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HISTOIRE
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REVOLUTION POLONAISE
(1772 à 1864)
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HISÏOIRE
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RÉVOLUTION
POLONAISE
DEPinS SON ORIGINE JUSQU'A NOS JOUBS '■■
(tVf t à 1864)
Par le comte 8TAHISLAS ARAMIV8KI /^^ <^^
AVEC UNE PRÉFACE .^'c ' ' ' ''
PAR
ALFRED O'AUIAI ^ vî V^^ ^ ^ Y^ ^"^
' OtrVRAGB ILLUSmi
DE MAGNIFIQUES YK^NETTES GRAVÉES SUR AQER
ET DBSSnrÉES
Paa mm. th. GUÉRIN^ LEGUAY et L. MÂRVT .
•ooOOOOoe*
PARIS
ADMINISTRATION : 41, RUE VAVIN
1864
PRËFAGB.
t
I
Od s'étonnera ians doute de Toir un homme nouveM,
un de ces mille ioconaus qui, en France , tiennent une
plume, écrire sur la première page d^nn Inrre de cette
importance, pour le recommandera Tattantiondu public
français.
U n'y a cependant là» rien (pie de tràs-natural.
Cet.ouvra^est destiné surtout à fiûreoooMttielea
causes de la révolution poloqaise«».
A explîcpier comment, de persécution en peraécvtiQii,
la Pologne en est arrivée à une période dédiiTa de aen
histoire...
Comment il est impossible de songer sérievieiMil^
aigourd*bni, à une combinaison, politique qvelmaqM.
n FHiFACI.
En Europe^ chaque homme d*état a trouvé une solu^ |
tioD à la question polonaise. ••
Ce qui constitue la force de la Pologne, c'est de
n'avoir, au contraire, aucun projet d'avenir.
Les Polonais savent que les Busses, — pauvres bétes
fauves, qu'un breuvage enivrant rend féroces, — veulent
dévorer leur patrie...
La dévorer, c'est-à-dire raser ses villes, brûler ses
forêts, enlever et transporter au loin ses habitants.
^ Les Polonais voient en rêve le duché de Varsovie, un
immense steppe, enveloppé de forteresses, s'avançant
dans l'Europe centrale, gagnant chaque jour un pouce de I
terrain... ri
Il6 voient en rêve la mélancolique Allemagne, la
poétique Italie, la belliqueuse France , transformées en
devMteii déserts, où l'on n'entend plus que les sabots du |
cheval d'un cosaque.. •
Et les Polonais qui^ëe râveillént se disent :
^4 L'Bwope sera biéft punie un jour de ne pas nous !
« aider à barrer la route aux Moscovites. .. >
• « Mais nous, sentinelles avancées de l'Europe, qui
«^ seijdif éomprenons ce que veulent les Russes, qui seuls
« leur opposons une vive résistance, nous serons les
« ^^retoièiies victimes de^cet envahissement prochain.
« iMiTMMiQUs donc, et puisquMt ftiut mourir, que
raiPAGB. il
« chaque Polonais entraîne avec loi un . Russe dans
« la tombe I...
« Nous ne pouvons plus Taincre 1... Mais nous ayons
c dix siècles d'héroïsme que l'on veut faire périr ayec
< nous... .
« Tâchons donc de mourir en conservant à nos aïeux
« leur gloire immortelle !... »
C'est grâce à cette pensée polonaise que la lutte
s'éternise.
Et c'est aussi parce que cette pensée est bien l'expres-
sion du sentiment polonais que ce livre se termine
ainsi :
« n n'y a pas d'autre solution à la question : La
c Pologne sera triomphante ou écrasée*. •
« Triomphante : C'est qu'il n'y aura plus un seul Russe
« en Pologne...
« Écrasée : C'est qu'il n'y aura plus en Pologne UO'
€ seul Polonais I »
Alfred D'AUNAY.
HISTOIRE
DB LA
RÉVOLUTION POLONAISE
CHAPITRE PREMIER
La Pologne avant le vi* siècle. — La Pologne apdrès 1572; sa consh
titation politique. — Les nobles; les bourgeois; les paysans; lesjuifs^
— Monarchie élective; diète; liberum veto, — Sobieski. — Frédéric-
Auguste. — Le prince Poniatovrski. — Deux partis en Pologne. —
Règne de Poniatowski sous le nom de Stanislas Auguste. -«-Interventioii
de la Russie dans les affaires de la Pologne. — Machinations, intri-
gues de Catherine II. — Invasion de la Courlande. — Une séance de
la diète de 1794. — Les dissidents. — Soulèvement des Polonais. —
Confédération de Bar. — Louis XV envoie Dumouriez arree quelques
troupes en Pologne. — Prise du château de Graoovie par des oflieiera
français. Suwarow. — Cruautés uiouïes des Russes envers les con-
fédérés. — Premier partage de la Pologne. —Duplicité de la Prusse. —
Effet de la Révolation française sur la nation polonaise. — Négociations
à Paris. — Conatitution du ^ maii79i. — Inique invasion de la Po«
logne par la Russie. — La Pologne se prépare à la guerre. — Jo-
seph Poniatowski est nommé général en chef de rarniée polonaise.
L'histoire de la Pologue est une des plussombreset des
plus lugubres pages do «laiiyrologe dos peuples. Pour que
le lecteur puisse plus aisément saisir toutes les péripélies du
loog et douloureux drame dont le dénoûment définitif
est eneore un secret du ciel^ nous allotîs donner \in aperça
sommaire de ce qu'était la Pologne a^\ant le premier par '
i
1 liifTOIftt
tage, etdeceqa^ellefutdepuis le premier jusqu'au second,
dont la Révolution française fut la cause, ou , pour dire
plus vrai, le prétexte.
Les Polonais, qui s'appelèrent d'abord Poliaines, eurent,
Ters l'an 550, pour premier duc de Pologne, Lechk , qui leur
donna son nom, ce prétendu fondateur de la Pologne n^est
qu'un être allégorique, comme Lalinuê^ le père des Latins,
Celtui^ le père des Celtes^ et tant d'autres personnages
semblables. C'est une façon de parler encore habituelle
cbez les Orientaux, de désigner tout un peuple sous le nom
d'un seul individu : c'est ainsi qu'on dit Israël pour les Is-
raélites, Aram pour Aramîtes ou Tyriens. L'arrivée de ce
Lechk, placée en 550, peut cependant être considérée comme
la Térilable époque de la fondation d'un nouvel Etat par
les Lechkes, ou par les Poliaines , qui , en se mêlant avec
lesLechkes ou Lygiens, prirent leur nom. Us descendaient
de cette antique raoesla?eou esclavonne qui fut aussi la
souche du peuple russe : étrange destinée de ces deux filles
du Nord, dont l'une devait chercher m gloire à être le bour-
reau de l'autre» et dont l'autre devait trouver la sienne
dans la couronne de son martyre.
On a souvent dit, et avec raison, que le caractère polonais
offre beaucoup de traits de ressemblance avec le caractère
français. Esprit chevaleresque, bravoure, dévouement, et
surtout fier amour de l'indépendance nationale et besoin
impérieux de la liberté politique : toutes les qualités fran-
çaises se rencontrent chei ce peuple héroïque, et plus on
lit son histoire» plus on s'étonne qu'avec tant de vertus»
tant d'éléments de force et de proepériti, la Pologne n'ait
pu prendre encore en Europe la place qui semble lui être due.
Ses malheurs selon nous tiennent à deux causes i d'abord la
mauvaise constîUition du gouvernement, et surtont rex-
DK LA BiVOLljTIOK POLOIIAI K. S
clasioB inique et absolue du peuple du maniement des
affaires publiques.
L'air de la Pologne est froid, humide et malsain. Ce pays
est rempli de grandes forêts et son terrain est en bien des
endroits si tertile en grains, qu^elle fournil des blés à la
Suède, à la Hollande et à bien d'autres étals. Elle a de tastes
pâturages et on en tire quantités de cuirs, de même que du
cbanvre, du lin, du salpêtre, du miel, de la cire, etc. 11 y
a tant d'alDeilles, surtout en Lilhunnie, que les habitants y
boivent communément de VBydromel^ liqueur composée de
miel fermenté.
Le sel en Pologne ne se tire poiutdoTeaudelamerqu^on
fait éTapor r comme en France et ailleurs ; on le tire du fond
des mines et carrières en grosse masse» et ce qu'il y a de Sin-
gulier, c'est qu'on ne le trouve qu'à une profondeur énorme;
tandis qu'assez près de là, en Hongrie, il est presque k la
surlace du soi.
La religion dominante de l'État est la catholique ; et on
n'y élisait pas de roi qui n'en flt profession. H y a cependant
des luthériens» des calvinistes, des grecs et beaucoup de Julft.
La Pologne est bornée au nord par la Russie et la PmsM ;
à l'ouest par la Prusse ; au sud par la Gallide, et à Ifiet
par la Russie.
Elle est divisée en huit provinces, appelées WâtWùdiêêf les
principales villes sont : Varsovie, PIocIl, Liiblin et Sandernlrz.
Examinons rapidement ee que fut la Fologne avant le
ivm« siècle, ce qu'était sa législation, ce que furent set di-
verses formes de gouvernement; pois nous arriterOM 4 Qtie
étude plus détaillée des temps qui précédèrent et prè^*
rèrent le soulèvement de 1793.
La constitution primitive de la Pologne subit, k dlfléréntes
époques^ de nombre»^ modlftçatlons. D^abord^ Aintorité
4 BI8T0IRS
nppartint aux ducs ou palatins; puis^ ne voulant plus du
pouvoir exécutif aux mains d'un seul^ les Polonais le don-
nèrent à douze oligarques qui se partageaient la puissance
publique ; puis ils revinrent au pouvoir d^un seul, qui fut
encore remplacé par les douze oligarques, jusqu'au w* siècle,
où ils organisèrent une monarchie tempérée et héréditaire,
soumise au contrôle des états , c'est-à-dire de Tautorité lé-
gislative.
Pendant ces diverses périodes, ducs, oligarques, rois bé«
réditaires, le principe fondamental de la constitution, qai
fut toujours ou presque toujours respecté, ce fut Tomnipo-
tence de la nation assemblée. Nous allons voir tout àFheure
ce qu'on entendait par la nation ; mais c^ principe n*était
{yas écrit. Pendant cette longue série de siècles, remarquons
aussi que les nobles se firent admirer par leur simplicité pa-
^.tri^rcale, par une sobriété qui rappelle celle des premiers
Romains. Quelques chaises d'un bois grossier, une paire de
.I)isjb9lets> une peau d'ours, deux planches recouvertes d'un
matelas : tel était l'ameublement ordinaire des plus riches.
Quelques légumes, un peu de viande : telle était leur nour-
riture» ILb ne connaissaient et ne convoitaient d'autre trésor
, qi|e ja liberté. Aussi l'Etat était-il d'une pauvreté extrêm ;
l'industrie était complètement inconnue.
' JLes deux grandes dynasties qui régnèrent sur les Polonais,
tarent d'abord celle des Piasts, et puis celle des Jagellons.
L'iBiMnction de cette dernière , en 1572, fournit aux Polo-
nais L'occasion de réunir, dans un $eul corps de loiscons-
tiiiiUoDAellQS, les idées qui, depuis l'extinction des Piasts,
avaient fer^oieoté dans les têtes.
Voici l'ensemble de celte constitution.
La.npblesse et le roi se partageaient l'autorité, et le
. (ie,¥|pj|e y viyail^dans le servage le plus complet. La Pologne
DK LA RÊVOtimOll POLOIVAISB. S
reflétaK fidèlement cette républiqae moDstruevse de Tantl-
qtiité grecque, la répubiiqoe de Sparte, où^ à o6té de la
liberté la plus extrême, existait l'esclatage le plus abrutis-
sant ; où, à côté des institutions les pins généreuses, se déta-
chaient, par un frappant contraste, les abus les plus révoltants.
Le corps de la nation libre et souveraine était formé par
la noblesse, seule propriétaire des terres. La république ne
'reconnaissait pour citoyens que des nobles. Entre eux, Téga-
lîté était parfaite, pour eux, la liberté était sans bornes; pour
toutes les autres classes d^habitants, existait Tesclavage dans
sa forme la plus hideuse. Chiaque noble, comme en a tu,
participait à Téleclion du roi; chaque noble pouvait prétendre
au trône. Us exerçaient immédiatement, ou par leurs délé*
gués, tous les pouvoirs, dans le civil, dans rarmée, dans le
haut clergé, ils occupaient toutes les places.
Chaque gentilhomme était, dans ses terres, souverain
absolu , il n'était sujet à aucun impôt. Si un étranger
mourait dans ses terres sans laisser d'héritiers, sa succession
appartenait au propriétaire de la terre; si un gentilhomme
mourait sans héritiers jusqu'au huitième degré, le roi ne
pouvait retenir les biens par luinnème, mais il étaii obligé de
les conférer à quelque autre noble..
Les nobles étaient ex»mpts de péages pour les bestiaux et
les denrées qu'ils faisaient exporter. Us avaient le droit d'ex-
ploiter les mines qui se trouvaient sur leurs terres; ils pou-
vaient entreienir des troupes et même construire des forte-
resses. S'ils étaient accusés criminellement, ils ne pouvaient
être arrêtés, et comparaissaient devant le tribunal le sabre
au côté, jusqu'au moment où le tribunal, d'après les en-
quêtes, les déclarait formellement coupables. Cependant,
ceux qui étaient pris en flagrant délit de vol, viol, meurtre
etinvasioa à main aimée.^ étaient. oondanuiéfti d^ droite par
8 HISTOIRE
touies les rigueurs de l'hiver. On enlevait encore ces misé-
rables serfs à la culture et à leurs familles pendant plusieurs
mois de la belle saison, pour transporter, en Prusse, les
produits de la terre. On mettait arbitrairement en réquisition,
ijon-seulement leurs instruments de charroi, mais encore leurs
bôles de somme ou de labour. Les hommes elles bêles no-
taient pas seuls assujettis au travail gratuit; les femmes, les
enfants étaient employés aussi à des corvées : la femme Qlait
pour la maîtresse; les enfants moissonnaient^ battaient les
grains et faisaient d'autres ouvrages, selon leurs forces.
Au xvui* siècle, la Pologne offrait encore quelques exem-
ples d'une cruauté et d'une barbarie qui rappelaient les épo-
ques les plus affreuses du moyen âge. Par exemple, il y avait
des gentilshommes qui faisaient atteler des paysans à leurs
voitures à la place de leurs chevaux. Si un de ces barbares,
allant à la chasse, ne rencontrait point de gibier, il s'amu-
sait à tirer sur des paysans comme sur des moineaux. D'au-
tres fois, désolé de ne pas rapporter chez lui des lièvres ou des
perdrix, il volait les bœufs d'un serf voisin ; s'il ne trouvait
pas de bœufs sous sa main, il détroussait les passants. Lorsque
les seigneurs voulaient simplement se donner un peu d'exer-
cice, ils faisaient venir un paysan pour lui appliquer cent
coups d'étrivières. Si la victime se fâchait sérieusement, elle
n'en était pas quitte à si bon marché. Vautrin cite, dans son
Observateur en Pologne^ qu'un seigneur a fit dévorer par ses
chiens de chasse un paysan qui avait eu le malheur d'effarou-
cher son cheval.» Il parle aussi d'un autre qui avait le droit
seigneurial de c faire ouvrir le ventre à un de ses serfs pour
y mettre ses pieds comme un remède au mal qui le tour-
mentait.» Du reste, on trouve, dans un ouvrage ayant pour
titre la Voix libre du citoyen, et dont Tauteur est un roi de
Pologne même, Stanislas Lecziuski, qu'en 1773 un noble
X
DB LA itVOiUnOU POLORAUn. 9
eonvaiococPaToir tué un paysan à lui, était censé parfai-
tement absous moyennant une légère amende; et si le
paysan était la, propriété d^nn autre, le meurtrier en était
quitte pour donner un de ses serfs en échange.
Dans ce même siècle, les Polonais essayèrent d'établir cbes
^i eux des manufactures. Ils Toulureiit fabriquer des soies
f '. comme celles de Lyon, des voilures comme celles de Bm*
lelles, des draps fins comoM ceux d'Angleterre; mais les
. résultats n'en tarent pas avantageux. Stanislas-Âugiisfci^ qui,
à détant d'autre mérite^ avait au moins celui-là, favorisa le
développemeptde ce genre d'industrie de luxe. Ses efforts
auraient été mieux employés, s'ils s'étaient bornés à encou-
rager des produits que comportaient le climat et la nature
. du sol, telles que des scieries, des forges, des usines, des ver-
reries, des tanneries, des mégisseries, des fabriques de
grosse toile et de sim|d68 étoffes de laine. Mais pour cela en-
core, il fallait, avant tout, attranchir les serfs pour en faire
des fermiers ou des ouvriers; car des bras libres seuls peu-
vent faire valoir les productions brutes que la natnre livre à
l'induatrie.
Les seigneurs, du reste, avaient toutà gagner en rendantia
condition de leurs paysans moins malheureuse, en les faisant
instruire, en les accoutumant peu a peu à travailler comme
des hommes libres, pQur leur propre compte, en payant une
redevance raisonnable aux maîtres, s'ils ne voulaient pas les
afliranchir complétemenL
NousciteronsàcesqjatuB modèle d'affranchissement dont
un auteur moderne donne ainsi les détails (1):
« L'affranchissement le plue considérable quo la Pologne
ait vu, est celui de la grande terre de Mereca>sur les berdsdn
(i) Malte-Brun, Histoire de la Pologne,
10 amomt
Niémen, en LHIraanid. L'abbé BrzofttowsU, étant detenn pos-
sesseur d« oeUe terre, où tout étail en désordre, oominen^a
par diviier les habitants en trois classes, selon qu'ils lui parais-
saient plus on moins capables de se bien conduire. Les pre-
miers, on les toyoH, étaient des fiermiers entièrement Hbres,
et qui laissaient leurs fermée en héritage à leart descendants ;
leg seconds, ou iet einMeotê$, étaient deè nsofrntlters qui
payaient one redevanoe annuelle) la troisième dasseéloitooin^
posée 4e Hulim$y ou paysans oMigés i faire nn nombre défini
de corvées ou trofnnx personnels. Après atoir établi ces dis-
Unclions, qui excitaient une louable émotion. 11. Brtoslowski
pttUia une espèce do code, dont les dispositions étaient prin-
eipalenient relatives à la police rurale et an maintien des
bonnee mœurs. Il forma un conseil popuiake d'un nouveau
genra» ot dans lequel un coMeil de censure distribuait à cha*
onn l'éloge qu ta blâme qM sa eendnte aviit mérité, tan-
dis que les pàree de famille, les plus racommandaUes par
leurs vertus on leur tttduttrie^ racontuant os qoils avaient
observé d'Mile ou de curieux. Le seigneur y proposait ou y
donnait des prix d'encouragement. Dans ce but, il ût élever
et inetnrira des : attreed'éec^. U en plaça nn dans chaque
village, neorapeea, poureee écoles, un catéchisme religieux,
un eatéohieme historique, et jusqifà des chansons qni rap-
pelaient quelque trait vertueux tm quelque maxime de
morale.»
Hais ces exemples d'une bienfaisanee éclairée eurent peu
d'imitaieurei la plupart des nobles Potonais tuivaletit aveu-
glément la roule tracée par leurs ancêtres; quelques-uns,
qui reienaienl dePiarlseiideLendres^se bornaient à parier
piûlDsùphie, économie prtHtque, éoonémie rurale, et bor^
naient là leurs philanthropiques conceptions. Souvent même,
ces be^ux parleurs étaient les plus insatiables tyrans dans
M Là lÈTOMIfHHI VOLOHAIgl. If
lente terres. Le c\»r§à sebl, te oontoMiiani sut biriles Aes
pat)et^ d'aprte losqueliei « âuouû ohrélîéa nt pcul égaletneat
être réduit en servitude^ » ftvait dàQlarà librei toaë lei habi*
tant do ses terres» Il est trai que rintérât n'avait pas à sooffrir
de eetle pbilnnlbropique mesurai qui iiapgttvaitlairatierdra
an clergé aiKUQ paysan* En etfeti ou iH>iivaieii( aUer Cet mal
heureux? Sur les terres des nobles? Oa les y faisait aerfli
Hors du pays? Un pays^io polonais ignorait qu'il y aTait d^aiH
tre pays au monde que le sien. Par celte n»esure»aQ eeoh-
traire* le clergé attirait sur ses terres las Tassaux de la
noblesse, et même des colonies d'Allemands et de HongreiSà
Aussi, ses terres étaient-elles les seules en Pologne qui ot^
frisseot Taspect d'un pays culiivé.
L'espèce d*anarcbie sociale qui naissait forcément des rap^
ports réciproques des nobles et des paysans était encore agg^
meotée par la situation singulière des juifs, au milieu de oette
sociabilité^ mélange incobéreot des vices républicaint et des
Tices féodaux.
En effet, les nobles Polonais, libres, mais à la manière des
sauvflgesj Tivaient au milieu de leurs paysans^ lont ils avaient
la rudesse. Tout était grossier, esclaves et tyraps^ tout cela»
étranger au commerçât a Tindustrie, à ce qui vivifie les EtatSi
vivait daus une torpeur fatale entre les orageuses et sanglan^
tes tenues des diètes, et l'écrasant assujettissement de la glèbe.
Les juiis seuls, par leur industrieuse activité, jetaient un
peu de vie au milieu de cette espèce de ohaes. ils formaient
une sorte de classe intermédialfEeentreles deux castes; bien
plus,par leur nombre et leur influence, constituant réellement
un corps politique, ils vivaient en Pologne dans des conditions
qu'on cbercherait vainement ailleurS| et complétaient une
aociabililé dont, en apparence, ils semblaient «ne svperféla*
UWê at dont) en réalité^ ils étaient le véritable lieUf Aussi» na
I
12 ^ MinoiBi
peut-oa 86 faire une idée précise de Tétat social polonais,
qu'en y tenant compte da rôle qa*7 jouaient les juifs. Quel-
ques détails à ce sujet sont indispensables.
- La première colonie juive qui s'élablit en Pologne y vint '
de rAllemagne. En 1264, Boleslas, prince de Gallicie, les ai-
tira à Kaliss, sa résidence, et dans d'autres villes. De là, ils se
répandirent par tout le pays. Leur costume est cependant
»rlental> ce qui a fait croire à quelques voyageurs qu'ils y
étaient venus du Bas-Empire : il consiste en une robe noire
ou d'une 'couleur foncée, agrafée depuis le cou jusqu'à la
ceinture, et dans un large manteau semblable à un froc. Leurs
cheveux sont courts, leur barbe est longue, un bonnet de
poil leur sert de coiffure. Quoique les boues proverbiales de
Pologne exigent des bottes, ils sont toujours en pantoufles.
Leur teint p&Ie et livide reflète la misère dans laquelle vivent
la plupart d'entre eux. L'incroyable malpropreté de leur ex-
térieur rend leur aspect dégoûtant. Dans quelques villes cepen-
dant^ à Lemberg, Brody, Jaroslaw^ on trouve des juifs riches,
dont quelques-uns étalent un grand luxe.
Cédant aux sollicitations d'une jeune et belle Either,Aont
il était épris, Casimir le Grand les tirajde l'oppression sous la- '
quelle ils gémissaient^ et leur accorda des privilèges dont ils
ont joui depuis lors. Les principaux sont de n'être soumis qu'à
la juridiction du waîwode^ qu'ils savent se concilier par des
présents; de juger entre eux leurs différends en matière civile;
d'être exempts de toute charge, excepté la capitation envers
les seigneurs locaux et nmp6t national.
Comme, sans le secours des juifs, qui sont les principaux
industriels, les denrées n'auraient aucune valeur; que c'est
entre leurs mains qu'elles reçoivenila préparation nécessaire
avant d'être livrées à la consommation; que c'est par leurs
eoina qae^ moyennant un minime courtage, elles se débitent
M LA lÉVtUDTIO* FOLOlfAISI, It
au profit des seigneora terrierv^ ces derniers fliTorfseirt de tout
leorpouvoirrétablisseinent des juifs snr leurs terres. La con-
fection et la débit des liqueurs fcrmentées et spiritueuses, les
moilios et les cabarets sont les mines dn propriétaire que le
mercenaire Jaif faitTaloir. Dans chaque terre, il y a un cabaret
principal; qui en est comme le marché, ou* mieux encore,
comme une espèce d^ntrepôt où les antres cabaretiers sont
obligés d^aller se pourroir de grains, de sel, d^hydroinel, de
bière, d'eau-de-irie, de fourrage. Cest nn jnif qui le tient pour
le compte dn seigneur; et, comme c'est pour ce dernier une
importante somme de revenu, le juif est plus favorisé que
le chrétten. Les nobles lui abandonnent sans pitié Tinten-
dance sur leurs paysans. Aussi, les jnifs ont-ils partout droit
de boargeoisie. Ils font tous les métiers lucratifs, habitent Tin-
térienr des villes, et ne laissent aux serfs chrétiens, pour res-
srarces que les occupations les moins productives, et pour
demeure que les faubourgs.
Tout rangent comptant du pays est entre leurs mains; les
néUes leur hypothèquent la majeure partie de leurs biens-
fiNids. Leur esprit de négoce est porté si loin, qu'il y a des loca-
lités dont ils ont affermé les baptêmes chrétiens, et, tenant
ainsi entre leurs mains les clefs des fonts baptismaux, ils en
font payer souvent dier rouvertnre. En un mot» la nation
juive formait, après la noblesse, le plus puissant corps de
la Pologne.
D'après Topiaitti commune, les juifs polonais passent
pour être les plus grands fripons de FEorope. Peut-être
n'ont-ils acquis cette réputation que parce qu'ils sont les
seuls agents du négoce et les principaux industriels. Libres
d'exercer tons les métiers sans être entravés ni par les règles
rnents de corporations ni parles trais de licence, ils ne s'adon^
4Wk «^pendant qu'aux moiaa intigaiits et au noius logé*'
Il
iiwix« AioÂi par eiemple^ ils aobtinmmerf^ MHefifiiiOO^
royeuriy passementiers, potidrftd'ébàia; Us «itneat l'orfevuso
vie à cause des facilités que cet état leur franiit pour eonfr-
metlre des fraudes sur les métaux* Si un toi so ccNaniei^ et
que la police fasse des recherches» il est rare qu'on ne décoii*
\re pas quelque juif comme complice. Ils servent aut voleurs
de guides dans les maisons dont ils connaissent les entrées; il
n'y a guère» dans toute la Pologne, d'autres receleurs qu'eux»
Comme tout moyen de gagner de Targent sans travailler lear
parait bon, ils trouvent même» dans les charmes de lours fem«
mes et de leurs filles, de quoi faire, avec las voyageurs^ un
trafic asses profitable, à moins» dit Malte-ftrun» à qui Mna em^
pruntons ce portrait peu flatteur^ que^ semblable aux habi^
tants de Hamildont parle Harco-'Polo» les juifs de Pol^gM no
soient dirigés par quelques motifs superstitieux^ loraqu'îlé
facilitent aux étrwgers qui passent par leurs villes roocasèoe
d'altérer la pureté du sang hébraïque.
Celte situation» en quelque sorte excepUonaette, dos jitift en
Pologne» n'était,dans cette étrange soeiabiiité» qu'uiie 4iiom
malie de plus. Ainsi, en résumé» chaque BoUe n'était qn'sm
despote au petit pied» nonn^ulement dans ses terres» mais ofr*
core dans les diètes où, par le lH$rum nef o» obacutt d'eux pou*
tait individucUemeni entraver touiee les ééiibérations*
D'autres part, point de liberté» point de bito^étrey point de
sécurité: telle était;ia misérable condition du paysan. Gomment
Vindustrie auraiWelle pu f eurir soos un pareil état de cho-
ses 1 Le serf» n'ayant aueno intérêt à mieux faire, remplissatf
tout juste sa tAohe. Comment sortant^ 1m jour où la Polc^ne^
menacée par ses ennemis, appela à son aide tons ses enfants
sans distiiMtioai comment ces misérables ilotes pouvaient'
ils accomplir la deroir sacré qu'on lear imposait? Là où H n'y
apoîntdoUJNWlé, il û'j a^ial da paMo^illiltrai^a'aldn
n LA MkfGumom polohaisi. 16
la noblesse promit Taffrancbissement de ces malbeureax; maïs
il était trop tard, elles serfs, craignant, après la victoire, de
retomber sous le joug de leurs maîtres^ ne Qrent pas tout ce
qu'ils auraient pu foire s'ils eussent été libres. En résumé,
sous les apparences de tout ce qui existait en Pologne, mœurs
usages^ institutions, lois^ on voyait une nation qui représen-
tait admirablement le moyen ftgc . vassalité puissante et op-
pressive, esclavage inique et écrasant, courage faroucbe et
vertus sauvages, des nobles, aDrulissement et dégradation des
serfs, tout s'y trouvait. L'élévation des rois aux champs de
guerre, les croyances invétérées, la foi ardente dans son Diea
et son épée, les institutions vieillies à la faco âes nouveaux
besoiosi complétaient cette sociabiUté qui, avec mille élàmeals
mal combinés d# forfie lurutaia^ 4evait se tn)«iv«r laible 4^
vaot régoisaw d9 lacivîlw4wi«
Cest en Tan 1573, après la mort iê SigisniaïKi UiAagmto),
411e la P4»k|[ne^ Migfm éê la iftonarehie béfféditaiii% se
OMisiituaett rétmblîqoe^ o«» si l'on veut, «a flsmiaffBUe ilal-
tive# Ca JoupU^ elle arganisa l'aaartbia^ Pmt la pnaasière
fcûs la ccMtîiittio» (ut éotUe^ Du vesla^ saat la iupprasiieti
de rbérédité de la couronne, elle raeta m qn^elle était au*
paravanti car ce »*est fm da cette époque que date rétablis-
sement du liberum veto dont nous aurons à iiarler Meal&l.
I^a coMlUuUon proclama Texlsteiice da laols pouvoirs ;
Fovdre équeatre^ Tonke des séiiateurs, et la roi* Ella ras*
tveipdl trèa<éàroiAeBseDt la pouvoir iwjal) aatara la san-
kérédiiédu UAaa, ella ilatiia que le eoiivefaiu m pourrait
déclarer la guerre, eagmenler l'impôt, oomittra un mariage
aa an divorce, eoveyer ménie des niaistres dna lee cours
étraogèrea, peur afbîre importanle satts le ooMeniematit du
Carpa Icgîslalîf* £i»i|irîsoBaé dans eea étroitas llmilee^ le rai
n'avait d autre attntaitiM ^de Mtftmer aiaainpiiil «d.
16 * É18T0RB
minislratifs et militaires, et aux places vacantes dans lé
sénat.
L'ordre équestre comprenait Tuniversalité de la noblesse
qui élail représentée dans les diètes ou>ssemblées législatives»
par ses députés ou nonces; dans chaque palatinat ou province,
la noblesse formait une diétine ou collège électoral. Ces as-
semblées , toujours bruyantes et orageuses, choisissaient les
nonces, et leur donnaient^ soit des pleins pouvoirs» soit des
instructions impératives, qui enchaînaient le libre arbitre T
du mandataire sur tous les points prévus par ses commettants. &
Nous remarquons» dès cette époque» dans les mœurs poil*
tiques de la Pologne» qui ne sont pourtant pas remarquables
par la sagesse» une institution qui accordait une rétribution
aux nonces par la diétine qu'ils représentaient. Chaque diétine
nommait» outre ses nonces» les magistrats et lesfanclioDnaires
muBiaiiaui desM ressort.
Neus avons dit qoe le sénat étaitcompoeé par leroi : c'était
là sa plat importante prérogative. L'archevêque de Gnesne
présidait cê corps sous le tîlre de primat; pendant les inter-
règnes » il gouvernait par intérim» so«s Tappeliotion de
vicaire de la république. «
Le pouvoir législatif se partageait entre l'assemblée des
nonces et le sénat.
Il y avait dons sortes de diètes : les diètes ordinaires qui se
tenaient au meins tous les deux ans, et les diètes extraordi-
naires» que le roi convoquait dans les drcMStances urgentes.
On distinguait aussi les diètes pacifiques {camiiiu Êogala)^ ef
iûs diètea à cheval (eamitia paluéatà^ : ces dernières se
itnaieotjen rose campagne. Les nonces y allaient tout armés»
comme à une bataille ; le sang y coulait à flots. Ce spedadi
i'appelait les comices rr^mains ou les champs de mai des
anciens peuptos germains ou gaulois» Quand on Ut Thistoire
DB LA RiTOiimaH FOLONAISI. 1^'
de la Pologne dans les dernier» siècles^ on se croît en pleine
barbarie. Cest dans ces diètes armées que, «L'ordinaire^ oa
choisissait des rois; réjectioa du souverain était.le prix de la
victoire.
Et cependant, ce n'était pas encore asse? pour la Pologne
de tous ces éléments de discorde et de raine. HalbenreuBe**
ment la constitution de 1573 avaii omis de formuleri d'iite
manière expresse, le principe de la majorité, ce principe né-
cessaire ei éternel. Jusqu'en 1693, cepmdant, lesdélibératioiis!
foi^nt prises à la m^îorltédes suffrages* Mais, àeetle époque/
ropposition da nonce Sictncki, d'Dpita, en Lithuanie, intro-i
dnmit dans les moeurs politiques de la Pologne le poiàon des*'
tracteur qui , avec Toppression du peuple, a le pluecontribvé»
à l^anéantissement de ce royaume : nous voulons parler'
dn liberum veto q«ry' oooiKicra l^nardricv Le* liberum c«/o/
d'abord fait isolé el individuel, qui, ensuite, passa dans ksi
hafbitudes, devint enfin la phis sainte des lois pour la no-
blesse dont il flattait l'orgueil. Le principe de l'uni|nintité>
absolue^ principe absurde et insensé, prévalut sur le pltHuni
lité des voix.
NfHKsealement le veto, mais l'absence d'an nonoe suffisait*
pour interrompre toutes les délibérations; c'était évidem**
ment rendre tovt gouvernement, tonte bonne gestion des
affaires publtqnes, im))oSsibles; c'était subordonner aucapric8>
d'un homme le monvement de la madiine politique, qui
ne doit jamais s'arrêter. Comment, en effèft, ta diversité
naturelle des esprits, la divergence des intérêts et des posi-^
lions permettraient-elles que, dans une assemblée composée
de planeurscentaînes de personnes, toutes leà opinions se ren-
contrassent d^babitttde dans .une seule et même pensée? Ajou*
tez à cela que les mandats impératifs, qui liaient fréquemment
les nonces envoyés aux diètes, les empéchaîMl d'être d'«c«
3
^i itttradi
coH, quand même cet aeeord eût été possible. Ms^lora, les
questions les plus imporfenfes attendaient indéfiniment une
solution, les lois les pins urgentes étaient Indéflnlment ^Joor-
nées, ou bien encore, quand le parti le plus nombreui était*
pressé d'en Sntr, Il reeouralt» peur supprimer PopposlUon,
au nemède sauvage de l'extermination des opposants.
La Pologne amill emprunté le oeto aux institutions de la
république romaine; mais quelle ditléreneel A Rome, o^
tait à deux hommes seultmeot qu'on remettait ce droit exor*
bitant, et il était toujours exercé dans l'intérêt du peuple, que
les tribuns représentaient. En Pologne, au contraire, il appai^
tenait à la lois à trois eu quatre cents personnesi qui Texer*
«aient, non pat dana l'intérêt du peuple» puisque le peuple
n'y était HeQi mais dans rînlérét de la eaala dominaoteftdo
le noblesse, ou même dans le leur, lorsque les mesura dea
Qoblee se oorrompirent.
Mous ne compterons pus, parmi les institutions vieiiueaa
de la Pologne» le principe de rélectiou au trône. Dea exe»*
plea nombreux prouvent qu'il est des pafs où an IiApc éleoltf
et viager fonctionne parfaitement; mais on voit que» ludé*^
pendamment décela) deux causes permanentaade traubki et
de ruine deux maladies cbroniques, alléraient etminaiuot
ineessainment, dès lexvir siècle, le vigoureux tempérament
de cette généreuse flile du Nord ; d'abord, le «tfe qui paral|w
sait, pour ainsi dire TEtat» puis resclavaio du peupte. l'escla*»
vage quialicoedu gouvernement le» classes dé^bénlées de
Imira drpila légitimes et oaturels, et qui toit qu^eUea foYiL
défaut i la défense du pays» quand le pay» a besoin d'elles.
Arrivons maintenant aux années et aux événemenla qui
précédèrent et préparèrent le partage du tarritolM poln»
Mis, et ranéantisaement de cette natlou.
ieUeskl vcmU de «aeurir en laissant après tel le aoavemr
Dl LA RÉYÔLtmÔtt FOLONAISB. Il
de grandes fautes 6t d^éininentés quaittéi. IbMle eft|rilftliie>
excellent aâminislfatéot, Il ivatleti l&toHdeBêJetér dftiMdêl
guettes glorieddei, mate Inutllei 9m BUjete, M puts^ I U
fin de son règûê, de le la!»er, comme LottU UT, dominer par
on prêtre, le Jésuite Vota. U Pologne élut à M placé l'élediiur
de Sate, Frédérlo-AugUBte. Appeler au trAoe te eiHlveraittd*ttii
autre pays, c'était déjà un tort, comme les étéiteméud le
prouvèrent. Hais ce fut à torce d^or quci Frédéric^Augilste
acheta le trftne. Jusqoe-lA> nous atout remarqué que les
mœurs de la nôbleaae étaleut restées pures; maliaprès SoMeilU
tout changea; lâsolf des richesses, le gofti des plaisirs rMi*
placèrent Tanttque austérité polonaise, et la côureuné fut,
pour ainsi dire, mise aut enchèreê.
Prédértc-Augûste, qui projetait le rètabllssémitit Ae la
monarchie héréditaire, mais qui n'eut paê, lottatoarttne,
sans cosse agité par la guerre, le loisir nécessaire pour réallaer
soft desseins, tut un des rola les plus funestes à la PologM,
et uu des plus impopulaires. Au début do son règnei il bleaia
tea susceptibilités natiounles en appelant des troupéisatM-
uea àu sein d*0A paya aussi fier que Jaloux de aou ludépoti*
dance. fii6n(6t il de rendit odicuî par la part qu'il prit 1 It
guerre entre la Russie et la Suède; car, si la POlOgtta, <)ui
servit de Ihéftlré à cette lutte outre Pierre 1^ et CharluXU,
souffrait de toutes les victoires de Charles XII» d*uu autre
G6té, elle ûe gagûalt rien à celles de sou allié» Plerro V^^ qui
en profilait seul. Mais le plus grand crime de Prédéric^Auguite
envers le noble peuple qui se donna à lui, ci UU Ait ttl ton
alliance servile aVêC le c2ar moscovite, quoique loi PolOMis
en fussent profondémeut offeusés, ni même la tulénnei In-
juste dont il couvrait leé coupables ekcës de les troupes Slfton*
des, qui traitaient la Pologne comme un pa}a Couquls; OU fut
surtout le paa immeuae quMl fit faire à II oorrufilioB^ aoua
S0 HISTOIU
^QQ règne. On comprend, en effet, que le Jour où Tégoisme
remplaça Tamonr de la patrie^ où la licence des mœurs vint
joindre ses ravages à cl|k de Panarcbie, on comprend que ce
jour-là la Pologne fut irréparablement perdue.
Pendant qu'elle touchait aipsi à son déclin, Tastre de la
Russie se levait à l'horizon et brillait déjà d'un vif éclat
sous le règne de Pierre !«' dit le Grand.
^ Cepçndant^ les plus influents des nobles Polonais s'émurent
des dangers qui menaçaient leur patrie dégénérée; et, sur la
fin du règne de Frédéric- Auguste^ deux grands partis se par-
^tag^r^pt H Pologne ; ils arborèrent tous les deux le drapeau
,dQ Ift, réforme; un Czartoryski était à la tête de Tun; un
Potocki, à la tête de l'autre. Chefs de deux illustres maisons
de.iPolpgpe, chacun de ces deux noms était un drapeau.
; Le plus riche et le plus nombreux des deux partis était celui
des Czartoryski. Les Czartorjfski, qui étaient animés d'ex-
,oelleiites intentions^ prirent, pour atteindre Jour but, le plus
mauvais chemin, en s'appuyaiit sur Tétranger (comme si un
liays devait jamais appeler l'étranger à son aide). Prenant la
Pologne pour ce qu'elle était devenue, ils croyaient, en raison
, de l'abâtardissement des mœurs, à l'impossibilité de la ré-
publique ; ils voulaient rétablir la monarchie héréditaire ,
étendre Iqs prérogatives de la couronne, et surtout extirper
le caAcer dévorant du liberum veto.
Qqant au parti de Potocki, il voulait bien aussi abolir le
. liberum veto^ dont Tabsurdité avait fini par frapper tous les
esprits; mais il entendait que les libertés publiques proQlas-
sent de cette abolition, et, au lieu de Taugmenter, il voulait
restreindre les prérogatives royales.
Du reste, dans tous ces projets ae réforme, il n^élait nul-
lement question du peuple, des bourgeois, des paysans; la
cla89e privilégia songeait à elle, voilà tout, et elle aurait
DB LA RÉV^LtmoM rOLORAttl. ^
été fort étonnée si on lui eût parlé des droits imprescriptibles
da peuple, tant elle était habituée à le compter poar rien.
Cest alors que le grand Frédéric, rot de Prusse, qui sou«
tenait à cette époque, à Taidedes Anglais^la guerre de sept
ans contre TEurope coalisée, envahit les États de Saxe,
Pierre I" entra, à son tour, en Pologne. Ce fut la première
violation du territoire polonais par des troupes étrangères ;
mais quoique le czar moscovite nourrit déjà sur cet intbrtuné
pays de secrets desseins de conquête qu'il légua à ses suc-
cesseurs, cette invasion avait au moins un prétexte honorable,
celui de secourir un allié, Télecteur de Saxe, menacé dans ses
États. L'occupation de la Pologne par l'armée russe dora six
*an8.
Pierre le Grand mourut; après loi rien ne transpira des
prétentions aitibitieuses de la Russie, jusqa^à Catherine H,
qui, étant montée sur le trène en prenant pour marche-pied
' le cadarre de Pierre 111, son mari, tut la première à mettre
andacieusement à découvert ces projets d'envahissement. Le
premier acte d'hostilité de Catherine fat Tinvaslon du duché
de Couriande, an mépris des dreMs sacrés et incontestables de
la Pologne. Le gouvernement russe j qui, comme le gouver-
nement anglais, ne se préoecupe jamais dans ses relations
intematÏDAales de moralité nt tle justice, mais uniquement de
son intérêt, se taisant juge dans sa propre cause, soutint qne
la Courlande appartenait à la Russie, et se moqua des protes-
- tations des Polonais.
Hais œ- n'était là que le premier pas dans la voie que
Pierre le Grand avait tracée à ses béritiefrar lo second ne su
Qt pas attendre ; seulement, n'osant fèkeouverlettieut, pour
Texécution de ses projets, ce qu'elle availfait pour le duché
de Courlande, Catherine de Russie, se souvenant de^ la nui-
chiaiélique maxime de Catherine de Médici^ « dtariserpenr
12 wmoiMM
Ugmer, » Juget que» pour avoir meilleur marché de la Polo-
gne, il valait mieux y allumer les discordes intestines et
réoerv^r |^r la guerre civile^ que la combattre fran-
chement.
La première manifestation de cette politique perfide fut la
aominatioQ de Poniatowskî i la place de l'électeur de Saxe
.qui venait de mourir.
Le prince Poniatowski, dont Télection exerça une si fatale
inOuence sur les destinées de son pays, était neveu des Czar-
torjfski; brillant et frivole, il avait dépensé sa jeunesse dans
les plaisirs, saus s'oQcuper d'études sérieuses, quoiqu'il râvàt
Ja couronne de Pologne, sur la foi d'on ne sait quel alchimistei
qui, pendant son enfance, avait amusé la tendresse de sa mère,
.en lui disant ; « Un jour votre flls sera roi. » Poniatowskî,
itoot la première adolescence s'était passée au milieu de voya*»
fges d'agrément en France et en Russie» était devenu, a Saint-
Pétersbourgi Taniant de Catherine. Ausei, oubliant que
ri vresse dee sens m gagne jamais ni le cœur ni la tête de ces
ila$alin09 oottronnéei, o|i prétend qu'il s'était bercé de l'es-
poir d'épouser ea royale raaitresseï et de s'asseoir sur le trtae
de toutes les Russiea. Il fut bien heureux, en tombant du
baetdeee rêve éblouissant, que Catherine voulût bien lui
payer son amour avec la couronne de Pologne» à laquelle il
n'avait assurément aueon droit, si les meilleurs titrée pour
porter une couronne sont rélévation de Tesprit, l'énergie du
caractère et le dévouement au pays que Ton veut gouverner.
CMtUerine protégea donc la jeune ambition du prince» et
afficha son insolente protection dans une lettre qu'elle lui
envoyai même avant la mort de Frédéric-Auguste, par le
eomte Kaiserllng, son ambassadeur en Pologne. Cette lettre
était conçue an eee termes : c J'envoie Kaiserlingen Pologne
avecraMba di tftai faire rai«a £a même temps» Gatbe^
#
ta LA itVOLimôll IN>LONAlfl«. il
riiie,8am prétexte celte fols» envoyait une armAe en Pologne
pour essorer Paccompllssenient de sa hautaine volonté.
Ce qaf! 7 eut d'étrange à cette époque, c'est que ce frftne
de Pologne, qui, à disque vacance, était ardemment disputé
par un grand nombre de prtnoes étrangers, se trouva pres-
que, après la mort d'Auguste, sans prétendants princiers.
Rien ne prouve mieux le mauvais état des affaires de ce
pays. Tout le monde pressentait le triste avenir qui le me-
naçait. Les seuls candidate furent le fils de Frédérle^Auguste,
le prince Adrien Gzartorjski, Poniatowski et le général polo-
nais Brawicki. Les deux premiers se retirèrent Irientftt, «I '
laissèrent le eliamp libre aux deux avlres.
Poniatowski joignait à la protection de Catherine celle dn
parti Gzartofyski, dont ses oncles étalent les ehe(h;quantà
Bravricki, il était le candidat du parti de Fotocki, qui, plus
jakMix que Pantre des libertés pobliqMS, ennemi déclaré de
Phérédilé de la couronne, et surtout de' nntervention étran-
gère» plus profondément pénétré du sentiment de la dignité
natioqale, était le parti le plus populaire des deux.
Le prince Cxartsryski^ qui, comme nous Patène dM, avait
les meilleures intentions, mais dont le patriotisme manquait
de prévoyaneei se servit d'un singulier moyen pour Aiire
triompher la candidature vivement combattue de son nevea
PMiatowski. 11 imagina dVippeleren Pologne^ non-eenleoMit
une armée russe» mais une arwée peussiennei êàâ la Pf Qssf »
comme la Russie, et d'accord avec elle, convoitait, élis
'aussi» sa parties dèpouiUea de m pikj%, el le pcipce Gaar*
*torysliîj trompé sans doute par les protestations hienveit»
lanUs des ennemis de sa patrie, ospérajl que las dmt surmées
s*en folonrmraîent paeiflquemeot obea «11m après réte^toa*
ia diète qui 4atait nommer le saçoeseeur de Fréd^rio*
AiiffNite ^uêwMàf te 7 ssai VH^ 4 Vacapvtei mitm4m
U HtSTOlBE , , ,,
troupes russes et prassieones. Ce jour-là, Varsovie, présenta
le plus dépk)rable spectacle,. celui de rassemblée des repré- .
sentants d'un grand pays délibérant sous des baïonnettes
élrangères. Le parti Potocki eut beau protester et refuser de
prendre part au vote tant que des soldats étrangers souille-
rnieut le territoire, on ne respecta m^e pas. Iqs anciennes
institutions, qui étaient encore en vigueur et dont on voulait .
cependant le maintien : an mépris du veto de plusieurs
nonces, l|i diète délibéra, et Poniatovirski fut proclamé roi de
Pologne, souslenomdeStaoisla^AugMste, le7 septembre 1764.
Cette élection fut viciée, non-seulement par la violence^
mais encore par la corruption; car elle coûta beaucoup d'or
à te Russie.
Il faut rendre à Stanislas-Auguste cette justice, qu'au début .
de son règne il panit vouloir s'affranchir de Tinfluence de Ca-
therine et gouverner par lui-même; mais les obstacles qu'il
rencontra fatiguèrent , son caractère pusiUaqipie; comme:
Louis XVI, 11 aurait voulu contenter tout le monde, ce qui est
la plus grande des fautes en politique; car c'est ainsi qu'oo i
ne contente personne et qu'on ne se fait que des ennemis.
Aussi, le sentimen» de sa faiblesse le fit-il bienl^bt renoncer !
à celte lutte, et le rejeta*t-il plus que jamais aux bras de la •
Russie. t
Le parti Czartoryaki ne tarda pas à avoir la preuve de la dé* !
loyauté de Catherine, et à recueillir les fruits de sa folle cré* ; ^^
duUté. . ; V.
Par le pacte secret conclu entre Catherine et les deut * «
Csartoryski, ondes du roi, acte par lequel on ne sait*ce \ •
qu'on doit admirer le plus, ou de la duplicité de l'une, ou ' *
de raveuglemenides autres, il avaitété expressément convenu -
que, peu après l'élection, il serait porté, devant la diète de
convoeatto&, des paeta eom>entay' qui devaient essentiellement'
M u liipunnaw poloraki. tS
chaigir la coMttlutioi^. Toutes les grandes magÂstrabires de
la république dépouillées de Jours droits les plus abusifs;
la distribution des gfftces reBdoe plus iodépeodanles ; et prin-
cipalement la pluralité des voix snbstituée aux lois iosousées
de Tunaniraité et du liberum neto; telles étaient les princi-
pales réformes par lesquelles les Gzartorjski Toulaientaraener
] la Pologne à une constitution monarchique. Mais les pr^ugés
Jde la noblesse, et surtout les intrigues de la Rnssici devaient
faire échouer tous ces projets de réforme.
Ce fut surtout au sujet du maintien ou de rabolition du
liberum veto^ que la Russie, soulevant on coin du voila
dont elle couvrait ses intentions , fit éclater une véritable
tempête au sein de rassemblée. Ces cinq ou six cents rois qai
composaient la chambre des nonceS| et qui régnaient sur la
Pologue» défendirent avec acharnement la mince part de
royauté dont on voulait priver chacun d'eux au profit de tous.
ToutTarsenal des étern/»ld lieux communs, à Taide desquels
les gens intéressés au maintiea des abus les soutiennent
toujours, fut mis en œuvre par cette circonstancoiet prévalut
contre la raison même.
Nous rapporterons cette séance avec quelques détails, pour
donner au lecteur une idée des formes sauvages qui prési-
daient souvent à ces diètes, et de Tastucieuse politique de
la Russie, quMl ne faut Jamais perdre de vue dans les
causes essentielles qui ont amené Tanéantissenient de la
Pologne.
Parmi ceux qui allaient soutenir le maintien du liberum
veto, beaucoup s'étaient fait payer leur résistance par la
Russie \ niais la plupart, il faut le reconnaître» puisèrent leur
opposition dans une source pure, Tampur malheureusement
inintelligent de la lib^té et des viciées coutumes.
Un de ceux-ci, et un de ceux qui défendireut avec la pin
4
te
Mitifra émrgfe 1« llhemm teM, fut Woltfêkl, p«rM( de MaU-
Cboirt;ki> maréchal Aê» nôttoes.
« --En térité.mMiiétifsméiifMrég, dltce fougueux tiibun,
aprèi là propoUttofl qtii tous é^t êoumtêe, Je ne fn*étonnô plds
d'entendfe mnrniurer autôuf de moi qnll faut an^si rétablir
rhérédltédiilrAntf, cette imlHtttlon abolie par la sage prévision
de noa pèreê. C'est là qu'on' tent arriver, et on commence
par vouloir porter la plus grave atteinte aux droits de h
noblesse, à notre OonstituUon même, dans Tune de ses dis*
positions les pliis importantes. Le ttberùm veto, c'est notre
sauvegarde à tous, messieurs mes frères ; c^esl le palladium de
notre liberté^ c'est lui ({ui garantit chacun de nous de Toppreâ-
alon dès autres, t^our que les décisions d^une assemblée soient
Scf upuleuSémefat etécutées par tout le monde, il faut qu'elles
émanent de tout le monde i et c^est à celte sage toi de l^u-
nanimité des sutrrsges que Von voudrait substituer celle de ta
majorité! La majorité! c'est direqull pourrait arriver qu^urte
mesure mauvaise, quifturaft pour approbateurs la moitié des
membres de cette assemblée, plus un, serait adoptée au mé-
pris des droits de l'autre moitié, c'est-à-dire qu'une seule voix
l\sràit f»encber la balance , et déterminerait la domination
t^ranniquê dés uns par les antres.
« Preneï-y gardé, messtetnn mes frères, dans I^ordre poli-
tique, tout Sè tient, tout s'encbalnè. Dlmprudcnts et auda-
cieux neinteuf S tf^ns demandent aujourd'hui le sacrifice du
libervm ee/O; demain ils vousdemanderont rhérédité du tr6ne,
pulséttcMe d'antres nouveautés quils décottroni pompeuse-
ment «tt nom dé réformes. Dieu sait Jusqu'où cela irait!
M'OQvret pai la lyorté ant innovations, m Craignez que plus
lard 11 M^nm soft plm posafMe de la fermer.
« L'édifloè fondé par nos alettt, et dont lé Ubirum vélo est
M pMrw ib|!«lâlre^ i ponir tel U ^nséeratloll 4éi années,
M LA WÈfOhfSnUfH f^LOH AISB. ^
Ne MbrmlMi pa» ê&an le prétexte de le reittarer, de penr qnll
ne nom écrase en s'éermtlant snr noos. Gardons nos vieilles
Ms, nos vieilles InsUtoUoM^ el n'ooMioas pas que e^st rantf*
qiiité qvi Mt Mftovl la favce 4es nsafes.
c Qnant i moif Je ëiclam que Jamais Je ne renoncent
volontairement à une prérogative qu Je tiens de mes anollres
el que, eeoime eu^ Je israls prêt i la soutenir, s*ll le fallait,
les amas à la «ain, dana les etnaices, oonlM tow een qui
ne pensent psa eemaae naeî.
c A ealai des taaprodepta nevateoM diront peul-étra qoe
sMlenir ainai son dMît par le lar^ oM la4rail d*«i barbare»
Jan'aiqai'at aaolàrépeiiAra: ffilj a d* la batbariaà ne pas
DÉpiidîer ce qui a faUla gioira et Teivueildd oaa pèrss* ce qui
amakilMulew liberté, je veutétre barbare, a
Gadiaeeufs» qui flattait laa gaùls et las inifocis 4e cette
aUière neUaase, fiit aosaailti par Kmniansa oiaforilé avec
4m frénétique eallioasiaanie. «•- a TiMsl tons^ nous voulons
éto* terbereal a i'évrièrant apantaiiéfneBt la plupart des
iMmbieiilaFiiietai à la palgnée de leur wbra, et prêts à le
tker MulM to«l eppesaqi
▲ voir t*aitilode haulainf el meMçante de cas» iers enfants
dsa flamalBs, qui, aaleo leur antiqw «aiga, Mlaient rendus
eoarmeaè la^dlètOyiiak: n^Atyq se preiredMBîiiie assemblée
de législateurs. La provocation était sur toutes le lkvrei,ledéll
dans Mis Jaa vegirdÉ^ Bsi hoHpe éttan^sr au kebilttdes des
dflfeteaeètcmassialar i no de cea bAifanlant t«iÉt]|tuetti '
oatodcea éea qpnetrf es» du niofea âge^ fsèrtNinl^ après ime
motion» leur écu dalanr lanea, et disant t Voilà mon dnoit *^
e^m leii Ita rasls^ lia Polemis avaiem aneore ooeeervé, {
dgaelenra aesBura pnMsqMa» qaakiaa nllese'de eus rudss \
etr fitfenahea tUÊét. dent le elvilisatîott apaiè pattapt ëUlanrB
lÉUMMueftiMlolU Itt tefoip^ àiiÉ44ii4ii'j|ft.'pnBi|it à '
Up i.r • WS70IM- , 1 v.M
cette sqaoce n*étut que la physionomie. babitueUe defidiU/
bératioos, lorsque le wîei ea dîscQssion était de naiuie %*
aipener des dé)i)ate orageux^ tï, ^tma ce rapport Je libtr»êà:
veto éialt une de ces quesiîoBs ardentes qui pMvaifint le.
plus profoodémept remuer toutûs les passions de ces finrs
paladins de Tâge moderne^. ^
Quelques<Kios, et c'était le plus petit nombre, avaienl ivnt^
altitude imposante et calme, qui contrastait anse Talkine pas^
sionnée de la majorité. A la tête de cette «inotité étaifati
les deux Cxartoryskl. Jugeant les souTeraMis d'apràs la loi
commuDe, ils n'avaient po crure que par cela seul qu^n eftt '
ceint le diadème, on pût impunément se Jeuer de sa parole et',
de ses serments.. Gstherine s'était formellement engagée à
faire appuyer TaboUtion du liberum veto, et tti auraient cru
naïvement a cette parole de reine. Leur opinion snr cette
question était connue d'ayancci puisque c'était en leur nom •
qu'étaient été portés» devant la diète, lespnetoeonsMto; et*
cependant .ce n'était paa contre eux qu'étaient dirigés las
regards depnavoeatien ou de menace des fougueux partisansi
du liberum veto ; c'était contre un des plue jeunes nonces, qui;
n'avait pas parlé encore, dont l'opinion était connue aussi
d'avance, et dont le dédain semblait défier toutes les celèresy:»
ou muettes ou brufantas, qui paraissaient ne s'adresser dirne» «
tement qu'A luL ^ »
Ce ne tut pas lui cependant qui fépendità Wobiaki. Un den»
Csartoryskiy le prince Adam, seichargea de réfuier sa vigoup-
reuse harangue et de battre en brèche le Ukmrmn esfe.Il le>
fit avec la modération qui le caractérisait.
*«t Messienrsmes frères, diMl je m'étMne qu^en invoqM,
peur défendre le lihenm veto, le saint nom de la ttberté. il •
me semble pourtant qu'il nlapasto^joun été un beuolier bien >
Hîie povelki et r^pte^ 4e dtf par lequel liftancaWoluiUi
Dl LA lliY%M}WMI|H>L01IAUI. M
atenniné aon 4iioMr3 me rappeUappéiMfîwit . que; dww
maintes dTcoueiànces,]elib€nmif$/ù f|Uiia signal lUgiierft
dans rassemblée def nonces^ et ne servit à ia fois qu*k faife
opprimer et tuerie petit QomJ»re par te graffd,nqiiftifre«QiHu4
on n'était pas d'accord, on se battait; et 1q plus fort^ c'eatràrdire
le parti le plus nombreux, avait toiyours raison* E^dt^^ce la
de la liberté ? C'était bien le règne da la mfjorilé coatreJequal
on proteste aujourd'hui; seulement^ c'était une majorUé,
violente^ brutale» à laquelle je tous propose, du sulMlilui^r
une majorité pacifique et intelligente.
« le snispartisaui autant que tout ax0ge, de la Mbeité , nais
la liberté doit avoir ses limites^ ^ veux amnt.t^ti^ue
mon pays soit fort contre l^s eonemia extérieurs flui.pom>
raient le menacer, et qu'il prosi>ère au-de^aos. C'est pouc
cela que je repousse une aoaficbie qni fait aotre faiblesse
an^dehors et notre ruine ao^edans.
t Le libemm PêtOp messieurs mes frères^, qu'an vient 4f
placer sous U, protection dessièples^ n'^st pas, dUireste^.ausii
Tieux qu'on le dit Vous savez bien qf'jl ne date que 49
Tannée 1652; vous savez bi^ aussi qu'il n'est éorH AuU^ part
dans la constitution^ et que c'est un iisage qui s'eat,traBS«
fonné facilement eu ioi*
c liais ce serait uuf, loi| et une loi, de la plus hante auti**
quité, qu'il n'en ^ faudrait pas;n)oins laboUr si elle était
mauvaise. L'est^eUeT Voilà toi|jte,la4u^tion. Pour larésandre«
vorez les fruits qpe le tt^ifm^ f^tto apporté depuis plus de 4;eut
ans qu'il existe.
c Plus les lois sont vieilles . plus elles sont respedéeti,
nous dit-on. Cela est vrai ; maisU n'eu est pas m^îM vrai que^
lorsque l'expérience a rjivélé un. alius, ce jwait f^ie .de laissep;
cet abus s'invéférer et ^e perpétuer . 4a0S les. mœjurs, soust
ps^tequ*ilneliHltjiaa.tait«i^f iW.qw FP^^
qoê ItftIoiiMiMtvetpeelées, nUvA qn^effes soient anctennê^,
f% to fent Mon ; maitil ftnit aossi no pea qu'elles soient bon-
nes. Je ne demande pasqa^on démolisse f édifice de nos pères,
Rials^ comme il me semMe qa*un vice fondamental de cons-
trnctlon s'y fiait sentir^ Je demande qa^on le répare.
f Assurément^ messieurs, si Tananimlté des esprits n'était
pas une chimère, si c'était chose possible Je serais le premier
à Tonlolr qu*nne décision, prise dans rintérét de tous, Mt ap-
prouvée partons pour être obligatoire. Mais runanlmilé est
malheureusement impossible» et, dès lors, Je ne vois aucune
absurdité k ce que, dans le cas dont parlait tout à Pheure le
BMce Woittski, une Tobt de plus ou de moins fasse pencher (a
balance d'un o6té ou d*un autre. La mesure qui réunit le plus
grand nombre des suffrages est ceHe pour faïqnelle il y a, dané
le doute, les plus fortes probabilités de sagesse et do justice.
< Messieurs mes trères, Je ne medissImuTe pourtant pas que
tous demander Pftbolttion du Kbenm veto, c'est vous deman-
der un grand sacrifice ; mais Je le solUcite de tous dans
rinlèrêt commun. La chambre des nonces, en se prononçant
pour le pirind pe de la majorité, ne se suicidera pas; au con^
trsfhro, le oorpi tout entier y gagnera ee que les membres y
perdront. Je vous conjure donc d'adopter cette ntesure, en
dehors do laquelle ftn'est point do salut pour la Pologne. #
Ce discours, tout sage qu'il était, excita quelques murmth
resdimprobaHon ; mais eomme, malgré PtûHuence pârIbM
lynmnique qo'oiorçaléiit les Ctàrtorysii, on savait qu*its
étaient plutôt partisans des discussions de principes quedTum
de ces oppositions systématiques et intraitables qui pou-
vaient arrêter ou invalider une déllbératlonjoomme on n'igno»
ralt pas que leors votes cl ceux des membres de leur partf
irralenl acquis au maintien du Hberum vélo iës que la ma-
jorfie se eerclt banMiseBft pronoBoeo w sa faf^uri ses mor •
M LA liinuoiWI MMiuni* 'H
invr^ n'tpreot (m <}e fml/è^ tX touf l«t n^gardi liilèrwUtpif*
iamment flsés sur le nonce pour qui lemblaieot réierféis
' loutas les colores. Ce npnce H nommait Kors^cki. Ua$9idteit»
pour la première fois, à ladiète. £nie laissant partir^ son pèm»
dans la certitude que riofluenœ étrangère allait dominer la
diète, et ne voulant pas laisser passer sans protestation cette
humiliation de son pays, lui avait dit les paroles remarqua*
blés suivantes, qui semblent une des pages oubliées ^e$
annales du vieux monde : «Mon Ûls^ vous ailes partir poor
la diète. Pour prévenir les humiliations que je prévf is» te
Pologne n'a pas trop des efforts individuels de tons ses #«-
buts. Je vous déclare que je vous fais accompagner par
mes anciens domestiquest et je les charge d% m'apporler votia
tète si vous ne vous opposez de tout votre pouvoir à ce vied^
étrangers se mêlent des affaires de votre patrie, »
Les partisans du liherum vélo avaient connu ce propos.
Os savaient que Korsacki n'était pas homme à désobéir à
son père, et, animés par les excitations et Tor de Tambas-
sadeur de Russie, ils étaient décidés à ne reculer devant aiH
Cùne violence pour assurer le triomphe de leur opinion.
Korsacki, cependant, ne prit pas la parole encore. Beaucoup
d^autres discours furent prononcés de part et d'autre sans
qu'aucun des orateurs posât des conclusions assex formelles
pour invalider la délibération. Les deux ambassadeurs russe
et prussien étaient présents à la séance^ Us gardèrent le silence
jusqu'au moment où, voyant que le tibêrum ee(o comptait lyi
plus grand nombre d'adversaires qu'ils ne Tataient préW»
Repnin, ministre de Catherine, prit enflo te parole en ees
termes :
« Messieurs, je ne saurais partager l'opteioa du prioee Gla^^
toryski. le libenm veto, comme vmis 1% dM teMoee.W**
luski^ doit être w||>aeté»art»wa<w»wi»m» hWiage.Mfné
■92 . # . HlfffOlll
|Mf Vos pères et oommefl& première deê prérogatives de k
noblesse polonaise. Je ne vois pas, au maintien de celte insti-
tution, les inconvénients qu^y trouve le prince Czartoryski, et
Je dois' ajouter qne les privilèges des nobles polonais sont si
cbers à ma souveraine Timpératrice Catherine, qu'elle s'op-
pose formellement, par mou organe, àTadoptipu du principe
de la majorité des suffrages. >
Le ministre pruaisien parla à son tour, et dans le même sens.
A peine les deux ambassadeurs eurent-ils cessé de parler,
qne Korsacki se leva pour prendre la parole. Il y eut alors,
dans rassemblée, un de ces moments de menaçant silence où,
par l'attitude seule des acteurs, il fut aisé de prévoir ce qui
allait se passer. Kôrsacki promenait froidement ses regards
sur tous ses adversaires, comme sMl eût voulu les compter,
tandis que ces derniers semblaient prêts à se porter à toutes
les violences.
— «Messieurs mes frères, dit-il, en entendant les étran-
gers venir jusqu'au sein de la diète nous dicter des lois, je me
demande si je suis en Pologne, si je suis dans une assemblée
de nobles PoIonais.Qui d'entre nous a prié lés ambassadeurs
de Russie et de Prusse de se charger de notre tutelle? Où soift
signés leurs titres et leurs droits? Ils appellent nos provinçjss
leurs provinces; ils couvrent de troupes prétendues pro-
tectrices la république envahie par eux, se mêlent à tous nos
débats intérieurs, sont de vrais gouverneurs despotiques, de
vrais ennenlis, sous le nom spécieux ''d'ambassadeurs ; et
chacun de nous devrait courber, sans protestation, la tête
sous ce Joug de honte et d'humiliation I Non! je la relève,
moi. Et tous ceux qui sentiront ce qu'ils doivent à leur pa-
trie, eequMis'dOivent^auî sang Polonais qui coule dans leurs
veines, ce qu9s doivent^ à' leur salut et à lenr honneur; tous
I mim ttiot,' qdl'SMtiWMit qoe les PtAdnais ne sont pas
DB LA RÈVdtimON POLONAISI. M
des sujets de la Russie et de la Prusse, la relëïvBr^t ooiMne
moi. Ils diront.... >
Korsacki ne put continuer. Une violente interrtiption Vivait
assailli dès les premiers mots de son discours, et toujours
croissante, avait fini par couvrir entièrement sa voix. Un
des nonces les plus dévoués à la Russie, Revruski, homme
plein de présomption et d'orgueil, parvint cependant à obtenir
le silence, et, après avoir établi que Korsacki était sorti de la
question, que la seule chose en discussion en ce moment
était le maintien ou Tabolition du liberum veto, essaya, dans
une verbeuse apologie, non-seulement d^excuser l'interven-
tion russe et prussienne, mais encore de la présenter com*
me Mil Mre de gloire pour ton pays.
Korsacki l'interrompit à ces derniers mots.
— « 11 ne suffit pas, dit-il, de changer la nature des cbose9,
pour changer la signification des mots : l'oppression est de
Poppression^ la tyrannie est de la tyrannie; et quand un noble.
Polonais vient à cette tribune présenter, comme la gloire à»-.
son pays, ce qui en est la honte et l'humiliatioD, je le dé^^
clare mort à ta gloire et a l'bonneiir. — A la question!
à la questi(m ! s'écrièrent à la fois trois eents voix au milieu
d'un tumulte effroyable. — Quand un noble Polonais, reprit
Korsacki, en essayant de dominer le tumulte, se ravale à
ce point, il ne lui reste qu'à prendre ses parchemins et
ses titres de noblesse et à s'en envelopper comme d'un
linceul. »
Les cris : A la questicm ! à la question ! redoublèrent.
«*- Je rentre dans la question, reprit encore Korsacki sans
se laisser intimider par cette explosion de colère ; mais, au-
piffavant, ceuxLjde messieurs mes frères qui m'interrompent
permetMul délier en adresser une sj^te t Par les pnctei
mm uHiimw
HiHifn» tn^ 4i Qf tte dimmftitei» la tttarw tite daiMI
et peut-il être mis en question!
• «^NmI Dwl 9'écirif t» miilQntéi w w peot m«ttr«0n
^ucftUoa une loi (ondQiueqtalç, »
f — Alors, demanda eacore Korsaçki, nous déUbéronç «om
r^mpir^ dtt /t'A^nm ««(q. »
« ««^ Qui l oui l » 9'iQrift la ip^mQ majorité.
«-""19 prends acte d^ ceUQ déclaration; et^ comme dana
Hion |me et consçiepcf?, |'ai la convicUon que co n'eal que
pour pouvoir perpétuer Tanarçhie en Pologne et l'opprimer
plus aisément^ que des ministres étrangers viennent nous
signifier les ordres de leurs coqrs en faveur du maintien du
liberum v€to, en vertu du droit que confère à tout noble Po-
lonais le liberum re/oje m'bppose à son maintien. »
Une épouvantable explosion suivit ces motsj ce ne ftat pen-
dant quelque temps que des cris^ des menaces qui trahissaient
toute la fureur du parti russe. Prise au dépourvu par cette
teergique et eapUeose argumentation, qui^ mettant réeHe-
aaeiit en question le Uberum veto, sobordonnail dès lors soit
mainlleii à l\iMttiiDiléd<ia sutn-iiges, la ma|oriléoe vil dViutre
parti, po«r sortir de raspèee d'impassa e<k eHe sIfttaM Ibur-
vojée, que de receorîr à ces inoysns brutaux qu) avalent si
aanvwtttMattglaDlè les délibérations. Parmi ceui qui cofn-
poaaiml calice asajorilé, beaocoop étaient soudoyés par la
ftusaia al se IrouvaieDl sons les faux mêmes de l*amhassadesr
voasa, qm pounOI juger ainsi jusqu'à qoel point ils étaient
dévoués à la cause à laquelle ils s'étaient vendus. Raoée
entre un sanglant écliit et leur istérèt, tia nliésitèrent !«$.
Traîs aaots foix adreasèrent à la Ms à iorsacki des apostro-
phes nanaçaBlea; le timolle détint biaaMt av comble. Qeel-
tiimnaanabraaavaiantqmttélaiira plaeea,el,gmipéaatrlew
éi jartaett» rinlarpuitatort ■iiiaïaiitpiaria Ivaar k9é\%^
M LA lÉVOLUTIOtt POLONAKI. tHi
qner 90d vole; quelques «''pées étaient sorties àû TôtIttêM et
flamboyaient a Tair. Korsacki lui-même, résolu à môtirtf
plutôt que de céder, mais décidé à se défendre, avait au^
tiré la sienne, lorsque du milieu du groupe qui rentoûffttt
une détonation partit, et torsacki tomba mort : une bàUè
TaTait frappé au milieu de la poitrine.
Cesl à de tels moyens qu'avait souvent recours là Russie
pour emporter les délibérations. Jusqu'alors, c'était, il est
vrai, des moyens qu'on pouvait, en quelque sorte, «nppcter
légaux, en cequ^Usoe sortaient pas des mœurs d'un pays où
les salles des diètes étaient souvent transformées en cbauip
de bataille, véritables arènes où se massacraient les deux par-
tis; mais nous verrons, dans la suite de celte bîfttolrô, que là
Russie avait souvent recours à des moyens d'ude autre nature,
qui n'avaient Texcuse ni de Tusage, ni même des précédents
dans les annales des ^leu pies les plus immorânt et lea pltis
barbares.
A la suite du sanglant épisode de cette séance, le tibèmnè
veto fut maintenu. Déçus dans leurs espérances de réforme,
les deux Czartoryski commencèrent à seulir que Catherine
les avait pris pour dupes. Cette intervention extra légale de
deux ambassadeurs prouvait, en effet, que les deux sôU*
verains étrangers n'avaient été préoccupés que de leurinté«
rit personnel, qu'ils voulaient éterniser en Pologne r&naN
cbie pour hâter le démembrement.
Cependant l'astucieuse czarine de Russie, Catherine, qui
pressentait qu'elle ne pourrait maintenir son influence en Po-
logne qu'à l'aide de l'anarchie, était toujours en quête de
iloaveaux moyens. Les idées philosophiques, qui remplissaient
alors d'un vague enthousiasme toutes les têtes, lui fournirent
ou nouveau prétexte pour Jeter inopinément un nouveau
brandon de discorde dans ce maiheureuxpays. Elle demanda
i$ HI8T0IBB
que les noo-catholiques fussent admis au partage de tous les
droits politiques. Elle espérait avoir, dans ces rellglonnaires,
une seconde faction russe indépendante de celle qui avait fait
élire Stanislas, et dont elle se défiait depuis qu'elle Tavait si
indignement trompée en faisant repousser lespacla conventa
portés à la diète par les Czartoryski. Les Polonais se refusèrent
énergiquement aux propositions de la Russie, moins par fana-
tisme que par haine contre les Russes. Mais les deux cabinets
de Berlin et de Saint-Pétersbourg épousèrent hautement la
querelle des dissidents.
Ce parti des dissidents se composait de tous ceux qui
avaient embrassé la cause du protestantisme. Cette secte reli*
gieuse, après avoir presque dominé en Pologne, s'y était vue
persécutée par le catholicisme triomphant à son tour, et par
les jésuites qui étaient tout-puissants. La cause des dissidents
était juste as^urément^ elles nombreux gentilshommes Polo-
nais qui avaient adopté le protestantisme élevaient des récla-
mations légitimes, en demandant à être réintégrés dans
Texercice des droits civils et politiques dont l'intolérance les
avait privés; mais il est permis d'afûrmer qu'en prenant leur
défense, la Russie et la Prusse n'obéissaient pas aux sentiments
de tolérance dont ces deux Cabinets se paraient dans cette cir-
constance, mais à des intérêts purement égoïstes. D*ailleur8|
de quel droit, même sous prétexte de liberté religieuse, un
pays interviendrait-il dans le gouvernement d'un autre
pays?
La diète proclama donc, par l'ordre de la Russie, l'égalité
des droits de la noblesse dissidente; et ce que n'avaient pu
faire toutes les trahisons antérieures du gouvernement russe,
Tin tolérance le fit. Les nobles polonais, qui avaient trouvé bon
que Catherine intervint parmi eux pour faire maintenir le
liberum veto, se soulevèrent cette fois au nom de leurs croyao»
M U itTMiniM' POU>MAm. t!
ces religieuses. Vaeeonfédérattim ee fermée et la gMiM édita
entre les opprimés et le» oppresseurs.
Les maux intériears, résultat de cette iBtennhiable anaiv
cbie 9008 laquelle «fait si longtemps gémi la Polognoy les
intrigues étrangères q«l y paralysaieDt tout déTeloppement,
cette ambition cupide de voisins qui enviaianl ses riches pn^
rinces, aradent rendu inévitable quelqu'une de oee grandes
manifestations par lesquelles nne naHon proteste énergique-
ment contre ce qui est. Le motif religieux qui ramena ne fut
simplement qu'une de ces formes qui serrent toujours à dé^
guisn** les causes réelles des grands méoonienlements natto-
nanx. La ville de Bar fut le lieu ob prit naissance cette ligue,
destinée, jtant tout, à repousser llnvasiou étrangère, et à
rétablir la puissance intérieure. ESle prit la nom de canfiii^
ration de Bar, et fut la prenonère protestation armée contre
rinfiuence désastreuse des Russes.
Cette confédération par laquelle, sur le seuil de sa tombe,
la Pologne semblait vouloir se relever, avait le double carac-
tère du fanatisme religieux et politique. D'une part, comme
du temps de la Ligue en France, les moines ne voulaient don-
ner à aucun pénitent l'absolution de ses pécbés,s*il ne Jurait
et ne promettait d'aller servir la confédération, et de se faire
martyr pour la religion; une bulle du pape et l'enthousias-
me du nonce avaient fanatisé le pays entier. Sa bannière était
un aigle blessé, avec cette devise : tAui mncere aut moriy et
pro religione et libertate > (Vaincre ou mourir pour la religion
et la liberté). D'autre part, sans moyens matériels, sans autre
tactique que l'amour de la patrie et la haine de rétranger, sans
milices de soldats, sans trésors, en opposition formelle au
roi et aux principaux dignitaires de la république, des hommes
de tout cœur et de tout dévouement, allaient lutter, pendant
plusieurs années, avec de firéquenis succès, contre lasloroes si
n
mpèrkmm 4t 1» tUmU, «t TboiUld DwtrtWé 4to te PrusM.
Les événements, suilat îroinÀliatei de la coofédéralion de
Bar, forment ti prologue dii graud dreme doot lei «ombres
péripétiMeODt la honte de TEttrope elvilîsée et la gkriine delà
Pologae* Ce n'elt |ms iei lelieu d'en reireceri'bjatoifa i en voici
aottlMieitl un épiiede, emprunta au récit d*ua noble proe*
oriti et qui joint 4 lIotérM du fait eu luwnéme^ celui de
rappeler un brillant fait d'armes d'of Aciers français*
L'Autriolie et la France surtout ne Toyaient, eu \Tt%,
4u'avec uu méconteoteuient aial déguisé, la position que vou«
lait s'asfurerla Russie en Pokdioe; Tune et l'autre n^alleo-
daient que W moment favorablede prendre la défense de ce
.tnaihfiureoa pays, point de mire de l'ambitiou moscovite. La
oonfudératiûii leur eu fournit l'occasiont
Gbacuue^ ee« deua puissauees eafait q«e leur intérêt dif-
férait essentiellement de celui de la Russie^ La Pologne^ ap
poMVoir de celte deraîàre^ était pour eUe une perle ouverte,
d'où elle pouvait, uon^eeulement meuacerj mais encore en-
vabir le midi et Toccident de rfiurope* Ce motif expliquait
toutes les mesquines ou iof&mes oiacbinations de Catherine
pour s'en emparer ; il expliquait aussi rinlérât de TAulricbe
et de la France à s'opposer & celagrandis£ement démesuré de
la puissance moscovite.
L'Autriche» cependanti qui pressentit la possibilité d'un
partage, et convoitait déjà quelques riches dcpouillesj borne
son intervention à des encouragements et k des vœux stériles.
Louis ïiV^ qui régnait alors eu France, tout absorbé qu'il était
par ses maîtresses et les divertissements de sa cour» envoya
aux Polonais de Targent et un corps d'oCQciers expérimentas
sous les ordres du maréchal de camp Dumourie;, le nmm
qui fut plus t(&rd général de la Révolution française; peu aprcâ
Pumourieie (nt remplacé par le baron de VioméniU
M LA itYOLCnOR P0L0|«A18B. 3^
tes confédérés de Bar se monlaient alors & buU mille
hommes^ commandés par le prince RadziwU^ Pgl&wski^
KQ5sakoinrski» Zaimba et Ogynski. Us possédaient (rois places
fortes dans le palaiÎQat de Cracovie: Tynick, Lanskrona et
Biala ; mais Hs a? aient en tète vipgt millç Russes et dix mille
hommes de troupes royales.
A deux lieues de Cracovie^ sur une montagne escarpée, au
milieu d^un paysnge pittoresque» s'élevaient les murs noircis
de l'Abbaye de Tyniec, qui avait alors perdu son aspect re-
ligieux. L'asile de la paix et de la prière se trouvait entouré
d'un double rang de forliflcalions» dont Dumouriez avait
dressé le plan. Les senlinellos» placées à tous les abords, y
exerçaient une stricte surveillance, tout en fredonnant des
airs mondains, et te réfcclotie des moines avait été transformé
en salle du conseil de guerre. Là, parmi les personnages
placés autour d^iiie table en bots de cbène, on remarquait un
homme d^etiviron trente ans, à la figure agréable, au regard
vttet pénétrant, au ftront large» à rosit peusif, c'était le com-
mandant de la place, Walewski; à côté de lui étaient îroii
offlders étrangers» dont Tuniforme, richement brodé, con-
trastait avec les habits presque bourgeois des autresassistants^
e^MalMt le chevalier de Cboisy Je capitaine de Vioménil et
Shinans, arrftés depuis peu de France. Yis-à-vts d'eux se te-
Mil «a moine à cheveux blancs, le prieurvdes carmes de
Craco«ie;ttM vingtaine dliommes à grandes moustaches et
coIfttfdelNmiMtteramoîsis, les chefs des quinze cents cou-
fédérée i|tti eampossient la garnison de la forteresse! de
Tyniee, eomplétaiaot l'Iassemblée. Cétalt le 1^ février 1772.
Walewski parla le premier. — «Frères d'armes, dit-il, té
cbàletu de Cracovie ert une place très-impoi tante pour
iKM t les Rusiet y ont transporté des munitions, des vivres^
leol I» aMrtériel de fuem qti*fU ont pu rassembler; ffous
40 HISTOIU
manquons de ces objets^ mais nous ne manquons pas de
courage; ainsi le château de CracoTie^ aTec tout ce qu'il ren-
ferme, doit être à nous. Il ne s'agit que de trouver moyen de .
s'en emparer sans s'exposer à trop de perte. Ce vénérable
ecclésiatisque, ajouta-t-il en désignant de la main le prieur,
vieux compagnon d'armes de Charles XII et de Leczinski,
animé du patriotisme le plus pur^ s*offre pour nous aider
dans notre entreprise^ en nous promettant que nos braves
seront introduits, pendant la nuit^ dans le jardin de son cloî-
tre, qui avoisine de très-près le château : cela nous ouvrira
Feutrée de la ville; mais, avant de pénétrer dans le château,
qui est gardé par les Russes avec la plus grande vigilance, il
nous faudra probablement perdre beaucoup de monde, et^
dans notre situation actuelle, la vie de chaque homme nous
est précieuse, »
Après lui, le prieur des carmes prit la parole : — « Aidé
par mes compagnons, dit-il. J'ai depuis longtemps travaillé
à Texécution préliminaire du projet que la grâce de Dieu
m'a fait concevoir. Les hautes murailles de nos jardins sont
sapées partout, et, au signal donné, elles tomberont, pour
donner passage, comme les murs de Jéricho. Le Dieu de nos
pères protégera cette entreprise patriotique ; les anges cou* .
vriront de leurs ailes d'argent les guerriers qui combattent
pour la foi et la liberté. Ne désespérez pas, mes concitoyens»
une fois entrés dans le jardin, vous serez vainqueurs. L'en*
nemi, quoique nombreux, tremble saps cesse dans notre
ville, et toutes les nuits il parcourt, armé, les rues silen*
cieuses, ne pouvant fermer sa paupière inquiète. Le brigand.
ne peut dormir paisible sur le sac d'argent volé, car Dieu
lui-même a dit : a Tu ne prendras pas le bien d'aulrui.»
Le chevalier de Cboisy succéda au prieur. Après avoir rap-
pelé les liens qui attachaient la France à la Pologne, et parlé
0B LA liV^MTiOS POLONAItl. il
de son dévoi^emcqt personnel à la caaie polonaise^ il déroula
on plan d*attaque qui fut accepté^ el qui eonsisUit à opérer
simultanément sur deux points à. la fois, par le jardîa do
cloître des carmes d'abord, et puis en pénétrant dans Tinté*
rieur du château par nn ^gout qui olh*ait an passage prati-
cable, et qui se dégorgeait dans la Vistole.
Ce plan fnt accueilli avec enthousiasme. Le cberalier de
Cboisy commanda le corps destiné à se porter au centre de
la ville j le baron de Yionsénil celui qui devait pénétrer dans
le château par Pégout. Walewski devait se tenir sous Craco*
vie avec nn corps de cavalerie, pour empêcher les Rosses,
cantonnés dans les environs, de venir au secours de la garni-
son, lorsque Tattaque serait commencée. L*eiécution fat fixée
à la nuit suivante.
A une heure après minuity le ciel était tellement voilé,
qu'il n'en tombait pas le moindre rajon sur les tours do-
rées de Cracovie. Le sombre silence n'était interrompu que
par le sifflement du vent d'hiver qui agitait les branches des
arbres dépouillés. La Vistnle, moins laifpe en cet endroit,
n'était pas prise encore, et les nombreux glaçons qu'elle
charriait en renda^pt la navigation difficile et périlleuse.
Quatre grands bateaux étaient amarrés à la rive gauche, et
les bateliers, la main sur leurs rames, attendaient avec im-
patience, prêtant une oreille attentive en dirigeant leurs re*
gards inquiets du côté de Tyniec. Peu après arrivèrent quatre
cents hommes qui s'embarquèrent en silence , et ne tar^
dèrent pas à toucher la bord opposé. Ils se partagèrent en
deux corps : le moins nombieux, de cent soixante hommes,
longea le cours du fleuve ; l'autre se porta au centre de la
ville.
Le chevjOier de Cboisy, qui commandait ce dernier, pour
ne|^.êti)B^rwiarqiié, le divisa en plusieurs petfts corps,
6
12
Ikuc fluQlpour poîDlde ralUeinent les mnn da jardin des
Mitiies* ChAcaii d'eux se mit ea marche par des routes âU
TOrses; mais les lenliers de la montagne devinrent bientôt si
difflcilte i*i si étrailSf qu^il ne fut plus possible d'aller qu'un
i nu. dé elievaller de Cboisy arriva un des premiers au point
de ralliement; maiS| do qatmM hommes qu'il avait pris^ il ne
Ivieo restait que sept. Les autres s'étaient égarés; plusieurs
des autres oof ps même s^éUrfent perdus dans l'obscurité. Vai-
oement préldii^it l'oreille^ fl n^entendait que les cris prolon-
gée des sentinelles russes à chaque heure qui sonnait à
i'borloge duebi^eau. Dune eeltefftcfaense situation, de Cliolsy
n'avaifc gftrde de donner le signal convenu avec lo prieur des
• earriies; oar^ au béut d'une heure d'attente, il n^avait encore
été joint que par une vingtaine d'hommes. béj& les ténèbres
SOmiQcofoienè à se diesiper> et les coqs chantaient pour la
.Mconde foie. Chaque moment rendait la position plus péril-
leuse ^t.trèS'inuUlement, puisque la petite troupe n'augmeil-
Mt fies en . nombre, et fufaoeun mouvement ne se faisait
rimerquer dans If ehftteM«€hdsy soupçonnait que Vioménil
H'aveU pu troumr l^anti^ de l'égout; puis, reportant sa
Jffm^ mr ^s prcq^res ornspagnons qui n'arrivaient point, tl
se deiMAdeit e'ils ne l'aenient pas abandonné. Sentant I'im«-
prp^^WQ d'itlendne plos longtemps aux pieds des murs du
jfur4iRj it diS<3endit vevs ht Vistule. Là, il retrouva presque
twte;sA troupe» qui« aptes s'être égarée, était revenue à son
point df départ* Jl était aiere quatre heures du matin ; fl
4tait presqiie.jonr^ toute enrpriee devenaft impossible; tl
t'i^mberqun 4« fly^uveau avec ta troupe poitr retourner à
Tyqiw,
Vioménil, cependant, s'était hardiment engagé dansl'égout
4 Ji« tète 4«i siens i oeni erâant» guerriers^ un & m» s^p-
FUTWt fur Iwps «ffiqes^ leaHmieiil»eUencieiii«( rtselus.
DB LA KÉVOSmOU »OU)l«AISll. 4»
(kfh cflt ftIroM al otwttf 6«urcrm*ii« Au tMMt d'une hftofe de
marche, a« mttteii d» plii« éf^ilMetf ïétïèbtes, ils afrirèfètit
dtM la cMr éa diAtrau^ le prëtA'iét élre (}ai (Mfnt à leurs
yMlyàkaa#lieAi soutarraiu, (M utt IMIiotltidiM i^sse en-
danni ^ U|ul tué aaia piMif oir J«l#f «Il evi dViMi'iVié. Ûtt ÉUtre
soldat en faction éprouva le même sort. RMffl éM^e Jti§«'
qu'alors n'avait tnili» letlr présenee. VioiMéiril râMémbltt èa
pabto trau|Ni» et a^ef<»viot de la luroière par dMl MEtMM»
qui donnaîenl aiir )é eowrpil ^élança de 00 odtéf cf^MI «tt
corpi*d&<«ard0d0ut il ouvrît ànaiilM. la portos Dam dM ^
iite pièee Men meuMée^ édtîrée de bougies^ (fliatve «ifOidêft
ruMes» aaeb sntoor d'une table, Jouaient au ftiIMM eA Mk'
vent du diae/ (Ae thé avec iû Hiirm), ei tatilalit dtt féMt
turc L'er rtalait aur le tapto. La vapeui^ dtt «M) et lafeMè^
du iahrtc vempliauiient la chambre d^ee nuage àéêeir éfteti/
Deee la plèoe qui était à eftté, et dont la porte était etfverfé^ èe*
apcircevssi éci aôldatic, tes m» endormis iM lei bainSê» IM'
aaiirea jQuan* ans tartes eommé leurs ohefs^ tffiii fth«M((«éM
des hopehi (fiùs 8o«s) a» lieu d^or.
Vionènik se pcéeipite dani la chambré des éffiéfél^ éti
criant : Annei faesl St, vojenl que l'un J^éctt Pâdusltàit Wèc
un pistolet, il le prévient en lui fMaiant son épée au trttve^f
du corpai al l'étenAil nerl à ses pfedé f eTétait te cèrpftaiile
rwM^ liaé cehtédérél pénétràreat eo méarve leinpe dâtiÉ la
Iiitee ode»|iée pat lee êoldats, et, sH bout d'en mefMM^let
Hiimisoe,! focta de fient dnquaiite hommesi aree Mi irdM'
of&eieffaqa» restiéent^ è'étail rei>dm i diserétîaiii CèpehdMl/:
qfietqueiseWata nissee qui s'étaient étbaffée pai' leé tsoètwiy -
iwaieet ceum porter fahurne dans la ville encore endetnilei
On hatrn la ||àttérak^eiWe»l6l teule la garalMB de firese»
vie M te#i>M oA «roMs deMillè ehftleaii^
44 HltTOlM
divisa «a petite troupe de inaisièro à pouToir occuper les prin-
cipales entrées du fort. Un feu meurtrier s'engagea de part et
d'autre. Cette poignée de braves fiât assaillie perdes masses
d'ennemis» qui attaquèrent avec un actiamement incroyable.
Vioménil se trouvait partout, encourageant par ses paroles et
par son exemple.
Cependant, la lutte la plus opiniâtre se prolongeait depuis
quatre heures, et le secours de Cboisy n'arrivait pas. Plusieurs
des assiégés avaient été tués, d'autres grièvement blessés ; le
courage ne les abandonnait point, mais leurs munitions s'épui-
saient. Enfin, la dernière cartouche fut brûlée, on ne repoussa
plus rennemi qu'à la baïonnette, et le nombre des Russes
augmentait à chaque instant. Yioméoil voyait s'échapper la
vjktoire qu'il avaU obtenue par tant d'audace et de courage.
11 considérait sea compagnons morts ou blessés, étendus sur
la place» Jas autres, couverts de, sueur, combattant encore,
mai8CXtéqués;d0.làtîgue et prêts à succomber, n'étant plus
soutenus que par le désespoir. Voyant cette lutte si inégale» et
ncTOulant pas exposer ces braves à périr jusqu'au dernier, il
leur demanda s'il fallait se rendre à l'ennemi ou mourir. —
m Mourir l mourir ! s'écrièrent*ila tous d'une seule Toix; plutôt
la mort que les fers des Russes ! »
Et leur défense devint plus vigoureuse et plus énergique.
Tout à coup des coups de fusil se firent entendre du cAté de
la Viatule. — « Courage I cria Vioménil aux siens ; Toici Cboisy
qui arrive à notre aide, b C'était en effet Cboisy, qui, sur la
route de Tyniec» ayant entendu des décharges de mousqne-
terie du côté du chftteau de Cracovie, avait pensé que Vioménil
était aux mains avec les Russes, et atait repris à la hftte sa
première direction pour voler à son secours. A la tête de quatre
cents hommes, il culbuta les détachements ennemis qui s*op*
posaient à ton passage» et pénétra dans la Tille. De son côté.
^M*i- /-n^ r- J'/tutrei / Vt f« /"or,
M ik BÈvourrim polon ami. 15
Wakmaki, atec sa cavalerie, sabrait et repoussait les Rasses;
le château de Cracovie resta définitivement aux confédérés.
Ce beau fait d-armes, dû à des officiers français par suite
d'une de ces généreuses interventions qui établissent peu à peu
la fraternité des peuples, jeta quelque éclat sur la confédé-
ration de Bar. Malheureusement^ la discorde se mit entre les
confédérés; des désastres succédèrent aux succès, et, le 25 avril,
Souwarow entra dans Cracovie et s'empara du chftteau après
un siège de trois mois.
Si, lors de la confédération, la Pologne avait eu à sa tête un
autre que Stanislas- Auguste, un roi d'un caractère résolu et
qui eût rallié à lui tous les dissentiments, fait taire toutes les
rivalités personnelles, peut-être eût-il été possible d'arracher
ce malheureux pays au sort qui Tattendait; mais Stanislas
n'avait aucune des qualités que demandait cette œuvre si dif-
ficile, et cette confédération, à laquelle il ne prit aucune part
et qui aurait pu sauver la Pologne, ne fit qu'activer sa perte*
Pendant toute cette guerre de la Russie à la malheureuse
Pologne, les cruautés inouïes exercées contre les confédérés
auraient dignement figuré dans les annales les plus sanglantes
du moyen âge. Catherine avait eu l'horrible idée de lâcher les
féroces Cosaques Zaporogues contre la noblesse confédérée de
l'Ukraine. Les horreurs qui s*y commirent dépassent toute
croyance. Tout ce que les écrivains du xiii* siècle rapportent
de la fureur des Mogols se renouvela. Dans la seule ville de
Hurau, propriété de la maison Potocki, seize mille individus
de tout âge et de tout sexe furent égorgés. Dans ces terribles
moments, on vit tous les usages par lesquels les nations civi-
lisées ont cherché à adoucir le fléau de la guerre, violés à
regard des confédérés. Les capitulations devenaient des pièges;
la foi donnée aux prisonniers était toigours trahie. Des gen*
tOshonunes qui s'étaient rendus prisonniers^ étaient massacrée
%0 ttMWM
de MDf-troîâ. On taisait «pir«r tea cb#b dan» i$B jttp^Moa
inveatte en Ruiaie pour lea eadavea. TantM on lea liait à del
arbreapour leseiposer, eomme uQbulyèradrenedaaaaldato;
d'autres foiSt on lea biaait enchatner pour queleort tMast «ih
leTéea avec dextéiiié au bout dea pîqueaj lepmenlaHeni lo«$
lea jeax d'un carrooaeU On vit ainsi le carnage» qni a pour
excuse à peine la nécessité du camb%^ devenu, par ces her-'
ribles rarCnements de cruauté» ramuaement des vainqueurs.
La barbarie fut encore poussée plus loin» On laissailerrar dans
les campagnes des baudca Oe malbeureaa à qui on evaît fait
couper le? deux maius; ou bi*:n encorei par une incroifiUe
férocité, joignant Tirooie et Tinsulte à la cruauté la plus inouïe
on faisait écorcher des inalbeureux tout ^ivaulSi dq manière
(}ue leur peau représentilsur eux rbabillement des Palonaia*
Cest par de si horribles épisodes que se caractérisa cette
(uerre; c'est par ce système d'extermination féroce, que Ga^
iberine procédait à raccomplissementde ses vucs% Impitoyable
exécuteur d'ordres plus impitoyables encore^ Souwargw sui-
vait son instinct de barbare, et, du fond de son palaiç de Sain^
Pétersbourg, entre une orgie de lubricité et une conversation
philosophique^ l'impudique czarine humait avec délices la
vapeur du sang que ses ordres faisaient verser en Pologne, et
la fumée de l'encens que lui prodiguaient les trop comptai*
sants philosophes de France.
De tous temps, tes c^ars de Russie se sont montrés fort
jaloux de l'opinion de (a France sur leur compte, et fort avides
de l'éloge qui leur venait de ce pays. Catherine surtout, comme
on le suit, entretenait des correspondances avec Voltaire, ap-
pelait des encyclopédistes à sa cour. Après l'avènement du
jeune Poniatoirski au tr6oe de Pologne sous le nom de Sta-
nislas-Auguste, Catherine écrivait à V** Geoffrio, qui, pour je
ne sais plus quel moQf, appelait Poniatovrski iM /Us: c Jtàt
M LA BiTOLUTIOH MLORAIII. 47
0l^Ufn i§ l»pcin$à ffiitt potr$JUrpi 4e Pol9$»0P G9^
df tel» palelioagei qu^elle 4Ui( parvenue i fMMer lololeiDent
Vi>pimï^ des pbilofOpM fin xyiii* siècle lur ion «ompte. Du
reitf, ppvr miev;i le» tromper» elle ^nH biX adopter pour
système de promettre la vie et )a liberté i ceux gui meNent
b4^s les armes, Wais^ après quelques jours de bon traitemenl,
lorsque la nouvelle de sa modération s'était généralement ré-
pendue en Europe^ elle foiseit mettre ces infortunés & mon»
on an» fers, ou les envoyait en Sibérie. Ses »ua:esseur» C9t,
dapi çerlainei arconslancesi voulu adopter ce syslèmei nnus
les indiscrétions de la presie en rendent de plus en plus V^ip^
ploi moins (ructnewK.
Cependant Topiniâtre résî«lanc« dee opnI6dérés semblait
vouloir lasser )a férocité rpsfe» maîet pendant que le France
ipteneneit ouvertement en leur faveur, que TAulricbe sem-
blait se raviser à la ^uite d'une arriére-pensée, le roi de Prusse»
sous prétexte que la peste venait d'éclater en Polo|[ne| et ré-
clamait^ de sa part^ rétablissement d'un cordon sanitaire, en-
velpppait de ses troupes la frontière polonaise. Cette mesure,
plus offensive qu^bygiénique, malgré les protestations de la
Pru8se> exaspéra les confédérés, qui déclarèrent le roi déchu,
poyr le punir de ses connivences secrètes avec l'étranger.
Halbeureusement, à celte époque, le duc de Cboiseul| le
protecteur de la Pologne en France, tomba du minlslèrCi vie*
time des intrigues de M"* Dubarry, et les secours que la France
envoyait aux insurgés furent tout à coup suspendus.
Alors commença pour la Pologne une série de revers, et les
confédérés^ bientôt découragés, prirent la résolution déses-
' pérée de s'emparer de la personne de Poniatowski, dont ils
connaissaient les secrètes intelligences avec leurs ennemis. Ce
coup de désespoir tut le signal de leur perte ; ils furent atta-
quée et vaincus, Its insurgés furent traités de brigands et de
18 ..-.•.•.,•-.
régicides*; qndqaès-ans d'entre emjogés et décapités; La
confédération df sparut^ et le premier partage^' ce premier des
trois grands attentats à la nationalité polonaise, fat tranquil-
lement consommé à la face de PEurope immobile, et au béné-
fice de rAutricbèy de la Prusse et de la Russie. îl eut lieu eu
1772. La Pologne y perdit ses plus belles provinces ; mais, par
une stipulation dérisoire, et dont les éfénements postérieurs
démontrèrent bientôt le mensonge, les trois puissances spo-
liatrices garantirent à la P'ologne la possession du territoire T
qu'elles Toulaient bien lui laisser. Elles s'emparèrent : la
Prusse, de la Prusse-Royale, à la réserve de Dantzick, de
Tborn et de tous les districts situés aux alentours de Noteck;
TAutricbe, de la Russie-Rouge, d'une partie de la Pbdolie et
de la Petite-Pologne jusqu^à la Vistule;la Russie s'adjugea
Polock, WitepsiL et Hsislaw jusqu'au Dnieper et à la Dwina. Le
grand Frédéric régnait alors en Prusse» la grande Catherine
en Russie, la grande Marie-Thérèse en Autriche. Les histo-
riens qui ont ainsi qualifié ces trois personnages ont oublié
de nous dire pour quelle part était entrée Piniquité de la
spoliation de la Pologne dans la concession de ce pompeux
surnom.
Ainsi, la Pologne, depuis longtemps convoitée par les trois
grandes puissances voisines qui en avaient solennellement
garanti Tindépendance, devint irrévocablement leur proie.
L'Europe, stupéfaite, ne sut que protester. Les cours de Paris,
de Londres, de Copenhague, de Stocldiolm, se bornèrent à
manifester une stérile indignation. Le crime se consomma. Ce
moment mémorable, où le droit des gens tut solennellement
annulé, où les rois eux-mêmes se déclarèrent imprudemment
hors de la loi naturelle, apparaît dans riiistoire comme l'avant*
coureur de tous les bouleversements, de toutes les révolutions
dont TEurope a été depuis lors le théâtre^ et dont il n'est pas
DE LA BÉYOLUTION P0L0NAI8B. flf(
donné à la sagesse humaine de prévoir ni de fiyçr le terme*
Diminuée d'un tiers, la Pologne ressemblait à un corps mu-
\\]r, qui, sans espoir raisonnable de salut, cherche cependant
h p^uérir ses cicatrices et à prolonger son existence. Jusqu'en
178S, le roi Stanislas parut vouloir s'occuper de quelques amé*
liorations intérieures; mais son pouvoir était extrêmement
circonscrit. Profitant de la haine des grands contre Stanislas,
Catherine^ plus que jamais acharnée contre cette malheureuse
Pologne, y multiplia ses machinations^ et amena rétablisse-
ment d'un pouvoir exécutif qui réduisait à peu près les fonc*
tions du roi à celles d'un simple président. Ce nouveau pou •
voir était confié à un conseil permanent, qui, dans rinterv«ille
des deux diètes ordinaires, surveillait l'éxecution des lois et
les interprétait. Ce conseil pouvait admonester toutes les auto**
rites constituées^ et même suspendre leur activité, sans cepen*
dant intervenir en aucune manière dans le jugement des
procès. Dix-huit membres du sénat et un pareil nombre de
l'ordre équestre composaient ce sénat. L'autorité du roi fut,
en un mot, restreinte autant que possible, et le liberum veto
fut rétabli dans toute sa force.
LaPrusie, qui dans le partage de 1772 avait été jouéo(l),
vit sans peine le but que se proposait la Russie en avilissant
ainsi le roi de Pologne, en autorisant même son ambassadeur
à Varsovie à le traiter avec une morgue qui aurait paru dé-
placée avec un simple particulier. Le coootte de Nertzberg, qui
(i) La Prusse avait espéré dans le premier partage, une part égale à
la proie eommone. Mais le cabinet de Vienne démontra qu'il fallait
metire dans ce partage, non pa^s une simple égalité de fuantitéf mais
une égalité proportionnée à Vétat de forces de chaque puissance co-par-
tageanie^ sans que» le partage eût changé l'équilibre alors existant
entre ces puissances. Il résultait de ce principe que rAutricbe, déjà
souveraine de vinet millions de sujets, devait acquérir quatre fois
autant que le roi de Prusse, qui n'en avait qee cinq millions.
(Malle-Brun, Tableau de Pologne.)
K2 H18T0IM
entraves^ iniûs un tif amour de rindépendance, mobile à la
fois de la vraie gloire et de la vraie grandear.
Les Polonais 9 avec leur caractère chevaleresqae, leur
fierté native» et surtout leur turbatoice habituelle de mœurs
publiques et leur soif de liberté, ne pouvaient rester froids ^
ce solennel appel d'un peuple avec qui tant de liens sympa
thiques avaient établi une sorte de fraternité. Aussi, la Révo-
Intion française fut en Pologne TétinoeUe qui tombe sur une
traînée de poudre. Tout ce qu'il y avait de sentiments géné-
reux dans les cœurs s'émut, s'enflamma, et les mêmes ac-
cents patriotiques au bruit desquels croulait, sur les rives de
la Seine, le vieux trône des Bourbons, réveillaient, sur les
bords de la Vistule, les glorieux temps des Jagellons. Seule-
ment, au lieu de la liberté sauvage d'une époque de barbarie,
la Pologne rêvait une liberté plus en harmonie avec les non-
Teaux besoins et les exigences de la civilisation.
Ainsi remuées par la secousse imprévue de la Révolution
française, les populations enthousiastes de la Pologne, en-
traînées par les principes et les encouragements de la France
elle-4némey prirent, dans la sens de la liberté absolue, lès
promesses jetées aux peuples pair la démocratie; et, en cela,
elles eurent raison. Mais, trop pressées de jouir d'un bien
dont les classes inférieures ne comprenaient pas encore la
valeur, elle se lancèrent avec une précipitation trop hâtive
dans la voie des innovations» comptèrent trop sur les sympa-
thies chevaleresques de la France, et trop peu sur les ini-
quités préméditées de la Russie, de la Prusse et de l'Autriche;
et en cela, elles eurent tort. La rénovation qu'elles allaient
tenter devait être le prétexte de leur perte.
A la diète du 17 décembre 1790 avaient été adoptés, à l'una-
nimité, sous le titre de laii fMdammUale^, en opposition aux
prétentions de la Russie, des univsrsaux^ dont le principal
DB LA RÉVétimoW P0L0NAI8I. fS
étaftqoe là nation avait le droit de faire desloft^ et de n*obéir
qu^A celles qu'elle aurait rendues.
Ce premier pas dans une Toîe d'émancipation , joint à
Texemple de ee qni se passait en France, réveilla Témnla-
fîon des classes bourgeoises. Profilant de Pbspèce de liberté
dont elles jouissaient^ elles réfléchirent sur leurs droits^
sur leur position^ et présentèrent à la diète le mémoire foi-
' vant :
c Sire, illnstres États confédérés,
« Quand la Pologne entière se félicite de voir les opératioils
de la dicte présente tendre directement au bonheur de la
patrie, les citoyens des villes libres de la Pologne et du
grand-duché de la Litbuanie sentent que c'est enfin en ce
moment qu'ils peuvent recouvrer leurs droits. Pleins de cou*
fiance en votre sagesse, ils vous ont choisi. Sire et illustres
États, pour les représenter auprès de vous et vous exposer
leurs demandes fondées sur les lois et la justice. Jaloux de
remplir une fonction si importante, nous, délégués de toutes
les villes de Pologne, c'est avec respect que nous nous em-
pressons de vous les exposer, et de vous témoigner leur dé-
sir de concourir au bien général et à la félicité des États de
la république.
c Le siècle de là vérité et de la justice est arrivé. 11 nous
presse de nous exprimer dignement; il nous ixispirè des té-
moignages de dévouement à la patrie; il nous donne le cou-
rage d'invoquer les lois qui garantissent TÉtat et la liberté
des citoyens des villes, qui leur donnent le droit de posséder
des propriétés foncières; lois consacrées par des siècles de
Jouissance, lois sages; lois prédeuses non-seulement à eux-
mêmes, mais à l'État entier. Pleins de* confiance en vos lu-
mières, en votre équité, nous sommes intimeâient persuadés
M •••'..- WT01U • I •
que tooB fli'béaitorez p«9 ^ rendre^ df^eonflrner; w ^pMib
loi naturelle accorde à chaque individu^ et ce que, daiw las
iempfi da^loÂi^ dtdfi pro^p^tilé de la Pologne,. vos ancêtres
oDt oonfiriné par les cpoBtitutioiia les plus «nciemee et le
plussaenées* Convaincus de la lépliroité de oosdroiis, c'est
,i v^e justice que nous ies souoiettoos^ Nous exposerons
4om vos. ^w%^ les coo^UtiUiofts.de ws an.cfHms qui gtran-
tissent notre état civil; nous les invoquerons encore, ees lois
oubliées depuis des siècles, dont la désuétude a produit les
plus grands maux. La ruine des villes, t'afifiaavrisiement des
-provinces» la destruction du commerce, def décombres et
,des ri^oes où. exist|(^ient autrefois des cités, ricbes et {(pria*
aantes ; voilà 1^ tristes effets de Pabiaissement de Télat des
libourgeois et de Tine^iécution des lois, qui, soua vo^ an-
■ pâtres , concouraient à ii^ richesse et à Ja p^^^9w;e de
a Quand ia Pologne nUnléressait que par ses maltieurs,
. réiat bourgeois^ quî en a épit)uvé les plua orueUes att^inl^,
.a cependant altenduj pow ae plaindre» oe monoent fortuite
où la patrie a réouvre sa li^nerté prenûère, où eUes'e^isous-
traite à la dépendance étrapgère^ où TÉtat eptiar a éta rendu
a lui-même. Quan^ un /[^quveL ordre dQ cbos^ sen^bl^ pro-
mettre à la Pologne le retour de son ancienne splendeur»
garderipnvnous le silence? n'iayoquerioipsr.s^oi^s pas las lois
antiqp^ faites en notre faveur et poire liberté i^rimitive^ si
essentieilemeat. liées et si nécessaires à la prospérité? Main-
lenaatque.la Pologne s'élève sur ses ruines, héritiers du zèle
de voç ancétrçft. Sire et illustres États, vous le serez de leur
justice; leur^ travaux vous serviront de modales^ et les siècles
.à;^enir répéteront encore avec éloge vos sages décisions. Le
. jr^(abli9Siça»eQt. des loM que vous vous empresser^ de rendre
;,inHattablas^.s^^«^i important 4 i'Ëlat que. iBwy inexécu^
DS LA BiVoLtïiÔN k>0L01IAI8B. ttl
ttoà gf àii «lé filtoèste. tièltë itiekècafioil potii't'àit-elle légili-
. mer la situation malheureuse dont tious ndils plaignons?
' Poui'i^aiMBë ànéààti^ dès droits fobdés sur les principes
Bâniéë de la iHatute et gdratlti§ pàt* te Gouvernement^ Nous
flomtties intimement conTaidcus, Sii'e et illustres États, que
nos droits île peuvent avoir de plus ptitssants protecteurs.
Une oppfesâion constante pendant deux siècles né petit qu'in-
spirer aux flmes vertueuses le désit* d^une ptortipte &n^ avec
d^autattt plds de raison, (qu'elle bffecte une grande partie de
la ttatfon^ et qbe, ainsi, VÉlat entier en ressent Pattêinté.
€ Ciiis ûùt autres citoyeàs, et par lés lois les plus soletinelleâ,
M pat'leuf bttâi^hèmeht à ia patMe> tés l)ôurgeois des villeë
é^àdiressétil) ttVèe.la plus grande Conflaiii^ë, aux iltustl'es Ét^ts
àsseiftiblés. Rédtiits à la plus extrême détresse, si/péndani
lDtigtëmps> ils D^ont pu rendre aucun service à la patHe,
jatfiail^ du kiUm^ fM tfbnlchen^hé à lût nUiré, tt^ont ajouté
ûm dissensidtte à celleà qui l'ont lâgltée. Des pMWiâcès peu-^
pt6ës> itEihès et agricoles ont été détiiëttlbrée^. Lar Pblôgné a
ptutéa pluëieurs millidtis de iMns citoyens, et plusieurs vf tleé
de manufaicturè ël de commerce^ et» avec elles, led bburt^eoi^
pblDDQis ont l&usst perdu leurfbHuné étleuk*état. Qtland, pour
ettx^ le malheur à été à son cbmbfe, ilè ottl Au iMifts M doh^
lolalion de j^iiMr qtté les itiAlliilOni dé tt pâtHë n'oàt Jètnrai^
été lew (ouvrages. ^ililq«e le géUverneiâëinl pôlôtiaië ^e hégé^
Hère, pnisqw la patfie est dané Uâé Sitûàlioh plus héiireuso,
y» n'espèt'êÉt^ Më He dèilândëiit ^qà oë (}tt^ dàâë lé temps des
plus grandes calamités^ était TanictUë objet de léUl^siëuhàits i
la oôaôMHie> rattiob^ le puissàÉëé M lô tntiikitteft fleftlMë. lis
ê^ûëi^ttdtt UvfiÉMt ces vëdtt diëvMt voils> mè ëtillUëUrel
États. Ils vous demandent) pOûr toute grfteë) dé M» néndM
utiles à la patrie, de leur donner la facuHé Qê là fce¥v(¥, de leu^
M«Httte^ lëurë afieieM privilège^) el, en se pénèH^lH Aë tëlrè
S6 HtSTOIU
zcle^ de pouvoir offrir leur fortune et leur vie poiur le mata*
tien des lois et de la liberté.,.
« L'ataour dq la pairie, raltaGheinent à la oation, Te^prit
d'union qui règne parmi nous, la pureté de nos iatentioaf»
bien capable de calmer nos inquiétudes, si nous pouvions ea
avoir^ nous donnent le courage de vous exposer, celte grande
vérité que tous les habitants d'un pays libre doivent mutuet-i
lement révérer et défendre la sagesse des lois anciennes, les
gages sacrés de la concorde qui doit régner dans une nation»
ces remparts formidables que vos prédécesseurs ont élevés
contre le joug, étranger. Vos sages ancêtres avaient bien senti
que, pour le$ esclaves, la patrie est une marâtre ; que resclave
est l'ennemi né de son despote; qu^à celui qui gémit sous le
joug, il est bien indifférent qu'un seul Iiomme ou plusieurs le
gouvernent. Convaincus de cette vérité si importante, ils
avaient accordé au peuple nombreux qui fer maiMes villes» de9
privilèges qui leur donnaient nn.rang dans Jla société, et une
influence dans le gouvernement; ces avantages» si. essentiels
pour le bonheur el la liberté du peuple, attestant la.sagesse^
la prudence et la justice de ces anciens législateurs»
« Nous soumettons a vos lumières et à votre vertu ces droits
dont nous jouissions autrefois. L'Europe entière verra la jus*
L>e de nos démarches; elle applaudira à la confiance que nous
donnent votre intégrité et votre sèle pour le bien public; elle
rattribuera à la douceur de caractère dont la nature a doué les
Pojonais, etaux lumières do siècle» qui ne peuvent se répandre
et se propager qu'au sein de la liberté.
€ Les évolutions étrangères ont retenti à nos oreilles; maïs
nous conservons l'entière fidélité que nous avons vouée à la
république française, et nous promettons de la lui garder éteiv
nellemeat. L'esclave rompt ses fers dans les régions où le defr-
potiime étouffe tous les droits de Tbomme; mais en Pologne,
m LA BÉYOLOTION POLONAISB. 57
OÙ le roi^ père de la patrie, ayant de se charger da pénible
fardeau de la couronne, avait joui, comme citoyen, de tous les
avantages de la liberté ; en Pologne, où le très-illustre sénat p
et Tordre équestre en sont les vrais gardiens, où ils en déve- ^
loppent si Inmineusement l'esprit, tous, suivant l'impulsion i^
de leur cœur, sont intimement convaincus que la liberté est
naturelle à Fhomme, que ses principes sont sacrés; que les
lois dont elle est la base, et que le temps a détruites, doivent
2lre rétablies; qu'il faut donner une nouvelle activité à celles
qui sont atlaiblies; en un mot, élever sur ses propres ruines,
et sur son ancien fondement, le vaste édifice d'un gouverne-
ment libre.
€ Bien loin de chercher à taire des sentiments si conformes
au bien public, au droit de Thumanité et à la vraie liberté,
nous nous faisons gloire de les rendre publics. La pureté de
nos intentions, notre attachement à la vérité pourraient^ls
encourir votre blâme, Sire et illustres États ?•••
« Nous vous demandons donc, au nom des citoyens nom-
breux des villes libres, que, dans la république, chaque indi-
vidu soit assuré, comme homme, de ses biens et de sa per-
sonne ; que chaque citoyen, et, d'après la constitution polonaise,
chaque bourgeois soit membre de la patrie ; que la république
soit composée de toutes les classes de citoyens libres, sous un
même chef qui est le roi. C'est sur les bases des lois naturelles
ii nationales, que les villes de Pologne ont fondé leur réunion ;
2*est par une conformité d^intérêt avec les autres citoyens,
qu'ils ont élu des députés, non pour fomenter le trouble, mais
uniquement pour vous exposer, leur situation et leurs besoins
qui sont ceux de la patrie.
9 Sire, daignez vous rappeler vos serments et nos privi-
lèges, et vous ne pourrez vous refuser à nos prières. Si, pen-
dant si longtemps, des milliers de citoyens ont été opprimés
S
S8 HISTOIRE
par les préjugés et Tignorance, que la vérité et les lumières
du siècle leur rendent enfin la justice ; qu'elles leur amènent
ces jours d'allégresse qui illustreront votre règne> et qui, dans
les fastes de Thumanité^ seront Texempie des rois.
« Illustre état équestre, vous à qui nous somnies unis par
tant de liens, tous pour qui la liberté est un élément, vous
dont les privilèges se trouvent à côté des nôtres dans le livre
des constitutions, considérez les nombreux citoyens qui sé-
journent dans les villes; voyez en eux des homnies qui désirent
concourir, avec vous, à la défense de la liberté; veuillez la
leur rendre, cette liberté sainte, en les rappelant à leurs
droits ; à la gloire de si bien conserver la vôtre, ajoutez celle
de révérer et défendre celle des autres. Quand le xviii^ siècle,
en étendant le règne de la vérité, prépare une heureuse révo-
lution sur une partie du globe, en rendant aux hommes toute
rétendue de leurs droits, soyez, illustres Étais, le modèle des
autres nations, et Tamour de tous les citoyens malheureux
amoncelés dans les villes de Pologne.
c Interprètes de Dieu et de la vérité, saint état ecclésiastique,
c'est ici Toccasion de remplir ce que TÉvangife (cette pure et
sainte doctrine du sauveur du monde) exige de vous. Institu-
teurs du peuple, vous qui êtes obligés de le tirer de l'esclavage
et des ténèbres, voici le moment de montrer au monde que
vous êtes les défenseurs des droits îdes hofnmes, pour lesquels
notre saiiit législateur et sauveur n'a pas hésité de verser son
gang et sa vie. L^Évangile, le guide sûr de nos consciences,
nous fait un devoir d'en appeler à vous. Soyez donc les défen-
seurs et les gardiens des hommes, égaux en h*C.^ égau^ aux
yeux du Créateur, devant qui toutes les gtandeiirs du monde
disparaissent, et où la vérité seule demeure. Si vous voulez
que le peuple vénère toujours votre voca:tion, qu^l respecte
vos avantap:es, soyez les défenseurs dés drt^Us de rhumanité.
DB LA RéV0IUTI0;« POLOlf A18B. %i^
du salut du pays et des privileiges d'une classe d'bomoies
avilis » etc.
Te] fut rintéressant et curieux Mémoire qui fut, eu 1790^
présenté aux étals par la bourgeoisie de Pologue. Tout Tesprit
de la Révolutiop française ^'y reflétait, et, comme dans ce
moment la m^ûorité de la diète était favorable à une révolu-
tion qu*on raéditait|. ce Mémoire fut fort bien accueilli. Le
14 avril 1791, Luocorzew^lu^ nonce de Kalicb, présenta^ au nom
du comité auquel Is^ demande de ia bourgeoisie avait été ren«
voyée, le projet d'une cbarte pour les villes, qui fut adoptée
le 18. Elle se composait de trois articles» sous les titres : De$t
villes; Des droits des bourgeois \ De r exercice de lajustieedâs^
bourgeois. Nous allons en indiquer les principales disposî-*
lions.
Par le premier étaient reconnues libres ioutes les villes
royales dans les États de la république^ et les terres, maisons,
villages et territoire des babitants étaient déclarés leur pro-
priété héréditaire. U était restitué des diplômes de rénovation
aux villes qui avaient perdu leurs privilèges (d'établissement).
A celles destinées à la tenue des diétines, il était octroyé des.
privilèges de location. Un diplôme d'érection était concéda 4
toute colonie d'bommes libres qui auraient donné à leur habi-
tation une apparence de ville; les propriétaires avaient le droit
de rendre libres leurs villes héréditaires. Tous les bourgeois
jouissaient indistinctement des mêmçs prérogatives; nul ci*/
toyen ou noblQ possessionné ne pouvait faire le connneircef
qu'en se faisant recevoir bourge9isi.le 4rûitde bourgepi^ie^.
les fonctions municipales, le commerce,, les manufactures,
quelconques n'étaient plus une dérogeance. Tous les citoyens,
concouraient au droit d'élire leurs officiers municipaux. Les.
Villes avaient le droit de faire des règlements reb^tifs à leuc,
60 HISTOIRB
Par le second article^ la loi cardinale, s'étendait sur tous les
habitants des i^illes, sauf quelques exceptions. Les villesn om-
maient un plénipotentiaire à la diète pour y défendre leurs
intérêts et exposer leurs doléances. Tout bourgeois avait le
droit d'acquérir des terres, de les posséder de plein droit de
propriété, de les laisser comme telles à ses héritiers légitimes,
d'acquérir des biens par succession. A chaque diète, il serait
anobli trente bourgeois possédant des biens héréflitaîrcs dans
les Tilles, et tout citoyen entrant par droit héréditaire dans la
possession d'une petite ville ou d'un village payant deux cents
florins d'impôt du dixième au moins, pouvait être anobli s'il
en faisait la demande. Les bourgeois pouvaient entrer au ser-
vice militaire de toute l'armée, excepté dans la cavalerie na**
tionale, et parvenir au grade de capitaine surnuméraire dans
l'infanterie ; ils avaient droit à un diplôme de noblesse. Dans
les chancelleries, corps d'avocats, tribunaux et juridictions
inférieures, tout bourgeois parvenu à TofÛce de régent des-
dits départements, était anobli sMl en faisait la demande.
Le troisième article abrogeait toutes les juridictions sécu-
lières et ecclésiastiques locales, et soumettait les bourgeois
aux seuls tribunaux ressortissant de la juridiction des villes, etc.
Telle fut cette célèbre charte des villes^ qui passa dans le
temps pour une concession immense, et qui , en déiinilive,
était fort peu de chose. De tous les privilèges dont la loi faisait
une pompeuse énumération, les uns méritaient peu d'atten-
tion, les autres n'étaient que d'anciens privilèges, non pas
octroyés, mais restitués. Deux seulement avaient en apparence
une grande valeur: c'étaient le droit de la bourgeoisie d'être
représentée dans la diète par vingt-quatre membres, et celui
qui accordait la noblesse aux principaux d^entre les bourgeois,
et laissait aux autres l'espérance d'être un jour anoblis. Mais
te premier de ces droits était presque illusoire i d'abord paroe
DB LA BÉVmVIIOir POLOKAISB. 6i
que les b<n]if[eoi8 ae faisaient ordiDairemeût représenter par
des gentibhommes; ensuite, parce que, quoiqv^ls enssent le
droit de demander la parole et d'exprimer le Yœn de leurs
commettants, toute discusaon leur était interdite, et ils ne
pouTaient prendre aucune part actiTe dans les délibérations.
Qnant à la faculté si multipliée d'anoblissement des bour-
gcoi?, c'était une mesure qui ne poutait atteindre le but qu'on
se proposait. Les Polonais prétendaient qu'en ounant la no-
blesse à toute la bourgeoisie, ils avaient fait la même opéra-
tion que celle qui avait détruit la noblesse en France; mais
ils n'avaient fait qu'ouvrir une porte à la vanité. Il est vrai que^
quand tout le monde est noble, il n'y a pas plus de noblesse
que lorsque personne ue Test Cependant ces deux opérations
sont bien ditTérenles; l'une, dictée par la philosophie et la
raison, est un acheminement vers Tégalité relative; l'autre
est une marche rétrograde vers la barbarie, et une extension
des privilèges; car au-dessous des nobles et des bourgeois, il
resterait forcément une autre classe que le défaut de fortune
ou les nécessités de position maintiendraient toiyours dans
un état d'infériorité.
Quoi qu'il en soit, cette charte du miles fut reçue comme
une grande concession. *
Les opérations de la diète de 1791 furent toutes marquées
d'un esprit de patriotisme et d'indépendance ou se reflétaient
partout les principes, les idées et le glorieux exemple de la
Révolution française à son début. Stanislas lui-même, ce roi
dont tous les actes politiques avaient été jusqu'alors une fai*
blesse ou une lâcheté; qui, soumis à toutes les hautaines in-
sitenœs d'un ambassadeur moecovite (1), avait plutAt régné en
;i) € Si Ton veut avoir une idée de la manière d'être da comte Stao-
, aflibassadear msse sa Poiogne, 0 suffira de savoir que las
lf2 8IIII0I1B
yJkîe*Toi ni8«eqii'6D roi de Pologne, parut avoir oublié la matn
qui rayait porté aur un trèoe (}tt^il méritait si peu , pour se
rappeler seulement que le peuple auquel il commandait avait
plus â'uue fois vu fuir devant lui ces hordes barbares qui
disaient lui disputer alors Jusqu'à sa nationalité.
Eu eflèt> Stanislas^ qui y jusqu'à œ moment» aVait toujours
été riusiniment de la (action russe, voyant los patriotes en
majorité dans la diète» cfaerchoi se rapprocher de ce parti
devenu demioaut Eblouis des avantages que pouvait leur
mettre cette procoalition^ les patriotes y donnèrent les miins
avec je!e. Toiit (ut pardonné i Stanisks: On excusa, on oublia
même Jusqu'à l'irrégularité de sa conduite, efinsi qae ses li li-
'^sons avec la Russie ; il y eut tin de ces beaut moments où un
peuple et son rot semblent s'entendre. L'enthousiasme fut iio-
uéral, et on travailla, de concert avec Stanislas, à une consti-
tution nbuvelle qui devait être proclamée le 5 mai.
Gomme on ne faisait plus mystère du projet d'une révolu-
tion, le parti russe ^hiul. L*évêque Kassakowskî et^rariiki,
deux chefs des plus ardents de ce parti, expédièrent des douf-
riers pour faire venir de toutes les parties de la Pologne leUrs
juges, dans les tribunaux, n*osaient pas signer un arrêt un peu impor-
tant sans le lui avoir préalablement présenté. La façon dont il se con-
duisait avec le roi est encore digae oa reuiarooe ;.lorsqa'il se traufrait
chez Sa Majesté, il passait sans façon devant le fauteuil do ce prince,
et se plaçait devuitiûle dos tourAéecatre le feuy et son habit tetroas>ô.
c Un jour le roi arrivant chez le ministre russe, le trouva occupé à
tailler an pharaon ; te comte, sans se lever, se contenta de faire au roi
une légère inclinalioQ de tâte, et^ lui nu)ntrant avec la maia u^ fauteaij^ :
Sire, dit-il, je vous prie de vous asseoir, et il continua sa partie. Beau-
coup de gens ont blâmé ie oomta Staekelberg de s'^ètre ain^ conduit.
Sans doute il avait tort, mais les Polonais méritaient d'être ainsi humi-
liés, puisqu'ils le souffraient depuis vingt-cinq^ ans. Le prédécesseur
du comte Sts^lb^rg^ lepnnce itepoMi» jtea traitatt encore t)awG^«p
plus mal ; il les faisait mettre aux fers lorsqu'ils lui raisonnaient. C'est
ce qui a fait dire à Frédéric II, dans ses œuvres posthumes» que les
Kusses gouvernaient la Pologne par leurs ambassadeurs, comn^ les
Homains gouvernaient autrefois ieS province^ conquises par lèur^
préteurs. > (Méhée, liea cité.)
DS LA WÈVQmm»: POLOHAISB. U
^9geMsileB[Axt$ déterminées et reikfor^r VoppvMîUM^La ré^Q-
ItttioD, ulorsi qui m devait ^lai^r que le S maU lut avancée
de deux jours.
La 3tinai,dèsFovverlurédelaséftQcejlegraj»d<Qavédaal de
Lithuanie, Igmœ Potoeki, fitcoanattre à la diète les dangers
-poUtiques dont la Pologne éloit de nouveau menacée : c'était
le pfiDcipalmotiCsur lequel eo ba5ai( la néeeiaité d'une ré-
volutiOfi. Il présenta>.&nruôtne lemp^la uécesilié de prendre
les assures les plus propres à déjouer les projets des ennemis
et engagea le roi à s'eiipliquer en celte circonstance*
Le rf» prit la parole.
« La voix d'un digne ministre, dit-il^ m'engage à donner
« mon avis; je l'ai donné dans toutes les occasions avec la
« sincérité dont je fois profession^ et je ne m*en écarterai |wis
« dans ce mom«.nt-ci. bien et ma conscience sont témoins
f que moa unique but e^t de servir notre patrie communç.
« Noua venons d'entendre laleclure qui nous vient de Tétran-
« ger. Cette lecture a fait naître en moi une idée qui n'aura
« échappé à personne : c'est que nous sommes perdus si nous
« metions le moindre iretard dans rétablissement d'une
c nouvelle forme de gouverne mei^it* Je m'occupe depuis
c plusieurs mois, de ee qu'il convient que nous fassioj^s.
c Des citoyens bien inleolioBués m'ont communiqué des
c mesures différentes à l^repdre, et m'oi^t prié de m'en occu-
c per. Des ouvertures couftiJealieUe^ ont produit deô idées» et
« de ces idées est ne ujo projet que })ieA()es personnes veulent
c exécuter. On vi^ vpiis en fajr^ laleclure ; je souhaite qu'il
c soît aoceplé> et je ^ désire d'autant plus, que nous sommes
« tous persuadés qu'il ne sera plus temps de le faire dans
a quinsie jours, soit que nous ay ouf la guerre, soit que noi^s
< ae^oDs eococa en paiâi ; car, pow nous tenir dans une
n îMClion. mortdk, naa vesiipe ine nMnqaerciit §a^ 4^
'64 msToniB
« n6U9 flatter de ces anciens préjugés qui nous sont si essen*
» tieliement pernicieux^ et qui ne nous permettent pas de nous
a compter parmi les nations indépendantes. H. le maréchal de
c la diète va tous donner lecture du projet en question, s
Le secrétaire de la diète se leva pour lire le projet, ayant
pour titre : Forme constitutionnelle ; mais le parti russe ayant
le plus grand intérêt à s'opposer à cette lecture^ un nonce,
Sueborzewski , avait préparé une scène théfttrale qui devait
Pempécher. A genoux, au milieu de la salle, ayant à ses côt&<
son petit-fils, figé de six ans, qu'il avait amené, disait*il, pour
Fimmoler à la liberté si elle était violée dans cette journée, il
demanda la parole pour s'opposer à la lecture. Il espérait qu'on
refuserait de l'entendre et que ce refus amènerait un scandale.
Il se trompa. Le maréchal de la diète lui accorda la parole.
Suchorzewski alors se contenta de dénoncer une prétendue
conspiration du parti patriotique pour faire massacrer par le
peuple ceux qui ne voulaient pas de constitution. On passa
outre; et le comité ayant fait ensuite un rapport qui motivait
le projet de constitution, le roi en fit donner lecture. Le parti
russe l'attaqua violemment, et, quoique l'opposition ne f&t
que de douze personnes, la séance se prolongea pendant
sept heures. Un cri général proclama alors la constitution. Le
roi ordonna à un évêque de lire le serment qu'il répéta tex-
tuellement; puis, il ajouta: J^ai juré parla divinié, je ne
m'en repentirai jamais f 9 serment téméraire, que ce roi pu-
sillanime devait rompre moins d'une année après.
Diaprés la nouvelle loi fondamentale qui allait soulever
toutes les passions mauvaises de la Russie et de la Prusse
contre la Pologne, le pouvoir exécutif, dans toute sa plénitude,
était exercé par le roi. Un conseil, composé de l'évèque de
Gnesne, de cinq ministres eX de deux sénateurs, nommaU,
sous la prtsidence du roi, les grands officiers et même les
M LA RÉVOLCTiOll R0L0HA18B. 19
sAnatenrs. Le corps législatif était divisé et deux chambres :
unechambre des députés provinciaux, parmi lesquels devaient
se trouver vingt-quatre représentants des villes libres, et une
ciKunbre du sénat présidée par le roi. La première était dé-
clarée former la représentation nationale ; elle avait Tinitiali va
des lois; le sénat sanctionnait ou rejetait ses propositions.
M.iis si. pendant deux sessions successives, la chambre des
représentants réitérait une proposition» le sénat était forcé de
Tadopler. Les deux chambres délibéraient ensuite, par la ma-
jorité de leurs votes réunis, si le projet serait converti en loi.
Le pouvoir judiciaire était indépendant des pouvoirs exécutif
et législatif. Le liberum veto était aboli ; une tolérance géné-
rale, proclamée ; la liberté des paysans, mise sous la protec-
tion de la loi ; la faculté d'acheter des terres nobles, accordée
aux bourgeois; la confection d'un code civil et criminel, or-
donnée; enfin, la succession au trône était déférée à la famille
de rélecteur de Saxe, qui avait été appelé à la couronne à la
oiort de Stanislas-Auguste.
Celte constitution péchait par de nombreuses iqnperfections;
mais elle était peut-être la seule qui pouvait être acceptée par
les Polonais. Le légialateur avait conservé Tancienne division
de la nation en trois classes; savoir : les nobles, les bourgeois
elles paysans. Cette diiTérence dans les conditions avait néces-
sairement rendu Torganisation des pouvoirs fort compliquée.
Les droits de chacun de ces états ne pouvaient être balancés
avec assez d'adresse ponr que le résultat des délibérations fût
regardé comme l'expression véritable de la volonté générale,
et non d'une telle ou telle classe prépondérante. L^esprit des
nobles qui avaient travaillé à la constitution du 3 mai y per-
[ait de toutes parts, non-seulement dans une garantie spéciale
des privilèges de la noblesse, mais surtout dans sa préémi-
nence, soit dans la vie privée, soit dans la vie publique. La
9
4i tflSTOtHÈ
constitution, il est vrai, tendait à rapprocher la classe des
bourgeois et celle des nobles; les habitants des Tilles étaient
admis à la représentation nationale; la liberté d'élire leurs
députés et leurs juges leur était accordée. Mais, quant aux
paysans, cet ordre n'y était favorisé que par quelques expres-
sions générales et vagues qui paraissaient avoir plutôt été
dictées par la honte de passer pour barbares au xviu« siècle,
que par la Justice, Thumanité et la raison.
Certes, telle qu^elle était, elle n'avait rien de trop démocra-
tique. Au premier moment, pendant que la Pologne entière
retentissait de cris d'enthousiasme, le roi de Prusse lui-même
s'en déclara radmirateur. Mais, d'une part, en Pologne, quel-
ques nobles, vendus à la Russie, retardaient toutes les opéra-
tions nécessaires pour organiser une grande armée nationale;
de l'autre, en Prusse, les Walner, les Bischofswerder et autres
charlatans qui entouraient Frédéric-Guillaume II, tous vendus
à Catherine, finirent par aveugler l'esprit de ce monarque au
point de lui présenter cette constitution comme empreinte
d'un jacobinisme effrayant. Ce rot, qui avait la foi la plus
grande dans cette cohue d'intrigants et de visionnaires dont il
avait composé sa cour, qui, peut-être aussi, était tenté par la
possession des villes que la Pologne lui avait refusées, se prêta,
plus que jamais, à tout ce que voulut Catherine contre cette
malheureuse nation.
Un an après la prodamation de la constitution, pendant
que la Pologne entière, dans le premier étan de son enthou-
siasme, préparait une fête nationale pour célébrer Tanniver-
saire du 3 mai, Catherine déclara la guerre à la Pologne.
Couvrant, comme toujours, du masque des plus hypocrites
démonstrations les vues iatéressées de son âme ambitieuse et
cupide, elle eut l'imprudence de déclarer à l'Europe que son
armée n'entrait eu Pologne pour rétablir ta liberté polt
DB LA RÉYOLUTION POLONAISE. 67
LorsqQe cet événement eut lieu^ rassemblée de 1788 dmrait
encore. Le Ténérable Malachowski, un des plus grands citoyens
de la Pologne, la présidait. Tous les nonces s'étaient rendus k
la séance solennelle où Ton devait donner lecture du mani-
feste de la Russie. Le roi lui-même y assistait. Tandis que
TémQtioa était peinte sur toutes les physionomies» sur celle
du roi on ne lisait qu'un embarras mal déguisé. Eu effet, à
mesure que les vues de Catherine se dessinaient plus précises,
que perçaiept ses ioiques intentions à Tégard de la Pologne^
la situation de Stanislas devenait plus embarrassante; il sen-
tait qu'il n'avait été qu'un instrument de Catherine. Son em-
barras se trahit pripcipaleipent dans les quelques mots qu'il
proponça dès l'ouverture de la séance, oùj en annonçant la
déclaration de guerre de la Russie^ il se borna à attendre de
la sagesse des nonces à décider tout ce qu*il convenait de fair^
en cette circonstance pour assurer V honneur et Vindipendance
de la Pologne.
Halachowski se leva alors pour donner lecture du mani-
feste.
a Messieurs mes frères» dit-il d'une voix émue, S. M. l'im-
c pératrice de toutes les Russies vient de déclarer la guerre
« è la Pologne. Je vais me borner à vous donner lecture de
a ee document^ dans la ferme persuasion qu'elle suffira pour
« vous suggérer ce qu'une nation a droit d'attendre de ses
c représentants. >
Déclaration de guerre par la Bussie à la Pologne,
le 17 mat 1792.
ff La liberté et l'indépendance de la sérénissime république
fV Pologne ont dans tous les temps, excité l'intérêt et l'atten-
tion de tous ses voisins. S. H. l'impératrice de toutes les Rus-*
68 nsTontv
sics^ qui^ à ce litre, Jofnt celui de ses engagements formels el
positifs avec la république^ s'est encore plus particulièrement
attachée à veiller à la conservation intacte de ces deux attri-
buts précieux de Pexistence politique de ce royaume. Ces
soins constants et magnanimes de Sa Majesté, etfet de son
amour de la justice et de Tordre autant que de son affection
et de sa bienveillance pour une nation que Tidentité d'ori-
gine, de langue et tant d'autres rapports naturels avec celle
qu'elle gouverne rendaient intéressante à ses yeux, gênaient,
sans doute, l'ambition et Pesprit de domination de ceux qui,
non contents de la portion d'autorité que les lois de l'Etat
leur assignaient, en cherchaient l'extension aux dépens de
ces mêmes lois. Dans cette vue, ils n'ont rien négligé, d'un
côté, pour lasser la vigilance active de Timpératrice sur l'in*
tégrilé des droits et des prérogatives de Tillustre nation po-
lonaise, et, de l'autre, pour calomnier la pureté et la bienfai-
sance de ses intentions.
c C'est ainsi qu'ils ont eu la perfide adressé d'interpréter
Pacte par lequel la Russie garantit les constitutions politiques
de cette nation comme un joug onéreux et avilissant, tandis
que les plus grands empires, et celui de l'Allemagne, loin de
rejeter ces sortes de garanties, les ont envisagées, recher-
chées et reçues comme le fondement le plus solide de leurs
propriétés et de leur indépendance. L'événement récent (la
publication de la constitution) prouve d'ailleurs, mieux que
tous les arguments qu'on pourrait employer» combien une
telle garantie peut être nécessaire et efficace, et que, sans
elle, la république, après avoir succombé sous les coups de
ses ennemis domestiques, n'aurait aujourd'hui, pour s'en re-
lever par l'intervention de l'impératrice, d'autre titre auprès
d'elle que sa seule amitié et sa seule générosité, d
Après avoir ainsi exposé (ous les droits qu'elle avait à la
ra LA liroumoif POLonini. 99
reûDBMi88aiic6 de la natioD polonaise, sans doute pour
ravoir dépouillée d'une partie de ses provinces, et pour
86 disposer à la dépoailler de l'autre, Catherine, se posant
en défenseur de la Pologne, passait en revue tous les griefs
des Polonais envers les promoteurs de la constitution de
1791, acceptée aveceathousiasme, non-seulement par le roi|
mais encore par la nation eUe-oiëme; puis elle ajoutait :
cHais les auteurs de la révolution du 3 mai ne>se sont
pas bornés aux ouiux quMls <mt causés à leur malheureuse
patrie, dans soft propre sein ; ils ont encore cherché à lui
3n attirer du dehors, en la précipitant dans des démêlés ca-*
pabics de dégénérer en guerre ouverte avec la Russie, Tan-
cienne alliée de la république et de la nation polonaise. Il n'a
pas fallu moins que toute la fMgnanimii4 de Timpératrice,
et surtout cette équité, cette justesse de lumière avec les-
quelles elle sait distinguer Tintention de Tesprit de parti
d'avec Tintention générale, pour empêcher les dernières ex«
t^'cmités auxquelles elle a été sans cesse provoquée. »
Après une longue énumération des faits par lesquels la
czariue tâche de démontrer que toute provocation est ve*
nue de la part de la Pologne; que, cependant, elle a tout
supporté pour ne pas voir altérer les bons rapports qui ré«
gnaient entre les deux pays, et que, si elle a ordonné à une
partie de ses troupes d'entrer sur les terres de la république,
ce n'a été que guidée par les sentiments d'amilié et de bien-
willanee que lui inspire la nation polonaise, qu'elle voudrait
délivrer des maux que cause la constitution du 3 mai, elle
ajoutait en terminant :
a Hes troupes se préaenteroot comme amies, pour coopé*
rer à la réintégralion de la nation polonaise dans ses droits
et ses prérogatives. Tous ceux qui les accueilleront sous ce
titre, en éprouveront, outre Toubli parfait du passée foutes
7^ HtSTonur
sortes de secours et de sûretés pour léar personne et lenri
propriétés. Sa Majesté Impériale se flatte que tout bon polo«
nais, aimant véritablement sa patrie, saura apprécier ses in*
tcntions, et sentira qne c'est serrîr sa propre cause que de se
joindre de cœnr et d^armes aux efforts ginéreuw qu'elle va
faire pour rendre à la république la liberté et lei droits que
la constitution dn 3 mai lui a ravis...
« SMI en était qui, par suite de leur opiniâtreté dans les
principes pervers auxquels ils se seraient tai«sés entrât oer,
voulussent s'opposer aux tfues bienfaisantes de Timpératrice,
ceux-là n'auraient qu'à s'en prendre à eux-mêmes des ri»
gueurs et des maux auxquels ils seront exposés, à d'autant
plus Juste titre, qu'il ne tenait qu'à eux de s'y soustraire par
une prompte et sincère abjuration de leurs erreurs. »
Pendant la lecture de ce long manifeste, où chaque mot
était un mensonge, une hypocrisie ou une calomnie, la
contenance de l'assemblée fut calme et majestueuse. Fat*
titude de tous les membres noble et digne, comme il con-
venait aux représentants d'un grand peuple, aux prises
avec les hypocrites duplicités de la force. Ce manifeste de
guerre était diffus et prolixe; les motifs étaient enchevê*
très dans des raisonnements mal définis, escortés de pro-
testations réitérées de désintéressement, de dignité, de soUi*
citude, et de tous ces mots pompeux qu'ont constamment
sur les lèvres ceux qui n'ont plus dans le cœur les vertus
qu'ils servent à désigner. On eût dit que Catherine, honteuse
de la nouvelle iniquité qu'elle préméditait pour assouvir une
vile passion de femme ambitieuse, avait voulu cacher au
monde la rougeur qui montait à son front. Quoi qu'il en soit,
si Catherine eût pu assister à cette assemblée, quelles que
fussent l'impudeur et l'audace de cette âme de souveraine,
elle eût ro>gi devant la dignité calme d'un peuple que Ii|
te LA sirMirmir polonaise. f t
ItMè fMittit ûpprlAét, ttiAfi 41III ne lai éttiil pas dotiné
d'aviUr.
L'assemMte^ péûétrAe tie la Jdstioè àè m oMseï décréta^ à
l'ananimité^ de repousser la force pkt la forcei Le noble en^
tboasîasme que Famoar de la vertu^ de la patrie et de la gloire
aTait excité dans rassemblée^ se comoinnlqua rapidement à
tonte la nation* Les mesures de défense les pins courageuses»
tarent décrétées et acceptées à runanimité. Dans cette dt*
constance critique^ rassemblée, la nation, usèrent de tontes les
îessources qui étaient en leur pouvoir; et, cette fois encors>
si Stanislas-Auguste eût été i la hauteur de son rAle, s'il eût
fiait son devoir de roi, le saint du pays n'était pas désespéré.
Forte du dévouemenl nouveau des bourgeois et des paysans^
& qui la constitution de 1791 concédait quelques droits, la Po»
logne se montra plus que jamais entbousiasle> et décidée à
défendre son indépendance; mais sott pusillanime SoÉVerain»
4Mt tremblant d'avoir enoouni la dlsgràee de ai protedrioe
couronnée, en fayorisant l'établissement de la oMBtil«tioA>
cherchait déjà les moyens de rentrer en grftoe. I^eiur aurtrott
de malheur, le ministre de Prusse, requis par les états de
fournir les subsides convenus dans le dernier traité. Ht une
réponse ambiguë qui ne permit pas de douter que la Pologne
pouTait compter le eàbiÉet de Berlin^ Mn plus oomme ué
allié, mais comme un ennemi. La position devenait de plus
en plus critique.
Cependant, conforteément à la ooiislltutiim du 3 mai, Sla<»
nislas fut déclaré èbmmandant gén^nd des férees de k répu^
Mique, et muni d'un pouvoir absolu pour tous les cas de
guerre. En vertu de cette loi| il ohotoit pour lieutenatit4osepli
Poniatovrski.
Joseph Ponialo^ki, dont le noM devait plM tafd Millsr
ïdans haï annales impéiMes françaises^ et doMIa An tMÉiiqui
w
CHAPITRE D
1792
Confédération de f argowice. — Premiers désastres de l'armée polo-
naise : évacuation de ITkraine.— Combat de Zielincé.— Kosciuszko
à Dabienka.— Mauvais succès de la guerre.— Adhésion de Stanislas
à la confédération de Targowice. — Indignation de la nation et de
Tannée. — Suspension d'armes. — Dislocation de Tannée polonaise.
Émigration des patriotes. — Déclaration de Grodno. — Résultats de
cette déclaration.
Le 14 féTrier 1792, il fat signé une confédération générale
à Targowice^ petite ville du palatinat de Braclaa, ou à Saint-
Pétersbourg, par Félix Potocki, Rzewuski et BranickLi, ainsi
que par neuf autres magnats, savoir : Antoine Czetwertinslii,
le seul sénateur parmi eux ; Wictohurski, Zlotniski^ Mys-
zenski, Zagreski, Sucbarzeski, Kobyleski, Szcykowski et Hu-
lewiez. Félix Potocki, grand^mattre de rartillerie, à qui
Catherine avait fiiit espérer que, de la tôte de Stanislas, la
couronne pourrait passer sur la sienne, disposait de quelques
forces, et pouvait, au besoin, mettre sous les armes vingt ou
trente mille paysans dans ses terres seules. Dans le manifeste
qu'il publia en juin 1792, il déclara quUl ne se proposait que
^p rétablir la liberté en détruisant \à nouvelle monarchie
M LA ftivauntmi polohaui. 75
despotique Avant d'en Tenir à k voie désarmes pour ren-
verser la oonstitntton da 3 mBi, Catherine eonmençait,
oomme ioojonrs» par fomenter la guerre civile, et, comme
toqjours, les Polonais avaient llnoosiséguepce d'être les plus
actifs instruments de ostle ambitieuse souveraine.
Le grandHloclié de LithnaniCy remné par l'or des Russes,
accéda à cette confédération, première protestation armée
contre la diète révolutionnaire de Varsovie.
Les débuts de la campagne qui s'ouvrit presque immédiate-
ment après que Catherine eut ainsi paraljsé une partie des
forces des Polonais, en jetant parmi eux ce nouveau brandon
de discorde, ne furent pas heureux pour ceux qui soutenaient
la constitution.
Arrivé en Ukraine, Poniatowsiii avait détaché les généraux
Kosdusako et Wielhorski^ chacun à la tête de trois mille
hommes^ pour observer Tennemi du c6té de Cbechelnik,
tandis que le lieutenant^^lonel Grocho^vski épiait ses mouve-
ments à Mohilow. Mais devant les forces si numériquement
supérieures des Russes» ces divers détachements ne purent
que se replier sur Poniatowslû^ qui, lui-même, trop inférieur
en nombre, recula sur la Volhjnie, se contentant de répan-
dre de petits détachements de cavalerie de trois ou quatre
cents hommes, qui furent tous succesaivent battus ou enlevés
par les Russes. Reculant toqjours i mesure que les Russes
avançaient, Pooiatovski, abandonnant les meilleures positions
sans avoir le temps de pouvoir se fortifier dans aucune, résolut
de concentrer ses forces à Shepetowka ; mais les Russes, qui le
poursuivaient sans répit, Tatteignirent au petit village de
Zielincé, et le mirent dans Tim possibilité de rebiser le combat
La division polonaise était forte de deux mille deux cents
feuitassins et huit cents cavaliers. Elle hit placée sur une hau-
teur^ en forme d'ampbiUiéfilrei qui présentait un demi-cercle
76 msTOiiB
ovale, dont la gauche était appuyée à des imraiÉ, et la droite
au village de Zielincé. Sur le devant s'offrait un terrain uni,
par derrière un bois clairs-^mé, qui masquait le chemin du
camp polonais. La hauteur fat occupée par rinfanterie,
rangée sur une seule ligne et formant le centre ; ta cavalerie
fut disposée sur les ailes. Queliques batteries furent élevées
sur des points assez bien choisis.
La division russe était forte de huit mille hommes, et ne
formait qu'une seule ligne. Elle s^avança sur quatre petites
colonnes» sous les ordres du général Mareow, et se déplo^ya
sous le feu des canons polonais. Depuis cinq heures jusqu'à
midi, on se canonna de pari etd'autre. La cavalerie polonaise
eut tant à souffrir sur la droite, que le désordre s'y mit. Atta*
quée à ce moment de confusion par la cavalerie russe, qui
s^en était approchée à la faveur du village dont les Polonais
avaient négligé de s'emparer, elle se jeta sur la première
ligne de Poniatowski, où elle porta le désordre. Pendant ce
combat entre les deux cavaleries, les bataillons d'iâfanterie
polonaise qui en étaient le plus proches se mirent à fuir : les
Russes s'ébranlèrent alors pour attaquer le. centre; mais
vivement repoussés par le feu des bataillons polonais et celui
de deux batteries qui tiraient à mitraille, ils perdirent beau-
coup de monde, et les Polonais restèrent maîtres du champ
de bataille. Poniatowski ne proQta pas de l'avantage de cette
journée, et, au lieu de poursuivre les Russes, resta spectateur
de leur retraite.
Cette victoire, dont le général polonais aurait pu tirer plus
de fruits, n'eut d'autre utilité que de faire perdre aux Russes
l'excès de confiance et d'audace que leur donnait la persua-
sion de leur supériorité. Quant à l'armée polonaise, elle était
totalement découragée ; d'abord par cette longue retraite à
ravers l'Ukraine i puis par 1a 2»»^tte absolu de plan d'uûa
• • » *
DB LA BivoiinmN polonaisb. 77
campagne outeiie sinis aucune de» prôèatitiobs qui peuvent
en assurer le soccàSy telles que la .formation de dépMs^ de
. magasins» et suivie avec utte pusittammité qui annonçait le
peu de confiance du chef.
Le moijivenaent de retraite de Tannée polonaise continua.
De Zielincé > elle se porta sur Astron , elle traversa ensuite le
Bug et prit position à Dabienka, sur la rive gauche de ce fleuve.
IH^ur surcroit de malheur, la mésintelligence ne tarda pas à
se mettre entre les généraux Poniatovrski et Lubomirski.
Après quelques jeurs de repos, Tarmée polonaise se parta-
gea en trois corps. Kosctuszko, qui avait été détaché ponr ob-
server un corps russe aux ordres du général Lewanidow, en
commandait un, et gardait le Bug depuis la frontière de la
Gallicie impériale jusqu'à Dorohusk. Poniatowski, a la tête du
second cor pB, s'étendait depuis Dorohusk jusqu'à Swiezow;
le général Wielhorski commaudait le troisième à Stutno et à
Wlodava. Par suite de ses dissentimenli avec Poniatowski, Lu-
bomirski avait été appelé à Varsovie, et sa division fondue dans
les trois corps.
Pendant le séjour de Tarmée sous Dabienka, Poniatowski
avait fait élever quelques ouvrages sur le bord de la rivière.
Ces posies étaient fort mal choisis, parce qu'ils ne laissaient à
. l'armée, pour retraite, qu'une longue digue, qui pouvait être
enfilée par des batteries de l'ennemi placées de l'autre côté du
Bug. Koscins^, à qui Poniatowski avait recommandé de les
gai?der, frappé de ce grave inconvénient, changea son plan de
défense, et se décida à prendre une position éloignée de deux
portées de canon de la première. Sa droite couverte par un
, bois, était appuyée à la frontière de la Gallicie, qu'il croyait
. wvieiable; sa gauche, à un village situé au bord du Bug, dont
la rive opposée était, en cet endroit, inaccessible. Sur tout le
brat dé^aoacaiDp , il établit des^ batteries. Sa retraite pouvait
78 unoiu
être» ou par tacontrei sur Dorobiraki oa pair la droite, sur Rii-
mow. lia {orét qu'il aVfeiit à dos masquait l'an et l'iiutre che-
min. Ayant avac lui tiaq raitte hommes, il attendit dans cette
position Tennemi.
Il 7 était établi depuis huit Jours, lorsque le général russe
Kochowski parut de Tantre côté du Bug areo un corps de
vingt mille hommes. Il traversa la rivtàre sans que le pas-
sage lui en fût disputé, et commanda immédiatement l'atta-
que. On se battit avec acharnement de part et d'autre; le com-
bat dura cinq heures i les Russes 7 perdirent deux mille
hommes ; mais a7ant obtenu la permission de diriger une de
leiurs attaques par la frontière de la Galliciai que Kosdusiko
cro7ait inviolable, Farmée polonaise fut obligée de battre en
retraite. Une nuit sombre parut la favoriser d'abord, mais
l'obscurité devint teUe» que le désordre se mit dans les corps,
et Kosciuszko n'arriva pas au village de Kuniow, situé à six
lieues du champ de bataille, qu'avec deux bataillons d^infan-
terie et un régiment de cavalerie. Le lendemain» 11 toi rejoint,
il est vrai, par le restant de sa division; mais cet échec Ait
grave , moins par les pertes éprouvées , que par l'effet moral
de cette sorte de déroute. KoBdusxko, cependant» avait, dans
cette affaire, teltement fait preuve de bravoure, de sang-treld
et de telent^ qu'eUe fut considérée comme un doses plus beaux
titres de gloire»
En Uthuann, lee aihires n'allatent pas mieux* Le prince
de Wurtemberg, qui s'était tait naturaliser ^olonai8, et qui 7
oommondaity séduit par les insinuations de ta cour de Berlin,
avait demandé et obtenu un congé. Son successeur^ Judicki,
battu aux environs de MÎT , avait été remplacé parZabielloI,
que de sourdes cabales, parties du cabinet de Stanislas isème,
réduisirent en quelque sorte à l'iiMclîen^.
^ififif^ partout la caNiS0 de ia liberté poieiiaMe Isîblisnit t
M LA Bi?MMMhPOLOKABB> f|
0tle éteft mil sontéBM «or terlaiiiê poibts» Irthiamir d'tutrai»
déooaragée sur tous.
Une guerre enlrepriee ponr nliifttire rambitton d'an oon*
qnérant^ pour une de ces |iMBion§ tneiqnlnei que le monde
eet contenu d'appeler grandes, et qui cependant sont le fléau
du monde, n*inepire quTufn Mitimentde peine ou dlndilTé-
renée. Quelle qu'en soit rissue* on reste tiroid ; on ne se pas-
sionne ni pour la victoire ni pour la débite; on plaint les tic-
times^ on ne les admire pas. Msis la guerre que soutenaient
idort les Polonais présentait un carselère bien dilTérent. Ce
ne sont ni les prétentions iQ|ttstes d^un tyran, ni le froid or^
gueil d'un ambitieux qui lemront mis les armes à la main ;
a'ils se battent, c'est pour maintenir «ne etlstence civile qu'on
leur envie, une indépendance pelitiqne qu'on veut leur ravir*
Là, tout est grand, la cause et les malbeurs; et si, dans cette
lutte bérDiqua, ilssoceombeAt^ laeouronne est povr le vaincu»
le stigmate est pour le vainqueur.
Le mmvais succès de la guene avait (mi décourager mo-
mentanément les patriotes polonais^ sans qu'ils désespéras^
sent cependant encore dn salut de la république. L'ennemi |
avait, il est Trai, envahi les pins belles provinces ; mais ce qui
restait encore pouvait être autant de champs de bataille où
l'béroisme patriotique pouvait, au besoin, ieter jusqu'à sou
dernier homme et scm dernier écu. Malheureusement, l'in-
trigue, la trahison, se glissatont partout : si elles ne pouvaient
trouver accès à Farmée^ elles s'adressaient à la cour | au trône ;
etlà^ elles étaient toqjoars sûres d'être favorablement ac-
cueillies.
Le roi Stanislas^ qui n'était patriote que par circonstance,
qui avait plus de foi dans la puissance de Catherine que dans
le patriotisme de son peuple» qui, en outre^ était, en tout
temps, obsédé par les ipiri|ai»ts ^ h| soldç 4e l'astucieuse csc^-
rine, 86 laissa ptrsuAder d'entamer tvec elle des négDctefkm
secrètes. Voici la lettre quUl lui adressa, et la réfioiise qu'il
en reçut. L'iiistdre doit consigner ces deux doen«ients comme
un modèle de la pitsillanimité d'un roi ^i séj^ate ses interdis
de ceut de son peuple» etdePinseletteeque peut afficher rdm**
biiion frénétique à qfti on dispute une proie conToitée.
Madame ma 8<0ur^
' c Je n'emploierai ni détours m lonipoiéiirS) elles ne con»
Tiennent ni à mon caractère ni à ma situation. Je Tais m'ex*
pliquer aTeo franclilse, car c'est i tous qae j'écris ; daignex
me lire avec bonté eisans préoccupation...
« Laissant de c6téce ^i s'est passée je passe au moment
IHrésent^ et je parlerai dair. il tous importe, madame^ d'in*
fluer en Pologne et de pouToir y faire passer tob troupes sans
embarras^ téutes les fols que tous Toudnez tous occuper ou
des Turcs ou de TEurope.
a 11 nous Importe d%tre à l'abri des réTolutions continuelles
dont chaque interrègne doit nécessairement devenir la cause^
en y faisant intertenir tous nos Toisins» en nous armant nous-
mêmes les uns contre les autres. Il nom importe^ de plus,
d*a voir un goûter nement intérieur mieux réglé que ci-doTant.
a Or, Toici iè moment et le moyen de concilier tout cela.
Do!mez-nous pour successeur^ à moi, TOtre petit-fils le prince
Constantin ; qu'une alliance perpétuelle unisse les deux pays;
qirtm traité dé ct^mmerce réciproquement utile y soit joint.
Jo n'ai pas besoin' dé dire que tontes les circonstances sont
(elles, que jamais Pexécution de ce plan n'a pu être plus fa-
cile ; car ce n'est pas à Votre Majesté qu'il ^ut donner des
conseils et suggérer des Tues. Mais il faut que je tous adresse
mes prières, et les plus ardentes, pour que tous daigniez
m'écouter et entrer dans ma situation.
DB LA tirOLCTION POLOMAISE. )(1
f La diète m'a accordé le pouvoir de faire un arfuislice^
mais non pas la paix finale sans elle. Je commence donc par ^
vous demander, par vous prier, par vous conjurer de nous 1^
accorder un armistice au plus tôt, et j'ose vous répondre du ^
reste, pourvu que vous m'en laissiez le temps et les moyens..
a Hais je ne dois pas vous cacher que, si vous exigiez à la
rigueur tout ce que porte votre déclaration^ il ne serait pas
en mon pouvoir d'eOèctuer ce que je désire tant de faire
« Encore une fois, ne rejetez pas» je vous en conjure, mon
instante prière. Accordez-nous Tarmistice au plus (6t,et j^ose
répéter que tout ce que je vous ai proposé sera accepté et
exécuté par ma nation »
Voici la réponse qu'il reçut :
« Monsieur mon frère,
« J'ai reçu la lettre qu'il a plu à Votre Majesté de m'écrira
le 22 juin. Je me conforme volontiers à son désir d'écarter
toute discussion directe entre nous, sur ce qui a produit enfin
la crise actuelle des affaires. Mais j'aurais désiré, à mon tour,
que les moyens que Votre Majesté propose comme concilia-
toires le fussent en effet, et que surtout ils eussent pu s'accor-
der avec les intentions pures et simples que j'ai manifestées
dans ma déclaration publiée dernièrement, de ma part, en
Pologne. Il s*agit de rendre à la république son ancienne
liberté et sa forme de gouvernement, garantie par mes
traités avec elle, et renversée violemment par la révolution
du 3 mai, au mépris des lois les plus sacrées et nommément
des pacta convenla^ à la stricte observation desquels se tien-
nent immédiatement et les droits de Votre Majesté et L'obéis-
sance de ses sujets.
11
Vl HltrOIBlE
« C^esl en entrant dans des Tues aussi saines, aussi salu-
taires, que Votre Maje.'^té pourra me convaincre de la sincérité
des dispositions qu'elle me témoigne à présent, et du désir
qu'elle a de concourir au véritable bien de la nation. La plus
saine partie de celle-ci vient de se coûfédérer pour réclamer
des droits injustement ravis. Je lui al promis mon appui et je
le lui accorderai avec toute Tefficacité que mes moyens peu-
vent permettre.
« Je me Balte que Votre Majesté ne voudra pas attendre la
dernière extrémité pour se rendre à des vœux aussi pro-
noncés, et que, en accédant promptement à la confédération
formée sous mes auspices, elle mè mettra à même de pouvoir
me dire, monsieur mon frère, de Votre Msgesté^ la bonne sœur,
amie et voisine.
€ Gathbriiib. »
Ainsi, avec tout le mépris et toute la dureté d'un maître,
Catherine imposait pour condition au faible Stanislas^ de re-
connaître pour légale la rébellion de Poloclti, fomentée à
son instigation, de concourir à Tanéantissement de la consti-
tution du 3 mai, et de destituer tous les patriotes chargés
d'emplois publics.
I Un souverain à qui les intérêts de son peuple auraient été
plus chers que les siens propres, se serait soulevé d'indigna-
tion contre de si insultantes injonctions ; Stanislas se montra
prêt à y souscrire.
PouY épargner à son pays Thumiliation de celte lâche con-
descendance, et au roi 'i honte de cette iniquité, un des hom-
mes les plus vénérés de la Pologne, qui, à la probité la plus
intacte, joignait toutes les vertus d'un grand citoyen, Mala-
chowski, président perpétuel de la diète révolutionnaire de
1788, et dont les fonctions duraient encore, fut trouver U roi
DE LA RÉYOtimOII POLOKAISV. Il
ef tftcha de nntmer cette ftme engouriHe M i jttvX «n |ie«
du feu an patriotisme qui déberdîitt la stenne. *- « Sire, lui
dit-fl, l'ennemi s'av;mce ; notre aitnfe» queiqoe battue, a
remporté quelq,nes avantages ; nos toroee aenl aujourd'hui
plus concentrées, et Pennemi eal plus éloigné du aeooiirBdes
siens. La place de Kamiuieek, qu'il a laisiée en «rrièft, ed
encore entre nos mains : elle peut servir de poiut d'appui et
de réunion aux citoyens qui se lèverout peiir la défeusa de U
patrie. Nous arons tout à attendre de leur lèAe, to leur doi^
nant le temps de revenir de leur surprise moiMPlmét*
Notre armée, ayant la Vislule devanat die, psut|euirt1ea9epDi
loin de !a capitale, et pent-âtre le «aiucfie s'il tonte impEq-
demment le passage de oe fleuve. Pour, peu que les batiîUtA^
de )a Polodie et de liJkraiue s'animent et agissent, reanemi
manquera de subsistanoe, toua tea eonvoia aerout coupée ; ft
ils s'animeront, ils agiront, si on leur donne Texemple*
Au reste, quand nous serions trompés dwt eet efpoirj serÎQlv-
nous moins tenus de nous détendre 9 Si nous ne pen^ff eus pas
vaincre, nous ne devons pas an moins mourir aana gloire.
Négocier en ce moment avec la Russie, c'est s'kumilier, oMist
se soumettre; dans une telle voie il n^ a que de la iienle. Je
conjure donc Voire Majesté de partir ainsi lueessamnient
pour l'armée. Paraissec^y, Sire, recommandes i obacuu de
faire son devoir^ rendee-vous à Cracovie pour diriger les opé-
rations du gouvernement) et, éleetrisée par votre ei^emple, la
Pologne aura asses d'énergie poipr repousser l'iuiqui^ agir^ion
delacsarine. b
C'était parler à un roi un langage civique qu'U ^\ rarement
en état de comprendre. Stanislas souleva quelques objec-
tions ; Halechowslii les aplanit toutes ; mais le roi, dont
le parti était alors pris, promit de se rqodfe à ses sages
conseilei et ne chercha, dès ce mimieatj qu'il çQlorçr s^
14 HIBTOIM
déteclioa par des apparences de patriotisme. H convoqua an
grand conseil composé, non pas seulement des ministres dn
conseil d'Etat flxés au nombre de sept par la conslitulion
I du 3 mai, mais de tous ceux reconnus par la constitution
I anarchique de la Pologne» où Ton comptait quatre grands-
maréchaux ou ministres de Tintérieur, quatre grands géné-
raux ou ministres de la guerre, quatre chanceliers, autant de
trésoriers. En appelant tous ces fonctionnaires an conseil,
c'était, il est Trai, agir inconstitutionnellement; mais le roi
avait besoin de cette cohne pour faire adopter les conditions
de la Russie, qui devaient effectuer la ruine totale de la Polo-
gne. En effet, quatre ministres seulement, Ignace Potocki,
Stanislas Halacboirski, Ostrowski, Kolontaj et Soltan défendi-
rent seuls la cause de la patrie : le reste opina contre elle. Le roi
feignit de se rendreàregret et par condescendance seule pourla
majorité; et le 25 aoùtl792,iladbéraàla confédération deTar-
gowice, et signa les propositions que lui présentait la Russie.
Dès que se répandit la nouvelle d'un acte qui, aux yeux de
la nation patriote, était à la fois une lâcheté et une trahison,
deux sentiments seuls animèrent tous les cœurs : la conster-
nation et rindignation. L'une et l'autre se révélèrent dans un
nombre infini de mémoires qui noircissaient le roi aux yeux
des nations, et dont les plus modérés appliquaient à Stanislas
celte sentence : Sur le trône, la faiblesse et rindécision furefit
toîyours les pires de tous les vices*
Cette colère acerbe de la partie patriote de la nation polo-
naise se comprenait. En effet, par suite de l'adhésion de Sia-
uislas à la confédération de Targowice, Félix Potocki, le pro-
I "j moteur de cette rébellion, fut proclamé, le 2 août, maréchal
'^ de la confédération, qui, dès ce moment, prit la qualité de con-
^dération de la couronne. Aussitôt» tout fut changé en Polo-
gne. Le commandement de l'armée fut rendu aux anciens
DB LA BiTOLUnOlf folouaui. S5
gfoéraux, et, w que la république n'était en guerre avec per-
ionne, on se disposa à licencier Farinée.
Ainsi^ cette coostitution du 3 mai, si favoraDIe au rétablis-
sement de Tordre et des vertus humanitaires, dont le premier
offet avait été de ranimer les espérances du peuple, de l'inviter
à sortir de son engourdissement, d'offrir à ses yeux un riant
avenir de bonheur et de liberté, était, en quelque sorte,
annulée. Chacun pressentit de nouveaux malheurs, et, à Tes- '
poir qui avait un moment brillé aux regards de cette malheu-
reuse mais héroïque nation, succéda la colère d'ab<Nrd, puis
Taccablement, les angoisses, les alarmes.
Le résultat immédiat de cette adhésion du roi aux volontés
de Catherine fat une suspension d'armes. Le courrier qui en
porta la notification à Tarmée polonaise, trouva Poniatowski
campé sous Karow, à six lieues de Lublin. Le mécontente-
ment, la douleur, le désespoir, 7 accueillirent la publication
de cet acte déshonorant, qui paralysait le courage de tous ces
braves qui avaient pris les armes pour assurer Tindépendance
de la patrie. Poniatowski lui-même, neveu du roi, ne dissi-
mula pas son improbaiion, et, en lui faisant connaître Tim-
pression défavorable produite sur Tarmée par cet acte, il lui
proposa, pour réparer le mal et paraître avoir été forcé de
continuer la guerre, de se laisser enlever et conduire à
Tarmée. Ce coup hardi eût pu avoir un résultat immense ;
mais, pour s^y prêter, il fallait une âme d'une autre trem|>e
que celle de Stanislas; il refusa.
La majeure partie de Tétat-major, refusant, à son tour, de
porter Tuniforme d'un pays dont le roi n'était que le man-
nequin d'une ambitieuse souveraine étrangère , demanda
son congé. Parmi eux étaient les généraux PoniatovirskI, Kos-
ciuszko, Zajonczek, Zabiello, Hokronowski, Wielhorski, les
cdouels Poniatowski, Strzalkowski, et d'autres, dont la con-
SI mmmx
duiie, m cette circonstance, attesta les nobles senlioientA qu;
les animaient. L'armée entière partageait telleinent TopiaiûQ
de ses chefs, que, dès que, après racces>ioD de soq oncle à la
ligue de Targowico, Poniatowski eut déposé son commandd'
ment, ses compagnons d'armes firent frapper une cnédaille à
son effigie, avec cette inscription ; Miles imperatori (rarmée
à son général).
Dès ce moment, Farmée polonaise rentra dans ses quar-
tiers, et fut, en quelque sorte, annulée*
Alors, à cette lutte armée qui, d'une part, avait quelque
chose de grand et de magnanime, succéda une lulte de diplo-
matie entre la Rassie, la Prusse, rAutricbe, où, de part et
d'autre, n'existaient que de ces passions mauvaises et rapaœs
dont, pour le malheur des peuples, l'histoire abonde. Hâtons-
nous cependant de dire qu'il est peu de circonstances où le
caractère et la morale de ces puissances se soient révélés
sous une forme aussi vile et aussi hideuse.
Déjà, depuis quelque temps, la Prusse et rAutricbe, qui
surveillaient Les menées de la Russie en Pologne, et qui vou-
laient avoir leur part dans ce nouveau démembrement
qu'elles pressentaient, avaient déclaré qu'elles s'entendraient
sur tous les accidents que l'état actuel de la politique pouvait
faire naître en France, et qu'en attendant, elles reconnaî-
traient l'acte constitutionnel des Polonais, siiuf à s'entendre
ensuite avec la Russie pour en partager les dépouilles.
Ceci s'était passé lors de la publication de la constitution
du 3 mai, et avait précédé les hostilités que nous venons de
relater. Mais dès que, par la conclusion de la paix de Jassy
(7 mai 1792) avec les Turcs, Catherine eut jeté des troupes en
Pologne, alors la Prusse et l'Autriche commencèrent à ne
considérer que comme provisoire l'état de choses constitué à
Varsovie, et ne virent dans l'esprit de révolution e| d'index
M LA RÉVOLUTION POLONAISE. il
pendance qui s'y manifestait, qu'un prétexte pour avoir leur
part dans cette spoliation que la czarine avait préparée de
longue main.
Les révolutions de France et de Pologne occupaient alors
activement ces deux Cibinets^ mais non pas au même degré
(i'ii)lérèt. Ainsi, par exemple, contre la France, où il n'y
av.'iit pas, pour le moment^ d'intérêt positif à réaliser, ils
u'onvoyèreut que la moindre partie de leurs forces; mais les
années les plus considérables fuient dirigées vers la frontière
orientale de Pologne; et, pendant que^ répandus comme un
torrent dans ce malheureux pays, les armées moscovites
dévastaient tout sur leur passage, pour donner, par Pagonie
d^ln peuple, une dernière émotion à Pâme blasée d'une in-
ju.<te souveraine, trente mille Prussiens, sous le maréchal
Mullendorff, et cinquante mille Autrichiens, avaient achevé
d'enclaver la Pologne dans un clercle de fer.
Catherine, qui, par d'iniques machinations, avait fomenté
dans ce pays des fédérations, des diètes opposantes, avait eu
peu de peine à vaincre, avec ses armées, un peuple dont les
dissensions intestines paralysaient les forces. Comme ce qui,
partout ailleurs, est appelé mensonge, duplicité, se nomme
habileté, profonde politique, lorsque c'est une souveraine qui
s'en rend coupable. Catherine usa largement de ce singulier
privilège que la naïveté des peuples concède. Elle déclara que
Foccopatioû de la Pologne n'était que temporaire, motivée sur
la nécessité de comprimer le mouvenientrèvolutionnaire qui,
de France, commençait à Iréagir déjà sur l'Europe, et d'étouf-
fer la guerre civile que son or et ses intrigues avaient fomen-
tée» La Prusse et l'Autriche déclarèrent de leur côté, avec la
même franchise et la même sincérité, que leurs troupes, qui
bordaiient la frontière orientale de Pologne étaient de simples
années d'dMertation, sorte de cordon sanitaire pour pré*
S8 HiSTomi
Tenir la contagion des idées révolationnaires. Après avoir
ainsi satisfait à leur conscience, la czarine, le roi de Prusse et
i*crapereur d'Autriche, arrêtèrent les bases du nouveau mor-
cellement du vieil empire des Jagellons. La Prusse souhaitait
depuis longtemps de s'arrondir du grand-duché de Posen et
de Danlzig, le port de mer de ses blés. L'Autriche, du haut
des monts Krapaclcs, convoitait toute la Gallicie jusqu'à Lem-
berg et Cracovie, et la Russie rêvait déjà l'extension de ses
frontières jusqu'à la Vislule, ambitieux rêve qu'elle devait
réaliser plus tard comme une punition providentielle d'un
danger toujours menaçant pour les Cabinets complices de
ses iniquités.
Le 9 avril 1793 avait été proclamé, à Grodno, le premier
acte public qui les consacra. Nous le donnons textuellement,
comme un de ces monuments des abus de la force que l'his-
toire ne saurait mieux flétrir qu'enles trasmettant d'âge en âge.
c Les sentiments que S. M. l'Impératrice fit paraître dans
la déclaration que ses ministres donnèrent à Varsovie, le
18 mai 1792, à l'occasion de la marche de ses troupes en Po«
logne, <K n'avaient incontestablement d'autre but que d'oble-
« nir Tapprobation, le consentement volontaire, et l'on peut
« ajouter la reconnaissance de la nation polonaise. »
« Toute l'Europe a vu de quelle manière ses déclarations
ont été reçues, et quel cas on en a fait. Pour frayer le chemin à
la confédération de Targowice, afin qu'elle fût en état d'exer-
cer les droits et de déployer une autorité légitime, il fallut
avoir recours aux armes^ et les promoteurs de la révolution
du 3 mai 1791, ainsi que leurs adhérents, n'ont abandonné le
champ de bataille et la lutte à laquelle ils avaient provoqué
les troupes russes, qu'après avoir été vaincus.
c Hais si la guerre fut ouverte, ce ne fut que pour faire
place aux intrigues secrètes, dont les ressorts subtils sont
crantant plus daogereiiz qu'ils échappent i robserraUoD la
plus attentive, et même à TacUTité des Ids*
« L'espritde faction et de révolte ajeté de si profondes raci-
nes, que ceux qui sont assez pervers que de se faire une occu-
pation d'en allumer le feu et de le pépandre, après avoir
échoué dans leurs cabales auprès des cours étrangères, où ils
cherchaient à rendre suspectes les vues de la cour de Russie,
ont travaillé ensuite à égarer le peuple, qu'il est toi^ours
facile de mener, et sont parvenus au point de lui inspirer la
même haine et la même aversion qu'ils portent à cette cour
qui a renversé leurs espérances et ieurs desseins criminels.
« Sans nous arrêter sur des faite généralement connus, qui
prouvent les senUmente hostiles de la plupart des habitante de
la Pologne, il sufflra de dire qu'ite ont abusé même des prin-
cipes d'humanité et de modération que Les généraux et autres
officiers de Sa Majesté ont observés, suivant les ordres exprès
qu'ils en avaient reçus, au point de s'échapper, à leur égard,
en injures et actes d'hostilités de toute espèce, et que les plus
audacieux se sont emportés jusqu'à menacer de renouveler
sur eux les vêpres iieiliennei.Cétoii là la récompense que les
ennemis du repos et de l'ordreque Sa Majesté Impériale eA^r-
chait à rétablir et à affermit, préparaient à ses tn/dn/tofii ma-
gnanimes f Qu'on juge par là de la sincérité avec laquelle la
plupart d'entre euxontadhéréà laoonfédération qui subsiste
aujourd'hui, ainsi que de la solidité et de la durée de la paix
qui aurait régné dans la république!
« Mais l'impératrice qui est accoutumée, oepuis trente ans^
à combattre contre les dissensions sans cesse renaissantes dans
cet Etat, et qui met sa confiance dans les moyens que la Provi-
dence lui a départis pour contenir ces factions, aurait con-
tinué d'employer sans relftche senmesures désintéressées, d'im-
poser silence i ses griefs et aux justes réclamations qu'ite
90 ' HISTOIRI
aatorig0Dt, 9*n ne s'était présenté des circonstances désagréa-
bles qui annonçaient des dangers d'une plus* grande impor-
tance. L'égarement inconcevable d'une nation naguère si
florissante^ maintenant déshonorée^ déchirée, sur le bord du
précipice qui va l'engloutir ; cet égarement qui aurait dû être
un sujet d'horreur pour ces es^prits inquiets, leur a paru^au
contraire, un modèle d'imitation : ils cherchent à introduire
dansTintérieur de la république, ces leçons infernales qu'une
secte impie, sacrilège et insensée, a imaginées pour la des-
' truclion de tous lés principes religieux, civils et politiques.
Il s'est déjà formé, dans la capitale, ainsi que dans plusieurs
provinces de la Pologne, des clubs qui fraternisent avec les
Jacobins de Paris; ils répandent leur poison en secret, le
soufflent dans les esprits etTy laissent fermenter.
a L'établissement d'un foyer si dangereux pour toutes lés
puissances dont les Etats aboutissent aux frontières de la ré-
publique, devait naturellement réveiller leur attention; elles
ont conféré, d'un commun accord, sur les moyens d'étouffer
le mal dans sa croissance, et d'éloigner de leurs frontières ce
venin dangereux. S. M. l'impératrice de toutes les Russies,
S. H. le roi de Pmise, du consentement de. S. M. l'empereur
des Romains, n'ont pas trouvé d^expédient plus efflcace que de
renfermer la Pologne dans des bornes plus étroites , de lui
donner nne telle existence et nne telle proportion d'étendue
qui lui assignent le rang d'une puiamee moyenne , et lui fa-
cilitent les moyens de se procurer et de se maintenir, sans
perte de son aneiemiê liberti, un gouvernement sage et bk-n
ordonné, qui ait à la fois asses d'activité pour réprimer les di-
«ordres et leafaetions qui ont si souvent troublé son repos et
celui de aes voisins. Réunis dans ce dessein par les mêmes
principe^ et les mêmee vues, 8* IL rimpératrioe de Russie et
le roi dePriisae ee sont convaincue qoll vfj avait pae d'iautae
DB LA RÈYOliVZtOII POLONAISE. M
¥010 de {uréfwir la laîne ontîore dont la jrépubUqu^ était me^
sacée, tant par ses disseiisioiis iatesUnes, qvMd par les opinions
extravagantes et monstrueuses qui commençaient d'y avoir la
vogue, que à*ificorparêr dans leurs Etats respectifs ces pro*
vincesde Pologne actuellement frontières, et d'eu prendre dès
ce moment possession, pour les wèeltre en iûrelé contre les ef-
fets destructib du système extravagant qu'on cberche à y in*
trtduîre.
« En même temps que Leurs Majestés font connaître à la
natîoB polonaise cette résolution ferme et irrévocable qu'elles
ont formée, elles Tinvitent à convoquer une diète pour pro--
céder, à Fiumabk, à prendre les arrangements et mesures né^
cessaires , afin de parvenir m M $uliàt4iire que Leurs Miyes^
tés se proposent, eékui de procurer à la république^ et de lui
assurer une paix ferme, durable et inaltérable» a ^
Donné à Gfodno, le 9 avril 1793.
8i9né : Jacon bb Sn
Telle fut la fameuse déclaration par laquelle la Russie ap-
prit au monde que, de concert avec la Prusse et TAutriche,
elle allait incorporera ses domaines les pays envahis sur la
Pologne. Dans ce document curieux à tant de titres, et sur-
tout comme cBuvre de mauvaise foi la plus déboutée dont des
gouvernements aient jamais donné le spectacle aux peuples,
on ne sait ce qu'on doit le plus admirer, ou de l'impudence î*.
avec laquelle on essayait de colorer de prétextes honnêtes une l
spoliation flagrante et préméditée, ou de la lâcheté avec la- ^
quelle on insultait un peuple qui, dans tout le malheur de
l'oppression, devait toujours se montrer plus grand que ses
bourreaux dans tout le triomphe de leur gloire.
Pendant que s'était concerté cet inique dépècement, la Ré-
i^ittJteainnfiaiieavait jetéendéfiàl'Euroipelatéledu roi
92 mnom
Loais XVI; spectacle unique et terrible qai, i nue même
époque^ presque Jour pour jour^ fit que^ pendant que des rois
coalisés^ dans un accès de flérreuse ambition, rayaient un
peuple de la carte du monde^ un peuple^ dans un élan fana-
tique de liberté, rayait un roi au li^re de la vie. De quel côté
a été le crime^ s'il y a eu crime ? De quel c6té a été la gran-
deur, s'il y a eu grandeur?
Quoi qu'il en soit, la mort de Louis XYI étonna plus les
Cabinets qu'elle ne les émut, parce que, tout occupés alors
4e se faire une plus large part dans les dépouilles de la Po«
logne, Tambition parla plus haut que le sentiment. L'Angle-
terre saisit cependant ce prétexte pour sortir de sa neutra-
lité; quelques historiens ont même eu la naîTeté d'attribuer
la cause de cette subite colère à l'horreur que lui inspira
^exécution de Louis XVI. Hais la politique de sentiment influe
peu sur les déterminations du cabinet de SaintJames. Ce qui
le décida, en cette ciitonslaDce, fut Toffre que lui fit la Russie
de dissoudre la linpe maritime du Nord, et d'admettre le droit
de yisite, si l'Angleterre loulait entrer dans la ligue euro-
péenne contre la France, et laisser s'opérer sans protestations
le partage de la Pologne. Le comte de Woronzoff, ambassa-
deur spécial de Catherine, a^ait été chargé d'en taire TolTre à
Piit, qui n'eût garde de la refuser. Ainsi, pendant que d'une
part, Catherine abandonnait, en faveur de l'Angleterre, le
principe si juste, que le pavillon couvre la marchandise,
aliénait, par cet abandon, la liberté des mers, et assurait la
suprématie maritime britannique; Pitt, de son côté, ouvrait
à la Russie la voie de l'Occident, en laissant abattre la Polo-
gne, son boulevard naturel, et en favorisant, par ses con<
seils et ses subsides, la marche des armées russes contre la
trance.
Tels tarent les gnvM événements qui résultèrent eneor*
o
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XI
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M LA lit OUmOH MtOllAISI. 13
de ce second partage de la Pologne. Noua arona dû les men-
tionner, parce que ces conceasiona mutuellea eurent, dana
une proportion immense^ toua lea caractèrea de ces grands
forfaits que la justice humaine flétrit journellement des
peines les plus scvères.
La France qui, dans ce moment, ignorait encore Finiquo
pacle qui venait de rapprocher Pitt et Catherine, ces deux
âmes si hien faites pour s'entendrCi fut la puissance qui eût
les paroles les plus ardentes contre l'inique partage de la Po-
logne. Mais que pouvait-elle faire alors t Ayant à lutter contre
l'Europe entière, elle ne put que formukr en faveur de 5a
Eccur du Kordy de& vœux que le ciel ne devait pas exaucer.
9i VICTOIII
CHAPITRE m
1793
Mouvement réactionnaire. — Igielstrom. — Première association révo-
lutionnaire à Varsovie. — Kosciuszko. — Délibération des exilés à
Leipzig. — Ignace Potocki. — Kolontay. — Kosciuszko consent à se
mettre à la tète de l'insurrection : son arrivée en Pologne. — L'insur-
rection est différée. — Entrée des Prussiens en Pologne. — Émigration
polonaise. — Kosciuszko et Mostovirski à Paris; ils négocient avec Du-
mouriez. — Le baron de Bars et le comité de salut public. — Insuccès
des négociations à Paris. — Diète de Grodno. — Mémorable séance
du 10 juin 1793. — Second partage de la Pologne.
Le lecteur n'a pas oublié la confédération de Targowice,
formée à Tinstigation de Catherine, en opposition de la diète
révolutionnai re, et à laquelle Stanislas avait adhéré. Félix
Potocki, Brawicki; Rezewski, chefs de cette confédération,
étaient les agents secrets de la Russie, et, après la cessation
des hostilités, devinrent naturellement ses instruments. Des
universaux, invitant les palatinats à émettre leurs vœux en
faveur de cette ligue, furent proclamés par toute la Pologne.
Sous rinfluence des baïonnettes russes, les uns se soumirent
par force, d'autres, parmi les nobles surtout, préférant la
conservation de leurs privilèges et de leur fortune particu*
1>I LA RÉVOLUTION POLOHAISI. 95
lièreà nndépendaDce de leur pays^ se soumirent de bon gré^
•peu fftcbés d'êlre esclaves sous un rapport^ pourvu qu'ils
pussent rester tyrans sous un autre.
Les premiers actes de cette confédération furent tous es»
sentiellemeAt réactionnaires : persécution des patriotes,
anéantissement de la constitution du 3 mai, reconstitution de
l'ancien esclavage pour les villes et les campagnes, séques-
tres, confiscations, assassinats Juridiques, massacres. Cette
sombre et lugubre réaction devait se terminer par Taliéna-
tion des provinces de la république, cédées aux cours coali-
sées à Vamiakle selon Texpression du manifeste russe. Dix-
huit mille hommes de Farmée polonaise, en quartiers dans
les provinces usurpées, furent forcés d^entrer au service de
la Russie. Le restant de l'armée fut réduit ou persécuté. Ce
qui restait de la Pologne n'eut qu'une nationalité nominale,
et, avec une taehe de sang de plus sur son diadème, Cathe-
rine se crut plus que Jamais la SenHramis du Nord.
Afin que la nouvelle diète fût l'rnstrument passif de la ma-
joriié, celle-ci déclara non*éligible tout individu qui, par
quelque acte marquant, avait montré de l'attachement pour
la constitution du 3 mai. On procéda à de nouvelles élections,
qui se firent partout sous Tinfluence de la terreur ou de la
corruption. Voici, du reste, comment on procédait ordinai-
rement à ces sortes d'opérations; le lecteur pourra juger ce
qu'elles durent être dans un moment réactionnaire.
A|irës la publication des universaux dans les palatinats,
on se disposait à se rendre dans les lieux d'assemblées. Cette
époque était, pour les pauvres Szlaxis de campagne, un mo-
: ment de jubilation : c'était pour ainsi dire un carnaval. On
les voyait par douzaines sur de petits charriots, tirés par un
petit cheval , s'acheminer vers le rendez-vous. Les uns
étaient un peu vêtus, les autres étaient presque nus; quel-*
96 msTOifti
qucs-uns avaient un sabre sans foarrean, d'autres un fouN
reau sans sabre; leur nombre, leur gaieté, leur misère,
présentaient le coup-d'œil le plus curieux. Arrivés a leur
destination, ils trouvaient toujours deux chefs : Tun était en-
voyé par le roi et chargé d'accaparer le plus de voix possi-
ble, afin de faire élire les nonces agréables à la cour, et de
veiller à ce qu'il ne se glissât rien de gênant dans les ins-
tructions ; l'autre était désigné par son crédit dans le pala-
tinat, et sa tftcbe était de taire contre la cour ce que le pre-
mier faisait pour elle. Pour s'assurer les voix de tous ces
SzlaxiSj il n'était pas besoin de traiter avec chacun d'eux; le
marché se faisait avec les petits chefs de certain) arrondis-
sements. Dès que ceux-ci étaient contents, ils passaient du
côté de la personne avec laquelle ils avaient traité, et toute
leur bande les suivait. On les abreuvait d'une boisson détes-
table qu'on leur disait être du vin de Hongrie, l'eau-de-vie
coulait à grands flots : et voilà comme on gagnait la majorité
dans les diéiines (1).
Composée des éléments produits par de telles élections, il
ne fut pas difilcile à la diète de Grodno de pousser la réaction
jusqu'à Textrème violence.
Les opérations législatives de cette confédération, siégeant
alors à Grodno et remplissant les fonctions d'une diète natio-
nale, étaient, du reste, exclusivement dirigées par l'ambassa-
deur de Russie, tandis que Igielstrom, général en chef de Tar-
mée russe, avait établi son quartier général à Varsovie. L'un
et l'autre traitaient la Pologne en véritable pays conquis , et
les troupes russes promenaient leurs fureurs d'une province
à l'autre» se livrant partout au pillage, à la cruauté, aux ra*
pines, aux excès de tout genre.
(i)
DB LA RÉVOLUTION POLONAIS!. tl
Igiclstrom^ dit un témoin oculaire, compagnon ^'armes dé
Kosciu$zko(l)»fit souffrir au: habitants de Varsovie tout ce que
la barbarie des Buns et des Goths fit autrefois de plus révol-
tant. La conduite, le ton et la cour de ce général retraçaient
rimage de ces chefs d'esclaves asiatiques dont Tidée seule ins-'
pire de Thorreur aux nations civilisées. U foulait aUx pieds la
justice. Le mérite n'osa plus se montrer^ la vertu fut réputée*
crime. Une foule d'espions infestaient la ville et les provinces ;
à la moindre délation, lespatriotes étaient traduits devàntigiel*
strom. Les peines les plus sévères étaient, sur un simple soup--
$on, ordonnées; l'arrestation et le ravage des temss étaient la
punition la plusdouce, et la férocité naturelle des Russes seré-
sumait, avec toute sa sauvage allure, en ce satrape insolent.
Une si brutale oppression, jointe à Pesprit naturel d*indé-'
pendance qui caractérise les Polonais, excita dans les âmes de
ce peuple outragé un sentiment secret d'indignation. Geux^'
dont rfime impatiente ne put subir plus longtemps un joug'
si abhorré, formèrent une association à Varsovie. Des émis-'
saires furent envoyés à l'armée, où la loi qui en décrétait la
réduction avait excité une grande fermentation. Le plus grand
nombre des officiers n'avait d'autre moyen d'existence que
leur emploi. Le désir de conserver leur bien-être se joignit au
patriotisme, et le sentiment de l'intérêt particulier fut enno-
bli par celui de l'honneur national. Puis , il n'y avait parmi
eux qu'un désir, qu'un vœu , celui de délivrer leur patrie; il
fut dès lors aisé de les décider à une insurrection. Quelques-
uns d'entre eux se rendirent en députafion dans la capitale
pour se concerter avec les mécontents. Au milieu de la nuit,
ils allaient isolément dans des lieux désignés , déplorant le
malheur de leur patrie, et prêts à en appeler à leurs bras pour
(0 ZajDacask, général polmais.
13
tOO HI8T0IEI
expiait^ avec les principaux patriotes^ le tort de porter un
cœur d^bomme dans une poitrine de citoyen. Il était à Leipzig
lorsqu'une députation de conjurés vint lui faire part du vœu
de Tarmée. C'était dans les premiers jours de septembre 1793.
11 communiqua la proposition qu'on venait de lui faire à ses
compagnons d'infortune, exilés ou émigrés comme lui, et
leur demanda leur avis et leur coopération s'ils approuvaient
Tentreprise. A côté de la grandeur du projet^ qui les frappa
tous, nul d'entre eux ne s'en dissimula les immenses diffi-
cultés, et, en quelque sorte, Timpossibilité de la réussite. Us
connaissaient leur nation ; ils savaient que, dans la longue
anarchie qu'ils avaient traversée, les Polonais avaient dégé-
néré, qu'ils avaient perdu leur ancienne bravoure sauvage,
sans l'avoir remplacée par la connaissance des arts qui tien-
nent à la guerre, et qui sont ordinairement le fruit de la civi-
lisation et des lumières. Puis, une insurrection ne pouvait
manquer d'ailirer sur eux les forces réunies de la Prusse et
de la Russie. Dans une lutte si inégale, pouvaient-ils se flatter
de l'espoir d'un heureux succès? Us auraient pu compter
alors, il est vrai, sur la justice de leur cause et l'intervention
de la France, si cette puissance n'eût été dans de si graves
embarras ; mais ils pressentaient déjà que Dieu était trop
haut, et la France trop loin.
Cependant, au milieu de ce conseil intime, de graves con-
sidérations luttaient en faveur de l'insurrection. La Pologne,
disaient ces généreux exilés, n'a rien à risquer. Sa situation
rant, enfin, qu'an moment où nne Convention nationale va fixer les
destinées de la France et préparer peut-être celles du genre hu-
main, il appartient à un peuple généreux et libre d'appeler toutes les
lumières et de déférer le droit de concourir à ce grand acte de raison,
à des hommes qui, par leurs sentiments, leurs écrits et leur courage,
s'en sont montrés SI éminemment dignes; déclare déférer le titre de
citoyen français, etc. » {Décret du 26 août i79JL)
DB LA BÉVOQLIJTIO!! P0L0NAI8B. 101
est désespérée : les habitants sont réduits à ce dernier état
d'atmttemeot oit un peuple a plus à craindre dé Toppression
que de la résistance. Le sentiment intime de cette vérité ins*
pire ordinairement une fureur opinifttre. Si cet acte de vi-
gueur M sauvait pas la Poiogne, il pourrait au moins enno^
blîr les derniers moments de son existence, et enfin le salut
des malheureux est souvent de n'en plus attendre. A ces ob-
servations se joignit celle du grand effet que pourrait produire
la levée générale des paysans. L'histoire du siècle offrait pln^
sieurs exemples où des succès avaient couronné des efforts de
cette nature. Tout semblait annoncer que la classe des habi-
tants de la campagne, condamnée à porter toutes les charges
de la société sans en partager les avantages^ embrasserait avi-
dément l'espoir d'une liberté raisonnable, et ferait des pro*
diges d'héroïsme pour la mériter. D'ailleurs, la raison et
rbumanité s'accordaient pour commander leur affranchisse*
ment; des motifs de politique étrangère donnaient aussi quel*
que poids à ces raisons. Ainsij par exemple, la maison d'Au*
triche paraissait désapprouver le nouveau partage. Il leur
semblait naturel de voir le Cabinet de Vienne non moins
affecté de la perte d'un voisin paisible que de l'accroissement
de la puissance qui en résulterait pour le roi de Prusse, son
ennemi étemel, ainsi que pour la Russie, qui ne tarderait pas
de le devenir. Ils se flattaient, en même temps, que les autres
puissances, comme la Turquie et la Suède, menacées par Tex*
trame agrandissement de la Russie, ne resteraient pas simples
spectatrices des efforts que les Polonais feraient pour recon*
quérir leur indépendance. L'Angleterre elle-même, pour pré-
venir la rupture complète de l'équilibre européen, pouvait se
jeter dans la balance avec tout son poids (1).
(I) BévoUttionpoUmaiH, Ymoité,
104 HISTOIM
lliistoire. L'amour de rhumaDÎté fut pour lui une passion;
rinuocence opprimée n'avait pas de plus énergique défenseur,
et il eut le courage, au milieu de la tyrannie séculaire des ma*
gnats polonais, de flétrir hautement Tinfâme esclaTagc où la
noblesse retenait le paysan. Cette vertueuse indignation contre
de si monstrueux abus que ceux qui résultaient des rapports
des seigneurs avec leurs serfs^ lui attira beaucoup d^ennemis.
Tels étaient ces deux hommes célèbres qui^ adorés d'une
partie de la Pologne^ furent détestés de Tautre. Tant qu'Us
conservèrent l'espoir d'être utiles à leur pays, ils remplirent
avec un zèle infatigable les devoirs des ministères qui leur
étaient confiés; dès que fut arrivé le temps de rhumiliation,du
malheur, de l'oppression, ils se démirent de leurs fonctions,
d*où leurs vertus, du reste, auraient seules suffi pour les faire
exclure. L'opinion publique leur attribua sans fondement
rinsurrection de la Pologne, qui ne fut que l'ouvrage des
âmes jeunes et ardentes qui frémissaient sous le joug de l'é-
tranger, et du mécontentement des troupes, qu'on menaçait
de réforme. Dans le lieu d'exil où la persécution russe les avait
jetés et dépouillés de Ifeuis biens et de leurs emplois, ils
n'apprirent le projet d'insurrection que par Kosciuszko, qui,
lui-même, n'en avait été informé que par les émissaires en-
voyés par les mécontents de Varsovie.
Quand un peuple est écrasé sous un joug inique^ et d'au-
tant plus humiliant qu'il est l'œuvre de l'étranger, les âmes
généreuses n'ont pas besoin d'être rapprochées pour s'enten-
dre. La même pensée, le même vœu, les agitent, les électri-
sent, et l'air» au besoin, sert de conducteur pour transmettre
de l'une à l'autre le feu sacré qui doit les raviver ou les ré-
veiller. Kosciuszko, Potocki, Kolontay et les malheureux exi-
lés qui partageaient leur mauvaise fortune, pressentaient la
situation des eeprits de leurs compaljrîotes ; mais ils atteo-
Di LA BÊrMienaii polohaisi. 105
«daiepi^e^QÎreonstaiKss 'plus faTOniUes pour uHliser Timpa-
tiente fureur des âmes les plus ardentes. L'éclat que Ton
voulait alors donner à la révolutioD polonaise leur parut seu-
lement prématuré, parce que le pays était épuisé et oppri**
roé, Tarmée désorganisée , la noblesse déshabituée de la
guerre, le paysan abruti par un long esclayage ; puis les
provinces les plus belliqueuses étaient livrées en proie à
l'usurpation, et, dans les autres, on n'avait pour armes que
des faulx el des piques. D'après ces considérations, au mo-
noient surtoat où les forces de la Prusse et de la Russie avaient
envahi la Pologne, il pouvait y avoir quelque chose de grand
etderoagnaiiimedans une levée de boucliers; mais il était
présumable que l'histoire seule aurait à tenir compte de son
dévouement au patriotisme malheureux. Seulement, comme
dftns certaines circonstances Tinaction est crime, KosciusziLO
et ses compagnons d'exil n'faésilèrent pas à se ranger sous
Télendard de la patrie.
Le 15 septembre 1793, Kosciuszko quitta Leipzig. Il était
accompagné de Zajonczek, son ancien compagnon d'armes^
etalorssoncompagnon d'exil. Ils se rendirent sur la frontière
de Pologne pour juger par eux-mêmes de l'état des choses. En
touchant le sol de leur malheareuse pairie, ils se rappelèrent
involontairement les tentatives réitérées et tonjours infruc*
tueuses des Polonais pour reconquérir leur liberté^ et le peu
d'énergie avec laquelle en toutes dreonstances, avaient été
soutenues ces entreprises. Mais dans les âmes nobles, la
chance de l'inaoccès ne marche qu'après la certitude dô la
gloire, et là oif les intérêts positifs ne sont comptés peur rien,
rentbûo^iasme est le seul mobile.
Cependant, pour nelusser au hasard que ce qi^il n^est pas
dans la puissancede Thaaime de prévenir, KoseiusEl^o, peu
lui-sucé aussi sur lea personnes qui formaient rassociation ré*
14
t06 msToiiB ' I
Yolutionnaire^ dépêohaZ&joncîek à Varsovie pcnir ^abouchéir
avec les méconteoU^ slbforniër de leurs ressources, de leurs
affiliatioDSy enun mot de iousleursttioVens^ et faciliter le triom-
phe d^une entreprise aussi grande que périlleuse. Les intor-
mattons qu'il €n reçut ne s'accôrdaientmalheureusemeut que
trop avec ce qu'il avait pressenU. a Les membres deTaSBOCiâ-
tion révolutionnaire^ lui écrivît Zajonclek, sonttrës-tèlés>m&is
trop enthousiastes, remplis de bonne volonté, mail n'ayant
que des moyens très-bornés* L'insurrection tes paysans
n'est rien moins que préparée t on se cOnièilte d«hiidertes
espérances de cette dasse d'habitants sur la hàiHie géttéfàte
qu'inspirent les Russes^ ainsi que sur lacobâande de la natièft
^ur le cbet qu'elle vent se donner^ Les conjuréfi n'<^ntaiioa(|
plan fixe^ il faut leur en tracer un. Leurs relattims daoile
pays sont très-bornées , et celleil qu'ils ont dans l'armée na
comprennent que KadaUnski^ DttiQlinski> et quelques offideift
subalternes de différents corps. On ne. peut calcule^ M Juste^
«jpataît-il, quelle sera la conduite de céUe partie d€ l'àrulée
qu'on a forcé à ptrendr^ service ebet les I^u^seë^ parue qu'on
compte aeulement sur les vœUt secrets qu'on eu pposo ami il^
dividqsde ce corps; maiso&^'a.potiitd'eng^gemealB'poéltiéi
fye<; eux^ Snfioi oe 0ont quatre Oli cinq mille hobimë^ té^
pa^m ep dlffdrenteé garnisons qui fbni la somme 4m
j^oye9s;aqaoA€li$ pair. la pévolution $ .encore té rassembla^
men^ de c^s troupea aat'-U difficile et dëouiude^Hl boatteoup^
4>dres6e« » > . .
, Cea infom^atîoos^. #1 précises de la part d'ius iKiiiiine d'uto
patrioti^iïie ^K^ti et qui^ pkr opinion» devait plutâtlêtre pure-
té à s'illusionner sur les ressoliëoea de l'afiSeciattoaqu'à Ib^qù
exa^érei^ja modicité^. danvailiqiiilKesaiosBzko qiuë let nsoy^us
que l'on a?/iii étai^t ittsuffisénts^ etd^àllleùrs trop m|tl com«
binés pour risqnjBir me «fttrqpriaade w.gehpe contre un en-
DB LA RÉVOLtTlON POLONAISE. iOl
nemi dont les corps rassemblés en différents camps , se
trouvaient prêta à agir an premier noatement des Polonais;
II se passa^ en cette circonstance^ an éi ces fàito extraoMi^
nair«s qm, à mju sdols^ lésument ose sitaatton^ et» sans dé«
noter la grasukiir des^moyens, rétèAcntlôut an moins Pnna-^
DÎmité du bat. Pour ne pas éveiller lés soupçons de l'autorité
russe, Kosqimdso s'^tiiil anrèlé à la Iranisèrei Qaelqne se-
crète qu^^t été cette appftfitîon» ta bmili^en vépandit îm*"
médiat^miAnt 4'uii bout de la Palogn» à.fanttfe: Toiie ténx pour
qui le nom ùa <2et .af4ent 4ffe*ieDtf de-teUherté réswnaitttn
Toeu^ expliquait un sentiment, réveillait une espérance^ se'
ûomqdimiqpèraiille seeretdesen arrivée, fin pràdéjours/la
moitié de ta.P^e^M fut daâs la conftdaaee> et parmi totitè^
cette foDle> il ne se trtniTa pas un traître. ^
Ce fait iiniqiie dans rhtstoire n'a pas Mêoln de cômmen-*
taîrea* U es4 à lui seul r^xpression la plu» Vraie de l'borr'eur'
que peut Jnspirer à «n peuple un Joug ^^)ppfesii6tt/ utié
situation forcée. Lorsqu'une toile borreuir se tvàdùft'par des
faîtSjelle produit ube de ces IbriAidaMes eï teirribles catastro-*
pbestdont le mradeconsenre éternellement la mémoit^. Les
V4pir€tiSHilieBn$$ ian forent jadiis Teckpression sanglante.
Cependant > malgré cette unanimité des sentiments qut
semblait! piK»neitreuile coopératieri firanche et générale, Ros-
ciaszkofll^Dgâger les membres de l'association à'évitertoat
éclat préam)uré) .étendre leurs relaliêns dans le'pays, s^as^
surer des troupes polonaises entrées au service de la Russie,
etsurtofit^giagner iatf paysans «sfiem^ofÉiiidaliM dhacttie dis-
trict d^a patriotes Ééiési et adroXs pour le^ endoctriner. De tels
consfila tendaieHI ëvidemmeAt à diférer Tépoqué de la révo-
lution^ et la plupart des aluecièB étaient natui'ellemeRt itripa-
tient» et Caugoeux;. Leur position d'ailhaurs était critique : en-
toura 4'Mpi«lP».chav|s délai Mgnknlait laur dangef , et its '
Danç «a seconde déelaratioD, en donnant an généml ttan-
mer Tordre de bloquer la tille de Dantog, objet éi ardent de
ses vœwi le Cabinet dn Berlin ajoutait t € Les maniée raisons
qui ont engagé Sa Majesté prussienne à faire entrer lin corps
de troupes dans quelques distriots delaerande-Pologne, la
mettent aujourd'hui dans la néceésité de s'assurer de la ville
et du territoire de Dantsig.
a Sans parier des intentions pen amicales que cette Tille,
«lepuis une longue suite d'années, n*a cessé de manifester
envers la monarchie prussienne, on se contentera de faire
nbserver que c'est dans le sein de cette ville que s'est fordiée
cette odieuse et cruelle conjuration, qui, marchant de crime
en crime, cherche aujourd'hui, à Taide de ses abominables
adhérente, à se répandre de toutes parts »
Suivait ensuite une série dimpntations calomnieuses sur le
peu de foi qu'on pouvait aecèrder abx magistrats de Dantzig,
presque Ions liés aut pritacipes de la Révointlon française. Ce
second manifeste était, toujours selon le même usage, basé
•ur la nécessité « d'arrêter les progrès de l'esprit démocrati-
m que que la Révolution française avait introduit en Pologne
c avec le génie ardent des clubs et de IMnsnnrection. »
Ciomme on le voii, ces rapaces spoliateurs variaient aussi
peu leurs formules que leurs moyens d'arriver à leur but.
En efllst, immédiatement les deux cours de Berlin et de Saint-
Pétersbourg firent suivre leurs déclarations d'une armée.
Soixante bataillons et qnaWvingtHKx escadrons prussiens,
suivis d'une formidable artillerie, commandés par le mare-
ehal d'infanterie MoUendorf, franchirent la firontière polo^
naise, tandis que la ecarine élevait à soixante -dki mille
homnta smi contingent militaire. Dans cette campagne
déei4'se^ eea deux souverains devaient, selon tontes les
apparences^'Msreltre lonr royaume de quelqMs lieues^ sansr
DE LA RÉVOLUTION P0L0NAI8B. Ul
autre perte que l'effusion, du sang de plusieurs milliers de
*bf âveô i^oïonàîô. ^*
(Cependant, ceux d'entre Jès esprits les plus généreux qui
aTaietif rêvé Pindépendance et la liberté de la Pologne ,
avaient été forcés, comme oh l*a vu, de s'expatrier, fuyant les
perséeutiôiis de la ligue de Targowice, pouvoir illégal élevé
par Catherine en opposition au pouvoir légat, et qu'à défaut
du droit les baïonnettes russes soutenaient avec tirie énergie
toute sauvage. Les uns avaieutcli.ercbé un abri en Saxe, en
Italie, la majeure partie en t^rance, apportant partout cette
valeur native, ce haut esprit de ile^té, c^tte turbulence, cetip
agitation dés mœurs publiques qui lés caractérisent : partout
braves ofôciers, nobles soldais, faisant l'orgueil et la gloire de
leur pays.
Ces cœurs enthousiastes, imbus de l'esprit de la ftévolution
française, avaîeht pris au sérieux, non-seulement les encoo-
ràgèments, mais encore les protnedses d'une démocratie géné-
reuse, mais trop confiante. Nobles enfants proscrits et exilés,
ils parcouraient TËurope cherchant à inspirei' partout la sym-
pathie dont ils étaient si dignes. Ignace et Stanislas t'otocki à
Dresde, le brave comte Hugues Kolontay et Halachowskl a
Leipzig, plaidaient la noble cauée qu'ils avaient à défendre,
en attendant que, trahis dans leurs destinées, 11 ne If ur restât
plus qu'à mourir glorieusement. Mais c'était de Paris surtout
qU41s attetldaient du secoure et de la protection ; là seiilé-
ment, ilâ étaient sûrs de trouver des cœurs, sinon généreux,
du moins sympathiques. Là aussi s étaient rendus .es deux
hommes les plus fermes et les plus intellijgenls de la Pologne,
Kosciiiszko et Motqwski. Ardents, Infatigables, ils s'étaient
d'abord mis en rapport avec Dumpuriez et lè parti girondin
de Brissôt. Pour contenir les trois puîssanceë, là tlùs^iô, la
Prusse et l'Autriche, et empêcher le uo^ivëàù détnédibre^
r f •
' 12 HISTOIHB
ji.
m&nt qu'elles projetaient, pour faire aussi une utile diversion
au moment où le drapeau insurrectionnel serait levé en Po-
logne un plan avait été arrêté. La France devait fournir des
secours d'hommes et d'argent^ et en même temps Kociuszko
devait se rendre à Constantinople pour réveiller la guerre des
Turcs contre la Russie. Le ministre Lebrun avait mis, pour
ce projet, quelque argent à sa disposition.
Malheureusement pour la Pologne, la chute des Girondins
arrêta le développement de cette négociation. Dans les pre*
miers jours de juin 1793, Kociuszko et Hotowski quittèrent
Paris, et le baron de Barss, ardent patriote de Varsovie, fut
accrédité à la place du dernier. Le comité de salut public
prêta le plus vif intérêt aux plans d'insurrection de la nalio*
nalité polonaise ; il les encouragea même en secret. La ques-
tion des secours publics efifectifs fut posée, discutée ; mais
dans ce moment, pressée jusqu'au cœur de la France par les
armées coalisées, ayant à se défendre contre des cités insur-
gées et des départements en feu, la Convention ne put que
renvoyer à un temps plus heureux la gloire de secourir l'hé-
roïque fille du Nord.
Ce fut ce moment aussi que choisit Catherine pour accom-
plir le second partage de la Pologne. Dans les premiers jours
de juin 1793, TAutriche avait adhéré sans peine à ce second
démembrement, et, après les armées russes et prussiennes
dont nous avons parlé, un corps autrichien de quatre-vingt
mille hommes dut pénétrer dans la Petite-Pologne. Il avait
déjà été convenu entre les trois puissances, que, le Cabinet de
Vienne aurait pour sa part les palfttinats de Chelm, Lubiin,
Sandomir et Cracovie.
A^rsque la Pologne fut ainsi cernée de toutes paris, on
nrocéda à son exécution, selon l'expression si juste de Calhe*
M <laQS un moment de ses joyeux épauchements.
I» LA RtVOLVnOll P0L0H118I. 113
La manière dont en lieu cette êxéeutian couronna digne-
ment riniqnité si longtemps préméditée. On la dirait calquée
sur un de ces terribles épisodes, où des hommes, effroi et
rebut de la société, ayant pour lieu de la scène un bois ou
une caverne, pour témoins les ténèbres de la nuit, font si-
gner à un malheureux, le pistolet sur la gorge, l'acte de sa
raine. En Toid les détails précis. L'histoire n'ofltre pas d'en-
seignement plus profond ni peut-être de monument plus cu-
rieux des abus de impudence et de la force.
Jusqu'au 10 juin 1793, Pambassadeur de Russie et le mi-
nistre de Prusse avaient constamment déclaré qu'on ne son-
geait pas à un second partage. Cependant, on en était à peu
près sûr. 0 est vrai que, quelques Jours auparavant, Stanis-
las ayant demandé à l'ambassadeur de Russie, M. de Sievers;
ce qu'il en était, celui-ci lui avait répondu < qu'il n'en savait
« rien et qu'A ne le croyait pas ; qu'il était venu, par ordre de
€ l'impératrice, pour guérir les plaies de ia Pologne, et non
« pour les rouvrir, et qu'enfin les Polonais jetteraient des
€ fleurs sur la tombe de la czarine. »
Cependant, comme malgré ces dénégations et ces odieuses
protestations, tous les avertissements s'accordaient à décla-
rer cette affaire arrangée, le 12 mai 1793, Stanislas proposa
son abdication à l'impératrice, dans une lettre où on lit les
passages suivants :
« Trente années de travaux pendant lesquelles, en voulant
« lisdre le bien, j'ai eu à lutter contre tous les genres d'infor-
€ tunes, m'ont enfin amené au point de ne pouvoir plus même
« servir ma patrie d'une manière vraiment utile, ni à rem-
c plir, par conséquent, ma tâche avec honneur. Les drcon-
€ stances sont aujourd'hui telles, que mon devoir m'interdit
c toute participation personnelle à des mesures qui amène-
« raient k désastre de la Pologne. U convient donc que je ré-
116 niTOiM
taMoD/l'eîavpérttton étaimt au oomble. Les moHon loi plii
TioleBtes.se/Saccédaienty se croisaient* et tontes les colères
patriotiques que flioirle^, dans le coeur de ces homines si coqp
pables. rinlquité de la Russie et de la Prusse^ ont fait» de cette
mémorable séance^ une des plus belles pages des fastes polo-
nais. Ce fut ce jour même qu'un jeune nonce» accusant en
face le roi d'avoir amené par sa pusillanimité ces malheurSi
termina une foudrayante apostrophe par les paroles sui-
vantes: — c Roi de Pologne, toutes les pages de rUstoire
c de votre règne sont nçires; la seule qui vous reste sera
s d'or, si vous vous opposes à ce nouveau partage. »
Le roi, ému, troublé, paraissait prôt à céder. Dans cette
circonstance solennelle, spn exemple aurait incontestable*
ment entraîné tous les membres. Le ministre de Prusse com-
mençait à fléchir devant tant d'opiniâtre énergie^ lorsque
l'ambassadeur de Russie, de Sievers, fit remettre à la diète un
ultimatum qui se terminait par ces mots, que l'histoire doit
conserver comme un des attentats les plus insolents qui aient
jamais été commis contre une représentation nationale t -*
c Le soussigné» y était-il dit, doit en outre informer les
états de la république, qu'il a cru absolument nécessaire, afin
.de prév<3nir toute espèce de désordre^ de foire cerner le cbi-
teau par.deux bataillons de grenadiers avec quatre pièces de
canon, pour assurer la tranquilliti de leurs dilibiratiani. La
.sous^gné, tout en déclarant que nul, pas même le roi, ne
pourra sortir, de la sidle avant que la signature du traité ne
,6oit décidé, ne s'attend pas à voir lever la séance sans qu'il
soit fait droit à sa demande. »
' En même temps, le général Rautenfeld, qui commandait
les trouves, prit place au milieu de la diète, et ne permit à
aucun nonce de quitter la salle avant que la députation ne fût
autorisée à signer. La diète ne délibéra pas* Les nonces assis
•M
-Cl
M LA lifOLOTim fùLMAXÊM. 117
dans leart faotenils, se tinrent immobiles, observant le pins
profond silence. Le roi Ini-méme refusa d'ontrir les débats.
La journée, une partie de la nuit s^écoulèrent dans ce solen*
nel silence. Alors le général Rautenfeld demanda trois fois si
la diète donnait son consentement Cette demande ainsi réi-
térée n'ayant été Tobjet d'aucune réponse il déclara que,
puisqu'il ne se présentait pas d'opposition, la députatton était
autorisée à signer, et la concession déclarée valable.
Ainsi se termina à Vamtable, selon l'expression de Cathe-
rine dans sa déclaration de Grodno, la cession d'une autre
partie de la Pologne aux puissances co-partageantes. La Russie
gagnait à cela une partie du palatinat de Wilna, le reste de
ceux de Polotxk et de Minsk, des parties de èeux de Nowogro*
deck et de Volhynie, toute la Podolie et njkraine, ayant en-
semble une surface de 4,553 milles géographiques et une po-
pulation de 3 millions 11,688 âmes. La Prasse, outre les Tilles
de Dantzig et de Thom, acquit les palatinats de Posnanie,
de Gnesne, de Kalich, de Brzesc-en-Cujayie, la plus grande
partie de ceux de Plotzk et de Rawa, ceux de Lentxchitx et de
Siéradie, le pays de Yialan et un district du palatinat de Gra-
coTié; le tout formant une superficie de 1,061 milles carrés
géographiques, peuplés par 3 millions 594,640 ftmes. L'Au*
triche, qui, dans le second comme dans le premier partage^
s'était toi^ours tenue en arrière, pour ne recueillir dans cette
iniquité que du profit sans haine, allait, a^ant le partage défi-
nitif qui n'eut lieu qu'en 1795, se mettre en mesure d'avoir
une bonne part.
(3HAPÏTRR !V
1794
Retour à T&moTie 4a roi Stanislu et do l*kïnbta8a<Jeiir 00 ti«lwiQ«'*-r
Redoublement de pereécutioDS. -r- Situation critique .dee oonjoré^»
— ^Insurrection de Madalînski. — Arrivée de Koscioszko à Cracovie.—
* ' ftiSQrrectiondtoCnieoTie. -*- Acte dlnsurfectlon da 54 mars <7M.—
> KoeoNBzlod Mfc Jioaiinô'cbèf de l'àiBiirrèctiôii ; son feiment ; seè pp»-
clamatioi3s ^ l'armée e^ k ia Dation. ^Batfiille de Raalavii^. -r
Beau fait d'armes de Rosciuszko. — Première3 victoire^ des insurgés.
Depuis que le^ Eusses ayaient pris possession de la Polo-
gne^ le siège du gouYernement avait été transféré à Grodno.
Vers la fln de novembre 1793, le roi Stanislas et Tambassa;-
deur dô Russie/ qui était plus roi que lui^ revinrent 4 Var-
sovie. Leur arrivée fut marquée par un redoublement dp
persécutions. Le nombre des espions augmenta, et les mal-
heureux Polonais, trop flerâ pour se résigner à rarropan<^
insoutenable des Russes» prêtaient tous les jours aux soup-
çons. Les délations se multipliaient ; les arrestations des per-
sonnes les plus probes, sftB^-ëietinction d'âge et de sexe,
devenaient de jour en jour plus nombreuses : les prisons
furent bientôt encombrées. Les crimes imaginaires, les
vertus réelles, tout servait de texte a des accusations ; étran-
DB LA BiVOHtqOll P0L01IÂ18B. $iti
gers, citoyens, tous étaient suspects et poHrviiTis. Les offi-
ciers et les soldats russes joutaient encore, par iiiiUe désor*
dres et mille cruautés^ am hideuses formes de cette justice
inquisitoriale. L'iQSulte se joignit ensuite à Toppression, t^
les tyrans> chargés de la haine publicpie» appréhendant «o*
révolte et défiapta oompae tous lea tyrans^ pfinmt pwr U
préTeqir des précautiens .si saTammeMt croelleai que kt
annalea d^ h| birharip alpflrfttt tien de semUabW* GatberiMy
dont le san^ dana ses dernières i&méesy asiid4aiti être deveiA
le h^het exclusif^ paraissait sMttre alors sa gloire à surpaiKr
tout ce qa'elle reprochait à la )BléYolution. française.
Avec ce redoublement de fnreurs^ la situatioa des conjurés
deyenait de jour en jour plus critique* Le danger d'élrç^
découYerts n'était pas le seul qu'ils avaient à redouter^ Ua
autre» plus grave peut-être, en ce qu^ils pouvait paralyser
tous leurs moyens de révolution,, était imminent: c'était la^
réduction des troupes polonaises, -qu'on avait déjà commence
i opérer. Kn effet, des compagnies avaient été réduites i
8oixante*quinze hommes» et on s'attendait tous les jours à
voir licencier le reste^ et même à la saisie de l'arsenal de la
république. Ceùt été alors 6ter aux cpi^ttrés leurs dernières^
et, disons-lCj leurs seules ressources^ l
Effrayés de la marche rapide de cette réactioiji» les patriotes
expédiaient à Kosciuszko courrier sur courrier^ lui mandant
Textrémité à laquelle ils allaient être réduits» le pressant d^
hâter l'insurrection, et^ pour Vj décider, exagérant leunf
moyens et l^urs ressources^ Kosciuszko^ de son côté> ayant
eu Toccasion d'ouvrir quelques communications avec lU-
kjraine^ la Lithuanie et li^ Grande-PokjQueî avait acquis If^
convictioD que» dans toutes ces provinces, on désirait l'iiH
surrectioUf et qpfon était prêt à s'y leyer au signal convenu*.,,
I^lbfui|^«w¥i§i»t».^^^ crift. sp Fé^iaisait > dos .SfWft, W}
120 BiCTom
cachaient mal des craintes. En effet, les conjurés n'avaient ni
armes, ni cheTaux, ni provisions d'aucune espèce. Ceux des
nobles qui désiraient ardemment d'être délivrés de leurs
oppresseurs^ n'attendaient cet effort que de l'armée, et ne se
donnaient aucun mouvement par eux-mêmes. Lldée seule de
k levée générale des paysans faisait trembler la plupart des
propriétaires, qui se trouvaient ainsi en contradiction avec
leurs propres sentiments, flottant entre le désir de l'indépen-
dance et la crainte de perdre leurs droits sur les serfs.
Ce fut dans ce moment, en mars 1794, qu'un général polo-
nais, Hadalinski, pressé de licencier son régiment, et crai-
gnant que l'armée ne fût totalement réformée sans avoir pu
faire de résistance, se décida à lui donner Texemple. n ras-
sembla son régiment, qui montait à sept cents chevaux, quitta
son quartier de Pultusk, traversa la Yistule, surprit les déta-
chements prussiens postés le long de la nouvelle frontière, et
les battit l'un après l'autre. Au lieu de marcher vers Varsovie,
gardée dans ce moment par plus de vingt mille Russes cam-
pant dans la ville ou aux environs, il se dirigea vers Cra-
covie, pour favoriser l'insurrection des troupes cantonnées
dans ce palatinat, y prendre une bonne position et y attendre
l'arrivée de Kosciuszko, L^esprit de cette province était mieux
préparé pour la révolution que celui des autres parties de la
Pologne. La noblesse, la bourgeoisie, les militaires, tout le
monde y désirait et y attendait avec impatience l'arrivée du
libérateur commun, Kosciuszko. |
Il y arriva le jour même (23 mars 1791) où s'était con-
sommé à Cracovie un grand acte de colère populaire. Dès le
matin, le bruit du tocsin avait appelé le peuple aux armes.
Des villages des environs étaient arrivées des bandes de pay«
sans armés de faulx droites, de piques, et conduits par leurs
propriétaires. Os s'étaient Joints à la populatiott de la ville.
M LA BÉVOLUTIOll POIiOHASI. ISl
flonlerie eontre la garnison russe^ forte de einq cents hom-
mes, et qu'on Toulait chasser. Le combat commença dès onze
heures du matin, acharné, terrible. Le sang coulait par les
rues; le seuil des maisons en était teint. La garnison polo-
naise, forte de quatre cents hommes, et qui ayait pris Tinitia*
tiye de ce soulèyement, seconda admirablement les paysans et
les bourgeois. Dès ce moment, on ne songea plus à chasser
les russes, mais à les exterminer. Heureusement pour ces
derniers, le plan d'attaque des insurgés n'avait pas répondu
a leur ardeur* Les mesures furent prises si maladroitement,
que les Russes purent évacuer la ville. Gomme ils sortaient
par une porte, Kosciuszko entrait par Fautre. n les fit pour-
suivre ; mais il était trop tard. Arrivés en rase campagne, les
Russes se défendhrent vaillamment et ne perdirent que leurs
bagages.
Rien au monde ne peut peindre l'enthousiasme qu'excita à
Cracovie Tarrivée de Kosciuszko. Jamais monarque, dans tout
réclat de sa pompe et de sa puissance, n'a vu éclater sur son
passage des sentiments plus vifs et plus vrais. Ce n'était pas
là, une joie de commande, tout fut spontané, tout fut naturel,
parce que les acclamations s'adressaient à l'homme et non pas
au rang ; parce que Kosciuszko apparaissait au peuple comme
un sauveur qui vient vouer sa vie à Pindépendance et au bon-
heur de sa patrie. Aussi les hommes, les femmes, les vieillards,
les enfants, toutes les classes, tous les états, tous les rangs se
pressaient et se confondaient au-devant de ses pas ; et, au mi--
lieu de tout ce délire, coulaient d'abondantes larmes ; mais,
cette fois, c'étaient des larmes de joie et d'espoir.
Le lendemain (24 mars 1794), Kosciuszko fut proclamé gé-
néral en chef de Varmée insurrectionnelle. En cette qualité,
il eut à recevoir le serment des habitants de Cracovie , et à
prêter lui-même le sien à la nation.
16
G^ flH un jmr iOlaiiMl dans las fàttos révolutionnaires 46
la Pologoa» qw ealni où un peuple, insurgé contre la tyran-
nie d'oppraeseiirs étrangers, se lia par un sèment, au ctief
qu'il s'était choisi. Dès le matin, la vills dedraeoTie fut parée
comme pour uu jour de fête. L'espoir et la joie brillaient sur
toutes les pbTsiouomies* U grande saUo du ctièteau avait été
flj(ée pour Timposante cérémonie du serment* Sur uneestrade
au-dessus de laquelle flottait le drapeau national, était Kos-
ciuszko. Sa figure était légèremant animée, parce qu'il sentait
toute la respon^abiUté qui allait peser sur sa tête ; son regard
était fier , parce qu'il avait la oonscience de la justice de sa
cause. Autour de lui étaieut Ignace Potocki, Kolontay , Zajonc-
zek, et d'autres patriotes qui avaient quitté la terre d'eul pour
venir saluer cette aurore de Nnct^odauce 4e leur patrie,
pour voler où les appelait le danger. Une foule immense^ où
les rangs, les états , les ae^s » étaient coufondus , remplissait
la salle^ et se prolongeait au loiui à ses aborda. Nobles, bour-
geois, paysans, prêtres, femmes, s'accostaient, se félicitaient,
tant l'espoir seul de la liberté avait jeté d'enthousiasme dans
ces âmes naguère flétries sous un joug abhorré. Toute cette
foule était rassemblée là pour prêter à la nation , entra les
mains de Kosciuszko, le serment solennel de vivre ou de mou-
rir pour l'indépendance de la patrie. On s*y était rendu de
toutes les parties du palatinat; héroïque empressement d'une
population entière rassemblée à cette fête nationale, non dans
un sentiment de joie frivole, mais dans uno pensée de dou-
loureux saoriûce.
Les plus notables d'entre les habitants prêtèrent le serment
les premiers. Parmi eux, on vit s'avancer de nobles vétéfans
de la liberté, l'air morne et grave, mais ûcr et décidé; ayant
passé leur vie à protester contre Toppression étrangère, ils al-
laient illustrer leur mort par la couroune du martyre. Gomme
DE LA RÉVOLUnOII POLONAISE. 123
teformiiledu^eriMiit était en <j[iielqo6 sorte arbitraire^ de
^lus d'uoe bouobe «ortfréiit^ atec des voeiti ponr la patrie^ dea
iiDprécatioDS «entre sea fdrouehes opfnrefliettra; et ù le génie
proteeteur d\iD peuple tient compte au ciel dea malédictiona
popalairea, ce jeiur-là^ le génie de la Pologne dut avoir à ins«
crire de terfiblea chargea eontm Catherine et Frédérie4iuil«
laume.
Aprèa lea vétérans de la libettéf a'aTancàrent dea nobles ré-
cemment ralliéa à la cause de rindépendancoy dea militairea»
dea boargeoia> des prêtreai dea pajaaoa, lea nna groupée au>»
toer d'un drapeao seigneurial, les autres anionr de la bai>
niè^ du corps de métier anqlid ils appartenaient* Tous défi'»
lèrent devant Koaciusiko^ prfttant^ avec enthousiasme > le ser»
ment national, et prêts à cimenter de leur sang la liberté pour
laquelle ils sa levaient.
Après avoir reçu le serment de tous^ KosciussIlo se leva, et,
avant de prêter le sien , prononça les paroles suivante^ f ifuî
forent écoutées^ comme autant d'ovaclea^ par la population
enthousiaste qui rantourait :
t Chcrs coricitoïens et frères,
« Malgré ^iniquité qui pèse depuia longtemps sur elle , la
c Pologne n'eal pas morte; elle se relève çncore contre sea
« oppresaaurs*
<c Pour ceux qui sentent ce qu'ils doivent à leur patrie, an
< sang polonais qm coule dans le«rs veines $ TiMurreclion
« d'aujourd'hui n'a d'autre but que de noua affranchir. Nous
c noua levons pour recouvrer les provinces violemment ar-
< racbées à la Pologne, pour reconquérir l'indépendance nar
I tionalOj pour nous rendre à la liberté.
« LevoBS-AOtts donc tous» joignons nos forces, et noua rem-
124 HUTonui
c plirons plus vite et plus aisément les yaes sacrées qui nous
« ont mis les armes à la main. Défendons tous la même cause ;
« unissons-nons tous dans une haine commune contre les
a usurpateurs qui^ au mépris de traités dairs» formels^ an-
a thentiques, divisent et morcellent notre sol^ foulent aux
« pieds nos droits et nos libertés^ nous chassent de nos héri*
« tages paternels^ et se partagent nos biens.
« Aucun usurpateur ne peut réclamer des droits qui n'ap-
« partiennent qu'aux nations, et il n'est même au pouvoir
c d'aucun peuple de consentir à suspendre^ a exécuter le droit
« inaliénable^ éternel, qu'il y a de poursuivre, de détruire les
c tyrannies an dedans et au dehors, quelque nom qu'elles
c prennent, quelques formes qu'elles adoptent.
c Un peuple qui veut réellement être libre le sera ^ et les
c efforts des plus nombreuses armées échoueront toujours
« contre une nation levée en masse , et où tout le monde est
« soldat.
c Et vous, brave peuple des campagnes^ sachez distinguer
c vos amis de vos ennemis^ cessez de vous laisser leurrer par
« de vaines promesses. L'ennemi commun vous promet la
a sûreté, la tranquillité que réclament vos utiles travaux, et
a ne voyez-vous pas qu'il ne peut vous procurer ces avanta-
« ges t Pouvez-vous croire à l'humanité d'une soldatesque in-
a solente, prête à ravir votre bétail, vos chétives possessions,
a vos instruments de labourage, et à livrer vos cabanes aux
« flammes?
a Ah I que vous serez cruellement désabusés, lorque le feti
« dévorera les fruits de votre travail, et les moissons cultivées
a par vos mains et arrosées de vos sueurs. Pouvez-vous croire
« à la tranquillité que vous garantit la Russie, puissance dont
« les sujets sont, depuis un siëde, envoyés à la boucherie)
Demandez a ses soldabs, à ses cosaques^ depuis combien de
n Là BifOi.innoii foumAUB. 129
« temps ÛM aont excédés de Teilles, de oonnss^ de travaux de
c toute espèce T DeiQandes4eur dans quel temps ils se repo-
« sent? De bonne foi» la Russie peuUelIe tous promettre l'a«
€ mélioration de votre sort, elle qui tient dans la plus dure
c servitude les habitants de ses campagnes, qui les accable de
€ corvées pénibles, continuelles , de sedevances exorbitantes
€ et honteuses, et qui pmnet qu'on les vende au marché
< comme des bétes de sommef
€ Qu'aucune classe de dtoyens ne se laisse donc abuser par
c les déclamations russes. La Russie vous invite à llnerlie; la
€ patrie vous commande Tactivité, le courage, Tunion. La
« Russie promet une tranquille trompeuse dans les travaux
c rustiques; le gouvernement de Pologne vent assurer pour
c jamais, à tous les citoyens » le fruit de leur travail. Les dé-
c darations russes emploient un vain étalage de mots pour
c nous faire accroire qu'elle veut adoucir, en votre faveur^
a son système de servitude, la plus dure qui existe sur la terre.
€ LMnsurrection nationale prépare à tous les habitants de la
c Pologne une liberté fondée sur la raison. Enfin, les déda-
« rations russes tendent à afTaiblir, à diviser les citoyens : le
€ gouvernement de Pologne invite tous les Polonais à la con-
« corde, source de force et d^intailltbles succès. Citoyens et
«firères, pouvei-vous demander qui vous devez croire?
« D'un côté, vous entendes la voix de vos compatriotes et
a de vos frères; de l'autre ^ celle des usurpateurs étran^
«gers, des ennemis de la nation et du nom polonais*
« D'une part, vous restes Polonais; de l'autre, vous devenex
c Russes. »
A ce moment, Kosdnsxko fut interrompu par aitUe cris^
tels que : « Non ! non 1 nous voulons rester Polonais? Plus ds
a Russes! Mort à nos tyrans »
•-«Oui I reprit Kosciuszko avec force, oui, rensslo Polo*
tW tomoii»
c natvt Ptifde RosMi! Mort à no» tjnmi IlSiir pôxît ^Ui
« il faol qiier le tdrtnept que fon^ tëti6» d« i^rSter à h na^'
« Uon tow Qtii«0e dââ» tin6 tigne sakite et ênetée, qui hê
• doit a^oirHe fin qMl^nqfië le Ml {MIôâÉiê «èfét ptttgê
« de la ppésenco de <e» eiiMmi9| el cpie la Pblogiiè éeeâ, ft^
« dipendaote et llliMi #
«M «Noag lé toffOMU e^&crièreot dei milHere de veMif.
— « Eh bien? tenez votre serment^ et je ré^Md^M Wc^
e oès» (èMDt à mol, tfostfe KoMioadcff, Wm nTeit témdin de
«:lailQ6àrttéd# eeliiî>qmeie viif ^rftler à UiMtiM* »
Bi d'«Qe Toîx {dus aeleoBelle et j^ impoiaate^ il prêt* le
eennenteuivant s
« Moi^ thadée Koâciaszko, je jure à la nation polonaise^ en
i présence de l^tre suprême, que je ne tournerai jamais le
k pouvoir qui m'édt confié pour opprimer aucun citoyen;
k tnais qde je remploierai Uniquement pour défendre Unie-
^ gritéde mon pays^ pour recouvrer llndépendance natto-
k noie, et pour ftCTermii' la Ifberté générale de ma pairie. »
Les crii^ nulle fois répétés de : c vive KeeetuidWil vive la
Polegnel » couvrireni ced dernier» moley ^
* Le même jour fat proclamé^ eu bmîi du eemoa» uo aele
tfiMiirreetîeii^ ovise «évéleient tMte la dignilé d'Un pMplie
eotragé dane ea iMUioiielilé^ et teule llierreiir ^iie bii iaipW
lait l'oppreesion étrangère {neble ptfoteiteUieftqWiil est diffir
elle de lire flaœ une émotion pirolôode*
Yoici ce document important^ que l'histoire doit coueerver
eomme on impérissable stigmate à la saUglante et sanvage
politique de Catherine.
DB LA BÉYOLimOll POLON AI8B. '!^
Acte éPinsurreùtion de la Pologne opprimée.
(Mars 1794.)
a L'état où se froQve actuellement 1& malhenretise Pologne
est trop connu de runiyers; Tindignité de deux puissances
toisines, et le crime des traîtres à la patrie Pont précipitée
'dans cet abîme. Catherine II, qui, d^intelligence avec le par-
jure Guillaume, a résolu d'extirper Jusqu^au nom polonais,
Tient d'accomplir ses projets iniques. Il n*est aticun genre de
faussetés, de perfidies ou de trahisons dont ces derux gou-
yernements ne se soient rendus coupables pour satisfaire
leur tengeance et leur cupidité. Laczarine^ en Se déclarant ga-
rante de l'intégrité et de llndépendance de la Pologne^ l'affli-
geait de toutes sortes de fléaux ; et, lorsque la Pologne, lassée
de porter son joug honteux, eut recouvré ses droits de sotl-
Teraineté^ elle employa contre elle des traîtres à la patrie,
elle appuya leurs complots sacrilèges de toute sa force armée,
et ayant détourné avec artifice, de la défense du pays, le fol,
à qui une diète légale et la nation avaient confié tontes leuns
forces, elle trahit bientôt honteteement ces mftmes traîtres.
Etant, par de pareils subterfuges, devenue maîtresse des des-
tinée de la Pologne, elle invita Frédéric-Oulllaunie è prendre
part aux dépouilles^ afin de le récompenser de sa perOdie,
pour avoir rompu le traité le plus solennel avec la république.
« Sous des prétextes impudemment flaux> mais en eflTet
pour satisfaire leur insatiable cupidité et étendre leur domi-
nation par l'envahissement des nations limitrophes, ces deux
puissances confédérées contre la Pol(^e, se sont emparées
des possessions immémoriales et incontestables de la répu-
blique; et, pour cet effet, elles ont obtenu, dans une diète
convoquée dans ce dessein, une prétendue approbation de
W HI8T0IU
leurs usurpations; elles ont forcé les sujets an serment et i
Fesclavage^ en imposant les citoyens aux charges les plus
onéreuses; et ces deux alliés, ne connaissant qu'une volonté
arbitraire, par un langage nouveau et inconnu dans le droit
des gens, ont audacieusement assigné à Texistence de la ré-
publique un rang intérieur à toutes les autres puissances,
faisant voir clairement par là que les lois, autant que les U-
miles des Etats, dépendent absolument de leurs caprices, et
qu'ils regardent le nord de l'Europe comme une proie des-
tinée à la rapacité de leur despotisme.
« Le reste de la Pologne n'a pu encore parvenir à acheter
l'amélioration de son sort au prix de tant de cruelles calami-
tés. La czarine, en cachant ses desseins ultérieurs, qui ne
peuvent qu'être pernicieux aux puissances de l'Europe, sa-
crifie, en attendant, la Pologne à sa vengeance implacable ;
elle foule aux pieds les droits les plus saints de la liberté, de
la sûreté, de la propriété. La pensée et le sentiment intérieur
des Polonais ne peuvent même être à Tabri de ses persécu-
tions soupçonneuses, et elle tâche d'enchaîner jusqu'au lan-
gage. Il n'y a que les traîtres à la patrie qui trouvent de l'in*
dulgence auprès d'elle; ils peuvent impunément commettre
toutes sortes de crimes. Aussi les biens et les revenus publics
sont-ils déjà devenus leur proie. Ils se sont emparés de la
propriété des citoyens; ils se sont partagé entre eux les
charges de la république, comme s'ils pouvaient s'emparer
de ses dépouilles, parce que la patrie est subjuguée ; et, en
usurpant avec impiété le nom de gouvernement national, es-
claves d'une tyrannie étrangère, ils font tout à son gré.
c Le conseil permanent, dont l'établissement avait été l'ou-
vrage d'une force étrangère, supprimé légalement par la vo«
lonté de la nation» et nouvellement rétabli par les traîtres,
franchit, à l'ordre du ministre de Russie, les limites du pou-
m LA RÉVOLimOlC POLOlf AISE. 129
tmr qu'il atail bdsseinent reçu de lai^ en rétablissant, en re-
fondant, en supprimant arbitrairement les constitutions qui
venaient d'être étniilies et celles qui avaient été détruites. En
un mot, le prétenrhj gouvernement de la nation, la sûreté, la
liberté et la propriété des eitoyeiis restent ontre les mains des
esclaves d^un «erviteur de la czarine, éeni les troupes inoiH
dent le pays et serveùt de rempart aux traîtres.
« Accablés par ce poids immense de malheurs, vaincus
plutôt parla trabison que par la fetce des armes ennemies,
privés de toute protection de la part du gouvernement na-
tional; après avoir perdu la patrie, et avec elle une Jouissance
des droits les plus sacrés de la liberté, de la sûreté et de la
propriété ; trompés et devenus la risée de quelques gouverne-
ments, et abandonnés des autres, nous, citoyens, habitants du
palatiuat'de Craeovie, en sacrifiant à la patrie nos vies comme
Tunique bien que la tyrannie n'a pas daigné nous arracher,
nous nous saisissons de ces moyens extrêmes et violents que le
désespoir civique nous suggère. Dans la ferme résolution de
périretde nous ensevelir sous les ruines de notre patrie, oude
délivrer la terre natale d'une oppression féroce et d'un joug
plein d'opprobre, nous déclarons à la face du ciel et de tout le
genre bumaio, et surtout des nations qui savent apprécier la
libertéetla mettre au-dessus de tous les biens de l'univers, qu*ea
usant du droit incontestable de défense contre la tyrannie et
l'oppression armée, nous réunissons dans un esprit de patrio-
tisme, de civisme et de fraternité, toutes nos forces ; et, per*
suadés que le succès de notre entreprise dépend surtout le
plus de notre union, nous renonçons à tous les préjugés et
distinctions qui ont partagé ou qui ont pu séparer jusqu'à
présent les citoyens habitants d'une même terre et les enfants
de la même patrie f et nous nous promettons mutuellement
tous de n'épargner aucuns sacrifices, mais, au contraire, d'u*
17
ISO niRvenni ' / i
s^cdalous k&Tno;oiu que Tamoar sacré de la Hberlé peut
ÎQ3)tinTQur hommes que lo désespoir a f»U lef«r fiour sai
a Affrandlihr la Potôgrte des troupes élrangàoea, recouirer
ei assurer ribirégrité des froslièœs^ anéantir towle soifod'ith
surf^lion^ tniii intérieure qu'exbértoure^ afftiriiûr la Uherlé
gciii raieetrindé|>endanGede la république ;t4^ est le buistcrè.
de BOtre insurrection. Pour que nous pijissions ratkckidre
sûrement^ ]iaur qu'un pouvoir énergique dirige, la fucee na«*
tioaale (après avoir attentivement con^déré la situattoo ae-
tuelle de notre patrie e4 ses babitonts),no«8a¥oaacF« oéces-
sdireet indi^fiensable de nommer :
« !<" Un chef général de la ibroe armée; . ,
1 ce 2* Le cènseil suprême national;
€ 2* La commission du i)on ordre dans le palaNnat ;
• 4* Le trilniiial criminel s«i>réfne;
« go Le tribunal crimifiel dans notre palatioat. s *
' A CD noble et sincère exposé de motifs étaient joiutséouse
arrêtés.
Les fOG«iier> deuxième et tt^oieième nommaient Koseiitszko
chef unique, directeur général de Kosarreetiou armée^et
«anstituaienten sa faveur une véritabk dîelatiire temporaire.
heé quairtème et cinquième flxaiitDiles attributions' du coot*.
seil suprême national investidiidttoil de statuer sur les impàtsr
provisoires, sur kdispositioiiét remploi des biens nationaux,
eide tous lesfonds publics, choirgé d'ordonner le recrutemeni».
de pourvoir à tous les besoins de la force armée, de veiller à
(fadministraliondeiajusiice^auxrapportsdiplomaliqttuselàla
sûtx^lécommeà la subsistance publiques. Par les autres étaient
institués la comnoission du bon ardre, le tribunal criminel &n«
^ttme, et le tribunal criminel du palalinat. La première claik
tenue d'exécuter les ordres transmis par le chef de la force
DG LA RÊVMOTftlIl POLONAISB. i3|
«mée et le cènsk?ii niitionRl. Le9a»(re0éiaknjbciiArgésdejiif,'cr
les^rimes icontne la nation, les act^s CfMtroiresjau but de V\u-
9Brtectt0n et les délite ronire H «alut de la pnUrie» Tontes ces
avteriféfi n'étaîentqiiû lein^erafres et îe droit de foire une
constitution mctionAii^ mtcndenvlilt\«oit séparéincnt, leur
était rormeddemen^Hiterdit., ' .
' L'acte d'inêurreblion ^e tcvminnit par ks pnctles suivantes :
« Notre désespoir esft auconvbie» et «e(r^iin¥>ur pour la
patrie «st mus 4Mrnt6. Les^ilalbciirs les phis crnelis, les.ditfl-
«oltésles pltys inMtvnontaUe») ne eaucaieial affajblk ni décQU-
tager notre civiflviTe.
<' « Nom nous pretneUoiis Tnu4uellQfnent,;età toti te la palipn
polonai^e^de lattvfneié dans iltenk'epri^e^idelaQdélité pQur
'les ppinctfcs, de tkvbéisiahce po»r lei: autorités patio«i4es
dénomnr)ées dans cet acte. Nousconjuroasil^.obaf deiafopce
annëie et 4« GohseH «oprèiiie, (par V««iour:da la ^triey (t'nser
^t«>^d les ifi^nfip ca|»at»le» dedéli^ror :U a|ktv9n poioi^ai^e,
'^'reimetiaht Mire leurs moins Je (wiveir 4'^ïiplpyer nos ^pr-
sonned etntaBiMenspettdaqlque dHreraiefx>int)a(dela Wp^jcié
' '• ateb le despoCbmey^'de' èi lastice aveo^^HN^r^ssipii «tiajy-
< rannie. Nmis dééironsIqkiUls aient tQvyjDuJOS' (présente cf^tte
' ' ^nde irériM : Le êUbU eu pèuj^le est i^lR$pritni hù ^ •. ^.
'- Oet a^tey revêtu de nkilHeiPs dé $ignù turel» tul ^4|r<3as<^ 4)ins
tous les palatinMs>^Keecibsttko y joignit deuapr^cMrnsitiws,
i\jtt^ à l'arnicts l'autre à la nation, i v
'VôfcHa proclamatiOtt àl'apraée 1 1 -. . i . . ^
« Chers tannaradfes, *n«ud'awps^j«raiph« d-une fois d'ijtre
<*' «■ ÏMîles è îa ffeWe, ol plos d'aM fois niMà/i^n; avons donne
^ ' « dés'treuves. Ettflh/le^vme e?lt arrivé eu nous devons
^ ' «f rèrtïplîf »celte |irtftife«ée sdc^ôej Wnjusifce tto«a a awi-scu-
^ « lenvent enlevé dfes piDrirtoe» enNôrei^, fiuue eitcore nous a
• • • arraché tKWâftneB èinfe ^e«r pliit9ipiis laifsecque la honte
132 mrrom
a et la misère. Ressaisissons ces armes pour les tournerconine
a le sein de nos ennemis; délivrons la pairie du joug infâoife
c( qui couvre d'opprobre les Polonais. Rendonsàla nattonaoïi
a Douvoîr légitime, et en revendiquant toute sa gloire, mérî*
a tous par nos efforts, sa juste reconnaissailoe
a Appelé par tous, chers camarades Je viens me mettre a
« votre tête.' Je vous apporte moo sang et ma vie; Votre eou-
a rage et votre civisme me sont garanisdusuccès et delà pros-
« pérîté de notre patrie. Ne faisods qu'une âme avec nps
< cbers compatriotes; réunis^onis nos cœurs, nos bras, nos
a moyens, avec tous les habitants de ce malheureux pay.
« Cest la trahison qui nous a arraché les armes d^ majns ;
a que la bravoure et la vertu iMus les ireudent Le jiiaig'sons
« lequel nous gémissons s^ra détruit, et nos, chaînes seropt
c brisées à jamais.
< Pourrîec-vous, ctiers camarade», supporter a^ee indi4<&-
c rence un despotisme étrarigar qui vous a diapersé bouteya-
« sèment, qui s'empare de nos arsenaux, jette dans des cachots
« nos chers compatriotes, et qui, enfin^ après nous, avoir dé-
c pouinés,se joue impunément du restedenoscitoyenst Npn!
c chers camarades; suivez-moi! La gloire nous, appelle;
a devenons les libérateurs de notre malheureuse patrie. Je
a vous jure de (aire les plus grands efitots pour me rendre
a digne de votre patriolttsme ei du iMtif qui le dirige.
« Ne croyez pas devoirdel^obéisisftnce aux ordres de vos ffé-
« tendus supérieurs actuels ; les magistratures établies par les
« Russes né sost dignes que de votre mépris* Vous ne devez
« fidéUté q u'à k palrie« C'est elle qui voua appelle aux af rqes ;
a et c'est en son nomque je voua envoie «désordres. Je pi;e9d9#
« efaeiv camarades, pour mot de guet : vainges oc Mouarii)} et
« je fonde mon espoir sur vous et sur cette nation qui ,f juré
« de mourir plutfttquede vivre dans un honteux esclavage, a
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La proclamatioa de Kosciuszko à la nation respirait la
mfme énergie et le même patriotisme. Cet appel enthon-
siaste à tous les dévouements nationaux mérite aussi d'être
cité eo entier. Le voici :
a Mes concitoyens, >
€ Appelé plusieurs fois par vous au secours de la patrie/Je
« me rends, selon vos désirs, à la tête de Tarmée; mais je ne
c pourrai pas rompre le joug infâme de Tesclavage, si vous
a ne m'appuyez pas avec autant de promptitude que d'efâ-
« cacité. Aidez-moi donc de toutes vos forces, et bâtez-vous
« de venir vous ranger sous le drapeau de la patrie et de la
« liberté.
« Le même zèle doit animer tous les cœurs, puisque nous
« avons tous le même intérêt. Sacriûez à la nation une pfirtie
« d'une fortune qui n'était plus à vous, puisqu'elle était con-
« tinuellement en proie à la cupidité des soldats de la tyran-
« nie. Envoyez à Tarmée des sujets capables et pourvus
« d'armes. Ne leur refusez pas des vivres en légumes^ en bii-
a cuit et en grains. Approvisionnez-nous de chevaux, de
« chaussures, d'habits, de draps, de toile. Ces généreuses
a offrandes faites à la patrie et à la liberté vous mériteront la
a plus belle récompense, celle de la reconnaissance de là
a nation entière.
« C'est la dernière fois que le désespoir nous met les armes
(( à la main. Méprisons la mortl Animes par Tespoir d'âme-
« liorer notre sort et celui de notre postérité, ne nous laissons
u pas intimider par les menaces de nos ennemis conjurés. Le
« premier pas pour secouer le joug de l'esclavage, c^est d*oser
« être libres; le premier pas vers la victoire, est de connaître
0 ses forces.
a Citoyens, le palatinat de Cracovie vous a donné le plus
J
X\i HISTOIRB
« bel exemple de patriotisme : il a offert à la patrie la fleur de
a s^ jeuqesi^e; fl ^ décrété une confributfon pécuniaire; il a
â,pçomis tous secours possibles aux défenseurs dé ta patrie.
a Cet exemple est «ligne de votre initiative. Ne tardez pas de
ce prêter votre appui à la patrie, qui s^acquiKerà Je cél'te dette
c par la plus vive reconnaissanp^, Onif%pf^tfii;|, ,^n qualité
^ « d'impôU, les quittances çjue vous fecevrez.dea génpraux-
« majors des palfilijials et, des coàimandaqls'n)ili(aires; et
« tout sera payé quand la patrie sera sauvée. Je ne prétends
M^ pas vous animer a un deyoir auâsi saci^o, et je Aie ii>!s, pour
« ne pas paraître douter un instantde votte patr1olîs(i)e/i)
jK JjCS vfsxatipnç que vou<? avez éprouvées des soldats russes
« doîvenîbfen vous convaincre qu^il vaut nriîeiix taire vôïdh-
« tairement pour la pa^trie ce que vous étiez oblij^és'de lafre
€ par Violeilçe pour ses ennemi?. Hien ne salirait garànlir de
'* € ïinfamîe éf dé rèxécralîoh pubtl(]iiè (Tclui I(uî; dans'dè fia-
«'reines çîrcoYisfartCes, sVmonIrerai't ln'écfnsîb!è\itix 'beSofns
'a 'éé l^tat. îlâîs. cîloyens, j^itlends tout de' V<!)lre>,ole, ot Vdbs
'^ « vous unirez^ du fond de vôtre clcttr, S Celte 'Ifffue* s.11rile.
"^^*« Ce n'est pas rin^rigûe elrarrjçèro' ni' t'envfe" de iïohi^nèr,
'*« ïnâîs c''est V'amoii'r dë'la tîfcertè qui la cîrtîcnté. ô'î»cotiq'ue
\« Vest pas pour nous câî contre nôus^ quiconque ne s^ubit
.«pas à ceux'qui ont Juro (ïe'verserle'ùr'sangpou'r'lâ patrie,
« est suspect de tramer quelque chose' contre.clle, ou est in-
c différent; ce qui est égî^lenientun crime dans'un citôvcr».
, « J'fii juréà la nation (jue je n'emploierai mon pouvoir
« coptro personne en parlîciilier*;' mais jd (téctareV'en môme
|C iepps, que quiconque agirait coi^tre notre union, sera
« xîopi'ine traître à .Ja patrie^ tradmt Jevalit ïe lril)unar cri-
fk minel èiatli par rac(e db ('insurrection? Nc/us avon^ Irop
« pécne par la douceur et rindulgence : cen ^ar celle raii^on
ft que la Pologne est à deux doigts de sa perle. 'ît'dèun fortait
DB L> RÉVOLUTION VoLONAISE. 135^
« piililic o'a été pimi. Ajoutons maiutenant une autre ma*
• nièie d'agir : récompensons la' verlu elle palnotS^me ; mais
« poursuivons les traîtres et punissons les criminels. »
Le résultat de rinsurrection du 2i mars et 6és deuk pro-
cl imàlions que l'on vient de lire sur la détermination d^un
peuple qui supportait avec tant d^mpatience et d'horreur le
joug écrasant des Russes, était facile à prévoir. Une victoird'
inattendue vint encore donner plus de probabilité au succès
qu'on était en droit d'en attendre.
Pendant les six jours qui suivirent la proclamation de Tm*
surrection^Kosciuszko, investi de la dictature» pour prévenir,
4lans ce moment de crise, les effets dangereux du défaut d'en-
semble et de concert inhérent à tout gouvernement exercé
par un trop grand concours de membres, semblait se multi-
plier. Il avait publié des universaux, rassemblé les nob!(*s et
les bourgeois^ institué une commission palatinale et rétabli
la bourgeoisie dans ses droits de citoyen. Le 30 mars, if ap-
prit que Madalinski, celui-là même qui avait le premier levé
le drapeau de rinsurrection, était poursuivi par sept mille
Russes, commandés par les généraux Denrsow et tormansow.
Décidé à aller les combattre, Kosciuszko prend avec lui la
garnison de Cracovie et douze pièces de canon, les seules qui
fussent disponibles. A quatre lieues de la ville il augmente
ses forces de quatre bataillons dMnfantcrie et d'un régiment
de cavalerie, et^ après deux marches forcées, fait sa jonction
avec Madalinski, que les Russes n'avaient pu parvenir encore
à entamer.
AKoniusza, où il se trouvait alors, Kosciuszko fut rejoint
par trois cents paysans armés de faulx, ce qui fit monter sa
pelile armée trois à mille hommes d'infanterie, douze cents
chevaux et douze pièces de canon. Malgré son infériorité nu-
iTiCrique, il marcha aU-devant des Russes, et son avant-gard^
126. HISTOIRE
se heurta contre la leur. A la vue des insurgés, celte dernière
s^était repliée sur son corps. Kosciuszko avait continué sa
marche et était arrivé à la hauteur de Raslavicé. Là, il décou-
vrit l'armée russe campée sur une montagne d'un accès très-
difficile, et dans une position formidable. Pour profiter de
Fentliousiasme de ses troupes, il rangea son armée sur un
monticule opposé au camp russe^ et offrit la bataille. En
avant de son front, il y avait une pente douce, qui se termi-
nait au pied de la montagne où les Russes étaient postés. Sa
droite appuyait à une vallée très-profonde; mais sa gauche,
sans autre défense naturelle qu'un petit bois qui la masquait,
était presque découverte. Kosciuszko fit élever à la hâte quel-
ques batteries sur ses ailes, jeta deux compagnies d'infanterie
et cent chasseurs dans le petit bois qui s*élevait du creux de
la vallée, et attendit Taltaque des Russes.
Pendant quelques heures, ces derniers ne firent aucun
mouvement; mais, enfin, ils se mirent en marche sur trois
colonnes, qui prirent chacune une direction différente. Celles
de droite et de gauche, masquées Tune par une chaîne de
monticules, l'autre par un bois, parvinrent à dérober entière-
ment leurs mouvements. Kosciuszko commençait à croire que
Farmée russe allait se retirer, lorsqu'il découvrit la colonne
\ du centre descendant la montagne par un chemin creux
- qu'enfilait une batterie polonaise de six pièces masquée. Lors-
. que la colonne russe fut engagée dans ce défilé, Kosciuszko i
i fit démasquer sa batterie et foudroya Tennemi, qui perdit
i beaucoup de monde dans cet aventureux passage. Peu après,
la colonne de droite des Russes déboucha de derrière les
monticules qui l'avaient jusqu'alors cachée, et parut vou-
loir se former sur la gauche des Polonais. Espérant la
rompre plus aisémenl pendant qu'elle se formait, Zajonczek
et Madalinski se précipilèrent sur elle, avec six escadrons.
DB LA KtVBCenOIf POLORAISB. ' 1S7
&1n>is réfitritNBs différentes; maid, )^epdussés cfiitqtie fois atec
perle, une partie de léttirs troupes se déiMiuda, ef la gauche de
l'armée pelosaise se it^uva découverte. Beureésemeut, Kos-
ciu^koau centre rempof tait un avantagé sîgtialé. A la tète
àe quelques bataillons dé troupes ré^lée« éf- des paysans
aiTÎtés de la teil^y il mârelta contré la cbloiMie du milieu'
qui s'éfaii déployée tfu soHir du déBi«, ratfiq^y, ia rbmptt
la mit en déroute. ' > • r
' La position dea Russes! était fort désaTanlagèûse. Entre les
colonnes du centre et de la droite, H y atiiittin' profond et
impraticable ravin, dont les bords étaient garnis de grands
arbres; ces deux colonnes ne pouvaient ainsi ni se voir ni se
secourir. Quant à la colonne de gauche^ séparée des Polonais
par un ravin impraticable aussi, elle ne put prendre part à
Faction qu'en les canonnant. La position des Polonais était
plus favorable ; ils pouvaient masser à leur gré leurs forces
soit contre le centre, soit contre la droite de Tarmée russe.
Aussi Zajonczek, voyant de la gauche le désordre du centre
ennemi, y lança une partie de sa cavalerie, qu'il était parvenu
à reformer, et acheva de le mettre en déroute. En même
temps, KosciusziLO, chargeant la droite de Tennemi avec tous
ses bataillons, eût immédiatement décidé la victoire, si ses
troupes ne s'étaient arrêtées plusieurs fois pour faire feu.
L'action se trouva ainsi ralentie, et les Russes avaient eu le
temps de se reformer. Kosciuszko, voyant alors qu'il allait
perdre tous ses avantages, prend le demi-bataillon qui était
le plus près de lui, s'empare du fusil d'un soldat, et com-
mande de charger à la baïonnette; lui-même, le fusil à la
main, charge à leur tête, et se précipite au milieu des batail-
lons ennemis en poussant son cri de guerre : vaincu ou mou-
lut ! Cet acte d'intrépidité décida la victoire. Electrisés par cet
exemple, les autres bataillons suivent leur général, et cette
18
\ 1 38 ^ , . 1 nsnintk
. MiGOOda oolopAoe fat ïqaversée, poursuivie, ^|J^erdîi866:ca-
.. i^KEU.. La gaiiçte russe^ qui a'av^it pu preudre pa^i.à raptipu,
L iroywt la 4irool9 da la. droile ^Vdii centr/e^ fli^a jratrajte.
tyiofwtorieat la cavalerie polpuai^^ ^Taîeui étfi toUepuent
irD|»j^uas)pai; la qhoç^ 4^ w^ooe cQuipamJe u'fftipi. |)n.^bon
r, ardl^ et «tftt fut, ÎEupoiaeibto à; Kos<(|uad(ad^ pi^urifuîTreiicet
nmtm^ U(^te«ta^ «eulçpw^iiiiiatke^^u cli,ap)fpi 4eMia|Ua et
de douze pièces de canon. Les Russes avfi^^tjtoisséj.pJlu^de
> iqmtrf ^otshOKNrl^ gurilia j)aca>tep«rt6^4e^]^okm|çiavait
«' • ■ ' : ' / »i; ,n /il "I-. •';.. i . 'i
- . ■ .1 ....... . ..-./.;.: i .• ; ... 1.
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.i' * •:»' ':' ■; >• i -.'.•' < . î '■ > i-»* Ji'iL;-/' .»ii *- ji.- ,;
•v>i "..M * . ' J- M .1 ' ,. J . ,•:-..'':.( 1 -'lio £/»!«, ii *J; 1: . \\
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Jji . \\\\. i! •;' «i ■;- ■ i . i .; .' ■ 1 ■ .. • I '. ' '." '* ■: : . .^
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i»î r. li'iJi jI ^Ji' ..!-■•[. :!i«ii'.i.; il i'»^:» il.» '«i «ii.i.ii
-il: ». (i ^".i i- ..i,,i. . i. . » ; »'. J ,". . î. Mi, J-;' •' ' .ï'-î»I
-'ï ,' w ■«.- '..î; Y : l'j i- ■^. -n. I .'. I « - J. L'.c- } Il > 'il r ;.ii-' ':i«'»î
J. ' I, ., - .' : .ij -.a . •. «•. :^ j . j. ■• ♦ l» •-•^..,Li...n ;■ .-I «i. i ».> ! «..;
Ci
nn lA !î:':v()f îTî'îN poloniisr. \Z9
1701
L'iDsuiprectioD se propage, -* Situation critique des Ell^8^s à YanoTîe*
— Etat des esprits à Varsovie ; fermentation générale. — Goniplot des
Ikisses pour «'emparer de Tarsenal par surprise. — L'indécision des
I«iriole§ «Bit fixée pir lA découverte de m confki. '^ tasurreetion
de Yarsavie. ^<^ ln9urreaiion de Wiioa« -— Une partie de Tarmée po«
lonaise au service des Russes passe aux insurgés. —Kosciu^zko après
la bttiffle de Baalliirleé ; il fCoccope à erganteer son armée ; difficultés
qu'il éprouve» --^ Le seiUerde Yacsovie. ^ Lss nobles et les paysant.
— Division et défiasce de ces ordres : motifs de ces divisions et de
ces défiances ; leurs funestes effets. — Rosciuszko essaie d'y remé-
dier. -* Orddmianee réglait les devoirs des paysaos envers les pr<^
priéUimi, ^.Uv^e d« eiMyiièiae.
L'iosurrectioA de CracoYîe et la victoire de Raslavicé jetè-
rent le plus grand troubla à la cour de SUnialai et dans la
diète de Crodno siégaaat alors & Varsovie^ et devenue diète de
la couronne* Poussé» par Tambassadeur de ftuasie^ dont cette
levée contrariait les vues^ le roi et le conseil permanent dé-
clarèrent les cbels des insurgés rebelles et traîtres. Us ordop-
nèrent que leur procès fôt fait Dans son universel ou pro-
clamation du 11 avrils le roi s'exprima en ces termes t
a Polonais, ou vous excite à renoncer à Tétat où vous vous
trouvez, pour recouvrer Tintégrité de votre territoire. Hais
existe-l-il un mojen pour celai On vous exhorte à sacriûer
140 HISTOIRE
les restes de votre fortuae et les provisions que vous avez
ménagées; mais le zèle peut-il aveugler ces hommes au
point que, se trouvant sans alliés, sans forces réunies^ sans
secours aucun, ils travaillent à notre propre ruine, et
fournissent à ceux qui veulent notre perte et Tanéantisse-
ment du nom polonais^ un prétexte pour accomplir leurs
desseins? Sans doute, la situation dans laquelle nous nous
trouvons est excessivement pénible ; mais n'oubliez pas que
le moyen pour en sortir nous estolTert par les mains de ceux
qui savent très-bien que rien ne peut retarder leur perte^ si
ce n'est notre ruine. La France elle-même, plongée dans Pa-
narchie, veut nous engager à sortir de l'anarchie. Ne souffrez
pas que des phrases éloquentes, mais fallaeienses, fascinent
vos yeux. Déjà les auteurs des crimes qui ont souillé la France
sont tombes victimes de la vengeance 'populaire ; aucun
d^eux n'a échappé à la hache des bourreaux. L'exemple d'une
nation puissante, et estimable sous tant de rapports, doit
vous servir de leçon. Vous voyez cette nation changée en une
horde de brigands féroces et sanguinaires; il n'existe pour
eux d'autre plaisir que celui que leur causent les troubles et
la ruine d'autres peuples. On vous parle de liberté I Que de
sang n'a pas été répandu au nom sacré de la liberté, si sou-
vent employé à des desseins perfides ! •
L'effet de cette proclamation d'un roi sans influence, et
qui n'était que l'instrument volontaire ou forcé de la Russie,
fut nul. Quelques mesures que l'on prît pour cacher les suc-
cès des insurgés, la nouvelle de l'insurrection et de la vic-
toire presque simultanée qui l'avait inaugurée, se répandit,
par toute la Pologne, avec une rapidité qui tint du prodige.
On eût dit que, pour favoriser cette tentative de résurrection,
une puissance céleste avait misa la disposition des insnrcr^^s
et f^a VOIX cL T'V- îiilos.
DB LA RiVOLtriOIf MLONAISE. 141 '
Le général rosse Igiehlrom, qui cotnmandail à Varsovie et
aTait à sa disposition vingt mille hommes^ essaya* vainement
découper toute communication eritre ie'Toyerde Pinsurrec-
tîon et lerèisle du pays, se flattant de pouvoir- éteindre cette
éUncelleavantqu'elle devint un incendie. Tout ce que la sur-
veillance peut suggérer de plus rigoureux en précautions fut
mis en usage pour empêcher que le broit de Finsurrection
ne dépassât pas le palatinat de Cracovie : une partie de ses
troupes avait été détachée pour écraser les insurgés; mais la '
nouvelle de Finsurrection, comme celle de la défaite de l'ar-
mée russe, déconcertèrent toutes ses mesures. Sa position '
même devint très-embarrassante et très-critique. Le peuple'
de Varsovie, qui jusqu'alors s'était résigné frémissant au joug
russe, devint tout à coup d'une turbulence qui allait jusqu'à'
la provocation, et Igielstrom, qui jusqu'à ce moment s'était
montré impitoyable, non-seulement contre les patriotes, mais
encore contre tout ce qui était suspect de patriotisme, se re-
lâcha fout à coup de ses rigueurs, et parut, pour la première
fois, craindre de choquer l'opinion et d'irriter la haine des
citoyens animés contre ses persécutions. Si, dans ce moment,
excité par l'enthousiasme républicain, chaque propriétaire
eût marché à la tête de ses paysans, si chaque district eût
fait des rassemblements de gens armés, cette armée russe se
fût trouvée gravement compromise, etFindépendance du pays
sauvée peut-être. Mais de tels efforts exigent des âmes vigou-
reuses, fortement trempées, et celles de la majorité des Polo-
nais étaient alonr ab&tardies ; il n'y avait plus ni ce feu ni
cette fougue qui avaient caractérisé la vaillance de leurs an-
cêtres et si souvent fait leur gloire. « Alors une longue paix,une
anarchie plus longue encore, avaient introduit un poison lent
et secret dans toutes les parties de la république; les esprits
avaient perdu, avec l'idée et le goût des grandes choses, IV
nergie oécossaire pour un acte d'{ui(lace$ reftpiiliWHi^iT^
ôiaji en qu4^1q4i6 sorttî évaooui. Les biibilwis avaieot, ii^çqcf?.,
te&tablemant ooaservé leur valeur perêouwHe; mA\& iU .p'é-',
tuianl plus généraleoieot animés dfi ce tU .eûlM9UjfiM0^.
qu in:|>ireDt rhoDueur naliooal^ l'amour de hlit^lé, la viio ,
des dangers et Tbabitude da la guerre* Les soubaiU 4'un^ ^
grande partie des nobles élaieot (>our la révoluXioa « mw œ .
sentiment reslail cacbé au fond de leurs cœurs. Ils désiraient
leur délivrance, mais ils auraient voulu qu'elle s'opérât saos
qu'ils y coopérasseui ni de leurs biens, ni 4e letir sap|;« Us .
faisaient tous des vœux pour Kosciuszko, mais la plupart d'en-,,
ire eux^ avec l'indifféreoce de Tégoïsme^ s'en rieposaient ;^ur ,
la Providence du soin de faire triompber la nobl^ caii^ ,
qu'ils défendaient (1). »
Cependant la fermentution devenait depkisen plus grao4e .
dans Varsovie. Malgré Texlrême surveiUanoe des RosseSf k$ .
patriotes savaient tout ce qui se passait, uon-seulemenit dans .
le palatinat de Cracovie, mais encore dans tous les a^itres^
ou chaque jour des adbésions isolées à l'acte d'iosurrectiom
du ii mars venaient donner un plus grand poids à ceM
grande maoifcslation nationale^ Les Polonais de la foct^ .
russe étaient mornes et abattus ; les autres, au coi^traire^ ,
affichaient une joie que l'état apparent de la patrie Mmbiaî( ;
ne pas devoir comporter. Toutes les nouvelles qu« arrivaient i
des palatinats ajoutaient à l'abatleiuent des uns et à Tenibott^ ,
siasmedes autres. Tantôtl c'était le district de Sandomir^ qu .
de Wladimir» ou de Cbelm^ ou de Uick, qui s'iasurgmeot
aux cris de Intégralité et liberté de la Pologne J ou biiea enp<3arp .
des régiments polonais incorporés dans l'armée ruisse^ et qui .
passaient aux insurgés avec armes et bagages. Ces swcès rem*
<l) RiwAuliQn de i794| par Zajonczek.
DB LA RÉVOLUTIOrr POLONAISE. 1/3
plissaient d'ardeur toutes les âmes des patriotes de Varsovie :
;" ils iéialeot décidés à faire an effort, mais ils n'avaient pas de
pTàfa. 6ri projet succédaîl à un autre ; la foiigiie et le zèle
i'^emporteîcrit sar h réflexion, tes plans chimériques sur ïes
' pïalis raisonnables. Cotrime dans tontes les girandes éircons-
■ tatifeès'érîtJqlies de ce gèiJrfe, t'Imagînatîon s'épuisait en tê^e-
'' t^fi'e^,' é( lé fehnps se passait en inasions sans qG^'lncut1 fait
posflîif vînt préparer une solution. Pour surcroît de malheur,
' ïek'pdtriofes tïianquaîent aussi de chefs, tous <îeu.t qoîau-
^ raiéttf ^ul^être et dont tes noms populaires anf aient pu ser-
^'■i\^ de rfrapeâtr à l^insurteclion, étaîent ott Incarcérés ou en
'''f&ftè/'îfe^lfeir, 'Wenglcrskî, trn Jeutie 'Pottîckî'; donf'le
^''peuple bênissatt lès noms, avaîetrt èt6 récettiment arrêtés,
"'^ffetpfflicht'daiis les pri^onis lètir poptitei^Hé; ^^ntres, tels
t''lc|ae fcàpù^tà», ZajortCïék, étaîehtpafmniisà^^^ ** ^'
''•^- 'Eh'*^i^e«t llWd^dsfeh-la pitrs' cftelle,' M tiohftrre^'he
*'Avé!ïénfr'à"VàT*Jvlèshi' qtfî ari*«ter^î(*tM* chofx; et pcfdiiikni
''''WI''WiWpir'pré<i*eti«; pendant (|uè legénéÀ^I nissè rgfeféiVdm
se préparait à y rendre toute insurrection sftfôtt impossrfite,
?^8ft'rWlns^t>éti ivrdfllàble atrx hî<înri^^.'W ixviAi résolu de ^en>
-^^àttUdéÎPàWétfal par srtrf^rise} son {lîari fte niàriquait ril ifV
"'^^'éHéé tif Hé ëiiances *e sncccs ? fl consentait a faire îrevêHr les
•^^Bùése^ d^nt^orme^ pôlorfais, et, Te jour de Pilques, d'en coni-
» pésëi^fa S^arîfler ipTÎ ftgoTcf nttIcéglisfes.'Pendfant qiiê le-petiplc,
■•'^#Éî)f*<f*éét^éïrionfes>el1^etisDS, sacrait tértu ierifermé diim
- lë^^lé^lises iiar eetté garMe préteiVdueTioîonaise, « nb poiirrtiit
-i)09ii#Wiaii!ik^drMM;Târsc}!ntet Icè casernes ^é^nteni être ahMs
:i latttttluéé «t AoBéttietiti empoi^lés. neitreme^nerit péiii* le? (^ i-
i Iriotes, un tailleur nommé Kilinski, qui travaillait alix'habiU
n 40inMk sdtl«^leM)iJèls ^9:RiTSS«9'd(»varéîit 9e {kntestir, \)révint
.•llMioèàJaf^iiiplan «YMee* tn^tvmnjîfye(tiMl?l A^alt ei> par
144 lUSTOIBJS
Un d.^nger si pre$saQt ûxa toutes les indécisions. Les otfi-
ciers d'artillerie sur qui on pouvait compter, furent préyenns
de Tattaque projetée d'Igielstrom, et ne quittèrent plus Tarse-
nal, y veillant jour et nuit avec deux cents artilleurs qu^Us y
avaient secrètement introduits à Tinsu des officier^ de l'éiat-
major. Ils s'engogèrent, en outrera mettre au senice de Pin- ^
surrection deux demi-balteries et toutes les n^uDitjojis dpnt '
on pourrait avoir besoin. Les conjurés s'assurèrent en même
temps deux régiments des gardes, le régiment de, Dzialinski
et le colonel Woysiecbowski, commandant d^un dé;tacbemçnt
des hulans du roi. Kilinski, le même q«ii avait déconvert le
projet russje, promit d'amener cinq cents bourgeois. Le plan
d'attaque fut réglé, le signal convenu, et le jour de la révoln*
tion fixé au 17 avril à minuit. Deux capitaines d'artillerie,
nommés Rope et Banczakiewic^» furent chargés de tout^ les
dispositions accessoires, et s'en acquittèrent /avec un zèle
et une activité qui devaient puissamment coopérer ausuo^ès
de Tentreprise.
Igielstrom, cependant, assailli chaque jour de nouvelles
alarpfiantes qui lui parvenaient des divers districts, pressen-
tant, mais sans indications précises, qu'il se tramait queUiae
chose à Varsovie, s'était en quelque sorte fortifié dans la n^sti-
son qu'il habitait. Un bataillon d'infanterie était affecté à
sa garde ; quatre canons était braqués aux avenues* Sa posi-
tion, en effet, devenait de plus en plus critique, et toutes
ses craintes se trahissaient dans la lettre suivante^ qu'il écri-
vait au ministre de la guerre à Pétersbourg, sous la date du
16 avril.
a Toute l'armée de Pologne, y disait^l, forte d'environ
1 8,400. bomipesy est en pleine insurrection. Les ^nfédérés de
Varsovie, de Sandomir, de Lublin, de Gbelm^ de Wiadioiir et
de Luck, sont organisés sur des principes jacobins. L'insurrec-
DE LA BÉVOLimOll P0L0RAI8S. U5
tien se renforce d'un moment à l'autre ; sa marche est très-
rapide et ses progrès effrayants
a Faites avancer l'armée de Soltikoff^ pour que tout soit
bientôt apaisé. On ne peut pas compter sur les Prnssien^et
les Autrichiens. Dieu sait ce que leurs forces» regardées
comme formidables» sont devenues! Les Prussiens ne sont
plus présentement ce qu'ils étaient sous Frédéric II. Ils sem-
blent ne pouvoir se tenir que sur la défensive ; ils veulent
être méthodiques et ont peur de tout. Jugez, d'après cela, de
la triste situation où je me trouve, au milieu d'une population
exaltée jusqu'à là fureur» continuellement entouré d'ennemis .
et d'espions» et ne recevant de secours et d'appui ni de nos
alliés ni de nos troupes >
Le lendemain du jour où le cotomandant de Varsovie écri*
vait cette lettre à Ta cour, l'insurrection écUta.
Voici quel était le plan général des insurgés. Un détache-
ment de bourgeois, conduit par des officiers travestis, devait
ouvrir la scène en se glissant dans la maison d'igielstrom
pour détourner l'attention de sa garde de ce qui se passait à
l'extérieur. Les premiers entrés devaient faciliter le passage
aux autres. Si la vigilance des Russes faisait manquer oo
stratagème» ce détachement devait toujours, d'une manière
ou d'autre» commencer le tumulte ; le reste des cinq cents
bourgeois promis par Kilinski devait s'augmenter» en accou*
rant pour dégager les premiers. Des détachements d'io-
fanterie, disposés dans les rues voisines, étaient chargés, les
uns de soutenir les bourgeois» les autres d'assaillir la maison
du commandant de Varsovie et de s'en rendre maîtres.
Les officiers d'artillerie qui étaient dans le secret» tinrent
tout ce qu'ils avaient promis. Ce corps, le plus ferme appui de
la révolution» ne fit pas faute au moment décisif. Au jour et
à l'heure convenus, les canons, munitions, caissons» tout fut
19
146 OISTOIIIB
prêt pour être transporté avec célérité partout où il en serait
besoin. Il n*en ftit pas de même des bourgeois qu^avait promis
Kilinski. Ils tardèrent à s'assembler : le mouvement devait
commercer à minuit^ et le jour parnt sans qu'aucune démon-
stration eût été faite. Les conjurés, dans toutes les angoisses
de l'inquiétude, se crurent trahis. Un hasard détermina l'ex-
plosion. Vers les six heures du matin^ un officier russe
traversait à cheval ventre à terre la place du gouvernement.
Le commandant d'une patrouille polonaise des hulans du roi,
qui était au nombre des conjurés^ trouvant cet empressement
suspect, tira sur lui. Ce coup de fusil fut pris pour le signal
convenu. Les officiers aux gardes arrêtèrent leur comman-
dant, mirent leurs régiments sous les armes, et se rendirent
aux postes qui leur avaient été assignés. Les officiers d'artille-
rie sortirent de l'arsenal avec leurs canons, la mèche allumée,
s^assurèrent des principaux passages et braquèrent une demi-
batterie contre la maison d'Igielstrom. Bientôt, criblé par la
anitraille du canon populaire, le bataillon russe qui en défen-
dait les approches fut obligé de se retirer dans l'intérieur.
ETeillés au bruit du canon^ les habitants de Varsovie qui n'é-
taient pas dans le secret, se levèrent alors comme nn seul
homme : les uns barricadant leurs maisons, les autres se joi-
gnant aux combattants. Les Russes, endormis où à moitié ha-
billéSi sont désarmés, enfermés dans des caves ou égorgés.Tout
ce qui sort de chez le commandant de Varsovie est pris ou tué.
Au premier coup de canon, la garde entière du roi, com-
mandée par le capitaine Strzaikowski, avait pris les armes, et
était sortie du chftleau, enseignes déployées, pour se joindre
aux insurgés. Effrayé de cet abandon, le roi Stanislas conjure
le commandant de rester pour le défendre, c Sire, lui répond
c le brave Strzaikovrski, on n'en veut pas à votre personne,
c voua aies en sûreté^ et la patrie est en danger. Le premier
Dl LA RÉYOLUTIOH P0L01IAISB. 147
< devoir d^un soldat, c'est do Toler à sa défense ; quand Je
« Taarai rempli, je reviendrai auprès de vous. » Les soldats
applaudissent à ces généreuses paroles, et, au cri de guerre
de Kosciuszko, vaincre ou mourir, se jettent dans la mêlée.
Les Russes se défendaient partout avec une incroyable opi-
niâtreté. A la maison d'igielstrom, les canons étaient placés
dans les croisées ouvertes en embrasure, et une canonnade
terrible s^était engagée avec Partillerie polonaise. Dans le
quartier du régiment de Dzialinski, commandé par le colonel
Hauman, une action des pins sanglantes avait eu lieu. Cette
troupe polonaise, se rendant au poste qui lui avait été assigné,
avait été attaquée par quatre bataillons russes, commandés pat
le prince Gagarine. Chaque parti avait des canons. La rue
devint le champ de bataille^ et, de part et d'autre, on se
canonna assez longtemps. Les bouches à feu, enfilant la rue,
emportaient des lignes entières, et faisaient un ravage horri-
ble; la terre était jonchée de morts. Pour faire cesser cette
boucherie, Faide-major du régiment, Lipniki, prend un batail-
lon, ordonne de charger à la baïonnette, et, à travers les vo-
lées de mitraille, se précipite sur les Russes et les renverse. Le
prince Gagarine fut tué, toute sa troupe passée au fil de Tépée.
Jusqu'alors, le oombat n'avait été qu'entre soldats ; quel-
ques bourgeois seuls, s'étaient mêlés à l'action. Mais après
quelques heures de canonnade, chaque rue était devenue un
champ de bataille où s'engageaient des actions partielles, ehi*
que maison un poste retranché, chaque fenêtre une meur-
trière d'où Ton tirait sur les Russes qui se présentaient. Hais
^'était surtout à la maison d'Igielstrom que l'action était ta
plus sanglante. Les Russes y soutenaient un véritable siège, et
le feu de leur artillerie portait le ravage dans les rangs des
assiégeants. La nuit seule suspendit la fureur du combat.
Le lendemain, 18 avril, le combat recoinmeuça, mais
m aiSTOIHB
moins acbaroé que la V6iile. Les Russes ne paraissaient plus
dans les rues ; jusque au soir encore, ils défendirent la mai-
son d'Igielstrom, qui fut enfin forcée; à l'exception d'un
petit nombre qui put furtivement évacuer la ville, tout fut
pris ou tué. Igielstrom, qui, avec quelques-uns des siens, s'é-
tait retiré dans une maison voisine, demanda à capituler ; le
roi intervint en sa faveur, exhorta le peuple à suspendre ses
attaques ; mais, pendant qu'on rédigeait les articles de la
capitulation, il parvint à se dérober, et se réfugia dans le
camp des Prussiens, qui parurent le lendemain sous Var-
sovie, mais que quelques volées de canon suffirent pour faire
éloigner.
A cette attaque, les Russes perdirent deux mille cinq cents
hommes tués sur place, quatre mille huit cents prisonniers,
quarante^eux pièces de canon, trois généraux, et trente offi-
ciers d'état- major. Le combat avait duré trois jours. Le
premier jour, depuis cinq heures du matin jusqu'à quatre
heures de l'après-midi, 'deux mille hommes de la garnison
polooaige avaient soutenu la lutte contre dix mille Russes ; en
s'y mêlant, vers le soir, le peuple décida la victoire. Le
second et le troisième jour ne furent qu'une suite de triom-
phes. Trente-cinq ans après, en France» ce nombre de trois
jours devait être fatal aussi à une autre dynastie.
Après cette victoire, les principaux d'entre le peuple
s'assemblèrent pour aviser à la situation. Malheureusement,
ceux dont l'expérience et les lumières auraient été, dans celU
circonstance, d'une grande utilité, Soltan, Radzitzewski, Mi-
chel Brzostowski, l'abbé Bohusz, et autres, avaient été enle*
vés et conduits en Russie avant que l'insurrection eût éclaté
Cependant, on adopta quelques mesures provisoires sages e.
judicieuses. Ainsi, par exemple, on réintégra dans tous les
droits reconnus par la constitution du 3 mai, les citoyens qui
DE tk RÉVOLUTION POLONAISE. H9
enav^aol été dépouillés par la faction rosse. En attendant
fue Koscioszko eût pu procéder à rétablissement, d'un conseil
national, on institua un conseil provisoire extraordinaire
pour régler les opérations tant civiles que militaires. De gé-
néreux patriotes furent rétablis dans leurs fonctions. Mokro«i
nowski fut nommé commandant de la ville.
L'insurrection de Varsovie, jointa à celle de Gracavie et à
la victoire de Raslavicé, acheva d'électriser tous les cœurs po-
lonais. Tout parut un moment favoriser les défenseurs de
rindépendance et de la liberté de la patrie. Wilna, capitale
de la Lithuanie, suivant une des pre*mières l'exemple de Cra-
covie et de Varsovie, se souleva. L'insurrection» conduite par
un officier général, homme d'esprit et de courage, Jasinzki,
fut fomentée avec tant de prudence et de secret^ que les
Russes furent surpris, faits prisonniers, sans qu'il en coû*
tât une seule goutte de sang. Les troupes polonaises canton-
nées dans les environs de Lublin, profltant de la retraite des
Busses après la bataille de Raslavicé, s'assemblàrerit à Chelm,
reconnurent Kosciuszko pour général, et, en attendant de r^
cevoir un commandant de ses mains, mirent à leur tête un
simple lieutenant-colonel d'infanterie, Grochov^ski, homme
de cœur et d'action, qui avait la confiance du soldat. En
même temps, les citoyens des cantons de Chelm et de Lublin
se déclarèrent en pleine insurrection.
Chaque jour les insurgés voyaient grossir leur troupe du
restant de Tarmée polonaiso incorporée dans Tarmée russe.
Le migor de cavalerie Kopeo, chargé de commander le .corps
en l'absence des ofQciers.supérieurs, rassembla ses escadrons,
marcha sur Dubno, et se joignit à Kosciuszko. Le major
WyszkovfTski suivit cet exemple, avec dix escadrons de cava-
lerie. Plus heureux que Kopec» il rencontra aux environs du
.Vieux-Konstantinow, quaitre bataillons de grenadiers russes
150 fitSTOIRB
et trois cents Closaqnes, les attaqua, les battit, et s'empara de
sept pièces de canon. Le colonel Lazninski rejoignit aussi
Kosciuszico, avec neuf cents chevaux.
Ainsi, dans le cœur de ces généreux militaires, que les
circonstances avaient forcés de prendre service chez les
Russes, l'amour de la patrie s'était réveillé au bruit de
rinsurreciion. Halheureusement, comme les chefs des in-
surgés, soit à Gracovie, soit à Varsovie, ne s'étaient pas asseï
occupés des moyens de donner un ensemble à ces mouve-
ments insurrectionnels des troupes, ceux qui eurent lieu
n'étant que le fruit de déterminations partielles, les Russes
en paralysèrent la majeure partie eh désarmant les corps qui
ne s'étaient pas encore décidés, renvoyant les of&clere et in-
corporant les soldats dans les rangs moscovites.
Après tous ces événements, généralement très^favorables
pour sa cause, Kosciuszko, encore trop faible pour agir, fut
contraint de prendre position dans le voisinage de Cracovie;
il s'y fortifia, et ensuite se livra au soin d'accroître son armée*
L^oppression sous laquelle avaient gémi les Polonais, l'ani»
mosité qu'ils affichaient en toute circonstance contre les
destructeurs de leur patrie, Tardeur que ranimait dans
toutes les âmes la victoire récente de Raslavicé, le grand
modèle de la Révolution française quMls avaient sous les
yeux, tout se réunissait pour faire croire à la durée du
zèle des patriotes. Kosciuszko, jugeant de l'énergie et de la
fermeté de ses compatriotes par la sienne, n'en doutait pas.
L'état de dépérissement où était son pays lui était connu de-
puis longtemps. Il savait que la discipline militaire était cor-
rompue et relâchée. Il n'ignorait pas que la république était
sans forteresses, les provinces sans défense, le territoire en-
vahi, et son seul espoir n'était que dans l'esprit public. Aussi,
lorsque à la place de l'activité qu'il fallait oppo^^r à la tyran*
DB LA BÉVOLtriOlf POLONAISE. 151
nie, il ne trouva dans les villes qu'inertie et languear, il eut
un de ces moments de désespoir que sa grande âme finit par
snrmoDter.
La suite de la révolution prouva que la noblesse de Cra-
covie montrait plus de zèle que celles des autres parties de la
Pologne; cependant, rien ne s'y organisait avec célérité, les
recrues s'assemblaient difficilement, les approvisionnements
devenaient de plus en plus pénibles, et les nobles répugnaient
à toute contribution ou réquisition. Cette tiédeur de leur part,
dans une circonstance où, comme dans toute insurrection, le
«accès -dépend essentiellement des premiers ei!orts, faillit
compromettre la cause des patriotes.
Les insurgés avaient fondé leurs plus fermes espérances sur
la levée générale du peuple. Hais cette mesure, d'une in*
contestable efficacité en cette circonstance, présentait dans
son eiécution des difficultés qu^elle aurait pu ne pas trouver
ailleurs, mais qui, en Pologne, étaient inhérentes à la constl*
tulion même de la- société.
En effet, la noblesse, également intéressée à perpétuer Tes-
clavage et a conserver la vie des paysans,qui étaient sa richesse
et même sa propriété, désapprouva généralement ce moyen.
La patrie exigeait un généreux sacrifice; la cupidité s'y refusa.
Kosciuszko se vit alors obligé de substituer la levée du cin*
quième de la population à la levée générale. Ce mode calma,
en partie, l'inquiétude des nobles, rendit d'une exécution plus
facile Torganisation des nouvelles levées, mais réduisit singu-
lièrement les chances du succès. Bien plus encore, ce plan
lui-même, ainsi modifié, ne recevait, toujours pour le même
motif, qu'une exécution lente, incomplète ; on usait de mille
délais, on épuisait les explications et les vains prétextes } le
temps s'écoulait, et les affaires n'avançaient pas«
Ceux des paysans que i'pn amenait au camp avaient pour
152 HiSTonuE
Kosciuszko cette sorte d'affection qui naît d^une grande es-
time ; mais ils ne sentaient pas encore cet entliousiasme, cet
attachement exalté qui va jusqu'au dévouement, jusqu'à sup-
porter, non-seulement avec patience^ mais même avec joie^
la fatigue, la misère, la mort. La cause pour laquelle ils se
levaient était sainte, sacrée : c'était celle de la liberté, de la
nationalité ; mais une longue suite de vexations tyranniques
de toutes sortes avait, sinon anéanti, du moins singulière-
ment altéré en eux l'ardeur des sentiments patriotiques. La
servitude ne leur avait laissé que de rapatbie^ et il fallait leur
créer une âme.
C'était le but auquel tendait de tous ses moyens Kosciuszko.
Caresses, promesses^ bienfaits, émulation, exemples, il n'épar-
gnait rien pour animer cette argile. Il élevait au grade d'of-
ficier ceux qui se distinguaient par leur bonne discipline ou
leur courage ; il endossait Tbabit de paysan, mangeait et pas-
sait ses journées avec ses frères de nouvelle adoption. Mais,
plus il se mettait à portée de connaître leurs sentiments, plus
il acquérait la certitude qu'ils se défiaient des nobles, leurs
anciens tyrans. Les nobles, de leur côté, tremblaient de per-
dre les droits qu'ils avaient usurpés. Ainsi, alors qu'il ne fal-
lait rien moins que l'union intime de ces deux ordres, et le
concours des bras du premier et des richesses du second,
pour composer une force capable de résister à la Prusse et à
la Russie coalisées» la méfiance d'une part, et la crainte de ,
l'autre, rendaient nulles les meilleures vues. ' i
Ce peu de sympathie entre les deux ordres se révélait non- ^
seulement dans leurs rapports mutuels, mais dans mille cir- y
constances particulières. Ainsi, par exemple, au moment où
les paysans versaient leur sang pour la patrie, la noblesse ac-
cablait de corvées leurs femmes et leurs enfants. Les soldats
s'en plaignaient, et le général en chef, touché de cette grande
1>B LA RÉTOLOnON POLONAISE. 15)
injustice, en demanda la cessation; les nobles la refusèient.
Ce fat dans cette circonstance qu'il publia des universaux por-
tant défense d'exiger la corvée des soldats de la république.
Hais comme Tbomme est toujours plus prêt à se révolter
d'une injustice prétendue de la part de ses égaux, que d'un
abus d'autorité de la part de ses maîtres^ les nobles se récrié*
sent contre cette mesure, qu'ils qualifièrent d'atteinte à la
propriété, de violation de leurs droits. Le sort des habitants
de la campagne ne reçut aucun adoucissement, et la noblesse
resta dans les mêmes sentiments d'aigreur à l'égard des me*
sures prises, et de peu de sympathie à l'égard des classes dont
la souffrance avait motivé ces palliatifs. '
Avec deux éléments si peu conciliables, il était d'autant
plus difficile à Kosciuszko de prendre une énergique ini-
tiative pour quelque grande mesure, que son armée man-
quait totalement de bons officiers. Heureusement pour lui et
pour sa cause, il trouvait dans l'enthousiasme d'une partie de
la population, non-seulement une compensation à la dou-
leur de ses cuisants mécomptes, mais encore une espérance
pour le succès de la noble cause qu'il défendait.
Quiconque ne voudrait voir en Kosciuszko que l'homme de
guerre, condamnerait à l'oubli la moitié de ses vertus. Citoyen
autant que soldat, il était fait pour l'amitié autant que pour
l'admiration. Dans les classes pauvres, surtout, il s'était fait
un nom de consolateur. Il n'était pas riche, mais ses bienfaits
égalaient ceux des plus opulents. A défaut même d'argent, il
recourait parfois à des idées ingénieuses qui créaient des res-
sources à rindigence. Nous citerons le trait suivant, em-
prunté aux Souvenirs de Pologne.
Un sellier, chargé d'une famille nombreuse» et qui ne pou*
vaît suffire à la nourrir par son travail, habitait à Varsovie
une misérable hutte dans la rue Fréta. L'intérieur de sa
20
154 HISTOIRE
demeure offrait le tableau de la plus hideuse misère.
C'était au moment où le pays était épuisé par la guerre,
où l'ouvrage manquait, tandis que ks vivres se mainte-
naient à des prix excessifs. Dans un coin, les enfants criaient
en pleurant famine ; dans l'autre, la mère amaigrie se mou-
rait de fatigue et de besoin; tandis que le Tieux père, étendu
sur un grabat, invoquait généreusement la mort, pour que le
malheureux ménage coiqptfit une bouche de moins à nour-
rir. Partout, dans ce réduit de la misère, étaient des objets
de tristesse, de larmes et de deuil. Fuyant sa maison, courant
éperdu dans les rues de Varsovie, le sellier, désespérant de
Tavenir, avait conçu Thorrible pensée du suicide, lorsque
ridée lui vint d'aller implorer Kosciuszko, qui, providence
des pauvresi n'avait jamais, disait-on, refusé de secours à
une vertueuse indigence.
Le lendemain, avant le lever du soleil, le sellier était à la
porte de Kosciuszko. Il trouva déjà au travail Thomme à qui
la Pologne avait conflé ses destinées, le héros auprès de qui
le pauvre avait à toute heure libre accès.
— Que demandez-voue? lui dit avec douceur Kosciuszko.
— Secours I répondit vivement le sellier en s'inclinant pro-
fondément.
— On ne s'abaisse ainsi que devant Dieu, mon ami, reprit
Kosciuszko en le. relevant. Je suis un homme comme vous;
dites-moi franchement vos besoins.
— Je suis un pauvre sellier, chargé d'une nombreuse fa<
mille et manquant de travail ; endetté et sans ressources, noua
sommes tous à la veille de mourir de faim.
— Pauvres gensl pourquoi ne suis-je pas riche? Voilà tout
ce que j'ai sur moi, quarante florins : prenez-les; achetez-en
du pain pour votre famille... Je ne puis vous en donner da<-
vanlage. Mais, ajouta>t-ii, après un moment de tristesse râ-
DB LA RÉYOLCTIOII P0L0NAI8I. 155
veuie, en ce temps de guerre Yotre métier devrait voqs don-
ner de roecupation.
— Hélas IgéDéralissime, j'ai vendu mes meilleurs outils
pour ne pas mourir de faim ; J'ai épuisé tout mon crédit^ et
c'est à peine si je trouve à débiter quelques chétives crava-
ches de ma fabrication.
— *Des cravaches i dit Kosciuszko en Pinterrompant ; il me
semble que j'en manque moi-même, et pour combattre les
Cosaques, on ne saurait en avoir trop. Faites-en sur le-champ
quelques-unes pour moi, et que Dieu vous soit en aidel
Faites-en même le plus que vous pourrez; j'irai moi-même
les chercher ces jours-ci.
Le sellier retourne joyeux à sa mansarde et se met à Pou*
Trage. Pendant plusieurs jours il confectionne un grand nom-
bre de cravaches, attendant impatiemment la visite que lui
avait annoncée Kosciuszico. L'attente seule et la perspective de
ee beau jour étaient une fête de famille.
Us n'attendirent pas longtemps. Pour Kosciuszlco, la parole
donnée au pauvre était sacrée > et un jour qu'il était sorti
pour visiter les fortifications de la ville, il prit à dessein par
la rue Fréta, où demeurait le sellier. Entouré d'un brillant
état-major composé de la fleur de la jeunesse polonaise^ il
déboucha à l'entrée de la rue, et, au grand étonnement de
toute sa suite, il s'arrêta devant la boutique du sellier.
*^ c Cest ici que j'achète mes cravaches, » dit-il en se tonr-
nant vers sa suite.
Il s'adressa alors au sellier, lui demanda une cravache, l'es*
aaya, jeta un écu dans la boutique et continua sa route en di-
sant : € Voilà d'excellentes cravaches, a
Tout son état-major voulut acheter les cravaches que le
chef avait recomnàaudées. Le prix n'était rien : on vonlail en
avoir; on les arrachait des mains du sellier; et chacun, après
1S6 HISTOIIB
avoir jeté son argent, s^élançait au galop sor les traces dn
chef. En peu d'instants le cb^peau et les poches de Touvrier
furent remplies d'or et d'argent. Toute la provision de crava-
ches disparut, et les derniers venus se contentèrent d'en faire
la commande pour le len/leraain.
Depuis ce jour, la vogue du sellier alla croissant", et les
demandes pour les cravaches furent si nombreuses, qu'il pût
à peine y sufQre.
Telle était parfois» à défaut de richesse, la manière de se-
courir l'indigence d'un homme que les destins appelaient à
être un des plus glorieux champions d'une sainte cause ga-
gnée dans l'avenir.
En attendant, sa position était loin de s'améliorer. Depuis
la victoire de Raslavicé, livré tout entier à ses pénibles fonc-
tions, il n'avait ni consolation ni relâche. Aucune nouvelle ne
parvenait dans son camp. D'un côté^ un corps russe com-
mandé par le général DenizoEf, maître de tous les passs^es,
les tenait exactement fermés; de l'autre, la mauvaise volonté
des employés autrichiens avait^ à force d'avanies, donné aux
voyageurs de la répugnance à prendre la voie de la Gallicie.
Ainsi, Kosciuszko ignorait tellement tout ce qui s'était passé à
Varsovie» à Wilna et ailleurs, qu'il chargeait un émissaire
d'iqsurger Varsovie, lorsque cette ville l'était depuis huit
jours.
Désespéré enfin de l'inaction funeste où on le tenait, de la
coupable lenteur des propriétaires à livrer leurs recrues, le
30 avril il ordonna la levée générale des paysans. Malheureu-
sement, comme pour la récente levée du cinquième, cette
nouvelle mesure fut encore paralysée par les nobles, qui,
considérant les paysans comme une propriété, et craignant
d'être ruinés en les perdant, traversaient toujours par les
mômes moyens l'exécution des mesures ordonnées* Aussi,
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 157
malgré les menaces et les promesses pour déterminer les
paysans à secouer le joug de leurs tyrans, on n'en put ras-
sembler que deux mille. A force de les faire souffrir et de les
faire%raindre» les nobles les ayaient réduits à un véritable
état d'abrutissement moral. On eut dit des troupeaux d'escla-
ves indifférents au sort qu'on leur destinait^ ne sentant plus,
ne pensant plus, espèces d'automates dont le passé était effacé
de la mémoire, et pour qui Tavenir n'était rien.
Il se produisit alors un fait dont les esprits généreux se sont
sérieusement préoccupés depuis, mais qui, à cette époque,
passait presque inaperçu t^^'estque la principale force du des-
potisme est dans Tignorauce et l'avilissement des classes la-
borieuses, et qu'avant d'être affranchi un peuple doit être
éclairé. Sans cela naissent, contre le progrès même, les résis-
tances de ceux en faveur de qui toute rénovation est tentée.
Il y a dans l'homme habitué à souffrir et longtemps courbé
sous un joug humiliant, un tel sentiment de défiance et de
timidité, que tonte régénération lui parait un leurre, tout
changement d'état une déception. Malheur pour malheur, il
préfère alors celui que l'habitude lui a rendu familier.
Voici comment un Français, républicain de 1792, rédac-
teur, à cette époque, à Varsovie, de la Gazette de Vareme,
peint le paysan polonais (1) :
« Les voyageurs ont observé, en traversant la Pologne, un
grand nombre d'animaux ayant, comme les Polonais, deux
pieds et deux mains, sans plumes, travaillant, labourant et
recueillant pour leurs maîtres. Ces utiles troupeaux sont dé*
signés sous le nom de paysam polonais. Cette classe parait
vouée pour l'éternité au travail et à la douleur. Massacrés,
martyrisés, écrasés pour les moindres fautes, ils voient, pour
(1) Hehée, Histoire de la prêt. Bévoluticn de Pologne*
158 HISTOIIB
les fautes les plas légères» leurs femmes, leurs enfants livrés
à de misérables bourreaux^ qui les déchirent à leurs yeux*
Aucune de ces douceurs qui^ partout ailleurs. Tiennent adou-
cir les amertumes de la y\e, n'approcbe de leurs cabanes ;
leur vie est une longue mort, une éternelle agonie. Je n'ai
jamais vu rire un paysan polonais. Lorsqu'on les rencontre
sur les routes, ils font face aux passants, et leurs disent en
baissant les yeux : Nieek bmdzie pakwalani Jeâous-Chrif
tous I (Que Jésus-Christ soit loué). Plus je considère les paysans
polonais, moins je conçois de quoi ils peuTent remercier Dieu*
Casimir le Grand, surnommé le père des paysans, a usé sa rà
à vouloir adoucir leur sort; il n'a rien pu obtenir de cette
noblesse impérieuse et inhumaine. Lorsque quelques paysans
Tenaient se plaindre à lui de leurs seigneurs, dans l'impossi-
bilité où il était de leur faire rendre justice» il répondait : «Je
c ne puis rien taire pour tous; mais n*aTes-Tous ni bâtons
c ni pierres dans tos campagnes?» Ce grand prince sentait
bien que, lorsque la isociétè ne peut pas dooner aux indiTidus
qtti la composent la protection qu'ils ont droit d'en attendre,
elle leur rend tous leurs droits naturels. »
Ce tableau pittoresque de la situation des paysans polonais
pourrait peut-être paraître chargé. Nous allons Tappuyer d'une
autorité irrécusable^ celle de Stanislas Leczinski, que nous
avons mentionnée ailleurs. Le lecteur sait que l'humanité de
ce vertueux souverain déplût aux Polonais, au point qu'il fut
obligé de se retirer en Lorraine. Voici comment ce prince
s'exprime sur le compte des paysans polonais. Nous copions
textuellement sur le Mémoire original : Nous le donnons avec
quelques détails, d'abord parce que c'est un document peu
ou point connu, ensuite parce qu'il peint admirablement la
véritable source de tous les maux de la Pologne, le joug écra-
sant sous lequel gémissait le paysan polonais. On défend mal
DB LA BiTOiimOlt POLONAIS!. 159
la chose d'un autre, surtout quand cet autre est notre ennemi;
et que l'on trouve Poccasion de se venger. Il résulta de là que,
lors de la révolution de la Pologne, les insurgés ne purent
jamais trouver d'autres auxiliaires parmi les paysans que ceux
queles propriétaires forçaient de marcher avec eux. Les autres
disaient : « Les Russes on les Prussiens nous feront-ils porter
« double bfit ou double charge ? v Et au lied de se lever pour
voler sous les drapeaux de Tindépendance de leur patrie, ils
restaient dans une inertiequi s'explique.
Voici le tableau qu^en trace Stanislas Leczinski :
a Les violences que les patriciens de Rome exerçaient sur
le peuple de cette ville sont une image sensible de la dureté
avec laquelle nous traitons nos plébéius. Encore cette portion
de notre État est-elle plus avilie parmi nous qu^elle n'étaitchec
les Romains, où elle jouissait d'une espèce de liberté, même
dans les temps où elle était le plus asservie au premier ordfe
de la république.
« On peut dire avec vérité que le peuple est dans une
extrême humiliation en Pologne; on doit cependant le regar-
der comme le principal soutien de la nation, et je suis
persuadé que le peu de cas qu'on en fait pourrait avoir des
suites très-dangereuses.
a Qui est-ce, en effet, qui procure Pabondance dans un
> royaume? qui est-ce qui en porte les charges et les impôts? qui
est-ce qui fournit des hommes à nos armées, qui laboure nos
champs, qui coupe nos moissons, qui nous nourrit? qui est
la cause de notre inaction, le refuge de notre paresse, la res
source dans nos besoins, le soutien de notre luxe^ et, en
quelque sorte la source de tous nos plaisirs? N'est-ce pas cette
même populace que nous traitons avec tant de rigueur? Ses
peines, ses sueurs, ses travaux ne méritent-ils donc que nos
dédains et nos rebuts! Et s'ils n'étaient poiui, ne serions-nous
160 HIflTOHIB
pas obligés de nous plier, de nous assujettir nous-mêmes a
toutes les pénibles fonctions où leur naissance, leur état, leur
pauvreté les engagent?
a Des hommes si nécessaires à l'Etat devraient y être con-
sidérés sans doute; mais à peine les distinguons- nous des
bêtes qu'ils entretiennent pour la culture de nos terres.
Souvent nous ménageons moins leurs forces que celles de ces
animaux, et trop souvent par un trafic scandaleux, nous les
vendons à des maîtres aussi cruels, et qui bientôt, par un
excès de travail, les forcent à leur payer le prix de leur
nouvelle servitude.
a Je ne puis, sans horreur, rappeler cette loi qui n'impose
qu'une amende de quinze francs à tout gentilhomme qui aura
tué un paysan. C'est à ce prix qu'on se rachète dans notre
nation des rigueurs de la justice, qui, partout ailleurs, confort
mément à la loi de Dieu, et ne faisant acception de personne,
condamne à mort tout homme coupable de mort.
« La Pologne est le se.ul pays où la populace soit comme
déchue de tous les droits de Phumanité. Nous voyons
cependant des nations voisines attentives à ménager cette
portion de leur État ; nous seuls, nous les regardons comme
des créatures d'une autre espèce, et nous leur refuserions pres-
que le même air qu'ils respirent.avec nous.
« il esi vrai que, selon la constitution de notre royaume, $
nous pouvons nous passer de leurs conseils et ne pas les
admettre dans nos congrès; mais leur secours nous est né*
cessai re, et, par cela même, nous ne devrions pas les traiter
avec tant de cruauté. Est-il, en effet, aucune loi qui puisse
autoriser le joug terrible que nous leur avons imposé?
<£ Dieu, en créant l'homme, lui donna la liberté. Quel droit
a-t«on de l'en priver, à moins que ce ne soit par la loi des
armes, par l'autorité que prend la justice sur des criminels, ou
DE LA BÉVOLUTION POLONAISE. 161
par la nécessité de réprimer des accès de folie dans un homme
privé de raison? Quoi donc! parce que certains hommes ont
le malheur d'être nés nos sujets^ sommes-nous dispensés
d'observer à leur égard cette première règle de la justice,
qui est le fondement de toutes les sociétés : Suum cuiquel
Les droits de maître et de seigneur nous autorisent-ils à les
excéder de peines et de fatigues ; et, après en avoir exigé des
corvées presque au-dessus de leurs forces, pouvons-nous leur
enlever tout ce qu'il ont pu gagner d'ailleurs pour leur en-
tretien et celui de leur famille; et cela^ par un travail qu'ils
ont su soustraire à notre avarice et à notre cruauté? »
Après avoir ainsi examiné ce que la conscience doit dicter
naturellement aux nobles envers cette foule de malheureux
qu'ils opprimaient sans cesse, le royal auteur recherche sMl
est même de la bonne politique de tenir les paysans dans une
aussi austère dépendance.
«c Comme il est naturel, ajoute-t-il^ de secouer un joug rude
et pesant, ne peut-il pas arriver que ce peuple fasse un effort
pour s'arracher à notre tyrannie? Cest à quoi doivent le
mener tôtou tard ses plaintes et ses murmures. Jusqu^à présent^
accoutumée desfers^ il ne songe point à les rompre; mais
qu'un seul de ces infortunés^ esprit mâle et hardi, vint à cou- 1
certer , à fomenter leur révolte, quelle digue assez forte pour- ^
rait-on opposer à ce torrent? par combien de ravages affreux
ne marquerait-il point son passage? Et pourrait-on prévoir la
fin de tous les maux dont il serait capable dMnonder la répu-
blique? Nous en avons un exemple récent dans le soulèvement
de rUkraine. Il ne fut occasionné que parles vexations de ceux
d'entre nous qui y avaient acquis des domaines. Nous mépris
siens le courage des habitants de cette contrée; ils trouvèrent
des ressourcée dans leur désespoir, et rien n'est plus terrible
que le désespoir de ceux même qui n'ont point de courage.
21
162 HmoiM
< Quel est Pétat où nous avons réduit le peuple de notre
royaume? Abruti par la misère, il traîne ses jours dans une
indolence stupide, qu'on prendrait presque pour un défaut
de sentiment. Il n^aime aucun art ; il ne se pique d'aucune
industrie; il ne travaille qu\iutant que la crainte du châtiment
le force de travailler. Convaincu qu'il ne pourrait point jouir
lu fruit deson génie, il étouffe lui-même ses talents; il n'essaie
même pas de les connaître. De là cette affreuse disette, où
nous sommes d'artisans les plus communs; et faut-il s'éton-
ner que nous manquions descboses même les plusnécessaireSj
dès que ceux qui pourraient nous les fournir ne peuvent espé-
rer aucun profit des soins qu'ils prendraient pour nous satis-
faire? Ce n'est que dans la liberté que se trouve l'émulation, et
la nécessité ne s'évertue qu'autant, qu'elle entrevoit une res-
source à ses besoins, a Usembleque laProvidence aitcompensé
« ses dons pour mettre une sorte d'égalité entre les diverses
€ conditions des hommes. Aux uns, elle a donné la naissance
€ et le pouvoir; aux autres une heureuse capacité qui les dé-
c dommage des distinctions qu'elle leur a refusées. Ceux-là
c seraient trop vains s'ils possédaient à la fois les talents et les
c richesses, et ceux-ci trop malheureux si, par les dons de
c l'esprit, ils ne pouvaient relever la bassesse de leur for-
c tune. »
Ainsi^ les grands et les petits vivent dans une dépendance
mutuelle les uns des autres : le noble est forcé d'avoir recours
à l'industrie du roturier, et le roturier n'a d'autres fonds
peur subsister que les besoins du noble.
c Nous devons donc autant estimer le mérite de l'artisan»
quelque bas, quelque humiliant qu'il paraisse, que l'artisan
fait cas des avantages que nous pouvons lui procurer. Sans ce
retour réciproque, tout tombe dans un Etat, et l'on n'y voit^
ainsi que dans le nôtre, ni sagacité, ni invention, ni commerce.
DS LA RirOLUTIOlf P0L0HAI8B. 163
niaucan des secours nécessaires ou pour rarmement ou pour
les besoins de la vie. »
Stanislas démontre ensuite que rien n'est plus frivole qur
les avantages que les nobles s'imaginent retirer de Tesclavagi
où ils tiennent les paysans; et termine par ces paroles, «
remarquables dans la bouche d'un roi :
« C'est si peu de chose qui nous met an-dessus de nos
sujets, qu'il est honteux à nous de nous enorgueillir de notre
élévation et de leur bassesse. Rien n'est grand ici-bas que par
comparaison; c'est toujours le malheur d'une portion des
hommes qui rehausse et fait éclater le bonheur de l'autre.
Nous ne paraissons riches, puissants, respectableSi que par
l'indigence, la faiblesse, l'avilissement du paysan. Nous lui
devons, pour ainsi dire, toute notre grandeur, et nous ne
serions presque rien s'il n'était au-dessous de ce que nous
sommes.
c II ne tenait qu'à la Providence de nous assujettir à cent
que nous maîtrisons. Sans doute, elle a voulu donner à ceux-
ci le moyen de mériter par leur résignation, et à nous un
motif de nous humilier dans notre indépendance. C'est donc
à nous à ne pas abuser de notra pouvoir sur des malheureux
qui ne nous sont inférieurs que par une disposition dont
nous n'avons pas été les maîtres.
« Nous devons adorer en eux* la main de Dieu, qui ne les a
pas faits ce qu'ils sont par rapport à nous, et pour nous don-
ner sujet de nous complaire dans la misère de leur état et
dans l'opulence du nôtre.
« Et quelle est même la différence qu'il y a d'eux à nous?
c Elle ne vient que du plus ou du moins de quelques biens'
a périssables. Au fond, nous sommes tous égaux ; et tel
« homme que la privation de ces biens nous fait mépriser.
164
a esl peut-être fort au-dessus de nous par les vrtfls biens qui
I font Tessence et la gloire de l'homme. »
c Ainsi, le bon sens^ la religion, la politique^ tout nous
engage à ménager nos plébéiens. Sans cela^ quelque ordre que
nous puissions mettre dans notre état, il sera semblable à
t^ette statue de Nabuchodonosor, qui, quoique faite des plus
précieux et des plus solides métaux, fut renversée en un mo-
ment, parce que sa base n^était que d'argile. Le fondement de
tout Etat, c'est le peuple. Si ce fondement n'est que de (erre
et de boue^ TEtat ne peu durer longtemps. Trayaillons donc
à renforcer cet appui^ de la république : sa force sera notre
. soutien, son indépendance notre sûreté. »
Après la lecture de ce précieux document, qui tait si bien
comprendre la situation réciproque du noble et du paysan
en Pologne, on se rend aisément compte des dilflcuUés que
dût éprouTer Kosciuszko pour pouvoir tirer parti d'un élé-
ment de force que, par intérêt autant que par orgueil et par
préjugé, la noblesse tendait toujours à paralyser.
Pour surcroît d'embarras, la constitution de 1791, en lais-
sant dans le vague l'existence sociale des paysans, n'avait pas
été un mobile assez puissant pour les faire sortir de leur tor-
peur. Kosciuszko tâcha d'y remédier, en publiant» sous la date
du 7 mai 1794, une ordonnance par laquelle il réglait les
devoirs des paysans envers les propriétaires, et garantissait
au peuple des campagnes la protection du gouvernement, la
sûreté des propriétés et la justice. Voici cette ordonnance, que
l'exposé des motifs et les articles réglementaires rendent dou-
blement curieuse, soit sous le rapport des machinations de la
Russie en Pologne, soit sous celui de l'existence sociale du
peuple.
b
:'5
3
M
m LA RÉVOLUTION POLONAISE. 195
A ta nation polonaise.
c Polonais, jamais les armes des ennemis ne seraient re-
doutables si la Pologne savait connaître et employer la force
qui doit résulter de son union. Il serait impossible aux puis-
sances voisines de'la vaincre dans une guerre ouverte; mais
la ruse^ la perfidie, voilà leurs armes redoutables ; c'est par
elles qu'elles divisent ses volontés et lui ôtent les moyens de
repousser leur agression .
< La longue tyrannie des Russes daub ra Pologne a prouvé
jusqu'à quel point cette puissance se jouait dç nos destinées.
Achetant des âmes mercenaires, abusant les esprits simples
par des promesses perfides, flattant des préjugés, caressant
des passions, les animant l'une contre Tautre, calomniant la
nation chez les étrangers, ils ont tout mis en œuvre pour
nous perdre, et les moyens du plus profond machiavélisme
ont été de préférence employés par eui.
c Dans toutes les circonstances où les Polonais ont pris les
armes contre les Russes, cette nation de brigands peut-elle se
flatter d'avoir remporté sur eux une seule victoire réelle) Et
cependant la bravoure polonaise n'en tirait d'autre avantage
que celui d'alléger pour un moment le joug que Tennemi ne
tardait pas à lui imposer de nouveau. D'où vient donc cette
étrange inconsistance des affaires de Pologne? pourquoi cette
nation gémissait-elle accablée sous le poids des malheurs,
sans trouver le moyen de les terminer? C'est que Tastuce des
intrigues russes, plus puissantes que leurs armes, perdait les
Polonais par les Polonais eux-mêmes.
a Les malheureux Polonais n'ont été que trop longtemps
divisés par leurs opinions politiques. Ils différaient sur leufs
idées, quant aux principes sur lesquels la liberté et l'organi*
lie mTom
satioQ sociale âevaient être fondées ; mais h la différence des
opinions, qui n'était pas coupable ep ell^rméme, Tesprit con«
damuable de ramour*propre, des vues particuiières, raè-^
laient Topiniâireté ; et le penchant a se lier avec lesétran-*
gers, ne poavait aboutir qu'à ramper bassement sous leurs
ordres.
a La mesure des maux et des souffrances est comblée*
i'époque est Tenue où la destinée de la Pologne doit être
enfin décidée^ C'est a présent ou jamais que les esprits doivent
tendre au même but. Plus de doutes, plus de contestations^ et
laissons à l'écart les traîtres déjà connus, ou les l&cbes qui^
dans la dernière agonie de la patrie, sont encore sourds à H
voix expirante. »
Après avoir établi que l'insurrection actuelle tendait à ren*
dre à la Pologne la liberté, l'indépendance et l'intégrité;^
qu'elle laissait à la volonté nationale à décider, dans un
temps plus calme, la forme du gouvernement qu'elle voudra
se donner ; qu'ainsi, la différence des opinions étant anéantie
dans sa source, l'objet de l'insurrection devait rassembler,
sous les mêmes drapeaux, ceux qu'avait aliénés les uns des
autres la diversité des opinions, Kosciuszko ajoutait :
a C'est ce jour, c'est ce moment qu'il faut mettre à profit,
Que l'ennemi déploie toute sa force, qu'il ait recours aux
armes, moyen peu dangereux dans ses mains; aux efforif
impuissants des esclaves épouvantés nous opposerons la
masse inébranlable des hommes libres* La victoire, n'en
doutez pas, sera fidèle à ceux qui combattent pour leur
propre cause. Biais les manœuvres insidieuses avec lesquelles
ils nous ont vaincus jusqu'à ce moment, voilà ce qu'il nous
importe de déjouer. Brisons cet instrument de perfidies, veil*
Ions attentivemeAt j que tou les citoyens n'aient qu'un «ontî^
]>I LA BiVOUmOH FOLOHAISB. lil
mtnt) et qn^ le glaive menaçant de la Justice frappe partout
où osera ae montrer la duplicité et la trahison. *
« Ainsi donc^ la destinée de la Pologne dépend de la double
force employée par nos ennemis : celle de ia ruse, celle de la
Tiolence. C'est ici que je dénonce à la nation les moyens per«
fides que les Russes emploient pour nous perdre. Ils cher-
chent à excitée contre nous le peuple des campagnes. Us lui
exagèrent le pooToir arbitraire des propriétaires, son an-
cienne misère ; ils lui promettent d'améliorer son sort ; en
même temps, ils le poussent à piller atec eux. Sa simplicité
trompée peut tomber, et ne tombe que trop souvent, en eflTet,
dans de tels pièges ; et personne n'ignore ce tait, que les
Russes ont revêtu de leur uniforme les paysans crédules qu'ils
avaient trompés, pour les pousser au pillage et à la dévas-
tation. »
Après avoir avoué que le traitement inhumain éprouvé par
le peuple des campagnes fournissait le prétexte plausible aux
Russes de calomnier la nation entière ; que les soldats et les
nouvelles recrues s'étaient souvent plaints, non-seulement
de ce que leurs femmes et leurs enfants ne recevaient pas
d'adoucissement à leur sort, mais encore qu'on semblait ag«
graver leur situation, comme pour les punir de ce que leurs
époux et leurs pères servaient la république ; Kosciuszko éta-
Uissait que de pareib procédés ne pouvaient qu'être l'effet
de la mauvaise volonté ou des suggestions de Tdlranger, pour
chercher a refroidir, par ce moyen, Tenthousiasme patrioti**
que du peuple, et terminait ainsi : « Cependant, quelque
chose qu'on tasse, Thumaniié, la justice, le bien public nous
ont indiqué des moyens aussi faciles que sûrs pour déconcer*'
ter ces projets. Publions hautement que ce nest pas de cette
époque seulement que le peuple doit jouir de la protection
du gouvernimenty mais que cette protection lui est assurée
Hi HltTOlÛ
en yertu des lois sanctionnées par la nation. Déclarons que
rhomme opprimé a un refuge assuré auprès de la commission
du bon ordre de son palatinat; que le persécuteur etToppres-
seur des défenseurs de la patrie seront punis comme ennemis
et comme traîtres à la patrie. Ces moyens^ conformes à la jus-
tice, chers aux âmes sensibles et qui ne coûtent à Tintérêt
personnel d'autres sacrifices que ceux que réclame Tintérêt
général^ attacheront le peuple à la cause commune, et le ga*
rantiront des pièges de Tennemi :
« Je recommande danc aux commissions do bon ordre
dans tous les palatinats et tous les districts, de publier le
règlement suivant, et d'en surveiller ^exécution.
« !<" Le peuple, en vertu de la loi, jouit de la protection
du gouvernement.
0 2"" Chaque paysan est libre de sa personne ; il peut s'éta--
blir où bon lui plaira, pourvu qu'il fasse à la commission du
bon ordre de son palatinat la déclaration du lieu où il pro-
jette de s'établir, qu'il paye ses dettes s'il en a, et quMl
acquitte les impositions publiques qu'il devra.
«c S^" Les jours de travail que les paysans doivent aux pro-
priétaires sonjt réglés de la manière suivante : celui qui devait
six journées par semaine ne travaillera que pendant quatre
jours y celui qui devait travailler cinq jours ne travaillera que
pendant trois ; celui qui devait trois jours ne travaillera que
pendant deux ; celui qui devait deux jours ne travaillera que
pendant un seul ; celui qui ne devait qu'un jour par semaine
ne travaillera qu'un jour en deux semaines; et soit qu'on
employât une ou deux personnes pour son travail, on sera
désormais dispensé de les employer les jours où on aura été
exempté de travail.
a 4<» Ceux qui auront été requis en masse sont dispensés de .
toute corvée pendant le temps qu'ils resteront sous les
DE LA RÉYOIUnON MLONAISB. 169
armes; ils ne recommenceront à y être obligés que de
l'époque où ils retourneront dans leurs foyers.
a 5* Aucun propriétaire ne peut ôter au paysan le champ
qu'il possède, lorsqu'il remplit les obligations qui y sont at-
tachées. Bien plus, les juridictions locales veilleront à ce que
les biens de ceux qui servent la république, et que la terre,
qui est la source de nos richesses» ne restent nulle part incul-
tes; ce à quoi, dans chaque village, doivent concourir les
propriétaires et les paysans. >
Les autres articles de ce règlement établissaient des me-
sures d'ordre et assuraient la justice.
Pour la première fois, même depuis la publication de la
constitution, Tamélioration du sort du paysan se trouvait
l'objet de la sollicitude de la loi. Aussi, dans tous les palali->
nats en insurrection, cette ordonnance fut*elle accueillie par
les paysans avec enthousiasme. Il n'en fut pas de même des
nobles; et ce fut un malheur; car, s'ils éte^ient entrés fran-
chement dans les vues de kosciuszko, s'ils avaient favorisé ce
commencement d'émancipation des classes inférieures, ils
auraient pu se trouver lésés dans quelques mesquins intérêts,
mais ils auraient assuré la liberté de leur patrie.
La levée en masse, ordonnée quelques jours après, se res-
rentit de cette fâcheuse tiédeur, et, quoiqu'elle ne produisît
pas tout ce qu'elle aurait pu produire, il n'en est pas moins
curieux de constater par quels efforts d'énergie la Pologne
cherchait à se relever de sa chute.L'ordonnance, à ce sujet,
rappelle une de ces grandes convulsions politiques dans les-
quelles un peuple peut, par un dernier sacrifice, sauver
parfois son indépendance et assurer sa liberté. Voici ce
document :
22
170 HltTOlU
Lb conseil tuprime n^ional aux citoyens ds la Pologne
et de la Lilhuame.
€ Tout ce qui peut élever l'esprit d'un bomme libre ; tout
ce qui peut porter à l'amour, à, la défense de la patrie, aux
actions héroïques, a été employé dans les adresses du chef
général, et il vous a donné l'exemple de toutes les vertus.
Confiant dans le courage de la nation, il a irrévocablement
lié son sort au sien ; il a bien jugé ses concitoyens en
pensant qu'ils n'est aucun sacrifice qu'ils ne fassent avec
joie pour assurer l'intégrité, la liberté et le salut de la patrie.
c L'état actuel de la république ne permet p]u3 de demi-
mesures; ce n'est qu'en employant tous nos moyens que
nous pouvons reconquérir nos droits, nous faire respecter,
nous garantir de toutes violences et nous venger des affronts,
des injures et du mépris dont on a abreuvé le nom polonais.
c Ces sentiments nous ont tait prendre les armes ; ils nous
les feront conserver jusqu'à ce que tous nos droits soient
reconquis.
c L'espoir commence à nous luire; les ressources natio-
nales sont immenses ; nous avons des bras, du pain et du fer.
Nous ferons donc la guerre, et nous la ferons avec honneur.
a La recrue pour l'infanterie et pour la cavalerie élève
à un nombre formidable les troupes de la république.
L'armement de tous les citoyens trs^nsforme la nation en
i uerriers et prépare en eux un prompt et puissant secours à
]'armée, partout où des circonstances impérieuses te deman-
deraient.
a Le oonseil général, connaissant toute l'importance des
mesures adoptées par le chef général et déjà exécutées dans
les palatinats qui se sont d'abord mis en insurrection, et vou-
lant les rendre communes à tous ordonne à toutes les com-
m LA RÉVOLDTIOll POLONAISX. 17i
missions de bon ordre de les mettre partout à exécution, de
la manière suivante :
« 1* Dans toutes les villes, bourgs et Tillages^ on fournira,
par cinq cheminées, une recrue, qui doit être jeune, sain et
robuste, armé d'un fusil ou d'une pique longue de onze pieds
de Pologne, ou d'une fauli droite et d'une hactie; il sera
pourvu d'un habit tel qu'en portent communément les pay^
sans, ainsi que de deux chemises, de bonnes bottes» d'un
bonnet et d'un drap de lit. On doit lui fournir du pain^biscuit
pour six jours, et la solde pour un mois, moulant à 15 florins.
« i" Par cinquante cheminées on fournira une recrue pour
la cavalerie, qui doit avoir un cheval du prix de 200 florins
de Polc^ne, et bien monté. Il doit être armé d'un sabre^
d'une traire de pistolets et d'une pique.
f 3* Pour pourvoir aux subsistances et aux fourrages des
armées, ks commissions de bon ordre ordonneront de four-
nir, par chaque cheminée, vingt-quatre livres de biscuit, huit
mesures d'avoine et vingt-quatre livres de foin.
« 4* Dans tontes les villes, bourgs et villages, tous les ci-
toyens âgés depuis dix-huit jusqu'à quarante ans , seront
armés, autant qu'il sera possible, de piques, de faulx ou de
sabres. Les commissions de bon ordre de chaque palatinal ou
district veilleront à l'exécution de ce règlement.
a 5* Si, dans quelque palatinat, district, ou même toute la
province, il est besoin d'une levée générale, 1*^ dans toutes
les communes la moitié seulement des hommes propres à la
guerre sera commandée; l'autre moitié restera dans ses foyere
pour s'occuper de la culture de ses terres et de celles de ceux
qui vont contre l'ennemi les armes à la main. 2<* Les hommes
commandés dans les communes pour la levée générale doivent
être pourvus de subsist;mces pour dix jours. Les propriétaires,
avec tous leurs domestiques, doivent se mettre à la tôte des
172 HUTOiaE
paysans de leurs villages. S^» Le propriétaire à qui Tftge^ ou
une fonclion publique ne permettrait pas dVxécuter ces
règlements, doit envoyer son ÛIs à la tête des paysans. 4® Celui
qui serait absent, et dont le fils ne serait pas en fige on serait
absent, fournira a sa place deux cavaliers, avec la paie pour
un mois, et ce, pour «chaque village qu'il possède. Cette obli-
gation concerne les ecclésiastiques, puisqu'ils sont citoyens et
propriétaires ; de sorte que les ecclésiastiques qui n'ont que
mille florins de revenu fourniront un fantassin, ceux qui en
ont deux mille fourniront un cavalier, ceux qui ont au-delà
de deux mille florins fourniront deux cavaliers, et ce, en
raison de chaque village qu'ils possèdent. 5« Les ci-devant
nobles qui n'ont qu'une cheminée doivent aller en personne,
ou envoyer leurs fils ou leurs frères, sous les peines décer-
nées par les lois anciennes contre les nobles qui se soustrayent
à la levée générale. »
Ce n'est pas sans dessein que nous avons donné, avec
quelque étendue, tout ce qui concernait les paysans en Po-
logne et tous les efforts faits pour animer cette sorte d'argile
que la sujétion et l'abrutissement avaient rendue insensible à
tout ce qui, partouiailleurs, réveille dans les âmes des senti-
ments généreux. Un double enseignement devait résulter de
cette longue exposition : d'abord, que l'insuccès de la révolu-
tion polonaise ne devait avoir d'autre cause que le peu d'en- ^
tralnement des masses populairesi qui, dans tout changement
d'état, ne voyaient qu'un changement de joug ; ensuite que
la sujétion et l'abrutissement du peuple éteignent tellement
tout senUment de patriotisme et de nationalité, que les mal-
heurs et la honte de l'invasion et de la domination étrangère
ne sont pas même des stimulants assez puissants pouf le
ranimer.
M LA RÉVOLUTION POLONAISE. 173
CHAPITRE VI
1794
Kosciuszko àPalanièce. — Manifestes russes. — Déclaration du prési-
dent du conseil national Dombrowski. — Kociuszko est bloqué par
l'armée russe à Palaniëce. — Jonction de Grochowski. — IntriguQ
contre- révolutionnaire; émeute à. Varsovie. — Kosciuszko fait punir
les coupables. — Insurrection du canton de Gheim. — Combat de
Szezecocyny. — Entrée des Prussiens à Cracovie. — Revers succes-
sifs des insurgés. — Kosciuszko se retire sous Varsovie.— Arrivée des
années russe et prussienne sous les murs de Varsovie.
Tous les efforts de Kosciuszko pour donner une puissante
impulsion à la nation polonaise y n'amenèrent qu'un résultat
presque décourageant. La levée du cinquième , dans le pala<-
tinat de Cracovie, ne produisit que deux mille paysans mal ar-
més. Son corps de troupes alors se monta à neuf mille hom«
mes; ce fut avec ces minimes forces qu'il se porta en avant.
Électrisé par son patriotisme, il comptait sur un de ces grands .
miracles que la Providence permet parfois en foveur des na-
tionalités opprimées.
Côtoyant la Vistule qui couvrait son flanc droit , il marcha
sur Skalmierz au-devant des Russes, qui reculèrent jusqu'à
174 HISTOIRI
Stasew^ marquant leur retraite par le meurtre, le pillasfe et
la licence la plus effrénée , enlevant les troupeaux, réduisant
les iriliages en cendres^ ets'efforçant de détruire le pays qu'ils
ne pouvaient pas garder.
Poursuivant sans répit l'ennemi qui fuyait devant lui, Eos-
ciuszko délivra le palaiinat de Cracovie et entra sur le terri-
toire de Sandomir. Là, pour que les travaux de Tagriculluro
eussent à souffrir le moins possible de cette levée de boucliers,
il licencia les paysans du canton de Cracovie qui avaient rem-
pli leur devoir en chassant Teunemi de leur territoire. Ce fut
une faute; pour les remplacer et atteindre le même but, la
levée du cinquième fut ordonnée, il est vrai, dans le palati-
nat de Sandomir; mais les propriétaires mirent tant de mau*
vaise volonté dans Texécution de cet ordre, soit en évacuant
le pays, soit encore en s'efforçant d'étouffer dans Tâme des
paysans les germes naissants du patriotisme, qu'il ne put pro-
fiter des ressources que lui offrait un grand palatinat quatre
fois supérieur en étendue à celui de Cracovie. Il se trouvait
ainsi exposé à avoir à combattre, non-seulement les Russes,
mais encore les Prussiens, qui n'attendaient, pour entrer en
campagne, que la fin d'une négociation qui se poursuivait à
Saint-Pétersbourg,et dans laquelle le Cabinet de Berlin tâchait
de se faire ptiyer le plus cher possible, aux dépens de la Polo-
gne, le secours et Tappui qu'il accordait en cette circonstancié
à la Russie. Pour surcroit de malheur, les trois mille faommes
échappés de Varsovie avaient reforcés l'armée russe , dont le
nombre dépassait alors de plus de moitié celui de l'armée po-
lonaise. Kosciuszko perdait ainsi l'espoir de pouvoir chasser
les Russes du palatinat de Sandomir, ce qui eût peut-être été
une opération décisive; il se trouvait en quelque sorte hors
d'état d'agir avant la jonction du corps de Grocbotvski, qui
devenait f6rt problématique, si, profitant de sa supériorité
M LA BiYOLCTION polouaisb. 175
numérique, Tennemi manœuvrait pour empêcher cette réa-
nion. Faute de mieux, il prit sous Palanièce une forte position
où, en tout état de cause , il pût tenir longtemps. U assit son
camp sur une petite chaîne de monticules formant presque le
sommet d'un angle dont la Vistule et une rivière peu large,
mais profonde qui s^y jetait, formaient les côtés. Son camp
était ainsi adossé à la Vistule , ayant le flanc droit apuyé à la
petite rivière, et le gauche protégé par un bois. Au confluent
des deux ea^ix, un ancien retranchement dominait la plaine
dont la rivière était bordée; Kosciusad^o y établit une batterie.
Pour ajouter à ces défenses naturelles, il couvrit tout le front
de son camp de trois rangs de batteries et de redoutes palis-
sadées. '
A peine avait-il achevé ces dispositions, que les Russes paru-
rent et firent mine de vouloir Tuttaquer. En effet, dès le len-
demain, après avoir reconnu que le front et la droite du camp
polonais étaient presque inattaquables, ils tournèrent d^abord
tous leurs efforts vers la gauche. Hais vigoureusement repous-
sés à plusieurs reprises, ils se contentèrent de prendre posi-
tion à quelque distance, tenant ainsi, en quelque sorte, Tar-
mée polonaise bloquée.
Après quelques jours dinnction, n'ayant pu parvenir à en-
tamer cette armée ainsi fortifiée, ils se vengèrent sur les bourgs
et villages des environs, pillant, tuant, incendiant, portant
partout la désolation et la mort, et faisant une véritable guerre
de barbares. En même temps Catherine, pour pallier toutes
ses infamies aux yeux de l'Europe, et paralyser autant que
possible les forces de la Pologne, inondait le pays de mani-
festes où elle promettait, non-seulement sûreté, protection et
défense, à ceux qui s'abstiendraient de prendre part au mou-
vement, mais encore faisait les plus belles promesses aux pay-
sans des campagnes. Elle atteignait le double but de couvrir
176 HISTOIRE
sa cruauté du masque de la philanthropie, et de cacher son
ambition sous celui de la sollicitude. Le document suivant,
publié à cette époque, révèle, plus que tout ce qu'on pourrait
dire, la duplicité de cette politique.
« En réponse aux déclarations de la Russie, écrivait le pré-
sident du conseil national, Dombrowski (27 juin 1791), on a
vu paraître, dans les derniers jours de cette année, plusieurs
manifestes que les généraux russes Nicolas Repnin et Sergius
Galitzin ont publié à leur entrée sur les frontières de Lilhua-
nie et de Pologne. Toutes ces pièces sont marquées au coin de
la mauvaise foi et de Timpudence. Depuis que la Russie met
à exécution ses plans d'invasion dans les contrées polonaises,
elle est dans Tusage de faire précéder ses actes d'hostilité par
des écrits calomnieux. Au moment où, sous les auspices de
Thadée Kosciuszko , la nation entière s'elTorce de secouer le
joug de la servitude étrangère, désignée sous les noms hypo-
crites de garantie et d'alliance , les généraux russes ne man-
quent pas de donner celui de réTolte à une insurrection légale
de tout un peuple. Les amis de la patrie sont dénoncés, pro-
clamés comme traîtres. La conduite vraiment louable de la
ville de Wilna, et plus encore celle de Varsovie , a été , selon
eux, un attentat criminel aux droits des nations, et ces deux
cites sont peintes comme ayant porté la rébellion àson comble.
Les Russes traitent les Polonais de rebelles, comme s'ils étaient
sujets de la Russie.
« Mais est-ce à la Russie qu'il convient de les taxer de trahi-
son, elle qui, après avoir ourdi les plus audacieuses trames, a
violé, la première, ces traités que la force nous avait fait sous-
crire, que nous détestions, et que l'Europe scandalisée repous-
sait? L'Impératrice est-elle bien venue à invoquer les droits des
nations, elle qui envoie en Pologne, comme si c'était dans ses
pays héréditaires, des gouverneurs despotiques , de vrais en-
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 17?
nemis, sous les noms spécieux d'ambassadearstSont-oelàdas
médiateurs dignes de confiance^ des ministres de paix?
a Qu'on ne s'y trompe pasi le vrai but que se propose notre
pervers ennemi , en noircissant la nation dont il veut punir
la noble résistance, est» à la faveur de ses déclarations^ d'a-
mortir dans les fimes Tardeur du patiotisme^ Ténergie natu-
relle aux Polonais, et de rendre nulle la force nationale. Aus*
si^ invite«t-il traîtreusement une partie d'entre nous à rester
tranquilles et indifférents^ afln de pouvoir plus aisément ter- •
rasser les autres^ et subjuguer la nation entière. »
Dans ces protestations officielles des patriotes, on saisit, dans
leur ensemble, toutes les nuances de Tastuciense politique de
la Russie pour atteindre à ses fins.
Kosciuszko, cependant, desoncamp où les Russes le tenaient
bloqué, pouvait voir toutes les nuits les incendies des vil-
lages que les Russes multipliaient autour de. lui. L^horreur
que lui inspirait le spectacle de cette sauvage manière de faire
la guerre faillit plus d'pne fois déconcerter sa prudence, et le
décider à aller attaquer les Russes, malgré Tinfériorité de ses
forces, lorsqu^il fut rejoint par Grochowski • Fort alors de quinze
mille hommes, il quitta sa position de Palanièce, offrit le com-
bat aux Russes, qui, ne se trouvant qu'en force égale, ne l'at-
tendirent pas. Il se lança à leur poursuite, mais sans pouvoir
jamais les amener à combattre. Ce fut dans ce moment qu'il
fut rejoint par Joseph Poniatowski, Casimir Sapieha, ex-géné*
rai d'artillerie deLithuanie, et d'autres personnages éminents,
qui demandèrent à servir sous ses ordres comme volontaires;
abnégation patriotique qui honorait à la fois la vertu
de celui qui l'inspirait et le mérite de ceux qui s'y rési-
gnaient.
Pendant que les uns donnaient à la cause nationale des
sentiments de sympathie si prononcés, d'autres mettaient ^
23
171 HISTOIBS
tout en œsTre pour paralyser les efforts généreux de ces
Ames d'élite qui voulaient arracher leur patrie au joug de
l'étranger. Varsovie était le foyer de ces intrigues et de ces
complots ; le roi en était le principal instigateur. Kosciuszko
ne tarda pas à acquérir la certitude que les plus grandie dif-
ficultés qu'il éprouvait provenaient du mauvais vouloir de la
cour et du roi» dont TinQuence sur le conseil provisoire était
sensible en tout. Ainsi, par exemple, les hommes les plus
ostensiblement connus pour être attachés au parti russe,
quoique arrêtés depuis longtemps^ n'avaient été ni interrogés
ni Jugés. Au lieu de quarante mille recrues que devaient
fournir les palatinata de Lublin, de liasovie, de PodlachiOi
assez disposés du reste à sVxécuter» on en avait à peine trois
mille de rassemblées ; puis» l'approvisionnement des vivres
était fort négligé, et une disette était imminente à Varsovie,
Les patriotesi en relafioo avec Kosciuszko, ne lui cachaient
pa^ les inquiétudes que leur causait un mauvais vouloir qui
9e trahissait eu tout et pour tout.
La situation du roi, relativement aux insurgés, était, du
irestet fort délicate et fort embarrassaoie. L'espèce d'unani-
mité qu'avait trouvée rinsurrectioUi soit dans les classes
populaires, soit dans l'armée, ne permettait plus au roi de se
^ser en intraitableopposant. Sou opposition ostensible n'était
que de pure forme» et n'ayaot plus les troupes russes pour le
soutenir, il lui eût, du reste, été difûcile d'en taire d'une autre
espèce. Quant aux insurgés, l'incapacité du roi dans une cir-
constance aussi difficile, sa pusillanimité naturelle pour cer-
taines choses, sa nullilé pour d'autres, en faisait un véritable
embarras pour eux. Littéralement, ils ne savaient que faire
d'un prince qui n'était ni guerrier, ni homme d'Etat daas un
pareil moment, liais si, d'une part, leur faiblesse actuelle,
jointe à d'atttre0 considérations politiques, les forçait à user
BB LA BÉTOLimOlf MI0NAI8K. 179
de ménagement avec lui, de Tantre, ils risquaient de compro-
mettre la chose pnbllqne en lui laissant trop de liberté.
Stanislas voyait sans peine combien était fausse sa situa-
tion; aussi, depuis la proclamation qui, avant la bataille de
Varsovie, lui avait été arrachi^e par le parti russe, tftchaif-il
de s'efTacer le plus qu'il pouvait. Il favorisait en cachetlb les
intrigues des ennemis de Tinsurrection, et ostensiblement se
bornait à blâmer Topportunité d'une levée de boucliers, dont
les désastres inévitables prouveraient la foliades insurgés et
sa sagesse. Les elTorts des derniers pour sauver la patrie^
comparés à Tindifférence ou à la pusillanimité du monarque,
formaient ainsi un assez saillant contraste.
Pour paralyser tout mauvais vouloir de ce c6té, Kosciuszko,
aux termes de Tacte d'insurrection, procéda immédiatement
à la nomination du conseil national. Il en fixa la résidence
dans la capitale. Ignace Potocki et Kolontay, en qui il avait
mis toute sa confiance, en firent partie ; Orloveski, homme
honnête et probe, remplaça Mockronowski dans le comman-
dement de Varsovie.
En parant, par cette mesure, à quelques embarras du mo«
ment, Kosciuszko s'en créa d^autres. La fermeté, rintégrtté
des membres qui allaient composer le conseil national rem-
plirent la cour d'effroi. Ignace Potocki, Kolontay surtout, dont
l'ascendant et l'inflexibilité de caractère promettaient de re-
pousser toutes les séductions, furent en butte aux attaques les
moins méritées, aux calomnies les plus injustes. On disait que
le dernier regardait la noblesse comme une pépinière, tou-
jours renaissante, de tyrans; qu'il croyait que la terre était
une propriété publique et non une propriété particulière, et
qu'il se proposait de niveler tout en Pologne comme le
comité de salut public en France.
Ces insinuations, jointes à une recrudescence d'intrigues,
180 BisroniB ,
porlàrent leur fruit. Les principaux habitants de Varsovie dé-
clarèrent qu'en établissant un conseil national sans les avoir
consultés sur le choix des membres, Kosciuszko avait lésé
leurs droits. Us lui envo^èrent^ à cet effet, une députation
* chargée de lui faire leurs remontrances^ et de lui remettre
une liste des personnes qu'ils désiraient pour conseillers.
Cette résistance inattendue causa un véritable embarras à
Kosciuszko, qui se trouvait ainsi exposé à une imputation de
despotisme s'il soutenait sa première décision^ et à compro-
mettre la chose publique s'il cédait à Timportunité des repré-
sentations. Pour obvier à ces deux inconvénients^ il ajouta au
nombre des conseillers qu'il venait de nommer, ceux qft'on
lui présentait de la part des habitants de Varsovie, et ouvrit
ainsi une large porte à tous les cabaleurs de la cour.
Celte impolitique concession eut un fâcheux résultat : la
méfiance s'empara des esprits, la concorde disparut, la guerre
d'opinions éclata. Intriguant, criant, s'accusant les uns les
autres, les Polonais ajoutèrent une nouvelle source d'infortu-
nes à celle des infortunes publiques. Le parti de la cour et le
parti russe, par d'incessantes et sourdes insinuations, par des
artifices de toute espèce, s^appliquèrent à détruire le peu d'u-
nion qui régnait parmi les patriotes, sûrs, par ce moyen, de
miner leur puissance. Ces funestes agitations sans termes et
sans bornes, réagissaient sur tout, sur le choix des généraux^
sur la levée des impôts, sur les mesures administratives, et
principalement sur le jugement des factieux du parti russe,
iccusés de trahison. Tous ces mauvais vouloirs, toutes ces
lenteurs calculées ne servaient qu'à éterniser les discussions
H les haines. Il s'ensuivit une de ces fermentations populaires
A>ujours déplorables, quand elles se terminent par l'effusion
du sang.
Voici quel en fut le prétexte :
«DE LA BÉYOLUTION POLONAISE. 181
Des accusés politiques^ compromis dans les Tiolences de la
faction russe, attendaient, en prison, leur mise en jugement.
L'assemblée à laquelle il appartenait de les juger» arrêtée par
les formes lentes de la justice, n'allait pas assez vite au gré de
l'impatience populaire. Les plus ardents et les plus exaltéa*
d'entre les patriotes, accusèrent de trahison les autorités con*
sti tuées* Quelques jeunes gens, profitant du mécontentement
du peuple, cherchèrent à pousser à bout sa patience. On s'at-
troupa, on demanda la mort des accusés ; la prison fut
enfoncée, les accusés, arrachés avec violence, furent impi-
toyablement traînés dans les rues, la corde au cou, et quel*
gues-uns d'entre eux furent pendus. Un prince Czetwertinski,
la prince Massalski, évêque de Wilna, Moszinski, et un avocat
de Varsovie, nommé Yolfers, furent les premières victimes.
Ce fut la première et la seule tache de sang dont fut souillée
la cause de la liberté à Varsovie. Kosciuszko se montra inexo-
rable : dès que le président du conseil national lui eût donné
connaissance de ce tumulte, il ordonna d'en punir sévère-
ment les auteurs et moteurs. Cet ordre, qui annonçait une
de ces âmes si rares en temps de révolution, et décidées i
lutter contre les passions trop ardentes des partis, eut pour
double résultat d'imprimer la terreur dans Tesprit du peuple,
et de relever le courage des royalistes. La morale y gagna,
mais le parti patriote y perdit.
Vers ce même temps (juin 1791), le canton de Ghelm fit
acte d'adhésion à l'insurrection, au moment môme où un
corps russe de six mille hommes, commandé par Zagraysl^i,
s'avançait de ce côté. Les moyens de défense de cette pro*
vince étaient à peu près nuls. Il importait cependant de la
soutenir, pour ne pas décourager celles qui seraient ientées
de suivre son exemple. Détachant, à cet effet, le général We-
delsztet, avec deux mille hommes, le chef général y dépêcha
182 HOTOIU
le colonel Chomentoskf, officier ptef n de talent et de pntrfo-
tisme, chargé d'aller presser, dans ces provinces, la levée
générale des paysans; mais il n^en reçut qu^une réponse dé-
courageante, a Les membres des autorités consliluées dans
ces provinces, lui écrivit Chomentoski, sont tout à fait étran-
gers à Tesprit révolutionnaire. Ces autorités ne prennent que
des mesures lentes et inefficaces, elles ne répondent ni au
zèle patriotique qu'on leur supposait, ni aux circonstances
embarrassantes où Ton se trouve. Rien n'y est préparé ni pour
la défense du pays, ni pour la subsistance de Tarmée qui doit
7 venir; non-seulement on y vit avec autant de sécurité
qu'en temps de paix, mais on y a accueilli la proposition de
la levée générale comme un acte attentatoire à la liberté. On
doit naturellement en conclure que les nobles de Lublin,
dont rinciyisme est notoire, n'ont adhéré à Tinsurrection que
dans la crainte d'être traités en ennemis de la patrie. A moins
d'employer contre eux des voies de rigueur, il n*y a rien i
espérer d'eux. »
Ainsi, partout mal secondé, Kosciuszko était obligé de faire
tace à tout. Il expédia Zajonczek à Chelm et Lublin, pour
pourvoir à leur défense ; comptant sur la fermeté, l'ardeur
et le patriotisme de ce général, il espéra qu'il pourrait venir
à bout de l'entreprise difficile dont il le chargeait. En mdni«
temps, il employa Michel Wialorski à soutenir la guerre en
Lithuanie, et confia à Mokrovrowski le commandement d'un
corps de quatre mille hommes, dans le palatinat de Ravra.
Dans les premiers jours de juin, il atteignit enfin les Russef '
sous Szezecoeyny, bourg situé aux confins des palatinats A '
Siradie et de Cracovie. L'armée russe était de quatorze mill^
hommes; mais^ près de là, à moins d'une marche, était le ro!
de Prusse, avec une armée de vingt-quatre mille hommes.
Mal servi, ou peutrétre même trahi par ses espions, Kociuitko
DB LA RÉYOLOnOH POtORAISI. 183
ignorait entièrement cette dernière circonstance. Quoique in*
férieur en nombre aux Russes^ loin d^éviter le combat, il l'en-
gagea le 8 juin. Dès le premier choc^ l'armée polonaise, élec-
trisée par Texemple de son général» rompit la cavalerie des
Russes, entama leur infanterie, et s'empara de dix pièces de
canon. Hais^ au moment où les Russes pliaient de toutes parts»
le roi de Prusse parut avec ses vingt-quatre mille hommes^
entama Faction par une canonnade terrible; foudroyée sur
tout son front par ce nouvel assaillant, criblée de boulets et
de mitraille» au moment où la victoire s'était décidée en sa
faveur» Tarmée polonaise plia et se rompit; Kosciuszko or-
donna la, retraite; mais les insurgés» assaillis à la fois par les
troupes fraîches du roi de Prusse et par les Russes qui, s'é*
tant ralliés» étaient revenus à la charge» furent mis en déroute
complète, Ils perdirent» dans cette action, plus de huit cents
hommes, deux généraux, Wadycki et Grochowski, un grand
nombre d'officiers» et huit pièces de canon. Kosciuszko, qui,
i plusieurs reprises» s'était jeté dans la mêlée» faillit y périr»
il eut deux chevaux tués sous lui. Un moment il s'était trouvé
tellement entouré» que ses troupes ne purent le dégager que
par un de ces grands efforts de courage que le succès ne cou*
ronne pas toujours.
La perte de cette bataille entraînait celle de Cracovie. En-
tourée d'une mauvaise muraille» n'ayant» pour moyens de dé-
fense» que dix pièces de canon» en fort mauvais état, et pour
garnison que de nouvelles levées armées de faulx, elle ne
pouvait résister à une armée victorieuse. Avant de s'éloigner
de cette ville» Kosciuskzo comptait, du reste» tellement peu
sur la possibilité de sa résistance» qu'il avait donné, par écrit,
au commandant Wiiiiaski» l'oidrede remettre en dépôt la
place aux Autrichiens, si les Prussiens venaient Taltaquer.
Cet ordre était cacheté^ et Winiaski ne devait l'ouvrir que
184 Hnrtomx
daqs le cas où il serait menacé d'un siège. Ayant décacheté
le pli à rapproche des Prussiens^ il fit part au commandant
autrichien, sur la frontière, de l'ordre dont il était portear ;
mais comme c'était là un cas non prévu, le commandant n'osa
rien prendre sur lui, et en référa à Vienne. Dans Tintervalle
qui s'écoula entre cette communication et la réponse, les
Prussiens parurent sous les murs de la place. Ils étaient deux
mille à peine, n'ayant ni canons, ni matériel de siège ; et à la
première sommation, Winiaski, qui aurait pu la défendre,
livra la place. La garnison, avec armes et bagages, se retira
en Gallicie, et la ville qui, la première, avait proclamé Tin-
surrection du 24 mars, tomba au pouvoir des Prussiens. Le
peuple, qui, enorgueilli par ses premiers succès, s'attendait
chaque jour à de nouvelles victoires, et croyait les troupes
polonaises invincibles, accusa Winiaski de trahison , et ne
cessa de l'abreuver, dans la suite, de calomnies qui paraissent,
du reste, peu méritées. Dans ces moments d'eflervescence,
tout échec est considéré comme une trahison ; et le général
qui est toujours heurpux peut seul se croire à l'abri des re*
proches et des calomnies populaires. C'est ainsi qu'Annibal,
vaincu après dix années de succès, fut accusé de félonie par4e
peuple de Cartbage I
A ces revers ne tardèrent pas à s'en joindre d'autres. Du
côté de Ghelm, où Kosciuszko avait expédié ZajoncsEek, le mal
était beaucoup plus grand qu'on ne l'avait cru d'abord. Un
corps russe, fort de cinq mille hommes, avait traversé le Bug ,
sous les yeux même de l'armée polonaise, et avait pris posi-
tion sur la rive droite, prêt à faire sa jonction avec un autre
corps de six mille hommes commandé par le général Derfeld. I
A ces dix mille combattants, les Polonais avaient à opposer
trois mille cinq cents hommes de vieilles troupes et deux
mille recrues. Un canon de 12 et cinq de 6 composaient toute
DB LA RiTOLUnON POLONAIS!. 185
leur artillerie. Vs avaient, en' outre, il est Traii quatorze
pièces de t>ataille; mais sur ce nombre, cinq seulement en
cuivre étaient en état de service. Les autres, en fer, et en«
levées dans les différents monastères , taisaient seulement
nombre. On les traînait à la suite de Tarmée pour tromper la
crédulité du soldat et Tentretenir dans la persuasion que Ton
avait des forces suffisantes. On avait, en outre, si peu. préparé
dans ce district la levée des paysans, qu'on n'avait pas seule-
ment encore expédié les universaux qui contenaient Tordre
d'y procéder. Les nobles, du reste, qui répugnaient à cette
mesure, disaient hautement partout que la levée des paysans
était une précaution superflue; que les Russes, n'ayant que
peu d'artillerie, éprouvaient les plus vives alarmes, et que les
Polonais n'avaient qu'à se présenter pour les vaincre. Ces in-
sinuations eurent pour double résultat d'arrêter, d'une part,
totalement la levée des paysans, ce qui était très-fftcbeux, et,
de l'autre, d'inspirer à l'armée et au peuple une incroyable
confiance.
Les généraux polonais seuls connaissaient ce qu'avait de
critique leur situation. Us n'avaient que peu de jours pour
prévenir la jonction des deux armées russes, composées de
vétérans aguerris, tandis que la leur consistait, en partie, en
recrues mal armées, promptes à se décourager facilement et
a se débander. Us manquaient d'équipages de pont pour faci-
liter leurs mouvements» soit en avant du second corps russe
qui arrivait pour soutenir le premier, soit contre celui qui,
ayant passé en partie le Bug sous Dubienl^a, s'était depuis
lors imprudemment maintenu à cheval sur le fleuve. Les
chefs polonais tinrent conseil, et, persuadés que, vu la dis-
position des esprits dans le pays, le parti de la retraite expo-
serait les troupes et le commandant au blâme général, qu'on
leur pardonnerait plutôt d'être battus que de s'être retirés
24
186 HiOToraB
âYant d'en £tre Tenus aux mains, ils se décidèrent à attaquer
les Russes a^ant leur jonction. Un plan d'attnque fut corn-
biné. Or devait simultanément attaquer les fractions du corps
russe qui se tenait posté sur les deux rives du fleuve. Hais
cette opération^ qui offrait quelques chances de succès^ se
borna à une simple démonstration. Les généraux Z;ijonczek
et Wedeisztet, qui en étaient chargés, ne purent l'exécuter,
soit faute d'équipage de pont, soit pour avoir mal pris leurs
mesures. Pendant ce temps, les deux corps russes opérèrent
leur jonction, et il ne resta aux corps polonais d'autre res-
source que de prendre une bonne position et d'y attendre l'at-
taque. Le pays plat et marécageux où ils se trouvaient n'en
offrant aucune de bien favorable, ils choisirent celle de Chelm
et y marchèrent.
Chelm est situé sur une montagne qui s'élève en plateau.
Cette ville domine une plaine immense, seulement interrom-
pue par deux montagnes parallèles qui la traversent et qui
s'étendent en long à plus de deux mille pas. Un chemin qui
mène de Chelm à Dubienka passe entre ces deux montagnes.
Celle qui est à droite du chemin est terminée par un bois
qui touche, par sa droite, au marais ; celle de la gauche do-
mine la plaine et le chemin de Serebriszeze. Des marais
fangeux entourent le reste de la position, ainsi que la Tille.
Zajonczek, ayant occupé ces deux montagnes, flt éleTer une
redoute sur celle de la gauche, et y plaça le colonel Chomen-
towski aTec trois bataillons. 11 rangea le reste de sa division
sur Tautre, et garnit le bois de chasseurs. Entre le bois et le
marais qui couvrait sa droite, il plaça le corps de Wedelsztet.<
A une demi-lieue à la droite de Chelm, était une assez bonne
position, d'où, en cas d'attaqne, on pouvait tourner Tennerai
ou le prendre en flaoc ; il y plaça Ozazowski avec quatre cents
hommes d'infanterie et autant de cavalerie.
DB LA liYOLCTION POLONAISB. 187
Cette disposition des troupes formait^ rensemble d'une
combinaison bien raisonnée. En effet, si l'ennemi commen-
çait par Tattaque d'une seule de cfss montagnes, il pouvaitélre
prison flanc ou à revers par les troupes placées sur Vautre.
S'il les attaquait ton tes les deux à la fois, il prétait le flanc à la
division de Wedeisztet, qui^ de son côté^ a^ant la droite et
une partie de son front couvertes par les marais» ne pouvait
être attaquée que par sa gauche, protégée elle-même par le
bois.
Le 10 juin, les Russes parurent en face de Tarmée polo-
naise, et aucune des prévisions de Zajoncsek ne se réalisa.
An lieu d'attaquer une des deux montagnes ou tontes les
deuX; ils se bornèrent à mettre en balterie vingt^huit pièces
de gros calibre, dix-huit obusiers, quarante canons de ba-
taille; et, depuis deux heures de Taprès-midi jusqu'à sept
heures du soir, ils canonnërent l'armée polonaise. Ecrasés par
cette formidable artillerie, les Polonais manquèrent d'audace
pour attaquer. Quoique le feu de leur artillerie eût été promp-
tement éteint par le feu de Tartillerie russe, ils ne s'ébran-
laient cependant pasencore, lorsque le colonel Cbomentoirski^
qui défendait la montagne de la gauche» ayant eu la tète em-
portée par un boulet de canon, la troupe qu'il commandait,
découragée par celle mort, quitta son poste avec confusion,
poursuivie Tépée dans les reins par la cavalerie de la droite
des Russes»
A la vue de ce mouvement de la gauche, MTedelsztet crut
que la retraite était commandée et commença la sienne.
Ozazowski, supposant que tout éta tflni, suivit Wedeisztet. Za-
jonczfk, découvert alors de toutes parts, n'ajaùt pu rétablir
les bataillons rompus, com^manda la retraite en essayant de
la couvrir avec deux bataillons d'infanterie et un régiment de
eavaiei je. Mais pendant que les insurgés s'éloignaient et que
188 HI8T0IU
les deux lignes russes avançaient en faisant feu^ un des che-
Taux d'artillerie, en s'abattant^ arrêta toute la file de canons
polonais. La cavalerie ennemie fit une charge à fond^ et il
7 eut un moment de désordre qui faillit changer le retraite en
déroute. L'armée polonaise^ poursuivie jusqu'à Ghelm, tra-
versa la ville sans s'arrêter^ après avoir perdu quatre cents
hommes tués, autant de pris et six pièces de canon.
Avec son corps d'armée délabré, sans avoir, en quelque
sorte, combattu, Zajonczek se replia sur Krasnipstaw, de là
sur Lublin, prit enfin position à Kurow, où il passa la Yistule
à la suite d'une insubordination de ses troupes. Par suite de
ce mouvement rétrograde de l'armée polonaise, les Russes,
maîtres de la rive droite du fleuve^ purent alors s'avancer
vers Varsovie.
Kosciuszko, dans le palatinat de Sandomir, n'était pas dans
une situation plus brillante que Zajonczek dans les districts de
Ghelm et de Lublin. Mal secondé de toutes parts, rarement
obéi comme il aurait dû l'être, grâce à la mauvaise volonté
ou à l'inexpérience des chefs, mal instruit des forces des dif-
férents corps de Tarmée, forcé de dépendre du caprice ou de
l'ignorance de subalternes indisciplinés, dépourvu de subsis-
tances, sans officiers habiles, le chef général commençait
alors à désespérer de la cause qu'il défendait. Il ne trouvait
pas dans la nation cet enthousiasme qui électrisait son âme.
Les nobles qui le secondaient n'agissaient que par peur ; les
paysans qui se joignaient à lui en armes ne cédaient qu'à la
force ; et, en temps de révolution, la peur et la force sont de
faibles mobiles et de dangereux auxiliaires. lUusionùé par
l'exemple de la France en 1793, où la nation s'était levée
comme un seul homme, il avait cru un moment pouvoir ino-
culer au peuple de Pologne cette fièvre de liberté qui» sur les
bords de la Seine, avait produit de si grandes choses. U igao-f
DB LA RÉVOLUTION POLpNAISE. 189
rait alors que le plus grand mobile d'une révolution n^est pas
la justice d'une cause, ni même l'oppression ou la souffrance
du peuple, mais seulement la connaissance que peut avoir le
peuple de celte souffrance et de cette oppression. Or, ces
maux étaient devenus Tétat normal du paysan polonais ; bien
plus, ils avaient tellement faussé ses instincts naturels de di-
gnité humaine ou de désir d'indépendance, qu'il ne pressen-
tait même pas qu'un homme, paysan né, pût être traité dif-
féremment que ne le traitaient ses maîtres. Aussi ne considé-
rait-il le service que la patrie exigeait en ce moment de lui
que comme une espèce nouvelle de corvée, dont il tâchait de
se décharger par tous les moyens possibles. Ce n'est pas avec
de tels éléments qu'on peut mener à bonne fin une révolu-
tion.
Cependant, loin de se décourager, Kosciuszko semblait, au
contraire, redoubler d'ardeur et d'activité à chacun des revers
ou des mécomptes qui, depuis quelque temps, venaient Tas-»
saillir coup sur coup. Il était dans la situation du pilote qui,
ayant à lutter à la fois contre le vent de la tempête et contre
les vagues qu'il a soulevées, se tient ferme au gouvernail, et,
à travers mille écueils, le dirige souvent avec plus de persé-
vérance que de succès. Pour couvrir la capitale, il ordonna à
Sierakowski de sortir de Varsovie à la tête de quatre mille
hommes, et d'aller se poster sur la rivière de Yieprz. Dans les
premiers jours de juillet, il arrive fui-même à Hozsczonow,
éloignée seulement de dix lieues de Varsovie. Makronowski,
du côté de Blonie, couvrait sa droite; Zajonczek, posté à
Golkow, sa gauche. L'armée des insurgés se trouvait alors
resserrée entre les Prussiens, qui observaient Kosciuszko et
Mokronowski, et les Russes, qui se disposaient à attaquer
Zajonczek.'
La position de Golkow, sans être des meilleured, était te*-
IM HI8T0IBB
nable. Dne petite rivière marécageuse y couvrait la gauche
des Polonais, et leur droite se trouvait garantie par un bois
qui s'étendait jusque sur les derrières de leur position. Les
Polonais n'avaient pas encore acbevé de s'y fortifier, lorsque,
le 8 juillet^ ils furent attaqués par un corps russe, sous les
ordres du général Denizow. Ce ne fut, pendant plusieurs
heures, qu'un combat d'avant- postes ; mais, vers cinq heures
du soir» l'action générale s'engagea. Le centre et la droite des
Polonais furent attaqués jusqu'à trois reprises différentes, et,
à dix heures du roir, les Russes se retirèrent, après une perte
de plus de six cents des leurs. Le lendemain, cependant, l'en-
nemi revint à la charge avec des troupes fraîches, et les Polo-
nais, qui, la veille, étaient restés maîtres du champ de ba-
taille, furent obligés de battre en retraite. Zajonczek se retira
sur Sluzew, et, le même jour, Kosciuszko et Hokronowski|
canonnés par les Prussiens, furent obligés de se replier sur
Varsovie.
Les opérations de Tarmée de la Lithuanie n'étaient pas plus
heureuses. Tant que le général Jasinski avait commandé dans
cette province» son activité avait ranimé tous les esprits; il
avait effectué avec diligence d'assez grands rassemblements
de troupes, avait livré plusieurs combats sans grands succès,
mais aussi sans grands revers. Etienne Grabo^ski avait fait
une irruption en Russie à la tête de deux mille hommes;
Oginski avait inquiété les frontières de la Livonie, et les gé-
néraux Wawreski et Ëiedroye avaient pénétré eu Courlande,
tentant tous les moyens d'y faire soulever la masse du peuple.
Mais, dans cette contrée plus encore qu'en Pologne, la ty-
rannie des maîtres qui opprimaient les paysans, la barbarie
des Russes qui les pillaient, l'insolence de la soldatesque qui
lesoutrageait, avaient anéanti dans le cœur de ces esclaves
Jttsquà ridée de la liberté. Les efforts que l'on fit pour leur
DR XA BiVOLITTIOir POLOHAIII. 191
donner une nouvelle âme furent inutiles^ il est Trai; mais,
enfin, ils servirent à constater l*espril qui animait les chefs.
Dans la même province, Georges Grabowski avait défendu
Wilna avec un héroïsme difçne d'un meilleur sort.
Tels étaient les efforts d'un zèle ardent qui s'étaient d'abord
fait remarquer en Lithuanie. L'arrivée du général Wielhorski,
envoyé en remplacement de Jasinski, avait changé toute celte
activité en langueur. Suivant invariablement un système dé-
courageant de retraite, il avait peu à peu abandonné tout le
pays. Les patriotes s'en plaignirent amèrement à Kosciuszko,
qui, de plus en plus dominé par le parti royaliste, à mesure
qu'il approchait de Varsovie, nomma Mokronowski au com-
mandement de l'armée de Lithuanie, et mit à la tète du corps
d'armée de ce dernier Joseph Poniatoveski, qui, jusqu'alors
n'avait servi Tinsurrection qu'en qualité de volontaire.
Ainsi, sur tous les points, les armées des insurgés étaient
en retraite.
Parvenu jusque sous ks murs de Varsovie, Kosciuszko par-
tagea ses troupes en trois camps. Huit bataillons d'infanterie
et dix-huit escadrons de cavalerie composaient le camp de
Harimont, que commandait Hokronov^ski ; celui de Czyste^
aux ordres de Zajonczek, était de six bataillons d'infanterie et
de neuf escadrons de cavalerie ; le troisième, celui de Mo-
kotow, où commandait Kosciuszko en personne, était de vingt
bataillons d'infanterie et de trente escadrons de cavalerie.
L'ensemble de ces forces était de vingtnleux mille combat-
tants, dont dix-sept d'infanterie et cipq de cavalerie. La ma-
jeure partie de cette armée était composée de levées nouvelles,
et à peine y comptait-on dix mille hommes de vieilles troupes^
Kosciuszko se hâta de fixer à chacun des généraux les postes
qu'ils avaient à défendre. Le village de Mlocixy, avec la forêt
voisine, celle de Bielany, ainsi que les villages de Wawrzeszevv
192 HISTQTRB
et de Powonski furent confiés à Hokronoski ; la gauche de san
corps appuyait à Powonski et s'y joignait à la droite de Za-
jonczeky qui avait le village de Czyste à protéger^ et s'étendait,
par sa gauche, à celui de Jérusalem. A ce dernier village
commençait la droite de Kosciuszko, qui couvrait tout le reste
du terrain jusqu'à la Yistule^ en passant par La Garenne et
Czerniakow.
Les dispositions de ces trois camps ne furent achevées que
le 13 juillet. Ce jour même les Prussiens et les Russes paru-
rent devant Varsovie.
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 193
CHAPITRE vu
1791
Les lactions russe et royaliste à VarsoTie. — Institution d'une commission
militaire — Irritation des partis. — Etablissement du papier-monnaie*
— Siège de Varsovie. — Succès des Polonais. — Insurrection de la
Grande-Pologne. — Sanguinaire proclamation du colonel prussien
Sekuli. — Déclaration, à ce spjet» dn conseil suprême de Varsovie.—
Les prussiens lèTcnt le siège. — Nou?elles désastreuses de la Lithuanie.
— Suwarow. — Départ de Rosciuszko pour Farmée de Lithuanie. —
Adresse du conseil suprême aux Polonais. «- Rosciuszko à Maciejowice.
—Bataille de Maciejowice. — Déliûte des Polonais. — Rosciuszko est
fait prisonnier. — Rosciuszko dans les cachots de la Russie. -— Quel-
ques détails sur ce chef révolutionnairCy depuis la défaite de Macie-
jowice jusqu'à sa mort.
La présence des armées ennemies sous les murs de la capi-
tale eut pour double inconvénient de porter le découragement
dans rame des patriotes, et de relever le courage des partis
royaliste et russe. Ces deux factions y étaient très-animées,
et demandaient alors à grands cris la punition des moteurs de
la dernière émeute. Les deux principaux accusés étaient deux
jeunes gens, dont Pun avait jadis été dans la chancellerie
de Kolontay ; l'autre servait encore Potocki en qualité de co-
piste au moment de ce mouvement. Les partis royaliste et
russe en tirèrent la conséquence que Fémeule était rou«
25
194 HISTOIRB
Trage de Potocki et de Koloniay. On répandit partout que ces
deux derniers étaient meurtriers par système, qu'ils cher*
chaient à accoutumer le peuple au sang pour le préparer an
massacre général des nobles ; que la vie du roi lui-même avait
été en danger^ qu'on voulait imiter en tout la Révolution
française^ et qu'on ne tarderait pas à voir en Pologne toutes
les fureurs révolutionnaires qui lui avaient imprimé un ca-
ractère si sauvage. L'interrogatoire des accusés avait été di-
rigé dans ce sens. Menaces^ promesses^ toutavait été employé
pour leur arracher des aveux qui inculpassent Potocki et Ko-
lontay; mais leurs dépositions n'avaient prouvé qu'une chose^
c^estque le zèle exalté n'a pas besoin d'inspirations étran-
gères pour agir avec emportement. Vers la mi-juillet» cinq
d'entre eux furent condamnés et exécutés.
Cette sévérité indisposa fortement les patriotes. Kosciuszko
fut assailli de plaintes, de remontrances. On lui fit observer,
avec raison^ que la lenteur avec laquelle on procédait à punir
: fes accusés de trahison envers la patrie, comparée à Pempres-
sement qu'on avait mis au châtiment des moteurs de l'émeute,
annonçait tout au moins dans les juges une certaine partialité
en faveur des premiers. Pour apaiser ce mécontentement,
Kosciuszko cassa les magistrats dont on se plaignait, et insti-
tua à leur place une commission militaire^ présidée par
Zajonczek.
Homme énergique et d'un patriotisme ardent, Zajonczek,
le jour de l'ouverture de ce tribunal exceptionnel, exhorta sqs
collègues à jurer comme lui d'être inexorables pour les trat-
très et les factieux, mais indulgents pour les faiblesses de la
nature humaine; en d'autres termes, c'était appeler les sévé-
rites de la loi sur tous ceux des accusés d'une opinion contraire
à celle des insurgés. Ce système fut suivi avec rigueur. Ea
peu de jour > une foule de patriotes dont le seul crime était
DE Là révolution folonaisb. 195
d'inspirer delà terreur aux factions ennemies, furent élargis;
les autres furent classés en deux catégories : les accusés de
délits politiques^ et les accusés de crimes d'Etat. Les premiers
furent passibles de travaux publics; la mort fut réservée aux
autres. Skarszewski^ évêque de Chelm; Félix Potocki^ Bra-
nicki Rzewuski^ promoteurs de la ligue de Targowice, furent
condamnés à mort. Kosciuszko commua la peine du premier
en une prison perpétuelle; les autres^ jugés contumaces,
furent pendus en efûgie. Le caractère moral de Kosciuszko
était fort éloigné de la sévérité que peut motiver parfois une
crise révolutionnaire. Ce chef général concevait une révolu-
tion sans aucun des excès qui la ternissent parfois ; telle, en
un mot^ que la France devait en donner l'exemple au monde
en 1830. Aussi crut-il devoir modérer le zèle un peu trop ar-
dent de la commission militaire. Les plus exaltés de son parti
le traitèrent de faible^ de modéré ; le parti opposé en conclut
que cette faiblesse prouvait seulement que les affaires des in-
surgés étaient en mauvais état, puisqu'ils s'adoucissaient à
regard des amis de la Russie. Ainsi, de part ni d'autre^ Kos-
ciuszko n'eut le mérite de sa modération. Les esprits s'aigris-
saient de plus en plus ; et si, pendant ce temps malheureux,
le calme sembla quelquefois succéder à l'orage, ces tristes
intervalles furent moins un état de repos qu'une suspension
d'arnies entre les factions ennemies qui s'observaient mutuel-
lement avec l'œil de la crainte et de la haine.
Le roi Stanislas, presque toujours dans l'ombre pendant
cette révolution, n'en agissait pas moins efficacement pour
amener la faction qu'il s'était formée dans l'armée, à secon-
der le parti qu'il avait parmi les nobles et les principaux
bourgeois de Varsovie. Il faisait répéter partout que l'en-
treprise de Kosciuszko était absurde et chimérique, et renou-
Teler en toute occasion des critiques, tantôt justes, tantôt
196 niSTOiRB
exagérées^ sur les opérations militaires. Ces frondeurs taxaient
de folie une résistance qu'ils s'efforçaient de rendre inutile :
ils exagéraient les souffrances et les dangers de l'armée,
ainsi que la force et l'activité de Tennemi, et par tous les
moyens^ entretenaient la haine ou semaient le décourage-
ment.
La cabale du roi l'emportait presque partout sur les patriotes,
que tant de reyers successifs commençaient i faire douter
du succès de leur cause. Au conseil national surtout, cette
cabale se montrait avec le plus d'audace. KoscîuszIlo avait eu
Fimprudence d'introduire, comme on Ta vu, les membres qui
qui lui avaient été désignés par la ville de Varsovie, et il re-
cueillait alors le triste fruit de sa condescendance. Des dis-
cussions irritantes s'y produisaient journellement, et quelques
unes avaient un retentissement qui portait le plus rude coup
àla cause des patriotes. Ainsi, par exemple, l'établissement du
papier-monnaie fournit aux royalistes Toccasion favorable de
décrier les opérations des insurgés. On fit une peinture sinistre
de ce système de finances, et le crédit et la confiance furent
immédiatement partout altérés.
Au milieu de toutes ces dissidences, de toutes ces intrigues,
de toutes ces haines qui couvaient dans l'ombre ou se pro-
duisaient ouvertement, le siège de Varsovie était commencé.
Située sur un coteau élevé de la rive gauche de laVistulela
ville de Varsovie domine les bords de la rive droite du fleuve.
Une plaine presque nue entoure celte capitale. On n'y ren-
contre que deux monticules, celui de Harimont, et un autre
plus éloigné, nommé Babia. La ville, n'ayant jamais été for-
tifiée, n'a pas même l'enceinte d'une muraille ; sa seule dé-
fense consiste en un rempart de terre fort plat, fait sans
aucun art. Dès que l'insurrection y avait éclaté, le comman-
dant du génie, Slerakowslii, avait, il est vrai, fait élever des
DE LA BËVOLCTION POLONAISE. 197
redoutes disposées de distance en distance autour de la Tille;
mais la plupart de ces ouvrages étaient encore en construction
au moment où Tennemi s'en était approché. On hâta les
travaux, on requit au nom du patriotisme» toutes les forces»
toutes les volontés pour accélérer cette œuvrede défense, et on
vit éclater un moment un de ces grands enthousiasmes qui
quand ils durent, sauvent un paya et illustrent un peuple.
Hommes, femmes^ enfants, jeunes et vieillards» (ont se mit à
Tœuvre ; les plus robustes se réservèrent les travaux les plus
rudes, les femmes charriaient la terre, gâchaient du mortier;
les enfants portaient des vivres au travailleurs, les vieillards
les encourageaient par leur présence ; tout annonçait le réveil
d'un peuple qui se dresse, formidable par sa seule unité, contra
toute inique oppression étrangère. Malheureusement ce ne fut.
qu^un de ces feux brillants qui éblouissent un moment pour
s'éteindre ensuite sans retour. Les factions russe et royaliste^
effrayées d'abord de cette recrudescence d'enthousiasme,
n'avait pas même essayé d'en arrêter le débordement : c'eût
été afficher de trop coupables désirs ; mais, répandant plus
que jamais mille insinuations malveillantes, semant partout
des défiances, propageantdes craintes, ils parvinrent à l'altérer
d'abord, et peu après à l'éteindre. On se fit part des insinua-
tions, on se communiqua les défiances, ou s'exagéra les
craintes; le travail commença à se ralentir; le nombre des
travailleurs libres diminua sensiblement» et, après quelques
quelques jours d'éphémère énergie, la majeure partie de
la population de Varsovie ne prit qu'un intérêt forcé à tout ce
qui se passait. Ces ouvrages de défense, faits si à la hâte, n'ins-
pirèrent plus de sécurité, et les troupes étrangères, qui rae^
naçaient la ville, accrurent, au contraire, les défiances.
Seule, l'armée polonaise, confiante dans sa valeur et son chef,
sans s'effrayer des cinquante mille ennemis qui l'entou-
108 HISTOIEB
raient^ crut encore à leurs projets sinistres et au bon génie
de la Pologne. Le reste, paysans, bourgeois, nobles, ce
qu^on appelé communément le peuple, parut ne vouloir assister
à la lutte qu'en spectateurs bénévoles et non en acteurs inté-
ressés. Sans les clubs ou les pouvoirs révolutionnaires cons-
titués au-dedans; sans Tarmée nationale campée au-dehors,
qui donnaient un peu de vie patriotique à cette ville insurgée
et assiégée, on se fût cru en pleine torpeur.
Pendant ce temps, les Prussiens, en attendant les Russes,
qui accéléraient la marche de leurs derniers corps, avaient
faitleurs dispositions pour mener le siège avec vigueur. Leurs
premiers efforts tombèrent sur Yola, village situé à deux
portées de canon en avant du front du camp de Czyste, aux
ordres de Zajonczek. Le 21 juillet, ils attaquèrent le village et
remportèrent. Ayant abandonné alors la position de Babia,
où ils s'étaient établis, ils portèrent leur camp sous Vola, y
élevèrent des batteries, et commencèrent à foudroyer le fau-
bourg et le camp de Czyste.
L'abandon de la position deBabia était, de la part des Prus-
siens, un acte dont Kosciuszko ne tarda pas à profiter. Il donna
Tordre à Poniatowski d'occuper la montagne de Babia, d'y
élever des batteries et de s'y maintenir. Les Prussiens se trou-
vèrent alors exposés à pouvoir être attaqués de tous côtés: sur
leur front, du côté de Czyste; en flanc, par Gorbe et tournés
par le village Babia. Reconnaissant alors la fautequUls avaient
faite, ils firent les plus grands efforts pour reconquérir cette
position ; mais ils ne purent y parvenir qu'après de grande»
pertes et des échecs successifs. Kosciuszko, commandant det
sorties de nuit et de jour, tantôt d'un camp, tantôt de Pautrci,
les harcelait continuellement; il semblait se multiplier : if
était partout. Son nom était dans toutes les bouches, soit
dans le camp des Prussiens, ou il inspirait la terreur, soit
DB LA RÉYOLUTION POLONAISE. 199
dans la Tille de Varsovie^ où tant de courage et d'activité
avaient fini par faire honte à l'indifférence des habitants. Le
succès croissant desarmespolonaises réveilla enfin leurardeur. '
Ils se mirent en masse à la disposition de Kosciuszko, et^ soos
ses ordres ou sous ceux des chefs qu'il leur donna^ firent des
sorties heureuses qui achevèrent d'exalter leur courage et
de décourager les Prussiens. Le moment où Kosciuszko vit les
habitants de Varsovie seconder de tout leur pouvoir le mou*
Tement révolutionnaire et rentrer résolument dans cette voie
de défense et d'agression qui seule pouvait assurer le salut
du paySj fut un de ceux où il se berça le plus du succès de sa
cause : illusion décevante, qu'il ne devait pas tarder à expier
dans les sombres et noirs cachots de la Russie.
Un événement qui pouvait avoir des suites incalculables vint
encore corroborer son espoir. La Grande-Pologne qui, lors
du partage de Grodno, avait échu au roi de Prusse^ venait de
se mettre en pleine insurrection, et commme là se rattache
une de ces pages si hideuses dont les fureurs sauvages ont rem-
pli les annales du monde^ nous allons rentrer dans quelques
détails à ce sujet.
Ce fut un Caslellan du palatinat de Cujavie. Mniewsls^i, qui
provoqua cette insurrection. On savait généralement que la
longue résistance de Varsovie provenait principalement du
manque de grosse artillerie et de matériel de siège. Un cou*
voi en était parti de Prusse et devait arriver, remontant la
Vistule sur plusieurs bateaux. Ce transport de munitions de
guerre arrivé aux Prussiens^ Varsovie» qui comme on l'a vu^ .
était en quelque sorte une ville ouverte, ne pouvait plus tenir* i
Mniewski conçut le projet de relarder sa soumission en
arrêtant le convoi de munitions. Ce coup était d'autant plus
hardi> que malgré toutes les peines qu'il se donna, il ne put
engager dans le complot que quatre-vingt-dix citoyens. Il fait
200 nisTOiEE
part aux conjurés de son projet^ fixe le lieu du rendez^vous,
et> au jour indiqué, n'y trouTe que trente des siens^ mais tous
déterminés comme lui* Avec celte poignée de braves, il com«
mence par surprendre la garnison prussienne à Brzézé, forte
d0 quarante^deux hommes.. Il marche de l&surVrodaveck;
mais ia garnison de ce lieu se amendait avec acharneméi!it^
lorsque les chanomes du lieu ayant forcé leurs domestiques h
aUèrau secouiâ de la garnison, ceux-ci s'y rendent^ mais
tuant au contraire, les [dus hardis^ ils livrèrent les autres à
HnieWdd.
Le bruit de cette insurrection et de ses succès ne tarda pas
a se répandre, etllnieveski voyait chaque jour grossir sa petite
troupe, qml atteignit bientôt le chiffre 4e cent hommes, n se
disposa alors à attaquer le traii3port, premier objet de son
opération. Utut à sarenooi^tre eoi descendant la Vistule» et
ne tarda pas k le joindre. 11 consistait #n plusieurs bateaux
escortés par un détachement de trente hommes, aux ordres
d*un officier prussien. Hniev^rski chargea l'escorte à la tète dies
siens et tut vigoureusement reçu; mais après un combat long et
acharné, les Prûssîens, aydnt perdu treize des leurs, mirent
bas les armes. Le transport fut pris, et, dans Timpossibilité de
le conserver, on le noya dans la Vistule. Cette action de
Hnievrsld équivalait au gain d'une bataille; elle délivrait enfin
Varsovie d'un siège long et pénible.
Les succès de Hniewski ranimèrent le courage des habi-
tants. Neuf cents fantassins armés de faulx, quatre cents cava-
liers se rallièrent à son drapeau. Profitant de Tenthousiasme
de sa troupe, il marche au^lavant des Prussieils,.les attaque à
Niesisawa, les bat et les force de se replier.' Dé Thorn jusqu'à
Téki il resta, maître de la rive gauche de la Vistule.
En apprenant ces progrès, Iq roi de Prusse détacha sept
mille hommes de l'armée qui faisait le siège de Varsoviet
1
V
vv
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 201
pour réprimer cette insarrection. Quatre mille hommes
étaient aux ordres du général Schevérine^ trois mille hom-
mes à ceux du colonel Sekuli. Ces deux chefs étaient charges,
par leur roi, des ordres les plus impitoyables, et le dernier
surtout, les exécutant à la lettre, laissa loin derrière lui
toutes les cruautés qui souillent les annales historiques. Voici
une proclamation qui dépasse tout ce que les fureurs révolu-
tionnaires ont jamais pu imaginer de plus barbare.
Proclamation de Sekuliy colonel dans lés armées du roi de
Prusse, contre les insurgés de la Grande-Pologne.
€ Sa Majesté, ayant remporté de grandes victoires sous
Varsovie, a bien voulu m'envoyer avec un corps considérable
dMnfanterie, de cavalerie et d'artillerie, pour apaiser les trou-
bles qui se sont élevés dans la Prusse méridionale. Sa volonté
est que toutes les juridictions continuent d^exercer leurs fonc-
tions. Quant à ce qui concerne les insurgés, elle a ordonné à
tous les tribunaux civils et ecclésiastiques de publier ce qui
suit :
c 1* Tous ceux qui seront pris les armes à la main, seront,
sans jugement, pendus sur le lieu même, sans miséricorde.
a 2"* Tous ceux qui ont été les chefs de Pinsurrection seront
pendue sans autre formalité; leurs biens seront conflsqués;
leurs femmes, si elles ont pris part à Tinsurrection, seront
pendues.
« 3* Si les insurgés se trouvent sur les terres des sujets de
Sa Majesté, et si le propriétaire ou son commis ne le dénonce
pas au commandant ou a la juridiction la plus voisine, t7 per^
dra la me. Si, ce qui est plus criminel encore, il cache de pa-
reilles bandes chez lui, i7 perdra la vie.
« 4* Toutes les personnes des deux sexes, sans distinction
26
202 HISTOIRE
d'âgey qui paraîtront suspectes^ seront envoyées, sans juge-
menty dans les forteresses, pour être employées aux travaux
publics. (
a 50 Les enfants de ces diverses classes de prévenus pour- ;
ront être entendus comme témoins ; ceux qui se refuseraient à
déposer seront envoyés dans les forteresses.
a En vertu de Tordre ejtprès de Sa Majesté notre gracieux
souverain, toutes les juridictions civiles et ecclésiastiques fe-
ront connaître, daus tout le pays, cette volonté immuable du
roi, afin que personne n^en prétexte cause d'ignorance, mais
que tous fassent leur devoir de rester fidèles à leur gracieux
souverain. Les ecclésiastiques publieront cette proclamation
tous les dimanches, sous peine de perdre leurs bénéfices.
a Fait au quartier de Sockaczen, le 30 août 1794. »
De tels actes n'ont besoin que d'être constatés ; le stigmate
de rhistoire ne peut rien ajouter à celui qu'ils impriment
d'eux-mêmes à leurs auteurs. Voici, du reste, au sujet de
cette sauvage proclamation, la déclaration que publia, le
29 septembre de la même année, le président du conseil su-
prême de Pologne, Aloïse Sulistrowski. C'est une noble pro-
testation.
Déclaration du conseil suprême, à r occasion de la
proclamation du colonel Sekuli.
€ Les menaces publiées par le roi de Prusse contre les
citoyens habitants de la Grande-Pologne, les cruautés atroces
exercées contre eux, exigent du conseil suprême de faire, au
nom du gouvernement polonais, une déclaration qui, met-
tant au grand jour la violence et Thorreur de pareils procédés,
puisse garantir la nation polonaise de toute inculpation ca-
lomnieuse, lorsqu'elle recourra, malgré elle, au triste droit
DB LA RiVOLUTIOR POLONAISE. 20S
de représailles. Non content de s'être emparé^ sans aucun
prétexte, des domaines incontestables de la république, et
d'avoir bravé la foi politique pour satisfaire sa cupidité, d'a-
Yoir publié et inventé cent calomnies dénuées de tout fonde-
ment contre la nation polonaise, le roi de Prusse, aujourd'hui,
pousse l'injustice et la déraison jusqu^à faire un crime aux
Polonais de défendre leur pays. Il donne des ordres sangui-
naires contre les citoyens qui prennent les armes pour résis-
ter aux siennes. 0 tyrannie monstrueuse !
a C'est dans cet esprit que le gouvernement prussien a fait
une proclamation dans laquelle toutes sortes de personnes
sont condamnées à être saisies et envoyées dans les forte-
resses; tous les citoyens qui combattent pour leur pays, pris
les armes à la main, sont destinés à la potence, et leurs
biens à la conflscation ; le sexe, l'ftge même, n^a pas trouvé
grâce auprès de ce farouche ennemi. Ce même esprit règne
dans les ordres sanguinaires qu'offre la correspondance entre
le roi de Prusse et le colonel Sekuli, laquelle a été inter-
ceptée ; déjà ces atroces proclamations ont produit les plus
cruels effets; plusieurs citoyens ont été enlevés de leurs
maisons , plusieurs ont été menacés du bourreau ; des
femmes même» dont les maris sont allés combattre pour leur
pays, ont été maltraitées ou tuées, et des enfants ont été forcés
de témoigner contre leurs pères. Horreur !
a Dans ce siècle de philosophie et de lumière, où les des-
potes doivent traiter leurs sujets avec humanité, ou au moins
avec justice, contre quelles personnes, dans quelle contrée le
roi de Prusse se permet-il de pareilles atrocités? Est-ce dans
son pays? Est-ce dans des provinces soumises à son gouverne-
ment despotique? Est-ce contre des hommes assez vils pour
avoir consenti à porter le nom de ses sujets? Non, il exerce
ses fureurs contre un peuple qui lui est étranger ; et l'Europe
204 nisToiBB
doit voir avec indignation que toutes ces cruautés sont diri-
gées contre les braves Polonais. Quels sont les hommes que
le roi de Prusse peut regarder comme suspects sur le terri*
toire polonais? A quia4-il le droit de donner le nom de re-
belles, parmi une nation souveraine qui ne veut conserver
que son intégrité et son indépendance? A quel titre vient-il
s'immiscer dans les affaires de la Pologne?
a Hais la voix dé la raison et de l'équité parle faiblement,
là où la cupidité et la violence se font un jeu de violer toute
justice pourvu qu'elles arrivent à leur but.
a En conséquence^ le gouvernement polonais est forcé de
déclarer que, si Tordre atroce donné par le gouvernement
prussien n'est pas révoqué, il recourra au droit de repré-
sailles^ en assurant solennellement aux militaires^ qu'il obser»
vera religieusement les droits de la guerre envers eux, tant
que, de leur côté, ils les observeront, mais en déclarant aussi
qu'il ordonne de saisir et d'arrêter les sujets prussiens, qui
seront pendus, par compensation.
a Sans doute il est honteux, au xvui* siècle, de recourir à
ces moyens sauvages ; mais que l'Europe juge par qui ils
sont provoqués. Calomniés, morcelés enfin» pour avoir dé*
fendu notre patrie tyranniquement persécutée, est-il en notre
pouvoir de respecter plus longtemps l'humanité envers nos
implacables ennemis ? Leur barbarie nous force à être barba-
res. Que le gouvernement prussien soit convaincu, par la
mort de ses propres sujets, que les droits violés envers une
autre nation nécessitent la même violation de sa part, qu'un
acte de barbarie retombe sur celui qui, le premier, en a
donné l'exemple, et, voyant à quelles extrémités il nous a
réduits lui-même, qu'il modère enfin sa rage. }
« Polonais, nos frères, ne craignez pas ces menaces, ni ].
môme les effets de la tyrannie prussienne ; votre salut est
DB LA EÉTOLUnOR POLOIIAISE. 205
dans votre courage. En restant dans vos maisons^ vous n'en
serez pas moins exposés à Temprisonnement, aux traitements
les plus cruels et à la mort. Eh bien ! il vaut mieux mourir
dans le combat que de se tenir enfermé dans ses foyers, pour
en être arraché par des brigands, pour être jeté dans les
cachots, pour être conduit à la potence ; la mort n^est terrible
que pour le lâche qui ne sait pas prendre un parti généreux.
Qui ne sait que la mort est bien plus terrible^ pour les enne-
mis que rien nMntéresse dans cette lutte, et qui ne son
pas assez aveugles pour ne pas s'apercevoir que leur despote
les expose, par sa cupidité et ses actes tyranniques, aux etTets
de votre juste vengeance? Vengez-vous sur la vie des enva-
hisseurs; qu'ils voient que la punition des crimes du gou-
vernement retombe sur des têtes innocentes ; qu'ils sentent
combien il est dangereux pour eux-mêmes de servir lâche-
ment d'instruments à un gouvernement injuste et tyranni*-
que, pour opprimer une nation qui ne s'est point rendue cou-
pable envers ses sujets.
a Habitants du pays du roi de Prusse, vous paierez de
votre vie votre obéissance aux ordres barbares de Frédéric-
Guillaume contre nos frères; cette vengeance, qui devrait
retomber sur sa têtCi retombera sur vous, si vous vous
rendez complices de sa cruauté. Quant à votre roi, songez
qu'il y a une justice au ciel, et qu'il faudrait désespérer
de l'humanité, si toutes ces infamies n*y trouvaient un juste
et terrible châtiment ! »
Après cette déclaration, la guerre, dans la grande Pologne,
; prit un de ces caractères d'atrocité dont il répugne à l'histoire
de retracer le tableau. Et à ce sujet une réflexion naturelle se
présente. Ce roi Frédéric-Guillaume II , cette czarine Cathe-
rine II, au moment ipême où ils donnaient contre la Pologne
ces ordres sanguinaires dont on ne trouverait d'exemples que
206 HISTOIRS
dans les plus sanglantes annales du passée se paraient impu-
demment d'une hypocrite indignation contre les excès de la
Révolution française. A la rigueur, cependant^ quelque hor-
reur qu'inspire Tefifusion de sang, on comprend jusqu'à un
certain point cette fureur d'une démocratie victorieuse et ir-
ritée, qui se croyait poussée dans une voie sanglante par une
nécessité fatale. Si ce n*était là une excuse, c'était du moins un
motif. Mais quel motif, quelle excuse pour cet instinct sangui-
naire? Frédéric-Guillaume, Catherine, Tun imbécille et débau-
ché, ordonnant des massacres au sortir d'une séance fantas-
magorique de charlatans qui le dominaient Tautre, épouse ho-
micide, signant l'extermination d'un peuple entre une déU-
rante orgie de volupté ! Tant de cruauté à froid n'est-elle pas
de la monstruosité? et, à part le titre d'homme, que peuvent
avoir d'humain de pareilles natures?
Cependant le roi de Prusse, effrayé de l'extension que pre-
nait l'insurrection de la Grande-Pologne, essaya de pousser
plus activement le siège de Varsovie. Hais, avant, il essaya de
la corruption. Il fit offrir aux officiers polonais de brillantes
faveurs s'ils voulaient abandonner Kosciuszko. Hais, en cet
homme, alors, semblaient se résumer les destinées de la Po-
logne, et parmi tous ses officiers Frédéric-Guillaume ne trouva
pas une âme à corrompre. Tous révélèrent publiquement les
offres qui leur avaient été faites ; ils renouvelèrent le serment
de vaincre ou de périr, et le roi de Prusse en fut pour la honte
de ses avances.
Outré de ce mécompte, Frédéric-Guillaume résolut de livrer
un assaut général; mais, quoique Varsovie fût en quelque
sorte une ville ouverte, les assiégeants ne purent y pénétrer.
A chacune de leurs attaques, ils furent vivement repoussés ,
et une fois encore, il fut prouvé que si, pour désunir les Polo-
nais et diviser leurs forces , Catherine et Frédério-GuiUaume
DB LA BiVOLUTIOlf POLORAISE. 207
n'avaient pas eu îDcessamment recours à ces moyens iniques
ou infâmes que la morale universelle flétrit des noms les plus
abjects, et que la morale de la politique range parmi les qua-
lités des gouvernants, il fut prouvé^ disons-nous, que sans
cela la Pologne eût été le tombeau de ces deux armées enva-
hissantes.
Quoiqu'il en soit, Frédéric-Guillaume éprouva de ses échecs
une risible colère, et, semblable à ces poltrons qui, par un
vain bruit, veulent s'en imposer à eux-mêmes, il ordonna de
canonner les camps et la ville. Mais cette fois encore, les sor-
ties fréquentes et souvent heureuses des assiégés, le dégoûtè-
rent bientôt. Aussi, dans la nuit du 6 au 7 septembre 1794,
après sept semaines de fatigues et d'efTorts inutiles, sept se-
maines pendant lesquelles des combats sanglants s'étaient li-
vrés tous les jours , il leva le siège et commença sa retraite.
Malheureusement la longueur du siège avait tellement épuisé
les troupes polonaises, les détachements qu'on avait été obligé
d'en faire pour parer à tous les dangers, les avaient éparpil-
lées, que Kosciuszko ne put rien entreprendre contre un en-
nemi qui se retirait, du reste, en ordre. 11 lança cependant la
cavalerie polonaijse à sa poursuite^ mais avec ordre précis de
ne pas engager de combat.
La levée du siège par les Prussiens causa dans Varsovie et
dans la Pologne entière une joie inexprimable. Cette sorte de
victoire inattendue remplit tous les cœurs de jubilation et
d'espoir, et fit trêve un moment aux émotions douloureuses
des derniers temps. Pour la première fois depuis de longs
jours, la ville revêtit un air de fête : on ne s'abordait que le
sourire sur les lèvres, l'espérance dans les regards , et nul de '
ces malheureux ne soupçonnait que ce jour si beau était le
dernier beau jour qui allait luire pour leur infortunée patrie!
Kosciuszko, cependant, enivré comme les autres de cet im-
208 histoihe
portant saccès, crut un moment que cette levée de siège pou- ^
Tait avoir quelque chose de décisif^ si les opérations subsé-
quentes lui venaient en aide. Deux objets de la plus grande
importance Toccupaient alors. Il s'agissait de porter secours
aux insurgés de la Grande-Pologne , et ensuite d'empêcher la
jonction du corps russe qui avait été au siège deVarsoviei avec
les troupes de celte nation qui opéraient en Lithuanie. La pre-
mière de ces deux opérations offrait mille difficultés et mille
périls, et il était presque impossible de la mener à bonne fin
sans faire une trouée dans Farmée prussienne, qui, ayant dé-
mesurément étendu ses lignes, s^avançait vers la Grande-Po-
logne comme un vaste croissant. Le général Dombrowski, que
Kosciuszko en chargea , sut triompher de tous les obstacles.
Arrivé à sa destination avec une faible colonne de deux mille
hommes, il attaqua et battit le colonel Sekuli^ ce féroce exé-
cuteur des ordres sanguinaires de Frédéric-Guillaume; il prit
la ville de Bydgoszez. Rejoint peu après par Poniatowski^ qui
avait été envoyé avec un corps de six mille hommes pour sou-
tenir ses opérations, il fut d'un grand secours aux insugés, qui,
dès ce moment, prirent partout Tinitiative do l'attaque.
La seconde opération offrait en apparence moins de diffi-
cultés dans son exécution ; mais, par suite du peu de troupes
dont pouvait disposer Kosciuszko, elle était en quelque sorte
inexécutable. Il s'agissait, en effet, de fermer le passage de la
Yistule au général Fersen^ qui, après la levée du siège de Var-
sovie, voulait Teffectuer avec quatorze mille hommes. Kos-
ciuszko^ sans se dégarnir entièrement, ne pouvait disposer
que de quatre mille hommes, moitié milices palatinales nou-
vellement levées, moitié corps francs, qu'on avait commencé
d'organiser. Tout cela ne formait qu'un ramas de gens aussi
mal choisis que mal armés, sans discipline et sans ensemble*
Le commandement de cette division fut confié à Adam Ponin*
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 209
ski^ qui ne put empccber Fersen de forcer le passage de la
Vîstule sous Koziènice.
A peine Kosciuszko eut-il pris les mesures les plus urgentes,
qu'il reçut des nouvelles désastreuses de laLithuanie. Mokro-
nowski^ au lieu de déployer une grande activité, dans un mo-
ment oùles armées ennemies étant encore éparpillées^ la vraie
prudence consistait à tout risquer^ avait imperturbablement
gardé la position de Grodno, que nul ne songeait encore à lui
disputer. Pendant ce temps, Sierakow^ski^ écrasé par des forces
supérieures, après avoir soutenu un combat très-vif et très-
meurtrier contre la division de Derfeld, près de Bereza, avait
reculé à Brzézé et traversé le Bug. Là, fatiguées d'une longue
marche et abattues par l'échec qu'elles venaient d'éprouver,
ses troupes n'avaient pas eu le temps de prendre un peu de
repos, lorsque Suvrarow, qui s'était approché à son insu à mar-
ches forcées, inslruitdudésordre et du découragement de l'ar-
mée polonaise, l'attaqua, la battit et la mit en pleine déroute.
Sierakowski, ayant ramassé son armée sous Janow, à dix lieues
de Brzézé, trouva ses forces diminuées de moitié ; il avait, ea
outre, perdu toute son artillerie ^ consistant en vingt-cinq
pièces de canon.
Ce SuwarovfTy qui venait d'intervenir d'une manière si fa-
tale pour la Pologne, est déjà connu du lecteur. C'est le même
qui, lors de la confédération de Bar, s'était rendu célèbre par ]
ses instincts sanguinaires; c'est le même qui, dans cette ^
nouvelle guerre, allait mériter une seconde fois le surnom del
boucher; c'est le même qui passa en Europe pour invincible,
jusqu'au jour 011, à la suite de la brillante journée de Zurich
:il799), Hasséna devait l'écraser, lui et ses bandes.
1 Quelques mots sur cet homme, qui a joué un rôle si triste-
ment célèbre dans le massacre de la Pologne en 1794^ ne se*
aont pas déplacés ici.
27
210 HISTOIEE
Suwarow, dont on a très-diversement parlé, était un bomn>&
extraordinaire par Toriginalité de son caractère, de ses
mœurs, de son langage, de sa conduite, et surtout de sa fé-
rocité. Il avait adopté des manières grossières, et alToctait
une originalité qu'il poussait parfois si loin, qu'on l'aurait
pris pour un fou ou pour un imbécile. Sa brusquerie, ses
bons mots exprimés en langage populaire, ses habitudes tar-
lares plaisaient singulièrement au soldat russe, devant lequel
il atûcbait la dévotion la plus superstitieuse, portant toujours
sur lui une image de la Vierge, de saint Nicolas, et faisant à
tout propos des signes de croix. A la veille d'une bataille, il
ne manquait jamais de faire mettre à Tordre du jour que ceux
qui seraient tués le lendemain iraient en paradis. Si c'était à
la veille d'un assaut, il ajoutait : « Demain malin je ferai mes
« prières, je m'habillerai, puis je chanterai comme un coq, et
^ vous monterez à l'escalade suivant les dispositions que j au*»
« rai prises. » Il porlait ordinairement à l'armée, pour vête*
ment, une pelisse de peau de mouton, affectait une grande
malpropreté, changeait de chemise en plein air, devant les
soldats, et proscrivait toute espèce de luxe dans les camps. Il
disait ordinairement à ses soldats : « Quand vous vous battrez
« contre les Turcs, enfoncez seulement la baïonnette : s'ils en
<x reviennent, nous les aurons une autrefois; mais contre les
< Polonais faites le vilbrequin avec la baïonnette, pour qu'ils
« n'en reviennent pas. »
j Nommé colonel à vingt-deux ans, par suite de la bravoure
et des talents qu'il avait déployés dans la guerre de sept
ans, il fut successivement nommé major-général après ses,
succès contre les confédérés polonais en 1769 et 1772 ^
lieutenant -général en 1783, général de division après:
avoir soumis les Tartares du Kouban et de Boudriack. En
juillet 1789, il contribua puissamment au gain de la bataille
DE LÀ BÉVOLUTION POLONAISE. 211
(le Forahni ; deux mois après il dégagea, avec dix mille Ros-
ses, une armée autrichienne cernée par plus de cent mille
Turcs^ et fut nommé général en chef. La prise dMsmaïl suivit
de près cette victoire. La place avait résisté pendant sept mois
au général GondoTvitzch, et le siège venait d'être levé^ lors-
que l'orgueilleux Potemkin, voulant réparer cet échec^ or-
donna à Suwarow d'emporter la place à tout prix. Ce général
obéit et commanda Tassant^ en recommandant à ses soldats
de ne point faire de quartier : Car, leur dit-il dans le cynique
langage qu'il affichait^ les provisions sont chères. Deux fois
les Russes furent repoussés avec une perte énorme; mais au
troisième assaut^ ils s'emparèrent des ouvrages extérieurs et
pénétrèrent ensuite dans la place^ où ils égorgèrent avec une
inhumanité atroce tous les habilants, sans distinction d'âge
et de sexe. Suwarow^ plus féroce encore que ses soldats, les
encourageait au carnage et leur criait d'une voix de taureau :
Koli/ kolil (tue! tue!). Plus de trente-trois mille Turcs>
hommes^ femmes, vieillards^ enfants^ furent ainsi égorgés à
froid. Il fallut huit jours pour enterrer les morts. Après les
massacres des confédérés polonais, en 1772^ Suwarow avait
été surnommé le farouche : Catherine l'avait nommé grand -
croix de l'ordre de Wladimir, et lui avait fait présent d'un
panache en diamants. Après le massacre d'Ismaïl, Suwarow
avait reçu le surnom de boucher : Catherine l'avait décoré de
l'ordre de Saint-André, le premier de Fempire^ et lui avait
fait don de son portrait enrichi de diamants. On ne sait trop
où se serait arrêtée cette munificence impériale^ si Catherine,
alors déjà fort vieille^ ne fût descendue dans la tombe quel-
ques années après, et si Suwarow avait persévéré dans ce
genre d'exploits que récompensait si magniûquement sa
noble souveraine. Suwarow^ du reste, avait toutes les qua-
lités nécessaires pour conduire des soldais à demi civilisés.
212 HISTOIRE
tels qu'étaient alors les Russes, et tels qu'ils sont encore au-
jourd'hui.
Tel était Thomme que Catherine avait envoyé en Pologne
pour y sceller^ par des flots de sang^ raccomplissementde ses
, sinistres projets.
y Dès que Kosciuszko apprit la défaite de Sierakowski et le
passage de la Vistule par le général Fersen, qui s'avançait à
marches forcées pour se joindre à Suwarow, il résolut de ten-
ter à tout prix d'empêcher cette jonction. Il donna des ordres
pour renforcer Tarmée de Lithuanie^ et annonça qu'il allait
se mettre à sa tête.
Dès que cette nouvelle se répandit dans Varsovie^ deux sen-
timents contraires agitèrent la population, la joie et la dou-
leur. Quelque contradictoire que paraissent ces deux senti-
ments^ l'opinion qu'on avait de Kosciuszko et de son carac-
tère les motivait Tun et l'autre. En effet, jamais, avant Kos-
ciuszko, tribun voué aux intérêts d'un peuple n'avait inspiré
ni autant de confiance ni peut-être autant de sympathie que
lui. Il semblait à la fois le chef et le père des gens de son
parti. Soit que Texcès de la souffrance eût rendu intolérable
ce qui élait, soit que le désir de l'indépendance seul eût
donné une sorte d'exaltation aux esprits, Kosciuszko apparais-
sait à ces malheureuses populations comme un de ces êtres
surhumains de qui on peut tout attendre, bien plus, de qui
seul on doit tout attendre. On comprendra dès lors sans peine
comment Fannonce du départ de Kosciuszko pour Tarmée
excita de la joie, parce qu'on crut à une victoire certaine, et ;
comment ce même départ excita de la douleur, parce qu'on
ne se crut plus en sûreté dès que Kosciuszko se serait éloigné.
Kosciuszko, du reste, méritait cette confiance et cette sympa-
thie ; car peu d'hommes élevés au faîte d'un État ont daigné,
comme lui s'abaisser jusqu'à la misère et la douleur. Pour lui,
DE LA BËVOLDTION POLONAISE. 213
tout homme était un homme^ et il ne s'est jamais enquis de
ses titres ou de sa position sociale pour baser sur ces dons du
hasard son accueil, ses bienfaits ou ses grâces.
Pour tâcher de tirer parti de ce moment d'enthousiasme et
Tattendrissement qu'avait fait naître Tannonce du départ de
.Cosciuszko, pour galvaniser, en quelque sorte^ ce corps déjà
mort de la Pologne^ le conseil suprême national ûlà la nation
une adresse qui est une des plus énergiques et des plus so-
lennelles protestations qu'un peuple audacieusement ou-
tragé ait jamais lancées à la face d'iniques spoliateurs.
a Peuples de l'Europe et du monde^ 7 était-il dit, jetez les
yeux sur la Pologne, et soyez juges si jamais plus d'infamies
ont été amoncelées pour consommer une iniquité. Le crime
parti du haut de deux trônes se montre enfin à découvert,
dédaignant le masque hypocrite qui, jusqu'à présent, cachait
ses perfides desseins.
a Des rois osent nous engager à la guerre civile 1
a Des rois entassent des mensonges et des calomnies pour
grossir des griefs imaginaires et se jouer ainsi de la foi
publique !
d Ils menacent de la fureur de leurs troupes tous ceux qui
refuseront d'entrer dans une conjuration contre la patrie I
a Ils leur annoncent le comble des maux, les persécutions,
la mort! Us font plus : ils mettent à exécution leurs menaces!
a Ils donnent l'exemple de tous les crimes; que tous ces
crimes retombent sur leurs têtes?
« Ils ont renversé les droits sacrés de tous les peuples. Peu-
ples, voyez et jugez ! » (
Après cet appel solennel, qui ne devait pas être perdu pour
l'avenir, le conseil suprême s'adressait ainsi aux Polonais :
a Et vous, Polonais, nous vous avertissons que la Pologne
est actuellement en état de défense contre l'irruption des
2H HISTOIRE
troupes russes et prussiennes. Pleins de confiance dans la va*
leur et le patriotisme de la nation, vos chefs vont opposer aux
etTorts que fait l'ennemi pour détruire la republique, tous les
moyens que leur suggérera Tamour de la patrie.
' a Cette époque, courageux Polonais, va décider du sort de
notre pays. Que l'amour de la pairie enflamme voire courage.
Songez que vous combattez pour vos lois, pour votre liberlc,
pour vos femmes, pour vos enfants, pour tout ce que vous
avez de plus cher.
<c Une armée que votre zèle a créée, que vos fortunes en-
tretiennent, se voue à votre défense; sa bravoure, son intré-
pidité ne peuvent manquer d^anéanlirles entreprises de Ten-
nemi. Ce noble feu, cet empressement pour voler à la défense
de la patrie, ce dévouement qui n'appartient qu'aux nations
libres, font naître dans nos cœurs un favorable espoir.
« Chaque instant augmente nos espérances : les offrandes
volontaires s'accumulent, les citoyens se réunissent en foule
à Tarmée; l'amour de la liberté enflamme tous les cœurs;
chacun paie son tribut à la patrie. Le Dieu de nos pères à qui
nous devons ces nobles résolutions, ce Dieu eu qui nous met-
tons toute notre confiance, qui connaît la pureté de nos vues,
bénira nos armes et assurera le triomphe de notre cause.
« Mais, citoyens, c'est l'union, c'est la constance qui doi-
vent être nos armes les plus puissantes ; eu vain opposerions-
nous la force à la force, si la division régnait parmi nous.
Une guerre étrangère n'est jamais si désastreuse que des dis-
sensions intestines. Aucune attaque étrangère a-t-elle clé cou-
ronnée de succès lorsque nos pères, unis par les liens de la
concorde, combattaient pour leurs foyers ? Us les ont repous-
sces toutes, et nous sommes les fils de nos pères !
a Bientôt la voix du mensonge et de la calomnie se fera
entendre; bientôt la trahison fera circuler des écrits impos-
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 215
teurs. Ceux qui, dans leur vengeance atroce, ont pu sans
. frémir menacer leur patrie et guider contre elle des cohortes
étrangères, désespérant de vous vaincre à force ouverte, ne
• manqueront pas de calomnier ceux qui vous gouvernent pour
TOUS inspirer des soupçons et tâcher de semer parmi vous la
discorde. Armez>vous de constance, et repoussez les perQdcs
insinuations des calomniateurs et des traîtres.
a Quelle confiance méritent des troupes qui se proposent
la destruction d'un pays? Quelle confiance méritent leurs
chefs 7 Que devez-vous en attendre? l'esclavage. Que mcrilent-
ilsdevous? la mort.
a Vous savez déjà ce que vous coûte la dure tutelle de la
Russie, la perfide amitié de la Prusse. Vos représentants en-
levés du milieu de vous, votre noblesse traitée indignement»
les habitants arrachés de leurs foyers et transplantés sur une
terre ctrangërc, enfin FElat morcelé, telles ont été les suites
de cette tutelle, de cette amitié. Ce que ces puissances ont fait
une fois, elles veulent le refaire encore.
c Oh ! que Catherine et Frédéric-Guillaume parviennent
à vous tromper un instant, et bientôt vos anciennes plaies
seront rouvertes; un déluge de maux fondra sur vous; et no-
bles et bourgeois sentironts'appesanlir sur eux un joug qu'on
rendra d'autant plus pesant, qu'ils ont osé vouloir être libres.
Et vous, laborieux habitants des campagnes, vous que la loi
avait pris sous sa protection, vous serez arrachés de vos
champs fertiles, et transportés par milliers dans des solitudes
incultes. Enfin un nouveau partage de la Pologne et l'extinc-
. tion du nom polonais seraient le dernier acte des scènes bar-
bares qu'ont machinées ces iniques oppresseurs.
a Citoyens, vous connaissez vos dangers. Puisse Tamour
de la patrie enflammer vos cœurs! puissent les liens de la
fraternité vous unir en un seul faisceau I Le chef général
216 HISTOIRE
que vous vous êtes donné brûle de verser pour sa patrie
le sang qu'il puisa dans son sein ; c'est notre vœu à tous.
Nous ne craindrons point d'exposer au hasard des combats
des cheveux blanchis par Tâge. Suivez nos drapeaux; ce sont
ceux de l'honneur. Qu'une émulation héroïque nous embrase
tous d'un noble feu. Du courage, de la constance^ de l'union,
et tous les obstacles seront renversés, et nos descendants, heu-
reux par notre dévouement, béniront à jamais leurs an-
cêtres.
« Et toi. Dieu de nos pères, Dieu protecteur qui lis dans
nos âmes, dirige notre courage, resserre notre union, bénis
les efforts de nos guerriers. Ce n'est, tu le sais, ni l'orgueil ni
l'ambition qui nous inspirent, mais l'amour sacré de la li-
berté, dont tu plaças le germe indestructible dans le cœur de
l'homme, mais l'amour de ce pays que tu viens d'arracher à
la destruction. Un peuple entier, qui toujours adorera ton
saint nom, t'adresse, par la bouche de son chef, cette humble
prière ; exauce-la, et des actions de grâces célébreront à jamais
ta protection puissante, o
C'est par de telles excitations que le conseil suprême cher*
chait à réveiller tout ce qui pouvait sommeiller encore d'en-
thousiasme et de patriotisme dans les cœurs polonais ; mais
on ranime peu ce qui n'a plus de vie, et, à part quelques âmes
d'élite, le reste de la nation polonaise était, par suite de siè-
cles d'anarchie, déjà réduit à l'état de cadavre. Longtemps
encore ces différents réveils ne devaient être que des convul-
sions d'agonie. Ce triste pressentiment semble percer dans la
proclamation que, avant de se mettre en marche contre les
Russes, Kosciuszko adressa à ses compatriotes. Voici ce docu-
ment, qui exprimait à la fois ses craintes et ses espérances, et
où règne un ton de mélancolie qu'on rencontre rarement
dans ces sortes d'œuvres :
CE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 217
c Chers concitoyens et frères,
«( La liberté, ce bien inestimable^ le plus grand dont il soit
donné de jouir ici-bas, n^est accordé par une divinité bienfai-
sante qu'à la nation qui^ par sa persévérance, son courage et
sa constance au milieu des adversités, sait s'en rendre digne.
Cette vérité est prouvée par Texemple des peuples qui, après
une lutte longue et pénible, jouissent maintenant dans la paix
des fruits de leur courage.
a Polonais, qui, à Pinstar de ces braves nations, aimez votre
patrie, qui avez souffert mille fois plus de dédain et d'op-
pression.
« Polonais, qui, animés d'une bravoure vertueuse, ne
pouvez supporter plus longtemps les injures dont on accable
le nom polonais ; vous qui vous êtes levés pour défendre la
patrie contre le despotisme, conservez, votre général vous en
conjure, conservez ce courage héroïque ! Les peines et l63
fatigues, le sacrifice de votre fortune, seront les suites de cette
lutte contre un ennemi superbe. Hais il faut beaucoup sacri-
fier pour sauver le tout; il faut souffrir un instant pour jouir
d'une félicité durable. N'oubliez pas que ces souffrances, si
toutefois on peut appeler ainsi ce qu'on supporte pour la
patrie, sont passagères, et que la liberté vous promet un bon-
heur long et durable. »
Ce fut le 29 septembre 1794 que Kosciuszko sortit de Var-
sovie pour aller au-devant des Russes. La population entière
s'était portée sur son passage. Dans l'enthousiasme de cette
foule qui se pressait sur ses pas et qui ne voyait que lui au
' milieu du brillant état-major qui l'accompagnait, tout était
réel, sincère; c'était cet élan instinctif d'un peuple altéré de:
liberté sans trop la comprendre et qui ne sait encore que la
révérer dans ce qui lui en apparaît comme le vivant symbole.
Cette sorte d'adoration pour un homme dont on attend un
28
218 HISTOIRE
bien moral, dont on n'apprécie qu'inslinclivcmenl la valeur
et le caractère, se reproduit parfois dans le monde physique
• d'une manière à peu près analogue; ainsi, par exemple, le
• sauvage adore le soleil, qui le réchauffe et fait mûrir ses fruits.
Les classes inférieures de la Pologne, malgré leur répugnance
à servir la cause de la liberté, en étaient venues à ce point de
vénération pour Kosciuszko. Ce chef général était, dans toute
Tacceplion du root, une idole pour elles; seulement, au
milieu de l'oppression séculaire qui n'avait cessé de les
écraser, rien ne leur ayant jamais démontré l'utilité de
leurs efforts individuels, elles attendaient tout de lui, tou-
jours à peu près comme le Sauvage, qui attend la maturité
des fruits sans s'être donné la peine de semer ou de planter.
Sur toute la roule, Kosciuszko reçut le môme hommage,
excita les mômes transports ; le 2 octobre, il arriva à Macie-
jowîce, où il trouva l'armée de Sierakowski dans un état plus
délabré encore qu'il n'avait cru. Il avait pensé qu'après la
jonction des divisions Poninski et Zielinski, qui n'en étaient
qu'à une grande journée de marche, elle se monterait à qua-
torze mille hommes, et qu'il pourrait alors tenter le sort
d'une bataille pour empêcher la jonction de Fersen avec
Suwarow ; mais Poninski n'avait pas rejoint, et Zielinski n'a-
vait envoyé que quelques escadrons de mauvaise cavalerie.
Kosciuszko alors eût évité le combat, ou l'aurait au moins
retardé, si Fersen n'eût préféré en venir à une action, que de
laisser derrière lui une armée qui l'aurait gêné dans sa mar-
che sur Brzésé, où se trouvait alors Suwarow. Le i octobre, ,
ii attaqua l'armée polonaise. Kosciuszko, dès la veille, avait
expédié à Poninski l'ordre d'arriver à marche forcée, et d'en-
trer immédiatement en ligne sur un point qu'il lui désigna ;
cette division devait former la gauche des Polonais. Par les
dispositions heureuses qu'il avait prises, Kosciuszko se flattait
DE LA nËYOLCTION POLO?!AISE. 219
de pouvoir tenir en échec rennemi, jusqu'à Tarrivéc Uo
Poninski. Malheureusement^ Tordre qu'il lui envoya fut inter-
. ccpié par les Russes^ qui, dès le début de Taction, agirent, du
reste, de manière à persuader à Kosciuszko qu'il pouvait
compter sur la jonction de son lieutenant. En effet, au lieu
d'attaquer par la gauche qu'ils savaient dégarnie» ils semblè-
rent réunir tous leurs efforts pour attaquer la droite. Kos*
ciuszko, comptant plus que jamais sur Poninski, facilitait lui-
même ce mouvement qui assurait son avantage et faisait
pivoter son centre sur sa droite , de telle sorte qu'en arri-
vant, Poninski se trouvait naturellement en ligne, et prenait
en flanc la droite des Russes. L'action fut des plus meur-
trières à son début ; les Polonais y eurent un moment de
succès ; quelques bataillons russes, très-maltraités, avaient
plié et abandonné leurs canons, et nul doute que si Poninski V
fût arrivé en ce moment, la fortune, qui avait toujours
secondé la valeur de Kosciuszko, ne Teût secondée une fois
encore. Il n^en fut pas ainsi. Une forte division de cavalerie
russe ayant chargé en muraille du côté qui devait êire
occupé par la division Poninski, tout le flanc gauche des Po-
lonais se trouva rompu et refoulé sur le centre, où il jela la
confusion et le désordre. Dès ce moment, la bataille fut per-
due. Kosciuszko fit humainement tout ce qu'il était possible
de faire pour rétablir le combat ; mais ce fut en vain. Les
troupes débandées ne reconnaissaient plus la voix de leur gé-
néral, elles fuyaient dans toutes les directions. Kosciuszko
désespéré veut tenter un dernier effort ; il prend un régiment
de hulans, s'élance à sa tète au milieu des colonnes ennemies,
et parvient à y jeter un moment de trouble; partout où il
passe, il fait de larges trouées ; mais bientôt, ses hulans tom-
bés un à un mollissent et il n'en reste plus qu'un petit nombre
qui se groupent autour de leur chef, l'arrachent à une mort
220 HISTOIRE
certaino et Tenlralnent ; son cheyal s'abat en sautant um
haie ; un cosaque qui le poursuivait lui donne un coup da,
lance ; un carabinier, accouru en même temps^ lui assène un
coup de sabre à la tête ; déjà blessé d'une balle dans la cuisse
et de cinq à six coups de baïonnette dans le corps> affaibli paf
le sang qu'il avait perdu, il tombe sous un dernier coup en
prononçant, les yeux levés vers le ciel quHl semblait accuser,
ces deux mots malheureusement prophétiques jusqu'aujour-
d'hui : Finis Poloniœf
Une grande partie de l'armée polonaise périt dans cette ba-
taille, le resté fut fait prisonnier ; toute l'artillerie fut perdue;
trois otûciers-généraux, Sierakowski, Kniazjewiz et Kaminski
furent pris. Jusqu'au soir, la cavalerie russe, à la poursuite
des fuyards, ne cessa de sabrer et de tuer. Les vœux de l'Eu-
rope et du monde avaient suivi Kosciuszko dans cette lutte
héroïque ; mais la fortune s'était déclarée contre lui. Le
champ de bataille de Maciejowice devait être le Philippi de la
Pologne.
Gisant sans connaissance, au milieu des morts, Kosciuszko
fut reconnu par l'ennemi, traîné du champ de bataille à
Kriow, au quartier-général russe, et de là expédié à Saint-
Pétersbourg : friand cadeau du général Fersen à Cathe-
rine II!
Dès ce moment, commença» pour celle idole populaire
qu'un coup de la fortune venait d'abattre, une de ces longues
et douloureuses tortures dont les tyrans de tous les âges sem-
blent s'être transmis la recette. Catherine, en cela, était
passée maître, et jamais ennemi vaincu n'avait trouvé grâce
devant ce cœur sans noblesse, où il n'y avait place que pour
l'ambition.
Moins que tout autre, Kosciuszko pouvait compter sur la
générosité de la czarine; car le vice même, quelque chonté
DB LA RiyOLUTION POLONAISE. 221
quMl soit, la fàa$se grandeur quelque fayorablement préve-
nue qu'elle soit, sentent d'instinct la supériorité de la yertu et
|de la Traie grandeur^ et Catherine, dans l'avenir^ se voyait
I moins honorée, moins grande sur le trône, que Kosciuszko
dans les fers. Cette femme, si a?iâe de son vivant de gloire et
de renommée, comme si elle eût pressenti qu'à sa mort, le
hurin de Thistoire rayerait impitoyablement toute cette gloire
et cette renommée d'emprunt, se vengeait en Kosciuszko,moins
de rbomme du présent que de l'homme de l'avenir. Aussi,
avant même que les glorieuses blessures qu^il avait reçues à
M aciejovfrice fussent fermées, n'eùt-elle pour lui ni de fers assez
lourds, ni de geôlier assez barbare, ni de cachot assez infect
dans la forteresse de Peltro-Pawoiwsks, où elle le fit enfermer.
Couché sur le sol humide d'un sombre souterrain, les
mains et les pieds chargés de chaînes, sans autre nourriture
qu'un pain noir et dur, sans autre boisson qu'une eau crou-
pie dont les sbires de la czarine se montraient même avares,
sans feu en hiver, sans air en été, presque sans vêtements en
tout temps, entièrement privé de nouvelles de l'extérieur, il
passa dans ce cachot deux années, deux longues années, pen-
dant lesquelles jamais un rayon de soleil ne réjouit sa Tue,
jamais la douce dialenr du feu ne dégourdit ses membres,
jamais une main amie ne pressa la sienne, pendant lesquelles
enfin il ne put échanger une seule fois , avec quelqu'étre
compatissant, un mot de consolation ou d'espérance.
Mort en quelque sorte au monde, et dans le doute de ce qui
se passait au dehors, il se berçait parfois d'une étrange illu-
sion ; il espérait, ou que la Révolution française vengerait sa
patrie écrasée, ou qu'un restant de pudeur de la part des Cabi-
nets non complices de la Russie et de la Prusse motiverait
quelque protestation qui pourrait tourner à l'avantage de la
Pologne. Cette pensée était seule sa consolation; seule elle
222 HISTOIRE
berçait ses malheurs, seule elle endormait ses souffrances.
Pologne I liberté ! tel avait été le rêve de toute la vie de cet
homme^ et^ dans les fers^ il trouvait une secrète joie à croire
tromper la rage de son bourreau^ en faisant des vœux pour
Tune et se passionnant plus que jamais pour Tautre.
A cette même époqne, Lafayetle gémissait pour cette même
cause dans les cachots d'Oimufz. Triste analogie du sort de
ces hommes qui^ après s'être trouvés ensemble défendant la
liberté en Amérique» expiaient en Europe, Tun dans les fers
de l'Autriche, Tautre dans ceux de la Russie, leurs généreux
efforts pour le triomphe d'une cause dont ils étaient à la fois
les apôtres et les martyrs.
Depuis le jour de la bataille de Maciejowice, le nom de
Kosciuszko ne figura dans les annales révolutionnaires de
son pays, que comme un glorieux souvenir d'une héroïque
lutte, ou comme l'emblème d'un de ces bons génies que les
peuples, dans leurs détresses, ne manquent jamais d'invo-
quer. N'ayant plus à nous occuper de lui qu'à ce double titre,
dans ce qui nous reste à raconter des révolutions de Pologne,
nous interromprons un moment le récit des faits pour ache-
ver de tracer à grands traits le restant de la vie de cet
homme extraordinaire, pour qui l'indépendance de son pays
fut un culte et la liberté une religion.
Jusqu'à la mort de Catherine (6 novembre 1796), Kos-
ciuszko était resté enfermé dans la forteresse de Petro-Pa-
wolwks. L'un des premiers actes du nouveau czar Paul I** fut
d'aller, avec ses deux ills, les grands-ducs Alexandre et Cons-
tantin, visiter, dans sa prison, cette illustre victime. Cet acte
fut à la fois un hommage au courage malheureux et une
satisfaction à l'opinion publique européenne, dont Catherine
jLVait déjà pu entendre le jugement sévère et flétrissant, avant
même que la tombe se fût refermée sur elle. Paul P' offrit à
DE LA RÉVOLUTIOlf POLONAISE. 223
Kosciuszko la liberté, des présents considérables en terres et
en paysans, des dignités^ des honneurs et le grade de teld-
maréchal. De fout cela Kosciuszko n'accepta que la liberté.
Le premier usage qu'il en fit fut d'affranchir, par un ac(e
authentique^ tous les serfs d'une petite terre qu'il possédait
en Lithuanie. Après ce devoir d'honnête homme rempli^ il
était passé en Angleterre, où le peuple et le gouveruement
surent rendre^ par leur accueil, un hommage juste et mérité à
ses vertus civiques. Aux États-Unis, où il se rendit de là, le
congrès, par une résolution spontanée et pour venir noble-
ment en aide à la noble misère d'un homme qui, après avoir
été chef d'un gouveruement, en était sorti pauvre, lui accorda
solennellement le capital et les intérêts de cinq années de
traitement, qui lui restaient dus de ses précédents services
dans la guerre de l'indépendance, 16,000 piastres environ.
En 1798, le besoin de revoir sa patrie, une espérance vague
qu*à la suite des victoires de la Révolution française et des
événements politiques qui remuaient alors l'Europe, il pour-
rait s'offrir quelques chances fayorables -à la renaissance de
la Pologne, le décidèrent à se rendre à Paris. Là, le 26 ther*
midor, se trouvant à une séance des Cinq-Cents, lorsque le
président, parlant des malheurs de la Pologne, dit qu'ils ne
seraient pas éternels, puisque l'illustre défenseur de la liberté
sarmate était de retour en Europe, des larmes involontaires
s'échappèrent de ses yeux, dernier tribut public qu'il paya
au malheureux sort de sa patrie.
, Depuis qu'il avait été mis en liberté, son nom s'était trouvé
si intimement lié à toutes les espérances de la Pologne, que\
le général Dombrowki, ce chef illustre des légions polonaises :
le rilalie durant toutes les campagnes du nord et du midi
de la péninsule italique, n'avait cessé de lui envoyer ses
rapports, comme au chef suprême de la république de Po«
221 HISTOIRE
logne» qui, à cette époque, n'existait cependant plus que dans
les cœurs polonais.
En 1801, ayant fait connaissance à Paris de M. Zoltner,
ministre de la confédération suisse, et s'étant lié d'amitié avec
lui, il accepta son invitation de s'établir à Soleure, au sein
de sa famille, dont il fit partie pendant quinze ans.
Dans les divers lieux qu'il avait habités jusqu'alors, sa
pensée, toujours tournée vers la Pologne, n'avait cessé d'es-
pérer et son indépendance et sa liberté. Aussi, toutes les fois
que des officiers polonais se présentaient devant lui, il ne lais-
sait échapper aucune occasion de leur rappeler a que Uavenir
<K de la Pologne dépendait de la France, et que c'était à elle
a qu'ils devaient se réunir. »
En 1814, lors de l'invasion des troupes coalisées en France,
l'empereur Alexandre, suivant la marche libérale que les cir-
constances prescrivaient à tous les Cabinets, s'empressa d'or-
donner aux officiers polonais de rendre hommage à leur an-
cien généralissime. Bien plus, dans une lettre du 3 mars 1814,
il lui avait dit : a Vos^vœux les plus chers sont comblés :
a avec l'aide du Tout-Puissant, j'espère réaliser la régénéra-
« lion de la brave et respectable nation polonaise, à laquelle
a vous appartenez. J'en ai pris l'engagement solennel, et de
« tout temps son bien-être a occupé ma pensée. » Ce langage
si franc et si bienveillant, en apparence» était commandé par
la crainte qu'avaient alors les troupes coalisées que la Pologne
ne se soulevât sur leurs derrières. Kosciuszko n'y vit que l'es-
poir de la réalisation de son idée fixe, et crut devoir se pré-
senter devant le czar. L'accueil qu'il en reçut fut amical, con-
fiant même, au point qu'Alexandre lui demanda des conseils
pour le bonheur futur des Polonais. Kosciuszko, alors, s'ap-
procha d'une carte de Pologne étendue sur une table, et, dé-
signant du doigt le Borystène et la Dwina, lignes qui avaient
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 225
formé les frontières entre l'ancienne Pologne et la Russie, il
indiqua les principaux points qui devraient être suffisamment
fortifiés. Le noble héros ne s'aperçut qu'on avait voulu se
jouer de sa crédulité , que lorsqu'après celte conversation,
i le grand -duc Constantin publia dans tous les salons de Paris
j que ce vieillard avait perdu la raison.
Cependant Kosciuszko, revenu de son illusion, et après
avoir avoué à Lafayetie qu'il n'avait plus d'espoir pour l'indé-
pendance de sa patrie reçut quelques communications de Po-
lonais qui assistaient au congrès de Vienne, et sentit se ra-
nimer en son cœur une espérance à laquelle il lui était si dur
de renoncer. Cédant à la sollicitation de quelques uns de ses
concitoyens, il entreprit le voyage de Vienne. Mais, à Braunau,
ayant eu une dernière entrevue avec Temperenr Alexandre
qui n'avait plus de motifs pour dissimuler, il en reçut la ré^
ponse désolante suivante : « Les Polonais ne doivent espérer
« de bonheur que dans leur fusion complète avec la grande
« race slave , et , par conséquent , ne plus songer à leur
« ancienne indépendance nationale. )» Kosciuszko se retira
la mort dans r&me.
Le seul espoir qui avait jusqu'alors soutenu sa vie se trou-
vant ainsi brutalement brisé, sa santé déclina rapidement, et
il mourut à Soleure, en Suisse, le 15 octobre 1817. Sa
dernière pensée, son dernier vœu, son dernier mot furent
pour son pays.
En Suisse, en France, en Angleterre, en Amérique et jus-
qu'en Prusse et en Russie, on rendit des honneurs unanimes
a sa mémoire. Mais ce fut surtout en Pologne, où Tempereur !
; Alexandre avait accordé la permission qu'on apportât son [
corps, qu'il reçut Thommage le plus éclatant qu'un citoyen
puisse recevoir de son pays. Le prince Antoine Jablonowski
fut désigné pour aller recevoir son corps, et raccompagner
29
226 niSTOiRB
de Suisse jusqu'à Cracovic. La république lui fit des obsèques
magnifiques^ et déposa provisoireuieut ses restes dans le tom-
beau des roiSi entre Sobieski et Joseph Poniatowski ; puis elle '
lui consacra un monument à l'ouest de la irille» sur la butte ,
dite Branislawa, mot composé qui signifle défendre la gloire;
c^est un monticule fait de main d*liorarae, de quaraute-sîx
toises de diamètre à sa base, et de vingt toises de hauteur :
manière antique de conserver la mémoire des grands hommes
par un monument impérissable. Cinq ans furent employés à
son érection. Toute la jeunesse polonaise, les femmes, les
vieillards, les enfants, accourus de tous les points de la Po«
logne, voulurent coopérer à cette œuvre en remuant la terre
ou en maniant la bêche.
Quatre familles villageoises, choisies parmi celles des Po-
lonais qui avaient servi sous les ordres de Kosciuszko, furent
établies autour du monument pour veiller à sa conservation,
lel fut le restant de la vie de l'homme dont l'éloge retentit
dans toute FEurope. Partout on rendit également justice au
citoyen courageux, au véritable patriote qui, sans autre but
que le bonheur et l'indépendance de son pays, s'était voué
• corps et âme à tous les périls et à tous les sacrifices.
I Après lui avoir payé, par cette courte notice, qui n^aurait pu
j trouver place ailleurs, notre tribut dUiommages, nous allons :
reprendre le récit de la révolution polonaise de 179i, où nous
aurons encore à relater un dernier épisode, qui est une des
pages les plus lugubres de l'histoire du xvni* siècle.
DE LA RÉVOLLTIÛN POLONAISE. 227
OIAPITRE Vni
1795
Rôle de PAulriche pendant la révolution de Pologne. — Tableau de la
Pologne après la perte de la bataille de Maciejowice — Nomination d'un
chef-général.— Wawrzecki.— Découragement de l'armée et du peuple.
— Grands préparatifs de dérense; faibles chances de succès; revers
successifs. — Famine à Varsovie. — Arrivée des Russes devant Var-
sovie. — Prise du faubourg de Praga. — Horribles massacres de Su-
warow. — Capitulation de Varsovie. — Fin de la révolution de Pologne
de i794.— Arrestations, confiscations, exécutiona,— Coup d*œil rétro-
spectif.
Kosciuszko prisonnier, la bataille de Maciejowice perdae,
la révolution polonaise n'avait plus ni finie pour se diriger,
ni forces pour se défendre. La nouvelle de ce double désastre
remplit la Pologne de douleur et de deuiL Comme dans les
grandes calamités nationales, où un peuple n'a plus rien à
attendre des secours humains, la foule se précipitait dans les
temples, demandant au Dieu du ciel aide et protection contre
les iniques oppresseurs de la terre. Jamais, à aucune époque,
des grands du monde n'avaient amoncelé sur leurs têtes au-
tant de malédictions qu'en amoncelèrent, en cette circon-
stance, Catherine et Frédéric-Guillaume; mais aussi jamais
moyens plus infâmes n'avaient été employés pour accroître
228 HISTOIRE
leur territoire de quelques lieues de terrain. Pour atteindre
ce but, le sang qu'ils avaient fait verser en Pologne aurait pn,
réunie former un torrent; grossi de celui qu'ils allaient faire
verser encore, ce torrent serait devenu fleuve. Effrayant
complément de cette fin de siècle, qui, comme par une inten-
tion manifeste de la Providence, semblait n'avoir été mis
en regard des colères populaires de la révolution française,
que pour les absoudre toutes à l'avance! En effet, en accrédi-
tant le droit de la force, Catherine et Frédéric-Guillaume
avaient accrédité le droit de révolte. En brisant violemment
tous les liens de la foi publique, en rentrant impudemment
dans le droit naturel, ils semblèrent avoir fatalement légitimé
ce terrible droit de représailles des peuples.
Mais aussi quelles fureurs pourront jamais dépasser les fu-
reurs que ces pouvoirs sans entrailles allaient exercer contre
la Pologne ! La ruine, les spoliations, le bannissement pour
les uns ; les fers, les tortures, le déshonneur des filles, la mort
pour les autres; pour les condamnés à mort la flétrissure et les
gémonies : aux graciés vivants on allait ravir tout ce qui con-
stitue une nationalité : lois, cœur, langue, et leur culte et leur
Dieu !
El quand, par la sympathie qod cdihmandenl de telles souf-
frances, par l'horrcùt qu'inspirent de tels forfaits, quant au
nom de la famille, de sa joie et de ses devoirs, au nom des
droits de rbumanité, au nom de la foi des peuples meurtris,
décimés, écrasés parla brutalité ou le dédain, se sont relevés
saignants pour jeter le défi au puissant, qui pourrait con-
damner cette exaltationt De telles luttes, commencées au nom
de tous les droits brutalement foulés, ne sont-elles pas saintes
par leur origine, grandes par leur but, immenses par leur
audace? Et comment s'étonner alors de ces révoltes, de ces
insurrections qui semblent devenues le patrimoine des géné«
DE LA nÛYOLUTION POLONAISE. 229
rations nouYelles^ et qui^ appliquant aux gouvernements les
maximes qui ont basé leur conduite, semblent vouloir faire
remonter jusqu'à eux la responsabilité de ces crimes. Quand
la mer en furie engloutit matelots et vaisseau, ce n'est pas
elle qu'il faut accuser, mais le vent de la tempête qui a sou-
levé ses vagues et eutr'ouvert ses abîmes.
On a déjà pu voir le singulier rôle que jouait TÂutriche
dans cette spoliation de la Pologne. Elle laissait la Russie et
la Prusse engager Taction, semblant dire aux Polonais s
a Soyez vainqueurs, ou vous m'aurez pour ennemi, d Puis,
si la fortune se déclarait contre eux, elle s'avançait bravement
pour leur porter le dernier coup, et disait à la Russie et à la
Prusse : « Je veux ma part. » Ce rôle avait le double avantage
de ménager ses armées et de laisser aux deux autres puis-
sances tout Todieux de cette grande iniquité. Après la perle
de la bataille de iMaciejowice, le Cabinet de Vienne ne se dé-
partit pas de cette politique, et les généreux défenseurs de la
Pologne, écrasés déjà par les forces de la Russie et de la
Prusse, virent les troupes autrichiennes entrer sur le terri*
toire de la république, et venir réclamer une part de dé*
pouilles. La Pologne» hors d'état, désormais, d'opposer d'autre
résistance que celle du désespoir, était dans la situation d'une
victime condamnée qui lutte une dernière fois pour échapper
aux bourreaux acharnés contre elle.
En proie aux factions de l'intérieur: faction royaliste, qui,
par intérêt et sympathie» secondait les étrangers; faction
exaltée, qui, en dehors de toutes considérations personnelles,
croyait ne pouvoir relever que par des mesures acerbes,
l'énergie d'une nation amollie et dégradée ; faction modérée, i
qui prenait, pour l'eifet de la raison et de l'humanité, ce qui
n'était que celui de la faiblesse de caractère ; un trésor vide ;
une armée désorganisée, commandée par des généraux op*
230 HISTOIRE
posés de sentiments et d'inclinations, n'ayant plas confiance
en elle-même depuis qu^elle avait perdu un chef adoré; une
famine imminente ; une noblesse turbulente et égoïste, qui
voulait de la liberté sans renoncer à aucun de ses droits féo-
daux , qui voulait de l'indépendance sans rien changer i
ses formes oppressives de caste ; une population sans énergie,
qui pleurait quand il fallait agir ; partout de la mauvaise vo-
lonté, de la consternation , du découragement ; trois armées
ennemies au cœur de la république, hâtives de s'emparer de
ce qu^elles s'étaient adjugé, comme ces voraces oiseaux de
proie qui n'attendent pas la mort de leur victime pour la
déchiqueter par lambeaux : tel était le tableau que présentait
la Pologne après la journée de Maciejowice.
Des trois factions qui divisaient alors la Pologne, les exaltés,
les royalistes, les modérés, une seule, celle des exaltés, pou-
vait conjurer les nouveaux désastres qui menaçaient ce mal-
heureux pays. Elle avait pour chef Kolontay, qui, décidée
lutter jusqu'au bout, et espérant encore quand il n'y avait
réellement plus d'espoir, convoqua le conseil et entreprit de
relever le courage de ses concitoyens.
Ce que proposait Kolontay n'était pas facile. Le peuple,
comme l'armée, avait eu jusqu'alors plus de confiance en
Kosciuszko qu'en lui-même. Ce chef-général, soit par ses ta-
lents militaires, soit par ses vertus patriotiques, avait telle-
ment résumé la cause révolutionnarre, que, sans lui, cette
cause perdait et son prestige et sa force. Il existait, en outre,
en Pologne, comme on vient de le voir, divers partis qu'il
n'était rien moins que facile de concilier, et ces diverses
• nuances de patriotes ou prétendus tels n'étaient pas prêtes è: ^
{ ïl'accorder sur le choix d'un chef. Cependant, Kolontay ayant i
' proposé le général Wawrzecki pour remplacer Kosciuszko, ce
choix parut réunir les esprits.
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE, t 231
En effets Wawrzecki joignait à beaucoup de vertus civiles
un caractère mfile, beaucoup de fermeté judicieuse, une
grande popularité et une défiance de lui-même, assez mo-
deste pour ne pas porter ombrage aux ambitions qui aspi-
raient à la succession dé Kosciuszko. Puis, Wawrzecki ne
8*étanl jamais déclaré pour aucun parti, chacun se flattait de
Taitirer dans le sien. Sa nomination n'éprouva pas de con«
tradiction.
Il n'en fut pas de même de la nomination d'un conseil de
guerre chargé de régler les opérations de la campagne. Le
parti de Stanislas trouva moyen de s^y faire représenter en
miyorité telle, que Zajonczek, à qui on avait laissé la conduite
générale de Tarmée jusqu'à l'arrivée de Wawrzecki, refusa de
siéger dans un conseil ainsi composé. Cet éclat d'un homme
si haut placé alors pouvait être d'autant plus fâcheux, que les
esprits, déjà aigris par le malheur, n'étaient que trop portes à
en accuser les royalistes, et qu'il était dangereux d'éveiller
l'attention du peuple sur les manœuvres de ce parti. Les pre-
miers choix furent révoqués, et le conseil suprême nomma
d'autres membres dont le patriotisme était à l'abri de tout
soupçon.
Pour sortir d'une situation aussi critique, les Polonais
avaient besoin d'un de ces grands élans d'enthousiasme et
d'énergie, comme la France en avait donné l'exemple
en 1793. Mais, à part un très-petit nombre de révolution-*
naires, tels que Kolontay, Zajonczek et quelques autres, les
révolutionnaires de ce pays n'étaient pas à la hauteur de leur
œuvre, et ils voulaient plutôt une révolution, pour se sous- 5
traire à la tutelle des étrangers, que pour rien changer à leur ^
constitution sociale. Ainsi, par exemple, les nobles, les plus'i
oppresseurs des nobles du continent, voulaient bien, en
grande partie, assurer Tindépendanco nationale, mais ne
232 , HISTOIRE
Toulaient rien abandonner de leurs droits oppressifs sur les
paysans' polonsiis. Les paysans, de leur c&té^ qui voyaient ce^
mauvais vouloir^ et qui^ maîtres - poQr maf très, ne tenaient
paç plus Q un seigneur polonais qir'à un russe ou à un prns*
sj&n, ne prôtiàVent pdrl à la Itrtle que par force^ et voyaient
indifférethm'ent un ennemi dans tous. Tant que Kosciuszko
avait élé « letartête, la conflanceîiislinclîve qu'il avait su
inspirer, bien plus que Tenlhousiasme pour la patrie, avait
ténhi autèiir de lui les espri^is ^e l'arniéô et des classes po-
pulaires. La niajèure partie de la nation n'avait eu d\iutre
motif, pour rééouter etiei suivre, que l'exemple et un senti-
ment très-pëu défini de dignité nationale froissée ctiez les'
l^oblesy de dignité humaine écrasée, chez les paysans. Un'
mouvement révolutionnaire aussi vague devait forcément
^arrêter avec FhCmme qui lui avait donné l'impulsion.
< C'est ce. qui eût lieu. Dès la période Kosciuszko, rien ne
put ranimer et «outenit le courage des Polonais ; ils étaient
tolalèmeni décc»ufagës, abattus ; il n^y avait nulle part ni es-
pbir, ni énergie, et bien plus, ni esprit âe patriotisme. Ce*
peuple, qui avail ^ariil quelque chose îsous Kosciuszko, cessa
d'élre avec lui, et à la valeur qu'il avait montrée, succéda
iitaie incroyable pusillanimité. Pour surcroît ile malheur, la
faction royaliste leva fièrement la tdte, accapara insensible-
ment totis les ser'^icés, et lèS insurges; contrariés en tout et'
pdur tout, thaï Seèôndés,' mal obéis, n^eurent plus qu'a cour* '
bèr la tête devant le sort qui les attendait, line cabale àuda-
cteuse, compôlséè, âti reste, de gens de tous les partis, et gé^
néralement mus par ce sentiment d'égoïsme qui a perdu la
Pologne, allait entraver toutes les opérations, paralyser tou-
tes le^ mesurés. •
'Cependant Wavrrzecki, qui, au moment de sa nomination
au titre de chef-général, se trouvait en Litbuanie, était ar-
V
■>«
DE lA RÉV0LCTI02I POLONAISE. it.33
rivé dans les premiers jours d'octobre 1795. Il n'accepta rem-
ploi dont on l'avait revêtu que dans la crainte qu'une nouvelle
élection n'augmentât le désordre, et s'y soumit en véritable
Tictime. Pour éviter à la ville de Varsovie un bombardement
certain^ on travailla activement aux retranchements du fau-
bourg de Praga ; mais des revers successifs vinrent se joindre
encore à la disette qui commençait d'affamer la ville. Ponia-
towski» qui, pour faciliter l'enti'ée des vivres et ranimer la
courage des Polonais, avait reçu l'ordre de forcer le poste de
Kamionna, occupé par les Prussiens, fut battu et perdit beau-
coup des siens. Mokronowski^ attaqué par les Russes, à Ko-
bylka, à trois lieues de Varsovie^ avait été mis en dérouta
complète, avait perdu la moitié de sa division^ son artillerie^
et ses bagages. Ces deux échecs achevèrent tellement de gla-
cer d'épouvante tous les cœurs de l'armée, que ceux mêmes
des officiers qui avaient autrefois montré le plus d'audace,
frouvèitent la résistance impossible ; le dégoût devint géné-
ral, la méûauce s'empara de toutes les âmes, et les plus con-
fiants ne purent plus même espérer de tirer parti de ces es-
prits consternés.
a La prospérité, dit à ce «ujet l'auteur anonyme de la
Révolution de Pologne de 1794, qui cache la lâcheté, dé^
robe au courage la moitié de sa gloire. C'est l'adversité seule
qui peut déployer, dans tout leur lustre, des caractères mâles
et fermes. Mais des caractères de cette trempe étaient rares
en Pologne. Vainement les officiers pratriotes couraient de
rang eu rang consoler les soldats, répétant que rien n'était
désespéré, que d'autres armées avaient échappé à de plus
grands dangers, qu'il ne fallait pas s'affliger sans mesure des
' maux accidentels, qu'un coup de fortune pouvait relever ce
qu'un coup de fortune avait rabaissé, et qu'une énergique
résistance pouvait réparer bien des désastres. Tous ces dis-
30
2Zi HISTOIRE
cours étaient vains ; le soldat les écoutait^ et^ à la seule ?ue
derennemi, jetait les armes et s'enfuyait sans combattre, d
Bientôt la famine jeta dans les rues de Yarsovie une popu-
lation hâve et affamée^ demandant à grands cris du pain. Les
distributions publiques sufflrent pendant quelques jours pour
conjurer une parlie des maux de cet impitoyable fléau; mais
bientôt elle devinrent insuffisantes, et^ au moment où Ton
avait le plus grand besoin de troupes, on fut obligé d^envoyer
dans la Grande-Pologne celles qui^ sous les ordres de Gie-
droye, arrivaient de la Lithuanien et qu'on était hors d^état
de nourrir. Il résulta delà que les retranchements de Praga,
qu'on avait étendus pour couvrir la ville et qui auraient exigé
trente mille hommes au moins pour les défendre^ ne furent
garnis que de dix mille hommes^ huit mille d'infanterie
échappés aux récents désastres et aux avant-postes, deux
mille chevaux tombant de lassitude et d^inanition. Au défaut
de soldats, on comptait sur les bourgeois de Varsovie, comme
lors du siège des Prussiens. Hais les temps étaient changés;
la défiance et le découragement avaient succédé à Fenthou-
siasmeet à l'espoir, Kosciuszko n'était plus là pour redonner
une âme à cette population qui en manquait alors totale-
ment.
A cette époque, dans une circonstance incontestablement
la plus critique où puisse se trouver une ville, il se passa à
Varso\îe un fait que l'hisioire doit consigner. Le 15 octobre,
anniversaire de la fêle de Kosciuszko, assaillis par la famine^
prêts à être assiégés par deux armées, n'ayant pour les défendre
que des troupes découragées et insuffisantes, en proie à toutes
les inquiétudes des maux du présent et à celles des désastret
plus grands encore que pouvait leur réserver l'avenir, les ha-
bitants célébrèrent, par une grande illumination, la fête du
grand citoyen dont ils déploraient la perte : action touchante
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 233
et rare» où l'on voit un peuple entier rendre justice à son
chef Taincu et malheureux.
Cependant^ malgré le peu de chances de succès que pouvait
offrir la défense de Varsovie^ dernière ressource des patriotes^
on continuait à hâter les retranchements du faubourg de
Pragaelàélever des fortifications^ comme si la démoralisation
de Tarmée et le découragement des habitants ne devaient pas
les rendre d'avance inutiles. Dans celte circonstance critique^
le conseil de guerre fut convoqué extraordinairement. Plu-
sieurs avis vigoureux furent émis, celui entre autres de ras-
sembler toutes les forces disponibles sous Praga et de tenter
un combat général hors des retranchements. Les Polonais
pouvaient alors, en moins de trois jours, réunir une armée
de vingt-six mille hommes» et, laissant un corps de trois
mille hommes pour observer les Prussiens et masquer Topé*
ration, ranimer par une victoire le courage des esprits abattus^
raviver les divers foyers d'insurrection, soit en Lithuanien
soit dans la Grande-Pologne, et changer totalement la face des
afEaires.
Ce projet, si le succès en eût couronné Texécution, eût pu,
en effet» imprimer au mouvement révolutionnaire un élan
plus prononcé, plue décisif, et dont il eût été difficile de cal-
culer les suites; mais il ne. fut pas goûté. Les raisons qu'on
objecta ne manquaient pas de solidité ; mais elles étaient
toutes empreintes de cet esprit méticuleux qui, aux époques
de révolution, ne peut produire rien de spontané , . rien
de grand. « Les troupes polonaises , disait-on , nouvel*
lement levées, affaiblies par une suite de travaux et de fati-
gues qui duraient depuis huit mois, découragées par des dé-
faites réitérées et mourant de. faim, ne pouvaient se mesurer
en bataille rangée contre quarante mille vétérans russes.
Si Tennemi prenait le parti d'éviter Taction pendant
£36 HISTOIRB
quelques jours seulement^ la famine anéantirait Tarmée. Dès
que les Prussiens seraient instruits de ce mouyement des in«
surgés, ils ne manqueraient pas de marcher sur Varsovie, et
Ton aurait alors devant la ville deux armées au lieu d'une^
Un retard de quinze jours seulement de la part des Russes
pouvait mettre les fortifications de Praga à Tabri d'un coup
de main, et les approches de Tbiver ne permettraient pas à
Tennemi d'en commencer le siège. Enfin, le gain d^une
bataille contre les Russes rendrait les insurgés tout au plus
maîtres du pays qui se trouve entre la Vistule et le Bug : mais
Tennemi resterait toujours maître de les arrêter sur les
bords de ce dernier fleuve. »
Telles furent les raisonsqui prévalurent en cette circons*
tance. Dictées par la prudence, au moment où une téméraire
audace pouvait seule conjurer une catastrophe imminente^
elles ne firent que la hftter.
En effet, la situation des Polonais devenait de plus en plus
critique. D'un côté, trente mille Prussiens étaient à vingt
lieues de Varsovie ; de Tautre, quarante mille Russes mar«
chaieut sur cette capitale. Les Prussiens, comme les Russes,
avaient déclaré que Tarmée polonaise ne pouvait compter sur
aucune capitulation. Cette déclaration barbare, qui, dans cette
guerre, n'était qu'un acte de même nature que tous les autres
actes de la Russie et de la Prusse, aurait dû pousser Ténergie
jusqu'à l'héroïsme, et n'amena que défiance et découragement.
Le parti royaliste, le roi Stanislas en tête , déployait toutes les
ressources du machiavélisme le plus subtil ()our propager ces
deux derniers sentiments, et un bruit, qui malheureusement
courut alors, contribua puissamment à les accroître. On pré-
tendit que, dans un accès de frénétique patriotisme, désespé- "
rés de voir le découragement devenu général, les patriotes
exaltés avaient formé le projet d'entraîner Tarmée et les liabi-
DK LA RÉVOLUTION POLONAISE. 237
tants à de tels excès^ que tout le monde Tût réduit à la néces-
sité de périr ou de vaincre. Il ne s'agissait de rien moins que
d'égorger le roi, sa famille» 6es partisans et six mille prison*
niers russes disséminés «prie sol polonais* Un tel égorgement
ne laissant plus d'espoir ni de capitulation y ni de pardon^ les
Iiabitants se seraient trouvés forcés de se défendre en déses-
pérés. Kolontay et Zajonczek étaient accnsés d'être les moteurs
de ce projet. Mais, pour Texécuter^ il fallait plus que de Tau-
dace >,il fallait une frénésie de patriotisme dont nous n'avons
pas à discuter ici la moralité ou l'opportunité, et qui, d<)ns
cette révolution de 1795, ne s'est révélée dans aucun parti en
Pologne,
Le 2 novembre, les Russes parurent devant Praga; ils
étaient commandés par le général Suv^arow, que nos lecteurs
connaissent déjà. Lenr nombre s'élevait à quarante mille
hommes ; les Polonais n'avaient pas à leur en opposer plus de
iringi-six mille. Prag^, un secoqd rang de redoutes avait été^
il est vrai) commencé derrière la première enceinte des retran-
chements; les villages dont la proximité était dangereuse
avaient été brûlés; une île de la Vlstule, dite l'ile de Saxe, et à
laquelle appuyait la droite des Polonais, avait été fortifiée,
ainsi qu'une seconde Ile sitttée à la gauche des retranche-
ments^ et qui couvrait un nouveau pont qu'on avait Jeté sur la
Vistule pour assurer la retraite. On organisa des réserves de
bourgeois prêtes à agir en cas d'attaque. Enfin, on ne négligea
rien pour assurer la défense ; seulement, comme nous Tavons
dit, ces retranchements n'auraient pu être efficacement
défendus que par des troupes plus nombreuses etsurtout plus
aguerries que ceUes dont pouvaient disposer, à ce moment,
les Polonais.
En outre^ la saison était déjà rude. Le soldat n'avait ni
paille, ni tente^ ni bois, ni pain ; des balaillons entiers étaient
238 HISTOIBE
sans chaussure et presque sans habits^ la plupart n'étaient
armés que de faulx droites. Pour surcroît de malheur, le voi-
sînage de Varsovie facilitant' aux soldais, ofDciers, généraux,
les prétextes et les occasions de se transporter dans la ville,
ils en revenaient toujours plus découragés ou plus défiants. ,
Zajonczek et Jasinski, commandants du camp de Praga, ne
purent jamais parvenir à ranimer ces courages abattus. Il est
vrai de dire que ces deux généraux, ardents et actifs patriotes^
n'avaient pas ces talents militaires éprouvés qui inspirent et,
au besoin, commandent la confiance. Quant à Wavrrzeckî, le
successeur de Kosciuszko, c'était un homme à qui on ne pou-
vait refuser aucune des qualités d'un bon citoyen, excepté
celles dont il aurait eu besoin an poste qu'il occupait dans une
aussi critique circonstance, c'est-à-dire l'expérience de là
guerre, la fermeté de caractère et l'énergie de pensée cfrd'exé-
cution.
On comprendra sans peine, après cela, comment le gros dé
l'armée polonaise; quoique derrière de forts retranchements,
fit à peine un simulacre de résistance, et abandonna, presque
sans combattre, un camp retranché garni de cent pièces de
canon et défendu par vingt-six mille hommes. Hâtons-nous
de dire que, sur quelques points isolés, de faibles noyaux de
courageux patriotes opposèrent une héroïque résistance et
sacrifièrent presque tous leur vie à la défense de leur indépen-
dance et de leur liberté.
En arrivant devant Praga, le général Suwarow, réuni aux
généraux Desferden et Fersen, fit élever une batterie de quinze
pièces de gros calibre, qui tira sur les Polonais pendant toute
la journée du 3 novembre. Le lendemain (4 novembre 1795),
dès la pointe du jour, Tattaque commença; l'assaut fut
ordonné, et Suwarow électrisa ses soldats par un de ces mots
atroces qui lui étaient familiers. L'action s'engagea d'abord à
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 239
la gauche des retranchements où commandait Jasinski ; mais
les troupes ne tinrent nulle part. Découragées , mourant de
faim^ agitées par Tintrigue qui répandait la consternation^
elles abandonnaient leurs postes et se sauvaient de toutes
parts. Vainement les généraux Wawrxecki, Zajonczek, Jasinski,
Grabowski essayèrent d^arrêter cette fuite générale; les deux
derniers furent tués ; Zajonczek et Wawrzecki^ grièvement
blessés^ ne quittèrent les retranchements que les derniers et
au moment où les Russes s^approchaient du pont qui condui-
sait à Varsovie. Des vingt-six mille hommes dont se compo-
sait la garnison polonaise, douze mille périrent dans cette
déroute, mille furent pris, plus de deux mille se noyèrent
dans la Vistule. Par les ordres du sanguinaire Suvrarow, les
Polonais, à Praga, Turent traités comme les Turcs Pavaient été
à Ism#. Les habitants de ce faubourg, femmes, enfants,
prêtres, tout fut impitoyablement tué. Pendant tout un jour,
quand nulle part il n'y avait plus de combattants, on vit les
soldats russesi ivres d'eau-de-vie, parcourir les rues, ayant en
tête leur général, ivre comme eux, et massacrant tout ce qui
s'offrait à leur vue. Quinze mille victimes innocentes, sur les-
quelles on comptait plus de neuf mille femmes ou enfants,
tombèrent, danscette journée, sous le fer de ces égorgeurs.
Ce massacre effrayant, dont l'histoire moderne offre peu
d'exemples, jeta la consternation dans Varsovie, qui capitula
le lendemain.
t Le chef général Wanrrzecki prit, avec les débris de ses
Iroupes, la route de la Grand&-PolQgne pour aller joindre l0(
corps de Giedroye, qui agissait contre les Prussiens. Le roi lit^
semblant un moment de vouloir le suivre; mais des bour-
geois, appostés exprès, le supplièrent de ne pas abandonner la
ville. Ce petit acte de comédie, arrangé à l'avance, clôtura
dignement le rôle de ce roi pusillanime dans ce mouvement
210 HisTomE
iDsurrectioDtiel de 1795^ qui avait pour principal mobile un
! des désirs les plus légitimes qai puissent mettre à un peuple
! les armes à la main , celui d'affranchir leur patrie du Joug*
■ étranger. Du reste, Catherine ne tint pas même compté à Sta-
nislas de son hypocrisie. Le 25 novembre 1795, elle le força à
signer son abdication. Il mourut trois ans après.
Ce dernier effort da général Wawrzecki trouva, parmi les
généraux, peu dMmîlatenrs. Poniatowski, Michel Wielhorskî,
Mokronov\rski, dont les corps s'étaient débandés, se rendirent
aux Russes. Gicdroye et Nicsiolowski seals parurent vouloir
partager jusqu'au dernier moment le sort et les sentiments
du chef général Wavrrzecki ; mais à peine ce dernier fut-il
arrivé dans le palatinat de Sandomîr,que les soldats murmu-
rèrent hautement contre lui. Les fourrages et les vivres man-
quant totalement, ils eurent Finjusticé de lui iiti[4iler les
maux qu'ils éprouvaient. Secouant peu après le reste de sur-
bordination qui régnait encore au milieu de la misère, de la
famine et du désordre, une révolte éclata parmi la cavalerie
nationale, qui força Wawrzecki à mettre bas les armes devant
le général russe Denisow et à se rendre prisonnier.
Deux actes restaient encore à ce grand drame de la révolu*
lion polonaise de 1795 : la famine générale, qui désola tout le
pays par suite de la manière sauvage dont les Russes faisaient
la guerre, brûlant et détruisant tout; ensuite les arrestations^
les confiscations, les vengeances, les assassinats, les massacres
que, du fond de son palais de Saint-Pétersbourg, ordonnait
froidement Catherine pour punir un peuple d'avoir voulu
exister.
Ces deux actes curent leur cours, aussi terribles et aussi
effrayants que tous ceux du même genro que nous avons eu
à constater pendant le cours de ce douloureux drame.
Ainsi flnitcetle malheureuse insurrection polonaise de t793«
DE LA BÂYOJLimOIf POLONAISE. 24!
Uo nMHivement réTolotioDiniire^ poar réussir, a besoin, avant
tout» â'un6 certaine matante des esprits, qui n^existait pas en
Pologne. Ce n'est pas tout de vouloir un résultat, il faut encore
le comprendre ; or, ni les classes nobles ni les classes labo-
rieuses ne le comprenaient. Les nobles avaient pris les armes
pour rindépendance de leur pays, les paysans pour une vague
promesse de liberté dont la réalisation était toujours ajournée.
Il ne pouvait y avoir, dès lors, ni chez les uns, ni chez les
autres, cet ardent esprit de patriotisme qui veut à la fois et
par tous les moyens, l'indépendance du sol et la liberté des
masses : d^où il résulte que cette révolution ne fut, d'un bout
à rauti'e, qu'un malent^du, et que, ce qui seul aurait pu en
faire la force, les masses populaires restèrent, en quelque
sorte, spectatrices de la lutte. Cependant, comme toutes les
classes%^aient Tinstinct de ce qui manquait à cette sociabilité
polonaise, il est probable que, si Thomme en qui se résumait
toutes les espérances, Kosciuszko, eût eu un de ces caractères
forts qui, par des secousses vives et réitérées, hâtent la marche
des idées, ir est probable, disons-nous, que ce mouvement
révolutionnaire eût eu une tout autre portée. Hais Kosciiiszko,
dont les vertus et les qualités incontestables avaient cette
teinte de faiblesse presque générale dans le caractère polonais,
était rhomme d^une révolution opérée depuis longtemps dans
las esprits, mais n^était nullement Fhomme d'une révolution
ob il fallait, avant tout, animer l'argile populaire, et lui créer
une âme.
Tous ses efforts vinrent se briser contre cet écueil.
Si ensuite nous résumons cette révolution dans ses faits gé-
néraux, nous voyons, d'une part, un peuple, mu en apparence
par le seul instinct du patriotisme, se lever, non pour con-
quérirdes droits,mais pour revendiquer une simple existence
nationale ; de I^iulre, deux souverains esclaves des passions
31
242 HiSTons
les plus Tiles, cherchant une distraction dans la douloureuse
agonie d'un peuple dont ils enviaient les dépouilles. Pendant
que^ dans ce peuple poussé au désespoir, se révélait^ par in-
tervalle, quelques grandes choses, dans ces gouvernements
ivres de leur fausse gloire, tout était mesquin, sauf, cepen-
dant, les massacres et les égorgements exécutés sur une grande
échelle. Le résultat répondit à leurs vœux ; ils accrurent leur
pays de quelques provinces. L'histoire sUnclina, comme
toujours, devant ce résultat, et eut à peine quelques mots de
blâme contre les iniquités qui Tavaient amené. Mais la main
de Dieu, plus impitoyable, quoique souvent cachée , finit
toujours par se montrer. Planant incessamment sur la téta
des grands coupables, comme le tonnerre, elle passe sans les
atteindre, ou les écrase, soit de leur vivant, soit dans leur pos-
térité ; car si la Providence suspend parfois son bras,^le ne
jâtourne pas les yeux. Et, tout récemment encore, n'a-t*on
pas vu deux des spoliateurs ^hontes de la Pologne, trembler
devant cette révolte de la Gallicie que nous aurons à relater.
Celte terreur, c'est le remords qui suit le crime ; mais tant
que la victime respire, la vengeance peut rendre le remords
plus cuisant, et la Pologne vit encore ! Puis , fût«cUe morte
sous les coups de tant d'iniquités, les résurrections des peuples
ne sont plus, de notre temps, des miracles.
Du reste, les deux principaux moteurs de cette spoliation
de la Pologne ne jouirent pas longtemps du fruit de ce grand
forfait. Le partage définitif fut arrangé en novembre 1795.
Frédéric-Guillaume II mourut en 1797; quant à Catherine,
elle mourut en 1796. Montée sur le trône en piétinant dans le
sang de Pierre III, son mari, elle descendit dans la tombe en
piétinant dans celui d'un peuple dont elle emporta la malé-
diction. On prétend que le jour où se consomma le partage
déQnitif de la Pologne (novembre 1795), deux des victimes de
DB LA KÉYOLUTION POLONAISE. 243
ses fureurs^ condamnées à expier par la mort leur généreux
courage^ la citèrent^ dans un moment de prophétique
désespoir, à comparaître, dans Tan et jour, au tribunal
suprême, et, dans le délai légal (novembre 17QC), Catherine
se présenta à la barre de Péternité. Déjà auparavant, si Ton
en croit une vieille chronique, les chevaliers du Temple» sur
le bûcher, avaient mandé de même, à l'audience de Dieu,
Philippe-le-Bel et Clément V, et ni ce roi ni ce pape n'avaient
manqué à Tappel au jour fixé. Une autre chronique rapporte
que Ferdinand IV, roi de Castille, cité aussi à comparaître,
par deux gentilshommes qu'il avait fait mourir, expira juste
au terme de l'assignation, d'où lui resta le terrible surnom
sous lequel le connaît l'histoire, Ferdinand r Ajourné.
De têts récits, sous quelque point de vue qu'on les considère,
ne manquent ni de dignité ni de moralité. Les choses graves
et tragiques sont du domaine de Thistoire, et ce serait mé-
connaître sa mission que d'en écarter les faits qui, peignant
ou des croyances accidentelles, ou une disposition momen-
tanée des esprits, peuvent donner de salutaires leçons; ce
serait accuser le ciel de rester sourd à la voix de l'innocence
et du malheur, et douter que l'oppresseur et l'opprimé ne pa-
raissent tôt ou tard aux pieds du même juge.
2H HISTOIRE
CHAPITRE IX
1815-1830
Négociations de la Sainte-Alliance relativement à la Pologne.— Jalousie
des puissances entre elles. — Constitution promise, accordée, annulée.
— Mort d'Alexandre. — Couronnement de Nicolas, roi de Pologne. —
Griefs de la Pologne contre la Russie.— Le grand^dnc Constantin:
son portrait , ses violences. — L*Ëglise grecque et le culte catholique.
— La Pologne en 1830. — Session de la diète en juin 1850. — Projet
de la loi sur le divorce. — Vœu de réunion des anciennes provinces
incorporées à la Russie. — Le contre-coup de la révolution française
de 1830 en Pologne. — Lettre du czar à Louis-Philippe.
La Pologne arait été la première puissance sur laquelle
avait réagi la Révolution française de 1789 ; elle fut aussi
une des premières sur laquelle réagit la Révolution de 1830.
Nous avons laissé ce malheureux pays démembré et opprimé
par suite d'un des plus impudents brigandages dont les
annales des nations aient conservé le souvenir. Si la Pologne
n'était pas encore effacée de la carte d'Europe^ elle n'y exis-
tait plus que nominalement. Les trois gouvernements spolia-
teurs^ décidés à ne pas même lui laisser Pombre de vie,
luttaient, dans leur rapace égoîsme, d'atrocités et de persévé-
rance pour soutirer goutte à goutte le généreux sang qui ra-
nimait. L'Autriche dressait les plans d'extermination partielle»
DE LA lÉYOtUTION POLONAISE. 245
la Russie exécutait^ la Prusse laissait faire. Les années qui
suivirent le partage de 1793 ne furent que la douloureuse
agonie d'un peuple assez malheureux pour avoir excité la
convoitise de ses voisins. Nous ne les suivrons pas dans leurs
ténébreuses machinations.
Laissant de côté ces faits monstrueux, où trois grandes coq-
ronnes laissèrent le peu de lustre que leur avait conservé le
temps (1), nous passerons d'emblée à Tépoque où les victoires
des Français ayant momentanément jeté une lueur d'espoir
dans cette tombe non encore fermée, la Pologne, après la
chute de Napoléon, retomba a la discrétion de ses barbares
spoliateurs.
Les rois assemblés étaient au congrès de Vienne. Chacun
d^eux supputait avec une joie cupide ce qui allait lui revenir
de cette curée de peuples et de royaumes, dont la chute de
TEmpire leur permettait de disposer. Des loups-^erviers se
disputant des proies ne sont ni plus rapaces, ni plus pressés
de s'adjuger les plus belles et les meilleures. L'empereur
Alexandre, qui s'était destiné la Pologne^ et qui craignait que
ses alliés ne se récriassent contre cette part de lion, invita les
Polonais a se préparer à défendre par les armes la liberté
qu'il leur promettait. La guerre semblait prête à se rallumer
entre les vainqueurs, partagés en deux camps : d'une part
étaient la Rusâe et la Prusse, qui s'entendaient pour s'agran-
dir ; de Tautre, TAutriche, la France et l'Angleterre^ qui ten-
daient à restreindre ces augmentations. Le 6 janvier 1815,
ces trois dernières puissances condurent un traité tout
(1) A propos da premier partage de la Pologne, Marie-ThMse
disait s « Je sais que c'est une tache à mon nom et à ma eoaronne,
• mais J'ai eu la main forcée. » Ses successeurs n'ont pas craint d'im-
primer quatre nouvelles taches au nom et à la couronne de la maison
de Lorraine.
246 HISTOIRE
exprès, connu sous le nom de Triple alliance de Vienne, afin
de se garantir mutuellement dans leurs possessions contre
l'opposition des deux autres Cabinets. Mais^ comme il n'é-
tait pas alors au pouvoir de ces puissances d'ôter la Polo-
gne à l'empereur de Russie^ on finit par s'accorder à regarder
la liberté de ce pays^ à défaut de barrières naturelles, comme
le seul fondement de la sécurité commune. Alexandre renou-
Tela sa promesse de donner une patrie et une constitution aux
Polonais.
En se reportant à la marche des négociations à ce sujet, on
trouve qu'il y avait trois états possibles pour l'ancienne Polo-
gne conquise par la Russie : elle pouvait rester une de ses
provinces fondues dans le grand empire ; redeveqir et former
à coté de la Russie un autre royaume gouverné par Tempe-
reur; ou enfin ressusciter comme nation indépendante.
L'empereur Alexandre s'était arrêté au second de ces plans,
sans s'expliquer sur l'organisation intérieure du nouvel Etat.
U avait parlé aux Polonais de <c régénération de leur patrie,
d'accomplissement des promesses que Napoléon s'était borné
i leur faire espérer. » Toutes ces promessesi qui remontaient
à la grande guerre contre la France, et qui n'avaient été
faites que pour paralyser tout effort des Polonais sur les der-
rières de Tarmée alliée, avaient non-seulement gagné à
Alexandre la confiance de la noblesse polonaise, mais lui
avaient encore facilité la conquête du duché de Varsovie, qui
attendait de lui sa nationalité.
La possibilité d'une réunion de la Pologne à la Russie, sous
une dynastie russe, avait, nous l'avons dit, effrayé les autres
Cabinets, qui, par cet agrandissement d'une puissance si co-
lossale déjà, voyaient une grave atteinte à l'équilibre euro-
péen. L'Angleterre surtout, par l'organe de lord Castlereagh,
8*éleva avec force contre le projet de ce formidale accroisse-
DB LA RÉVOLUTION POLONAISS. 247
ment. L'emperear Alexandre s'était alors fondée pour motiver
la réunion de la Pologne à ses Etats, € sur la promesse qu'il
avait faite naguère aux Polonais de régénérer leur patrie. r>
Ayant annoncé en outre qu'il n'entendait pas renoncer à ré*
gner sur la Pologne, le plénipotentiaire anglais répondit:
a que Sa Hi^esté Impériale pouvait aisément délier sa con-
science au sujet de ses promesses à Fégard de la Pologne, en
refaisant de ce pays une nation libre en possession de sa pro-
pre souveraineté ; noble entreprise à laquelle PEurope s'em-
presserait d'applaudir. » L'empereur russe renouvela alors sa
promesse € de rendre à la Pologne une existence politique et
un gouvernement particulier, afln de détruire par là tout
motif d'inquiétude pour les autres puissances. »
Cette garantie, plus rassurante pour les puissances que
l'incorporation pure et simple de la Pologne à la Russie,
parut les satisfaire momentanément, et le 10 décembre MH
le prince de lietternicb, dans une note adressée au prince de
Hardenbergy ministre plénipotentiaire de Prusse, appuyait cet
arrangement.
Hoins d'un mois après, le 12 janvier 1815, lord Gastlereagh
déclarait, dans une note rendue publique peu d'années après»
qu'il avait exprimé longtemps le vœu < de voir l'indépen-
« dance du royaume de Pologne assurée sous une dynastie
« distincte. »
La France s'exprimait dans le même sens, et toutes les
puissances paraissaient assez d'accord sur ce point, pour que
le mot de constitution fût inséré, comme on le verra plus
loin, en tète du traité de Vienne.
- Cependant l'Autriche, qui, comme toujours, jouait dans
cette affaire un double jeu, se trouva dotée à sa convenance,
lorsque fut fixé le destin de la Pologne. Trois traités détermi-
^ nèrent les bases de ce nouveau partage ; l'un entre la Russie
248 HISTOIRE
et TAutriche^ l'autre entre la Russie et la Prusse ; le troi-
sième^ du 3 mai 1815, entre la Russie, TAutriche et la Prusse.
Enfin, après bien des négociations, il fut définitiYement statué
sur le sort de la Pologne, par Tacte du congrès de Vienne^ du
9 juin 1815.
Par Tarticle 1*', le duché de Varsovie était rangé soosia
domination russe. L'empereur de Russie se réservait de
prendre le titre de roi dans scm duché, de donner à ce duché
ime administration distincte, et Textensioa intérieure qui hii
plairait ; faisant entendre par là» que la Pologne et la Russie
formeraient deux Etats dont chacun l'aurait pour souverain^
et que, plus tard, il pourrait renforcer le royanme polonais
avec quelques lambeaux de la Lithuanie, province jointe h
Tempire depuis le démembrement précédent
Le second article désignait la part qui reviendrait à la
Prusse, soufl le nom de duché de Posnanie ou de Posen.
L'article 3 assurait à TAutricbe la rétrocession de la part de
la Galllcie orientale, qui» en 1809, avait été se joindre aux
possessions de l'empereur de Russie.
Gracovie, avec son territoire, était érigée en cité libre et
ndépendante à perpétuité, aoos la protection des trois piuls-
sances, qui « s'engageaient à un respect perpétuel de Tinvio-
labilité de son territoire. » Le sol de cette république était
déclaré sacré à toute force armée. Cette constitution libre de
Gracovie, œuvre des troi» monarques, à. cAté de la PdogÉe
laissée pour morte, ressemblait à un autel expiatoire. Cet
autel lui-même n'allait pas tarder à être renversé 1
Néanmoins, conformément aux vœux exprimés par l'An»
gleterre, les trois spoliateurs conviennent ensend>le d'accdr-
der, chacun de leur c6té, aux Polonais qui leur sont échos,
nne représentation et des institutions nationales. Le deuxième
paragraphe de Farticle l" était ainsi conçu ; « Les Polonais,
DE LA RÉVOLUTION POLONAISB. 249
c sujets respectifs de la Russie, de la Prusse et de PAutriehe,
(T obtiendront une représentation et des institutions natio-
« nales, réglées d'après la mode d'existence politique que
€ chacun des gouTemements auxquels ils appartiennent Ju-
a géra utile et convenable de leur accorder. »
En môme temps, pour donner aux Polonais un avant-goût
de ce qu'on leur promettait, l'empereur Alexandre leur
adressa une proclamation ou on lisait :
« .... Une constitution appropriée aux besoins des localités
« et à votre caractère ; Tusage de votre langue conservé dans
« les actes publics, les fonctions et les emplois accordés aux
« seuls Polonais ; la liberté du commerce et de la navigation,
ce la facilité des communications avec la partie de Pancienne
« Pologne qui restait sous un autre pouvoir ; votre armée
c nationale ; tous les moyens garantis pour perfectionner vos
« lois; la libre circulation des lumières dans votre pays^ tels
« sont les avantages dont vous jouirez sous notre domination
c et sous celle de nos successeurs. »
De si solennelles promesses rendirent aux Polonais moins
pénible le coup qui les frappait, et Tempereur Alexandre, qui,
à part quelques faiUesses et quelques ridicules, avait une cer-
taine noblesse, se hâta de dégager sa parole. Le 27 novem-
bre 1815, il accorda à la Pologne la constitution promise.
Par cette constitution, réunie à l'empire de Russie, et
placée sous son sceptre, la Pologne avait une diète nationale
composée da souverain, d'un sénat, et d'une chambre des
nonces. Les sénateurs était nommés à vie par le roi. Pour être
élus, ilsdevaient avoir atteint rflge de trente-cinq ans révolus,
et payer une contribution annuelle de 2,000 florins. Le nombre
des sénateurs ne pouvait dépassersoixante-quatre. Les nonces
étaient élus par les assemblées communales : tout proprié*
taire non noble soumise un impôt quelconque, tout chef d'à*
32
230 HUTOIHE
telier, fabricant, marchand, possédant une valeur de 10,000 flo-
rins ; tout instituteur, tout artiste de talent, faisaient partie
de droit de ces assemblées* Pour être membre de la deuxième
chambre, il fallait compter une contribution de 100 florins; ;
le nombre des membres était fixé au double de celui des \
sénateurs, à cent vingt-huit; savoir : soixante-dix-sept nonces
nommés par les assemblées des nobles, et cinquante et un
nommés par les assemblées communales. Cette chambre était
renouvelable par tiers tous les deux ans. La diète entière
de la représentation nationale, s'assemblait, sur la convo-
cation du roi, de deux années en deux années. Sa session
durait deux mois. Enfin, les juges étaient inamovibles et à
vie, et les Polonais seuls étaient aptes aux emplois civik et
militaires. Aucune disposition formelle ne garantissait la
liberté de la presse et la responsabilité ministérielle.
Le 27 mars 1818, la diète polonaise s'assembla pour la
première fois à Varsovie, sous la présidence de Tempereur
Alexandre. Dans le discours d'ouverture où ce monarque se
prodiguait des éloges sur sa générosité, ainsi que sur les avan-
tages de la constitution qu'il avait donnée à ses sujets de
Pologne) il termina en disant : « Votre restauration est
c( définie par des traités solennels; elle est sanctionnée par
a la Charte constitutionnelle. LHfwiolabilité de cea enga-
a gements extérieurs eide cette loi fondamentale assurent dé*
« sormais à la Pologne un rang honorable parmi les nations. »
Le ministre de Tintérieur rendit compte ensuite, au nom
du souverain, de rorganisation du clergé catholique, de l'a-
doption d'un système d'instruction publique qui devait
activer la propagation des lumières dans toutes les classes, et
enfin des établissements judiciaires et militaires qui, par les
lois et les armes, devaient assurer la vie nationale de la
Pologne.
D£ LA RÉVOLUTION POLONAISE. 251
Ce que Ton concédait aux Polonais ne servait qu'à leur
laire désirer avec plus d'ardeur ce qu'on leur refusait. Âussi^
de tous les points du royaume^ arrivaient à la diète des pétitions
\ réclamant l'organisation du jury^ la liberté de la presse, et
'surtout la responsabilité des ministres contre-signant les dé-
crets du roi. Tout cela était réclamé comme complément
indispensable à la charte constitutionnelle^ et par respect pour
cette même charte. Mais toutes ces justes réclamations furent
écartées par la clôture de la session^ qui au lieu de trois mois
n'en dura qu'un.
Déjà celte ombre de constitution embarrassait l'Autriche et
la Prusse. Ces deux puissances^ qui, aux termes du traité de
Vienne, s'étaientengagées à donner aux portionsde la Pologne
qui leur étaient échues une représentation et des institutions
nationales, fondées sur des bases sinon exactement sem-
blables à celles de la coDstitution que l'empereur Alexandre
avait donnée au duché de Varsovie^ du moins plus libérales
que ce régime de la conquête qu'on voulait éterniser; ces
deux puissances^ disons-nous^ se trouvaient déjà gênées par
les stipulations d'un traité qu'elles n'avaient jamais eu l'in-
tention d'observer.
Déjà avait percé la légitime impatience de quelques pro-
vinces allemandes^ à qui l'on avait solennellement promis^ en
1815, des constitutions représentatives, et- qui s'étaient ha-
sardées à réveiller l'inertie du roi de Prusse par des requêtes
et des adresses. Effarouché de la mémoire de ses sujets^ le
souverain avait répondu : «Quel'époque où seraient accordées
des constitutions d'État n'ayant pas été fixée, le souverain
seul était juge dé l'opportunité de cette concession, et que
témoigner la crainte que le roi n'oubliât ses engagements,
c'était s'oublier envers lui. »
C'était dire aux réclamants qu'ils n'obtiendraient les insti-
252 HISTOIRE
tutioDs promises que quand ils seraient assez forts pour es
arracher. Ce sans-façon avec lequel FAutriche et la Prusse
traitaient les légitimes réclamations des provinces allemandeSt
était pour les provinces polonaises un sûr indice qu'elles ne
devaient pas s^attendre à plus de ménagement.
En effets les deux Cabinets de Vienne et de Berlin n^avaieut
pas oublié leurs promesses formelles d'accorder des consti-
tutions; seulement ils voulaient qu'on les oubliât, ou tout au
moins qu'on n'eût plus de motifs d'espoir. Pour cela, il ne
fallait que faire changer d'avis l'empereur Alexandre, et
l'amener à blâmer ce qu'il avait approuvé. Le caractère plus
qu'indécis de ce prince, qui recevait aisément l'empreinte
de toutes les mauvaises passions qui s'agitaient autour de lui,
rendait cette tâche facile. M. de Hetternich fut chargé de Ten-
doctriner, et il eut peu de peine à le ranger à ses vues: V\xn
était la rouerie, Tastuce, la duplicité, la mauvaise foi incarnées;
l'autre avait un fond de caractère chevaleresque qui, par cela
seul qu'il s'enthousiasmait aisément, s'effrayait de même. Le
souverain devait nécessairement être la dupe du diplomate :
c'est ce qui arriva. Parde perfides insinuations,M.deMetternich
lui répéta si souvent que la France était le foyer d'où s'était
répandu sur toute l'Europe la flamme révolutionnaire, que
la nature des inUtutions de ce pays commença d'abord par
être importune à ses yeux, et ne tarda pas à paraître dan-
gereuse.
Ce changement dans les idées du souverain du Nord devint
saillant après i£2Q, lorsque la Pologne, à la suite des révo-
lutions qui avaient éclaté sur le continent, donna quelques
signes d'espérance que les interprétateurs monarchiques tra-
duisirent par indice de sédition. On était alors en plein
régime de la Sainte-Alliance. Par un de ces aveuglements
communs aux pouvoirs tyranniques àrapproehe de leur chute
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 253
les monarchies absolues étaient entrées résolument en lutte
contre les légitimités des nations^ pour ne deroir qu'à la force
et à la violence une autorité et une puissance qu'il eût été ,
plus rationnel, et surtout plus sûr, de ne devoir qu'à la con-
fiance et au respect. Alexandre, Tâme encore saisie de la
chute immense de Napoléon, s'était d'abord regardé comme
l'instrument de celui par qui régent les rois; il avait pris au
sérieux le pontificat suprême de k civilisation^ dont l'avait
bercé madame de Krudener. Mais les facultés bornées du
prince n'avaient pas été à la hauteur d'une telle mission; une
sorte de vertige s*était emparé de lui : ayant eu peur de ce
qu'il avait rêvé, il avait résolument tourné contre les libertés
des peuples une arme qu'il avait d'abord prise pour les
proléger.
La Pologne dut être naturellement la première à ressentir
les atteintes de cette versatilité. En effet, à la suite de mille
mesures restrictives ou vexatoires que nous ne relaterons
même pas, mais toutes basées sur cette idée uniforme que
c( les abstractions insensées de la philosophie moderne ne
peuvent que porter le trouble dans tous les Etats, d toutes les
sociétés secrètes qui là^, comme dans tous les pays opprimés,
avaient pris, du reste, un grand accroissement, furent sup-
primées. Alarmé de la tendance d'un pouvoir qui ne se don-
nait plus la peine de masquer ses intentions et ses vues, le
conseil de Varsovie voulut manifester quelques inquiétudes
au sujet de la constitution ; mais, pour toute réponse, on l'en-
gagea a à persuader à tous les habitants que la patience et
« la tranquillité sont le seul et indispensable moyen pour
« conduire cette nation au bonheur, tandis qu'autrement
< l'avenir ne lui amènerait qu'une dissolution et une ruine
« totale. »
La patience est la vertu des brutes; la recommander à des
254 HISTOIRE
hommes qui voulaient être libres^ c^était les menacer qu'ils
ne le seraient jamais.
L'année suivante^ ce fut pis encore. L'empereur Alexandre,
de retour du congrès de Vérone, où Ton avait exécuté la ré*
'volution a Naples, en Piémont, où Ton s'était préparé à Vexé-
■ cuter en Espagne, était plus que jamais effrayé des fantômes
' révolutionnaires évoqués, avec une perfidie calculée, par
M. de Metternicb. Ce n^élait plus ce jeune monarque dont
une pensée généreuse faisait parfois battre le cœur; son âme
racornie était alors descendue au niveau de celle d'un diplo«>
mate autrichien : le souverain n^avait d'autres inspirations
que celles qu'il pouvait recevoir d^un homme dont toute la
vie devait n'otre qu'un attentat contre les droits humains.
Alors commença une nouvelle et seconde période de la vie
d'Alexandre. Heureux pour lui si l'histoire avait pu la retran-
cher de son règne !
Ce changement de politique du czar amena un ordre nou-
veau dans l'intérieur de son vaste empire. Sans nous arrêter
aux réformes intérieures qu'il opéra en Russie, et qui re-
foulèrent la civilisation prête à entrer, sous ses auspices,
dans ce grand corps slave encore à demi-barbare, nous nous
bornerons à relater à grands traits ce qui concerne la Pologne.
Pour punir cette nation d'avoir donné quelques signes de
vie, lors de la commotion révolutionnaire qui agita une par-
tie de l'Europe, de 1820 à 1823, le gouvernement représen-
tatif y avait été suspendu. La diète n'avait pas été convoquée
depuis quatre ans; et ce séquestre apposé sur les lois du
royaume ne fut levé qu'au prix du sacrifice d'une précieuse
liberté. Le 13 février 1825, la diète fut rouverte, mais la pu-
blicité des débats fut supprimée : c'était presque la dernière
garantie qui restât à la Pologne. Le texte du décret qui sanc-
tionnait cette suppression était motivé sur ce que a la publi-
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 255
cité dans les deux chambres faisait dégénérer la discussion
en vaines déclamations, » et sur un motif plus curieux en-
core, où Tempereur assurait quMl n'avait pris celte mesure
a qu'aûn de faire jouir ses sujets du royaume de Pologne de
tous les bienfaits que leur assure la charte. >
Cet acte de mauvaise foi était d'autant plus déplorable, que
sous la bienfaisante influence d'un régime représentatif même
incomplet^ la Pologne avait vu en peu de temps s'accroître sa
prospérité et ses lumières. Sa population atteignait le chiffre
de quatre millions de plus ; le déQcit dans les finances avait
été comblé ; des routes ferrées avaient été ouvertes, des ca-
naux creusés^ des rivières rendues navigables; Tindustrie
avait partout répandu sa bienfaisante activité : des milliers de
bras travaillaient la laine, le coton, le lin; d'autres arra-
chaient à la terre le fer, le sel, le marbre ; de riches mois-
sons, espoir de populations pauvres, qui depuis longtemps
n'avaient rien eu en propre, couvraient le sol ; les villes de-
venaient riantes et salubres, les campagnes riches et produc-
tives ; de nombreuses écoles ouvertes à toutes les sciences
répandaient dans toutes les classes l'enseignement et les lu-
mières, et faisaient plus pour la liberté que la constitution
elle-même : le présent était supportable, l'avenir plein d*es-
pérance; le souffle impur du despotisme passé sur tout cela^
et il ne resta de tant de biens et de tant d'espérances, que des
tronçons de chaînes que des millions d'âmes furent condam-
nées à traîner, jusqu'au jour marqué par la Providence pour
le triomphe du droit sur l'iniquité.
Mous avons dit que l'empereur Alexandre, pendant la pé-
riode de sa vie où il s'était posé comme réformateur d'abus,
comme ami de la liberté des peuples, avait introduit en Rus-
sie des réformes assez larges pour ouvrir la voie à la civilisa-
tion. Lorsqu*il fut tombé sous l'influence fatale de H. de Met-
256 HISTOIBE
ternicb^ il annula tout ce qu*il avait fait et remit les choses
sur l'ancien pied. Mais quelques hommes généreux s^étaient
enthousiasmés pour une régénération qu'on leur avait fait
pressentir ; leur imagination s'était échauflée au souvenir des
sociétés secrèles d'Allemagne; et, pour régénérer leur pays,
ils avaient tenté ce grand jeu des conspirations, sacrées ou
abominables, suivant le succès ou le revers. Le fil, brisé et
renoué à plusieurs reprises, s'était depuis quelques années
ourdi dans Tombre. En 1825, tout homme pensant en Russie
avait été plus ou moins affilié à deux sociétés qui se parta-
geaient l'empire. L'une, dont le siège était à Saint-Péters-
bourg, visait à une monarchie limitée ; elle avait pour chef
le prince Trubetzkoï, beau-frère de l'ambassadeur d'Autriche,
et un nommé Ryleieff, à la fois officier et publicisle. La se-
conde, celle du Midi, tenait ses conférences à Toulczin; la
république était son but. Le colonel, démagogue exalté, et le
lieutenant-colonel Mouravieff, en étaient les chefs. Pendant
un voyage que fit l'empereur Alexandre dans les déserts de
la Crimée, il apprit, par la révélation d'un des conspirateurs,
qu'il avait trop longtemps vécu au gré de quelques-igis de
ses sujets, et que le complot était dirigé contre sa vie. Cette
découverte l'afTecta d'une manière si sensible, que peu de
jours après (!*' décembre 1825), au retour d'une excursion à
cheval le long des côtes insalubres de la Tauride, il tomba
niourant à Tangarok, en proférant ces mots : a 0 épouvan-
table action!... d On n'a jamais su si cette exclamation se rap-
portait au complot tramé contre lui, à son adhésion à la
Sainte-Alliance et aux atrocités qui en avaient été la suite, ou
un forfait plus vieux, dont sa mémoire n'a jamais été entiè-
rement lavée.
Quoi qu'il en soit, Alexandre mort, le grand-duc Nicolas,
son frère, s'occupait à faire prêter serment de fidélité, par
DE LA RÉVOLLTION POLOIVAiSE. 257
tous les ordres de TÉlat^ au prince Coustantin, héritier légi-
time de la couronne, lorsque le conseil d'État^ ayant rompu le
sceau d'un écrit qui lui avait été conûé par le défunt empe-
reur, pour n'être ouvert qu'après sa mort, y trouva une re-
nonciation à la succession au trône, signée le 14 janvier 1822
par le grand-duc Constantin, et l'acceptation de cette renon-
ciation par l'empereur Alexandre, qui désignait son second
frère^ le grand-duc Nicolas comme héritier de Fempire. Le
prince Constantin renouvela solennellement sa renonciation
antérieure. C'était le moment qu'attendaient les conjurés. Us
semèrent le bruit que Constantin n'avait pas renoncé à la
couronne; que ce légitime empereur, chargé de fers par son
frère, invoquait de loin l'appui de sa fidèle armée. Un pre-
mier manifeste parut rédigé dans ce sens; un second mani-
feste à la nation convoquait une assemblée générale des dé-
putés de l'empire et un gouvernement provisoire. Le prince
Trubetzkoî y était désigné pour dictateur. Au jour du danger,
Trubelzkoïse troubla; Ryleieff prit sa place. Un autre con-
juré répandit l'esprit de sédition dans les casernes; le régi-
ment de Moscou, les grenadiers du corps, les marins de la
garde se révoltèrent et tuèrent leurs commandants. Le gou-
yerneur militaire de Saint-Pétersbourg, la comte Milorado-
witchy fut tué d'un coup de feu. Dans ce pressant péril pour
sa couronne, Nicolas se porta au-devant des troupes soulevées
qui se précipitaient vers le palais, a Rebelles 1 leur dit-il, vous
vous trompez de chemin! « Stupéfaits de ce sang-froid, les
rebelles se dispersèrent; la mitraille hâta leur fuite, l'écba*
faud emporta le reste de la sédition. L'empereur Nicolas re-
cueillit sur le tombeau de son frère un sceptre teint du sang
de ses sujets. Ce sinistre début était d'un fatal augure ; aussi,
sous ce règnci la Pologne devait perdre ce qui lui restait de
nationalité.
33
258 HISTOIRE
En effets la conspiration qui avait éclaté en 1825 à Saint*
Pétersbourgy au pied du trône sur lequel le nouvel empereur
ne s^était pas encore assis^ lui avait rendu toute la Pologne
suspecte. Les vexations^ Tarbitraire^ les exactions^ les persé-
cutions préludèrent à un plan de dénationalisation arrêté
d'avance. Un moment, un seul, la Pologne eut l'espoir d'un
peu de répit. C'était le 21 mai 1829, Tempereur Nicolas s'était
prosterné devant un autel dressé dans le château de' Varsovie.
Devant le monarque qui allait poser sur sa tête la couronne
des Jagellons, étaient le sceau du royaume, la bannière. Té-
pée, le manteau royal, le sceptre et la couronne. Sur le livre
ouvert des Évangiles, Tempereur étendit la main et jura «c de
a régner pour le bonheur de la nation polonaise, d'après la
a charte octroyée par son auguste prédécesseur. »
Cependant, par cela seul que les peuples toujours malheu-
reux espèrent toujours, les Polonais pensaient qu'en se fai-
sant couronner roi de Pologne, l'empereur Nicolas avait eu un
autre but que celui d'ajouter une vaine formalité à son titre.
Ils se trompèrent. Le nouveau roi couronné s'éloigna de ce
pays, sans avoir remis en vigueur la constitution, sans avoir
convoqué la diète nationale ; pour surcroît de malheur, une
vigilance soupçonneuse enleva à ce malheureux pays le peu
de repos qui survivait à ses libertés expirantes. La Pologne
demeura soumise à Padministration toute militaire du prince
Constantin; rien ne mit un terme à ses souffrances. Quoique
enchaînée, cependant on la craignait encore, sous la garde
del'épéedu grand-duc, on lui disputa jusqu'à la paix de
l'esclavage.
Après avoir montré comment la constitution de Pologne
fut arrachée à l'empereur Alexandre par l'insistance intéres-
sée des puissances européennes, et comment cette charte oc-
troyée par le czar fut bientôt violée par lui-même et par son
DB LA BÉTOLUTION POLONAISE. 259
successeur, revenons sur nos pas, et indiquons^ avec quel-
ques détails^ les plus importante des griefs accumulés dans
une période de quinze années par la Pologne^ cette malheu*
reuse, mais non pas la seule victime de ces abus de la force^
qui prirent le nom de traités de 1815. Malgré le caractère bru-
tal de ces traités, la Pologne en avait stoïquement subi les
conséquences. Mais^ en voyant comment ils furent exécutés,
en voyant les mille blessures faites au cœur d^une nation hé-
roïque par la verge de fer de deux despotes, on ne pourra
s'empêcher de reconnaître que^ dans aucun pays et à aucune
époque, cet axiome de liberté sorti de la bouche d'un grand
homme : ce Contre la tyrannie, Pinsurrection est le plus saint
des devoirs, » ne reçut une application plus nécessaire et
plus juste à la fois que celle qu'en firent les Polonais en 1830.
Il est difficile d'ailleurs, de comprendre comment les Ca-
binets européens se firent illusion, au point de croire que
Y autocrate de toutes les Russies, le souverain absolu des Co-
saques^ consentirait àrégnerconstitutionnellement sur le nou-
veau peuple quMl venait d'absorber. La réunion sur une seule
fête de deux pouvoirs si différents^ Tun sans limite et sans
contrôle^ Tautre borné et contrôlé, était une évidente ano-
malie, qui ne portait en elle aucun principe de durée. Ou la
Pologne devait être pour la Russie un foyer rayonnant d'idées
nouvelles^ et porter la lumière et la chaleur parmi ces froids
et durs Tartares , ou bien le czar de Hoscovie devait éteindre
et étouffer dans un pays voisin une liberté dangereuse pour
ses anciens sujets. L'alternative était inévitable; mais, comme
la politique russe n'était pas d'un tempérament à attendre
patiemment que la première de ces deux chances se réalisât
sous ses yeux, c'était la constitution polonaise qui devait in-
failliblement succomber et périr. Du reste, si l'empereur de
la Russie avait fini par se soumettre aux exigences des puis*
260 HISTOIRE
sances^ c*est qull avait espéré un moment pouvoir tirer part
de son apparente concession, et, sans en avoir Tair^ reprendre
d'une main ce qu'il donnait de Tautre. Il y avait alors à sa
Cour un parti qui obéissait à l'influence de madame de Kru-
dener^ la maîtresse du czar. Ce partie soi-disant libéral^ avait
persuadé à Alexandre quMl lui serait facile d'escamoter la li-
berté^ tout en paraissant la donner. Maniée par d'adroits pres-
tidigitateurs, celte liberté polonaise devait être pour lui un
instrument de tyrannie^ au lieu d'être un péril et un empê^
cbement. Ces théoriciens de la Cour moscovite avaient raison,
et il ne serait pas nécessaire d'aller bien loin pour trouver
des exemples de cette politique, qui joue avec les droits des
peuples comme les saltimbanques de nos rues jouent aux
gobelets, et fait disparaître les franchises nationales aussi
adroitement qu'ils font disparaître la muscade sous les re-
gards surpris du spectateur. Mais, soit que l'habileté des
hommes d'Etat de Saint-Pétersbourg ne fût pas de force à re-
présenter avec succès une pareille comédie, soit qu'ici l'en-
treprise offrît plus de difficultés, attendu qu'il fallait opérer
sur un peuple étranger, Alexandre ne tarda pas à se con-
vaincre que ses projets d'escamotage ne réussiraient pas, et, dès
ce jour, non-seulement il renonça au dessein qu'il avait formé
de doter d'une charte ses Cosaques, mais encore il jura d'é-
craser du pied en Pologne cette liberté incommode qui refu-
sait insolemment de porter sa livrée.
Un des premiers actes d'Alexandre, pour atteindre ce but,
fut d'imposer à la Pologne, en qualité de gouverneur ou vice-
roi, son propre frère Constantin, l'héritier présomptif de la
couronne moscovite. Disons quelques mots de ce prince,
dont le choix accusait on ne peut plus clairement la pensée
du czar sur les Polonais.
C'était un homme de haute taille^ d'un physique féroce et
DB LA BÉTOLUTIOH POLONAISE. 261
grotesque tout à la fois : épaules larges et robustes, voix rau-
que, nez retrousséi tel était son extérieur. Il ne quittait jamais
ruuiforme, et portait sur sa tête un chapeau à trois cornes
surmonté de plumes de coq, et plaôé de manière à ne pas
gêner ses regards perçants, qui sons des sourcils blancs et
hérissés^ lançaient toujours Téclair de la colère. Le grand-duc
Constantin devint amoureux, à Varsovie , d'une jeune et
belle Polonaise quMl épousa. Pour que ce mariage pût avoir
lieu, il dut demander le consentement de son frère. Alexandre
accorda au grand-duc la permission qu'il demandait; mais
telle était l'estime quUl avait pour son frère, qu^il profita de
cette circonstance pour exiger de lu)| en échange de ce con-
sentement, sa renonciation formelle à la couronne moscovite,
en faveur du troisième frère, Nicolas. Ainsi, Alexandre ne ju-
geait pas Constantin digne de régner sur les Russes, et il l'ap-
pelait cependant à gouverner les Polonais. Ce trait suffit
pour peindre toute la sympathie du czar pour un peuple dont
il se disait dérisoirement le restaurateur. Esclave de ses pas-
sions^ Constantin aima mieux renoncer lâchement à ses droits
qu'à la belle Jeannette Grudginska. Le contact d'une femme i
la fois belle et bonne adoucit d'ordinaire les plus sauvages
naturels; cette alliance avec une de leurs compatriotes devait
faire espérer aux Polonais quelques améliorations dans la
façon dont ils étaient gouvernés; mais il est des animaux
féroces que nulle puissance humaine ne saurait apprivoiser;
Constantin était de ce nombre. Après comme avant son
mariage, il se fit exécrer de toute la population, bourgeoise
et militaire, qui l'appelait le tigre. Pour un bouton mal
cousu, il mettait le soldat en prison; si un passant ne le saluait
pas^ il l'envoyait au corps-de-garde. Des étrangers même
s'offraient-ils à ses yeux coiffés de chapeaux de mode in-
connue, il les faisait amener de force sur la place de Saxe, où
262 HISTOIRE
il passait les troupes en revue, et là^ les obligeant à se placer
sur un tambour, il coupait de sa main, avec des ciseaux, les
bords de leurs chapeaux. S'il trouvait sur sa route un enfant
polonais aux longs et beaux cheveux tombant sur ses épaules,
il le faisait arracher violemment des bras de sa mère éplorée,
et, pendant que la pauvre créature criait et pleurait dans les
mains de ses ravisseurs^ il coupait en riant sa belle chevelure.
C'étaient là les amusements les plus innocents du grand-duc;
de ceux-là il passait souvent à d'autres plus cruels et plus san-
glants. Pour le moindre acte d'irrévérence, pour un mot, pour
un geste^ il lui arrivait souvent de prendre le fusil d'un soldat
et de le décharger sur lui, ou d'assommer un officier d'un
^coup de crosse. Sous les plus futiles prétextes, ce monstre à
face humaine faisait conduire en prison des citoyens de toutes
<X)nditions, coupables seulement de lui avoir déplu; et des
conseils de guerre nommés par lui^ soumis à ses caprices,
condamnaient ces infortunés à des travaux avillissants, et les
jetaient dans des cachots pêle-mêle avec les forçats. Et cela
se faisait au mépris de garanties assurées par la constitution^
qui n'était déjà plus avant 1820^ qu'une lettre morte, effacée
par le pourvoir discrétionnaire accordé par le czar à Constantin.
Le grand-duc avait reçu la mission d'abrutir la Pologne^
d'extirper du cœur de ce peuple ces sentiments d'honneur
individuelet de dignité nationale qui en ont faille frère du
peuple français. Il essaya d'abord d'accomplir son oeuvre sur
l'armée, qui comptait dans ses rangs l'élite des citoyens. Sous
prétexte de maintenir la discipline, il accabla de persécutions
et d'outrages le corps des officiers ; il leur fit infliger ou quel-
quefois leur infligea lui-même les peines lesplus infamantes,
pour les fautes les plus légères. Quand les conseils de guerre
ne montraient pas assez de complaisance, Constantin cassait
leurs arrêts, et faisait rendre de nouveaux jugements plus
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 263
sévères, que la timidité des juges épouvantés pour leur propre
compte, finissait par leur accorder: aussi les meilleurs of-
ficiers donnaient-ils leurdémission. D^autres^ personnellement
insultés par le grand-duc^ publiquement frappés^ lavèrent
généreusement dansleur propre sang Toutrage qu41s avaient
reçu, montrant par là que ce n'était pas faute de courage^ mais
bien la crainte de compromettre l'avenir de leur patrie, qui
avait retenu leur bras vengeur. A Foriginede cette tyrannie, les
Polonais aimaient à se bercer d'espérances; ils n'osaient pas,
dansleur confiance^ faire remonter la responsabilité des actes
dont ils étaient victimes^ jusqu'à cet Alexandre qui leur avait
prodigué de si belles promesses. Us attendaient de lui non-
seulement le redressement des abus, mais encore leur réunion
à leurs frères des provinces incorporées, et ils craignaient
qu'un acte de rébellion contrôle lieutenant du czar ne
servît de prétexte pour refuser à leur pays la justice qu'ils
demandaient.
Aussi^ pendant les sessions législatives, les chambres po-
lonaises n'usaient-elles de leurs droits qu'avec la plus grande
réserve. Pour mieux prouver les torts de l'oppresseur, les
opprimés ne protestèrent auprès d^ Alexandre qu'avec d'ex-
trêmes ménagements, contre l'administration arbitraire de
son frère, ce qui n'empêcha pas le czar de poursuivre illé-
galement des députés pour des opinions par eux modérément
émises; et les journaux s'étant alors permis de critiquer les
mesures du pouvoir, la liberté de la presse fut suspendue, et
fit place au règne de la censure. Le gouverment russe tâcha
décolorer ces premières violations de la liberté polonaise, par
cette misérable excuse qu'invoquent toujours les mauvais
gouvernements en pareilles circonstances ; il accusa effron-
tément de son propre parjure, Vusage effréné que faisait la
Pologne des droits qu'il lui avait donnés.
26i HISTOIRE
Une fois entré dans cette voie rétrograde, le czar y marcha
à grands pas. L'instruction publique fut corrompue, et on
organisa un système d'obscurantisme, pour plonger les
masses dans un état de barbarie pareil à celui où croupissent
les paysans russes. Les chambres furent dépouillées de la fa-
culté de Yoter le budget. Les charges furent augmentées, des
monopoles créés, qui devaient prochainement tarir la source
des richesses nationales, et le trésor public, grossi par ces me-
sures, devint la pâture d'une valetaille de Cour, composée de
Russes et d'indignes enfants de la Pologne. Au lieu des
épargnes que les chambres réclamaient, on créait des places
nouvelles, on élevait le chiffre des pensions, le tout pour
augmenter le nombre et pour assouvir l'égoïste appétit des
agents de la tyrannie'. La publicité des délibérations de la
diète, cette garantie sainte de Tindépendance du vote, cette
unique sauvegarde des droits du commettant contre les tra-
hisons du mandataire, fut supprimée. En même temps, un
système d'espionnage enveloppa dans ses réseaux la totalité
des familles. Le chef de cette police occulte était le général
Rozniecki, Pâme damnée de Constantin. Des agents payés à
grands frais par la Pologne pénétraient dans Tintérieur des
maisons, et, abusant de l'antique hospitalité nationale, se
couvrant du masque de l'amitié, surprenaient les pensées les
plus intimes, ou même provoquaient traîtreusement, par une
apparente franchise, des manifestations verbales contre la
tyrannie. L'empereur Alexandre avait sa police, et Constantin
avait aussi la sienne. Gomme il arrive toujours en pareil cas,
ces espions, alors qu'il n'avait rien à dire, imaginaient les
contes les plus absurdes pour ne pas perdre le salaire promis;
de telle sorte que leurs mensonges coûtaient souvent laliberté
et quelquefois la vie aux citoyens les plus inoffensifs. Les indi-
vidus signalés dans les rapports des espions étaient empri-
DE LA BÉVOLCTION POLONAISE. 265
sonnés sans être confrontés avec leurs accusateurs, et Fans
connaître les motifs de leur arrestation. Rozniecki avait fait
construire des bastilles où était réuni tout ce que la barbarie
peut inventer de plus affreux pour tuer lentement les pri-
sonniers> ou les contraindre à avouer les crimes qu'ils
n'avaient pas commis. Dans la prison d'Etat dite des Carmes,
à Varsovie, le prisonnier était jeté dans une espèce de cellule
étroite et basse, où le jour pénétrait à peine et où il ne pou-
vait marcher ni même se tenir debout; il ne voyait nul être
humain que le geôlier, et n'entendait d'autre bruit que le
grincement des verroux et les gémissements qui s'échap-
paient des cellules voisines. Le système d'espionnage prati-
qué sur les Polonais était tel, que personne, de ce pays, n'était
certaindu lendemain. Des personnes suspectes étaient enlevées
au milieu delà nuit et conduites devant le tribunal de;ia police
secrète. Là ne sachant pas seulement de quel crime on les
accusait, effrayées et trompées par des questions capricieuses,
elles se laissaient prendre au piège qui leur était tendu; ou
bien, quand ce moyen d'instruction ne réussissait pas à ces
jAonveaux inquisiteurs, ils avaient recours à la faim, à des
peines corporelles, à des tortures physiques et morales qui
rappelaient la sanguinaire procédure du Saint-Office de
Madrid.
Les membres de la chambre des nonces, malgré le caractère
d'inviolabilité qui les couvrait, n'étaient pas plus ménagés que
les autres citoyens; plusieurs d'entre eux étaient enlevés au
seuil même de la salle des séances, et traînés dans la prison
des Carmes, pour expier, dans la captivité, l'indépendance de
leurs discours. Quelques uns d'entreces députés ne quittèrent
cette bastille que lorsque la révolution de 1830 leur en ouvrit
les portes.
Les choses se passèrent ainsi jusqu'à l'année 1826, où
34
2G6 HISTOIRE
mourut Pempereur Alexandre. Alors crédules et pleins
d'espoir^ comme le sont toujours les malheureux^ les Polonais
espérèrent un moment que leur nouTeau maître leur serait
plus traitable que l'ancien ; révénement déçut bientôt leurs!
illusions. Nous avons tu qu'Alexandre n'avait cessé de pro- ;
mettre la réunion au royaume de Pologne de la Lithuanie et
autres provinces incorporées à l'empire russe.
Plus franc et plus hardi que son frère la première parole
de Nicolas aux Polonais fut celle-ci : a Jamais cette réunion
« n'aura lieu; je ne reviendrai pas sur les faits accomplis, d
Dès ce moment^ aux parjures anciens succédèrent jour-
nellement des parjures nouveaux.
Pour se débarrasser d'une indépendance importune leczar^
introduisant dans le sénat de nouveaux membres qui ne pos-
sédaient pas les qualités requises par la loi fondamentale^
peupla ce corps de créatures dévouées. Il décréta, de son
autorité privée, et sans l'assentiment des Chambres^ un
emprunt onéreux et une autre mesure de la plus haute gra-
vité^ l'aliénation des domaines nationaux. Les sommes considé-
rables puisées à ces deux sources devaient être, comme tant
d'autres l'avaient déjà été^ la proie des agents du pouvoir.
Heureusement, le temps manqua à cette œuvre nouvelle de
dilapidation, et cet argent, ainsi qu'on le verra plus tard,
servit providentiellement à l'armement de la Pologne contre
son oppresseur.
Aux différents griefs que nous venons d'énumérer , il
aut joindre la préférence hautement accordée à l'Eglise
grecque, au préjudice du culte catholique professé par les
sept huitièmes de la nation. Ainsi, en résumé, refus pei^é-
vérant, malgré les engagements d'Alexandre, de restituer au
royaume de Pologne les anciennes provinces annexées à
Tempire russe, violations réitérées de la charte libérale
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 2G7
arrachée à Tempereur défunt, abolition successive de tous les
droits et de toutes les garanties constitutionnelles^ notam-
ment de la publicité des séances de la diète et de la liberté
de la presse^ intolérance religieuse^ persécutions brutales
et systématiques exercées contre quiconque osait penser
tout haut. Tels étaient les nombreux reproches adressés
par les Polonais au gouvernement russe en 1830 tels
étaient les griefs par eux amassés dans un espace de
quinze années.
Voyons maintenant quels étaient les divers éléments dont
se composait le royaume de Pologne à cette époque, et
quelle était la situation faite par la loi de TEtat à chacun de
ces éléments.
Presque toute Tactivité nationale est concentrée dans les
deux classes de la noblesse et la de bourgeoisie. En ce moment
encore, comme on s'en convaincra plus tard, ce sont ces deux
classes qui prennent Tinitiative et donnent vaillamment^ au
péril de leur vie^ le signal de tous les mouvements. Les nobles
surtout n'ont pas encore oublié leurs antiques privilèges, et
cette haute prérogative du liberum vetOj dont leurs pères ont
souvent abusé^il est vrai^ et qui produisitTanarchie et la perte
delà patrie^ mais qui au moins mettait le mouvement la passion
politique et une vie puissante quoique frébrile, là où ne ré-
gnent plus maintenant que l'immobilité, Tagonie et la mort.
Lés bourgeois, maintenant admis à la possession de presque
tous les droits autrefois réservés à la noblesse, sont dévoués
comme elle à la cause patriotique. Un même amour de l'indé-
pendance nationale animait déjà ces deux classes eu 1830, sauf
cependant leurs sommités^ c'est-à-dire les propriétaires très-
riches et les plus anciennes familles nobiliaires. Là, comme
dans d'autres contrées^ l'égoïsme et la peur de perdre leurs
richesses a corrompu les échelons supérieurs de la hiérarchie
268 HISTOIRE
sociale, el nous verrons bientôt que ce furent, en effet, ces
deux fractions prépondérantes de la classe moyenne et de la
classe noble, qui, en 1830, se mirent à la tête de Tinsurrec-
tion pour l'arrêter et la faire dévier, et qui, en résultat, sans
le vouloir peut-être, la firent avorter. Si ce ne fut pas là, crime
et trahison de leur part, ce fut du moins aveuglement et cou-
pable faiblesse.
Nous avons parlé de l'Eglise grecque, et constaté son état
de minorité dans le pays, malgré tous les efforts de la Russie
pour y faire prévaloir ce culte. L'Eglise grecque se divise en
deux rits : le rit uni et le rit non uni. Le rit non uni, peu ré-
pandu dans le royaume de la Pologne, est en majorité dans
rUkraine, dans la Lithuauie, la Yolbynie et les autres pro-
vinces incorporées. Les prêtres de cette communion recon-
naissent pour chef spirituel le czar, qui, pour étendre sa do-
mination sur les consciences de ses sujets, s'est proclamé
leur empereur et leur pape tout à la fois. Grâce au dernier de
ces deux titres, le czar a conquis, en effet, une grande in-
fluence sur les provinces dont nous venons de parler. On y
rencontre plus de résignation au joug de la Russie que dans
ie royaume de la Pologne proprement dit.
Les provinces du royaume ne connaissent guère que le ca-
tholicisme pur et le rit grec uni, qui n'est pas, comme le
non-uni, sous la dépendance de Tempereur. Les prêtres de
ces deux communions se montrèrent toujours de dignes fils
de leur pays, et on les a vus plusieurs fois, en 1830 et depuis
lors, mettre non-seulement leur éloquence, mais encore
leurs bras au service de la cause nationale, combattre comme
des héros après avoir prêché comme de saints.
Les paysans composent les deux tiers de la population polo-
naise. Leur position était à peu près, en 1830, ce qu'elle était
avant la révolution de 1795, ce qu'elle est encore aujourd'hui.
DE LA RÉVOLUTION POLOVAISE. 269
Soumis aux servitudes et aux corvées^ exclus de la propriété
foncière, ils portaient sur eux tout le faix écrasant des abus
féodaux du moyen âge. Aussi se montraient-ils assez indlf-
^ férents à ces grandes idées de nationalité qui remuaient alors
les classes plus heureuses et plus riches, mais qui, pour eux^
n'avaient guère de sens, faute d'un but utile à tous. Ces pay-
sans échappant, par leur peu d'importance et leur position
subalterne et servile^ à Faction du despotisme russe, ne
voyaient^ dans une révolution qu'un maître à échanger contre
un autre. Ce que l'insurrection de 1830 avait à faire avant
tout^ c'était donc de donner un but utile^ un stimulant éner-
gique à cette portion si importante de la population; c'était
de l'intéresser au succès de la révolution, de la doter enOn
de la propriété foncière, de l'admettre à la jouissance des
droits de citoyen^ de satisfaire ses besoins physiques, et d'é-
veiller en elle un nouveau monde d'idées morales.
Nous verrons lout-à-l'heure si l'insurrection de 1830 ac-
complit ce devoir essentiel et songea à une réforme que la
justice réclamait^ et qui seule peut-être pouvait sauver le
peuple polonais.
On remarquait aussi^ et on remarque encore en Pologne
cette race vagabonde qu'on rencontre partout en Europe,
mais nulle part autant qu'en ce pays, où les juifs composent,
à enx seuls, au moins la dixième partie des habitants. Nous
n'avons pas besoin de dire qu'ils sont là ce qu'on les voit
ailleurs. Soigneusement séparés des chrétiens^ avec lesquels
ils refusent de s'allier par le mariage; entretenus dans ce fatal
isolement par la Bible^ ou du moins par l'interprétation pas-
\ sionnée qu'ils en font, les juifs^ chassés de presque toutes les
' contrées européennes au moyen fige^ par le fanatisme reli-
gieux, trouvèrent sur le bords de la Vistule une hospitalité si
bienveillante^ qu'ils appelèrent la Pologne leur paradis ter-
270 HISTOIRE
restre en effet le degré de prospérité qu'ils ne tardèrent pas à
y atteindre. Professant une répugnance invincible pour le ser-
vice militaire et pourTagriculture^ les juifs n^exercërent pour-
tant jamais en Pologne les droits de citoyens, puisqu'ils refu-
saient d'en remplir les devoirs. Le voîturage, les prêts d^argent,
l'usure^ le commerce de détail^ qu'ils conduisaient avec
beaucoup d'habi le té, telles étaient les professions auxquelles ils
se livraient. Ils étaient presque tous cabaretlers^ et on leur
reprochait avec justice d'exciter, par cupidité, Tivrognerie
parmi les classes pauvres. Sachant tout jusle lire^ écrire et
compter, les plus riches d'entre eux ne possédaient pas les lu-
mières répandues parmi les bourgeois chrétiens. Stationnaires
dans toutes leurs coutumes, ils affectaient même de se dis-
tinguer du reste de leurs concitoyens par Tétrangeté de leur
costume, quoiqu'elle fût l'objet de la risée publique. Ils gar-
dèrent toujours religieusement ces longues barbes et ces che-
velures tombant en cadenettes tressées devant les oreilles,
qu'ils portaient dans les derniers siècles. Généralement mé-
prisés^ on les accusait non-seulement de mauvaise foi et de
fraude dans leurs trafics, mais encore de superstitions odieuses.
Inutile d'ajouter qu'ils rendaient aux chrétiens le mépris
et la haine que ceux-ci leur portaient. Quoiqu'eufanis
adoptés de la Pologne, ils ne s'intéressaient au sort de la
partrie que jusqu'à la limite de leur intérêt personnel.
Vainement, à la fin du dernier siècle^ avait-on essayé d'en
faire des citoyens utiles, de les forcer au service militaire^ et
de fermer leurs cabarets pour qu'ils s'occupassent d'agri-
culture. Tous les moyens coërcitifs échouèrent. Enrôlés dans
les rangs de l'armée, ils désertaient; privés de leur commerce,
ils se laissaient tomber dans la misère, et se croisaient les
bras plutôt que de s'armer de la charrue. Impossible d'en
faire des soldats ou des laboureurs.
DE LA EÉVOLUTION POLONAISE. 271
n 7 avait pourtant des exceptions. A côlé de ces juifs routi-
niers qui ne voyaient dans le progrès qu'un ennemi de leurs
doctrines^ il en était d'autres^ moins arriérési qui compre-
naient les relations sociales^ et se rapprochaient sincèrement
des chrétiens. Ceux-là sentaient qu'au-delà des croyances re-
ligieuses qui se partagent le genre humain, il existait des
connaissances et des idées qui peuvent être communes à tous>
et qui relèvent la dignité de l'homme. 11 est fâcheux que l'en-
têtement fanatique de leurs frères, et les préventions exagé-
rées des chrétiens polonais, aient privé la révolution de ce
pays de la force que lui aurait prêté cette partie considérable
des habitants qui le peuplaient.
Maintenant qu'on connaît^ d'une part, les divers éléments
de la nation polonaise et la place qu'ils occupaient dans la
cité; d'autre part, le système d'asservissement et de persé-
cution suivi pendant un intervalle de quinze années contre
cette grande victime, par le cabinet moscovite, nous allons
parcourir rapidement les événements qui précédèrent immé-
diatement et déterminèrent même la glorieuse explosion de
1830.
Un des moindres torts de la Cour de Saint-Pétersbourg à
regard du peuple qu'elle opprimait, c'était de ne convoquer
la diète, c'est-à-dire les chambres, que quand il lui plaisait.
Ainsi, depuis 1815, on n'avaitencore compté que deux sessions,
celle de 1818 et celle de 1825. Ce n'était pas assez de mettre un
bâillon sur la bouche des députés : malgré tant de violences
et de précautions, Alexandre et Nicolas trouvaient qu'ils en
disaient encore trop, et ils ne voulaient pas que les nonces et
le sénat s'assemblassent. Enfin, l'interrègne parlementaire
ayant duré cinq ans, à moins de renverser brutalement la
constitution, il fallut bien, en 1830 que Nicolas se résignât à
convoquer la diète. Yoici dans quels termes il le fit, par son
272 HISTOIRE
ukase du 6 avril de cette année : « Vous avez appris par deux
« diètes quel doit être le but de vos elforts, et ce que vous
a devez éviter. L'expérience vous a montré les avantages des
(( délibérations calmes et tranquilles^ et les suites préjudi-
a ciables des dissensions. Cette expérience, je l'espère^ ne
ce sera pas sans fruit pour vous j> Cet ukase, dont la fin rappe-
lait, comme d'habitude, les bienfaits de Vimmortel restaura^
teur de la Pologne, d'Alexandre, faisait entendre clairement
que la constitution tenait à Tusage que les chambres feraient
de leurs privilèges. Pour nous servir d'une expression fa-
meuse, le czar paraissait dire : a Soyez sages, servez-vous
a bien discrètement de la charte, de ce joujou que je vous ai
a donné, mais qu'il faut vous garder de prendre trop au
a sérieux, sinon je retirerai le joujou de vos mains et je
a le briserai. x> C'était enfin le langage d'un caporal en
colère, menaçant de la salle de police des recrues indociles.
Le 28 mai, Nicolas ouvrit en personne, à Varsovie, la troi-
sième session. Entouré d^un cortège de Russes, il prononça
un discours d'ouverture qui n'était que la seconde édition de
son ukase du 6 avril, et qu'il termina en daignant s'excuser
auprès des chambres de ce qu'il n'avait pas appelé Tarmée
polonaise à prendre part aux deux guerres de Perse et de
Turquie» faites avec succès par l'armée russe. Pour ne pas
compromettre les institutions qu'ils possédaient en droit,
sinon en fait, et qu'on les menaçait de perdre, les députés et
le sénat montrèrent cette fois, comme toujours^ une réserve
excessive dans leurs votes et leurs discours. Ils crurent,
devoir, cependant, protester contre les faveurs exclusivement
réservées au rit grec, ainsi que contre l'étoulTement de l'in-
struction primaire. Le comte de Mastowski, ministre de l'in-
térieur, repoussa le reproche adressé sur la question reli;
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE^ 273
gieuse, ct^ quant à rinstruction primaire, nous nous
contenterons de citer une phrase de sa réponse, a SMl est
« vraiy disait-ily que Textension irrégulière des connaissant
a ces, en augmentant la sûreté des personnes^ tend à dimi-
« nuer celle des propriétés par les nouveaux désirs qu'elle
a excite, le moyen le plus simple d'écarter Tappât des jouis-
« sances illicites se trouverait en facilitant pour chaque Etat
a rinstruction limitée qui lui convient, et qui y attachera
« davantage. » C'était proclamer franchement Tilotisme éter-
nel des classes inférieures, et ériger en principe leur exclu-
sion de tous les avantages sociaux, lumières, honneurs et for-
tune, qui doivent être également accessibles à tous. Cela était
peut-être bon à dire aux Russes qui vivaient sous le régime
du bon plaisir d'un homme ; mais ce n'est pas à un peuple
doté d'une constitution libérale, qu'on pouvait opposer ce
mur infranchissable entre les différentes classes de la société.
La mesure du gouvernement qui souleva la résistance de
la diète, fut le projet de loi qui avait pour objet de rendre le
divorce ou la dissolution du mariage plus difQcile qu'aupara-
vant. Le rejet de ce projet de loi, à la majorité ae 93 voix
contre 32 dans la chambre des nonces, alluma la colère du
czar, qu'enflamnièrent encore les vœux modérément et fer-
mement exprimés par les nonces et le sénat, pour la réunion
4le la Lithuanie et des autres provinces de l'ancienne Pologne.
Nicolas, qui, ainsi qu'on l'a vu, avait déjà signifié impérieu-
sement qu'il ne consentirait jamais à cette réunion, s'irrita de
ce vœu si persistant, ferma brusquement la session, le 28
juin, un mois après son ouverture, et partit pour Saint-Pé-
tersbourg. Un mois encore s'était à peine écoulé, quand la
Révolution de Juillet éclata à Paris, et ébranla l'Europe entière^
depuis le midi jusqu'au nord.
Les deux révolutions française et polonaise de 1830 sont
trop liées Tune à l'autre, elle se touchent par trop de points
essentiels, et sont trop fraternellement solidaires, pour qu'il
nous soit possible ici d'omettre les intimes rapports qui les
rattachent ensemble, et conséquemment aussi les relations de
Toppresseur d'un de ces deux pays avec les deux gouverne-
ments qui se sont succédés dans l'autre.
Le C2ar et Charles X avaient été toujours d'accord. Cet
accord ne fut pas rompu par l'expédition d'Alger^ car Nicolas
offrit même au Bourbon ae la branche aînée le concours de
ses troupes, si celui-ci le jugeait nécessaire. Ce fut mem e^
il faut bien le dire, l'assentiment exprimé par le czar en celVe
circonstance, qui imposa silence aux sentiments jaloux de
l'Angleterre, et qui fut cause que le Cabinet de Paris ne tint
aucun compte du veto de cette puissance. Le czar voulait,
33
2H HISTOIHB
comme la France^ rabolition de la piraterie et TalTranchisse-
meot de la navigation de la Méditerranée. Il se préparait
même, dit-on, à profiler des avantages d'une grande coloni-(
sation européenne sur la côte d'Afrique. Hais l'ébranlement;
de Juillet vmt bouleverser brusquement tous ces rapports de
bonne intelligence entre les Cours de Paris et de Saint-
Pétersbourg. Un prince menacé par une révolte en arrivant
au trône^ et constamment inquiété par les sourdes répulsions
de la Pologne, ne pouvait pas voir de bon œil Tœuvre sublime
Îue le peuple de Paris venait d'accomplir en trois jours,
ussi, à la première nouvelle qu'il en reçut^ Nicolas s'em-
pressa d'ordonner une nouvelle levée de recrues^ sous pré-
texte des vides que les guerres contre la Turquie et la Perse
avaient faits dans l'armée moscovite. Le générai Atthalin,
envoyé pour notifier au czar Tavënement du roi Louis-Phi-
lippe au trône^ ne reçut qu'un accueil glacé , et la lettre qui
suit; est trop importante pour ne pas être mise sous les yeux du
lecteur.
Saint-Pétersbourg, le 28 septembre 1830.
a J'ai reçu des mains du général Attbalin la missive dont il
c était porteur. Des événements à jamais déplorables ont
<3t placé Votre Majesté dans une cruelle alternative (c'étaient
« les termes de la lettre de Louis-Philippe). Votre Majesté a
<x pris une résolution qui seule lui paraissait propre à épar-
a gner à la France de plus grands maux. Je ne dirai rien des
« motifs qui ont conduit Votre Majesté dans cette occasion ;
« mais j'adresse les vœux les plus ardents à la divine Provi-
« dence pour qu'il lui plaise bénir les desseins de Votre
« Majesté, et ses efforts pour le bien-être des Français. De
« concert avec mes alliés^ je reçois avec satisfaction le désir
« exprimé par Votre Majesté d'entretenir des relations de
« paix et d'amitié avec tous les Etats européens. Aussi lonç-
a temps que ces relations seront fondées sur les traites
« existants et sur la ferme volonté de maintenir les droits et
« les obligations solennellement reconnus par ceux-ci, ainsi
cr que les propriétés territoriales, l'Europe y verra une
« garantie de la paix, qui est si nécessaire^ même pour le
a repos de la France. Appelé conjointement avec mes alliés
« à continuer avec la France^ sous son nouveau gouverne-
« ment; ces relations conservatrices, je m'empresserai» de
« mon côté, de mettre, non-seulement tous les soins qu'elles
€ exigent, mais de manifester encore sans cesse les sen-
€ timents de la sincérité desquels je me fais un plaisir^
« etc. etc. p
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 273
Par cette lettre, Nicolas reconnaissait bien en fait Tavène-
ment au trône de Louis-Pbilippe, mais il niait la légitimité
du principe qui Ty avait porté. Il n'est pas dans notre sujet
de dire ici ce que la France aurait dû faire à cette époque.,
mais nous devons constater la rancune et la peur manifester-
qu'avait fait naître la Révolution de Juillet dans l'âme de*
Nicolas. Toujours sur le qui-vive, quoique bien convaincr
des intentions pacifiques du monarque français, il s^attendai:!
à chaque instant à la nouvelle du passage du Rhin par unr^
armée française; il doutait que Louis-Philippe eût la maii
assez forte pour contenir la réaction populaire qui se mani<
festa contre l'état de choses créé par les traités de 1815. U
hésitait pourtant à prendre l'offensive, quand l'insurrection
de Belgique, victorieux écho de celle de Paris, fixa subite*
ment ses indécisions. Après un échange de notes et de cour-
riers diplomatiques avec les Cabinets de Vienne et de Berlin,
qui s'associaient à ses vues, il avait résolu de prendre hardi-
ment l'initiative de la guerre, quand il fut arrêté tout à coup
par deux nouveaux ennemis : le choléra-morbus, qui, arrivant
de l'Inde, venait de passer le Caucase et de faire irrupUoa à
Moscou dans le mois de septembre ; terrible maladie, qui
décima d'abord l'armée russe, puis l'armée polonaise, et api,
gagnant de proche en proche, ne tarda pas à envahir l'Eu-
rope entière. Le second ennemi fut l'insurrection polonaise,
que le czar eût voulu prévenir, et qui le devança.
276 niSToms
CHAPITRE X
1830
Sociétés secrètes à Varsovie. — Pierre Wisocki. — Insarrection du 29
novembre. — Constantin sort de Varsovie. •* Les hommes d'Etat
polonais ; leurs idées ; le parti russo-polonais. — Les cx-minislres
sous Constantin s'emparent du pouvoir. — Lubecki. — Czartorisky.
— Clopicki. — Nouveau gouvernement où entre Joachim Lelewel. —
Vœu de transaction avec le czar. — Constantin quitte pour toujours
Varsovie. — Les clubs à Varsovie ; leurs plans révolutionnaires. —
Clopicki dictateur. — Clôture des clubs. -— Démarche auprès de
Nicolas. — Mesures de défense prises par Clopicki. — La diète pro-
clame la révolution polonaise. — Elle confirme la dictature à Clo-
picki. — Enthousiasme patriotique des Polonais.
La non-réussite de rinsurrection des patriotes russes en
1826, et les persécutions essuyées par leurs frères de Var-
sovie, n'avaient pas découragé les patriotes polonais. Malgré
In vigilance de la police russe ^ de nomoreuses sociétés
secrètes tenaient toujours leurs assemblées dans la capitale.
^ „ comparable „
l'école Polytechnique française pour Tinstruction, Tardeur et
les sentiments généreux qui l'animaient : tout le 4' régiment
de ligne que le grand-duc comblait pourtant de ses faveurs^
mais dont le dévouement à la patrie avait noblement résisté
aux caresses du tyran ; un çrand nombre de bourgeois s'était
affiliés à ces sociétés, à la tête desquelles se placèrent les deux
sous-lieutenants Joseph Zaliwski et Pierre Wisocki^ ce héros
de rinsurrection de 1830, dont la vengeance de Nicolas a fait
depuis lors un martyr. Ce mouvement se concentrait à peu
près dans les murs de Varsovie, et ne dépassait pas les limites
du royaume établi par le congrès de Vienne. Les conjurés
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 277
comptaient sur les ressources de ce petit pays de quatre mil*-
lions d'habitants, sur celles du trésor et de la banque, sur
trente mille hommes de troupes qui devaient former le
i noyau d'une armée nationale, et principalement sur l'énergie
.;- de leurs concitoyens. Ils espéraient aussi que les patriotes
4 russes profiteraient d'un soulèvement en Pologne pour ren-
'J verser enfin la tyrannie des czars et proclamer la délivrance
de leur propre pays. Malheureusement, les anciennes rela-
tions entre les mécontents de Varsovie et ceux de Pétersbourg
s'étaient rompues en 1826, et n'avaient pas été renouées
depuis lors. Ce fut là une grande imprudence des Polonais.
Deux soulèvements qui auraient éclaté à la fois, à la même
heure, dans les deux capitales des deux pays, se seraient fait
l'un à l'autre une utile diversion, et auraient singulièrement
compliqué les embarras et les difficultés d'une double répres-
sion. Ajoutons cependant, pour èixe justes, qu'il est douteux,
si l'on eût fait appel aux mécontents de la Russie, qu'ils
eussent répondu ; Tinsuccès de 1826 et les terribles châti-
ments infligés par le czar aux rebelles, avaient peut-être
abattu leur courage.
C'est au milieu de ces feraieats de révolte préparés en
Pologne, qu'arriva la nouvelle de la victoire populaire de
juillet. Autant cette nouvelle avait éveillé de terreur et de
colère au cœur de Nicolas, autant elle jeta de joie et d'en-
thousiasme dans les cœurs polonais. Celait pour eux un es-
poir et un aiguillon. Les clubs redoublèrent d'activité ; le
drapeau tricolore, arboré au consulat de France, ce glorieux
drapeau dont la Pologne avait regardé si longtemps les cou-
leurs comme les siennes^ lui parut comme le signal de son
réveil. C'est alors qu'on apprit que Nicolas allait porter la
guerre en France, qu'un corps de l'armée russe devait, pen-
dant ce temps, occuper militairement le royaume, et que les
troupes polonaises devaient être traînées a cette guerre liber-
ticide. Les sommes considérables provenant de l'emprunt et
de l'aliénation des domaines nationaux étaient destinées par
le czar à couvrir les dépenses de la lutte qu'il allait entre-
prendre. A de telles nouvelles, les braves Polonais ne balan-
cèrent plus ; ils s'indignèrent à l'idée de donner leur or et
leur sang dans ce duel du despotisme contre la liberté. D'ail-
leurs, l'occasion devenait tous les jours plus propice ; les deux
révolutions de France et de Belgique venaient de retentir en
Allemagne, où éclataient aussi des soulèvements populaires.
Les Polonais résolurent de se mettre en travers de l'armée
russe qui commençait à s'ébranler, de préserver la France et
la Belgique, et de donner aiBâ à la reconnaissance de ces
deux nations les moyens de venir sauver à leur tour leurs
sauveurs.
27S HISTOIRE
Le 28 novembre 1830^ quelques jeunes gens de Tccole des
porte-enseignes, réunis dans un banquet^ se laissant aller aux
élans de leur patriotisme, avaient chanté de vieux airs natio-
naux, et porté un toast à la mémoire de Kosciuszko. Le grand-
duc Constantin les ayant fait arrêter, et voulant, dans les ha-
bitudes de sa justice expéditive^ leur faire administrer le
knout, une sainte indignation s'empara de tous leurs cama-
rades et le mouvement éclata.
Le 29, entre sept et huit heures du soir, une troupe de ces
hardis jeunes gens, armés d'épées, de pistolets ou de fusils^
força la consif^ne de Fécole, se répandit tout à coup dans les
rues de la capitale en criant : Vive la liberté f Mort au tyran!
On se précipita vers le palais du Belvéder qu'habitait le grand-
duc ; on en surprit le poste et on entra de vive force dans les
appartements pour s'emparer de la personne de Constantin,
qui eut à peine le temps de s'échapper par une issue secrète,
et d'aller se placer au milieu de ses gardes. Le général russe
Gendie et le sous-directeur de la police, Lubowieski, deux
des séides du grand-duc, ayant essayé d'opposer de la résis-
tance, furent les premières victimes de l'insurrection nais-
sante. Pendant ce temps, le reste de l'école des porte-ensei-
gnes, qui fut bientôt suivie d^une foule de peuple, s'était por-
tée sur le quartier des hulans de la garde, qui résistèrent aux
suggestions des insurgés, puis à celui du 4* régiment de
ligne, qui se joignit immédiatement à eux. Le mouvement
conquit aussi, dans la soirée même, un bataillon de sapeurs,
la plus grande partie du régiment des grenadiers et les artil-
leurs à cheval. Ces troupes et le flot de peuple qui les accom-
pagnait coururent à l'arsenal, où étaient déposés trente à
quarante mille fusils, gardés par un bataillon qui n'opposa
qu'une légère résistance. Ces fusils furent distribués au
peuple.
Cependant, Constantin avait réussi à rassembler et retenir
sous son commandement huit à neuf mille Russes ou Polo-
nais. Parmi ceux-ci, on remarquait le régiment des chasseurs
à cheval. Ces huit à neuf mille hommes avaient reçu l'ordre
de se réunir sur la grande place, et de se borner à repousser
vigoureusement ceux qui voudraient s'opposer à leur mar-
che. Plusieurs d'entre eux, entre autres le régiment des gardes
de Volhynie, furent attaqués par le 4- régiment de ligne, qui
leur tua une trentaine d'hommes, mais sans pouvoir les em-
pêcher de se rendre au point de réunion. Le mouvement
n'ayant pas encore de chef, cette nuit se passa, du côté des
insurgés, dans des attaques sans unité et sans lien commun.
Le lendemain, à la pointe du jour, l'insurrection avait en-
vahi toute la ville. Constantin avait cependant huit mille
hommes sous ses ordres, trente canons, beaucoup de muni-
DB LA BÉVOLUTION POLONAISE. 279
tiens. Les troupes insurgées n'étaient qu^uu nombre de
quatre mille; elles avaient très-peu de munitions : Constan-
tin pouvait donc lutter encore. Il est vrai que parmi les trou-
pes polonaises qui s'étaient ralliées sous son drapeau^ il était
bien des corps sur la fidélité desquels ils n'osait pas beaucoup
compter. D'ailleurs, toute la ville s'était hautement déclarée.
Ciouvrant sa Iftcbeté d'un masque de modération, il évacua
Varsovie en disant qu'il ne voulait pas verser de sang, et qu'il
allait attendre que les rebelles, mieux avisés, rentrassent
d'eux-mêmes dans le devoir. Il se dirigea sans opposition sur
le village de Wirzucba, près de la ville, et s'y établit un bi-
vouac, au milieu de ses régiments russes, des détachements
Solonais dont nous avons parlé, et des gardes de Volhynie et
e Lithuanie. Quelques Russes, qui avaient été faits prison-
niers dans la nuit} restèrent à Varsovie au nombre de huit à
neuf cents.
Varsovie, ainsi libre, presque sans coup férir, aurait dû
peut-être établir sur-le-champ un gouvernement provisoire»
qui, tout en proclamant la déchéance de Nicolas et la déli-
▼rance de la Pologne, aurait donné aux affaires une impulsioa
révolutionnaire. De cette mesure dépendait peut-être le salut
de la révolution. Les insurgés n'ayant pas eu cette pensée au
milieu des premières émotions d'une victoire qui ôtait aux
esprits le sang-froid et la réflexion, voici comment les choses
se passèrent.
La plupart des hommes importants de l'Etat, des person-
nages qui s'occupaient des affaires publiques, ne pensaient
pas que la Pologne pût suffire seule à l'œuvre de la résurrec-
tion. Il est certain qu'au point de vue des forces militaires de
leur pays, ces hommes avaient raison. Ces forces ne pouvaient
faire face à celles que le czar devait leur opposer; mais les
hommes dont nous parlons comptaient pour rien un élément
bien puissant que les forces militaires, c'est-à-dire le peuple,
les paysans de la Pologne. ^Vvec l'aide de la totalité de ses en-
fants et des grandes idées qui présidaient à son nouveau sou-
lèvement, nul doute que le pays ne dût braver toutes les hor-
des réunies du czar ; mais malheureusement ces grands
personnages qui formaient la tête de l'aristocratie polonaise,
ne voulaient rien faire pour le peuple et pour les paysans ;
ils voulaient bien l'importance et la liberté du pays, mais
à condition qu'elles ne leur coûteraient pas un morceau
de leors privilèges; ils étaient en 1830 ce qu'ils avaient
été en 1795. Aussi, pour avoir voulu tout avoir, n'eurent-ils
rien.
Les hommes qui pensaient ainsi se divisaient en trois par-
tis : l'un comptait sur la France, l'autre sur l'Autriche, et le
troisième sur la Russie. Pendant les quinze dernières années.
280 HISTOIBB
malgré les attentats liberticides et les horreurs du gouverne*
ment russe, les partisans de la Russie s'étaient multipliés.
C^élait là un aveuglement étrange, d'espérer qu'un gouver-
vernement qui n'avait jamais respecté la constitution de
1815, et qui, après mainte promesse, disait enfin ouverte-
ment qu'il ne consentirait jamais à la réunion des anciennes
provinces polonaises, d'espérer, disons-nous, qu'un pareil
{gouvernement donnerait les mains à la renaissance de la Po-
ogne. Depuis quand les moutons conduits à Tabattoir comp-
tent-ils donc sur le boucher pour protéger leur vie? Il est
véritablement inouï que les expériences déjà faites n'eussent
pas éclairé les partisans de ce système.
Les hommes qui Tavaient embrassé, à la tête desquels il
faut placer le prince Lubecki, ministre des 'finances au mo-
ment de rinsurrection de 1830, et le prince Adam Czarto-
risky, membre du sénat, se montrèrent sur la scène politique
le lendemain même de l'insurrection, et s'occupèrent aussitôt
de diriger le mouvement au gré de leurs idées. Déjà, pendant
la nuit du 29 au 30, ces deux hommes d'Etat s'étaient pré-
sentés au grand-duc, et l'avaient engagé à faire punir les
perturbateurs. Le lendemain, voyant que le peuple ne son-
f^eait pas à se donner un chef, et profitant de cette inaction,
e prince Lubecki réunit le conseil des' ministres (nommés
par Nicolas) j et, pour avoir l'air de donner une espèce de
satisfaction a l'opinion publique, il appela à prendfe place
dans ce conseil les sénateurs princes Adam Czartorisky et
Michel Radziwil, Michel Tochanov^ski et Julien Niemcewicz,
le comte Louis Bak, secrétaire du sénat, et le général en re-
traite Chlopicki, tous partisans du gouvernement moscovite.
Ce gouvernement amphibie, moitié russe, publia le jour
même une proclamation pour annoncer à Varsovie que Con-
stantin venait d'interdire toute intervention ultérieure à ses
troupes. Ce manifeste finissait par ces singulières paroles :
« Vous ne voudrez pas. Polonais, donner au monde le spec-
<K tacle d'une guerre; la modération peut seule éloigner de
« vous les maux qui vous menacent. Rentres dans Vorirey
« dans le repos, et puissent toutes les agitations cesser avec
a la nuit fatale ^m les a couvertes de son voile ! Pensez
« à l'avenir et a votre patrie si malheureuse ; éloignez
« d'elle tout ce qui pourrait compromettre son exis-
« tence. C'est à nous à remplir notre devoir en maintenant la
a sûreté publique, les lois et les libertés constitutionnelles
« assurées au pays. y> Il était évident que les signataires d'un
pareil acte n'avaient vu qu'avec peine les événements de la
veille, et que c'était malgré eux qu'ils s'attelaient au char de
la révolution.
Ce manifeste irrite les esprits; dans la journée, les clubs.
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 281
déjà secrètement orgaolsés depuis longtemps , avaient tenu
des séances publiques auxquelles assistèrent plusieurs dépu-
tés à la dernière diète. Ces sociétés s'indignèrent que l'ancien
gouvernement eut la prétention de garder le pouvoir dans
ses mains, sous prétexte qu'il s'était adjoint quelques noms
f>lus ou moins populaires. Suivis d'une muUituae exaltée, tous
es membres des clubs se portèrent au palais du gouverne-
ment et déclarèrent impérieusement que l'administration du
pays devait changer de mains. Alors le prince Lubecki orga-
nisa encore lui-même un gouvernement tout nouveau, dont,
cette fois, il eut soin de*s'exclure, dans la peur, dit-on, de se
compromettre auprès de Nicolas. Les anciens ministres furent
tous renvoyés, et Lubecki confla le pouvoir a Léon Dom-
browski, et à trois nonces qui, pendant la dernière session,
s'étaient fait remarquer par leurs lumières et leur patrio-
tisme, Gustave Halacrowski, Vladisias Bélrowski, et le savant
professeur Joachim Lelewel, chef du parti républicain. Celte
espèce de gouvernement provisoire fut placé sous la prési^
dence d'Adam Czartorisky; en même temps, le commande-
ment général de l'armée fut confié à ce même Cblopicki dont
nous avons parié, lequel avait gagné ses épaulettes de
général sur les champs de bataille de l'Empire ; homme ho-
norable, brave soldat^ caractère timide, qui au courage mili-
taire, ne joignait pas le courage civil, et qui, peut-être, est la
première cause de la perte de son pays. Clilopicki commença
par refuser le commandement de Tarmée polonaise, et sa
répugnance ne fut vaincue que par les instances les plus pres-
santes des nouveaux gouvernants.
Ceux-ci, dont les noms, plus ou moins respectés, satisfirent
d'abord l'opinion publique, publièrent à leur tour des [)rocla«>
mations dans lesquelles, plus prudents que leurs prédéces-
seurs, ils ne parlèrent ni du retour à l'ordre» ni même de
Nicolas. Toutefois, ii;était visible quMls voulaient transiger
avec le czar, si cela se pouvait. En efTel, quelques-uns d'entre
eux se rendirent à Wirzucba, auprès de Constantin, et lui
offrirent des arrangements au moyen desquels ils répon-
daient de la soumission de leurs concitoyens. Ces arrange-
ments ou conditions, les mêmes qui furent ultérieurement
portés à Nicolas lui-même, c'étaient le rétablissement de la
constitution telle qu'Alexandre l'avait donnée, la suppression
de l'acte additionnel de 1825, la réunion si ardemment solli-
citée de la Lithuanie et de la Volbynie au royaume, l'éloigne-
ment définitif des troupes russes, et enfin une pleine et en-
tière amnistie pour les derniers événements.
La position de Constantin n'était pas telle qu'il pût ne pas
prêter l'oreille à ces propositions. Toute la population de Var-
sovie était armée. Le 2 décembre, plusieurs villes des eavi-
86
282 HISTOIRE
rons et toutes les troupes indigènes s'étaient déclarées pour
rinsurreciion. Dans la campagne, des corps nombreux de
paysans soulevés menaçaient les communicalions du grand-
duc avec les provinces russes. Les résnllats des dernières
journées commençaient à ébranler la fidélité des corps polo-
nais qui l'avaient suivi. Constantin, inquiet, écouta donc ces
ouvertures pacifiques^ et, sans garantir Tadhésion de son
frère aux déterminations gu'il adoptait, il donna l'assurance
aux députés aquUl n'était pas dans l'intention d'attaquer
« Varsovie; c|ue si les hostilités recommençaient, on se pré-
< viendrait réciproquement quarante-huit heures d'avance;
a au*il n'avait pas envoyé au corps d'armée de Lithuanie
« Tordre de se diriger vers le royaume, et qu'en. rendant
« compte des derniers événements à l'empereur, il en solli-
« citerait le pardon et l'oubli, d Le grand-duc consentit aussi
à laisser retourner à Varsovie le régiment de chasseurs po-
lonais, l'artillerie à pied et le régiment de ligne qui l'avaient
suivi, et à quitter lui-même avec les troupes russes le terri-
toire polonais. Avant de s'éloigner, il publia la proclamation
suivante : a Je permets aux troupes polonaises qui sont res-
a tées fidèles jusqu'au dernier moment à l'empereur, mon
« frère, de rejoindre les leurs. Je me mets en marche avec
a les troupes impériales pour m'éloigner de la capitale, et
a j'espère de la loyauté polonaise qu'elles ne seront point in-
« guiétées dans leurs mouvements pour rejoindre l'empire*
« Je recommande tous les établissements, les propriétés et les
a individus à la protection de la nation polonaise. »
Les soldats polonais qui quittaient Constantin, rentrèrent
en effet dans Varsovie, le 4 décembre, avec leurs chevaux et
leurs canons. Ils prêtèrent serment au gouvernement provi-
soire, et se conduisirent postérieurement avec le même zèle
que ceux qui avaient tout d'abord épousé la cause nationale.
De son côté, Constantin s'éloigna avec ses soldats russes et se
rendit en Volhynie, puis, de la, à Saint-Pétersbourg, où, con-
trairement aux promesses qu'il avait faites, il conseilla l'em-
ploi de la force à sou frère, qui seul pouvait accepter oh
refuser les propositions du gouvernement provisoire. Les Po-
lonais n'apportèrent aucun obstacle à la retraite de leur an-
cien gouverneur; qui, à partir de ce moment, disparut com-
plètement de la scène politique.
Pendant que le gouvernement provisoire essayait ainsi de
traiter avec les Russes, les clubs de Varsovie s'étaient consti-
lués en permanence. Les patriotes qui composaient ces clubs
ne voyaient pas les choses du même œil que les membres de
Tadminislration nommée par Lubecki. Les premières mesures
prises par celte administration révélaient un plan qu'ils n'ap-
prouvaient pas. Il se passait à Varsovie des faits complètement
^^
DE LA RÉTOLUTION POLONAISE. 283
analogues à ceux qui se produisaient à cette même époque en
France^ avec celte différence quMl ne s'agissait alors, pour ce
dernier pays, que de reconquérir ses frontières du Rhin,
tandis qu'il était question, eu Pologne, de ce qui constilue
l'existence même d^un peuple, l'indépendance et la natio-
nalité.
De tels faits arrivant aux oreilles du parti polonais-russe^
qui avait la majorité dans le gouvernement^ lui déplurent
beaucoup, surtout à Cblopicki, dont l'humeur brusque et
emportée n'admettait pas la contradiction. Les sévères criti-
ques des clubs arrêtaient et embarrassaient à chaque pas
Tautorité que se partageaient Adam Czartoryski, Ostrow^ki,
Dombowski, Malachowski et Joachim Lelewel, le seul des cinq
dépositaires du pouvoir qui ne fût pas partisan du système
russe. Pour mettre un terme à ces dissentiments, on convoqua
la diète pour le 18 décembre. Les Russo-Polonais espéraient
conquérir la diète à leurs idées, et faire taire ainsi l'opposition
des clubs.
Mais le général Chlopicki, moins patient (jue Czartoryski et
868 collègues, ne voulut pas attendre aussi longtemps pour
imposer silence à une résistance importune. Ce général qui,
dans les premiers jours de Tinsurrection, s'était tenu soigneu-
sement à l'écart, de crainte de se compromettre, et qui n'avait
accepté son commandement qu'à regret, s'emportait mainte-
nant et éclatait en menaces furieuses c|uand on lui annonçait
que de simples citoyens se rassemblaient pour s'occuper des
affaires publiques, et que des plaintes commençaient à s'élever
contre la marche du gouvernement. De concert avec Lubecki
et les quatre collègues de Lelewel, il ordonna, le 5 décembre,
une revue générale de l'armée rassemblée autour de Varsovie.
Revêtu de son ancien uniforme, coiffé d'un chapeau gris et
noir, et entouré d'un nombreux cortège d'olûciers, il se
rendit à la salle des séances de la Commission des Cinq, gou-
vernement provisoire, et déclara qu'une autorité partagée et
bornée étant insuffisante dans des circonstances aussi criti-
aues, il était nécessaire, pour le salut de tous, qu'il prît la
ictature jusqu'à la réunion de la diète. Il assura qu'avec le
consentement de la Commission, il saurait se faire reconnaître
et obéir. Les quatre commissaires, qui avaient été mis dans
la confidence de cette espèce de coup d'Etat, ne firent aucune
'. objection. Seul, Joachim Lelewel, qui présidait une des so-
^ ciétés secrètes, et qui savait que c'était contre ces sociétés que
Chlopicki voulait agir, protesta contre l'usurpation qu'on allait
consommer. On ne tint aucun compte de 8a réclamation, et
Chlopicki, suivi des quatre commissaires, se rendit sur la
place où les troupes venaient d'être rassemblées. A la vue du
petit chapeau dont il était coifie, et de cet uniforme qui rap-
284 HISTOIRE
pelait de si grands souvenirs, la foule s'empressait, joyeuse et
enivrée, sur son passage ; elle crut que les cinq gouvernants
provisoires avaient déposé, d^une voix unanime, leurs pou-
voirs dans les mains de Chlopicki, et les soldats prêtèrent,
sans opposition, serment au nouveau dictateur. ^
Celait chose grave qu'un pareil coup d'Etat. Au fond, que [
voulail-on ? Etouffer la voix des citoyens qui demandaient une (
rupture éclatante avec la Russie. Or, les événements ont ^
prouvé que ces citoyens-là avaient raison de ne pas compter r
sur un arrangement honorable avec le czar. Sous ce rapport, ^
les Russo-Polonais eurent donc tort -, leur tort fut encore plus
grand dans la forme. La dictature est un pouvoir illimité, en
présence duquel tous les autres pouvoirs s'arrêtent, qui ne
peut être conféré, par conséquent, que du consentement de
tous, ou au moins par la majorité des citoyens ; eux seuls
pouvaient donner à un homme de leur choix cette puissance
redoutable, irresponsable, qui comprend jusqu'au droit de vie
et de mort. Et cependant, non-seulement les Polonais ne fu-
rent pas consultés, mais encore les cinq dépositaires du pou-
voir insurrectionnel n'étaient pas même unanimes pour in-
vestir Chlopicki de la dictature. Le veto d'un d'entre eux de-
vait sufQre pour faire reculer ce général devant l'autorité
exorbitante qu'il s'arrogeait.
Aussitôt investi de celte autorité, Chlopicki, sous prétexte
qjie les clubs agitaient trop vivement les ambitions et les pas-
sions populaires, ordonna qu'ils ne s'assemblassent plus sans
son autorisation ; c'était dire qu'ils ne s'assembleraient plus,
au moins publiquement, comme ils le faisaient depuis le
!•' décembre. 11 ne renvoya pas les cinq commissaires, qui
devinrent comme les ministres de ce roi absolu, et ne purent
rien faire que sous son autorisation. Enfin il chargea Lubecki
et le comte Jerverski d'une mission auprès de Nicolas, dans
des termes analogues à ceux de la démarche déjà faite auprès
de Constantin. Chlopicki remit à ces deux envoyés une lettre
très-modérée, pour ne pas dire plus, où, après avoir exprimé
les besoins et les vœux de la Pologne, il se glorifiait et se fai-
sait un titre, auprès de l'empereur, au coup qu'il venait, di-
sait il, de porter aux factions en s'arrogeant la dictature, et de
l'ordre qu'il avait ramené dans Varsovie. Lubecki partit sur-
le-champ pour Saint-Pétersbourg, en affirmant, avec une bien
aveugle conviction, « qu'il était sûr de convertir Nicolas à la
cause de la révolution.
Cependant l'opinion publique s'était émue de la clôture des
clubs; tout le monde disait à Varsovie qu'en fermant les
portes des sociétés patriotiques, le général usait trop dure-
ment d'un pouvoir dont il faudrait bien qu'il rendit compte
un jour. Plusieurs nonces arrivés à Varsovie, et qui, en atten-
DE LA REVOLUTION POLONAISB. 285
dant TouTerture de la diàte, tenaient des réunions prépara-
toires^ s'associèrent an mécontentement et aux alarmes des
citoyens, et envoyèrent des députations à Chlopicki, pour lui
faire des représentations. Celui-ci^ après avoir longtemps ré-
fusé, sous prétexte d'occupations urgentes^ de recevoir les dé-
légués des chambres, consentit enfin à leur accorder au-
dience. Il leur laissa à peine le temps de s'expliquer, et, les
interrompant avec hauteur et violence, il leur dit « que ce
« qu'il avait fait il le ferait encore, si c'était à recommencer;
<x qu'il avait eu raison de fermer la bouche à des factieux;
€ qn'il était toujours le fidèle sujet de Nicolas, et ne se pro-
a posait antre chose que de maintenir le royaume dans ses
a limites actuelles, à moins que l'empereur ne consentît à
a rendre la Lithuanie et la Volhynie; que pourvu qu'à l'avenir
c la constitution fût exécutée, et que les troupes russes ne
a tinssent plus garnison dans le royaume, la Pologne devait
<K être contente, et qu'on ne pouvait pas demander davantage.
c Et je ne vous donnerai pas d'autre explication, ajouta-t*il
« d'un ton brusque et impérieux; vous n'êtes pas la diète, et
« je ne dois de comptes qu'à la diète. »
Ces explications prouvaient que le parti polonais-russe avait
encore modéré ses premières exigences, et que Lubecki avait
ordre de ne pas insister sut* la réunion des anciennes pro-
vinces polonaises.
Le langage du dictateur n'était pas fait pour satisfaire les
délégués des chambres, qui lui firent observer qu'il avait pris
ed main un pouvoir qu'on pouvait regarder comme incom-
patible avec les institutions et la liberté du pays. Us ajoutè-
rent qu'il agirait peut-être avec prudence en l'abdiquant avant
l'ouverture des chambres, a le n'abdiquerai pas, répondit
« Chlopicki avec colère; j'ai reçu le pouvoir des mains de la
« Commission, et je le garderai tel çue je l'ai reçu, jusqu'à la
€ réunion de la diète. y> Les délègues quittèrent le dictateur,
émus et attristés de tout ce qu'ils venaient d'entendre, surtout
des paroles relatives aux anciennes provinces polonaises ; et,
crai^ant d'alarmer la diète et le public si de telles paroles
venaient à se répandre, ils s'engagèrent réciproquement à ne
rien dire à cet égard.
Si le dictateur eut le tort de ne pas profiter des avantages
do moment, de s'opposer aune propagande soit en Lithuanie,
soit dans la Gallicie et dans le duché de Posen ; s'il refusa de
prendre une position hardiment offensive, du moins il ne
s'endormit pas tout-à-fait sur la foi des négociations entamées
«vec la Cour de Saint-Pétersbourg. 11 s'occupa assez active-
ment de la défense et de l'armement du pays. Les sommes
im^rtantes provenant de l'emprunt et de l'aliénation des do-
maines nationaux furent d'un grand secours dans ces graves
286 HISTOIRB
circonstances. Il rappela les yieux soldats en retraite, dont le
retour sous les drapeaux devait porter à guarante-cinq mille
hommes Tarmée régulière. Il rendit un décret qui prescrivait
une levée générale, dont le premier ban devait être de quatre-
vingt mille hommes. Qnant aux moyens matériels, il fit
iondre des canons avec le métal des cloches des églises, il
établit des fabriques de fusils, il fit fortifier à la hâte la capi-
tale et surtout le faubourg de Praga : il fit réparer et appro-
visionner les autres forteresses que Constantin avait toutes
remises au gouvernement provisoire. Enfin Tarmée, qui
d'abord n'était que de douze mille hommes, se trouva en
quelques jours assez forte pour repousser le corps de Lithuanie
et celui du grand-duc Ck)nstantin, sMls osaient se présenter.
Cependant Chlopicki répétait sans cesse quMl ne voyait pas
une révolution dans les derniers événements, mais seulement
une émeute causée par la violation de la constitution. Aux
Polonais de bonne volonté qui venaient de l'autre côté du Bnç
ou du Niémen, c'est-à-dire des anciennes provinces, offrir à
rinsurreclion leur courage et leurs bras, il répondait « qu^il
« n'avait pas pour eux de pierres à fusil, i» Comme la nation
voulait s'armer, et qu'il n'osait s'y opposer, il laissa s'orga-
niser les gardes nationales, mais il les séparait soigneusement
de l'armée régulière, comme s^il craignait que les citoyens
n'inoculassent aux troupes des sentiments et des idées trop
exaltés. Tous ses actes portaient l'empreinte de la défiance la
plus ombrageuse contre la population.
Le 18 décembre arriva sur ces entrefaites, et la chambre
des nonces, (par une manifestation solennelle, inaugura sa
session en proclamant la révolution nationale, et déclarant
qu'elle voyait dans les événements du 29 novembre le soulè-
vement des deux nations polonaise et lithuanienne. C'était se
mettre ouvertement en contradiction avec le dictateur, qui
respectait la domination de Nicolas, et se contentait de la
Pologne du congrès de Vienne. Pendant la nuit du 18 au 19,
Chlopicki envoya aux deux chambres sa démission, comme
il s'y était engagé; mais, en même temps, le parti qui l'avait
armé de la dictature se mit à travailler activement pour que
l'omnipotence lui fût restituée, a Un grand danger menace la
« patrie, disaient ces alarmistes , Tennemi sera peut-être
« nienlôt aux portes de la ville. L'armée n'a pas de chef, les
« passions sont soulevées. Quel autre que Clilopicki saurait
« suffire aux circonstances? Il nous a délivrés des clubs, lui
« seul a la main assez forme pour contenir les factieux. S'il
« se retire, nous ouvrons la porte aux dissensions, et nous mé-
« contentons le seul homme qui puisse, en cas de guerre,
« conduire les Polonais à la victoire. Il n'a pas abusé de son
« pouvoir jusqu'à ce jour, il n'en abusera pas davantage à
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 287
^ ravenir. Reconnaissons ses services passés, en lui donnant
I roccasion de nous les continuer. » Le maréchal de la diète^
dstrowski, un des cinc^ commissaires, alla trouver dans la nuit
même Cblopicki, et rédigea avec lui un projet de loi sur la
dictature. Puis il convoqua le sénat et la cnambre des nonces
j)0ur le 20 décembre.
Le 20^ cette même diète , qui avait proclamé la révolution
nationale, et s'était mise ainsi en désaccord flagrant avec le
dictateur, se donna un de ces démentis que, malbeureusement^
les assemblées politiques ne se donnent que trop souvent. Les
députés les moins partisans du gouvernement russe, ceux qui
d'abord avaient vu du plus mauvais œil le coup d'État de Chlor
Sicki^ se laissèrent séduire et effrayer par les insinuations des
Lusso-Polonais, et, de quatorze membres qui prirent la parole
sur le projet de loi d'Ostrowski, il ne s'en trouva pas un seul
dans la chambre des nonces qui parlât contre la dictature. Le
projet passa à la majorité de cent huit suffrages sur cent
neuf députés présents ; celui qui vota contre lut Théophile
Morawski. Quant à Joachim Lelewel, fidèle à ses principes, il
s'abstint même de voter, et se borna à dire qu'en de telles
matières il regardait le scrutin comme nul, attendu que la
diète, qui n'était pas même le produit de l'insurrection, et qui
avait été élue sous le gouvernement de Nicolas (c'était toujours
la diète convoquée en mai 1830), n'avait ni qualité ni mandat
pour prendre une aussi monstrueuse mesure.
La dictature fut déférée à Chlopicki, sans restriction^ sans
aucune responsabilité à raison ae ses actes. Seul il pouvait
nommer les membres du gouvernement et les fonctionnaires
publics. Il avait le droit de suspendre la diète et de la convo-
S|uer, selon qu'il le jugerait nécessaire. Tous les droits et tons
es pouvoirs lui étaient sacrifiés* Les nonces se contentèrent,
pour toute précaution, de nommer une commission diéiale,
qui devait surveiller le dictateur, et lui ôter le pouvoir au
Besoin. Puis, ils en nommèrent une autre chargée de rédiger
le manifeste de la nation polonaise, c'est-à-dire Thistorique et
la iustiflcation des événements de novembre.
Le vote de la chambre des nonces ayant été sanctionné par
le sénat, les deux chambres se réunirent, dans la soirée du20,
en assemblie plénière^ pour donner une sorte de solennité à,
la rentrée en fonctions de Chlopicki. ^
Les intentions étaient bonnes. Tous, nonces, dictateurs, se-':
nateurs, voulaient la délivrance de la Pologne ; mais tous
obéissaient à des occupations pusillanimes et à des vues
étroites. Les cris de : Vive le pays ! vive l'indépendance !
ébranlèrent la voûte du palais des anciens rois^ où se tenaient
les assemblées de la diète ; tout le monde s'embrassait en
pleurant de joie ; plus de huit cent mille fiorins furent dépo-
288 HISTOIRE
ses ce jour-là sur le bureau en dous patriotiques. Le dictateur
lui-même renonça généreusement au traitement de deux cent
mille florins qu'on aTait affecté à ses fonctions. Des sénateurs
offrirent de lever des compagnies^ quelques-uns même des
régiments à leurs frais.
Le même enthousiasme régnait parmi le peuple ; une
activité admirable présidait aux travaux de défense; Varsovie
tout entière s'occupait à se mettre en état de résistance. Déjà
une tête de front bien construite couvrait la Vistule ; des batte-
ries avancées entouraient la ville : riches, pauvres, femmes,
enfants, vieillards, élevaient des retranchements avec une ra*
pidité qui tenait du prodige. On calculait, avec une orgueilleuse
complaisance, que le total général des hommes en état de por-
ter les armes s'élevait à près de trois cent mille ; que, grâce à
la levée en masse, on en aurait bientôt sur pied quatre- vingt
mille ; on comptait cent quatre-vingts pièces de canon avec
leurs attelages ; et avec ces forces, qu'on comparait aux res^
sources si inférieures de la Pologne dans les dernières luttes
soutenues pour son indépendance, en se flattait de triompher
facilement du géant moscovite. Pourquoi faut*il que l'harmo-
nie des volontés, que l'unité des vues <]ui décuplent les forces
d'une nation, aient fait défaut à ce patriotisme ? Faute d'accord
entre elles, tant de vertus civiques ne portèrent pas les beaux
fruits qu'elles promettaient. Pourquoi faut-il que les hommes
influents dans l'état aient été dupes au point d'espérer quelque
chose? Pourquoi faut-il surtout que la crainte derauarehie,
2|ue la défiance du peuple, peut-être aussi quelquessentiments
goistes, mêlant, au cœur de la noblesse, leur impur alliage à
l'or pur des plus généreux sentiments, n'aient pas permis de
devoir à ce peuple la victoire qui était impossible sans lui, qui
avec lui était chose certaine.
DE LA lÉVOLUTtOn POLONAISE. 289
CHAPITEE XI
1830-1831
Manifeste de Nicolas contre les Polonais.-» Résultat de la tentatiTe faite
' auprès de lui.— Chlopickî ; sa proclamatiop; ses actes contre le parti
démocratique ; il exclue Leiewel et ce parti des affaires.— Sa démis-
sion. ~ La diète proctame, le 49 janTler 4831, rindépendance de la
Pologne ; son manifeste. — Elle vote Texclosion de la dynastie russe ;
Leiewel réintégré dans le gouvernement.-* Michel Radziwil commaa*^
dant de Tarmée. — Discussions à la diète ; elle adopte le principe de
l'hérédité monarchique ; discours de Leiewel pour les classes popu»
lairesy— Entrée des Russes en Pologne, le 5 février, sous les ordres de
Diébitsch.— Batailles de Grochow et de Praga ; Skrzynecki est nommé
général en chef,— Proclamation du gouvernement aux troupes. — ^Décla-
ration de la diète. — Victoires de Vaver et de Dembewilkie ; victoire
4*lnganie. — Insurrection en Lithuanle. — Fautes de Skrzynecki» sa
débite à Ostrolenkà.— Mort de Diébitsch et de Constantin.
Le lendemain du jour où Chlopicki fut confirmé par la diète
dans son omnipotence, il annonça aux deux chambres ^ par
un message^ qu'elles étaient prorogées. Ce Jour-là arriva à
Varsovie le manifeste suivant^ que publia leczar à la première
nouvelle de Tiosurrection, et qui venait donner un premier
démenti aux folies espérances des diplomates où Russo-
Polonais.
« Polonais^ disait le czar, l'odieux attentat dont votre capitale
« a été le théâtre^ a troublé la trancfuillité de votre pays. Fen
' <i ai reçu la nouvelle avec une juste indigpatian , et j'en
« éprouve une vive douleur. Des hommes qui déshonorent le
« nom polonais, ont conspiré cont|re la vie du frère de votre
« souverain» ont conduit une partie de votre armée à oublier
« ses serments^ et trompé le peuple sur les ÎDtérèts les plus
« cbers de voire patrie.
« Il est encore temps de remédier à ce qui s'est passé et de
. prévenir d'immenses malheurs. Je ne confondrai pas ceux
37
« qui abjureront Terreur d'an moment^ avec ceux qui persis*
« terontdan8leepinfie.PolonaU,écout6z lesGonfieitod'ua-pèfe,
« obéissez aux ordres de votre roi.
a Voulant vous faire connaître nos intentions d'une manière
« positive, nous ordonnons : 1* Tous ceuxde nos sujets russes,
a qui sont retenus prisonniers, seront sur-le-champ remis en
a hberté. 2*' Le conseil d'administration reprendra les fono-
a lions de son organisation ^cimUiv^^pt avec les pouvoirs que
<c nous lui avons attribuéfl par Tiotre-décret du 12 août 1826.
a 3"* Toutes les autorités de la capitale et des taïoodies obéi-
« ront aux décrets qui seroj»! f^.Ç^V^ en notre nom par leçon-
« seil d^administration ainsi constitué, et ne reconnaîtront
a aucun pouvoir illégalementétibli.— Tous les chefs de corps
a de notre armée royale polonaise» sont tenus de se rendre à
% Piol^, point do réupipfl. Tout armement toit pv wiJte de|
« tfouWosdeVi^rsoviei serq dissQutj ^tc, e(el }> Ce^ disposi-
tions étaient sui^jes 4 -du/» 4Q]qncbQR ni^i^ autoriiéf .toe«i«6 4e
dé^rmereeux qui étaient ^ÂI^gnlem^M Armés. Lacifaii termi-
nait sa priN^lnmalian en ciliint aux seldsts polonais l'exemple
des chasseurs dé la ^ardeà cheval; restés fidèles àGonstanlin,
et promenait oubli àr ceux cnu- rentreraient immédiatement
dans le devoir, a Jilais, ajoutait-il, pas de co^ices^ions pour les
a autres; le§ nialbéorsj^tCiU qn^'prépj^f^^.pqgir lepr pakje,
«j relomberont'sureux,» -
Ce Inpgage d^un mi^Ur^ àdes f»saIav«^#*éïolléSi Qe manifeste
•il Nicolas fie daigitail pas inàitte s'^sipUqiieD sur un passé eu
tous les torts étaient de son cAtéi^ 411 il ne-pr4Btitpas la peine
de s*engager pour l'avenir au moins à respecter les di<oits du
peuple auquel il s'adressait, auraient sans doute pu intimider
des hommes moins résolus que ne Tétaient les Polonais à ac«*
sepler toutes les bonséqueUo^ dB Itenbécoiquacoulèveinelit;
«aqis. il n'y a.Taitpa<liàfaésil^r pour :eMK''Us«$nnansaâenti8h
maiiK que la lyrannto moccqvîteawiut agglopiérés socemi
f endaRtqoinat wfi de ré^iguflicm. Usa fléalii- de la igueeré
«t de ^& résttltata pessîUes» (l'une ééCaiteiinêinii, né psa«
«aient pas être pirep potifi ei»^ : IVaîUt ups ibiavaîent;de«a«l
eux la radieuse perspective d^une victoire, et au boèitde lâ
«ndairoélaiVIa^ liberté. ' -
NoHfseukmenlii'uiaise impéiriaLque nous otons eilé ne les
effrafà pas el i»e les fil pas reculoiS' matis il leur Mnorima une
énergie nouvoUe» un reoOubtement'dBoeiirage désesp^vé;
dû leiUas^parts on se>prépara à la guerre. Seuls/. les Ruao*
polonais fusent dfabord abâttuf, à lailedMieiiB)cemanifsstef
m^s ils aa raBSueçreni btè^iél, et sefeiam|jenDère«iobstiBé*
ment à leur premier espoir, en songeant que le czar, quand
il avait écrit se propiamation, a'avaîr psa^eii enoece w prince
iAtbeoki, lleûardeutètentpas «ne colui'-oi ne Ht tevemrl^em-
DB LA RÈyoWÈUm »OLONAISB. 291
pmsdiletf cMr ïtiouMïi 0ur lnfrMtière de Russie.
Lubecki et son collë^de, lé comte lewer^kt, y aTaidnt été
arrêtée pift^hfdre de Nloèh)»^(fu} tëut flt écrire far le comte
OrobawskI: sdrt mi&iMre dMtlat pour le royimmede Polo;rne4
qoe si tes eVértemeitU dé Varsovie les avaient délermjnés à
acecTfiitèf vtM délé^atioâ (((}elcon(|ne d'un pouvoir qui n'éma-
nait ptis de la yoiontë du souverain, celni-ci ne pouvait les
admettre en sa présence, ni leur permettre de venir dans sa
capifûte ; maisqtie sMIssé présentaient. Pan, Lnbecki^ comme
ministre désfinancesi et Vaotre, lewerski^ comme nonce du
royaume, il conseritait à lenr accorder audience. Faire la dé-
chiratfon qu'exigeait Nicoicis, c'était désavouer, en quelque
sorte, la ijnissloti cjne les deux eùtoyés avaient teçuey et re-
connatirè rrllégitimtlé de rinsdrrecHon du 29 novembre. A
de pareilles conditions, ces deux mimijataireS de la Pologne
ne se préseritarent plus au nom d'un peuple q«i demandait à
traiter de pnissance à puissance avec un souverain ? mais ils
se présealafent en suppliants, et nfe pouvaient plus qn'irti-
plorer pitié et gMce. Les deux Russo-Polonnl^ ti'eurent pas le
courage de refuser l'humiliant désaveu démandé par le cfAv^
et ils obtinrent h ce prix la pertnission de Se rendre à Sîilnt-
Pétersbourg. Mais là, toute rhabileté diplomatique de Lubeeki
vint échouer conlre la volonté immuable de Tëmpereur, qui
leur déclara s'en tenir au manifeste précédemment renduj et
refusa toulé concession. Ils n'arrivèrent à Saint-Pétersbourg
que pour assister an spectacle des immenses préparatifs qu'on
7 faisait pour soumettre ou exterminer le$ Polonais.
Revenons •maintenant à Varsovie. Après avoir prorogé la
dièle. Clilopickt remplaça les eirtq membres dn gouvernement
Srovrsoire par mr conseil dit national, d'où il eolsdin d'exclure
lalachowski, (|Uf ne lui parut pns assez Husio-Polonais, et
surlôfttt Joaclrfm Lelewél, dont les opinions anli moscotîles et
radicales gênîtiént sa manière dé V6lr; On ri'a pas oublié qu'il
avait d'ailletirs an grief personnel conlre ce nonce, qui avaiè
protesté detix fois contre sa dlcfcîrtifre. A la place de ces deux
I personnages, trois nonces ntMi vean^, le prfnceHIcliol Radtiwil,
e sénateur Kastellan, et le nonce BarjîykoT^ki, lurent inlro^
duilsdans le sein de ce^m«èil, où furent ti^amlenflsG2arto-î
rtski, Oi*trôfr?kî et DombôWskt, Ge conseil appelé à fone-
tiorinêrsous fa maffa du diclaleirr, avait du moin^ uhe parfaite
homoffénoilé de vues ; il était tout rnsso-polôoais, maii mal-
heureusement il avait contre lui Topinion ndbllqué.'
Le 22 décembre, Clilonickt, voulant rendre compté dés njo»
tîfsqui l'avalent porté a accepter sa éèconde dfciatofe, (tt
publiefr une pfoclamafidtt etr ce^ terme» f
' « CdmtWttfWté»; le déSli^'d* tet^résemaitts' dé-' te iittioïÉi
292 msvoiRE
tf confirmé par les deux Chambres, m'a appelé à l^exercice du
c souverain pouvoir; je ne me suis chargé du icommande-
« ment suprême des forces nationales que pour assurer les
« lîbertés^e notre patrie. Dès ce moment, et aussi lonQ^'empfi
<v que je consetverai la dignité de dictateur, mon devoir sera
ff d'étce prêt à tout monient à vaincre ou à mourir pour elle.
« M'étant chargé de la dictature par obéissance à la volonté
ff du peuple^ je demande, au nom de la patrie, la même
« obéissance. Vous trouverez toujours ma bannière sur le
« chemin de la justice^ du devoir et de Thonneur national ;
tf elle ne peut manquer d'être suivie par tout Polonais loyal,
« digne flis de ses ancêtres, et qui trouve son propre bien
« dans celui de la patrie. 11 n'y en aura sûrement aucun qui
« agisse contre l'autorité souveraine que m'a confiée la vo-
tf lonté générale du peuple, et qui n'en accomplisse pas scru*
« pulcusement les ordres. Fartant donc d'un même point, et
tt guidés par l'union. Tordre et l'énergie, nous pouvons as-
« surer le succès do nos entreprises. Le peuple m'a mis à sa
«c tête pour diriger ses forces^ et je promets de ne m'écarter
« en rien des voies du devoir, mais de diriger tout dans dei>
« vues fermes et légales vers un seul et même but ; je le jure
a devant Dieu et la patrie. » On voit que Chlopicki, comme
tous les gouyernements élus par des mmoriiés, afîeclait avec
soin de confondre le peuple avec la coterie oligarchique du
Lubecki^ La représentation nationale, séduite et entraînée par
ce parti, l'avait porté au suprême pouvoir; dont il était Télu
du peuple. C'est là l'éternelle logique des pariis qui usurpent
les affaires publiques.
Cependant, si les^lubs étaient fermés, les membres.de ces
clubs n'en persistaient pas moins à s'occuper de ce qui se pas*
^ait. On se rappelle les discours qu'ils tenaient, ayant l'usur-
pation du Sde^cembre, contre le parti russo-polonais, et ou
doit bien penser que, d'un côté, le manifeste menaçant de
Nicolas, de l'autre Teiclusion significative de Lelewel et la
couleur uniforme du nouveau gouvernement, n'avaient pu
qu'augmenter les mécontentements, les récriminations et \ts
gourdes rumeurs. Avant même que le prince Lubecki^ûl pu
transmettre à Chlopicki la réponse définitive du czar à ses
demandes, le dictateur s'était laissé gagner par le doute qui
régnait universellement sur le succès de cette mission malen*
contreuse ; et il avait si bien le sentiment du mal que tout ce
temps perdu ferait à la Pologne, si Lubecki ne réussissait pas^
que la prévision d'un insuccès dans cette négociation lui fit
presque perdre la tête. Comprenant la terrible responsabilité
qd'il avait assumée sur lui, il ne voyait, dans les derniers mo-
ments de sa puissance, que poignards dirigés contre sa per-
soune; il avait toujours à la bouche le mot de factieux ; il
1
DE LA REVOLl'TION POLONAISE. 203
s'eufermail cbez lui el ne sortait jamais^ refusant même de
recevoir les membres de la chambre des nonces, qui» sinquié*
tant de Tétat des affaires, demandaient tous les Jours a lui
parler. C'est au milieu de ces préoccupations el de ces terreurs,
qu'il reçut la dépêche par laquelle Lubecki lui annonçait la
volonté inflexible de Tempereur. Â celte dépêche était jointe
une leltre, par laquelle Nicolas remerciait personnellement le
dictateur de ce qu'il avait fait pour maintenir Tordre dans
Varsovie. En même temps, on recevait dans cette ville l'utase'
par lequel Nicolas appelait les Rus^s aux armes, pour la ton-
mission prompte y absolue, sans condition et sans réserve de la
Pologne. Déjà une armée de cent vingt mille hommes com-
mençait à s'échelonner derrière le corps russe de Litliuanie,
et le vainqueur des Turcs, l&feld- maréchal comte Diébitsch-
Sabalkanski, partait pour en prendre le commandement, ainsi
que celui des gouvernements de Grodno» Wilna, Minsk, Po-
dolie, Volbynie el Bialistock, déclarés en état de guerre.
A ces nouvelles, qui ne permettaient plus d'espérer un ar-
rangement amiable, le dictateur se hâta d'assembler la com-
mission diétaUy nommée le 20 décembre pour supveiller ses
opérations et lui nommer un successeur au besoin, et il lui dé-
clara c)ue les circonslanees Tobligeaient à se démettre de son
pouYOïr. Vainement la commission, alarmée d'une détermi-
nation qui annonçait que le meilleur des généraux de la
Pologne désespérait du succès de son pays dans la lutte (jui
allait commencer; vainement, disons-nous, la commission
insista pour que la démission de Cblopicki n'eût lieu q^u'au
bout de quelques jours, afin qu'on ne pût pas l'attribuer a des
motifs aussi décourageants. Le dictateur se démit le jour
même, abandonnant ainsi son poste à l'heure du danger.
Assurément, malgré tous les ménagements dont nous avons
accusé Cblopicki pour la lyrannie russe, ce n*est pas à la lâ-
cheté, à la peur, qu'il faut attribuer celte brusque démission.
Nous verrons que plus tard, comme simple volontaire, il
paya vaillamment de sa personne pendant la guerre. L'aban-
don de son poste n'avait donc pas pour bu\ de le sousti-aire à
la colère de Nicolas. Qu'importait en effet à celui-ci que ce fût
sous le litre de dictateur, de j^énéral ou de modeste combal-
tanl, que Cblopicki continuât à servir son pays? Toujours
esUil qu'il ne renia pas la révolution, el qu'il fil face aux
Russes. Hais sachant bien qu'il n'avait pas tiré des circon*
sUmces, depuis un mois, le parti qu'il eût pu en tirer s*il n'eût
pas si imprudemment compté faire entendre raison à l'empe-
reur, n'ayant rien fait de ce qu'il fallait taire pour assurer un
triomphe prochain, il voulul adroitement détourner Tatten-
lion publique de ^ personne, et appeler, s'il était possible,. sur
d'autres gouvernfuUs et d'autres généraux, la responsabilité
294 ItisMAft ^
des t*«rerd(|ti'it'prêssêtilâiletqu^latait lui-même firépabés.
Il eût'élé/Aé sa phti, \Àm loyal ei pilhd ferme de garder le
pouvoir ^^il s'était faUdoiiner) et de tourner ré^luriTetiff le
dos au tTBsiV après cette le{^n, de recsonhaftt'é'ses torts ttité^
rièurê, et 6ë leë ré(>arer, ^\\ en était encofe temps. En adop^
tant uue autre poUtîquè, phi% active et piiis énergique à ta
foi», eé dOiirflant la fiâmme du 29 novembre de toutes parts^
tatit en Lithfacinie quç dafts les provinces polonaiees d'AtH
tricbeet dé PrtisSe, péta-étre en serait-il venu à bout La va-
nHè humaine, qui ne veut Jamais avoir toH^ inspira Chiopjoki
fotitautremerit.
Si Faxicien dictateury iiMnqua, àcefte âpoque, auk circon^
s4an(^, il n*én fol pas airtsi darls la diète. A peine Ctllopicki
s*étaît-ilrélîr(^ que les deux chambres se reconstitutfiîerit en
itemfaoence, et s'od^upaiéntdedortnôrau goureriiemewttftie
organisatidn qtri lui permît* de mettre en mouvement toutes
les forces de TEfat. le 19 janviei* S 831, le maréchal de Id
cH^tmlifre^dés nonces, Quoique du parti russo-potonaî*, n'Iié^ita
pA^ à regreltët- le temps perdu en de taiees tentatfvesde oon-
cilfatiOn^ tlutén appt^^uMssant au zèle inébranlable que ne
cessait de mdnifësfèr le p.nys pouif la causé nubiîque. « Les
<#troup€!s réguHèi*es, disait Vladislas Ostrow^kî, dans ce dis*
<ct:ôursudi résutfrait la stiuatfoh du mohtent, augmentent
0^ tous, lé* jours. Le bdwrgeols saisit son éf>ée, le paysan sa
cf 'fa[uh; -Fardre H^natt dans toutes les branches de Tadminis-
<rf'traWon, Teipril 'public prend des forces nouvelles, elles
<t nations amies ont promiar des secours aU» enidyés de la Po-
<f logne. Mais voici le rhomehtdécrsifoùlesrepréàeïrtantstlela
« nation doivent achever' leur^otivfape. Périr plulèt q^fe de se
« soumettre, tel est le cri unanime dt| peuple. Il ne faut pas
« Compter le nombre, Il faut Tnlé^rage^ les coears. Les pays
« consliluMoiînels de I^Europe qui dntëpouié notre cause,
« n'attendent dtie la déclaration de notre indépendance, et des
« rives dé la Seine Cornme de celles de la Tùmisé s'nvao-
or cefonl des bataillons à notre secours. Le premier devoir
<t de*1a dîèfe est donc de prodamer cette- indépendance; é
L'Indépendance de la Porogne fut prockiméé à Vonanimftéj
mois ott vdie, d*aprê?S'd6' dlsconfs, que les chefs du paVs ne
pou raietitsef résoudre à né compler que sur le pnys même
pour son sahit. Après avoir espéré des concessions <*e Ni-'
&i\Hi^' voîli malnte'nanl qu'ils dttetidènt' des seccters élrafr*
gers. Nbusf ne lai*dèrons pas à voir ce ^ue devînr^èril cee espé^"
rances nouvelles; tnais comment ne pas déplorer Cette
déflarice de leurs propres fcrrces, cet abanddn d'«u\''-mêmey,'
qui a été la maladie des Polonais, ou an mdiils de leurs
chefsr dan^c'étle glorieuse ^^évolutioar Ils pduvarent encore,
en ce moiivédf, ripàddfe \êtf isAûXe HmAOû pHtinr totHes
DE LA RÉy<44;.7ip^ POLOMAISB. gOS
le^apcieçDQ^ pïTpyjpçes pplpnçijs^S} f^m Jç «gfâunoç »ul \lfi
comptaient quatre fnillionsd'babilaq^» pppii Tesq^e|$ près
(Je cinq cent miUç n^ysqns en élit ^p porter j^s àrrties, et jls
ne se trouvaient pas ass^z nombreux ! Ce n^éù|i( pa$ If\ lorcp
numérique qui (eur manquait^ ce. n'étaient pa9 ijps oioyenç 4^
sucpès; mais ces moyens^ il^ ne seyaient m pe vôiilaieut pas
s'en servir. On en Verrs^ la prisuye (iaqs le réqi^ ^e^ pvèx^
ujfints postérieurs. '. '
Chaque jour apportait une qp)iveUe dpmpnstratjop ^e l'jiq-
possibilité 4'un rapprochemei^t av^c la Co^r m,o$aov{tc. A)i
manifeste du c^ar^ déjà pilé, sppcédc| bientôt iine prOQl^niafjpfi
d§ Diébiisct) liii-piérne, dans laquelle |e feu^-niarécbsfLn^
unq comqiissîQn
ppjogne, ctd'exp
ment ^Hâit pcril depuis longtemps; mais la rpéfipiUcuç^ lïïUr
danç^ de l'ancien dictateur en avait d'apQr4 eqÂppcM l^pabl^
caliop, malgré Tesprit ^e rnodération 0onL|f ét^jt emppJAJb
tant c|ue Cblopicki avait espéré s'arranger av^c la JRu^ie* ^
pMbliaali^Q de cette pièce fui la r^ppnse d$ 1^ djcte aq^nj^pi^
te$t^ de Diébilscb/. Ypici coinment çomr)[)i;pçail c^f te eloijiicinte
^t noble apologie d^ événements (jq npvembrei crj dPçMK^Alt
d'une douleur iniqiepse, qui pe pql enlp^yoj^ }^& ^ jf§ili0p
des Vieux gouvernements européens :*
. a t€)rsqn'qng nation, jadis iiqre et puisfaqte» ^ voit (qvq^^
« par Texcès ce ses maux, de recourir, au dprnier ne ^
f drpits, au drpit dç r^pousspr Tûppr^ssion pajr \^ fprpQj §Ilë
fi ce dojU çUe-Jn^me^.fUp doit au moante de idiv^igqerJf^
(« mobf^ qui rpb^ amenée à soujcnir, ies^rm^s ^ U pia^n« Ifi
« plMS samte des pauspSr p Ipi ^o trouvait .Ip Qd^!^ céçi^d^
(Qpt ce qui ^'èt^U passé depqi§ les trois dQ(nea]|br§n[ient9 i^ U
fin d^ xvui? siècle^ jusqp^f^qx iniquités d'Àlpaâdrfi ei de Hir
colas. Il çst ^ refnapquer qpQ p^ un fi^ot^ d^ps c^ plaidpjcer
aus^j pipip de coi)v^nancë et ilé réserve /]U9 4^ fpr/ep ^ de
diguilé^ n'ann()n(.iit encore, l'int^nlion 44 s^ spu^raire an
joug de la ^u^ie. C'était pp tpft à i}û^ jf^; u^m flPilorMfi
u'en était pas un ppi^p le C9$^p, pt il dûo^^U^uvip^MUgé^ I^
droit d'être traités d^poe façpp .inpins I^CH^s^l^r On ne récla-
mait que la liberfé et 1 indépendance pour l^g^aci^poe^ V^fh
yjnces ^éunie^ à |a V^n^m 09 m inpnlfp^{ait AUfiuoe prôli^a-
fiop sur ççW^s de |^AH^i=^iQ)f 9 et delà Pru^^e, q\' '
, . ^ qui a'fkvaiepl pas
çlç^ ^oiùfn^ ll^s dulresj^'pluet d'engfU^pppD^ . poo^s (?t
Ap>'^ to Ffï^i^H? d^;;{4MQR>^*la9 4i9uj^ eban^bf M lte>YaieQt
296 HISTOIRB
remplacé, comme général en chef» par le prince Michel
Radziwil, dont Tinsuffisance pour ces hautes fonctions ne
tarda pas à se révéler. Quant au gouvernement, il était resté
dans les mains du conseil dit Ma/torm/, dont on se rappelle qut*
le dictateur s'était entouré pendant la seconde période de son
pouvoir. Hais ce conseil se trouvant composé de Russo-Polo-
nais, on sentit la nécessité, dans le nouvel état de choses,
d'appeler au pouvoir d^autres hommes, moins compromis
par leurs antécédents^ et professant des opinions plus déci-
dées* Toutefois, on y conserva encore quelques-uns des noms
qui avaient figuré dans les administrations précédentes, tels
qu'Adam Czartoryski et Stanislas Barzjkovrski, dont le pre-
mier surtout possédait une popularité et une renommée de
patriotisme que ses sympathies russes n'avaient pas éhranlée.
Les trois nouveaux cçllègues de ces deux personnages furent
Vincent Niémajowski, Théodore Morawski, et enfin Lelewel,
Îui rentrait au pouvoir, d'où il avait été exclu par Chlopicki.
lais les Idées jeunes et avancées ne retirèrent pas grand
profit de ce changement d'autorité. Elles ne furent représen-
tées que par deux membres, Morawski et principalement Le-
lewel; de sorte que la majorité resta à Tancien parti russo-
polonais, qui, s'il avait renoncé à ses illusions moscovites.
D'en manquait pas moins d'énergie, et s'obstinait à croire que
la Pologne ne pouvait pas se sauver elle-même. Un autre in-
convénient de ce nouveau gouvernement, c'était la division
de l'autorité suprême. Au moins, sous Chlopicki, on avait
l'avantage de l'ifiii/é, gage d'activité* et de force. Maintenant,
à la place de cette unité, on avait cinq hommes qui n'étaient
pas d'accord entre eux.
En votant l'exclusion de la dynastie russe, on avait implici-
tement voté le maintien du trône de Pologne-; mais on n'avait
pas décidé si ce trône serait héréditaire ou électif, c'est-à-dire
si on ressusciterait l'ancienne république polonaise fondée
en 1573, ou bien si l'on adopterait ces formes constitution-
nelles dont la Grande-Bretagne a donné le premier modèle à
l'Europe. C'était une question à résoudre ; car tous les gou-
vernements qui s'étaient succédés depuis le 29 novembre,
n'étaient et ne pouvaient être considérés que comme des
gouyernemenis tradsitoites, et il fallait ériger, au moins en
principe, un gouvernement régulier, stable et définitif.
Ce l'ut le nonce Swidzinski qui, dans la séance du 30 janvier
souleva cette question.
La diète vota le principe d'une monarchie consHlutionnelle
fondée sur le droit de succession à la couronne, et déclara que
pendant l'interrègne elle observerait strictement les formes
de ce gouvernement. Elle se réserva de pourvoir ultérieu-
rement à la vacance du trône. Quant à l'incident soulevé par
DE LA KÉVOLCTIOH ^^OLONAiSE. 297
Lèleiil-eL il n*eiit aucun résultat immédial t plds larA, la ques^
tioB de rémancipaliion des classes popufaifres se pfésëbta iU
rectement à la diète ; nous verrons cé qrt'eHe décida.
Pendant que les deux chambres délibéraient ninsi^ lefi
Russes entraient en Pologne par plusieurs polntd. Ce fut le 5
février qu'ils fraochirent la frorfUëre pour s'avancer sur Var-
sovie. A mesure que leurs difTérefnts <$or|)8 d^armée inar-
chaient- en convergeant vers cette capitale, les Polonais, évi-
tant avec soin un engagement générât, abandonnaient les
poste» avancés et se retiraient prudemment sur Varsovie;
c'était le plan conçu par Cblopicki iou'exécutatt ainsi le nou-
veau général en chef, le prince Radsîwih Ce plan consistait à
tenir rennemi en baleine, jusqu'au moment où le dégel,
rompant les glaces de la Vistuie et dn Bug, intercepterait
tout-à-coup ses communications, rendrait ses mouvements
plus difficiles, et mettrai ( en péril ses approvisionnements.
Diverses esearmoucbes plus ou moins vives eurent lieu, où
les Polonais obtinrent l'avantage, et où officiers et soldats ri-^»
valisèrent de courage, d'ardeur et d'énergie; mais Diébitsch
n'en avança pas moins vers la capitale sans sérieuse résis-
tance. L'armée polonaise, comptant en ce moment soixante-
dix mille hommes, avait pris position autour de Praga, en
s'adossant à la Vistuie. C'est là qu'eût lieu, le 19 février, à
une demi-lieue de Varsovie, près du village de Grochovtr, la
sanglante bataille qui prit ce nom, et qui dura tout le Jour.
De l'aveu du comte Diébitsch, le général russe Pablen, loin
de faire reculer l'ennemi^ battit lui-même en retraite. L'an-
cien dictateur Cblopicki, servant à PavanPgarde comme
simple volontaire, se distingua dans ce combat par son bril-
lant courage. Le 25, Diébitsch, pour prendre sa revanche,
tenta une nouvelle attaque contre les troupes ennemies qui se
dressaient toujours entre lui et la capitale. Dans cette affaire,
r' prit le nom de combat de Praga, les Polonais firent encore
prodiges de valeur; mais l'ensemble des opérations fut si
mal dirigé, qu'ils dorent à la fin traverser la Vistuie, et ren-
trer dans' les mors de Varsovie. Huit mille Russes furent
Curtant mis hors de combat oejour-là, et quatre mille à la
taille de Grochow.
Diébitsch était maintenant en position â*attaquer Varsovie.
Il ne le tenta pas, prévoyant bien quelle vigoureuse résistance
il rencontrerait ; il faltalt d'ailleurs commencer par prendre
Praga, et les Polonais n'avaient qu'à brûler ou rompre le
pont de bateaux de la Vistuie pour séparer ce fliubourg de la
ville. Diébitsch aima mieux attendre des renforts, et envoya
son principal corps d'armée sur Plock.
Cependant, la l>ataille du 25 février avait Jeté l'inquiétude
dans Varsovie; on y accusait hautement de ses résultats né^
38 . .
2>» «i9faiM
gatifo rîtieapaaitçdu géoéral Badûwjl, ^i on demandait soi}
rempiacêfi^ent; mais aialhâureagement les généraux capa*
bies manquaient à la Pologne. La guerre seule peut eo/anter
les gcands capilaioes, et la Pologae ne faisait plus la guerre
depuis longtemps ; et, quant aux ebefa élevés à Técole de Hà*
poléon^ il n'eu restait que le seul Clilopicki. Dans cetle posi-
tion^, les colonels et les cbefs de corps polonais demandèrent
qu'au lieu d'qngéaérat en chef, puii^ae personne ne pouvait
rem^^lire^Sc^aGbonSyOQ insUtuaiun conseil militaire chargé
de diriger les opérations* C'était un plan impraticable, et le
gouvernement le reponssa; mais n'osant pas nommer lui*
mâmeup géoéj:al en chef, il chargea tous ces pbefs de corps
d'élire eux-mêmes leur jcommabdant suprême. Leur choix se
porta sur le colooel Skrzynecki, brave soldat, mais d'une
liiédiocfeeapacilé; on lui adjoignit, comme ^uide» un autre
colont^l, Proud^ynski, militaire distiogué^ qui, tout en restait
S<Hia les ordres de Skr^jnecki, devait lui proposer des (dans.
Elvidemment ce n'était pas là Temédior à l^insufiisance du
généi^al élu ; car ^ restant le supérieur de Proudzyiiski, il
pouvait, comme bon lui semblait, admettre ou rejeter ses pians.
Le gouvernement ratifia ees dispositioes, et les fil saoc*^
tionoer par la diète»
Lfr lendemain la diète, de son côté», prit eoters le pays l'en-
gagement suiTant» qu'elle tint noblement jusqu'au bout :
« Lesteprcsenlautfi de la nation polonaise, réunis dans les
« deux chambft*ee» déclarent en face de l'univers et de leurs
a compatriotes, que, fidèles à leur piv^ftwr serment de main-
« tenir jusqu'à la dernière eitrémité l'intégrité et la dignité
. 4.natioiiale6s ilseo prennent de nouveau l'engagement so-
clannel, ainsi que celui de ne point proroger la diète, et de
«. s'unir, plus furtsmeat^iiue jamais^ avec te gouvernement
« tnaflionai et avec la brave armée* Si quelqu'evénemeotim-
« prévu (quoique nous soyons ^loin de le redouteri d'a^ès les
n irichrireB remporlées par nos troufte^) nous forçait d'aban-
« donnée, momentanémeut la capitale, nous redoublerions
« alors ctexète etd'actijiité< Noue véiUerionifur le sort delà
4 patrie^ eti'saos jamuia démentir le grand earaotèredenee
« commettants, nous défendrions jusqu'à la mot! la llbetié,
e. l'boniiew et ta gloire dn peuple pototMtts.
M .Compaljriotoai que ladélermination de ladiète enflamnlfe
ftileoouoage^ «ttintteoneia eonfiaoee et<augmentei t'tlest
4 possible, «le persâvÉcanae des babliants de la capitale et de
4 eeux des provinces.. M'oubliei jemais q«e c'est A^tat bra-
« ¥Qiire, detla confiance muUielievde* la conetence <fue dé^
à pendent votre intégrité, «volve indépeodanee^ votr«) gloine
i».aiitjyeuilde|'fiiiHipeiaâieatiYe> Ht lafHKDanaisaateeeidd la
«pofiteriké» » ...i « • - ' •
DE LA R£VOUIflOllTiOI.OKAISE. TfÊ
ttwTé 1q nombre (ks troupes prwiiif éoobléi N^gfé l'inva^
sioD qui oQcupait UM fiarliQ du pofaiMnev C6 BMibra^ugmeD**
taitious tes jours; la saison et reonemi mime {avoriBaienl
r^fganjsaiioa de rarinée. Us glacée de la Vietute étaai aiir te
point de se rompre, le général Diébitscb abandonna tee ploiMs
chiyGrQobow^ et sei relira datie tepateUnat de Lubli»^ pou^ y
aliSodre de» circ^netaiKs^s plue favoreMe». bee.arvifiiiiejita.
se poursui^atent doue saoa obsleeteiaoooviplétait teêinéfp^
m^ots muiitee par te gnt Frej on eiorgaiiles broiipe» nenvel-'
leméni te^eiu PréVe^a»! Qve^tee denUoéeadu paie fininaieiil^
par 96. décider soua lea murs mêmes de VarsoYte, op aehmai^
à^ïa fortifiée, eoua la directioai du fénéral gonveraeurdete
^Ule Kruck^wiecki« £afio, Tinquiétode qui< s'était noparée
des eaprils» après la jeuniée du^ fémer, s*^lait diaeipéi»
peu à peu, et il y avait ua raecneoLdo ee calme eeleoiiel qm
précède les grands événements* * .»
Malgré ces-motifs,d^ courais et d'espoifi Skrsyneckî essaya,
pendant le mois de msM, dea Déf^aoiatiooa anee l)iébîli?cb«
Celui'^ ne pouvaat accepter, au nom de se» maUve» q^ovei
soumission tans oonrditioo, cespcnirparlers reakèrentiaes leé*
suitat, et il fallut se préparer & de nouveaoi cosobate* Aters
Sknayn^^^l^i résolut de preikke le premterti'offeBsivef en atta-
Îuanl tes cantonnements diapereés de Teonemi. Dana la unit
u 30 au 31 mars, il quitta Varsonrie^TecâOyOOO ItOOMnes^^
traversa Praga et sa dirigea vers Yavcr, où était te général
russe Geismar. Cette entreprise avait éU conduite aveo«n tel*
mystère, que personne dnns la eapitate n^ea avait rteniappris.-
Sbsynecki fit couvrir de paille tes clieminsy de aeile 'qoci
l'artillerie et la cavalerie avancèrent dans la nuit bans être»
vues. 11 assaillit soudainement Geiselac, qu'il débusqqa de sa»
position, et le força à se rsplier sut te général itosen^ à fie»-
berwilkia. Les Polonais te poursoivirent, enleffèoeni les re^
trancbements russes, et forcèvent lesdeuK généraux à te foî4e.
Ces deux journées du 31 mars et du \^ avril eoftièvent 6,000i
hommes aux Russes, 12 canons, de nombreux caissons de mu*,
nilions, des fusils, deux drapeaux. et 6^000 prisonniers. Le
coten^l génois Ranfiorioo^ qui était aUé offrir son épée à te
Poio^ne^ se distingua particuliêrenitiitdabsceadeM alfaifes.
Hosen abandonna Minsk, et, estent retiré sur ces réserves^ il
y lui encore poursuivi fMir Skrzyneeki, qui remporta, te 10
avril) une nouvelle vteteMre au vtUuge dUitgante, près éiedlec.
Eu ce moment, tout favorisait te ooonge des Polonais z 1»
saison, le déraut de sqbsislanoesi qui oeïnmençatent à roan«^
quer à teurs ennemis, et enfin te» ravages du dsaiéra^ qui âé-
vissait sur l'arnsée mosoowtte, et qor ipit far sa glissar jusmir
dans ravmée polonaise,. cemouyVaitteste ceieiitvait d'nn^ordcqi
J
300 HiSToms •
du jour de Skraynecki : « Le contact de nos troilpes atec
« celles de l'ennemi a porté le mal dans nos rangs. C'est
« ainsi que dans leur cruauté ces Tartares, qui depuis des
<x siècles Ternissent sur notre sol toutes sortes de maux,
« viennent de nous apporter encore le fléau qui nous
Qt manquait. »
Pendant que ces faits se passaient, une insurrection é<4^-
tait, qui semblait firomettre une diversion décisive eu faveur
de la Pologne. Après le 29 novembre , la Lilbuanie s'attendait
à voir Tarmée polonaise traverser le Bug et le Niémen pour
entrer sur son territoire. Nous avons vu comment la politique
des Russo-Polonais s'était opposée à Texécution de ce plan
salutaire. Etonnée et émue a'unè telle couduita, la Lithuanie
calcula cependantses rèssourcesietrésolutd'essayereespropres
forces isolément conlre le cxar. Occupé par de nombreuses
garnisons russes^ ce pays avait de grandes difficullés à vaincre
pour son insurrection. Ce ne fut pas dans la capitale» Witna,
mais fiarnyî le peuple des camidignes» dans plusieurs dislricls
à la fois, que l'Explosion eut lieu. Des mains inhabiles à mi-
nier les armes quitlèrenl lacbarrue pour saisir des épées et
des fufeils, et sur tous les points commença une lutte, inégale
contre un ennemi plus puissant et plus exercé dans Tart miU«»
faire. Les Russes, harcelés par ces paysans, perdaient. souvent
leurs postlions, leure provisions de bouchejet de guenrCi leurs
lignes d'opérations. BiAitôt les jeunes nobles du pays, presque
tous élèves des écoles milttaire&y vinrent se mettre à la tête de
ces troupes improvisées^ et régler cette guerre de partisans»
où les ministres de Tautel, s'associent aq mouvement com-
mun, bénissaient les drai^eaux, et où chacun de ces soldats
rustiques se conduisait comme un héros. Depuis Lepel et
Dzisna jusqu'à la mer Baltique, tout le pays s'ébranla, el Tin-
surrection ayant occupé quelques villes importantes, organisa
une administration révolutionnaire, et se centralisa. Les
paysans se réunirent, sous le commandement suprême de
Zaluski, pour assiéger la capitale, Wilna ; mais l'ennemi, de
ce côlé, ayant reçu des secours de la Courlande, iU renon-
cèrent à prendre cette ville, et, battus à Prislovyai^ ils. réso-
lurent de se séparer et de recommencer la guerre de parti-
sans qui leur avait d^abord réussi. Les revers, le manque de
munitions ne les découragèrent pas ; ils attendaient toujours
des secours de leurs frères du royaume de Pologne. En Voil*
hynie, en Podoiie et daus rukraine, le même mouvement se
manifesta, et partout on courut aux armes dans toute l'étendue
des anciennes provinces polonaises.
A la nouvelle de ces événements, le gouvernement de Var-
sovie s'était hâté d'envoyer enfin dans la Volhynie les deux
généraux Dwernicki et Sierawski. Mais ils rencontrèrent en
DI LA HÉYOLimOll POLONAISE. 301
route le général rnsse Rudiger, quUes battît foos deux et força
Dwérnicki à se réfugier sur le territoire autrickieu, où il tut
désarmé par les autorités et éloigné de la frontière.
Revenons maintenant à Slirsynecki. Apre» les journées de
Vaver et.de Demberwtlbie, ce général avait eu le tort grave
de ne pas profiter de ses victoires, en continuante poursuivre
les Russes qui étaient en pleine déroute» Vaniteux et en-
télé, Skrxyneeki refusait de enivre les plans de Proudzynski.
Le 7 mai, il Toulut essayer de jeter en Lithuanie un corps
de troupes qui concentrât les -forces de riosurrecliop dans
cette province. Ce plan avait Tinconvéaienide séparer un
corpsx^néidéraUe M reste de l'armée » intérkure en nom»
breà Tarméè moscovite. Diébilfch occuiiait alorsOstrolenka,
sur Is rive gauche de laNarew^où élait soa auartier géné-
rai. Sentant la faule qu'allait commettre Slyrzynecki, il
se prètsi à ses plans, et le 18 mai les Polonais entrèrent à Ûs-
trolenka, afMrès avoir franchi la Narew. Le 21, Skrzynecki
ayant pris Tykocin, où se distingua le colonel trapçais Lan-
gurmanUi ancien aide»de-camp du général Lamarque, ie che-
min de la Lithuanie fut ouvert, et un corps potonais, sous les
ordres de Cblapovrskt, put pénétrer dans cette province» Uaitf,
au même instant, Diébitscb qui , dana son mouvement rétro-
grade et prémédité, avait ralUé toutes ses forces, reprit tout à
coup l'utTensive, et vint présenter la bataille à Skrayneckii qui,
aflbibli par l'absence de Chlapowski, craignant d-être écrasé
parun ekinemi supérieur en nombre, se retira précipitamment
sur Ostrolerika pour repasser leNarew.Hais Diébitscb le pour-
suivit daiis ce passage, et alors s*engagea une sanglante ba-
taille, où rétoile des Polonais commença à pâlir. Skrzynecki,
vaincu, s'enfuit jusqu'à Praga, et Tarmée polonaise se trouva
encore une fois adossée i la vistule*
Cette bataille fut la dernière que livra Diébitscb. 20 jours
* après ce général mourait subitement au milieu de ses trou-
pes. Le 27 Juin', Fex-proconsul de Ijicolas en Pologne, le
grand-Duc Constantin , mourait aussi à Witepsk. Des bruits
de mort violente se répandirent à cet égard. On prétendit
au'un meurtre ou un suicide avaient dérobé Vex-vainqueur
es Balkans a la honte d'une disgrâce , résolue à la Cour de
Saint-Pétersbourg contre Thomme qui, depuis le mois
de février^ avait laissé détruire le prestige de la puissance
russe, par les victoires des Polonais. Quant au grand-duc» on
voulut voir dans son trépas la vengeanne secrète de quelques
unes des nombreuses victimes par lui laites en Pologne.
A02 aismuB
CHAPITRE XII
1831
Skfxjnefckî demande î'eïclusion de Lcle^cit.— La Poloene demande des
seeoarsi aot puismnces européenne». — Attitodé ée ta Piremce et ée
L'Aiig)etfri%dansoette<oireonstaiice.-^Offied« la ceoreime 4« Pologne
à oeft poiaNMcea ; refus. ^Le priacipe de noii-iiitertefttion«— Coodaile
hostile des Cabineti de Berlin et de Vienne.-rLe» Jaifi» demandent à la
diète lefi droits de citoyen ; demande d'affranchissement en ikveurdes
paysans de Liihuanieet de ceux da royaume de Pologne ; rcpuasené*
galive de la diète. — Paskîéwilsch succède à Dîébilsch, — Nouvelles
fauteâdeShrzyneckl, — Plan de Paskiéwitsch ; il traverse la Vistnte
^ansopposition.—DémîssInn de Skrzyneckiet nomination deDcmbinsK.
-^ExaUalion desclulni.^-E^énementsde? i 5 et 46 août.— KfuckowieelLi
président du gouvernement, et Maiaeho^i»kf ^érai en ehef ; pM*t9alt
de Kruckowiecki< «*- Le 6 sapteAibre, Paskiéwitsch dmina l'aiiMt à
Varsof ie.-r^ On refuse d'armev k peuple. — JUi4ii(f^te(9se de inuter
avec le général n^ssie.^ KruckowiecKi signe Taale de soiimissian des
Polonais. — Départ diS la diète etdeà débris de Tarmée polonaise, t-
— Vengeances russes, — Causes de l'insuccès de Hnsurrection du
ÏSSf novembre. — Comment !a Po%ne pourra un jour renaître de ses
cendres.
La batfifilled'OslroletikaaTîiltJelé la (ïotislèrnalion à Varso-
▼ie. Pour annorlir le catrp, ta d!ètc envoya à Praga, rers
Skriyiiccki, nne «Mptifaifon charg^ée dé ranimer le coonagc de
Tarmée abattue. Celui-ci, pour saurer sa YanltéWes^ée, revint
alors sur le thème favori des Russo-Polonais, et accusa de sa
défaite, qn'A n'aurait Au attribuer qu'à sa propre împrudenciî,
rinsufn^a^ce des moyens qfu'il avait dans les mains, il dit ce
qu'on avait déjà dit si souvent, que la Pologne ne poutaltêti^
sauvée que par rintcrvenHon élrangcre ; il ajouta que si les
Cabinets européens n'avaient rien tail encore pour son pays,
c'clait la faulc du gouvernenienl ; que la participation rfe
Lèlewel aux affaires, qui paraissaitdonner à l'insurrection une
couleur républicaine, aYalL éxidûmment aliéné les rois de la
car,se polonaise.
Dans la période de découragement où on venait d'^entrer, les
DE LA EKVOUnriOll POLONAISE. d(>3
Poloutif, OQ du oMOA tef meiiettrs.de rîQiuTreotitfp, étaient
comme ces roédedoo qai m saveoi p93 voir U cause réeueda
mal, ei s'évertuent à y trouver mille causes imaginaires. Qo
crut que Sitrzynecki avsit raisoni et, saos songer à Taccuser
de s'être préparé une défeile inévitable, en se privant du con-
^ cours important de CUIapow&ki» ies députés de la diète se
bfttèront é'alLer iraoscneltre aui deux chambres les insinua-
tions du général en chef eur la (nécessité de:chaAger le gou«-
veraeitienL Les deux chambres ^'assemblèrent pour délibérer^
sur la question. D'abord on allégua lé vice originel d() ce goo-
▼ernement péniarcUçuef l'împossiJiiUlé que cinq personnes
ffussent se mettre d'acoord entre elles. Cela était exac^t; mais
oe nîétait qu'on prè&exte. BijenlôL le vrai motit fotat^rdéavec
franchise/ el le nonce Swydziasiu» te. même qui avi^t plaidé
antérieurement la cause de lnosonarehie héréditaire» dit que,
par ses ' articles dans les journaux et sesdiscoiirs dans les
sociétés ^trioltqnes» Lelewe) avait mis en lumière. ses senti-
ments démocratiques ; i)ue la présense d'un radical dans te
gouvernement ne pouvait qu'effii-ayer la diplomatie, ia prop^
si lion de Swydiinski rencontra de nombreux ei éloquevts cpn-
tradktenrs» et le 10 juin 1831^ iï membres contre 33 votèrent
Jb inaintieo du gouvemetaent leL qufil était, et ref^aèrent de
punir Lele^iFel des'faotes de Skriyneeki.
Ces secours que Ton attendait des Cutiinets européens, il y
avait longtemps déjà quV)B les soUieilail auprès des Cabinets
'de Paris et de Londres. D^abord, ies deux gouvernements
avqient prodigué les promesses, mais d'oûe façon équivoque,
et en^rlantde leurs symiMUhies. Puis,.0epepdant« lie. cuar-
gèrent leurs ambassaHeurs à Constantinople de ^nderie.aul-
tan, et de voir 6*il ne serait pas disposé > per$Qeoeilement,ii
ioterveoir en Pologne contre son icnéeoncitiabW en«emi , ke
czar. les Cours de France et d'Angleterre ne sa souciaient
guàr» de ser mélei* eUes*mémee de la quereile polgnaiseï mais *
elles essaiyaienlde susciterit Nicolas no nou¥et ennemi* Too-
tefoia, lA terreur qu'il le«r inspirait lut plus lorie que ta
sowdo olpepreuse inimitié doat il itaiA robâ^t» et le CMv ayant
^eo coanaiseaiice» par tme indiscréUoa de i>alais, d^ maebiua-
tioas dnigées contreiluîi ia Cour du* sulUtOt les deux ftmbassa-
deoi^ fanent âuasilôl rappelés: par tm^ra^euvememeotosf qui
les désawuèneot lâcliemenL A dater de cette époqtteti'AÂgJbs-
terre ei la Pranœ ne nureniplue auise^rviee de 4a Poliagoe que
deanptes diplemaUquee auprès* de IttookuvdoAljCei^ifCi Ae
âenaituttciiii compte, fin méme^tempe, <oinme-. elles. ne te
dissknMiaieot pasi'intéMt(|is'«lles avaient au triooH^be de i'in-
snerection de Varsdyie, eUesieùcounigeaient &uee Jôsialaooe
désespéréoi tonjoars par des i^omessesambiggttôa» oe*peiipk
^ew keqnei ettsMf'aVaiBot pae tojcoftffagod'aiiir^ .
304 «isvcins r .
Gdf soldats- ifairiyaMjaiims^lefboi^ 4%tatifotaia(ii
«^'avisèrent adroitement de combattre la peur par l^anttaiticfiy
et do joindre un nouvel intérêlà riqtérêt de l'équilibreeuro^
péen^ qui pariait déjà 61 baotim leurtBveiirv A oetta^épeqnt^^
les Betgea Tenaient d'offrir leur eouronoe an dnedaNroioiiPB;;
L^is-Philippea'vaiireftifléfoiQirson'&tt.EspéraDt^a'élfisaraleill
ptii0heure9X auete9 Belges» deséim8safres:<foladtèteAUèniii^
. colporter, de U)Qr m Cour» la conronne^e Pologne^ TeffiMit
tantôiàuiides ftlsdu km des Français» taBlôtèd'auireB.prtBèes
européens, Hais cet expédient ne leUr «éusaît.paSb Tanl Védnl
de cette roT^ti^ necackail pas aux puissances A flasfarjtfad*
cepter un trèoe. dont le terribrie Nicolas jsèiregtirdaittoiiinieJe
légitime pt^oprâétiaîre» l^es Polonaîe offrirent deidedoniieB^cÉv
pourcomble d'huiiMNationv^n ne irouhit pastf*e«X4: :.
C'est alors que le obef de touèes ces néf^odattona dapionn»W
tiques> le prince Czarioryski , comilieiiganlàoiivrieiltMi^iw
sur les fautes commises par son parti» écrivît à Pam? ht ièttre
suii^aala : s Nous nonssommea. reposés snr la noblease^etia
« sagesse des Cabinets. En noua y flanl^oott» n'avons pas tiré
^ parti de toutes les ressourees qui s'offraîentà aousy sail à
« rintérîeQr, ^i4À l'extérieur. Pourgagner j'apprahaltoadea
<( puissances, niérilBr- leur OQafiaace et obtenir Jtav appai^
c( nous ne nous sommesjamaistécarîésde la plosslriole mod&<
tf ration» et cette considération a paralyséfaina dea^eSBriaîiiiii*
« nous auraient secondés dans les derniers temps. i<SÉf»>ifis/
« promesses des Cabinets, nous aurioÉs pu fcapper un «au|i
« qui, peut-être, eût été décisif; mais noua amnat ci».<|nr<il
« fallait temporiser^ ne riea laisser au hasard^ al. pouravona
« la certitude aujourd'hui quMl m'y a qite le hasard qui puisse
« nous sauver* » La coup décisif Mnt- partait CxarkM^aki^eiéH
lait la proclamation delà république poioflttiseietrétnanoipsM;
tion des classes tolérieures* . i^< . ^ ;i.
Après cet avau des wteon de aon |nrti^ fitariarfslil tooton.
les yeux sur l'Autriche» el, par une détermioalioa; déseapé^
rée. il écrivit au cabinet de Yienne que la Pologne ipréiaiASli
sa ooRiination à eeëe de la Russie» elquaai r.em|ieraur venait
à son secours> elle aecaptarait tellr forme daugownpneniasft,
qu'on voudrait. f^ons^noasdfaJouter^quese^taBflslaaooii^
sentemenide la diètcrqueie ^urinoa CcaraoByslLi JUin.Vinnae
desouvertures que te.pays, st. on IVût^oônsulté^faût désar
vouées d'une voix unanime. LespriDoe Metternidi ne l^ponSha
pas formellement les propositions deÇzaïasryski} il c^ndit
d^abord que ces offres ne pourraient>ètre aeceptues.qnràt In-
condition de modifier lés forwkitmp^ liMra/ea.de ku^cona^^
tittttion de 1815, e( d'y.iniroduica dfiS/i>nnatpea.ybia anat^^
cratiques. Mais» peudelemps^iprès» lencabiaièisrajpuiikadepté, -■
pour r^ler leurs rapports lca4aiaavnoJeaaAilres»ie|Mrineipe
DE LA RÊVOUmON l»QL0.^.4B£. 345
et la iilm4iiterYeiilion, <^iiégoeiatiMs arec l'Aotrîclie n^ea-
cent aucune sttUe.
- Afvrèh<ivoir proclamé oe principe, les Cabtnetis de Londres
et d*Ao4rkbe écrivirent au prince Caartoryski que ce qne ses
conetto^ens avaient de mieui a faire, c'était de se soumettre
et de demander gr&ce. Seul» le Cabinet de Paris, tout en ex-
prinnaol ses regrets d'être tié par le nouveau principe» coû-*
tiBoa à encourager la résistance des Polonais.
Au reste, cette non-intervention invoquée contre la Po-
logne, fut 'effronlément violée à ses dépens. Pour l'observer^
il eftt iattn.qu'oii' nO'ftt rien ni pour ni contre les insurgés;
et, cepeatdajit, la politique de Vienne et de Berlin ne tarda
pas à élever autour d'eux des barrières hostiles. Elle ferma à
tous la rouie de Varsovie, et personne ne put pénétrer en Po-
logne on en sortir sans sa permission. Des médecins anglais
ou français; parmi lesquels nous citerons Antomarcbi, méde-
cin de Napoléon; les docteurs Bkmdin et Sédi^lot, ne purent
que dilidlement arriver dans la capitale, où ils allaient don»
ner leurs soins aux cholériques et aux blessés. D'anciens of«
fidevsde l'Empire, qui, à l'instar des colonels Ramorino^
Langermann, Legallois, et du jeune Gusuve de Montebello,
lUs du- maréchai Lanaes, voulaient mettre leur courage au
service 4es insurgés, furent brutalement arrêtés en chemin,
et obligés de retoorner chez eux. Celaient là des actes mani-
llsies d'hostilité qui avaient bien leur gravité; et cependant
eo ne s'en tint pas là. Mais laissons parler Skrzynecki, qui>
dans uae lettre adressée au roi de Prusse, révélait des viola*
tions bien plus imfiortantes du principe de la neutralité.
Les faits énumérés dans cette lettre.f urent portés à la con-
naissance de la diplomatie européenne, qui ue réclama pas.
Ainsi, ce principe de non*in4ervention qu'on trouvail bon à
opposer aux Polonais pour s'abstenir de leur venir en aide,
ne les protégeait pourtant pas contre les complices de la Rus*
sie. On s'en servait contre eux comme d'une arme, et ils ne
pouvajient s'en couvrir comme d'un bouclier.
U était évident, plus que jamais, que la Pologne ne pouvait
plus compter que sur ses propres ressources, sur ses propres
entants, pour ue pas tomber dans Tablme où les uns la pous«
'saient, tandis que les autres ne faisaient rien pour L'empé*
cher d'y tomber. Ces ressourceSt qui étaient sous sa mam,
s'offrirent préciséaasntd'elles^mémes.
Parlons d'abord des juib. Nous avons dit qu'ils formaient
m moins la dixième partie de la population du pays. On sait
aussi que si la masse, imbue de préjugés fanatiques, se tenait
écartée dea chrétiens et repoussait le progrès des lumières, il
était parmi eu» des esprits moins entêtés, plus raisonnables,
qui s étaient associés francbemeot au m(>«vement moral et
39
novembre^ les divers gouvernements qui .•MlAîenl imdééé
araieni'recoiHni It befbin rfe fiBfre-qpdiiliir €lMe# p&ait tes
§ls adopiifs de laPvrloi^iM.-Oci M^k wMgé 1» Hii|isrViiesdi^
po8iii(Hisarbihrbi»es éi oppretshtfs delà légiitaUoii rasse è
leur égsrd; Rmi^ cela ne sufBsàitffes mm, jnils'Mifleiiiiablss
et éelffif es dimt nous venbnsid fvftvler, qui demandèveiil k
être admis à la jetûsetiie» des érellS'de ettefen» d» Teiereke
desquels on n'ar pas oublié qif'ils aifaîent élé constemMint
exclus. Mois les* répugnaÉices invétérées éss chrétiasis p»!^
nais cenlrO'efea'dhnesiidantB des andens Héi»éM,iite petml*
rent pas d*ace«eiliir eeHe defAMUie» Odtte* wnlail mùmm pis
lenriaisser faire le sepviccide ta garde naAioMle» eieela pamt
les causes les pins fntHesç po«r leur ooeiilnie, foorz^leisra
barbes et leurs chevelurBSy tomiNWiA ew^eadenattee son leora
épaules, doal on errigeaft d^eiix le seertioe, el<|iifila watsieiit
garder. H est vra» qiv'â c6téde ees joifs da» bemie Toloalé/il
yen avait d'autres qui, persistanfc dans lesir iseiemeirtfysléfc-
imtit{De, non-seulemenl ne réelamaiant pas l^exeraiee< dea
droits de oitofen, mais eoodre refasaient de fea(ipltrioa»iaa
devoirs att&cnés à ce titre. Pavmi œux^, on «d wnnpla
même qui vendirent leur dé^uemeot à la-Rossia^: eÉ:qaJi,
atteints et eenvaiocos d'espionnage, ftarenl f^ams de «arl.
Mais ce n^était pas là une raison» pooifrepooeier la Téqlawwitioi»
légitime de ceux gui ne donnaient aueani sujet dè^ptatntei' il
résulra de ee déni de justica qiie tous finirent par refuser éa
prendrepart «ut périls de la Iutta4iatieiiale» (|ael iwieaaé^
nient y avait-il peurlant à aocordcr- aux ioifs leaxIfiaMsaiiâb*
ques, avec les etiai^es içitachéed à ctadroitSy et à lateer la In-
culte de profiter du droit, on aooemplissant ia»detotar^io«<d#
relUsiT le tout! Si, an iieode céder aux étroites pnévantionè
de ropinion publique^ la révolution polonaise eût agi delà
sorte, la portioA Ignorante et bioslile de taeaste bébni6|naf a»*
rail resiée dans son Isolement/ et la partie- InlaHigenleral dé»*
vouée eût npporté un mile eoocxMirs^ Larésolttlkm qo^dU'arH
est d'aotant f >liis vegrettable^ qn^os début de i^stffseetion
plusieurs juif»^ démentant noblement la préjugé imleeraal
sur le eat^aelève général de leur raée, amiortàreiitda'tMiw^
oflhmdeasor l'autel' de ta' màm-patria* ou eombattîvenliasiiee
€0iin«^'ed;m^lei' rangs dêirarmée. , «
La révolution polonaise outttm autres tort4>leif f^QS fit^
^ueuelui-là^ en nnson du nombre'Utde t'lmporlanisedai<lMté-
tof'Sôs; On se ra|»r>elie ledlseouiv de Leluwelsiirla mimafiitfla
Iféréditaire, et l^inoldeni'quM sOuleva«>Sur' la fiesitto»'SofiFH#
et miséi<abte des^'Olas^es iriréHéMi«s> et -sur IlilHilâ^Mralr^,
cesser cet abus. 4ja quecAton^' n'ayant pas élé^fteuMèrement
présenUe ce Jonr-My ne ^adi«llMea«ot# daaolifiiolilVMÉa latii»
DS LA RÉVfUMWII POLORAISS. Vff
tedMtewniÉt fW,Miitdt«il0«te»teîr^.nattr# i'à\^-vfêtm; elle
ii^toftt IHK» tfiiîso» iiiQλé^ Jui|i^oeUe#rHfidafqiie^on>de'la
rétonnt^ f«î li^diwi.ilatt» fle^rfluMs tout l'avenir 4^1^ palrio,
9a'PÊàÊmàoL.%mBn^i»mif»My%w deux clmmbrcs^taugoi^v^r*
(||^ao4;n<iftUPr6Aion éphila im LUluiaoi^, en Yolliynie et
4iiÏ5,kf/ai»bm pD^vinws Mcorporée», plu&ieurfi nobles» dans
k)ièiijL|i'«otpaifief Iwiieto «M)MlatfoD cieg campugoes , «;i^ai<jQt
»flB6noèà leiuwip%ysaii0 <|A»w seraient libres, d^rpi^i^, çl
kfir avaîMi fiiwofe la propâélé d^ ferreaiiiiie ceu;i^i culli-
Tairnl pMr^twir pit>|in» oMipîit. Mm, meAhw^^mneutB les
paysans ne crurent pas à ces promesses, etdéciarèrenl,qu'il8
n^9rtn9mïl^qfÊfmk}\9wtï:$ ie4 un aiH^iâJLtlcûfopmrs, lani que
la diète et Nmmm^ Me itmv m ganianlicail paa i'ex^cuUo^.
ffest e^e ^éfianaa.^iM filivne^ rHisjicrecVipn de (m iirovinç^
BS'iirUjdaiftWfUtiieaflaptèrie^érihlt la tpLqpaiH 4« ce^ «erfs
araDtfé^BCYéleiircMpéraUoû «cMve iufii|ii'a|^ès la déoiâii^
deki^dièle. ^ ii - r • ,
iLa.'ftoeeton fut dooeporlM aos émsi^ ohambn^s pokMsai$es,
otjon [ieDSQHi|ii'eUaéiaU«i«m. apposer «iisaQoUaaiieir les gi*
néroiiQie94léclaraliiMis de la Bobiesae dsB aaoieAnes pioviacefi*
fiiiC8fienéMi^iOh«Beéoer0yat>lef «ceAle^lièteiitti aivaii procliuna
hf mrotuliiHi^ mom dm foyaume dp BologJie» ums 4e ta l^faogna
(raoioatea^itB^iiieesftiilââliienDesel prussieaaes^; ces liomtnes
mivée^isfotnaeans, «epadiiidot f|tieiée la rosurri^clioii et
ae la réorganisation de leur anereniie patrie, deia réiittioa de
sti(ifmçôiiSi4pa>s>4urétûBdiKAt4ue Témanciparlion dos popu-
Mk>nsi hakitakt ûihdclàda Siig et du Mtèmou ne les regarda^
pas:; qu'^Ua^n'avaiMl «Il maodatm qualité |)0«r porter la ré^
fonnedaiis<oes<x>siiMSi;' que leurs drotis-étaiveQtieifConsGrJis
dam tes limîie» du peffoume. Un tei vate est iaexpUcable, et
tt^adf|M4pasde:}tt6tHteeiion.04itroque€.'étaîi ilà uo démenti
Saigmnt qœ >ia diète té danoait à eUe-m^me^ique pouvaitHslle
donc avoir è cmiaieeS Les naeinbresde lâchante des nonces
étaietti tôt» éUmoftiii^iliest vrai^ amprovinoesidoiiAiL ^agit;
ilati'«¥ai6fit{»as^èdk»8'pa€ pUes».et>iie les représentaiendfas
MgQlemeni 9 mais est-oe que, dans les tempe deoréafoluiiofi; Uss
{MHivûMrs nés des 'ii6]rolttlèoés.qlteartDèiiieB doivent se laifiael*
ai»nâlep par ces fdfts sonuputes deilégpliiét Le^^aoliles et ies
pa^Blriis >6«omiaî8Baiei]tlq légitimiiéde ladiète,«lacaeptaieiit
dTawaiios sa dédeiMi aframraiae. £lle euLdoac tort d'arg»*-
liiMtorde«oiiéocomp^*BmfedL«vrafiul jce^vûte négatif fut
que les paysans, découragés, déposèreaileaarmes,^quettoutef(
ceS'prowiiiees dodrtècpiitJas^prèiiMèites ia«a l\aU>fiaisl'ex«fifipIe
de la*eeif«nMeioii'.diaifrnén)0 (aii d'étaii^oepwdutt lors>dela
fé^MlMM de Afi9<t4 ;)1égeisne dos nobles avait, ^ae^e. lois
toMnMii4MUi|imt)K6ttei^^
et (jjul Ht éclater Btric uiie étWence iMofilMt£(bt94e ik
Vais n>ul(iîT des meneurs dé n«[SOi¥écffoii^*à'U^eli#TOl4fd89
dâs^es opprimées, ce fui le ?ort dfe h^propèfeUtott^^ué tttilwiy
;i celle époque, t.clewel, en (àv^ur de cesMefesmt'i^frittfrd^në
rélt^ndiie seulemenldn LOYai/nrie^éép«rte^olig4<ë9^YiMfm^^
CeUe fois, tout prétexte di^parai^^it, etl^l diêtél^Mt^MMxplok
lite pourdéddcr, coTiformenretità tadétliMrdedeLelewtl^ile
la corvée serait désormais abolie, etoôfivéliiè M vmû&pBfièi^
hielte, pQUf procbiner rr^bolitioii dil 9éfrVa|pfi; Le^^'déiM(
c!]iimbrcâ, pD^rtant, rectilèrenivetieote» cA^^api^dxJteloiigQeii
et d'oraj^euses discussion!^, rep<]faètoèreol tflr'MfitattAe;><tei.d!^
Pendant (fuc ces faits se pd^dafènl, un ncHltéM gënérèl*»
met (ait à Ti tèle des forces moëeôViU»: Ao vatncpieutidèé Bol^
kims succédait^ le 24 juin Jb vaifH|iieitf des Persesyle-^omtè
PbskféVitsch d'Érivan. Nous avons va^ pà? Is lelUte préoédMi»*
ment citée die Skrzy.necki^ i]ue le général riiseé tvfait f«çaiiMi
roi de Pnissetles secours importants en munitions de boo^hè
et de guerre. Dans sa marcbe vers Thorn^ oùiai'fUMvt'fifHii'-
nis ces approvisionnements, il avait itnprodeminenidontiéQa
général polonais utie occasion de facile vioMre; carf^istfciê*
iritsch conduisait son armée ptesquesousle eanoci^enoemi^
et Skr^ynecki pùnvait Tatlàquer en flaac^'coiiper les OMKps
russes, et, ainsi séparés les uns desantresy les éora8et'^*eD
détail. Itri'en Qtrien^ et laissa ce géaéraUraveiMr «aaa><dis(-
tacle toute cette partie de ta Pologne. . - n u
Passkiéwitsch avait renoncé au plan de «m prédéeMseww
4Pi s'était approcbé de Varsovie par tarife dttMie db» la Vish
tdle. De ce côté, il fallait d'abord emperlef lea fortifieati#i|$
«resqu'împrenables de Praga. Ge faubourg' conqtiis^'i
était facile de détraire le pont cm le joint ^à kl ^eapi
Yistule séparait encore Varsovie de Partnée d'invaaicHif qtt»jile
^(apilala^4a
pouvait la franchir que ëous le fen dé la vHlë. Gonvûncit^des
difûcultés d*une pareille entreprise, le noo^eau génécaiissime
résolut de passer la Vistule au nerd-oueal de Varsovia^^»
ayant atteint ainsi la rive sur laqaeHe ceile capitale estasse,
de Tattaquer du c6té de rduest, où uneH^ière rapkki^ pii»-
fonde n'entraverait point ses prc(}eto. Il fit donc j^ter; un pfiipl
Srè>' de Tborn, çl le 19 juillet il traversa la V«sl«l«fM*le8?ettx
e Tarmée polonaise, qtii n'essaya pas même de Iqi dlspuler
' le pa$sage; Pâskiéwitscn occupa trafiqciiMeoièffl'le'pQlBieBird
:£4ii<z etSoçbazew, eis'àvançaè qiièlquee^tieileade'M^araoaH;
ponrTassiéçer et la cterner. ^ < t. .> -vi
. QuefaSsait Skrzyaecki pendant ce témp6lL#g(«verMPMo^
étotiné de son incroyable inatSfion^ le ptesmîttde^iefttrflr en
^mpagne èide nmrcber«€Mttt lèsRùsaeiuik^Milc^iS^q^
répondait qu^il fellail éviter les cbahcetf d^iifie telniU^^obs
DE LA n\Of4^7aoM polonaisb. %99
cûfnj^km toujours 8«r*vp s^c^urs d^ Piiris et de Xoodres^ H
4Î8aH qu'iLTatlAlt gêf^n^t du temps, U 9'aoiu$ait, à faire Faire
la. petite. gu^v^4aB9 Ja g^^^I^*^ laî^it l'enncjirij 8'çm|»a-
rer teui tea joQra de re^ources oçuvelte^qui de^yaieot assurer
unq défaite. Cepen^afi^ le i>eople 4^ Varsovie tra^vaillait jour
etifiuil à éksf er des tortificHtioDs du côle w ta TUIe ét^it maÎQ-r
ienaiU en péril. UaU le courags et, la conOaniçe;» s'ils n'étaient
poa en tiijremeol éteints, étaient bien j-efroidis^La pressentes
sooi^ patriptiques discutaif^ut bnutement .Içf affoirei et
dénonçarieot les fautes du géneri|l ei^ cM* ^abandon du Day$
par tous les gouTemements de TEurope, les défaites en Volhy*
nie et en LîtbunnîejiQÙ Ijs gênéiau^ Mlonais avaienat été battus
pjur.lee- Russes» la conduite dé ia Prusse» tant déboutes
iiTf ées, de vietpires obtenues, aîii I)out desquelles on se trou-
▼ait cerné sans éwoir de secours^dans Veoceinle de Varsovie,
Um ces motifs de découragement exaspérèrent 1^ esçrits.
O^à^.ai^s la.bataiUe d'Ostroleoka, les généraux Krujtowièchi
etPfoiÂdUinski avaient rédigé dea ^làmoires contre le géuéral
en chef», et demandé que le commandement lui (ùjLqté. Ces
mémoires., communiqués à la diète el au gouvernement,
avaient été dérobés à la connaissance ^u puolic pour ne pas
eomprometl^e Sl^rsynecki* Maïs une clameur lii^anlme s'êle*
viaint euRn contre lui, le gouivernemeni, qui Tavait jusque-là
ménagé» &*éfma. de rémotibn 4e tous,, et den^nda que les
plans de campagne du général, l^ui fussent immédiatement
.soumis. Skraynecki refusai impérieusement cette conimunica-
•tiôn^^prétenduitt qu'il ne devait compte à personne de ses pro*
jets* Alors» «ur^ proposition 4^ Bonaventure Niemozdwski,
membre dejaebufttbi^e 4eaiv)nces, là diète déci4a,qu*un con-
seil de guerre, lui eerait imposé. Qe conseil, nommé par le
gouvernement, s'a^^émbla, délibéra sur les affairés miliiaires,
et déclara que Varsovie u^était pas en état de résister plus de
huit jours a un assaut en règle ^ qu^ll était donc urgent de
«'opiioser au siégej de prendre roITençive eC de livrer bataille.
Skrzynecki: refusa encore d'obéir. Le cri universel, Tardeur
des troupes qui ne denmndaient qu*àse battre^ la décision im*
•pérative du. CQnseil, rienneputrarracb^r à sou apatiiie. U
4*oçcupaît en ce moment d entamer de son côté des négocia-»
Uooa iiiploinatiques avec. l'Autriche» disant qu^i), réussirait
ikiiamp que Caartor^fski. Là diète se idécid^v alors ^ envoyer une
ODaffioission . à . Bolin)QWj o^ était' le quartier général. Quand
les commissaires arrivèrent/Skrzyhepki. tenait de recevoir
oaeMtre de Mtilernicb» qui rengagéaitjà se rendre à dlscré*
tioD^.ll doana 4e. lui-q^éine ^a 4f iuissiûa.£n ce.tçoment, ^e
3 a9ât«^ Jç^Lgéo^rat .J)An)binsk^ .pirécédêini^ni envoyé en
litbuiUiie^tet^tUîj.au izeu ^ fèréfogiér^48n Prusse^ comme
DiretftHftf.eV^sMtrâs ^néîraDt pokmafs, ré&ft tftat^ifftèfit
dufèrt «rn chfertW è li^vet-s l'armée ehiiëmk, Vérthii de f ën-
tii(^r cbiild 1& eapil^le et d'y mtnenèf ses trofs mille botiihit^s et
dcB tbntri», aux acclamtitiôhs de l^ns les hn^ïlanls. L^'^(Aivel'*
MrnenVeDf Vétlii d'un ïirrtjfé qtriraulèrttallà ntottinicf lea
g^fiË^ëuk en 'éhfef, nomma DfeniWnsli tH)ur trofsjotitt setffc-
iMttt, penâatttIeM|Mls tlnenutre nominaiiOQdevaH être tâftè,
Miïlfcf*>e»len VtfStt ^uVih fll offrir aux aulrts pénëraux : htxtan
nëywAiA abéepter le pesant bérilage èe Skr2îdeckl ; aiicttu
lie ife tetttitlâ'fdf-^ de "tirer iôo pays de l'impasse filiale i)û
Kâ^ieAl àêtTQlé tâiltdéfotrteë amoDceiée^.
AtoàrèhiéM Sktîâ^eti élail ûd fort mauvtifg gM'^1 ) xt\n% '
pofar^Eiie Htt^^prit.iéhë Wi6*ères et on cartfcjtëre sans resblti-
tfcttStfeb'^aU pastiti tràîlJre.Oti Taccusa pourtant xle tV-ahl- .
sé¥i;fetîem*Éibttîlentehrent général, ne se trouvant satîsffilt
qtr'è'dttniiife sa dé^iîsstoti forcée, réclama dVnfc voîxîm^Ç-
lièuse Sa mise en jngemenl.
A tes lii)a«ifesla¥rons tnenaçantes s'en joignaient toos.li^s
jerîkrsde noutfielles, qui n'ëtaienl pas moins significatHeà. Dn
tlé toHailde ri^n mbins-qtie *è renouveler le gouverrrèmenl^
dtelatreun'Cbiipd'Etsit, et d'ùffranchir les paysan^. Mars, mal-
betti^èusement^toriles Ces mesures aurafîent été en ce moment
un peu l2rrdives', Lelewëi, qui présidait nne de ces sociétés»
ayant pris la paiî)Ie poar juslîfier les intentions du prince Czat-
tbryskiv tMft en Wamairt sa conduite, peu s'en ftillul qull ne
NA enveloppe à son tour dans Pâccusation redoutable quTi
TtmWt tepoûsser pour lé compte d*un ^ulre. Il y eut utr^
vohc qui s'écrfa î ^ Liés avocats clés traître* soiitdés traîtres ! h
lie çouvemetitent était au courant de ce qtii ^e passait^ et
cèpetwwttl il nt prenait pas de rm^sures. Ecrasé sous le sen-
frment de sen^ fentes, îl n'osait pïis déployer dlnutrles
rif^ueurs contre tous ceux qui les lof reprochaient. Composé
d'éléments îiétérojfènes du parti tl^artoryski,' d'une pari, et
de l'autre du parti démocratique représenté uniquement par
Lelewel, il VéWit d*dineurS pas û'accord avec lui-mértli0.^
Pour apaiser îes'mfecontenls, H se l)oma à leur prortieltre la
n^ise eti jugement de $krzynëclci.
Mais céRe. satisfaction était insufOsantè dans téteft d'exaspé-
ration où 'étàïl arrivée Varsovie. Un orage s'annonçait J'tTiOr
rrtonpAf d^s ferigiftes sï maniTestes, que le ôonseil muHictndJ
luMn'eme détbra au gourememerft'qifîl ne rénondall'jiiuS
delà kanquîllîté'dj la capitale. One seule victoire aura»suTff
ptotofr eanjfirencet orage, mais lé temps (|es vicloiriçSelatt
passé. VoicVàtiuelle occasfon cdalalatempgle. ' ,. ,
Kki avait «oup{^né de tralrisop(),t!téû^rite comme jcpUT
d'inteUigèhte^^it^c le^ ^ùfsse», trois ^jgiébérUux-.JIuttir
toirski et BukowskI. lËb dernier» notammetW, tii^
DB LA BÉ^ÇTIQ]} POLONAIS!. - |U
Irçîà prévenus,, arrêtés depuis quelcjutja mop^. aèvaienfélrÀ
Wvréç à on con^l de guerre. Jais» rtajgté'la cTtamenr'pq^
§[îque^te çoo&^il ne s'assemblaU pa$> etTanuir? ^Qp.rolonj^eatt
^ çcui que lé gouvernement VQulail ça^ver les^ accusé^, piè
\ les (erriblç^ évcnenFienls des 15 Ql t6 août.
, \^ }5aoûl ausûLr^Jeau Cztnsku se rendit aupr^^ dv ^où-
ireru.ement pour Vm^truire deTexplosion qui allait avoir Ueu.
n porta |a parole au nom du peuple, et demanda que le procès
des troi^ généraux commençât, ta joule qui Tavait auWl dans
Ja cour du paiaiadugouvernementi s'écoula ^n peu satisfaite;
mais Tavertissement donné par les sociétés venait trop tar4»
Le même soir, upe foule irrilée, paf mi laquelle se trouvaient
l)eaucoup.' de bourgeois honorables et (luelquçs' étranger^,
courut tumultueusement au château^ où la diète tenait ^s
séances, et oy élaient^nfermés Jankowskî, Bukowskl et Hur-
tig. Dans le paroxysme de la colère, on enfooça les porle^^ji on
i^it sortir df Uur^ cellules les prisonniers d'Etat, on ie$ mas-
isacra dans )a cour> et çn pendit leurs corps aux réverbères.
Puisia fureur populaire s'exallantdeplusen plus^'on se porta
dans la prison où étaient détenus les anciens espions çtageats
de Constantin, et le peuple immola ces nouvelles victimes.
Des innocents» il est vrai, lurent confo|idus avec les coupable^ ;
et d'ailleurs tes mallreurs du pays, la crise oiX était la Pologne^
ne aauriûent fixcuser les emportements de ce jour, ^a^ si t^
gOMYornemenl eût rempli 9on devoir, s'il eût fait ju^éirles
trois généra^,, il aurait épargné ce sanglant épisode a celte
b^lU et noble révolution de 1 831 .
LaJMstice soncin^alre du peuple ne s'arrêta que le surleii-
demain. £n oq moment^ les troupes régulières élaicnt toutes
sortief de yarsovie^etsuilionnaientauxenvironsj V ^7 seu-
lement^ le gouveriieur 4^ \\ v|li^^ ^rukowiecKi, qui s'élaUt
tenu à réoart p^pdant j^a prenpiie:rçs scènes de ce drame^
«parut enfin, et arrêta, le qoprs de ç^s vengeances popul^ires^
Quant au gouvernement, il n'osa pas intervenir, craignait
pfUlrAtroqiiela colère publifiue ne rerpontâj. lusau'à \\\y
nt^Qa9,?t }e prÂn^ CiarlQryski, épouvante, s'eniuu à Itolimow
au quartier gênerai- Il faU^t tir^r clie^rarméo, au). nVai^ms
«and doute trop de toM^s ^e&foross contre, les Ru^se^i cinq à
six mille hommes pour rétablir rornré daps Varspvic.
„.|-^t?aPAt,dai^ ta^çoiréfirle générât en çhçf lulérîmairé,
inski, occupa ^ilitavrepv^qt la capitale^, et m af0ç|^(f|r
une|)r9(;laipation pu |1 di^n qiteb^s ^ahuants avqienfafsas^tné
,4w iiinoceiïla,. égprgfi dus enfan^^ rt des..fpmmes. et
aw<jnçaU Je proct^ip. clwUip^ot tf» c^p^hles, Ce n'è^|t
pa# wm bm qqe^ftçpbiflisk^qsî^ïaiW^ gf W^ M W9hM«. S*
312 HISTOIRK
léstortodesauteurâ dé rémeutë. Voyant aue tous las généraux
refusaient l6 commarNfern'ent de ramieé/et se croyàrtfdès
lors indispensable^ il commençait à dire qu'il acceplei^ait tô-
lorttfers^ pour son compte, ces fonctions suprémcfs d'une
manière défliiitivey mais à une condition qu'on 7 joindrait la
dictature. Or» le tableau sombre etexagéré quHf traçait de l'état
de la ville avait |)0ur but d'effrayer la diète et les gens^môdé*
rés, et de les décider à Tinrestir du souverain pouvoir, que la
démission du gouvernement pentarchique avait rendu vacant.
Mais la sagesse de la diète trompa régoisle calcul de Dem-
binski ; reconnaissant la nécessité d'un pouvoir unilaire,' elle
concentra Tautorité dans les mains d'un seul homme» appelé
président du pouvoir exécutif; mais elle décida que cette au*
torité serait soumise à Tobservation des formes régulières
et légales, et en confia l'exercice au gouverneur Kruko-
viecki. Elle eût pu taire un meilleur choix. En môme temps,
elle api>ela au commandement de l'armée le vieux général
Casimir Malachowski.
Le nouveau -président do pouvoir exécutif était un espri
remuant, ambitieux, un caractère tracassier, impérieux el
violent. Dès le commencement d6 l'insurrection, il avait
ouvertement aspiré au généralat en chef» et les défauts que
nous venons de signaler avaient fait éctiouer ses prétentions.
Nommé cependant gouvernetir de la capitale^ il avait rappelé,
presque par ses emportements et ses procèdes arbitraires, le
despotisme proconsulatre de Constantin. Après la bataille
d'Osti^lenka, Ktukpviriecki s'élant promis d^oflKeqser Skrzy«>
necki, dont it était jaloux^il s'était vo dépouiller dé sèj fonc-
tions de gouverneur. Quand Skrzynecki eut perdu Uyài^tèàxt,
cette circonstance ramena tërs Kruko^ecki ropiiioA^puMi*
que ; ce aiil fut cause t|^é le ^uveloiement, Oubliant ses Mrfé-
cédents^ lui rendft le titre de gouverneur après la déitiisisioii
de Tancien général en chef. Krukowiecki fut accusé' de de pas
être tout-à tait étranger atit journées des 15 et 16 août^ et de
s'être ihénagé lé facile avantage de vaincre um l^llion
provoquée par Ini-itiéme. Ce qu*il y a ée eûr^ c'est que les
membres d4$ la chambré des nonces et du 'Sénal^é|MQfvahfés
des scènes auxquelles ils vèiiiri^nt .d^assistèry ne odlÉlflè^
rent Krukoiriecki que Éicms dés triYpreéSioiis, «t parce ''qii%
cruretit que hii seul,, au miKeu des itouvelles circonstanttes,
pouvait sadter'le pa^s.
Au lieu de s'occuper dii mal véritable; è'est^^-dii^ des
Russes^ Krukowiettif ne ^occopa, à son début, que dé ftpi^^
sionsintérieuttfs.et ll'fll fnstUér léd nMèOntents de'f^^ët
16 août. Puik il «teba de ffe rendre populaire, tfenUnsfrk
d'hommes de tMitfe^ les cduléurs/arislocralés, démocrates,
membres d«Éi clubs et RtlssèoPolonais, (\^il essaya de récon-
DE LA RÉVOLl TION POtOKAISE. » 313
crlier lei uns aiec lés«utres« îfaM \om se déflaieDi <ie lui ;
d'ailipurs, de si brâl^ntiîs circonstiinea^ ne pemiett^n^ pav
*rc5pérer.i^ ra^içirocberaeat etdrp dee partis k\ divers.
gnl^Q, Knikcvwieckf ayant nommé gbuvçrnelirdeVarsoitte,*
^ piace, le général Cnrzanowsku lef^uel était aussi soupçomiét
^e connîverice avec les Russes^ laf confiance ne^larda^ paaà
^^pbignerde lui. . ^
^ JPendqntqu^Tarssoyie i^eiHiait ainsi le t^emps à punir des
ioidîTidiji^/^ 4^Iac<^r ^<(Qs ^esse Ta^itorifé, le comte ny9i|jé-
leiitscti se' réjouissait de ces troubles sr déplprablet^ 4tti»'#0
affaibjissant le» Polenaîs; préparaient aoti tri<»îiipbe. 9wtwk*
yw\\9a, marche sor |« capitale, le JI8^ aoât il établissaitaou
Quartier général à une deeotrlieue de VarsoYîe, les l^eioiiaia
s^étant retirés d(ins leurs retranchements, en avant de la
ville^ qui se trouva dès lors armée âe*too8>c6lé^ Là^^Paskîè^
^ilscb:,pa9sa <(iielque temps SEinsagfri atlemfànt des reoidrte^
peut-être aussi pensant que la famine, résultant de larru^tupo
tle toute communicaiion extérieure^ foreerait renuemi a oa*
]ûti!^ler. Enfin, le 25 août, voyant que cekii^ ne bougeait
pas. et attendait Tassant, il le ftt somo^r de se rendre. . .
Eh.ce mcHtient^ les force» réunies autour de Varsovieue
s'élevaient pas au-delà de 96,ùùù bénîmes. La ville assi^ép
eq comptait pins de €0,000. dans ses mursy plus une vingtaiM
de' mille enviro» dispersés dans les^ alentours» à l|odtio^.'à
Zfimosc, à Praga. LV^ntage numérique, du côté des* ass^ftik
biats, était donc dei^eu d'importance^ Il est vrai «que Jes
troupes poltMiaises avaiefit {terdu^cetèntfaeusiasmej mita foi
2^t puissante qui fait^ que .rien n'est impossible àoeukiqiii.bi
possèdent, jpar cela seul qullscroient quo toui leur^^eslpua^
sible. Mais a cet enlbousiasme oui donne presque toujours ja
viclQir/3, .avait du moins succédé ce dévcRiemf^nt à la pairie,
ci courage résigné à |a mort plutôt qu'à la défaileji <iui. quel-
quefois aussi eofapteut des miracles et des succès iuespërés^
Krukowiecki, sane oser conseiller ouvertement à la diète
de se .soumettra à la sommation de Paskiévrilscb^ commeuifa
ù^ouhoins à foire enteindtfe que la posilion éiail difttcito^
presqu^mpossible à défendre;- puis il se contenta d'ioskiiiér
qîr'il ferait plus prudent^ peutTé^e« de tacfaec d'ablwîr quelr
Jues avantages au général rusée en traitaAtttvec lui, qua.ée
opiniâlrer à une lutte où les Polonais n'avaient guèF^que le
l&aiiacd pouFeux,et qui> si cette triste at auprèiae is^ssouroé
venait a leur manquer, n'aboutirait qu'à uiie«api|ulaAiQii aaoa
réserve, et sac^ çonuition.- La diètft pat juger», ea jouf*là»
Pbomiue auquel, elle- avait,, daneiui' lUonMmÇ d'eSroi> coa^é
ta pouyoui . Par le lotàt de l'effectif des. dett]»^mé^»4|iie mms
avôîis donné plu» haut, te lecteur peut.^appréoiei^iiuflai -ceAle
prétendue impossibilité de résistance; et par tout ce qu'on
40
saUdJfà'des dUposiUûns de Nicolas contre les insur^jon
Toil ce cju'il étoii permU d'e^fiérer deooq4iliPps avantageuses
de la paît de son lieulenont. Aussi^ d^d? J^s (^ox cbarfi-
breSv pas Une voix ne s'éleva pour appuya^ les tili^des in^f*
Anulions du généra) Rrukowiecki, qui ^pendant éntreteam
journeUeinent des coiiitnuoications avec le comm^a^ajoi j|e
Tarmée russe. . , i /
Le & septembre,^ n^ayant reçu aucune réponse oHIcielTe à sa
8OiïmiAtio0| Paskiéveitseh commeUça Tassaut, é|i dirigeant
toutes ses forces conlre la redoute de Vola. C^(aiT, le^ point
k mieiiK foriiiià parmi les ouvrages j^^térieàrs qui cbà-
vraient Varsovie ; mais en avait eu llmprûdepce de ne pas
le garnir do troupes suffisaales. U étail (fefepdq p^r le brave
Plerte Vysockii dont nous avons déjà parlée l'un des cbéfs
de l'insurreclioi^ de novembre, devepu colonel depuis* lors.
La redoute fut disputée avec un acharnemjqnl àdmiHblé d)i
côté deises défenseurs on se battit jusqu'au sôjr pour défsi;ndre
redoiii&i du n^setlfe des araies.dans le^ mains des masses, soît
mei
lé c^éral Clirs^pf^wà^i menaça m^.me de faire (iisiiler Mui
qdi oserlui conduire îë peuple sdr.le cha,mp .d^ )!^(^l^\AtlP
gduvsrneuff de Varspvie et lé président du pouvoir e^èfjiior
"tiévpuiusent associer aux {iérils d^ iarmée qi^^ là ga/de^nji-
tionale.de (14 capttalei c*est-à-dire la Hclié 'boirirjg;éoi^î^p .wiçie
db Iv^OO bommes seulen^ea^ et qui^ par cog%Bquent»jaé p>Q^-
vait.ètre d!un grand secours* ,/ ^ \^
Lp lendemain 7^ Krnckqrwiecki ^ ceqdit^ au poinV 4|î ÎÇUt»
auiirèsde Pa^kiéwiiscb^ et il eut avec lui une langue çôolSr
i«nDe> doitliles laits ullérieurs.nous apprendroni l'objet C^tle
domanehe^ lAitesansavopr mémo consulté les^eux cpajripre^,
souleva oontre lui les ministres qu'il s'était iui-aièn)e ^nnis
eo ^enSint le pouvoir, .et Qui se démirent inmiédiaM'niBnt de
leur autorité. A son retour du oamp russe> KrukoWi^cki alU
ebeoré le feu de la jeunesse» lui répondit avec iâdlg^atMONU
^itfél aimail' mieux, se défendre de rue en r.ue\;de n|94$ôii
M maison^ tk s'ensevêHr lui et S04 iyruté§ soM$Jes4k^
teea tell cafilale. Krukowiecki, pressentant; que.la die(eiui
ferai! la mdniA réponseï aVm S7 prése^ier toUménre» et
DE LA BÉT^feUnÇII' POLOR AISB. 3iS
clMtoi PffwâiiTBlkîéif fi0rlu«/d# «iiptrt, Mi tooin» itm
lC)éWiJlftCh« ; ' i: . . i
Os nropcaitiont éfaîciii ka ii|j&lnfis qup telles «fi^oii éoa^
n«tl déjà. Pofkiéiiirilieb fnmneltâilovbli' ciomoJBkki^' mu»
riftQ dé. plu9« Pas la imMiidre oonctMtonv pat l'ombpo ft^an
enintgamenl^ ni sur les anbtciuias poovtiioeB fevendiqiiéea
jmr la Psdoffne, ni rar toip ka aalrea griaft dea insurgea,
a $tdttiiaa<{iiaaià6qt* cea cmuUUoMr il tait fiovrliat iaaao
% cairiar^ <kl Proiiéijnalti. Le tampa prasaa} à ufie hadraf
<i apitèa aaiét l'dttatfue ^a recrafiroenoar ai voua nr'aroeiftlaJ
^ auMe^ckuintî)) et Yarsone aéra livrta ce sair à kmtatafu''
a; reur.^u iiikiui|ueur, à foafeea les liorrews dHm.pilkga et
« d'uo.maMoere. » Walgnà oaa terriblea^ prédldiafis, les
danta cbailibvas décidàniDt qui'eUes rafttaaiaBido traitea avad
la gAuérid éa eaar; el se préparant à subir^ a'ii la fallait^
h)utf a lea eaoïéipteiieaa àm lear dAcisîoo , ellea se éMarèh
rant an parmaneuloey comme ots sénateurs romaûia qai^
loi> da la premièim invasion das'Canloia, rafaaèrcnt auaii
da 60 sornnaUré à la loi de Brennus. et dAclarèrenl «in'ila
QMMirraiani tous, 8*il la faUaîly bmf lebis dMrises çurnlae.
Infonné de cette déciaicm, Paskiéwttscb ftt^ à l'twarè
fixée^ aUa^oer la seconde ligne de forliâcntiaas. La bataille
fut encore plna sanglante c^na celle de ki veille. Sana cessé
dat nouveaux corpa polonais i prenaient la place de ceux
qu'écrasait la milraiUe; et disputaient vigourenseinmlleleiv
raln à rennemi. Un instant même ils furent sur le point de
prendre tout-ft-fail l'aivàutage, et mirent presnue les Russes en
déroula. Jlais lies fu^rardsy prnm4>lemaoi ralliés pas'Pa^kié^
vrilsch^ re^iinrent auaailM i la cbarge avec une trrésistiUe
foru)» d ajanà emporté tdnslea relrancbeinentai la boîeo-»
i)6tle, les uns api'èa tes autres, ils se trooTèf ent le soir airivéa
aux. tecrièma de Yaraovie. Pendant cea deux Joirmées» Ida I^a^
lc#ais perdirent ploade5,€0abommea; mai»2MM Rassea
tués ou gf ièvemeiiihieaséa, témoignël^nty sur le cbamp de
bataille 5 4« prix élevé auquel le vainqueur aotietait ans
triomphe. . .
, laodte ade le combpt iurait encoroy Proudipiski a'étail
présenté de nouveau. aux deux 4:hambré9 assembléas^ non
oueilks deequellea retosvlistaientîncessavnmentlcisbivilsd^
la.caoodiiadlîi II dit anitf députés et au aénat <f u'il venait de
p,arcQ9ickrf à titre de parlemmtxira, léa rangs ennemis; moM
r, ataii, outre ias Sf^OM bommea rangés en ligne de: bataille;
. lâie artillerie trois fois pins nombci^use que celle des Polonais^
likoujiira dc^oéotaan tadiètii de a» bas apaetaa snr in capti
taln^.par nsiaBésiaiaaoB nutf ta, fa Mracilé de la .soUalasque
ES3aa^et:^éstalotfcquli-diMn8e taisaaarfaaiidrvn orrdM
316 irmoiiK
^fir lequel elle dédtr^it^ qa'aui termes delà coBsUtalion,
rinitieUTe des traités n'appartenait <iu'aa pootnir exéenUr^ et
leur ratification à la diète; que, dès lors, c'était le général
Krokowiecki seal qui avait qualité pour traiter avec Pa^kié-
witschy si les circonstances lui paraissaient telles, qu'il ne pût
échapper à cette extrémité; comme aussi la diète, égaleriYent
juge de ces circonstances, userait à son tour de son droit d*ac-
corder ou de refuser sa sanctioD, selon qu'elle croirait devoir
^~ le faire. Ce vote des deux chambres fut pe«l-être un acte de
faiblesse et d'imprudence. Aus&iiôt qu'il en eàtconuaissanoe,
Krukowieckî, qui n'osait agir seul, s^sn prévalut comme d'une
autorisalioû pour signer le soir même, au'nom de la Pologne,
*l'acte aux termes duquel il se soumit sans condition à Nicolas.
Du reste* au. point où eil étaient les choses, il fallait, tôt ou
tard, finir par se soumettre. Le lendemain, 8 septembre, après
Jue la caucanadè eut cessé,, le faubourg de Câsté, touten
ammes, éclalMt. bien encore des combats partiels, et on
continuait à tirailler; mais.it aurait fallu des troupes fraîches
pour re|)ousser victorieusement les assaillants. Peut-être le
résoiiU n'aurait il , pas été ce qu'il flit, si le général Nala-
cbowski nleài pas eu Timprudeoée, à la fin du mois d^aout,
d'envoyer Kàmorino,.avec2S,U(K) hommes, vers Kogoznika,
' • où ce général remporta, le 29 de. ce mois, sur Geismar, une
belle mais: inutile victoire. Paskiéwttsdi consentit à retarder
son entiise dans la ville jusqu'au 9, et l'armée polonaise, dont
il craignait le désespoir, obtint de lui de se retirer avec lu-mes
et bagages sur Plock. :
Pendant que Krukowiecki, interprétant à sa façon la déci-
sion de la diète, se soumettait à PasKiéwitsch et lui ouvrait les
portes de Varsovie, les deux chambres prouvaient^ par une
résolution ^nouvelle, que le chef «du gouvernement les avait
mal comprises, ou <|ue, si elles avaient faibli, leur faiblesse,
du moins, n'avait été que passdgère. Elles refusaient sotenàel-
lement de ratiHei* Tacle signé par Krukowiecki, le déclaraient
indigne du pouvoir, et nommaient président du gouverne-
ment, à sa place, Bonavenlure Niémoiowski. Puis elles se
rendaient au milieu des rangs de l'armée, et tous, nonces,
soldats et sénateurs, se retiraient à Praga, -puis de là à Hodlin^
sans âtre poursuivis dans leur marché. C'était un imposant
specL'icle que ces 30,000 soldats trsAnant derrière eux 90 ca-
nons, ces SO à 100 membres du sénat ou de la chambre des
nonces, qui s'en allaient encore, fermes et résolus, chercher,
Kur reposer leur télé, un abri où n'eût pas encore pénétré
nnemi. Gomme Sertorius, qui, à l'époque où la république
romaine gémissait sous le joug du dictateur Sytia, ayant offert
son armée pour asile aux sénateurs proscrits, disait avec
orgueil : « Rome n'esit plus dans Rome; elle est toute où je
*: f,y'
•p' ' .V'
' j . ' .'I
'.'
3.:sii.àWaiL
DK LA l^rm.t)TfOK POLONAISE. 3t7
^, • Vàtmée polonaise, elle anstf , eAt pu dire après le S
septembre^ ifue la Pologne n'étaH pins à Varsovie; qu'elle
était toute entière an milien de ses ranss. A Modlin^ la dicte
fut réduite à s'assemlrfer dans une étante. An bout de quel-
ques Jonrs, le nouveau président^ Ntémoiowski, ayant assem*
blé un <;on8etl de guerre, qui appela encore un nouveau gé-
oéralf Rybinski, au commandement de Tarmée^ la guerre
recommença» malgré les réclamations de Paskiéwitsch, qui
dît qu'en consentant à la retraite de Parmée polonaise sur
Plock, il Tavait considérée comme ayant fait sa sonmiàsion,
et. ne devant se rendre là que pour y attendre le bon plaisir de
l'empereur.
En œ moment eaeere, d'assez grandes ressources restaient
è la Pologne, malgré la.prise de la capitale, si la guerre eùl
été bien dirigée. Dans les temps intérieurs, notamment sotts
le règne de Jean Casimir, Varsovie avait été prise plusieurs
fois, et cependant les ennemis avaient toujours fini par être
chassésdn pays. Il restait encore 70,000 combattants dispersés
sur tout le territoire, et les troupes rn<ses, y comnris les corps
qui n'avaient pas pris part aux journées des 6 et 7 ^ntembre,
ne comptaient pas plus de 100,000 hommes. Il fallatt rallier
tous les corps polonais et en former une masse compacte;
mais le découragement des chefs empêcha cette réunion, et
le corps principal, réduit à ses seules forces» manoeuvnt
quelque temps sans plan et sans but, sous les ordres de Ry*
bioski, qui ne se trouva pas plus que ses prédécesseurs à la
hauteur des circonstances. Privés de cette forte direction qui
sait tracer une ligne de conduite et la faire énergiqtiement
suivre aux subordonnés, les Polonais passaient tour-à^lour
d'un profond abattement à des e^ipérances irréfléchies. Chacun
des officiers avait son plan ; les uns voulaient se porter rapi-
dement sur Varsovie, la surprendre et la délivrer ; d'autres
conseillaient de s'ouvrir un passage vers la Litbuanie, d'y ré-
veiller l'insurrection et d'y soutenir une guerre désespérée;
une troisième opinion nnontraif les montagnes de Cracovie
comme Tinexpugnable* rempart à l'abri duquel on pouvait
prolonger imiéiiiiment la résistance. Enfin, plongés dans un
obaos de systèmes contradictoires, ces malheureux débris
d'une insurrectioQ sainte passaient leur temps à discuter et h
ne pas agir ; et, après de nonveoux et inutiles pourparlers
avec le comte Paskiéwitsch, toujours poursuivis et traqués par
les bataillons ennemis, les Polonais gagnèrent la partie puest
du royaume. De là, tirant encore quelques derniers coups de
fusil pour assurer leur retraite, ils se réfugièrent sur le terri-
toire prussien, où ils déposèrent les armes, préférant ainsi les
rigueurs de l'exil à la Mule do retomber saos le Joug mos«
covite.
»#if* ^oLiverntswieot tu%m récompensa ses chQfsietaesatIdats
«i profilant de sa victoire pour aMir les derniert^ûiMaârs
dii pa?se, fïonr ôOiJW tôule tnce imporliine deft, kiMfttUtîOos
libres fïonnaes pnr Alexandre ù ce pay$,il tmpo^j)Mxilrèl)6Uè8
dompltfs, iiwif non swimis, im fê^^irne d aflrTiin|slr«Aî«Ji ma.
logrjea celui de U RussiLMNjcolas éleva PafkieiiUsch à la
dr;;nilè de pniice, otlo nomma gouverneur gtinéftr'dcii ure-
ifïnces vamcqea. , ;*. i -
D'aprcs ua relevé ofûciel, les Russes perdireirt dami.cUle
çanjpïixne, «oit siirleP i;lwmps do ï>i*Ujlle , i^oit 4Mn4ileiieli-
reU et lio|iitaux, SOOW) hommes, dont 30^6*0 ptoniÉl seule-
ment a tu prise de Varsovie. De là le recru le ment ttrtiTiitrdl-
paire [aiwUe recrues \k\ï 5;i0 lîOmm«> qiH s mcttja dette
année dans iocjte I filyndue de Tempire, CélaiertîHtifcnl 4e
paysans a[ï|tar tenant a la nable^^se, qui en avntlifailràn'irr«t
IcsftcnOa^ ausM, après la Mcïoire, celle ci dcihandanl^eèle
,salisIjc(ion pour h morLdôlant4l^hommes mpm(>lé8ilaDS,ertle
iulte. Or on se rappelle c*î que nous avons dfjà.'dA-dB'la
grande iJiaiicnce rjue la noblesse rnsie ejterce &ir fegoirrer-
nemcnU C'est dans le btji, dîton^ de modérer ctii ch^tire^e
,vengtana* conire les Polonais, que l'empei^ur lik^an inoi>^
novembre de celle année^ un voy^ï^e a Moscou, oim'ifciaiiicds
^cesse de résider cetie vieille aristocratie tarlara*; Nôaa ne
savons pas jns^iu'a quel point nwis devons croira aui senti-
pieuU de moiféralioo qu on prête a Nicolas dansueUedjrfcinil-
tauce; en tout cas, s^il les eut, ce qui est doutcuî^dlnertoé-
.fiit pas a les fajre parï^ïger aux grands de son eiupweuC'^sl à
i^oscQu que fut sjjjuè.le 1^ de ce mois de novembre, luiorink-
lice, ou Fdntot nu seitiblant d^^rmïsUce, qrji enveloppaftotBs
,d msnr-es dans ses exceptions qu il n'en oppelail àjTrofller èe
la cl<^ence un(»érrale. Cetactefut le f>retnTer pas daàscellft
voie de reactions et de persécutions sysléjnatiijne», où «kolas
conhnuji a marcker imper lu rbablemenl, couinoe 8*11 m tût
prêté ajttHmfaie ce^iiMà«:« swneiiWe toliitepBinfte goutte
agQi^ttealaPoIogQo loiités iea lanneA qiie confieniiéal sos
yatt»^€tlpu4kaMg<»uer6»fapaiaTOiitonw; ,
m tÇMJW, cç ipii Otavurtep hirétiriatiaidv 189t, «fut
dtabord (L^a'4l^c^f^ pas sq profiter dm cinmalaBcci an ré-
\m^ ka prioei#ea.^mi tontes foa aMicovea pvotiMes
W»m^\m:y^ fut d^oûr QMiiiiié aiip la jssliee ilo^cfar ; œ
fut^owi dawr fMQ<|aé4ei;éBapAiix oÉi^àbléa ra'ii sMoit
»QuWi|a, a;eul i»aa cteli» ]né»i.<Oi tatiesH* d^aoir compté
^^ >j*m»geir> el. «wtouti cki ne pnnoir a»B eMtfités sur le
.U (V^^Wuiiç^ ttocdorf^aatean en
couper les léles, il lui en repoussera toujours de nou*«»tea.
m LA BÉ^lilMimNI POLOMAISB. H9
Par sa langue qu'on ne supprimera jamais complètement,
par $e$ coutumes particulières, par s«s rcMentiuMiitoprofoMlt
et implacables, elle est encore^ elle sera toujours distincte de
la russie. Le moment n'est pas éloigné, peut-être, où elle
{)0urra enfin reprendre avec autorité son rang parmi les na-
ions. Quand ce moment viendra, nous espérons que TAngle-
terre . que la France surtout , n'oublieront pas leurs propres
intérêts, qui sont les i|U4réte deM Bojogne même. La France
se souviendra aussi alt^fs de 6hi\k vieille dette contractée par
elle, sur vingt champs de bataille, envers sa sœur du nord.
Mais cependarlt, ce n'edt Al Ail^ rAngleterre, ni même sur la
France, que la Pologne doit compter; c'est sur elle-même,
c'est sur son propre sol qu'elle doit chercher les meilleurs
éléments de sa renaissance future. Sous Kosciuszko, qu'elle
m roiiblîe t>as, elle ne troatia qèe ir%ûk% ûiHl^hommmÀ
dppdet à la Russie i enl831,grftce aux progrès acûompltedins
tel Intervalle, gr&éeà la placé rafle a la bour^eoi^te da^àrla so-
dêtô nouvelle, W PÀlpgnctrûu>{^ 80;000 combatfahtsiEh t)fen!
si elle Vept, quaûd Thenreaura sonné» elle èa aux;^ dix Idis,
vin^lfQjiB davantage. À, ces bordée; Urlâro^ au^j^^uelLes^ijur
discipliiie de ter donne une laroe incwiestabt^.^^Ua pwrra
opposer des masses que rdndra plus fortts eâcer«,te désir âa
Wen^re niatériel et ùe la dignhé ttvotmle. PDià- atterodn^ce
btat:el1e'n'HMWtïtl1rhflVftttcbirî$iBS pàysîin^,qir*à Us fuTr^par-
tTdper'M'ettîfôièèdu dtoft èbmTlîuri..qu'à détruire linRn ies
bofiûme^el vitfndront bienà ^utr de. repousser les Tartares.
Peut-être aussi, dans un avenir plus ou mpitxs tiloigué, la
Providence les appelle-1-elle à Thonneur de porter jusque dans
les Etats de Toppresseur de leur patrie, les pures et
saintes clartés du progrès, de la civilisation et de la li-
btft|i« *i .^ . .*: . ...*: i.M '»'» .■ ,. M '.»
'i *
* i.l .
■|.:'
- i *!..'.*,.• , '>.'.*# k^ <r'i V" J
322 ' mÈtéHÊ
etd'Mdâcfr i«E>tir venger en an Joury dans le iiuîg de sek
tyi^ân&^ une oppresâion sécoUire. Ce précédent élût inquié-
tant; et, 0our n'avoir ft redouter rien de pareil de la part de
la Pologne, des persécutton8,ayant le même cabaçtère d'atro*
cité qne led anciennes persécdtions de Rome pàïeane^ avaient
eu heu, et le XIX* diècle ava^t eu son Diodéti^n et aae
martyrs.
Cette persécution renkontait i 1836. Depuis Ibrsj le pe«pU
polondiSi privé de ses pasteurs légilimék^ UvM anx mauvais
traitements de mercenaires^ en biitte adz vexations • des
pdpes russes, à Tappât du gain qu'on Idi présentait sans
cesâe, battu, emprisonné, persévérait néanmoins dans la tdi.
On fduéttâit à tour de rdle le mari et la femme, a&a que Tes
ded deux^ ému par la cdmpassion, engageât l'auke à apeé^
tabler. Oni a vu aes femmes enceintes expirer sooa les ooupe.
Pour obtenir Taposlasie des pèreè, on poussait la cruauté, jas*
qu*à fouetter les enfants, et plus d'une de ces innoceatei
petites créatures avaient expiré dans ce supplice. . Si Ton ne
savait pas jnsqu^où peut aller la fureur du prosélytisme
exdlté par la résignation dans la résistance, ob se refuserait
à croire de pareilles horreurs. Mais voici qui les résume
toutes.
Il y avait au couvent de Mensk, en Litbuanie, trente«quaM
religieuses. Elles tenaient un pensionnat dé jeunes demoi-
selleé» et, en outre avec leiirs économies, elleâ . élevaietti
quarante orphelities et pourvoyaient i la subsistance d'un cer^»
tain nombre de veuves tombées dails le besoin. Dès 1827^
Févêque grec-uni, Slemaszikoi, ayant consommé son apostasie,'
les pressait de suivre son exemple. Voyant Tinuttlité de aes
sollicitations et de ses ruses, il leur annonça tout àfcoup que^
si elle$ ne se rendaient pas dans un délai dé trois mais, eileg
devaient se préparera de rudes épreuves. Mais, \roii iàurs
seulement après cette notiQcatien, à dtq heures, du matin
au itlomentde la prière» Va postât , entouré de factionnaifds
et de gendarmes, Ut cerner le eouverit, enfoncer les portes et
enlever les religieuse!, satls leur pemiéltre d'emporter ledrs
cireti et même leurs livres dé prières, filles obtibrebt seule-
ment la permission d'entrer un moment dans leur église
et d^empdrter le crucifit. Là, au pied de ces autels an'il faiiatt
quitter, une Sœur trè^pieuse et déjà avancée en age> elpini-
de saisissement et de douleur. «
. A peine Hors de la ville, elles furent jencfaalnces deux à
deux, et les soldats lel ûreat marcher, en pressant le pas, sur
la route de Witebsk. t)n craignait une émeute. Une partie de
la population^ éveillée au bruit de Tenlèvement, accourait et
suivait les daintëâ filles en répandant de$larnies.X.ee< cris des
quarante ôrphelihes abandonnées natraii^dt tous les cmiMc
DE LA RÉVOLt'TiON POLONAISE. 321
dans les égUsesi Cftlbolique$ un autel exolusiveinent consacré
au coite grec; çui, pour savoir si le moment était propice
pour rintroduction delà religion grecque en Pologne^ trans-
roettaità la police Tordre formel de surveiller le sèle religieux
des habitants, d'examiner s'ils observaient ponctuellement ou
non les prescriptions de l'Eglise: ou bien encore^ le même
souverain restreignait le plus possible la possession des armes
à fen^ et portait à la taxe annuelle de 45 copeks la droit de
garder chez soi un fusil. Eu mémo temps^ dégradant sans
mùiit et de son libre arbitre toute une classe de noblesse (les
i€hlachUscM)y il la rangeait dans la catégorie des simples
citoyens (odnodioosei).^ Dans la religion, la langue, les mœurs,
ks usages, partout il poursuivait avec une persévérance im-
placable un travail d assimilation; et, ne pouvant parvenir à
efticer la barrière de sang qui séparait la yfctime du bour-
reau, il recourait à l^abus de la force, et, par uu brutal ukase
du mois de décembre 1845, il ordonnait : 1* la frontière
entre la Pologne et la Russie sera supprimée ; 2* le 1*' janvier
1847, il faudra qtie les fonctionnaires polonais sachent la lan-
gue russe^ sinon ils seront renvoyés ; 3<> le royaume de Polo-
gne sera supprimé ; on en fera une pro^rince russe, sous un
autre nom, afin d'effacer ainsi le souvenir de Tancienne
Pologne»
C'était décréter la dénationalisation de la Pologne. La
PjTQfise et l'Adlriche suivaient la Russie dans celte inique voie,
arec cette implacable indifférence de deux complices qui
n'ont en que l'infamie de Tacte, sans pouvoir même invoquer
pour excuse Tambition. C'était de la part des trois Cours une
guerre atroce, implacable, n'ayant plus pour arme que le
hélxfa et je couteau ;.,^, poursuivant avec un acharnement
féroce contre l'industrie, la foi, la langue, tout ce cjui rappe-
lait la Pologne, tout ce que le despotisme le plus intraitable
et le plus furieux peut invetiter s'y accomplissait chaque jour;
et l'on ne sait ce que l'on doit le plus exécrer, ou de la barba-
rie qui commandait, ou des instruments qui obéissaient.
l'iniquité dont une partie i
ment se tramait au grand jour. Nous le rapporterons avec
détail, parce (|u*U pourra donner la mesure de ce Système
d'ati^oce persécutiop suivi contre la Pologue.
^ Disons d'abord qu'un des puissants moyens employés par
l'empereur Nicolfts, pour dénationaliser la Pologne, était la
substitution de la religion grecque à la religion catholique.
On avait Texemple récent d'un pays, la Grèc^^ qui, après
n'avoir eu, pendant plusieurs siècles, d'autre patrie que sa
religioiijL avait fini par pttiser dans la foi seule assez d'énergie
41
cooacieocei iqçti 6Ws . do^te^ le, touraidiitoUrlooidurft, , (G^ inal-
JwiwreuK compairiili^MrafvèB deiv^ni $ob juge. S'éjbml ^amnoifi
rrvtogn^rîa, .il tomba ivre^ danstine mare df^aiii.e)l, ^ noga.
yévéqtia^fit ^n^aarie qqa 'larmort ileHicbalcPv^ÀciiipfapiKM't^
aucuQ.MM^lagaiMni'à «es t jQ^mtei Soiitneoi oaU. VU rrapD^r
]d« fias/maina ie^aaintas âliasrdont laconsiao^e le Jetait d^o^
jiBeforta dedélirayépttisaot-coatpe allas, daDacae oc^si^nfi^
le vocabulaire russe, si abondant en termes injiuric^ ILJ9
jottPTil a^étoHii daflesrfaira à.toaft'fHfiib enireir da^a.iîqa ^,sés
ég^i^as. Smppéaa^ smHflriaadexeoupsi i^onda^a d^ sangiaUo^
aQiiC.paQsséeaà/^fQieeidébfas'piwr teS(gaaa(def)pU6e4Mif^|f
i4tte,aiiGMiagei:V. m - ••■.^.'-'- .■• -- r. ,-. ,^\i\['Alf x.
' .)Smivi:$mpém»fi^'^vébnM i^^9adeseasœurpii4aptoc§r
devant.. lavette da V4gHaeii& moffceam de lx)isqu'eIf#.V9it
dan».la eour; 'alla leui^ fait aigne ecmuit^da s^agenouiiist»
fiioris^.arraohaAft da Ja «aie d'un mafieeuvrenbe baahe^ ella la
présente à Tévëque apostat; < Vous avez été notre' pastour»
« lui dit-^e, sofesi maiiitenaBi uotre' bourreau. Tra^cHiez
fi.nos t^tesiaM^z-lea avec dûs cadavres dans vçtre,templa«
4b.car^^ivai]tea> vous ue^ noua y verrez pas. j» L'apostat, çour
Iondu> pâle et défaillant^ ealeva la baeba dis la raain de l'àbr
basse et tomba entr^tasmalos daa^9.^pes»-aui rapniqapàr
rent. Jbas «o^urs idars sa relevant^ anioanàceni le Te fitum^
ainsi. qu'ettaa afvajant rfadbUud^de le.6|ire après c^aqpe
é|)rauve> at ranivèrant ^o^assionnallement dans leuc Âer
n^eunei^ ou plutôt leur prison^ ^ 'nu
Pressé d'ea finir-, Slemaszka réunit una saldateaque^ qu'il
enivre eti •qu'il stimula encore par ses promesses et par sa
p<!ésettce> etil livre I^s raligieusea à la bifutalilé de ces mis^
râbles. Una boi^ible scène s'ensuitit. Les saintes béroîaaa
Iqll^rantajrac une sumalurelle énargie« fnais< elles* pa^èpaKl
chèremant leur victoire* Las soldats de Slarpasdio arrsia^èh
nent ies feux À huit d'entre elles 9 d'aïu^irea eucaoi les jQitait»
\fAihn»p, les oreilles^ toui La visage arraché et dévoré iÂWx
moururent foulées aux pieds at luées à coup» da taloa« . ^ . .
, Kfi YJ'iigiHseptiiiais» la Moibre des saura, tant tla Minak
que de Witebsk.at dePolo4sk, fuiréduii à viag(*>trQis*.4Jk}vs
on las tiïansféra à. Miedzply^ • autre- aoufveni de echiamatiqui^
«ituéau. Biilieu d!un.laç*>La loeaiité donna* Tid^e d'igouter du
nouveau. auppUee aux <aaciens«.Iià> chaque religieuse fut, à
tour de rôle^ plongée dans Teau. Lorsqu'elles revenaient à. la
surface, les bourreaux leur demandatokrt si elles, veulaient se
convertir, c'est-à-dire anostasier leur croyanca.; et oonoine ils
n'obtenaient Iwjaurs'de ces saintes filles qu'qni généraux
reCMSj.ils lessubmevgeaiaotdeoouv^au. Jusqu'à ce qu'elle
eus^ni^fiQrdiiito^tseattinankTroia sœurs .périaent jda la
BOrta*.. ,,.,,, -, tr'^*'\. ..... -' •('» r. ; :; )|.. ^ 4.-
DE LA BÉvW6tfèH POLONAISE. 325
'^ if9!ioar4êi>)hëHfre6 M CGûtèWHMe^tolf; ^/hMé^
ipëilcIiffWiMlt ' detf ' noT^déSj ^ éHes ^f^rQvtfëretti tous )^« ttiâif
t«â« IniiMMiilsî^ 'WJMëk, dui^^vingl-^ix mois, et )t rat
^fors qtieêtioii'âd iesidlivdyef à'TVilbôIsi:, cupitafe dif lu Stb^
«ili;ipe|à* «Il cMTvéî d«r<èi9m tftigt de ee^^tMtes captWes étaR
fltirti^ SmolenA, et plus delà molUé étiteitt mortes atatlt
^Pirirri^er au Itett de leur etâl; où !ês antres ne técùretft pàb
longiembs*."' c: • .' » • !
B 4ie6 migi^tiseltle 8Mnt«Btf$iler étaient^ flans toute la Polo-
1ftntnsB9i anDMiHre de^deux èeirt qnatanfe. Toutes furent
1etiriiiM«ées;paa«iiëMtiM MlMMt sa toi. D« cer détenfU<^
à Miedqoly, quatre, moins estropiées et moins extéhtrééS'tfUè
leorsîcomiiifignes, punetil 'profiter <Ae Titresseet du sdltimeil
«tGéasiounés tutr la fête de>(a supéPteure du cobre^t pour «r^-
elfiipper. La* siipérieotè atrtva en France par la Prusse/ lés
tkoîs avireé Muvsi ivieftèaities Wsnrtfecka, Kofiiaii^ka/ Poh
iViairaacka» gagnèrent FAutriche.
^ PetidlEttit laf^ui^ de leur ttiartyre, tout si^e tfe coiiltfos-
sidu de la |iart des asetotant» était eotistdèré comme bn crime
cispHal. Cge dame de haute naissance^ qui; déguisée en
paysanne, se^condemnait à contempfer ces atrocités poot en
refadre témi^gnaiigre un Jour, ftft reconnue/ saisie et efnme^
«éa^ilU'apos été possible de satôir ce qu'elle e^ deTenUe'.
Ud propriéiaii^ notable déê environs ne Pololsk assistait;
égaleimèni^ déguisé, à kr^géliatieii des religieuses. Il eut le
malheur de se trahir en s'écrianf : %0 Seigneur t quand dobe
aurex^vOQS enfin pitté de nousT » Pris è ces mots, il' ftit sur-
le-charitif), etaans aâtre jugMient, dfiporté en SiKérie; Les
parents de pltisieufS de ces saintes filies osèrent intercéder
eùf isfir ftttttttr aunf^ès de rempereur. L'^empereur renvoya
Isur pétition ià IVftèque apostat, qui en prit eccasiun de mill^
tipUer'enoore plut Ms sopplkes et les outf^ges. Ainsi, ce
ppinee^ qiji donna tottl pouvoir à Vapostat Slemastko sut le
clergé et^ur le peuple âdèle, et qui Toulut à tout prix leur
imposerlaMiet'I'egtîeedctfitil était le ponlile suprême. e6t
MètÎTéellèiMent et- Men justement respotisable devant Dieu
e|jâeT8iiriea!Hemmee^ loutesees bartaries^ qtreiqûe peut-
êlire il «ne les ordonna pas en détitil.'tl Vi^atait paé besoin dé
tMseendre Jusque^lèVit pouvait^ a? ec eonflaiicé, s'en remettre
au zèle industrieux desf agents uuxqifelS' il ptY)diguait le pou^
iteéretror.
< AprèsMoir échappé par tnimcle.'l'abbesse et les religieuses
se réfugièrent 4 Rome.
'Fendanique la Russie attaquait la nationalité polonaise par
wiD culte; sa foi, sa Imiguis, la ^Prusse, dans le duché de Po-
seur pôorsahaie^n systèané dé/e^slsr qefjetait l'épodtante
dans toutes Un c&isms^ Ctiaque jour voyait se multiplier les
sin, tôpfes^l'es t>a3UUe»4e.la inooarabic pmw'eiiDefi^Mieoii^
Jbcaienl de détenus 5ûi-4i&ant po)iMquQ9. 4aâ^ beMén,- ilA&trl-
che se iponiraji pfête à loeUre à la disposition de«op eom-
^lice se9 terribles cachots» mu^ (éinoins da^ tani de larmes,
dp tanl de misèreçr f t qui dq rendwMf^inftis. teuns vitthneç.
pt\ mêfne temps, pour ne pas dévier de Ifi politique adoptée
par les Irois Cours spoliatrices contre la Pologne, te^roifdè
VtuM^ réppndaU par un refus i^lu aux deMiodes' légitimes
des diètes. provinciales de Pos>^ «tde ^iéaie,- qui* ésmaiSr
daienty.rupe !<> une constiliilioii d'élals-génânf 11119 2)^i|4i6 les
jpom,$./les orateurs fusç^aL imprimés d#iis iee pnocëstMrbàniK
flùs èlatç provinciauxr 3"" ^^ pu^Jif^iti des sé^mces 4m cûoséàà
municipaux i i'' la suppff^efsipn de la çeaài^te et ^""iotrateetioa
ji^ne loi sur I^.lilD^rté dp la pr^sse^; Tautre» Ja pnbliatté dés
séances des cqpséiis ^^ni^pai^Xi la UJ^epié do la pr«s9a.«t
une loi sur la presse. > . / .
Un systÀpe si pdi^x d'oppfpss^q dei^ naturelteiMnt
PQpsser 4U. désespoir un ppup).e qiiln'ttmit Msaoïdpipralestar
contrç cette iniujuité de ^iorce, pt quiis'éUiit ionsoursinoB-
bé plus grani) mm ses ^i^y^rs (]ge ses a^Ks4»um daiM levv
Ifiomphe. .LQr$que 1^ rjévolu^io% de , Cologne t des aodéos
1830.et4SJl eutéçhouéi li.s'éiiiilfôriDéen'Frafice, en A«h
ftleterre etef> Belgiqi|/^ i^p^énûgration polooftiie' q|M ^Yait
(pis en (Biivre tous les. WOïenB d^iU^ elitf pouvait disposer,
pqujr prx)uvpr-l^tt mon4a qpe les trQîsspoUateursdfiia Pidogne
àyaieq^ epcgr/^. plus^ 4^^4 Uéc^ifïïokfi mf^ginnte^ à dresser
§Y£^iit d'efff^er soi) noni.df. la ç^M d««i'£uropeu .GettB..éaoi^
^rstiôp, a^acpord spr le b«it> ijo Teiptr^priae» MiU divisée em
u^rljé qui sA^Q^op/i^iei^lLap kw^^ de VmémvmeilB nàm de
fajrç trfppipJierVuiî^ Qu rflptrft.opiiiJw- Gbsique parti aupivait
^lor^ uu^ dpuble ^fF^^p ' 4-^bHn4jeU0 qui ptsiliomnmiQe
^ ^rlm 1^4îfii^i«ttt|o^4f'i» J^otegq^^ pHiê iM» twduça pu^
ljf:ufi^(ç que yoyp pûi^y^liqf|ji)liûpr.d'«riMq€mfiqMtwite*doino-
çr^lia^p oMe <^mmvnj^^f 8>W 4tt'il«H)t motos itiséd^Biti*
au^.lefi f/TArts.4«s fFûis partis jiv^ iiMt^ésale piiéeisiûiii^ .il'
giirapr^il f|iiA*lQ,}M^rtidjS^ ^to*- te sdosdrïii
odi'a riqiti»)iy/e ^e jr'^BSMfff##t«4 Ka mia>iéli0r
a^prenxi, ^ . ,
complet ^^ rappui des msN§ |^^<)^ Wil^o^'^ 9^1^
dçi iHi; cplqj du par}i sri/|^û9riiM4MP, 4o«)i kl paMstismo, ud-
peu empreint de vues personnelles, espérait tout d^oti j|[rajsd
i^!A«iYePSffiMp(} G^lui,d^cOiii|p[|MiSl«p» VifSCi»qii0iesiîiasse6
ne pouvaient que gagner a tout cban^meftt» L'Àptosioo
éj^it i^sée ^ p^éjPf F^r 4aR& PP WW ^ toutes les jpesurfis éd-
mii}i&^'4f)4eSip&^Ùu^( AHJiliqiMl^>OÙt'doputt le emive-
r^ip )m^ii'f4r#^i4çp ithm.^ft»^ «?* 4wtoi» è-'JBWli^r,
(^Fsépifl^r^ ^m'iP^F^ Vf 9tf^!fWfmi qiM db s«paiiilM> par.
DB tA RÉVeUJTIÛft POLONAISE. 327
milliers, de$ iDetruGlions sur les actes ^ouverDementet^^ que
de porljer ii Ia conoaifsajD^è de tous lés it^ncuàaipaUrneUeê
de ces IcoisftBoUaieurs qui s^appekienireiiipeFeur de tîussie,
V«a?pereur.d'iiutriche, le ro^ de Pru^e. Oa y avait jointe sous
la forme de. çalécbisme démocvaUque^ dès appels à la
l'âvoUe^.des iâsbructiooa pour faire la guerre par guéril-r
[ah ete.'l}QQ.aciivjs propagande s'était orgeoisée dauë cedou*<
plç but. '{ • ' .
^ Dans le Jtot aussi de faciliter les opérations^ les conspira-
teurs avaient divisé en. cinq;. régions Ta^eien terHtoire db
Pol^ae,. savoir : le araBd-ducbé de Posea^ la Gallicie^ |e
royaume de Pologne, la Llthfuanie et la ville libre de Craco-
vie* Vers le ii novembre iHi$ des dépotés dea cinq içègion^
tioreniii»<»nioiliabttle pour, arrêter. 1^ plan stratégiaué de
llinaoryeclion^ En prBœii^e ligne d'ovéraliona, ils àrreièrenf
de a'empftrer>paTuiicoup de main^ des forierêsses.de Posen,
4e Ibocn, .et^ e*il élait possible, d'une troisième située dans
la vieHLe j?ru8se, La révolte devait éclater simultanément
Amsioute l'étendue du royaurne de Posen> de Cracoirie el de
la^GalliQÎe oecÂdentale. D'après les prévisiens des conspira*
tewurs. le soulèvement du reste de. la Pologne devait r^lre la
ooméqufiuee inévitablie de ce premier mouvement, L'expia
sionde rinsiMrrBction était filée entra le 17 et le^l février
IMây.et ées inMruetioBS furent partout expédiées dans ce
sens. Le^sBotôs de c4te première partie de Tentreprise devcUt
être suîvidt ta guerre dans le rof aume d^ Pologne. Pour le
cas où Fentœptiae manquerait dans le grand^dncbé^ les ins-
tructions du comité canlrâi prescrivaient que cet éctiéc, n'eût
point de conséquence à Tégard de Texplosion dans U terri-
toire de Cracovie et en Galiicie, voulant au contraireque.ee
qniia»ratt été perdu dans lognand duebéda Posen fût rega-
pié téans des deu autres pay8« :
. Le grand mouvement quuse préfMirait ^'était pas une de
oes. tentatives isolées dent il faut ehercber la cause dausTinp^*
patience irréfléchie de quelques 4mea audacieusea. C'était la
Aiftogne tout entière) sans distinction de castes^ de croyances
?el)giëuëesv de provinces*; c'étaient les paysanSi s&rs d'un
ffldtteiirawiiir^c'ast-^-direda se voirdélivréi!» de toutes le^
ctaavgesinttistess c?étaieat les .nobles» lescbrétiens^ lesisraé-
èites:;>e^élaitint 'les. enfant» de ia LftthuaQie» do^ Varso^iji> dé
Posen, comme ceux de Cmcefvîe el de la fiiUliciei c^étaienl
tousieb élémeats. épari et tnoreeiéS' de la vieille nationalité
psAonailBe, 'qui^p«r un effort simultané^ voulaient rqmpre
leuvstiialues et <disputerleur viey leurs liber téS| aux lentes
tortftreade leors'benrfeauxi
i>Untel mouvement pouvait deveiftir funeste awoppveaaeurs
da<la PeldgH'^ ^maia déadénomiintietiapurtîes >de Paris doa«>
3ii «ISTOIRt
jbèfént l'ëteil aux trois puissances qui se sont partagé ce tnal*
heureû^lMys. Lès'P(flomi9^pafKU ^ P^ëHttè AàM Ib "Mirs
grënd'tetreit, ^otif aller pvètM^Th cétasè'ttalibHVIem^iiuf ûé
leilr influence politit|ué oti de lèi^irs talëmk'înflitMréë, Ibt'ètit
stodaiés, àieut départ ,*& lai vignàn(;e de Id policé anf ritihiéanèj
rMse et prusàféùhe; La Phisfce et là IW^sië, MviM i^réTeiîï^eica
raVsnce, pfl^^t dl bien léUrS' med^f^y'qtfAtactM' Polonais,
aecoum de la France, ne réussfl à pénétrer' en Pologne, êr
2ue^ sur plusieurs points, des arrestations ffifuIU^iée^ firent
elMruèrIep4a^^*dèS'eoftsrpîim(ètiiifJ>lM gOQTèrnétft^ MM-
cbierr» prévehu d(i )a tnémè roanièf^èf, iN§pcmdil à éèul(>4(i}'I^
sigoalaient^ laMconspi^étidnf '^' «r Laisbéie pnà^ëi* les 0fao6ésrj
ff laibseï éefateria con^pirattoniilrote Jdtik«» dé IgUbi^e xumt .
c yandront adixante ans de traH^tiillfVé. » et'PhMiitfetful
pronoiiçaces mot^, W. de Méllemi^y, avid^ dd ^àng qail rilait
se répandre^ et dotit il aurait pu prt^enir l'éffusiew, fie* pfft
aucune de ces mesures qu'illsavait si bien preiMré eattatfe
et ailleurs, pQUr étduffér touttf ihtinffèstaiton popûléffè.' ^ *
Ken plus, le goervèmetuetit atitrïÉMenendouf^élai'dtiM la
Oallicie ^élément cohMi^dutste, qtri^^coMfM:^ l'a tu, lie ihéi
lâiC dans cette ootispirailk^n àl^leifi^éliFt tiobiliairë et démôcra^
ttqoei il aftait en^la uM dcrable but : d^abbrd afln «Patottrun -
^moyén de plus pour frsfpp^fîl» Uôblease.'et'efnuileaflnde
sW aeHii^^oimM d'ut^ époilyaiitail flouvUMlfepeaér PEuirèj^'
contre ia PolbgTfe.Aufssi^ttiigfabâ dk)tfDameiit des Pot^Misr;
faaViluès if ietotes les rlguMrs de ittM^nauiie atffrkiiienne, on '
Tff oIrcHer 4ibren)eiit(daiiaile pa^s^^des publipatkms incetf»
diairea marquée» du^^sceau du eommu^iatne, et <A^y^eiFHMA^-;
chaftt le respect et'Pofoéiss4inee à Féitipefeuy; <m' exéititt ia^^
poptriafèan eduire'tai noblesse. ^* «»■.>. /i»
•MslÉré eeséténef^ifli ai-tiftileiMa)i^ltt^iMraii«a diyi^^
ment insurrectionel, et quoique iw pMVlne«a>eà4a«Éteftii^*'
tiona avaient? éké opèr éw fiMMttI dès- 't<m taertt4%la4'de eèo-
tribuerà la èa^e- eommuife; rtrisufreetiën'éolsta iftit«id)v«ra
poiBts de fo'Polegné'.f La «iillioiiei'tMl m dAseÉpéraiil dé fwti '
ritée des détacbeflfiearts diflsui^gée qitl de«»tflmt ùôtwfét^àéi'
pointriÉnpcManU^deeetlei^irétiMef ttè putanAtuM^MMiiif ^
trkMMioe quiéKtrata< tM^^ea^e^tté, «t^ltodbniicMl^eni^
pie d'an générée» déToueàaMt au ptVMirtliiiiliaUte^fè^liftv *
litmMiretroiif join^ âvahilie^llilMttiiirfpi^poqfoA^iAé'pQiir 'lé
Boulëveateiit ffMMl ^
U>e»fttt dé «nême à Craoovie.Xày wgeufvtmemetit autrii'
chtonvqo^eMoii yeipretitofi de son tnittiatre; toaihnè ^tu*
rrola^olriv * èëktMeigàgMr soMmêe mé4^ fmAir/'éf «i ed
soin de répandre le bruit que le tUMvaMoott^u^ëe ftréputtfab
a%ittt59iywm(Mèm^aMeiiU0ll8iibttt«mii^ ^
€Hfe(Mfiè;> qui OD^mit tjfitMia.w iqu'âo i^t«ir''ftMir/)>rtt
DE LA KÉVOLL'TION POLONAISE. . . 329
ei.il0,ltusft^^:uai:enfort de taoupe» i^owMOciïttfiet *laiiriUe4)Ur
gpUY/çrneinaQltiltricbieo^.qoi Taisait jauciriptt d^ii fllt 4^^ 1&.
côpspinitjoj»', fut.nfttiirelisoiûnt 4& pr^ndiac à^réf^^nére^a ofA»
&t)pet ^Q^eoyo^aut à CrapQvie m^ corps dOitrMaptfrde liâAO'
bommQÇi.doQt 2O0 4aiuiia)#m eima«!()emihtiaUecîe.r>etU8'
f^rca,. reunie à 500 bomaies de la milice Xomlei était ani oihi
dfes au ^émv9X ColUfk, '. t
jVa|gr^ce(te pa^rnpte interTOQlion^l'iodarxecttolixi'eoéelata'
pf^iRiaio^. Pans.U soirée du.l9» ^prèa du j«fdili botanique^ mi
Tit ^*«lavec et )>rili^f^ à Hoaigraudo hmi^ttr^i iineffmee^iL'aiyi
Uf^c^. C'était la i9igi)a) coavanu, Oèaf^OimoolfiAtrfégQAidàtis
la viU^.OQç ^[rpiidia agit^imt. Eu méoietitempa» itaigxand
oprnbrçde i^r^^ontenia, parmi lewiAel^ae toiuiraient Mau^
coup d'éflikresi «e^ipiceoi eiijfpaiDpiia.de& eb vîronsaur ilraoovieli .
1^( rqxup4i9\io do Ci^oone#<^QÎ AUaii.d«fQnir.4e(lbéâtr#
d'une ltti.(ei:ai inoga^^^i'^waii quevfoiiûioietdaqrlaloniètDea
$i|T iiingtr4euide.fiupeiifiGi6i et neipo$aadaîki|i]ectM qniMe
mii^ onièa do {M^puUUon. Quant i^.la vtlie de ;Craoovie^.dék»
cbue de son ancienne Aplondèur» jette n'aiait fiaa plaa de
lr^qi#r^l9q i^iUe aabitant»^(T'^OW]trîeilea jAiifacbitoéinuii*
gérs^f $Huee dan^, une ptainOjila^illeéUitoQUferle denlpiM
c4taa fil P?offc^t aMfÇMBe. défend* U eiûalalfceMûnii^iiifietJiiraÂ^'
ua;YÎiaw çbÂte*tt;¥nit i<^^)Qnl Waif?eJ,Tda càtft^é^fiodpmiv
u^ u étalti 4|u^ 119.81 i«aujvai8 étai^.qiiïiE! u» ponyait'iMme '
résister à ^p çeup de meiiUr OaidenMdcrararkMB mt ^nels
mojeii9/Bpn;rj4aient le^MMinrgéa |ioupleMiccèftdft^«niBarati.
U^jconipfi;^ion.tisni? W4¥>m?4g0 etrdo déteâpivc: d'imi naiioa
entière» qui, par eeprit de natiooaîUtd^iOU yaffJafteriMiivdeH
vait.4teei/4l!«ée de,pi9end^e^ packÀ U jiiielutio|i»/«kd0Tattiilte
une}guerrfi,de.toiiey{eofttnôtpa9,în: ..:î .iî.n i "U.i /:m
tes wupfsatat^UicbiiiQnes^ d^piiis^ la jotts> d*<)&iif> eateés)
c*e9t*àrdire depuis itroiaiwfS .et trois omts^-éliîerit rartéea
sona if3a.a9m^s> occupant Ies>,pniiiaipales' pkoeeiiiB SQ léfmr
an ifui^tin^OA commraga à tiret, sur eUeaide.toiitfeales<cioi^
sé4j(^jPiViir9«QaAte6^;ei lorsqwi le. général CoUki: oadoanv de
lai(|} évaçuiiriiliis étagi^ dooea>aiiâsoni,jlet inavgéi sMalè*
reni^àuirleat^JM.|VM]r.Ur«r.suelfidteQupc^^ ^ - n'ji tt
UeUéiflfisitUd^.epQtini^a ptamnl toule/bîqiiiriiéo, cioîtfltfiA <
d'heure en heure en iol^mllé* U aoir» kto dèohàigiBiqsî vpaiw
taienlides maisaus a^iai^ni la. pràiiaîoOfet ia i vaoidilé éham (tu
d6.j)elotm;>l«9 lemmes eiaea jounaa^fUteê 0Ohiceai0SJk>ka
arnsÀ |tfésaeA9tienV)e8 icarliNMJfees et se mâteiei^
lKittont0i^u'eUe^^oij[>wagea«anAa«ee ttojMl>te'eBlfa0^
LeS|tQ0t^pe8 antrjohimiies, apeès ««ainaatHféilew pealepiM^
cipfd eoiiiro iU«Sft tmgir'wi foreot «oblige de^/faire » i^ eiéga' de
chaque oàaiaoa où il y airait des insurges.
/*2
sao HfftTotiiB
Les préiDkrg snocës furent pehr les AttlrtelneASf tes ih«
smtgéi eardot le dessous à la pocle de Sâint^j^lorsan eidënfc
la'deinâire de l'aubergiste Wôgt : c'étaient leiirii postes prin-
âpaûx et leurs dépôts d'approYisionnementa d'èrthes^ de
liMmftions et de dràpeiinx. Le 21 se pà^sa sans combat^ tneis
non sans exécution $ lea Autrichiens iriotntili)aiënt ! L|i ville^
é^caée par les ihsu^gés^ fut livrée à une sbldat^que efiVénée^'
excitée par les boissons spiritueuses que TàutoTité dutrl-i
oiàiénne avait Ihit distriBiier a profusion : puis, à M suito d'dr-
dres barbares^ orifuèillà dans les rues de Cracovie des pei^*
sonnes inoffensiv^^ defoibles femmes, d'iîitiocènts enfaoË.*
Cette, sanglante saturnald dura Tingf-quatré heures. Hais
te 22, le bruit se répacidit tofat-à^up que des masses d'io-
surges du dehors marchaient sur la ville; Peu après> en effets-
des haiiteurs du château bn put découvrir des mlUjera
d'hommefe. là plu t>a#t paysans, armés de fdsil8i.âe faqix et de
piquesv avec leur costume nalibna^ s'avancer vers U vtltei
Us étaiesl prêches de drapeaux natibnaqx etooaduii^ par dea^
nobles, entré autres PatélsKî ^ Barowsiii> Byste^aiiowskiy Yfili^
t!fk* Ces hommes valeureux» sûrs de périr, ataieitt entonné
1-byihnede la reconnaissance pour Dieu, oui leur âvaii pel-misf
de viviie libres -au moins quelques instants. Pleins d'un g^
néreuTi ebtbousiasme, ils savaient qu'en se levant ils (!oa-
raient •ail* martyre, et célébraient rmdépendance épbémèrif
de leur patrie^ em s^écriant : Ceux qui vont mourir t«i saluent^
Cette troupe se dirigea vers le cbâleau dé Wawel et s'en em*
para s^ns que le général Goliin essayai dé le défendre. Peu
cprës les Aùtricbiensf attaqués de toutes parts, ab miheti
d'une ville insurgée. et pousséeao pllis haut degré d'eiftbou*»
siasmO' pi^rietiquè^ furent féircés d'évacuer .la ville et de^battre
en retraite jusqu'à Podgorze. Lek itisurgés flr^t alors leur
entrée trloitaphale à Cràcovie, portant à la tête' de leùrsèo-
lonnres l'image vénérée de la Vierge et Tdigle blanc de la Pe«
logné. lia a^ient entoiiné l'hymne national de saijU Albert:
mére^de Dieu, Viergb Marie. La population entière faisait
eborns avec edx> et dès larhies coulaient de tous lesyeuo^i
taairémotioapàtridtiqoe possédait toutes les âmes.
Le nombre des iqsargés qai s'étaient rendus nksltres 4e
• £ita«èvie ne déliassait pas quatre centfc, et les Aulf iehiétis^
dent le nombre était au moins ^uadruple^ continuaient leûlr
rétpaiie, iiui i»ssemblait plutôt à une fuite. En effets lU^éva^ '
cuèiHBt également Podgern^, eh y laissant tout un ërsenil
d'armes^ de munitions^ et une cassette oènteftanteeot soixante
mille floribs en bîUels. Ils reculèrent jusqu'à W^liodat^ét
qfli^èfent bieiilèt cette ville en y J^issant encore des «armes et
une autre bomme dssee ronde ea billets de banfoe, qui étaient
cependant faciles à transportei*. L'opinion publiqee eurb^
DE LA RÉVQ^(JJfp}$ POLONAISE. ^^1
pc^nne accusa ^e fi^uvpi'neinen^ j^ulf^cbi/en d'uvQÎr [ait^j^jfer
aàTi^Jès (bleuis cPlRe iilcpyaf)l;ï réffàiïe et tpt ^haïKl^vû «ra-,
ttillxl^armeà etdefcurels (Je banque pour fncjltlcr le cJtJveTppr.
pèméntdertnsurfeclîop et avoir pju5neve)igGancosipxefcer/
Quôlquli eri so)l^ |^ fuite des Aulrîchieiis, rabQMJ;ïp,ce d^
tIVres et d'armes trouvés à Pfjdgorze et a >Vielia^;i| éxaUp-
f ent teflhmènt les fètéi, on se crul ji sûr dTutjé grande* conlî^ .
gfàUqn survenue en Gallicie, que les insurgés ^'occupèrent
ae consHtuér à Cracovie un gouvernement provisoire.. t\i
! 'absence de toute auforifé^ plusieurs bourgeois notables
l'êfaient réunis dfâhs la maison du comté de* !wopl2Hfi, pdur
former urï comité' Bértreté, auq'iieil se subsHttt^y^S;* février)
i'éfaîent réunis dans la maison
liel st ^ .^
i MM. Louis GpVsk'omk^
^-A-uujviM»,"« iiâucïic u iiioiyiiv^ iiuiuniiié'^ Jeanïi'ésovvsiki.aod-
teur'eri irjédecine, et GrzêgorzewsW. simple* bourgeoise de
fèt^ff^MtXht fritte fv«/\îc tt%ttnek^ y* t\YY\ rYM\t! A'rtnffrkn û4 A* âr^aé^nrin
Chicotîfc* tous trois jeunes, hommes (faction et d'énergie. /
hé pjDUveau gonverniement prit' le titre de aouven^timitH
protHsùirê^è la nation polonaise, et s'installa d^ns rancienn^
maison kp^e\kè Kn^vstofoàrni, et h laquelle se rfetitacliènl leé
lAm chets-soùVenir^es Polonais, du temps du duché de VarT
soVIfe.' Ce nouveau gouyernerpenj publia Immédiatement u|^
nfj'ahiïésx'e à jà riatipp polonaise, ou il retraçait les souffrances
dé ses' compatriotes, et faisait un appel pour une ïevée en
liasse dans toutes les parties dp l'^ancîerjne Pologne. Le len-i
demain, îl rendit lilj décret (jui défendait, sous peine flc m'ortl
tes allaqûes: à'ia' propriété privée et publique, et déclarait
afttési ^rallrp envers la patrie, quiconque ètaîMirjajt!, sarts au*
ftyr'isatfôri dn çouvernemeù^, des cltibs et des associations poli-
^h mf mp temps^ pour tonner un démenff & une des calom-
nies répjjhdtres par lés trois (îours, Sï^vofr V^e-lé^ Polonais
néyipsnrgëaientqujjf poûr'cfiaSserjde la Gallifïlè et du dudié
de^Posen respbpulaltoàs,iill,emandes, dés généraux Ipsuj-gês
adf essèf eut ^ )a natipn allemande tin mat^ii^le^ oui cî^ijsa au-
delà dW ftlîn une assée Vivie impression. • ^
Pour agir conformément à Tesprit qui avait dicté ces matif-
fcrtës, et potf r donnfer p^'^ de force fl^'ijuitt ^ù godverrte-
ment r^vohjilçlnnaîréj lésmerrmrfes de 6e gùûVernetVient se
«ittttetttjspontanément, et d*on oonitriun- accord^ dfe leurs
fonelionsf, ef iao^ihèrenf p'napiniement cùmmé dictaffe^ir
M. Ty^pw9kî,'homme énergique et întëgre, tèuiséafjt d'une
èlMnMkiice générale en Pologne, et qui copserVa ce poste émi-
ftentjusqu'au derniçrmQmpnt.Çiielqttés disseijtîment^ passa
( Ains ce nouv^âtl §èuTerhement,mai9 ils furen
gefewgûèrenCdans ce nouv^âtl W)uTerhenjenf,mais fb furent
«Ërti^npOTtfence sur les événements' étiife'sepVfrent qu'à alP-
meB4èrlé9 èafléilpMieé déniées fiMiiHét^sfij^ë^
avaient accepté la trjste mission tf abreuver la Pologne. •
332 , . : HlSnNIIB • ' . 1
Pool? jtii^(^ KaiM^r ^ft piiU^iole^^i^noivi^iuaiemifQ^
initfUtité soûal»dîr«ctioti de ll^.JDombroiKski^ j^om! quiflguni
avec UoDtiear daûs lea (astes.potonûis du (eoÉipa de rEmpire^.'
Danaceelub» i|fti ne resHi otuivôrt qu*uo;join',4e.chateiiroa8e5
isnpfôvîsattODflprap^gèrenit.au dehors iesioenlimefilfi:^
qiireil aftimaieôt m rpembres. Malbew^usên|ei]l^€ies4j^cxnii&
odDf^gn^s daofl la Gaz^Ue de Gr^càt^,M^é9i éïte ankâîi
d'aitpes dans 1(66 maiiM. des opt>re6$eur» à» m pouvo eimak
heoretiïpBfs^: . ,i. , .ni,
.:.P)9n4tolMe ioeurtirègtie deaidsui^géâ, PexilMuausipedeval
mecédé^/à Fed»i^oufiaaibe»,Dès \t teMen^am de VîAsiBUatihv
dfii iroQTeKn^mentiirovîsotre, ia.populaUoa entière^ de^la viUè
de Wieliczka^ qui, de|iute.^Oaiint€hdi«. ans, élaM sépfiréë da la
Baè!:e«4>atHe> arriva à Graijovîe» procasëiouneiteneut caog'ée,
ai7aQt(e(i,tâteses pasteurs et lousies emistldi^es de in tetigioni
9U-6n v^KxlaU tes forcer à abjaret* Depuis quelques aonecsy'
celte foi était leur settle.patrie^etelle.devaitnaiiMrelteroB i
paMicipe^ au triomphe qu'elle avait tant edniribué à^anpenenj
u sfieciaide était vfaimaa^'saicûssantt Toute là ville^ toBuwt^
femiBes/enfaats, vieillards^ne joit^QîrôDtaux nouveauxt y^Hi^
On se refidiUux églises ds^is le h^\àW prier pour^ladéUirrafioè
de la Pologne. On y eaieadjt. en mime l«mpa dea.aaiHsfaU
ètouffiàs^ ledifuetis des:^finfis# lechan&desb'fiilDeS)saçirés^
IflswixfrokAidémenfeamues.d^s prêtres armés^les^emiettâsi
des o^oyens qot.se préparaient à combattreiL^entboilsîàeiDff
des femmes surtout toacbaU au délire. Yjâlnès de^jinbes!
hlaacfaes etJes y èuxreiiipliade larm^s^^ommeauboif éten^
d'espérance^ elles encourageaient les hommes à se défeadréà
outrance, ;çn promettant de les aimer et de mourir avec eux.
Ui^neiif 4iix.ffimi^es.dePol(]^l,Daqs,li9 iQm ^^pu^wr^MX
martyre de'leur pays^^' plies iront làmais dèséépére île rave^
nir ; partout et toujours elles ont donné f exemple de la haine
contre l'étranger, du dévouement et de rbêroïjs^e ; gloire à.
ces nobles cœurs ! Dieu leur doit une pairie,' et la patrie un
tamplfi..^ '. < . . . ; • y.-: r<^j n
. be JQor mômede eetle imposante aérémiQiM«{qi«ttoa.g«ian
drons de Krakusy défilëpooi devant M gi^vevnempt.HOVir
soirei» et furent accweUlta par deo bour^^i^ «ans Hs^ /C^4eR/iii
du micacla^ Tons icos cavàUecsétaieothienfmQptés^ biap.Q^if*
pésv bieniarjnés, et joignaient l'élégance à la foroe* • - . . *•
Ce noble eothouaiasipe devait être sQalbeuT^^ement l^idec-
nière loeu|r de joie.et d'es|k)iir4 ., .• > i m •
iilais avant de passer au réoitduluguhre'driimeqttQr^iir
tctcfae^fouaità quelûtfealiei&esde là^.QuostiilDiiala sympathie
qulainit troH^ m^ Vjraooa el an ▲nglelfefffoJte Aobla wmt4%
A Parie, oii sch tronvait un noHtbrft aonatdétahki dsh réfugiés
DE LA BÉVOLtmOfC t»OLOKAISE. 3^3
fùMatàs^ta ptbietHs; attiréti fiafMreltmhmt MirMihbtIm 6ù
m|eteieiitle9 iioàt«tté6 dëVélogne, ^UiimlreûAWy dévies
pinmiiers j^ors de tnafrs; & Fbôtel Lambert, cbez le prfnee
Ssartoryeki^ iHtstre et ttobTe débris de eette nmibêoreosena^
thn. Paitnl<eiixse tromritterft leè^^rtociprax membres d^né
ilssmaliôD poiitiqpse; cmt)de sbds 1^ nom àé Société <to Troisr
JfW; Le cdotiel bréan^, président de celte société, i^^résents
ait prince nue «dresse aa nom de phis de mille ntembresv tons
émigrés. polonais^ dont se compose cette association. Lessen-'
SanentsqtfexprtfAa cette fraction Imporladte de l^émt^rsffon
Kdbriëise inrenl des pat^stsé d^tinièn ^tns aae'Jttmais désirable
aAHs cette sahite cansb/ et de conâance dans celni que oe»
dieA désignaient comme lenr chef natinreU '
, Par toelte ^dresse^ les membres* de la société du Troiê^Mm
prdmeltaiebt an prince Czartorfsk) t le conconrs le pins sou-
tenu et nne rigoareosé obéissance à ses'commandementa,
peranadé qte ce concours était^ par-dessas tout, nécessaire
pmir^e l'émigration, pat' son i^eprésentant, pût le plus èffl«
caœtuenl s'aisocièr à ta lutte héroïque mie recommienei^ laPo*
logiie. » Ils terminaient en déclarant ir me le temps des sacrî*
fices étxlAl 'teiiv,'ils' offraient à cenic de leurs compagnons
d^éûngrationqtn'népaartageaient point les opinions que la
seciéié du TVpff^iVal propageait depuis plusieurs années, l'a-
tiandon ^orisoire de tenrs'ddctlrines et de leurs Itiéories; nous
réunir rémigration entière en un même fkisœau^ dirige par
k prince et lui prêtant son concours, s m '
^ jsn mdmé tempsj le prinee ^ecfevutde Londres Tadressé
suîTànté :
IJss rif^giés polonais résidant en Angtsterr^i ,a» prifiie
. . t CzartoryskiyAPùrù. : .
' ., . tt Princâi
c Les réfuffiés polonais qui résident dans la Grande-Bre*"
« tagoe éf ^Irlande, ont fait^ le 9 fétrier^ la déclaration for-
« meDè qu'ils reconnaissant Vôtre Altesse comme /leur cbef^
« et obéiront à tos ordres. Hs ont pris cette yésoliltiou afin
« *quel^ étrorls de tous les Polonais reçoivent une direction
c utile, et qu*il y ait entre les divers efforts toote l'harmonie
«' nécessaire. Aujourd'hui que la lutte pour reconquérir notre
« indépendance a commencé sur le sol de la patrie^ nous
«I éommes plus containcus que jamais de la néœssîté de
«' renioQ. Peur atteindre ce grand (riqety ils croient de lear
« devoir 4e renèuteler la décfaraUon cMessiis^ et <fajoQter
a que les Polonais résidant en Angleterre sont impatientii de
<( partagei^ le»elievta> et les t^éitlsde leurs fràveaqui combat^
-^i ww>fw
0 obéissance ^ yos or,dries^,$^b§ ^fiaun ^ard aujp opiaiqp^ pQ-
. « HMquci qu'ils peuvent prpfpsger ïmjl^'^'^^')^™?'')/ î •
. L^ Chambre des Dépples 4^ F|:an|da,.de spn côte ieipaign^it
publiquement sa ^yuipalb;/^ ppur la cause polonaise. flÛ4!ife-
>fpgj-qpalre dépi|lé& jcppféjjepjftnt tputes lés nu^nçiei^ '4^s
(^pinlovsde la Chanipré, .s>s;^eniblèi;ep^ spputanéiqent; u|i
Srand iiombri^ de n^embres prirent successivement ja[|^arolf.
[. (ÇarnierrPagès propos^ ffe ponsliUipr PP Jr?4^^^ p^*
'iflanpnt ppqr ^/rrêtef iQute^jçs içpsûres a prépare 4^P^n*i"
térêtdéla cause polonaise. Celle niotioh fut içpp|}at(^e ps^
.p^psjej^ IHpnabres, gt surfont p4r M. Odilon fearrot, qij| ne
içpt pas quela nécessji^ d'un comité permanent ^esso^ut (|£s
circonsiancfîs de rinsurri^ctjôn. Qefte opipipn pr^y/^li^^ e^ jl
' fut décidé qu^oh se bornerait a nomnier une com^nissipa qi^i
;(de IXure), président ^^TàgQ^ dpUx^^fiiJp^e^
RepiiUy^ Léon i\e BaleviH^^ )U^|^yeUe, de ]^fcy, et Tp^vif},
trésorier- La co]i)inission fof nçipla immé4idte^(^1[)ti i^taan^ Igs
fermes suivants, son ai>pel a^jt amis^e^^ ^plpg^© ; s
tf Les efforts queiaPoloi;n]^ fait poçr ip/^ouvfpr sa BâtJ9-
.nalilé, dont les lilres soatsi sçlpnnell^m^nf fi^sprjk^ d?n?l4s
irai tés j^ii 1res que les Clminbrfs.l^.^iÇ^M^'^? 4s |a jFrancê'raD-
pellen"]|ijq^e ^nnée a TEtirppe p^r^aes yol^ùqai^|qàesj le
courayc hercïque que déploient ses populations qni')jfisiyç^t
la mort pour la plussaipte des causes; la pensée douloureuse
a^e de nouveaux martyrs sçellçnt en ce n)omentde |^ur saqg
mr.ltK dansla puissance du droit ; ces circeostanoes oftt
profondément ému. ia France, foûaies partis, oubliant leurs
divisions^ se sont confondus dans une même sympathie qui
éclate de toul^ parts; les soussignés^ éprouvant le besoin de
s'yasfpçierf opt Quve|r| i{ne souscription. »
'^ llalsV'r rh^of"? 9^ '?s pjros^'È pplphais se Hvr|i]ent à f es-
tànce et adiuraiënf )eurs ^tales âivisîbns • à l'hpûré où
ïtâlénf^îï'rifance tan|"tfè çjmp/itKlés pbiif bètW éoble
j^p,sc^ Knéurféçtjpn'' p^ avait ét^^M^ ij^qfflptf <âàiis
} '^ . ' • • 'i ' •" •f*»''^ *,,.v,..-.^ ..... '» 1'., r,
• :•♦ 'fî';. .• r • ..' î:i n ... .'6 .1-.' .\l % 'MO':') " . :t';j > ,',
DE LA RKKaMTim POLONAISE. 885
' -* • ' ,-,/*!•** -Il I ri '»f. •»' » ' ■ •• » •"
.• ■ 1 .
•î » 1 1 *
Cfr^RPilV .,;
M47
Dés gonYerneiDenU dits paternels; leur polUiaoe» *ri Siluftfei^iid^pi^*
ââns delàGàflicie, -j- leùrB rapporte avecje& sei^neurï ou pjroprii*
taîreô. — Caases de lôuf" itrîtàtion. — Lés KoDàomKa.T-r Plàxi a opé-
.' ration dés iHsti^géë. -^ Simva^é eïpédiëtit de rAutrîéfaé. -^Prîi^ëé
pronriëèâ kÉi égoiigëoré.-^' MàtiVà^li Btltcèi des 6ol6niiks liistit'gieei.
^Ifassabré des hdblëS.-^ëzOlà.^'Réebinpefedc^ étéèdrdééé pair légdu^
tèrnëtiejnt miriohifte svicnrgftiilsatéfifSdtittMissaeTOi — Preftlàitië^
lion de r^mparatvHr é'Autt?iche«|^«i{ léHeiter lIs^oBi^BEni* ^ SiM»-
' »tîoD désespérée dja/geurernement iréwluldonQaira «• CivàcoTiè* ■ f^
Retour des ^Autricaieo^ g |PoidgorYe,-*«Nô{g9ci«tio;is desiii^rgé%av^
\€ générât Colliii. ^ Exigences de ce dernier,:— Les prii^cipauxcofps
d'insurgés sortent de Cracovie, — Nouveau comité de sùrel^A>Çra-
' coVîe?. -^ EMWè des tlilséés, dès'AiitrtcBîens et dés Fbnsiiéns'd Çra-
covSe. -^ Les irisufgéô, "lié pôbviùit ga^èr \é Oaïlîëife, ié Mndèrit
aux fimrtières'prusdieiines et tttéiiëni bas les thbéè. -^ W\ke M 6iài
de isiége des prcnrinees insurgées. -^ AtrestatkmS) dépértitiëM^ éiéi-
ciiiions. -r- Btt4 que s'étiâoBt oropMé les trm Qoins s|HJliaiH0BSi<»^
Incorporation de CracoTie à VAutriqke. r*- ProleatalioïKëe l'AKilB4>
• terre. ^ Pi:oiestation 4e la Frapce. -ri Lfi çzar rÇcola^^ -^ PiMOi^e
Soësèssion de Cracovie par TAutncbe. — r Eu^rgiqi^es paroles de ll« tl||(
, [ontalembèrt au sujet des attentat^ accon^plis i^ou^re U yq/lo^ne.^
Noud a^i^iton^ màiiifènàbf à l'épi^çidé le plus à'j^réûi'âa ces
âertîierii éténettiente, â deë séèjfies dé ferùàùlé téUëiS, qufpo (é^
èrôiratt ^inprUntéés iut bages les ^lus sàuvii^eà dés aiihaliéç
délabaiebafië. Mais, avant d'eilifei- dànë le détail .^ë ces san-
glantes tuèriéè, il lions faut exposer en pétt de mots la situor
tioft dés paysans dans les|rrôvincest)elotiaiseSy ions la domir
dation des puissatibes si impropretnènt at)pelées ôro/^c/f tc^i.
Le gifaVe IHtibrivériiëtil des 'gpuvernèfnérits dUspaterneUy
cfëdl-à^dtredesgoiiTernèmétltë où les lois nesôntpasexéciitées^
et dans-iésquëte il n'y a tPautre règle 4uë le bon plaisir d'un
iniiiiatft^ perVërt, c*ôst dé îië tîdtlvoir gbttVèrnèf qu^eri éxci-
336 HfBTOIlH
tant les classes de la population les unes contre les autres, et
en les contenait les unes {ox les autres. Ce n'est pas là sans
doute une preuve de sollicitude^ mais c'en est une incontes-
table de rouerie, gouvernementale : quand un peuple est assez
abruti pour se contenter de mots, ce n^est pas à un gouver-
nement à lui servir une plus confortable chère. Les paysans
polonais des provinces autricbienneSy russes ou prussiennes,
étaient soumis à ce singulier régime. Voici, du reste, qu'elle
était la situation du paysan delà Gâllicie, dont nous avons
spécialement à nous occuper. Dans cette province, Tesclavage
et le servage étaient abolis de nom depuis un demi-siècle ; les
paysans n'y possédaient pas la terre, mais ils avaient le droit
de la cultiver de père en âls, au moyen d'un droit d'aînesse
qui les érigeait en corps permanent; c'est-à-dire que la fa-
culté de culture d'une propriété constituée dans une famille
de paysaus, et subsituée aux aînés à perpétuité, n'était pas,
en quelque sorte, sujette à l'aliénation. A défaut de l'aine, le
pulnésuccédait. L'atne en sa qualité de possesseur de majorât^
restait sur le domaine; les puînées entraient dans^ l'armée. Si
Tatné venait à mourir, le puîné se trouvait libéré du service
militaire, afin d'aller prenare possession du majorât. C'était la
seule -garantie réelle, quand elle était exécutée, de cette hié-
rarchie des paysans. Moyennant des redevances en nature et
en corvées, le paysan cultivait cette terre qui appartenait au
seigneur ou propriétaire.
Après ^partage delà Pologne, il y a quatre vingt-treize
ans, l'enipereur Joseph II régla, par un décret toujours en vi-
gueur, les rapports réciproques entre les seigneurs et les
paysans. U réduisit les journées de corvées, et abolit quelques
anciens usages onéreux aux paysans et aux communes,
comme,'par exemple, le travail forcé pendant les moissons
au profit des seigneurs, les gardes de nuit et autres charges.
Mais tandis que dans l'ancien duché de Varsovie, et ^ansuite
dans le duché de Posen, sous la domination de la Prusse, le
système féodal fut aboli, l'Autriche s'appliqua à le maintenir
dans toute sa force dans ses provinces polonaises. Elle laissa
à dessein subsister deux privilèges importants pour les pro-
priétaires, qui devaient être une cause toujours permanente
de l'animosité des paysans contre les seigneurs. Ainsi, par
exempte, c'était le propriétaire qui étaitobligé, sous sa respon-
sabilité, de lever des recrues dans ses terres,^ et de les livrer
lui-même aux autorités. Il était, en outre, chargé de percevoir
l'impôt pour le com|)le du gouvernement, qui lui accqrdail la
faculté de saisir, en cas de non payement, jusqu'à la dernière
Tache, et jusqu'aux ustensiles aratoires des paysans, fin outr^
les propnétaires exerçaient, par eux-mêmes ou par d^ em-
ployés à leurs gages» les fonctions de fu$iicier, dont reie-
DB LA BÈYOLUTION F0J.OKAI$9. 337'
valent éaosk ^pp^l lou9 leBééliU de polleeet tontes les affitiréft
civiles. *
On voit, d'un, coup d'qsil, tout Fiafernal machiavélisme
de celte combinaison. Le gouvernement s'était réservé le
rOIe de régulateur et de protecteur^ et se bornait à en-
voyer de tejups en temps sesd^égués pour reeueillir, lais*
saut tout l'odieux de ses exactions sur les seigneurs. Dans
aucun cas il ne pesait directement sur le peuple des campa-
gnes, et ne lui faisait sentir ses rigears et ses exigences que
par Tintermèdiairodes propriétaires, qui formaient, dans ce
système, le premier échelon de l'admtîBistration. Les nobles.
de la GaUicie, de même que les nobles des provinces polonaises
russes de Volbynie, de Podolie^ de Lithnanie. etc., où subsiste
le même état de cboses, ont souvent réclamé un changement
dans leurs positions visrà^vis de leurs paysans; mais le gou-.
vernement autrichien, ' oocDoie le gM^ernemeiit russe^ n'A
jamais voulu cooseatir à aucun arrangement, méthe à
Tamiable.
Indépendamment de cette classe de paysans, qui tiennent
les terres en quelque sorte en fermage, it en est une autre
dont*la condition est pire aue celle des anciens serb; ce sont
les KomornickSf nom q« on leur donne <lans le duché de
Posen. Aces mall^ureux, un ' propriétaire ou noble donne
une parcelle de terrain et une cabane en usufruit, |iour une
année ; ils payent ces avantages en donnant au propriétaire
une journée tout entière de travail par semaine; cette journée,
représentant vingi-^uatre heures, équivaut, par conséquent^
à deux journées ordinaires de douce heures chacune. Le rc
venu annuel de ces paysans ae surpasse jamais 30 thaiers
(112 fr. 50 c.}. En outre, ce qui rend leur condition plus misé-
rable, c*e$t que leur maître peut les renvoyer à chaque in-
stant, tandis qu'ils sont liés, eux, pour un an, et pour plus
longtemps encore s'ils ont fait des dettes, ce qui arrive très-
souvent. Mais ce qui est pis encore, c'est qu'ils ne peuvent pas
même devenir de simples domestiques, c'est-à-dire retourner
à leur se/nblant de propriété, pour avoir bonne nourriture et
se procurer dt^s vêtements suffisants; car dans ces provinces,
la première loi que Ton fait à un domestique, c'est de ne paa.
être marié, taudis que pour les Komornicks le mariage est
obligatoire. On comprend alors sans peine combien ces classes
misérables qui coutmencent à avoir le sentiment de leur mi«
sèré, floivent être irritées contre les propriétaires ou nobles
qui semblent n'être pas leurs seuls oppresseurs, quand, en
déflniiive, ils ne sont que les instruments forcés d'ignobles
gouvernements.
La Gallicie était, pour les insurgés, la principale ligne
d'opérations contre les provinces méridionales de la Russie».
^ 43
3}8 HISTOIRE
OÙ les conjurés, depuis longtemps, par leurs émissaires, tra-
vaillaient l'esprit des jeunes officiers de l'armée et de la no-
blesse. Cracovîe était le centre d'où devait partir l'insurrec-
tion. C'est là que devait être établi d'abord un gouvernement
provisoire, et ensuite une représentation nationale composée
des délégués de toutes les anciennes provinces et de Témi-
gration«
Déjà, dès le 24 janvier, tous les comités des affiliations exis-
tant dans toutes les parties de la Pologne, avaient transféré
le pouvoir suprême entre les mains d'une autorité composée
de cinq membres cboisis, sans compter le secrétaire, pour la
ville de Cracovie et son territoire, pour le grand duché de
Posen, polir la Gallicie, pour la Russie, et pour réraigration.
Cette autorité devait se compléter elle-même par le choix de
deux membres, l'un pour le royaume de Polognre du congrès
de Vienne, Tautre pour la Litbuanie. Les membies élus, ainsi
que te secrétaire, avaient accepté l'autorité, et devaient se
réunir à Cracovie pour le 21 février, jour fixé pour le soulè-
vement. Les membres pour la ville de Cracovie et son terri-
toire, et pour la Gallicie, s'étaient rendus, elTectiveraent, à
leur poste, et s'y étaient trouvés avant le jour fixé. D'un autre
côté; le membre pour Posen fut arrêté, tandis que les mem-
bres pour la Russie, et le se'crétaire, ne purent arrivera
temps. Enflin, le membre pour l'émigration craignant pour sa
liberté à l'entrée des troupes autrichiennes, s^éliiit vu forcé,
pour le moment, de se cadrer de l'autre côté de la frontière.
D'aprês le plan de l'insurrection, il était convenu, comme
nous l'avons dit, qu'en admettant qu'elle iùl éventée sur un
point, elle n'en devait pas moins éclater sur les autres. Gela,
joint à la désignation de Cracovie comme centre du mouve-
ment, aux facilités que l'Autriche procura, dès le début, à
l'insurrection, explique corameul, malgré l'inaclion forcée
des^provinces polonaises, russes et prussiennes, la Gallicie au-
trichienne et Cracovie se trouvèrent être seules le théâtre de
rinsurrection.
Or, voici ce qui était arrivé, et à quel sauvage expédient
avait eu recours l'Autriche, probablement de concert avec
ses deux complices, pour en finir avec cette Pologne, dont le
nom seul leur pèse comme un remords.
Depuis plusieurs années déjà, les agents de l'Autriche ex-
ploitaient la crédulité des pauvres paysans de la Gallicie, et,
pour semer de plus en plus la discorde entre ceux-ci et la no-
blesse, lis avaient été, comme on l'a vu, jusqu'à prêcher dans
les villages les doctrines du communisme. Dans cette circon-
. slaiice ils s'adressèrent principalementaux sei h des domaines
de l'Etat, qui, la plupart, avaient été au service de l'Autriche.
En même temps les autorités^ pour être plus sûres d'atteindre
DE LA BÉYOLOTION POLONAISB. 319
lenr but, prirent la précaution d'incorporer parmi eux des
chevaux-légers et d'autres soldats déguisés en paysans. Le
chef civil du cercle deBocbnia, le sieur Berndt^ et celai de
Tar#0W; un nommé Breindt, furent les deux principaux insti*
galeurs de Texécrable boucberie tramée par le Cabinet autri-
cbien. Ces deux agents envoyèrent des émissaires dans les
villa^^es de la Gallicie^ pour y gagner les paysans à la cause
de TAutricbe, en leur persuadant que la noblesse polonaise
n'avait d'autre but que de réduire les paysans à un cruel es-
clavage, et que le gouvernement paternel de TAutriche venait
les protéger contre les projets tyranniques de leurs oompa*
triotes nobles. En même temps^ ils promirent de payer dix
florins pour chaque noble polonais qui leur serait livré mort
ou vif (1).
Tel était rétat des choses^ lorsgu'après le succès éphémère
de la révolution de Cracovie^ les insurgés sortirent de la ville
sur trois colonnes^ et prirenttrois directions différentes. La
première s'avança par la route directe de Lemberg, l'autre se
dirigea du côté de Jordanow^ et la troisième vers Limanowa.
Ces trois colonnes éprouvèrent le même sort : la première^ au
lieu de trouver l'appui des rnsurgés deBochnia et de Tarnow,
la seconde celle de ceux de Wadovirice, la troisième^ enflo,
celle de ceux de Sandeez, se virent partout traitées en enne-
mies, et la plupart de ceux qui les composaient furent impi-
toyablement massacrés de la main des paysans.
JVIais ce n'était encore là que le premier acte du drame. Les
moyens atroces mis enjeu par rÀutriche lui réussirent à sou-
hait, et les paysans^ poussés àPassassinat par Tappfttdu gain^
excités en outre par les excès des boissons qu'on leur dis-
tribua, se livrèrent bientôt à de telles cruautés envers la no-
blesse polonaise, que les agents de rAutriche^ surpris par un
succès inespéré^ furent obligés de mettre le meurtre au ra-
bais y en réduisant de moitié la prime promise aux égor*
geurs.
Cette prime^du reste^ était si exactement payée aux four-
nisseurs de cadavres, que les paysans une fois livrés à ces
sanglants excès, ne flrent bientôt plus grftce à personne, et
tous ceux qui tombèrent entre leurs mains périrent victimes
(1) Cette offre patente, publique, de primes pour les égorgeurs , est
constatée par un document officiel. Dans un proclamation du préfet du
cercle <le Zloczow, M. Andzciowbki, en date du 26 février, et (|ue nous
avons sous les yeux, on lisait le passade suivant ; < Je préviens, par la
présente, les habitants du cercle d'arrêter les gens suspects... J'attends
pariiculièrcîment des communes qu'elles s'emparent, si la nécessité
l'exige, des esprits turbulents, pour les livrer à la préfecture. Je $uis
autorisé à donner pour cela, immédiatement ^ des récomfen$t$ conve-*
nables en uraent, »
3<0 : HISTOIRE
de la r^e cupide de ces forcéDés. Des familles entières^ deB
fempfies, des çnfants, furent ainsi exterminés, et leurs châ-
teauXy leurs maisans^ livrés au pillage et à la dévastation, res-
tèrent comme des témoignages accablants contre les ord«ina-
teurs de ces scènes de carnage.
Ce n'est pas tout, encore : le clergé polonais, témoin de
toutes ces atrocités, et voulant ^ mettre un terme, sortit pro-
cessionnellement avec tous les insignes du culte catholique,
dans Tespoir que cette cérémonie religieuse contribuerait à
calmer la rage meurtrière des paysans, et à ramener ces mal-
heureux à des sentiments |)lus humains. Mais cette démarche
gênait les projets de TAutricbe, et ces nobles prêtres, frappés
Îiar les balles des soldats autrichiens, payèrent de leur sang
eor généreuse intervention.
Ceiid Jacquerie officielle {l)AnvdL^lmiems]om^; et, dans
le seul cercle de Tarnow, quator;Ee cent soixante-dix-huit no-
bles ou propriétaires, ou emplo]fés de ces propriétaires^ furent
égorgés : huit seulement restèrent en vie (2). Les femmes
elles-mêmes ne furent pas épargnées, et moururent victimes
des plus odieux attentats. Plus de huit cents enfants restèrent
orphelins^ et plus de trois cents de ces innocentes petites créa-
tures étaient si jeune3s qu'elles ne savaient et qu'elles ne sau-
ront Jamais ni qui fut leur père, ni qui fut leur mère. Le mas-
sacre n'eut un peu de répit que lorsque le nombre des victimes
étant devenu trop considérable, les argentiers de l'Autriche,
après Avoir réduit la prime de 10 florins à 5, et de 5 à 1, n'eu-
rent plus assez de fonds dans les caisses pour faire face à cette
dépense de cadavres.
Alors s'établit dans les villes et les villages de la Gallicie,
avec Tapprobation des autorités autrichiennes, des espèces de
marchés où les paysans vendaient ouvertement les perles, les
■bijoux, les objets précieux, les riches étoffes, fruit de leur pil-
lage, et, chose horrible à dire, jusqu'à des enfants dont les
pères et mères avaient été massacrés, et que» par un sentiment
d'humanité, quelques officiers autrichiens rachetaient, de
crainte que, pour toucher la prime promise , les égorgeurs
ne les massacrassent, parce qu'ils étaient moins embarrassants
d amener au staroste Breindt morts eue vivants (3). Le prix de
ces innocentes créatures était de 4ûkreutzers (1 fr. 50 c.) par
tête.
(i) Mot par lequel M. Yillemain caractérisa ce massacre à la Chambre
des Pairs, dans ta séance du 2 juillet 1846.
(2) Discours de M. de Montalembert, Cbambro des Pairs, séance du
juillet.
(3) Discours de M. de Montalembert, Chambre des Pairs, séauce du
juillet.
ça
T)B LA RÉVOLUTION POLONAISE. 3<1
Celui des égorgeurs qui fit remarquer le mieux ses sauvages
instincts, fut un nommé Szela^ qui prit le titre de roi des
paysans. Ce misérable s'était constitué en yne sorte déjuge
souverain^ et faisait comparaître devant lui des malheureux
arrêtés, et qui, après cette vaine formalité^ étaient exécutés^
égorgés sans accusation, sans défense, sans crime, mais non
sans bourreaux. De toutes les garanties que le droit pénal
accorde aux criminels, la seule qu'il accordât à ses victimes^
fut des bourreaux soldés pour tuer.
Voici le détail de quelques unes des formes avec lesquelles
procédaient ces égorgeurs, et qui prouvent qu'ils obéissaient
avec une soumission docile à des ordres impitoyables.
Lorsque la bande de Szela se présenta au château du comte
Kotarski, qui, par «on humaine conduite, était depuis vingt
ans surnommé le père des paysans^ Szela lui accorda quatre
heures pour se confesser et communier. 11 envoya lui-même
chercher le curé du village, et, quand le vieillard eut accom-
pli ses derniers devoirs de chrétien, on le tua à coups de pique
et de poignard.
Sur un autre point, les égorgeurs montrèrent moins de
sollicitude. Ayant envahi le château de la comtesse Mœrska,
ils assassinèrent son mari, son trère et sa belle-mère. Cette
malheureuse femme, prenant dans ses bras ses deux enfants,
s'était enfuie par une porte de derrière, et s'était réfugiée dans
une chaumière, chez une vieille paysanne. Là, après avoir
revêtu ses enfants de chemises grossières et barbouillé leur
visage de suie, elle se cacha elle-même dans un grenier. Hais
les paysans. Payant découverte dans son asile, la conduisirent
au cabaret du village, et la forcèrent de boire 'avec eux de
Teau-de-vie. Après cette orgie, ils commirent, sur cette femme
jeune et belle, les plus atroces et les plus infâmes attentats ;
ensuite ils l'abandonnèrent sans connaissance dans un fossé.
Nous terminerons la relation de ce 2 septembre en citant
quelques-uns des récits qui accompagnaient les noms des vic^
times consignées sur une liste funèbre qui fut publiée en
octobre 1846 (1).
Bronieski (Théodore) et Bronieski (Jean). — Us ont été mas-
sacrés de la manière la plus atroce dans leur proj^re maison.
Théodore eut les côtes, les mains et les pieds brisés, el il fut
tué ensuite à coups de fléau. Jean eut les oreilles, le nez coupé,
et la peau arrachée de la tête ; sa femme fut forcée d'éclairer
les assassins lorsqu'ils lui arrachaient les yeux.
Madame Jhas. — Cette malheureuse feinme^ voulant sauver
(0 Cette liste, publiée d'abord à Strasbourg, fut reproduite par plu-
sioars journaux do l»aris, et répandue en Allemagne, sans avoir provo-
qué aucune dénér^ation.
J
342 msToiRS
son mari, le cacha dans un coffre pendant le pillage de sa
maison. Deux brigands s'élanl approchés de ce coffre, elle les
conjura de laisser la vie à son mari et de le cacher dans uu
endroit sûr. Ils le promirent; mais l'ayant retiré du coffre et
faisant semblant de le cacher, ils le menèrent dans une écurie,
le mirent sur un char,y attachèrent trois bœufs, et l'amenèrent
devant la maison en criant à la malheureuse épouse :
«Puisque tu as voulu le conserver, tiro-le à présenti » Ils
l'attelèrent avec les boeufs^ et la forcèrent à tirer le char, lia
frappèrent de tant de coups le mari et la femme^ qu'ils en
moururent.
HierMrinski.->Haché en morceaux etses membres palpitants
jetés aux cochons. ,
Kolarski (Charles).~Assaiili en route, il demanda la faveur
de se préparer à la mort : on le mena à l'églire. En sortant de
là il fut impitoyablement massacré/ Ses mâchoires furent
arrachées, etc.
Konopka (Prosper). — Pendant douze heures accablé de
coups, défiguré et amené au cercle dans un état complet de
nudité.
Rusiki. — Eut les bras et les jambes cassés, puis la tête sépa-
rée du corps ; car, comme le disaient les meurtriers, une
récompense de diœ florins était promise pour toutes les (ites, et
autant valait ceile-là qu'une autre.
Stovrinski (Constantin)., — Attaché parla barbe à la queue
d'un cheval^ et traîné de cette manière jusqu'à ce qu'il eût
expiré.
Setkoveska, née Kodzinwska. — Forcée d'avaler une quantité
d'eau-de-vie, elle mourut dans les convulsions.
Nous ne prolongerons pas cette lugubre nomenclature; et
que peut-on ajouter à des faits dont Teloquent témoignage flé-
trit le pouvoir qui les a tolérés et commandés d'une honte in-
délébile? Ce qui imprime encore au Cabinet d'Autriche une
tache qui ne sera jamais effacée^ c'est que les victimes étaient
connues, les assassins étaient connus, et 1« gouvernement, au
lieu de poursuivre et de punir les coupables, les récompensa.
Les fameux starostes (préfets) des cercles (départements) de
Bochnia et de Tarnow, Berndt et Breindt, qui avaient organisé
les bandes armées et payé les primes aux égorgeurs, obtinrent
de Tavancement, et furent décorés à la fois par l'empereur
d'Autriche et par l'empereur de Russie.
Bien plus, pour mettre le sceau à ces infamies^ pour ne pas
avoir l'air de reculer devant cet acte de sauvage barbarie,
l'empereur d'Autriche osa publiquement féliciter les égor-
geuis par la proclamation suivante^ que l'histoire doit con-
server.
DS LA lÉVOLCnOlf POLONAISB. 343
c A mes fidèles Galliciens^
«Nous avons eu à supporter deirudes épreuves dans ces
a dernières semaines. Une conspiration ourdie à Tétranger,
« el préparée depuis longtemps par les ennemis de l'ordre et
« de la civilisation , a pénétré dans mon royaume de Gallicie.
« Les conspirateurs ont réussi àgagnerdes partisans qui nour-
c Tissaient le fol espoir de vous entrattier tous dans leurs
« projets criminels. Pour atteindre ce but^ ils ont eu recours
« à tous les artifices de la séduction^ à tous les genres de pro-
« messes. Ils n'ont pas craint d'égarer les sentiments les plus
« honorables pour en abuser honteusement.
a Votre bon sens et votre fidélité sont restés inaccessibles à
a ces diverses tentatives. Lorsque les conspirateurs^ se livrant à
« leurs illusions insensées et à leur aveugle audace^ ont arboré
a le drapeau sanglant de la révolte^ cette coupable entreprise
« a échoué contre la ferme résistance qui leur a partout été
« opposée.
« Mon cœur éprouve le besoin de faire savoir solennelle-
a ment à mes fidèles Galliciens toute la Reconnaissance dont
o( il est pénétré pour leur loyauté et leur inébranlable fidélité
« envers leur souverain.
« Votre dévouement , voire amour pour V ordre et le bon
« droit, vous ont seuls entratnés.
a Maintenant que vous vous êtes levés pour le maintien ide
« l'ordre et des lois, et que les projets de leurs ennemis sont
« anéantis^ vous allez retourner dans vos foyers et reprendre
« le cours de vos paisibles travaux. Vous montrerez de nou-
« veau , par Taccomplissement de vos devoirs de loyaux
« sujets^ que vous avez non-seulement combattu pour les
« lois, mais encojre su les consolider par l'obéissance et la
« soumission.
a Signé FERDINAND V. x>
« Vienne, le 12 mars 1846. »
Mais il 7 a quelque chose de pire encore que la complicité
avec de pareilles norreurs ; il y a quelque chose de plus
odieux que de massacrer des innocents et de payer leurs
têtes, c'est de flétrir leur mémoire. Et, cependant, c'est ce
3 n'essaya de faire le gouvernement autrichien, par Porgane
e M. de Metternich. Seul au monde, cet homme dont la mé-
moire était, de son vivant, déjà maudite, pouvait affronter la
honte de verser tout le venin de la calomnie sur le cadavre de
ses malheureuses victimes.
Pour qu'il ne manquât rien à cette épouvantable tragédie,
il JbUait que l'ambassadeur d'Autriche près le Saint-Siège
341 HISTOIftB
obtînt du pape une lettre encyclique au clergé de Gallicie
pour désapprouver ses démarches en faveur des victimes.
Cette lettre contenait des conseils humains et pacifiques qu'il
eût été plus dignes d'un pape de donner au gouvernement
égorgeur, et qui contrastent d'une manière pénible avec
Pacte infâme que^ moins que tout autre, le chef spirituel des
chrétiens devait justifier.
Voilà ce qui se passa avant, pendant et après les massa-
cres de la Gallicie, une chose horrible de plus qu'on peut
inscrire dans les annales du xix' siècle, un fait épouvantable
que nul n'essaya de démentir, un fait clair comme le jour,
mais comme un jour sanglant et hideux^ comme tout ce qu'il
y a de plus sanglant et de plus hideux dans Thistoire.
Revenons maintenant à Cracovie, où nous avons laissé le
gouvernement révolutionnaire se flattant d'une espérance
qui ne devait pas se réaliser.
La Gallicie, ainsi livrée à cette armée d'égorgeurs, dont le
gouvernement autrichien s'était assuré la coopération, ren-
dait désespérée la cause des insurgés à Cracovie. En effet, les
débris des trois colonnes que nous avons vu dirigées vers
Gdow, Wadowice et Saodeez, étaient rentrés dans la ville et
7 avaient porté la plus profonde consternation; En même
temps, les Autrichiens^ qui ne s'étaient éloignés que pour
donner à la révolution le temps de prendre quelque consis-
taoce, afin d'avoir plus de victimes a frapper, revinrent sur
leurs pas. Arrivé à Podgorze, le général CoUin braqua des
canons sur la ville et menaça de la bombarder. Le dictateur
Tissowski se prononça d'abord pour une résistance à ou-
trance : il ordonna de faire des barricades. Bronislas Dom-
browski, qui avait été nommé général de la révolte sur la
rive droite de la Vistule^ partagea son avis et offrit de le
seconder. Mais les bourgeois les plus notables leur ayant fait
entrevoir la témérité de celte défense et les malheurs inouïs
qu'elle attirerait sur la ville, il fut résolu qu'on entrerait en
négociation avec le général Collin. Une ressource^ il est vrai,
restait aux insurgés, celle de risquer le passage delà Vistule
pour pénétrer dans la Gallicie, au-dessous de Podgorze ; mais
la hauteur des eaux de la Vistule, à cette époque, leur ôta
cette dernière et seule chance^ non pas seulement de succès^
mais de salut.
Cependant, dans la nuit du 2 au 3 niars^ le corps principal
des insurgés quitta la ville, après avoir retiré les postes qui
gardaient la Vistule. Ceux qui restèrent envoyèrent dès lors
au général Collin, en qualité de parlementaires, deux Fran-
çais qui habitaient depuis longlenifis Cracovie. Le géniral
autrichien refusa d'entrer en négociation avec des Français,
et demanda, avant tout, à parler à des bourgeois do Cracovie.
DE LA BÉVOLVTION POLONAISE. 3^5
11 se forma alors un nouveau comité de sûreté, composée de
MM. Jos. Wodzicki, Pierre Moszinski, Kosowski, Léon Bocbe-
neck, Antoine Hentzel, Hilarius Mecisczewski, secrétaire. Le
premier soin de ce comité fut d'envoyer des députés munis
de pouvoirs auprès des commandants des corps de troupes
stationnées à la frontière, afin de connaître la décision des
trois puissances au sujet de la ville de Cracovie, et pour re-
commander à leur clémence les habitants de cette capitale.
En même temps, il pijblia l'arrêt suivant :
(( Le comité soussigné, en priant tous les habitants bien
intentionnés d'attendre le résultat des démarches, ordonne ce
qui suit: !<" 11 est défendu, sous peine sévère, de tirer dans
les rues. 2'' A Texception de la garde de sûreté, personne ne
pourra portef des ariçes. Les armes et effets militaires de-
vront être déposés à la direction de la police, à l'exception de
ceux de la garde de sûreté.
« Cracovie; 3 mars 1846. »
Le même jour, conformément aux intentions du général
Collin, une députation de sénateurs se rendit au quartier
général autrichien, et en rapporta les conditions suivantes.
PodgoTze, 3 mard.
c Attendu que les rebelles ont quitté Cracovie, et que la
bourgeoisie de cette ville, dans laquelle il n'existe plus de
gouvernement, a imploré la protection des trois haules puis-
sances, pour défendre les personnes et les propriétés, je
déclare que je consens à lui accorder cette protection, mais
sous la réserve expresse (|ue ce ne sera que provisoirement,
et jusqu'à ce que les trois puissances protectrices aient pris
une décision ultérieure, et ce ne sera, toutefois, qu'aux con-
ditions suivantes :
a 1» La ville de Cracovie me livrera tous les chefs rebelles
qui se trouvent encore dans ses murs, ou m'indiquera le lieu
où ils se sont retirés;
a 2*' Les habitants seront entièrement désarmés ; et, le
5 mars, à midi précis, les armes de tout genre devront avoir
été livrées et être déposées au château, où une commission
nommée par moi les recevra ;
« 3'* Quiconque, pendant que je serai à Cracovie, sera
trouvé les armes à la main, passera devant un conseil de
guerre dans les vingt-quatre heures. 11 en sera de même de
tous ceux dans la maison desquels des armes seraient décou*
vertes ;
a 4"* Le sénat actuel de Cracovie est chargé, sous la prési-
dence du sénateur Kopf, de diriger, jusqu'à la décision ulté-
44
346 HISTOIRB
rîeure des irois hautes puissances protectrices, les affaires
intérieures de la ville et du territoire de Cracovie. >
A ces conditions^ les envoyés de Cracovie répondirent que
Cracovie ne s'était nullement insurgée ; qu'en face de Téloi-
S^nement tant soit peu rapide des troupes autrichiennes, il
allait bien constituer une espèce de gouvernement, a L'ad-
ministration révolutionnaire, ajoutaient-ils, n'était qu'un
épisode auquel la ville n'avait guère pris part. Si le général
n'était pas parti d'une manière si imprévue, il n'aurait
jamais été question, à Cracovie, d'une insurrection quelcon-
que, »
Le général autrichien refusa d'admettre ces raisons, et
insista pour avoir des otages. «
Le lendemain, I mars, le comité de sûreté, auquel se joi-
gnirent encore trois bourgeois notables, envoya au général
Coilin une dépêche conçue dans des termes soumis» mais
. fermes, et dans laquelle il le priait de renouer les négocia-
tions, et d'avoir égard à la position critique de la ville. Le
général Coliin, qui, comme toutes les autorités autrichiennes,
avait des pouvoirs pour égorger, mais non pour faire grâce,
répondit qu'il manquait de pouvoirs pour entrer en négocia- ^
tious, et qu'il laissait encore à la ville douze heures pour
réfléchir. Dans l'intervalle, les Russes, qui, durant les négo-
ciations avec Je général CoUin, avaient été secrètement invités
à venir occuper la ville, y pénétrèrent. Un corps de cavalerie,
parcourant les rues au grand galop, tut immédiatement suivi
d'un régiment de Circassiens commandé par le colonel
Svireytkowski. En apprenant l'entrée des Russes, le général
Coilin, désappointé, ne parla plus ni d*6tages, ni de livrer les
chefs; et les Autrichiens, s'empressant de suivre l'exemple
des Russes, entrèrent dans la ville purement ^t simplement.
Le lendemain, les Prussiens entrèrent à leur tour.
Les corps ainsurgés que la crue des eaux de la Vistule
empêcha de pénétrer en Gallicie, s'étaient rendus aux fron-
tières prussiennes, où ils avaient mis bas les armes.
Maintenant, une justice à rendre au gouvernement pro-
visoire et révolutionnaire, c'est que ,^ durant son règne, il
n'y eut ni violence ni désordre; jamais les rues de Cracovie
ne furent si sûres que pendant les six jours de révolution j
aucune attaque n'eut lieu ni contre les personnes, ni contre
les propriâtés^ un seul homme perdit la vie : ce fut un misé-
rable, nouiine Weinsberger, qui avait dénoncé plus de sept
cents Polonaise la police russe, dont il était l'agent secret ; il
fut massacré par ses propres domestiques.
Cette modération des pouvoirs révolulionnaires dans le
triomphe, que nous avons eu occasion de constater déjà plu-
sieurs fois, mise en regard des foreurs qui accompagnent
DE Là RÉyOLOTK»! POLORAISB. 3^7
toujours les succès des pouvoirs dits lé^fitimes, est un &it
caractéristique qu'on ne saurait trop constater, car il prouve^
par l'histoire du monde entier, que là où est la modération et
la justice, là aussi est la force réelle.
A cette modération, les Cours spoliatrices répondirent par
la mise en état de siège des diverses provinces insurgées; en-
suite vinrent les arrestations, les confiscations, les déporta-
tions en Sibérie, la mise à prix des têtes des princi|MLax
insurgés, les cachots et les exécutions. La Prusse, qui se
montra plus modérée que ses complices, se contenta de rem-
plir ses forteresses des insui^és qui s'étaient livrés à sa foi,
et, quand ses cachots regorgèrent de ces malheureux pros-
critSy elle livra le reste à TAutriche. La Russie laissa au temps
et aux tortures morales et physiques le soin de remplir ce
dernier office. Par un ukase du 6 mars, elle ordonna que
« tous les individus appartenant à la classe des prisonniers
politiques qui se trouvaient exilés en Sibérje, et y seraient
entrés au service de la couronne, ne pourraient plus être
libérés de ce service qu'en prenant l'engagement par écrit de
ne jamais quitter le lieu où ils servaient, et de demeurer à
perpétuité soumis à la police locale. » Cet ordre fut expédié
aux chefs de la police centrale de la Sibérie de l'ouest et de la
Sibérie de Test. En même temps, le roi Frédéric-Guillaume
Eublia une ordonnance, qui clôt dignement, par la calomnie,
i menace et l'arbitraire, cette première série d'iniquités.
Passons maintenant au dénoûment de ce lugubre drame,
au but principal que s*étaient proposé les trois cours spolia-
trices.
On comprend sans peine comment l'Autriche, prévenue en
même temps que la Russie et la Prusse du grand mouvement
insurrectionnel qui se préparait, non-seulement ne fit rien
pour le prévenir, mais encore en facilita Texécution par tous
les moyens. Le but à atteindre nécessitait cet infernal machia-
vélisme; mais ce ne fut que quelques mois après que l'Eo*-
rope stupéfaite vit clair dans cet abîme d'iniquités.
Voici ce qui arriva.
En résumant d'abord ce que nous venons de relater, nous
trouvons que l'insurrection était partout, dans la Gallicie, le
duché de Posen, celui de Varsovie, toute l'ancienne Pologne,
Ïirtout en un mût où le nom de patrie antiaue était sacré,
u premier mouvement, les troupes autrichiennes furent
appelées à Cracovie, puis disparurent tout-à-coup, afin que
M. de Metternich pût alors faire commencer cette jacauerie
organisée depuis plus de trois mois, préparée d'ailleurs depuis
longues années, avec cette atroce persévérance de l'Autriche,
et qui précipita une multitude ignorante et féroce contre des
concitoyens dont on payait effrontément l'assassinat. Mais
348 H18T0IRB
cette vague^ une fois souleyée, ne put immédiatement rentrer
dans son lit. L'incendie, le pillage, l'assassinat continuèrent
à désoler cette maibeureuse contrée. Ce ne fut plus alors de
soulèvements politiques dont il fut question, mais de bandes
de-brigands insatiables, de dévastations^ de meurtre et de
pillage. Cet état d'anarchie avait été prévu par M. de Melter-
nicb, qui; avec cette froide impassibilité d'un homme habitué
à commander des massacres et des égorgements^ essaya d'y
mettre un terme en proclamant la loi martiale.
Une fois la tragédie jouée^ les acteurs qui avaient présidé à
la mise en scène, devaient naturellement chercher à en re-
tirer le lucre qu'ils s'en étaient promis. Comme nous l'avons
dit, le nom seul de la Pologne, encore subsistant à Cracovie,
pesait comme un remords sur ces trois couronnes d*Autriche,
de Prusse et de Russie, qui avaient assumé cette honte de la
civilisation moderne. Le dernier fantôme de la Pologne, avec
ses nobles souvenirs, importunait encoi-e. Cracovie était le
Westminster de la Pologne; elle conservait dans ses murs
l'ancien palais de ses rois qui avaient fondé la civilisation,
préservé la ville de Vienne elle-même, arrêté la marche vic-
torieuse de l'islamisme ; elle renfermait, en outre, les tombes
de Kosciuszko et de Poniatowski, nobles souvenirs qui ofiTus-
quaient TAutriche. Cracovie se trouvait ainsi comme repré*
sentant de la raison et du cœur de la Pologne; et, a ce titre.>
les trois co-partageants, dignes successeurs de Catherine, dé
Frédéric et de Joseph, devaient vouloir faire disparaître Cra-
covie de la carte de l'Europe. Alors, plus de Polonais, plus de
Pologne nulle part; de cette race proscrite, partagée, dispersée
en lambeaux dans tout l'univers, il ne resterait même plus
une nécropole : Cracovie, ce serait TAu triche; Posen, ce serait
la Prusse ; Varsovie, ce serait la Russie.
Cen'é lait pas tout d'avoir comploté le vol, de Tavoir rendu
praticable, il fallait encore Texecuter. L'indépendance de Cra-
covie avait été stipulée par les traités de Vienne, signés par
huit puissances ; chaque année, à la Chambre des Depulés de
France, on avait protesté contre l'anéantissement de la Po-
logne ; dans les circonstances graves, l'Angleterre s'était as-
sociée à ces protestations; d'autres puissances de deuxième
ordre avaient témoigné une sympathie plus timide, et il y
avait quelque témérité pour les puissances spoliatrices, de
vouloir annuler à trois ce qu'on avait stipulé à huit.
Pendant quelques mois, les trois puissances n'osèrent rien
entreprendre; mais, vers la mi-octobre, un dissentiment
ayant éclaté entre la France et l'Angleterre, à propos du ma^
riage du duc de Montpensier avec une infante d'Espagne, les
trois cours profitèrent de celte occasion pour mettre à exécu-
tion leur plan oroieté de spoliation*
DE LA BÉVOLUTION POLONAISE. 349
Le 2S novembre 1846, il parut dans les journaux d'Alle-
magne deux documents destinés, par les chancelleries du
Nord, à plaider devant l'Europe et l'histoire le bon droit du
parjure et la légitimité de la spoliation.
C'était le cynisme du mensonge après le cynisme du vol et
de l'assassinat.
Cette explication, jetée insolemment à la face des puissances
signataires du traite de Vienne, était une espèce de réquisi*
toire après le crime; et, en cette circonstance, M. de Metter-
nich ne sut pas garder la divinité du bourreau qui frappe et
s'appuie sur sa hache sans essuyer le sang. Ni lui, ni l'empe-
reur qu'il représentait, ni les souverains complices de cet
empereur, n'eurent l'audace d'affronter le crime et descendi-
rent lâchement à le justifier par une longue et double im*
posture.
La presse de Paris e.t de Londres n'accueillit qu'avec des
paroles d'indignation l'acte de brutalité sauvage qui portait le
dernier coup a la Pologne. Et tous les journaux, sans accep-
tion de parti, arrivèrent à cette conclusion, que les trois sou-
verains avaient agi, en cette circonstance, absolument comme
des bandits armés gui, après avoir dévalisé un voyageur, au-
raient essayé de lui prouver la légitimité de leur acte de bri-
gandage.
En effet, ces motifs se réduisaient à trois : 1* la nécessité;
2"* le droit individuel de l'Autriche sur la ville de Cracovie;
3<» le droit collectif des trois Cours de faire ce qu'elles avaient
fait.
Le premier motif, la nécessité, n'était pas un motif sérieux;
il fùiiait avoir, en effet, toute l'impudence des chancelleries
absolutistes, pour oser avancer que la république de Cracovie,
qui comptait au plus cent cinquante mille âmes, était dange-
reuse pour l'existence de TAutriche, de la Prusse et de la
Russie.
Le second motif, le droit individuel de l'Autriche sur Cra-
covie, était tout aussi dérisoire. En effet, dans son manifeste
de prise dû possession du 11 novembre, l'empereur Ferdi-
nand 1«' disait qu'il reprenait la ville qui avait appartenu lé-
gitimement à ;on père François Ileikses ancêtres.
Or, voici ce au'on lit dans l'histoire : « En 1683, le roi de
Pologne, Sobieski, partit de Cracovie avec sa vaillante armée,
et sauva Vierme, d'où s'était lâchement enfui l'empereur
Léopold, laissant sa capitale et TAutriche à la merci des
Turcs. » Ce n'était probablement pas cet ancêtre-là qui avait
transmis à Ferdinand 1" ses droits sur Cracovie. C'était alors
son père, François 11? Or, voici ce qu'on lit encore dans l'his-
. toire : a En 1796, Cracovie fui ptise par François II. Elle fut
gardée jusqu'en 1809. C'était la première fois que cette ville
350 HISTOIRK
tombait aux mains des Autrichiens. APoccasionde cette occu-
pation, accomplie violemment par ordre de Francis II, ib fut
frappé une médaille. » Cette médaille, eu effet, existe au CQ"
binet des antiques de Paris. Le droit légitime de possession de
Cracovie, invoqué dès lors par TAutriclie, se trouvait réduit
à un vol violemment accompli eu 1796, et qu^elie avait été
forcée de restituer en 1809.
Quant au troisième motif, le droit collectif des trois cours
il'agir comme elles avaient agi, il suffira de résumer ce c]ue
nous avons dit sur les conférences qui précédèrent le traité de
Vienne, pour se convaincre que, dans ce manifeste, tout n'é-
tait qu'imposture. Nous compléterons ainsi ce qui, dans le
traite, concernait la Pologne.
On a vu que, dans ces conférences, la Russie, représentée
par Tempereur Alexandre en personne, avait pris le rôle de
Srotectrice de la uationaiilé polonaise. Maîtresse du grand-
uchéde Varsovie, après les campagnes de 1812 et 1813, elle
cherchait à retenir seule la possession de tout le grand-duché.
Cet Etat, à gui Napoléon avait donné le roi de Saxe pour sou-
veiain. avait été formé des provinces qui, par les partages
successifs de la Pologne, en 1793 et 1795, étaient d'abord
échues à la Prusse et à TAutriche. Déjà, en 1807, le cercle
de Bialystok avait été détaché de la partie prussienne par
la Russie, qui , en 1809, s'était fait adjuger par Napoléon
le cercle de Tarnopol, faisant partie de la Gallicie autri-
chienne. En 1815, la Russie voulait couronner foeuvre d'en-
vahissement, en s'emparant de tout le grand-duché ; mais
FAutriche et la Prusse s'opposèrent de toutes leurs forces à
cette incorporation : chacune d'elles voulait avoir sa part de
la Pologne. La Prusse faisait valoir, auprès de l'empereur
Alexandre, les grandes perles qu'elle avait éprouvées dans ses
guerres avec Napoléon ; ûdèle à son système des arrondisse-
ments, elle faisait remarquer la configuration bizarre et dan-
Îereuse pour sa sécurité, que lui avait donnée le traité de
807 : la Silésie d'un côté, la Prusse royale de l'autre, s'éten-
daient en effet comme deux grands bras, en laissant un creux
au milieu.
L'Autriche voulait, à son tour, gagner la.Gallicie orientale,
qu'elle avait perdu en 1809.
L'empereur Alexandre tint bon, et ne voulut consentir à
aucun morcellement du grand-duché. Il opposait aux préten*
tibnsdes deux puissances alliées son droit de conquête, et, h
ce qu'il disait, le vœu unanime de tous les Polonais, qui lui
oOraient la couronne. Les négociations se traînaient pénible-
ment. La Prusse demandait, avant tout, la réintégration de
Thorn et de Dantzick; l'Autriche voulait acquérir au moins
Craco vie. Cependant, pour terminer ce débat, Alexandre mit en
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 351
avant VMée qwî, selon un bruit répandu, lui fut suggérée par
le prince Czartoryski, de faire de Cracovie une ville libre,
comme Francfort, et de la déclarer strictement neutre. L^dée
fut d'abord repoiissée par l'Autriche, et ses prétentions allant
toujours en augmentant, il y eut un moment où les trois puis-
sances co-partageantes allaient peut-être en venir à une rup-
ture, lorsque le retour de Napoléon de Wle d'Elbe, et son dé-
barquement à Cannes, vinrent mettre une trêve à cette mé-
sinleVligence. Les négociationsfurentimmédiatementrepriseg.
La Prusse obtint, dos Tabord^ les départements de Posen et
de Bromberg, avec une partie de celui de Kalisch, dont fut
formé le grand-duché de Posen. Cette puissance rentra aussi
dans la possession de Dantzick et de Thorn.
Quant à Cracovie, elle fut déclarée, sans condition, ville
libre, indépendante à perpétuité, et strictement neutre.
Nous devons ajouter à ce précis historique que la liberté,
l'indépendance, la neutralité de Cracovie, n'ont jamais été
que nominales. D'abord, dès 1833, les puissances spoliatrices
commencèrent à substituer une nouvelle constitution à celle
qui avait été incorporée dans les traités de Vienne, et à faire
passer à leurs propres résidents le pouvoir suprême qui ap-
partenait aux magistrats de la ville. Voilà pour Tindépen-
dance de Cracovie. Voici maintenant pour sa neutralité. En
1836, sous les prétextes, les plus frivoles, Cracovie avait été
occupée par les troupes autrichiennes, et, à la suite de bruits,
de troubles et de projets révolutionnaires répandus par la vile
police d'Autriche, deux ou trois cents victimes avaient été en-
levées sans jugement du territoire neutre, et bannies dans
l'Europe occidentale ou en Amérique.
Ainsi, on voit que le troisième motif allégué par le mani-
feste autrichien pour justifier un acte injustifiable, n'était pas
{Aus fondé aue les autres. L'incorporation de Cracovie à l'An-
riche ne fut que la recrudescence d'un crime politique qui,
depuis cinquante ans fait la honte de ce gouvernement. Puis,
l'anéantissement des traités de Vienne ; car 0es traités violés
sur un point ne peuvent rester obligatoires sur d'autres. Les
Cours du Nord venaient de déchirer elles-mêmes les titres de
propriété en vertu desquels elles exerçaient^ sur tant de pro*
minces illégitimement acquises, une domination nominale
plutôt qu'une autorité solide et bien assise. En accomplissant
leur œuvre de spoliation et d'oppression, en violant peu à peu
^toutes les garanties à la condition desquelles Cracovie avait
été laissée sous leur protection, en couronnant tous ces em-
piétements par l'annihilation totale de la république, la Rus-
sie, l'Autriche et la Prusse accomplirent l'acte le ()lu3 radica- -
lementrévolutionnaire dans son ensemble, qui eût été commis
depuis le^ngrès de Vienne; ce fut surtout le plus subversif
352 HISTOIRE
du principe général qui maintenait les arrangements territo-
riaux existant sur le continent.
Un tel acte ne pouvait passer sans protestation de la part
des grandes couronnes de TEurope occidentale. L'Angleterre
donna l'exemple.
Dans cette pièce assez longue et écrite en termes secs et
froids, lord Palmerston, ministre des affaires étrangères, rai-
sonnait dans rhypothèse que Tusurpation de Cracovie n'était
encore qu'un projet, et s'attachait à faire ressortir les incon-
vénients d'une telle mesure, il discutait ensuite les deux
auestions de droit. et de nécessité. Sur la question de droit,
établissait, en rappelant le texte des traites, que les condi-
tions arrêtées dans un engagement solennel par huit puis-
sances, ne sauraient être modiflées et annulées par trois d'en-
tre elles.
Sur la question de nécessité, il n'admettait pas davantage
la solution nue semblaient vouloir adopter les Cours du Nord.
« Que trois des plus puissants Éiats de TEurope, disait la note,
invoquent la nécessité pour détruire l'existence d'une petite ré-
publique dont la population ne compte pas 130,000 âmes, c'est
madmissible. Les puissances se plaignent encore de ce que
Cracovie serait devenu un foyer de conspirations et d'intrigues
politiques. Mais, en admettant même la réalité du fail, il se
présente alors deux hypothèses : ou ces conspirateurs sont
gens du pays, ou ils sont venus du dehors. Dans le second
cas, ce n'est pas à Cracovie, mais bien aux puissances elles-
mêmes q[u'il faut s'en prendre, car leur territoire^enferme de
tous côtés celui de la république. Dans le premier cas, est-il
possible de croire qu'une ville comme Cracovie refuserait à
trois puissances comme l'Autriche, la Prusse et la Russie, de
comprimer les conspirations, de faire cesser les intrigues,
dont ces puissances auraient alors un si juste sujet de se
plaindre; et si elle avait la folie de s'y refuser, quelles diffi-
cultés pourraient jamais rencontrer ces trois puissances,
réduites à se faire justice elles-mêmes dans la limite des
traités? »
La protestation du ministère français fut un peu plus signi-
ficative. Elle était datée du 3 décembre. Elle contenait l'ex-
pression modérée dans la forme, de la profonde injustice, du
défaut de sagesse de l'acte du 16 novembre, et de la convic-
tion qu'il rendait à toutes les puissances de l'Europe la liberté
la plus entière vis-à-vis des traités ainsi détruits.
Le cabinet français exprimait d'abord sa profonde et dou-
loureuse surprise de la résolution des puissances; il montrait
qu'elles avaient subordonné à des motifs secondaires, acces-
soires, les raisons générales et plus puissantes que comman-
dait le respect des traités, de ces traités, objet de plus d'une
DE LA RÉVOLUTION POLOlf AI8B. 353
résistance, et qui ont créé des souffrances de pluu d'une sorte.
Il rappelait, en termes vivement sentis, ce qu^ivait été la Po-
logne, et montrait qu'on n'eût pas dû s'étonner de voir les
membres épars de ce grand Etat, violemment détruit, éprou-
ver encore des convulsions. La Pologne ayant perdu dans le
monde politique le rang qu'elle a conservé dans Thistoire^
ayant été détruite, partagée, les traités qui reconnaissent de
tels faits ne pouvant faire disparaître tout à coup les angoisses
et les plaies sociales qui en résultaient^ il fallait en prendre
son parti.
Le Cabinet français réfutait ensuite les raisons données par
la Cour de Vienne, pour justifier la prise de possession de
Cracovie. Il établissait que l'acte du Congrès, de Vienne et le
traité dii 5 mai ne furent pas l'œuvre exclusive des trois puis-
sances, et que le sort de la Pologne ayant été réglé par une
délibération européenne, il n'était donc pas permis de suppri-
mer le résultat de cette délibération. La dépêche se terminait
en protestant solennellement contre Tacte des trois puissan-
ces; et afin que cette conclusion ne fût pas un vain rappel ai>
respect des traités, on avait soin de constater qu'aucune puis-
sance ne pouvait s'en affranchir sans en affranchir toutes les
autres.
Au moment même où l'on protestait si solennellement, le
czar Nicolas se disposait à mettre à exécution l'ukase du mois
de décembre 1845, par lequel, au 1" janvier 1847, on devait
compléter la dénationalisation de la Pologne, en lui enle-
vant le conseil d'administration elles autoritésadmijiistratives
qu'elle avait conservés jusqu'alors comme royaume indé-
pendant. Ainsi, douanes, législation et administration dis-
tinctes, institutions nationales, écoles, religion, tout ce que les
traités avaient conservé à la Pologne, tout allait être passé au
creuset moscovite.
Cette brutale décision, qui cependant fut alors ajournée^
ne surprit personne de la part du czar Nicolas, prince à vues
étroites, à passions mesquines, à haines puériles, vraie nature
de barbajce à peine dégrossie, courant après l'éclat de la force
brutale, et n'ayant pas même su emprunter à la civilisation
le vice le plus commun aux soiwverains absolus, l'hypocrisie
des moyens.
Pendant que les gouvernements accueillaient cette grande
iniquité avec une sorte de réserve, les partis à opinions
ardentes la flétrissaient avec une énergie peu commune.
Mais alors déjà, lorsque retentissaient ces nobles protes-
tations, l'attentat était consomme. Depuis le 16 novembre,
TAulriche avait solennellement pris possession de Cracovie.
Uès le matin, le général autrichien comte de Castiglione
s'était placé, entouré d'un brillant état-major, sur le balcon
45
354 H16T01RI
du palais sénatorial; et du haut de ce balcon, d^où jadis les
Jagellons avaient harangué leur vaillante noblesse, d'où Kos-
ciuszko avait adressé \h. parole aux porteurs dé faulx de la Ma-
zurie, plus vaillants encore que les nobles, le général autri-
chien prononça sa sentence de mort au dernier fragment
de l'indépendance polonaise.
Le comte de Castiglione lut une proclamation en allemand
et en polonais^ qui fut immédiatement affichée à toutes les
rues et places. Après cette lecture, Taigle autrichien fut
arboré sur le palais du sénat et salué par des coups de canon.
Le peuple-assista, silencieux et frémissant, à cette céré-
monie, que les sbires d'Autriche terminèrent en entonnant
rhymne national autrichien. (Dieu conserve notre empereur
Ferdinan(>!)
La postérité garde pour lui une autre invocation.
Ce fut là le dernier acte du drame. Les hommes, qui
venaient de répéter à la lettre la sanguinaire épisode du
massacre de la Saint-Barthélémy, en armant et en excitant
une classe de la société contre l'autre, purent convertir en
casernes autrichiennes le palais des Jagellons, et garder les
tonibes de Jean Sobieski et de Kosciuszko i C'était la dernière
insulte que pouyiit recevoir le nom polonais.
Pendant que l'opinion européenne était le plus vivement
agitée pr cet attentat des trois Cours, l'Autriche crut devoir
réponclre aux pâles protestations des Gouvernements français
et anglais, et essayer de couvrir du manteau du droit cette
iniquité nouvelle.
Cette nouvelle était à peine connue à Paris, que la session
des Chambres s'ouvrit. L'opinion publique attendait, avec
Bne incroyable impatience, le discours du Trône, pour
connaître comment serait appréciée par le gouvernement
cette dernière et si effrontée atteinte à la nationalité polo-
naise. Elle ne fut que médiocrement satisfaite du paragraphe
Îai s'y rapportait, et qui n'était que le simple exposé des faits,
e voici :
a Un événement inattendu a altéré l'état des choses fondé
« en Europe par le dernier traité de Vienne. La république de
a Cracovie, Etat indépendant et neutre, a été incorporée à
c l'empire d'Autriche; j'ai protesté contre cette infraction
c aux tcaités. »
Le 3 levrier 1847, la discussion s'ouvrit sur ce paragraphe
à la Chambre des Députes, qui, depuis seize ans, n'avait cesse
de glisser une seule fois dans son Adresse un vœu sympa-
thique pour la nationalité polonaise. De tels précédents lui
faisaient un devoir, en cette circonstance, de |)iendre une
attitude ferme, telle qu'elle convient aux représcnlanls d'un
grand peuple; et, en présence de cette violation flagrante
DK LA RÉVOLUTION P0L0NAI8S. 355
des traités de Vienne, par ceux-là mêmes qui avaient seuls
gagné à ces traités^ de déclarer solennellement que les puis-
sances absolutistes n'avaient pu se dégager des traités^ sans
en dégager la France. C'est ce qu'elle fit en votant^ en réponse
la communication du Trône le paragraphe suivant :
« Un événement inattendu a altéré l'état de choses fondé en
« Europe par le dernier traité de Vienne. La république de
<x Cracovie, Etat indépendant et neutre^ a été incorporée à
a l'empire Autrichien. La France veut sincèrement le respe<4
a de rindépendance des Etats et le maintien des engagements
a dont aucune puissance ne peut s'affranchir sans en affranchir
« en même temps les autres. En protestant contre cette viola*
fi tion des traités, nouvelle atteinte à l'antique nationalité
« polonaise. Votre Majesté a rempli un impérieux devoir, et
« répondu à la juste émotion de la conscience publique, b
Sur cette affaire de Cracovie, la Chambre entendit tour à
tour MM. de Falloui et de Mornaj; mais toute sa curieuse at-
tention se porta sur les discours de M. de Genoude et de M.
Odillon Barrot surtout, qui flétrit avec un magnifique lan-
gage l'acte spoliateur d js trois puissances.
Le ministre des affaires étrangères, M. Guizot, n'essaya pas
de détruire l'effetproduit par ces discours, maisil fltclairement
entendre qu'une protestation plus explicite que celle du 3 dé-
cembre, et dont le sens serait de déclarer les traités de 1815
anéantis, aurait la guerre pour inévitable résultat, et la
Îuerre contre quatre puissances. Cependant, vivement pressé
e s'expliquer sur le sens de sa protestation, il finit par dire :
a L'événement consommé, qu'a fait le gouvernement du
« Roi? Il a protesté. Il a vu dans la destruction de la franchise
« de Cracovie un fait contraire an droit européen. Il Ta qua-
« lifié selon sa pensée. Et en même temps il en a pris acte^
a afin, dansl^avenir, s^ily avait lieu, d'en tenir le compte que
< lui conseillerait nt les intérêts légitimes du pays. 9
Ainsi, la situation qu'avait créée pour les puissances de
l'Europe Tattentat de Cracovie, pourrait se résumer ainsi :
L'Autriche, s'était chargée sans scrupule d'une iniquité de
plus.
La Prusse décidée en cette circonstance à tolérer pour l'Au-
triche ce système des arrondissements qu'elle pratique si bien
pour son propre compte^ semblait persuadée de n'avoir créé
pour son éternelle rivale qu'un embarras de plus, et attendait.
La Russie qui, à l'aide de ses deux complices était parvenue
à ses fins, soufflait la discorde d'un bout de l'Europe à l'autre,
et tâchait de brouiller tout pour tout dominer.
La France, dans un isolement complet par suite de sa mé-
sintelligence avec l'Angleterre, à cause des mariages espagnols,
semblait disposée à ne pas laisser échapper l'occasion de se
356 HISTOIBB
déclarer la prolectrice des nationalités, et de grouper ainsi
autour d'elle toutes les puissances secondaires menacées par
ce nouvel attentat des Cours du Nord.
Quant à l'Angleterre, il suffira de résumer sa conduite dans
les actes successifs qui avaient amené Tanéantissement de la
Pologne, pour se convaincre qu'elleétait prête en celte circons-
tance, comme toujours, à ne jamais consulter que son intérêt.
En effet, lors du premier partage de la Pologne, elle refusa de
sejoindreàla France pour empêcher ce partage, et ne se
préoccupa que d'un mince intérêt mercantile.
Lors du partage définitif de 1795, elle favorisa ce partage
qui lui parut un préliminaire indispensable aux coalitions
qu'elle voulait former contre la France.
En 1815, elle refusa de seconder la France dans ses efforts
pour obtenir la reconstitution, alors possible, de la Pologne
indépendante.
En 1831, lord Palmerston, alors ministre des affaires élran-
{(ères, n'admit pas même la discussion dans le parlement sur
'anéantissement de la constitution polonaise de 1815.
En 1846, elle se borna à une protestation hypothétique, et
de nature à ne pas la brouiller avec les trois puissances.
Jamais elle n'avait dévié de cette politique traditionnelle
qui ne s'émeut que pour son intérêt direct menacé, et en 1847
elle était ce qu^elle a toujours été.
Nous ne saurions mieux caractériser ce triste récit qu'en
citant l'opinion d'un homme essentiellement religieux et
monarchique (1)» et dont les paroles, à ce double titre, acquiè-
rent, dans l'appréciation de ce fait, une incontestable auto-
rité.
« On reproche à la Pologne d*être anarchiste* Toutes
les fois que les diplomates et une certaine école d'hommes
politicjues parlent de la Pologne, ils accolent à son nom le
mot d anarchie. Cela n'est pas fondé, je m'empresse de le dire;
mais quand cela serait, quand cet esprit anarchique ne
serait pas désavoué par l'immense majorité de ses enfants,
par tout ce qu'elle a de distingué, par son histoire, par ses
antécédents, a qui serait la faute ? Ah ! la Pologne est anar-
chique, et à qui doit-elle de l'être?
Est-ce que ce serait à la Pologne elle-même ou à la France
révolutionnaire et démagogique? Non, non^ mais bien à ces
souverains, uniquement a ces souverains c(ui, il y a soixante-
dix ans sont montés dans cette chaire d'où les grands rois,
les grands ministres de la terre enseignent au monde le
droit public, et qui n'ont enseigné à la Pologne que le triom-
phe de l'iniquité et de la force brutale» de tout ce qui peut
(1) IL to conte de Montalembert.
DE LA RÉYOLimOR POLONAISE. .357
faire aimer le bon ordre, la justice et les principes fonda-
menlaux de toute société. Voilà ceux à qui il faudrait faire
remonter la cause^ si la Pologne était réellement anarchiste^
à ceux qui lui ont enseigné quMl n'y avait rien de sacré sur
la terre^ ni l'histoire, ni les iois^ ni la religion^ ni la famille,
et qu'on pouvait impunément tout sacrifier aux nécessités poli-
tiques du moment; ceux qui ont tout profané, tout violé, tout
torturé pour asseoir etanermir leur puissance. Voilà bien les
dogmes et les pratiques de Tanarchie^ voici ce qui a été en-
seigné à la Pologne depuis soixante-dix ans par ses trois co-
partageants, non pas seulement dans le passé, non-seulement
par Catherine, Frédéric et Joseph, mais aujourd'hui par Tem-
Ereur Nicolas, le roi Ferdinand et le prince de Hetternich.
ne veux pas d'autre preuve que l'histoire des religieuses
de Minsk et les massacres de la Gallicie. Et vous croyez que
de telles leçons pouvaient rester sans fruit?
Eh quoi I vous sèmerez l'iniquité, la cruauté, la perfidie,
tous les crimes que l'humanité a jamais imaginés, et vous
voudriez ensuite récolter le bon ordre, la paix, la satisfaction,
Tobéissance, toutes les vertus qui signalent un pays légitime-
ment et raisonnablement gouverné ! Mais ce serait la dernière
et la plus sotte des illusions. Ce que vous^avez semé ne doit
produire que l'anarchie. Quant à moi, ce qui m'étonne, c'est
que la Pologne tout entière ne soit pas la proie d'une anarchie
plus incurable, et que chaque Polonais ne soit pas un forcené
armé contre tous les souverains, contre tous les pouvoirs de
FEurope qui ont trahi et livré sa patrie (1).... i>
Quoique sévères, ces paroles sont vraies. Mais le règne de
l'iniquité n'a qu'un temps; son triomphe est passager comme
sa puissance. Parce que jadis, coinme une distraction à ses
crapuleuses débauches, il a plu à une czarine de Russie de
rayer un peuple de la carte de l'Europe,; parce que des
complices n'ont pas hésité à salir leur blason de ce stigmate
d'opprobre , la Providence ne saurait sanctionner ces inspi-
rations du vice et du crime couronnés! Sous les étreintes de
ses tyrans et jusqu'au jour de la résurrection de la légitimité
des nations, jusqu'à ce jour inscrit au ciel, le peuple polonais
a dormi ; mais ce n'était pas le sommeil de la mort, c'était au
contraire le sommeil du germe qui dort dans la profon-
deur du sol pour devenir un arbre vivace et puissant.
(1) Discours do M. le comte de Montalembert, Chambre des Pairs,
séance du 2 juillet. [Moniteur.)
SS8 mnooiB
CHAPITRE XV
1850 à 1863
ÀTènementau trône d'Alexandre II. — Le congrès de Paris.— Arrivée
d'Alexandre II à Varsovie. — Ses discours.— L'amnistie.— Apprécialioa
de cet acte. — Protestations des partis démocrati(]nes(»t monarchiques
Polonais. — Discours de lord Clarendon. — Couronnement du nouveau
czar; son entrevue avec Napoléon III, à Stuttgard. — Rescrit
d'Alexandre II au gouverneur militaire de Lithuanie. — Société agro-
nomique fondée à Varsovie. — La société agronomique envoie au czar
une adresse.— Sa dissolution.— Allocution del'abbé Deguerry aux Polo-
nais. — Cantiques nationaux des poètes Aloys Felinski et Camille
Uieyski. — Massacres des Polonais.— Lettre d'un gentilhomme Polonais
tu prince de Mettemich.— Recrutement forcé.
Jusqu'à la guerre de Crimée, la Pologqe, frémissante sous la
jouç de ses oppresseurs, la Pologne à qui Tempereur Nicolas
avait dit^ le i octobre 1835 :
a Si vous vous obstinez à conserver vos rêves de nationalité
« distincte, de Pologne indépendante, etde toutesces chimères^
c TOUS ne pouvez qu'attirer sur vous de grands malheurs. J'ai
c fait élever ici la citadelle, et je vous déclare qu'à la moindre
€ émeute, je ferai foudroyer la ville/je détruirai Varsovie, et
. à certes ce ne sera pas moi qui la rebâtirai ! »
La Pologne attendait. Alexandre II, succédant à son père
Nicolas, inaugurait une politique plus sage. Sébastopol détruit^
il entrait dans la voie des négociations qui le conduisait a
la paix.
Le Congrès de Paris (février-mars 185G) tut chargé de fixer
les CQnditions de cette paix qui sauvait la Russie. La France
voulut y prendre en main la cause de la Pologne, mais l'An-
gleterre, jalouse de toute pensée généreuse de notre pays,
mais l'Autriche et la Prusse, intéressées au maintien de la
domination russe, firent adroitement écarter des débats cette
question brûlante.
La paix signée le 30 mars, les journaux de tous les pays
contractants qui, deux mois auparavant, traitaient Alexandre
DB LA RÉYOLCTIOII POLONAISE. 359
d'Ogre, se mirent à célébrer sa mansuétude et son amour de
tous ses sujets, sans distinction d'origine. Les théories du mar-
quis Wielopolski, sur Talliance Russo-Polonaise pritent de la
consistance, en raison de la popularité habilement conquise à
Tetnpereur de toutes les Russies par quelques mesurés libé-
rales, fictives, il est vrai, et ce fut avec un vif sentiment d'es-
poir et de gratitude que la Pologne apprit que son nouveau
souverain allait la visiter.
On annonçait, en effet, aux Polonais que le czar allait pro-
clamer une amnistie générale, qu'il rendrait les biens confis-
qués, qu'il rétablirait la constitution de 1815, qu'enfirt il allait
réparer tous les malheurs du règne de Nicolas P'.
Aussi Varsovie fit à âon souverain une réception enthou-
siaste. Le 11 mai 1856, le czar devait justifier toutes les pro-
messes faites en son nom , par un discours prononcé devant
les maréchaux de la noblesse, les sénateurs et le clergé polo-
nais. Ceux-ci attendaient avec anxiété les paroles pleines de
mansuétude qu'on leur avait promises. Quelle ne fut pas leur
douleureuse surprise, quand TËmpereur leur dit :
a J'arrive au milieu de vous avec l'oubli du passé, animé
« des meilleures intentions pour le pays. C'est à vous à m'ai-
c der à les réaliser. Mais avant tout je dois vous dire que nos
« positions respectives doivent s'éclaircir.
« Je vous porte dans mon cœur comme les Finlandais, et
c comme mes autres sujets russes ; mais j'entends que l'ordre
c établi par mon père soit maintenu. Ainsi, Messieurs, et
« avant touf, point de rêveries, point de rêveries/ Ceux qui
f voudraient continuer à en avoir , je saura! les contenir, le
« saurai empêcher que leurs rêves ne dépassent point la
c sphère de leur imagination. Le bonheur de la Polog^ne
c dépend de son entière fusion aVec le peuple de mon empire.^
a Ce que mon pébs a fait est domg bien fait ; je le haintien-
« DRAI.
« Dans la dernière guerre d'Orient, les vôtres ont combattu
a à l'égal de tous les autres ; voici le prince Michel Gortscha-
« koff, qui en a été témoin et qui leur rend cette justice^ qu'ils
€ ont bravement versé leur sang pour la défense de leur pa-
tt trie. La Finlande et la Pologne me sont également chères,
« comme toutes les autres parties de mon empire. Mais il faut
< que vous sachiez, pour le bien des Polonais eux-mêmes, que
« la Pologne doit rester unie, pour toujours, à la grand<i.
€ famille des empereurs de Russie. Croyez, Messieurs, que je
a suis animé des meilleures intentions ; mais c'est à vous diî
« me faciliter ma tâche, et, je vous le répète, Messieurs, point
a de rêveries, point de rêveries f
« Quant à vous, Messieurs les sénateurs, laissez-vous diriger
« par mon lieutenant ici présent, par le prince Gortschakoff;
360 HISTOIU
« et vous, Messieurs les évéques^ ne perdes jamais de vue
« que la base de toute bonne morale est la religion, et il est de
« \olre devoir d'inculquer aux Polonais que leur bonheur
c dépend entièrement de leur fusion absolue ayec la sainte
a Russie, d
Ce discours n'était connu que de ceux (]ui l'avaient entendu,
quand le 15 mai, eut lieu le bal magnifique donné au czar
par la ville de Varsovie. La population trompée par le manège
des journaux et des intéressés, voulait fêter son jeune empe-
reur, dont le programme devait être si libéral. Le bal fut donc
enthousiaste. Mais lorsque le lendemain une députation vint
remercier Alexandre II, de sa présence à la fête, la satisfaction
des habitants de Varsovie se changea bien' vite en angoisses
pour l'avenir.
Il importe de faire connaître le texte même de la réponse du
souverain qui démentait ainsi les espérances de ce peuple qui
croyait renaître :
a Je suis bien aise, messieurs, de vous dire que j'ai été très-
« satisfait de me trouver au milieu de vous. Le bal d'hier était
a un très-beau bal ; jamais il ne sortira de ma mémoire : je
« vous en remercie.
a Je suis certain qu'on vous a répété les paroles gue j'ai
« adressées aux députés de la noblesse quand je les ai reçus,
a il y a cinq jours de cela. Soyez, Messieurs, dans la réalité,
« soyez unis à la Russie, et abandonnez toutes les rêveries
t d'indépendance, impossibles désormais à réaliser et à main-
« tenir.
a Aujourd'hui, je vous le répète de nouveau : Ma conviction
a est que le bien de la Pologne, que son propre salut, exigent
a ({u'elle reste unie, pour toujours, et par une entière fusion,
a à la glorieuse dynastie des empereurs russes ; qu'elle forme
a une partie intégrale de la grande famille de l'empire de
a toutes les Russies. En conservant à la Pologne ses droits et
a ses institutions, telles que les lui a données mon père, j*ai la
a volonté inébranlable de faire du bien etde favoriser la pros-
« périté du pays. Je veux lui garantir tout ce qui peut être
« utile et tout ce que mon père lui a promis et accordé : je ne
a le changerai en rien : tout ce que mon père a fait est bien
(( fait. Mon règne sera la continuation du sien; mats il dépend
« de vous, Messieurs, de me rendre cette tâche possible ; vous
a devez faciliter mon œuvre. Vous seuls serez responsables, si
« mes intentions devaient échouer devant les chimériques
a résistances.
« Pour vous prouver que j'ai pensé à apporter des adoucis-
« scments, je vous préviens que je viens de signer l'acte d'am-
a nislie ; je permets à tous les cmifirés qui le demanderont
« leur retour en Pologne. Us seront certains qu'on les laissera
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 361
a en rept^s. Leurs droits civils leur seronl rendus et on ne les
il traduira pas devaiitdes comités d'enquête. Je n'ai faitqu'une
a seule exception : j'ai exclu les anciens incorrigibles et ceux
a aui^ dans les dernières années, n^ont cessé de conspirer ou
€ Je combattre contre nous.
a Tous ceux qui reviendront pourront même, après trois
<( années de repentir et de bonne conduite , se rendre utiles
a en rentrant au service de TËtat. Mais avant tout> Messieurs,
a agissez de façon à ce que le bien projeté devienne possible,
a et à ce que je ne me voie pas réduit à la nécessité de brider
(T et de punir ; car, si malheureusement cela devenait néces-
a saire, j'en aurai la volonté tout comme la force : que jamais
0 donc je ne sois forcé de le faire.
a M'avez-vous compris ? J'aime mieux être à même de pou-
ce voir récompenser que de punir. Il m'est beaucoup plus
« agréable, ainsi que c'est le cas aujourd'hui, de dispenser
« des éloges, de donner des espérances et de provoquer la
a reconnaissance. Mais, sachez aussi, et tenez-le pour dit,
il Messieurs, que quand cela sera nécessaire , je saurai répri-
a mer et punir, et on verra que je punirai sévèrement.
a Adieu, Messieurs ! d
La promesse s'était changée en menace. Voyons maintenant
comment était rendu le décret d'amnistie.
La grâce était déclarée pleine et entière, mais les trois der-
nières lignes en rendaient l'application subordonnée aux
caprices du gouvernement russe, a Cette grâce, lisait-on, ne
tt s'étend cependant pas à ces réfugiés qui, par leur conduite,
a font preuve d'une haine constante contre notre gouverne-
a ment.o
Les explications que les interprêtes de la volonté du czar
donnèrent de ces trois lignes ne laissèrent de doute à per-
sonne. L'amnistie n'était accordée qu'à ceux qui feraient une
soumission en règle, reconnaîtraient leurs erreurs%)assées, et
s'engageraientpour l'avenir à une fidélité absolue. En d'autres
termes, il fallait, pour jouir de l'amnistie faire acte d'apos-
tasie.
Que dcfvenait le programme si pompeusement annoncé?
Nul ne fut dupe, en Europe, de cette mystification cruelle.
Les réfugiés polonais de Paris rédigèrent, a ce sujet, deux pro*
testations empreintes d'un esprit de logique et de bonne foi
qu'on ne peut méconaitre. Le parti démocratique et le parti
monarchique polonais ne diffèrent, du reste , en rien quant à
leur opinion sur la domination russe. Pour eux la forme du
gouvernement russe n'a aucune importance. Ce qu'ils com-
battent, c'est l'étranger, et rien que l'étranger.
c Les émigrés polonais, lit-on dans la protestation des dé-
46
362 HISTOIEE
« mocrates^ déclarent à la face de leur patrie et du monde ciri-
« lise, qu'ils rejettent Pamnistie du czar Alexandre II, aussi
« bien que toute autre qui pourrait leur être offerte par un
<t des trois oppresseurs de la patrie, et qu'ils ne rentreront
a sur le sol natal que lorsqu'ils pourront en expulser Tétran-
a ger, que lorsque la Pologne sera libre et indépendante.
a Ils déclarent qu'ils ont une foi invincible dans la résur-
a rection de leur patrie, et. dussent-ils succomber sur la
a terre d'exil, ils attendront l'heure suprême comme des vic-
a tinies, dont les cendres peuvent faire germer toute une
« génération de vengeurs. »
La protestation du parti monarchique n'est pas moins em-
preinte d'une grande énergie patriotique :
t a Nous sommes sans haine et sans rancune contre la Russie.
a Dans la situation qui nous est faite, le calme et une résigna-
a lion chrétienne sont la seule attitude qui nous convienne.
« Mais il ne nous appartient pas, jusqu'à ce que justice soit
« faite à notre pnyts, d'abdiquer la tâche qui nous a été léguée
d par nos^^ères; et tant qu'il restera une \'Dix de proscrit libre
a dans l'univers, elle dira aux gouvernements et aux peuples :
(c Au nom de V Evangile et de l'histoire^ la Pologne a le droit
(( de vivre d^une vie nationale et indépendante; elle espère en
a Dieu, dans ses intérêts et dans la conscience d^s hommes
« impartiaux de toutes les nations. »
Nous n'avons donne de ces protestations que les passages
qui font ressortir les nuances des deux partis polonais, si unis
quand il s'agit de repousser ou combatirc l'oppression étran-
gère. Ces documents étaient forts développés. Traduits en
toutes langues, répandus à profusion sous forme de circulaire,
ou par l'insertion dans tous les journaux, ils produisirent une
vive émotion. L'Angleterre en fut remuée dans toutes ses
parties, et il n'est pas sans intérêt de mettre sous les yeux
du lecteuyiuclq^ues remarquables passages des interpellations
adressées au mmistère par Lord Lyndhurst, à la chambre
haute, le 11 juillet 1856 :
a Le nouvel empereur Alexandre II, dans ses deux allo-
« entions à Varsovie, vient de déclarer : que rien ne le diter'
cf minera à dévter de la voie suivie par son prédécesseur à
« Végnrd de la Pologne; il ajouta que, dans l'intérêt de la
« Rnssie, la Pologne doit appartenir aux Etats de la dynastie
a impériale. Ce langage de l'Empereur ayant provoqué des
a murmures panni les assistants, à Varsovie, il continua en
«t ces termes : Ne vous bercez plus d*illusions^ car si vom con^
« tinuez à les nourrir j moi qui sais récompenser y^ je saurai
et aussi châtier. L'Empereur termina enfin son discours par
(c celle exclamation : Plus de rêveries, plus de rêveries!
a Je ne puis admettre que le noble comte Ciarendon n'ait
DE LA RéVOLimOM POLONAISE. S63
c point exigé, aa^seiD du dernier congrès de Paris^ une am-
a nistie pour les Polonais! On a réellement accordé une espèce
« d^amnistie qui a un son pour roreille mais qui ôte toute
« espérance. En effets une amnistie méritant ce nom doit être
a formelle, générale; ses conditions doivent être claii^s^ et
a les exceptions aussi peu nombreuses que parfaitement déter-
« minées , de telle sorte que l'opinion publique puisse les
« justifier.
« Examinons si Tamnistie russe réunit ces caractères? Cba^
« cun des émigrés doit préalablement adresser au gouverne-
« ment russe une demande de rentrer dans la patrie; cette
tf demande peut être rejelée. Vous savez sans doute, milordt^,
« (jue le gouvernement russe avait confisqué les biens des
a emif^rés; le décret d'amnistie ne dit pas que ces biens seront
a restitués. Ainsi, l'émigré polonais ne retrouvera dans sa
a patrie que la misère... Sans moyen d'existence, sans posi-
c lion, presque sans famille, sans amis. \ingt*cinq ans ont
« dû les disperser, l'infortuné sera devenu étranger parmi
a les siens, s'il n'en est pas même rebuté... L'amnistie exclut
« tous ceux qui ont montré ou montrent des dispositions hos-
a tiles à l'égard du gouvernement russe, et ce sont les fonc-
« tionnaires russes qui seront les juges de ces dispositions
a hostiles! L'émijgré est ainsi livré à la discrétion du fonc-
« tionnaire, et si celui-là est malveillant, qui jugera entre
« l'émigré et le fonctionnaire? -^ Un autre fonctionnaire
« russe!
« On s'étonne que les plus notables dans l'émigration polo-
c naise refusent d'accepter l'amnistie; les motifs de ce refus
c sont consignés dans l'acte que je dépose ici au parlement.
« Cet acte renferme en substance ceci : Nous ne protestons
« pas contre V amnistie à cause d'opinions ou d'intérêts per-
a sonnets^ mais parce qu'en f acceptant nous reconnaîtrions
c comme fautive notre lutte et notre dévouement à riudepen-
« dance nationale; par ce fait, nous admettrions la justice des
« ukases promulgues contre nous. Ceux, qui, sur cette base,
a ont rejeté l'amnistie, ont rempli un devoir sacré! »
Ce que nous remarquons le plus dans cet éloquent plai-
doyer, c'est l'explication franche, claire, sans rélicences et
sans ambiguïtés de l'amnistie dont le gouvernement russe
avait fait un si grand éloge préalable. Elle est ainsi réduite à
sa véritable expression, et par un homme dont le rang et la
nationalité sont une garantie d'impartialité qu'on croit ne
pouvoir attendre d'un historien.
Un moment l'on put croire que la paix signée le 30 mars
àParis n'était qu'une trêve, que les hautes parties contrac-
tantes, du moins celles qui avaient pris part à la guerre de
Crimée^ allaient faire à la Russie des reproches sévères. Mais
364 HISTOIM
on dût promptement revenir de cette illusion quand on con-
nut la réponse de lord Clarendon au nom du ministère :
« Je ne crois pas qu'il m'appartienne de révéler à cette
« heure et ici même ce qui s'est passé à cet égard au sein du
« Congrès de Paris; mais je crois néanmoins pouvoir dire
« que les plénipotentiaires, et moi-même personnellement,
« nous avons eu des motifs sérieux de croire que les projets
« de Tempereur de Russie à Tégard de la Pologne était gêné-
« reux et bienfaisants. Nous avons dû admettre que Tem-
« pereur était non-seulement disposé à décréter une amnistie
« générale, mais encore à rendre aux Polonais quelques-unes
« de leurs institutions nationales; quMIs recevraient des
« garanties pour l'exercice de leur religion; que Tinstruction
« publique en Pologne allait être établie sur un pied plus
« libéral et plus national. Nous avons enfin cru être fondés à
a espérer que la Russie allait renoncer pour toujours au sys-
a tême des sévérités qu'elle avait jusqu'alors pratiqué. Mus
« par ces convictions, nous avons alors renoncé à discuter cette
a question dans le sein du Congrès de Paris.
a Nous avons cru qu'il fallait avant tout examiner, peser
« mûrement quel résultat pourrait produire une action offl-
« cielle de notre part; car il ne faut pas perdre cette grave
« considération de vue r les plénipotentiaires russes pou-
« vaient nous dénier le droit de nous immiscer dans l'admi-
a nistration intérieure de l'empire. Disons cependant toute
a notre pensée sur ce point : il nous a semblé que la politique
« russe aurait pu faire connaître à l'Europe ses projets à cet
« égard.
a Hais lorsque l'on nous a prouvé qu^une telle demande de
« notre part serait en Russie l'objet d'interprétations irri-
« tantes; que l'on pourrait nous attribuer Tintenlioii d'in-
« spirer au czar des actes de grâce à l'égard de ses sujets,
c en nous prévalant de la situation faite aux hautes puis-
« sances respectives et contractantes par les événements;
a lorsque Ton nous fit comprendre (le général comte OrlofTet
i< le baron Brunow) gue si nous donnions suite à notre projet
a de discuter les affaires de la Pologne, nous pourrions plutôt
f faire du tort à la cause que nous voulions servir; c'est alors
(( que les plénipotentiaires de la France et de l'Angleterre re-
et noncirent à leur projet. Mais, je le répète, que Ton ne croie
a pas que notre silence fût de l'indifférence : la considération
« de la Pologne et des réfugiés a seule enchaîné notre action.
a Dès le début de la guerre de Crimée, j'ai personnellement
a désiré l'accomplissement de nos vœux pour la Pologne,
tt Plus tard, j'ai partagé le sentiment pénible de déception
« que l'amnistie, ainsi restreinte, a généralement fait naître,
« Je ne comorenda pas, je l'avoue, ce qui a pu déterminer le
DB LA nÉVOLOTlOlf POLONAIS!. 3(9
n czar à décréter un acte empreint de telles restrictions^ car
et il est à ma connaissance que la seule nouvelle d'une am-
er nistie large, générale surtout, aurait été accueillie à Varso-
a vie avec un enthousiasme, avec des marques de joie qui
« auraient ému certainement l'empereur. Je suis persuadé
<c aussi qu'une amnistie générale, entière, aurait provoqué,
a dans le cœur de tous les Polonais, des sentiments de grati-
a tude et d'attachement. »
On ne peut certes pas accuser lord Clarendon d'avoir naan-
que, dans ce discours, de témoigner de la sympathie à la
cause polonaise. Mais si l'opinion avait lieu d'être satisfaite
des sentiments de l'orateur, ne dût-elle pas être douloureu-
sement émue de l'attitude de l'homme d'état. Au lieu de
promellre une intervention, même seulement diplomatique,
le minisire termine son discours en disant que le méconten-
tement des Polonais était une menace pour le czar, mais
qu'en même temps on pouvait espérer qu'Alexandre H re-
viendrait à de meilleurs sentiments pour le peuple auquel
l'Europe libérable s'intéressait si vivement.
Nous vêlerons bientôt si les prévisions subsidiaires de lord
Clarendon devaient se réaliser.
On attendait avec une certaine impatience, tant en Polo-
gne qu'en Europe, la cérémonie du couronnement du nou-
veau czar. Elle eut lieu à Moscou le 7 septembre 1856. Les
espérances furent encore déçues. Le couronnement du sou-
verain eut lieu en grande pompe. La Pologne y fut représen-
tée par une grande partie de sa haute noblesse. On y distri-
bua des grâces. On y parla d'émancipation, de liberté, mais
de Pologne, point. Alexandre 11 ne voulait pas revenir sur
ce qu'il avait qualifié de rêveries.
Un an après, l'Empereur Napoléon III et le czar, eurent
une entrevue à Stuttgard. Bien que les sujets de la conver-
sation des deux souverains n'aient pas été rendus publicsou
sût bientôt que Napoléon III, avait inspiré à son frère de Russie,
ridée de mettre la Russie, au point de vue de la liberté indi-
viduelle» de la liberté de conscience, de l'égalité devant la loi,
sur le pied des nations européennes. C'était en effet le seul
moyen pour l'immense empire, de ne pas être à la fois une
menace pour la civilisation, et Tobjet de l'antipathie de^
peuples. Le czar promit beaucoup, mais une théorie plus
i)uissante sur son esprit que la raison de notre souverain,
'emporta dans ses conseils. C'était la théorie du panslavisme
qui prenait corps; théorie dont la mise en pratique devait
amener la formidable iusurrection de 1863, et dont nous
reparlerons bientôt
Il fallait cependant que la Russie donnât à l'Europe un peu
de confiance. U fallait qu'elle prenne rang parmi les nations
3€t HisTons
civilisées* Elle le pouvait en rendant à la Pologne une partie
de ses droils^ mais c'eût été un ébranlement de cette autocra-
tie immuable sur laquelle repose la puissance du czar. Le
cabinet de St-Pétersbourg eût alors recours à une fiction qui
'devait placer dans Topinion des libéraux , la Russie au
dessus de la Pologne. Il s'occupa de Témancipation des
paysans.
Mais il est certains événements que l'histoire ne rend cer-
tains qu*après des siècles, il en est d'autres aussi qui s'éclair-
cjssent avec une grande rapidité. Dans cette circonstance le
gouvernement ne faisait que s'approprier une idée polonaise,
et par un rare bonheur, la Pologne pût voir se réaliser son
projet humanitaire, huit jours avant que la décision ofûcieUe
lût rendue en Russie.
Voici les faits :
Nos lecteurs ont dû remarquer^ peat-êtreavec une certaine
tristesse^ que la Pologne^ si jalouse de son indépendance na*
tjonale^ était très-arriérée en matière d'égalité et de liberté
individuelle. Si cependant nous jetons nos regards en arrière,
nous voyons que la Confédération de Bar, le 29 février 1768,
décrète rémaucipation des paysans. Tout aussitôt/la czarine
Catherine II, effrayée pour ses états russes de la tournure des
choses en Pologne n attend pas la publication du décret et
organise une insurrection des paysans contre la noblesse^
L'ignorance du peuple des campagnes venait en aide à la
politique de la czarine. Les libéraux polonais furent donc
obliges de remettre à des temps meilleurs leur œuvre émanci-
patrice.
La diète de 1776, en décrétant la création d'un nouveau
code, lui donne pour but primitif les mesures relatives à Té*
mancipation. Le projet est soumis à la diète de 1780. Les trois
puissances le font écarter, Catherine 11^ Frédéric II et Jo-
seph II, se servent aussitôt de ce fait qui était leur œuvre pour
détacher l'Europe philosophique des polonais qu'elle voulait
adopter.
En 1788, la diète de Varsovie reprend Tœuvre de 1780.
Hais aussitôt, le 5 novembre. Catherine II s'interpose pour
empêcher toute réforme. En 1791, nouvelle tentative des po-
lonais, immédiatement assimilés aux jacobins de France et
désignés comme tels à l'horreur de l'Europe. Aussitôt le second
partage a lieu.
Le 7 mai 1794, Kosciuszko proclame de nouveau Témanci*
pation. En 1799, son œuvre est détruite. En 1807, le Code
Napoléon est introduit dans le duché de Varsovie, mais la Li-
thuanie et la Ruthénie restent sous la loi de l'ancien régime.
En 1818, la noblesse, assemblée à Vilna, pour rédiger un
projet de loi d'émancipation^ ê.st dispersée par la force.
DB LA BÉVOLtllON POLONAISB. 3jS7
L'insurrecUon de 1834 et celle de 1846, proclamaient Té-
mancipation. Mais le résultat de la répression fut de rame-
ner la Pologne à son ancien ordre de choses.
Il importe de réfuter cette incessante calomnie, qui a sou-
vent indisposé Topinion libérale contre la Pologne. Le meil-
leur argument est de prouver que la noblesse polonaise a
inspiré, à Alexandre II, Tidée de Témancipatiod.
Or, cette preuve, la voici :
Le 20 novembre 1857, Tempereur Alexandre II adresse au
gouverneur militaire de la Lithuania uarescrit où nous li-
sons:
< Le ministre de Tinlérienr a porté à ma connaissance les
a bonnes intentions témoignées par le comité de Vilna,
< Koyno et Grodrio (Lithuanie), à l'égard des paysans de ces
< trois goubernies.
• « Approuvant pleinement les intentions des représentants
a de la noblesse des goubernies de Vilna, Kowno et Grodno,
c comme étant conformes à nnes vues et à mes désirs, j'au-
c iorise cette noblesse à procéder, dès aujourd'hui, à Télabo-
c ration des mesures nécessaires pour la mise à exécution
c des projets desdits comités, à condition toutefois que Vœu-
a vre ne soit accomplie que progressivement, aûn de ne pas
c troubler l'organisation économique actuellement en vi-
a gueur dans les propriétés de la noblesse. »
Remarquez-vous cette touchante sollicitude d'Alexan-
dre II pour les intérêts polonais ! N'y a-t-il pas là une vérita-
ble plaisanterie? Ne voit-on pas clairement que ce que le czar
EDuvait redouter, c'est que, si la secousse était violente eiï
ithuanie, elle eût un contre-coup plus violent en Russig.
Alexandre 11 termine ainsi :
« En offrant à la noblesse des goubernies de Vilna, Kowno
a et Groduo, le moyen de réaliser ses bonnes intentions, con-
« formément aux principes que j'ai indiqués, j'espère que la
« noblesse justiOera pleinement la confiance dont je fais
« preuve envers elle en rappelant à prendre part à cette
a œuvre importante, et qu'avec l'aide de Dieu et l'assistance
« éclairée des propriétaires nobles, cette œuvre sera couron-
« née d'un plein succès.
a Vous et les gouverneurs des provinces placés sous vos
a ordres, vous veillerez à ce que les paysans restent soumis
(( aux propriétaires, et qu'ils n'ajoutent aucune foi aux insi-
a nualions malveillantes et aux bruits erronés qui pourraient
a se produire. »
Les lerines de cette conclusion semblent bien^ il est vrai,
faire itmarquer (jue désormais la noblesse reçoit la mission
du souverain. Mais c'est là une question de formule aulocra-
368 HISTOIRE
tique, reportant à TciTipereur rinitialive de (oui ce qui se fait
sous son règne.
Que resle-t-il de tout cela?
C'est que c^est la noblesse polonaise qui de tout temps s'est
occupée de Témancipation.
C'est (jue la mesure prise par Alexandre II pour donner
satisfaction à l'Europe civilisée^ lui a été inspirée par la no-
blesse polonaise.
C'est qu'enfln la Pologne doit être lavée de l'accusation
portée contre elle par les libéraux de tous les pays qui n'ont
entendu dans le débat que la voix de la Russie.
Nous allons voir, du reste, par quel pauvre moyen, le gou-
vernement de Saint-Pétersbourg, veut convaincre l'Europe et
ses peuples de son libéralisme.
Une société agronomique se fonda aussitôt le resci;it pu-
blié à Varsovie. Elle réunit dans son- sein tous les nobles po-
lonais, en même temps qu'elle centralisa leurs capitaux. Son
but était surtout de procéder sans secousse nuisible aux inté-
rêts des propriétaires, comme aux intérêts des paysans.
Tandis qu'elle organise ses travaux préparatoires, qu'elle
centralise, pour l'étendre ensuite, son action émancipatrice,
de graves événements s'accomplissent qui doivent précipi-
ter son action.
Procédons par ordre. La guerre de l'indépendance italienne
apporta un peu d'espoir aux patriotes polonais. En juillet 1860,
eurent lieu les obsèques de la veuve du général Josepb So-
v^inski, mort héroïquement en 1831. Tout ce que la capitale
de la Pologne renfermait de patriotes assista à ce convoi. L'as-
sistance fut calme et recueillie. Aucun cri ne fut prononcé,
mais enfin c'était une manifestation.
'Arois mois après, eut lieu à Varsovie le congrès des trois
souverains de Russie, de Prusse et d'Autriche. Les Polonais
comprirent que les intéressés allaient concerter les mesures
à prendre pour empêcher les manifestations de se renouve-
ler. Loin de s'en effrayer, ils célébrèrent solennellement l'an-
niversaire de la révolution du 29 novembre ; puis le 25 fé-
vrier 1861, l'anniversaire de la bataille de Grocnow.
Mais la police russe avait pris ses mesures, et on massacra
les femmes, les enfants et les vieillards, qui ne purent fuir
assez vite devant la force armée.
Le lendemain, 26 février, la troupe cerna le palais occupé
lar la société agronomique, qui ne cessa pas de siéger. Le 27,
es massacres continuèrent. Quelques jours après, la société
agronomique était dissoute.
Disons ce qui avait amené cette mesure :
Les partisans de la Russie exaltent l'amour d'Alexandre II
pour ses peuples et ses idées libérales et égalitaires. 11 y a.
k
DB LA BÉVOLUTION POLOIIAISB. • 369
en effet, dans l'empereur de Russie un homme libéra), ami
du progrès, mais comme le Janus mythologique, c'est un
homme à deux visages, qui ne tourne le beau que vers l'Eu-
rope, et qui est pour les peuples qu'il gouverne le ûdèle ob-
servateur des vieilles traditions russes. Ces traditions, on les
connaît assez chez nous. Elles consistent à ne flatter une partie
des opprimés, que pour ruiner en sous-œuvre une puissance
féodale ombrageuse, quitte à remettre, après le grand vassal
ébranlé, les choses dans leur pitoyable état primitif.
C'est de cette disposition d^esprit d'Alexandre II, que les
Français, si enclins à admirer leurs ennemis de la veille, ont
tiré cette flatteuse conséquence que le successeur de Nicolas
était un prince émancipateur.
Nous avons établi qu il avait été devancé par la Pologne. Or
la Pologne émancipatrice, libérale, égalitaire, quoique mo-*
narchique, c'était laSociété agronomique de Varsovie.
Tandis que l'émeute grondait au dehors, que les massa-
creurs exécutaient leur sanglante besogne, le 26 février, la
Société agronomique votait, à L'unanimité la suppression de
la corvée, et constituait un capital d'obligations, afln d'indem-
niser les propriétaires, qui cédaient aux paysans les terres que
ceux-ci cultivaient pour l'entretien de leurs familles, et dont
la propriété entière devait leur échoir, après le payement,
par annuités des sommes correspondant au capital d'obliga-
tions voté par la Société. Un don patriotique d'un cinquième
était fait aux paysans sur la valeur intégrale desdites terres.
Or il est très-urgent de faire remarquer ici que ce grand
acte fut accompli par la Société agronomique le 26 février,
suivant le calendrier européen, mais le 14 février selon le
calendrier russe. On va voir bientôt l'utilité de cette remar-
que.
Le 27 février, la Société agronomique envoya au czar une
adresse destinée à réclairer sur la situation de Varsovie, sur
les cruautés impolitiques de ses agents, dans le but de prévenir
de nouveaux malheurs.
a Sire, disait cette adresse, les douloureux événements qui
viennent de se passer à Varsovie, la longue irritation qui les a
précédés et le profond sentiment de tristesse qui a pénétré
dans tous les esprits, nous amènent à porter la présente
requête aux pieds de Votre Majesté, au nom de tout le pays,
espérant que votre noble cœur, sire, ne restera pas sourd a la
voix d'une nation infortunée.
« Ces événements, dont nous nous abstenons de décrire les
scènes poignantes, n'ont aucunement été provoqués par les
passions subversives d'une classe de la population : ils sont,
an contraire, la nianifes>lation unanime et éloquente de senti
monts refoulés et de besoins méconnus. Noire nation qui^ pen-
47
370 HI8T0IBB
dant des siècles, ayait été régie par des institutions libérales^
enduredepuisplusde soixante ans les plus cruelles souffrances;
privée de tout organe légal pour faire parvenir au trône ses
doléances et l'expression de ses besoins, elle est forcément ré-
duite à ne faire entendre sa voix que par le cri des martyrs
que chaque jour elle offre en holocauste.
a Au fond de Tâme de chaque Polonais brûle un sentiment
indestructible de nationalité : ce sentiment résiste au temps
et à toutes les épreuves ; le malheur^ loin de l'affaiblir, n'a
fait que le fortifier ; tout ce qui le blesse ou le menace, bou-
leverse et inquiète les esprits.
« Aussi, toute confiance a-t-elle cessé entre 'gouvernants
et gouvernés. Les moyens répressifs ne sauraient la faire re-
naître, quelles que soient leur violence et leur durée. Un pays
jadis au niveau de la civilisation de ses voisins d'Occident ne
sauraitd'ailleurs se développer moralement ni matériellement
tant que son Eglise, sa législation, son instruction publique
et toute son organisation sociale ne seront pas marquées du
sceau de son génie national et de ses traditions historiques.
a Les aspirations de notre nation sont d'autant plus ardentes,
que, seule aujourd'hui dans la grande famille européenne,
elle manque de ces conditions absolues d'existence sans les-
quelles une société ne saurait fournir la carrière que lui a
tracée la Providence.
a En déposant aux pieds du trône Texpression de notre dou-
leur et de nos fervents désirs, confiants dans la haute équité
et dans la justice de Votre Majesté, nous osons, sire^ en appeler
à votre magnanimité. •
Que fit Alexandre à la lecture de cet acte remarquable^
émouvant, de ce cri respectueux et soumis, quoique patrio-
tique, des représentants d'une nation qu'on égorgeait? Vous
croyez qu'il va répondre, qu'il va chercher et concilier cet
esprit national polonais avec ses propres intérêts dynastiques.
Allons donc I
Un mobile bien plus puissant doit faire agir le czar. L'acte
d'émancipation des paysans, n'a pas été fait par loi !
On se met à l'œuvre à Pétersbourg. On bâcle un projet de
réforme^ l'empereur le signe à la hâte, le publie, le fait ré-
pandre a son de trompette dans toute l'Europe, dans le moiâde
entier. Il porte la date du 19 février !
Or, remarquez bien aue ce 19 février là, est du calendrier
russe, c'esl-à-dire que chez nous il s'appelle le 3 mars I
Presqu'aussitôt, grâce à ce beau moyen, le manifeste de la
société agronomique de Varsovie, est dénoncé à l'Europe
comme un acte hostile et inutile, dont ladite société doit être
punie sévèrement.
DE LA RÉyOLOTION POLONAISE. 371
Le czar, en réponse à son adresse, lui annonce qu'elle est
dissoute !
La ridicule vanité du Roi-Soleil n'aurait certes pas trouvé
celle-là.
On pense bien que ces événements n'étaient pas de nature
à améliorer le sort de la Pologne. Les Moscovites voulaient
empêcher toute manifestation du sentiment national, alors
même qu'il ne s'agissait que de prier pour les victimes des
massacres du 26 février.
Du reste, la juste douleur des Polonais avait un immense et
sympathique écho en Europe. De toutes parts on organisait
des services religieux pour les victimes de la barbarie russe.
A Paris, ce service eût lieu à la Madeleine, le 16 mars 1861.
L'abbé Deguerry, curé de cette église, adressa aux émigrés
polonais présents une chaleureuse allocution :
ff Vous savez, leur disait-il, pourquoi ces gémissements qui
sont dans vos âmes, sont pleins de larmes. Ce sont des événe-
ments qui sont connus, dont vous savez les uns et les autres
les détails...
a Vous savez cet amour de la patrie^ ne cessant jamais d'être
ardent en vos compatriotes...
a Vous savez ces manifestations simples^ naturelles, pro-
duites par l'amour de la patrie...
« Vous savez ces foules, s'agglomérant, mais ne voulant
être que paciflques et n'ayant pas d'autre intention que celle
d'être pacifiques...
a Vous savez ces foules sortant de l'église, la bannière delà
patrie déployée à tous les yeux, cette croix, qui semblait venir
du ciel et qui disait : A genoux I Et cette foule immense qui
se prosterne. ••
« Vous savez alors l'événement terrible, cette charge que
j'appellerais barbare, si l'esprit qui préside à celte auguste
cérémonie ne m'interdisait pas des paroles de cette nature...
« Vous savez cette foule troublée, saccagée, le sang ré-
pandu...
a Vous savez ces corps relevés sanglants...
« Vous savez ensuite ces protestations adressées...
« Vous savez le convoi de ces augustes victimes...
« Vous savez cet ordre s'établissant par le fait de vos com-
patriotes et des plus jeunes, au milieu de la grande ville , la
force armée éloignée/ honteuse en quelque sorte du rôle qui
lui était imposé...
a Vous savez cette marche funèbre, ces corps portés à leur
dernière demeure...
a Vous savez aussi que quelques-uns des membres les plus
augustes de votre patrie, traversant la voie publique en même
temps que la foule, lui recommandaient la froide dignité...
372 HI8T0IBI
a Vous savez tout cela...
« Eh bien ! nous venons vous dire qu'en ce jour votre
cause a reniporté une soleonèUe et décisive victoire!
a II faut donc ici un mot pour votre cause, un mot. pour la
vérité, un mot aussi pour la grande vi'ctoire que vous venez
de remporter, victoire pour les destinées de la Pologne !...
<K Votre cause, quelle est-elle ? Elle est sacrée votre cause.
Pourq.uoi donc? Parce que tout ce qui est selon Dieu est
sacré ; parce que tout ce qui est conforme à la pensée de Dieu
est sacré, de même que tout cela est saint... Qu'est-ce qu'une
chose sainte.?... Cest une cho^e qui est selon la pensée de
Diej. Or, votre cause renferme la famille et la patrie... Est-ce
que Dieu ne veut pas la famille et la patrie? Qu'estrce que la
famille? L'établissenient de Dieu. Qu'est-ce que la patrie ? La
réunion d'un qertain nonàbre de fatmilles. Le divin Sauveur a
aimé sa patrie... Vous savez qu'un jour, la voyant près d'être
la proie de calamités immenses, il a pleuré sur elle; il n'a
pleuré que trois fois : sur l'ami té, sur sa patrie, sur l'huma-
nité... »
Plus loin, le vénérable curé de la Madeleine, explique cette
idée de victoire :
. —Une' grande victoire !... Voyons, qu'est-ce qu'une grande
victoire remportée î... .
a Sont-ce des ennemis abattus, renversés ? Sont*ce des tor-
rents de sang répandus, des villes incendiées?...
a Ce n'est rien de tout cela.
' ; a Qu'estrce donc qu'une grande victoire ?...
• C'est quand Tennemi est vaincu, désarmé, subjugué par
la puissance morale, bien autrement puissaute que celle des
armes 1 Alors c'est une véritable victoire; alors )a cause qu'on
soutient est victorieuse !...
a C'est pour cela que nous vous déclarons vainqueurs dans
.cet événement dont nous célébrons en ce moment la mémoire.
Voyez les pjremiëres lettres des noms de ces illustres victimes,
appendues sur ces murs : ce sont des martyrs, ce sont aussi
des vainqueurs, .car martyr veut dire vainqueur. Oui, nobles
victime^ dont nous honorons la mort, le sang a été répandu,
la foule a été dispersée, jetée de côté et d'autre^ et vous avez
vaincu !... »
H. l'abbé Deguerry terminait son 4iscours par cette tou-
chante péroraison :
« Voici un trait tiré de l'histoire de l'Église, qui m'est d'ail-
leurs suggéré par votre propre bilstoire : Une jeune fille est
amenée dans l'arène. Les juges l'avaient condamnée à être
dévorée par les bêtes. Un lion entre dans l'arène. Il la regarde.
Il s'arrête d'abord, it s'approche d'elle, ensuite lui lèche les
mains et se couche à ses pieds ]
4
■^
>4
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 373
a 0 Pologne! il y a plus d'an siècle que, par les divisions
intestines bien plus que par la force de tes ennemis^ tu es en-
trée dans Tarène du martyre. Plusieurs fois tu as essayé de
briser tes fers^ et plusieurs fois ou t'a donné des promesses
sur lesquelles tu devais compter. Noble Pologne ! toi, tu as
toujours donné ton sang ! Tu es dans l'arène^ tu ne peux plus
briser tes fers pour les jeter à la tête de ceux qui en ontchargé
tes bras ; tu ne peux plus lutter contre le lion qui te regarde
et qui semble te menacer de sa férocité. Il te regarde^ mais il
ne s'apprête plus à te dévorer. Un cri de réprobation retenti-
rait sur sa tête : il te regarde^ il s*approcbede toi, il écoute ta
plainte ^ il semble vouloir accorder quelque chose à ta
souffrance. Noble Pologne l tu verras tomber tes liens dans
quelques jours, dont je ne sais pas le nombre. Le lion viendra
lécher tes plaies, baisjer tes piçds meurtris. L'Europe qui^
aujourd'hui^ te regarde^ s'unira à toi, et alors tu continueras
ta grandeur» et tu élèveras les mains au ciel, en disant : 0
Christ, par qui j'ai vaincu, soyez éternellement adoré : à vous
la gloire^ la reconnaissance^ à vous Tamour i Ainsi soit-il. i»
. La société agronomique avait été dissoute par un ukase du
6 avril. Le peuple de Varsovie fut très-ému de cette mesure
que pour lui rien ne motivait^ et dont nous avons donné les
singuUères raisons. Cette émotion causa des rassemblements
très-paci&queS; que les russes dispersèrent les 8 et 9 avril en
massacrant les citoyens inoffensifs, et tout particulièrement
ceux qui^ infirmes ou âgés ne pouvaient se retirer assez vite
devant les charges de cavalerie exécutées dans les rues de la
ville.
Ne pouvant se défendre contre ces injustes agressions, les
Polonais protestèrent de la seule façon qui leur fut possible.
Réfugiés dans leurs églises, ils priaient et chantaient leurs
cantiques nationaux. Le premier, composé par le poêle Aloys
Felinski en 1815^ est un appel à l'intervention divine, appel
touchant, filial, et sans excitation violente à la haine des mos-
covites :
«Seigneur Dieu^ toi qui, durant tant de siècles, entouras la
Pologne de splendeur, de puissance et de gloire ; toi qui la
couvrais alors de ton bouclier lutélaire, en détournant d'elle,
les malheurs dont on voulait Taccabler,
Seigneur ! 'prosternés devant t^s autels, nous t'en conjurons,
« Daigne conserver notre chère patrie
a Seigneur Dieu, toi qui, plus tard, ému de notre chute, as
protégé lescombaltants pour la plus sainte des causes; toi qui
voulais avoir l'univers pour témoin de leur courage, et faire
grandir leur gloire au sein même de leurs calamités,
Seigneur ! prosternés devant tes uulels, nous t'en conjurons,
« Daigne conserver notre chère patrie I
374 HI8T0IRB
a Seigneur Dien^ rends à notre Pologne son antique splen-
deur^ fertilise nos champs et nos plaines dévastées par une
guerre injuste; que le bonheur et la liberté fleurissentà jamais
parmi nous. Dieu^ daigne apaiser ton courroux et cesse de
nous éprouver.
Seigneur ! prosternés devant tes autels, nous t'en conjurons^
« Daigne conserver notre chère patrie !
a Dieu,.dont le bras juste brise en un clin d'œil les sceptres
des maîtres du monde, mets à néant les desseins perfides de
nos ennemis, réveille Tespérance dans chaque âme polonaise.
Seigneur ! prosternés devant tes autels, nous f en conjurons^
« Rends-nous notre patrie, rends-nous notre liberté !
« Dieu très-saint ! partes divins miracles, éloigne de nous les
calamités et les horreurs des champs de bataille, daigne unir
tes peuples par le nœud de la liberté, et plaçe-les sous le
sceptre de Tange de la paix.
Seigneur ! prosternés devant tes autels, nous t'en conjurons,
« Rends-nous notre patrie, rends-nous notre liberté ! »
Le cantique de Camille Uieyski, composé en 1846, à Toc-
casion des massacres de Gallicie, est des plusénergiaues. C'est
un cri de haine et d'espérance, un appel à la maléaiction di-
vine :
« Avec la fumée des incendies et du sang de nos frères,
cette voix s*élève vers toi. Seigneur. C'est une plainte terri-
ble, c'est un dernier soupir. De pareilles prières font blan-
chir les cheveux. Nos prières ne sont plus que des gémisse-
ments. La couronne d'épines s'est fixée sur notre front comme
un signe de ta colère* Nos mains suppliantes s'élèvent vers toi.
a Et nous, nous regardons dans le ciel si deses hauteurs cent
soleils ne tomberont pas pour confondre nos ennemis ! Tout
est tranquille dans l'azur des cieux; comme toujours, l'oiseau
libre y voltige. Alors, dans l'égarement horrible du doute,
avant que notre foi se réveille, nos lèvres blasphèment, bien
que nos cœurs saignent. Aussi, juge-nous d'après nos cœurs,
et non d*après nos paroles !
« Combien de fois ne nous as-tu pas fustigés ? Et nous,
avant que le sang de nos dernières blessures ne fût séché,
nous nous écriions de nouveau : « Il s'est laissé fléchir, car
«c il est notre Père, il est notre Seigneur ; » et, de nouveau,
nous nous relevons plus sincères dans notre confiance. Et ce-
pendant, avec ta volonté, l'ennemi noua écrase de nouveau.
Son rire, comme une pierre sur notre poitrine, nous crie :
Où est donc ce Dieu, leur Père ?
a Seigneur i Seigneur ! le monde a horreur des choses
terribles que le temps nous apporte. Le fils a tué son père, le
frère a tue son frère. Il y a, parmi nous, des masses de Caîn.
Mais, ô Seigneur, ils sont innocents, bien qu'ils aient reculi
DE LA RÉyOLUTION POLONAISB.
notre avenir ; d'autres démons ont traTaillé avec eux.
glaive flamboyant, punis seulement la main qui les
rigés.
« Regarde, dans le malheur, nous sommes toujours les
mêmes. Comme les oiseaux des bois qui vont reposer dans
leurs propres nids, nous nous élevons vers toi, vers les étoi-
les, par la prière. Préserve-nous, par ta main paternelle ;
promets-nous de voir ses futurs bienfaits ; que le parfum de
la fleur du martyre nous endorme, que Tauréole du martyre
nous entoure !
a Et, avec son archange en tète, nous courrons à la lutte
sanglante, et, sur le cœur palpitant de Satan, nous enfonce-
rons ton étendard victorieux. Nous ouvrirons nos cœurs à nos
frères égarés ; le baptême de la liberté lavera leur faute.
Alors, le vil blasphémateur entendra notre réponse : // y
avait, il y a un Dieu. »
Mais les églises mêmes n'étaient pas sacrées pour les Rus-
ses. Les femmes, les enfants, les vieillards, qui chantaient des
hymnes patriotiques, se virent mitraillés dans leur temple.
On arrachait les prêtres de l'autel, les cosaques se paraient de
leurs ornements sacerdotaux.
Ces profanations obligèrent le clergé polonais à fermer les
églises. Toute la population prit le deuil. Hais le deuil même
sembla factieux aux Moscovites, qui mirent le pays en état de
siège.
Un doit penser quelles affreuses rigueurs étaient la consé-
quence de cette mesure, exécutée par des barbares. La Polo-
gne laissait faire. Elle attendait, pour se lever, une occasion
solennelle. Cette occasion lui fut bientôt fournie. Sentant le
sentiment national vivace, malgré toutes les persécutions,
Alexandre II dût trouver le moyen de l'éteindre en adoptant
enfin la théorie du marquis Wielopolski sur le Panslavisme.
C'était le fameux recrutement qui donna le signal de celle
immense révobition à laquelle nous assistons aujourd'hui.
Hais avant d'entrer dans les détails de cet acte politique,
expliquons un peu ce qu'est le marquis Wielopolski, et ce
qu^est son système.
Ecoutons Henri Martin (1) :
« La Pologne, après 1831, semblait finie pour cette fois
sans retour. L'armée nationale dissoute, la langue russe en
possession exclusive de l'administration et de l'enseignement,
les études libéralessystématiquement étouffées, le terrorisme
en permanence, une conscription écrasante enlevant inces-
samment de^ ses foyers une jeunesse qui ne les revoyait ja-
mais ; ce n'était point assez : quarante-cinq mille laniiUes
(1) Pologne et Moscovie,
376 HISTOIRB
sont déportées au Caucase !... Ce n'était point encore assez :
Tenlèvement d'un seul enfant juif a plus fait que cent griefs
séculaires pour perdre le gouvernement du pape ; le pape-
empereur du Nord» arrache par milliers les enfants à leur
mère, pour les envoyer pénr dans les déserts de la Rus-
sie! »
Le succès paraissait d'autant plus complet que la Pologne
russe ne bougeait pas, quand les deux autres fragments de
cette grande nationalité se soulevaient. En 1846, Cracovieet
laGaliicie; en 1848, Posen et encore Cracovie se révoltent
contre la Prusse et rAutriche, tandis que la Pologne russe
reste immobile. Elle semble morte.
Cette mort, c'était la lente, mais profonde et sûre prépara-
tion à une vie nouvelle. La Pologne, démembrée^ réunissait,
retrempait en silence ses membres déchirés !
Tuée par les divisions des sectes et des castes^ elle renais-
sait par Tunion dans le commun martyre I
Le fanatisme religieux avait détruit, en Pologne, l'unité.
Au fanatisme a succédé Vesprit vraiment chrétien.
Le malheur a éclairé les esprits et touché les âmes, et les
sentiments de justice et d'égalité préparent l'enfantement
d'une nouvelle Pologne.
Nous avons vu les trois envahisseurs réunis à Varsovie.
La Pologne avait subi leur présence comme an outrage.
Elle avait compris leur alliance comme un pacte conclu
. pour son asservissement éternel.
Aussi bientôt, sans autre impulsion que le sentiment de sa
foi dans son existence nationale, la Pologne se lève. Désar-
mée, elle se lève sans armes. La révolution n'a, pour elle,
que le chant des hymnes, que la prière dans l'église. El
voyez comme elle est puissante cette idée révolutionnaire:
prêtre, ministre, rabbin, se donnent la main. Chacun selon
son rite, adresse à Dieu le même cri d'espoir, la même fer-
vente prière.
C'est que pour la Pologne toutes les religions se sont réu-
nies en une seule, une sorte de religion nationale, dont la
devise est Dieu et la patrie t Leur dieu n'est ni celui des
chrétiens, ni celui des Juifs, c'est le Dieu de la justice et de
l'humanité.
Ce peuple s'avance en chantant, hommes et femmes, en-
fants et vieillards, devant les bataillons ennemis. Il s'arrête,
les bras croisés sur la poitrine, sans résister et sans fuir,
sous les sabres levés et la fusillade. Ceux qui ne tombent pas
continuent le chant; les autres apparemment l'achèvent de-
vant Dieu?
Que pouvait le despotisme sur ce grand peuple ? N'avait-il
pas à craindre que le soldat se lasse d'être bourreau ?
DB LA KÉVOLCTION POLONAISE. 377
Il fallait à la Russie un moyen de forcer la Pologne à pren-
dre les armes, afin d'avoir un motif pour Técraser.
Biais qui trouvera ce moyen? Les Husscs connaissent trop
bien les mensonges officiels de Sainl-Péfersbourg, pour se
contenter de paroles, et il faut qu'ils luent la Pologne. Quel
moyen emploiera-t-on pour armer le peuple esclave contre
ses oppresseurs !
En vain les hommes d'état russes cherchent- ils. C'est un'
Polonais nui peut seul trouver le moyen d'étouffer le cri des
Polonais demandant une patrie.
C'est le marquis Wielopolski.
Est-ce un ennemi de son pays, ou bien est-ce un homme
qu'une immense erreur a entraîné dans une voie fatale ?
C^est un patriote exclusif, un homme à idées arrêtées, pré-
conçues, qui, se trouvant méconnu par les Polonais, s'est
adressé aux Russes.
Il n'a pas trahi les hommes, mais la nationalité. Il voulait
sincèrement que le sang ne coule pas. Il assassinait la Polo-
gne, mais croyait ne pas tuer un Polonais.
Voici son histoire :
Il servait la révolution en 1831. Envoyé à Londres, il y pré-
senta des mémoires diplomatiques très-remarquables a lord
Palmerston. Ses efforts se brisèrent contre le parti-pris d'im-
mobilité de TAngleterre. Quand la révolution fut vaincue, il
n'émigra point. Il attendit.
Pendant quinze ans, il garde le silence. En 1846, il écrit
un ouvrage d'une sombre éloquence : Lettre d'un gentil-
homme polonais au prince de Me tternich^C'é\sii\ au sujet des
massacres de Gallicie. L'Europe tout entière fut remuée parce
livre.
« La Pologne, disait-il, abandonnée de l'Occident, ne sau-
« rait s'affranchir de ses trois oppresseurs; qu'elle se donne
« à un seul, à celui qui est Slave comme elle ; qu'elle abiii-
a que dans un suicide vengeur, et qu'elle punisse l'Europe
c( en créant le Panslavisme ! d
Il 7 avait, dans ce programme, une monstruosité et une
erreur.
L'erreur, c'est que la Russie, — c'est-à-dire la Moscovie,
n'est pas Slave.
La monstruosité, c'est que la nationalité polonaise repré-
sente la liberté, plus que l'idée de race, et que proposer à la
Pologne d'abdiquer son titre de nation, c'est lui faire abdiquer
sa liberté.
« C'était, dit Henri Martin, la tentation du Christ sur la
montagne
c Renonce à ta mission, à ton âme, et tu auras, au lieu de
c la croix et de la couronne d'épines, les couronnes et kss tré-
48
378 H16T0IRB
a sors de la terre, — et quelque chose de plus que ce qui fut
o offert au Christ, la vengeance! »,
c< La tentation était forte. La Pologne ne devait rien à PEu-
rope; rien, hélas! pas même à la France!
a Rien à rAllemagne ! ce serait trop peu dire : ce qu'elle
lui devait, c'est à la conscience de rAllemagne que nous le
dcnriandons!
a La Pologne refusa. Cette nation vraiment sainte ne voulut
pas descendre de son calvaire.
« Le marquis Wielopolski s'enfonça seul dans sa pensée.
« Nicolas, bien assis dans son terrorisme, méconnut ou dé-
daigna le concours qu^offrait à sa force matérielle cet esprit
redoutable. Avec Alexandre 11, le marquis Wielopolski crut
son jour arrivé. Un moment il fut ému, ou du moins étonné,
par la grandeur et par les formes inouïes du mouvement
populaire de 1861; mais il n'avait que dédain pour les pacifi-
ques révolutionnaires qui avaient préparé ce mouvement par
trente années d'obscures et infatigables travaux, et qui résu-
maient leur sentiment et leur action dans ces deux mots :
droit et patience. Zamoîski et Wielopolski se trouvèrent alors
en présence comme le bon et le mauvais ange de la Pologne.
« Le marquis fut enfin accepte à Saint-Pétersbourg, où avait
commencé cette politique d'incohérence et de contradictions
énormes qui a remplacé le simple et net despotisme de Nico-
las. »
Pendant ce temps, il y avait à Varsovie un homme qui con-
trebalançait rinfluence russe, sous le gouvernement du grand
duc Constantin. C'était le comte André Zamoîski. L'idée q^ue
représentait le comte, c'était la Pologne libre, autonome, in-
dépendante ayant un gouvernement polonais, une adminis-
tration polonaise, une armée nationale, mais un souverain
russe, un prince de la famille du Czar ou le Czar lui-même. *
Wielopolski commença par faire intenter à Zamoîski un
procès de haute trahison. Il ne réussit pas. Il ne pût parvenir
qu'à le faire envoyer en exil, sans lui donner le temps de dire
adieu à sa femme mourante.
« Et pourtant, dit Henri Martin, un reste de sentiment
national se débattait encore dans cette âme étrange; tout en
prétendant faire disparaître la Pologne dans la Russie, il eût
voulu çouverner la Pologne avec des Polonas, avec la langue
polonaise; il visait, au fond, à faire gouverner la Russie elle-
même par l'intelligence et l'activité des Polonais. Une espèce
de patriotisme monstrueux se laissait encore entrevoir dans
son (sniement de la patrie. Hais l'esprit de système ulcéré
par la résistance qu'il soulevait, la haine pubhque dccbainée,
les quelcjues tentatives individuelles de violence désespérée
qui succédèrent tout à coup à optte douceur unanime dans la
DE LA RÉVOLUTION POLONAISE. 379
martyre, impossible à soutenir longtemps pour la nature
humaine, poussèrent rapidement le lieutenant du czar à
cette fureur froide des tyrans où s'abîme tout ce qui reste en
eux d'humain.
« Il faut qu'il écrase tout ce qui résiste.
« Ce qui résiste, c'est tout ce qui fait groupe et tout ce qui
sait lire.
« Ce qu'on peut gagner peut-être, c'est la portion la plus
ignorante, la plus dispersée, mais la plus nombreuse, les
classes agricoles.
« II cherche, il se concentre, il se résume.
« L'homme de la Lettre au prince de Metternich va de-
mander ses inspirations à la tradition de Metternich. »
C'est Torganisation de la Vénétie qu'il va imiter, et même
dépasser.
Pour cela il supprime la conscription générale, et la rem-
tlace par une conscription sans tirage, sur désignation facul-
itivedeTautorité!
On rasait ainsi les trois classes révolutionnaires, petits,
nobles, bourgeois, ouvriers, toute la sève, toute la vie de la
nation.
Hais en même temps l'autorité n'attaquait pas le paysan.
Elle le laissait à sa charrue.
Que devail-il arriver?
La conscription s'opérerait silencieusement, et la nationalité
polonaise était tuée sans coup férir.
Ou il y allait avoir révolte, insurrection, et on voyait cette
nationalité dans le sang.
Des deux façons le panslavisme était établi.
La stupeur, on l'eût d'abord à Varsovie ; une nuit. les exécu-
teurs de l'œuvre de Wielopolski forcèrent, comme des voleurs
nocturnes, les portes des familles varsoviennes, et en arra-
chèrent, au milieu des pleurs et des cris de toute la cité, les
victimes désignées. Le lendemain, le journal officiel rendit
hommage aux bons sentiments des conscrits, satisfaits d'aller
servir sous le drapeau de leur prince.
C'en était tropi la Pologne ne put supporter ce dernier |
outrage. L'insurrection qu'on voulait, on l'eut. Les conscrits, i
traînes dans la citadelle, refusèrent le serment. !
a Les recrues des autres villes, où les opérations allaient
suivre celles de Varsovie, résolurent de se faire tuer dans
leur patrie plutôt que d'aller mourir au Caucase. Dans la nuit
du 22 au 23 janvier, on se jeta partout avec des faux, des
bâtons, ou les mains désarmées, sur les garnisons russes, leurs
baïonnettes et leurs canons.
a Voilà, dit M. Henri Martin, ce qu'on a eu l'audace de
nommer une tentative de Saint-Barthèlemy, Là où les Russes
380 SISTOIBB
se sont laissé surprendre^ on les a désarmés et renvoyés libres.
Par compensation , bon nombre d'insurgés faits prisonniers
ont été passés par les armes avec plusieurs officiers de Tarmée
russe qui les avaient rejoints.
a Et maintenant les hommes de tout rang^ de tout ftge, sont
accourus de toutes parts s'unir à cette jeunesse désespérée.
Les paysans font mentir les espérances insultantes qu'on avait
fondées sur eux. La guerre de partisans s'étend, multiple, in-
saisissable, immense.
« Et maintenant, que les imprécations de ces milliers
d'Iiommes réduits à errer comme des loups dans les forêtâ,
parmi les neiges, pour n'avoir pas voulu livrer leur cou au
collier comme des chiens servîtes; que les malédictions des
mères désolées, que les cris d'angoisses des familles livrées
aux fureurs de la soldatesque étrani^ère déchaînée dans les
campagnes, que l'anathème qui monte des poitrines d'une
nation entière éclate et tombe sur une seule tête! — sur la
tète de l'homme dont Tinsolent orgueil a prétendu disposer
seul des destinées de son peuple, malgré son peuple et contre
son peuple!
a Le marquis Wielopolski a voulu un nom retentissant dans
Phistoire.
a II Taura.
€ On dit : Koscîuszko.
a On dira : Wielopolski. (1) »
C'est qu'en efi'et, ce mouvement n'est pas seulement aujour-
d'hui une de ces aurores sanglantes qui précèdent le grand
jour de l'affranchissement. Le soleil de la justice a enfin lui.
L'insurrection désirée par Wielopolski, a dépassé ses calculs.
Il s'attendait à une émeute dans les rues de Varsovie, au calme
dans la Pologne. Varsovie est restée calme et silencieuse^ et la
Pologne' entière s'est levée.
(i) Pologne etMQficovie,
DELA RÉVOLCTION POLONAISE. 381
CHAPITRE XVI
Le gouYernement national aux conscrits polonais. -^ Le recratement. —
Compte rendu du journal officiel. — L'insurrection commence. —
Adresse aux ouvriers français sans travail. — Les faucheurs. — Actes
répressifs du gouvernement moscovite. — Maryan Langiewicz. — Son
histoire. — Le camp de Wonchock. — Combat de Mielico. — Bataille
de Sainte-Croix. — Attaque du camp polonais de Staszow. — Langie*
wicz cerné par les Russes. — Bataille a*01kusz. — Le camp de Gorscza.
— Portrait de Langiewicz. — La reine des insurgés. — Mademoiselle
Poustowojtoï. ^ L armée polonaise,* — Instructions et manœuvres. —
Langiewicz est nommé dictateur, — Sa proclamation. — Cérémonie
d'investiture.
Pour ceux qui lisent Thistorique des événements dont la
Pologne est le théâtre, dans les journaux inféodés à la poli-
tique russe, nous n'avons pas à revenir sur la mesure du
recrutement que nous venons d'apprécier sommairement
dans le précédent chapitre.
Dès que la nouvelle en courut, Fopinion publique en Po-
logne ne pût croire à la réalité du fait. On ne croyait pas que
le système Wielopolski pùi être pris au sérieux. On ne soup-
çonnait pas le czar d'être à la fois assez cruel et assez maladroit
pour engager ainsi un duel à mort entre Théroique Pologne
et la froide Hoscovie.
1 La preuve de ce fait, est que sur le bruit d'un prochain
I recrutement, un écrit daté de Varsovie le !•' janvier 1863, cir-
j cula dans le pays, distribué par des patriotes, et émanant d'un
comité secret, impalpable, introuvable, germe du gouver*
nement nalional :
Cet écrit, fort remarquable par sa modération est intitulé :
A ceux qui seront atteints par la conscription^ un mot d'adieu.
On n'y trouve aucune excitation à ]^ désobéissance, rien de ce
qui pourrait motiver des infractions aux lois militaires :
a Vous serez enrôlés non sous votre véritable drapeaUi
382 HisTOUis
mais soas œlui de la Russie. Nous avions espéré que la déli-
vrance du pays précéderait et empêcherait ce nouveau recru-
tement. Dieu ne Fa pas voulu. Nous devons^ non pas nous
plaindre, mais travailler à ce que cette conscription soit la
dernière.
a Vous qui en serez les victimes, le pays vous accompa-
gnera de ses prières et de ses vœux. Vous ne renierez pas
votre patrie; vous garderez, au contraire, profondément en-
raciné dans vos cœurs le sentiment national, et vous servirez
partout où vous le pourrez la cause de la Pologne.
«La Pologne vous demande ce sacrifice, et c'estle plusgrand
que vous puissiez lui offrir. Il est beau sans doute ae cueillir,
par une résolution hardie, la palme du martyre; mais il est
plus difficile et plus glorieux de vivre, loin de sa patrie, d'une
viede sacrifices continuels et sans cesse renouvelés, sans laisser
fléchir sa foi et son patriotisme. C'est là ce que (e pays vous
demande*
et Vous laisserez derrière vous des mères, des sœurs, des
femmes condamnées au veuvage anticipé; des enfants devenus
orphelins; ne craignez rien pour elles ni pour eux; le pays
les prendra sous sa protection; vos enfants deviendront ceux
de la nation, et seront élevés par elle comme ils t'auraient été
par vous, dans des sentiments de liberté et de patriotisme. »
La Pologne n'avait pas compris jusqu'où allait la cruauté de
ses bourreaux.
Mais son erreur ne fut pas de longue durée, car le 12 janvier
le gouvernement russe expédiait dans toutes les directions
des instructions qui ne laissaient pas ïe moindre doute.
Les maires, les commissaires de police et les bourgmestres
devaient veiller sur la conduite de toute personne n'ajant
pas d'occupation fixe, et surveiller attentivement les agita-
teurs, soit qu'ils résidassent dans la localité soit qu'ils vins-
sent du dehors. t\u premier siçne inquiétant, les agitateurs
devaient être livrés au chef du district ou au commandant de
gendarmerie. Les autorités étaient à ce sujet investies d'un
pouvoir discrétionnaire.
11 était défendu de laisser célébrer aucun service religieux
en commémoration de faits historiques ou d'anniversaires
nationaux ; de laisser prier pour les condamnés ou pour les
personnes mortes en prison ou dans Texil ; de laisser chanter
dans les églises les hymnes défendus par le gouvernement
impérial et royal.
Toute manifestation extérieure d'un caractère national
devait être empêchée soit par la persuasion, soit par la force.
Toute espèce d'illuminations, non autorisées sur quelque
E)int que ce soit, devaient être immédiatement signalées par
police à la gendarmerie qui éiait chargée de^ punir ceux
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 383
qui les auraient allumées, et ceux qui se seraient opposés à
ce qu'elle fussent éteintes.
Les costumes nationaux et vêtements de forme insolite
étaient de nouveau défendus. Les récalcitrants devaient-être
immédiatement arrêtés et livrés au tribunal de simple police^
puis envoyés, s'il y avait lieu au district ou au commandant
de gendarmerie.
Tous emblèmes nationaux et inscriptions ayant un carac-
tère public^ devaient-être immédiatement effacés. La plus
grande surveillance allait-être exercée sur tous les écrits^
placards^ brochures non autorisés, et sur les personnes soup-
çonuées de concourir à leur propagation ou seulement d'en
avoir en leur possession.
A la moindre infraction^ à la moindre observation sur cet
arrêté^ les délinquants ou récalcitrants devaient-être saisis et
livrés a Tautorité militaire.
Cette dernière mesure pouvait augmenter sensiblement le
nombre des recrutés involontaires. On choisit pour mettre le
projeta exécution lanuit du iSjanirier 1863. Les victimes furent
enchaînées et traînées dans les casernes et la citadelle, au*
milieu des cris, des larmes, des malédictions des familles.
Ces recruteurs trouvaient drôle, de prendre les passants
et de les enrôler; quelquefois deux hommes portant le
même nom, les exécuteurs du plan Wielopolski, choisissaient
un malade alité. C'était un délassement comme un autre.
Les conscrits, étaient liés étroitement les mains derrière le
dos.
A cinq heures du matin l'opération était terminée.
La Pologne n'avait pas remué devant l'attentat. Hais quelque
chosede plus horrible que le crime lui-même devait soulever
cette nation comme un seul homme.
Ce fut le compte rendu du journal officiel. Le voici dans
toute son infamie :
a Le recrutement s'est opéré à Varsovie, avec une tran-
« quillité et un ordre parfaits. On n'a pas eu à rencon-
a trer une résistance, même isolée, et depuis trente ans,
c( il n'y a pas eu d'exemple que les recrues aient montré tant
a d'empressement et de bonne volonté.
a A l'heure qu'il est dans les sallesde l'Hôtel-de-Ville et de
a la citadelle, où les conscrits sont provisoirement placés, ils
a témoignentles meilleures dispositions et montrent même|de
a la gaieté.
a Beaucoup d'entre eux se sont plaints des machinations
« du parti de l'action et des prétendues autorités de ce parti
« qui, de la voie du travail honnête, les a jetés dans celle de
a Toisivetéet des illusions chimériques, les privant ainsi de
a leur unique source de revenu, plaintes qui sont d'accord
« avec les aveux faits devant la cour martiale.
384 HISTOIRE
a Beaucoup ont aussi exprimé leur sali sfacUon de ce qu'à
a ré<'ole d'ordre qu'ils trouveront dans le service militaire,
« ils pourront s'affranchir de l'oisiveté de la vie inoccupéi;
a qui leur parait, aujourd'hui surtout où la diminution des
a années de service (15 an^ au lieu de 25) et le changement
a dans la manière dont on traite les soldats^ mettent dans de
a toutes autres conditions ceux qui entrent dans les rangs mi-
a lilaires.
a Ceci est tellement vrai, qu'un grand nombre de personnes
« désignées pour le recrutement et qui, absentes pour le
« moment, ignoraient le jour de la levée, ou, pour d'autres
« raisons, n'avaient pas été trouvées à leur domicile, se pré-
ce sentent volontairement devant l'autorité.
a Le lendemain même du recrutement, quarante-neuf in-
a dividus se sont ainsi présentés.
a 11 se trouve même des volontaires.
u Les mesures répressives, préparées à Varsovie par les
« autorités civiles et militaires, pour le cas de désordre n'ont
« dû nulle part être employées.
^ « La conduite de la troupe et de la police a été exemplaire,
« et le résultat si satisfaisant de celte importante opération
« dans la capitale , fait espérer que le recrutement s'accom-
« plira de la même manière dans les provinces et que, là
« aussi, les tentatives des anarchistes, pour provoquer des
a troubles, resteront sans résultat. »
L'impression produite par cet article fut immense. Cette
goutte de poison fit déborder le calice. Ce qqe n'avait pu
encore exciter aucun des attentats commis depuis deux ans à
Varsovie et ailleurs, dit M. de Hontalembert, a été l'œuvre du
scribe anonyme qui a écrit ce mensonge dans sa feuille offi-
cielle. Sa main vénale a mis le feu aux poudres. Cet outrage
public à la douleur et à la pudeur publiques, prendra rang
dans l'histoire, à côté de ces outrages à la pudeur des femmes,
qui donnèrent le signal, à Rome de l'expulsion des Tarquins
et des Décemvirs; à Palerme, des Vêpres Siciliennes. Honneur
immortel au peuple que l'injure morale révolte plus que tous
les supplices matériels; qui peut tout subir, tout endurer,
hormis Thypocrisie officielle, hormis le mensonge promulgué
en son nom et pour son compte. Esclave, soit; mais esclave
reconnaissant et satisfait, non; esclave qui se laisse féUciter
d'être libre et heureuxy non, mille fois non !
Garotté, bâillonné, déporté, soit encore; mais sous l'en-
trave, sous le bâillon, et sous le knout, le polonais veut au
moins que le monde le sache victime et jamais complice de la
servitude. La mort et la ruine, tous les désastres et toutes les
tortures, plutôt aue l'adhésion silencieuse au mensonge cou-
ronné et impuni!
* DE LA RÉVOLITTKm MLONAISB. 385
Le Comili eentrtU national, n'airail eu jaaqaalors d'autre
mission que de veiller à la conservation des principes de
nationalité qui sont comme la base de Théroîsme polonais. Il
comprit dès lors sa mission. Il n'y avait d'ailleurs pas à re-
culer. L'insurrection allait commencer.
Eh bien! cette puissance inconnue, anonyme, s'éleva aussi-
tôt à la hauteur de sa tâche.
Le 18 janvier une proclamation, répandue immédiatement
sur tout le sol potonais-lilhuanien-ruthénien , appelait aux
armes, tous les hommes de cœurl
C'était le signal attendu depuis trente-trois ans! Cétait ce
que Wielopolski espérait, mais moins grand, moins puissant»
moins unanime.
Cette proclamation la voici. Elle est le premier acte du gw^
vemement national, elle appartient à Tbistoire :
« Polonais,
« Ce désastre ne nous fait pas reculer; nous allons hardi-
ment en avant, remplis.de confiance en Dieu et en la sainteté
de notre cause.
< Le comité central national ne s'est pas dissout, il existe
continuellement, fort, et animé d'autant plus de zèle, que la
situation du pav^ exige une plus granae part d'activité et
d'énergie. Notre drapeau n'est pas tombé et ne tombera pas;
ralliez-vous, frères, autour de lui avec d'autant plus.de force
et d'ardeur que l'ennemi écrase et opprime davantage.
« Ne perdez pas courage, redoublez Hu contraire d'énergie.
Que l'ennemi, dans ses projets criminels ultérieurs, trouve en
vous une résistance vigoureuse et héroïque, et il ne prendra
plus de recrues.
a Polouais! appuyez-vous les uns aux autres, par votre
courage, votre dévouement, votre audace, et nous le jurons,
nous ne vous abandonnerons pas, nous persévérerons jusqu'à
la fin et vous vaincrez.
<c Le Comité central national proclame tout le pays en état
exceptionnel; il ordonne à tous les véritables fils de la patriede
se défendre jusqu'à la dernière extrémité, fût-ce individuelle^
ment contre le recrutement; il leur ordonne de délivrer ceux
qui ont été déjà 'saisis par les Moscovites, et de donner asile à
ceux qui se cachent.
a II met hors la loi tous les complices polono-russes, qui
ont pris part à l'accomplissement du recrutement à Varsovie,
et tous ceux qui, jusqu^à présent, ont prêté la main, ou doré«
navant la prêteront aux actes criminels de l'invasion. Il est
permis à chacun de mettre à exécution ce jugement et
cette sentence sans encourir aucune responsabilité devant
IKeu et la patrie! »
388 mmmiB
' Le !!i j&tivfef^ cette t>ToeIamtttion avait porté ses fraiU. La
Potogne entière était en insarrection.
Datis la nuit du 20^ les rues de Yanovie présentaient im
étrarige spectacle.
Des bandes de jeunes gens se formaient pour fairf....
~ Datis lt3s égUdes, les femmes étaient en prière.». Ces jeunes
gens entraient^ recevaient la bénédiction du prèkre et par^
talent...
' Le 22, aux environs de Serock, petite vide près de Varsovie^
sept cents jeunes gens de la capitale étaient réunis. C'était là
ùtï des noyaux de cette Immense guérilla!...
'Le drapeau national» flottait au-dessns de leur fôtel
Dans ce moment suprême, tandis que les premiers ecmps
de* fà^ s'échangent, nue rinsurreciion commençai un aote
des Polonais mérite d'etré êtgnalé ici, car il a une portée im**
mense^ au point de vue des sympathies françaises pour la
Pologne.
Lés ôOHfrïeh; de Varsdvle^ etivoient le 27 janvier aneadtetse
àtix ouvrière finançais.
« Salut, frères français! Nous savons que cbei vous beau*
éQUp d«f fàbric}Ue9 sont fermées, que le coton manqoe et que
Beaucoup d*ouvHer6 sont sans travail; et nous avons apprit
Îné chacun ed France, s'impose pour ses frères plus pauvres. i
Ms, noué Aussi, nous arvons rassemblé, à la hâte, ce que
ECUS avons pu. Nous vous l'envoyons. Cest peu, mais nous ne
pouvoné le faire ouvei^tement. Pourtant, cette offirande vous la
recevrez cordialement, car c'est Toffrande de frères pour leurs
frères ; et il *y a longtemps ^«e nous sommes frères, cela môme
A'a pas besom d'être prouvé» NosCrères onttxHnbattu avec les
vôtres sous le même drapeau.
' « Nous sympathisons d^autant pins ai^ecvous, que neus
•<Hllffh!>ns beaucoup nous^miêmes. Vous, du moins, vous aves
Irotjhe patrie!... »
Ici Vadresse racontait les événements de 1861» et le drame
(ont irécetit du recrutement^ puis terminait ainsi t
« Nous avions Juré il y a deux ans^ qu'il arriverait malheur
ant Moscovites si leur czar ne nous tenait pas parole. Nous
avions delà perdu beaucoup de temps à vouloir obtenir paci-*
flqnemenl des améliorations. Tous sestir«it dans notre nation
Sue les promesses du gouvernement moscovite sont men-*
3ngèreSi Alors criant : vengeance! à Dieu Jeunes ou vieux
nous allons a un combat désespéré. Nous quittons les ateliers |
et les Ihbriques et nous marchons à la mort,
c Les Moscovites s'acharnent contre nous s ils ont des |
Îirmes; il leur vient des renforts. Vous n'ignorez pas, frères
rançais,que nouslKurona beaucoup de aang à verser, car noua |
n'avons ni soldats, ni armes, ni poudre à «anoft;.maîaiiaiii
DB LA RÉV<n.l)TrON POLONAISE. SSl^
combatlrons Tolontlers Jnsqu^à l.n mort, car vivre ainsi dan»
une horrible servitude, c^est impossible. Notre cause est
bonne et juste, nous nous aidons nous-mêmes, et Dieu noua
aidera, si personne ne vient à notre secours.
a Tous ayant dit, frères français^ ce qui se passe chez doqs»
nous vous prions d'être toujours nos amis.
« Recevez notre embrassement fraternel. »
Suivons maintenant la marche de ces héroïques défernseurs
de la plus noble et de la plus sainte des causes.
Les deux premières bandesdinsurgés se formèrent à Serock»
au confluent du Bug et de la Narew, et à Kasmierz. sur la;
Vistule. ■
Le 22, les hostilités commencèrent ; dans la nnit du 23 aq
2i, il y eut un combat dans les forêts situées entre Lonviez et
Piotrkovir. Les Russes n'eurent pas l'avantage dans cette pre^
mière rencontre, où fut tué un de leurs colonels*
Au même moment l'insurrection s'étendait «t prenait dei
aspecb différents. A Radom^ ville située au snd de Varsovie;
unevingtaine de jeunes gens au cœur même de la vill^, avaient
fittaqué le principal corps de garde mais s'étaient dispersés
devant l'arrivée de troupes considérables. A Plock, siiuée à
Touest de la capitale^ il y avait eu^ le 28 janvier des engage^
ments fort meurtriers. A Surate, les Polonais furent pendant
plusieurs heures, maîtres de la ville. On se battait à la fois ^
Rdadzvn^ à Siedlce, à Lomza. Pour quiconque sojt sur M
carte de Pologne le mouvement insurrectionnel, le fait ca-
ractéristique de cette guerre, est qu'elle éclate dfe tous cAté$
en même temps, sans auMl semble possible qu'un moid'ordfé
soit échangé entre les diverses bandes. Un corps considérabld
Be formait dans le gouvernement d^Augustow. Une véritable
armée se créait dans le palatinat de SandOnnir. *'
Dès le premier moment, l'héroïsme des insurgés venait
enflammer les polonais. Dans les derniers jours de janvier, ï
Plock, l'avocat Zegrzda fut pris les armes à la main. Il se fit
immédiatement sauter te cervelle pour ne pas rester prison^
nier des russes, •
C'est à la même époque qu*on revit les faucheurs.
Les faucheurs polonais ne sont^pas, comme on pourrait le
supposer, des insurgés de hasard. Leur arme est certes la
plus nationale de la Pologne. Dans toutes les insurrections
précédentes, la faux a été l'arme démocratique, grâce à la-
quelle, malgré la prohibition sévère de tont engin de guerre,
ie peuple r/est jamais désarmé. Quand éclata le mouvement;
les propriétaires polonais n'avaient pas même le droit de
posséiler un 'fusw pour se défendre et défeqdre leurs besliau^
contre les- atriioaux danjiiereuîi. Maia en revanche }es faut
étaient assez nombreuses pour que les premiens insurgée
98it nisTomi
sorlis des villes puissent s*en armer» Les ouvriers, IcscuUiva-
teurs, les jeunes gens, tous ceux enfin qui n'avaient pu se
Erocurer une arme à feu'devenaient Kossyniers. Cest Ig nom
éréditaire des faucheurs.
En trois ou quatre jours TinsurrectiOD s'étendait a plus de
cent localités. Poursuivant malgré cette terrible opposition,
l'œuvre commencée à Varsovie, le gouvernement russe fixa le
27 comme jour du recrutement dans les provinces. Mais nulle
part, il ne put faire exécuter cette mesure. Aux environs de
la capitale on enleva quelques infirmes que l'on promena
liés et garottés, ou plutôt que Tou traîna par les rues dans le
but de faire éclater à Varsovie même une insurrection qui
eût été immédiatement' punie d'une destruction complète de
la ville, ce qui eût dans la pensée du gouvernement, éloufiTé
rinsurrection.
Mais plus puissant que la tyranme, plus fort que la Russie
f et ses bourreaux, le comité national maintenait Tordre que
1 les règlements de police étaient bieu plus tôt de nature à faire
troubler, par l'exaspération des babi tants.
Ainsi, le 26 janvier avait paru cette ordonnance s
a 1* Les attroupements ae plus de trois personnes sont
défendus ;
I * tt 2'' Les rassemblements en cas d'incendie sont défendus ;
' a 3"" Les portes des maisons doivent être fermées à neuf
heures du soir ;
a i"" A. partir d'aujourd'hui, on ne pourra pas sortir après
neuf heures du soir, sans être muni de lanterne ; depuis une
j heure du matin jusqu'au jour, personne ne doit se montrer
I dans les rues :
I c S^" Les cabarets, cafés, restaurants, doivent être fermés à
: six heures du soir. »
I . En même temps commençaient les actes de sauvagerie que
l'on ne peut considérer comme conséquences de la guerre.
I Ainsi le 28 janvier, à Szydlov^ice, dans le gouvernement de
I Sandomir, un conflit ayant eu lieu entre les insurgés et les
; cosaques, ceux-ci, alors que toute résistance avaitcessee, et que
les insurgés étaient dispersés, se précipitèrent dans la ville,
qu'ils mirent littéralement au pillage. Après le pillage, vint le
massacre. Quand il ne resta plus rien à tuer ou à voler, ils
allumèrent un vaste incendie , qui détruisit entièrement la
ville.
Il semble, et c'est un des caractères de cette lutte sans pré-
cédents, que les soldats de S. M. Alexandre II, croient ayoir
effacé toute trace de leurs méfaits, quand ils en ont incendié
le théâtre. La tactique suivie à Szydlowicey fut un exemple
fidèlement imité. Le lendemain, à Podzentyn, les mêmes faits
eurent lieu.
DE LA BiVOLOTIOIf POLONAISE. 389
Est-ce en vertu d'un ordre supérieur? Est-ce qu^un même
instinct de destruction forme le fond du caractère national
moscovite ?
On ne saurait cependant admettre cette dernière hypothèse,
car la haute société russe désapprouvait ce brigandage ofÛcicK
Ainsi, un Kusse écrivait, le 28 janvier de Saint-Pétersbourg à
un journal français :
a Qui sont les brigands des recruteurs ou des recrues? En^
voycr des Polonais à mille lieues de leur pays, servir vingt-
deux ans, car c^est bien vingt-deux ans et non quinze que le
soldat sert chez nous, les mal nourrir, les mal vêtir et les
battre sans miséricorde, n'est-ce pas là une perspective propre
à pousser tout un peuple au désespoir?
a Si Ton émancipe les serfs, pourquoi ne pas émanciper les
Polonais ?
a Comment Tempereur peut-il prendre sur son fime toutes
les cruautés qui se commettent en Pologne? d
Voyons maintenant qu^eùe était la conduite des Polonais
dans la lutte. Lorsqu'ils pénétraient dans une ville dont ils se
trouvaient momentanément les maîtres, ils s'emparaient aus^
sitôt de toutes les sommes renfermées dans les caisses pu-
bliques , mais en donnaient reçu aux dépositaires russes. Ils
comprenaient merveilleusement que l'argent devait être le
nerf de cette guerre, et certes ce n'était pas agir déloyalement
que de faire servira la délivrance, les impôts levés arbitraire-
ment au profit des oppresseurs.
. Dans une petite ville voisine de Piock, une somme de plu-
sieurs milliers de roubles tomba ainsi dans les mains d'un
chef de bande, qui, ne pouvant en faire l'emploi, ni l'envoyer
au comité, la restitua aux contribuables*
Quant aux prisonniers, les insurgés se contentaient de leur
{)rendre leurs armes et leurs munitions de guerre, sans leur
aire subir aucune vexation, elles laissaient partir dans leurs
uniformes.
C'est ainsi que les insurgés répondaient à la calomnie que
le gouvernement russe Taisait courir sur leur compte. Les
agences télégraphiques avaient, en etTet, répandu en Europe
la nouvelle qu'une Saint-Bartliélemy avait été concertée à
Vai*sovie, mais qu'elle avait échouée, grâce à la vigueur des
mesures prises par les autorités civiles et militaires.
Et l'on a vu, jour par jour, quels événements s'accomplirent
à Yarsovi»! Du reste, cette calomnie ne fut pas prise en con-
sidération, et lorsque plus tard, Gorstchakotf énuméra les
griefs de la Russie contre la Pologne, ileut la pudeur de taire
celui-là.
A la fin de janvier, la Pologne toute entière était eu état de
390 mflTOtti
Biége^ et fontes lé9 Juridictions étaient remplacées par 4es con-
seils de guerre.
A ce moment aussi rinsurrection n'avait aucun espoir. Les
insurgés ne combattaient que pour mourir dans leur patrie,
plutôt que d'aller en Sibérie, où une mort moins glorieuse les
attendait. Tous les incidents de cette période, révèlent cette
pensée désespérée. Un fait, provenant dé source certaine, le
montre mieux que tout ce que nous pourrions dire.
Le !•' février, un jeune homme de dîx-huit ans, pénétra
dans la ville, char^d^u ne mission de sescompagnonsd'arines
et attiré par le désir de voir sa famille.
11 avait une blessure au front et quatre doigts de la main
coupés.
Sa mission remplie, ses parents voulurent le retenir et I^
conjurèrent, à genoux, de rester au moins parmi euxjusqu^a
ce que ses plaies fussent guéries : a Le temps me {)resse, ré-r
a pondit le noble enfant, et je nç puis m'arrêter ici davan-*
« lage. Vous dites que notre perte est assurée; c'est ce que
c nous verrons. Prankowski, notre chef, dit qu'avec des bâlonç
a et desconteaux nous pourrons nous emparer des baïonnettes
« russes, et qu'une fois maîtres de leurs baïonnettes, il sera
< facile de leur prendre leurs canons. it
Mais si les insurgés les plus voisins de Varsovie combattaient
ainsi en désespérés, sur a'antres points de la terre polonaise^
on avait de plus grandes espérances.
Sur les frontières de Gallicie, notamment, Tinsurrection se
fermait d'une façon régulière, sous Fimpulsion d'un jeune et
brillant chef, Maryan Langiev^icz !
Quel était ce premier soldat de la Pologne? IVoù venait-ilt
Quel était son titre au commandement des insurgés?
Il était né le 5 aoât 1827, à Krotoszym, où sou père était
médecin. Quand vint la révolution de 1830, \e docteur Lan*
gieveicssefitchirurgien des insurgés. En 1831, le typhus qui
sévissait dans les prisons de Varsovie, l'enleva à ses" malades,
prisonniers comme lui .
Ainsi, à quatre ans, Maryan Langiewicz, avait déjà souffert
pour la cause nationale, qui le rendait orphelin I
Il avait deux frères. La veuve du docteur s'imposa les plus
ors sacrifices, pour élever ses trois enfants. L'on se fit corn-
erçant, l'autre devint médecin. Maryan, se destina à la car*
ère militaire.
Krotoszym, est une ville de la Pologne prussienne^ où Ton se
garde bien d'apprendre aux enfants la langue polonaise. Lan»
giewicz se lia avec un allemand, qui la lui apprit à peu près,
au moyen d'une grammaire polonaise à l'usage des allemands.
11 étudia ensuite au .gynmase de Trzemeszno, où il compléta
DB LA HÉfOi;iffVOi POLOllAISi; 4l9i
tes étariBB nmthéin&tlqiiee^ pol» eerfA dam Fàriihérie de la
tondtrMr' prussien ûe, pendant un an.
H déserta enauite, pour ne pat serrir les oppresseurs de son
Îa^s et B0 rendu à Gênes, où il' fui qiielqae temps professeur
i'éeole mUitirife polonai$e ét<iblie dans cette ville. Il y resta
jusqu'à la campagne de 1869, qd'ii âl en qualité d'offlcler des
Tolontaires garibaldiens. 11 suivit le dictateur dans sa glorieuse
promenade miHiaire> de Harsala à Paterme, et de Palerme à
Naples, puis rentra comme professbut k l'école de Cuneo.
La noutelle du déerei ordonnant le recrnlement lui fit en^
treToir rinsarreelion polonaise. Il se rendit dans le palatlnat
de Sandomir^ dont le comitt national lui dotlna le commande-
ment militaire.
C'est là que nous le troutons ie 2 février, à la tête d'nû corps
bien organisé de qninse cents •hommes.
Il établit son camp à Wonchoek. Deux colonnes russes, en-
voyées contre lui de Kieloe el de Radom, rencontrèrent dans
le villag:e de Sochedniow^ un détachement avancé d^une
soixantaine d'hommes, qui soutinrent bravement le feu, et
ne se retirèrent que lorsque les deux colonnes russes ayant
opéré leur jonction, il y eut eu foli à en soutenir le choc. Les
moscovites ne firent que deux prisonniers.
Selon leur habitude, les russes, entrés dans Suchedniow,
^mirent les maisons au pillage, massacrèrent les habitants
inoflënsif^^ et incendièrent les maisous. Gela se passait te
3 février.
Le lendemain, lés deux colonnes se dii^isèrent de nouveau,
et arrivèrent, devant Wonchock par des routes différentes.
Cette ville est bâtie sur un rocher, à droite de la grande
route de Kielce à Radom. Elle renferme d'importantes fon-
deries, qui avaient éteint leurs fourneaux et dont le personnel
était enrôlé dans la petite armée de Langiewicz. Un vaste
monastère de Tordre de Citeaux la domine. C'était là le quar-
tier général du jeune chef.
La ville avait changé d'aspect. « Ici, depuis quelques jours,
écrit un témoin occulaire, tout se i*éveillc et prend une vie
tiottvelle. Les tristes murailles du couvent répètent, sur un
ton d'allégresse, Técho des chants nationaux. Dans les rues,
on voit passer et repasser sans cesse d'intrépides volontaires
vêtus, qui d'une camisole de peau de mouton, qui d'une
teste usée ou d'habits de chasse: tel autre a déjà endossé un
uniforme de lancier. Là, un tout Jeune homme fait résonner
son sabre, et sa fleure rayonne d'un si fier enthousiasme qu'on
dirait qu'il court a une victoire certaine; plus loin, nne ordon-
nance passe au galop, portant un ordre; ici> c'estune patrouille
de kossynieti qui s'éloigne pour une reconnaissance. On ne
peut se figurer un spectacle plus vivant et plus animé.
3S2 Hinoin
< Hors de la yiUe, dans une vaste plaine, les jeunes gens,
divisés en petites escouades, s'exercent au manlment des
armes et à la manœuvre, sous la direction de quelques offi-
ciers instructeurs. On sent involontairement son cœur battre,
en voyant Tair de résolution et de fierté empreint sur ces
visages, dont quelques-uns ne sont pas môme encore ornés de
la classique moustache. 11 est impossible aussi de n'être pas
frappé des progrès qu'ont déjà faits, dans les exercices mili-
taires, ces réfractaires d'hier, qui pour la plupart n'avaient
jamais manié un fusil. L'enthousiasme et une sorte de dis-
position innée, leur tiennent lieu d'expérience. x>
Une avant-garde de tirailleurs avait été placée près du village
de Mielica. Pendant trois heures, ce détachement soutint le
choc des Russes à qui il tit éprouver de grandes pertes. En*
hardis par ce premier succès, ils quittèrent leurs positions
pour s'emparer des canons de l'ennemi, et procurer ainsi à
Langiewicz une artillerie dont il avait le plus grand besoin.
Mais les moscovites, comprirent cette tactique, et sentant
bien que les kossyniers, n'étaient pas des hommes à reculer
devant le feu des pièces, ils concentrèreht toute la force de
leurs deux corps d'armée sur leur parc d'artillerie* La lutte
fut terrible. On se battait corpç à corps sur les canons.
Voulant épargner à ses braves une mort inutile, Langiewicz
donna le signal ite la retraite. Les insurgés se retirèrent en
bon ordre, dans les montagnes de Swienty-Krzyz (Sainte
Croix).
Les pertes des polonais furent assez considérables. Deux de
leurs chefs de compagnie Prendowski et Kosiecki furent tuas
dans la mêlée de Mielica.
Les russes perdirent environ deux cent cinquante hommes,
et, chose remarquable, leur bulletin officiel enregistra, une
disparition, et une blessure, pour tout désastre. Personne, n'a
du reste pu être trompé par un aussi grossier mensonge.
Les insurgés avaient complètement abandonné Wonchock,
afin d'éviter, au cas où ils y eussent été vaincus, que les ha-
bitants paisibles n'aient à souffrir des représailles des russes.
Malgré cette précaution, les moscovites, traitèrent Wonchock
en ville prise d'assaut. Les blessés trop ffrièvement atteints
pour être transportés, avaient été laissés dans la ville. On les
acheva tous, sans exception. On massacra ensuite tous les
habitants sans distinction d'âge ni de sexe, qui ne pouvaient
fuir dans les montagnes, et pour ne pas laisser de trace de
ces crimes» on détruisit par rincendie, ia ville de fond en
comble. 11 ne réista debout qu'une église, et la maison d'un
pharmacien. On traita de la même, façon cinq villages voisins
en punition de ce qu'ils n'avaient pas envoyé prévenir les
autorités deKielce ou de Radom do la prêirenco des insurgés*
DB LA RiTOLUTIOll POLONAISB. 393 .
£t tandis que ces infamies se commettaient^ies blessée rus-
ses étaient emportés dans les montagnes» où ils étaient soi-
gnés, avec autant de charité que les blessés polonais 1
Le lecteur nous permettra d'abandonner Tordre chronolo-
gique des faits pour suivre chaque ligne d'opérations, aûn de
bien établir ainsi la part de gloire de chacun des braves
chefs de Tinsurrection, afin de bien établir aussi la part de
honte qui revient à chaque représentant du gouvernement
russe.
Continuons donc rbistorique de la campagne de Langie-
wicz.
Le jeune chef s'était retiré dans les montagnes de Sainte-
Croix, ainsi que nous' Tavons dit. U établit son (quartier gé-
néral au couvent de Slupia, très-fortement protégé par des
défenses naturelles, mais aussi très-voisin de Kieice, centre
des opérations de Tarmée russe. Il trouva moyen de se pro-
curer en Autriche huit canons, à la manœuvre desquels il
exerça ses volontaires, et un tnillier de carabines» Pendant
huit jours, les Russes le laissèrent ainsi se préparer à une
attaque.
Le 11 février, deux mille hommes d'infanterie^ plusieurs
compagnies de cosaques, une. batterie d'artillerie, s'avan-
cèrent vers les insurgés, mais leur attaaue fut vigoureu-
sement repoussée, et la petite armée russe éprouva des pertes
considérables. Des tirailleurs postés dans un petit bois et abri-
tés par des fagots, changèrent leur retraite en déroute.
Mais un second corps russe très-important faisait alors di-
version vers le couvent, qui n'était défendu que par trente
chasseurs et trente faucheurs, barricadés derrière l'entrée
attaquée. L'arrivée de Langiewicz sur ce point acheva de
démoraliser les russes, qui abandonnèrent ce second champ
de bataille où il laissèrent quatre-vingts morts, beaucoup de
blessés, et leurs munitions.
Cette journée du 11 février fut fatale aux russes. Elle leur
coûta auatre cents hommes tués ou grièvement blessés. Les
insurges perdirent seulement quatre hommes, et eurent trois
blesses.
Dans leur retraite, les russes rencontrèrent un petit poste
de sept hommes, gardant sept paysans suspects. Il les mas*
sacrèrent impitoyablement, confondant dans leur aveugle
fureur, leurs espions et leurs ennemis.
Le lendemain , 12 février^ toutes les forces ^des gouvernements
de Kielce et de Radom, revinrent à Sainte-Croix, pour écraser
Langiewicz. Hais ils ne trouvèrent pas un seul nomme. Se
doutant bien de ce retour, le chef des insurgés avait levé son
camp pendant la nuit, et s'était mis en marche dans la di-
rectiOB de Staszow.
50
394 HiSTOiws
Ne trouvant pas d'ennemis les russes bombardèrent le
couvent, dont les religieux avaient suivi Langiewicz. Ne
pouvant se venger autrement, ils procédèrent au pillage,
mais ne firent pas un grand butin, vivres, et vêtements, tout
était emporté par les polonais. Il essayèrent un incendie, les
murailles du couvent étaient inattaquables. Ils s'eu retour-
nèîent, honteux, affamés, harassés de fatigue sans pouvoir
môme trouver un homme sur qui ils puissent se venger de
leur déconvenue!
Les Russes laissèrent Langiewicz à Stâszow, augmenter sa
petite armée, se pourvoir de chavaux, d'armes, de chaussures,
lient bientôt sur pied un millier de cavaliers. II forma et
équipa là aussi environ dix mille fantassins, qu'il envoya en
grande partie grossir les autres corps d'insurgés.
Les généraux moscovites, étaient effrayés de Texistence de
ce dépôt militaire, et résolurent de faire les efforts les plus
énergiques pour le détruire. Djins la nuit du 17 février, une
colontie' de trois mille russes, s'avança en reconnaissance
vers Staszov^. Mais assaillis de tous côtes, mitraillés, fusillés,
par un ennemi invisible et puissant, les russes abandon-
iièreût la place en laissant cent cinquante-huit morts.
Le lendemain matin, suivant sa tactique ordinaire Lan-
llè-vvlcz aliahdonna Staszow, se dirigea vers le nord, puis
flpinrhant brusquement vers Touesl, établit son camp a sept
mmr de Kiclce. limtile d'aiouler que la nuit suivante, les
rqs^os votjlui'ent le surprendre à Slaszow, qu'ils s'y rendirent
au iionibiu de plus de 6,000 et que là, comme à Sainte-Croix,
Ils ne irouverenl pas un seul homme.
Le 18 février, Langiewicz, qui se tenait aux environs de
KiL^lce, intercepta un convoi de prisonniers qui se rendait dans
cette villu i^tte rencontre eut lieu à Xionz, et valut la liberté
à cent Ironie polonnais. La plupart des cosaques de l'escorta
furent, tués ou blessés, Quelques fuyards en portèrent la nou-
velTe à' Rielce. Mais tandis que l'on ralliait dans cctie ville
toutes les foijccs moscovites, le chef des insurgés se dirigeait
tranquillement verâ Czentochowa, place forte située à la froa^'
Hère oMCst d^ Ja Pologne russe. .
llrt instant l'étoile de Langiewicz pâlit. Tandis que croyant
donnerie'cbânge aux Russes, il louruaitCzeniochowa et pous-
sait vers^Oikusz, ceux-ci formaient un demi-cercle dont ces
deux villes étaient les extrémités et l'acculaient à la fron-
tière. Malheureusement son principal lieutenant Jezioranski
se tenait hors de ce cercle, et les communications se trou-
vaient intei*ceptées*.
M?usle23, les deux corps d'insurgés se joignirent cutfq
Wloszczowa et Malogoszcz. Ils rencontrèrcat un coi^voi e
prisonniers qu'ils délivrèrent à Cenciny.
DE LA RÉVOf^TiQV POLONAISE. .' 395
Cet exploit aUjra sur eux l'aLteotiou des Rassef». Trois corps
de 6,000 hommes cliacun marchèrent contre Langiewicz^
ycnant Tun de Kielce, Tautre de Cenciny, le troisième de
Brzez)[. Le général eut l\idresse de faire évoluer son armée de
façon a n'avoir a combattre qu'un de ces corpsd'arméeà la fois.
Il y eut trois engagements partiels. Simulant une fuite dès le
premier engagement, Langiewic?- arrivait aussitôt vers le
second corps, le saluait d^une décharge de tous ses canons et
de tous ses fusilsi et fuyait yers le troisième qu'il saluait de
même.
Déroutés par cette manœvre, les trois corps russes ne se re-
connurent plus. Le preiniers'euruitvers Kielce» en se croyant
attaqué par le second cor^^s, qu'il prenait pour une armée
d'insurgés. Le second, croyant poursuivre Langiewicz, pour-
suivait le premier corps et fuyait devant le troisième qu'il
croyait être aussi une armée considérable de Polonais.
Liorsque tous ces braves moscovites se reconnurent à
Kielce^ après avoir échangé quelcjues décharges de mousque*
terie» ils s'égayèrent de leur mésaventure, dont ils crurent
pouvoir tirer cette conséquence que Tarmée de Laogiewicz
était complètement détruite.
Ils en envoyèrent la nouvelle àVarsovie« C'était la troisièoie
fois qu'une semblable dépêche y arrivait. . .
Le 25 février, Laogiewicz était à Slupia où nous l'avons déjà
YU vainqueur le 11. 11 avait donc accompli une immense pro-
menade militaire, renforçant sur son passsage tous les corps
insurrectionnels, affaibli et démoralisé Tarmée russe touîe
entière.
Les jouruées des 26, 27 et 28 février, se passèrent en escar-
mouches entre les faucheurs et les russes. Les polonais
laissaient passer la première décharge, abrités par les- bois,
puis avançaient au pas de course sur les russ(?s. Les traînards
touchés parles faux étaient morts. Dès que les Russes fuyaient,
les polonais, n'ayant pas d'armes à feu, reprenaient le chemin
dé leurs abris.
Le 1^ mars, Langiewicz apprenant qu'un train amenait
quatre canons àMiszkow, fit couper le pont du chemin de fer.
Le train voulut rétrograder, mais un rail enlevé à temps
arrêta sa marche. Le général, s'empara des canons, fit re-
mettre le rail, et laissa le train rapporter la nouvelle à
Olkurz.
Le 4 mars fut un beau jour pour l'armée insurrectionnelle. A
10 heures du matin, une forte colonne russe attaqua les campe-
ments polonais à Piaskowa-Skala. Le combat fut vif.Chaquesol-
dat russe brûla trente-ci. .q cartouches, tandis que les polonais
n'en possédaient que six. Mais à deux heures de Taprès-midi, .
les fusilliers polonais se retirant ce Jèreut la place aux fau-
396 HISTOIIIB
cheurs, qui s'élancèrent sur les russes. Ceux-ci n'araient
plus de cartouches. Ils se retirèrent en désordre sur Wolbrow.
Le soir à dix heures^ à Skala, un corps russe très-considé-
rable allait être fait prisonnier lorsque Tobscurité fit croire
aux faucheurs qu'un corps de Langiewicz qui accourait^ était
un corps russe. Les morcovites profilèrent de cet instant
d'hésitation et s'enfuirent.
Nous pensons devoir placer ici une lettre d'un des volon-
taires de Langiewicz, M. Ladîëlas Hikiewicz , gui nous donne
sur le général des renseignements forts curieux, ainsi qac
sur l'organisation des troupes polonaises. Cette lettre est datée
du camp de Gorzcza, le 6 mars, au moment où Langiewicz
était littéralerhent le souverain du palatinat de Sandomir :
a Quoique je sois harassé de fatigue, je ne veux pas laisser
passer, sans en profiter^ un de ses rares moments d'inaction
que nous ayons trouvés depuis un mois.
a Dans la nuit d'hier, nous avons rejoint ici Langiewicz , qui
nous a fait camper à gauche vers Pockusz. Nous arrivions de
Volbronn, où nous nous étions repliés après l'affaire de Pias-
kowa-Skala. En arrivant, notre petite colonne (nous n'étions
que 750) fut acclamée sur toute la ligne insurgée^ et cet hom-
mage'nous a fait plaisir» car il était, à vrai dire, un peu mé-
rité. Sans cartouches (en commençant nous en avions chacun
cinq), nous avons tenu pendant six heures 3,000 russes en
échec, et ils n'ont pas osé nous suivre.
«c Nous acclamâmes à notre tour les vainqueurs de Skala*
On s'embrassa. Ce fut un instant de tumulte indescriptible.
Quelaues minutes après, Langiewicz arrivait. Nous battîmes
aux champs et sautâmes aussitôt en ligne. Il faisait une pleine
lune superbe, et c'est la première fois que je vis le général.
a 11 était à pied, prit le bras de notre colonel, et, tout en cau-
sant avec lui, passa lentement sur notre front.
a C'est un homme d'une taille moyenne, plutôt petite, mais
carré des épaules, une ûgurelronde, des cheveux châtains, de
longues moustaches fauves , un regard très-mobile et très-
perçant, la tétc rejetée en arrière, un air martial et décidé, la
démarcne brhsque. 11 paraît avoir trente ans.
« Il porte une czamarka (sorte de tunique) en. drap gris
sombre, bordée de laine noire, et à brandebourgs noirs. iJne
écharpe en soie blanche et rouge à la ceinture, une koufede-
raika (bonnet carré) blanche avec une bordure de laine grise,
et au coin une petite aigrette blanche ; des bottes de chasse et
une capote paysanne grise j un ceinturon, un sabre de cava-
lerie à fourreau d'acier et a poignée d'ivoire. C'est du reste le
costume de ses officiers supérieurs. Les simples officiers n'ont
pas récharpe, mais une simple cocarde blanche au bonnet
carré.
^
1
1
>^
DB LA RiVOLUTION POLONAISE. 397
a Deux aides de camp à cheval suivaient de loin le général.
A quelques pas derrière lui^ un cavalier tenait en bride son
cheval^ magniflque animal de race arabe ^ dont la housse de
soie blanche et rouge, brodée d'argent est un présent des dames
de Cracovie. ,
« Arrivé à l'extrémité de notre ligne, le général s'arrêta et
commanda: Conversion à droite! Il s'avança sur le centre, et
fit battre à Tordre ; les offlciers sortirent des rangs, et le géné-
ral, se tenant au milieu d'eux, nous dit, d\ine voix assez vi-
brante pour être entendue du dernier soldat :
a Camarades, vous vous êtes battus en braves, •— je vais
a bientôt vous mener encore à Tennemi, et, Dieu aidant, nous
« le vaincrons. »
€ Un hourrah lui répondit sur toute la ligne; Langievdcz
remonta à cheval et partit au galop avec notre colonel. Et nous,
comme nous venions de faire dix lieues, nous formâmes nos
faisceaux et nous nous étendîmes sur des bottes de paille.
Tous furent bientôt endormis.
a Ce matin, à dix heures, avant de nous mener à nos posi*
ttons, nous eûmes parade avec tout le corps de Jezioranski,
dont il a repris le commandement. Langiewicz arriva et passa
comme un tourbillon avec tout son état-major: puis, s arrê-
tant au front de bandière, nous défilâmes devant lui.
« Ses aides de camp sont presque tous fort jeunes. Pen ai
remarqué un très-jeune et singulièrement gracieux dont je
vous reparlerai. Les aides de camp portent tous une carabine
en bandoulière et le revolver à la ceinture. Ils ont pour signe
distinctif une écharpe en laine rouge. Presque tous sont dt
nos meilleures familles. 11 faut dire aussi que leur poste est le
plus dangereux, et qu'on en tue beaucoup.
« Cet aide de camp si joli , qui m'avait frappé» nous a ins-»
tallés au campement. Tous serez étonné d'apprendre c^e cet
officier est une jeune fille , mademoiselle Poustowojtoi. Elle
est de Lublin et a fait toute la campagne jusqu'aujourd'hui.
a En 1861 et 1862, elle était à la tête de toutes les manifes-
tations patriotiaues. Elle fut ensuite jetée dans les cachots de
la citadelle de KrzemienieCy où elle passa onze mois. Dirigée
le 24 janvier sur Zamors, elle fut délivrée en route par une
bande d'insurgés qu'elle amena à Langievricz, et a pris une
part active à toutes les actions. Le général Ta nommée adju**
dant à Halogoszcz, et elle est aussi belle que brave.
r> Ces détails sont de toute authenticité et connus de tout le
camp.
» L'adjudant Poustowojtol disposa donc nos camps comme
un vieux maréchal expérimenté et repartit rejoindre le
général.
» Nous sommes dans une prairie sur la gauche, à droite
3^ Hipioiap
de la router d'OlkusiQ. Au-dessus de nous, car cette (>rairici est
le versaût d'une petite colline, sont établies «n batterie deujt
fort belles pièces de canon de bronze. Vient ensuite, sur la
crête à droite^ le bataillon académique) une vieile connais-
sance d'Ojcow, et à gauche, c'est-à-dire à rextrémité gauche
de toute la ligne, les chasseurs de Zétinski; plus loin encore,
aux a^aut-po^tes, une compagniede zouaves de M.Bocbebrun.
. «i En remontant vers la droite, nous trouvons au bout de la
frairie les corps du centre, à savoir les bataillons de faucheurs,
, 4 et 6, et en avant de$ faucheurs deux escadrons de lanciers
^ une pièce de canon. £n arrière le grand camp sur la bau-
teur, avec les forges, les ambulances, les fnagasins et le ma-
tériel. Plus loin, toujours vers la droite, en avant d'un fort
ruisseau, un piquet de cavalerie; en arrière, dans le bois,- le
2« chasseurs, le bataillon des zouaves de la mort; plus haut,
toujours en arrière, les faucheurs 3, 5, 7 et 8; ennn, à l'ex-
trême droite, les deux régiments d'infanterie nationale, et
aux avant-postes, vers Proszov^, deux autres pièces de canon,
^t une cpmpa^nie.des chs^s^eurs de Waligorski»
. c Le quartier général est dans une mauvaise petite ferme
^ofoncée dans les dois.
«.^ous avons un total dé 11,750 hommes> dont 6,000 armés
aarmes à feu, et le reste de faux, et environ 2,000 hommes
^ recrues^ non encore organisées.
< ' « Né. croyez pas que nous restions inactifs dans nos campe-
ments. Nous Y tràvaiIloDS,au contraire» aussi activement qu'en
campagne. De6|transports d'armes, de poudre et de mutions
ne cessent d'aifluer on ne sait d'où, — et nous en avions grand
besoin* A chaque instant des troupes de paysans arrivent avec
leurs prêtres et leurs seigneurs en tête, — et il faut tout or-
ganiser et classer. — Notre champ de manœuvres est en ar-
rière à droite du quartier général; il est rempli d'instruc-
feurs et de recrues, et le général y passe souvent.
« A quatre heures nous y avons fait des manœuvres de
que nous avons au camp i/u pr
sonniers russes qui scient le bois, chargent, déchargent et
rangent le matériel, etc. On se conduit très-humainement
avec eux.
c Le général n'a pas permis de construire de barraques
Kar le^ aoibulances, ce qui fait présumer que nous ne resto-
ns pas longtemps ici.
, « A Malogozcz, un boulet a frôlé la jambe droite de Lan-
giewicz et l'autre a été contusionnée; — mais ce sont deux
atteintes sans gravité et qui ne l'empêchent pas de déployer
un^ /activité prodigiieiase. »
DB LA BÉVOLUTtON P0L0BAI8B. à 99
Nous avoiis publié cette lettre en son entier, parce qn'elU
révèle^ le génie du jeune général» en qui se résuma pendant
quelques jours la destinée de la Pologne, et qq^elle fait con-^
naître la jeune héroïne dont nous avons tous entendu parler
il y a quelques mois, et que les calomnies desjournaux russe$
ont en vain cherché à noircir.
Quelques jours après les événepients que nous avons ra'*
contés avant de publier celte lettre, le gouvernement national
voulut utiliser la prodigieuse activité de Langiewicz en lui
donnant tout pouvoir et en lui confiant un commandement
unique.
Nommé dictateur, L^ngiewicz Tannonça ainsi à ses corn-
fagnons d*armes, par une proclamation datée de Gosnicza^ le
0 mars:
« Les plus ardents fils de la Pologne ont commencé, au
pom du. Tout-Puissant, une lutte contre les éternels ennemis
de la liberté et de la civilisation^ contre l'envahissement mos-
covite, lutte provoquée par d'épouvantables abus.
« Malgré les circonstances les plus défavorables, et bien
aue le conflit armé ait été précipita f^r les excès d'onpressjon
ef ennemi lui-même, la lutte commencée, les maïqs vides,
contre les nombreuses bandes moscovites,* dure depuis six
mois. Cette lutte se fortifie et se développe énergiquemen^
devant une guerre à mort. Grâce à l'activité et au dévoueA
ment de toute la nation^ celle-ci est résolue de devenir libre'oq
de périr. Le sang' polonais coule à torrents sur plusieurs
champs de bataille : il coule dans les rues de nos villes et dé
nos villages que le sauvage envahisseur asiatique détruit
de fond en comble, en massacrant les habitants inoffensifs^^
et livrant le reste de leur avoir an pillage d'une bestiale
soldatesque,
« Vis-à-vis de ce combat à mort, vîs-à-vîs des meurtres^
du pillage et des incendies par lesquels notre ennemi marque
sa route, la Pologne voit avec douleur, à côté du plus grand
dévouement et de l'enthousiasme de ses enfants, le défaut
d'une direction unitaire et avouée, qui seule potirrait em-
pêcher le fractionnementdes forces, et donner un nouvel
élan à celles qui sommeillent encore.
« Il résulte de la situation générale, de même que dei la
nature de la lutte engagée, qu'outre les champs des msurgés,
il ne se trouve pas sur toutTCienltbirede la patrie une place
où pourrait se poser un pouvoir central, publiquement avoué
et c'est là la raison pour laquelle le gouvernement provisoire
secret qui était sorti de l'ancien comité central secret, n'a pu
se révéler au grand jour devant la nation et devant l'univers,
a Bien qu'il y ait dans le pays des hommes qui sont beau-
coup au-dessus de moi par les capacités et le mérite ; bien
100 HISTOIRE
3ue j'apprécie toute l'étendue de la gravité des devoirs qui
ans une position si difficile, pèsent sur le pouvoir national
suprême Je prends néanmoins, avec le consentement du gou«
vernement national provisoire, le pouvoir dictatorial suprême
prêt à le déposer, quand nous aurons secoué le joug mosco-
vite, entre les mains des représentants du peuple; je le
prends en considération de Turgence des circonstances qui
demandent impérativement un prompt remède, en considé-
ration de la nécessité d'augmenter les forces de la nation
par la concentration des pouvoirs civils et militaires dans
une seule main, pour la lutte meurtrière contrôles mosco*
rites dirigés par une seule volonté....
« Aux armes, frères ! Aux armes 1 pour reconquérir la
liberté, Tindépendance et Tintégrité de la patrie.
Une cérémonie imposante eut lieu.le 12 mars à Slosnowka,
près de Miechow.
L'armée de Langiewicz se rangea en bataille devant le front
âe son camp.
Elle forma un quadrilatère, au centre duquel s^élevait un
autel.
Après une allocution de l'aumônier, le dictateur prêta ser<
inent à la nation
Puis les dignitaires envoyés par le gouvernement national
prêtèrent à leur tour le serment d'obéissance au dictateur.
I^'armée tout entière défila devant lui en répétant ce ser-
ment. Le Soir le camp fut illuminé, et la Pologne eut ^a
première fête nationale.
Hais le lecteur doit se souvenir que pour ne pas inter-
rompre le récit de la campagne de Langiewicz, nous avons
laisse les événements depuis le 5 février pour ne nous occu<
per que de lui.
Il nous faut revenir en arrière, et raconter toutes les dou-
leurs dé la Pologne^ pendant ce oeaumois, où le futur dicta-
teur marchait de triomphe en triomphe.
Ce sera l'objet du prochain chapitre. Nous reprendrons en-
suite le cours des événements dont Langiewicz fut le iiéros*
DE LA RÉYOLOTION POLONAISE. 401
Wiimii
CHAPITRE XVII
Massacres de Tomaszow. — Combat de Wengrow. — Lés nouvelles
Thermopiles. — Meurtres et vols à Modliboft. — Combat et mas-
sacre de Siematycze. — Massacre sans combat à Pulawy. — Le
château du comte Zamoyskt et celui du marquis Wielopolskt. ^ I^*
lage du château de Woyslavice. — Suicide glorieux de U, de Korff. —
Combat de Miechov et destruction de la ville. — François Roehebmn.
— Sigismond Padelovirski. — Héroïsme de madame Micholska. —Les
Prussiens et le droit des gens. — Proclamation du gouvernement na-
tional. — Les sermons des popes russes. — Mielencki. — Combat de
Dobroslaw. — Noble conduite de quelques officiers russes. — - Nou-
velles instructions secrètes.
Nous ayons suivi sans interruption la campagne de Lan-
f^iewicz jusqu'à sa proclamation comme dictateur, afin que
a mémoire du lecteur ne s'égare pas dans le récit des dhrers
érénements qui s^accomplissaient en Pologne pendant 1»
même période.
Revenons au début de Tinsurrection.
Trans|>ortons^nous dans le palatinat de Lublin.
La petite ville de Tomaszow^ avait des premières organisé
son mouvement insurrectionnel. Une troupe de cent hommes
s'y forma. Presqu'aussitôt une colonne de mille moscovites,
avec deux pièces de canon fut envoyée le 5 février contre ce
petit corps. La lutte dura longtemps, mais les polonais furent
obligés de se retirer devant le nombre.
Après leur retraite^ les Russes entrèrent dans la ville. Pour
les récompenser de leur facile victoire^ il leur fut accordé
deux heures de pillage.
Avec le vol^ l'assassinat ; puis Tincendie. C'était le pro-
gramme de la fête. Aussi est-ce à Tomaszow, que Ton pût
juger de Fesprit des Russes dans la guerre actuelle.
Cle n'est pas en effet une guerre ordinaire» mais une œuvre
aveugle d'extermination. On peut s'en convaincre rien qu'en
lisant la liste nominative de vingt et une personnes entre
autres^ qui furent égorgées paries moscovites pendant ce
pillage. Elle est empruntée au rapport officiel du gouverneur
civil de Lublin. La voici : .
51
MS HISTOIU
!• Brzezinski; capitaine chargé du service d'extradition des
perfionaesqui pas6ent«an6 passe-port lafrontière aostro-rasae.
2* Dombrowski^ médecin^ traîné hors de sa maison dans la
pue et égorgé;
3* Mnller, employé de la douane;
4* Lenkowicz, idem, père de six enfants;
5* Soltawski^ maire de la ville;
G*Mastewski, mattre de poste;
7* Piotroveski^ pharmacien;
S^Kotowski, comptable des bureaux de la douane;
9* RaszewslUi a4joint au contrôleur des finances de larron--
diàsement;
l(y> Ehret, greffier du juge de paix;
ll«Malinowski> secrétaire dans les bureaux de U douane;
ii^KaaiedLi, employé retraité;
13« Jasinski, juge de paix;
14» Un vérificateur de Tadministration des tabacs;
15"* L*abbé Rylski^ vicaire de la paroisse;
16* Zelikowski, médecin de l'arrondissement^ brûlé vivant
dans sa maison avec tous ses domestiques;
17* Wondolovrski , notaire ;
18<» Jarchoki, ancien maître d'école aveugle;
19« Brzeski, employé des douanes en retraite;
aO"* Un officier de rarmée russe en retraite;
21* Bbcheda^ officier russe en activité de service^ appar-
tabant à rarme du génie, et ({ui passait à Tomaszovr, son
congé de convalescence. Assassiné dans son lit.
Pour que rien de ce que ces faits ont d'étrange ne poisse
être contesté, nous Joignons à cette liste, les lignes suivantes
eu bulletin officiel du gouverneur civil de Lublin précité t
c Comme je n'ai encore reçu, aucune communication sur
\m horribles scènes de Tomaszow ni de la part du magistrat
ée cette vilk^ ni de celle du préposé du cercle, et que je n'ai
appris ces faits que par l'intermédiaire du cercle de Hrubies*
zow, il y a lieu de croire que tous les fonctionnaires de Tom/U-
wow f>nt piri\ n^^i par suite, la marche de Tadministration
ge trouve sus^ndue et f u't/ ne resté personne pour faire um
rapport. En vue de ces circonstances extraordinaires, j'ai
rbonneur de prier Votre Excellence d'obtenir de S. A. I. le
grand-duc gouverneur de Pologne, un ordre destiné à pro«
léger la vie et la propriété des citoyens tranquilles^ d'autant
plue que les habitants de la ville de Hrubieszove craignent a
(on droit que les actes commis par les troupes dans la ville
de Tomasaow, ne se renouvellent en d'autres lieux.
a f^ terminant» je vous informe que j'ai envoyé immédiate-
imentj par estafette, à la direction des postes de tomaszow^
l'ordre de faire en sorte que la municipalité ou, si aucun
DE L4 RÉVOLimOll POLONAISB. lOf
flMOiftrf 4f M Mrps n'0ât #n irie, le curé ou ua fepctiaiAadûni
quelconque prenne les mesures indispensables dans des c«|
Ereilt^ telles que la conslatation des personnes tuées ou brû-
iBy leur enterrement, autopsie, Tinv^n taire etla gar4o dof
biens restant^ etc. Mais conome je ue puis oooipter avec cerf
titude qu'aucune des personnes sus^ndiwées soit eu uie, j'ai
envoyé aussitôt par estafette au préposé du cercle de Zaoïow»
Tordre de se rendre en {personne à TomasioWi eu cas de besoin
avec une escorte militaire, et d'y organiatr um admloistrftf
tion municipale. »
Sîgoi s Bpnvsanigii.
Une lettre écrite sur les lieux nous apprend qu'il ne rest^
dans la ville d'autres employés aue le substitut du j[uge, 1^
secrétaire et le sous-secrétaire de la justice de paix, le cour
trôleur des finances, Texpédiieur de la poste et un employé de
la douane.
Les insurgés s'étaient retirés à une demi-verste de là (50p
mètres, environ), dans le bois de Bolimow. Durant la soiréOf
une patrouille ae cosaques fut envoyée en reconnaissance de
ce coté, et, le lendemain, dès le pomt du jour^ les patriotea
furent attaqués dans leur camp, de deux côté» a la lois^ p^
des troupes envoyées de Lov^icz et de Varsovie,
Halgre Tinfériorité du nombre et des armes, les insurgés S9
défendirent avec la plus grande énergie, ils furent tués pre^
que tous, mais après avoir vendu chèrement leur vie. tee
Russes emmenèrent quelques prisonniers, mais les blessée
furent abandonnés sans secours.
Sur le lieu du combat, après la retraite de Tennemi, on en-
tendait, presque sous chaque buisson, les cris douloureux de;
mouranu, et les corps des insurgés tués étateot tellement crir
blés de blessures, et de coups de toute sorte qu'il était presque
impossible de reconnaître leurs figures.
Un témoin authentique trouva au milieu des taillis, six
cadavres liés dos à dos, trois par trois, les tètes entièremcqt
fracassées, les habits déchirés en lambeaux, gisant dans uu^
mare de sang. C'étaient des insurgés qu'on avait trouvé plu)s
commode de fusiller sur place^ au lieu de les emmener avec
les autres.
La journée du 6 février ne mérite pas une moins large place
que celle du 5, dans Thistoire de la révolution polonaise.
Plusieurs bandes d'insurgés formées à la bâte dans le pala-
tînat de Lublin avaient choisi pour point de réunioD la ville
de Wengrovir,
Les Russes, pour se débarrasser de ces bandes pensèrent
Îue le meilleur moyen était d'attaquer leur quartier ^énéraL
>e 6 février, plusieurs milliers de moscoviteSi avec aix pièces
404 nsTOMB
de canon; #rri?èrent à Wengrow^ sous les ordres du colonel
Poi>ofo8opQk).
La TîUe n'offrait aucun moyea de défense. Les insurgés ne
Cuvaient avoir la pensée de résister avec avantage à des
rces si supérieures; la retraite fut décidée, et, tandis que la
plus grande partie de leurs bandes se dirigeait sur Sokolow,
on détachement formé des plus résolus se plaça en avant de
b ville, sur la route de Morzbodli^ pour arrêter les Russes et
empècner qu'une attaque soudaine ne vint clianger la retraite
en déroute.
Cette poiffuée dliommes, à peine armés, soutint sans
s'émouvoir le feu des Russes, répondant à la mitraille par
quelques coups de fusil, défendant le terrain pied à pied,
cherchant à inquiéter Tennemi par de feintes attaques, sup-
pléant au nombre par le sang-froid et l'intrépidité.
Il fallut cependant renoncer bientôt à Tespoir de prolonger
cette lutte inégale. Contre ces trois cents héros, combattant,
non pas dans un défilé, mais sur une grande route, devant
une ville ouverte, le colonel Popofosopulo disposait de trois
bataillons d'infanterie, de trois escadrons de cavalerie et de
plusieurs sotnias de cosagues. Les Polonais comptaient déjà
dans leurs rangs un certain nombre de tués et de nlessés. Les
progrès de Tennemi étaient sensibles et il fallait gagner quel-
ques instants encore pour assurer la retraite du principal
ccftfjS des insurgés et empêcher que le commencement d'or-
Sanisation qu'avaient reçu les bandes à Wengrow, ne fut en-
èrement perdu.
Deux cents jeunes gens, à peu près, tout ce que^cette arrière
garde comptait encore de valide , presque tous nobles ,
ouelques-uns n'ayant pas vingt ans, s'offrirent pour arrêter
rennemi par une charge de desespérés. Us mourraient tous,
mais le corps dont ils protégeaient la retraite, le principal
espoir de l'insurrection serait sauvé I
C'est aucentre de l'ennemi, sur les bouches à feu qui vomis-
saient la mitraille, et qu'il importait le plus de faire reculer,
ou du moins de faire taire un instant, c'e;t là que se précipita
cette vaillante troupe.
Quelques-uns n'avaient pour arme qu'une faux; c'étaient
les plus lurdents I
Notre grand poète Auguste Barbier a chanté ce dévouement
sublime :
Alors les plus beaux faits que Thistoire enregistre,
Reparurent soudain sur ce terrain sinistre,.
Bt l'on vit, ooibme aux jours du grand Léonidas,
Deux cents nobles enfants, au salut d'une armée
Se dévouer, et tous, de la gueule enflammée
. Des canons dévorants, recevoir le trépas I...
m LA RiVOLUTION.POLORAISI. 405
Tous turent tués, mais, joignant l'habileté, le sang-froid à
l'audace, les deux cents surent mesurer leur élan, régler leurs
coups de façon à prolonger plus d'une heure celte lutte hé-
roïque. Quand ils araient dispersé les artill^rs et fait taire
les canons, ils couraient aux officiers, obligés de se défendre
a?ec leurs rcTolvers dans une sorte de duel à mort. Ils firent
ainsi éprouver aux Russes des pertes considérables et, (|uand
4es derniers eurent succombé, le mouvement de retraite de
leurs camarades s'était accompli en bon ordre et le gros
des insurgés était sauvé.
« Si ces hommes avaient des armes, disait un officier russe,
au sortir de cette sanglante mêlée, et s'ils étaient organisés
en corps réguliers, aucune armée européenne n'en viendrait
à bout et ne serait même capable de résister à leur fougueux
enthousiasme. »
Le spectacle de cet héroïsme ne parait pas, toutefois, avoir
dispose les Russes, à la générosité. Dès que la route fut libre,
ils se précipitèrent dans la ville et s'y conduisirent absolu-
ment comme ils l'avaient fait à Wonchock.
Leur artillerie avait mis le feu à quelques maisons du
faubourg. Loin de chercher à l'éteindre, ils firent tout
ce qu'il fallait pour propager Pincendie, qui bientôt s'é-
tendit à presque toute la ville. Les maisons où il était
encore possible de pénétrer furent mises au pillage, et un
.ffrand nombre de personnes furent massacrées et grièvement
blessées.
Les Russes ne quittèrent Wengrov^, que lorsque la ville
entière ne tut plus qu'un monceau de cendres fumantes, et
de ruines ensanglantées. Et tout au contraire de ce qui avait
eu lieu à Tomaszow, le bulletin officiel constata, que deux
garçons juifs avaient été tués par accident.
A Tomaszovr, au moins, les autorités russes avaient eu le
mérité de la franchise.
Les atrocités commises par les russes à Tomaszow et à
Wengrow, avaient en auelque sorte leur excuse dans Texas*
pération qui provenait de la lutte. On a vu en effet que si les
insurgés n'étaient pas en nombre, leur héroïsme y suppléait.
Mais ce qui s'explique moins, c'est le massacre décidé froi-
dement, exécute par des soldats, sur l'ordre de chefs qu i
veulent passer pour dépositaires des bonnes manières, ^of-
ficiers qui prétendent faire des salons de Saint-Pétersbourg,
des succursales du faubourg Saint-Germain.
Dans ce même gouvernement de Lublin, le lendemain du
combat de Wengrow, une autre colonne russe, chargée par
le colonel Biedraga d'explorer les environs d'Yanow, s'ap-
procha du château de Hodliborz. Un jeune homme nommé
Wojocki, qui en sortait paisiblement fut d'abord tué, puis
409^ raMnor
sans aucune provocation les moscovites ouvrirsot un tea tiès-
nourri sur les fenêtres. Les portes furent enfoncées, le pro^
priétaire M. Ladislas Gorskowski, fut littéralement assommé
à coups de crosse de fusil, et laissé pour mort. On procéda
aussitôt au pillage.
Pendant qu'une partie des soldats se livrait à cette dévas-
tation, encouragée par les officiers qui les commandaient, le
capitaine Zowadzki et le lieutenant Wasilocki, une bande de
Cosaques, quittant le détachement, allait attaquer à quelque
distance de là le château de Walitza^ appartenant à M.SolmaQ.
Celui«ci et son régisseur Lipinski furent conduits avec toutes
sortes de mauvais traitements à Hodlibon où M. Solman fut
assonmiéàcoupsde crosses de fusil, etfinalement achevéd'ua
coup de poignard, malgré ses protestations d'innocence.
L'examen des cadavres a constaté vin^t-buit blessures sur le
corps de Wojocki et seize sur celui de Solman. Quanta
MM. Gorzkowski et Lipinski, ils furent emmenés à Yanow, au
colonel Biedraga, comme trophées de cette glorieuse victoire*
Nous voudrions pouvoir rejeter sur quelques bas officiers la
responsabilité de ces actes de sauvagerie, mais notre devoir
d'historien nous oblige à constater que les soldats russes
obéissaient strictement aux ordres venus du sommet de la bié*
rarchie militaire.
Un arrêté du chef du district de Zamosc le prouve snrabon*
damment s c Les troupes ont l'ordre d'agir, y litron, tout à fait
comme en pays ennemi I b C'était le colonel Biedraga à qui
était laissée la faculté d'interpréter cet ordre.
Le même arrêté ajoute : t Si des insurgés se réfugient dans
quelque village, lors même que les babitants ne prendraient
aucune part a la lutte, la troupe agira contre eux avec TartU*
lerie, la mousqueterie et la baïonnette , sans avoir égard au
droit d'asile attribué aux églises et aux endos qui les envi-
ronnent. »
Et, afin de se montrer paternel, le magistrat sus désignéi
croit devoir terminer son arrêté par cette recommandation :
a Âbstenez-^vous de recevoir chez vous des étrangers, dans la
crainte que la troupe, voyant dans le pays des visages nou«-
veaux, n'attaque les maisons et ne fasse feu ians autre rao-
men. »
On le voit, rhistorique du martyrologe de la Pologne peut [
faire avec les pièces officielles russes. l
Eh bien, malgré toutes ces mesures, l'insurrection nais* l
santé s'étend comme une traînée de poudre. Jusqu'ici elle est
circonscrite dans le royaume de Pologne, mais la voilà qui se
montre en Lithuanie.
Le 6 février, la ville de Siemiatycze devient le boulevard de
rinsurrection lithuanienne. Douze cents polonais , tirailleurs
DB LA RÉVOLtîTlON Y0L0NAI8B. ëfl
et kos$vniers^ s'y établissent. Un premier comtet a lieu ters
quatre heures du soir. Les Russes sont repousses malgré leur
iprtilierie.
Le lendemain, le général russe Manioukine^ avant de recom-
mencer Tattaque, fit engager les femmes à sortir de la tille
avec leurs enfants. Elles refusèrent héroïquement^ mais notre
impartialité nous oblige à tenir compte de la tentative.
Après ce refùs^ les Russes devaient s'attendre a une résis*
tance désespérée. Us lancèrent aussitM sur la ville des fusées
à la Congrève, qui y allumèrent un efft'oyable incendie, puis
Commencèrent l'assaut t^lacés entre ces deux terribles enne**
-mis, rincendie et le cosaque^ les Polonais furent littéralement
bftcaés. Privée de ses défenseurs, la population deSiematycze
fût massacrée. On pilla tous les environs. La ville n'était le
lendemain qu'un monceau de cendres.
Une vingtaine de maisons à peine avait été épargnées*
Le même jour, écrit un témoin oculaire, une de ces colonnes
russes à qui conviendrait si bien le nom de a colonnes f nter^
nales» entrait à Biala, après avoir vainement poursuivi un
détachement d'insurgés dans les bois voisins. Tous ceux des
habitants qui se trouvaient dans les rues furent plus ou moins
maltraités ^ et le soir les soldats s'amusaient à tirer aux
fenêtres^ dès qu'ils voyaient apparaître une lumière,
A Rawa^ encore le même Jour, une caserne où s'étaient
retranchés des soldats russes fut attaquée par un détachement
d'insurgés. Pendant le combat^ le feu prit au bfttiment cons*
truit en bois. Les assaillants laissèrent sortir tous les soldats
Si voulurent échapper à l'incendie et se contentèrent de les
re prisonniers sans en maltraiter aucun. Les blessés furent
recueillis et soignés par les habitants.
Les Polonais avaient cependant vu tomber^ à la porte même
de la caserne, percés de nombreux coupé de baïonnette^ leur
chef Sokolovrski, et un jeune homme plein d'esp^ances ,
M. Godlewski.
Afin d'éviter toute accusation de partialité , nous avons le
soin de nous entourer de renseignements authentiques. On
nous a VU) on nous verra signaler les moindres faits à la
louange des moscovites. De chaque événementnouscherchens
là cause, et si nous pouvons, l'excuse.
11 en est cependant de réellement inexplicables. Ainsi, le
8 février, un régiment d'infanterie russe traversant la ville de
Pulaw^, au moment de la sortie de la messe, chargea la popu-
lation a la baïonnette. 11 y eut un grand nombre de blessés^
une femme et un vieillard tués.
Un haut fonctionnaire, le directeur de l'Ecole polytechnique
de Pulawy, M. Okinski, sortit aussitôt en grand uniforme^ avec
les décorations, pour adresser quelques observations attcom-
4êS flMTOIU
mandant des troupes» et essayer de calmer Texaltation de ces
insensés. Avant que Tofflcier eût pu lui répondre^ M. Oklnski
tombait frappé de plusieurs coups de baïonnette.
Pour toute explication , le rapport officiel constate Tétat
dlvresse de tocs les soldats.
Nous avons^ à propos du marquis Wielopolski, parlé de son
ancien collègue^ le comte André Zamoyski, qui paya de Texil
la gloire de ne pas être de Tavis du marquis. Fut-ce un supplé-
ment de vengeance de ce dernier ou simplement Teffèt d'un
singulier hasard, toujours est-il que le 9 février les Russes se
présentèrent, sans qu'aucun motif de guerre les y amenât, à
Zwierzyniec, dans le gouvernement deLublin.
C'est au château de Zwierzyniec que se trouvent les caisses,
les bureaux d'administration des vastes domaines, formant le
majorât des comtes Zamoyski, et que se conservent les
archives de cette ancienne et illustre famille.
Aussitôt que les troupes eurent occupé la ville, le comman-
dant se rendit auprès du régisseur du comteetlui intima Tordre
de laisser visiter tous les bâtiments dont il avait la garde,
attendu que le château de Zwierzyniec était soupçonné de
receler la caisse et les bureaux du comité national. Sur la
déclaration du régisseur, que le château ne contenait pas
d'autre caisse et d'autres bureaux que ceux de la régie des
domaines de la famille Zamoyski, le commandant feignit d'être
satisfait et demanda seulement que cette déclaration lui fût
remise par écrit, pour servir à sa décharge personnelle.
Une fois en possession de cet écrit, il alla rejoindre son déta-
chement, mais pour revenir aussitôt après, et cette fois, sans
autre explication, il fit sortir tous les employés, leurs femmes,
leurs enfants, les fit conduire dans un parc voisin, dont la
porte fut fermée et rigoureusement gardée, puis, à un signal
donné, la troupe envahit le château, enleva l^a caisse, conte-
nant environ 60,000 roubles (240,000 tr.), pilla tous les appar-
tements du château, et enfin mit le feu aux quatre coins de
l'édifice.
Presque le même jour, il arriva que les insurgés pénétrè-
rent dans une des résidences d'été du marquis Wielopolski.
Ils s'abstinrent de tout pillage et de toute violence envers les
personnes, mais exij^èrent la remise des armes qui se trou*
vaient dans le château, et d'une partie de^ provisions de
bouche dont ils avaient le plus grand besoin.
Continuons, dans l'ordre chronologiq^ue Je récit des épisodes
qui eurent lieu, tandis que s'accomplissait la formation de
l'armée du dictateur Langiewicz.
Quelques-uns de ces épisodes demanderaient pour être mi-
nutieusement racontés plus de place que nous n'en donnons
à toute l'histoire de la Pologne.
DB LA RÉVOLUTION POLONABB. 409
Tel est celui qui eût pour théâtre le cbftteâu de Woyslavice.
Le 12 février, une colonne russe, composée de trois compa-
gnies d'infanterie de la, garde impériale^ d'ua escadron de
cavalerie de cent cosaques et de deux canons, opéra le matin
une visite domiciliaire dans le château de Rakolopy, où on ne
trouva pas d'armes^ mais simplement de l'argent que Ton
prit.
La colonne se rendit ensuite à Woyslavice, où elle arriva
vers trois heures de l'après-midi.
Le château appartient à un conseiller d'État nommé par
Tempereur, le comte Léopold Poletyllo^ patriote modéré. Il
avait ce iour-Ià quelques personnes à dîner, entre autres
M. Tite-Woyciechowski, son beau-frère, accompagné de son
fils Joseph, jeune homme de vingt-quatre ans, ancien élève de
notre école d'agriculture de Grignon ; le colonel Dunin, an-
cien officier de l'armée polonaise et soldat du premier Empire
français ; et enfin M. Kun, également ancien officier polonais,
aujourd'hui propriétaire et \oisin du comte.
comme il n'y avait d'insureés ni à Woyslawice ni aux en-
viron^ on ne vit au château, dans l'approche des Russes, que
Yettei d'un passage ordinaire de troupes. Par précaution,
néanmoins, on fit monter les dames et les enfants de M. Pôle*
tyllo dans les salons du premier étage, tandis que les hommes
restaient dans les appartements du rez-de-chaussée.
Cependant, le commandant de la colonne russe, arrivé à
l'entrée du bourç, rangea sa troupe en bataille, plaça en avant
une ligne de tirailleurs et fit tirer deux coups de canon à mi-
traille avant d'y pénétrer. C'est dans cet ordre et avec cetappa-
reil qu'il traversa le village, se dirigeant vers le château.
Au bruit des coups de canon, suivis de plusieurs décharges
de mousqueterie, le comte Poletyllo et ses notes coururent aux
fenêtres. Les récits, déjà répandus en tous lieux, des atrocités
commises par les Russes partout où ils passaient, leur disaient
à l'avance ce qu'il fallait attendre de cette attitude et de ces
démonstrations hostiles.
— Notre dernière heure a sonné ! s'écria le comte ; nous
n'échapperons pas à la mort. Je cours auprès de mes enfants,
c'est là ou'est ma place !
Ses botes se dispersèrent aussitôt dans diverses chambres,
sans Ronger le moins du monde à la résistance.
Un cou[) de canon chargé à mitraille tua le fils de M. Woy-
ciechov^ski et le blessa lui-même grièvement. Les soldats péné-
trèrent dans le château. Ils trouvèrent dans le salon le colonel
Dunin, assis sur un canapé et les attendant tranquillement les
bras croisés. Ils tirèrent sur lui cinq coups de fusil. Un soldat
voulut le frapper ensuite de sa baïonnette, mais le colonel eût
ore assez do force pour parer le coup et demander d'une
52
ilO HtSTomi
voix ferme à être conduit deyant le commandant de la
colonne.
Deux soldats le prirent sous les bras et le traînèrent dehors.
D'autres le poussaient à coup de crosse. Sur le perron^ le
colonel rencontra un officier de la garde :
— Vous n'avez pas de honte, lui dit-il, de laisser frapper
sous vos yeux, par vos soldats, un homme de mon âge!
— Taisez-vous et passez votre chemin , répondit brutalement
l'offlcier.
On conduisit ainsi le colonel Dunin devant le commandant i
— Qui êles-vous? lui demanda celui-ci :
— Dunin, colonel démissionnaire aux grenadiers de lagarde
de l'ancienne armée polonaise, actuellement propriétaire dans
ce pays, et en visite chez mon parent.
— Monsieur, reprit le commandant je regrette que vous
ayez été traité de la sorte, mais ne vous en prenez qu'à vous
et à vos amis, vous êtes seuls coupables. On a tiré contre les
troupes plus ae cent coups de feu; vous en subissez les con-
séquences.
Alors d'une voix encore assurée, ce vieillard couvert de sang»
se redressant autant que ses forces le lui permettaient :
— Vous savez qui je suis, dit-il au commandant, et tout ser-
ment de ma part serait superflu. J^ai vu la mor^^e prèsj mes
blessures Tattestent, et je n'ai jamais dit que la vérité. Eh
bien, j'affirme que vous avez menti, en disant que des coups
de feu ont été tirés du château; faites-moi garder ici; fouillez
Partout, et si vous trouvez une seule arme a feu, je consens à
tre fusillé avec.
A cette rude apostrophe le commandant tourna le dos et ne
répondit rien.
Le major Kun, attaqué dans une troisième chambre, s'était
défendu avec les mains contre les fusils et les baïonnettes. Il
avait les doigts du milieu coupés aux deux mains, lorsqu'on le
conduisit, à coups de crosse, devant ce même commandant.
Un autre officier de la garde, dont il implora la pitié lui
répondit par un coup de sabre dans la figure.
Les domestiques mâles furent tous massacrés. On épargna
les femmes, sauf deux.
Tout ce qui ne put être emporté fut brisé. L'argent, les
bijoux, rorfévrerie. furent partagés séance tenante. Quand
on n'eut plus rien a prendre ou à briser, le commandant fit
ranger ses troupes en bataille et leur adressa ses félicitations : .
— Valeureux soldats, leur cria-t-il, vous avez noblement fait
votre devoir, je vous remercie!
Par un heureux hasard, les Russes ne pénétrèrent pas dans
la chambre où se trouvaient le comte Poletyllo et ses enfants.
Ce qui prouve bien que ce n'est qu'au hasard qu'il dût d'êtr«
Dl LA RÉVOLUTION POLONAISE. 411
sauTéi c'est me le lendemaia^ lorsquMl fit demander au com-
maodant militaire de Lublin» la permission de lui amener ses
enfants, celui-ei fut très-surpris.
—Comment, s'écria-t-il naiYement, il est encore en iriel
mais il doit être blessé.
—11 se porte à merveille.
'— Il est bien heureux l II peut venir.
Cet événement ne fut nullement démenti par les autorités
russes. Elles prétendirent seulement que des coups de feu
avaient été tires des fenêtres du château.
Ce quMl est surtout indispensable de foire remarquer, c'est
que les coupables de cette incroyable attaque étaient des offi-
ciers et des soldats de la garde impériale !
Le 14 février, dix insurgés s'étani réfugiés dans une grange
près de Gonstantinow, y furent massacrés après une vive résis-
tance par un détachement de Cosaques. Immédiatement ces
braves incendièrent le village, pillèrent et détruisirent en par-
tie le château appartenant au comte Alexandrovricz. Le même
jour^ et sans aucun combat, les Russes détruisirent, à Iva-
nowice, le château de M. Stanislas Walewski, cousin de M. le
comte Walewski, ministre français et frère de la marquise
Wielopolska,
Egalement le même jour, les mêmes foits se passèrent à
Florianka et à Bukow.
Or, saves-vous ce que le gouvernement russe, qui veut
compter parmi les gouvernements de l'Europe civilisée» faisait
dans ces circonstances? Il autorisait les soldats kmeUre à l'en-
can, sur les places publiques des villes, les objets volés !
Nous avons dit mettre et non tendre, car nul ne voulait ac-
quérir des biens dont on connaissait la singulière provenance.
t G^est ainsi, dit une lettre de Radom du 14 février, qu'un
dragon offrait ici, avant*hier, une édition rare des Psaumes
de David, richement reliés. Personne n'a voulu se rendre ac-
quéreur d'un objet ayant une pareille provenance. On a vu
également, dans la ville, des soldats vendre des manteaux de
femmes» doublés de riches fourrures, des perles, de l'argen-
terie, des boucles d'oreilles et d'autres objets précieux prove-
nant, disaient-ils eux-mêmes, du sac de Woncnock. »
Et cependant nous devons, pour être impartial, raconter
deux faits assex rares dans l^histoirei et qui sont à la louange
des Moscovites.
Un colonel russe, d'origine polonaise» avait reçu à Petrikau»
Srèsde Varsovie, l'ordre de mire fusiller son propre neveu,
lit prisonnier par les Cosaques. U préféra se faira sauter la
cervelle.
412
Un autre colonel russe , fils du général Korff , a inspiré ces
belles lignes à notre historien national Henri nfartin :
a Tandis qu'une soldatesque aveugle et brutale, conduite par
des chefs serviles et dépravés^ renouvelle les horreurs des
jours de Souvarow
a Tandis que tous les forfaits de la barbarie déchaînée au
nom du czar^ appellent de nouveau sur la Russie des autocrates
Panathême du monde civilisé
« 11 est des Russes qui ont emprunté à TOccident . non pas
ses frivolités et ses corruptions^ mais ses principes ae droit et
de justice, ses idées de progrès et ses aspirations d'avenir!
« I) est de ces Russes aujourd'hui dans l'empire de Russie,
comme il était des chrétiens dans l'empire romain : il en est
dans les rangs de cette armée qui renferme ce qu'il y a de
plus pur auprès de ce qu'il y a de plus immonde et de plus
brut.
a II y a trois mois^ une lettre adressée au grand-doc Constan-
tin, au nom des officiers de l'armée russe en Pologne^ lettre
qui fit changer en toute hâte la garnison de Varsovie, avait
protesté contre l'abominable rôle infligé aux officiers russes.
*Une autre lettre d'officiers russes, dans leKolokoldu 10 fé-
vrier, renouvelle ce refus de p^ticiper à une œuvre de bour-
reau. « Nous avons résolu^ écrivent-ils, de sceller notre refus
par notre mort. Celui qui osera aider notre gouvernement al-
femand-tartare à nous arracher notre héritage d'honneur, ce-
lui-là^ que sa mère le maudisse! »
« Us commencent à tenir parole.
a H est des Russes qui meurent silencieusement sous des
balles russes, dans les fossés de auelque citadelle, pour avoir
mieux aimé être les victimes que les complices des egorgeurs,
pour n*avoir pas voulu mettre le fer dans la gorge de leurs
frères polonais.
a Un chef russe ^ un colonel de la garde impériale , H. de
Korff (sa mémoire ne périra jamais !)^ avait reçu l'ordre de dé-
truire une ville polonaise ; plutôt que d'être l'exécuteur du plan
d'extermination, plutôt que de consommer le crime, il s'est ré*
fugié dans la mort ; il s'est brûlé la cervelle en tête de son ré-
giment; désespoir sublime, dérogeant, par le plus chrétien des
sentiments, à la juste loi chrétienne qui interdit à l'homme de
s'affranchir lui-même de la vie,
<c De tels hommes rachètent le nom souillé de leur patrie;
ils couvrent ses hontes sanglantes de leur auréole devant le
monde; ils seront les saints d'une nouvelle Russie, les martyrs
honorés d'une Europe nouvelle, pour avoir scellé de leur sang
le pacte de la réconciliation des races ennemies et de lasainliB
alliance des peuples ! n
DE LA RiVOLUTION POLONAISE. 413
Voici^ dans sa simplicité historique, le trait d'héroïsme de
H. de Korff.
A Ogrodziniec, sar le chemin de Pilica à Opoczno, le co«
lonel Korff, fils da général de ce nom, qui commandait à Var-
sovie, reçut de son père Tinjonction de se joindre à un déta-
chement chargé de Texécution d'un de ces ordres impitoyables
à Taide desquels on avait espéré étouffer rinsurrecUon en quel-
ques jours. Ayant assemblé les officiers de son régiment, il
leur dit : a qu'il lui était impossible de concilier les instrnc*
« tions paternelles et son devoir d'officier avec sa conscience
« d'honnête homme, » et, passant dans une chambre voisine,
il se fit sauter la cervelle.
Ce sont là des faits consolants , mais malheureusement ils
sont rares dans les fastes de la domination russe.
Aussi devons-nous, après ce court temps d'arrêt, reprendre
le cours de nos récits.
Un détachement des insurgés dispersés le 7 février à Siemia-
tycze, venait de traverser, le 16, le village de Dolobizna» pour-
suivi par les Cosaques. Ces derniers, trouvant le pays de leur
goût, arrêtèrent là leur poursuite. Ils se dirigèrent d'abord
vers le château , et là se renouvelèrent les scènes horribles
dont la demeure du comte Politello, à Woysktwice avait été le
théâtre, et que nous avons racontées.
H. Sniezko, propriétaire de Dolobizna, se trouvait chez lui,
seul avec ses domestiques. Les soldats commencèrent par tirer
des coups de {«sil dans les fenêtres. Le Journal de Wilna, pour
justifier cette infâme agression, a dit qu'il y avait des insurgés
dans la maison et qu'on avait commencé par tirer sur la troupe.
C'est toujours la même fable, servant à couvrir, d'une excuse
mensongère, les mêmes atrocités. Il a été, au contraire, irré-
fragablement démontré que, depuis plusieurs heures, tous les
insurgés s'étaient éloignés du village et que pas une arme ne
se trouvait dans le château.
M. Sniezko, s'étant présenté pour parler à Tofflcier, est at-
teint d'une balle à la jambe. Il tombe; deux cosaques se jet*
tent sur lui et le traînent dans le jardin. Un troisième accourt,
couche en joue le malheureux blessé, tire; mais, au lieu de
M. Sniezko, la balle va frapper un de ses camarades qui tombe
auprès de sa victime. H. Sniezko reçoit ensuite plusieurs coups
de lance, et les cosaques, le croyant mort, se dirigent vers la
maison pour la piller.
Un juif, qui traversait le jardin, ayant reconnu qu'il respi-
rait encore, essaya de l'emporter dans ses bras ; à peine ses
bourreaux s'en furent-ils aperçus qu'ils revinrent sur leurs
pas, l'achevèrent, le dépouillèrent de ses vêtements et aban*
donnèrent son cadavre nu au milieu 4a chemin.
414 U8T0IU
Neuf personnes furent massacrées. Un prêtre y fut brûlé
▼if I
Le 15 féyrier, une bande dUnsurgés s'arrêta à Ojcow et s'en
éloigna le même jour sans avoir pratiqué, à l'égard des habi*
tants, aucune vexation ; le surlendemain une colonne russe »
commandée par le prince Bagration^ s'y arrêta à son tour.
La fureur des Russes s'arrêài d'abord sur les blessés polo-
nais restés à Ojcow» On leur creva les yeux à coups de baïon-
nette, puis on les pendit à des arbres ornant une des places de
la ville. On procéda ensuite au pillage; l'incendie, allumé en
plusieurs endroits, s'étendit bientôt aux principales maisons.
Au moindre signe de résistance et de protestation ^ les habi-
tantsétaientexposésaux violences des soldats; la plainte même
était un crime aux yeux de ces sauvages, et les plus inofTeusiEs
n'échappaient pas toujours à leurs brutalités.
Il existe, dans le voisinage, une population flottante de con-
trebandiers et de soldats retraités, sans liens bien étroits avec
le pays. Comme si les cosaques et les soldats russes n'eussent
pas suffi à la tftche, ces hommes, généralement familiers avec
les scènes de violence et peu scrupulisux en matière de probité^
furent appelés à prendre part au pillage. On leur promit non-
seulement l'impunité, mais la faveur des autorités russes.
a Depuis le célèbre château d'Ojcow jusqu'aux moulins de
Czaye, écrivait, deux jours après, un des habitants échap-
pé au massacre, tout ce pays , naguère si prospère^ n'est plus
qu'un monceau de ruines sanglâmes et de déb^s fumants, au
milieu desquels on a trouvé des corps à demi-consumés. Dans
{plusieurs endroits, il est impossible de distinguer la place où
urent les habitations; on voit que la barbarie orientale a
passé par là, en y semant, comme toujours, la destruction et
la mort. »
Là ne s'arrêtèrent pas les exploits du prince Bagration et de
ses braves. La ville de Miechovir allait voir encore un plus af-
freux spectade, si affreux que nous n'osons le raconter qu'en
reproduisant textuellement le rapport officiel adres&é par le
chef du district de Miechove au général russe iTszakoff, com-
mandant miUtaire du gouvernement de Radom :
« Arrivés dans la nuit du 16 au 17 de ce mois» les insurgés
(itta<|uèrent , à six heures du matin , la ville de Hiechovr;
après un combat d*une heure et demie avec les |>ostes avancés
et la garnison impériale russe de cette ville, ils furent re*
pousses.
a Les habitants sont restés entièrement en dehors de ce
combat. Les portes cochères, les issues et les fenêtres ont été
formées, et nul des habitants n'est sorti dans les rues, pour
laisser toute liberté d'agir à la troupe*
M LA BÉyOLCTIOlV POLOHAISl. 418
c Une demi-henre après la retraite des insurgés, les soldats
commencèrent à tirer dans les fenêtres des maisons; puis,
brisant les portes^ ils envahirent les demeures particulières,
sous prétexte d'y chercher des insurgés, ou bien en affirmant
qu'il en était parti des coups de feu.
a Us se firent remettre de Tardent» arrachèrent les proprié-
taires paisibles de leurs habitations et les maltraitèrent sans
pitié; après quoi ils emportaient tous les objets de prix et bri-
saient les meubles.
c En rétidf lissant Vordrede cette manière, beaucoup d'entre
eux abusèrent des liqueurs fortes qu^ils trouvèrent dans les
caves, les cafés, les boutiques et les brasseries et qu'ils buvaient
avec avidité. Dans cet état, sans même obéir aux ordres des
officiers qui cherchaient à les retenir, ils se portèrent à tous
les excès, mirent le feu aux maisons sur plusieurs points de la
ville, et, profitant de l'alarme pour saisir les passants inoffen-
sifs, les assommer et les tuer, ils se livrèrent à toutes les hor-
reurs du massacre et du pillage.
a Ni rautorité du rang, ni le grade, ni l'uniforme, ni lessi**
mes honorifiques ne pouvaient préserver la vie des victimes»
Le bourgmestre Pierre Orzechowski, renommé pour son
tèle civique, proposé pour une récompense par le prince Ba*
gration, lorsque les soldats assaillirent sa demeure, sortit re*
vêtu de son uniforme et de ses insignes, sans doute pour les
haranguer et pour se faire reconnaître ; mais appelé aussitôt
par eux rebelle, traîné vers le corps de carde sous une grêle
de coups de crosse et de baïonnette, il fut égorgé devant le
poste même, à Quelques pas de sa maison. Une demi*heure
après, les soldats insultaient au cadavre en le perçant de
coups de lance et de baïonnette, le dépouillaient de tout vétor
ment, et le traînaient dans le ruisseau voisin du corps de
garde. Il y resta, souillé de son sang, jusqu'à ce que des hom-
mes de cœur, touchés par les prières de sa malheureuse fem-
me, eussent recueilli ces restes mutilés dans sa maison, où i}fi
furent bientôt consumés par l'incendie.
« Le juge de paix, Gidlewski et le maire de Miechovr, LeD-
czewski, malgré les insignes et le costume de leur emploi,
furent dépouillés et conduits à coups de crosse au corps de
garde, d'eu ils ne furent délivrés, après plusieurs heures de
détention, que sur les instances de quelques officiers dont ils
étaient connus. Le maître de poste, arrêté dans le bureau de
poste même, fut traîné dans la rue, dépouillé jusqu'à la che-
mise et roué de coups. Il resta prisonnier, plus longtemps
encore, au corps de garde et ne dut son salut qu'à une pareiùe
intercession.
« Le chef même du district (Jauuszkiewicz) fut assailli dans
416 HISTOIBB
sa maison dont les portes avaient été enfoncées ; menacé de
mort il ne fut sauvé que grâce aux efforts d'un invalide^ non
toutefois sans avoir payé une forte rançon à sept soldats qui
voulaient le tuer^ comme rebelle en disant que des coups de
fusil étaient partis de sa demeure, ce qui, pourtant était une
insigne fausseté. L'ingénieur voyer Wysocki, revenu le soir
précédent de Varsovie, bien qu'il logeât dans sa maison deux
officiers de chasseurs, fut de même rencontré par des cosaques
ivres, malmené et dépouillé.
< Le nombre des habitants tués sans aucun motif est, jus-
qu'à présent difficile à évaluer. En voyant ce qui se passait,
quelques officiers et quelques soldats, plus humains, allèrent
conseiller à beaucou[) de personnes de quitter leurs demeures,
car, disaient-ils, la ville entière devait être brûlée.
» Or, ce n'était au'un moyen d'obtenir des objets précieux
sans être obligé de recourir à la violence. Les protecteurs
imposaient une taxe aux protégés, puis pillaient leurs domi-
ciles vides.
c Toute autorité» même militaire, était absolument mé-
connue. La soldatesque tirait sur les officiers qui offraient
rincèrement leurs concours aux habitants.
« A chaque instant le feu était mis à une maison. Ce qui
est le plus affreux, c'est que ces incendies n'éclatèrent pas à
la suite du combat, mais furent allumés par le caprice des
soldats, défenseurs naturels de l'ordre, et sorlis victorieux
d'une lutte à laquelle leurs victimes n'avaient pas pris
part.
€ Le désordre, le pillage, les massacres allant toujours crois-
sant, il fut bientôt déclaré par plusieurs officiers, et entre
autres par le major Zubkoff, le lieutenant Kuriatkowsky, et
un petit nombre de leurs camarades, que le bureau du district
et le couvent où s'était réfugié le personnel administratif,
n'était plus suffisant pour le proteger.
cGes officiers escortèrent les employés, leurs femmes,
kurs enfants, et les habitants des deux sexes hors de la ville,
en les laissant libres de se disperser dans les villages, et d'y
cberchjer un refuge. Conduits par détachements, ceux-ci se
dirigèrent vers la contrée voisine, ne pouvant rien sauver de
ce qu'ils avaient emporte dans le couvent. Le détachement où
se trouvaient le chef du district, son secrétaire, l'ingénieur '
du district, l'ingénieur voyer, le juge de paix et plusieurs
autres fonctionnaires ^t habitants, douze personnes en tout, y
compris la femme du major Zubkoff, la famille du major
Jablonsky, etc., se rendit à pied au village deZagorze, distant
de sept verstes de la ville ; pendant le trajet, l'officier d'escorte
des gardes frontières, dut se quereller vivement avec ses
Dl LA RÉVOLUTION POLONAtSK. 41T
propres soldats qui Toulaient traiter ce convoi comme un
atlroupemenl de rebelles.
a Au moment où j'écris ce rapport, le secrétaire du chef
de la circonscYiption, celui du district, le sous-greffier du
tribunal , l'adjoint honoraire , les maires communaux de
Wielko-Zagorze et de Hiecbow, domiciliés dans cette ville. .
viennent d'arriver àUnieiow, et;demMnformer qu'ignorant
où se trouvaient leurs familles^ ils avaient suivi à pied le
convoi de Patroszyce et de Podlesna-Wola, et qu'au moment
de leur départ, la ville était déjà tout embrasée, à
Ce rapport, complètement officiel est signé de MM. Janns-
kieWy cnef, et Ranienski^ secrétaire du district de Miechow.
Or* il est bon de dire qu'elle était, pour les russes, l'excuse
de toutes ces cruautés.
Miechow avait une garnison de huit cents russes. Un déta-
chement de deux cents insurgés, désignés sous le nom de
zouaves de la mort^ les attaqua pour s'emparer de la ville.
Une petite église dans laquelle s'étaient retranchés les russes,
fut bientôt enlevée par ces zouaves que commandait Roche-
brun.
Un coup de fusil parti de la fenêtre d'une maison voisine,
tua le cheval du chef des insurgés. Contusionné dans la chute,
il s'élança cependant vers cette fenêtre, et des cinq coups de
son revolver» tua cinq hommes.
Les russes se retirèrent dans la ville où les insurgés les
suivirent.
Mais aussitôt arrivés à la place de la caserne, les russes se
formèrent en carré et préparèrent la caserne et le couvent
pour leur défense.
Devant cette résistance» les insurgés durent se retirer en
éprouvant de grandes pertes. Ne pouvant se venger sur eux^
les russes tournèrent leur fureur contre les habitants inoifen-
sifs. L'incendie fut terrible. 11 dura trois jours entiers. Quatre
maisons seulement furent préservées par hasard. L'hôpital, la
poste, le tribunal, les archives et le musée furent entièrement /
détruits, après avoir été pillés. (
Nous devons ici, comme nous l'avons fait quand notre récit »
a eu à s'occuper de Langiewicz dire ce qu'était le comman-
dant des insurgés de Miechow.
François Rochebrun, notre compatriote, est ne à Vienne
(Isère), le !•' janvier 1830. C'est un enfant du peuple II fut
apprenti typographe chez H. Timon, imprimeur a Vieune.
Puis il quitta l'imprimerie pour apprendre l'état de piâlrieri
qu'il exerça bientôt comme patron.
Rochebrun servit au 17* léger, puis au 62'^ de ligne. Il a
fait en qualité de sous-officier la campague do Crimée.
53
41 s BI8T0IU
Au sortir du serrice, il fut appelé en Pologne par H. Tom-
kowitz, riche propriétaire du palatiuat de Cracovie^ (]ui le
chargea de réducation de ses enfants. Il revint ensuite à Paris
où il passa Tannée 1862, puis repartit pour la Pologne où il
tint une salle d'escrime.
Dès les premiers jours de l'insurrection, il transforma sa
clientèle, deux cents jeunes gens de la meilleure noblesse
polonaise, en soldats de la cause nationale. Ce fut le noyau des
zouaves de la moft. L'aîné des fils Tomkowitz fut sous-lieu^
tenant.
Tandis que Rochebrun se signalait a Hiechow, apparaissait
sur un autre point de la terre polonaise un autre héros, du
même âge que lui et Langiewicz, polonais comme ce dernier:
Sigismond Padlewski. Sa lamille possède de grands biens dans
rUkraine et la Podolie. Il a fait ses études à Funiversité de
Kiew; comme Langiewicz il se destina de bonne heure à Tétat
militaire et suivit , à Saint-Pétersbourg» les cours de Técole
d'artillerie avec un tel succès, qu'il fut nommé capitaine de
la garde et professeur, bien qu'il fût encore tort jeune.
Deux ans plus tard, Padlewski fut envoyé par le gouverne-
ment russe à l'étranger pour y compléter ses études spéciales.
C'était le temps où les événements de Varsovie commençaient
à occuper l'Europe. Notre jeune officier, arrivé à Paris, ne
songea plus qu'à sa patrie et devint l'un des membres les plus
actifs de l'émigration polonaise. Plus tard il remplaça Lan->
^ewicz comme professeur d'artillerie à l'école de Cuneo; cette
école ayant été supprimée par le gouvernement italien, il re*
vint à Paris et bientôt après (septembre 1862), il partit pour
la Pologne, où il séjourna sous un faux nom, iusqu'au moment
où il put prendre rang parmi les plus intrépides champions
de la cause nationale.
Bientôt la guerre, «- et nous avons vu comment les rasées
la comprennent, -^ ne suffit plus au gouvernement du Czar.
La persécution va appeler à son service les passions du popu*
laire iffnorant. Les paysans sont conviés à aider au vol des
biens de leurs malires. On récompense ainsi leur zèle à obéir
aux instructions du lieutenant du Czar.
Le 25 février, le grand-duc Constantin adresse cet ordre à
tons les chefs militaires :
« 11 est arrivé à la connaissance de Son Altesse Impériale
que les paysans du royaume, fidèles à leur souverain et à leur
serment, prêtant partout leur appui à l'armée, mettent tous
leurs soins, pour aider au rétablissement de la tranquillité et
de l'autorité de la loi, troublées par les ennemis de leur propre
pajs et de tout ordre.
« Considérant qu'il est indispensable de définir cet appui
dans des règlements chiirs^ afin d'éviter qu'il ne puisse de-
ra LA BÉYOLOnOll POLONAin. lit
venir un danger pour les personnes et les propriétés, le grand-
duc Constantin a daigné ordonner ce qui suit :
a l'* Les autorités communales doivent veiller sur toutes les
personnes qui habitent la commune d'une manière fixe ou
provisoire, et même sur celles qui ne font que la traverser.
Les gardiens ou surveillants de ces communes seront, en
outre, à leur disposition;
a 2"" Les maires et les conseillers municipaux sont obligés
d'arrêter, sans délai, tout individu armé ou faisant partie deg
bandes de perturbateurs, ainsi que tous les vagabonds, et de
les livrer, avec le concours d'un certain nombre de paysans, à
l'autorité militaire la plus voisine, jt
11 est utile de bien faire remarquer que cet ordre, lancé
dans le but d^eiciter le pauvre contre le riche, sous les trom-
peux dehors d'une réglemefitation impossible, est l'œuvre du
{;rand-duc Constantin, le propre frère du Czar, un prince que
es journaux inféodés à la Russie représentent comnl^e le plus
vaillant de tous les champions du progrès, le plus fervent des
amis de rhumanitc.
Les incidents se pressent. Chaque jour un nonveau combat.
Chaque jour aussi un nouveau crime. La plume se refuse à
tracer le récit de toutes ces horreurs. Bornons-nous à raconter
les faits caractéristiçiues de l'oppression et de la résistance.
Le 27 février, trois cents faucneurs et deux cents ftintasshië
ou cavaliers, bien équipés et bien armés traversèrent la ville
de Lodz, et établirent un camp à quelque dislance.
On remarçiuait parmi eux un jeune et beau volontaire, et
on apprit bientôt que c'était une dame, madame Micholskâ,
âgée de vingt-trois ans, et mère de trois enfants.
Trahis par des paysans allemands, ces insurgés furent sui:-
pris au moment de leur repas par un corps d^armée russe si
considérable qu'ils reconnurent rimpossibilité de se défendre
et offrirent de se rendre.
Les officiers russes auraient consenti, mais les cosaques ne
voulurent pas perdre une aussi facile occasion de montrer
leur bravoure. Ils attaquèrent avec furie les polonais, qui vaii-
dirent chèrement leur vie.
A elle seule, madame Mîcholska, tua plusieurs ennemis.
Elle fut cependant prise, et quoique Ton connût facilement
son sexe, elle fut immédiatement égorgée.
Le lendemain, plusieurs habitants de LodE se rendirent sur
le lieu du combat; ils trouvèrent 57 cadavres d'insuiig^és,
dépouillés jusqu'à la chemise et ayant au moins chacun six
ou sept blessures; beaucoup d'individus, grièvement blessés,
moururent peu après, de façon que cette affaire a coûté aux
insurgés à peu près 100 morts. Les Russes emmenèrent avec
430 HfSTOIRB
eux 85 insurgés prisonniers et deux voitures remplies de sol-
dats ayant reçu aes blessures graves.
Le père de madame Michoiska fut frappé d'apoplexie en
apprenant la mort de sa flUe^ et tous deux furent enterrés
ensemble quelques jours a|)rès à Lodz.
Un autre fait mérite aussi d'être cité à un tout autre point
de vue.
Le 28 février, un détachement d'insurgés d'une centaine
d'hommes se troiJVait campé aux environs deWielun, près de
la frontière prussienne et de la rivière Prosna qui sépare ia
Pologne proprement dite du grand duché de Posen.
Ce petit corps fut rencontré par une colonne moscovite cinq
fois plus considérable. Les polonais combattirent vaillam-
ment. Au bout de 2 heures, leur chef fut tué et ils se trouvaient
réduits à une cinquantaine d'hommes. Ils eurent alors la
pensée de se réfugier sur le territoire prussien.
De l'autre côté de la rivière Prosna, ils trouvèrent un autre
ennemi. Les prussiens les reçurent d'abord, puis au nom du
droit des ^ens les désarmèrent, et, une fois désarmés, les re-
reconduisirent sur le sol polonais, la baïonnette dans les
ireins.
U n'en restait plus que quarante. D'une seule décharge des
russes trente-sept furent tués. Les trois autres passèrent de
nouveau la Prosna à la nage. Deux furent pris par les prussiens
<et livrés aux russes qui les achevèrent. Un seul parvint à
s'échapper !
Ce fait plus que tous les documents diplomatiques dit élo-
qnemment quelle est l'opinion du gouvernement de Prusse
sur la révolution polonaise.
Et tandis que ces événements s'accomplissaient, le gouver-
nement national continuait sa tâche. Le 1^ mars, la ville de
Tarsovie trouva en s'éveillant, placardée sur tous ses murs,
la proclamation suivante :
c Concitoyens,
a Lorsqu'il y a six semaines, une oppression sans exemple
eût porté au dernier degré les souffrances du peuple, nous
vous appelâmes aux armes, pleins de confiance en la sainteté
de notre cause pour les droits de l'humanité, pour la liberté
et l'indépendance de notre patrie.
a Notre confiance en la force et la virilité delà nation polo-
naise ne nous a pas trompés.
« L'ennemi, rendu impuissant, se venge de ses défaites
par le meurtre et l'incendie, ment à l'Europe, et envoie, après
chaque coup qu'il reçoit, des bulletins de victoires fabuleuses
à rOccident.
« La semence répandue par les mains des dénonciateurs et
DB LA RÉVOLirriOlV POLONAISE. HX
des traîtres^ n'a pas profiié à notre ennemi. En souillant nos
temples de sang innocent, il a porté le scandale jusqu'au pied
de rautel. Notre.clergé a rejeté^ a^ec indignation^ renseigne-
ment des faux prophètes et s'est mis da côté du peuple oppri-
mé. Dieu bénisse nos armes !
c Dans sa honte, Tennemi a avoué devant le monde entiefi
comment il voulait décimer notre population par un recrute-
ment de proscription. La. population urbaine et les bandes
valeureuses de la Jeunesse des campagnes ont commencé le
combat auquel prend part aujourd'hui toute la nation.
« Epuisé par sa guerre avçc TOccident, tourmenté par le
mécontentement de son propre peuple, l'ennemi ne pouvait
nous écraser par des forces supérieures, et s'est efforcé pen-
dant deux ans de tromper l'Europe et nous leurrer par de pré-
tendues concessions. Malgré toutes les déceptions que nous
avait fait éprouvé le czarisme» et la défiance qui en était ré-
sultée pour les réformes qu'il avait opérées, une partie de nos
concitoyens se mitcependant à 1-œuvre au sein des institutions
accordées.
c L'expérience de Tannée 1862 a fait paraître en plein
jour Tarriëre-pensée cachée sous ces prétendues concessions.
Les efforts de ces travailleurs infatigables furent dissipés en
essais infructueux, embarrassés de fausses complications,
entoura de mille difficultés. Pas une seule proposition utile
des conseils de cercle n'a été mise à exécution. Le don de
rennëmi a été apprécié à sa valeur. Aujourd'hui, il n'y a pas
un seul homme honnête dans le pays qui croyant à la fourberie
moscovite, se fasse l'illusion de supposer qu'il est possible de
travailler utilement pour la Pologne avec l'ennemi.
a Lorsque des hommes peureux ou de peu de foi doutaient
de la possibilité d'une insurrection, nous n'en avons pas moins
persisté dans notre croyance et dans nos opinions nationales.
Le succès a convaincu tout le monde. Parmi les propriétaires
et les habitants des villes il n'y a plus une âme véritablement
polonaise qui ne partage l'enthousiasme général ; et les or-
dres du gouvernement national sont reconnus par tous les
bons citoyens.
<x La force du peuple des campagnes a toujours fait l'effroi
principal de l'ennemi ; voilà pourquoi tous les moyens furent
tentés pour paralyser ce Samson. Le renégat qui voulut mettre
aux pieds du czar la Pologne opprimée, qui envoya des espions
parmi les cultivateurs et les leurra de l'espoir du don de la
propriété d'autrui, tandis au'en môme temps il plaidait pour
a corvée devant le czar, fut sincère, pour la première fois,
lorsqu'il déclara, au sein du conseil d'Etat assemblé, que nos
ennemis avaient excité sciemment et systématiquement Firri-
r.
481 HttTOlBB
tation en souleTant la question des paysans sans la régler
définitivement.
« Voilà i)ourquoi aussi le prenoier mot du gouvernement
national a été 1 Wrancbissement de tous les enfants de notre
sainte mère^ la Pologne ! Fermant la source du mécontente-
ment nourri par le czarisme, pendant de longues années^ le
gouvernement national a proclamé de suite raurancbissement
es paysans, et leur a conféré des propriétés.
« En rendant cette disposition, il n'a nullement été dirigé
par les théories utopiques ou subversives qui menacent de
renverser les principes sur les(^uels repose la société civilisée
dans le reste ne TËurope, mais il n'a fait qu'accomplir le vœu
depuis longtemps formé par les propriétaires nobles et mettre
en pratique les espérances légitimes des cultivateurs.
< La perte qui en résultera pour la propriété privée sera
honnêtement récompensée parle trésor de l'Etat. Le gouver-
nement national prend la responsabilité de l'exécution exacte
de cette mesure^ aui est conforme à la volonté des propriétai-
res, et avec laquelle cesse toute cause d'animosité réciproque,
au sein des populations rurales. C'est pour cela que les ten-
tatives d'exciter les passions haineuses, contre l'insurrection
nationale sont presque partout restées sans résultat.
« Le prix de cinq roubles (20 francs) que le czarisrae a offert
Kur le sang de nos frères n'a pas créé de fratricides ! Malgré les
lèbres et l'abrutissement dans lesquels l'ennemi a maintenu
systématiquement les populations rurales, l'instinct honnête
de la nation polonaise a fini par prévaloir sur l'instinct anti-
slave des Tartaro*Moscovites. Partout où le peuple entend que-
3ues mots de vérité et de sympathie, il accourt dans les rangs
es défenseure de la patrie.
a Le sang polonais de toutes les classes qui a coulé dans les
rues de Varsovie j nous garantit que nos frères appartenant i
la religion israélite prendront part aussi- à l'insurrection ac-
tuelle comme il convient à de braves enfants du pays qui ont
reçu ici un accueil hospitalier, y ont trouvé leur vie et obtenu
les droits civiques.
a Ainsi donc, en avant avec courage l Avec nous est Dieu,
avec nous sont les hommes de cœur de tous les pays, d
Ce document a cela d'important qu'il révèle, d'une façon
certaine, la portée de la révolution polonaise. Comme on vieut
de le lire, le mouvement ne touche pas aux principes sur les-
quels repose la société européenne. Il révèle aussi un côté de
la ligne politique suivie par le marquis Wielopolski^ qu'il dé-
signe sous le nom peu parlementaire de renégat.
Après cette manifestation des sentiments polonais, voyons
une manifestation des sentiments russes.
Au milieu des combata et des massacres , on eut ridée de
DK LA BÉTOLUTION P0L0HAI8B. 423
célébrer avec uoe certaine solennité Panniver^aire de l'acle
d^émancipationdu 2 mai 1861. On chargeait les popes de cette
singulière mise en scène. Hais^ si les agents religieux ou mili-
taires de la politique russe ne manquent pas de bon vouloir,
on ne peut faire autrement que de nier leur intelligence.
Le gouverment moscovite semble en convenir lui-même, lors-
qu'il rédigea Tavance les sermons que ses prêtresdoivent pro-
iioncer.
Il est heureux, pour Tédiflcation delà postérité, gu^on ait pu
connaître la teneur de ce sermon uniforme. La voici :
« Je vous salue, mes chers amis. Je vous salue du plus pro-
fond de mon cœur, par Tannonce du plus grand bonheur qui
puisse être donné à Thomme sur la terre; je vous salue par
rannonce de la liberté que vous recevez aujourd'hui de celui
dont la mémoire vivra éternellement dans tous les siècles, par
l'annonce du présent qui vous est octroyé par notre bienfai-
teur, notre czar, notre bien-aimé père Alexandre II, l'ami de
son peuple. Jusqu'à ce jour, vous ne jouissiez d'aucune liberté,
vous étiez forcés de faire ce qu'on vous ordonnait, et d'aller là
où Ton vous envoyait. Jusqu'à ce jour vous n'étiez pas des
hommes; mais, ô joie! 6 bonheur! maintenant vous êtes li*
bres! Je vous salue donc avec les transports de la plus viveai«
légresse.
a Vous savez, mes frères, à qui vous devez ce bonheur su**
prême. Je vous ai déjà dit le nom de votre libérateur dont la
mémoire sera éternelle. Quel don lui ferez-vous en retour de
cette grande preuve de son amour paternel, de votre émanci^
pation récente? Il n'a besoin d'aucun de vos dons : il ne de-
mande que votre amour et vos prières.
a Que chaq ueâme russe orthodoxe, dans IMvresse de sa Joie, se
Jette à genoux ; que du plus profond de son cœur elle prie Dieu
d'accorder à son libérateur, à son Moïse, ses meilleurs dons sur
la terre et dans le ciel! Russe orthodoxe, n'oublie Jamais de
1>rier pour ton bienfaiteur; apprentis ce devoir à tes fils, qui
e transmettront à tes petits-fils de siècle en siècle !
< Hais vous avez encore un autre moyen pour remercier di<^
gnement votre libérateur; son âme est actuellement attristée
par la révolte de ceux qui naguère étaient vos maîtres, ie veux
dire les Polonais. Ils essaient de séparer notre terre natale de la
Russie, notre sœur dans la foi. Us veulent vous arracher à la
tutelle protectrice du czar russe orthodoxe, votre libérateur^
]>eut-étre même, par leurs funestes cabales, chercheront- ils a
TOUS faire retomber dans le dur esclavage dont vous êtes au*
jourd'hui délivrés. Us l'ont déjà demandé à votre czar; ils ont
même osé dire dans leur adresse, que vous-mêmes vous vou*
Uez vous séparer de lui et de la Russie, pour être incorporés à
la Pologne. J'ai conflancg dans le sentiment unanime d'indi-
424 HISTOIKI
gnalion avec lequel vous accueillerez la triste nouvelle de
cette lâche calomnie quMlsont proférée devant votre libéra-
teur. Oui; mon âme en est profondément convaincue, on vous
a indignement calomniés dans res|;)rit du czar. Hais lui, notre
bien-aimé père, comment saura-t-il que c'est réellement une
calomnie, tant que vous ne lui attesterez pas qu'on Ta trompé
sur votre compte?
<x Que de vons*noas faire? me demandez-vous. Je vous ré-
pondrai : Voici ce que vous devez faire. Ecrivez sur un papier,
qu'on vous a calomniés devant le czar; que vous jurez, pour
vous et pour vos descendants, de vivre et de mourir sous l'au-
torité de notre bienfaiteur, et (][ue vous ne voulez entendre ja-
mais parler ni de la Pologne, ni des Polonais. Nous enverrons
ensuite ce papier à notre czar. »
Le lecteur est renseigné sur les finesses de la prédication
orthodoxe russe. Hais ce qui serait risible , si la pensée ne se
refusait pas à toute émotion autre que Thorreur, en présence
de la conséquence espérée de ces machinations, rest rinstruc-
tion dont le gouvernement moscovite accompagnait le modèle
de sermon. Cette instruction est confidentielle et tris-secrète;
mais il est heureux pour Thistoire que le mystère n^ait pas
enveloppé un semblable document.
a Le discours ci-joint ne peul manquer de faire éclater un
témoignage unanime d'assentiment ; il faut donc tenir toute
prête l'adresse en question et la faire signer sans retard. Cola
!)eut se faire après le service divin ; mais il vaudra mieux le
aire avant.
« Le discours doit être prononcé de mémoire, sans que le
desservant tienne entre les mains un cahier ou un [)apier
quelconque. Car il est très-important que toute la conduite de
cette affaire soit couverte du plus épais mystère et entièrement
cachée aux regards de nos ennemis; qu'elle ne soit, enuo
mot, connue que de Dieu seul.
a Désormais, à l'énumération abrégée des titres de l'Empe-
reur, qui est lue pendant la grand'messe, on devra ajouter ces
mots : Libérateur du peuple russe.
« Quant à l'Adresse, elle doit être écrite directement à
PEmpereur et à son nom personnel, en ces termes :
a Nous soussignés, en [)résence du Dieu très-haut et très-
c juste, réunis dans son temple au jour solennel et à jamais
a mémorable de notre délivrance de Fesclavage, attestons, par
<i le présent écrit, et jurons à notre très-miséricordieux lioé-
(c rateur, le grand czar et empereur Alexandre-Nicolaévitsch,
a que des hommes pervers nous ont calomniés devant lui en
(< disant que nous ne voulions pas vivre et mourir sous Tau-
« torilé de notre czar, d'éternelle mémoire, de notre bien-
« aimé père Alexandre II et de ses successeurs ; au contraire
DE LA RÉVOLUTIOR POLONAISE. 425
« nous voulons rester inséprablement unis à la Rassie, notre
« sœur dans la foi, et n'avoir rien de commun avec la Pologne
a et les Polonais. j>
a On aura soin de faire siçner cette adresse par tons ceux
qui savent écrire ; ceux qui ne savent pas écrire devront
aire une croix en présence du desservant ou de son diacre.
« Les Adresses doivent être envoyées le même jour au doyen
par les popes, pour être ensuite remises à Tévéque qui, de
son côté^ les fera parvenir aux gouvernements généraux, char-
gés de les transmettre à FËmpereur.
a Le texte de ces Adresses peut être modifié dans la forme;
l'essentiel ne consiste que dans le sens et non dans l'expression
plus ou moins éloquente. »
Il ne faut pas oublier que le paysan lithuano-ruthénien est
dans ^ignorance la plus complète^ et qu'il ne sait ni lire ni
écrire^ ce qui explique Tuniformité et Punanimité de ces
adresses^ dont le gouvernement russe eut le singulier courage
de se faire une arme contre l'Europe sympathique à la
Pologne.
Quoi de plus simple , en effet, que d'amonceler dès croix
sous un document, lorsqu'on a joué si bat)ilement sur les dates
d'un décret aussi solennel que celui qui proclamait l'aboli-
tion de l'esclavage !
Après de tels détails, le ridicule disparaît pour ne laisser
de prise qu'au dégoût.
Reprenons donc la suite des événements militaires. Voici
un jeune héros dont la bravoure et l'habileté vont^ pendant
quelques instants^ reposer l'esprit lassé de toutes ces tur<>
pituaes: Mielencki.
Ainsi que faisait Langiewicz sur la frontière de Gallicie»
Mielencki tenait la campagne entre Konin et Powidz^ sur la
frontière de la Silésie. Déjà dans une foule de rencontres, il
avait battu les Russes, et avait même poussé l'audace jusqu'à
es poursuivre sous les murs de la ville de Kasimir.
Le grand-duché de Posen (Pologne prussienne) lui fournis-
sait des volontaires, qui bravaient à la fois les soldats russes
et prussiens pour se réunir à lui.
Les Russes, effrayés de l'importance que Mielend^i prenait
chaque jour, envoyèrent des renforts à la garnison de Konin.
Le 1*^ mars, trois cents volontaires vinrent de leur côté ren-
forcer la petite armée de Mielencki.
Un corps russe qui entravait ses mouvements fut complète-
ment taillé en pièces, près de Dobroslaw, village du gouver-
nement de Varsovie, situé à deux lieues seulement de la
rentière prussienne.
Le 1*' mars au soir, les Polonais occupèrent le village et
U
426 RISTOIBS
reposèrent pour pouToir^ le lendemain^ tenter une attaque
sérieuse. ^
Le 2, Mielencki divisa sa troupe en deux détachements, afin
deforcer Tennemi à se diviser. Un de ses meilleurs lieutenants
ce sépara donc dt? lui^ tandis qu'il marchait droit aux Russes.
A peine celte séparation venaitelle de s'effectuer, que les
Russes arrivèrent, a Timproviste, avec des forces cinq ou six
fois supérieures en nombre et dirigèrent, contre la petite
troupe de Mielencki, une attaque vigoureuse que celle-ci, du
reste, soutint, pendant plus d'une heure, avec un courage
admirable. Surprise au moment où elle allait se mettre en
marche, elle fit des prodiges de valeur et disputa le terrain
pied à pied ; mais son chef, ne voulant pas sacrifier inutile-
ment tant de courages héroïques, se décida, vers le soir, à
abandonner une position et à rallier ses hommes en bon
ordre, à quelque distance du village qui fut aussitôt occupa par
les Russes.
Dobroslaw vit alors se renouveler les scènes de désolation
et de carnage dont nous avons eu déjà souvent à retracer le
tableau. Le village, comme tant d'autres, fut pillé, saccagé :
les habitants : femmes» vieillards, enfants, qui s'étaient réfu-
giés dans des granges, furent impitoyablement massacrés. On
se fatigue à retracer et sans doute à lire les récits de toutes ces
atrocités ; il faut pourtant rapporter deux faits attestés par un
témoin oculaire, échappé avec beaucoup de peine à ces hor-
ribles piassacres.
« Un jeune médecin qui, de Ronin, était venu se joindre
aux volontaires pour soigner les blessés, avait trouvé asile
dans une maison servant d'ambulance. Surpris par les Russes
il fut, sans égards pour son âge , son dévouement, sa profes-
sion, percé d'abord de dix coups de baïonnette, puis fusillé
parce qu'il n'expirait pas assez vite.
« Sur le lieu du combat, des soldats russes, ayantremarqué
le corps d'un des plus jeunes et des plus nobles descendants
d'une vieille famille posnanienne, se mirent à lui frapper ou
plutôt à lui écraser le crâne à coups de crosse, en Papostro-
p^jant d'odieuses plaisanteries et pour voir, disaient-ils, sUl
avait la tête dure.
a Enfin, un malheureux, nommé Sléphonowitch, étendu
parmi les morts et les mourants, ayant osé demander un peu
d'eau et du secours, a été odieusement achevé. Quant aux
paysans réfugiés dans les granges et dans les greniers, on les
attachait deux par deux pour les fusiller.
On peut affirmer, car sur ce point tous les récits sont d'ac-
cord que, du côté des Polonais, le nombre des tués pendant le
combat de Dobroslaw, ne s'est pas élevé à plus de quatre, k
cause des moyens de défense naturels que présentaient les
DE LA RBVOLOTtOlf POLONAISE. 427
maisons, les jardins et les baies. Et pourtant on a ramassé
Elus de quarante cadavres dans la partie du village où avait eu
eu celte sanglante rencontre ! C'est donc après la lutte, quand
déjà les volontaires^ ne se défendant plus, commençaient à
se replier, que les Russes ont frappé et égorgé sans pitié les
blesses, les paysans, les prisonniers, les vieillards, tous ceux
en un mot qui ont eu le malheur de tomber entre leurs
mains.
Le 4 mars, dix-huit jeunes gens à cheval s'étaient arrêtés à
la chute du jour à la ferme de Szydlovin, propriété du feu
général Szydlowski> entre les villages de Nakowy et deKrynica.
'S'y croyant en sûreté, ils résolurent d'y passer la nuit.
Ils étaient couchés dans une grange, lorsque, vers six heures
du matin, la ferme fut envahie par une demi sotnia de
cosaques (50 hommes), qui, dès qu'ils eurent découvert la pré-
sence des patriotes, entourèrent la grange et manifestèrent
Tintention d'y mettre le feu.
Les insurgés, reconnaissant l'impossibilité de se défendre,
ouvrirent la porte et'se rendirent à merci. Les cosaques, pous-
sant une clameur de joie féroce, les tirèrent de la grange, les
traînèrent à cinquante pas dans la plaine, et, après les avoir
complètement déshabillés, firent sur eux une décharge de
carabines à bout portant.
Puis ils achevèrent ceux qui n'étaient que blessés, en les
frappant sur la lête, sur les épaules, et même en leur ouvrant
le ventre à coups de sabre.
En les massacrant de la sorte, ces barbares trouvaient ingé:
nieux de vociférer les commandements des insurgés :
^ Messieurs les faucheurs, en avant !
— Messieurs les lanciers, en avant I
Et lorsque ces malheureux, couverts de sang, jetaient des
cris de douleur, ils riaient et les contrefaisaient.
Ce massacre, qui bientôt ne fut plus qu'unCv suite dinsultes
à des cadavres, dura une heure. .
Et le plus âgé de tous ces martyrs n'avait pas vingt-quatre
ansi
Les russes mirent ensuite le feu aux granges et aux étables
dont ils avaient préalablemens fait sortir et confisqué le bé-
tail. Ceci terminé ils tirèrent des coups de fusil dans les fenê-
tres de la maison principale, ordonnèrent aux habitants de
leur livrer les meubles et l'argent et montrant les corps morts
épars dans la plaine, ils criaient :
— Regardez, voici votre sang, buvez-le. C'est ainsi que nous
égorgerons tous les polonais.
Quand tout fut pillé, et que les cadavres des morts furent
dépouillés de leurs vêtements, on eu chargea cinq chariots»
428 HiSTonB
et on les amena à Siedlce. A l'arrivée, on s'aperçut que plu-
sieurs de ces malheureux vivaient encore.
On fut obligé d'employer la force pour les arracher aux
cosaques^ et les transporter à Thôpital.
Le lendemain, à Krzyvosonckz^ où se trouvaient quelques
blessés, les russes procédèrent de même. Un jeune médecin
accomplissait son pieux devoir. On l'avait appelé d'une ville
voisine, Krosniewice, sans lui dire à l'avance à quels gens il
allait donner ses soins.
Les russes le clouèrent en croix contre un mur !...
Ils lui déchirèrent le sein à coups de baïonnette i...
Et Tachevèrent à coups de fusil.
Pendant qu'ils pillaient , à Krzywosoncz , un habitant
se permit de leur rappeler une circulaire du prince Constan?
tin :
— C'est bon pour le public, répondit un chef de cosaques.
Nous avons d'autres instructions.
Ce cosaque avait raison. Il eût mieux fait de dife : C'est pour
TEurope i car malgré son impertinence à Tégard des puissan-
ces européennes, la Russie éprouve souvent la nésessité de
donner le change sur ses procédés, et de cacher les ordres
qu'elle donne à ses sbires.
Mais bien que récents^ tous les faits relatifs à la Pologne
sont déjà du domaine de l'histoire. Aussi possédons-nous les
plus curieuses des instructions secrètes de la Russie.
En voici une :
« Au commandant du district de
« Il est inutile et embarrassant de faire affluer ici une foule
de gens suspects. D'ailleurs les paysans ne se soucieraient pas
d'aUer les prendre et les conduire ici ^e trop loin, et beau-
coup sont délivrés ou s'échappent en route; il faudrait donc
y remédier et engager les paysans à se conduire en fidileê
sujets de P Empereur.
« C'est pourquoi vous êtes autorisé à payer, à votre quartier
même, les récompenses promises pour les rebelles et les gens
suspects amenés (morts ou vifs sans doule) ; vous pouvez mê-
me, si vous en voyez la nécessité, élever la récompense à peu
près dans la lattitude suivante, à savoir : 30 roubles pour un
chef et 10 rs. pour un officier de rebelles, 5 roubles pour un
szlachcic (noble), 3 rs. pour un rebelle pris en armes, 2 rs.
pour les suspects retenus au chef-lieu, et i r. pour un juif ou
un paysan. »
Cette circulaire est signée parle chancelier Szumanow^ par
ordre du gouverneur général adjudant, Nazimow.
Si ces instructions sont barbares, on peut voir que l'élite de
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 129
la société russe pousse plus loin encore la férocité. Voici un
fait à la date du 5 mars.
Une compagnie de troupes est rejointe^ dans les environs
de Rawa, par une compagnie de la garde^ au moment où elle
venait de rencontrer un rassemblement dMnsurgés et de leur
faire quelques prisonniers qui, par une très-honorable eicep^
tion avaient été jusque-là traités avec humanité.
Les officiers de la garde demandent à les voir. Le capitaine
Potyniew, qui commandait la compagnie de ligne^ les fait
amener devant eux sans défiance. Celaient tous des jeunes
gens bien élevés et quelques-uns même de très-bonne fa-
mille.
A peine furent-ils amenés^ que les officiers de la garde^
malgré les remontrances du capitaine Potyniew, firent subir
à ces malheureux les plus lâches traitements, les insultant,
les frappant, leur crachant au visage.
Qu'on juge de Feffet de tels exemples sur des soldats déjà
disposés à tous les excès I
Le lecteur voit avec quel soin nous recherchons tous les
faits qui montrent quelque russe n'obéissant pas aux instruc-
tions, au mot d'ordre de lâche persécution, émanésdes régions
supérieures du pouvoir. Du reste, de semblables récits font
réellement du bien à la cause polonaise. Us montrent par le
contraste, tonte la hideur du système moscovite.
Le 10 mars, le capitaine russe Tideman, faisait une perqui-
sition au couvent de Sulejow, pour y trouver des armes, lors-
qu'on vint lui annoncer que ses soldats brisaient à coups de
hache les portes de l'église.
Il y courut pour empêcher cet acte de vandalisme, mai
deux baïonnettes de ses propres soldats s'abaissèrent aussitô
sur sa poitrine, et le cri Na sztycliy jeho (tuez-le i) fut aussitô
poussé par ces furieux.
Sans l'arrivée d'un autre détachement, c'en était fait du
capitaine Tideman.
Le jour même un incident du même genre se passait à
Radoszyce.
Une perquisition faite chez un fermier n'avait amené que
la découverte de deux fusils de chasse avec un permis du
général russe qui commandait à Radom. Le capitaine Kakuskin
ordonna aussitôt la retraite, mais il fut menacé par ses soldats
qui l'accusèrent de connivence avec les insurgés, et malgré
lui pillèrent la maison de ce fermier.
' Quand la compagnie rejoignit le régiment auquel elle appar-.
tenait^ on arrêta les principaux coupables, mais ils furent im-
médiatement délivrés par leurs camarades.
En France de semblables événements seraient impossibles.
En Pologne, l'autorité militaire russe est souvent heureuse de
430 HISTOIRE
celle insubordination qui ne rend pas Tarmée meilleure^ il
est vrai, mais garantit à l'occasion contre le manque de bo.ur-
reaux !
Ne terminons pas ce chapitre sans raconter la fin glorieuse
d'un chef de bande.
On le nommait Casimir Boj^anowics.
Il devait ôtre exécuté à Lublin> le 12 mars, à six heures du
matin.
Quand il Ait sur la place où il allait être (ùsillé, le général
russe Cbruszczeff s'approcha de lui :
^Demandes grftce lui dit-il, vous êtes si jeune !
«-C'est vrai^ répondit Bogdanowics, mais notre cause est
vieille.
«^Vous avez une mère» répartit ChruszczeiT.
' -«Elle aurait honte de moi, répliqua le jeune martyr, si je
demandais grâce. Du reste , pourquoi jouons-nous cette
comédie inutile? 11 est six heures dix minutes vous êtes en
retard.
Un instant après, Bogdanoviricz tombait pour ne plus se
iwever.
Ainsi, en Pologne on ne peut déjà olus croire à la pitié.
Gomédiel a dit ce martyr en rudoyaiit un soldat qui avait
peut-être nn bon mouvement de générosité.
La nation de Sobieski n'a plus qu'une foi> comme elle n'a
plus qu'une espérance.
Sa m, son espérance, c'est son épée!
Dl LA RÉTOLUnON POLONAISI. 4Î1
CHAPITRE XVm
Ungîcwîci dictateur. — Le conseil de guerre. — Langiewicz prigonnier
— Le gouvernement national reprend son autorité. — L'oplDion de
1 Angleieire. - L'opinion de la France. - Russes et Polonais -T
Lafenir de rinsurrection. - Reprise du récit. - M. Déodat Leikrs
U PrusM et les insurgés. ^ Une amnistie du Czar. ^ Protestation
contre 1 amnistie. — Un curieux document officiel. — U conduite do
clergé polonais pendant Tinsurrection. — Encore la Prusse — Petite
géographie de la Pologne et du pays slave. — Mort de trois chefs
français. — Proclamation du gouvernement national. — Biographie
de Narbutt. ~ Le général Toll. - Mort de Paldlews^. ^ Physionomfe
de r msurrection, — Mourawièf à Viina.
Langiewicz nommé dictateur^ rinsurrection entrait dans
une nouvelle phase.
On allait abandonner la guerre de partisans, grossir cetle
armée dont nous avons vu la composition, et marcher sur
les russes comme sur un ennemi ordinaire.
Cétail respoir de la Pologne, espoir JusUflé par l'admirable
instinct militaire du Jeune général.
Hais aussi la Russie allait changer de tactique. Il ne sV
gissail plus pour elle de massacrer quelaues bandes d'in-
surgés, de bi-ûler quelques villages, de faire régner une
terreur qui ressemblât à Tordre, li fallait qu'elle s^apprêtât à
combattre un ennemi régulier, et les l'usses sont faits depuis
longtemps, à la guerre. ^
La campagne de Crimée leur a donné même un ranir dis«
tingué parmi les nations militaires. ^
Les généraux russes oublièrent un instant leurs habitudes
de chefs de bandits, pour reprendre leurs vieilles traditions
On enveloppa Langiewicz d'un formidable cordon sanitaire'
Il obtint malgré ce déploiement des forces ennemies auelaues
avantages partiels, à Zagosc el à Grochowisko, mais il s'a-
perçut bienlôl qu'il ne pouvait plus tenir campagne.
Dans la nuit du 19 au 20 mars, vers minuit, il convoqua un
conseil de guerre a Welce, près de Grochowisko.
On décida, entre autres, qu'il fallait revenir à la guerre de-
parlisans, laquelle avait été en partie négligée par suite 'ï-*
1 accroissement subit du corps de Langiewicz ; qu'il fallalli
de
;>ar
432 BISTOIRB
conséquentséparercecorpsen deux grands dctachementset en
d'autres plus petits qui combattraient comme par le passé et
seraient envoyés dans différentes directions.
La chose était considérée comme d'autant plus urgente,
qu'il était impossible de nourrir une aus^ grande quantité
d'hommes et de chevaux.
On désigna les chefs de ces détachements» car Langiewic;
devait se rendre dans une autre partie du pays, afin d'or-
ganiser le même système de guerre suivant une même idée
et une même direction.
Par suite de manque d'officiers dans les autres contrées et
de leur affluence dans le corps de Langiewicz, celui-ci devait
prendre avec lui plusieurs orûciers supérieurs et leur donner
des commandements dans diverses localités.
Pour que tout ce plan d'opérations pût réussir» il devait
être secret» et l'ordre du jour de Langiewicz ne fut commu-
niqué aux polonais qu'après un commencement d'exécution
du projet.
Les deux petites armées eurent pour chefs Smiechoroski
et Czachowski. Trois détachements moins important furent
confiées au commandement de Rochebrun» Jezioranski et
Waligorski.
Ces dispositions prises Langiewicz» ne pouvant traverser les
lignes russes» et voulant se transporter sur un autre point delà
Pologne» passa la frontière autrichienne à laquelle son armée
était adossée» avec l'inlenlion de rentrer par un autre point»
hoi'S de la portée des forces moscovites.
Il entreprit ce voyage en compagnie de mademoiselle Pous-
tovtrojtoï» seuls» avec deux passeports suédois au nom de
M. Waligorski et son fils.
Hallieureusemenl l'identité des faux Waligorski fut re-
connue par un agent autrichien. Il furent arrêtés tous deux,
passèrent la nuit du 19 au 20 mars sous bonne garde à Uscie-
Jansieki, et furent le 20 conduits à Tarnow. De là on les
envoya à Cracovie où ils séjournèrent dix jours.
L'ex-dictateur demanda à résider à Tiscbnowilz, près
Briinn» et mademoiselle Pousiowojloï choisit Prague pour son
séjour. Le gouvernement aulrichien» les y ût conduire» avec
toutes sortes d'égards.
C'en était fait de la direction unique à donner au mouve-
ment militaire. Le gouvernement national reprit aussitôt le
pouvoir» et Tannonça le 21 par cette proclamation :
a La dictature prise par un général est tombée le 19 mars»
et le pouvoir suprême du pays passe de nouveau aux mains du
Comité central national^ siégeant à Varsovie» qui n'a pas cessé
*de remplir les devoirs de gouvernement provisoire, et qui est
le seul pouvoir constitué du pays.
DS LA lÉtOLUTiOR POLOHAISB. 133
M Le retour de la direction suprême aux maina des hommes
qui ont proYoqué l'insurrection nationale et Font guidée avec
persévérance^ vous garantira que l'insurrection sera main-^
lenue^ et qu'elle ne se terminera que par la victoire. Nous
combattrons sans reiflcbey sans nous laisser abattre par les
revers, sans nous laisser arrêter par les obstacles qui peuvent
surgir.
« Nous ne concentrerons pas le pouvoir suprême dans une
seule main, car cela pourrait avoir pour résultat la chute de
l'insurrection ; mais, forts du sentiment du droit» nous résis-
terons fermement à toutes les tentatives que pourraient faire
des factions pour élever des pouvoirs indépendants de nous.
c Compatriotes, c'est avec un espoir et une foi inébranlable
une nous reprenons en mains les rênes de l'Etat; habitués à
écarter les oangers, nous sommes convaincus que nous par-
viendrons aussi à surmonter les périls qui résultent de la
chute du dictateur.
«Fidèles à la cause dont le drapeau, que nous tenons, em-
pêche toute division dans notre sein, nous demandons obéis*
sauce à tout le peuple.
« Aux armes I Tennemi est encore devant nous. Nos frères
tombent i Al'armée est aujourd'hui la place de tout Polonais I
Avant de reprendre le récit des événements, il nous paraît
utile d'apprécier cette phase de la révolution polonaise.
Ce qui est remarquable dans ce grand mouvement, c'est la
fusion complète des opinioqs et des castes , c'est l'obéissanCd
absolue à ce gouvernement anonyme, qui ne représente ni
république, ni monarchie, mais bien lindépendance natio-
naie.
Or, un homme peut-il ne représenter absolument que cette
idée d'indépendance. Tout individu, héros ou tribun, n'a-t-il
pas derrière lui un passé dont les conséquences sont écrites,
de fait ou de drqit sur le drapeau qu'il porte ?
La Pologne, en suivant Langiewicz, marchait dans la voie
politique que suivait Langiewicz.
En obéissant sans intermédiaire au gouvernement national,
la Pologne ne sert que l'idée d'une Pologne indépendante, se-
parée de la Russie.
Cette dernière condition lui donne-t^elle plus de force ou
plus de faiblesse ?
La dictature a duré huit jours.
Le gouvernement national a déjà duré près d'un an.
Les faits parlent plus éloquemmentque les discours. Ils ont
leur conclusion logique, immuable.
L'Angleterre, sympathique à la Pologne, n'est pas précisé-
ment de l'avis des faits.
Un voyageur anglais, parcourant ce malheureux pays peu
53
A4 iisltMlift
de ifirn\A apfts U thnU du pouvoir dictàtok*i.il, écrivît au jèur-
lUkl The Speeialof, une longue lettre^ qui hioutre une CDn>-
naissande profonde des hommes et des choses, et à laquelle
doùs aurons plus d'un emprunt à fcilre.
Ali sujet des deux moyens d^action) Pécritaiti anglais tfBx*
priide ainsi i
a Là où^ à mon avis, le gouvernement national a été le
ifaoitis heut^ut. c'est dàiis la conduite de la guerrei Je ne nie
(MS le lar^e et brillant succès d'uà(9 insurrection commencée
sabs espoir, et t}hi aujourd'hui ée soutient contre des forces
^Ibs que doableis, dans trois provinces au moins^ Hais je pense
St'il y A eu défaut de plan et de concert dans les opérations
ililliiréS; et dispositioti à gaspiller un temps irréparable en
ébhtkiô-marcHes et eh escarmouchiôs.
« LiBi première faute est en partie la conséquence de la corn-
^sIHbn dû jgodverbement. Dans les commencements e^était
un corps purement démocratique.
è Une fois la gticf re commencée^ nnflnence des nobles et
Aè lÀbourg6ohiié,sabsle concours desquels on ne pouvait rien
faire, ne tarda pas à se faire sentir, et la nomination de Langie-
¥ict cottltne drctateut* tût en réalité un petit coup d'Etat, dans
le but dtè sûb^tilbéf un pouvoir aristocratique à un cMWi
a Malbéurétisett)ént> on s'était trop bftté t Langîewicz ftit
Jeté hot:s du pays, et le conseil ètécutif actuel est un corps
ttiiile, dans lequel l'élément démocratique a la prépondérance
fln taombî^, et Télément aristocratique celte de l'influence.
Toute dissension active est susptftndue en présence du danger
commun; mais chaque parti entretient contre l'autre unecer^
t^ine JAlbusie^ Lbs démocrates sont surtout attentifeà écarter le
|)éril d'une seconde dictature, et ils ont même, dit-on> dépré-^
cié une victoire importanle i^mportée par un de leurs meil-
leurs généraux, J'ériorabski, dans la craints^ que sa grande
jréptitâion ée MéVftt bu souverain pouvoir. Getie disposition
conserve à la guerre le caractère d'une guerre de partisans.
« Toutefois^ je né doute pas qu'un nomme d'une capadté
supérieure ne pérvtnt à vaincre ces jalousies, qui sont com*
munes à tous les pays libres. La préférence pouk" le système
(ictuél de j^timY/a» vient) je pense, d'un vtf sentiment du
dommage éprouvé par la défaite de Langie^ici, d'une résolu**
tion ai'rétée de ne pas tout risquel* d'un seul coup, et encore
plus d'un désir de gagner du temps, dans Tespoit d'une inter-
vention européenne. Tout dernièrement encore, on croyait
avec confiance par toute la Pologne que la France s'interpose-
rait si la rébellion se soutenait elle-même. A qui revient la res-
ponsabilité d'avoir excité ces espérances, c'est à l'histoire de
le décider, le penche à croire qw le canctèirc tn^p «rdent des
DB LA BÉVatUnM: POLONAUB. Wi
eiilés, portés à trop te fier à Topinioii pubUqqei « été \% piin^
cipale seuroe de cette fatale iUusioQ. m
\ En France, on ne partage pas ce doute de l^éerivaîp apgl^i^t
\ On croit, au contraire^ au auecè$ de ce pài|veir apopyme, Ces
ôlémenls divers qui le coioposent en lout, ^elon npi^s, Ig vefir
tnble repré^eotant de la Pologne entière, qjvisce dao$ sçs 4sph
râlions fgturesi mais opanime dans ses aspirations présentas..
Dn r^stei au n^oment niêm^ oi) tpipbdii la dictature^ penr^
Martin résunuât ainsi la situation :
a Un grand maltieur a frappé la juçte qause !
« Le jeuqe cbef qui, par ses talents et son courage avait
fait accepter sa dictature à une ^révolution d^abord multiple et
anonyme^ est momentanément perdu pour elle.
a Nous n'avons pas à dîscoter iei, les circonstauce^ de cet
épisode de Tinsurrection. Hais il importe de dire que U prîsil
de possession de cette dictature avati été tint fQUt$i et que le
retour à la direction multiple et anmyfM, a été la aalut de
l'insurrection polonaise. Le comité central de Varsovie, dont
le patriotisme avait ratifié la dictature pour éviter la diseorde»
a«u, depuis prévenir par sa fermeté toute tentative du mdnM
Senre, réunir dans son action collective les éléments Ips j^iip
ivers^ et faire ce qu'on n'eût obtenu d'aucun cbef ni d*auouB
nom, en maintenant la guerre dans la seule forme qui pftt
empêcher Tennemi d'user de ses resouvces, si s upérieurei^
pour étouffer promptement rinsuvrection. Ce gonvernemeâ
sera Tun des phénomènes les plus extraordinaires de 1- bistoirt»
« Une impression de douleur et de itontteroatioa a aaisi AU
premier moment les amis de la Pologne.
« Il y a eu douleur» certes, mais buILb eonsterpatiop, quI
découragement chez les Polonais. Nul ne s'arrête, nul n-bàrils
devant la mauvaise nduveUe.
« Les Polonais disparaissent de tqus las pays d'Europe | 0J1
ils étaient dix, ils ne*sont plus que deux ; où il y pn avait deux,
il n'y en a plus. Le jeune bomme à la barbe naissante part;
le vieux proscrit de 1831 part, abandonnant une place» up
travail qu'il ne retrouvera plus au milieu de la oouourren^
étroite et nombreuse de rOccic^ent. Us vendent lisur paMvre
patrimoine ; la Pologne se soulève, la Pologne a b(99Pin d'eux,
il n'y a pas à réfléchir : il faut pat tiv.
« Ceux du dehors continuent de se diriger en foule vers la pa-
trie; de ceux du dedans, pas un ne pose les arfues» La petite
armée, quoique mutilée, a glissé, pour Ainsi dire, entre les
mains ennemies qui l'étreignaient; elle s'est fragmentée ^n
guérilias qui recojnmeticent à éparpiller la guerre.
a L'instinct des Polonais ne les trompe pas. Nous étions
trompés, nous, par nos habitudes et nos souvenirs; nous nous
figurions toujours la guerre régulière, la grande Wprr#, ie
199 . Hinoia
général perdu» c'était pour nous tout de suite une bataille dé-
cisive perdue ; nous nous reporttons à la campagne de 1831 ,
au dernier choc devant Praga : Consommatum est.
« Rien de pareil. La guerre ne finit pas ; on pourrait presque
dire qu'elle commence. La dictature ne Pavait pas créée et ne
I remporte point avec elle. La guerre n'était pas seulement où
était Langiewicz, mais partout : des portes deCracovie àcelles
I de Moliilevir, de la Warta aux marais de Pinsk, de laPodolie à
la Samogitie.
c Les habitudes et les idées de centralisation que nous por-
tons en toutes choses, nous avaient, Dieu merci» fait illusion.
« La guerre dure et durera ! »
Cest, du reste, à la chute de Langiewicz que l'on sût réel-
lement ce qu'était la Pologne.
Jusqu'à cette phase de l'insurrection de 1863, la science
russe nous montrait dans l'ancienne Pologne une agrégation
factice qui s'était dissoute pour ne plus se reformer. Hais ces
ombres se sont dissipées, et, comme le dit Henri Martin, nous
avons vu partout s'agiter d'un môme frémissement les mem-
bres épars de Tancienne, de la vraie Pologne. On ne peut plus
demander où elle est I — Ne disputons pas sur telle ou telle
ville, sur tel ou tel district I — Elle est partout où s'étend la
civilisation polonaise, partout où règne l'esprit polonais. Il n'y
a plus aujourd'hui un homme sérieux en France qui s'arrête
aux traites de 1815 et prenne pour une solution le rétablisse-
ment du petit royaumede Varsovie. On discute sur ce qui doit
ou sur ce qui peut se faire, sur ce qui doit se faire aujourd'hui
ou sur ce qui doit se faire demain ; on ne discute plus entre
1815 et 1772.
La Russie, tout naturellement, ne cAnmence qu'où finit la
Pologne. Hais qu'est-ce que la Russie?
D'un c6té, nous voyons éclater chez les Polonais tons les
signes des plus brillantes races européennes : le génie cheva-
leresque, l'activité, la spontanéité, la libre expansion, l'en-
tente et l'action commune par l'unité de sentiments, par une
aorte d'électricité sympathique et non par le mécanisme de
masses impersonnelles; les femmes enflammant le courage des
hommes et ajoutant une poésie nouvelle à la poésie de l'hé-
t*oîsme.
D'autre part, qu'estpce qui frappe nos yeuxt
Nous ne parlons pas des cruautés ordonnées de sang-froid
par le pouvoir!
Nous parlons de la façon dont l'armée russe pratique la
guerre.
Nous faisons allusion a cet esprit de destruction, à cette pas-
sion , pareille à celle des animaux féroces, de faire le d&ert
m LA mkmLïrmm polohaub. 437
autour de soi, passion qai se réveille avec le cri de guerre
chez un peuple assez doux à ses sillons et dans ses foyers.
N'y art-il pas là tous les signes d^une race étrangère à TEu*
rope^ d'une race qui n'est pas la nôtre?
La tète et le cœur de la vraie race alave, ce n'est pas la Rus-
sie, c'est la Pologne!....
Une Pologne nouvelle, affranchie de corps et d'esprit, la-
tine, grecque et juive tout à la fois, qui suivra toutes les
croyances dans la liberté, comme naguère dans le martyre...
Voilà ce qu'on peut nommer le vrai Panslavisme!
De tout ce qui précède que doit-on conclure T
La Pologne peut-elle lutter victorieusement contre la Mos*
covie?
Oui, parce que les Russes Pont mise dans Fimpossibilité de
croire à une solution pacifique. Ce n'est plus pour une idée
£ie les Polonais se battent, c'est pour la défense de leur exis-
nce matérielle.
Il semble que, dans cette guerre, la Russie ait juré d'effacer
complètement la trace de la race slave.
Or, pour résister à cette persécution . pour prévenir un
peuple en armes contre les mille dangers oe l'oppression, vaut-
il mieux un pouvoir anonyme ou une puissante dictature?
Pour la défense, le pouvoir multiple est incontestablement
préférable.
Mais rien n'empêche de supposer qu'un jour, bourreaux
et victimes, s'arrêteront lassés; que, du sein de cette lutte,
surgira un homme puissant qui changera la face des choses,
6t,groupant autour de lui toutes les forces de son parti, balaiera
les débris du parti adverse.
Si cet homme survient, il ne pourra être russe, car alors ÇQ
serait un autre Attila devant lequel l'Europe, dresserait une
barrière infranchissable.
Si, au contraire, c'est un polonais, c'est que, sorti ou non
de la lutte, il sera assez grand poUr résumer en lui la Pologne
toute entière, — comme un jour.l'Italie s'est vue grande dans
la personne de Garibaldi 1
Or bel homme, ce ne peut être ni Langiewicz, ni Rochebrun,
ni Hierolavski, ni aucnn de ces héros. Ils ont du courage, de
la bravoure; ce sont de grands'et beaux caractères; mais ils ne
suffisent pas à ce peuple héroïque, à cette nation aux annales
merveilleuses, qui s'est personnifiée, à plusieurs siècles de
distance, en Boleslas, en Sob)e6ki,en Kosciuszko!
Pour la dictature d'une nation en armes, il faut un prestige
et non pas un prestige local.
Lançiewicz est tombé, et, s'il eût tenu encore, la Pologne
se serait divisée. Ceux qui étaient grands par la naissance ou
las exploits, ne se seraient pas rangés volontairement sous le
188 BlITOllB
drapeau du Jeune chef. Le malheur a eimâuté ruAion, Un
succès de la dictature eût créé ia discorde.
Langiewicz est tombé et la Pologue s'est trouvée plus forte
après sa chute.
Nul ne sait comment finira la lutte.
Nul ne sait comment Taction providentielle se manifestera.
Nul ne sait quelle voix sera assez forte pour dire à la Po-
logne t Marchons I
Mais ce que l'on ne peut nier, c'est que la voix du gouver--
nement national est assez puissante pour lui dire : Résiste 1
et que, dans son obéissance, la Pologne trouve la force néœs-
saire pour résister.
Reprenons les événements étrangers à la campagne de Laiir
giewicz, à Tépoque où il fut proclamé dictateur.
Nous trouvons le 13 mars, à Zamosc, un chef de cosaques,
se faisant remettre par un intendant toutes les sommes dont
il devait compte à son maître, afin, disait-il que cet argent
ne fût pas saisi par les insurgés. Comme le digne intendant,
nommé Horawski demandait à cet officier un reçu, il fut im«-
média'ement poignardé. Le même jour, aux environs de
Kielce. eût lieu un engagement qu'un officier russe raconte
ainsi dans un Journal de Saint-Pétersbourg; le Sank-Pêterê^
burskiê' Wiedomosti :
a Nous nous avançâmes vers la forêt, où nous fûmes reçi»
à coups de fusils, et où nous perdîmes quelques-uns des nôtres.
Après avoir pris un neu de repos, nous gagnâmes lé lendemain
la ville de Wolhowsk, où se trouvaient beaucoup de révoltés.
L'attaque fut chaude, et pour les déloger, on mit le feu à la
ville. C'était un affreux spectacle.
« Obligés de revenir sur Kieice, nous traversâmes da nou-
veau le grtss bourg que nous avions lai&é Tavant^veille et 0«,
cette fois, un polonais armé d'une pique se jeta sur nous*
malgré les efiTorts désespérés de sa femme pour te retenir; ils
Eérirent tous deux en se défendant, ei la ville fUt incêndiéeê^*
fous délivrâmes ouelques prisonniers russes.
a Les chefs de bandes sont presque tous des prêtres; nous
en avons tué dnq. La vie est abondante et facuet la volaille
tort commune...
< Nous allâmes ensuite à Skaszow pour attaquer un détache-
ment de Langiewicz; la lutte, dans laquelle U eut quarante
hommes tués et cent blessés, dura plusieurs heuri^s; après
quoi, nous ineendtûmet la ville... »
S'il est affreux de songer à ces trois villes incendiées en
deux jours n'est-il pas horrible de penser qu'un 4)fficier russe
raconte ces événements en si peu de lignes et avea tant de
légèretét
Et que Poo ne considère pas oes faits comme isolée. Les
DB LA RÉVOLUTION POLONAISE. 4)9
officiers el soldats rosses pouvaient continuer leur teuvre. A
ime grande revue^ le 15 noars, le propre frère deTempereur,
le grand duc Constantin, n'avait-il pas dit aux troupes :
« Soldais! je suis Qer de vous commander 1... »
L*exception étail au contraire dans les nobles actions. Lô
lendemain de cette revue^ à Giebullowo^ tandU que l'on faisait
une perquisition chez le {propriétaire du château, H. Bielski^
un major russe nommé Ëentkowski, empêcha, au péril de sa
vie, le pillage d'avoir lieu, et saiiva ses soldats de cette, honte,
en menaçant de son revolver le premier qui Jui résisterait.
Le 15 mars, à Stanin, lés insurgés eurent une rencoutrie
avec les russes. Ces derniers furent repoussés, mais ils revin-
rent le lendemain, et se vengèrent par le pillage et l'incendie^
sur les habriants ineffènsilTs.
Le 21, sur les bords d'une petite rivière, le Wierpz, & là
suite d'une autre rencontre où ils avaient eu le dessous^ led
russes s'ennparèrent de cinq hommes, quatt*e femmes et huit
enfants, les fustigèrent et après les avoir solidement attachés,
lesmirentsur une barque, entourés de matières inflammables,
àuxqtlelles ils miteiit le f(^ut...
A côté de cet horrible tableau, et pour faire diversion, citont
la proclamalioti adressée le 24 mars, par Hielencki aui in-
Burgés. Elle a un intérêt taut spécial pour des lecteurs français :
c Goftipagnons d'arnœs 1
« Je TOUS remerofe du omirage dont tous aveft fait preuve
dans les deux combats qui ont eu lieu successivement te
22 mars.
< Malgré les forces supérieures contre lesquelles vous aviez à
lutter, malgré votre arniemeni défectueux et notre organisation
hâtive, vous arez, dans une série de combats glorieux, prouvé
que vous étiec de vrais enfants de la Pologne, tous dignes de
vos pères, par votre bravoure et votre grand cœur.
< Continuez cette lutte héroïque: là est rindépendance» là
est la liberté 1
« Nommer tous ks braves qui ont fait leur devoir, ce serait
vous nommer tous ; mais il faut que je distingue M. Déodat
Le Jars, ancien eotiave, enfantée ^^(/«gémbiubuse France sous
iet irspeimx de laquelle nos pères ont tant de fois combailu.
lielars a versé son sang pour notre noble et juste cause» en
xouave français, c'est-à-dire en héros. Je le |)orte donc à l'ordre
du jour et le nomme capitaine.
« MlBLENGU. s
Le 25 mars, à Rowel, les Kusses, battus encore par les Polo-
nais, revinrent le soir sur le champ de bataille, pour achever
les blessés, Deuxfemmes^qui lessoignaient, furent en butte aux
brutalités de ces misérables, mais Tune d'elles ayant poignardé
440 HISTOIU
le soldat qui Pavait choisie pour sa proie^ elles furent immé-
diatement fusillées.
Le 28^ à Raclawice^ un combat ayant duré toute laionmée, '
les Russes^ pour protéger leur repos, eurent l'idée d'attacher
à des poteaux, en avant de leur bivouac, les quarante«cinq
habitants d'un petit hameau quMls incendièrent. Les insurgés
arrêtèrent effectivement leur feu, et profitèrent de la nuil
pour prendre une position plus avantageuse.
Le lendemain matin, les Russes ne trouvant plus leurs
ennemis, s'en vengèrent en ensevelissant tout vifs les qua-
rante-cinq paysans qui les avaient, — involontairement il est
vrai,*- protèges pendant la nuit.
Si les Polonais excitent la svmpathie de tous les peuple
libres, ils n'ont pas, en revancne, à compter sur Taffection
du roi de Prusse. Tandis que le peuple prussien leur témoi-
gnait de sa sympathie, le ministre de la guerre envoyait au
général Werder, qui commandait sur la frontière, le rescrit
suivant, relatif aux insurgés qui pouvaient s'enfuir sur le sol
de la Prusse.
a l^'En général, ces individus seront traités d'après les
conditions de la convention de cartel conclue entre la Prusse
et la Russie, le 8 août 1857 (c'est-à-dire livrés aux Russes).
€ 2» S'il n'est pas possible de renvoyer immédiatement les
individus qui passent la frontière, ils doivent être considérés
comme en état d'arrestation et conduits à.la ville prussienne
la plus voiMne«
« 4* Après l'arrestation, il y a lieu de procéder immédiate-
ment à l'interrogatoire pour constate^ Pidentité des prison-
niers et les circonstances de leur arrivée. En raison de cet
interrogatoire, ils seront divisés en catégories dont dépendra
la façon de leur extradition et le remboulrsement des frais.
c 5* Ces catégories seront les suivantes :
a A. Insurgés à traiter d'après les articles 15 à 17 delà con-
vention, |>arce qu'ils ont commis en Russie un crime ou délit,
(c'est-à-dire à livrer aux Russes).
« B. Non insurgés, mais individus d'ftge à être tenus au
service militaire, auxquels sont applicables les articles 1 à 9
de la convention de cartel (c'est-à-dire à renvoyer aux Russes).
Telle était l'attitude que crut devoir prendre le gouverne-
ment prussien, tandis que l'Eurone entière frémissait d'indi*
gnation au récit des crimes de la Russie.
Le jour de Pâques, le grand-duc Constantin accorda aux
habitants de Varsovie la faveur de pouvoir se promener jus-
qu'à dix heures du soir. Hais au premier coup des horloges,
les cosaques exécutèrent une charge à fond de train dans les
DE LA BâVOLUTION POLONAISB. 441
rues. Deux cents personnes furent tuées ou blessées, et cent
cinquante furent arrêtées et enfermées à la citadelle.
— Monseigneur, disait ce soir-là au grand-duc, Lowszyn, le
chef de la police,Yarsovie possëdeencore une population virile
trop nombreuse. Tant que Votre Altesse impériale n'aura pas
éloigné ce foyer permanent d'agitation et de mécontentement,
il me sera impossible de répondre de la tranquillité. Le recru-
tement a manqué son effet; il 7 a encore a Varsovie vingt
mille hommes de trop.
— ^Faites, répondit le grand-duc; mais pas de sang.
Le czar, pour donnerle changeàl'opinion publique, crut faire
un coup de maître en proclamant, le 12 avril, une amnistie,
pour tous les Polonais qui déposeraient les armes dans le
délai d^un mois, a A nous, disait l'Empereur, est imposée Fo-
bliçation de préserver le pays du retour de ces agitations con-
traires à l'ordre, et d'ouvrir une nouvelle ère à sa vie poli-
tique. Celle-ci ne pourra être amenée que par une organisation
rationnelle de l'autonomie dans l'administration locale comme
fondement de l'édifice. Nous en avons donné les bases dans
les institutions que nous avons accordées au royaume, mais,
à notre regret sincère, le résultat n'a pu encore être soumis à
répreuve de l'expérience, par suite des excitations qui, à la
place des conditions d'ordre public indispensables à toute
réforme, ont mis les chimères de la passion.
« En maintenant encore ces institutions dans leur intégrité,
nous nous réservons, quand leur utilité sera prouvée par la
pratique, de les développer davantage suivant les besoins du
temps et du pays. C'est uniquemement par la confiance que le
pays témoignera vis-à-vis de nos intentions que le royaume
de Pologne pourra effacer les traces du.malheur présent, et
marcher sûrement au but de notre sollicitude. Nous invoquons
l'assistance divine pour qu'il nous soit donné d'accomplir ce
que nous avons constamment regardé comme notre mission, »
A l'annonce de cette amnistie, à laquelle, du reste, personne
ne crut, le gouvernement national publia une proclamation,
repoussant toute grftce, toute faveur impériale, et se terminant
ainsi :
« Au souvenir de tant de cruautés du gouvernement mos-
covite, à la vue de toutes ces tombes encore fraîches et de tant
de victimes, à la vue des débris fumants de nos villes, de nos
campagnes et du sang encore chaud de nos frères assassinés,
quiconque a un cœur réellement polonais, frémira d'horreur
à la pensée d'un pacte quelconque avec la Russie, rejettera
Tamuistie avec mépris et s'écriera avec la nation : Arrière
avec vos grfices impériales ! Nous avons pris les armes, ce
56
U2 HISTOIU
sonl les armes seules qui doivent résoudre notre querelle avee
les Russes. »
A celte énergique protestation, nous devons joindre la
lettre adressée au czar par Tarchevêque de Varsovie, à la suite
de sa démission de membre du conseil d'Etat, où il avait siégé,
même depuis rinsurrecUon, ainsi quHui certain nombre de
ses compatriotes, dans un esprit de conciliation et d'abnéga-
tion. Voici cette lettre :
« Sire, ce fut toujours la mission de TEglise de porter la
voix aux puissants de ce monde, dans les moments de grands
mallieurs et de calamités publiques. C'est au nom de ce privi-
lège et de ce devoir qu^en ma qualité de premier pasteur du
royaume de Pologne , J'ose m'adresser à Votre Majesté, pour
lui exposer les besoins pressants de mon troupeau. Le sang
coule à grands flots j et la répression, au lieu d'intimider les
esprits, n'en fait qu'augmenter Texaspération. Je supplie Votre
Majesté, au nom de la charité chrétienne et au nom des inté-
rêts des deux pays, de mettre fin à cette guerre d'extermina-
tion. Les institutions octroyées par Votre Majesté sont insuffi-
santes pour assurer le bonheur du pays : la Pologne ne se
contentera pas d'une autonomie administrative^ elle a besoin
d'une vie politique.
« Sire, prenez d'une main forte l'initiative dans la question
polonaise ; faites, de la Pologne, une nation indépendante,
unie à la Russie seulement par le lien de votre auguste dynas-
tie : c'est la seule solution qui soit capable d'arrêter l'effusion
du sang et de poser une base solide à la pacification définitive.
a Le temps presse. Chaque jour perdu creuse davantage
l'abtme entre le trône et la nation. N'attendez pas, Sire, l'issue
définitive du combat ; il 7 a plus de vraie grandeur dans la clé*
mencc qui recule devant le carnage que dans une victoire
qui dépeuple un royaume. Une grande parole, digne de la ma-
gnanimité d'un grand souveraifi, suffit pour nous sauver.
Nous l'attendons de la bouche de Votre Ms^esté.
a J'ose espérer que le monarque qui a délivré du servage,
malgré tant d'obstacles, vingt millions de ses sujets pour eo
faire des citoyens libres, ne reculera pas devant la tâche éga-
lement glorieuse de faire le bonheur d'une nation si cruelle-
ment éprouvée. Sire, c'est la Providence qui vous a confié ce
peuple, c'est elle qui vous soutiendra, c'est encore elle qui
vous réserve une couronne de gloire éternelle, si vous arrétex
une fois pour toujours le flot de sang et de larmes qui coule
depuis si longtemps en Pologne.
« Pardonnez, Sire, la franchise de mon langage : mais le
moment est solennel. Pardonnez à un pasteur qui, témoin de
malheurs immenses, ose intercéder pour son tronpeau. »
A l'appui de plusieurs des traits de barbarie que nous avons
OE LA BÉV<IUITiOII POLONAISE. «3
publiés, nousavoDS cité âps pièces officielles, des rapporte pro-
venant des autorités russes» Il est bien certain que ces pièces
officielles n'ont pu être livrées à la publicité que par suite
d'indiscrétions des employés d'administration. G^est ce qui
inspira^ le 18 avrils au comte Keller, directeur de la commis-
sion (le rintérieur ^ la circulaire qu'on va lire, et qui, rendue
publique elle-même^ malgré son caractère confidentiel, est
fort curieuse par ses appréciations. La voici :
« Dans les rapports déposés à la chancellerie sur les opéra-
tions de l'armée, depuis le commencement de la révolte,
Mii-il, les gouverneurs civils exposent sévèrement ei autcbeaa-
rcup de partialité les pumtionê infligées aux villes et villages
convaincus d'avoir donné asile aux rebelles. Ite n'omettent
aucun de ces détails insignifiants qui sont la conséquence
INÉVITABLE de la guerre, dans un pays révolté. Tout au con-
traire, ils présentent les faits commis par les rebelles, qu'ils
qualifient de déiachtments d'insurgés^ avec une telle partia-
lité, qu'il semble que tous ceux qui ont été pendus ou fusillés
Tont été par les troupes russes, tandis que le plus souvent ces
morts violentes sont le fait des rebelles.
« Dans les rapports sur les combats de l'armée avec les
rebelles» les gouverneurs civils^ par opposition au Jmmal
officiel, qui publie les pertes des rebelles par centaines de tués,
disent toujours que, sur les champs de bataille , on a trouvé
cinq ou six corps >d'insurgés, en ajoutant inévitablement,
« complètement nus... •
«r Dans les rapports des bourgmestres et des chefs de dis-
tricts, les incendies et les cas de mort, à la suite des rencontres
des troupes avec les rebelles, sont dépeints sons de fortes cou-
leurs et publiés dans le Czas de Cracovie, qui les présente à
l'Europe coriime des faits et des preuves irrécusables de la
barbarie russe. Il ressort de là clairement que le journal en
question a des correspondants dans les bureaux des gouver-
neurs civils.
J'ai donc l'honneur de vous inviter, monsieur le gouver-
neur civil, à prendre des mesures pour qu'à l'avenir les
infractions indiquées et Penvoi aux feuilles étrangères des
rapports et des nouvelles provenant de vos bureaux, n'aient
lieu sous aucun prétexte, etc. »
Nous avons publié la lettre de Monseigneur Felinski. Ce
n'est pas la seule preuve que donna le vénérable prélat de son
dévouement à une cause qui a le privilège d'exciter la sy m pa-
thie des hommes de toutes les croyances et de toutes les opi-
nions.
Ainsi, le 22 avril, par ordre de rarchevêque, un service fu-
nèbre fut célébré dans toutes les églises de Varsovie, pour les
444 HISTOtlB
morts du combat de Rabice, quoique Fautorité n'ait pas voulu
permettre des prières publiques pour les rebelles.
— FaisonSydisaitle bon pasteur^ notre devoir sans crainle,
partout et toujours I Le royaume éternel nous attend là-haut^
et la Pologne nous regarde sur la terre !
Le clergé polonais tout entier suivit l'exemple du di^ne
prélat. Les prisons regorgeaient de prêtres. Beaucoup se font
aumôniers des insurgés. Le 16 avril, les abbés Zoltowski,
Benevuto, Orlowski sont tués dans un combat, où ils prodi-
Êuaient à leurs compagnons les encouragements et les conso-
itions.
Le 23 avril, un détachement polonais , commandé par
Grylinski, livra un combat aux Russes près de Lubinia, et les
repoussa avec de grandes perles. Le valeureux général Cza-
kowski, accouru sur le lieu du combat, acheva de les mettre
en pleine déroute.
Après cette éclatante victoire, le détachement forma le carré
autour de son chef, qu'il félicita avec expansion sur son
habileté et son courage, couronnés d'un si beau succès. En ce.
moment Tabbé Symanski, naguère aumônier du corps de
Langiewicz et attaché en la même qualité au détachement
commandé par Czakowski, rappela aux combattants que le
moment était arrivé d'adresser à Dieu la prière dont les Polo-
nais ont l'habitude les jours de bataille. Tous se mirent à
genoux, le général en tête.
L'impression de cette scène fut grande sur tons les assis-
tants. Ils se relevèrent le cœur retrempé par Tamour et la
toi.
Après la prière, Symanski adressa à la petite armée dont il
était entouré une allocution pleine de feu pour la féliciter de
son courage et l'exhorter à lutter avec persévérance pour la
patrie et la foi. Tous les cœurs étaient profondément émus, et,
quand le pTêtre cessa de parler, des larmes coulèrent de tous
les yeux. Jamais scène plus touchante ne s'offrit à l'imagina-
tion d'un poète ou d'un peintre.
Nous avons déjà parlé de la Prusse. Le 26 avril, un détache-
ment d'insurgés, sous les ordres d'un chef sorti des rangs de
l'armée française, Yunff de Blankenheim, battitun corps russe
sur la frontière et le forçant à la passer, le laissa se réfugier
à Inowroclaw, en Prusse. Là les Russes furent logés et héber-
gés chez les habitants, par ordre*de l'autorité, et lorsque
quelques propriétaires voulurent protester, on leur répondit
Par l'exhibition d'un ordre du cabinet du roi, prescrivant
exécution d'une convention qui venait d'être niée effronté^
ment à la face de l'Europe.
L'amnistie proclamée par le czar, obligeait les Russes à
quelques ménagements. Et cependant, les préparatifs pour
01 LA BÈVOLUTIOII P0L0NAI8B. 4iS
une répression prochaine se faisaient trop aa grand jour, pour
que les Polonais^ de leur oôté^ ménageassent leurs ennemis s
< Ces préparatifs, dit une correspondance adressée, vers
cette époque, de Varsovie au Jmmal des Débats, se produi-
sant ostensiblement, conjointement avec Tamnistie, semblent
démontrer le peu de valeur réelle que le gouvernement lui-
même attache à cette concession apparente, vraie décoration '
d'opéra, destinée à tromper la vue de ceux qui regardent de4
loin.
« Indépendamment des détenus qu'on a expédiés d'ici en
Sibérie et en Russie, depuis l'apparition du manifeste, beau-
coup de personnes ont été incarcérées en province. A Kurow
gouvernement de Lublin), le lendemain même du jour où le
manifeste avait été lu publiquement, on s'est emparé de six
bourgeois de la ville, rentrés chez eux après s'être cachés,
pendant quelque temps» pour échapper au recrutement.
Jusqu'à présent nous n'avons vu l'insurrection que dans ce
qu'on appela, en 1815, le royaume de Pologne. Peu à peu elle
s^étendit sur tout le pays occupé parla race slave, c'est-à-dire
à la Lithuanie et à la Ruthénie. Si l'on suit sur une carte le
développement que nous indiquons, on verra que la Russie
est fort peu de chose, lorsqu'on lui enlève cette immense con-
trée slave qui commence à Riga, à Smolensk, à Kiew, que le
Dnieper sépare Je la Russie , et le Dniester de la Bessarabie, et
qui, par la Courlande touchant à la Baltique, par la Podolie et
rUkraine, touchant à la Mer Noire , semble la barrière giRan-
tesque interdisant aux nouveaux barbares la route de rEu-
rope.
Peu de chose, s'entend dans l'équilibre européen , car la
puissance asiatique de la Russie n'est pas discutable.
Et qu'on n'accuse pas cette délimitation de la Pologne d*élre
fantastique. Son exactitude géographique est, du reste, ^ran*
tie par les Russes eux-mêmes. Les massacres de Livonie, en
montrant jusqu'où s'étend la persécution^ montrent aussi jus*
qu'où s'étend la nationalité qu'on opprimé.
Ce n'est pas, qu'on le remarque, la Pologne que la Russie
veut détruire, mais la race slave toute entière. Mouravrieff en
est la preuve. Le proconsul de Wilna règne sur la Lithuanie,
et la Lithuanie n'est pas la Pologne proprement dite.
Cette petite dissertation n'est pas inutile. Elle montre la
signiflcation de l'expression a Lithuano-ruthénienne, » que Ton
retrouve fréquemment dans ce livre. Elle prouve ensuite que
les traités de 1815 ont été absurdes en appelant Pologne ce qui
n'était que le duché de Varsovie.
Nous pouvons ajouter que dans le partage la Russie semble
avoir dit : La Lithuanie et la Ruthénie m'appartiennent parce
que je suis le plus fort; maintenant partageons le reste.
141
La Pologtie> c esC-è^dlre le pays 6lave> celui que la RoMÎe
opprime, et où elle est combatlae comprend une populatioD
de plus de Tingt millions d'habitants. La Gallicie» part de TAu-
triche» en possède enriron six millions. La Posnanie, part de
la Prusse, quatre millions.
Et qu'on dise maintenant (fu'un peuple brave, civilisé» de
trente millions d'hommes» joignant la Baltique a la Mer Noire,
n'est pas un obstacle sérieux a l'enYahissement de l'Europe
par la race tartare.
C'est dans cette force même que yous trouTeres la raison
de l'oppression russes C'est celte force qui empêchait le mar«
quis Wiéloposki d'être absurde. Hais la race slave était con-
trairement à sa croyance» trop forte par elle-même, trop pure
d'origine» pour consentir à cette union. Si les Slaves n'eussent
été que dix milliom» le Panslavisme eut été possible.
Voici, du resté, un document qui lève le doute. C'est le ma^
nifsste du gouvernement national au sujet de l'amnistie pro-
mise par lé C2ar. Ge manifesté émane du Comité directeur deê
prmnm de lAthuéinè. Lé tt)id :
« Vu lé manifeste et t'ukase du c2ar de Russie» en date du
(31 mars) 13 avHl iiti, dans lesquels le czar promet de foire
grâce aux Polonais combattant pour l'indépendatice de la pa^
trié, s'ils déposent les armes avant le 13 mai de l'année cou-
inante;
« Considérant que des milliers de Polonais^ gtêi n^ont cas
prié les nrmeSy sont journellement emprisonnés dans les ciki-
délies, déportés en Sibérie ou enrégimentés dans l'armée du
Caucase ;
c Considérant que les troupes russes massacrent tes per*
€oanes inoffenei^es ; que, par conséquent, en déposant les
armes, on ne ferait qu'augmenter le nombre des victimes ;
c Considérant que la guerre avec l'envahisseur mosco^
vite n'a pas été engagée dans le but d'obtenir certaines conces-
sions du czar, mais dans le but unique de reconquérir l'indé-
pendance de toute la Pologne dans les frontières qu'elle avait
«vaut les partagée;
« En ré|x>nse au manifeste et à l'ukase du czar» le comité
dii^ecteur des provinces lithuaniennes et rutbeoes publie ce
qui suit:
% La lutte natiotiate durera sur tous les points de la Lilhua-
nie et de la Ruthénie^ tant qu'on n'en aura pas expulsé le der-
iMer soldat moscovite» et tant que battra un cœur généreux, s
Nous venons de parler, à propos de l'affaire d'tnowroclaw,
de Yung de Blankenheim. Nous le retrouvons le 1*' mai avec
Alexandre Wasilewski» à Brdow. Après des prodiges de valour,
ils sucoooihèniiii aous le nombre» et ftirent tués tous deux
DB LA ftÉVOLUTIOR POLORAISK. 447
ainsi que deux ofQciers français volontaires» MM. Buffet et
RouX'Chaussé.
«[ Léon Yunck, dit M. Anatole de la Forge « était né le
3 décembre 1837^ à Cbaumonl, dans le déparleineot de la
Haute-Marne. Ses étals de service ne sont pas longs, mais plus
d'un général lesenvieraft
« Entré à Técole de Saint-Cyr le 18 janvier IZW, Léon
Yuncii fut nommé sous-lieutenant au 88' d'infanterie de ligne
le 1" octobre 1856, et, le 3 avril 1863, il donnait sa démission
afin de pouvoir se mettre à la disposition du comité central
de Varsovie.
« Au mois de septembre dernier, l'auteur de ces lignes
rencontrait chez le général Daumas, à Bordeaux, Léon Yunck
de Blankenheim, Il n'était pas difficile de deviner en lui les
qualités qui devaient signaler sa trop courte carrière. Cest
un officier d'avenir, nous disait le général en parlant du
jeune homme. 11 a donné raison à ropinion de son juge,,,
a La campagne militaire et la mort de Léon Yunck de Blan*
kenheim appartiennent déjà à rhistoire.EIle placera son nom
à côté des noms les plus respectés des défenseurs du pripcipe
des nationalités. »
Une lettre adressée au Siècle par un médecin français,
H. Waille, demeurant à Paris, rue Doudeauville, 10, et aui, se
trouvant accidentellement en Pologne, assistait au combat de
Brdow, nous fournit de curieux détails sur une autre affaire t
« Je me disposais à partir pour la France; écrit M. Waille,
quand je rencontrai une autre colonne de patriotes, comman-
dée par Taezanowski.
< C'était le 8 mai^ jour de la Saint-Nicolas, à Pentrée de la
forêt d'Ignacwo : un combat était imminent. Je fis halte; je
campai avec la colonne et attendis le dénoûment.
« Entre onze heures et midi, les Russes, au nombre de
8,000, dont 600 cavaliers, et soutenus par six pièces de canon.
ont attaqué la colonne polonaise, forte seulement de 850 à 900
hommes, et qui néanmoins les a tenuven échec pendant trois
heures et demie.
« Contre des forces aussi supérieures le résultat ne pouvait
être douteux. En ce qui me concerne dans cette occasion, je
n'ai pu donner mes soins à ces héroïques soldats, les Mosco-
vilts ê'emparant de tous les blessés, qu'ils bhulaisiit su tas
AVEC DE LA PAILLE ET DES BRANCHES DE SAPIN. )»
lie 10 mai, le Comité central de Varsovie, qui depuis la chute
cleLangicwicz s'intitulait Gouvernement national proiï^oirè,
rendu le décret suivant, se fondant avec raison sur ce fait, que
la nation entière, ayant déposé sur l'autel de la patrie son sang
et sa lortune, le reconnaissait volontairement :
« Art. 1*'. La dénomination jusqu'alors employée de Comité
m mSTOIRB
central f comme Gouvernement national Provisoire, est suppri-
mée.
c Art. 2. Le comité central^ à partir du présent décret^ prend
la dénomination de Gouvernement nationaly comme conforme
à la nature de ses actes, et c'est sous ce titre qu'il rendra désor-
mais toutes ses décisions.
a Art. 3. Ce changement de dénomination n'entraîne nulle-
ment le cbançement des principes, qui restent les mêmes dans
toute leur intégrité et notamment :
« a) La conquête et la garantie d'une complète indépen-
dance pour la Pologne, la Lithuanie et la Ruthénie :
c 6) L'émancipation des paysans de la Pologne, ae la Lithua-
nie et de la Ruthénie, d'après le décret du 22 janvier de Tan-
née courante ;
< e) L'égalité devant la loi de tous les habitants de la Pologne^
delà Lithuanie et de la Ruthénie^ sans distinction de classes et
de croyances;
c d) La garantie aux nations sœurs de la Lithuanie et de la
Ruthénie réunies à la Pologne , du développement le plus
étendu de leur nationalité et de leur langue ;
c e) La reconnaissance de la Lithuanie et de la Ruthénie
comme des parties complètement identiques au royaume et
constituant avec lui une partie intégrante de la Pologne ;
ce /) La défense des principes et des traditions nationales,
sans préjuger telle ou telle forme de gouvernement pour l'a-
venir, car c'est à la nation seule, après qu'elle aura recouvré
son indépendance, qu'appartient le droit de statuer à ce sujet.
c Art. 4. Le sceau du gouvernement national portera les
armes des trois parties qui constituent une Pologne une et in-
divisible; l'aigle, le cavalier et l'archange saint Michel, réunis
sur le même écusson, avec la couronne royale des Jageilons et
l'exergue : « Gouvernement national. Liberté, égalité, indé-
pendance, p
Trois jours après, le délai fixé pour l'amnistie par le czar,
expirait. Le gouvernement national l'annonça par cette pro-
clamation :
a Le délai fixé par le czat pour déposer les armes est expiré
hier. Aucun Polonais ne s'est placé sous la protection russe,
)et la lutte n'a pas cessé un seul instant. La nation a repoussé
avec le même mépris, et la grâce, et les menaces du czar.
« Nous ne voulons pas de grâce, car nous combattons pour
nos droits violés et pour notre indépendance qui nous a été
traîtreusement arrachée. Nous ne craignons aucune menace ;
nos pères nous ont appris à combattre et à mourir pour la pa*
trie. Il n'existe pas d'ailleurs de menace si terrible ou de si
atroce cruauté qui puisse nous effrayer ; le joug moscovite
DB LA RÉVOLimaN POLONAISB. 449
senl nous effiraye. Pour secouer ce jong honteux» le mot d'ordre
de rinsurrectîoa a été donné le 22 janyier. La lutte avec l'en*
nemi a commencé, et aujourd'hui on n'entend dans tonte la
Pologne (]n'un cri : Aux armes !
« Concitoyens, continuons donc à combattre comme jus-
qu'ici. Ce n'est qu'avec les armes qu'on acquiert la liberté, ce
n'est qu'avec le sang qu'on achète l'indépendance de la patrie.
Loin de nous tout arrangement avec la Russie ; il n'y a que
des traîtres et des misérables qui puissent y penser. Malheur
à tous ceux qui cherchent à détruire l'union delà nation I
«r Tous les braves Polonais veulent combattre sans repos
jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Jusqu'à ce que l'aigle
blanc ait repris tout son éclat, au nom de Dieu, en avant !
Avec ce mot d'ordre, courez au combat I Entourez Tennemi
du mur de vos poitrines! que les armes puissent accomplir
l'œuvre de raffranchissement, que les ruines sanglantes de
nos habitations incendiées deviennent le tombeau des cohortes
russes ! 11 faut que la Poio^ne soit libre, et elle le sera I »
Ces paroles, comme en France en même temps qu'eu Po-
logne eurent un retentissement immense : Toute chance de
transaction pacifique, de concessions acceptables, écrivait
Henri Martin, est absolument perdue, ou plutôt n a jamais
existé, comme le prévoyait quiconque avait connaissance du
fond des choses.
c La lutte inégale, meurtrière, destructive entre l'insurrec-
tion polonaise et les hordes moscovites se prolonge cependant;
chaquejour de nouveaux champs de cette région de douteur
se ravagent et se peuplent ; chaque jour des vies précieuses
sont sacrifiées en foule ; c'est le sei de la terre qui s épuise, la
fleur de l'Europe orientale qui se moissonne ! Lutte inégale,
non pas seulement par les armes, par l'organisation, par les
ressources matérielles, mais parce que là, en dépit de 1 égalité
théorique des hommes, l'inégalite de fait entre la valeur des
pertes respectives, entre la qualité des hommes qui périssent,
est incalculable. D'un côté, le soldat qui meurt est un chiffre
qui se remplace par un autre chiffre pris au hasard dans uns'
masse confuse de créatures humaines, au plus bas degré de'
développement et presque à l'état brut ; de l'autre côte, c'est
l'élite morale et intellectuelle d'une population admirable,:
des hommes dans le sens le plus élevé, le plus complet dm
mot ; chacun de ces jeunes héros qui tombe laisse un vide
que bien des années ne rempliront pas.
jc Depuis plusieurs mois; l'administration russe tnivaille â
préparer une immense Gallîcte, c'est-à-dire à étouffer la guerre
nationale de Pologne sous une guerre sociale, en exploitant
l'ukase sur l'affranchissement des paysans, en empêchant par
la violence les propriétaires de transiger directement avec les
57
41Q ' HisTonui
classes agricoles^ et en réveillaat^ par tous les moyens^ ches
cciies-ci, les vieux ressentiments d'une oppression séculaire
contre la noblesse, et les yieiiles querelles religieuses du rite
grec et du rite latin. Sauf quelques cas particuliers^ cette ma-
nœuvre, imitée deTAulricne de 1846, a radicalement échoué
dans le royaume de Pologne^ où les paysans, du reste^ n'é-
taient plus serfs depuis nos guerres de l'EmpirCi ainsi que
dans la Lithuanie proprement dite et la Samogitie; mais le
traïAÎl souterrain continue dans la Russie Blanche et la Petite
Russie, conlre«minant partout le mouvement polonais ou
antimoscovite> qui s'étend moralement , sinon encore par les
armes, dans toute la Pologne de 1772^ sinon au delà. .
ce Les paysans de ces grandes provinces sont dans un état
de fluctuation et d'agitation inouïe. Profondément ignorants
et plongés dans des ténèbres de plus en plus épaisses par les
prêtres moscovites qu'on leur a imposés y disputés entre les
vieilles rancunes de caste contre les seigneurs polonais^ l'a-
version de races et de tendances contre les Moscovites , et la
répulsion d'instinct contre les tchinoonikê (les fonctionnaires
russes), ils se déflent des avances des propriétaires par ressen*
timent traditionnel, ou n'osent les accepter et s'unir à eux
lar peur de la vengeance du czar, se déflent au moins autant
tes bienfaits du czar et sentent vaguement que le tokinowiky
employé^ sera un pire maître que le seigneur ; la tâte de ces
malheureux est un chaos. — Une horrible tempâte peut sortir
de ce chaos; ils peuvent^ un jour ou l'autre^ dans telle ou
telle de ces contrées, se Jeter sur les propriétaires dans une
vaste jacquerie qui gagnerait sans doute la Hoscovie elle-
même, sauf à se retourner le lendemain contre les ichino*
pmks\ D'effroyables spectacles, des catastrophes lamentables
menacent l'Europe, si lente às'émouvoir. »
Le 13 mai fut un jour de deuil pour l'insurrection lithua*
nienne. Son brave chef, Narbutt, fut tué, non dans un com-
bat ordinaire, mais par suite de la trahison d'un garde fores-
tier. Onze de ses compagnons se firent tuer en le défendant.
Narbutt était flls d'un célèbre historien polonais de ce nom.
n fit de bonnes études, mais à sa sortie de l'Université, il fut
mis en prison pour deux ans^ à cause de son patriotisme trop
expansif . On renvoya ensuite comme soldat dans l'armée du
Caucase.
Pendant la guerre de Crimée il fut blessé à Rars, ce qui le fit
rendre à sa patrie. Il se maria. U vivait entouré du respect de
tous quand éclata l'insurrection. Dès le 8 février^ à la tête de
sept hommes, il donna en Lithimnie le signal de la guerre.
La petite bande des sept se grossit bien vite de toute la jeu-
nesse de Wilna. Elle reçut le premier baptême du feu à Rud-
s
I
MLARÉyèttTIONPOLOKAISK.* 4 A
i^lki.oùelle ent la victoire sur les Russes. C'étaft uti début
heureux.
De ce jour, Narlntt commença cette guerre babilement
conduite^ dont toute la tactique consistait à attirer Tennemi,
en paraissant fuir devant lui^ Jusque dans des forêts ou dQ,8
marais peu praticables ; et lorsqu'il ne songeait qu'à se tirer
desdifOcultés de la route, sans redouter un adversaire qu'il
croyait bien loin^ à tomber sur lui à Pimproviste^ pour le
couperet le disperser. Ce système, suivi pendant deux mois, a
toujours réussi au vaillant et habile chef. Les Russes le redou-
taient et le regardaient comme invincible. Les soldats préten-
daient qu'il était sorcier. Tmies les forces des villes de Wilna
et de Grodno furent dirigées contre lui. Le jour de Pflques, ^
tête fut mise à prix. Mais le même jour Narbutt répondait à
ces menaces en faisant éprouver aux Moscovites un sanglant
échec.
Enfln Tennemi, à bout de ressources, tenta d'obtenir par la
trahison un succès qu'il n'espérait plus de son habileté. Nous
avons déjà dit que NarbuU avait été livré par un garde fores-
tier gagné à prix d^arçent. Investi à Timproviste de tous les
côtés, il réussit cependant à se frayer un chemin à travers les
Russes, et, malgré une blessure au pied, il commandait avec
énergie, porté par ses compaenons d'armeS', et allait échapper
à Tennemi, grfice à son intrépidité et à sa connaissance des
lieux, quand une balle est venue le frapper au cœur. Il expira
en prononçant ces mots d'une voix ferme encore : a Mon Dieu,
je meurs pour ma patrie I »
Quelques jours après, dans la petite église en bois de Dnbi-
czauy, étaient rangés dowse cercueib, dont un^ plus élevé que
les autres, était couvert d'un crêpe funèbre. Le colonel rnne
avait permis ces obsèques, cédant aux supplications des sœurs
de l'infortuné chef, on plutôt voulant bien convaincre les
habitants du pays de la mort de son redoutable adversaire, aân
de les décourager. L'église et ses alentours étaient remplis
d'une foule éplorée que cinq^ prêtres ne pouvaient réussir à
consoler. C'était un deuil universel.
Narbutt avait à peine trente-trois ans. Il était d'une taille
au-dessous de la movenne, d'une physionomie réffulière et
agréable ; il avait le front élevé et marqué déjà des rudes
traces des soucis et des fatigues d'une vie agitée* Sa parde
était tranquille ; mais, dans les circonstances décisiv^, elle
prenait un accent grave et solennel, qui agissait comme un
courant électrique sur ceux qui l'entouraient. Obéi etreapeeté
de ses compagnons d'armes, comme l'aurait été un général
blanchi dans le commandement, il était aimé de tous comme
un frère. Aussi son souvenir fera longtemps couler des larmes
des yeux de ceux qui Vont connu.
482 BisTom
Si nouB nous arrêtons ainsi sur chaque héros de hréroli^
tion polonaise, au fur et à mesure que son nom se trouve sous
notre plume, nous devons aussi faire connaître les officiers
russes qui se distinguent par leur cruauté.
Au premier rang de ces derniers, on peut placer le général
ToU.
Cet offlder supérieur, un jour qu'il occupait la ville d'Os-
trow, avec deux compagnies d'infanterie;, et une centaine de
Cosaques, fit appeler devant lui un Israélite nommé Bérek^ et
lui dit :
—Tu possèdes une maison ici t
—Oui, général.
—Et dans cette maison demeure un tailleur I
— Oui, général.
--Que fait ce tailleur? s^écria le général en levant les
poiuRs.
—11 vit de son travail.
—Tu mens 1 il confectionne des uniformes pour les in-
surgés.
—Je ne l'ai pas vu : je ne puis donc rien dire a cet égard,
répondit froidement rlsraélite polonais.
—Eh bien l pour Rapprendre à savoir désormais ce que font
tes locataires, tu recevras deux cents coups de fouet.
Les Cosaques exécutèrent ponctuellement l'ordre du gêné*
rai. Le malheureux Bérek fut transporté ensuite dans son lit,
où il expira deux heures plus tard.
Reprenons Tordre chronologique de notre récit.
Le 18 mai, une bande d'insurgés, poursuivie par les Russes,
arriva à Tuczapy et se réfugia dans les bois, où le lendemain
les Russes la rejoignirent. Il y eut le 19 un combat qui dura
de midi à sept heures du soir.
Furieux des pertes qu'ils avaient éprouvées, les Russes
revinrent à Tuczapy. Un soldat creva un œil d'un coup de
baïonnette au propriétaire du chftteau, et le menaça de lui
crever l'autre œil s'il ne le conduisait pas où était son argeut.
Les Russes pillèrent et brûlèrent cette habitation, puis ensuite
une vingtaine de chaumières. Vingt habitants furent massa-
crés. Deux furent brûlés vifs. Ces faits sont relatés dans un
rapport de M. Winnicki, maire de Mientkie, remplaçant le
maire de Tuczapy, grièvement blessé.
Voici maintenant la mort d'un des héros, d'un des martyrs
de cette sanglante épopée, Siaismond Padlewski, dont nous
avons dit précédemment les débuts (1). '
Padlewski avait été prisonnier et condamné à mort depuis
(1) Page 418.
'DB LA liVOLCTlON POLONAin. 453
la promesse d'amnistie da czar que nous avons relatée. On hé-
sita cependant à exécuter la sentence avant l'expiration du
délai fixé dans Vukase impérial.
Le 19 maiy Padiewski était depuis près d'un mois à Plock
quand arriva Tordre d'exécution revêtu de la signature du
grand-duc. Deux jours auparavant le général russe Semeka
promettait au jeune héros un brillant avenir dans Farmée
moscovite, s'il voulait s'engager à se rendre au camp des
insurgés et les inviter à déposer les armes.
Padiev^ski se leva avec indignation en disant que cette pro-
position, si elle était sérieuse, était pour lui un outrage. Il
déclara que l'insurrection, répandue aujourd'hui sur tout le
vaste territoire de l'ancienne Pologne, ne pouvait se termi-
ner que par le rétablissement de l'indépendance nationale ou
par l'extermination entière de tous les Polonais. Il igouta
anfin que si l'empereur, ce qu'il ne croyait pas, lui faisait
S race, il considérerait encore comme un devoir sacré pour lui
e rejoindre les insurgés.
Le général russe fit alors reconduire Padlevrski dans sa
prison, où aucun de ses parents n'a été admis à le voir.
Le confesseur qu'il avait demandé ne fut autorisé à pénétrer
auprès de lui que deux heures avant l'exécution, et il fallut de
vives instances pour que l'officier chargé de faire exécuter la
sentence permit au vénérable ecclésiastique d'apporter la
sainte hostie au prisonnier. Padiewski était encore à genoux
aux pieds de son confesseur quand les soldats entrèrent vio-
lemment en criant : Assez I assez ! L'héroïaue jeune homme
les suivit aussitôt et demanda pour toute grâce a être exécuté
sans qu'on lui bandât les yeux.
Arrivé sur le lieu de son supplice : c II est pénible, dit-il, de
mourir à vingt-sept ans; mais la consolation d'avoir bien
mérité dt la patrie soutient le courage et rend glorieux le
moment suprême.»
Il tomba percé de douze balles sans qu'aucune l'eût atteint
à la tête ou à la poitrine. Sur l'ordre de l'officier, un soldat
courut vers le supplicié et lui déchargea son fusil à bout por-
tant. Padlevirski tomba dans le fossé encore vivant.
Son père, vieux soldat de la cause nationale en 1831, prit
aussitôt les armes pour le venger, et se distingua dans plusieurs
combats contre les Russes.
Nous trouvons dans une lettre d'un officier moscovite,
adressée à l'Invalide russe, un fait qui donne une juste idée
du caractère de la lutte engagée entre les défenseurs de la
cause nationale elles soldats du czar :
« Dans une rencontre qui eut lieu le 9-21 mai, à Lukno,
j'ai été témoin d'une scène affligeante, je rencontrai, sur le
champ de bataille, un .Polonais blessé portant un costume qui
464 msTOni
annonçait une dasse élevée. Il gisait à terre^ paraissant beati-
coup souffrir^ et s'écria à notre vue :
— Un peu d'eau ! par pitié, un peu cf eau I
a Je dis à un soldat d'aller chercher un peu d'eau et de le
faire boire.
< Le soldat obéit^ et^ se penchant vers le blessé» 11 lui dit :
— Avant de te donner à boire, je veux que tu me dises le
nom du chef de ta bande.
« Le Polonais^ au lieu de répondre^ se soulève à demi et
saisit le pistolet du soldat.
— Va-t'en au diable, Moscovite damné 1 s'écria-t-il en dé-
chargeant Tar^ne.
< Le soldat parvint à la lui reprendre et le tua sur place. i»
Un autre fait nous montre que^ quoique maîtres du pays,
les Russes sont souvent mis dans une situation embarrassante
par leurs propres auxiliaires, qu'ils recrutent, — on va voir
comment.
Pour lutter contre un chef polonais nommé Ciechonski, qui,
à la tâte de six cents hommes, occupait une partie de la forêt
de Minkowice, les Russes recrutèrent des journaliers sans ou-
vrage, d'anciens soldats, qu'ils excitèrent, par de larges liba-
tions d'eau-de-vie, au meurtre et au pillage.
En outre, on avait mis en liberté, par ordre de Pautortté
militaire, les criminels l'enfermés dans les prisons des villes
voisines, à condition qu'ils recruteraient des bandes et se met-
traient à la disposition des troupes. Des soldali leurmaient
été adjoints.
Ainsi renforcés, ils attaquèrent, dans la nuit du 22 au 2S,
le corps de Ciechonski. Les insurgés étaient beaucoup moins
nombreux que leurs ennemis; ils succombèrent et perdirent
à peu près la moitié de leurs hommes en morts, blessés et
prisonniers. Ciechonski lui-même fat tué.
Le combat fini , les prétendus paysans se précipitèrent sur
les insurgés qui étaient tombés sur le champ de bataille; les
morts furent littéralement hachés, les blessés massacrés d'une
manière affreuse. Les prisonniers, dépouillés de leurs vête-
ments, furent conduits tout nus, à pied, à Zvtomir. Au jour,
et l'œuvre d'extermination accomplie, les nordes recrutées
par les Russes se jetèrent sur les propriétés voisines, pillèrent
plusieurs châteaux et brûlèrent des villages etotiers, sans épar-
gner les amis du gouvernement plus que les patriotes.
Il fallut l'intervention de la troupe pour arrêter ces actes de
brigandage.
Parmi les crimes de toute sorte qui signalent cette période
de là révolution polonaise, il en est dont la raison même est
la condamnation la plus éclatante de la politique moscovite et
de ses moyens d'action. Tel est l'assassinat de M. Pulawski,
DS LA KÉYOtUnon POLONAIS!. 155
jeune homme de viofft-sept ans, riche, bienveillant, plein
d'intelligence, adoré oes paysans^ aimé et estimé de tons.
En traversant le village de Grzymiszew, pour aller attaquer
le camp de Grochow^ les troupes russes apprirent que le pro-
priétaire; M. Pulawskiy avait fait partie au détachement de
Taczanovirskl, et qu'il s'était trouvé aux affaires de Pyzdry,
Kolo et Ignacewo. Aussitôt ils mirent le village à sac^ enva-
hirent le château, le pillèrent et emmenèrent avec eux celui
qu'ils considéraient toujours comme un insurgé.
A deux lieues du camp de Grochow, ils le dépouillèrent de
ses vêtements, et l'abandonnèrent au milieu dés champs,
après ravoir percé de quinze coups de baïonnette. Le malbeu- .
reux jeune homme fut aperçu par une jeune flUe, qui prévint
les habitants du village le plus voisin. Ceux-ci transportèrent
dans ses domaines de Grzymiszew M. Pulawski^ qui a expiré
le troisième jour, après des souffrances atroces.
Nous arrivons à la fin de notre fftche. Nous avons résumé
avec impartialité les i)éripétie8 émouvantes de la lutte actuelle.
Un fait d'abord sans importance, mais qui eut bientôt un re-
tentissement immense, Tavènement du général Hourawieff,
changea encore la physionomie de la Pologne insurgée.
La lutte du duché de Varsovie contre la Russie ne fut plus
Îu'un épisode. La guerre n'eut plus l'apparence de la guerre,
'armée moscovite n'eu! plus à exercer de brigandage, mais
quelque chose de pis. Tout soldat russe devint le sbire d'un
proconsul.
Nous sommes loin de la théorie du panslavisme. Le mar*
2 ois Wielopolski est distancé avec sa méthode d'absorption,
'est Vextination qui est à l'ordre du jour.
C'est l'exécution du plan proposé au gouvernement russe
par le conseiller d'Etat Pogodine...
L'extirpation de l'élément polonais dans la Lithuanie^ la
Volhynie, la Podolie et l'Ukrame...
L'extirpation de l'élément polonais, c'est-à-dire do? nro-
I)riétaires et des lettrés qui parlent polonais, quelle q* e suit
eur origine, tandis que la plupart des paysans parlent soit
les dialectes ruthéniens, soit la langue hthuanienne. Le but
est de détruire dans ces contrées la société, la civilisation po«
lonaise, et de moscùviîiser les paysans ruthéniens, que l'on
s'efforce de faire passer^ par un grand mensonge historique,
CWLV les frères des Grands-Russes ou Moscovites, peuple d'un
ut autre caractère et d'une toute autre origine.
Les principaux moyens proposés pour atteindre ce but
sont :
1* De forcer les propriétaires à émettre des obligations dont
la baisse prévue et calculée les ruinera;
X* De (aire vendre immédiatement à l'enchère, et inévita-
456 H18I0IRB
blement à vil prix, toutes les propriétés jB^revées d'bypothè-
Sues ou engagées dans les sociétés de crédit de Tempire russe,
e façon à les faire acquérir par des Russes et par des fonc-
tionnaires;
3^ De déporter immédiatement dans le fond de la Russie
(c'est-à-dire en Sibérie) les personnes soupçonnées d'avoir des
tendances à la révolte, avec vente de leurs Siens aux enchères
publiques, ou confiscation, suivant le degré de leur cnlpa*
bilité;
i^ D'introduire dans ces provinces des colonies de petite
noblesse et de bougeoisie russe ;
5" De faire donner l'enseignement public exclusivement en
langue russe, par des professeurs russes, etc., etc.
M. Pogodine, professeur, bistorien, bomme de plume et de
cabinet, enveloppait sa conception des formes lentes de la mé*
thode administrative • Il fallait la simplifier.
Le temps pressait. Le plan Pogodine eut, selon les inten-
tions de son auteur, été exécuté par des employés civils...
Le czar en confia l'exécution à des généraux,à Mouravirieff !...
a ses imitateurs.
M. Pogodine voulait, dit H. Henri Martin, supprimer les
lettrés polonais par la suppression de tout enseignement polo-
nais; supprimer les propriétaires par l'expropriation, par les
ventes à l'encbère, par l'emprunt forcé sous forme d'assignats,
bref^ par des procédés de procureur-autocrate et de bureau-
cratie nanqueroutière ; ceci pour le gros de la race condamnée;
quant aux gens spécialement suspects, aux bommes dange-
reux, sa modération ne demandait pour eux que la transpor-
tation dans l'intérieur de la Russie, eupbémisme qui, dans le
langage administratif de là-bas, veut dire communément la
Sibérie.
Tout cela supposait du temps et des loisirs. On a dû serrer
les crans de la machine pour faire vite et tout faire monter
d'un degré.
La transportation dans l'intérieur de l'empire est donc ap-
pliquée, non plus aux suspects, mais aux employés catho-
liques, c'est-à-dire polonais ou lithuaniens, que l'on remplace
par des Moscovites.
Les fonctionnaires électifs de l'ordre de la noblesse qui se
sont démis de leurs charges pour ne plus communi(|uer avec
le gouvernement, ont eu orare de retirer leurs démissions,
sous peine de haute trahison. Quant aux propriétaires et aux
bourgeois, on les somme de signer des adresses de fidélité au
czar^ dans lesquelles ils doivent manifester leur désir de voir
la Lithuanie ou la Ruthénie à jamais incorporée à la Russie
Tout refus est considéré comme crime de haute trahison, et
le coupable est arrêté et traduit devant le conseil de^guerre.
DB LA RiVOLDTIOH POLONAISB. 457
Geax qui se soumettent peuvent échapper à la captivité et
au gibet^ mais ils n'échapperont pas à l'expropriation après la
révolte étouffée, sUls échappent pendant la révolte aux partis
de Cosaques et aux couteaux des bandes organisées dans les
campagnes, et auxquelles on les renvoie en les expulsant des
villes.
En effet, les forces régulières n'étant pas suffisantes poui
dompter les factieux, on fait appel aux forces irrégulières des
populations /idiles, c'est-à-dire qu'on invite les pauvres à
extirper les riches, en les leurrant de l'espoir de recevoir de
la munificence impfériale la totalité des domaines dont le gou*
yernement révolutionnaire offre seulement aux paysans une
partie avec promesse d'indemnité aux propriétaires.
Enfin la fidélité des populations rurales, égarée dans le
royaume et en Lithuanie, n'étant pas suffisamment assurée
ailleurs, et ces populations, même en Rulhénie, inclinant en
très-grande partie à la rébellion, on mande du fond de TÂsie
les hordes des Baschkirs, des Kirghiz et des Kalmoucks pour
achever l'œuvre.
C'est tout simplement un retour aux traditions d'Attila* Pis
que cela. Souwarow eut pu être pris pour un lieutenant du
chef des Huns. Â qui assimiler Hourawieff le pendeur !
kt voyez quels sont les acolytes de cet exécuteur du plan
Pogodine.
Plotowski, le commandant de Witepsk, celui qui a fait fu-
siller le comte Plater, et qui harangue en toute occasion les
paysans pour les persuader de se débarrasser des propriétaires
afin d'inaugurer le règne a de Dieu et le vrai bonheur !... »
Zabolotski, le commandant de Minsk, celui qu'on surnomma
le duc du faubourg de Cracovie, â cause de ses exploits contre
les femmes et les enfants dans ce faubourg de Varsovie. Zabo-
lotski, qui ne connaît qu'une seule façon de faire la guerre :
Mettre à prix la tète des chefs ennemis !.«.
Trepow, le fameux colonel de gendarmerie de 1861 à Var-
sovie, congédié alors, comme Zaboloiski, pour les excès un
peu trop sanglants de son zèle, aujourd'hui nommé général
et chargé d'organiser les milices de paysans dans l'Ukraine et
la Volhvnie ; on sait ce que cela veut dire.
Toll, le général de la guerre sans quartier, qui ne permet
pas à ses soldats de s'embarrasser de prisonniers, et que des
témoins oculaires accusent d'avoir fait nrûler vifs des blessés.
L'énumération serait trop longue ; Mouraveieff résume
tout.
Quelqu'un lui demandait, il y a bien des années de cela^ dit
M. Henri Martin, s'il était parent de ce Mourawieff qui mourut
sur i'échafaud avec l'héroïque Pestel , après l'insurrection de
1825, à Saint*Pélersbourg : « Non, répondit*il ; je ne suis
58
>f58 HISTOIRC
pas de^ Mourawieff qu'on pend ; Je sdîb des Monrawieff qui
pendent! »
Le surnom lui est resté et il a tenu parole ; il a été^ en 1831
et depuis^ le plus cruel, le plus odieux des généraux de
Nicolas. Tenu à l'écart^ comme les principaux instruments
du règne passé, dans les premières années d'Alexandre 11^ il
reparait maintenant : on sait a^ec quel horrible éclat.
Et cependant le général Nazimoff n'était pas d'une dou-
cenr angélique. Il était avant Hourawieff le gouverneur gé-
néral des provinces orientales, c'est-à-dire de la Lithuanie.
C'est lui qui avait organisé les massacres de Livonie. Le cabi-
net de Saml-Pétersbourg le trouva insuffisant.
Le premier mot de son successeur en mettant le pied sur la
terre lithuanienne fut : Il est inutile de faire des prisonniers !
On comprend ce que signifiait une telle parole dans la
bouche de Mourawiefl".
Le 25 mai, au soir^ il fit son entrée solennelle dans Wilna.
Tous les hauts fonctionnaires allaient le 26 rendre visite au
nouveau gouverneur. Voici le langage qu'il leur tint :
« Vous me connaissez déjà, il est donc superflu d'exposer
longuement ce que j'exige de vous. Le serment de fidélité
que vous avez prêté à l'empereur vous impose un dévouement
complet au service de Sa Majesté. Quiconque ne se sent pas
capable de donner sa vie pour l'empereur doit résigner ses
fonctions. »
Le général menaça ensuite de l'exil en Sibérie les maré-
chaux de la noblesse et les juges-arbitres qui, ayant donné
leurs démissions, ne les retireraient pas. En outre il annonça
nettement sa résolution d'inonder le pays d'agents moscovites
grassements rétribués, et d'envoyer en Sibérie, ou dans la
province d'Orenbourg, tous les fonctionnaires catholiques et
d'origine polonaise qui ne se conduiraient pas de façon à éloi-
gner d'eux tout soupçon.
Une somme de 100,000 roubles (400,00 fr.) a été mise à sa
disposition par le ministère des finances pour payer ses agents,
et on assure en outre qu'il a obtenu de l'empereur l'autorisa-
tion de brûler, au besoin, toutes tes forêts de la Lithuanie !
Pour terminer ce volume, il nous faut donner au lecteur
Kne idée coniîplète de l'état des esprits en Pologne.
• La plus surprenante manifestation de la puissance de l'idée
d^ndépendance est l'existence dugouvernenient national.
La lettre d'un voyageur anglais au journal TAe 5jp6e:^a/0fj
nous fournit sur son fonctionnementles détails les plus^urieux
et les plus antheVitiques :
« Le gouvernement national a une organisation sans
pareille dans'l'histoire, pour sa perfection et son efficacité.
DE LA aÉVOLUTIOll POLONAISK. 4S9
c II n'a peQt--èire fait que deux fautes : Tenter (f interdire la
circulation sur les chemins de fer, et donner i'ordre aux em-*
ployés des lignes ferrées de quitter leurs places. Ils obéirent ;
mais comme les Russes leur répondirent par la menace d'em-
prisonner tous ceux qui ne donneraient cas une raison satis-
faisante de leur démission, la mesure a dû êlre rapportée.
c Hormis ces deux points^ les succès du gouvernement
secret ont été en quelque sorte miraculeux. Il recueille les
contributions qu'il a imposées^ et il empêche les Russes de
recevoir un denier.
« On cite* à ce sujet une anecdote dramatique que je puis
garantir. Le grand-duc lui-même fut un jour sommé de payer
10,000 roubles (environ 40^000 francs), pour sa part de la con-
tribution sur le revenu. 11 envoya un aide*de-camp avec l'ar-
gent à la maison indiquée, en même temps que la police
recevait Tordre de la cerner secrètement. L'officier se trouva
en présence d'un vieillard qui prit les billets de banque, sortit
de la chambre pour faire un reçu et ne reparut plus. Lorsque
la police fut appelée, on trouva que la chambre était occupée
par une institutrice qui donnait des leçons en ville, et le pro-
priétaire protesta qu'il ne connaissait aucunement le vieillard.
a On ajoute que lorsque Tofficiet* vint faire ses excuses au
grandnluc, il trouva que le reçu avait déjà été envoyé au
palais.
« Ce qui doit paraître encore plus étonnant, c'est que les
Russes ne puissent réussir à lever les contributions dans une
ville comme Varsovie, où ils ont actuellement quelque chose
comme un soldat sur trois habitants. Mais ils ont rencontré
partout un refus obstiné.
« S'ils* faisaient une saisie, cela pourrait occasionner un
rassemblement et amener une émeute. De plus, personne
n'achèterait Tobjet saisi et mis en vente.
c Un pareil état de choses ne peut durer longtemps. Hou-
rawieff lui-même a été presque déconcerté par cette déter-
mination en Lithuanie, et réduit à fixer pour le bétail saisi un
prix nominal, comme 3 francs pour une vache, et alors sou-
vent les paysans les rachetaient pour les propriétaires.
c Dans la Pologne proprement dite, la police refuse des
passe-ports à tous ceux qui n'ont pas payé l'impôt. Un de mes
amis cependant m'écrit qu'il viendra bientôt me voir en An-
gleterre. Aussitôt, me dit-il, que l'on saura oue je désire
quitter le pays, quelque employé, en vue d'une légère gratifi-
cation, m'apportera une quittance dûment expédiée etcertifiée
des contributions que je n'ai jamais payées, et cela sans que
f aie même la peine de le demander.
« Une seconde preuve de l'action efficace du gouvernement
national, c'est le système postal qu'il a organisé. Lorsque je
460 HISTOIRB
partis pour le théfttre de la guerre^ je me procurai deux
passe-ports.
« Le premier^ émanant du préfet de Varsovie , disait sim-
plement : a le porteur est autorisé à visiter Tarmée nationale^i
et au-dessous étaient indiqués mon nom et ma qualité de sujet
britannique.
« Le second était ainsi conçu : «Le préfet de... (chef-lieu de
<x province) informe toutes les autorités nationales, tant civiles
« que militaires, qu'elles doivent donner toute Tassistancequi
« sera en leur pouvoir au porteur du présent, voyageant dans
« l'intérêt de la cause nationale. Les stations nationales sont
« obligées à lui fournir deux chevaux et une briska. Le pré-
« sent avis est bon pour (|uinze jours, b
« Tant que je suis resté dans la Pologne soumise à la Rus-
sie, j'étais si complètement entouré d'amis, que probablement
j'aurais circulé sans faire usage de ce document. Mais lorsque
j'eus passé la frontière, j'arrivai dans une partie de la Gallicie,
où |e n'avais aucune connaissance, et où^ je crois, il n'y a pas
ordinairement moyen de se procurer autre chose qu'une
charrette dç paysan. Grâce à mon passe-port, j'accomplis un
voyage difficile en très-peu de temps, et je rencontrai partout
le plus cordial accueil.
« Il faut se rappeler que quoi qu'on puisse dire de la
Pologne russe, le pouvoir du gouvernement national dans la
Pologne autrichienne est purement idéal. 11 n'a pour lui que
les classes éclairées, et certes il ne pourrait employer sur elles
aucun système de terrorisme en présence de la police autri-
chienne et de l'hostilité des paysans. J'ajouterai que comme
mes passe-ports portaient respectivement les numéros 947 et
806, l'usage qui s'en fait doit être considérable. En effet, à un
relai on m'a dit que les chevaux travaillaient à en crever.
« Je me suis arrêté sur ces deux points, les contributions et
la question postale, parce qu'ils peuvent, je pense, jaire mieux
que toute autre chose, apprécier la force réelle diî gouverne-
ment national. Il ne faut rien moins qu'un succès universel et
absolu pour le soutenir dans ces deux moyens d'action. Hais
son pouvoir est, sous d'autres rapports, singulièrement remar-
quable; il est instruit des plans des Russes presqu'aussitôt
qu'ils sont conçus, et il obtient les informations les plus
promptes sur les opérations militaires des deux partis; s'iliiv
terdit une émeute, tout reste tranquille, et personne ne doute
: c|ue s'il donnait un ordre, les rues de la ville désignée seraient
inondées de sanç. Il y a peu de temps, le gouvernement russe
acheta deux maisons dans l'une des principales rues de Var-
sovie, le boulevard de Cracovie, pour les démolir atin de faci-
liter racllon de rarlillerie en cas de troubles. Le gouverne-
ment national défendit à qui que ce fut de travailler à cette
DE iA RÉVOLUTION POLONAISE* iùi
démolition^ et Tautorité moscovite fut obligée de faire exécu«
ter le travail par des soldats que la municipalité de Varsovie
fut condamnée à payer, d
Le même voyageur donne des renseignements surTorga**
nisation des corps d'insurgés, qui complètent ce que nous en
avons dit :
« L'espoir des chefs repose sur les paysans. Ceux-ci d'abord
étalent indifférents et répugnaient à s'opposer au gouverne-
nient. Mais graduellement l'esprit de la guerre s'est emparé
d'eux, et dans la Pologne proprement dite ils prennent libre-
ment Jes armes. A Posen, ils sont prêts dès le commencement
de l'insurrection, mais ils désirent commencer par combattre
leurs, ennemis naturels, les Prussiens.
« On dit que dans un seul district, celui de Lublin, 3,000
paysans ont été récemment enrôlés.
a On disait dernièrement à Cracovie qu'un paysan était allé
rejoindre les insurgés avec sa femme, sa fille et le fiancé de
c<!lle-ci. Le détachement fut attaqué au moment où il passait
la frontière; le père, la mère et l'amoureux tombèrent dans
la lutte, et la fille, déjà blessée, fut sauvée par un officier qui
avait reconnu son sexe.
<K Généralement ce sont les combats sur les frontières qui
sont ce qu'il y a de plus fatal pour la rébellion. Le conscrit
qui peut-être ne sait même pas manier son fusil, est saisi
d une terreur panique lorsqu'il se trouve devant une force
écrasante.
« Pendant mon séjour dans les districts insurgés, je ren-
contrai une division en marche, et plus tard faisant halte. Elle
consistait en deux régiments forts l'un de 500 et l'autre de
420 hommes; ils se dirigeaient vers la frontière pour protéger
l'entrée de nouvelles compagnies et faire des recrues. Un tiers
ou un quart était des cavaliers, montés la plupart sur des che-
vaux de labour; il y avait environ autant de faucheurs, tous
paysans. A voir les bagages et les malades n'occupant que six
voitures, sir Charles Napier, si amoureux de la simplicité,
aurait été ravi. Les hommes étaient comparativement des'
vétérans, à la figure bronzée, à l'attitude martiale, marchant
irrégulièrement il est vrai, mais toujours en bon ordre et avec
précision. Chacun était habillé et armé à sa guise; on ne
voyait de tous côtés que de gros manteaux militaires, des uni-
formes improvisés, des vestes de chasse, des habits ordinaires
et des manches de chemises de paysans; les fusils étaient de
toutes les formes et de toutes les fabriques. J'ai marché pen-
dant deux milles à leurs côtés et je puis attester qu'ils fai-
saient près de quatre milles à l'teuiîç. Aux haltes, le quartier
gênerai était établi danà^Hintoiloifdtf principal propriétaire
au village et ces hôtes dangereux étaient reçus avec la plus
462 HISTOIRB
franche cordialité. Notre hôte me dit plus tard qu'il avait deux
fils au service.
<i Dans une lutte comme la lutte actuelle, ce sont les plus
nobles et les plus purs qui tombent les premiers. Au nom de
Dieu, que deviendra la Pologne si elle est pacifiée ou si elle
est libre l'année prochaine, alors qu'elle aura perdu ses gen-
tilshommes les meilleurs et les plus capables? Que devien-
drons-nous, si nous laissons les cosaques fouler aux pieds ijne
civilisation basée^ comme la nôtre sur Tesprit de liberté^ de
chevalerie et de christianisme? »
Notre tâche est accomplie, ou plutôt elle doit subir ici un
temps d'arrêt.
La révolution polonaise n'est pas l'œuvre d'une conspiration^
mais le résultat des procédés du gouvernement russe.
Elle se résume en quatre périodes :
Les partages, œuvre d'ambition de trois souverains, sans
parti-pris de haine pour la nationalité polonaise.
, La persécution, provoquée par Timpossibilité d'assimiler la
race slave brave, civilisée, catholique, à la race tartare ou
moscovite.
Le Panslavisme, tentative d'absorption de la Russie par la
Pologne, amenée par une erreur sur les races, et ayant eu
pour conséquence les mesures extrêmes qui firent éclater l'in-
surrection.
Enfin Texécution du plan Pogodine, raisonnable au point
de vue moscovite, mortel au point de vue polonais.
C'est, nous Tavons dit, dans cette période que la Pologne est
entrée avec de Berg et Mourawielf.
Ce sera la dernière.
Ou la Pologne, seule ou secourue chassera à jamais de son
sol les Moscovites...
Ou les Polonais, arrachés un à un de leur pays , et jetés,
mourants ou mutilés sur le sol de l'immense empire des czars,
seront tous, absolument tous, bannis de leur patrie.
Il n'v a pas d'autre solution à la question : la Pologne sera
triomphante ou écrasée.
Triomphante : c'est qu'il n'y aura plus un seul Russe en
Pologne!
Ecrasée : c'est qu'il n'y aura plus en Pologne un seul
Polonais!
FIN.
AUG 131920
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DB LA BiVOLDTION POLOUAISI. 463
BXTBAIT DU DISCOURS BB L'BMPEBBUB, PBONONCfi LBSnOYBIIBBB
1863^ A L'OXrVEBTUBB DB LA SESSION LâaiSLATIVB.
« Messieurs les sénateurs,
a Messieurs les députés,
« Quant éclata l'insurrection de Pologne, les gouverne-
ments de Russie et de France étaient dans les meilleures rela«-
tiens; depuis la paix, les grandes questions européennes les
avaient trouvés d^accord, et, je n'hésite pas à le déclarer, pen-
dant la guerre d'Italie, comme lors de Tannezion du comté
de Nice et de la Savoie, Tempereur Alexandre m'a prêté Tap*
pui le plus sincère et le plus cordial.
« Ce bon accord exigeait des ménagements, et 11 m'a fallu
croire la cause polonaise bien populaire en France pour ne
pas hésiter à compromettre une des premières alliances du
continent, et à élever la voix en faveur d'nine nation» rebelle
aux yeux de la Russie, mais aux nôtres héritière d'un droit
inscrit dans Thistoire et dans les traités.
« Néanmoins, cette question touchait aux plus graves în-
lérêts européens; elle ne pouvait être traitée isolément par la
France. Une offense à notre honneur ou une menace contre
nos frontières nous imposent seules le devoir d'agir sans con^
cert préalable.
« Il devenait dès lors nécessaire, comme à Tépoque des
événements d'Orient et de Syrie, de m'entendre avec les puis^
sances qui avaient, pour se prononcer, des raisons et des drofU
semblables aux nôtres.
a L'insurrection polonaise, à laquelle sa durée imprimait
un caractère national, réveilla partout des sympathies, et le
but de la diplomatie fut d'attirer à cette cause le plus d'adhé-
sions possibles, afin de peser sur la Russie de tout le poids de
l'opinion de TEurope.
« Ce concoure de vœux presque unanime nous semblait le
moyen le plus propre à opérer la persuation sur le cabinet
de Saint-Pétersbourg. Malheureusement, nos conseils désin-
téressés ont été interprétés comme une intimidation, et les
démarches de l'Angleterre, de'TAutriche et de la France, au
lieu d'arrêter la lutte, n'ont fait que l'envenimer.
« Des deux côtés se commettent des excès qu'au nom de
l'humanité on doit également déplorer.
« Que reste-t-il donc à faire? Sommes-nous réduits à la
seule alternative de la guerre ou du silence? Non.
464 HMTOIRI
c Sans courir aux armes comme sans nous taire^ un moyen
nous reste; c'est de soumettre la cause polonaise à un tribunal
européen. La Russie Ta déjà déclaré, des conférences où toutes
les autres questions qui agitent l'Europe seraient débattues ,
ne blesseraient en rien sa dignité.
« Prenons acte de cette déclaration. Qu'elle nous serre à
éteindre, une fois pour toutes^ les ferment de discorde prêts à
éclater de tous côtés et que, du malaise même de l'Europe^
trayaillée par tant d'éléments de dissolution, naisse une ère
nouvelle d'ordre et d'apaisement!
€ Le moment n'est*il pas venu de reconstruire sur de nou-
Yelles bases Tédifice terminé par le temps et détruit pièce à
pièce par les révolutions?
c N est-il pas urgent de reconnaître par de nouvelles con-
ventions ce qui s'est irrévocablement accompli, et d'accom^ir
d'un commun accord ce que réclame la paix du monde?
« Les traités de 181 5 ont cessé d'exister. La force des choses
les a renversés ou teud à les renverser presque partout Ils sont
brisés en Grèce^ en Belgique, en France, en Italie, comme sur
le Danube.
c L'Allemagne s'agite pour les changer; l'Angleterre les a
généreusement modifiés par la cession des lies Ioniennes, et
la Russie les foule aux pieds à Varsovie.
« Au milieu de ce déchirement successif du pacte fonda-
mental européen, les passons ardentes se surexcitent et, au
Midi comme au Nord, de puissants intérêts demandent une
solution.
« Quoi donc de plus légitime et de plus sensé que de con-
vier les puissances de l'Europe à un congrès où les amours-
propres et les résistances. disparaîtraient devant un arbitrage
gnprême?
a Quoi de plus conforme aux idées de l'époque, aux vœux
du plus grand nombre, que de s'adresser à la conscience, à la
raison des hommes d'Etat de tous les pays, et de leur dire :
a Les préjugés, les rancunes qui nous divisent n'ont-ils pas
déjà trop duret
a La rivalité jalouse des grandes puissances empêcbera-t-
elle sans cesse les progrès de la civilisation?
c Entretiendrons-nous toujours de niutuelles défiances par i
des armements exagérés? i
a Les ressources les plus précieuses doivent-elles indéfini-
ment s'épuiser dans une vaine ostentation de nos forces? j
a Conserverons-nous éternellement un état qui n'est ni la |
paix avec sa sécurité, ni la guerre avec ses chances heureuses?
c Ne donnons pas plus longtemps une importance factice à 1
l'esprit subversif des parties extrêmes, en nous opposant par |
d'étroits calculs aux légitimes aspirations des peuples.
M LA BÉVOLUTIO!! F0L0NÀI6E. 405
c Ayons le courage de subsUtaer a un état maladif et pré*
caire une situation sud>le et régulière^ dût-elle coûter des sa^*
criflces.
« Réunissons-nous sans système préconçu, sans ambition
exclusive, animés par la seule pensée d'établir un ordre de
choses fondé désormais sur Tintérêt bien compris des sou-
verains et des peuples.
« Cet appel, j'aime à le croire, sera entendu de tous. Un re-
fusYerait supposer de secrets projets qui redoutent le grand
jour; mais, quand même la proiM)sition ne serait pas unanime-
ment agréée, elle aurait l'immense avantage d'avoir signalé
à TEurope où est le danger, où est le salut.
a Deux voies sont ouvertes : Tune conduit au progrès par
la conciliation et la |)aix; Tautre, t5t ou tard, mène fatalement
à la guerre par TobsUnation à maintenir un passé qui s'écroule.
€ Vous connaissez maintenant, Messieurs, le langage que je
me propose de tenir à l'Euroçe. Approuvé par vous, sanc-
tionné par ressentiment public, il ne peut manquer d'être
éooutéi puisque je parle au nom de la France, s
LSTIBBDB 8AMAJB8TÉ L'HMPBBBUB NAPOLÉON m AUX SODTlBàlllB
ÉTBAMGSBS.
C Très-hauts et très^illustres princes et Vill^ libres com-
posant la sérénissime Confédération germanique.
« En présence des événements oui, chaque jour, surgissent
et se pressent, je crois indispensable de dire toute ma pensée
aux souverains auxquels est confiée la destinée des peuples.
« Toutes les fois que de profondes secousses ont ébranlé les
bases et déplacé les limites des États, il est survenu des tran-
sactions solennelles pour coordonner les événements nouveaux
et consacrer, en les révisant, les transformations accomplies.
Tel a été l'objet du traité de Westpbalie au dix-septième siècle,
et des négociations de Vienne en 1815. C'est sur ce dernier
fondement que repose aujourd'hui Tédiâce politique de Pfiu-
rope ; et cependant, vous ne l'ignorez pas, il s^écroule de toutes
parts.
< Si l'on considère attentivement la situation des divers
pays, il est impossible de ne pas reconnaître que, presque sur
tous les points , les traités de Vienne sont détruits, modinés,
méconnus ou menacés. Delà des devoirs sans règle,des droits
sans titre et des prétentions sans frein. Péril d'autant plus
59
IM HiflTOIAB
redoutable oue les perfectionnetnentai asieiiée par ki chrilna-
tioo, qui a ité le» peuples «nire eux pai: 1a sokiterité des inté-
rêts matériels, rendraient la guerre plus destructive encore.
« C*es4 là an sujet de graves méditations. N'atleodons |ias
INMir prendre un parti que des éTénemenls sondainsi irrésîs-
itMee, trooMenl notre jugement et nous entraînent, uMi^é
nous» daps des directions contraires.
c le viens donc vous proposer de régler le présent et d'assu-
far faveoir dans un Congres.
c Appelé au trène par la Providence et par la volonté du
paofle français, mais élevé à l'école de l'adversité, il m'est
peut-être moins permis ({u'à un autre d'ignorer et les droits
dea sottverainaet les légitimes aspirations des peuples.
• Aussi je suis prèl, sans système préconçu, à jpohew dans
UB conseil international Tesprit de modération et de justice,
partage «wdinaire de ceux qui ont subi tant d'épreuves
diverses.
€ Si je prends Pinitiatîve d'une semblable ouverture, je ne
cède pas a un mouvement de vanité; maïs comfne j^ suis le
souverain auquel on prête le plus de projets ambitieux, j*ai à
cœur de prouver, par cette aémarcbe franche et loyale, que
mon unique but est d'arriver sans secjusse à la pacification de
l'Europe.
« Si cette proposition est accueillie, je vous prie d'accepter
Paria oonune lieu de léunion*
a Dans le cas où les princes alliés et amis de la France ju-
Seraient convenable de rehausser par leur présence l'autorité
es délibérations^ je serai fier de leur offrir ma cordiale bos-
ÎHah'té. L'Europe verrait peut-être quel(][ue avantage à ce qne
L capitale d'où est parti tant de fois le signal des bouleverse*
roents devint le siège des conférences destinées à jeter les bases
d'une pacification générale.
« Je saisis cette occasion de vous renouveler les assurances
de mon sincère attachement et du vif intérêt que je prends à
la prospérité des Etats de la Confédération.
« Sur ce, très-hauts et très-illustres princes souverains et
Villes libres composant la sérénissime Confédération germa*
nique, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
ê
c Ecrit à Paris, le 4 novembre de Tan de grâce 1863»
< NAPOLÉON,
« Conlre-signé :
Droutn db Lhoys. »
TABLE DES MATIÈRES
COnTBi^UBS PA1I8 Gl VOtUKB.
Chapitiie I".— La Pologne avant 1« ▼!• siècle.— La Pologne après \ 57«;
sa constitotion politique. — Les nobles; les bourgeois; les paysans;
les juifs.-^&lonarchie électWe; diète; liberum veto, — Sobieski.-^
Frédéric-Auguste.— Le prince Poniatowski.*- Deui partis en Po->
logne. — Règne dePoniatowski.sou» le nom de Stanislas-Auguste*
—Intervention de la Russie dans les affairea de laPologne.--^ Mft-
cbinations, intrigues de Catherine 11.— Invasion de la Gourlande*
Une séance de la diète de i794.— Les dissidents.— Soulèvement
des Polonais.«-Confédération de Bar.*- Louis XVI envoie Dumou*^
riez avec quelques troupes en Pologne.-— Prise du château de Grar
coviepar des officiers français«-^Suwarow. — Cruautés inouïes des
iRusses envers les confédérés,— Premier partage .de la Pologne.-^
Duplicité àe la Prusse.-^£fiet de la révolution française sur la na-
tion polonaise.— Négociations à Paris. — Constitution du 3 mai 1791.
Inique invasion delà Pologne par la Russie.-^ La Pologne se pré*
pare à la guerre* — Joseph Poniato wski est nommé général en chef
de Tarmée polonaise •••••>'••» « . , • . I
Chapitre II [1792]. — Confédération de Tarffowice. -^ Premiers
désastres ae T armée polonaise ; évacuation oe 1 Ukraine.— Com-
bat de Zielincé.—Kosciuszko à Dubienka. — Mauvais succès de la
guerre.— Adhésion de Stanislas à la confédération de Targowice,
—Indignation tie la nation et de l'armée.— Suspension d'armes. —
Dislocation de l'armée polonaise. Émigration des patriotes. •* Dé-
claration de Grodno.— Résultats de cette déclaration. .*•.., 74
Cbapitre III (1793). — Mouvement réactionnaire. — Igielstrom."—
Pretnière association' révoliuionnaiire à Varsovie. — Kosciuszko,
— Délibération des exilés à Leipzig, — Ignace Potocki.— Kolontay. *
— Rosciuszko consent à se mettre à la tête de l'insurrection : son
arrivée en Pologne. — L'insurrection est différée.— Entrée des
Prussiens en Pologne. — Émigration polonaise. — Kosciuszko et
MostOTvski à Paris; ils négocient avec Dumouriez. — Le baron de
Bars et le comité de salut public. — Insuccès des nétçociations à
Paris. — Diète du Grodno.— Mémorable séance du 10 juin 17Ô3.
— Second partage de la Pologne 94
Cbapiibb IV (1794).— Retour à Varsovie du roi Stanislas et de l'am-
bassadeur de Russie.— Redoublement de persécutioas.— Situation
critique des conjurés.— Insurrection de Madaiinski.— Arrivée de
Kosciuszko à Cracovie. — ^Insurrection de Cracovie.— Acte d'insur-
rection du 24 mars 1794.— Kosciuszko est nommé chef de Tinsuc-
rection; son serment j ses proclamations à l'armée et à la nation.
468 TABLE DES MATltRES
—Bataille de Raslaficé.— Beaa fait d'armes de Koseîuszko.-— Pre-
mières Tictoires des insurgés ii8
Chapitre V (1794).— L'insurrection se propaee.^Situation critique
des Russes à Varsovie. —État des esprits a Varsovie ; fermenta-
tion générale. — Complot des Russes pour s'emparer de l'arsenal
par surprise.— L'indécision des patriotes est fixée par la décoaverte
de ce complot. — Insurrection de VarsoYie. — Insuirection de
Wilna. — Une partie de rarmée polonaise au service des Russes
passe aux insurgés.— Kosciuszko après la bataille de RasUvicé;
il s'occupe à organiser son armée ; aifficultés qu'il éprouve. — Le
sellier de Varsovie. — Les nobles et les paysans. — Division et
défiance de ces ordres : motifs de ces divisions et de ces défiances;
leurs funestes effets.—* Koscinsadto essaie d'y remédier.— Ordon»
nance réglant les devobrs des paysans oivers les propriétaires. —
Levéedu cinquième i39
Chapithb YI (1*794).— Kosciuszko à Palanièce.— Manifestes russes.
— Déclaration du président du conseil national Dombrowski. —
Kociuszko est bloqué par l'armée russe à Palanièce.— Jonction de
Grochovski.— Intrigfue contre-révolutionnaire ; émeute à Varso-
vie.—Kosciuszko bit punir les coupables.— Insurrection du canton
de Cbelm. — Combat de Stezecocyny.— Entrée des Prussiens à
Gracovie.— Revers successifs des insurgés.— Kosciuszko se retire
sous Varsovie — Arrivée des armées russe et prussienne sous les
murs de Varsovie 173
OBafitre VIfl (1794).— Les factions russe et royaliste à Varsovie-
Institution d'une commission militaire.— Irritation des partis.— Eta-
blissement du papier-monnaie.— Siège de Varsovie. — Succès des
Polonais.— Insurrection de la Grande-Pologne.— Sanguinaire pro*
clamation du colonel prussien Bekuli. — Déclaration, à ce sujet,
du conseil suprême de Varsovie. — Les prussiens lèiFent le siège. *-
Nouvelles désastreuses de la Litbuanie. — Suwarow. — Départ de
Kosciuszko pour l'armée de Litbuanie. — Adresse du conseil
suprême aux Polonais. — Kosciuszko à Maciejowice — Bataille de
Maciejowice. — Défaite des Polonais. — Kosciuszko est fait prison-
nier.—Kosciuszko dans les cacbotsdela Russie.— Quelques détails
sur ce cbef révolutionnaire, depuis la défaite de Maciejowice jus-
qu'à sa mort 193
Cbapitre VIII (1795).— Rôle de TAutricbe pendant la révolution de
Pologne. — Tableau de la Pologne après la perte de la bataille de
Maciejowice. — Nomination d'un chef-général.— Wawnecki. — ^Dé-
couri^ement de l'armée et du peuple. — Grands préparatife de
défense ; faibles chances de succès ; revers successifs. — Famine à
Varsovie.— Arrivée des Russes devant Varsovie. — Prise du fau-
bourg de Praga.— Horribles massacres de Suwarow.— ^Capitulation
de Varsovie.- Fin de la révolution de Pologne de 4794.— Arresta-
tions, confiscations, exéèutions.— Coup d'œil rétrospectif. .... S27
Chapitre IX (i 8 15-1 830). — Négociations de hi Sainte-Alliance rela-
tivement à la Polo^e. — Jalousie des puissances entre elles. —
Constitution promise, accordée, annulée.— Mort d*Alexandre. —
Couronnement de Nicolas, roi de Pologne. — Griefs de la Pologne
contre la Russie. — Le grand-duc Constantin : son portrait, ses
violences.— L'B^lise grecque et le culte catholique. — La Pologne
TABLI BIS XATEhRIS. 109
0pi 4830.— SefBkmdela diète en johi 48ao.— Projetde là loi sur
le divorce.— Vœu de réunion des anciennes provinces incorporées
à la Russiif.— Le contre-coup de la révolution française de i 830 en
Polo^e.— Lettre du Czar à Louis-Pbilippe t44
GiApmK X (l839)."^Société8 secrètes à Varsovie.— Pierre Wisocki.
—Insurrection du 29 novembre.— Constantin sort de Varsovie.^-
Les hommes d'État polonais; leurs idées; le parti russo-polonais.
— Les ei-mittistres sous Constantin s'emparent du pouvoir. —
Lubecki. — Czartorisky.— Oopicki.— Nouveau gouvernement où
entre Joachim LeleweU^Vœu de transaction avec le czar. — Cons-
tantin quitte pour toujours Varsovie.— Les clubs à Varsovie ; leurs
plans révolutionnaires.— Clopickt dictateur. — Clôture des clubs.
— Démarche auprès de Nicolas.— Mesures de défense prises par
Clopicki.— La diète proclame la révolution polonaise.— Elle con-
firme la dictature à Clopicki. — Enthoosi^fime patriotique des
P<^nais Î7f
GiAPmB XI (4830^1831). — Manifeste de Nicolas contre les Polo*
nais. — Résultat de la tentative faite auprès de lui. — Clopicki ;
sa proclamation; ses actes contre le parti démocratic^ue ; il exclue
^ . ^ ,. . . .... ^ ^^^^^^
I ; son
' Lelewel
réintégré dans le goi3vemement. — MicbefRadziwil commandant
de Tannée. — Discussions h la diète ; elle adopte le principe de
rhérédité monarchique; discours de Lelevrel pour les classes
populaires.-— Entrée des Russes en Pologne^ le 5 février, sous les
orores de^Diébitsch.— Batailles de Grochov^ et de Praga ; &krzj«^
necki est nommé générai en chef .—Proclamation du gouvernement
aux troupes. — Déclaration de la diète.— Victoires de Vaver et de
Dembevrilkie ; victoire d'ins^anie. — Insurrection en Lithuanie. —
Fautes de SkrzvnedLi, sa défaite à Ostroienka.— Mort de Diébitsch ^^
et de Conslantm **"'
GiAPmiB Xn (f 83i).— Skrzynecki demande l'exclusion de Lelevrel.
— La Pologne demande des secours aux puissances européennes.
— ^Attitude de la France et de FÂhgleterre dans cette circonstance.
— Offre de la couronne de Pologne à ces puissances ; refus. — Le
principe de non-intervention. — Conduite hostile des Cabinets de
Berlin et de Vienne.— Les Juifs demandent à la diète les droits de
citoyen ; demande d'affranchissement en faveur des paysans de
Lithuanie et de ceux du rovaume de Polo^e ; réponse négative
de la diète. — Paskiéwîtsch succède à Diébitsch. — Nouvelles
fautes de Skrzynecki. — Plan de Paskiéwitsch ; il traverse la Vis-
tule sans opposition. — Démission de Skrzynecki et nomination de
Dembinski.— Exaltation des clubs.— Evénements des i 5 et 1 6 août.
— Kruckovriecki président du gouvernement, et Malachowski
général en chef; portrait de Kruckowiecki. — Le 6 septembre,
Paskiévntsch donne l'assaut à Varsovie. — On refuse d armer le
peuple.— La diète refuse de traiter avec le général russe.— Kru-
ckovnecki signe Tacte de soumission des Polonais. — Départ de
la diète et des débris de l'armée polonaise.— Vengeances russes.—
Causes de rinsuccès de l'insurrection du 29 novembre.— Comment
la Pologne pourra UDjourrenaltre de ses cendres. 3<tt
J
AO lABU MBVATlilli;
CHAPim Xm (18dO & i847).— Eiorts ftaecessife de la RiMste» de la
Prusse et de rAutriche poior dénationaliser la Pologrne.^PerBéca-
tioDB.— Les religieases de Minsk.-* L'émi^raticm polonaise ; élé»
ments diTers qui la composent; parti aristocratique, démoera*
tique, communiste. ^ Organisatioa d'une propagande. •— Plan
stratégique de l'insurrection. -« La conspiration est découverte;
nouvelles arrestations» -^-Machiavélisme de i* Autriche ; elle encolla
rage l'élément communiste en Gallicie. — Mouvement insurrec*
tionnel en Gallicie et à Cracovie.-* Le général CoUin à Gracovie »
ses premiers succès; sa cruauté, ^ Triomphe momentané dea
insurgés.'— Retraite calculée des Autrichiens. •— Installation du
gouveroement provisoire. -- Nomination d'un dictateur; M. Xjs-
sowski. — Ouverture d'un club oatioDal parDomhrowski.— Les
paysans de Wiesliska à Gracovie. ^- Énergique dévouement d«
femmes polonaises.'**-Modération des insurgés,^ Sj^mpatbiede la
France et de l'Angleterre pour l insurrection j)olonaiâe. — Société
du 3 nfai; son adresse au prince CzartoryslLi.--. Les divers partis
de rémigration se rapprochent. -* Réunion des dépulés de France
en faveur de la Pologne 0 • 320
CHARTai XIV (i847), — Des goaveraements dits paternels; leur
politique.-— Situation des paysans de la Gallicie.— Leurs rapporte
avec les seigneurs on propriétaires. -^ Causes de leur icrilation.«^
Les Komorniks.— Plan d'opération des insttrgé8.«-^uvage eipé*
dient de l'Autriche. — Primes promises aux égorgeors.^ Mauvaia
suecès des colonnes insurgées.^- Massacre des nobles.—- Scela.«-*»
Récompenses accordées par le gouvernement autrichien aux orga-
nisateurs du massacre. -^ Proclamation de l'empereur d'Autriche
pour féliciter lea égorgeun. ^ Situation déeesperée du gouverne*
ment révolutionnaire de Gracovie* — Retour des Autrichtens à Pod«
gorze.*-* Négociations des insurgé? avec le général Collin.-— Ex»*
ffences de ce dernier.-«Les principaux.corps d'insurgé sortent de
Cracovie.— Nouveaacomité de sûreté à Gracovie. --* Entrée des
Russes, des Autrichiens et des Prussiens à Gracovie. «* Les insurgeât ,
ne pouvant gagner la Gallicie, se rendent aux frontières prus*
siennes et mettent bas les armes.-^ Mise en état de siège des pio-
vinœs insurgées.— Arrestations, déportations, exécutions. — But
que s'étaient proposé les trois Cours spoliatrices,— Incorporation
de Gracovie à l'Autriche. —Protestation de l'Angleterre. ^Protes-
tation de la France,— Le czar Nicolas.— Pjrisc de possession de Cra*
covie par l'Autriche.— Energiques paroles de M. de Montalembert
au sujet des attentats accomplis contre la Pologne 333
Chapitre XY (1850 à 1863). — Avènement au trône d'Alexandre U.
—Le congrès de Paris. — Arrivée d'Alexandre U à Varsovie. -*->
Ses discours. — L'amnistie. •*- Appréciation de cet acte. — Pro-
testations des partis démocratiques et monarchiques Polonais.-^
Discours de lord Clarendon. — Couronnement du nouveau czar ;
son entrevue avec Napoléon III» À Stuttgard. -^ Rescrit
d'Alexandre II au gouverneur militaire de Lithuanie.**- Société
agronomique iondce à Varsovie. — La société agronomique envoie
au czar une adresse. — Sa dissolution.— Allocution de rabbé De-
uerry aux Polonais. ^ Cantiques nationaux des poôtes Aloyt
^elinski et Camille Uieyski. «- Massacres des Polonais. ^Lettre»
gue
feli
TABLE DES MATIÈRES. 471
d'un gentilhomme Polonaisau prince de Metternich.^Recrutement
forcé 358
Chapitre XVI. — Le gouvernement national aux conscrits polonais.
— Le recrutement. — Compte rendu dujournal officiel. — L'in-
surrection commence. — Adresse aul ouvriers français sans tra-
vail. — Les faucheurs.— Actes répressifs du gouvernement mos-
covite. — Marsan Langiewicz. — Son histoire. — Le camp de
Wonchock. — Combat de Mieiico. — Bataille de Sainte-Croix. —
Attaque du camp polonais de Staszow. — Langiewicz cerné par
les Russes. — Bataille d'Olkusz. — Le camp de Gorscza.— Portrait
de Langiewicz. — La reine des insurgés. — Mademoiselle Pous-
towojtoi. — L*armée polonaise. — Instructions et manœuvres. —
Langiewicz est nommé dictateur.— Sa proclamation.— Cérémonie
d'investiture . . .• | . 581
Chapitre XVII.— Massacres de îhomassow.— Combat de Wengrow.
— Les nouvelles Thermopiles. — , Meurtres et vols à Modiiborz. —
Combat et massacre de Siematycze.— Maàsacre sans combat à
Plilawy. — Le château du comte Zamoyski et celui du marquis
Wielopolski. — Pillage du château de Woysiavice. — Suicide
glorieux de M. de Korff.— Combat de Miechow et destruction de
la ville. — François Rochebrun. — Sigismond Padelowéki. —
Héroïsme de madame Micholska. — Les Prussiens et le droit des
fens.— Proclamation du gouvernement national. — Les sermons
es popes russes. — Mielencki.— Combat de Dobroslaw.— Noble
conauite de quelques officiers russes. — Nouvelles instructions
secrètes 401
ûiAPiTRE XVllI. — Langiewicz dictateur. — Le conseil de guerre. —
Langiewicz prisonnier.— Le gouvernement national reprend son
autorité. — L'opinion de l'Angleterre. — L'opinion de la France.—
Russes et Polonais.— L'avenir de l'insurrection. — Reprise du récit.
—M. Déodat Lejars. — La Prusse et les insurgés. — Une amnistie
du czar. — Protestation contre l'amnistie. — Un curieux document
officiel. — La conduite du clergé polonais pendant l'insurrection.—
Encore la Prusse. — Petite biographie a? la Pologne et du pays
slave.— Mort de trois chefs français. — Proclamation du gouverne-
ment national.— Biographie de Narbutt.— Le général TolL— Mort .
de Padlewski.— Physionomie de Tinsurrection. — Mourawieff à
Wilna . • • » « 531
Buis. -* Tjp« de Cosson et Gomp.» me du Four-St^-Ocrmain, 43.
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