'aux  temps  carolingiens.  La  mosaïque  n'est  plus 
un  art  latin,  c'est  un  art  grec,  que  seuls  connaissent  encore  les  praticiens 
de  Constantinojtle  ou  de  ^  enise.  G'esl  à  des  artistes  de  (lonslaiitinople  (pie 
l'abbé  Didier,  l'illustre  rén(nateur  des  arts  au  Mont  (iassiii,  avait,  dés  le 
xf  siècle,  demandé  le  secret  de  techniques  abolies.  Devenu  pape  sous  le 
nom  de  Victor  111,  il  régna  trop  peu,  et  en  des  moments  trop  troublés,  pour 
pouvoir  enrichir  Rome  d'édifices  aussi  splendides  que  ceux  du  Mont 
Cassin;  mais,  parmi  ses  successeurs  immédiats,  Pascal  II  et  Calixte  II 
s'occupèrent  à  déblayer  les  ruines  accumulées  dans  la  ^'ille  sainte.  Pas- 
cal éleva  la  nouvelle  basilique  de  Saint-Clément  sur  les  piliers  de  la  liasi- 
lique  primitive  aux  trois  quarts  enfoncée  dans  le  sol.  11  y  transporta  les 
anciennes  clôtures  du  chœur  et  les  ambons  au  monogramme  de  Jean  \'l  11. 
et  orna  l'abside  d'une  des  plus  belles  et  tout  à  la  fois  des  plus  singu- 
lières mosaïques  que  l'on  puisse  voir  dans  une  église  romaine.  La  Croix, 


LA   PEI.NTI'IIE   ITALIENNE  AVANT   GIOTTO  423 

où  csl  altaché  le  Christ,  représenté  mori  <■!  la  tète  inclinée,  conlraire- 
uient  aux  règles  de  Ticonograpliie  byzantine  peut-être  est-ce  l'effet  d'une 
restauration  postérieure),  porte  en  même  temps  douze  colond)es,  les 
Apôtres.  Elle  sort  d'une  large  touffe  d'acanthe  aux  feuilles  robustes,  d'où 
s'élancent  à  droite  et  à  gauche  de  grands  rinceaux  de  feuillage  tout  pareils 
à  ceux  dont  fui  ornée,  au  iv"  siècle,  une  des  absides  du  baptistère  du 
Latran  (voir  1.  1",  p.  iOi.  Sur  le  fond  d'or  où  serpentent  leurs  volutes, 
il  y  a  des  oiseaux  qui  s'éliattent,  de  petits  amours  ijui  joueni,  des 
scènes  pastorales,  et  les  ligures  tles  quatre  Docteurs  de  l'Eglise.  A  la 
base  delà  grande  touffe  d'acanthe  jaillissent  les  quatre  lleuves,  où  boi- 
vent les  cerfs  mystiques  et  toute  sorte  d'oiseaux.  Au  sommet  de  l'abside 
se  déploie  l'éventail  multicolore  où  l'on  voit  dans  un  médaillon  la  main 
du  Père  qui  bénit.  Enfin  une  zone  inférieure  enferme,  selon  la  tradi- 
tion classique,  l'Agneau  divin  debout  sur  un  tertre,  entre  les  douze  brebis 
(pii  sortent  de  Jérusalem  et  de  Bethléem.  Tout  rappelle  ici  les  souvenirs 
tles  plus  vieilles  et  des  plus  belles  mosaïques  romaines,  celles  de  Sainte- 
Constance,  du  Latran,  de  Saint-Pierre;  et  plus  on  analyse  les  délails, 
plus  on  se  sent  porté  à  croire  que  l'on  n'a  vraiment  pas  alVaire  à  une 
création  nouvelle,  ou  même  à  une  imitation  d'une  oeuvre  dis|)arue,  mais 
plutôt  à  un  remaniement  et  à  une  mise  en  place  d'une  mosaïque  (li'jà 
existante,  à  peine  modifiée  et  accrue.  Ainsi  le  premier  travail  il'un 
atelier  de  mosaïstes  installé  à  Rome  au  début  du  xn'  siècle  n'aurait 
i''lé  (|u'une  restauration.  Il  n'en  est  [)as  de  même  du  décor  de  l'arc  absi- 
ihd.  où  les  symboles  des  Evangélistes  flottent  dans  les  nues  aulour 
du  buste  du  Sauveur,  où  saint  Pierre  et  saint  Clément  siègent  en 
regard  de  saint  Paul  et  de  saint  Laurent,  tandis  que,  plus  bas, 
Isaïe  et  Jérémie  déploient  de  longs  rouleaux  de  parchemin.  Si  l'espril 
de  la  composition  est  antique,  il  semble  bien  que  l'exéculion  en  soil 
assez  récente,  et  peut-être  même  i)Ostérieure  d'un  siècle  aux  travaux  de 
Pascal  II. 

Calixte  II  ne  fit  pas  exécuter  de  mosaïques,  mais  les  peintures  dont 
il  enrichit  le  Latran,  si  elles  n'avaient  lamentablement  péri  dans  les 
deslruclions  ordonnées  par  Paul  III  et  Jules  III  au  cours  du  xvi"  siècle, 
seraient  considérées  sans  doute  comme  les  premiers  monuments  d'un  ail 
nouveau,  les  premières  ébauches  de  la  peinture  historique,  i)lus  d'un 
siècle  et  demi  avant  Giotto.  Dans  un  oratoii'e  dédié  à  saint  Nicolas  de 
Bari,  il  avait  fait  représenter  les  six  ])apes  ses  prédécesseurs,  avec  saint 
Léon  et  saint  Grégoire  le  Grand,  groupés  autour  du  trône  du  Christ,  aux 
pieds  duquel  lui-même  s'agenouillail  :  pln^  li.uil  éLiil  la  \"ii  igc  Mai-je 
pai'mi  les  anges.  (>ela  n'avait  rien  (pu'  t\r  h  adilionncl  ;  le  nou\rau  lu!  que, 
dans  une  salle  annexe,  Calixte  ordonna  de  peindre  encore  les  mêmes 
papes,  mais  celte  fois  réunis  ou  ( oneile  parmi   les  évêf|ues  el   les  eai'di- 


mSTOIIU':    IiK    I.Al'.T 


iiaiix.  cl  l'oiilanl  aux  pieds  les  aiil  ipapcs  :  |i()Ui'(|U(ii  l'aul-il  (iiiil  ne  iiuus 
irslc  que  (raïuiriuics  (Icscrijilioiis.  et  pas  un  dessin  d'une  œnviT  aussi 
j)rccieuse  ' 

Sous  Innocenl  li  apparaisscnl  des  mosaïques  nouvelles,  où  s'intei'- 
iduqil  à  demi  la  li'adilion  laline.  Si  on  ne  peut  guère  relever  d'inlluences 
In/.anlines  dans  la  mosaïque  de  Saint-Clémenl  (sauf  peul-èlre  Taddi- 
tion    des  fio'ures  de  la  Vierge  et  de  saint  Jean   aux  eùlés  i\v  la  Croix), 

l'impression  est  tout 
aulreilex  ani  l'ahsitle 
de  Sanla  Maria 
Xuova  (((ue  l'on  a 
n  o  m  m  é  e  depuis 
Sain  l  e  -F  r  a  n  ç  o  i  s  e 
domaine).  Là,  c'esl 
vraiment  Byzanee 
cpii  nous  parle,  ou, 
si  l'on  [U'él'ère,  les 
(unriers  grecs  du 
Monl  C.assin,  occu- 
j>és  à  traduire  une 
œuvre  grecque.  Cai- 
cette  Madone  diadé- 
mée,  vêtue  en  impé- 
ratrice, cjui  siège  sur 
un  trône  au  dossier 
renlli''.  aux  jdeds 
d'orfèN  rerie,  et  lien! 
debout  sur  ses  ge- 
noux im  Enfant  mai- 
gre, d'une  raideur 
hiératique,  est  toute 
jiareille  aux  icônes 
orientales;  quoi 
(|n'(»ii  en  ail  ])u  dire  loul  récemment  encore,  rien  dans  cette  œuvre 
éclatante  et  tig(''e  ne  porte  la  marque  d'un  art  nouveau  (lig.  i'M).  Les 
a[)ôtres  saint  .lean  cl  saint  Jacques,  saint  Pierre  et  saint  André,  debout 
aux  côtés  d(,'  la  \'ierge  sous  des  arcades  que  supportent  des  colonnes  à 
clia|)iteaux  corinthiens,  n'ont  de  latin  que  leurs  inscriptions.  11  n'est 
]>as  douteux  d'ailleurs  que  l'on  ne  doive  chercher  le  prototype  de  ce 
curieux  monument  dans  la  mosaïque  absidale  de  la  cathédrale  de  Capoue. 
ordonnée  par  l'archevêque  Ugo  vers  le  début  du  xn'  siècle,  et,  comme 
les  mosaïques  campaniennes  de  même  époque,  exécutée  par  l'atelier  du 


T.    II.    —   5i 


/m  HISTOIRE  DE   L'ART 

Molli   Cassiii  (iious  lie  la  coiiiiaissons  que  par  une  gravure  di;  Ciauipini). 

liicn  plus  iuiporlantc  el  d'une  composition  plus  riche,  la  mosaïque 
ahsidale  de  Sainte-Marie  du  Transtévère,  ordonnée  par  le  même  pape,  en 
1 1  iO,  montre  pour  la  première  fois  en  Italie  un  des  thèmes  de  prédilec- 
tion de  l'art  chrétien  du  moyen  âge,  le  Couronnement  de  la  Vierge 
(lig.  295).  Encore  ce  thème  n'a-t-il  pas  reçu  dès  l'abord  sa  formule  défi- 
nilive;  car  Marie  n'est  point  réellement  couronnée  par  son  Fils;  elle  siège 
à  sa  droite  sur  un  large  trône,  comme  une  impératrice  auprès  d'un  em- 
jiereur.  Le  Christ  tient  un  livre  où  on  lit  :  Veni,  clccla  Diea,  et  poiiam  In 
le  thvonum  meum,  et  il  appuie  la  main  droite  sur  l'épaule  de  sa  Mère,  pour 
présenter  en  même  temps  qu'elle  un  parchemin  avec  les  paroles  :  Leva 
ejus  sub  capile  meo  et  dextera  illius  aniplcxabilur  me.  Le  geste  se  transfor- 
mera, cent  cinquante  ans  plus  tard,  dans  la  mosaïque  de  Sainte-Marie- 
^lajcure;  ici  il  est  encore  byzantin.  A  droite  du  trône  céleste  se  tiennent 
les  saints  Gali.xte  et  Laurent,  que  suit  le  pape  Innocent  II,  tandis  que 
de  l'autre  côté  saint  Pierre  est  accompagné  des  saints  Corneille,  Jules  et 
Calépode.  Dans  la  frise  inférieure  sont  les  brebis  et  les  villes  mystiques; 
sur  l'arc,  les  symboles  évangéliques  autour  de  la  Croix  et  des  sept  can- 
délabres, et  les  prophètes  Isaïe  et  Jérémie.  Un  détail  qu'il  ne  faut  pas 
oublier,  et  qui  marque  bien  la  persistance  à  Rome  des  traditions  classi- 
ques, c'est  l'arrangement,  au  pied  des  deux  Prophètes,  de  deux  petites 
scènes  imitées  de  quelque  bas-relief,  qui  représentent  des  amours  tenant 
un  drap  plein  de  fruits,  et  des  oiseaux  posés  sur  un  vase  de  fleurs. 

Ouelques  années  plus  tard,  le  pape  Eugène  III  faisait  terminer  les 
mosaïques  de  la  façade  (misérablement  restaurées  au  xix''  siècle),  oîi 
l'image  de  la  Mère  de  Dieu  domine  les  figures  des  dix  \'ierges  sages  et 
folles,  portant  leurs  lampes  allumées  ou  éteintes. 

A  l'exemple  de  Calixte  II,  Innocent  II  avait  continué  d'orner  le  palais 
de  Latran  de  peintures  historiques,  qui  durèrent,  elles  aussi,  jusqu'au 
x\f  siècle;  elles  représentaient,  en  plusieurs  tableaux,  le  couronnement  de 
Lothaire  II,  son  serment  aux  Romains  de  respecter  leurs  privilèges,  et 
l'accolade  qu'il  recevait  du  pape. 

Mais  bientôt  une  nouvelle  dévastation  de  la  malheureuse  Rome 
interrompt  les  travaux  d'art  des  papes;  les  troupes  de  Rarberousse,  en 
1167,  saccagent  le  palais  qu'Eugène  III  venait  de  construire  au  Vatican, 
incendient  et  profanent  la  basilique  de  Saint-Pierre.  Il  faut  attendre  le 
grand  règne  d'Innocent  III  et  les  premières  années  du  xiii'' siècle  pour 
voir  de  nouveau  les  églises  se  relever  et  s'embellir.  C'est  le  temps  où  les 
marbriers  Jacques  et  Cosmas,  membres  d'une  puissante  famille  d'artistes, 
t:ommencent,  au  Latran  et  à  Saint-Paul-hors-les-Murs,  ces  cloîtres  déli- 
cieux où  les  colonnes  sculptées  se  fleurissent  de  mosaïques,  où  des 
inscriptions  en  lettres  d'or  étincellent  sur  une  frise  aux  couleurs  joyeuses. 


LA   PEINTURE   ITALIENNE  AVANT   GIOTTO  427 

Celle  dynaslic  des  ;/(fl/'///o)Y(/'/ romains,  arcliilccles,  sculpteurs  el  mosaïstes, 
qui  durant  tout  le  xiii"  siècle  remplira  l'Italie  de  chefs-d"œuvi-e,  si  Lien 
qu'on  les  sollicitera  de  partout,  et  jusqu'en  Angleterre,  semble  avoir  ses 
origines  dans  les  montagnes  de  l'Ombric.  C'est  un  marbrier  ombrien,  le 
Solslernus  qui  orne  d'une  vaniteuse  signature,  en  l'207,unc  assez  pauvre 
mosaïque  sur  la  l'acade  du  dôme  de  Spolèle.  Sculpteurs  d'ornements 
inimitables,  au  point  que  l'on  a  longlem})s  confondu  plus  d'un  de  leurs 
bas-reliefs  avec  les  œuvres  des  premiers  siècles,  les  iiKiniKiniri  ne  suf- 
fisent cependant  pas,  malgré  toutes  les  ressources  de  leurs  ateliers,  à 
reprendre  les  grandes  compositions  de  mosaïque  dont  !(^s  ouvriers 
grecs  du  Mont  Cassin  avaient  restauré  la  tradition  au  siècle  précédent. 
Ce  qui  le  prouve,  c'est  la  lettre  que  le  pape  Ilonorius  III  écrit,  en  janvier 
l'2IS,  au  doge  de  ^'enise,  j)our  le  remercier  de  lui  avoir  adressé  un  maître 
mosaïste,  et  lui  en  demander  encore  deux  autres.  Il  fallut  donc  recourir 
aux  maîtres  vénitiens,  c'est-à-dire  à  des  Byzantins,  pour  terminer  la  vasic 
mosaïque  absidale  de  Saint-Paul-hors-les-Murs.  Elle  ne  doit  pas  ctie 
une  œuvre  nouvelle,  mais  bien  un  remaniement  de  l'ancienne  abside,  où 
l'on  peut  supposer  qu'était  déjà  figuré  le  Rédempteur  trônant  imiIic 
saint  Paul  et  saint  Luc,  saint  Pierre  et  saint  André;  dans  une  zone  infé- 
rieure, les  douze  Apôtres,  au  lieu  des  brebis  accoutumées,  séparés  par 
des  palmiers,  ainsi  qu'on  les  voit  à  Ravenne,  entourent  un  autel  que 
gardent  deux  anges. 

A  Saint-Laurent-hors-les-Murs,  Ilonorius  III  accomplit  aussi  des 
travaux  considérables  :  il  fond  en  une  seule  basilicjue  les  deux  églises 
piimili\es,  et  devant  la  nouvelle  façade  élève  un  porche  décoré  de  mosaï- 
(pies  el  de  fresques.  Ces  fresques  existent  encore,  mais  si  retouchées,  ou 
plutôt  si  affreusement  repeintes,  qu'il  est  difficile  de  juger  de  leur  valeur 
d'art;  on  ne  peut  plus  que  soupçonner  leur  grande  valeur  historique.  Elles 
représentent,  en  compartiments  juxtaposés,  d'abord  la  vie  et  le  martyre 
de  saint  Laurent  et  de  saint  Etienne,  puis  un  événement  historique 
contemporain,  le  couronnement  de  Pierre  de  Courlenay,  sacré  empereur 
d'Orient,  en  1217,  dans  celte  même  liasilique  de  Saint-Laurent,  par  le 
pape  Ilonorius. 

Restaurées  aussi,  mais  de  façon  moins  l)arbare,  les  fresques  (pii 
décorent  la  chapelle  de  Saint-Silvestre,  au  seuil  de  l'église  des  Ouatre- 
Saints  Couronnés,  sont  un  des  meilleurs  témoignages  qui  nous  resleni 
des  ambitions  et  des  maladresses  de  l'art  romain  dans  la  première  moitié 
du  xiu"^  siècle.  On  les  croirait  volontiers  plus  anciennes,  et  l'on  est  surpris 
de  devoir  en  faire  descendre  l'exécution  jusqu'au  temps  d'innocent  IV, 
en  1240.  L'artiste  indigène  qui  les  peignit,  moine  ou  laïc,  n'avait  guère 
profité  des  leçons  des  peintres  grecs  venus  du  nord;  son  dessin  misé- 
rable le  prouve.  Très  précieuse  d'ailleurs  pour  l'histoire  du  costume,  celle 


■ios  IIISIOIUK  DM  I.AIiT 

h'-ijonde  ('11  inin£;TS  fin  |ki|h'  snini  SiKrsIrr  ri  de  In  fimiriisc  DniKilioii  do 
Conslanlin  «'sl  iianvc  ;im'c  le  plus  lii'nnd  luxe  de  drlnils  |iill(iic>(|iirs  : 
c'est  un  lidrlc  commcnhurc  du  ri'cil  un  |i('n  dilTus  que  Jacqnes  de  \'ora- 
gine,  nn  dcnu-sirele  plus  laid,  va  insrin- dans  sa  Lf^çendc  dorée (fig.  t296). 
Mais  lonl  n'en  es!  pas  latin,  car  la  icpi'(''si'ntali(in  dn  .Tuycnicnl  dernier, 
qui  oeen[)e  uni'  parlirdcla  niuraillr  du  fond,  est  Mcn  conrornic  aux  rè- 
gles d(^  l'iconogi'apliic  liy/anlinc.  Le  (  llirisl  Juge  (|ui  sirgc.  cnloni-i''  des 
emblèmes  de  la  Passion,  sur  un  trône  aux  côtés  duquel  sont  dcliout  la 
Vierge  et,  le  Précurseur,  et  assis  les  douze  Apôtres,  tient  de  la  main  gau- 
clie  la  (a-oix.  el  lève  la  main  droite   et   d(''couvre  son    liane  nu  pour  mon- 


l'ii..  -i'.ii..  -  l.,i  I 


l.iiiliii.  Iiv-ciuv  ilr  la  Lhapelle  de  Saiiil-Silvesli-c. 


Irer  ses  plaies;  deux  anges  volent  dans  les  airs,  dont  l'un  souffle  dans 
une  ti-oni|telle.  el  l'autre  roule  un  parchemin  constellé.  ])onr  ti-aduire  le 
texte  de  rApocai\|ise  :  •■  Le  ciel  se  i-etira  comme  un  li\re  (pie  I  (ui  rdule» 
(VI,  -il.  (Jela  rajipelle  les  mosaï(pi('s  \(''niliennes.  el  aussi  les  peinlures 
de  SanL'Angelo  in  l'ormis;  mais  il  est  élrange  de  penser  (^pie  eimiuante 
ans  à  peine  nous  séparent  des  cliefs-dd'u\  re  de  (liotlo. 


I^RKUOMINANCE  DU  BYZ.VNTIMSME  AV  DÉBLT  DU  XIll'  SlÙUUt:.  PREMIERS 
ARTISTES  FRANCISCAINS.  MoS.\IOUES  DU  BAPTISTÈRE  DE  F"lORENCE,  ET  PEIN- 
TURES DU  BAPTISTÈRE  DE  Paisme.  —  11  seuililc  liicn  désormais  (|ue  l'art 
liyzanlin  ail  terminé  son  lent  travail  d'investissement,  el  (|u'il  soil  luailre 
de  l'Italie.  Les  liénédictins  ont  été  ses  alliés  sans  le  Nouloir;  ils  lui  oui 
demandé  sa  technique;  ils  ont  inler[irété  ses  le(;;ons,  cl  copié  ses  compo- 
sitions immuables.  Ces  peintres  locaux,  dont  les  comptes  d'archives  nous 


LA   PKINTI'RE   ITALIENNE    AVANT  GIOTTO  «9 

;i|i|iriniicnt  les  noms  bien  plus  que  les  œuvres,  sont  trop  souvciil  (\f  ^^los- 
>icrs  cl  iiialiiabilcs  décorateurs;  et  s'il  s'agit  de  quelque  travail  d'iuipur- 
taiice,  il  faut  bien  s'adresser  à  ceux-là  seuls  qui  ont  le  renom  d'artistes. 
Le  pape  Innocent  III,  par  ses  relations  avec  Naples  et  la  Sicile,  a  favorisé 
!'inq)ortation  des  orfèvreries,  des  tissus,  des  tableaux  d'Orient,  et  nous 
avons  vu  son  successeur  HonoriusIII  recourir  aux  Byzantins  du  noid.  aux 
artistes  de  Venise.  Cependant,  au  temps  même  où  cette  domination  de 
Byzance  paraît  le  plus  solidement  assise,  un  immense  cbaniienient  se  pré- 
parc; une  lumière  nouvelle  a  lui  sur  les  collines  d'Ombrie.  Saint  Franç;ois 
et  ses  compagnons parcouii'iil  l'Ilaiie.  A  leur  voix  généreuse,  les  préceptes 
rigides  se  brisent,  le  vieux  l'ormalisme  desséché  s'émiette,  et  de  pauvres 
peintres  qui  balbutiaient  sans  les  comprendre  les  thèmes  péniblement  appris 
s'aperçoivent  que  les  hommes  sont  vivants  et  que  la  nature  est  belle.  Mais 
la  révélation  franciscaine,  d'où  sortiront  des  poètes  comme  Fra  Jacopone 
et  Dante,  des  peintres  comme  Giotto  et  les  Lorenzetti,  ne  va  point  cepen- 
dant émanciper  l'art  en  quelques  années;  de  trop  fortes  chaînes  l'attachent 
encore  à  l'Orient.  Ce  qui  est  digne  de  remarque,  c'est  que,  tout  de  suite, 
la  ligure  même  de  saint  François  apparaît  dans  les  fresques  italiennes 
(il  n'en  est  point  de  même  pour  saint  Dominique,  malgré  le  1res  rapide 
développement  de  son  ordre).  Un  porli'ait  du  Poverello  d'Assise,  un  des 
premiers,  se  trouve  au  Sacro  Spcco,  dans  la  grotte  sainte  de  SuJjiaco,  au 
centre  même  d'où  partit  la  réforme  bénédictine.  Est-il  l'œuvre  de  quelque 
artiste  franciscain?  Ce  ne  serait  pas  impossible;  car  l'ordre  nouveau,  à 
peine  constitué,  compta  des  artistes.  La  preuve  en  est  la  signature  de  ce 
mosaïste  qui  a  décoré,  en  I^'ir»,  la  voûte  de  la  tribune  du  baptistère  de 
Florence  :  Sancti  Frnncisci  frôler  fuit  hoc  opcrafus  Jacobiis  iii  lali  prc  cinidis 
<irlc  priilialus.  L'inscription,  très  détaiiié(_'  et  précise,  et  où  la  date  esl 
menli()nn(''e  dans  un  dislicpie  spécial,  doit  être  de  quelques  ann('-es  posb''- 
lii'Uir.  le  iKini  lie  saint  ne  pniivaiil  Liuère  avoir  été  donne''  à  b'raneois 
a\ant  sa  canonisation,  qui  est  de  l'i'JT;  elle  démontre,  en  tout  cas.  (junn 
mosaïste  célèbre,  du  nom  de  Jacques,  fut  parmi  les  premiers  moines  lian- 
ciscains.  11  avait,  sans  doute,  fait  son  éducation  à  \'enise;  la  finesse  th- 
son  travail  est  toute  grecque.  Autour  d'un  médaillon  central  qui  renlVrnii' 
la  figure  de  l'Agneau,  des  paliiarclies  sont  debout  en  liuil  coniiiaili- 
ments  (selon  la  disposition  si  fréipieide  aux  plafonds  des  Catacondtes 
romaines),  et  quatre  anges  trapus  et  péniblement  agenouillés  sur  des  cha- 
piteaux de  feuillage  souliennenl,  de  leurs  bras  tendus.  toiil<'  eellc  voTilc 
au  ciel  d'or:  sur  des  cartels  à  la  base  des  chajiiieaux  >r  ili''|iloir  1  iii>- 
eriplinn  en  liiiil  vers  alexandrins,  l'iir  doidijc  frise,  sur  l'are  i'\l(''rirui- dr 
la  \()ùlr,  uionli-e  dans  \\u  ni('-daillnii  le  biisle  du  Pfécui-seur.  eiilouri''  de 
ceux  des  douze'  .Vpôtres  e|  des  qiiali'e  b]\  angidisl  es.  puis  eeini  de  hi 
\  ierge,  (Mdouré  (les  ligures  en  |iii'il   Ar  doii/.e  l'io|iliéles:    an-ilessus  se 


/j-0  HISTOIRE  DE  LART 

(lrvclo]ipr  nue  zone  étroilc  de  rcuillagcs,  doiil  les  liampes  sont  portées 
|i;ir  (les  eiil'anls  mis  qui  ohevauehent  iiii  lion  cl.  une  lionne. 

C'est  prohahlemcnl  aussi  k  un  arlisie  franciscain  qu'est  dû  le  grand 
cycle  de  peintures  absolument  byzantines,  mais  par  endroits  d'une  réelle 
jjranié,  (pii  revêtent  la  coupole  du  baptistère  de  Parme.  Elles  doivent 
dater  de  la  seconde  moitié  du  xm^siècle.  Dans  une  des  niches  du  soubas- 
sement, la  scène  des  Stigmates  de  saint  François  lait  pendant  à  la  A'ision 
d'K/.écliiel.  Des  compartiments  à  légendes  latines  racontent  l'iiisloire  de 
sain!  .Iean-r)aplisle;  dans  la  scène  du  Baptême  de  Jésus,  l'on  voit  au 
pied  du  (Ilirisl  une  petite  figure  assise  et  tenant  une  croix  qui  symbolise 
évidenunent  le  .Tourdain,  comme  dans  la  mosaïque  analogue  de  Monreale. 
Plus  haut  siuil  les  Prophètes,  le  Sauveur  trônant  entre  la  Vierge  et  le 
Piécursèur,  enlln  les  douze  Apôtres  et  les  animaux  évangéliques. 

Nous  savons  par  la  Chronique  de  Fra  Salimbene  qu'en  It^."."  chacune 
des  paroisses  de  Parme  possédait  une  bannière  à  l'image  de  son  .saint 
patron;  c'est  avec  une  de  ces  bannières,  où  était  peint  le  Couronnement 
de  la  Vierge,  que  les  milices  de  Parme  marchèrent  contre  les  troupes  de 
Frédéric  II,  à  l'assaut  de  Vittoria.  Le  peintre  des  bannières  n'était-il  pas 
franciscain,  et  n'avait-il  pas  représenté  saint  François  au  nombre  de  ses 
pieuses  figures? 

Pavements  nisTomÉs  de  l'Italie  du  Nord.  —  Les  traditions  antiques, 
soigneusement  conservées  et  ravivées  par  les  artistes  byzantins,  se  retrou- 
vent encore  dans  les  restes  assez  nombreux  de  ces  pavements  en  mosaïque 
de  marbre,  dont  l'usage  se  continue  en  Italie  depuis  l'époque  classique. 
C'est  surtout  dans  l'Italie  du  Nord  que  l'on  en  rencontre  d'intéressants 
exemples.  On  a  parfois  reculé  jusqu'au  viii'"  siècle  la  date  de  cjuelques- 
uns  de  ces  pavements,  dont  les  plus  anciens  n'ont  point  de  figures,  mais 
seulement  un  décor  géométrique;  mais  ce  n'est  guère  avant  le  \\f  siècle 
que  l'on  y  voit  réapparaître,  parmi  les  entrelacs  et  les  feuillages,  les 
composil  ions  symboliques,  auxquelles  succèdent  plus  tard,  comme  dans  la 
lilléralurc  italienne  h  ses  débuts,  les  souvenirs  de  Virgile  et  d'Ausone,  la 
légende  de  la  guerre  de  Troie,  et  des  détails  tirés  des  poèmes  de  cheva- 
lerie. Plusieurs  mosaïques  de  Pavie,  conservées  dans  la  basilique  de 
Saint-Michel  ou  transportées  au  Musée  Malaspina,  représentent  le  laby- 
rinthe et  les  douze  Mois,  puis  des  animaux  fantastiques,  et  le  célèbre 
Combat  des  Vertus  et  des  Vices,  que  le  poème  de  Prudence,  la  Psychoma- 
chie,  avait  introduit  dès  les  premiers  siècles  chrétiens  dans  l'iconographie 
ornementale.  A  Crémone,  cette  imagerie  symbolique  est  développée  avec 
plus  de  détails  :  la  Cruauté  et  l'Impiété  se  transpercent  mutuellement,  et 
la  Foi,  qui  porte  un  diadème  royal,  plonge  sa  lance  dans  la  bouche  de  la 
Discorde  agenouillée  à  ses  pieds.  En  d'autres  compartiments,  un  démon 


LA    PEINTURE   ITALIENNE  AVANT  GIOTTO  451 

lutte  contre  un  centaure  bizarre,  deux  loups  sont  enchaînés  dos  à  dos, 
un  chasseur  lance  son  chien  contre  des  monstres.  A  Plaisance,  les  Mois 
sont  très  joliment  représentés  en  des  médaillons  dont  le  cadre  renferme 
des  vers  d'Ausone  et  se  détache  sur  un  fond  à  ondulations  blanches  et 
noires,  qui  sont  les  vagues  de  la  mer  peuplée  de  poissons  et  de  sirènes. 
Une  autre  mosaïque  de  Plaisance  n'est  pas  moins  curieuse,  avec  la  figure 
assise  de  l'Année  tenant  en  ses  mains  le  soleil  et  la  lune;  des  hommes  et 
des  animaux  d'une  ingénieuse  fantaisie;  enfin  quatre  scènes  parmi  les- 
quelles on  reconnaît  l'invention  par  Ulysse  du  jeu  des  échecs,  pendant 
la  guerre  de  Troie.  A  Reggio,  à  Aoste,  les  Mois  sont  encore  le  thème 
ornemental,  et  ils  ont  les  attributs  habituels  que  leur  donne  en  ce  même 
temps  la  sculpture  romane;  à  Novare,  à  Verceil,  à  Casai  Montferrat,  il  y 
a  des  scènes  bibliques;  le  pavement  de  Verceil,  malheureusement 
découpé  en  plusieurs  morceaux,  comprenait  deux  portraits,  peut-être 
ceux  des  maîtres  mosaïstes,  Mainfredus  ciistos  et  Coii.slanciiis  vionacliiis. 
A  San  Benedetto  di  Polirone  (en  Mol),  les  ^'ertus  sont  debout  sous  des 
arcades  pareilles  à  celles  des  sarcophages  et  des  façades  romanes;  à 
Ivrée,  les  Arts  libéraux,  Grammaire,  Dialectique,  Géométrie,  Arithmé- 
tique, sont  représentés  par  des  femmes  aux  cheveux  flottants,  assises  sur 
un  large  banc  aux  côtés  de  la  Philosophie,  plus  grande  et  d'attitude 
loyale.  A  Acquanegra,  il  y  a  des  scènes  de  l'Enéide,  comme  à  Pesaio, 
où  l'on  voit  l'Enlèvement  d'Hélène;  à  Ravenne  enfin,  dans  l'église  de 
Saint-Jean-Baptiste,  l'abbé  Guillaume  avait  fait  dessiner,  en  1215,  divers 
épisodes  de  la  troisième  croisade.  Il  faudrait  encore  citer  des  scènes 
plaisantes,  comme  l'enterrement  de  maître  Renard,  conduit  proces- 
sionnellement  par  tout  un  clergé  de  coqs  et  de  poules,  et  sortant  de  sa 
bière  pour  mettre  à  mal  ses  porteurs  :  cela  se  voyait  au  xiii''  siècle,  à  Ver- 
ceil, et  dès  1140  à  Murano.  Tout  ce  cycle  si  varié,  si  pittoresque,  où  les 
petits  cubes  de  marbre  de  couleur,  rouges  et  noirs,  le  plus  souvent  noirs, 
sur  fond  blanc,  composent  des  dessins  très  simples  et  agréables  à  l'œil, 
prépare  les  marbres  gravés,  les  gigantesques  nielles  qui  ornent  le  baptis- 
tère de  Florence,  et  surtout,  du  xiv°  au  xvi'  siècle,  l'immense  pavement 
de  la  cathédrale  de  Sienne. 

Crucifix  et  M.vdones  de  tradition  byz.\ntine.  Les  premiers  pei.ntres 

PISANS,       LUCQUOIS,      SIEN.NOIS      ET      FLORENTINS.      LeS     PREMIERES      FRESQUES 

d'Assise.  —  Depuis  le  temps  où  la  persécution  des  iconoclasies  avait  fail 
émigrer  vers  ritalie  les  moines  grecs  [teinlres  de  Madones  et  de  Crucilix, 
les  images  pieuses,  les  icônes,  grandes  cl  pclilts.  n'avaiciil  cessé  de  sortir 
des  couvenis  pour  aller  orner  1rs  autels  des  ('gliscs  cl  des  chapelles 
neuves.  Aux  plus  anciennes  de  ces  images  s'allacliaii  parfois  une  verlu 
miraculeuse,  confirmée  par  des  récits  légendaires;  des  pèlerinages  leur 


.i.V2  IITSTOIRK  Di:  LAP.T 

np|i()ilai('iil  une  (](''\(>lioM  toujours  croissjinlf,  l'I  les  copies  s'en  répan- 
(hiicnl  ;ui  loin.  Le  lype  oriciilal  du  Ciirist  en  croix,  à  la  tête  droite,  aux 
traits  paisibles  cl  inaltérés,  aux  yeux  grands  ouverts,  avec  une  expression 
souvent  saisissante  de  majesté  et  de  douceur,  ne  fait  place  qu'assez  tard 
an  type  occidental.  Le  (Irucifix  qui,  selon  la  légende  recueillie  par  saint 
lionavcnturc,  parla  à  saint  François  dans  la  pauvre  chapelle  de  Saint- 
Damien  —  il  est  pieusement  conservé  par  les  religieuses  de  Sainte-Claire 
—  est  la  plus  émouvante  peut-être  de  toutes  ces  icônes  byzantines;  ses 
grands  yeux  ont  une  expression  vi\ante.  (lelui  qui  parla  à  sainte  Catherine 
de  Sienne,  et  qui,  provenant  de  Pise,  est  gardé  à  Sienne  dans  la  maison 
même  de  la  sainte,  n'est  guère  moins  beau.  Un  autre,  dans  le  dôme  de 
Sj)oiète,  porte  le  nom  d'un  Albertus,  et  ladate  de  1187.  Un  autre,  de  dimen- 
sions énormes,  se  voit  à  Saint-Michel  de  Lucques  ;  et  l'on  en  peut  rencon- 
trer un  certain  noml)re  encore  en  divers  points  de  la  Toscane.  Dans  toutes 
ces  images,  la  croix  est  peinte  sur  un  panneau  assez  large,  en  sorte  qu'on 
y  puisse  représenter,  au  sommet,  à  la  base  et  sur  les  côtés,  de  petites 
scènes  qui  résument  l'histoire  de  la  Passion  et  le  triomphe  du  Christ 
ressuscité. 

Mais,  au  xiii"  siècle,  voici  que  le  Christ  de  douleur  se  substitue  par- 
tout au  Christ  de  gloire.  Le  culte  franciscain  pour  Jésus  soufTrant  multi- 
plie rapidement  la  nouvelle  image  :  le  corps  iléchissant,  les  bras 
péniblement  tirés,  la  tête  aux  yeux  fermés  inclinée  sur  l'épaule,  c'est  le 
Christ  mort  pour  les  péchés  des  hommes,  et  dont  la  vue  lamentable  doit 
convertir  le  jiécheur.  Les  plus  anciens  exemples  en  sont  peut-être  à  Pise, 
dus  à  un  Giunta  di  Guidetto  di  Colle,  dont  le  nom  est  demeuré  associé 
à  celui  de  saint  François.  Ce  Giunta  est  le  premier  peintre  italien  dont  les 
documents  nousprécisent  unpeula personnalité.  Dès  l'20'2,  il  est  mentionné 
comme  peintre  ;  en  1210,  en  1229,  en  1255  encore,  on  retrouve  son  nom. 
II  peint  en  12Ô6  pour  frère  Elle  le  grand  Crucifix  de  la  basilique  d'Assise; 
il  en  peint  deux  autres  conservés  à  Pise;  on  lui  attribue  surtout  divers 
portraits  de  saint  François,  dont  l'un,  à  Sainte-Marie-des-Anges  d'Assise, 
est  travaillé  comme  un  émail  byzantin,  avec  son  fond  doré  et  son  cadre  à 
cabochons.  Le  saint  apparaît  de  taille  très  longue,  maigre,  avec  une  tête 
étroite  et  des  yeux  rapprochés  ;  deux  anges  se  tiennent  derrière  lui  dans 
une  attitude  de  respect.  Dans  ces  diverses  œuvres,  Giunta  —  si  vrai- 
ment il  s'agit  bien  de  lui  —  se  montre  assez  fidèle  discijde  des  peintres 
liyzantins.  On  ne  connaît  point  de  fresques  que  l'on  puisse  lui  attri- 
jjucr  (k-  façon  certaine  ;  pourtant  il  est  fort  possible,  comme  nous  le  ver- 
rons bientôt,  qu'il  ait  travaillé  aux  peintures  de  la  basilique  inférieure 
d'Assise.  Ouant  au  vaste  décor  de  la  basilique  de  San  Pietro  in  Grado,  près 
de  Pise,  dont  on  lui  fait  parfois  honneur  (on  y  voit  les  médaillons  des 
papes  et  trente  et  une  histoires  de  la  vie,  de  la  passion  et  des  miracles  de 


I.A   PEINTURi:   ITAI.ir-:N.\E   ANANT  (IlOTTCi  4". 

sninl  Pierrecl  de  saint  I*auli,  c'est,  à  en  juger  par  certains  détails  d'arciii- 
teelurc,    Ireuvrc    d'un  peintre  assez  médiocre  de  la  fin  du  xiii' siècle. 

A  Lucques.  un  contemporain  de  Giunla  de  Pise,  Bonaventura  Berlin- 
glîieri,  signait  et  datait  de  12."')  un  grand  portrait  de  saint  François  qui  est 
conservé  dans  la  petite  ville  de  Pescia.  Deux  bustes  d'anges  byzantins  sont 
figurés  dans  le  ciel,  et,  plus  bas,  six  petites  compositions  assez  barbares 
retracent  des  épisodes  de  la  vie  du  saint,  entre  autres  le  Sermon  aux 
oiseaux  et  les  Stigmates.  Ce  même  Berlinghieri  peignit  des  fresques  à 
Lucques  en  l-24i,  et  peut-être  faut-il  lui  attribuer  deux  des  Crucifix  qui 
sont  conservés  dans  cette  même  ville. 

Une  fresque  d'un  disciple  de  Giotlo,  dans  la  basilique  supérieure 
d'Assise  (elle  représente  les  Funérailles  de  saint  François),  nous  montre 
la  façon  dont  les  grands  Crucifix  peints  étaient  suspendus  dans  les  églises, 
appuyés  sur  la  poutre  transversale  qui  dominait  l'autel.  A  gauche  du 
Crucifix,  et  reposant  sur  la  même  poutre,  ime  image  de  la  \'ierge  se 
penche,  à  laquelle  fait  pendant,  de  l'autre  côté,  la  figure  de  saint  Michel 
foulant  aux  pieds  le  dragon.  Ces  Madones  encore  byzantines,  solennelles, 
hiératiques,  se  transforment  vers  le  même  temps  que  les  Crucifix,  sous 
l'influence  franciscaine.  Sans  rien  perdre  encore  de  leur  majesté  royale  et 
de  la  magnificence  de  leur  costume,  elles  attendrissent  leur  expression, 
et  deviennent  délicatement  maternelles.  Elles  se  penchent  vers  l'Enfant, 
qu'elles  portent  sur  le  bras,  et  qui  les  caresse,  à  moins  qu'il  ne  tienne 
encore,  à  la  mode  grecque,  le  rouleau  de  parchemin,  le  volumcn  antique, 
et  ne  fasse  un  geste  de  bénédiction.  Sienne,  où  le  culte  de  la  Vierge 
deviendra  la  [)lus  pure  source  d'inspiration  d'un  art  entre  tous  raffiné 
et  charmant,  prodigue  les  images  de  la  Madone  dès  avant  la  glorieuse 
année  1200,  où  la  victoire  de  Montaperlo,  en  écrasant  Florence  et  le  parti 
guelfe,  lui  assura  pour  un  temps  la  suprématie  en  Toscane.  La  Madone 
(<  aux  gros  yeux  <>,  qui  donna  la  victoire  aux  Siennois,  est  toujours  vénérée 
dans  une  chapelle  de  la  cathédrale.  C'est  un  buste  de  Vierge  aux  yeux  très 
grands  et  très  doux,  bien  difTérent  des  rudes  figures  sorties  des  couvents 
siennois  aux  premières  années  du  xiii''  siècle. 

L'Académie  des  Beaux-Arts  de  Sienne  possède  trois  précieux  retables 
de  ce  temps,  dont  le  décor,  en  largeur,  se  compose  d'une  figure  centrale 
qu'encadrent  des  compartiments  peuplés  de  petites  scènes.  Le  plus  ancien 
et  le  plus  curieux  est  daté  du  mois  de  novembre  1215  ;  il  provient  de 
l'abbaye  delà  Berardenga.  Le  Christ  bénissant,  dans  une  gloire  étoilée, 
entre  les  (piatre  animaux  évangéliques,  est  représenté  en  faible  relief  sur 
fond  d'or:  à  droite  et  à  gauche,  six  compositions,  pareilles  à  de  grandes 
miniatures,  racontent  l'histoire  assez  obscure  d'un  Crucifix  miraculeux: 
(|f>  inscriptions  latines,  presque  entièrement  perdues,  en  t\|ili(pi;tienl 
autrefois  le  sens.  On  songe,  en  présence  de  cette  peinlurr  singulière,  aux 


■iôA 


iiis'r()ii!K  1)1-:  i;aht 


dcviiiils  (l';uil(l  liy/.;iiiliii.s  luul  dt'iiuiil  cl  (rorrrvi-eric.  comme  celui  de 
Sainl-Andiroise  de  Milan.  Il  exisle  encore,  à  II  )lùi\  re  (iii  dôme  de  Sienne, 
et,  lout  proche  de  Sienne,  dans  la  paroisse  de  Tressa,  deux  iMadones 
modelées  el  peintes  à  la  manière  de  ce  retable  de  la  Berardenga. 

Les  deux  autres  retables  sont  franchement  des  peintures  :  ils  pro- 
viennent également  de  couvents  siennois.  L'un  représente  saint  Jean- 
Baptiste,  vêtu  en  prince  byzantin  et  portant  un  diadème;   sa  légende  esl 

narrée  dans  les  douze  comparti- 
ments qui  lui  font  cadre  (on  y  peut 
noter  encore  une  fois,  comme  au 
baptistère  de  Parme,  la  petite 
ligure  classique,  mais  bien  défor- 
mée, du  Jourdain  qui  apparaît  dans 
la  scène  du  Baptême  de  Jésus).  Le 
Iroisième  retable,  un  peu  plus 
récent,  représente  diverses  scènes 
de  la  vie  de  saint  Pierre,  en  six 
compartiments  autour  de  la  figure, 
déjà  moins  byzantine,  du  premier 
jilxMre. 

La  ^icloire  de  ^loiilaperlo 
dé\elop[ia  merveilleusement  la 
di'-votion  des  Siennois  pour  la 
Madone  jirolectrice  de  leur  cité, 
tlont  les  images  se  multiplièrent. 
Un  peintre  llorentin,  (loppo  di 
Marcovaido  (qui  en  PiGo  exécutera 
des  fresques  dans  la  cathédrale  de 
Pistoie),  peint  à  Sienne  en  1261, 
c'est-à-dire  un  an  après  la  défaite 
de  ses  concitoyens,  la  grande 
Madone  que  l'on  voit  dans  l'église 
des  Servi.  Des  stries  d'or  ajoulenl  leur  chaleur  aux  tons  sombres 
et  riches  des  vêtements  et  des  coussins,  mais  l'expression  très  douce 
des  visages  de  la  Vierge  et  de  l'Enfant  provient  sans  nul  doute  d'une 
restauration  du  xiv''  siècle.  Il  en  va  de  même  pour  une  œuvre  célèbre, 
la  Madone  de  Guido,  transportée  de  l'église  de  Saint-Dominique  au 
Palais  (Jlommunal  ;  son  visage  et  celui  de  l'Enfant  ont  été  repeints,  par 
Duccio  peut-être  ou  un  de  ses  élèves  (fig.  297).  Ce  qui  a  fait,  plus  que  son 
mérite  d'arl,  la  renommée  de  cette  Madone  est  l'inscription  que  l'on  peut 
lire  au  bas  du  panneau  :  Me  Guido  de  Seiiis  diebus  depinxil  a7}H'iil.s  M°cc"  xxi. 
<Jr,  cette  date  admise  comme  irrécusable,  la  peinture  de  Guido,  plus  déli- 


LA   PEINTURE   ITALIENNE  AVANT  GIOTTO  «5 

catt:;  que  celles  de  Giunta  et  de  Berlinghieri,  comparable  à  celle  de  Coppo 
di  ^larcovaldo,  montrerait,  au  début  du  xiii*"  siècle,  l'art  de  Sienne  fort  en 
avance  sur  celui  des  républiques  voisines.  Mais  si  rien  ne  s'oppose,  quoi 
qu'on  en  ait  dit,  à  ce  que  des  caractères  gothiques  pareils  à  ceux  de  l'in- 
scription aient  pu  exister  dès  les  premières  années  du  xiii"  siècle,  d'autre  part 
l'attitude  de  la  Vierge,  la  forme  de  son  trône,  le  dessin  des  figures  d'anges 
et  du  buste  du  Sauveur  bénissant,  qui  occupent  la  partie  supérieure  du 
tableau  (partie  exempte  de  restaurations),  le  rapprochent  assurément 
(ra:'uvres  plus  tardives.  Il  n'est  pas  jusqu'au  sens  de  la  gracieuse  inscrip- 
tion, parlant  de  ces  jours  heureux,  ilirbus  <inu'ius,  où  le  peintre  a  travaillé, 
((ue  l'on  ne  doive  interpréter  comme  une  allusion  à  la  période  glorieuse 
qui  suivit  la  victoire  de  ^lontaperto  ;  en  l'2'21.  Sienne  était  cruellement 
opprimée  par  Florence.  D'autres  images  de  la  \'ierge,  indemnes  de 
retouches,  qui  sont  exposées  à  l'Académie  de  Sienne,  peuvent  être  attri- 
buées à  Guido;  et  un  fragment  de  retable,  d'ailleurs  fort  abîmé  et  repeint, 
qui  leur  ressemble  de  très  près,  reproduit  une  partie  de  linscription 
célèbre,  mais  avec  la  date  de  1*270. 

C'étaient  sans  doute  encore  des  images  de  la  \'ierge  que  les  Siennois 
Piero,  Bonamico  et  Parabuoi  peignaient  en  1262  sur  les  gonfalons;  et  dès 
le  même  temps  il  faut  noter  qu'apparaissent  dans  l'art  de  Sienne  les  pre- 
miers portraits.  Ce  ne  sont  que  de  petites  œuvres,  il  est  vrai,  des  œuvres 
d'enlumineurs,  ces  images  des  moines  de  San  Galgano  chargés  de  la 
i-éparlition  et  de  la  perception  des  impôis  {Gnbella  et  Bicciteriia),  peintes 
sur  les  ais  de  bois  qui  servaient  de  reliure  aux  registres  ;  mais  quelle  n'est 
pas  la  valeur  dune  aussi  nombreuse  série  qui  commence  au  xiii°  siècle 
pour  se  continuer  à  travers  le  moyen  âge  et  la  Renaissance  par  des  œuvres 
où  furent  conviés  les  meilleurs  artistes  !  Le  premier  de  ces  moines  à  robe 
blanche  a  été  peint  en  1258  par  un  maestro  Gilio  :  d'autres,  en  I2n't,  12(i!t. 
1278,  par  Dietisalvi;  en  1279,  le  peintre  est  un  Rinaldo,  de  qui  nous  ne 
savons  rien  autre;  en  1285,  c'est  le  grand  Duccio. 

Cependant  des  peintures  plus  importantes  avaient  déjà  été  terminées 
à  Assise,  et  d'autres  s'y  préparaient,  qui  devaient  faire  de  la  ville  séra- 
phique  la  vraie  patrie  de  l'art  italien  naissant.  Deux  ans  après  la  mort  de 
saint  François,  ii'  17  juillet  1228,  le  pape  Grégoire  IX  posait  la  première 
pierre  de  l'admirable  basilique  que  le  pape  Innocent  H  consacrait  en  1252. 
Elle  avait  dès  lors  dans  ses  lignes  générales  la  forme  que  nous  lui  connais- 
sons aujourd'hui  :  la  haute  et  lumineuse  nef  gothique  de  l'église  supérieure 
s'appuyait  sur  une  église  Ijasse  qui  semblait  une  crypte  inuncnsc,  presque 
sombre,  car  les  chaiirllcs  lat(''rales  que  la  tradition  atlriiiue  à  Giolto  n'(>xis- 
laient  pas  encore,  el  >cu!rs  1rs  ti-ois  feiuMres  cinlrc-cs  du  ciid'ur  <mi  <'M'lai- 
raient  les  murailles  unies  el  la  \(u"ile  à  nervures.  Mais  !;i  diTiniilidii  des 
deux  églises  n'annoneail  (|ii  iiii|iarl'aili'ment  ce  qu  elle  deviendrait  liimii'it. 


',:,(;  iiisToir.i;  dk  i.aht 

L'i'gli.se  liiuilc  n'aviiil  .sans  doulo  (ju'un  rcvètoincnl  de  couleurs  dès  sim- 
ples, peu  ou  point  de  figures;  l'église  basse  seule  était  cnlièrcnient  ornée 
(lig.  298).  La  voûte  au  ciel  bleu  s'encadrait  de  grands  rinceaux  de  feuil- 
lages, de  dessin  puissant,  de  tons  Apres  et  sans  nuances;  nul  changement 
n'y  a  été  apporté.  Aux  longs  murs  de  la  nef,  de  grandes  compositions  se 
succédaienten  compartiments  parallèles,  comme  autrefois  dans  les  basi- 
liques romaines  où  nous  avons  vu  se  répondre  les  histoires  de  l'Ancienne 
et  de  la  Nouvelle  Loi  ;  mais  ici  l'Ancien  Testament,  c'était,  sur  la  mu- 
raille de  droite,  la  Passion  de  Jésus-Christ,  et  le  Nouveau  Testament, 
sur  la  muraille  de  gauche,  la  vie  et  la  mort  du  bienheureux  François. 
L'ouverture,  après  l'an  l.'OO,  des  chapelles  au  flanc  de  la  sombre  nef  a 
rompu  à  droite  et  à  gauche  par  de  larges  baies  l'ordonnance  régulière  du 
décor,  cl  supprimé  une  partie  des  compositions. 

11  ne  reste  (pie  des  fi-agments  de  la  grande  scène  du  Crucifiement, 
avec  un  beau  groupe  de  scribes  et  de  pharisiens;  l'inscription  :  lùcr 
iitaliT  lini  explique  le  sens  du  groupe  suivant,  où  l'on  voit,  près  des  trois 
Maries,  la  Vierge  vêtue  d'une  robe  blanche  et  d'un  manteau  violet,  qui 
se  tourne  vers  saint  Jean,  vêtu  de  rouge  cl  de  blanc.  La  Déposition  de 
Croix  et  riMiscn'elissemenl  reproduisent  avec  (|uelques  varianics  le  lliènic 
byzantin;  cl  les  deux  derniers  compartiments  ne  rcnfermeal  point  tic 
ligur'cs. 

Les  cinq  compositions  qui  subsistent  de  la  vie  de  saint  François 
ont  évidemment  une  grande  importance  iconographique.  Peut-être 
s'inspirent-elles  d'œuvres  antérieures,  de  ces  petites  scènes  qui  faisaient 
déjà  cortège  aux  plus  anciennes  images  du  saint;  mais  la  fresque  leur 
donne  une  digniti-,  une  beauté  encore  inconnues;  ce  sont  les  premières 
illustrations  de  la  légende  incomplètement  codifiée,  antérieures  à  la 
rédaction  de  saint  Bonaventure;  et  la  perte  des  scènes  qui  nous  manquent 
est  aussi  regrettable  pour  l'hagiographie  que  pour  l'histoire  de  lart. 
La  piemière  représente  l'évêque  d'Assise  abritant  le  jeune  saint  de  son 
manteau  (manquent  les  personnages  de  droite).  \'ient  ensuite  le  Songe 
du  pape  Innocent  (manque  la  figure  du  saint  soutenant  le  Latran).  Puis 
la  Prédication  aux  oiseaux,  à  peu  près  complète.  Dans  la  scène  des 
Stigmates,  la  figure  du  saint  a  disparu;  il  ne  reste  que  le  séraphin  nimbé 
aux  ailes  de  feu.  Enfin  la  dernière  scène,  dramatiquement  composée, 
a  pour  figure  centrale  le  corps  du  saint  étendu  ;  un  moine  montre  aux 
assistants  la  plaie  du  côté,  tandis  que  le  prêtre,  accompagné  de  clercs, 
commence  la  cérémonie  des  obsèques. 

Ces  pauvres  fresques,  si  mutilées,  nous  émeuvent  encore  par  l'idée 
de  tout  ce  qu'elles  ont  libéralement  offert  à  Giotto.  Si  elles  n'ont  pas 
éveillé  son  génie,  elles  l'ont  du  moins  inspiré  profondément.  Leur  auteui-. 
([u'il  soit  Giunta  de  Pise   ou  tout  autre,  est  en  tout  cas  le  peintre  de 


■4.ÎS  HlSTOIIiL;  DE  L'ART 

l'iaiag-e  du  saiiil  consorvée  à  SainIc-Marie-des-Anges;  car  les  IVesques 
gardent  les  mêmes  proportions  et  le  même  dessin  des  figures.  Ce  peintre 
mystérieux,  connu  des  seuls  visiteurs  attentifs  de  la  \àeille  basilique, 
niérilc  mieux  qu'un  souvenir;  il  mérite  un  peu  de  la  gloire  si  abondam- 
ment réparlii'  an  iiiafirc  don!  le  nom  est  inséjiarable  d  Assise  et,  de 
saint-  François. 

Lks  sources   OE  i/uISTOIRE  de  ].\   PEINTl'RE  ITAI.U:\NE.    ^^\SARI.    —  N'oici 

(|u'enlia  commence  en  Italie  l'rrr  de  la  grande  pein(ui-e;  la  sculpiure, 
comme  en  France,  l'a  devancée.  Nous  n'aurons  plus  désormais  alï'aire  à 
des  œuvres  anonymes,  à  de  grossiers  tâtonnements  ou  à  de  servîtes 
ri'pi'liliniis;  la  période  de  l'archéologie  est  close.  Fa  \  ie  s'est  éxcilh'c 
paildiil  :  nous  rencontrons  une  observation  personnelle,  un  style,  el , 
auprès  des  peintures,  des  artistes  que  nous  pouvons  nommei'.  Il  n'en 
rallaii  ]ias  moins  insister  avec  patience  sur  les  pénibles  et  lents  débuts 
•  l'un  art  dont  la  floraison  sera  vite  éblouissante;  les  meilleures  qualités 
des  grands  artistes  à  venir  sortent  du  généreux  sol  latin.  Les  nobles 
o'uvres  de  l'antiquité  grecque  et  romaine  ont  eu  beau  demeurer  enfouies 
pendant  des  siècles  sous  des  ruines,  elles  ont  l'ait  obscurénieul  l'édu- 
cation des  artistes  italiens;  le  prinlem])S  cpii  va  i''cIore  sera  paré  de  leur 
grâce  harmonieuse  et  régulière. 

Les  analyses  précédentes  ont  pu  montrer  l'erreur  des  anciens  historiens 
de  la  peinture  italienne,  pour  qui  l'art  de  Cimabué  et  de  Giotto  était 
soudainement  sorti  du  néant.  Celte  enthousiaste  simplification  de  faits 
])lus  complexes  est  due  à  un  peintre  du  xv!*"  siècle,  dont  les  œuvres  faciles, 
ampoulées  et  banales  n'auraient  point  suffi  à  tirer  le  nom  de  l'oubli,  s'il 
n'avait  été  tout  à  la  fois  écrivain  d'art,  et  le  plus  fécond,  le  plus  curieux 
des  écrivains,  ^'asari,  en  compilant  l'ouvrage  considérable  qui  s'intitule 
Les  vies  des  plus  excellents  peinires,  sculpteurs  et  architectes  (dont  la  pre- 
mière édition,  de  1550,  fut  remaniée  et  fort  amplifiée  en  1568),  a  préparé 
l)our  les  futurs  historiens  d'art  un  instrument  merveilleux.  Il  ne  faudrait 
assurément  point  s'en  servir  sans  contrôle,  et  l'on  peut  reprocher  à  de 
récents  critiques  une  foi  trop  aveugle  à  ses  dires;  mais  il  ne  faudrait  non 
plus  se  porter  à  l'excès  contraire,  comme  on  est  trop  tenté  de  le  faire 
aujourd'hui.  Vasari  a  eu  recours  à  toutes  les  sources  d'information  (pii 
lui  étaient  accessibles.  La  première  et  la  plus  précieuse,  quoique  mal- 
heureusement trop  restreinte,  c'étaient  les  Commentaires  que  le  gi-and 
sculpteur  Lorcnzo  Ghiberti  rédigea  au  début  du  xv"  siècle;  quelques-uns 
des  plus  célèbres  récits  des  Vies  des  peintres  en  sont  presque  textuellement 
tirés;  et  Vasari  cite  également  un  recueil  de  notes  du  peintre  Domenico 
Gliirlandajo  et  divers  écrits  de  Raphaël,  qui  ne  nous  ont  malheureuse- 
ment pas  été  conservés.   Tout  en  paraphrasant   avec   soin  ces  précieux 


LA   PEIXTLIU-:   ITALIENNE  AVANT  (.lOTTO  'lôH 

inodék's,  il  coinpiilsait  des  archives  avec  une  activité  un  j)eu  lirouiliimne, 
recueillait  au  cours  de  ses  nombreux  voyages  presque  autant  de  traditions 
(•[  de  légendes  que  de  dessins  et  d'esquisses,  et  surtout  il  regardait,  et  il 
décrivait  ce  qu'il  avait  vu.  Sa  chronologie  semble  fort  incertaine,  malgré 
la  sérénité  de  ses  affirmations,  et  il  nous  accable  de  contes  et  de  bavar- 
dages enfantins.  Mais  n'cst-il  pas  surprenant  de  voir  un  élève,  un  admi- 
rateur fanatique  de  Michel-Ange  goûter  aussi  délicatement  des  œuvres 
de  primitifs,  parler  de  Giotto  et  de  l'Angelico  avec  une  émotion  tou- 
chante et  communicative?  Il  nous  faut  lester  tidèles  à  l'excellent  Vasari, 
mais  vérifier  chacune  de  ses  assertions,  autant  qu'il  sera  possible,  par 
toutes  les  ressources  de  l'érudition  moderne,  et  les  facultés  les  plus 
aiguës  d'observation.  Nulle  part  comme  en  Italie  on  n'a  réussi  à  classer 
et  publier  autant  de  documents  d'archives;  les  recueils  de  Rumohr,  de 
Gaye,  de  Milanesi,  continués  par  les  recherches  des  érudits  contem- 
porains, seront,  à  côté  de  \'asari,  la  base  sérieuse  de  toute  étude  de  l'art 
italien;  et  l'analyse  comparée  des  œuvres,  plus  nombreuses  que  nulle 
part  ailleurs,  en  permettra  le  classement  méthodique  et  l'appréciation. 

Les  MOSAÏSTES  flop.entins.  (".iMAiiLÉ.  —  i'  Sous  l'iiilini  déluge  des  maux 
(|ui  avaient  abattu  et  noyé  la  misérable  Italie,  non  seulement  s'étaient 
ruinés  les  monuments  que  l'on  pouvait  appeler  de  ce  nom,  mais,  ce  qui 
importe  plus,  tous  les  artistes  avaient  disparu;  quand,  j)ar  la  volonté  de 
Dieu,  naquit  en  la  cité  de  Florence,  l'an  12i0,  pour  donner  les  premières 
clartés  ti  l'art  de  la  peinture,  Giovanni  nommé  Cimabué,  de  la  noble 
famille  des  Cimabué  connue  en  ce  temps-là.  »  Tel  est  l'exorde  solennel 
de  l'ouvrage  de  Vasari.  Suit  le  roman  de  l'enfance  et  de  l'éducation  de 
Cimabué,  formé  par  des  Grecs  établis  à  Florence,  mais  tellement  supé- 
rieur aux  pauvres  artistes  que  l'on  a  rencontrés  jusqu'alors!  Ce  n'est  plus 
un  peintre,  c'est  un  riche  et  magnifique  seigneur  qui  fait  de  la  peinture. 
Charles  d'Anjou  va  voir  dans  son  atelier  la  Madone  qu'il  vient  de  ter- 
miner pour  l'église  de  Santa  Maria  Novella,  et  les  Florentins  l'escortent 
avec  une  telle  allégresse  que  le  faubourg  habité  par  le  peintre  en  reçoit 
le  nom  de  Borgo  Allegri.  Et  Vasari  énumère  les  œuvres  dont  le  glorieux 
artiste  emplit  Florence,  la  Toscane,  Assise,  pour  finir  par  le  commen- 
taii'e  des  vers  célèbres  de  Dante,  au  onzième  chant  du  Purgatoire  : 

CredcUc  Cimabué  ncUa  pintura 

Ti'iicr  lo  campo,  cd  ura  lia  Giollu  il  (jriila. 

Si  cite  1(1  fania  di  calui  oscura. 

Cimnliué  crut  tenir  le  champ  de  la  peinture,  et  maintenant  c'est  Giotto 
(|iii  ;i  hi  \ogue,  de  sorte  que  la  renommée  de  l'autre  est  obscurcie). 

Ur  cette   i-enoinméc,  si  longtemps  indiscutée  sui'  la  foi  (h'  \  asari,  a 


iio  iiisiiiini'  OK  i;AiiT 

rt'ç;u  en  ces  derniers  lenijis  de  gi'aves  allrinlcs.  Ln  t;i-andi'  .Madimc  enlon- 
rée  d'anges  de  Sanla  Maria  Novella,  (|ui  [laraissail  à  jusic  lilrc  an\  iiisto- 
riens  d'art  le  premier  monument  d'une  ère  nouvelle,  n'est  point  de 
(limabué,  mais  bien  de  Duccio;  nous  en  verrons  les  raisons;  et  des  autres 
œuvres  dénombrées  par  Vasari  rien  ou  presque  rien  ne  subsiste  que  l'on 
puisse  cerlainement  lui  attribuer.  Que  reste-t-il  donc  au  vieux  maître 
célélirc'' par  Danle,  cl  (pii  l'ul  é\idemment  illuslre,  car  on  ne  |icul  inler- 
jM('lcr  aulremenl  les  vers  de  la  Divine  Comi''dic'.' 

Vn  document  récemment  découvert  nous  monli-e  (limabué  (Ciiiiahorc 
liirlorf  (!<■  Florencia)  séjournant  à  Rome  en  l'27'2.  D'autre  part,  nous  savons 
qu'en  l."()|  rOEuvre  du  dôme  de  Pisc  doit  lui  payer  dix  livres  pour  avoir 
l'ail  en  mosaïque  le  saint  Jean  Evangéliste  qui  est  auprès  du  Christ  de 
Majesté,  à  l'abside,  et  deux  actes  notariés  de  l'hôpital  de  Pise  mentionnent 
un  prix  l'ait  de  quarante  livres  pour  un  retable  de  la  Madone  avec  des 
apùlres  et  des  anges  que  doit  peindre  «  maître  Cenni  di  Pejto,  dit  Cima- 
bué,  avec  un  sien  associé  )i. 

Voilà  des  renseignements  précis.  Ils  nous  donnent  le  nom  véritable 
du  pcinire,  et  nous  indiquent  au  moins  une  œuvrej)ar  laquelle  il  nous  soit 
possible  de  le  juger.  (Ictle  mosaïque  de  l'abside  du  dôme  de  Pisc  rcpié- 
sente  le  Christ  de  Majesté,  entre  la  'Vierge  et  saint  Jean  Evangéliste;  la 
dernière  ligure,  la  seule  qui  soit  de  Cimabué,  montre  un  dessin  correct  et 
point  trop  rude,  une  exécution  plus  souple  et  nuancée  cjue  celle  des  figures 
voisines,  dues  probablement  à  un  certain  Francesco,  chef  de  l'atelier  de 
mosaïstes  de  la  cathédrale  |)isane,  et  l'un  peut-être  des  artistes  qui  travail- 
lèrent, avec  Andréa  Tali  et  le  peintre  Apollonio,  à  la  décoration  de  la  voùle 
du  baptistère  de  Florence. 

Ce  n'est  encore  que  d'après  \^isari  que  nous  pouvons  former  quel- 
ques conjectures  sur  les  auteurs  de  ce  Iravail  immense,  le  plu^  imporlanl 
qui  ait  été  terminé  à  Florence  avant  l'ère  de  Giotto.  Le  décor  de  cette 
coupole  octogone,  éclairée  dans  son  milieu  parl'ouverture  d'une  lanterne, 
rappelle  dans  ses  grandes  lignes  celui  du  liajilislèi'e  de  Parme;  mais  ici 
toutes  les  surfaces  sont  revêtues  de  mosaïques.  Au  cenire,  c'est-à-dire 
dans  le  comparlimenl  triangulaire  de  l'octogone  qui  domine  le  maître 
autel,  un  Christ  gigantesque  préside  au  Jugement  dernier,  dont  les  épi- 
sodes et  les  acteurs  sacrés  sont  répartis  selon  l'ordonnance  habituelle 
aux  Byzantins;  on  songe  à  la  belle  et  saisissante  mosaïque  de  Torcello 
(hg.  29!)).  Le  reste  de  l'octogone  se  divise  en  zones  horizontales,  dont  la 
plus  haute,  au  niveau  de  la  ligure  du  Christ,  est  occupée  par  de  grands 
anges  debout  en  des  attitudes  j)uissantes  sur  le  fond  d'orétincelanl.  Leurs 
noms  sont  inscrits  auprès  d'eux  en  capitales  latines  :  ce  sont  les  Trônes, 
les  Vertus,  les  Principautés,  les  Anges,  les  Archanges,  les  Puissances  et 
les  Dominations.  Au-dessous  d'eux,  trois  zones,  partagées  en  rectangles 


I.A  Pi:i\Tll!i:    ITAI.IKNXE  A\AM    (,l»riT() 


réguliers,  renferinenl  les  images  de  hi  Genèse,  depuis  la  Création  du 
monde  jusqu'au  Déluge,  puis  l'iiisloire  de  Joseph,  à  ia([uelle  suceéde  la 
vie  de  Jésus-Christ  et  celle  de  saint  Jean-Baptiste. 

Dès  le  premier  coup  d'ccil  jeté  sur  ces  mosaïques,  on  reconnaît  le 
faire  vénitien  et  la  tradition  de  Saint-Marc.  Aussi  bien  l'explication  de 
^'asari  est-elle  l'orl  plausible,  rpii  nous  montre  Andri'a  Tafi  allant 
apprendre  à  \  enise  l'art  de  la  mosaïque,  et  ApoUonio  quittant  .^cs  lravau.\ 
de  Saint-Marc  pour  ceux  de  Florence.  Des  documents  cités  sur  cet  .\pol- 
lonio  par  d'anciens  historiens  aucun  n'a  été  retrouvé  ;  mais  nous  savons 
que  Tafi  fui  inscrit  en  \7)'-20  dans  la  confrérie  des  chirurgiens  barbiers  de 


Florence  [Andrpri  s  vocal  nx  Tu  fus  oliin  RIccItir,  cela  ne  pei'met  point  de  le 
faire  naître  en  l^l."),  comme  l'imagine  \'asari,  et  nous  en  pouvons  conclure 
qu'il  fut  assez  exactement  un  conlemporain  de  Cimabué.  C'est  très  pro- 
bablement aux  artistes  du  baptistère  ([u'il  faut  attribuer  la  mosaïque 
absidale  de  San  Miniato,  la  ravissante  église  qui,  de  sa  colline  sur  la 
gauche  de  l'Arno,  regarde  Florence.  Le  Christ  siège  entre  la  Vierge  et  le 
jeune  roi  martyr  saint  .Miniatus;  aux  pieds  du  trône  sont  les  quatre  ani- 
maux évangéliques;  un  palmier  et  un  cyprès  terminent  la  scène;  des 
oiseaux  de  toute  sorti'  se  promènent  sur  le  sol,  et  le  rinceau  de  feuillages 
qui  forme  cadre  se  mêle  de  figures  de  saints  et  de  bustes  d'ornement. 
L'inscription,  tronquée,  restaurée,  donne  la  d.iti'  de   j-J'.lT. 

Ces  analyses  ont  semblé  nous  détourner  de  l'ieuvre  de  Cimabué; 
mais  que  savons-nous  s'il  n'a  pas  collaboré  aux  mosaïques  de  l-'iorence? 
C'est  un  mosaïsle.  en   tout    cas,   et   sa  iieiiilure  même  le  |irouve.   ou   du 


]iisriiii;i';  m-:  lart 


moins  les  ])('iiilui'(>s  (|iic  Ton  croil  jiuuxoir  lui  alli'il)U('r.  ()ii  pcul  ikIiiicLIi'O 
(•oiniiic  lirs  vraisoiiiMnlilc  ([ii  il  csl  1  au  leur  de  la  grande  ^hulone  aulrei'ois 
placée  dans  l'église  de  Santa  Trinila,  et  maintenant  à  l'Académie  de 
Florence;  de  la  Madone  aussi  que  possède  le  Musée  du  Louvre,  et  qui 
provient  de  l'église  de  San  Francesco  de  Pise.  De  ces  deux  œuvres,  qui 
se  ressemblent  tort,  celle  de  Florence  est  la  plus  belle  et  la  moins  restau- 
rée (fig.  500).  Assise  sur  un 
grand  trône  de  bois  sculpté  et 
doré,  la  Vierge  enveloppe  de 
son  bras  gauche  l'Enfant  Jésus, 
(|ui  tient  le  rouleau  de  parche- 
min habituel  et  bénit.  Le  trône, 
i[ui  ressemble  au  siège  des 
évêques  dans  le  preshylcrimn 
des  basiliques,  repose  sur  une 
sorte  d'estrade  que  supportent 
des  colonnes;  et  dans  les  en- 
Irecolonnemenls  se  détachent 
à  mi-corps  quatre  figures  de 
prophètes.  Cet  arrangement 
singulier  s'inspire  sans  doule 
(les  miniatures  aussi  bien  que 
des  mosaïques  byzantines; 
mais  ce  qui  paraît  nouveau  ici, 
c'est  la  disposition  des  anges 
autour  du  trône.  Ce  ne  sont 
plus  de  petites  silhouettes 
rigides  et  comme  découpées 
sur  le  fond  d'or  (ainsi  qu'on  les 
voit  encore  dans  la  Madone  de 
Coppo  di  Marcovaldo)  ;  ce  sont 
de  belles  figures  vivantes  et 
presque  souples,  aux  ailes  bi- 
garrées de  blanc,  de  bleu,  de 
rouge,  de  violet,  qui  se  tiennent  debout  autour  du  trône  et  s'y  appuient 
d'un  air  tendre  et  respectueux.  Le  cadre  ancien  n'existe  plus;  il 
devait,  comme  celui  du  tableau  du  Louvre,  renfermer  de  petits  mé- 
daillons, avec  des  bustes  de  saints  et  de  prophètes,  qui  rappellent  les 
Iliaques  d'émail  insérées  dans  les  retables  d'orfèvrerie  byzantins.  Nous 
verrons  bientôt,  dans  la  basilique  d'Assise,  des  fresques  dont  les 
ligures  offrent  les  plus  frappantes  similitudes  avec  celles  de  ces  deux 
tableaux;   attribuées,  comme   Vasari    d'ailleurs   nous  y  invite,  à  Cima- 


.jlill.  —  M.-iiloiii-,  i),i 
■liiic  ili's  ll.'.-iii\-Ail- 


Cillialillr 
,l,.  Fldivi: 


LA   PEINTURE   ITALIENNE  AVANT   GIOTTO  44') 

biip,  elles  légiliment  et  consacrent  la  réputation  du  uiaîlre  de  Giotto. 
Tandis  que  Cimabué  commençait  à  illustrer  dans  les  arts  le  nom  de 
Florence,  un  pauvre  vieux  peintre  d"Arezzo,  ÏNIargaritone,  s'imposait  à  la 
postérité  par  le  soin  qu'il  mettait  à  signer  ses  peintures,  lourdes  Ma- 
dones, Crucifix  grimaçants  et  tordus,  ou  misérables  effigies  de  saint  Fran- 
çois; mais  il  doit  uniquement  de  survivre  aux  pages  de  ^^■1sari,  comme 
lui  citoyen  d'Arezzo,  et  attentif  à  ne  rien  sacrifier  des  illustrations  de  sa 
ville  natale.  Il  a  ignoré  pourtant,  l'ingénieux  historien,  l'existence  d'un 
artiste  infiniment  supérieur  à  ce  Margaritone,  Montano  d'Arezzo,  appelé 
à  Naples  en  [TtÙh,  créé  chevalier  et  richement  doté  en  I")IO  par  le  roi 
llolieil.  et  probaldeini'id  i'autrnr  île  la  grande  Madone  de  Monl(>\('riiiiii'. 
pi-és  d'A\eliinu.  Mais  ce  Montano  n'est  déjà  plus  un  précurs(Mir,  c'est 
un  contemporain  de  Giotto  et  di'  Duceio.  ([ui  connaît  in  robustesse  Ooren- 
tine  et  la  grâce  siennoise. 

Les  mosa'istes  romains.  Cavai.i.ini  et  Torriti.  —  Quelque  progrès 
que  puisse  marquer  l'art  de  Cimabué  sur  ses  obscurs  prédécesseurs,  il  s'en 
faut,  et  de  beaucoup,  qu'il  suffise  à  expliquer  l'art  de  Giotto;  et  si  Von 
devait,  à  la  suite  de  ^'asari,  ne  s'attacher,  durant  le  xiu''  siècle,  qu'à  la 
seule  Florence,  on  ne  pourrait  que  s'émerveiller  avec  lui  devant  l'éclosion 
spontanée,  devant  le  miracle  du  génie  giottesque.  Mais  une  simplification 
aussi  extrême  du  développement  de  la  peinture  italienne  n'est  plus  de 
saison.  Les  républiques  toscanes,  Sienne  entre  toutes,  ont  droit  de  pri- 
mauté sur  Florence;  quand  on  songe  que  le  siennois  Duceio  est  un  con- 
temporain de  Cimabué,  on  se  demande  si  le  miracle  d'art, au  xiii''  siècle,  ne 
s'est  pas  produit  à  Sienne.  Duceio  ne  paraissant  pas  avoir  exercé  d'in- 
Huence  sur  Giotto,  et  d'autre  part  l'œuvre  de  ses  grands  élèves,  Simone 
Martini,  les  Lorenzetti,  demeurant  étroitement  liée  à  la  sienne,  mieux 
vaut  en  réserver  l'étude,  malgré  les  différences  de  chronologie,  après  celle 
du  grand  maître  florentin.  C'est  à  Rome,  parmi  ces  mosaïstes  dont  seuh- 
la  Captivité  de  Babylone,  comme  l'on  appellera  l'Exil  d'Avignon,  doit 
interrompre  l'activité,  que  nous  allons  chercher  les  véritables  maîtres  et 
les  éducateurs  de  Giotto. 

La  découverte  récente,  à  Sainte-Cécile-du-Transtévère,  de  fresques 
superbes  que  l'on  croyait  depuis  longtemps  perdues,  a  mis  en  vive  lumière 
le  nom  de  Pictro  Cavallini.  Vasari,  qui  a  composé  toute  une  légende  des 
notes  brèves  et  précises  où  (ihiberti  résumait  ses  impressions  sur  le  grand 
peintre  romain  et  dressait  un  catalogue  de  son  oMi\re,  l'a  sans  raison 
aucune  immolé  à  la  gloire  de  Giotto,  comme  il  sacriliail  Home  à  la  yloire 
de  Florence.  Il  fait  de  Cavallini  un  disciple  de  Giotto,  et  assure  qu'il  pei 
gnait  encore  en  I.")t)4,ce  qui  est  parfaitement  invraisemblable.  11  nous  faut 
nous  représenter  Pietro  (Cavallini  s'instruisant  et  (hdiutant  à  liome,  vei's  \r. 


iH  iiisKtini':  DK  i.AriT 

milieu  (lu  Mil"  sirclc,  dans  l'alrlicr  des  ('.(isiiiali.  \,islc  nriiciiic  de  drcora- 
lioli  (111  1rs  li-a\  aux  i\r  ^(•lll|ll  lire  ri  i\f  ] ici iil  lire  \  <iiil  de  pair  a\  rc  les  l' Indes 
d'anliilrclurc.  11  v  ol  le  compagnon  d'Arnoll'o  de  Florence  (donl  on  a 
lenlé  réeeiiinienl  de  di>lina:ucr  la  personnalité  d'avec  celle  de  l'archilecle 
Aniolfo  (li  Cambiol,  de  rArnoHb  qui  signe  en  1^280  la  tombe  du  cardinal 
de  liiave  iH  Orvielo,  cl  eu  l 'JS")  le  ciborium  de  SaintPaul-liors-les-Murs, 
on  il  a  eu  p((ur  associé  un  certain  Petrus  (Uoc  opua  fccil  Aniolfns  chui  sim 
s(ii-i()  l'ciro).  Ce  sculpteur  Pierre  doit  èlrc  noire  Cavallini,  à  qui  1  aldié 
liénediiliu  Barthélémy,  qui  dirigeait  alors  la  communauté  de  Saint-Paui. 
venait  de  confier  le  décor  à  fresque  de  toute  la  basilique.  Mais,  comme  les 
bénédictins  de  Saint-Paul  étaient  sous  la  protection  du  roi  d'Angleterre, 
nous  soiuiues  coiiiluils  à  croire,  en  remoulanl  le  c(iur>  des  aum'^es.  (pie 
noire  ('a\'allini  ne  l'ail  (pi'nn  avec  le  l'flnis  ilfly  rdiiidiuis  ipii  signe  à 
\\'eslmiiisler  le  inoiuinient  l'unéraire  d'iMloiiard  le  Confesseur,  el  (pie 
l'abbé  de  Westminster,  Richard  de  Ware,  a  ramené  de  Rome,  en  PJliT, 
;ivec  d'autres  ouvriers  de  l'atelier  des  Cosmati.  Ainsi  se  reconstitue  p('u 
à  peu  l'existence  du  célèbre  artiste. 

Cihiberti  attribue  formellement  à  Cavallini  rimiiieiise  décor  peint  de 
la  nef  de  Saint-Paul,  (pii  ne  nous  est  |)lus  connu  que  jiar  de  grossiers 
dessins  du  xvii'  siècle,  toute  la  nef  ;iyanl  été  détruite  dans  l'incendie  de 
IN'.'.".  Deux  rangées  de  ciuupartiiiients,  au-dessus  des  inéilaillons  des 
papes,  retraçaient  en  parallèle  les  histoires  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament  (avec  le  détail  des  Actes  des  Apôtres  et  surtout  de  la  vie  de 
saint  Paul).  A  droite  de  l'arc  de  triomphe  était  la  ligure  de  saint  Pierre; 
à  gauche  celle  de  saint  Paul,  avec,  à  ses  pieds,  l'abbé  Barthélémy.  C,e 
grand  décor,  si  fidèlement  conforme  aux  traditions  de  l'iconogiapliie 
i-omaine,  Cavallini  va  le  reproduire,  quelques  années  plus  lard,  dans  la 
basilique  de  Sainte-Cécile,  et  dans  l'église  haute  d'Assise. 

C'est  en  P291  que  Bertoldo  di  Pielro  Stefaneschi,  frère  du  cardinal 
Jacques  Stefaneschi,  lit  exécuter  par  Cavallini  les  sept  tableaux  en  mosaï- 
que qui  ornent  la  zone  inférieure  de  l'abside  de  Sainte-Marie-du-Trans- 
tévèi'c.  Ils  nous  ont  été  fort  heureusement  conserves  sans  graves  retou- 
ches, el  nous  y  pouvons  apprécier  la  maîtrise  de  Cavallini  et  les  fortes 
lei^ons  de  l'atelier  des  Cosmati.  Ils  représentent  la  Naissance  de  Marie, 
l'Annonciation,  la  Naissance  de  Jésus,  l'Adoration  des  Mages,  la  Présen- 
tation au  Temple,  la  Mort  de  Marie;  le  dernier,  placé  au-dessus  du  trône 
épiscopal,  se  compose  d'un  médaillon  renfermant  le  buste  de  la  Vierge 
avec  l'Enfant  à  son  bras,  devant  qui  s'agenouille  le  donateur  présenté 
par  saint  Pierre  el  accompagné  par  saint  Paul.  11  n'y  a  rien,  dans  ces 
mosaïques  romaines,  de  la  raideur  anguleuse,  du  des>iu  plat  el  maigre 
des  mosaïques  vénitiennes  ou  florentines.  Les  figures  larges  et  pleines,  les 
gestes  souples,  les  draperies  liarmonieuscs  sont  d'un  artiste  qui,  tout  en 


i.A  iM:iNTriiK  hai.ii;nm::  anant  cioito  440 

rrsliinl  liilrlf  aux  lois  de  rit-onoiirajiliii'  liy/.aiitinc.  sail  les  \i\ilirr  jiai' 
1  t'-liiik'  de  la  ikiIuimm^I  la  prati(|uc  drs  di\rrs  arts.  La  liiiiirc  de  sainle 
Anne,  dans  la  \aissance  de  Mai'ic,  eellr:,  .-uiliml  des  ser\  anles  empressées 
auprès  d'elle,  témoignent  de  ces  qualités  de  modelé,  de  cette  science 
de  la  »  troisième  dimension  »,  que  l'on  a  louées  en  ces  derniers  temps 
(•(iiiiiui'  l'apanage  exclusif  de  Giottu.  Kt  le  geste  de  la  femme  qui  làle 
ilélicatement  l'eau  du  hain,  tout  en  étant  de  tradition  dans  les  miniatures 
l)vzanlines,  prend  un  charme  spontané  ([ue  les  plus  jolis  siennois  ne 
dépasseront  guère. 

Ces  qualités  maîtresses  de  Cavallini.  celle  plénilude  r()liu>le  des 
formes  et  des  gestes  par  où  il  se  rapproche,  ainsi  que  tîiollo,  de  Nicolas 
de  Pise,  nous  les  trouvons  au  plus  haut  point  de  perfection  dans  les  fres- 
(|ues  de  Sainte-Cécile-du-Translévère.  Là,  comme  à  Saint-Paul,  <diilierli 
nous  l'atteste,  le  grand  artiste  avait  peint  toute  la  nef,  au  temps  oii  >i>n 
associé  Arnolfo  terminait  Vexquisciliniiuui.  (pi'il  signait  et  dalail  du  ■Jtl  no- 
vembre l'illô.  Les  remaniements  de  IMI'.t  el  de  IT'iô  n'ont  laissé  subsister 
que  des  débris  cachés  par  le  lourd  plafond  moderne;  mais,  dans  le  chœur 
des  religieuses,  qui  est  adossé  au  revers  de  la  façade,  la  magnifique  com- 
position du  Jugement  dernier  est  demeurée  presque  intacte.  Ce  chœur, 
construit  après  K>'27  jusque-là  l'église  avait  appartenu  aux  Ijénédictins, 
puis  aux  «  Lmiliati  >-  s  masqua  si  bien  l'œuvre  de  Cavallini  que  l'existence 
en  fut  oubliée  juscju'à  ces  dernières  années.  De  légers  travaux  de  restau- 
ration ont  suffi  à  en  dégager  les  restes,  et  à  les  rendre  accessibles  à  l'étude. 

La  scène  du  Jugement  dernier  s'étend  sur  toute  la  largeur  de  la  basi- 
lique, qui  mesure  environ  quatorze  mètres.  Le  Rédempteur  (fig.  .jOl^  appa- 
raît dans  une  gloire  elliptique  qu'entoure  un  vol  d'anges.  Il  est  assis  dans 
une  attitude  majestueuse,  vêtu  dune  tunique  verte  et  d'un  manteau  pourpre 
bordé  d'or.  La  plaie  sanglante  de  son  côté  attire  le  regard  ainsi  que  celles 
des  pieds  et  des  mains:  la  main  droite  s'ouvre  pour  accueillir  les  élus,  la 
gauche  se  referme  et  retombe  pour  éloigner  les  réprouvés.  La  Merge  et 
le  Précurseur,  au  milieu  des  douze  Apôtres,  de  grandeur  naturelle,  et  que 
désignent  des  inscriptions,  sont  debout  autour  du  Juge  suprême;  saint 
Pierre  et  saint  Paul  se  font  pendant.  Plus  bas,  quatre  grands  anges  blonds 
soufflent  en  de  longues  trompettes  pour  annoncer  le  Jugement;  ils  se 
dressent  sur  les  nues,  près  de  l'autel  qui  porte  les  instruments  de  la  Pas- 
sion, selon  les  règles  de  l'Etimacia  dans  l'art  byzantin.  Les  deux  premiers 
martyrs,  Etienne  et  Laurent,  sont  à  leurs  côtés;  puis  surgissent  à  droite 
les  élus,  à  gauche  les  damnés,  dont  les  groupes,  coupés  par  la  maçonnerie 
du  xvi''  siècle,  demeurent  incomplets.  Trois  anges  guident  l'essor  des 
élus;  trois  archanges  repoussent  les  damnés  el  le  diMuon.  Ces  dernières 
ligures,  de  dimensions  plus  petites,  snrd  aii>>i  iVuw  ii;i\,iil  moins  soigné; 
mais  les  aulres  brillenl    d'uni'  beauté  souveraine  :  ligures  noides,  yraxes. 


,U(;  HISTOIRE  DE  EAUT 

(loni  la  solennité  se  tempère  d'une  expression  d'afl'ecLueiix  respect.  Une 
niajeslr  romaine  est  empreinte  sur  ces  visages  jeunes  ou  vieux,  où  le 
caraelrre  iconog-rapliiqui'  esl  si  riclement  observe,  mais  avec  un  sens  de 
la  vie  (pii  soutient  l'artisle  d  l'emporte  très  haut  au-dessus  des  formules 


Phol  du  Jhnis 


lu.   ."III.  _  Tv[r  (luClii'i^l  il.iii-  1,1  IVcxiiic  ilii  .lugement  dernier,  par  l'irlm  (  :,i\,illiiil. 
(S;iiiilf-(;é{-ilt'-du-Transtévère). 

byzantines.  Duccio  donnera  la  fleur  merveilleusement  pure  de  Fart  grec 
en  Italie;  mais  de  cet  art  grec  Cavallini  a  refait  un  art  latin,  en  attendant 
que  Giotlo  en  fasse  un  art  proprement  italien. 

La  dernière  œuvre  romaine  qui  nous  ait  été  conservée  de  (Cavallini 
est  la  frescjue  absidale  de  Saint-Georges-du-Vélabre,  généralemeni  allri- 
buée  à  Giotto.  Elle  fut  exécutée  sur  l'ordre  du  cardinal  Jacques  Stefa- 
nesclii,  en  l^QÛ  ou  peu  après;  et  les  retouches  barbares  qu'elle  a  subies 


LA   PEIMlliE   ITALIENNE  AVANT   GIUTTO  447 

n'oiil  p;is  cnlit'i-riiu'iit  détruit  son  aspect  jiuissaiil  et  haruionifux.  L'image 
(lu  Christ  bénissant,  debout  sur  le  globe  du  monde,  rappelle  la  noble 
figure  des  Saints-Cosme-et-Damien  ;  à  ses  côtés  sont  la  Vierge  et  saint 
Pierre,  saint  Georges  et  saint  Sébastien.  Ces  deux  derniers  saints,  chers  à 
l'iconographie  byzantine,  sont  représentés,  selon  la  tradition  de  l'Orient, 
en  guerriers  casqués  et  cuirassés,  la  lance  en  main;  saint  Georges  lient 
les  rênes  de  son  cheval,  et  saint  Sébastien  s'appuie  sur  son  bouclier. 

Pour  se  délasser  du  décor  mural,  l'excellent  peintre  ne  négligeait  pas 
les  tableaux  de  chevalet;  du  moins  est-ce  à  lui  que  de  bons  juges  ont  pu 
attribuer  deux  intéressants  petits  retables  à  compartiments,  dont  les 
figures  longues  et  fines  se  détachent,  comme  ce  sera  bientôt  la  mode  dans 
la  peinture  siennoise,  sur  un  fond  d'or  délicatement  ouvré  à  la  pointe  :  la 
sainte  Cécile  du  Musée  des  Offices,  et  les  Scènes  évangéliques  de  la  col- 
lection Stroganoff  (Déposition  de  Croix,  Ensevelissement,  Descente  aux 
Limbes,  Résurrection,  Ascension,  Pentecôte).  On  peut  les  considérer 
comme  des  sommaires  des  peintures  exécutées  à  Sainte-Cécile  et  à  Saint- 
Paul. 

Selon  Ghiberti,  Cavallini  aurait  "[leint  à  Saint-Pierre,  à  Saint-Chryso- 
gone,  à  Saint-François  de  Rome.  A-t-il  travaillé  à  la  mosaïque  de  la  façade 
de  Saint-Paul,  exécutée  pour  Jean  XXII,  c'est-à-dire  entre  les  années 
ir)lU  et  1354?  Ghiberti  semble  l'affirmer;  mais  il  n'est  plus  possible  d'en 
juger  par  les  fragments  tout  modernisés  qui  ont  été  transportés  à  l'inté- 
rieur de  la  basilique.  En  dehors  de  Rome  et  d'Assise,  oîi  nous  verrons 
tout  à  l'heure  les  mosa'istes  romains  à  l'œuvre,  nous  trouvons  trace  d'un 
séjour  de  Cavallini  à  Naples  en  un  document  de  l'année  1508.  C'est  une 
lettre  par  laquelle  Robert,  duc  de  Calabre,  ordonne  de  payer  à  maître 
Pierre  Cavallini  de  Rome  les  gages  annuels  qui  lui  ont  été  assignés  par  le 
roi  Charles  II  :  ces  gages  sont  de  trente  onces  d'or,  auxquelles  il  faut 
ajouter  deux  onces  pour  la  location  d'une  maison. 

Des  peintures  et  mosa'iques  de  Xaples  il  sera  parlé  ailleurs;  mais  il 
est  à  Rome  d'autres  œuvres  encore,  et  de  la  plus  grande  importance, 
exécutées  par  les  mosa'istes  compagnons  de  Cavallini.  Nicolas  IV,  le  pre- 
mier pape  franciscain,  consacre  en  P2!)Û  la  basilique  reconstruite  du 
Latran:  l'année  suivante  était  terminée  la  grande  mosa'ique  absidale,  qui 
a  subsisté  intacte  jusqu'à  l'époque  toute  récente  (1886)  de  l'agrandisse- 
ment et  de  la  réfection  de  l'abside.  La  mosaïque,  reprenant  et  utilisant 
les  restes  d'un  ancien  décor,  représente  l'Adoration  delà  Croix,  au-dessus 
de  laquelle  le  buste  du  Sauveur  étincelle  dans  les  nues.  Ce  buste  majes- 
tueux, auquel  s'attachait  une  tradition  miraculeuse  dans  la  basilique  pri- 
mitive, émerge  de  nuages  pourpres  et  dorés  qui  parsèment  une  zone  de 
ciel  bleu  sombre;  des  anges  en  adoration  volent  tout  alentour.  La  zone 
inférieure  se  développe  sur  un  fond  d'or.   La  colombe  de  l'Kspril  Saint 


lis  IIISTOirîK  DE  L'ART 

irpaïul  ses  rayons  vors  la  Croix  lleuronnée  cl  relevée  de  pierreries  qui  se 
dresse  sur  le  terlre  aux  quatre  fleuves  oîi  viennent  s'abreuver  deux  cerfs 
et  six  agneaux.  Au  pied  du  tertre  est  figurée  en  très  petites  dimensions  la 
.léi'usalem  céleste,  au-dessus  de  laquelle  la  cime  d'un  palmier  supporte  le 
phénix.  Puis  s'étend  à  droite  et  k  gauche  un  pré  fleuri  où  jouent  de  petits 
génies  et  des  oiseaux  ;  il  est  baigné  parles  ondes  du  Jourdain,  peuplées 
encore  de  petits  génies  qui  naviguent  et  pèchenl  parmi  des  cygnes  blancs. 
Debout  et  tournées  vers  la  Croix,  de  colossales  ligures  se  détachent  sur 
le  fond  d'or.  C'est  la  Vierge,  qui  présente  bénignement  au  Sauveur  le 
pape  agenouillé;  saint  Pierre  et  saint  Paul  la  suivent,  tandis  qu'à  droite 
de  la  Croix  saint  Jean-Baptiste  est  suivi  de  saint  Jean  l'Evangéliste  et  de 
saiul  André.  Deux  figures  plus  humbles,  celles  des  saints  François  et 
Antoine,  introduites  parmi  la  cour  céleste,  marquent  bien  le  caractère 
franciscain  de  la  dévotion  à  la  Croix.  Et  plus  bas,  dans  une  frise  que  cou- 
pent quatre  larges  fenêtres,  neuf  Prophètes  sont  debout  entre  des  pal- 
miers, comme  à  Saint-Apollinaire-Nouveau  de  Ravenne,  ou  à  Saint-Paul- 
hors-les-Murs.  Parmi  eux,  et  se  répondant  aux  deux  extrémités  de  la  frise, 
deux  très  petits  moines  franciscains  sont  agenouillés,  tenant  en  main 
l'équerre,  le  marteau  et  le  compas;  le  plus  jeune,  quunc  inscription 
recommande  à  la  protection  de  saint  Jean,  se  nomme  frère  Jacques  de 
Camerino,  «  compagnon  du  maître  d'œuvre  ••  ;  l'autre,  d'apparence  âgée, 
n'est  point  désigné  par  une  inscription  analogue,  mais  il  a  déjà  signé  son 
travail,  à  l'angle  gauche  de  la  grande  composition  :  Jacobus  Toriti  pictor 
hoc  opus  fecil. 

C'est  le  même  Jacques  Torriti  qui,  cinq  ans  plus  tard,  date  et  signe 
la  splendide  mosaïque  absidale  de  Sainte-Marie-Majeure,  oîi,  comme  au 
Latran,  il  adapte  et  remanie  une  œuvre  antique,  mais  cette  fois  avec  une 
lilierlé,  une  personnalité  tout  autres  (fig.  ôO'i).  A  la  mosaïque  primitive 
appartenaient  évidemment  la  petite  rivière  peuplée  de  barques,  les  oiseaux 
et  surtout  les  magnifiques  rinceaux  de  feuillage  qui  se  déroulent,  comme 
à  Saint-Clément,  sur  l'éclat  du  fond  d'or;  mais  ces  rinceaux  s'écartenl 
pour  laisser  place  à  une  gloire  d'azur  constellée  d'or,  oi^i  sur  un  large 
trône  les  figures  du  Christ  et  de  la  \'ierge  attirent  tous  les  regards.  Le 
Christ  couronne  la  Vierge,  ou  plutôt,  d'un  geste  oîi  les  ivoires  français 
ont  mis  déjà  la  plus  exquise  poésie,  il  ajoute  une  gemme  au  diadème  de 
la  Reine  du  ciel.  Des  anges  en  foule  assistent  pieusement  à  la  fête  divine, 
et,  à  droite  et  à  gauche,  devant  les  ligures  des  saints  Pierre  et  Paul  et  des 
deux  saints  Jean,  suivis  de  saint  François  et  de  saint  Antoine,  le  pape 
Nicolas  IV  et  le  cardinal  Jacques  Colonna  sont  agenouillés.  C'est  le  thème 
de  l'abside  de  Sainte-Marie-du-Transtévère,  mais  heureusement  accom- 
modé aux  exigences  d'un  décor  plus  ancien,  cpii  lui  apporle  un  surcroît 
de  somptuosité. 


/j50  IIISTOII'.K  Dl-;  I.AItT 

A  l"iinilalion  des  [ici ils  laljlcaiix  en  mosaïque  dont  venait  d'èlre  enri- 
cliie  la  liasilique  du  Transtévère,  Torrili  composa,  au  bas  de  l'abside  de 
Sainle-Maiie-Majeure,  cinq  scènes  de  la  vie  de  la  Vierge,  qui  s'inspirent 
des  traditions  byzantines  plus  textuellement  peut-être  que  celles  de 
Cavallini.  Il  m  allait  d(^  même,  avant  les  restaurations  qui  les  ont  défor- 
mées au  xviii'  siècle,  des  mosaïques  de  la  façade  maintenant  encastrées 
dans  les  baies  et  derrière  les  pilasti-es  de  la  Iribune.  \'asari  allribuc  à 
Gaddo  Ciaddi,  le  clief  de  la  lignée  d'artistes  florentins  qui  propagèrent 
durani  tout  le  xiv''  siècle  les  leçons  de  (iiolto,  les  quatre  compartiments 
où  est  illustrée  la  légende  de  la  fondation  de  la  basilique  par  le  pape 
Libère.  La  zone  supérieure,  beaucoup  mieux  conservée,  est  l'œuvre  de 
Filippo  Busuti,  qui  a  iascril  son  nom  sur  l'ourlet  de  la  gloire  d'azur  et 
d'or  oh  trône  le  Sauveur  cuire  quatre  anges;  les  symboles  des  Evangé- 
listes,  les  figures  de  la  .Madone  et  du  Précurseur,  que  suivent  des  apôtres 
et  des  saints,  complètent  la  vision  céleste,  à  laquelle  assistaient,  dans  la 
composition  primitive,  les  cardinaux  Jacques  et  Pierre  Colonna. 

Filippo  Rusuti  ne  nous  est  point  connu  par  d'autres  œuvres  ;  mais 
c'est  lui  vraisemblablement  qu'un  document  de  l'année  LâOS  nous  montre 
mandé  à  la  cour  de  France,  à  Poitiers,  avec  son  fils  Jean  et  un  compa- 
gnon, Nicolas  Desmarz,  comme  ces  mosaïstes  romains  qui,  quarante  ans 
plus  tût,  avaient  été  appelés  à  Londres.  Le  renom  de  l'école  romaine  avait 
depuis  longtemps  passé  les  Alpes.  (  )n  peut  supposer  que  le  maître  Etienne 
d'Auxerre,  que  Philippe  le  Bel  envoie  en  P298  au  pape  Boniface  VIll, 
«  pour  certaines  affaires  ",  ])ro  quibusdain  negociis  régis,  avait  mission  éga- 
lement de  s'instruire  des  traditions  d'art  que  le  xiii"  siècle  avait  noble- 
ment développées  dans  la  \'ille  sainte.  Mais  l'Exil  d'Avignon,  dès  1505, 
relire  brusquement  de  liomc  celte  suprématie  des  arts  qu'elle  avait  si 
longtemps  gardée;  et  quand  le  retour  de  la  papauté  y  ramènera  la  paix, 
la  vie  et  la  richesse,  c'est  aux  écoles  du  Nord,  c'est  à  Florence  qu'il  lui 
faudra  redemander  une  tradition  nouvelle  et  des  artistes. 

1^'ki oi.K  TOSCANE  ET  l'É(x)I.e  l'.OMAiNE  A  AssisE.  —  Aulour  du  tombcau 
de  saint  François,  dans  la  basilique  haute  d'Assise,  s'est  préparée,  au 
xiii'  siècle,  la  renaissance  de  la  peinture  italienne.  Une  même  dévotion, 
un  même  élan  du  cd'ur  ont  groupé  en  un  seul  point  des  forces  éparses  et 
disparates,  d'oi^i  \a  naître  une  harmonie.  L'œuvre  de  Giotto  expliquera 
cl  coordonnera  les  efforts  d'un  demi-siècle.  Il  n'est  guère  possible  de 
nommer  avec  certitude,  en  l'absence  de  tout  document  d'archivé,  les 
peintres  (pii  travaillèrent  à  ce  vaste  décor,  et  bien  des  hypothèses  ont  été 
mises  en  avant.  Pendant  longtemps  les  seuls  noms  de  Cimabué  et  de 
Giotlo  ont  suffi  à  la  ciiliquc:  mais  unr  étude  comparée  des  fresques  en  a 
fait  aist'nient  ressortir  la  di\crsilé,  cl  l'on  a  peu  à  peu  élargi  la  part  des 


LA    PKINTl'IΠ   ITALIKN.NK    A\  A.NT   (IIOTTO  401 

mosaïstes  romains.  \'asari  d  ailleurs  nomiiii'  Cavallini  aussi  liicn  (|ur 
Cimabué  parmi  les  peintres  d'Assise;  et  il  est  permis,  sans  pousser  à 
l'excès  la  précision,  rie  délimiter  assez  nettement  les  deux  régions  où 
s'enferméi'ent.  dans  cette  grande  nef  gothique  tout  illuminée  jiar  ses 
vitraux,  les  peinties  lie  Florence  et  les  peintres  de  Rome. 

Assise,  sans  se  trouver  sui-  la  route  de  Home  à  Florence.  oITiail  assez 
naturellement  une  étape  aux  artistes  qui  se  rendaient  d'une  ville  à  l'autre. 
Nous  savons  que   Cimabué  était  à   Rome  en    l'il'l,  mais  nous  ignorons 


absolument  s  il  \  séjourna  iungli'nq)s.  (  l'est  en  tout  cas  après  eetle  date 
que  doivent  se  placer  ses  premiers  travaux  dans  l'église  de  Saint-Fran- 
çois; et  le  |premier  de  Ions  dut  être  la  gi-ande  fresque  qui,  au  bras  droit 
du  transejil  de  r('gii>e  inl'(Mieure,  ie|)résenle  la  Madone  et  l'Enfant 
entourés  d'anges,  avec  saint  l-^rancois  debout  auprès  d'eux  (fig.  7t{)~>).  On  a 
récemment  contesté  à  (",imabu('  la  jiaternité'  de  celte  fresque,  pour  la 
donnei' à  l'iM-ule  >ienni>ise  ;  mais  il  sullil  de  la  comparer  aux  Madones  du 
Lou\  l'e  cl  (le  |-"j()ii'nce  |)()ui'  y  recouiiail  !e  un  même  auteur  en  lenani 
compte,  bien  l'nlendu,  des  cliangeiuenls  que  les  r(^touciies  et  re>laui-a- 
tions  successi\cs.  la  première  fort  ancienne,  au  temps  même  de  (iiollo, 
ont  pu  a])porter  au  caraclère  des  figures).  Le  dessin  du  trône,  les  plis  du 
manteau  de  la  Madmie  smil  pres(pie  idenli(pns  dans  le  retable  iln  Louvre: 


HISTOIKE  DE  L'ART 


il  m  r>l  (11'  iiiriiic  tic  l'alliluilc  cl  de  !:i  (ir;i|>cric  des  deux  premiers  nnijes. 
'laiil  (lui!  ne  sera  pas  prom  (•  (pi'i!  l'aul  rclircrà  (  liiiialuK'' I  alliilml  ion  du 
relaliie  du  Louvre,  la  grande  Madone  d'Assise  sera  comptée  parmi  ses 
meilleures  œuvres.  Mais  c'est  dans  l'église  haute  quel'onpeul  étudier  avec 
le  plus  de  s(''euriié  ses  Iravaux  et  ceux  de  ses  compagnons. 

Selon  \'asari,  (limaliué,  •■  en  compagnie  de  quelques  maîtres  grecs  », 
avail  décuré  toute  l'église  du  Ijas;  jinis.  "  aninu"  d'un  nouveau  courage,  il 
se  mit  à  lui  seul  t»  peindre  à  fresque  l'église  du  haut  «.  Nous  avons  vu  ce 

qu'il  fallait  garder  de 
celle  légende  pour  l'his- 
loirc  de  la  hasilique  infé- 
rieure. (Iiiant  à  la  hasi- 
li(pie  sup(''i'ieui'e.  \oici 
comm<'nl  son  di''eor  se  ré- 
parti! (lig.  OUI).  Lechonir, 
au-dessous  des  fenêtres, 
est  orné  de  scènes  de  la 
.Mort  de  la  Vierge,  letran- 
__^^^^^^^^____  ___       ^c\\[  gauche  de  scènes  de 

âl  ,  8gl  j^EJJBlPPlBIHB  ffB  WÊ^^  r.Apocalypse,  le  transept 
j I  li^^'wiliP fil  M  nHs  3I    M^J^       di'oil  lie  scènes  de  la  \'ic 

el  de  la  Passion  des  apù- 
lre>  rierre  et  Paul.  Deux 
grands  (^ruciliements  ter- 
minent les  murailles  en 
l'clour  de  ces  transepts. 
Plus  haut,  entre  les  fcnê- 
Ires,  il  y  a  des  figures 
d'anges  à  gauche,  d'apô- 
I  les  à  droite,  de  pro]ihètes 
el  d'aiigo  au  milii'u:  |>uis 
dans  les  tyuq)ans,  à  gauche,  le  Cond)at  de  rArchange  contre  le  Dragon; 
à  droite,  le  Sauveur  en  gloire  parmi  les  symholes  des  Évangélistes;  sur 
les  côtés  du  clueur.  (pudre  épisodes  de  la  \"ie  de  la  ^■ierge.  La 
voûte,  divisée  par  des  nei-vures  golhiques,  conqireiid  six  sections 
où  alternent  avec  un  ciel  hieu  éloilé,  d'ahord  les  ligures  des  quati'C 
Kvangélistes,  puis  (piaire  UK'daillons  avec  les  hustes  du  ('.lii-i>t.  de  la 
\  ierge,  de  saint  .lean-l!a|itisle  et  de  saint  h'i'an(;ois;  enlin  ilans  la  der- 
nière Iravée,  prés  du  .'~eiiili  les  cpuitre  grantls  Docteurs.  .\ux  parois  de 
la  nef,  des  deux  côtés  des  feiKMres,  se  déroule  le  parallélisme  (dassique 
des  histoires  de  l'Ancien  et  du  iXouvcau  Testament;  entin.  plus  has, 
entre  les  faisccau.x  de  colonnes  engagées  dans  les  murailles,  vingt-huit 


LA  PKixTruK  ii'\i.ii:nm:  a\am  cioiki  i;..ï 

(•(>in|i;i|-|imrnU  de  |iriiil  lire-.  imcoiiIciiI  I;i  \  ir  cl  les  lllirarlcs  (le  sailli, 
lM-aii(;(»is. 

(  >n  iir  |M'ut  guère  (Idiitrr  i|iii'  les  Imis  séries  de  laiilraiix  ipii  (inieiil 
les  imirs  du  chœur  et  des  lranse]ils  soient  d'un  seul  et  même  pcinire,  qui 
est  l'auteur  de  la  grande  Madone  de  l'Académie  de  Florence.  Maliiré  l'état 
di'  d<d;diremeiil  alTi-eux  de  res  peiiil  mes  si  intéressantes,  dont  les  cnuleuis 
(iiil  ('■II'  rongées  par  riiumidil('',  au  |ioiiil  (|u'il  ne  subsiste  plus  (pie  la  pié- 
p.iralinii  toute  noircie  et  eouiiue  l'oiiilti-e  des  figures,  on  y  l'etroinc  le 
dessin  de  Cimabué,  la  structure  caractéristique  des  visages  aux  fronts 
bombés,  les  types  indiscutables  des  Proplièles  à  mi-corps  de  son  notable. 
La  Inrle  ('ducation  byzantine  pénètre  encore  toutes  ces  composilidiis.  si 
bien  qui'  l'on  se  croirait  dans  quebpuî  chapelle  du  Mont  Atlios,  dcxani  le 
Di'iiiici'  l-^iilrelien  des  A|i<">lres  a\t'c  la  \'iei'ge,  la  Moi-t.  l'Assomption, 
eiiliii  la  (  ilorilication  de  la  lîeiiie  du  ciel.  Les  cinq  histoires  des  miracles 
et  i\f  la  mort  de  saint  l'ierri'  ei  de  saint  l'aul  sont  des  plus  curieuses 
pour  l'étude  des  monuments  antiques  de  liome  :  il  faut  citer  tout  j)arti- 
culièrement  le  (Irucitiement  de  saint  Pierre,  où  la  jiyramide  de  Ces- 
liiis  lail  |iendant  au  phare  de  Néron,  décor  ipie  copiera  lidèlemiMit 
(iidllo.  Muant  aux  cinf|  scènes  de  l'Apocalypse,  ce  qu'on  en  distingue  au 
travers  de  la  ruine  s'impose  fortement  à  l'imagination  :  la  X'ision  des  vingt- 
fpiatre  \'ieillards,  les  quatre  anges  debout  devant  la  muraille  crénid(''e  de 
la  \  iljr  (|ue  dniniiie  une  montagne  abrupte,  l'Assembléi'  des  ('lus,  puis 
lÊi-roulemenl  de  Babylone,  et  l'apparition  de  Patmos,  étroit  écueil  au 
milieu  des  Ilots  agités,  où  le  vieil  ApiMre  effrayé  se  serre  contre  l'ange  qui 
d'un  grand  geste  lui  moiilre  l'aliiiiir;  mliii.  bien  h;iut  vers  la  voùic  la 
lutte  de  l'énorme  dragon  scpiami'ux  contre  larchange  saint  Michel  tout 
ce  transept  de  gauche  est  déilié  à  l'Archange i,  ^oilà  les  di\ei-ses  parties 
d'un  drame  chrétien  assez  émouvant,  mais  qui  se  joue  encore,  on  le  sent, 
en  langue  grecque.  Cimabué  n'a  pas  renouvelé  la  tradition  byzantine:  il 
s'est  contenté  de  l'exprimer  avec  puissance. 

Cependant  les  deux  fresques,  de  dimensions  iloubbs.  qui  représen- 
tenl  le  (  j'uciliement  au-dessus  des  autels  laléi  aux,  inlroduisml  dans  l'ico- 
iKigraphir  clir(''tienne  une  e\|iressi()n  passionnée  et  sauvage  (pie  bon  n'y 
a\ail  pas  encore  \n  |iorler  à  ce  |ioiiil.  La  plus  belle  et  la  moins  coiupb''- 
lement  ruinée,  celle  de  gauche,  est  l'œuvi-e  de  Cimabin'.  .\utour  du  Christ 
colossal,  dont  le  corps  s'inlléchil  péniblement,  tout  un  Mil  d'angeslourbil- 
lonne  dans  les  airs,  avec  les  gestes  du  désespoir  le  plus  intense;  trois 
d'entre  eii.x  recueillent  dans  des  coupes  le  sang  (pii  (li'coule  des  plaies  du 

Sauveur.  l)el I    dexanl   la   Ci-oix,    .Maihdeine  l(''\c  les  mains   ardenmient 

M'is  son  Mailii'.  tandis  (pi'à  ses  |iieds  saiiil  t'ran(;ois  de  I  ai  Ile  beaneonp 
plus  pelile  se  p|-oslellie  eonire  le  lerll'e  ellsailglailli''.  Sailli  .leail  lient 
(lonhnireiisemeiil    la    main  de   la  \  ierge,  ipie  sni\i'iil  les  Sainli's  l'emines; 


.4r,i  HISTOIHK   DI-    I.'AnT 

cl  lu  foule  (1rs  .luifs  se  presse  ;i  droite  et  à  gauclie.  I.a  même  cuinpusilion, 
:'i  (|iiel(pies  déliiils  ]irès,  se  re|)ro(luit  dans  rautrc  Iransepl;  toutefois  on 
n'y  voit  plus  la  ligure  de  Madeleine,  cL  la  Vierge  s'évanouit  dans  les  bras 
des  saintes  Femmes.  Le  Christ  est  de  proportions  plus  fortes  encore  et 
plus  luiirdi-s,  (pii  vont  jusqu'à  la  difformilé,  comme  dans  un  grand  C-ru- 
eiii.x  allriimr  à  Margaritone,  que  conserve  l'église  de  Sainte-Claire  d'As- 
sise. 11  se  jiouiTait  donc  que  Margaritone,  iqirés  Cimahué,  ou  tout  autre 
peintre  de  l'école  florentine,  eût  terminé  le  décor  du  clionir.  Il  est  certain 
que  les  figures  d'Apôtres  peintes  an  hifoiiiun  de  dioile  sont  loin  d'avoir 


ll.'l.'iil  ilu  li'ilonuj 


la  iieanlé  des  grands  anges  delioiil  derrière  les  colonnes  du  triforium  de 
gauclic,  ou  a|)paraissant  à  mi-coips  dans  la  lialuslrade  feinte  qui  domine 
ce  triforium  i  lig.  .")()')).  Le  décor  architectural  même  est  ditTérent:  c'est  à 
droite  une  imitation  de  gables  et  de  pinacles  aigus  sur  un  fond  de  ciel 
bleu,  tandis  qu'à  gauche  est  fidèlement  imité  le  style  des  Cosmati. 

Li's  |)ciiiluics  de  la  voûte  n'appartiennent  jilus  à  l'école  llorenline. 
Les  bandes  d'ornement  qui  les  encadrent  en  sections  triangulaires  rap- 
IH'lleiit  de  fort  près  les  inventions  des  mosaïstes  romains,  et  surtout  la 
riche  bordure  dont  Torrili  a  orné  l'abside  de  Sainle-Marie-Majeure.  Mieux 
encore  (pi'à  Torriti.  c'est  à  Cavallini  <\ur  l'on  pense  devant  les  figures  du 
Christ,  de  la  Vierge,  de  saint  Jean-Baptiste  et  de  saint  François,  qui 
occupent  le  centre  de  cette  voûte;  mais  rien  n'empêche  d'attribuer  au  seul 


I.V    l'KINTL'IUÎ    ITALIENNE   AVANT   GIOTTO  iô.') 

Toiiili  lis  li^ui'cs  lies  quatre  Évangélisles  et  celles  des  (|uali('  irrands 
Doclnirs.  Les  premières  sont  accompagnées  de  Timage  des  \ilies  cl  du 
iniuL  des  j^ays  où  s'exerça  leur  apostolat;  la  \  ne  de  lioiiir,  auprrs  de  saint 
Mare,  réunit  quelques-uns  des  pi-incipaux  monuments  de  la  ville  des 
papes  :  hasilique  de  Saint-Pierre,  cluUeau  Sainl-Ange,  hmr  de  Néron, 
Panlhéon,  pyramide  de  Ceslius,  Latran. 

(  >n  date  généralement  de  1280  la  pi-euiiére  inslallation  des  uuisaïstes 
l'omains  à  Assise.  La  tlii'liculté  est  de  comhiniM-  celte  date  avec  celles, 
indiscutables,  de  quelques-unes  des  œuvres  de  (lavallini,  de  Torriti  et  de 
(iiolto.  Après  1290,  il  y  a  six  ou  sept  années  durant  lesquelles  ces  grands 
artistes  sont  occupés  à  leurs  travaux  de  Rome;  mais,  tout  à  la  fin  du 
xui"  siècle  et  tout  au  début  du  xiv'",  il  leur  était  également  possible  de  se 
réunir  à  Assise.  Un  a  voulu  aussi  reconnaître  dans  leurs  oun  res  l'omaines 
un  progrès  marqué  sur  les  fresques  d'Assise;  cela  est  possible,  quoique 
difficile  à  prouver.  11  est  assez  vraisemblable  que  Cavallini  arriva  avec  ses 
compagnons  à  Assise  au  moment  où  le  chef  de  l'atelier  florentin,  Cimabué, 
achevait  ou  interrompait  ses  travaux  (et  ce  serait  donc  à  une  date  anté- 
rieure à  1290);  et  la  tâche  de  recouvrir  de  fresques  les  deux  parois  de  la 
nef  fut  répartie  à  l'atelier  romain,  sans  qu'il  soit  possible  de  délerndner 
sûrement,  tant  y  est  forte  la  discipline,  le  point  jirécis  où  s'arrête  chaque 
collaboration.  L'état  pitoyable  des  fresques  rend  les  comparaisons  d'au- 
tant plus  malaisées;  plusieurs  sont  entièrement  détruites,  d'autres  endom- 
magées aux  ti'ois  quarts;  l'iiumiditi'  et  les  restaurations  ont  été  également 
funestes. 

La  série  commence  au  sommet  de  la  paroi  de  droite,  depuis  le  choîur 
jusqu'au  seuil  de  l'église,  pour  reprendre  en  une  seconde  rangée  parallèle 
et  qui  suit  le  même  ordre;  il  y  a  en  tout  seize  tableaux  de  chaque  côté  de 
la  nef.  Le  maître  qui  a  peint  les  quatre  grands  médaillons  de  la  voûte  est 
également  le  peintre  des  premières  histoires  de  l'Ancien  Testament.  Ce 
sont  visiblement  des  oeuvres  de  mosaïste,  et  qui  rappellent  d'assez  près  les 
compositions  analogues  de  Monreale.  La  Création  est  assez  curieusement 
agencée.  Les  animaux  se  meuvent  sur  le  soi,  les  poissons  dans  les  Ilots, 
au-dessus  desquels  plane  la  colondjc  de  llvsprit,  et  l'on  voit  apparaître, 
projetée  parla  main  du  Créateur,  une  ellipse  de  lumière  rose  qui  renferme 
la  petite  iiguie  de  l'homme;  cette  ligure  est  entièrement  nue,  avec  une 
drajierie  passée  sur  un  bras.  Le  buste  du  Créateur  (de  type  identique  au 
Christ  de  la  voûte)  sort  d'une  gloire  d'azur  dont  le  cercle  est  formé  de 
l(Hes  d'anges.  La  Création  d'Adam,  celle  d'Lve,  laTeidalion,  rLx|)ulsion, 
dont  lr>  ligui'cs  ont  une  grst  iculalion  gauche  et  l'orc<''e.  sont  à  l'état  di- 
ruine,  et  les  tioi>  fres(pie>  sui\antes  ont  dis|iarn.  on  |ien  s'en  tant.  La 
rangée  intÏTieiii'e  eonuiienee  |iai'  la  ( '.onsi  rnel  ion  de  l' Aielie.  (|ue  snil  wuc 
fres(pn'   di'trnile.    pni-^   \ieiineiil   qin'liine>   eonipoNil  ions   majestueuses,   le 


.450 


iiisTomE  ni<:  LAirr 


Sacrilk'ç  d'Aliraliain.  hi   \  isilc  des  dois  An^cs.  la  l'xMiriliclioii  dr  .larob, 
la  N'isilc  (IMsaii.   La  lirailh''  joule  classl^iiic  de  ces  driix  dcniiiTrs  lVcs(|ues 


les  a  suLivenl  l'ail  allriluicr  à  (iiollo;  mais  il  sérail  jdiis  jusle  d"y  voir 
l'œuvre  de  (lavallini.  La  série  liililii|ue  se  lerinine  par  deux  scènes,  très 
détériorées,  de  l'iiistoirc  de  .Jose])li. 

Sur  l'autre  paroi,  en  parlant  du  elurur,  voici  d'ahord  l'Annoncialion, 


LA   l'ElNTKRK   ITALIENNE  AVANT   GIOTTO  457 

presque  ruinée  Ja  \  isilation  esl  ilélruili^i,  [luis  la  Nalivih'',  l'oil  seuililaldc 
à  la  composition  de  Cavallini  à  Sainte-Marie-du-Translévère.  L'Epiphanie 
n'existe  plus.  La  Présentation  au  Temple,  la  Fuite  en  Egypte,  Jésus  parmi 
les  Docteurs,  le  Baptême  de  Jésus,  dans  les  parties  qui  en  sont  conservées, 
montrent  la  fidélité  aux  règles  byzantines.  Dans  la  rangée  inférieure,  les 
Noces  de  Cana,  de  composition  lourde  et  somptueuse,  ont  tristement 
noirci;  de  la  fresque  suivante  (ce  devait  être  la  Vocation  des  Apôtres)  on 
ne  distingue  que  la  figure  de  saint  Pierre,  vers  qui  il  semble  que  se  tende 
la  main  du  Christ;  puis  commencent  aussitôt  les  épisodes  de  la  Passion. 
Le  Baiser  de  Judas  est  d'un  grand  eflet  (fig.  500).  Les  Juifs  et  les  soldats 
porteurs  de  lanternes,  de  piques,  de  cimeterres,  de  gourdins,  qui  se  héris- 
sent au-dessus  de  leur  masse  confuse,  se  pressent  autour  de  la  grande 
figure  du  Christ,  vers  (pii  le  traître  s'avance  à  grands  pas,  les  bias  ouverts. 
A  gauche,  saint  Pierre  Iranciie  l'oreille  de  Malchus.  Dans  la  ehaiielle  de 
l'Arena,  Giotto  fera  un  ciief-d'<euvre  de  la  scène  dramatique  dont  tous  les 
éléments  sont  déjà  réunis  à  Assise.  La  fresque  suivante  n'existe  plus. 
La  Montée  au  Calvaire  est  très  abîmée,  ainsi  que  le  Ouciliement;  mais  la 
Lamentation  sur  le  corps  du  Christ  est  déjà  dans  ses  grandes  lignes  la 
fresque  immortelle  de  Giotto.  Enlin  la  \  isite  des  Saintes  Femmes  au 
Sépulcre  n'a  plus  que  des  figures  incomplètes;  on  distingue  cependant 
les  deux  anges  vêtus  de  blanc  assis  sur  le  sarcophage  de  pierre,  devant 
lequel  les  quatre  soldats  dorment  sur  le  sol. 

Au  revers  de  la  façade,  deux  grandes  compositions,  l'Ascension  et  la 
Pentecôte,  complètent  la  série  évangélique.  Faut-il  y  reconnaître  une 
nouvelle  main?  est-ce  Giotto  qui  entre  en  scène?  Le  Christ  de  l'Ascension 
a  certainement  le  même  type  que  relui  di'  la  douzième  fresque  de  la  Vie 
de  saint  h'rançois,  et  d'autre  part  le  médaillon  avec  la  N'ierge  et  l'Enfant, 
placé  entre  deux  autres  médaillons  qui  contiennent  des  bustes  d'anges 
au-dessus  de  la  double  porte  d'entrée,  oITre  bien  nettement  le  caractère 
giottesque.  Acceptons  donc  ces  fresques  comme  la  transition  la  plus  ma- 
nifeste de  l'art  de  Cavallini  à  celui  de  Giotto.  11  est  certain  que  l'appari- 
tion des  mosaïstes  romains  dans  la  grande  basilique  ombrienne  explique 
de  façon  nouvelle  et  plus  vi'aiseinblable  la  foi'mation  de  son  génie;  et 
l'analyse  de  ses  œuvres  va  nous  montrer  à  quel  point  Assise  fut  pour  le 
l'énovateur  de  la  p(;inhirc  italienne  uii  alelii'r  de  \i vantes  et  fécondes 
leçons. 


HIHLIOCHAIMIΠ

l'iinci[i.-in\    l|-MV;iiix  :\  l'oiisullor  (\  ciir.  pnur   les  (luvi-au'i's  uomit.uix.   I;i  liililliif.'|-M|il]ii'  du 
l.   I  ■.  i-li.  L  |i.  '.r.i  ; 

Cavalc.xsf.lli:  cl  {'.iiow]-;,  Stm-ui  dr/ln  pilliira  in  Ititlin.  I.    1".  l'Iurciii-o.  l.S7."i.  lin'  iininçlle 

T.    11.    —    ."jN 


458  HlSTOlIîE   DE  L'ART 

édition  .•iniilaisJC  de  cet  ouvr.-ii;i'  iiHli~|irii-;d)le.  i-eriianirc  d'a|iri>'<  los;  iiolc^  f\c  C.nowE.  n 
{•omiiiciicr  de  |iarait,re  à  I.ondn--  i-w  \'.H>7,  >  A  Insinri/  af  pniiiliirj  m  ll'ilij  —  rniJn'ni.  FInrenre 
.nul  SU'iia  —,  l.  1  et  II).  —  Vemi  mi,  si,,r„i  ,lcir  nt-ic  italhnui.  I.  il  i-L  iil.  MMaii.  llMI'Mnfl-.  (le 
t.  IV,  191).").  esl  (-(iniiac.i'é  cntièrciiH'iil  à  la  sciU|)lii|-e  du  xiv  siècle).  —  l\R.\us,  Gi-sriilrlile  drr 
divifllichen  Kiiusl.  l.  II.  I•'l■il)(llll■iî-l'Èl-Iil■i^;gaIl.  l,SO"-l'JOO.  —  Zimmermann,  Giollo  unit  du-  h'tiiisl 
llnlicns  iin  MiUcItiltcr,  I,  Barid.  I.oip/.it;,  IXiUI,  —  I,ai  enestre.  La  peinlun'  italienne,  t.  I". 
Paris.  ISSà.  —  De  HoSSI,  Mh^:,,,,',  rrl.<li,nn  r  s,i,,,,i  ,lei  p.triineiiti  ilelle  rl,iesr  ,11  Homa  iintcriori 
ni  seeolu  .VI',  lidine.  IS'IMKi:  /).■//  i,inn,i:,i,i,-  ,li  Irlnnin  II  /.,i/.,/  e  ilrllr  ,,lln-  iiiiliehe  pillurc  nell' 
oral.,„-i<,  ,li    S.    Mruhi    enlrn    il  ,„;/,/:.;„  'l_.,hn:unn„ _  ,■„,„„■  st,,rir,,    e,l   arehenlu'jiro,    Home.   I»8I. 

—  MiM/,  .\r. /.■,■;  xtif  Ira  iniisiiuiiies  rli i;'-lieii iicx  .rihilir  III,  Les  pavemenls  Idsloriés :  IV,  Drx 
élcineiils  niilitines  ilniis  Irx  ntiisu nj m-s  in,tnii,n-<  iln  iiiuijrn  'i(je):  Les  précurseurs  de  In  lienais- 
X  nice  (à  con^nllcr  de  iii'éréreiicc  d.iiis  la  lradiii-U(iii  italienne,  remaniée  et  complétée  :  Prc- 
rursori  e  pnipii;,,i<iii:i  i  dri  Himisriinrnin.  l-'liirencc.  I9;i'2).  —  Ugo  ScoTi-BERTiNELLr,  Giorgio 
Vasnri  nrrillme.  \'i~-f.  \W'i.  —  l_r  n/wre  ili  (Ikircio  Vas.^ri,  éd.  Mii.ANESi.t.  I",  Florence,  1878. 

—  I.A\r.T(.N  linii.EA^.  .1  Itisiniij  nj'  Sirini.  Londres.  19ll"i:  The  mil  Cimnhiir  [Xineteenth  Ceii- 
hirij.  ii"."l.".  \\i:u-<  \'.W7,:  et  i-nni|ilc-ieMdu  par  L.  Zdekauer  dans  Hidlrlliim  senese  di  storiii 
pnlri.i.  l',ior,,  p.  |-i(i-|:,ll).  —  \\  ,  IIeywooi.  iind  L.  ()LCoTT,  fluide  In  Siru.i.  Sienne.  190.'>.  — 
W'KKiioii.  l'rl.rr  die  Zeil  d,-i  l,,iid,,  vnn  Sien.i  (dans  Miltheiliinucn  des  liisliUits  fiir  iJsler- 
reiehisrhe  I irsrhi.'hlsfne^rhin,,, .  \.  lid..  2,  lleft.  Innsliruck,  18811).  —  Dei,la  Valle,  Letlcre 
.-eiiesi  d,  m,  s, .ri.,  ,l,-ll  A,::„lr  .„  i .,  ,/,'  /•■,,,vs„„o  ,..,/,,■,,  le  l,el  le  ,irli,l.  V' .  Ve.|i-e,  178-2. —  MlLANESl. 
I),,e,,,„,-„li  pe,'  h,  st,„;„  .l.dl'  ,,,■!,■  se, „:■<,■.  I.  1',  Sicniic,  IN.Mi:  Siill.i  sl,,,-i.i  .le/t  oi-h-  I ,,s,;,,i,, . 
serin,  r„r,,  Sh'riri.'.  INT.".  —  M|-<-lM,  /,,.  /„,-,,/,■  ,/,•//,,  Ilir.hre,,.,  ■■  ,1.11,1  i;,,l,.'l/.,  ,lrll.,  r.epid,- 
l.lie,,  ,li  S,r„.,.  Sienne.  1S77;  el  LrsiM.  /.<■  I,ir.,l,-lle  ,l,pi„lr  ,li  I !„;-liee,l,i  r  ,li  <„,t,ell,i  ,lel  II. 
Ai,-I,ir,,  ,1,  Sl.,1.,  i,,  S,e,,.i.  l'Ioreni-e.  liMI-J.  —  Ciais-e.  [liisiliijues  et  innsdli/ues  elirétieniies. 
•1  v.d..  l'aii-.  I8',i.":  r\.  I.,:<  „„, ,-l,,-iees  ,',,„„,i ,is  et  le  ,„,,l,ilier  preshi/térul,  Paris.  1897,  —  IIeh- 
M\M\.  1,1,  ,,l];es,hi  ,1,  l'i,.l,;,  i-,,r,,ll,„i  „  s„„t,,  ie,',l„,  in  Tr„ste,'ere  (extrait  du  vol.  V  des 
li.illerie  ,,,i:-i,,,„i/i  il, (lin,,,-],  li.mie.  V.M'L  —  lî.  pKnsi'.  (J,i,-I,p,es  ,l„,;iii,enls  sur  l'histoire  des 
„,ts  r„  l-eonrr  {(.oz.etle  ,1,-s  l:le.,,i.e. Ael s  -j  lier.  l.  \\W.  IS.S7.  p.  .V2i).  —  TuODE,  Frnn:  Von 
A<sisi  „i„t  ,lie  Anfdn,/e  iler  KunsI  ,lee  l(eiuiiss,,,i,-r  ,„  ll.,l,e„.  lierlin,  1885.  —  Cristofam,  Didie 
si,, rie  ili  Assisi.  ">•■  éd..  Assise,  1902.  —  Fratim.  si, .ri.,  ,l,-ll.i  h.isili,,,  ,■  ,lel  eonvento  di  S.  fi;ui- 
ei's,:,  i„  Assisi.  Pralo.  1882.  —  Roger  Fry.  A,-i  l,.-f.,,-e  ai, .II"  {Mo, ,11,1;/  Heeiew,  ocl.  1900).  — 
STii/,vi.o\vs|ii.  Cinodoie  n,,,l  I!o,n.   N'ienne,   I8SS, 


CUAIMTI'.I':    V 

LKs  i\(iii;ks  <iOTiiioui:s 


Los  ivoires  ii'onl  piis.  pour  Thisloirc  de  l'iirl  ilii  xiii'  i_-\  ilu  xi\"  siècle, 
in  même  imjMtrtance  que  pour  celle  du  luuil  moyen  âge.  Au  lieu  de  de- 
meurer poui-  nous,  comme  ceux  du  \  i'  au  x"  siècle,  les  seuls  témoins 
d'une  sculpliu-e  disjiarue,  ou,  comme  les  ivoires  im]ioii(''s  de  liyzance, 
de  nous  lii>urer  les  modèles  où  purent  s"ins|)irer  les  preniiei's  iuiagiers 
romans,  les  ivoires  yolliicpies  ne  stuit  (pu'  le  l'cllel  de  la  sculpture  monu- 
mentale et  de  la  miniature  contemporaines;  leur  style,  leurs  thèmes  sont 
les  mêmes,  et  les  artisans  (|ui  les  ont  taillés,  fidèles  à  une  tradition  qu'ils 
n'avaient  point  créée,  loin  d'innover  jamais,  restent  «  à  la  suite  ■!.  Mais  si 
l'invention  leur-  manque,  lieaucoup  ont  interprété  avec  une  merveilleuse 
haliilelé  (>l  pai't'ois  avec  des  recherches  de  détail  charinanles  les  thèmes 
auxquels  ils  se  tenaient,  et  certains  ivoires  peu\ent  couqili'i-  parmi  les 
(cuvres  les  plus  acconqilies  de  l'art  ii-olhi([ue.  (  ".omme  de  |ilu>  le  noud)re 
des  pièces  conservées  est  très  grand,  nulle  série  ne  permet  de  se  l'aire  une 
idée  plus  nette  de  l'activité  d'un  métier  d'art  mineur  au  moyen  âge.  C'est 
à  ce  diiulilr  lilri'  (|ue  les  ivoires  doivent  de  tenir  une  place  dans  l'histoire 
générale  de  la  ri. 

La  rpianlilé  d'ivoire  travailh'e  à  la  lin  du  xiii"  siècle,  au  xi\''  el  dans  les 
jii-eniièrc>  aum'^cs  du  w*  a  dû  iMi'e  \  i''rilali|rmcnl  cxj  ra(H-dinaire.  Sans 
doute,  si  les  ivoires  nous  sont  |iarveniis  plus  nombreux  (pie  les  orfèvre- 
ries, les  émaux,  les  hois  ou  les  marbres,  c'est  que  l'on  n'en  pouvait  faire  ni 
nu)nnair.  ni  chaux,  ni  l'eu,  cl  ipic  leur  uialière  miMiie,  inul  ilisahle.  les  pré- 
servai! de  la  deslruc-lioii  ;  lonlefois  les  invcnlairt's  puhli(''s  |ii'ou\eiil  à  (pu'l 
poini  la  uHxIe  avail  adoph''  l'ivoire,  et  il  n'eu  est  guère,  parmi  ceux  des 
tr<'-soi-s  d'(''glise  ou  du  mohiiiei- des  grainls   |H'i'sonuages,  ipii   ne   nienlion- 

1.   l'.ir  M    K.iMii 1   kiivlilin. 


460  HISTOIRE  DE  L'ART 

nent  des  olijcis  de  celle  sorte.  L'ivoire  serl  à  lous  les  usages.  Dans  les 
églises  el  lo  clKipelles  privées,  ce  sonl  des  statuettes  figurant  la  Vierge, 
les  saints  ou  les  saintes,  des  reliquaires  de  toutes  formes  et  de  toutes 
dimensions,  des  boîtes  à  hosties,  des  autels  portatifs,  des  crosses,  des 
manclies  de  goupillon  on  de  /Idhflhnii  (évenlail  liturgique),  des  bàlons  de 
rliantre,  des  baisers  de  paix,  des  leliui'cs,  peul-èire  même  des  retables, 
tandis  (pie  l'emploi  en  est  constant,  dans  la  vie  civile,  pour  les  valves  de 
boîte  à  miroir,  les  peignes,  les  coffres  à  bijoux,  les  manches  de  cou- 
teaux, lesgravoirs,les  cors  de  chasse,  les  échi(juiers,  les  fouets,  les  selles 
d'apparat,  les  dévidoirs,  les  tablettes  à  écrire,  les  patenôtres  ou  chape- 
lets, les  chasse-mouches,  les  boutons,  les  «  palctes  à  tenir  chandelles  », 
les  instruments  de  musi((ue,  tels  (pie  llùtes  ou  harpes,  voire  les  bâtons 
(I  à  faire  coiffer  »  ;  il  entre  aussi  dans  la  confection  de  ces  bijoux  étranges 
el  compli(|ués  où  certains  princes  se  complaisaient,  sans  compter  f|ue  la 
marqueterie  en  use,  conjointement  avec  l'os  si  en  faveur  dans  certaines 
contrées.  Ce  fut  une  mode  générale,  à  laquelle  la  France  s'abandonna, 
comme  l'Italie  et  les  Flandres,  comme  l'Angleterre  et  l'Allemagne. 

Il  semble  certain  à  la  vérité  que  ce  fut  la  France  qui,  en  cette  mode, 
donna  le  ton.  Non  pas  que  les  documents  le  prouvent  péremptoirement: 
dans  tons  les  pays  les  inventaires  du  xiv""  siècle  citent  des  ivoires,  et  sans 
doute  on  en  a  sculpté  partout  ;  mais  les  mentions  d'ivoires  paraissent 
tellement  plus  fréquentes  dans  les  inventaires  français,  dans  ceux  de  la 
France  du  IVord  notamment;  l'identité  de  style  surtout  est  si  parfaite 
entre  la  pluj)art  des  ivoires  qui  nous  sont  parvenus  et  les  monuments  de 
la  grande  sculpture  et  de  la  miniature  françaises,  qu'on  en  peut  raisonna- 
blemcnl  déduire  que  la  France  en  était  le  [irincipal  marché.  C'est  donc 
par  r('lude  des  i\()ires  français  que  nous  commencerons,  et  par  français 
nous  croyons  (pi'il  faut  entendre  plus  parliculiérement  parisiens.  En 
vérité,  il  ne  paraît  pas  possible  de  déterminer  dans  l'art  i'rançais  du 
xn''  siècle  le  style  d'une  école  ])roprement  parisienne,  et  rien  dans  les 
nioiiumciils  ne  nous  permet  de  donner  certainement  Paris  comme  lieu 
(l'origine  aux  ivoires;  mais  les  comptes  semblent  plus  explicites,  cl  non 
seuleiiicnl  les  statuts  des  métiers  parisiens  sont  seuls  à  ce  moment  à  men- 
tionner des  ivoiriers  —  Lyon  et  Houen  ne  les  citent  qu'à  la  lin  du  xv''  et 
au  commencement  du  xvi'"  siècle  —  mais  nous  possédons  les  noms  de 
plusieurs  de  ces  ivoiriers  parisiens  et  des  détails  sur  leur  activité,  tandis 
qu'aucun  autre  centre  ne  nous  en  fournit  alors;  nous  savons  enfin  que 
les  princes  de  passage  à  Paris  y  achetaient  \  olontiers  des  ivoires  et  que 
les  statuettes  d'ivoire  à  socles  de  |)ierr(^ries  liguraient  ])armi  les  présents 
que  les  rois  de  Fiance  envoyaient  aux  églises  qu'ils  pirélendaient  honorer 
et  même  aux  souverains  étrangers.  (Jue  des  ateliers  provinciaux  aient 
taillé  des  ivoires,  il  se  peut,  toutefois  nous  n'en  avons  aucune  preuve  et 


LES  nOIRHS  GOTIIIQUIvS  iiil 

riiiiili'  lie  slyli'  ri  ilr  ferlini(|U('  des  innoinI)r;il)lcs  pièces  f[iii  nous  rcsiciil 
est  telle  que,  s'il  y  a  eu  divers  centres  de  production,  il  faut  admettre 
que  ce  sont  les  mi^mes  modèles  qui  ont  servi,  modèles  que  nous  pouvons 
présumer  parisiens. 

Les  tailleurs  d  ivoire  parisiens  étaient  r(''partis  entre  plusieurs  métiers  ; 
il  s'en  trouvait  |iaiini  les  pigniers  (fabricants  de  peignés),  les  lanterniers, 
les  tabletticrs  et  les  jiatenôlriers,  mais  les  auteurs  de  nos  statuettes  et  de 
nos  II  tableaux  >i  j)renaient  rang  a\ec  les  "  Peintres  et  Tailleurs  imagiers» 
et  les  II  Imagiers-tailleurs  et  ceux  qui  taillent  les  Crucifix  ».  Les  statuts  de 
ces  métiers,  assez  développés  quant  aux  imagiers  et  aux  peintres,  sont 
malbeureusement  à  peu  près  muets  sur  le  compte  des  ivoiriers.  «  Oui- 
conques  veut  estre  ymagiers  à  Paris,  ce  est  à  savoir  tailliercs  de  crucelix, 
de  manches  à  coutiaus,  et  de  toute  autre  manière  de  taille,  quele  quele 
soit,  qu'on  face  d'os,  d'yvoire,  de  fust  (bois)  et  de  touti^  auln^  manière 
destolVe,  (piele  (piele  soit,  estre  le  puet  franchement,  pour  tant  (pi  il  sache 
le  mestier  et  qu'il  euvre  ous  us  et  coustumes  du  mestier  devant  dit.  » 
Nulle  autre  mention  n'est  faite  des  ivoiriers  dans  ce  règlement;  mais  sans 
doute  il  était  le  même  poui-  tous,  et  les  obligations  relatives  à  la  maîtrise, 
à  l'apprentissage,  à  la  !■  loyauté  »  du  travail,  à  l'interdiction  du  travail  de 
nuit,  aux  amendes  en  cas  d'infraction,  leur  étaient  applicables  comme  aux 
imagiers,  de  même  rpiils  devaient  bi'néficiei-  de  privilèges  tels  que 
l'exemption  du  guet.  Leur  nn-tier.  à  eux  aussi,  n'appartenait  «  à  nulle  âme 
fors  qu'à  sainte  Yglise,  et  aux  princes  et  aux  barons,  et  aux  autres  riches 
homes  et  nobles  ».  Cette  communauté  dans  la  vie  corporative  explique 
('■videmment  les  analogies  de  la  technique  et  du  style,  et  il  est  certain 
qu'à  II  besogner  »  C(')le  à  côte,  quelque  chose  de  l'art  des  imagiers  et  des 
peintres  ne  pouvait  manquer  de  passer  dans  les  ouvrages  plus  modestes 
des  ivoiriers. 

Les  noms  d'ivoiriers  venus  jusqu'à  nous  ne  nous  son!  |ias  fournis  par- 
les œuvres  elles-mêmes,  car  aucune  n'est  signée,  et  le  "  Jehan  Nicolle  ■> 
d'un  liaiser  de  paix  du  Brilish  Muséum  en  di'signe  le  projiriétaire  et  non 
le  fabricant  ;  mais  divers  nmiplcs  nous  en  durHirnl.  cpie  d'ailleurs  on  ne 
priil  jilus  accoler  l'i  aucun  iininumcnt  suiisislant.  l)e  .lean  le  Scelleur, 
nous  sa\ons  {prrnlir  |."|."i  ri  |."-i.'i  il  exiMuia  (li\erses  pièces  jiour  ]\Lahaul, 
comtesse  d'Artois,  peignes,  broches,  gravoir,  miroir,  un  Ciirisl  altaclu''  à 
une  croix  de  cèdre  et  une  statuette  de  Notre-Dame;  il  élaii  fiiuriiissrnr 
de  Philippe  le  Long  et  vivait  à  Paris  ;  c'était  vraisemldablenu'ut  un  ivoirier 
de  profession.  f)n  ne  sait  rien  d'un  certain  Bertrand  ([ui  avait  f;iit  un  échi- 
(piici- pour  le  \r\\ur  lloiicrl  li'Arlois  en  l'J'.Hl.  Uuanl  à  liniauillr  Bour- 
geois, qui  li'axailla  liu  aussi  pour  .Maliaul,  rn  I  •"•  I  I  ,  il  rsl  cniinii  (''gaie- 
nirnt  comme  oïl'èxi'e.  et  il  en  \a  de  ni('me  île  .lean  le  lîraellier.  dont 
i  iii\  eiil:nre  de  (  ;liarle>  \   en   I  TiSII  cite  «  deux  grau  s  beauK  l.iiiieaiix  d  y  voire 


ill-.)  IIISTOIPil-:  DE  i.'ArsT 

(les  li-ovs  M;u-ics  ...  .Icliaii  de  C.oiiilly,  lui,  ('•Inil  |iii;iiicr  ;  à  |iliisieiir.^  i-(;|ii-i- 
scs.  (Ir  I."(i7  ;'i  |."S7.  il  livrii  ;'i  l'Iiiliiipr  Ir  Iliiitli,  iliic  ilc  Ijourg'Ogue,  il 
(Ihiirirs  \'l  cl  ;'i  la  l'eine,  des  li-oiisses  do  ciiii'  ariii(iii(''cs  conlenant  un 
assiiiliuirnl  f\r  uiiroirs,  de  ])eigncs  et  de  gravdirs  d'ivoire.  Jelian  C-yuu' 
:  1.171 -J.lT.Si,  Jehan  GirosL  (ir)87)  el  Henri  des  Grès  (1587-1097),  comme 
|)lus  li'.l  .lehan  de  l'iinaige  (  1")  19-1." "201,  paraissent  avoir  eu  la  mcMiie  spé- 
cialilé.  On  doil  iiniiiuicr  cnroi-e  .lean  Aid)crl  i  I -"88-1  J9.")i.  Tlmiuas  de  Fien- 
\illier,  eoulrlicr  du  roi  '  l.'"(7.~  K  l'ournissaii  les  couleau.x  à  manches 
d'i\oire,  cl  les  ju-inccs  ne  <l(''(laignaicnl  pas  loujoiu's  d'acheter  eux-mêmes 
ces  menus  ohjets,  au  lieu  de  s'en  remelli'c  à  leuis  harliiers.  Au  milieu  de 
tous  ces  noms  à  peu  près  inconnus,  un  nom  cidélirc  ap|iarail  toul  à  coup. 
celui  de  .Ican  Af  Marvillc,  qui  achetait  en  l.")77,  à  Paris,  moyennant 
'■!()  livres,  ilc  lisoire  ■  pour  l'aire  ceilaines  hesoignes  (pn?  Mgr.  île  duc  de 
Bourgogne)  lui  avait  enchargées  ...  (Juelques-uncs  des  slaluclles  ipii  suh- 
sistenl  peuvent-elles  donc  s'attribuer  à  Marvillc?  X(mis  l'ignorcions  tou- 
jours sans  doule,  mais  la  présence  d'un  maîti'c  Ici  (pu>  lui  pai'uii  les  tail- 
leurs d'ivoire  est  intéressante.  Le  commerce  de  l'ivoire  était,  on  le  voil 
très  développé  à  Paris  au  xiv"  siècle.  Il  ne  mourra  pas  tout  à  fait  au  xv'', 
et  deux  générations  de  pigniers,  Philip|ic  cl  Jean  Daniel,  nous  sont  encore 
connus  en  14.11-1 'i.,")4  et  1481,  mais  dès  lois  la  décadence  de  l'art  de 
l'ivoire  fi-ancais  est  consommée  et  la  mode  s'est  détournée  de  lui. 

Aussi  hien,  même  aux  plus  locaux  Icnips,  siMuljle-l-il,  si  le  métier  des 
ivoiriers  ne  dul  |i,is  (Mie  moiii>.  i'cle\(''  (pie  celui  des  imagiers,  des  cnlumi- 
neui's  et  des  orri''vres,  on  peu!  ci'oii-c  (pi'il  (■lai!  en  tout  cas  médiocrement 
lucratii',  el  la  modicil(''  des  prix  parxiMius  à  noire  connaissance  jirouve 
(pie,  la  mali(''re  premii''i'e  une  l'ois  payi'^c.  le  !j('Ti(''lice  de  l'arlis.-in  dc\;iil 
demeurer  g(''n(''ralcmeiil  m(''diocre.  Sans  doule  (pichpics  images  de  .Notre- 
Dame  se  N'cndcnl  forl  chei-  :  celle  (pic  Mahaul  d'Arlois  acheta  à  Jehan  le 
Scelleur  ne  lui  l'ut  pas  pay(''e,  en  ll'i.l,  moins  de  19  livres  parisis,  el  la 
mcMiic  princesse,  en  1111,  r(''clamail  (i  livres  pour  s  indemniser  d'une 
auti'c  vierge  d'ixoire  (pii  lui  a\ail  r\r  \i>\rc  lors  du  pillage  de  son  château 
de  Hesdin  ;  de  iiuMue.  eu  IlO'J,  api(''s  la  moi  I  de  liaoul  de  Nesle,  coiiné- 
lalile  de  h'rancc.  un  ..  laliliau  d'i\o\re  à  xinagcs  enlaill(''cs  ..  a\ail  rlr  prisé 
1(1  liM'cs,  cl  encoïc,  en  I  Kl.l,  deux  llorins.  à  l'iin cnlaire  de  .Mai-gucriic  de 
Flandre,  (luches^c  de  Bourgogne,  un  .■  laldiau  d'ixoire  à  ymage  de  la 
iiali\il(''  cl  circumcision  Xosire  Scigncui'  ..  ;  notons  aussi  18  li\restoui'- 
nois  pour  Irois  (liply(pics  <.  de  la  \'ic  Noslre-Daiiie  et  Passion  Noslre- 
Seigneur  ..,  aux  iii\cnlaiic^  du  duc  de  lîcri'i,  l'rèi'c  de  ("harles  \' :  mais  ce 
sont  là,  semlile-l-il.  des  pii\  toul  à  lait  exce|ilionucls,  peut-iMre  même 
ex])lical)les  par-  des  montures  d"orr(''vrerie.  Poui-  l'ordinaire,  une  staluelle 
(l'i\oire  \aul  enire  10  cl  (10  sous  parisis,  el  elle  loiulic  parfois  jus(pi'à 
P2  sous;   un   dipi  V(nie  \  aiit   entre   '_'()  et    U)   sous  —    on  en   I  roux c  même  à 


i.i:s  ivoiHES  (iOTiiioLiis  icr, 

8  sous  —  et  lllic  "  ln)islclrl  Ir  ,i  mcl||-c  |i:iiii  :'i  |-Ii;iiilcr  i)  \;irir  (Ir  'J  sous 
de  gros  à  1  (lcilli-lV;nir.  VA  lc~.  prix  ilo  nhjrls  d'iisnizi'  |iri\(''  nV'hiiiMil  |i;is 
plus  élovés.  Si  Phili|i|ir  Ir  ll.inli.  duc  ilc  l)nii|^iii;iii'.  :iclii'hnl  rii  |."7."i  iiii 
cofTrr  à  liijoiix  8  iVaius.  si  un  coriicl  d'ivoire  mncc  >,i  n'inl  hit  (■liiil  iiii^r' 
un  lloi'in  en  I  }(),')  à  l'iii\ culiurc  de  Miiriiucfilc  i\r  l'd,iiidi-c.  si  iikmiii-  qurl- 
(|ues-iiii{'>  de  rr>  I  rousscs  conlciinid  [M'itiiics.  miroirs,  urinoirs  d  rasoirs 
dans  un  (dni  de  cinr  oin'ragé.  doid  li's  coniiilrs  Inrd  >is(in\rnl  nnudion. 
nu  )n  la  il  Mil  ju>(|u'à  i  livres  el  pai-fois  plus.  \endne>  pai'  un  .li'lian  de  (  louilK 
ou  un  Henri  (les  Grès, ce  dexaienl  (d  re  de>  pi/'ees  parlieulièrenHud  luxueu- 
ses; plus  ordinairemenl,  nini>  \o\on>  un  nurnii-  avec  xm  (dui  >e  paver 
1(1  sous,  n II  aiilre  S.  el  deux  peignes  ne  pas  inonlerplu>  liaiil  (pic  |ti  -.(ui>.  Si 

I  ivoire  liriil  (Mail   pri>(''  N   xuis  l'once,  coiinne  riiidi(|uc  un  c pie,  tardif. 

il  est  vrai,  de  1  'rJ.'i-l  i-Jti.  il  ne  devail  pas  lolcr  i;iaiid'clH)>e  pour  la  inaiii- 
d  (CUV  re. 

Mil  V(d-il('.  (Ml  peut  croire  (pie  rali(Ui(laiice  d'ivoire  ('■lail  telle  su:-  le 
niarcln'.  (pi'il  n'étail  plus  considén'-  comme  une  nialière  hien  précieuse.  Il 
venail  de  l'Afrique  cenlrale  sans  doute,  car  Marco  Polo  ]iarle  des  immen- 
ses provisions  rtdinies  à  Madagascar  cl  à  Zaïi/iliar;  de  là  il  passai!  à 
Alexandrie,  à  Acre  et  à  l*"aiiiagouste.  maisiui  ne  iioun  dit  jias  (piels  navires 
allaient  le  clieiwdier  dans  ces  poris  et  jiar  (|uelle  voie  il  >e  r(''pan(lait  sur  le 
continent,  l'dait-ce  par  l'Italie,  par  Mdiil  pellier.  puis  par  les  foires  de 
Champagne  (pi'il  arrivait  à  l'aris.'  nous  ne  >avons;  les  textes.  i>i  nom- 
breux eu  ce  qui  touche  les  épiées,  sont  niuel>  (piaiil  à  l'ivoire.  \'ers  la  lin 
du  xiv"  siècle,  il  en  arriva  dans  les  Flandre-,  à  l'KcIn-e.  à  l'adre-se  du 

duc  de  l)Ourg()i:iie.  cl  prolialilenielll  alors  le-  Mieppcii-,  (pii  depuis  l.'Ci'f 
jus(praux  guerre-  du  \v'  si(''cle  seuililcnl  aviur  l'r('(|ueill(-  la  c(')le  de  (^iui- 
née,  en  rapport(''rent  des  cliargemenls  de  deiil-  :  il  est  |ici— ilde  (pie  ces 
exp(Mlili(Mi-  fussent  à  l'origine  de  l'indusli-ie  où  Dieppe  excella  à  partir 
du  XV  II  -i(''cle,  mais  elles  durent  en  tout  cas  amener  encore  de  l'ivoire 
>ur  le  iiiarcli(''  el  le  vulgariser  de  plus  en  plus.  Hiidi  ipTil  en  -dil.  il  parait 
liii'ii  ipi  aux  veux  des  amateur-  du  xiv'  si(''c|e  l'iviiirc  en  lui-iiKuiie  n'av  ail 
«priiii  faillie  prix.  De  là  vint  peul-(Mre  l'iialul  iiilc  de  le  peindre,  car  la 
polychromie  t\r^  iv  dire-.  |idiir  avoir  aujdurd  liui  di-paru  [  ne -que  hui  jours, 
n  en  est  pas  nidin- .■ille>l(''e  par  (pidipie-  iiKirccaiix  capil  aux.  le  ^.'(xn'ojuic- 
iiiriil  ih'  lu  l'/c/Y/c  du  l.dlivre.  la  Mcnir  de  \' i  lleiieliv  c  d'AviLllldll  (lU  le  di- 
ply(pie  de  ri-;-curial  Vdir  11/7.  ISIt.".  I.  II.  p.  I -j  .  De  là  au  — i  l'u-aiic  de 
ludiiler  les  ivoires  dan-  des  mal  i(''re-  pn'cien-es  cl  d'\  eiicli;'i--er  des  pier- 
reries. .\(Ui-  ne  coiinai--oii-  plus  les  pii'^cc-  dont  le-  iiivenlaires  nous 
font  de  si  somplueuses  (lescri|ilions  :  mii-oir-  à  cornes  d'or.  ••  lalileaux  » 
garnis  d'arueni  (Ui  d'or  el  ('■mailh''-  au  du-  de  ligure-  de  -aiiits.  vierges 
séant  sur  de-  ciitalilemcnl-  d  ari;('iil  el  couriinni'c-  i|r  riilii-  dii  de  di;i- 
mants:  pre-(pie  loule-  mil  di-paru  ou  dlil   l'ii''  d(''pdiiil|i'es.  el.  de  celles  (|ui 


.404  IIISTOIBK  DK  L'ART 

siil)sislciil.  rnnc,  le  i-chilili'(ltic()iiilc(li'  \';ilciicia  i.MjulritL,  n'est  t;urr.' ornée 
(|iie  (liMinehpies  pcliles  |ierles,  liuiilis  ([lie  l:i  N'iertie  de  la  coUeclion  Ho-nl- 
.sclicl  C8l  modestement  assise  dans  une  chaire  de  cuivre. C'étaient  les  mon- 
tures qui  faisaient  le  grand  prix  des  objets;  un  diptyque  monté  du  duc 
de  Berri  est  prisé  70  ou  80  livres,  et  si  nous  n'avons  plus  l'estimation 
de  la  Vierge  d'ivoire  donnée  au  trésor  de  Saint-Denis  par  l'ajjhé  Guy  de 
Monceaux  (iôOô-liïO^),  avec  sa  (((uroiinc  d'or  ornée  di'  sapliirs  et  de  perles 
et  son  fermoir  eni-ichi  "  d'une  excellente  talile  d'émei-audes  el  à  l'entour 
quatre  i-uiiis  cl  qnali-e  sai)liirs  »,  nous  savons  au  moins  (pie  la  seule  pirr- 
rerie  de  la  N'ierge  de  la  Sainte-Chapelle  —  celle  peut-être  qui,  de  la  col- 
lection SoltykofT,  a  passé  au  Louvre  —  valait  lO'i'i  livres.  Le  travail  de 
ri\<)iriei-,  ipie  nous  admirons  aujourd'hui,  et  le  grain  de  l'ivoire  ne  comj)- 
taient  guère,  au  prix  des  trésors  amassés  dans  les  montures. 


Pour  étudier  les  ivoires  gothiques,  nous  séparerons  d'abord  les 
ivoires  à  sujets  religieux  et  les  ivoires  civils,  nous  efforçant  de  distinguer 
les  ivoires  français  des  ivoires  étrangers.  Nous  chercherons  ensuite  à  con- 
stituer certains  groupes,  certains  ateliers,  si  Ton  veut,  et  à  ranger  les 
s(-ries  ainsi  obtenues  dans  un  oi-die  à  ])eu  près  cliionologique.  Sans  doute 
nous  ne  connaissons  aucune  j)ièce  datée,  et  dans  les  ivoires  mêmes  tout 
j)oint  de  l'epère  nous  manque  ;  mais  l'art  de  l'ivoirier  est  trop  proche  de  la 
sculpture  monumentale  et  de  la  miniature  pour  que  les  jalons  qui  per- 
mettent d'établir  l'histoire  de  celles-ci  ne  puissent  nous  guider,  et  si  l'on 
tient  conqite  du  retard  qu'a  toujours  un  art  dérivé  sur  l'art  original  qu'il 
prend  pour  modèle,  les  règles  logiques  qui  président  au  développement  de 
la  grande  sculpture  et  de  la  miniature  s'appliqueront  aussi  bien  aux  ivoires. 
C'est  le  développement  chronologique,  ou  plutcM  logi(pie,  de  l'art  de 
l'ivoirier  que  nous  chercherons  à  étaldii',  mettant  en  \aleur  les  pièces  capi- 
tales sorties  de  la  main  de  véritables  artistes,  toujours  anonymes,  hélas  1 
tout  en  ne  négligeant  pas  les  ouvrages  d'atelier  plus  faibles  d'exécution. 
De  ces  derniers,  le  groupement  même  présente  un  intérêt  et  j)eut-être 
l'étude  n'en  est-elle  pas  à  dédaigner. 


LES    IVOIRES    RELIGIEUX     FRANÇAIS 

La  fin  du  XIII    siècle  et  le  commencement  du  XIV'. 

Il  est  extrêmement  curieux  (pi  alors  que  nous  i)Ossé(lons  eu  assez  grand 
nonil>re  des  ivoires  du  haut  moyen  âge,  nous  n'en  jiuissions  citer  aucun 
du  commencement  de  la  période  gothique;  pas  un  du  style  dit  de  Chartres, 
pas  un  (pii  corresponde  à  l'art    des  grands  portails   de  Notre-Dame   de 


Li:s  nollŒS  GOTHIOUKS 


Paris  ou  (rAiiii('ii>.  lùilic  le  xii"'  siècle  et  le  second  lieis  du  xiif .  la  solu- 
tion de  continuité  est  presque  absolue,  et  la  tradition  semble  si  bien  rom- 
pue que  la  technique  môme  des  premiers  i\  oires  gothiques  n"a  plus  rien 
de  commun  avec  celle  des  ivoiriers  romans  :  au  lieu  des  plaques  à  sujets 
en  relief  que  ceux-ci  avaient  fabriquées  pendant  cinq  siècles,  ce  sont  des 
statuettes  qui  apparaissent,  des  groupes  même,  et  il  faudra  quelque  temjis 
avant  que  lart  des  diptyques,  si  florissant  par  la  suite,  rappelle  et  remette 
en  usage  les  procédés  anciens.  Il 
est  difficile  d'admettre  |miui  tant  que 
les  ivoiriers  aient  atti/int  du  coup 
et  sans  tâtonnements  la  perfection 
qu'on  leur  voit  dans  les  derniers 
temps  du  règne  de  saint  Louis  : 
tout  en  étant  à  même  de  profiter  de 
l'expérience  qu'un  siècle  de  travail 
avait  apportée  aux  imagiers,  leurs 
modèles,  ils  durent  faire  leur 
apprentissage  ;  malheureusement 
la  trace  de  leurs  premiers  efl'orls 
est  à  peu  près  perdue  et  les  quel- 
ques rares  pièces  où  l'on  peut  la 
chercher  ne  nous  en  donnent 
qu'une  assez  faible  idée.  La^  ierge 
de  la  collection  Sibley  anc.  coll. 
Boy,  n"57  duCal.  lî.rpus.  rrir.  P.MIIl 
doit  être  considérée  aujourd  bui 
comme  un  point  de  départ,  et  elli; 
est  curieuse  comme  déformatinn 
d'un  type  connu  de  la  grande  scul- 
pture, tel  que  la  Merge  assise  de 
Gassicourt    (Seine-et-Oise^;    avec  (Mus.-?  .leiLimiiom;;.) 

son   air  vieilliot   et  ses  draperies 

sèches,  elle  peut  passer  en  effet  pour  représenter  la  période  de  tâton- 
nements. Il  n'en  saurait  être  de  même  des  deux  statuettes  de  l'ancienne 
collection  Spitzer  in'"  .18  ri  ."7:  irp.  au  Cal.,  p.  il  d  pi.  i\  .  aujourd'hui 
chez  M.  Martin  Le  Hoy  et  au  mux'c  de  llaudiourg;  Irès  séi'ieuses,  malgré 
le  soiH'ire  un  peu  aicjiaïipie  qui  anime  le  visage  de  lune  d'elles, 
nobles  avec  lEnfard  ipii  biMiil  de  face  sur  leurs  genoux,  sans  aucune 
recherche  de  grâce  mondaine,  c'est  avec  raison  qu'on  y  a  vu  comme 
un  composé  de  la  matrone  antique  et  de  la  \'ierge  byzantine,  et  la  grande 
sculpture  a  en  effet-,  au  début  du  xiii"  siècle,  donné  ce  double  caractère 
à  certaines  de  ses  madones;  mais  ces  deux  morceaux,  a\(>c  leur  linesse 

T.   II.    —  Ô'J 


ivoire  IV.ii 


—  1.1  ^  ic-ij.'c  .-t  lEiiniiit. 
(Mis  lie  la  première  iiioiliii 
ilii  xiii    siècle. 


M\6 


IIISTOIIiK  DK  LAI^T 


cl  l'iiabilclc  ildiil  cllrs  lùiiioigneiil,  ii'iml  lica  dr  l'iK^silalioii  qui  inai-quc 
li's  (rii\|-cs  (Ir  (l('lMil.  \i\  l'on  en  (loil  ilii'c  aiilani  d'un  anlfç  i;i-(jU|iL'  coni- 
|ios('  (les  \'irrij;('s  (In  nuisrc  dr  (lliuiy  (n"  Kl.")?),  de  la  collrclidn  Dnliul 
I  jadis  à  (  )in-si-ani|i,  prrs  Noyon,  rr]».  (lazcllc  dis  Urnii.r-Ails,  IDd.",  i, 
|).  17(7)  cl  du  niMscc  de  riM-niila_uc  à  Saiid-l'clci-sjionrt:' (coll.  liasilcw  sky, 
n"  (S8  du  Calalogue).  La  disjiroporlion  du  Inislc  Irop  loni;-  cl  di-  la  hMc 
Icop  grosse  des  deux  dci-nièi-es  ferait  croire  à  l'indtk-ision  d'un  on\  lier 
eneure  inexpériuieidé,  si  l'on  ne  i-cc(iniiaissail  |ilul(')l  eu  elles  des  iniila- 
liiins   un    jH'u   dél'oi'ni(''es  di;  celle  de   C.luny;   oi- celle-là  csi  liien  loin   d'un 

morceau  dessai  :  la  dignilé  de 
raltiliuie,  la  soljri(''l(''  des  diape- 
ries  el  surloni  la  sér(''uil('' (In  visage 
sont  parl'ailes,  avec  une  certaine 
grâce  qui  adoucit  ce'  cpn;  les  sla- 
lues  (je  pieri'e  du  cdinniencenn'id 
du  sit'(de  avaient  d  un  peu  lude  et 
seniltle  indiquer  une  dale  ]ios[('- 
rieure.  La\  ierge  ouviante  de  Bou- 
iion  en  Limousin,  passée  aujour- 
d'hui en  Anglelei're  (rep.  cal.  Cai'- 
micdiacl,  n"  '28)  —  la  seule  ^'ierg(.' 
(luvranie  (pi  on  puisse  lenir  pour 
aulhenlique  —  est  de  la  m(~'me 
l'amille  ;  mais  si  son  as|iecl  exl(''rieiu', 
lourd  et  inc^'lé'gant,  la  l'ait  reculer 
[larfois  jusqu'aux  premières  aon(;cs 
du  si(''(  le,  il  suffit  de  rou\rir  el 
d  examiner  les  scènes  de  la  Passion 
ligurées  à  l'intérieur  pour  recon- 
naître à  la  liljerté  du  groupemeni 
des  jjersonnages,  à  leur  slyle  nnuru',  ipiOn  n'a  pas  affaire  à  une 
main  liésilanle  ou  à  une  (cuvre  andia'ique.  C'est  à  peine  en  M'iih' 
si,  dans  toules  ces  pi(''ces,  nous  liouNons  trace  de  ces  làlonnemenls  «piil 
serait  pourtani  si  inl(''ressanl  de  saisir;  l'art  de  l'ivoirier  se  pi'éscnlc 
à  nous,  au  moment  oi^i  nous  le  ienconli(nis  [loui'  la  jiremière  fois  dans 
la  période  gotlii((ue,  connue  à  peu  pi'ès  formé,  et  s  il  demeure  assez 
en  arrit'rc  encore  de  la  gi-ande  sculpture,  le  temps  est  proche  où, 
sans  Irausition  appréciable,  il  s'en  sera  pleinement  assimilé  l'esprit  et 
la  lcchni(jne,  cl  rivalisera  a\ec  ses  plus  nobles  monuments,  dans  le 
Coiifdiuii'iiiriil  (le  1(1  ]'ici-ijc  et  la  Di'posilion  de  croix  du  Louvre  in'"'  ,")0 
el  'l'i'i  Cal.  ^lolinier,  cl  MiJniaircs  ri  Mniiiuiirit/s.  I.  111,  ISUlii,  dans  U:  l'ro- 
pliùlc   de   la    collection    de   M.   le   baron    Ciuslave    de    liolhscliild   ci    dans 


is  -  r 

a  X'iri'i: 

.■  ri    riCllI.lljl 

de:  la  p 

rciiiiuiv 

illr  <lll  M 

(Mil!,. 

L-f  ,1c  Cil 

m;,) 

DÉPOSITION  DE  CROIX 

IVOIRE -ÉCOLE  FRANÇAISE 

'  Musée  du  Louvre  ) 


Histoire  de lArt  il  PIV 


LES  IVOIP.ES  GOTHIOIES 


407 


VAiiiioucifilidn  des  (■(jlK'clions  Garnior  cf  (ilialamlon    rc]!.  (lui.  Erpox.  rrl., 
19(1(1,   ir-  :)S-!)  . 

(ferles,  les  ixoiriors  i|iii.ilr  l'.'Tdà  l'Jltd  cnvii-Dii.  oui  failli''  les  deux 
premiers  de  ces  tfi-oupes  ii'onl  rien  iiiveiilé.  La  disposition  leur  en  élail 
l'ournie  parla  tradilion;  les  uiiniafuristes  et  les  imagiers  lavaient  consa- 
crée, el  dans  la  pluparl  des  calliédrales  ou  des  églises  des  Coiironnciiicnls 
analogues  se  voyaienl  el  de  pareilles  Dcposilioiix  <lp  rroi.r;  celle  du  Bourgel 
esl  l)ien  connue.  Mais  cesl  avec  un  art  pai'l'ail  qur-  nos  ai'lisans  oïd  su 
Iransposeï'  en    i\dire  le  \ieu\  ilièiiie  si  soin  en!  failli''  dans  la  pirrre.    Toule 


I.c  (^iiiiniiiiicii 


1,1  \  ifiui'.  ix.iiÉi'  Il'Uii 
du   Ml     sil'cd'. 
iMiisre  .lu  I  iMivr,..l 


l'idi'ali'  noblesse  des  grands  Corironni'nicnlx  esl  demeurée  dans  le  ]ii'lil. 
cf  de  ini'nie  la  soliriélé  iragicpie  des  Déposilioiis:  les  visages  onf  la  mi"'me 
grandi'ur  un  |ieu  inijiersonnelle,  les  gesles  la  mèni(\jnsfesse  liarnioniense. 
el  les  diaperies  la  même  logique  simple  el  l'orle.  mais  Iniil  cela  comnu' 
aliénuc  et  adouci.  Dans  une  matière  aussi  fine  et  à  si  ])i'fili'  éclielle,  une 
imilalion  e.xacle.  une  réduction  devant  paraître  trop  lourdes,  les  ivdiriers 
ont  l'ail  les  sacrifices  nécessaires;  la  polychromie,  très  poussée  dans  le 
V.onronnemcnl .  les  y  a  aidés  peut-être,  et.  l'un  plus  puissant,  celui  du  Co//- 
ronnement,  l'autre  plus  tourné  déjà  vers  les  recherches  d'élégance,  ils  ont 
réalisé  des  œuvres  dont  la  perfection  n'a  jamais  été  dépassée.  Le  Prnphrlr 
de  ^I.  le  baron  Gustave  de  Rothschild  n'est  pas  moins  émouvant,  à  genoux 
et  si  profontlément  attentif  à  lire  les  éci'itures  tracées  sur  la  banderoll(> 
qu'il  déroule    entre    ses   mains.   Pour   VAiuioucinlio)!.    nous    ne   saurions 


408 


HISTOIRE  DE  L'AUT 


iif(innci'  que  les  deux  figures  soient  nées  ensemble  :  la  Vierge  (coll.  Gar- 
nier)  paraît  être  d'une  inspiration  plus  sévère 
et  l'Ange  (coll.  Chalandon)  a  plus  de  grûcc 
|)iHit-èlre;  les  plis  aussi  sont  d'un  style  un  peu 
ilillV'i'enl;  mais  leur  art  n'csl  pas  moindre  cpie 
celui  des  morceaux  jirécédenls,  el  à  eux  quatre 
ils  forment,  pourrail-on  dire,  les  classiques  de 
i"i\  oii'c. 

Des  échos  du  grand  arl  du  xm'  siècle  .se 
relrouvent  dans  une  série  de  \'ierges,  non  plus 
majestueuses  sans  doute  à  la  façon  des  ma- 
trones du  temps  de  saint  Louis,  toujours 
nobles  pourtant  et  encore  divines,  véritables 
\  ierges-Reines.  a\ec  l'iinfanl  liénissant  dans 
les  bras.  Celle  d'U- 
nienville      (Aube) 

l'Cp.     (!<ll.      l-J-rjuis. 

rrir.ilr  1901».  n"  (i:. 

l'sl   un  |ieu  fruste  ; 

au  contraire,  celle 

du    Louvre  (n°  40) 

semble     un    typ<' 

parfait  de  cet   ail 

encore    pi'ofond(''- 

ment  l'cligieux  el 
déjà  élégant  :  les  traits  sont  réguliers,  l'atti- 
tude noble,  et  les  plis  des  vêtements  logiques 
et  souples.  Plusieurs  autres  ont  à  peu  près 
les  mêmes  qualités,  telle  la  A'ierge  poly- 
chrome du  musée  de  Cluny  (l'Enfant  est  en 
partie  refait),  un  peu  plus  familière  seule- 
ment et  déjà  moins  sérieuse.  Les  ivoiriers 
sont  ici  encore  les  proches  parents  des  scul- 
pteurs; ils  marchent  dans  leur  sillon  et  ces 
(juelques  morceaux  sont  la  traduction  en 
ixoii'c  de  grandes  images  telles  (pic  la  Merge 
de  bois  (Je  Sainl-Leu  Taverny  (  rep.  <Uil.  E.rpos. 
rrir.   lUOO,  il"  .■>().">()). 

Ouelquc  analogue  que   puisse  être    l'es- 
|iril   qui   anime   toutes  ces  pièces,  elles  n'en  sont  pas  moins  isolées  les 
unes  des  autres,  et  leur  lien  est  celui  que  met  entre  elles  la  commune 
imitation  de  la  sculpture  monumentale.  Mais  voici  que  nous  allons  ren- 


rr;.  TiMI.  —  L'Anfie  di'  rAiinonciation, 

ivoii-i'  frajioais  de  la  fin  du  xiir  s. 

(Collei-tion   Cli.il.inddn.) 


LES  IVOIRES  GOTHIOUES 


469 


contror  un  groupe  d'œuM'es  tellement  seniblal)les  entre  elles  qu't^lles  ne 
]iru\enl  énumer  que  d'un  même  atelier,  sinon  d'un  même  maître;  et, 
par  une  heureuse  chance,  de  cet  atelier,  l'un  des  meilleurs  qui  fut  jamais 
à  travailler  l'ivoire,  un  grand  nombre  d'ouvrages  sont  venus  jusqu'à  nous. 
(>e  sont  surtout  de  grands  diptyques  qu'il  paraît  avoir  produits,  répartis 
aujourd'hui  entre  la  collection  Wallace  (n"  -i'û),  la  collection  Basilewsky, 
au  musée  de  l'Ermitage  à 
Saint-Pétersbourg  (Cata- 
logue, pi.  XVII,  n°  100),  la  l>i- 
bliothéque  du  Vatican  (pi.  .\vu 
du  Catalogue},  la  collection 
Salting,  le  musée  de  Berlin 
(n"  78-79),  l'ancienne  collec- 
tion Spitzer  (rep.  au  Cat., 
p.  io,  n"  i.li.  La  l'rance  n'en 
possède  plus  un  seul,  car  on 
ne  saui'ait  compter  un  frag- 
ment tout  ra})iécé  du  musée 
de  Cluny  in"  I0()'2),  et  celui 
qui  aurait  ilù  lui  demeiu"er. 
jadis  au  trésor  de  la  cathé- 
drale de  Soissons,  dit-on,  se 
trouve  au  South-Kensinglon 
rep.  ilans  .Maskell,  p.  4'2, 
n"* '211-65.  La  plupart  de  ces 
pièces  ont  (Hé  reproduites 
dans  la  (lazrllc  îles  Ucan.r- 
Ai-ls,  \\.  Koechlin,  L'nlrliiT 
il  II  iliiilijiiiir  ilr  Siiixsiiiis.  I  !)()."), 
t.  II).  Le  trait  caractéristique 
de  cet  atelier  est  sa  recherche 

du  décor  architectural;  ce  ne  sont  (pie  gables,  clochetons,  arcalures  et 
colonneltes,  dans  le  style  de  la  lin  du  xiii''  siècle  naliuellement.  mais 
d'après  l(>s(piels  il  serait  bien  diriicilc  sans  doute  de  (h'Ierminer  l'exacte 
provenance  de  ces  pièe(\s.  Toutes  ligui-enl  l;i  l'iission  du  Christ,  a\('c 
pai-fois  des  scènes  (le  son  Lnfanee  ou  ses  Appaiili(in>,  cl  hi  (•iarl(''  de  la 
coiiipii-il  idii.  la  lieaidé  simple  (le>.  \  i--aL;cs.  la  solirii''!)'  du  ycsle.  la  justess(; 
(les  pioporl  inii--.  la  noblesse  des  (li-a|iei-ies  en  l'on!  des  UKireeaux  \(''ritalde- 
menl  ailinirable--.  La  I  )(''p(i>il  ion  de  eidix.  a\cc  rLi;iise  el  la  Synagogue  de 
cluKpie  e(')|('  (le  la  \  iei'ge  el  (le  sain!  .leaii.  le^  Sainles  Leniuies  au  Tom- 
beau, la  i)eseenle  aux  Limb(>s,  connue  le  (  '.lirisl  de  Majesb''  el  le  (  '.(lUronne- 
menl  de  la    \  jetge  onl    Joutes   les  (pialil(''s  du   |ihis   bel  art  eonleniporain. 


(Musée  de  Soiilh-K.'nsinsluii 


470  niSTomr-:  de  l'art 

(Jiio  le  stvlf^  s'pii  rcli-(iii\  !■  (hins  la  graiulr  scuI|iIiiit  aux  t'rai;-iiirnls  du  juin'' 
de  IJoui'gfs  (Hi  (laus  (1rs  uiauusciils  Icls  (|uc  ri-;\  aim(''liaii-r  de  la  Saiidc- 
Çhapollo  f  l'iild.  liai.,  lai.  17r)'J(ii.  il  l'sl  cci-lain  ;  (ju'ou  n  ail  alTairr  <|uà  des 
(iinriiTs  lialiilcs  cl  uoii  à  des  (■i(''al('ur.s,  lidenlilc'' ])r('S(|ue  aljsohie  de  cri- 
laiiirs  |iirccs  Ir  |)i-((U\('  assr/.  :  les  diplyqucs  Wallarc  cl  Basilewskx  ,  un 
\(drl  du  \'alican  cl  celui  (](•  la  <-()llcclinn  SalliiiLi'  ^•'  r(''|iclcid  à  |icu  |mcs 
IcxliicIlciiirMil,  cdinuic  le  l'niil  les  di|ily<|ucs  de  Sdid  li-Kcusiuiil  "u  cl  celui 
de  lieiliu,  a\('c  des  \arianlcs  i|ui  ne  sonl  (|ue  je  lad  de  dcssinalcui's  inal- 
Iciilifs.  lellc  la  Synai;oiJi,nc,  à  la  1  )(''|)()sili()ii  i\('  (  Iroix  iWallacci.-  rcicl(''c, 
l'aide  d  a\iiir  c(Ui\cnalilcuicid  nicsuri''  la  |)lace,  dans  le  xolcl  \(iisin,  ju'cs 
(le  la  Mise  an  Tondican  un  elle  n'a  (|ne  l'aire.  .Mais  nn  ne  saniail  dcniandcr 
au.\  aris  nniU'Ui's  des  ([ualil(''s  ci('-ali'iccs.  cl  les  i\oiricrs  de  1'"  alelici' du 
di|ilyqnc  de  Soi.ssoiis  >■  en  onl  assun''nienl  l'iiil  assez  en  rel^'danl  dans  leurs 
(cuvres,  aAcc  une  rai-i'  ]iei'rc(di()n,  le  grand  style  des  monunu'nls  dont  ils 
s'inspiraieni .  .V  cet  alelicr  peut  T'Irc  attribué  encore  un  aulie  groupe 
d'ivoires,  des  li-ijitycpics,  doni  le  ]ilus  i-emar(|ualde  csl  celui  de  Sontli- 
Kensington  in"  I7r)-(in,  rep.  dans  ^iaskell.p.  Ci))  et  dfud  les  autres  se  trou- 
\enl  dans  les  colleclicnis  .Miclu  li.  W^aterton  cl  au  musée  de  Lyon  :  ce 
deiMiier  csl  1res  curieux  pai'cc  (pu'  les  \(ilels  en  sont  jicinls  au  lieu  dcire 
scnlpl(''s.  Sous  les  ukMucs  arcdulccl  ui'cs,  K.'s  nn"'iues  piM'sonnages  se  reli'ou- 
venl,  isolés  généralement  sous  leurs  arcatures  et  ne  formant  plus  ces 
beaux  groupes  si  sobrement  dramatiques,  mais  très  nobles  encoi'e,  — 
comme  l'Adoration  des  Mages  avec  nn  é\  è(pH>  donateur  à  genoux,  dans 
ri\oire  de  Soutli-Kensington,  —  cl  tout  à  l'ait  dignes  des  chefs-d'œuvre 
prodinls  par  l'atelier. 

(Juclles  (pu' soient  toutefois  l'inqiorlancc  de  ccl  atelier  cl  la  beauté  des 
œuvres  (pi'il  a  pi-oduilcs,  la  s(''ric  des  N'iergcs  de  la  lin  iln  \iu'  siècle  et 
du  commencement  du  xiv''  est  peut-être  plus  caractéristiipie,  et  là  surtout 
se  peut  toucher  du  doigt  la  transformation  du  beau  type  si  noble  confem- 
])(U'ain  de  saini  Louis.  On  a  reniarqu(''  cent  l'ois  (pie  la  \  ierge  du  commen- 
ceuK.'nl  cl  du  luilieu  du  xiiT  si(''cle,  au  grand  poilail  d'.Vinicns,  par  exemple, 
est  vraiment  la  .Mère  de  Iticii  cl  (juc  peu  à  peu  elle  (lc\ienl  femme, 
l'Enfant  qui  bénissait  le  monde  sur  ses  genoux  n'(''lanl  plus  (pie  son  nour- 
risson avec  lequel  elle  joue  amoureusement;  ce  (pu  csl  \rai  de  la  grande 
sculpture  l'est  aussi  de  l'ivoire,  et  dans  la  quantité  de  monuments  qui  ont 
survécu,  il  est  aisé  de  retrouver  toutes  les  phases  de  l'évolution.  Celle  de 
la  Icchnique  suit  d'ailleurs  immédiatement  celle  du  sentiment,  et  ce  n'est 
pas  l'attitude  seulement  qui  cliange  et  l'expression  du  visage,  c'est  le 
slyle  des  draperies  aussi,  dont  la  logique  et  la  simplicité  s'altèrent  par 
degrés.  A  l'extrême  commencement  du  xiv"  siècle,  la  Vierge  de  la  collec- 
tion Hainauer,  de  Berlin  (Cat.  Spitzer,  n°  82,  rep.  Aiisstcthnu/  von  Berlin, 
1S9.S,  pi.  xiv),   garde  encore  des  qualités  de  sérieux  presque  pareilles  à 


i.Ks  i\'(Uiii-:s  i.oiiiKirES 


471 


rrllc^  (Ir   |;i     liellc   slillncllr  (le    ln,i>    illl     l.nuvIT    |nd\rlinnl    (Ir    lil    ,nl  I,  ■,!  M  ,11 

'liiiili;il;  si'iilcmnil  >i  les  (li';i|MTii's  soiil  si'iiilihiMrs,  Ir  li'^^ci-  iiclii> 
;irrli;ri(|iic  ;i  l'iiil  |ihici'  ;'i  un  L;r;i<'icu\  sdurii'r.  l'I  riùil';iiil ,  ;in  lieu  i\f  lu'-w'w. 
((lUc  ilans  les  lilMS  (II'  sa  liirir  i|lli 
lui  |)r(''sciitc  une  |iiinniir.  I  ii  slylc 
analogue,  mais  jilus  di'lrniiii  di'ià. 
se  reiiconirc  à  la  \  ierge  du  musée 
de  Ilamhouri;'  i  Cal.  Spilzor,  n"  ù'), 
rep.  |d.  wii  .  (iia\e  encore,  (die 
aussi.  mali:ii'  le  gcsle  si  câlin  de 
rEnfanl  ([ui  prend  le  menton  de 
sa  mère  de  sa  petite  main.  et. 
comme  draperies  tout  à  t'ait  dans 
la  tradilion  du  .xiii'"  siècle,  est  la 
N'ierge  de  la  colleelion  Ha-ntschrl 
(anc.  coll.  Odiot,  n"  '.'i  du  Cat.  : 
son  visage  a  même  une  sorte  t\i- 
sécheresse  un  peu  archaïque,  dnni 
certes  l'aimable  jeune  l'emme  de  la 
collection  Carrand,  au  Bargello  de 
Florence  (rep.  dans  Cust.,  ]i.  I."!)  . 
est  bien  éloignée;  celle-ci  s'inter- 
rompt de  lir('  pour  parler  à  son 
enfant,  (ju'elle  l'egarde  en  plein 
dans  les  yeux,  et  il  y  a  dans  ce 
groupe  une  candeur  et  une  fran- 
chise charmantes.  C'est  d'ailleurs 
le  mot  charme  et  le  mol  grâce  qu'il 
faudrait  employer  sans  cesse  en 
parlant  de  ces  morceaux.  Dans  la 
Vierge  de  la  collection  Martin 
Le  Roy  (rep.  (.al.  de  l<i  Killcclidu. 
■2"  fasc,  ])l.  -M  et  LnicUr  nn-hraln- 
Oif/uc,  18Si.  pi.  'Hli,  le  ni(in\ cmenl 
de  celle  ti'le  qui  se  pen(  lie  \('l-s 
l'Enfant  pour  le  baiser  au  Iront  est 
d'une  sa\eur  rare,  comnu^  le  tra\ail 
pas  jus(pr;'i  l'Iùdani 
la  grande  senipi  iire 
ne  soit   tout 


Ki( 


ililf   (le    i.-i   S^iiiilc-(;ii,i|H'llr. 

i\uiic  IVaiHjai!,  du  ijri'iiiicr  ijuart  du  xiv  !:it'cle. 

(.Musée  Jii  Louvre.) 


le  inlinie  d(''licalessc,  et  il  n  v  a 
souvcnl  ui(''dioe|-e  dans  les  i\  oires  eolinue  ilaiis 
a\ee  >a  Inngiie  (dieniise  (■!  son  geste  si  nainrel. 
lit  plaisant.  Toutes  ces  \ierges  sont  assises,  et  la  sinqili- 
cité  logicpie  de  leurs  plis  est  parfaite;  celle  de  la  collection  Doisiau.  debout 
et  légèrennMil   eandirée,  rtlnlanl  penché  sur  sa   pnilrine   el   lui  lendani  les 


.i72  HISTOIRE   DE  L'ART 

l)i:\s,  sciiiMe  aver  celles  du  imisée  arcliéoloi^iciiir  il'(  »ii('ans  (Gonse,  3//(.s(V'.v 
tic  liruviiicf.  I.  II.  |).  ."01)  et  de  la  collcclinn  !?.  ()j)i)enlieiin  (l'crlin),  une  des 
slaliu'tles  duiil  la  draperie  est  le  plus  liarmoiiicuse,  disposée  en  longs 
tuyaux  très  amples  et  cpu  tombent  doucement  de  la  ceinture  jusqu'aux 
pieds;  l'expression  du  visage  est  d'ailleurs  dune  jeunesse  cl  dune  pureté 
adorables;  mais  vraiment  il  n'y  a  plus  là  rien  de  divin,  —  jias  plus  assu- 
rément que  dans  cette  série  aimable  qui,  de  la  Vierge  du  Louvre  (n"  M, 
rep.  au  Cat.),  en  passant  par  celles  des  collections  Mège  et  Fitz-Henry 
(Londres"),  aboulil  à  la  \'ierge  dite  de  la  Sainle-Cdiapelle  (Louvre,  n"  5.1; 
rep.  Molinier,  /<'.-<  Ivoires,  pi.  xvn). 

Celle-là  est  assurément  la  plus  célètire  des  \^ierges  golluipies,  el  elle 
justifie  sa  gloire:  tout  ce  cpie  le  sentiment  précieux  el  délicat  du  commen- 
cement du  xiv"  siècle  a  jamais  ajouté  à  la  noblesse  du  xiii%  se  retrouve 
dans  cette  \'ierge;  c'est  la  plus  avenante  des  grandes  dames  de  la  plus 
policée  des  cours.  Largement  drapée  dans  le  long  manteau  qui  laisse  le 
buste  el  lestu'as  libres,  elle  s'avance,  svelle  et  souriante,  sceur  cadelle,  on 
l'a  dit  souvent,  de  la  \'ierge  dorée  du  poi'lail  sud  d'Amiens.  Ht  elle  est 
simple  encore;  seulement,  l'exlrème  limite  de  la  grâce  paraît  alieinie  :  au 
delà,  ce  ne  pourrait  être  que  mièvrerie  et  manière.  Or  nous  verrons  que  la 
manière  est  précisément  le  grand  défaut  du  xiv*"  siècle  arrivé  à  son  plein 
développement;  laudis  ([in',  parmi  les  ivoiriers,  les  uns  s'attardent  à  des 
formules  qui  s'usent  peu  à  jieu,  les  autres  raffinent  et  donnent  dans  le 
compliqué.  Nous  n'en  sommes  pas  là  heureusement  vers  Lj'20,  date  que 
l'on  peut  approximativement  assigner  à  cette  Merge,  et  hwn  des  mor- 
ceaux fort  agréables  nous  restent  à  voir,  avant  d'arriver  aux  excès  de  la 
dernière  période  et  à  la  décadence  de  l'art  des  ivoiriers. 


Le  plein  XIV'   siècle. 

Les  ivoires  du  plein  xiv"  siècle  sont  très  nombreux  aujourd'hui 
encore  et  la  principale  difficulté  de  leur  étude  en  est  le  classement.  Peut- 
être  n'est-il  pas  impossible  pourtant  de  se  débrouiller  dans  cette  quantité 
de  monuments.  11  semblerait  au  premier  abord  qu'une  catégorie  de  pièces 
au  moins,  celles  cpii,  comme  les  diptyques  et  les  placpiettes,  présentent  des 
motifs  d'architecture,  fût  assez  aisée  à  ranger  en  ordre  chronologique  et 
(piil  sufïit  pour  cela  de  suivre  les  règles  parfaitement  déterminées  du 
développement  de  l'architecture  gothique  :  des  comparaisons  de  style 
avec  ces  [tièces  permettraient  le  classement  de  tous  les  autres  ivoires. 
Seulement  les  motifs  d'architecture  des  ivoiriers,  il  est  aisé  de  le  consta- 
ter, se  réduisent  d'ordinaire,  tout  bien  considéré,  à  quelques  formules  de 
convention  cpii  traînent  el  se  répètent  dans  les  ateliers  jiendanl  des  gêné- 


LES  IVOIRES  riOTIIigUES  470 

rations  entières,  et,  à  faire  fond  sur  eux  sans  tenir  eoniple  du  style  des 
figures,  on  serait  amené  aux  plus  grossières  erreurs.  C'est  en  vérité  le 
seul  style  des  figures  qui  peut  servir  de  guide,  mais  ce  guide  est  sans 
doute  assez  sur  et  nous  pouvons  nous  y  fier,  puisque  le  style  des  ivoiriers 
s'est  toujours  réglé  sur  celui  des  imagiers  et  que  l'histoire  de  la  scul- 
pture monumentale  nous  est  suffisamment  connue  au  cours  du  xiv''  siècle. 
Non  pas,  assurément,  que  l'identité  entre  les  deux  arts  soit  absolue;  dans 
l'innombrable  quantité  de  Vierges  en  pierre  ou  en  mar!)re  du  xiv'  siècle 
qui  ont  été  photographiées  ou  publiées,  nous  n'en  trouvons  pas  une  seule 
qui  ait  été  littéralement  copiée  par  un  ivoirier;  mais  l'inspiration  est  évi- 
demment la  même,  et  aussi  les  mômes  lois  président  à  la  transformation 
de  l'une  et  de  l'autre  série.  Conformément  donc  à  ce  ([ui  a  été  établi  pour 
la  grande  sculpture,  nous  pouvons  considérer  que  le  maniérisme  dans 
l'expression,  dans  l'attitude,  dans  les  draperies  s'accentue  chez  les  ivoi- 
riers aussi  en  avançant  dans  le  xiv"  siècle,  et  que  de  même  le  respect  de 
la  tradition  devient  obéissance  passive  aux  formules.  Sans  doute  il  fau- 
drait, pour  une  exacte  chronologie,  pouvoir,  à  défaut  de  documents  cer- 
tains, lenircompledu  milieu  plus  ou  moins  avancé  où  tra\aillait  l'artisan; 
le  tempérament  propre  de  l'ouMier  interviendrait  aussi,  son  adresse 
même,  car  on  devrait  distinguer  les  morceaux  du  maître  ([ui  invente  le 
modèle  et  l'exécute,  des  imitations,  des  répétitions  sorties  dans  la  suite 
des  mains  d'apprentis  malhabiles.  Mais  ce  sont  là  des  nuances  infinies  et 
autant  de  points  sur  lesquels  nous  n'avons  aucune  donnée  précise.  Force 
nous  est  donc  de  ranger  les  monuments  logiquement,  suivant  leur  degré 
de  maniérisme  et  leur  soumission  aux  formules.  Il  va  sans  dire  d'ailleurs 
que  cette  classification  est  toute  relative,  que  les  grandes  di\  isions  que 
l'on  peut  établir  chevauchent  les  unes  sur  les  autres  et  surtout  que  nous 
saurions  d'autant  moins  donner  de  dates  précises  que  les  ivoiriers,  ayant 
imité  la  sculpture  monumentale,  ont  dû  être  en  retard  sur  elle  d'un  plus 
ou  moins  grand  nombre  d'années. 

Les  principales  pièces  que  nous  rencontrons  sont  toujours  des 
Vierges,  car  on  sait  le  développement  qu'avail  pris  au  xiii"'  et  au  xiv'  siècle 
le  culte  de  la  Vierge.  Et  naturellement  les  premières  que  nous  avons  à 
citer  ne  diffèrent  pas  beaucoup  des  dernières  que  nous  avons  vues.  Les 
deux  aimables  madones,  à  peu  près  identiques  par  extraordinaire,  du 
Musée  des  Antiquités  delà  Seine-Inférieure  (rep.  C.nt.Exp.  riir.  l'.KKt,  n"  87) 
et  de  la  collection  llainauer  (rep.  dans. l(/.s-.s/('//(/;(f/  ron  Hi'vlni,  ISIIS.  pi.  xiv) 
ne  nous  paraissent  guèi'e  |)osléri(nires  aux  pr(''(é(lciili's  (pTcn  raison  du 
geste  de  la  mère  :  elle  présnili'  le  scia  à  l'iMil'aiil .  an  lira  de  jouei- a\  ce 
lui,  et  c'est  évidemment  un  progrès  dans  la  représentation  de  la  maternité  ; 
pour  le  reste,  pour  l'expression  du  visage  ou  la  draperie,  bien  habile 
qui   y  Irouxeiail  un  changeuient  iiiarcpié.  Au   contraire,  avec  la  \'ierge 

T.    II.  —  00 


47i  HISTOIRE   DE  L'ART 

(le  \'ill('m'ii\L'-le/.-A\  igiioii  (rcp.  Cal.  Exp.  rrl.  IIMKI.  ii'  (S'2),  c'est  vcrila- 
blfiiicnl  un  aulre  slylc  qui  apparail,  cl  pour  la  première  fois  se  présente 
à  nous  lu  formule  du  liainlicincnl  qui  n'allait  pas  tarder  à  faire  une  si  belle 
fortune.  On  a  beaucoup  disserté  sur  ce  hancliement  et  pendant  longtemps 
il  a  été  de  vérité  constante  d'en  attribuer  l'invention  aux  ivoiricrs  :  ils 
a\ aient  sui\i  la  candjrure  de  la  dent  d'élépliant  qu'ils  travaillaient;  leurs 
statuettes  s'en  étaient  trouvées  naturellement  cambrées  et,  la  mode 
adoptant  cette  formule,  la  grande  sculpture  lui  avait  donné  le  développe- 
ment que  l'on  sait.  Or,  il  semble  que  l'on  ait  fait  là  beaucoup  d'honneur 
aux  ivoiriers;  au  moment  oii  le  hancliement  a  été  adopté  par  la  mode,  il  y 
avait  beau  lenips  qu'ils  n'inventaient  plus  rien,  s'ils  avaient  jadis  inventé 
quoi  que  ce  soil,  cl  se  bornaient  à  suivre  de  loin  la  règle  que  leur  mar- 
(juail  la  sculpture  monumentale.  Or  celle-ci,  bien  avant  les  ivoiriers  du 
xiv"  siècle,  avait  hanche  ses  Vierges,  celle  de  la  porte  nord  de  Notre- 
Dame  de  Paris  notamment,  etcela  pour  cette  raison  décisive,  qu'une  mère 
ne  peut  regarder  l'enfant  qu'elle  porte  dans  ses  bras  sans  reculer  le  buste, 
sans  cambrer  sa  taille  par  conséquent.  De  là  est  né  ce  hanchement,  dont 
le  xiv'-  siècle  a  fait  un  si  singulier  abus.  Dans  la  ^  ierge  de  \'illeneuve, 
d  autres  signes  indiquent  d  ailleurs  le  relâchement  de  lancienne  tradi- 
tion. Si  le  visage  demeure  d'une  gravité  parfaite,  les  belles  draperies 
logiques  de  nos  précédentes  statuettes  commencent  à  faire  place  à  des 
jets  d'étoffe  moins  simples  et  moins  naturels;  les  plis  se  cassent  et  se 
contournent,  et,  pour  demeurer,  avec  son  allongement  si  élégant  de  la 
taille,  avec  sa  polychromie  si  heureusement  conservée,  un  des  chefs- 
d'œuvres  de  l'art  de  l'ivoirier,  elle  ne  marque  pas  moins  un  premier  pas 
vers  le  maniérisme. 

Maniérisme  bien  relatif  assurément;  et  il  n'est  guère  plus  sensible 
dans  certaines  autres  pièces  fort  hanchées,  mais  dont  l'allure  générale, 
le  sérieux  de  l'expression  et  la  noblesse  des  draperies  rappellent  presque 
le  XHi'  siècle,  les  belles  Vierges  debout  des  collections  Heugel  (rep.  Cat. 
Spilzer,  t.  I,  pi.  xxiu)  et  Pierpont-Morgan  (Londres),  celle  de  la  cathédrale 
de  Tolède  (rep.  6V(/.  de  iEd-p.  hisl.  de  Madrid,  [X'.H,  xxi),  celles  aussi  du 
Louvre  (n"  41)  et  de  la  collection  Bossy  (rep.  dans  les  Arts,  1904,  n"  ôb 
p.  25), cette  dernière  plus  précieuse  peut-être  et  d'un  art  plus  intime;  les 
grands  plis  droits  du  manteau  tombant  jusqu'aux  pieds,  donnent  à  cette 
série  un  caractère  de  noblesse  particulière.  Toutefois,  elles  sont  des 
exceptions  et,  en  même  temps  que  le  hanchement,  apparaissent  d'ordi- 
naire les  draperies  plus  molles  et  plus  lâches.  Les  manteaux,  raccourcis 
par  la  mode,  se  transforment  peu  à  peu  en  des  sortes  d'écharpes  à  plis 
innombrables  et  sans  dessin,  qui,  coupant  transversalement  les  grandes 
lignes  verticales  delà  robe,  se  ramènent  sous  le  bras  qui  tient  l'Enfant,  et, 
retournées,   l'ccroquevillées   sur  elles-mêmes,  retombent  sur   le  côté   en 


LES  IVOIRES  (lOTIIIOUES  475 

zigzags  spcs  et  en  voliiles;  en  même  temps  les  \isages,  tic  plus  en  [ikis 
niTondis,  prennent  une  placidité  souriante  d'une  singulière  unilormité.  lit 
assurément  certains  exemplaires  de  ces  Vierges  sont  charmants  encore, 
comme  celle  de  la  collection  Lefranc,  au  visage  futé  et  point  du  tout  con- 
ventionnel: mais  avec  celle  du  musée  de  Berlin  i  n"  87)  ;  le  type  est  créé 
(pii  ne  fera  que  s'aloui'tlir,  élégant  encore  ici  et  de  Jolie  allure,  mais  <[ui 
s'épaissira  dans  les  statuettes  des  collections  Pxiy.  Miclieli,  de  Municli 
(Cat.,  I.  \  1.  u  '  l.lSitlet  du  musée  d'Amsterdam.  I.a  l'oiiuule  esl  n('e  ipii  \  a  se 
répandre,  et  les  X'ierges  assises  n'échappei'ont  pas  davantage  à  la  conta- 
gion :  les  unes  jtlus  allongées,  comme  celles  des  collections  Cardon 
(  Bruxelles)  et  Corroyer,  les  autres  plus  liapues.  ainsi  que  celles  des  col- 
lections Harding  (Londres),  Piet-Lat;iudrie  cl  tlu  musée  de  Liverpool  — 
fort  agréables  pour  la  phqiart.  il  est  vrai,  mais  ou\rages  d'ateliers  dont 
la  formule  à  la  mode  a  (pielque  peu  effacé  la  personnalité. 

Mais  dès  lors  le  culte  l'amilier  rendu  à  la  Merge  ne  se  conlenlail  plus 
de  ces  simples  statuettes:  il  lui  fallait  de  véritables  sanctuaires,  et  l'habi- 
tude se  prit  de  composer  en  son  honneur  de  petits  autels  portatifs, 
tabernacles  ou  <  tableaux  cloans  »,  comme  disent  les  inventaires,  de\ant 
lesquels  l'on  pou\ait  faire  ses  dévolions.  Les  uns  sont  fort  simples,  et, 
comme  ceux  île  la  colleclion  Oppenheim  (Cologne;  rep.  Zi'ilsclirl/'l  ji'ir 
rlirisl.  hinisl.  ISiKI,  p.  t^â'i;  et  de  l'hôtel  Pincé  (Angers:  rep.  (jtl.  Exp. 
nir.  l'.KIO.  n"  11.')),  iigurent  la  ^'ierge  à  la  partie  centrale,  sous  une  arca- 
ture  couronnée  d'un  gable,  avec  des  anges  porte-Hambeaux  aux  deux 
volets;  la  dispo.sition  est  heureuse  et  claire,  et  les  deux  exemplaires  que 
nous  citons  tout  à  l'ait  excellents.  Mais  c'iHaii  un  tiième  qu'il  (Hait  aisé  de 
comjdiquer,  et  l'on  n'y  uiancpia  pas  :  des  "  histoires  ..  s'inscrivirent 
bient("il  sur  une  doulile  ou  h'i|iie  garniture  de  \(ilels,  et  les  jiolyplyipies 
([ue  forma  ce  groupe  de  la  \  ierge  tenant  l'Enfant,  entourée  des  scènes  les 
plus  aimables  de  sa  vie,  constituent  une  des  séries  les  plus  nomlireuses  et 
à  la  fois  les  plus  gracieuses  (pie  nous  ail  laissées  l'arl  de  !'i\oirier.  A  la 
vérité,  les  habiles  ouvriers  des  mains  de  qui  ils  sortirent  ne  se  mirent 
guère  en  frais  d'imagination  :  les  histoires  figurées  sur  les  volets  sont  tou- 
jours les  mêmes,  l'Annonciation,  la  \'isitation,  la  Nativité,  l'Adoration 
des  ]Mages  et  la  Présentation  au  Temple,  et  comme  ces  scènes  sont  préci- 
sément celles  que  les  miniaturistes  contemporains  traitaient  le  plus 
volontiers,  —  à  l'exclusion  de  toutes  autres,  celles  de  la  Passion  excej)- 
lées,  —  les  ivoiriers  se  l)ornèrent  à  copier  les  manuscrits  el  à  leur  em- 
prunter leur  formule.  Tanlôt,  dans  l'Annonciation,  l'ange  apparail  à  la 
Vierge  dans  les  airs,  laidôi  il  se  dresse  devant  elle,  sa  banderolle  à  la 
main;  tantôt  dans  la  Nativité,  l'Enfant,  à  la  manière  du  xiii''  siècle,  est 
couché  sur  une  sorte  d'autel,  à  l'arrière-plan,  entre  l'Ane  et  le  bœuf, 
tantôt  la  Vierge  l'a  ]u-is  dans  ses  bras  ou  même  Joseph  le  lui  tend  aflcc- 


470 


HISTOIRE  DE  L'ART 


liKMisL'iiii'iil  ;  mais  la  pliiiiarl  de  ces  variaiiles  se  rctroiivenl  dans  les  ina- 
nuscrils  frauç^ais  conlemporains.  Ces  pelils  autels  étaient  assuréiacnt 
adaptés  en  perfection  aux  usages  de  la  dévotion,  car  ils  jouircnl  de 
longues  années  durant  de  la  faveur  publique  :  la  Iranslbrmalion  progres- 
sive du  type  des  ^'ierges  en  témoigne.  Dans  les  retables  des  collections 
Mège  et  Magniac  (rep.  au  Cat.  n"  "Ihl),  des  musées  de  Reims  et  de  Vienne 
(Autriche),  dans  celui  aussi  delà  collection  Ilainauer  (rep.  Cat.  Spitzer, 
n°  84,   pi.  xxii^,  liien  plus  important,  où  un  triple  baldaquin  abrite  sous 

ses  arcatures  la  Vierge  avec 
deux  anges  porte-llambeaux 
(la  même  disposition  se  re- 
trouve au  trésor  de  Hal- 
berstadt),  c'est  exactement 
cette  Vierge  de  la  fin  du 
xiu'  siècle  dont  le  n"  51  du 
Louvre  (rep.  au  Cat.)  nous 
offre  un  si  aimable  modèle. 
Puis  les  longs  plis  harmo- 
nieux disparaissent;  le  man- 
teau s'ouvre  et  les  draperies 
tombent  en  pans  plus  secs 
et  moins  nobles  :  c'est  le 
cas  des  retables  du  South- 
Kensington  (n"  ,'70-71,  rep. 
dans  Maskell,  p.  154),  du 
musée  de  Lille  (anc.  coll. 
()zenfant,  re]i.  dans  \',\n 
Ysendick)  et  des  collec- 
tions Salling,  Oppenheim 
(Cologne)  et  Liechtenstein 
(\'ienne;  rep.  Zcilsclwifl  fiir  clir.huiisl,  LS98,  p.  118)  où  la  Vierge  est 
debout,  de  ceux  des  collections  Morgan  (Londres)  et  Cottreau,  du 
\'atican  (pi.  xiv  et  xixi.  des  musées  de  Dijon  (n"  ."iô  de  la  coll.  Tri- 
niolet),  de  Cologne  et  de  Havenne,  où  elle  est  assise,  du  retable  aussi  de 
l'ancienne  collection  Boy,  dont  les  histoires  des  volets  sont  un  peu  plus 
développées  (rep.  Cat.  Spitzer,  n  47.  et  Cat.  Exp.  rétr.  1900,  n"  111).  C'est 
enfin  la  Vierge  hanchée,  au  manteau  en  écharpe  à  plis  transversaux  des 
retables  du  Louvre  (n"  (i(i,  rc]).  au  Cat.  i  de  South-Kensington  [n"'  4B8b- 
1858,  rep.  dans  Cust.,  p.  li."  et  Lil-liti,  rep.  dans  Maskell,  p.  58),  de 
Berlin  (n"  181),  du  British  INIuseum  et  de  la  collection  Campe  (Ham- 
bourg); leur  style  est  moins  pur,  si  l'on  veut,  et  les  sujets  des  volets 
sont  parfois   d'une  foruuile  un  peu   bien  alourdie,  mais  le   charme   des 


■||i.  —  Tiiptyque.  ivoire  français  de  la  premit-re 
moitié  du  xiv  siècle. 

(Mii*é.>  .11-  Berlin. 


LES  IVOIRES  GOTHIQUES  477 

Vierges  esl  ou  moins  éi^al  malgré  leur  coiiijilicution.  cl,  dans  leur  grAce 
alanguie,  elles  remportent  peut-être  sur  d'autres  œuvres  plus  fortes  et 
d"un  maniérisme  moins  aigu. 

Mais  au  tableau  central  de  la  ^'icrge  adorée  par  les  anges,  la  piété  des 


FiG.  315,  —  Triptyque  provenant  de  Sainl-Sulpice  du  Tarn,  ivoire  français 

de  la  première  moitié  du  xiv'  siècle. 

i.Miiste  de  Cluny.l 

fidèles  pouvait  souliaiicr  d'adjoindre  encore  quelque  autre  scène  de  sa  vie 
ou  de  l'Evangile;  les  ivoii-iers  comliinèrent  en  conséquence  une  dernière 
forme  de  retable,  et,  sans  rien  clianger  aux  ^  olets.  ils  ajoutèrent  au  centre, 
au-dessus  de  la  Vierge  glorieuse,  soit  son  Couronnement,  soit  un  Christ 
deMajesté,  soil  une  Crurilixion.  Le  ('.oui-unncnicnl  se  trouve  dans  un  fort 


478  HISTOiriK  DE  L'ART 

licnii  '■  liiMi'.iii  "  (Ir  S((ulli-Kriisiiii>ioii  m"  (i-Ti),  aux  figures  un  pou  trop 
allongées,  nuiis  d'une  extrême  élégance,  et ,  au  même  musée  (n"  7Ô92-00), 
dans  une  piéee  plus  faible,  en  léger  relief,  que  la  plus  étrange  des  tradi- 
lions  nllriliiiail  jadis  à  Orcagna.  Le  thème  du  Christ  de  Majesté  a  produit 
uneiL'Uvre  qui,  malgré  les  restaurations  qu'ont  suhies  ses  architeetures, 
peu!  passer  |)our  une  des  plus  inqiorlanles  de  l'ivoirerie  française,  le  poly- 
ptyque de  la  colleclion  r.asilewsky.  nu  musée  de  l'Ermitageà  Saint-Péters- 
bourg (n"  d.".  rep.  cal.  Itarcel.  pi.  X\  I  .  <^>nanl  à  la  Crucifixion,  elle  figure 
sur  un  morce.iii  fort  remarquable,  celui  du  musée  de  Hambourg  (anc.  col- 
leelion  Spil/iM-,  11'  !ti)  et  sur  un  autre  qui  est  d'une  singulière  beauté,  le 
Iriplyqiie  de  Saint-Sul|iice-du-Tarn  au  mus(''e  <le  Cluny  l'rep.  Mrinoirrs  cl 
Moiiiiiiiniltt,  Mé'langes  Piot,  180")).  Dans  l'un  el  l'autre,  les  \'iei'ges,  l'une 
assise,  l'autre  debout  eidre  les  anges  [lorte-llambeaux,  sont  des  slafuelles 
exquises,  proches  parentes  de  celles  des  triptyques  du  Louvre  (  n"  (i(i)  et  de 
South-Kensington  (n°4086-58),  les  plus  gracieuses  delà  série;  mais  de  plus 
la  scène  de  la  Mise  en  Croix  est  d'une  singulière  noblesse  et  l'effet  se 
trouve  augmenté  ]>ar  ces  jeux  d'ombre  et  de  lumière  que  le  fort  relief  de 
la  pièce  de  Cluny  permet.  Et  pouilant,  même  dans  des  ouvrages  de  maîti-e 
comme  ceux-là,  le  poncif  se  sent,  ce  fâcheux  poncif  qui  vous  poursuit 
durant  fout  le  xiv''  siècle  :  les  sujets  évangéliques  des  volets,  Mages,  Pré- 
sentation, Portement  de  croix  et  Déposition,  sont  certes  d'un  bon  travail, 
mais  vraiment  le  tailleur  n'a  pas  pris  assez  de  peine  à  varier  des  formules 
qui  traînaient  dans  l'atelier;  il  s'est  borné  à  les  répéter  dans  la  composi- 
tion, dans  les  attitudes,  dans  les  visages,  et  plusieurs  figures,  le  granti 
prêtre,  Joseph  d'Arimathie.  le  Mage  à  genoux,  ne  sont  autre  chose  que 
ces  «  nobles  têtes  de  \ieillards  >  qu'après  la  minialure  l'art  de  ri\oirier 
ressassait  (\oir,  sur  cet  atelier,  Senipei-,  /rilsflni/'l  fiir  finusiliilir  hmtsl, 
18!»8,  et  R.  Ko?chlin,  (lazi'llr  drx  Brau.r-Arts,  190j,  t.  H). 

De  l'atelier  qui  a  produit  le  triptyque  de  Saint-Suljiice  du  Tarn,  il 
faut  rapprocher  celui  auquel  on  doit  les  deux  triptyques  presque  paieils  de 
l;i  collection  Martin  Le  Roy  (rep.  Cal.  de  la  coll.  Martin  Le  liaii,  fasc.  Il, 
pi.  xiij  el  (le  la  bibliothèque  d'Amiens  (anc.  coll.  Lescalopier,  rep.  dans 
Miisi'-ct;  et  Mdiiinuciils,  1.  l'.MKii,  celui  de  la  colleclion  Arconati-N'isconli 
O'ep.  dans  Ifs  Aris,  1(10,",  n"  l'O,  p.  1.'),  et  un  volet  du  Louvre  (n"  ."7,  lep. 
au  Cat.).  Les  compositions,  tirées  de  la  Lt'Çjcnde  tlori'p  et  en  suivant  exacte- 
ment le  texte,  figurent  la  Mort  de  la  Merge,  ses  Funérailles  et  son  Cou- 
ronnement (les  Funérailles  étant  remplacées  dans  le  triptyque  Arconati- 
N'isconti  par  la  Nativité,  les  Mages  et  la  Présentation).  Le  récit  est  clair, 
pittoresque,  d'un  dramatique  sobre,  et  la  grande  scène  de  la  Mort,  la 
\  ierge  sur  son  lit  entourée  des  Apôtres,  avec  le  Christ  qui  vient  chercher 
son  âme,  traduit  très  noblement  en  ivoire  les  modèles  qu'imagiers  et 
miniaturistes  fournissaient  à   l'atelier. 


LES  IVOIRES  GOTHIOIES 


■m 


Ces  «  lal)lc;ni\  "  soiil,  a\  ec  radiiiiral)l('  (llirisl  cnlic  les  deux  l.aiinas 
lie  la  colk'cliuii  W'allacc,  les  plus  grands  qui  nous  soient  parvenus  ;  mais 
il  est  l'ofl  possible  que  les  ivoiricrs  du  xiv"  siècle  on  aient  taillé  de  beau- 
coup  plus  (■nusid('Tai)les.   (ierlaius  IVaginents  sul)sistent  (|ui  luil  di'i   l'aire 


l'ii..  rilG.  —  l.ii  Moil.  rA>>iipmplion  ot  le  Couronnement  de  la  \  ieigc  iv(ii[<'  IVanc.ais 
ilii  rommencement  du  xiv  siècle. 

(CM.  M.,rtiii  [.,•  Iloy.i 

jiarlic  di.'U^cuililcN  iiiiporlanls,  telle  la  plaque  ilu  I. ouvre  liguranl  la  Nali- 
\ilé.  (pii  est  encore  du  .\iu'  siècle  in"  ."S.  icp.  au  (lai.  ,  lels  des  peisoiuiagcs 
isolés  en  ronde  bosse,  couiiui'  ri-',\i"'ipir  dr  la  rullrrliou  l''it/,-lienry  >  Lon- 
dres\  si  voisin  de  la  scul|]luic  luonuuirnialr.  ri  le  (lonfesseur  i?i  de 
-M.  Iliiiiiberii';  il  \' a  aussi  des  Sainl.-^  cl  di'>  Saiulcs.  c(uuun'  le  sainl  Cliris- 


-iso 


IllSTOlHl':  DE  LAHT 


317. -La  NiUivilé 


l'iir  liamai^  il(_'  la  fin  ilii  xiii" 
du  Loun-e.) 


lo|)lu'  tlii  uuisrc  (le  ('.opt-nliaync 
(il" '10riGr)),la  sainte  Marguerilr 
du  Brilish  Muséum  sorlant  ^^i 
naïvement  du  Oane  d"un  mon- 
stre é  I  r  a  n  g  e ,  une  S  a  i  n  I  e 
Femme  du  Musée  archéolo- 
gique de  Milan,  infiniment  dé- 
licate, qui  vraisemblablement 
appartenaient  de  même  à  des 
groupes,  peut-être  à  des  reli- 
quaires comme  celui  de  la  ca- 
thédrale de  Rouen,  avec  ses 
deux  anges  souriants  (dalé 
-1040).  Nous  avons  enfin  des 
fragments  de  Crucilixion  chez 
M.  IIom])erg(le  Clii-ist,  rc|..  dans  les  Arts,  1901,  n"  30),  au  Louvre  (n"^  78-0) 

cl  dans  lancienne  collection  Desmottes 
(n'"  27(i-7,  la  Vierge  et  saint  Jean);  des 
n\stes  de  Nativités,  chez  M.  Albert  Mai- 
gnan,  à  Darinstadt,  et,  d'un  autre  style, 
au  Brilisji  Muséum;  des  débris  d'une 
Mort  de  la  Vierge,  à  Troyes,  et  d'une 
l'uite  en  Egypte,  à  Saint-Omer.  Mais 
les  plus  caractéristiques  de  ces  mor- 
ceaux sont  des  scènes  de  la  Passion 
dans  les  collections  Micheli  (le  Christ 
bafoué),  Mège  (Arrestation  du  Christ  et 
un  des  Bourreaux),  et  Martin  Le  Roy 
(Christ  à  la  colonne);  débris  d'un  grand 
retable  dont  le  tabernacle  de  la  collec- 
lion  Weisbach  (Berlin)  nous  offre  peut- 
l'ire  le  modèle  ;  il  faut  vivement  déplorer 
la  perte  de  cet  ensemble:  avec  la  vigueur 
de  leur  style,  très  sobre  et  éloigné  de  la 
caricature  dans  des  scènes  qui  y  prêtent 
si  souvent,  ces  fragments  demeurent, 
parmi  les  monuments  de  l'art  de  l'ivoiricr, 
ceux  (|ui  nous  montrent  le  mieux  l'inlelli- 
gence  de  ses  emprunts  à  la  grande  scul- 
plure.  Il  va  sans  dire  que  nous  n'avons 
nolé  dans  cette  rapide  revue  que  les 
principaux  types  d'ivoires  et  que  nous  n'avons  pas  prétendu  citer  toutes 


FiG. 518.  —  Le  Christ  entre  les  Larrons, 

ivoire  français  du  conmicncemenl  du  xiv  s 

(Coll.  Walla.-e.) 


LES  noiRES  COTIIIQUES  iSl 

les  [tièces  coniiiu's  ilii  [ilfiii  \i\'  >i(''cli'  ;  iii,ii>  i|iii'lli'>  (iurlIi-N  mui'hI  .  ipril 
s'agissr  ilr  iiioiiiiiiiriil>  i|r  ^l'iiiiilr  (li iiiriisii iii  cipiiinic  le  1 1 1 1 il  \  1 1 ii(,'  Ciirraiid, 
au  Bai'i;rllii  de  l-'lnicncc  rr|i.  Miiliiiici-,  Ifs  Iraircs.  |il.  w  '  (III  lie  morceaux 
iruii  ii>ai:r  [iliis  s|K'cial.  ediniiii'  les  liofles  de  la  colleelion  Basilewsky 
Ml'  lir»  du  cal.  Daieeli  el  du  uuisée  de  Dijon  (rep.  CV(/.  L.rp.  n'Ir.  lUOU, 
II'  l(l"_'  ,  la  faclure  demeure  seuiblable  à  ce  que  nous  avons  vu  aux  volets  de 
nos  retables;  les  mêmes  scènes  y  sont  ligurécs  et  traitées  de  la  même 
façon,  toujours  d'après  les  modèles  que  fournissaient  les  miniatures.  Cette 
unité,  qui  persiste  à  travers  l'évidente  diversité  de  tant  d'ateliers,  est  très 
remarcpiable.  Et  sans  duuti',  elle  ne  dénote  pas  une  forte  imagination  chez 
les  ouxriers.  mais  elle  est  une  preuve  de  plus  de  l'excellence  de  l'organisa- 
tion du  tra\ail  :  il  n'y  avait  pas  d'elVort  |)er(lu  et  tout  concourait  au  main- 
lirn  d  uni'  I  radilinii  >ur  laqui/lle  \i\ail  le  miMii/r  tmil  niliiT. 


La  seconde  moitié  du  XIV'   siècle  et  le  XV'. 

(  >ii  ne  saurait  iiiei'  que  dans  la  seconde  iii(iili(''  du  xi\'  siècle  cette 
Iradilinii  —  el  ce  n'i'st  pas  seuleuu'iil  de  l'arl  de  l'i\iiire  qu'il  l'aul  l'enten- 
dre -  lui  as>e/.  près  ir<"'tre  épuisée.  Les  r(iriiiiile>  d'ail  du  xiii'  siècle 
si'laiiiil  iiiaiiileiuies  avec  quidques  modifications  di'  l'ciiiue  durant  la  pre- 
iiiièie  pallie  du  \i\'.  mais  un  moment  ^ient  où  Icuile  r<iriuule  se  dessèclie, 
on  M'iil  >ur\il  le  piiiieir,  et  ce  inoineiil  ii'i'lail  plu>  Inin.  Les  miuialuristes 
el  les  Ncnlpleurs  le  coniprireiil ,  et,  par  uni,'  oliserxalion  plus  exacte  de  la 
nature,  par  riiili-oductioii  d  un  réalisme  élrangi'r  à  la  \  ieille  tradition  idi'a- 
lisle.  ils  \isilièreul  leur  art  et  lui  donnèrent  une  lloraison  nou\elle.  Parmi 
le:^  ivdiiieis.  plusieuis  leiilèrenl  de  suivre  leurs  modèles  ordinaires  dans 
celte  voie  et  adoptèrent  eux  aussi  un  style  plus  dramali(iue,  recherchant 
les  effets  de  pathéti(jue  el  donnant  à  leurs  compositions  plus  de  variété  et 
de  mouvement.  Mais  si  certains  l'éussirent  à  se  transformer  heureuse- 
meul,  beaucoup  n'étaient  pas  de  force  à  essayer  de  ces  nouveautés:  les 
uns  en  eurent  conscience  el  se  bornèrent  à  continuer  à  besogner  suivant 
leur  usage  séculaire  el  à  déformer  de  plus  en  plus  leurs  poncifs  déjà 
vieillis;  les  autres  imitèrent  gauchement  les  ateliers  à  la  mode  du  jour,  en 
aggravant  le>  (h'^l'auls.  el  en  xiinine  le--  leiilati\es  l'aile^  pdiir  rendre  la 
vie  à  I  ail  llx''  de  l'ix  iiirier  li  alMinl  lienl .  à  (pielqiie>  exeeplidlis  pli's.  (pi  ,'i  l;i 
créalum  d  une  iKuixelle  roininle.  aiis^i  banale,   mais  singulii'Teineiil  niniiis 

]ilais:ilil  e  ipie   raneielllie. 

Il  \  l'iil  liai  II  nlleiiieiil  une  Iraioilidii.  el.  ('iiiiime  li'>  (iinni.'i's  (''laieiil 
habiles,  il  \a  sans  dire  ([ue  ccilaiiio  piiMo  (leiiieiiicnl  IhiI  agréables  à 
I  o'il.  i.e  lîritish  Muséum  possède  une  \  ieige.  jeune  el  du  plus  aimable 
visage,  qui    donne   le   sein  à    son   elil'anl  nn.  el    eerle>  rellsenible  esl    [lithj- 

T.  u.  —  01 


48'2 


HISTOIRE  DE  L'ART 


rL's(|U('  ci  i;r;icieiix;  mais,  à  y  regarder  de  près,  cet  enfant  est  mou  el  Irop 
joli,  le  manteau  sans  style,  plus  semblable  à  un  linge  mouillé  et  tordu  qu'à 
une  (h'a|)erie  logiquement  ordonnée.  La  N'ierge  et  la  Sainte  du  Louvre 
(n"  !!!).  irp.  Molinici-.  les  [raircs.  p.  ISS  el  u"  107.  i  scnil  moins  avenantes 
déjà,  a\ef  leui's  (êtes  Irop  gro.s^es  et  sans  expi'ession,  et  ie^  diaj)eries  pen- 
dantes sendjlent  encore  pires:  eomme  au  leliipiaire  de  sainte  Catherine  de 
la  collection  Carrand  (rep.  /cilschrift  fur  ilirisl.  Kimsl.  ISild,  p.  'riT)!,  au 
Bargello,  et  à  celle  de  (lluny  rep.  Molinier.  il>i<l..  p.  INS),  (mi  dirait,  sui- 
\anl  le  mot  pittoresque  de  Courajod,  un  <(  pa- 
(piet  de  loques  »  qui  leur  tombe  de  la  taille. 
Ht  ce  sont  là  des  morceaux  d'excellent  travail 
encore,  d'une  facture  précieuse  et  qui  décèle 
(les  mains  expertes  :  on  imagine  ce  que  de- 
\  ient  ce  style  lorsque  le  métier  lui-même  est 
inférieur;  la  Vierge  du  musée  de  Berlin  (n"  85), 
celles  des  musées  de  Dijon  (n"5'28,  coll.  Trimo- 
let),  de  Compiègne  et  tant  d'autres,  sans 
formes,  sans  lignes,  hancliées,  compliquées  et 
minaudières,  nous  en  donnent  le  déplorable 
spectacle. 

L'art  d'ailleurs  se  rapetisse  de  toutes 
façons  et  ce  sont  de  menus  objets  de  piété 
qui  deviennent  à  la  mode,  comme  ces  plaquettes 
réunies  d'ordinaire  en  diptyques,  dont  un  si 
grand  nombre  nous  est  parvenu.  A  vrai  dire 
l'usage  en  était  répandu  déjà  au  commence- 
ment du  siècle  el,  de  tous  les  modèles  que  l'on 
s'est  borné  à  recopier  et  à  déformer  à  la  fin, 
nous  avons  des  exemjdaires  anciens.  Les  sujets 
d'une  extrême  simplicité  et  ils  sont  peu  nom- 
bi-eux  :  le  plus  commun  est  la  \'ierge  entre  deux  anges  poi-te-llandieaux, 
avec  le  Christ  en  croix  comme  pendant;  c'est  aussi  la  Nativité.  l'Ado- 
ration des  Mages  ou  le  Couronnement  île  la  \  ierge,  toujours  avec  la 
Crucifixion  en  face;  le  Christ  de  Majesté  au  lieu  de  la  Crucifixion  est 
rare,  et  les  représentations  des  saints  plus  encore.  Les  types  anciens  de 
ces  diptyques  sont  parfois  excellents  :  l'un  des  plus  charmants  que  nous 
sachions  est  certainement  la  plaipielle  de  l'ancienne  collection  Léopold 
Coldschmidl,  où  la  \  ierge,  le  serpent  sous  ses  jiieds,  deux  anges  deliout 
à  ses  côtés,  tient  dans  ses  bras  l'Enfant  qui  se  détourne  gentiment  pour 
tendre  sa  main  à  baiser  à  un  angelot  voletant  près  de  lui;  l'invention  est 
exquise  et  l'exécution  simple  et  grande.  La  Nativité  du  Louvre  '  n"  00) 
cnI  d'une  grâce  el  il'un    naturel  parfaits,  et  le  Christ  jugeant,  (pii  lui  fait 


en    monireni 


LES  IVOIRES  GOTMIOl'ES 


485 


face,  d'iine  puissance  adiniraMc  La  \'iergr  entre  deux  anges  el  deux 
saintes  de  .M.  Aynard  (Lyon)  présente  un  arrangement  heureux  aussi 
et  un  style  tempéré,  et  dans  la  Descente  de  croix  de  la  coHcclion  (îillot, 
aucune  exagération  n'altère  le  pathétique.  ^lais  ce  sont  là  des  excep- 
tions; dans  la  plupart  de  ces  diptyques  la  hanalité  ne  tarde  pas  rl'a]!- 
paraître,  et  hientiM  le  mani(''risme  et  lexcès.  La  \  ierge,  au  iirn  de 
demeurei'  droite  eidre  les  deux  anges,  se  courbe  \ers  eux  eu  nnuau- 
danl  ;    h^s    Mages    l'onl    di's    l'aenns    pour  s'avancer   vers  l'Iùdanl  '  Soidli- 


Kensinglon,  n"  '2.j5-()7  .  el ,  dans  le  C.ahaire.  (diacuu  se  tord  sous  le  poids 
de  la  plus  mélodramalitpie  douleur,  le  iMirisl  coui'hé  en  tieux  sur  .--a  croix 
el  les  groupes  des  Saintes  Femmes,  de  Jean  et  des  soldats  ondulant  sur 
eux-mêmes  comme  au  gré  d'un  vent  violent  (musée  de  (lluny  et  iiius(''e  de 
Langres,  abbaye  de  Kremsmiinster,  rep.  dans  KiDisli/civei-hluliP  Giu/cnshoxlc 
ilrr  l.iilliiililslorischcii  Au><slellnntj  zii  Sieyr,  LSSii.  Tous  les  dipiytpitîs  assu- 
ri'nieiil  ne  poussent  pas  ainsi  la  violence  à  l'extrême:  il  y  en  a  beaucoup 
d'honnèteiiient  UK^liorres  et  dmd  on  ne  saiii'ail  l'ien  dire;  mais  dans  celle 
innoudirable  qiinnlili''  de  morceaux  pai-eils,  on  elier<'lierail  eu  \aiu  une 
t'ornie  nouvelle,  un  liml  bien  niNenb'';  ce  n'es!  ipie  le  i'essassai:c.  p:ii' di-s 
ou\riers  |)lus  ou  iiioiii>  habiles,  de  motifs  ns(''s. 

Ht   les  platpielles  ni'  sont   pas  seules  à   b'UHn'gner  de  cet   all'aiblisse- 
menl  ;  il  en  e>l  de  nii"'ine  de  j;i  plii|iarl  di's  séries.  \  oici  les  ci'osses  épisco- 


AU 


IlISTniliK  DR  I.'AIîT 


p.ili's.  |);ir  ('\oui|ili'.  I.riii'  riiriiir.  i|ii'iiii|i(isail  lu  I  riiilil  ion.  csl  d'iiiK^  grAce 
|iair;iilr.  leur  disiiosilion  ingéiiicuse,  et  avec  les  curieux  relouillements  de 
la  xoliile  laillée  <à  jour  el  présenlani  d'une  part  le  Christ  en  croix,  de  l'autre 
la  \  ii'iu."  cnlre  (l('ii\  aiiiics,  elles  paraissent  des  œuvres  accomplies;  mais 
(pi'<iM  eu  cxaiuiiic  le  dessin  de  plus  piès  el  l'on  reconnaîtra  que  ce  thème 
inxarialilr  esl.à  |ieu  d'cxçeplions  ]u-ès,  invarialdemeni  traité  avec  la  même 
Idiirdeiii-;  Idulcs  (Ml  prcs(|nr  joules  1rs  ci'osses  soni  delà  seconde  moitié 
du  \i\''  siècle,  el  ipielipies-nnes  à  peine  échappent  à  ce  contoui'nenient  des 

(lra|ieries,  à  ce  déséquililjremenl 
(les  altitudes,  à  celle  vulgarité 
en  un  mot.  (pii  dans  les  pièces 
médiocres  esl  à  ce  moment  le 
propre  du  métier  de  l'ivoire. 

l'ne  seule  série  originale 
sendile  s'(Mre  conslil  ii(''e  .  un 
ginnpe  de  diptyques  de  la  Pas- 
siiiii.  ci  c'est  là  seulement  que 
nous  |i(iii\(ins  senlirqiielles  (pia- 
lih's  nouselles  povuaieni  se  t'aii'e 
jour  chez  les  meilleurs  d(^  nos 
ivoiriers  dans  la  dernière  \tr- 
riode  de  leur  acli\  ili'.  Le  sujej 
assun''menl  n'('daii  pas  neul'.  et 
dès  le  xui'  siècle  il  aval!  i''lé 
liai  II'  a\cc  largeur  el  puissance  : 
1  un  des  plus  remarquahles  spé- 
cimens    est     celui     du     Lou\  re 

''''''^l;i7;.î^îî,m'm:'Ml''>l'm;l:i'iVr"';h^^  (""    ^"'-   ''ont    les    scèncs    sont 

(i:..ii  Aviiai.i  i.vnii  )  cxaclenienl    conformes    à    l'ico- 

nographie di's  minialuristes. 
mais  livoirier  l'a  hrureusenienl  li-ansp(iS(''e.  el  son  oMixi-e.  du  meil- 
leur style,  est  sohre  et  poignanle  à  la  l'ois.  Le  lieau  diplyqu(^  l'"l.^' 
chrome  de  la  c<»lleclion  (lolli'eau  esl  un  |ieu  ]iosl(''rieur,  mais  de  même 
lieanli''.  (le  soid  des  (ru\res  simples,  surluul  si  on  les  c()m|iai'e  au  groupe- 
ment qu'imagina  l'atelier  du  milieu  du  xiv"  siècle.  Dans  un  diptyque  divisé 
en  six  compnrlimenls  (trois  registres  par  feuilh^),  l'auteur  se  donna  le 
prohlème  de  jairi'  lenir  la  l^'siinccl  ion  de  Lazai'c.  l'Enln'i'  à  .ir'iusaleni . 
le  Lavement  des  pieds,  la  Cène,  (ielhsemani,  l'Arrestation  du  Clirisl,  la 
Mort  de  Judas  el  la  Crucilixion.  L'arrangemenI  dut  «Mic  au  goùl  des 
fidèles,  car  plusieurs  jiièces  nous  sont  parvenues  de  la  s('rie  :  celles  des 
musées  de  Madrid,  de  Berlin  fn'"  108  et  9)  et  de  Copenhague  (n"  10  058),  des 
colleclions  Ilainauer  lanc.  coll.  Spiizer,  n"C)l)  et  Campe  !  I laudiourg),  de 


LES  ivnini'S  (iOTiiioiES 


iSj 


Sdiilli-Kciisinolnn  il"  'JlM-lSOT  ,  ilc  S|iil/.ri'  ii'  71  cl  îles  iiiusr'cs  de 
C.assrl  l'I  cil'  Dijon  (n°  lo."|  .  l'.l  cclli'  \oiiue  élail  nu'ril<''(':  lim  de  plus 
ingriiiciix  m  clVct  que  ces  lalilnuix  où.  pour  fairo  lonir  Ions  1rs  pci-mi- 
iiages  ilipiil  il  a\ail  lirsoiii.  l'ivoiriri-n  -ii  1rs  iin'll  rr  en  pi-ispn-l  i\  r  sur 
plusieurs  plaus  :  sa  r(iui|Misilioii  ilcnirurr  clairr  nial^n''  Imil  r|  \c  pallir- 
li(pii'  y  pai-ati  parfois  Irrs  puis- 
sant; ce  n'csl  plus  sans  doulr  Ir 
geste  nohir  d  la  lirlle  ilra]ifrii' 
classique  île  jadis;  les  uioum'- 
luenfs  sont  violents  et  des  jilis 
excessifs  les  soulignenl,  mais  le 
senliuienl  est  intense  cl  l'elToil 
uolalilc,  uudgrf''  cerlains  (h'^l'auls. 
tels  (|ue  les  visages  singulièrcuicnl 
iuex|iressifs  dans  toute  cette  fougue 
cl  les  proportions  souvent  jieu  con- 
\eualiles.  Nous  savons  en  viu-ité 
ipie  l'idr^e  preuiièreet  même  Texacte 
di>pnsition  des  scènes  se  trou- 
\enl  dans  les  luanuscrils.  parfois 
geste  pour  geste,  et  que  1  ixoiiier 
n'a  rien  inventé;  jiourtanl  la  Ira- 
dnel  iuii  eu  i\  iiil'e  (''lail  heureuse,  el 
|e^    meilleures     de    Ci'S    pièces    soul 

pi-e^ipie  (les  chefs-d"(eu^■re  d'exé- 
cution. Ur  c'est  sur  elles,  on  ]ieul 
le  dire,  que  va  vivre  toute  l'ima- 
gerie d'ivoire  de  la  lin  du  xiv"  siè- 
cle, en  comliinant  de  mille  façons 
les  mnlifs.  y  inli'oduisanl  (l'aulres 
M-ènes.     les     résumaul.    les    allon-  ^,^^,  ^  ^.,,,,,, 

géant,   les    d(''f()rmanl    aussi.    Indas!  Fie.  522.  —  Cmsse,  ivoire  franrnis  ilf  la  • 

I  riip  >iiu\  cul  ;  mai>  le  fiuid  de- 
liienre  à  peu  prè>  le  mr-uic  el  le 
sl\le  de  lalelier  se  relr,,n\e  snii-,  |, 


moitié  (lu  xiv  sii'clc 
(Coll.   1  lui  ni  II 


dilirali 


le  Idrigirial.  I  ,e  pel  il 
dipl\<pie  de  la  cdlleclion  hiiliiil  le  nV-.iiiiie  en  ipiaire  scriies.  comme  celui 
de  M.  (iillol  el  iiii  aiilie  A,'  lacolleclmii  fi  I /- 1 1  cil  ry  Ldiidres  :  II'  grand 
dipUipii'  .le  Mlle  (,raml{eaii  lalldii^v  dll  l'driemeiil  de  (  .l'dix  el  de  la 
Ihi-i'llalidii;  ci'iix  de^  edlli-,-lidii-  (■aniici'.  Diilnil  ivp.  dans  1rs  A  ri  s.  |'.tll-.>. 
n  II.  p.  'i'I  el  <lu  Bl'ilisll  Mn--eiilM.  idenliipie-.  elilie  eil\.  y  a|dllli'nl  la 
I  li'-^illl'ecl  idii.  l'Ascension  el  la  l'enleciMe,  a\ei-  (le>  >cènes  de  i' lùifaiiee 
dll  ('.liri>l.    r  Amidiicial  idii.    la    \ali\ilc>el  les  Mages  ;  el  celui  de  la  collée- 


iSG 


HisToinE  DE  i;art 


lion  lîiirdiic  i^V//.  l'J.rp.  rrt .  lUOO,  n"  l.'^ii  y  joiiil  l;i  .Mise  au  loinlx'.'ui  :  le 
(  loiironnriiiciil  de  la  Nicrge  inlcrviciil  cnlin  coll.  Salling,  Londres)  et  le 
Clirisl  de  Majcstc' icoll.  Corroyer  ei  nnis(''c  dr  [Berlin,  n'"  !»7-08),  et  l'on 
|i(>iirrail  conlinnci-  lonij;-leinps  l'riiidi'  di'  «cl  «'■Iraniic  jeu  de  patience 
aii(|ucl  se  li\irrent  les  ivoiriers.  Sans  donic  la  copie  n'est  })as  absolue; 
on  jicid  disliimuci-  encore  dans  la  nionolonic  <>cnérale  certains  ateliers 
IKiiliculiei's.  cl  (pichpies-uns  conservent  dans  l'cxcculion  nn  reste  d(-  per- 


sonnaiilc;  d'autres  font  ell'ort  jiour  é(diappei- à  la  iianalili'',  et  en  ddiors 
niiMue  de  (pndques  rares  pièces  d  in\('idion  oriiiinale,  telles  que  les  dijily- 
(|Mes(lcs  colleelions  .Manzi  et  Mège  ou  du  musée  de  Lille  (rep.  dans  AUnnii 
(ircli.  ih's  iHiisiu's  ilr  jiri)i'iii<-i\  p.  Tht],  il  faut  (jU(d(pH' attention  pour  retrou- 
ver le  uuidéle  priinilif  dans  le  beau  diply(pie  en  (piadrilol)es  de  la  collec- 
tion   DoisI; I    ilans  celui    du    Lou\  re  ;  mais,   p(mi-   bien   dissimulé    (pi'il 

pai'aisse,  on  le  d(''i-ou\i'e  in('-\  ilablemeni  el  jusque  dans  des  collrels, 
comme  ceu\  du  musée  Sainl-Haymoud  de  1  oidouse  're|i.  ('.(d.  E.rp.  rct. 
l'.MIO,  n"  71  el  de  la  collection  Wernher  (anc.  coll.  Ibckscber.  u"  l'.l."..  rep. 
an  Cal.)  :  plus  ou  moins  lourd  d'exécution,  plus  ou  moins  iiuliscrel  de 
gesticulai  il  m.   plus  on  moins  incxprcssit  de  visage,  plus  ou  moins  sec  de 


i-:s  i\oiiiES'(;oTinouES 


i87 


draperies  à  mesure  ([u'nn  iwanre  \ers  la  lin  ilii  siècle,  e'esi  toiijoui's  le 
même  thème  l'oiirni  jadis  |iar  1rs  ininialurislcs  qui  reparaît  (\oir,  sur  cette 
séiie,  R.  Kiecldin,  LWU'Iicr  ilrs  DIjilijqiics  de  la  Passion.  Gazelle  ile.'i  lleaux- 
Arls.  IIHKi.  I.  1  . 

Celle    inlliience  des  miniaturistes  se  reconnaît  encore  dans  une  sôvli^ 


de  pièces  d'un  caractère  très  spécial,  d'une  extrême  (Inesse  d'e\é<iilion  cl 
d'ordinaire  percées  à  jour,  qui  semblent  vraiment  des  enluminures  d'ivoire. 
Rlles  aussi  liirurent  pour  la  plupart  des  scènes  de  la  Passion,  mais  suivant 
d'aulres  l'oiMiiules  que  celles  doni  a\ail  usi''  l'alclicr  pi-(>c(''dcnl  Siiulli- 
Kensinyion.  u"  ")lill-7l.  rcp.  par  .Maskcll,  p.  i'J,S;  coll.  Saltinti',  Londres; 
(  '.al.  Spil/.cr.  Il  '  'ri.  pi.  \\  ;  musées  i\v  Lyon,  n"  S,").  IJrilisli  Muséum  et  Cluny, 
n"  lUiHi).  En  elVrl.  un  décor  d'architecture  nouveau  s'y  iniroduit  avec  les 
surcharges  du  déicn'  llamboyanl.  et  des  recherches  pittoresques  s'y  aper- 
çoivenl   en   miMue   leuqis   (|U  une    certaine    noie   de   plus  en   plus  n'-alisie; 


iiisKHiii;  Dr:  i.aut 


[il  -vC'-  ^      -  •     »    •    ,  i 


(•■('sl    ainsi    ([lie  les   lioiinraiix  du    C.iirisl   oui  (lr|iniiilli'  le   \irii\   lUNliiine 
(le   l'anlaisislos  lioiuaiiis  |inur  endosser  le  vèli/nicnl    conil    à   la  nindc   de 

la  drnxirnii'  iiinilii'  du 
\l\'  sirrir.  (  '.'rsl  là  sans 
diiLllr     \\]\      cirnll     un     |irn 

sii|K'i-liciel  ;  il  esl  à  noter, 
|)ourlanl,carilserelr(>n\('. 
el  siniiulicreinenl  plus 
heureux,  dans  de  noiii- 
iireux  fragments  en  très 
haut  relief,  réjiarlis  entre 
divers  musées  el  collec- 
tions privées.  Ce  sont 
généralement  aussi  des 
personnages  de  la  l'as- 
sion  et,  groupés  pur  tiois 
ou  quatre,  d'assez  grandes 
dimensions,  ils  nul  dû 
l'aire  partie  jadis  tle  re- 
tables ;  d'une  certaine  al- 
lure, iuij)ressionnants  par 
Irnr  air  tragiijue,  ils  sem- 
lih'Ul  au  premier  ahord 
pris  sur  le  \if  el  1  on 
croit  y  décou^rir  comme 
une  trace  d'obsei'vation 
personnelle;  toutefois  ces 
expressions  forcées  sont 
})Our  l'ordinaire  plus  près 
de  la  caricature  ipie  de 
la  \érité,  et  r(,)n  s'en 
rend  compte  mieux  encore 
sitôt  cpic  l'ivoirier  t[uitle 
les  sujets  dramatiques  : 
à  la  célèbre  Annoncia- 
tion du  musée  de  l.angrcs 
(rep.  Cdl.  Exp.  irir.  l'.tOd. 
n"     ITTii,      (pii      Miil      (lu 


^m  IV*^-'' 

www  W^fW. 


(Sulll!i-Kr 


Ulul,    ) 


même  atelier,  le  maniérisme  l'cmpuilr  dr  bcauri)U|i  sui-  Ir  pillorrsipie. 
(li's  curieuses  hgui-es  n'en  niai-ipii'id  pas  moins  un  effort  véritable  et 
rjlrs  auraient  pu  faiic  espérer  qu'uni;  renaissance  se  produirait  dans  l'art 
de    l'ivoii'ier,    analogue    à    celle    qui.    sous    l'action    de    grands  maîtres, 


LES  noiRKS  (ioTI HOUES 


;iv;iil  li'aiisl'oriiii-  I  iiiKiii'crie  vl  hi  iiiiiiuil  ui'c.  Sculciiiciil .  ;'i  luiil  Ijumi  rnii- 
sicli'iTi-.  il  l'iiiil  ircdiiiKiiliT  (|iii' (■!•-.  iiKiifenux  M)nl  à  peu  prrs  i>i>l('s  diins 
l'ivdirrrir  (le  l;i  lin  du  \In'  ri  iln  (•iiiiilliriicniiriil  (lu  \\'  siri-lc;  cciiui 
les  culoure  leur  ressemble  si  peu  qu'on  a  nièine  cru  pou\  uir  les  Icnir  |inui- 
des  ouvrages  étrangers,  anglais  a-t-on  dit,  et,  en  dehors  d'eux,  l'on  nr 
peut  g'uèi'e  noter  <|nr  drs  iniilalions  plaies  et  sans  vie  des  derniers 
ouvrages  dont  la  mode  ou  la 
piété  des  fidèles  avait,  de 
longues  années  auparavant, 
adopté  les  formules. 

C'est  sur  de  telles  pau- 
vretés que  finit  un  art  (pii 
avait  donné  tant  d'exipiis 
chefs-d'œuvre,  et  l'on  com- 
prend que  si  même  des  causes  ■; 
économiques  n'étaient  }ias 
intervenues  pour  tarir  l'ini-  [ 
portaliun  de  l'ivoire,  telles 
que  la  l'ei  ineture  de  l'Egyiite 
au  commei'ce  européen  sous 
les  ^lameluks,  la  mode  s'en 
fût  détournée  et  (|ue  la  pro- 
duction, si  riche  au  xiv°  siè- 
cle, cCit  diminué  de  plus  en 
plus  au  x\'.  Et  pourtant  quel- 
(pies  rares  pièces  nous  font 
entrevoir  encore  des  ivoiriers 
de  talent  :  dans  un  groupe  de 
la  Pâmoison  de  la  Vierge, 
au  South-Kensington  (n"  7û'l- 
i)'2),  l'accent  est  juste  et  d'un 
réalisme  très  vrai,  et  di'  nK'Uir  une  l'ili('',  au  lîriiish  .Muséum  (re[).  dans 
MaskelKp.  xcni,  rapjjelle  toul  à  l'ail  la  Iradilion  des  imagiers  réalistes; 
au  musée  des  Antiquités  de  la  Seine-InliTieuri',  à  liouen,  une  \'ierge 
à  l'Enfanl  parait,  dans  sa  grâce  mesurée,  un  icllet  de  cel  arl  ivn. ni- 
velé (pii  devait  donner  dans  la  grande  seidpliire  de>  (eiivres  lello  (pie 
la  \ierge  du  Marturel  de  liioin:  (lan>  la  (dlleel  ion  \IIVe,i  Andr,..  nne 
sainle  Madeleiiu'  fait  peiiseï-.  par  >a  Une  Ijonlioniie.  aux  plu>  aimaldes 
prodnejidii--  (le  I  éeole  de  la  Loire,  — et  nous  sommes  ici  aux  poilo  du 
x\i  >i(''cle.  Mais  ee>  nioiceaiix  eharinanis  soni  de  rares  exeepi  ions  ;  les 
artistes  ipii  les  on!  \:\\\\r-.  n'oni  pa>  élé  siii\  i>  e|  il>  noiil  poiiil  anV'h'  la 
décadence   de  leur  art.    Leurs  rares    successeuis  l'raïKjais    du   xm     siècle 

T.    11.    —    t)"J 


l'hot     J;     Km 

"l'iCp. —    I  ,'AlilliiMii.ilinii.   i\(iiic   Icniir.iis 
lie   l,-i   lin  lin   xi\     :?i(>clc. 

|Mu,..V  .ic  Laii-rus. 


40n  HISTOIP.K  DE  I.ART 

n'onl  pns  (■■l(''  liennciiM]!  |iliis  liciirnix,  ci.  jionr  assislri"  à  In  n'iiiiissmirc 
(le  livoiri'.  il  r:inl  ;iiii\er  jusquaii  xvn' .  jusqu'aux  amours  joui'llus  du 
llannuiil  l)u(|ucMi()\  ri  aux  gros  sili'Mcs  des  \i(lrecomes  allemands  ;  mais 
cest  là  proiircmcnl  un  arl  nouveau  et  donl  les  gentillesses  prétentieuses 
ne  dérivent  point  du  noble  et  grave  métier  d'ivoire  du  moyen  âge  et  n'ont 
rien  de  commun  avec  lui. 


LES    IVOIRES    CIVILS    FRANÇAIS 

Les  ivoii'icrs  du  xiv'  siècle  ne  tra\  aillèrent  [las  seulement  pour  "  sainte 
Yglise  »,  comme  disent   leurs  statuts  parisiens,  mais  encore  <■  pour  les 
princes,  barons  et  autres  riches  homes  et  nobles  »,  et  si,  pour  ceux-là,  ils 
taillèrent  sans  cloute  beaucoup  de  statuettes  de  vierges  et  de  tabernacles, 
ils  leur  fournirent  aussi  en   grand  nombre  les    objets   d'usage   courant 
qu'exigeaient  le  développement  du  luxe  et  la  toute-puissance  de  la  mode. 
Les  comptes  mentionnent  continuellement  les  valves  de  boîtes  à  miroirs, 
peignes,  coffrets,  gravoirs,  tablettes  à  écrire  et  autres  menus  objets  cjne 
les    grands   achetaient    aux  ivoiriers    par  l'intermédiaire,   la  plupart   du 
temps,  de  leurs  barbiers,  et  nous  avons  vu  même  que,  parmi  les  rares 
artisans    dont    les    noms    nous    sont    jiarvenus,    ce    sont    surtout    des 
«  pigniers  »  que  nous  connaissons.  Étaient-cc  les  mêmes  ouvriers  qui 
taillaient  les  miroirs  et  les  «  tableaux  cloans  »?  Il  est  vraisemblable,  et 
l'exeinplc  de  .Icliau  Ir  Scelleur,   fournisseur    de    Mahaut  d'Artois,  nous 
le  prouveiail  ;  en   loul  cas,  le  styb'   des  ivoires  religieux  et  des  ivoires 
civils  est  extrêmement   analogue,  pour  ne   pas  dire  identique;  c'est  au 
XIV  siècle  que  les  uns  et  les  autres  atteignent  leur  plus  grande  vogue,  et 
il  semble  même  que  les  ivoires  civils  furent  un  des  articles  de  Paris  que 
les  étrangers  recherchèrent  le  plus  volontiers.  C'est  à  Paris  que  les  prin- 
ces s'ap|>rovisionnent  de  ces  trousses  de  toilette  contenant  miroir,  pei- 
gne  et  gra\oir  el  que  lenfermaient  des  écrins  de   cuir  peint  et  gaufré, 
œuvres  fort  estimées  des  «  gaigniers  <>.    lît  certes  ces  ivoires  civils  sont 
sou\ent   d'une   grâce    charmante,    a\ec    leurs    personnages  en  costume 
du  temps,  avec  leurs  jeunes  gens  et  leurs  dames,  et  l'exécution  de  beau- 
coup n'est  pas  inférieure  comme  finesse  et  comme  style  à  celle  des  meil- 
leurs morceaux  de  caractère   religieux.  On    ne   saurait    pourtant  ne  pas 
noter  combien  ces  pièces,  elles  aussi,  se  répètent  entre  elles  :   une  dou- 
zaine de  sujets  au  plus  y  sont  traités,  el  toujours  de  la  même  façon;  il 
semble  que,  la   formule  adoptée,  nul  n'ait  plus  eu  le  souci  de   la   varier, 
et  la  seule  dalalion  possible  consiste,  non  dans  le  style,  mais  dans  le  cos- 
tume des  pei'sonnages,  long  au  déhut  et  court  dans  la  seconde  nioilié  iki 


LES  IVOlliES  GOTIlinrES  i'Jl 

siri'lc  E[  CCS  l'ormuh^s  iiicuic  n'appartiennent  pas  aux  «  j)igniers  »  :  si  la 
sculpture  monumentale  et  la  miniature  avaient  donné  leurs  modèles  aux 
ivoires  religieux,  c'est  à  la  môme  source  que  puisèrent  les  ivoires  civils, 
dans  les  manuscrits  surinul,  cl  dans  cci-laiiis  lias-rdiels  comme  ceux  des 
piédroits  des  porclies  latéraux  de  la  catli('di-alc  de  i^oum.  Toute  l'imagi- 
nalion  des  i\oiriers  se  trouve  dans  li^s  illustrations  des  lomans.  Ils  n'en 
demeurent  pas  moins  des  ouvriers  inliiiiment   in<i(''nieux  et  adroits,  et   la 


—  T.ililcKr-  ;i   rrvu-i-:   l.i   Nhiiii   .-Iliii,!.' :   1,>  jpu  .1.-   I;i   M. 
hciiii'   IV.iiir.iis  lie   1^1   sccijiiili-   iiioilii'  lin   \i\     sièilr. 
(Musée  du  Luuuv.) 


s('-ric  (1rs  miroii's.  pai-  exemple,  est  une  d(_'S  plus  aimaliles  (pi'ail  pmduilrs 
l'art  industriel  du  moyen  âge. 

Les  sujets  familiers  aux  <•  jtignicrs  »  sont  empruntés  à  la  \  ie  mon- 
daine, amoureuse  et  chevaleresque,  ou  tirés  des  romans  en  vogue;  mais 
parfois  aussi,  quoique  beaucoup  plus  rarement,  des  sujets  religieux  se 
rencontrent  sur  des  objets  d'usage  uKindaiii.  à  moins  (pic  les  diiix  gen- 
res n'y  voisinent,  comme  dans  ce  cuirret  du  Louvre  n'  (il'  où  sur  le 
couvercle  ligurent  des  saints,  alors  (pie  les  c(')l('s  racoiileiil  tout  au  long 
l'llisloi|-e  (je  |'erce\al:  niiciilTrel  (lu  liiiiv('-c  (je  (Idlii.'i  pi-('-senle  une  sem- 
|j|;d(le  parliciilarih'.  Il  >eiiilile  (iiiillcnis  ipie  l;i  liuiil  e  ii'iiil  pas(''l(''  I  rés  rigou- 
reusemeiii  lrac('e  eiilre  ce  (pii  (•lail  d'usage  relii:ieux  et  ce  (|u'on  (levait 
tenir  |i(>iir  profane.  I.e  collVcj  du  Loux  rc  don!  les  fragments  tigureni 
l'Iiisloire  de  rLiil'aiil   l'rodigue  in"'  iO-cS),  celui  de  (  '.arraiid  avec  la  l(''geii(i(; 


492  HISTOinE  I)F:  L'ART 

(le  sjiinl  iMishiclif  <  it|i.  ihiiis  1rs  Arlu,  ;i(iùl  lIIOl,  p.  'iô),  ou  fcliii  de  l'iiii- 
cionnc  collcflioii  Mngiu;ic  (ii"  '2"i<S)  avec  d(>s  scènes  de  la  Wc  des  Saints 
onl-ils  jamais  élé  des  boîtes  à  hijoux  et  est-on  assuré-  que  les  scènes 
amoureiiNes  des  collVcIs  di'  Saiidc-t  isiili' de  C.oldiiiic  ndinairnl  |iiis  des 
lioîles  à  r(di(|ues?  Aussi  liiea,  en  \(''ril('\  la  deslinalif)n  jireniière  de  ces 
pièces  niniiioi'le  ^Mèie,  el  n(ins  ne  nous  attachons  (|u"au.\  sujets  el  auslyle. 
Les  scènes  di^  i)'enr(\  ((dles  (pii  sont  tirées  de  la  \  ie  niondain(\  se 
rencontrent:  très  IVéqueuuueid  el  elles  nous  montrent  les  gentilsliomnies 
avec  leurs  dames  s'adonnani  à  joules  les  occupations  el  surtout  à  tous  les 
plaisirs  de  leur  rani;.  Tanlôt.  comme  sur  une  valve  de  hoîle  à  miroir  du 
Brilish  Muséum,  ils  de\  is(Mit  raniilièreiiienl,  assis  côle  àccMe  sni'  un  liane, 
lui,  le  faucon  au  p<iing.  elle,  ses  i;anls  à  la  main,  \(Mus  des  loni;urs  cottes 
sans  taille  à  la  nnxle  au  di'dnd  du  \i\''  siècle;  laid(")i,  dans  un  jaiilia  iiguré 
schématiquemeni  par  deux  l)ali\eaux  —  les  mcMncs  (pii  l'ormaienl  le  fond 
dans  la  scène  du  (l/'lliséinaiil,  —  ils  jouent  du  luth  et  se  chantent  des  chan- 
sons (pla(|uette  de  (lluny,  n"  lOcSd).  Parfois  leurs  exercices  sont  plus  gais, 
et  ce  sont,  des  jeux  en  nombreuse  compagnie  :  des  tablelles  à  écrire  du 
Louvre  (n"  !M,  rej).  .Molinier,  les  Irairi's.  p.  l'.IT)  (igurent  la  Main  chaude  el 
la  Mourre,el  l'attitude  des  joueurs  esl  très  iinemeni  oliser\ée,  les  grou[)Cs 
ingénieusement  ordonnés;  des  pièces  à  })eu  près  identiques  se  voient  aux 
musées  de  Lyon  (n"  79),  d'Oi-léans,  de  Ravenne,  au  British  Muséum  et  à  la 
collection  Martin  Le  Roy,  et  dans  les  meilleures,  l'habileté  technique  est 
extrême.  Mais  la  chasse  tenait  la  plus  grande  place  dans  la  vie  seigneu- 
riale, e\  le  <■  pignier  »,  fidèle  observateur  de  la  mode,  n'a  jias  maufpié  de 
nous  présenter  sous  tous  ses  aspects  la  vie  sportive  de  son  temps.  Sur 
une  tablelte  à  écrire  de  Berlin  (n"  S!)),  le  seigneur  et  sa  dame,  portant 
faueoM  el  lui-et,  se  disposent  à  partir  pour  la  chasse;  la  dame  remet  une 
épée  à  son  ami  (musée  de  Bruxelles,  n"  20,  et  rep.  Cat.  Spitzer,  n"  r)2, 
pi.  xix),  puis  ils  montent  à  cheval,  et  sur  d'autres  tablettes  (Louvre,  n"  !)."), 
sm-  des  boîles  à  miroir  aussi  (British  Muséum),  on  les  voit  chevauciier 
cote  à  cùie,  de\  isant  et  riant,  suivis  des  valets  et  des  chiens.  Au  colTret 
de  l'ancieiine  collection  Tliewalt  (Cologne)  et  à  celui  du  Louvre  in"  7(1).  le 
cortège  se  dévelopiie  avec  ses  f.iiiconniers  el  ses  sonneurs  de  trompe,  et 
c'est  même  an  hallali  qu'on  assisie  dans  nn  admirable  fragment  des  collec- 
tions du  château  de  Maihingen.  au  piincr  de  W'allersiein.  Cependant,  la 
chasse  esl  un  prétexte  parfois,  el  l'on  s'en  aperçoit  bientôt  :  (piclques-uns 
des  plnsjolis  miroirs  connus  nous  montrent  le  jeune  couple  —  il  est  tou- 
jours jeune  el  forcément  amoureux  —  s'enlaçant  doucement  sous  tes  om- 
brages favorables  (Louvre,  n"  77;  Soulh-Kensington,  n"2'.''J-(i7  ;  collections 
Martin  Le  Roy,  Homberg  el  Ilainauer.  Bei-lin;  coll.  Spitzer,  n"  Oi),  rep. 
pi.  xix),  et,  sans  quitter  ses  montures,  se  baisant  sur  la  bouche  (coll.  Gar- 
nier  el    Soulh-Kensinglon,  n"  '21!)-67),  au  mépris  des  regards  indiscrets 


Li-:s  ivoip.Ks  (iOTiiiorHS 


Am 


lies  f'cuycrs.  Knfln,  f'est  le  reloiir  ;ui  cliAlnui  :  \:\  diuiie  ciu'essf  le  Ijiurdii 
iiii;iii<lie  lie  coule;!!!  di'  Im  eolleclion  Duluil)  a\aiii  de  le  lendre  aux  laucoii- 
iiieis,  el  \a  |ii'eiidit'  sa  |ilaco  à  côlé  dii  seip;n(Mii-  ({iii  i-eeoil  ses  vassaux; 
|HMii-  diiiiiiri-  |ilii>  lie  iiraiideur  à  la  scène,  l'iv  <iiiiei\  (|;!i!s  le  beau  fragment 
(le  iiiii'dii- de  (  lliin\  ,  a  eiiuehi'  un  lion  el  une  cliinièi'e  aux  pieds  des  rdià- 
lelains.  el  un  ange  même,  ilii  liaiil  du  ciel,  sendile  leui'  donner  sa  héiu''- 
dii'l  i(Mi. 

Si  la  ehasse  nés!  pour  l'iv  oii-ier  (pi'une  occasion  de  scènes  d'amour, 
les  jeux  (le  l'amoui'  eux-mêmes  ne  lui  roiii'iiii'onl  pas  de  uioiiis  jolis  su jel  s  : 
i!iais  comme  il  Iravaillc  pour  les 

dai!les.   il    sail    ce    (|u'il    leill-    (loi! 

el  ne  leiii'  |ir(''sciilera  l'ien  «pii 
clnxpic  leiii-  d(''licaless(>  :  c'esl  à 
I  auiour  luiioceiil  (pi  !l  s'en  lieid  . 
I,e    (liailie.    ou    mieux,    la    COUK''- 

(lie.  se  !'(''suiue  d  (U'dinalre  en 
ipialre  sci'Mies  :  la  l'cncoiilre,  à 
la  (-liasse  ou  dans  un  jardin,  les 
premiei'S  axeux.  les  ]iri\aul(''S 
peniiises.  el  l'aiiio!!!'  (•( Mironia''. 
Noiulu-e  de  colTrels  nous  mon- 
li'ciii  les  (piaire  sc(''nes  réunies. 
les  amoureux  iso|i''S  mpiis  di' 
ji(dies  arcalures,  (pii  rormeul 
comme  (l(>s  alii'is  oi'i  ils  peu\ciil 
se  caresser  à  l'aise,  s'agenouil- 
lei-   ou   recevoir,   sous   forme  de 

(l!rili~li  Mii-e ,1 

cliapeaux    de     llclirs.    je    |iri\    de 

leur    coiislance   [Loiixi'e.  n"~  (i."   el    70:    Irésor    de     Sainle-l  rsiile    de    (lo- 

logiic.    cidlcclioi!    lioiirgeois    n"    lOMi:   colleclioiis    l'icrpolilMol'gan  lanc. 

c(dl.     Maniilieim.;    Tliewall.    C.iilogne;    Marliii    Le     lloy.    IMeULfilaudrie  ; 

Aviiai'd.  Lyou].    l'A   sans  doiilc,  i-r  son!    là  des  morceaux    l'orl    agr(''aliles  ; 

mai--    il  si'uiMc    (pie    li\(Mricr.    une    l'ois   le   lli(''iiie    adoph''.    ne   se  >oil    plus 

gU(''re    mis  en   frai--:   ce^  se(''lie-.  lr(''S  simples,   il    les    r(''p(''le    C(Hll  iuile|le!lienl . 

sans  en   \ariei'   la    roi-miile.  el    sm-   les    lalilelle^   à    ('-crire      l.(m\re.   n'   T'i  el 

coll.   ('.ollreai!    cl     llonilierg    o!!    les    \;i|\e>    di'    mii'oirs.   il   l!'o!i\e  iiio\eil    de 

les   rendi-e  Irail  pour  irai!.    Toiilelois.  dans    ces    (lcrnii''res.  la  l'orme  r(Ui(le 

r(dili:ic  à    un   cerlaiii  ell'ori  d'arraiiLH'menl .  el   \  ('•ri!  alilemeiil   il  excelle  dans 

ce^    peliles    ci  )iil  I  li  II  a  isons.    (_(ii;iiiil    il     ne    prend    (pi'uiie    sc(''|je    ou    deux,    la 

"    mi>e  en    pages    »    esl     a!S(''e.    el  .    a\cc    des    pcrsounail'cs    leiiani     loiil     le 

cliaiii|i.il    a!'i'i\('   ;'i   l'aire   de  cliai'nianls  |;ili|eaiix  de  Licnrc.  comiiie  celui  de 

.M.  Marliii  Le  llo\  ,  oi'i  ramoiireiix  iircnd  le  iiloii  de  sa  lielle.  (ui  celui  de 


s.  -     I,.T  Clii'\.-iii.h.-.n.ih.-,i.-  I 

iviiirc  naiii.iii-  .Ir  l.-i  iMviMi.  T.-  111. .i 

llll   V[V-si,-.-|r. 


404  IIISIOIHK   Dl'l  l-AliT 

M.  SiilliiiL;.  i|iii  li^iiiT,  sdiis  un  lii-uiil  ^iihiv.  rii  dciix  |i;irlics,  le  couronne- 
iiicnl  (Ir  l';iiii:iiil,  .Miiis  inscrire  les  (jiKilrr  snjris  dans  un  cercle  était  plus 
(Irlical,  ri  il  s'<ii  csl  lire  à  merveille,  soil  i\ur  des  architectures  ingé- 
nieuses eriscrrcid  les  amoureux  entre  leur>~  colonnelles  (coll.  Basilewsky, 
n"-  10."  el  |(l'(  cal.  Darcel:  SirooonofT.  Rome  ;  el  Soulh-Kensington,n"  220- 
07).  i>n  (\[\'\\i\  ailii-e  |ii-(i|)ice,  divisani  le  niirdir  en  (|ualre  (diamhres  de 
v(M-duie.  (iUVe  nn  aliri  sur  à  leiii-s  aveux  Lnu\  re.  n"  "iS.  'rurin.  coll.  Dois- 
lan  .  l  lie  aiilre  \  aria  nie.  el  (|iii  esl  I.ien  daii>  i'es|irit  de  ce  temjis  ami  des 
allégories,  consiste  à  inlroduire  le  dieu  d'amour  dans  ce  marivaudage  : 
ianlôl,  Irônani  sdus  les  arcatures,  entre  les  amoureux,  il  leur  distribue  des 
euuiuiini's  (Lniivre.  n'  7(i,  South-Kensington,  n°  210-05),  à  moins  qu'assis 
an  pins  liaiil  d'un  arbre  ou  sur  une  tour  (Berlin,  n"  03),  il  ne  tire  sur  eux 
ses  ilèeiies  niiHU-trières  (Cluny,  u""  1070  el  1071  :  .\ngers,  musée  Saint-Jean 
n'  2100;  Soulli-Kensinglon,  n"  221-07;  coll.  Martin  Le  Roy,  Ilombergi. 
.\u>si  iuen  la  présence  de  ce  personnage  accessoire  dans  la  composition 
ne  la  niodilie  guère,  et,  malgré  ces  combinaisons  diverses,  la  formule  au 
i'ond  deminire  invariable  :  mêmes  vêtements,  mêmes  attitudes,  mêmes 
visayes  aussi,  cardans  ce  pelit  monde  tous  les  jeunes  seigneurs  se  ressem- 
blent, et  tontes  les  dames,  el  il  esl  à  remarquer  combien  ils  sont  pareils 
aux  tvpes  favoris  des  miniaturistes. 

Les  jeux,  la  chasse  et  l'amour  n'occupent  pas  seuls  la  noblesse;  une 
de  ses  passions,  c'est  le  tournoi,  et  nombreux  sont  les  ivoires,  valves 
de  miroirs  ou  coffrets,' qui  les  représentent;  seulement  il  est  assez  diffi- 
cile de  distinguer  si  ce  sont  des  tournois  réels  qui  sont  figurés,  ou  si 
Tivoirier  s'est  attaché  à  mettre  en  images  un  di's  jioèmes  clievaleresques 
qui  les  décrivent  si  volontiers.  Nous  serions  |)lus  disposés,  tant  les  allé- 
gories foisoniienl  dans  ces  pièces,  à  y  voir  les  illustrations  de  scènes  poé- 
li(iues;  non  que  l'on  puisse  déterminer  pi(''cisénieiit  à  (piel  roman  s'appli- 
(piait  le  modèle  dont  s'est  servi  l'ivoirier.  le  Hihikh)  ,1c  la  Rose  ou  tout 
autre;  niai>  de  liails  pris  au  hasard  dans  les  mille  descriptions  des  roman- 
ciers, (piehpies  formules  paraissent  avoir  été  extraites,  que  les  ivoiriers 
ont  suivies  constamment.  La  plus  simple  figure  un  comliat  de  deux  che- 
valiers qui,  l'épée  haute  ou  la  lance  au  poing,  se  jiourfendenl  conscien- 
cieusement sous  les  yeux  bienveillants  de  la  dame;  celle-ci.  de  son  balcon 
(Berlin,  n"  OLi,  s'apprête  à  counumer  le  vainqueur,  à  moins  que.  par 
une  anticipation  fort  naturelle,  on  ne  la  voie  déjà  sur  sa  tour,  et  pendant 
le  ciiinbal  nii'ine.  accorder  la  faveur  d'un  baiser  à  celui  des  adversaires 
(|iii  laiira  niériice  (Louvre,  n'  N7;  coll.  .Martin  Le  lioy  et  Sallingi;  sou- 
vent aussi  la  dame  prend  à  la  lulle  une  part  plus  active,  et ,  de  son  chà- 
leaii.  bonibaide  d(^  roses  les  combattants  |Soulli-Kensington,  n"  2i(S-()7, 
rep.  dans  Maskell.  p.  <Sô  et  0-72;  coll.  Carrand(Bargello,  icp.Les  Arts,  !\oùl 
l'.KIL   [1.  2.">i,  Garnier,  Doistau].  Mais  jiarfois  c'est  d'une  véritable  bataille 


LES  IVOIRES  GOTIIIOL'ES 


qu'il  s'iigil  :  1rs  clicvalicrs  assiègent  le  Château  d'Aiiniui-  il  les  danirs 
le  déreiulenl  ;  des  Iminches  de  roses  à  la  main,  elles  tentent  des  sorties 
(Ilefner-AIteneck.  t.  111,  Kil),  et.  des  roses  sur  leurs  écus,  des  roses  plein 
les  niaehines  de  guerre  qui  en  lioml)artlent  le  château,  les  clicNaliers  ten- 
tent l'assaut  par  des  échelles  de  corde  (Coll.  Spitzer,  n"  UiK  lep.  1,  pi.  xix, 
et  Carrand,  rep.  iind..  p.  'ifi).  La  résistance  est  vive  sans  dqutc,  mais  point 
désespérée;  les  chevaliers  entrent  dans  la  place  et  on  les  voit  sur  les  ter- 
rasses recevoir  des  dames  la  juste  récompense  de  leurs  exploits,  tandis 
que  sur  la  plus  haule  (oui' le  dieu  d'amour  les  crible  de  ses  flèches  pour 
animer  leur  ardeur 
[South-  Kensington, 
n°  l()17-.">."),  rep.  dans 
Maskell.  p.  i:  Car- 
l'and ,  musées  de 
^'ienne  (Autriche  i  et 
de  Nuremberg;  cdll. 
Arconali  -  N'isconli. 
rep.  Cal.  Exp.  réh\, 
JilOO,  n"  KHI].  Faire 
tenir  des  scènes 
aussi  compliquées 
dans  le  cercle  étroit 
d  une  boîte  de  mi- 
roir, y  déployer  toul 
l'appareil  d'un  siège. 
était  une  entreprise 

singulièrement  coiuplitpu''e  :  les  pii;niei's.  l'oil  experts  en  ces  matières, 
y  ont  étonnamment  réussi,  et  les  cavaliers  s'y  battent,  les  machines  s'y 
meuvent,  les  échelles  s'y  dressent  a^ec  une  aisance  parfaite.  Il  élait  plus 
facile  de  traiter  le  nn'-me  sujel  sur  les  cotlVets.  el  l'on  ne  s'en  est  pas  fait 
faute  :  suivant  un  poncif  uniipie.  el  avec  nujins  de  finesse  et  de  grâce 
peut-être,  il  a  l'Ii''  n'pi'lé  iustpi'à  satiété  |Brilisli  ^lust'um;  trésor  de  la 
cathédrale  de  Cracovie;  musées  de  Boulogne-sur-Mcr  et  de  Ravenne; 
collections  ïrivulce  (Milan\  Cai-michael  n"  Il  (rep.  au  cal.),  Manzi, 
Oppenheim  (Cologne^  Escanciano  (  E.xp.  hist.  de  .Madrid.  iS'.hJ  .  cU.j. 

Si  l'on  discute  sur  l'origiiii'  de  la  représenlalion  du  tournoi  l'i  de  la 
prise  du Châleau  d'.\moui',  si  (pu'lques  autres  sujels  peu\cnl  passer  pour 
de  simples  allégories,  tels  1  homme  (pii  lienl  dans  ses  mains  son  cteur 
qu'une  dame  perce  d'une  llèche  (Louvre,  n  '.11,  el  musée  de  .\amur  ,  la 
Licorne  ou  la  Fontaine  de  Jouvence  [colTrel  de  South-Kensinglon,n°  I  'i(i-(i(i, 
re]).  dans  Maskell.  p.  (I'k  lablelle  du  Louvre,  n"  l(KS,  el  de  la  coll.  Waller- 
sleiii    Mailiini;cii  .  uiii'oir  du  eonile  SIroyanolT  '  lionu'  1,  il  est  an  contraire 


■  (le  Perceval  .placiu 

iji]-e  français  du  .xiv  ; 

(^^u5re  (lu  LouviT.) 


4Ç)fi  lllSKillil';  DE  LA  HT 

loiilc  une  M'i'ir  (\i-  |iircc>,  t\i'  collVcts  siirluiil,  ilinil  lc>  liisloirri-  sniil  r\\- 
clciiinienl  lirrcs  ilc  romans.  Les  romans  (la\ciilnrr  riaicnl  m  liiandc 
vo"'ue  au  \i\'  siècle  cl  ils  oui  v\v  cxploilrs  coniiiic  la  \ir  niondainr;  il 
csl  même  l'oil  cniiiux  (|ur  plusieurs  récits  aient  été  suivis  littéralement 
|)ar  l'ivoirier  el  (juc  leur  œuvre  l'orme  une  illustration  complète  du  roman. 
L'exemple  le  plus  célèbre  est  celui  de  la  châtelaine  de  ^"ert>•i  :  six  exem- 
plaires nous  en  sont  connus  [colTrels  du  Louvre,  n"(il,  rep.  au  cat.;  du 
musée  de  Vienne  (Autriche),  du  musée  de  Milan,  du  Britisli  Muséum 
(rep.  dans  Kcmp-Welsh)  et  deux  dans  la  coll.  Pierponl-Morgan  (Londres, 
anc.  coll.  Mannheinii;  fragment  à  la  collection  Carrand,  rep.  dans  Cust., 
|).  I'i7)|,  et  chacun  d'eux,  dans  une  série  de  dix-huit  compartiments,  nous 
raconle  d'une  façon  à  peu  j)rès  identiqiu-  l'aventure  tragique  des  amours 
de  celle  nolilc  (lame.  Lsl-ce  à  dire  ([ue  l'ivoirier  avait  lu  le  roman  ets'étaii 
plu  à  le  commenter  dans  son  œuvre?  Xon,  sans  doute:  il  axait  dû  se 
lioi]u_'i' à  prendre  son  modèle  dans  un  manuscrit,  et  riiistoire,  (pii  était 
d'ailleurs  populaire,  lui  ayant  plu,  il  l'aura  racontée  tout  au  long.  Mais  la 
continuité  du  récit  est  fort  rare,  et  si  l'on  en  peut  citer  encore  quelques 
auti-es  cxenqdes  lels  le  l'erceval  du  Louxre  (cotTrct,  n°  {)2}  et  le  Tristan 
de  ri<]i-iuilage,  ]ioui-  l'ordinaire,  l'ivoirier  se  home  à  juxtaposer  des  scènes 
emprunl(''es  de  joules  parts,  dont  il  ne  couiprenail  sans  doute  jias  lui- 
même  le  sens,  et  que  les  érudils  modernes  ont  parfois  beaucoup  de  peine 
à  traduire.  Tantôt  c'est  Tristan  et  Yseult  qu'il  nous  monti-c,  devisant 
auprès  d'une  l'onlaine,  tandis  (pie  la  lèle  du  roi  Mai'c  (pii  les  épie  du 
haut  d'un  arbre  aiqiarait  dans  l'eau  à  leui's  pieds  (Miroirs  du  \alicaii, 
pi.  XVII,  de  Cluny,  de  Hambourg;  coffrets  du  British  Muséum  et  de  la 
(•aflii''drale  de  Cracovie);  c'est  Iluon  de  Bordeaux  aussi,  jouant  avec  la 
lilledu  idi  la  partie  d'échecs  dont  son  sort  dépend  (Louvre,  n"  "i"i,  reji. 
au  Cat.;  South-Kensington,  n"  '2'2.j-()7  ;  coll.  Basilevvsky,  n"  ITij  ;  Salling 
(Londres),  Figdor  iN'ienne),  Martin  Le  Boy|  ;  c'est  Lancelot  jiassant  le 
Pont  de  l'Épce,  combattant  les  Géants  sauvages,  ou  délivrant  la  reine 
Genièvre,  Gauvain  soumis  à  l'épreuve  des  lances  et  combattant  un  lion 
[British  Muséum,  rep.  par  Dation;  musée  de  Liverpool.  rep.  dans  Cust, 
p.  14U;  cathédrale  de  Cracovie,  coll.  Oppenhein(Cologne),  etc...|  ;  Pyrame 
et  Thisbé,  Aristote  même  chevauchant  la  courtisane  Phyllis  et  2ii'ûu- 
vant  à  Alexandre,  suivant  le  lai  célèbre,  la  puissance  malfaisante  de 
la  beauté  de  la  femme....  tous  invariables  dans  leur  composition  qu'a 
fournie  un  modèle  unique;  mais  parfois  une  inlenlion  morale  semble 
apparaître  dans  la  juxtaposition  el  le  contrasie  de  deux  scènes,  et  ces 
intentions  didactiipies  sont  bien  dans  l'espril  du  moyen  âge,  seulement 
il  faudrait  savoir  si  l'ivoirier  était  capable  de  telles  finesses  ou  s'il  ne 
se  liornait  pas  jilutùt  à  leproduire  des  thèmes  courants  dans  l'œuvre  des 
minialurisles- 


i.Ks  i\(Hi!Ks  (,(»riii(>ri:s 


.497 


Il  iKMis  .'1  |i;iiii  iiii|i(i>>ililr  d'i'-liililir  une  riiinnrciisr  i-|i  niiiolii^ii'  (Milrc 
I  olllcs  CCS  |iir(Ts.  ml  rc  ers  S(''lii's  lii(''liM'.  cl  c'c^l  { i<  m  l'ijlK  li  lliills  niiilv  CM 
soniiiics  lciiii>  ;'i  les  (■■liiilicr  |i.'ir  snjcis;  dii  |iciil  crnirc  il  .iillciirs  (|iic,  iliiiis 
ilc>  .ilclici's  i|iii  >c  ri''|ii''l  .■lichl  iiiil(''liiiiiiiciil  cl  >c  lidiiiinciil  à  des  \;iri:iiilcs 
|i.iiTiiis  iii:i|i|in''ci;ililcs.  une  riiniiiilc  se  I  iMiisiiicl  I  ii  il  d'iiiic  l;i''|ic't;iI  khi  l'i 
r.-iiilrc.  cl  le  cdsliinic  seul  ilniincr.-iil  nu  iiiilice  |hiiii-  les  ihilcs,  |iiiisi|iic  les 
l\(illicr^  |il'cli,'iiciil  Sdillilc  le  I  riilislurilicr  ;i\  ce  I;iiiiihIc.  I 'ciiI -iM  I'c  csI -ci^ 
l.i  i|li;ilil('  (le  l.'i  |iiccc  ijili  siTllil  lolllelnis  le  lilcilieiir  i^niile.  si  rmi  ilnil 
;iilliiel  I  fr  i|iic  jii'il  ,-'i  peu  l.l  lur- 
lllllle  s';i\  ciliiss.-iil  cl  s'us,-||l 
en    i|nel(|nc    fnedn    cnire    li'^ 


ni.iins  liiniiliil  eni-v  ;ill;ii'ili''s. 

An^si  liien .  il  ^c  |ii'(iiluil  |idiir 

le->  i\  dires  cw  ils  ce  i|lie  lidils 

:\\  (MIS  cdnsl:il(''  .'i  |n'd|ids  des 

ixdires    r(diL;icii\   :   ,iii    c(nii- 

inciiecnicnl     du      \\'      ^n'-elc. 

r.-irl  |i;ir;in  .'i  |)cii  |iri''s  (■■|inis('' 

cl     l.l    |ii(i(liicl  i(ni   ellc-iii("inc 

diininnc.      S;iiis      ddiile      Ic^ 

c(>in|ilcs  iiicnl  i(niiienl  encore 

de>     ;i(di.-ds     de     niii-dil's.    de 

ur:i\  dirs.      de      cdll'rcls.      de 

|icii:iics     cl     d';inlres      diiicls 

dix  dire,  iiniis  ceux  (|iii  nous 

sdiil    |i:ir\  eiuis   —  cl  ils  sonl 

en  |iel  il  iidiiiln-c  —  iii;ir(|ncnl 

nue   iiiiV'ridiMh'   (''Nidcnlc  sur 

les   pi  ('■(■es  du    \l\'    si(''clc.   Ci-  li'esl    p;is  ,'i  dire  (pic  (piehpics  ivdiricl'S  n';iicnl 

cdiiliiiiK'^   :'i    l'nirc    prcme    d  li,iliilcl(^    :    ecrl:iiii>    iiiirdirs     Ldii\i-c.   n'     lll^ 

s(Hil    d'iiii    joli    lr;i\;iil   cncdre.   cl    hm'^iiic    des    pi(''ces    iniporhinics    se    pro- 

dni-~cnl.    ddiil    is    n';i\(>ns    p:is  d^^piiv  jilciil    pour    hi    |i(''rid(lc  ;iill(''ricnrc. 

ici   r(''clii(piicr    cil  ds    de  hi    cdllcel iou  Carraïut  iBargello,  rep.   Lrs  Aiis. 
iioùl    l!l(li.  p.    ."(I  .   ;i\cc   SCS   ;iiiiiis;inles  scôiips  de  rliasse,  ses  cdinlcilsel 

SCS    i:rdles(pie>  ;    le    fin-    (I IS('>e    de   (lolli.i    li;illi;illl     i.'i    |('L;ciidc    de    -.;iinl 

(  icor^cs.  cl    hi    Inirpc  (In    l,dii\  rc     n"    li(i.   rep.    :in  c;d.  .  M.ii^cexnil  là.  à 
les    liicii  exMininci^,   des  pi('^ecs  |dns   |nl  ldrcs(pics  (pie  de  \  (■■rihdilciiicnl   Ikhi 

sl\  le.  i-\  r;i  II ^('■rc--  iik' .pour  l;i  plnp;i  ri ,  cl   nidnnincnl-  inliiiiincnl  enricnx 

de  riliNl((irc  de-  ■iiis.   il  >er:iil   e\ce-~-i  1' d  y  \  dir  des   (C||\  re>  d'il  II  ,irl   (iri- 

lillial   cl    (■.■ipllldc    elicdre  de  se  rciioiiv  clcl^. 


Kk;.  53IJ.  -  Lcled  creclii'i-'s  (IIu.'K  (le  IS..nl.-.ni\ 

\  a[\'c  de  boite  à  iiûinic. 
Ail  IVdiiiai.-  lie  JK  prcTiiiiTC  nidilic  du  \n    ~ii  ilc 

(Sniilli-Kcnsinstoji  I 


T.    II.    —    l'i."( 


498  HlSTOIRh;  DE  L'ART 


LES    IVOIRES     ETRANGERS 

L;i  (|lli'slinn  lie  l:i  li;ilinii;iliir'  ilrs  i\()irr>  (■^l  r\l  n'-iilriiiciil  ili'liriilc. 
lui  \(Til(''.  il  |i:ii';nl  l'i  jn'ii  |irrs  crrlain  ;iii juiinriiiii  (|iir  l';iiis  m  :i  ('•h'  l'iiii 
(les  |)l'itici|i,lll\  crlillr>,  t\f  |ilnilllili()li.  silidll  Ir  |  ili  lir  i  |  i,i  I  ;  lc<  ri>iu|ilc> 
siiilKiIcllI  (le  iKiIllIirriiM'S  |iirccs  i|ili'  1rs  i^|-;iiiils  sci^iiciiis  ri  les  <'l  r;illi;crs 
llu'lLlf  V  ;i<-(|uirirlil  ;  les  liiolill  liiclll  s  (|lli  Slllisisi  rlil  lir  Sun!  (|llr  Ir  rrllrj  ilr 
l'iU'l  ilrs  iiiKiyirrs  ri  ilr>  lii  I  ni;il  iirisl  rs  rr;ill(;;iis.  ri  1rs  si'TJrs  (|iir  iiiiiis 
avons  |iii  (■■hililii-,  la  ni  dans  1rs  i\  oirrs  |-rlii;irii\  (|ur  dans  1rs  i\  nirrs  ri\  ils. 
ntins  srinidrid  s(  Irnir  assr/.  piinr  ([uOn  n  y  |inissr  L;in''i'r  aihnrilir  la 
prrsrnrr  dr  niodrii's  d'origines  diverses,  il  rsl  l'viilrnl  |ionrhini  (|iir  la 
l-rancr  n  a  |ias  ('-li'-  srnie  à  Iravailler  l'iviiire.  el  l'on  ne  sani'ail  iinat;inri' 
(|ne  laid  t\t'  pirces  |iorl(''es  snr  les  in\  rnlaiirs  à  l'cd  raiiLiei',  en  .\ntilelen'e, 
en  Italieel  ailleurs.  Inssenl  lonles  des  pièers  d'iin|iorlalion.  l 'onr  (|nrl(|nrs 
inoi'ceanx.  la  ehosr.  il  rsl  \rai.  va  i\f  soi.  ri  nid  nr  saiirail  doiilrr  (|nr 
la  \  irrii'r  dn  lii'sor  Af  l'isr  n  a|)|iarl  iriinr  à  l'/'i-olr  jiisanr.  roninir  Ir 
di|il\  (|nr  |iorlanl  1rs  arinrs  i\r  (  Irandisoii .  (''v  ('iinr  d'l{\rlrr,  rsl  assin/'iiinil 
aniilais  :  Ir  sixlr  t\i'  ers  pirrrs  di'^rrlr  Ir  nr  onuinr .  SridrnirnI.  ililiniiiirnl 
rares  sont  les  inomiinenls  qui  pemcid  rece\<)ir  dès  l'aliord  Inir  i''li(jiirllo, 
et  dans  la  plupart  des  ivoires,  il  l'anl  liien  le  reroiinai'lre.  le  caiaclère  natio- 
nal esl  liraiiroiip  I  rop  mal  dr'lrrinin/'  polir  ipiil  soit  jiossiblr  t\i'  Iriir  assi- 
ii'nrr  nnr  palrn'.  \:\  fc  tpii  aiii;iiieiile  la  diriienllé.  e'esl  tpie  ren.\  ipi'on 
liriil  d'ordinairr  poiii'  ('-Iraniiris  oui  a\rr  1rs  |iircivs  d'ori^inr  l'raiiraisr  une 
parrnl<''  d  inspiralioli  ri  ilr  j'aidiirr  \  ('•rilaldrinrnl  rra|ipaiilr;  drs  n'uvres 
soni  e\pos(''es  dans  les  inusr'es  ipi'iin  lii'id  pour  ilalieiines.  allemandes  on 
anglaises,  sans  (|ne  les  raisons  ipii  didermineiil  relie  classilicalion  aieni 
jamais  v\v  donn(''es  a\i'r  nnr  pn''cision  ronv  ainranir.  Nous  croyons  (pir 
iir,anroil|i  dr  rrs  pirrrs  doivriil  idre  irndiirs  à  la  l'i'ancr  ri  ipir.  poiil'  1rs 
aiil  rrs,  il  i'aid  admrltrr  ipirllrs  sont  des  imilaiions  d'oiiv  raines  l'raneais. 
L'art  de  l'ivoirii'i' a  été  pendant  loul  le  xiv'  siècde  nn  arl  dimilalion:  li^s 
alidiers  parisiens  se  sont  imités  les  uns  les  autres,  les  aleliers  provin- 
ciaux, s'il  l'ii  a  rxisié,  oui  du  imiter  les  ateliers  parisiens  ;  (|noi  d'idonnanl 
que  rélrani!,er  1rs  ait  imiti-s  lui  aussi,  si  l'on  songe  surloni  an  loinlain 
rayonnement  d'art  du  Paris  de  (lliarles  \'?  Seulement,  il  nous  païadrail 
sin^ulirrrmrnl  l(''nn''rairr  df  (dirrtdier  à  d('derminer  ces  imilalions  (d  lan- 
ières el  à  les  dislingiu'r  des  imilalions  IVancaises.  Nous  ne  l'avons  jias 
l'ail ,  l'enlrejnise  nous  semblant  irréalisalde  :  loulel'ois.  l'examen  des  i\  oires 
certainement  étrangers  et  quelques  considérations  tirées  de  ri'diide  de  la 
sculpture  monumentale  nous  permettront  peut-être  de  préciser  an  moins 
certaines  données  de  ce  délical  prohlème. 


LES  IVOir.KS  (lOTMlOUKS 


S'Jfl 


/./-.s  I  I.AMUih's.  —  (  )iic  les  |-'l;Hitli-cs  luciil  hiillc  do  i\()ii-cs  au  \iv"'  sir- 
clc.  il  (•>!  Iirs  \  i-aisriiilil.\lilr.  l'iiiir  s'a|i]ir()\  isiiimicr  ><iii\riil  à  l'ai'is,  des 
coins  aussi  s(iiii|il  ui'Usrs  (|ur  ccllr  de  IMnli|)|ic  Ir  Mardi.  du<-  de  l'our- 
goglli',  n'eu  dr\  aicîil  pas  iiiuiiis  a\(iiià  liruiirs  nu  à  liiiixrllr^  dr>  rniii- 
nisscurs  de  -  lalilraiix  cloaiis  ■<  ou  dr  uilroirs;  U(Mis  saxons  d  ailleurs  non 
SL'ulciuriil  i|ur  le  duc  rc'<'c\  ail  diroclciiionl  des  dcids  dV'l(''|iliaiils  i  I  TiS,"!  i, 
mais  au  iihmiic  mou  irai  les  an  iii\  es  de  Toui'uai  nous  cil  eu!  un  -  lailieiii-  de 
\\ore.  l'iiuail  Anlicrl  ••  ;  nous  connaissons  aussi  un  cerlain  .l(dian  l'ul/,  de 
Lille  I  nri'J-r»).  el  sans  doulc  n'éliuenl-il.s  pas  .seuls  à  ou\  rer  de  leur  miHier 
dans  les  l'iaudros.  (lependanl,  si  \ersle  xv"  siècle  (ui  a  pu  di''in("'ler  dans 
ccilaiiis  i\  (lires  une  \  aiziie  innuence  llamande  >  cal .  <lu  Lon\  re,  u"  I  M  ,  elc.  I, 
nous  lu'  \(i\(Uis  pas  (pu'  jamais  aucune  o'u\re  du  |dein  \i\'  .  à  la  dale  de 
la  llorais(ui  ilii  nii'lier.  ail  (''li''  ail  rilui(''e  à  des  alcjiers  llaïuauds.  |-!l  la  rai- 
son en  esl  peul-<dre  assez,  simple.  .\(uis  a\oii>  iiKuilri'  naguère  ipie  la 
seuljilure  mnniimenlale  ipii  se  l'aisail  eu  Idaudre  au  mm'  cl  au  \i\'  sièile 
(■'lail  iKUi  seidemciil  d'i  iispi  rai  ion  l'raïKMise.  mais  de  l'aclure  IVaiicaise 
aussi,  ^i  liieii  (prenire  une  slaliie  d  -\n\ers  ou  de  I  irlemiuil  el  un  luoiin- 
nieiil  pai'isi<'n.  il  n  \  a\ail  guère  de  dinV'reiicc  appn''<ialde  ;  on  jieiil  croii'e 
(pie  les  arl  >  niineills  axaieill  slllu  la  niiMue  inllllence  el  ipie  les  i\()irie!'S 
llaiiiands  I  ia\  aillaienl  .  eux  ans>i.à  la  iiiocle  de  Paris.  (  )ii  ils  aieiil  d(Uic 
l'ail  des  slal  ilel  les.  des  dipi  \(pies.  des  miroirs,  il  se  peill  :  seuleiuenl ,  eX(''- 
culés  dans  le  si  \  le  des  prodii  il  s  parisiens,  nous  ne  sa\  (Uis  plus  aiijourd'liui 
les  di>lini;iier.  cl  indre  d'il  n Csl  pas  capalde  de  >aisii'  la  dinV'rence.  s'il  y 
en  a  une.  enirc  le>  pi(''ces  exi''cill(''es  dans  leurs  l-^lal  s  piuir  un  Liuiisde 
.Maie  ou  un  l'Iiilippe  le  Hardi,  el  les  ou \  rages  similaires  ipie  r(Ui  l'aisail  à 
l'aris  piuir  ( '.liaiies  \   el    la  ciuirde  France. 

/    1/ /  /  1/ I'.  \/: .  l'iuir  I '.Mleuiagne,  des  ('-riidils  de  grande  \  aleiironl 

cru  poiiNoir.  ce^  deriiii''res  aiiii(''es.  lui  coii>liluer  une  ('■cide  dixinriers 
golliicpies:  le  calalogiie  du  miis(''ede  Itcrliii  allriliue  à  I  arl  alleiuand  \iiigl 
i\i)ire--el  r(''ceuinieill  .  à  la  siiile  de  rex|iosil  ioii  de  I  »llsse|d(  uf.  le  prol'es- 
seiir  (  '.leiiien  de  ui  liai  I  aux  alelieis  rlH''iians  une  imporlance  Ion  le  ikuim'IIc. 
Va  cerles.  I  Aliemagiie  a\ail  pos>(''d('-  à  r(''po(pie  riniiani'.  dans  la  r(''gion  du 

llllil laniuieill  .  di's  cenires  de  faliricalioil    d'i\iure>    sillglllii''reilienl     llo- 

ri-~saiils  (pii.  ceiil  ciinpiaiilc  ou  deux  ceiils  ans  plus  lard  p(Hi\aieiil  sulisis- 
ler  encore,  (tue  la  \  ierge  du  Xlll'  si(''cle  de  lierlili  11  |-JI)  .  soil  alleiiiaude. 
saxonne  un'' Il  le.  comme  le  \  cul  le  calalogiie.  nous  ll  \  colll  redix  Uls  poilll  : 
s(Ui  l>pe  a>se/,  |iarl  iciil  ier.  a\i'c  sa  Ik  uiIk  unie  sérieuse  cl  sa  gravih''  \]\]  peu 
liuirde.  lie  se  reiic(Uilre  i:iii''re  dans  l'arl  rrani;ais.  el  rien  ne  s'oppo-,e  à  ce 
ipi(Ul  \  l'ccoliliaisse  une  (eil\re  geriuaiii(pie.  ^  oils  ad  liiel  I  olis  \(d(Uilier> 
aussi  l'origine  allemande  de  la  \  ierge  du  xi\  sii''(de(ir  l."7  :  elle  l'ail 
pai'lie  d'un  gnuipe  aisi''  à  d(''leriiliner.  (l(Uil  le  I  r(''siu-  de  la  cal  iH'drale  de 
Miiiisler  en    W'csiplialie  cl    raiicicnne  c(dleclion  S|iil/,er  enire  aiilres    cal. 


500  IIISTOllîK  Dli  I.AP.T 

I.  I.  h"  lO'.l  ;illi'.  ;i  l'Hs|);iL;-ni')  offrent  des  cxeiiijilnircs  Irès  l\|ii(|nrs.  Il  en 
\;i  (Ir  iiK'iiic  lie  (livi'i-s  ixdircs  (lu  w'  sirclc,  coiiiiue  les  curieux  ciilices  (lu 
iiK'iiii'  lr(''>(>i' (le  Muiislcr.  si  i)r(>f(Hi(l(''iiieiil  seuililablcs  aux  scnl|itures  en 
liiiis  (le  (■(•Ile  i(''L;i()n.  el  nous  savons  d'ailleurs  qu'un  ivoiriei-  alleni;uul, 
Johann  !  Ieiiiii(di,  (''hiil  (•('■lèbre  vers  \'h)l  et  iravaillait.  en  Ilalie.  'l'iMiJes  ces 
pièces  soni  lr(''s  nelleineni  caracl(''i'is(''es  :  an  conlraire.  pour  d'anlrcs,  nous 
ne  pou\ons  eonipicndre  ce  (piOn  y  \ oil  d'alleinand.  nolanuneid  Icn  \  icri^cs 
de  (lolog'ne  (  Mins(''e  \\'allral'-lii(diarl/.  ,  de  Mnnslcr  Miis(''e  (■■pise(i|ial .  rep. 
C.lenHMi.  Aiisslclhiini  :ii  hiissi'hlorf  |!)(l'_>.  p.  Idi  cl  de  Munich  (re|(.  avec  le 
i-clahlc  pcin!  oi'i  elle  a  (M'  aj()nl(''c.  Zcil.  /.  chrhl.  Kunsl.  100.1.  p.  l!),')).  Sans 
doiilc  nous  n'en  connaissons  pas  en  France  d'absolument  identiipies;  il  n'y 
eu  a,  on  le  sait,  (|ue  bien  peu  qui  se  copient  ti-ait  pour  trait  ;  mais  l'expres- 
sion du  \isai<'e,  l'attitude,  les  draperies  sont  exactement  celles  que  nt)us 
a\ons  rencoidr(''es  chez  nous  dans  lanl  d'onvraiics  ([ui  nous  ap|iai'liennent 
('•\  idennncnl .  d  nous  ne  d(M-on\roiis  pas  ce  (pii,  en  l'absence  de  prciiNcs 
(_locunienlaires.  pcnl    les  l'aire  |iasscr  jiour  évidemmcid  allemandes. 

I<]st-ce  à  dire  (|ue  nous  niions  l'existence  d"auti-es  abdiers  d'i\ dii-iers 
allemands  (pu'  les  (piebpies-uns  {\\\v   nous   a\dns  notés '.'  Non   |i(iiid:  mai> 
ici    encore    nons   ci'oyons  tpie  les  modes  de  Paris  ont  détcrnnn(''  le  slyle 
des  ladleuis  d'i\()ire  et  que  Ijcaucoup  de  ceux  d'Allemagne  en  ('laienl  pro- 
lon(l(''meid  iniluencés.  Les  archéologues  allemands  ont  consacré,  ces  der- 
ni('i('s  années,  des  soins  minutieux  el  des  efTorts  considérables  à  démon- 
Irei-  la  |iarl   (pi"a\ail   eue  l'arl    ri-an(;ais  dans  la  formation  de  la  scnipl  iii'c 
g('rin;nn(pie  A\\    mu'    si(''(de  ;    ils   n'oni    g-i.u"'re   porlé   leur  atlenlion    sur  le 
xiv"'   siècle,  mais  à  ce  moment  le  rayonnemeni   de  noire  cnll  nre  ai'l  isli(|in' 
n'a    pas  v\v   moindre   :   la    r(''i;ion   du    lîhiii   n(dannuent   en  a  (■■!('•  prorond(''- 
menl   loihdi(''e.  cl   la   scidplni-e   momimeidale  l'oninirail    ais(''nH'nl   de  noiu- 
br(■n^^e^  |iren\es    de  celle   \(''|-it(''.    A   ('.(dognc.  Saillle-l   l'Slde,  Sainte-Marie 
(In   (laitilole  cl    le  mns(''e;  Xanleii  pins   au  nord.  ()bei-\\es(d  an  sud.  el .  en 
\\  (■>!  plialie   iiK'ane,    Scliondiei-g  el   1  ler/.(d(ro(dv   poss(''(leid    (le>  \  icrgc^   ou 
d'anlres  ^laliU's  dans  le  style  l'|-an(;ais.  Si  les  imagiers  (ud  snbi  l'inllnem-e 
des  nnides  de    France,  comment  les  i\oiriersy  anraienl-ils  (■'chapp('' ?  (  a.'s 
petils    (d)iels  (daient    (.Inii   ti'anspoi-l    singnli(''remenl    ais(''   el    les    alidici's 
n'axaient   pas  à  s'ing(''nier  pour   lron\(.'r    de,^   mo(l('des    an   gonl   A\\   joni-. 
(lu'ils  aient  aionl(''  à  ces  mo(l('des,   en    le>.  innianl.  cei'Iains   IraiK  de  leui' 
l'a(;on.  (pi  il>  en  aieid  par  exenqde  acccnlin''  le  main('-i'isnH',  il  cnI  poNsible; 
seulemeid     il   m'  pai'ad  pa^  (pie  ces  li'ail>  aient   pn  encoi'c  ('■li-e  (l('denuin('-> 
nelleuM'ul,    cl    comme    le    mani(''riMuc    e.->t    e>sentiel    à    l'art    l'i-an(;aiN    du 
Mv'  siècle  el  ne  peul  gnère  être  ponNS(''  pins  loin  i[\\v  dans  certains  monu- 
ments évideimnent    fi'ani^ais,    nons    w  \(.)yonspas  (pi  il    soil    |io>>ildc  de 
distinguer  les  imitations  allemandes  des  originaux.  Onand    on  aura  ('labli 
snremeni    (pie  les  rap|iorls    (h;  la  \  iergc  d'ivoii-e  du  musée  (''piscopal   de 


i.i:s  i\()ii;i:s  coriiioUKS 


Mnii>liT  xiiil    |ilii>    i'lr(iil>    .-ivcc  les   iiioiumiciils  dr    l;i   yiMiidi'   >riil|il  iiri' 
rliiMiaiir  ri)iilciii|Mi|-;iiiir  i|ii',i\  n-  criix  (le    hi   >ciil|ilnn'    IV;ilii;:i  i^i'.    cl    ipioii 

nous   MllIM    lll(illlr('  en  i|llui   le   liiiiliii'lis lu    ili|il\  ipir   lill   l.(ill\  l'c     11"   ll'.l, 

i-c|i.  Mdiillirr.  |i.  •.'()!  (lillV-i-i'  du  iii:iiiii'Ti>.iiir  ^U-  liinl  di' di|il  \  i|iir>  IV.i li(;;ii> 
hi  l'AllliiiMiii  de  lu  \  ici'L;v  y  csl  idcilli(|iir  l'i  rrllc  du  i^riUid  di|il\i|lli'  de  l:i 
l'iis^ion  ;in  uiusi't  dr  l>ijiiii.  n"  I  ."iT)  I  .  deuil  nul  in' roiilcsic  hi  luil  iuiudili'' 
riiui<':M--i'  .  ihuis  les  licndroiis  nlors  |miui-  :dliiii:inds  :  nniis  il  iir  luuis 
MUiiMr  |Kis  i|iir  I  (in  iiil  ius(|u'iri  suriisninuH'iil  |u-(''cis(''  ce  (|u  il  \  :iiil';iil 
d'alk'UHind  d;ins  ces  nio- 
luiiiieiils  |)iiiir  (|ui;  (■clic 
(•(Ui\  iclioii   soit  (>l;d)li('. 

i.AXiUJi  i:niii-:.  —  Il 
scnililiTidl  (|uc.  iMUirl' \n- 
^Iclrri'i'.  dunl  la  sculjituri' 
es!  si  mal  (■(iiiiuic,  roiiscu- 
ril(''  dùl  (M  rr  plus  lu-oluiulc 
l'iicorc  ;  II'  hasard  nous  a 
(•()iiser\(''  [Hiurlanl  (|ucl- 
(JIU'S  j)i('C('s  (•(■liaincnicnl 
aniïlaiscs  (|ui  runnrnl  un 
i;i'()U|ir  lrr>  dislincl  ri 
di)i\  rnl  nnu>  (''rlairrr  sur 
Ir  si  \  Ir  drs  i\  (lirrs  dr  i-i- 
pays.  (  '.  r.sl  un  I  ripi  \  ipir 
t\u  lîrilisli  Musriiin  rrp. 
dans  (  '.u>l..  p.  I  "i."  ri  un 
dipl  \  ipir  di\  |s(''  rnl  ir  Ir 
lUiUlir  |||U>(''r  rrp.  Mas- 
krll,     p.    Ill'i     ri    I,'    j.iuiMr 

11'     i'J'J.     rrp.      .M(diiiirr. 

p.  ]'.)!>.  ()rn('>  t\i'  rciM',-.  rniM(''iiial  iipirs  ri  (IYm-iis  ipii  siuil  aii\  ariiir^  dr 
(  liandisun,  l'M-ipir  d'IvNrIrr  I  Ti-JT- 1 -'li!»  .  La  iiiaiiirlr  lUi  rsl  Inii  dlIlV-irlilr 
dr  rrllc  drs  i\  iui-r>  rran(;ai>  rcuilriiip(U-aill>  :  a\rr  |rm>  \  isai;r>  IdiiiiS  ri 
cra\  rN.  a\  rr  lriir>  arr  h  il  rcl  iirr-,  à  arrniadrs  priuiial  iir(''rs.  si  srnihlahlrs 
à  ccllo  de-,  calln'dl-alrs  anulaisrs.  ils  siuil  In''-  caiar  h'ri^l  iipir>  ri  luii 
a  pu  jiisiriiiriil  lalhudirr  aux  iimmiics  airliris  un  aiilii'  iliplxipir  culi.  Sal 
lini;.  rc|i.  ( '.al .  Spil/.cr,  ii  '  I  jll.  p.  II!  de  la  \  icriic  cl  du  (:iii'i-.l.  en  I  rcV 
liaiil  relief  >iiii>  de>  arcaliirc-.  doiil  l'opril  c>l  analuL;iii'.  < '.e.-,  picco  xuil 
de  liiilile  allure  ri  diiniirnl  Ulir  I  1rs  liaillr  iil(''r  dr  l'arl  dr>  i\(Urir|-> 
i:(illiiipir,s  dWiiLlIrlrni- :  >rillriiiriil  idirs  .-,(inl  li-(Us.l(Mll  liirli  ra  Ir  uli'.  l'I . 
rdininr  1rs  i\iiirr>  ('■lairnl  iKunlH-riix  dans  |r^  iri'xirs  do  (''lili-rs  aimiaisrs 
du     nHi\rii     àli'e   —    les    ill\  enlaires     le    pnuixelll.  (ill     a     pn-lendll    leiii- 


;>o-2 


IIISTOIIIK  liK  I.AI'.T 


aiiiii'xcr  Idiilr  une  f-rric  dd'iiN  ics  doiil  le  ciirjiclri  r  iiiii;hiis  u'csl,  à  noire 
sens,  lien  iiKiiiis  (|ii'r\  idciil .  Crsl  Miiskcll  (|iii.  il;Mis  su  piTlafC  ml  C.alii- 
I()o-iic  (les  ivoires  (In  Scnil  li-i\ensiin;ion,  :i .  l'nn  des  |ireniicrs,  essnyé  nn 
dé|i:ii-|,  el  i;i:'ice  à  lui.  \  i<Ti;cs.  Noielsde  dipl  \  «|nes  el  |ilil(]lielles  uni  éU' 
lia|ilisés  ;nii;l.-iis;  lonlefois  lions  avons  en  \aiii  (dierclié  les  raisons  (|ni 
(Ml!  déliTiiiiiH''  le  choix  de  lanleni-.  I>a  i;ra\  ilé  du  visage  dans  les  sla- 
Inelles  el.  dans  les  |dai|iies.  la  |nV'seii(e  di>  cei-laines  rosaces  a|>|di(|née's 
aux  iiKMiliires  |iaraissenl  iMre  à  |ieii  |irès  les  seules:  mais  les  rosaces 
apiiaraisseiil  dans  (iiiaiililé  d'ivoires  IVaneais.  dans  lieaneoii|i  de  >enl- 
plnres  de  |iierre  éi;aleinenl ,  el  (|iiaiil  à  la  i;ra\ilé  de  rex]nvssion.  on 
aeeordera  (|iie   nos  \'ieri;es  ne  son!    |ias    lonles   souriantes  el    eo(|uelles  : 

|, '(iiioi    les  j.dies  slalnelles  (!<■  Keusini^lon  l'Jdl,  'J()^2,  '201,  'J()7-(i7i  soiil^ 

elles  anglaises?  on  Ironverail  eu  l'^rauce  leni's  é(iuivalenls.  l'oiin|iioi  le 
di|>l\(iue  2(i7-7l  el  le  •2."!l-()7?  Leurs  lililires  en  1res  joli  relierd  rixileiiienl 
des  |ierso!iiiai;es  les  uns  des  aulres  solll  iMl  elTel  rares  dans  les  isoii'i'^ 
IVaneais;  mais  |iour(|uoi  seraienl-ils  ani;lais.'  |ioiii(|iioi  les  \al\es  de  lioile 
à  miroir  lii;iiianl  lliioii  de  l'.ordeaux  joiianl  aux  éeliees.  n"  -l-lTt-iu  el  la 
('.oiiversali(Ui  yalaiile  du  miiséi'  d(  IxIoimI?  ()n'y  a-l-il  de  eomniiin  en  Ire  ces 
nioiceailX  el    le  i;idll|ie  aux  armes  de    (  iraildiMHl  (|ui    doil    T'he    la    pierre  de 

loiielie.'  M.  I''..  Molinier  a  son;^é  plus  réeeiiimeul  à  donnera  I  Aiiulelerre 
celle    si'l'ii'    de   pièces   à   jour    de    rcxirèliie    llll  du  \l\'   siècle  i  u'i  noilsaxolis 

VU.  dans  les  co>l es  plus  exaclemciil    (diser\(''S  des  soldais  assislanl  à  la 

Passion,  c(Miiliie  une  sorle  i\c  leulali\i'  <les  ivoiricrs  rran(;ais  de  prendre 
pari  au  iiioin  eiiienl  n''alislc  ipii  dès  lors  emporlail  la  sciilplureel  la  uiiiiia- 
Inre;  il  \  l'andrail  joindre  alors  le  lieaii  panneau  du  Soulli-Kensini;lon . 
avec  le  Clirisl  eiilre  sain!  l'ierre  el  sailli  l'aiil  n"  '.' I  ."-(i,"i.  re|i.  dans 
.Maskell.  p.  l"i  .  cl  aussi  la  série  des  pcrs( m iia^vs  eu  demi-ri'lier  provenani 
di'  relalilcs  de  la  l'assioii,  ipie  Icui  a  ra|i|n'ocli('s  un  peu  arliilrairemeul 
di's  liiiiircs  des  panneaux  d'alliàlrc  coulemporaiiis  allriliiiés  aiijourd'lini  a 
rAlli:lclcrrc  ;  mais  ce  soûl  là  des  li\  pollièscs.  l'I  poil  r  le  un  uiienl  mnis  ne 
piunoiis  leiiir  pour  eerlaineuicnl  anglais  (pie  le  i;roupe  des  ixoircsaux 
armes  de  r(''\(''(pie  d'Ivxelci'. 

/  7  -/■  u.  \/..  H  n'y  a  ti'uère  à  insisler  sur  rMspati'ue,  d(Uil  l'admira  Me 
(■■(•(de  d'ixcMriers  aralies  iic  parai!  a\oir  eu  aucune  iulliiciicc  sur  larl 
^■olliiipic;  |ias  un  ivoire  relii.;ieiix  du  xiiT'  si(''clc  ou  du  xi\'  ne  peiil  ('•Ire 
sùremeul  alIriliiK'-  à  un  alelier  espai;ii(d.  cl  si  l'on  a  lra\aill(''  I  i\oire  à 
ce  momciil  dans  les  paii  ies  clir(''l  iciines  de  la  p('iiiiisiilc.  ce  (pli  csl  \rai- 
scmlilalde.  la  scnlpliire  moniimenl  aie.  (pii  csl  d'iiispiral  i(Hi  loule  frainjaisc. 
n(Mis  l'erail  cr(nre  (pic  c'esl  dans  le  slyle  rraii(;ais  aussi  (pi'(Mil  "  licsoiiin''  « 
les  ivoiricrs.  Les  (|uel(pn's  rares  ivoires  e(mserv('-s  encore  eu  l">spatiiic. 
les  \  icr-es  des  calllèd|-ales  de'r(dè(lc  cl  de  Sèvillc.  celle  du  musée  de 
Lii'on,   les   diplycpics   de   TLscui-ial   cl    du    miisi'-c   de    Madrid.    l'Assaiil    du 


i.i:s  iNdiRKs  (loriiiotiiis 


505 


(  llirilriiii  <l'.\lii()ll|-  lie    l;i  cdlliTl  ion    l'ix'ii  nri;i  nu.  ;i|  i|  i:ill  iiMilirnl   à  i  les  si'M'irs 
IV;ilhMi->c,s  |i;iiT:iilrnirnl   i  li'l  rnn  i  m'-o. 

I  IIMIi:.  I.ll.ilic   :iii    (-(Mil  |-;iirr    :i    I  r.i  \  ,i  il  l(-    i'i\uiri-    ri     miiIchiI    Ic^ 

llllll  irri's  ;iii;iI()l:iii'^.  Irllcs  (|iir  l'os  uil  lii  (li'iil  d'il  i  1 1|  lo]  lul  ;iilir.  i  le  r;ic(in 
;ili->iilunirnl  nriLiin.'ilc.  I,  ;ilrlirr  NiMlilicn  ilr>  iMiilirilli-lii  r>l  Ilirii  ciiniin.  cl 
rii'ii  (le  |iliis  ,iis('  (|iic  iliMi  (IinI  iiiiiiicr  les  |inMliiil  >  ;  |iuiiil  ,inl .  ;i\:iiil  il'rii 
\riiir  ,i  lui.  il  l'^inl  inilcr  (|nc  ilo  i\iiirrs  irniic  siiiiiiiliriT  ImmuN''  cl  demi  le-- 
inuilrlrN  n'iAisIcnl  {loinl  ;iilliMir.^  cnil  <''l(''  l'iiils 
rn  ll.ilir  ilr^  le  Mil'  >irclr.  Si  le  I  iuii>m'i|||  i  n  (le 
M'Ilc  lin  Liiiisir  lii^niMiil  ili'>  eus  iilirrs  ciiiii- 
li.'ilhinl  II"  .'l'J.  rr|i.  .M  oliiiiiT.  |il.  will  i';i{i|ii'llr  ^K/v<i 
rncDlT  |i:ir  les  riiiiT;ill\  ilr  >:i  liorillllT  I  ;ill 
riiiiniii  iri'",N|i;in  nr.  (■■\  iilciiinicnl  cuniiii  m  Sirilr 
iliiii  le  iniircc'in  |Kir,-iil  |>r(i\  riiii-,  riinim  lit;ii- 
liilll  (lr>  .Vlilii/nlirs  illl  llMMIlr  IIIIIm't  n"  Till.  rc|i. 
;iu  ('.;il.M'sl  |i:ilT,illr|llriil  uiii^iinil  ri  iic|iriil  M' 
c'oiii|i:il'i'i'.  |i;ii'  II'  si'iiliiiii'iil  ,'iiil  ii{iii'  <{iii  I  lin  uni'. 
(|n  jiiix  iriu  rcs  (Ir  X !<•(■( )l(>  l'is.-iiin.  !  )('  iiiiMiii'  l;i 
Niri-,.  lin  Ji'rM.r  ilr  l;i  nillirilr.ili'ilri'isi'.  iillli- 
liih'i'  ;'i  (ii(i\:iii!ii  l'isiiliii,  r>l  liiiij  h  i'iiil  r.i  i:irl  i'- 
li>lii|nr  (Ir  r.lll  ili'  ce  lll.iilri'.  ri  rlli'  lliMls  llloll- 
lir  une  l'ois  ilr  |iIms  les  liens  ({lli  llllisselil  les 
I  .illleiiis  (l'ivolie  el  les  illl.'liiiei'S.  i'ill  \i''lili''. 
lie:inroii|i  île  |il.ii|lli'll  es  lll(''(lioiTes.  ;in\  .iiclii- 
leel  iiicn  l;()I  lui  I  Iles  nnil  coin  [irises,  lli  iisi  (|  ne  (les 

el'osses    lolllile>    el    slllis    L;r;\ce      eoll.    SllIlillL; cl 

i;;i>ile\\>ky.   Il     111!)  lin  e:il.   !  »;ireel .  ele.   .  |.:ii:iis- 

seiil    CAvi-  siiilies   (l'iilelieis   iniliisl  riels   il.ilieiis 

(lu   \i\'    si(''i'le,    [leiil -(~'l  re   :iii>>i    ile-^    i  nii  1 .1 1  ions         n',',,,',.'',!., 

(I  I  \  c  Jire-.  rniiieiii-^.  (Iiriieileiiieiil  reeoiin;ilss;ililes  ,  ''1"  ^'V  ""1','' . 

.■III  |oni'il  lini  ;   ;iii-^si  Ineii  ilés  lors,  el   (|iioi(|iie  le  riivv,,,- .1.- I,.  iiiiii.jiMir  ,!,•  l'is,-.) 

Iri|il\(|iie    lin     l,ou\re      n'    Ml.    rep.    Molinier. 

|il.   \\l      livnr.inl   ile>  >e(''iie>   île  hi    \ie  de  l;i   \  ieri^e  el    nue   S(''l'ie  de  |il;ii|nes 

de  eoll'reU   ,i\  ee  ili'N  '!'riolil|ilies      Lon\  re.    Il  '    I  1  II.   ri'|i.    ;ill    ('.;il.:    eoll.    (!;ir- 

r;iiid.   re|i.    les     l/-/,s-.  aonl     l'.ldi.   |i.  l' I  .  el  e;illi.    de    (ii';il/.     |iroii\eiil  ipie    les 

i\  oirier>  ihilieiis  eiin>er\  èrelil    jusipi':'!   I;i    lin  du    \\'    sic'-ele    I  oui  e  leur  liiiln- 

|el(''.   hi   liiode  (''hiil    Jlillelirs  :   l'illelier  des   l'ilill  iriliel  I  i   ri''|i:i  11(1,1  i  I    ,-ill  loin  illills 

le  monde  -,i'>  I  ri|il  \  i|iies,   se>  eoll'rels  el    ses  miroirs  en   o-.. 

Une  de-,  |n(''e('>  som|  il  lieilso  el  de  Mr.ind  ell'el  soieill  >orlies  de  celle 
oriiciiie,  (|n  lin  r,ii-,eiir  dMlTiiircs  d  Origine  i^i'iioisc  cl  ,i|i|i;ireiili'  ,'i  lloreiicc 
;i\;iil  l'hdilie  ;'i  l;i  lin  du  \i\'  si(''cle  ;'i  \  cuise,  on  ne  s;iiir:iil  le  nier  :  le 
ii-r;iiid     rcl.ilde    de    I ':i liliiiye    de     l'oi>s\     coin  111:1  nd('    |i:ir    le     due    de    lîcrri 


:.û4 


llisidii;!.  m;  I    \i',T 


(  Loin  rc.  Il"  lll'.rnixdr  l;i  (  lollrrl  ion  I 'irr|i(illl-.Mnrj^;iil .  prox  riijiill  .  (lil- 
nii.  ilr  r;ilil,:i\c  (le  C.lilli)  <•!  ilrl;i  (  ;li:irl  relise  de  l';i\ie,  les  riMmilieill  s 
lie  ImIiiiIs  (In  mr^liie  coiiveiil  ;iii  joiii'd'Ii  II  i  ;'i  l;i  Cusii  ( '.AiXWiAw  lM\\;t\i  ,1e 
|ir(Mi\enl  lisse/.,  sinon  k'S  deux  rehihles  du  iiiils(''e  de  (lliiiix  i|iii  ,-iiir;iieiil 
;i|i|i,-ii-|enu  au  duc   de  Bourgo<>-ne  >  n'"    KIT'J  el    |(IN()  .    Toulefois  le  proei^'d/- 


niiMiie  eu  usan-c  dans  l'alelier.  reiii|i|()l  de  ces  |ieliles  ]ila(|liel  I  es  d'os  co 
\c\es  iii\arialdeiiieill  de  la  iiiiMiie  laille  el  mises  hoiil  à  lioul.  seiidile  si 
i;idièreiiienl  innnolone.  el  la  lieaiih''  de  la  mari|uelerie  doiil  elles  so 
(•Iiari;(''es  ne  l'ail  pas  ouldier  la  médioci-ilé  des  aridiilecl  ui'es  :  de  plus 
nialière,  os  ou  denl  d'iiippopolaine,  est  Iroide  el  ue  peruiel  i;iière  i 
finesses;  eiiliii  jiouî'  ipiolqucs  morceaux  soignés  et  où  les  ligures  de  \iai- 
nieiil  liiui  sixieil  de  noble  dessin  marquent  un  scnlinienl  jtrol'ond,  couiliieii 
ne  soni  (|iie  lie  Faibles  répliques  oîi  la  beaidé  du  Iraxail  el  une  grâce  ualii- 


LES  nuiHES  (iOTIIloUES  r,o;) 

relie  ne  conipenseiil  pas,  cdiiimi'  dans  les  i\oii'es  IVanrais.  l'aliseiice  d  in- 
vention !  Rien  de  plus  fatigant  dans  leur  uniformité  que  ees  triptyijues  à 
sujets  religieux  ou  ces  coffrets  de  mariage,  bien  qu'ils  racontent  parfois 
agréablement  leurs  bistoires  tirées  d'Ovide  ou  des  romans  contemporains. 
Les  selles  dapparal,  d'un  autre  atelier  vénitien  sans  doute,  montreni  des 
formes  gracieuses,  et  le  dessin  des  personnages,  cavaliers  et  dames,  parail 
assez  élégant,  mais  il  est  lourd  aussi,  et  surloul  il  n'y  a  guère  de  bien  à 
dire  de  ces  innombrables  coffrets,  reliquaires  <m  Iriplyques,  provenant 
d'ateliers  soit  [)iémontais,  soit  tyroliens,  dit-(ju,  dont  les  plaquettes  de 
faible  relief  el  violemment  bariolées  sur  leur  fond  guilloclié  imitent  gros- 
sièrement, pour  la  pluparl,  des  graxures  contemporaines;  ils  ene()rnl)reiil 
aujourd'liui  nuisiM's  cl  colleclions  })rivées.  Et  poui'Iant  toule  l'Iùiropi'  s'est 
éprise  de  ce  slyle  ilalien;  les  petites  cours  de  cuilure  i('ceiite,  la  l5olième 
et  la  Hongrie,  n'ont  pas  été  seules  à  s'en  laisser  séduire;  la  France  aussi 
l'a  admiré;  Charles  ^'  et  ses  frères,  les  plus  fins  connaisseurs  d'art  de  leur 
temps,  ont  voulu  ;noir  de  ces  objels  dans  leur  trésor,  ils  en  ont  distribué 
autour  d'eux,  et  l'on  a  jiu  allribuei- à  celle  mode  des  os  ilaliens  le  com- 
mencemenl  de  la  défaveur  des  ivoires  français  et  de  leur  déclin.  Ccs[ 
beaucoup  dire,  el  nous  avons  montré  suflisamment  que,  dès  avanl  la 
vogue  des  produits  de  l'atelier  des  Emliriaclii,  nos  ivoires  s'acbeminaii'nl 
progressivement  vers  une  décadence  qui  ne  pouvait  tarder  à  devenir  irié- 
médiable  ;  pourtant  cette  importation  qui  se  poursui\it  pendant  tout  le 
xv""  siècle  a  son  inip(>rtane(\  et  l'on  ne  saurait  n'en  pas  tenir  eonq^te, 
puisqu'elle  entra  jiour  une  part  dans  le  niou\ement  «l'échanges  artistiques 
entre  les  deux  pays  qui  de\  ait  aboutir  en  l'^rance  à  la  Renaissance. 


liliîLKXiliAl'IllH 


Commerce  et  métier.  —  IlicYii.  Ilistuiie  ilti  cuinine.iri'  du  l.ei'anl  au  niayen  àijc,  U'aiJ. 
l'iiiry  HayiKiiiil.  l.cip/iif.  ISXli,  '2  viil.  in-S";  —  Pigeonneau,  l/istaire  du  commerce  de  la  France. 
t.  I.  Palis,  188.J,  in-.S°.  lîihliograpliic,  p.  "«)5;  —  de  LEsriN.\ssE  et  Ronnakiiot.  Les  mèliers  cl 
corporations  de  ta  l'itle  de  l'aris.  xiii"  siècle;  Le  Livre  des  métiers  d'i'^ticuiic  ll'iilcdu.  Paris, 
1871),  in-i";  —  Ol'IN  I.achoix,  Histoire  des  anciennes  corj>o7-alions  d'arts  et  iticlicrs  et  des  cincfré 
ries  7'eligieuses  de  la  capitale  de  la  Normandie,  Houen,  1850,  in-8". 

Principaux  inventaires:  noms  et  prix.  —  Hiciiaiid.  Matiaut  cunilcssc  d'Artois  ri  de 
Bouri/oi/ne,  Paris,  1887,  in  S-;  —  I,aiiai!TE,  Inventaire  du  motiiticr  de  ('liarics  C  (  |Iim-iiiiiciiIs 
inédits),  Paris,  1879,  in-4";  —  ,1.  Guiii-nEY,  Lwenlaires  du  Jean,  duc  de  tSerrij,  Paris,  1X!).V18'.)U. 
2  vol.  in-X";  —  Dolet  dWhco,  Comptes  de  l'JIdtel  aux  xiv  et  xv«  siictes,  Paris,  18.M,  iii-8"  (Soc. 
Ilist.  de  Fi'ance)  ;  —  Dolet  d'Aiîco.  Nouveau  recueil  de  comptes  de  l'argenterie  des  rois  de 
France,  Paris,  1874,  in-8°  (Soc.  Ilist.  de  France);  —  Doiet  d'.Xrcq,  Choix  de  pièces  du  règne 
de  Charles  VI.  Paris,  ISti'),  2  vol.  in-S"  (Soc.  llisl.  de  l'i-ance);  —  Le  comte  de  Laiîoiîde,  Les 
ducs  de  Bourgogne,  5  vol.  in-8°.  Paris,  I8i9-I8r)2;  —  B.  Pnosr,  Inventaires  moliiliers  des  ducs  de 
Bourgogne,  t.  I  (l.'3(r>-l.J77)  Paris.  190i,  in-8".  —  Deiiaisnes,  Documents  et  crtritits  divers  concer- 
nant i'histùircdc  l'art  dans  la  Flandre,  l'Artois  et  le  llainaut,  Lille,  188U,  in  i°;  —  PiNCnADT, 
Quelques  artistes  et  quelques  artisans  de  Tomiiai  des  xn  .  \\  «t  xvi"  siècles  (Bull,  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  ô'  série,  I.    1\  ,  ii     !•-',  IN^■2l;   —  \<iij-   licaucoup  de    mention:» 

T.  II.   —  01 


50(>  HISTOIRE  DE  L'ART 

d'ivoires  aii\  lin  ciiL-iircs  jniMirs  |i;i|-  iie  Mi:LY  et  Bisiioi'.  Ilihliiiiintjiliic  i/éiirnilc  des  inven- 
liiirrx  impvitiirs.  I';iris,  ISil-J  ISOri.  Ti  vol.  in  S". 

Ouvrages  généraux.  —  I':.mile  MolimioI!.  Itishiire  i/riirndc  (1rs  mis  .ipiitùjm'-rs  à  l'In- 
iliislrif  :  I.  J.fs  Ivviivs.  Paris,   s.   d..  in-4":  —  .\i,ri;i;n  M.askkll,  Jnories,  Loudj'cs,  H)0."),  iii-X"; 

A.  M.  CusT.  The  Ivorv  worUers  of  tlic   iiiidille  ngos  {.llunilbook  of  the  great   Cra/'tsmen, 

Londres,  1002,  in-'l()°):  —  H.w.mond  Koi.ciii.in.  (jiieUjiies  uleliers  rrii'oiricrs  franraifi  aux  xiir  et 
XIV  sirrlf's  (Cd-^i'llc  (les  Beinur-Aris.  lOO").  1.  Il  cl  100(1.  1.  I,  7>  ort.).  —  CounAJOD,  Les  origines 
de  l,'i  Uenaissaiii-e  (I.  Il  dos  l.crons  professées  à  l'École  du  Louvre).  Paris,  lOOI  (p.  05); — WiL- 
i.i.vM  M.vsKEi.i.,  Ivories  anciont  and  media'val  [Svulli.  Kensinglon  Muséum  Art  Ilundbooks), 
Londres,  s.  d.,  in*; —  LAnAnxE,  Histoire  des  arts  industriels,  2"  éd.,  Paris,  1872,  in-4°,  t.  I;  — 
Sir  DiciiY  \Vy.\tt,  Notice  of  sculplurf  in  ivory  (Arundel  Society),  Londres,  1856,  in-i";  — 
ViOLl.ET-LE-Duc,  Diclionnairi-    rnisomié  du  mobilier  frnnrais.  Paris,   1872-1875,  in-8»  {passim); 

—  DE  <',iiENiNEVii;nEs,  Noies  d'iin  ((iiiiiillnioiir  sur  los  s<iil|iletiis  cl  les  sculptures  en  ivoire, 
Amiens,  s.  d..  in-S"  (Kxtrail  dr  lo  l'ir:inlir.  rc\un  lilh-iaiic  cl  sriciilili(iue);  —  Ed.  Oldfield, 
^1  cataloyuc   of  selcrt  e.reiopirs  ir.iri/  i-nrriiojs  frnm  the  scrmol  /..  the  sijteenlh.  century  preserved 

invarious  rollertiiois  (  Ariuidcl  Smid  \  i.  I. Ii'es,  1855,  in-4°.  —  Reproductions  dans  :  Lenor- 

MANT,  Trésor  il<-  niiiiiisiooiiqur  cl  (/(■  filiiiili^iiir^  Recîieil  d'ornements,  2  vol.,  in-fol.  Paris,  ISôe- 
•1859.  _  Rk.oi.lot,  llisloiir  lies  aris  du  ilessîn  avec  atlas,  Pai'is,  1864,  in-S»;  —  Hefnkr- 
Alteneciv.  rnwhleu,  Kunstwerke  uiul  Oeratsrboftn,  des  Mltlrl.iltrrs.  Krancforl-surde-Moin, 
1870-1880,  in-lbl.  (t.  III  et  IV).  elr. 

Catalogues  des  musées.  —  .1.  <  >.  Wkstwood,  .1  descriptive  catalogue  of  Ihe  Fictile  Ivories 
iii  Ihe  South  Kriisiiii/lnii  Muséum.  Londres.  1876,  in-8";  —  Kmile  Molinier,  Musée  national  du 
Louvre.  Ciiliihuiiic  des  Ivoires,  Paris,  s.  d.,  in-8°;  —  Courajod  et  Molinier,  Donation  du 
baron  l'Iunics  liurillier.  Catalogue  des  objets  exposés  au  musée  du  Louvre,  Paris,  1885, gr.  in-8''; 

—  Kijl.  Musccii  :.u  Ilerlin.  Deschreibuiir/  der  Bildwerke  der  christlichen  Epocben,  2.  Auflage. 
Die  'j;ifcuhcniioldircrl:c.  lîcilin.  1002.  iii-lol.  (Y\lbum).  Le  te.\te  de  W.  Voge  publié  sous  le 
iTièniP  lil  rr.  en  100(1.  in  S-;  —  licscri plinn  of  the  ivories  aoeient  and  mediaeval  in  the  South 
Kensinijloii,  Muscuni.  wiUia  pridace  by  William  Maskell,  Londres,  1872,  in-8'';  — Gli  ivori 
dei  Musei  profuuo  c  sucro  dclla  Bibtioteca  Voiicnni.  publicati  dal  Ijaron  Ridolfo  Kanzler, 
Rome.  1005,  in-rol.;  —  Koluloij  des  Bayrischcu  \,ili,.i,ol  Muséums,  t.  VI.  Dos  Mittelalter. 
II.  Golbisclic  Allerthiinier  der  llaiikunst  und  Bildnerei,  von  D' HuGO  Graf,  unter  Milwirkung 
\irn  D'  ll.ii;or  und  Jos.  Al.  Maycr,  Munich,  1896,  in-S";  —  Musées  royaux  des  arts  décoratifs 
cl  induxlcicls  (de  Bruxelles).  Cnlologue  des  ivoires,  des  objets  en  nacre,  en  os  gravé  et  en  cire 
/.(  i/i/r.  par  ,l(]scph  Destrée,  conservateur,  Bruxelles,  1902,  in-8'';  —  D'  G.  Schaefer,  Die 
iJi-uliuHilcc  lier  t'Ifcnheinplastik  des  grossherzoglichen  Muséums  zu  Darmstadt  in  kunstgescliieh- 
lliclu'c  lh(rsiclluuij,  Uarmstadt,  1878.  in-8";  —  Bock,  Das  ungarische  National  Muséum  zu 
Pest,  dans  Mil tei'lungen  der  K.K.Ceulral  l'nninnssim,.  t.  XII,  p.'^llT  (1867);  —  Mgr  Voisin',  Les- 
ivoires  du  Musée  Fauquet,  dans  Builetiu  de  l,i  Sucicté  historiijue  de  Tournai,  t.  XIV,  1870;  — 
Catalogue  sommaire  des  musées  de  lu  \'illc  de  l.ijiiu.  Lyon,  s.  d.,  in-8°;  —  Fùlirer  durch  dus 
Kestner  Muséum,  Hanovre,  lOOi,  in-8"  ;  —  Pi;lsivY,  (jutalogue  of  the  Fejervary's  ivoj'ies  in  the 
muséum  of  Joseph  Meyer  {Unnée  de  Liveipool),  Livcrpool,  1856,  in-8°;  —  Darcel  et  Basi- 
LEWSKY,  Catalogue  raisonné  de  la  eollection  Basilewsky,  précédé  d'un  Essai  sur  les  arts 
industriels  du  i"  au  vi"  siècle,  Paris.  187i,  2  vol.,  in-4°  (Musée  de  l'EIrmitage  à  Saint-Péters- 
bourg). —  Collection  Carrand.  aujourd'hui  au  Bargello,  Rome,  1805,  in-18.  —  Gerspach,  La 
collerlion  Carrand  (Les  Arls\   lOOt.  n"  52). 

Catalogues  illustrés  d  Expositions.  —  /■'.cjcisilinii  ouiccrselle  de  1000.  Cutologue  illustré 
de  l'L.rposition  rclc,c,j,cchcc  ,1c  l'ucl  fcnnuis  dc,<  nciijinçs  ,,  ISOO.  Paris,  s.  d..  in-8";  —  MoLI- 
N1ER  et  Marcou,  E.ci„,s(ii,,N  ccicuspcciivc  de  lue!  fcunçuis  des  luigines  à  1800,  Paris,  s.  d.  in- 
fol.;— W.  Voge,  die  Millcluliccliclic  Jllldwcri.-c.  d.nis  Âusslcll luuj  von  Kunstwerken  des  Mittel- 
alters  und  der  Renaissance  ans  Bccinirc  l'cicilhcxii:..  l'.crlin,  INO'.l,  in  Icd.  :  —  G.  ScHARF,A'o(es  on 
Sculpture,  dans  ylj'i  treasures  of  tin  l'niicl  l\nir/fl,,ni  from  Ihc  Mourhcslcr  L'xhibilion.Londvcs, 
1858,  in-4";  —  J.-B.  G\rkvd.  Cutabciuc  dcsccipiifci  cuisouuc  di-s  pciucipaux  objets  d'art  ayant 
figure  à  l'Exposition  rétrospective  de  Lguu  en  1877.  L>uii,  1878.  in-i'. 

Catalogues  et  descriptions  de  collections  privées.  — G.  Migeon,  La  collection  Mailin 
Lrl!(,\  i/.,-s,l,/,v.  ['.m.  Il"  10);  —  /..'  cnHcclh.n  Martin  Leroy.  Catalogue  raisonné  publié  s,nis 
la  (liM'cii.Hi  de  .l.-.l.  Maniiicl  ilc  Va-.sid<il  :  2  f;isi-iciile.  Les  Ivoires,  par  Raynioml  KiiTJilin. 
Paris,  1006.  iii-n,l.:—  G.  Migeox,  La  collection  Duluil  (Les  Arts,  1002,  n"  11)';  —  F.  Marcoi:. 
La  collerlion  lUiluil.  dans  Gazette  des  Beaux-Arts,  1005;  —  J.-J.  Marouet  de  Vasselot.  La 
collerlion  .\rconali-\'isconti  {Les  Arts,  1905,  n"  20)  ;  —  P.  Leprieur,  La  collection  Bossy  [Les 
Arts,  1004,  n»55);  — La  collection  Spitzer,  I,  Les  ivoires  par  Darcel,  1800,  in-fol.:  —  La  mllee- 
tion  Mannheim  (Catalogue  par  E.  Molinier),  Paris,  1898,  in-4";  —  La  collcciiun  du  tiurini 
U//7ip)i/iei»i  (Cologne),  par  K.  Molinier,  Paris,  1904,  in-4'':  —  Die  Sammluug  Ilainauer  (Berlin), 
par  K.  Bode,  Bcriin.  1897.  in-i". 


LES  IVOIRKS  GOTHIQUES  307 

Notes  sur  les  pièces  isolées.  —  Le  Bâton  Pastoral,  dans  Cahier  et  MAr.riN.  Mclmii/es 
d'archéologie,  t.  I\":  —  A.  I.i  (Xi  n,  I.a  \  ierge  ouvrante  de  Boubon  {Bull.  Sor.  m-rli.  ,ln  Li- 
mousin, t.  XXXVI,  1888,  in-8»;  —  An.  Goldschmidt,  Drei  Elfenbeinmadonneii,  dans  Das 
ffamburgischc  Muséum  l'iif  Kunsl  und  Geiverbe.  Hambourg,  1902,  in-S»  :  — É.  Molinikk,  I-a  Des- 
cente de  Croix,  groupe  en  ivoire  du  xiii'  siècle  conservé  au  Musée  du  Louvre.  dans,V('//ioi(r.s- 
et  monumenls.  Fondation  Piol,  t.  III,  1890;  —  R.  de  Lasieyfue.  Vierge  en  ivoire  de  la  roi  Ici- li(  m 
Bligny,  dans  Gazette  nrchéologii/He,  188i;—  Semper,  Eine  besondere  Gmiiiic  Kireiil)eni  Kl.iii 
paltaerchen  des  XIV.  Jahrhunderts,  dans  Zeitschrift  fiir  chrislliche  Kunst,  1898;  —  Scunl  ri.iiN. 
Gothisches  Elfenbein  Klappaltaerchen  im  South  Kensington  Muséum,  dans  Zeitschrift  fier 
rhristliche  Kunst,  1896; —  Schnltoen,  Elfenljeintriptychon  des  XIV.  Jalir.  irn  Privatliesitz  zu 
Koeln.  dans  Zeitschrift  fiir  christliehe  Kunst,  1890;  —  Bock,  Klappaltaerchen  (Pcntaptychon) 
des  Xn'.  .Jahrhunderts  (Halberstadt),  dans  Mittheilunr/en  der  K.  K.  Central  Com,mission, 
t.  XIII,  1808;  —  S.A.GLI0,  Le  triptyque  de  Saint-Sulpice  du  Tai'n  (Mémoires  et  monuments  l'iot). 
1895;  —  E.  Lefévre-Pontalis,  Deux  monuments  du  Musée  de  Vicli  (Espagne),  dans  Société 
nationale  des  antiquaires  de  France,  Centenaire,  Recueil  des  mémoires,  Paris,  s.  d.,  in-l";  — 
R.  KoECHLiN,  Un  triptyque  d'ivoire  du  xiv  siècle  a  la  bibliothè(iue  d"Amiens,  dans  Musées 
et  monuments  de  France.  I,  1900.  —  É.  Molinier.  Dipty(iue  d'ivoire  du  xiv"  siècle  au  Musée  de 
Lille,  dans  Album  archéotor/ique  des  musées  de  Province,  Paris.  1890.  in-4»;  —  É.  Moi.iMi.it, 
Notes  sur  l'Exposition  de  Madrid,  dans  rArl.  1895,  t.  II.  p.  lô:  —  Sciinltc.en,  Die  Kiiiislhis- 
torische  Ausstellung  in  Diisseldorf.  Franzosisches  Ell'enbcindlplychon  im  Bischritlllilien 
Muséum  zu  Mtinster.  dans  Zeitschrift  fiir  christliche  Kunst,  190'2:  —  J.  de  Lahondi  s.  Noie 
sur  un  diptyque  d'ivoire  du  XIV  siècle,  dans  Ihill.  de  la  .•<oc.  des  Aniiijnaires  du  Midi.  1901 
(p.  ô'îi):  —  Ch.  Robert.  Lu  diptyque  d'ivoire  du  xiv  siècle  {Hccuc  hist.  et  nrch.  du.  Maine. 
t.  \l\ï.  1880);—  MoNTAioLOx,  Note  sur  un  ivoire  représentant  les  litanies  de  la  Vierge  (/J»//. 
archéolor/ic/uc.  1885.  p.  115); —  H.  RnocAnD.  L'.Vnnonciation  du  Musée  de  Langres.  Hull.  de  la 
Soc.  hisi  et  arch.  de  Langres.  t.  IV.  190(1. 

Ivoires  civils.  —  Explicalimi  de  quelques  bas-rcliels  et  Ivoires,  dans  Histoire  de  l'.ii'a- 
dcniic  des  Inscriptions  et  Bclles-letlres.  l'aris,  175.'j,  t.  XVIIl,  in-4";  —  U' Antomewicz.  lUono- 
gra|iliisi-lies  zu  C'.hrestien  de  Troyes.  dans  VoUmijller's  Romanische  l-'orschungen,  t.  V. 
Erlangen.  1800:  —  0  -M.  Dalton,  Two  Media'val  Caskets  wilh  subjects  froin  Romance, 
dans  The  Burlington  Magazine,  June,  lOOi;  —  Bock,  Das  Heilige  Kola  (n-  '27  et  '27  a).  Leipzig. 
1858,  in-8":  —  Thomas  Wright,  Rcnuirks  on  an  ivory  Casket  of  the  licginning  «/'  the  fourteenlh 
centur'j.  Read  at  the  congress  of  the  British  archaeological  association  .il  <'.lii'<i(i-  un  .\iii;u-t 
1849  (tirage  à  part).  —  La  châtelaine  de  Vergi.  publié  par  L.  Brandin  e(  li-.icluil  i-ii  .iiiijl.ii^  [i.u 
A.  Kemp-\Val*h.  Paris  et  Londi-r-.  1905,  i'n-1-2. 

Ivoires  étrangers.  —  Alleinaiids  :  Paul  Clicmen,  Die  Rheinisclte  und  die  Westfdlische 
Kunst  auf  der  Kunsthistorischea  Aiisslelluny  zu  Diisseldorf  IW-i,  Leipzig.  1905,  in-fol.;  —  .\ti- 
glais  :  C.-H.  Read,  .Note  sur  un  miroir  du  British  Muséum,  f^roceedings  of  the  Society  of  anti- 
(/uaries  of  London,  XIX,  H;  —  Italiens  :  L.  Jcsti,  Giovanni  Pisano,  dans  Jahrbuch  der  Kgl. 
Preussischen  Kunslsnmmlungen .  1905,  p.  '205:  —  Supino.  .lf(e  l'isana.  Florence,  1904,  iii-i":  — 
Ventlri,  Storia  delV  arte  italiana  (t.  IV).  Milan,  1905,  in-8":  —  J,  von  Sciilosser,  Die 
Werkstatt  der  Enibriachi  in  Venedig,  dans  Jahrbuch  der  hunstliistorischen  Satnmlungen  des 
ait.  Kaiserhauses  (Vienne),  t.  XX.  1899  (voir  en  tète  de  l'article  la  bibliographie  spéri.ilci  ;  — 
Semper,  Cher  ein  italienisches  Beintriplychon  des  XIV.  Jahrhunderts  im  Ferdinaiidiiiiii  und 
diesem  verwandte  Kunstwerke,  dans  Zeitschrift  des  Ferdinandeums,  III.  Folge,  iO.  Hell, 
Innspri'ick,1890:  —  Molimer,  Notes  sur  quelques  selles  de  fabrication  italienne,  dans  l'Art, 
1885,  t.  XXXIV,  p.  '20;  —  E.  VON  Schlosser,  Elfenbeinsattel  des  ausgehendon  Mitldalleis, 
dans   Jalirhuch    der  kuiisthislorischen   Sammlungcn    des   ait.  Kaiserhauses,  t.  XV,  W'ieii,  189i, 

Falsifications.  — Spielmann.  .\vl  Forgeries  (Ivorii'SI  dans  Tlie  Magazine  of  art.  1905;  — 
l'M  1.   l!i  [>KL.  Le  Truguage.  Pari-.  191)5,  in-1'2'. 

Principaux  catalogues  de  ventes  oii  figurent  des  ivoires  :  —  Paris.  —  Uebnige- 
Diimesnil  (par  Labartei.  il847);  SoltvUoll'  il8(il);  Vaisse  (1885);  Stein  (1880);Odiot  (1889); 
Spilzer  1 1899):  E.  V.  (1895);  Gavet  (1897):  Desmottes  (1900):  Aniokolsky  (190.5);  de  Bryas 
1 19()5i  :  Schilï  (1905)  :  Boy  (1905);  Schewilch  i  lOIIC). 

Londres.  —  Magniac  (189'2);  Balcm.in  ilsiGi;  lliTkscher  (18981:  Carmichael  (I90'2). 

Italie.  —  Castellani  (1884);  Possenli  (1879). 

Allemagne.  —  Paul  (188'2.  Cologne);  Thewalt  1 1905.  Colnunci;  lldnei  Allencck  (1905. 
Muiiiclil;  .liinck  1 190.5,  Berlin):  Bourgeois  (I90i,  (:(ilni.'nei. 

Autriche.  —  Ilermaii  Sax  il895,  Xieimei. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


I^TRODICTION 

l)ar    André    Michel 

LIVRE    III 

FORMATION  KT  EXI^ANSION  DE  L'ART  GOTHIQUE 

CHAPITRE   I 
L'ARCHITECTliRE  GOTHIOIK  IX    Mil    SIÈCLE 

par  Camille  Enlart 

I 

FRANCE 

Origines  et  caractères  généraux  du  style  gothique,  3.  —  La  voûte  et  le  système 
gotiiiques.  A.  —  L'arc-boulant,  9.  —  Arcs  et  baies,  roses,  11.  —  Supports,  15.  —  Bases, 
chapiteaux,  sculpture  ornementale,  fleurons,  crocliets,  clochetons  et  frontons,  15.  — 
Tours,  clochers,  flèches,  corniches,  balustrades,  17.  —  Ecoles;  édifices  principaux 
(Le  Nord:  Ile-de-France,  Picardie,  Artois;  La  Normandie,  La  Bourgogne,  La  Cham- 
pagne, Le  Sud-Ouest,  Le  Midi,  La  Bretagne,  Le  Centre),  19.  —  Architecture  civile, 
militaire  et  monastique,  32. 

II 

PAYS-BAS,    4(1. 

III 

ALLEMAGNE 

Allemagne,  46.  —  Empire  d'Aiilriclu'.  .">(>.  —  Russie.  Finlande,  ."iS. 

IV 

SCANDINAVIE 

La  Norvège.  •")9.  —  La  Suède,  (il.  —  Le  Danemaik,  li.'i. 


TABLE    DES   MATIERES 


V 

GRANDE-BRETAGNE 


AiThil('iliii-e  l'eliirioiisc.  (i(l.  -    Arrliilcrliir<'  i-i\ili'  «■!  iiiilil:iir(',  70. 


\  I 

ITALIE 

Airhilectiirc  irli-icuse.  S(l.  -   Anhilcrknc  civile,  H'.l. 


VII 

SUISSE.    102. 


\  III 
ESPAGNE    ET    PORTUGAL,    lll."i 


IX 

LORIENT    LATIN 

P:ilcslinc  et  Syrie,  Il  i.  —  Chypre.  IIS.  —  (Irèee,  12."., 


CHAPITRE   II 

FORMATION  KT  DÉVELOl'i'EMENT  DE  EA  SClLPÏUliE  GOTHIQIE 
DU  MILIEU  DU  Xir  A  LA  FIN  DU  XIII'  SIÈCLE 

par  AMinÉ  Michel,  Camillk  Enlaht  el  Emile  IJkrtaux 

1 
LA   SCULPTURE   EN    FRANCE 

CoiisliliiUdn  du  proi^rainnie  ieoiioi^i'iipliiipie,  hJii.  —  La  transition  iln  roinan 
au  giilliiipie,  ir.O.  —  La  statuaire  des  grandes  cathédrales,  1  il).  —  La  sculpture  luné- 
raire,  ISS.  —  l^xpaiision  de  la  statuaire  gothiijue,  l'.Mi. 

II 

LA   SCULPTURE   EN    ANGLETERRE 

Les  origines  de  la  sculpture  anglaise,  l'.i'.i. —  Éjjoque  romane.  '201.  —  Epocjue 
gothique,  2(l.j.  —  Statuaire  monumentale,  210. 

m 

LA  SCULPTURE   CHRÉTIENNE    EN   ESPAGNE,    DES   ORIGINES   AU   XIV     SIÈCLE 

Les  origines,  211. 

La  sculpture  romane,  220,  —  L<'S  cloîtres  à  chapiteaux  historiés,  222.  —  Tom- 
beaux romans  d'Espagne,  240.  —  La  décoration  sculptée  des  églises,  244.  —  Les 
portails  romans  d'Espagne.  Types  primitifs.  Iniluence  de  l'art  moresque,  244.  — 
Portails  de  style  toulousain,  2.iO.  —  Imitations  et  combinaisons    diverses  de  l'art 


TABLE   DES    MATIERES  ôll 

français  dans  les  portails  romans  d'Espagne,  255  —  L'art  lrnnc;ais  et  l'arl  local  dans 
la  sculpture  romane  d'Espagne,  204. 

La  sculpture  monumentale  en  Galice  à  la  fin  du  xiv  siècle,  2()(i.  —  Le  grand 
porche  de  la  cathédrale  de  Compostelle,  200.  —  La  sculpture  en  Galice  après  maître 
Mathieu,  272. 

La  sculpture  française  en  Espagne,  pendant  le  xin'  siècle,  273.  —  Les  grandes 
cathédrales  do  Castille  et  de  Léon,  275.  —  Les  Vierges  françaises  en  Espagne,  ."ISi.  — 
Les  archaïsmes  dans  la  décoration  des  portails  espagnols  du  xm"  siècle,  2S6.  — 
Les  tombeaux  espagnols  du  xiri'  siècle,  2'.ill. 


CHAPITRE   III 
LES  MINUTURES.  -  LES  VlTliAlX.  —  LA  PEIMI  RE  Ml  RALE 

par  Arthur  H.\seloff,  Emile  Màlk.  (1(>m!aii  uk  M.vNrj.vcH,  Emile   Beiîtai  x 

I 

I.A  MINIATURE  DANS  LES  PAYS  CISALPINS  DEPUIS  LE  COMMENCEMENT 

DU  xm    JUSQU'AU  MILIEU  DU  XIV'  SIÈCLE 

La  minialure  au  xii  siècle  :  les  écoles  françaises  et  belges,  2118.  —  La  minia- 
ture anglaise.  ÏU'.l.  —  La  miniature  en  Allemagne  (écoles  du  Sud-Est;  écoles  du 
Sud-Ouest;  Souabe  et  .\lsace;  Ras  Rhin,  Westphalie  et  Saxe,  ")20. 

La  miniature  des  xiii"  et  xiv  siècles  :  la  miniature  en  France,  de  Phili|)pe 
Auguste  à  la  mort  de  saint  Louis,  23',l.  —  Première  période  (I2(l0-I2.")lli  :  Psautiers; 
Bibles.  .j52.  —  Deuxième  période,  541. 

La  peinture  anglaise  de  transition,  54.J.  —  La  peinture  gothique  eu  Anglelerre 
et  en  France  depuis  la  fin  du  \iir  jusqu'au  milieu  du  \i\'  siècle.  Les  débuts  du  réa- 
lisme et  du  naturalisme,  550.  —  La  miniature  française  ide  1270  à  1520i,  5.M.  —  La 
miniature  anglaise  (de  la  fin  du  xm  au  milieu  du  xiv  siècle).  555.  —  La  minialure 
française  (de  1520  à  1550).  550. 

La  miniature  allemande  depuis  la  lin  du  xir  jusqu'au  milieu  du  xiv"  siècle,  55i). 
—  La  victoire  du  style  Ijyzaiitin  cl  la  [lénèlration  de  l'art  gothique  en  Allemagne, 
559.  —  Le  style  du  mil  siècle  dans  la  Ihinlc-Allemagne,  505. 

Il 
LA   PFlNTIRi:   St  I!   M:RI!I';   et   la  PEINTURE   .MURALE 

LA   PEINTURE   SUR   VERRE    EN    FRANCE 

Les  vitraux  du  \(ii  sièrle.  Difficulté  de  celte  élude,  572.  —  [.'(■cole  de  (;liarlres, 
572.  —  Une  école  locale  :  Lyon,  378.  —  Les  vitraux  de  la  seconde  moitié  du 
xiii"  siècle,  5811.  —  Les  grisailles.  Apparition  d'une  manière  nouvelle,  584.  —  Carac- 
tères généraux  des  vitraux  du  xiir  siècle,  580.  —  Les  sujets,  5SS. 

Les  vitraux  du  xiv  siècle.  Caractères  généraux,  5112.  —  Ilistoiie.  5'.it. 

LA   PEINTURE   SUR    VERRE    EN    SUISSE 
Le  XIII   siècle.  3it7.   -  Le  \i\    siècle.  5'.i!<. 


512  TAliLE    DES    MATIÈHES 

LA   PEINTURE    DECORATIVE   AU    XIII     ET   AU    XIV     SIÈCLE   EN    FRANCE,    i((l. 

LA    PEINTURE   MURALE    EN   SUISSE 
Éiio(nii'  idiiiiiiii',  1(17.  —  Époque  1,'otliique,  108.  -    La  miniature,  411. 

PEINTURES    MURALES    DU    XII     SIECLE    EN    ESPAGNE 

Devants  d'aulel,  lelalilcs  et  reli(|uaires  pi'inls.  IIJ. 
Bibliographie,   4 lit. 

CHAPITRE    IV 

i.A  rKiMtHi-:  italiknm:  avaiM  giotto 

par  ÂMiia';  I'khati'; 

Les  traditions  latines  et  les  iniluences  arecques  à  Rome.  Mosaïques  et  peintures 
de  l'époque  romane,  421.  —  Prédominance  du  hyzantinisme  au  début  du  xui'  siècle. 
Premiers  artistes  franciscains.  Mosaïques  du  Baptistère  de  Florence  et  peintures 
du  Baplisière  de  Parme,  428.  —  Pavements  historiés  de  l'Italie  du  Nord,  450.  — 
Crucifix  et  Matlones  de  tradition  byzantine.  Les  premiers  peintres  pisans,  lucquois, 
siennois  et  llorentins.  Les  premières  fresques  d'Assise,  431.  —  Les  sources  de 
riiistoire  de  la  peinture  italienne.  Vasari.  ITiS.  —  Les  mosaïstes  llorentins.  Cima- 
bué,  i.ll».  —  Les  mosaïstes  romains.  Cavallini  et  Torriti,  44.j.  —  L'école  toscane  et 
l'école  romaine  à  Assise,  4ô0. 

BiBLiocnAPniE.   4Ô7. 

CHAPITRE  V 
LES  IVOIRES  GUTIIIQLIES 

par  Raymond  Koechlin 

Les  ivoires  liothiques,  400. 

Les  ivoires  religieux  français  :  La  lin  du  \iir  sièilc  il  li'  commencement 
du  xi\  ,  464.  —  Le  plein  xiv  siècle,  172.  —  La  seconde  moitié  du  xiv  siècle  et 
le  x\',  181. 

Les  ivoii'es  civils  français.  400. 

Les  ivoires  l'Irangers,  4118.  —  L'Espagne,  j02.  -     L'Italie.  ."lO.". 

BlIlLIOLUiAI'lllE.  ÔOÔ. 


TABLE   DES  GRAVURES 

DANS  LE  TEXTE 


FiG.     1.  —  Chœur  de  lY-glise  de  Ouesmy  (Oise) 5 

—  2.  —  Arc-boutant  de  la  cathédrale  de  Chartres 0 

—  3.  —  Systèmes  de  moiiluratioii 7 

—  4.  —  Chœur  de  Saint-Germaindes-Prés il 

—  5.  —  Coupe  de  la  cathédrale  d'Auxerre 1 1 

—  6.  —  Nef  de  la  cathédrale  de  Chartres 12 

—  7.  —  Coupe  de  la  cathédrale  de  Laon 13 

—  8.  —  Intérieur  de  la  cathédrale  de  Laon 14 

—  0.  —  Chapelle  du  château  de  Saint-Germain-eii-Laye li 

—  tO.  —  Intérieur  de  la  cathédrale  de  Troyes i:> 

—  tl.  —  Chapiteau  de  Notre-Danie-en-Vaux  iChàloiis-sur-Marne) Ki 

—  l'2.  —  Chapiteau  provenant  de  Saint-Urbain  de  Troyes 17 

—  15.  —  Flèche  de  Vcrnouillet 18 

—  14.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Laon lii 

—  to.  —  Plan  de  Notre-Dame  de  Paris 20 

—  IG.  —  Façade  de  Notre-Dame  de  Paris  à  l'époque  des  premières  restau- 

rations de  ^■iollet-le-Duc 21 

—  17.  —  Coupe  de  la  cathédrale  de  Heauvais 2-2 

—  18.  —  Façade  de  la  cathédrale  d'Amiens 25 

—  lu.  —  Cathédrale  de  Bourges,  portail  occidental 24 

—  20.  —  Chceur  de  Sainl-Remi  de  Reims 27 

—  21.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Soissons 27 

—  22.  —  Plan  de  Saint-Yved  de  Braisne 28 

—  25.  --  Saint-Serge  d'Angers 20 

—  24.  -—  Saint-Dominifiue  de  Bonifacio  (Corse) 31 

—  25.  —  Cloître  de  Noirlac  (Cher) ,—, 

—  20.  —  Pont  de  Valoniré,  à  Cahors -,.i 

—  27.  —  Salle  cai)ilidairc  de  rilolel  Dieu  de  Provins 5j 

—  28.  —  (Irande  .salle  de  l'Hôpital  de  'l'onnerre 5(i 

—  29.  —  llotel  Vauluisant,  ;'i  Provins .-,7 

--  50.  —  Remparts  de  Carcassonnc 38 

—  51.  —  Donjon  de  Coucy jy 

—  52.  —  Chœur  et  nel'de  Sainl-.Marliu  (lYprcs 43 

—  55.  --  Les  Halles  d'Ypres .44 

—  54.  —  Plan  de  la  cathédrale  dllrecht 45 

—  35.  —  Coupe  de  Winipfcii-iiu-'riial 47 

T.   II.    —  05 


514  TAIiLE    DES  GlîAVUHKS 

l'ilR.'S. 

l'"iG.  5(i.  —  Nef  (le  Sainl-Si^hiilil  (le  Nurombery: -W 

—  57.  —  Calhcdralc  de  Mogdeboiirtj 51 

—  58.  —  Nolre-Daiiic  de  Trêves 55 

—  59.  —  Calhédi-ale  de  Cologne 54 

—  iO.  —  Plan  de  Saiiitc-Élisabelli  de  Marboiirg 55 

—  41.  —  Saint-Martin  doCasso\ir 51) 

—  42.  —  Cathédrale  do  Liniid'piniif 60 

—  45.  —  Chœur  de  la  calliédralc  de   l'Iirondjein (il 

—  44.  —  Palais  royal  de  Bergen 02 

—  45.  —  Église  abbatiale  de  Warrdiein 02 

—  46.  —  Cathédrale  d'Upsal 65 

—  47.  —  Cathédrale  de  Hœskildc 04 

—  48.  —  Cathédrale  de  Durham 00 

—  49.  —  Cathédrale  de  Peterborough 07 

—  50.  —  Église  abbatiale  de  Lindisl'arne 08 

—  51.  —  Église  abbatiale  de  Roche 09 

—  52.  —  Chœur  de  la  cathédrale  de  Canterbnry 70 

—  53.  —  Détails  du  transept  de  la  cathédrale  de  Lincoln 74 

—  54.  —  Portail  S. -E.  de  la  cathédrale  de  Lincoln 75 

—  55.  —  Plan  de  la  cathédrale  d'York 76 

—  56.  —  Calhéilrale  de  Salisbury 7  7 

—  57.  —  Eglise  de  Fountains  Abbey 78 

—  58.  —  Les  celliers  de  Fountains  Abbey 79 

--  59.  —  Église  abbatiale  de  Fossanova 85 

—  00.  —  Église  de  Casamoni 84 

—  01.  —  Église  de  Saint-Galgano 84 

—  02.  —  Église  abbatiale  de  San  Martino,  près  Viterl)o 85 

—  05.  —  Coupe  de  la  cathédrale  de  Sienne 87 

—  0  4.  —  Cathédrale  de  Sienne 88 

—  05.  —  Salle  capitulaire  de  Saint-André  de  V'erceii 89 

—  00.  —  Plan  de  Saint-François  d'Assise 92 

—  07.  —  Déambulatoire  de  Saint-Laurent  de  Naples 95 

—  08.  —  Saint-Sauveur,  prés  Lavagna 90 

—  09.  —  Coupe  de  Sainte-.Anaslasie  de  Vérone 98 

—  70.  —  Palais  de  la  Seigneurie,  à  Sienne 99 

—  71.  —  Fontaine  sur  la  Place  du  Munieipe,  à  Pérouse 101 

—  72.  —  Cathédrale  de  Lausanne' 105 

—  75.  —  Salle  basse  du  château  de  Chillon Mil 

—  74.  —  Église  abbatiale  d'Alcobaya 100 

—  75.  —  Ancienne  cathédrale  de  Salamanque 107 

—  70.  —  Lanterne  de  l'église  de  Toro IIIS 

—  77.  —  Plan  de  la  cathédrale  de  Tolède 109 

—  78.  —  Transept  de  la  cathédrale  de  Tolède 110 

—  79.  —  Bas  côtés  de  la  cathédrale  de  Léon III 

—  80.  -  Portail  de  la  cathédrale  de  Léon 115 

—  M.  —  Portail  de  l'église  de  Gaza II5 

—  82.  —  Château  de  Margat 1!5 

—  85.  —  Château  de  Safita 110 

—  84.  —  Portique  intérieur  du  château  d'Hossn  el  Akrad 110 

—  85.  —  Ancien  portail  de  la  cathédrale  de  Saint-Jean  d'.\cre 117 

—  80.  —  Cathédrale  de  Nicosie 119 

—  87.  —  Ruines  de  la  grande  salle  du  château  de  Sainl-llilarion 122 

—  88.  —   La  Grammaire,  la  Musique  (Chartres) 128 

—  89.  —   Portail  hiléral  île  la  callir,lr;ile  du  Mans 151 


TAHLE   DES   GRAVURES  515 

FiG.OO.  —  Statue  de  reine  provenant  de  Notre-Dame  (le  Corbeil loi 

—  01.  —  Portail  méridional  de  Notre-Dame  d'Étampes lôS 

—  92.  —  Christ  en  majesté  (Chartres) l,"(i 

—  95.  —  Tympan  de  la  porte  Sainte-Anne  i. Notre-Dame  de  Paris i 157 

—  9i.  —  Évoque  et  deux  acolytes,  has-relief  (Reims) 157 

—  95.  —  Cul-de-lampe  (Saint-Remi  de  Reims) 15S 

—  96.  —  Ruste  du  scribe  de  la  porte  Sainte-Anne  (Notre-Dame  de  Paris) .    .  159 

—  97.  —  Ras-relief  du  transept  septentrional  de  la  cathédrale  de  Reims  .    .  141 

—  98.  —  Mort  et  Résurrection  de  la  N'ierge  (Notre-Dame  de  Sentis)  ....  142 
— •     99.  —  Moi't,  Résurrection  et  Couronnement  de  la  Vierge  (Chartres!   .    .    .  lii 

—  100.  —  Résurrection   et    Couronnement    de    la    ^'ierge    (Notre-Dame    de 

Paris  1 145 

—  101.  —  Ea  Merge  et  l'Enfant  (Notre-Dame  tl'Amiens) 140 

—  102.  —  L'Annonciation,  la  Visitation  et  la  Présentation  auTempIe  (Amiens).  147 

—  105.  —  Ras-reliefs  symboliques  se  rapportant  à  la  Vierge  (Amiens) .    .    .    .  148 

—  104.  —  .\nge  de  la  cathédrale  de  Reims 149 

—  III"'.  —  Ange  de  la  cathédrale  de  Reims 150 

—  100.  —  L'Annonciation  et  la  Visitation  (Reims) loi 

—  107.  —  Fragment  d'une  stèle  grecque 152 

—  108.  —  La  Vierge  de  la  Msitation  (Reims) 153 

—  109.  —  Saint  Joseph  (Reimsi 154 

—  110.  —  La  Vierge  (Notre-Dame  de  Paris) 155 

—  111.  —  \ierge  de  la  Porte  dorée  (.\miensi 15(1 

—  112.  —  La  Vierge  (porte  centrale  de  Reimsi 157 

—  115.  —  Trumeau    et  ébrasement    du   porlail    de   NiUeneuve  rArchevi'que 

(Vonne) 158 

—  114.   —  Tympan  de  la  porte  gauche  de  la  cathédrale  d'Auxerre 159 

—  115.  —  Adoration  des  Mages  (chapelle  archiépiscopale,  Reims) 100 

—  116.  —  Couronnement  de  la  Vierge  (Auxerre) Kil 

—  117.  —  Les  Rois  Mages  avertis  par  l'ange  (Chartresi 161 

—  118.  —  Saint  Mathieu  écrivant  sous  la  dictée  de  l'ange  (bas-relief  prove- 

nant de  Chartres) 102 

—  119.  —  Le  Raiser   de  Judas,   fragment  du  jubé    de   liourges  (Musée    du 

Louvre) 103 

—  120.   —  Le  Christ  enseignant  (Chartres) 164 

—  121.  —  Le  I  Reau  Dieu  »  d'Amiens 105 

—  122.  —  Ruste  du  i  Reau  Dieu  »  d'Amiens 166 

—  123.  —  Apôtres  du  portail  de  La  Couture  (Le  Mans) 167 

—  124.  —  Porte  Saint-Jean,  cathédrale  de  Rouen 168 

—  125.  —  Têtes  de  sainte  Geneviève  et  d'un  ange  (jadis  au  portail  de  Sainte- 

Geneviève) 169 

—  126.  —  Saint  Firmin  (Amiens) 170 

—  127.  —  Saint  Martin,  saint  Jérôme,  saint  Grégoire  (Chartres) 170 

—  128.  —  Partie  inférieure  de  la  statue  do  saint  Grégoire-le-Grand  iCharfresi.  171 

—  129.  —  Saint  Théodore  (Chartres) 171 

—  150.  —  Statue  en  bois  de  la  1"  moitié  du  xiii'  siècle  (Musée  du  Louvre)   .  172 

—  131.  —  La  Synagogue,  et  rose  du  transept  méridional  de  la  cathédrale  de 

Reims 175 

—  152.  —  .Apôtre  portant  la  croix  de  consécration  i  Sainte-Cliapellei)   ....  17i 

—  155.  —  Figurine  sculptée  à  l'archivolte  de  la  rose  du  transept  méridional 

(Reims) 175 

—  154.  —  Cul-de-lampe  (Reims) 176 

—  133.  —  Cul  de-lampe  (Reims) 170 

—  156.  —  Portail  de  Saint-Élienne  de  Sens 177 


MO  TAHI.E   DES  GRAVURES 

Pages. 

Fie.  157.  —  Scpl.einbrc,  Octobre,  Novembre  (Amiens) 178 

—  158.  —  Communion,  prédication  et  martyre  de  saint  Élienne  (Notre-Dame 

de  Paris) 17it 

15'.).  —  Légendes  de  saint  Thomas  (église  de  Semuri 18M 

-  110.  —  Octobre  (Notre-Dame  de  Paris! lîSl 

—  141.  —  La  Lâcheté  (Notre-Dame  de  Pari.s) ISl 

-  \i-l.  —  La  Dureté  (.Notre-Dame  de  Paris i 1X1 

—  1 15.  —  La  (îenèse  (Chartres) IS'J 

—  144.  —  La  Genèse  (Bourges) 185 

—  145.  —  La  Genèse  (Aiixerre) 184 

—  140.  —  Arts  libéraux  et  Bestiaire  (Sensi 185 

—  147.  —  Arts  libéraux  (Auxerre) 180 

—  148.  —  Jugement  dernier  { Chartres! 187 

—  140.  —  Fragment  de  voussures  de  la  porte  du  Jugement  (Notre-Dame  de 

Paris! 188 

—  150.  —  iM'agment   de  l'ancien  jubé  de  .Notre-Dame    de    Paris  (Musée  du 

Louvre! In!' 

—  151.  —  Tombeau  du  xii°  siècle,  église  de  Chamalières  (  Hnute-Loirc)  ,    .    .  l'jn 

—  152.  —  Tombe  d'Evrard  de  Fouilloy  (.Vmiens! l'.il 

—  155.  —  Tombeau  de  Févôque  Radulphe,  à  Saint-Nazaire  de  Carcassonne.  lil'i 

—  154.  —  Statues  tombales  à  l'abbaye  de  Saint-Denis 195 

—  155.  —  Cénotaphe  de  Dagobert  (Saint-Denis) I'.l5 

—  150.  —  l'ragment  du  cénotaphe  de  Saint-Étienne  d'obazine   .......  194 

—  157.  —  Portail  de  l'église  d'Ambronay  (Ain!  . Iil5 

—  158.  —  Porche  delà  cathédrale  de  Lausanne 190 

—  150.  —  Portail  d'une  ancienne  église  de  Dax 107 

—  100.  —  Détail  de  la  croix  de  Beweastle l'.iu 

—  101.  —  lias-relief  in'ovcnant  de  Selsea  (catliéilralr  (le  (Jiichesleri 'Jdl 

—  lO'i.  —  Frise  de  la  l'açade  occidentale  de  la  ealliédr.'de  de  Lincoln 20'2 

—  105.  —  Détail  de  la  croix  de  Kellœ 205 

—  104.  —  Portail  occidental  de  la  cathédrale  de  Rochester 204 

—  105.  —  Statue  de  Moïse  provenant  de  Sainte-Marie  d'York 205 

—  100.  —  Tombeau  d'évécjue  dans  la  cathédrale  de  Worcester '.  207 

—  107.  —  Efligie  funéraire  do  Guillaume  de  Valence,  à  Westminster  ....  209 

—  108.  —  Tomiieau  prétendu  de  Robert,  duc  de  Normandie,  à  Glouccster.    .  200 

—  100.  —  Noé  construisant  l'arche  (cathédrale  de  Wells) 210 

—  170,  —  Arcalures  de  la  cathédrale  de  Winchester 211 

—  171.  -  Chapiteau  de  la  cathédrale  d'York 212 

—  172.  —  Chapiteau  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Wells 212 

—  175,  —  Détail  du  portail  du  Chœur  des  Anges  (cathédrale  de  Lincoln)  .    .  215 

—  174.  —  Les  jeux  du  Cirque,  bas-relief  de  S,  Miguel  de  Lino,  près  d'Oviedo,  217 

—  175,  —  Cuve  baptismale  de  S.  Isidro  de  Léon 219 

~  170.  —  Chapiteaux  du  cloître  de  S.  Domingo  de  Silos 221 

--  177.  —  Chapiteaux  de  la  lin  du  xi*  siècle  (cloître  de  S.  Domingo  de  Silos).  222 

—  178.  —  Chapiteaux  de  la  fin  du  xi'  siècle  (cloître  de  S.  Domingo  de  Silos).  225 

—  179.  —  Descente  de  Croix,  bas-relief  (cloître  de  S.  Domingo  de  Silos!  .    .  224 

—  180.  —  Les  Saintes  Femmes  au  Tombeau  (cloître  de  S.  Domingo  de  Silos).  225 

—  181.  —  L'Incrédulité  de  saint  Thomas  (cloître  de  S.  Domingo  de  Silos).    .  220 
~  182.  —  Annonciation  et   Couronnement  de   la  Vierge  (cloître  de  S.  Do- 
mingo de  Silos) 228 

—  185.  —  Chapiteau  du  cloître  de  Ripoll 229 

—  184.  —  Chapiteau  du  cloître  de  San  Pedro  et  \iejo,  à  Huesca 250 

—  185.  —  La  Flagellation,  chapiteau  du  cloître  di'  San   Pedro   el   N  iejo,  à 

Huesca 251 


TABLE  DES  GRAVURES  SH 

Pages. 

FiG.  186.  —  La  Résurrection  du  Christ,   chapiteau  de    l'ancien   cloître  de    la 

cathédrale  de  Panipelune 2,>2 

—  187.  —  Noii  me  tnngere.   chapiteau    du    lioitre   de  San  Pedro  la  Rua.   à 

Estella 2r)5 

—  188.  —  Cloître  de  San  Père  de  Galligans,  à  Gérone 255 

—  180.  —  Tailleurs  de  pierre  (cloître  de  la  cathédrale  de  Gérone) 250 

—  190.  —  LWdoration  des  Mages,  chapiteau  du  cloître  delà  cathédrale  de 

Tai'ragone 2.37 

—  191.  —  Cloître  de  Santiilana  de  Mar 259 

—  192.  —  Deux   Apôtres,    fragment   de    l'ancien    cloître    de   la    cathédrale 

d'Oviedo 241 

—  195.  —  Sarcophage  de  Dofia  Blanca  (monaslére  de  Xàjerai 21-2 

—  194.  —  Tombeau  d'un  Templier  (église  de  la  Magilalena.  à  Zàmora)   .    .    .  245 

—  195.  —  Chapiteau  de  Frômista 24i 

—  196.  —  Portail  dit  de  l'Évéque,  à  la  cathédrale  de  Zàmora ■  245 

—  197.  —  Porte  du  Palais,  à  la  cathédrale  de  Valence 247 

—  108.  —  Portail  de  l'église  de  San  Pedro,  à  Iluesca 248 

—  100.  —  Tympan  d'une  porte  latérale  de  S.  Isidro  de  Léon 240 

—  iiio.  —  La  Puerta  de  Platerias.  cathédrale  de  Compostelle 251 

—  201.  —  Le   Créateur  et  Adam,  le  roi   David,  has-reliefs  provenant   de  la 

cathédrale  de  Compostelle 255 

—  2iV2.  —  Le  signe  du  Lion,  di'tail  d'un  bas-relief  de  la  cathédrale  de  Com- 

postelle    255 

—  205.  —  Les  signes  du   Lion  et  du  Bélier,  fragment  provenant  de  Saint- 

Sernin  de  Toulouse 25 i 

—  204.  —  Porte  de  l'église  de  Ripoll 257 

—  205.  —  Façade  de  Santa  Maria  la  Real,  à  Sangiiesa 259 

—  200.  —  Portail  de  S.  Tome  de  Soria 261 

—  207.  —  L'Annonciation,  portail  latéral  de  S.  Aincente  d'Avila 205 

—  208.  —  Prophètes  du  portique  de  la  Gloire.  Compostelle 267 

—  209.  —  Séparation  des  élus  et  des  damnés,  porche  de  Compostelle ....  269 

—  210.  —  Portail  du  Sarmental  (cathédrale  de  Burgos) 275 

—  211.  —  Porte  du  cloître  delà  cathédrale  de  Burgos 277 

—  212.  —  Un  roi  et  une  reine  de  Castille  (cloître  de  la  cathédrale  de  Burgos.  270 

—  215.  —  Tombeau  de  la  reine  Dona  Berenguela  (monastère  de  Las  Huelgas).  280 

—  214.  —  Portail  de  la  cathédrale  de  Burgo  de  Osma 281 

—  215.  —  La  Mort  et  le  Couronnement  de  la  Vierge  (cathédrale  de  Léon)  .    .  282 

—  210.  —  Les  Élus  à  l'entrée  du  Paradis  (cathédrale  de  Léoni 285 

—  217.  —  Nuestra  Sefiora  la  Blanca  (cathédrale  de  Léon) 284 

—  218.  —  Portail  de  la  cathédrale  de  Toro 285 

—  210.  —  La  Vierge  de  Solsona 280 

—  220.  —  Saint  Jean-Baptiste,  statue  en  bois  peint  (église  d'Albocacert.    .    .  287 

—  221.  —  Détails  du  grand  portail  de  la  cathédrale  de  Tudela 288 

—  222.  —  Portail  de  l'église  d'Agramunt 280 

—  225.  —  Portail  de  San  Roman,  à  Cirauqui 200 

—  224.  —  Tombeau  dune  infante  dans  l'église  de  Nillasirga 291 

—  225.  —  Tombeau  du  clianti-c  Sparicio   dans  la  vieille  cathédrale   de  Sala- 

nian(|ue 295 

—  226.  —  Tombeaux  du  xiv"  siècle,  dans  l'église  de  San  Estébaii,  à  Cuellar.  295 

—  227.  —  Le  roi   David  {Bible  de  l'abbé  Élienne  llanling) 299 

—  228.  —  Miniature  des  Dialogues  de  Conrad  de  Ilirsan 501 

—  229.  —  Scènes  de  la  vie  de  Job  (iJi'6/e  (fé  ra66ai/e  (/c  F/o)r//"c) 502 

—  250.  —  Miniature  des  Grer/orii  Moralia  in  Job 505 

—  251.  —  Lettre  initiale  dune  Bible  de  Saint-Berlin 504 


518  TAHLIi   DES  GRAVURES 

Pages. 

Fi(;.2")2.  —  Miniature  des  Commentaires  do  saint  Jérôme  sur  Jéivinie    ....  305 

—  2")."),   —  Frontispice    du    maunscrit    du     Livre    de   saint  Augustin    sur    la 

Trinité r.dii 

—  2")i.  —  Le  |)a|)e  Irhain  11  consacrant  Lautel  de  Cluny 7>{)'i 

—  23o.  —  Lettre  initiale  des  Commentaires  de  Pierre  Lomijard TiOS 

—  230.  —  Lettre  initiale  du  psautier  de  l'abbaye  de  Saint-Albans 311 

—  257.  —  Miuiatuiv  du  |)sautier  de  l'abbaye  de  Saint-Albans 312 

—  258.  —  Miniature  du  psautier  d'Eadwin 513 

—  259.  —  Miniature  du  psautier  écrit  pour  Henry  de  Blois 514 

—  240.  —  Miniature  de  la  Bible  de  la  cathédrale  de  Winchester 515 

—  241.   —  Miniature  du  psautier  de  l'abbaye  de  Westminster 517 

—  242.  —  Esquisse  d'une  miniature  pour  le  Psaume  CIX 517 

—  245.  —  Miniature  pour  le  Psaume  XLIIl 318 

—  244.  —  L'Enfer,  page  d'un  psautier 320 

—  245.  —  Miniature  du  Lectionnaire  de  sainte  Ehrentrude  de  Salzbourg  .    .  321 

—  246.  —  Miniature  du  Kaleiularhnn  Nccrolorjiciim  de  l'abbaye  Obermiinster 

de  Ratisbonne 323 

—  247.  —  Crucifixion  symbolique,  miniature  de  VHorlus  Deliciarum 324 

—  248.  —  L'Annonciation  à  Zacharie  (missel  de  l'abbr  Berlhold) 323 

—  249.  —  Mort    de  la    Vierge,   miniature    d'un   Péricope   attribué    à   l'école 

rhénane 327 

—  250.  —  Les  Saintes  Femmes  au  Tombeau  (missel  du  pn'Irc  Henri)   ....  328 

—  251.  —  Arbre  de  Jessé  (psautier  de  la  reine  Ingeburge) 332 

—  252.  —  Mort  et  Couronnement  de  la  Vierge  (psautier  dit   de  Blanclte  de 

Caslille) 555 

—  255.  —  Miniature  du  psautier  tle  la  reine  Jeanne  de  Navarre 554 

—  254.  —  Miniature  de  la  Bihle  moralisée 557 

—  255.  —  Le  Christ  créateur  (Srt^e  moraii'see) 559 

—  256.  —  Crucifixion  (missel  d'Anchin) 541 

—  257.  —  Abraham  et  Melchisédec  (psautier  de  saint  Louis) 545 

—  258.  —  Miniature    du   second   psautier   de   saint  I^ouis   ou    d'Isabelle   de 

France 544 

—  259.   —  Crucifixion  (psautier  de  Rohert  de  Lindeseije) 346 

—  260.  —  Miniature  de  l'Histoire  de  la  Conquête  de  l'Angleterre 347 

—  261.  —  Le  Dragon  à  sept  tètes  précipité  dans  l'enfer,  miniature  de  l'.Apo- 

calypse 548 

—  262.  —  Miniature  du  psautier  d'Etienne  de  Saci 349 

—  263.  -    .Miniature  d'un  lectionnaire 551 

—  264.  —  La  femme   de  Putiphar  (psautier  de  la  reine  Marie) 554 

—  265.  —  Baptême  du  Christ  (/)sau<jer  d'//erm(()n(  rfe  Thurinije) 560 

—  266.  —  Crucifixion  (missel  de  Semeko) 501 

—  267.  —  Miniature  d'une  Bible  de  la  région  du  lîas-Rhin 562 

—  268.  —  Miniature  du  niatutinal  de  l'abbé  Conrad 563 

—  209.  —  .Miniature  du  psautier  de  Munich 365 

—  270.  —  Crucifixion  (psautier  de  Besançon) 366 

—  271.  —  Illustration  du  Voyage  à  Rome  de  l'empereur  Henri  \  111 568 

—  272.  —  Miniature  de  la  Chronique  Universelle 569 

—  273.  —  Miniature  d'un  manuscrit  des  Minnesiinger 570 

—  274.  —  Vitrail  de  Charlemagne,  fragment  (Chartres) 573 

—  275.  —  Légende  de  saint  Eustache,  fragment  de  vitrail  iChartresi 575 

—  270.  ~  Parabole  du  Bon  Samaritain,  vitrail  de  Sens 576 

—  277.  —  Isaïe  portant  saint  Mathieu,  vitrail  de  Chartres 577 

—  278.  —  Mort  de  saint  Jean,  vitrail  de  Lyon 578 

L'Annonciation,  vitrail  de  Lyon 579 


279. 


TA15LE   DES   (iUA\  URES  oli) 

Fii;.'2S0.  —  Vitrail  de  sainte  Anne  cl  de  saiiil  Joachini  iLc  Mansi r)85 

—  '281.  —  [/Annonciation,  vitrail  de  Laon 387 

—  282.  —  Vitrail  synijjoliquc  de  liourges ."Si) 

—  285.  —  Juif  marquant  d'un  lun  la  porte  de  sa  maison "i'.io 

—  284.  —  Vitrail  de  l'église  de  Kappel  iZurichi .')'.)0 

—  285.  —  Vitrail  de  Téglise  de  Kônigsfelden  lArgovie) 400 

—  28f;.  —  La  Fuite  en  Egypte  (Petit-Ouevilly,  S.  1.) 40". 

—  287.  —  Scène  tirée  d'un  roman  de  chevalerie  (château  de  Saint-Florelj. .    .  Wb 

—  288.  —  Vierge  encensée  par  des  anges  (cathédrale  lie  Clcrmonl) 4(l(i 

—  289.  —  Fragment  du  plafond  de  l'église  de  Zillis  (Grisons) 4i)0 

—  290.  —  Peintures  murales  du   mv    siècle  dans  l'église  du   «   Crislo   de  la 

Luz  j>,  à  Tolède 415 

—  291.  —  Fresques  du  nartlio.\  de  San  Isidro  de  Léon 414 

—  292.  —  Retable  du  XI"  siècle  (Musée  archiépiscopal  de  Vieil) 4lfi 

—  293.  —  Fragment  d'un  panneau  de  retable  du  xir   siècle  (Musée  archiépis- 

copal de  Vieil) 417 

-  294.  —  Mosaïque  absidale  de  .Santa  .Maria  .Nuuva  (partie  centrale i 424 

—  295.  —  Mosa'ique  absidale  de  Sainte-Maric-du-Transtévère 425 

—  296    —  La   Donation    de  Constantin,    frescjue    de   la   chapelle    de    Saint- 

Silveslrc 428 

—  297.  —  Madone,  par  Guido  de  Sienne 434 

—  298    —  Basilique  inférieure  de  Saint-Fraii(:ois  d'Assise,  vue  de  lentrée.    .  437 

—  299.  —  Mosaïque  de  la  coupole  du  l!ai>tislére  de  Florence 411 

—  500.  —  Madone,  par  Cimabué 442 

—  501.  —  Tète  du  Christ,  par  Pietro  Cavalliiii 410 

—  Ô02.  —  Mosaïque  absidale  de  Sainte  -Marie-Majeure 449 

—  303.  —  Madone  entourée  d'anges,  par  Cimabué 451 

—  304.  —  Basilique  supérieure  de  Saint-François  d'Assise 452 

—  305.  —  Détail  du   triforium   de  la   basilique  supéi'ieure  de  Saint-Fi-ançois 

d'.\ssise i54 

—  500.  —  Le  Baiser  de  Judas  (Saint-François  d  Assise) 450 

—  507.  —  La  \'ierge  et  l'Enfant,  ivoire  français  (Hambourg) 405 

—  508.   —  La  ^"ierge  et  l'Enfant,  ivoire  français  (Cluny) 400 

—  309.  —  Le  Couronnement  de  la  Vierge,  ivoire  français 407 

-  510.  —  L'.\nge  de  l'Annonciation,  ivoire  français 108 

—  511.  —  La  Vierge  de  l'Annonciation,  ivoir'(>  français lOS 

—  512.  —  Diptyque  dit  du  Trésor  de  la  cathédrale  de  Soissons 409 

—  515.  —  La  ^'iel■ge  dite  de  la  Sainle-("hapelle 171 

—  514.  —  Triptyque,  ivoire  français  (Rerlim t70 

—  515.  —  Triptyque  provenant  de  Saint-.Sulpice-du-rarn 477 

—  510.—   La  -Mort.  l'Assomption    et   le    CouronnenuMil    de   la  \  ieige.    ivoiie 

français 179 

—  517.  —  La  .Nativité,  ivoire  français 480 

—  518.  —  Le  Christ  entre  les  Larrons,  ivoire  français 480 

—  519.  ■-  La  Vierge  et  l'Enfant,  ivoire  français 482 

—  520.  —  La  Nativité,  le  Jugement  dernier,  ivoire  français 483 

—  521.  —  La  Vierge  entre  deux  anges  et  deux  saintes,  ivoire  français.    .    .    .  4S4 

—  522.  —  Crosse,  ivoire  fi-ançais 485 

—  5-25.  —  Diptyque  de  la  Passion,  ivoire  français 480 

—  524.  —  Diptyque,  ivoire  français 487 

—  525.  —  Scènes  de  la  Passion,  ivoire  français  d6cou|)é 488 

—  520.  —  L'.Vnnonciation,  ivoire  français 489 

—  527.  —    La  .Main  chaude,  le  jeu  de  la  Jlourre,  ivoire  fraiiçai> 491 

—  528.  —  La  Chevauchée,  ivoire  français 493 


TABLE   DES   PLANCHES 


Fie,.."'.".).  —  l/liisidire  (le  Pcri-cval.  ivoiie  français 40."> 

—  L(!  .Icu  dVxliccs  (Hiioii  de  Bordeaux),  iviiire  fianrais 197 

—  Triptyque,  ivoire  anglais ,"i01 

—  La  ^'iergc  et  lEnl'anl,  ivoire  italien  attribué  à  <iiovanni  Pisano..    .  r>0." 

—  Cofïrcl,  art  italien  (atelier  des  Enibriacliii .jO-i 


TABLE  DES  PLANCHES 

lions  TEXTE 


PLANCHE  1.  —  Cathédrai-h  he  Heims,  porte  noru  m-:  la  fai;aiii-:  (p.  i'S-'Jfl). 

—  H.    —    PoIlTAIL    IlE    LA    CATHÉDRALE    DE    TrACI    (DaLMATI  E  ]    (p.  ÔO-jTl. 

—  111.  —  La  Présentation  au  Temple  (porte  centrale  ue   la  façade  de 

LA    cathédrale    de    PiEIMS   (p.    154-1.'),^)). 

—  1\'.  —   Illustrations  du  Psaumi:  CIX  (psautier  de  I!oi;ki:t  di;  (»rjii;sbv) 

(p.  :..■)(;  ."57  1. 

—  \'.  —  Déposition  de  croi.x.   i\oiri-.  (Ecoli;  français!-:!  (|i.  i(i(i-Uni. 


KlinATA 


AU    TOJIE    11      PIŒMIEliK    l'AIITIE 


Page  92,  légende  de  l;i  gi;ivuie.  .-lu  lii'u  de  :  /•'/;;.  (i.j.  tire  :  /'/;/.  llli. 

Page  185,   légende   de  la  i^r.n  uic,  ;iu  lieu  de  :  Àils  lihriuu.r  ,•/  hnsHhiirc  [snnhnxsemcnL 
de  lu  naJtèdviilc  i/c  /<7c;>-).  lii'e  :  Arts  lihrmu.r  cl  la'sli.iirc  {muhassniirnl  de  lu  ralln-ilralc  de  Sc/!.<:). 


54  5l>'.).  —  Imprimerie  Laulre,  9,  rue  de  Fteurus,  à  P. 


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N     Mchel,  André 

5300      Histoire  de  l'art  depuis  les 

M63    premiers  temps  chrétiens  jusqu'à 

V,  2   nos  jours 

pt.  1 

cop,  2