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Full text of "Histoire de la révolution dans les départements de l'ancienne Bretagne"

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RÉVOLUTION 



DANS LÈS DÉPABTEMBNTS 



DE L'AKGIENNE BBETAGNE 




[^^ïiïL,îL,ïïIiIE 




À PARIS 9 

CHEZ BSSESSABT, 9, BUE DE SORBOUHE. 

À JOINTES 9 

CHEZ MELLIUET, ÉDITEUB. 

1836. 



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BÉVOLOnOM EN BBETAGMB. 



DF.T 



A NANTES, 

DE L'IMPBIMEBIB DB MELUKET. 



HISTOIRE 



BB 




HEVOLUnON 



DAHS US DiPARTBHBIlTS 



DE L'ANCaENNE BBETAONE 



OVTBAei COMPOSA 



PAR A. DUCHATELLIER 



IV 



V 



A PARIS, 

GH£Z DESESSÂRT, 9 , RUE DE SORBONNE. 

A NANTES, 

CHEZ MELUKET , ÉDITEUB. 



1836 

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ILOWIEIS ^ISÎP'û'nÈSSIIl, 



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Èà 



4 UVBB SBPnklIE. <— CHAP. IT. 

des Amis de la Constitution , modérés appar- 
tenait la plupart à la classe bourgeoise, était 
rente aAnirat^or zélé des efforts de h Consli- 
tuaate. Les orateurs des clubs de cet ordre 
avaient cependant renoncé à ce qui pouvait té- 
moigner de leur attachement au régime de 90 
et 91 , et leur langage même n'était pas trop dif- 
férent de celui des clubs cpii s'étaient M aratisés ; 
mais 9 h n'en pas douter , il y avait de la crainte , 
du regret , de l'hésitation , dans la marche de ces 
sociétés primitives. Rien ne le prouvait mieux 
que l'empressement qa'elies avaient mis à se- 
couder le mouvement fédéraliste des administra- 
tions départementales de FOuest. Dans les autres 
sociétés de la nuance du club Saint-Vincent à 
Nantes, et il y en avait des deux espèces dans 
presque toutes nos grandes communes , la pensée 
des jaeobins prédonHoait au oontriâre , et c'était 
à ce Cdyer incandescent que se ravivait chaque 
soir 9 à la lueur des tovdies , le républi<^Hiisme 
intolérant et funenx des patriotes irrités , qui , 
sentant kops liens se dëootter^ professaient la 
région du sans-^sulotinne eu s'agenouiUant de- 
vant les bnsles de Maral et de Ee Pelletier. 

Ici la pétrifantion mensuelle des adUiés n était 
que de 10 S4ds; eHe était de 30 chez les mwiea- 



Lk BÉfOLOTIOir BU BEBTMITB. 5 

m 

dîns qtti formaient les autres socîétës : c'était plus 
qa'ii n en fallait poor que les représentants pres- 
crivissent lear fusion. Mais nulle part, peut-être , 
ce riq[qprocIiement entre des hommes et des 
classes, sinon hostiles, du moins séparés de 
mœurs et d'intérêt , ne fiit plus caractéristique 
quà MorlffiLs:. Là aussi il existait deux sociétés 
popidaires : Tune , composée des débris de Tan- 
eienne Société des Amis de la Constitution qui , 
dès le principe, s'était emparée de la salle de 
i^peetacle ; l'autre , composée de tous les ouvriers 
et les hommes du peuple qui secondaient de l^irs 
bras et de leur cœur le mouvement révolulion- 
oaire. Tontes les deux étaient connues sous le 
ikve générique et propagateur de club. Mms les 
doctrines professées dans l'une et dans l'antre 
étaient an moins fort différentes, si elles n'étaient 
opposées. Un cordonnier , nommé Flandres^ pré^ 
sidak la dernière ; le citoyen Bouitetard de la 
Touche , le même que nous avons vu au district 
du temps de l'administration de Kergarion, pré- 
sidait l'autre. On payait ici 30 sols ; 10 dans la 
société Flandres. 

Vainement, et à plusieurs reprises, des ci- 
toyens zélés avaient essayé un rapprochement 
qui devait être favorable au repos de la rille de 



6 LITBB ISBPTiàHB. -^ CHAP. IV. 

Morlaiz ; ces deux puissances s'étaient toujours 
refusées, chacune de son c6té, à faire les pre- 
mières avances. La maison Blanchard, depuis 
l'irruption désordonnée des idées révolutionnaires, 
devenait cependant trop étroite , et les patriotes 
se pressaient en si grand nombre sur les pas du 
cordonnier Flandres , surtout depuis qu'on con- 
naissait la sympathie des représentants Bréard et 
Jean-Bon-Saint-Audré pour cette société, que 
la salle ordinaire- des séances ne pouvait plus les 
contenir. La loi des suspects d'ailleurs était pro- 
clamée depuis quelque temps ; et , bien que les 
représentants , comme nous l'avons vu , eussent 
couvert la ville de Morlaix de leur protection à 
l'occasion de l'affaire des Girondins, il n'était 
plus permis de douter , en se pénétrant de l'es* 
prit du gouvernement révolutionnaire, que les 
tièdes et les douteux passeraient bientôt au creu- 
set où s'épuraient toutes les croyances de l'é- 
poque. La société Bouëstard crut donc que c'était 
le moment de transiger, et deux délégués des 
représentants, venus à Morlaix exprès pour cette 
fusion, n'eurent pas de peine à le leur persuader. 
Ce furent , cette fois , les muscadins qui tendirent 
la main aux gens en tablier , et toute l'ancienne 
Sociéf é ^es AmÎ3 de la Constitution , ayant le c\^ 



Lk WkYOLJmOV BU BaSTASm. 7 

toyen Bouëstard de k Touche en tète ^ se mit en 
marche de la salle de spectacle vers la maison 
Blanchard pour y fraterniser avec le citoyen 
Flandres et ses adhérents. Mille cris s'élevèrent 
dans Fenceinte du club montagnard j et Bouifs- 
tard ayant donné Taccolade au vertueux Flan- 
dres ^ ce fut une scène vraiment touchante que 
celle où la bourgeoisie et la classe ouvrière , 
s'étreignant dans de {ratemelles embrassades ^ 
se mirent à faire du républicanisme, désormais 
invariablement tarifé à 10 sols de remise men- 
suelle , sans distinction d'habit et de position 
sociale. Ainsi confondus, et se tenant par le bras , 
les menobres des deux sociétés , après avoir en- 
levé Flandres de son siège aux cris de vive la 
Monttignet Vivent les eans-^ulotiee ! se 
mirent en marche vers la salle de spectacle , où 
le clnb Haratiste prit ainsi droit de bourgeoisie. 
La ville de Morlaix est peut-être Tune des 
cités de notre province qui a le moins souffert 
de nos troubles révolutionnaires , et je crois ce 
résultat dû à la modération ferme et courageuse 
de sa première administration communale et de 
district ; mais 9 dans les circonstances où nous la 
suivons , les esprits s''échau£ferent quelque peu , 
et précisément parce «pe |e^ c|ubs, comme deqK 



g Lira sBmtXB. — ckap. iv. 

puissattces rivales , s'étaient long-temps observés y 
il Y eat an mimient de vif entraioement alors 
qa'ik se rapprochèrent et que les Montagnards 
furent assez forts pour entraîner leurs antago- 
nistes. 

Or ^ la loi des suspects n'avait JQsqae-là rei^ 
qu'une faible exécution dans la ville de Morlaix ; 
quelques nantis avaient ^é colportés des dubs 
au comité , quelques listes dressées par les affidés^ 
du club Flandres , mais les priïsons étaient resiée» 
à peu près vides. Pour parer à un incivisme aussi 
coupable , il fut convenu , dès les première» 
séances du club régénéré , que Ton ferait inces - 
samment des visites domiciliaires. Cette mesure 
prodnii^t ses résultats , et Tancienne maison des 
Capucins, ainsi que les Carmélites^ commençaient 
k se peupler d'un bon nombre de détenus des 
deux sexes , quand un sieur de Kergariou , gen- 
tilhomme et père de trois jeunes enfants, épargné 
jusques-là, à raison de son originalité bien connue, 
fut porté sur la liste des personnes chez lesquelles 
il convenait de faire des perquisitions. Tout Mor- 
bix connaissait M. de Kergariou, veuf depu^ 
long-temps, el père de trois jeunes garçons qull te* 
naît toujours rangés à ses côtés , vêtus des mêmes 
habits , soumis aux mêmes habitudes , à la même 



LA BiftvoiiVTioir n bebtaoub. 9 

règle 9 aux mêmes gestes. Gliacaii les avait vus à 
l'église , rangés , suivant leur taille , à la gauche 
de leur père, avec des justaucorps écarlates , 
surmontés de brandebourgs , ornés de brillants , 
la tête bien poudrée , immobiles sons le coup de 
peigne du même perruquimr qui avait aussi dressé 
la chevelure de leur père. Jeunes enfants , on au* 
rait dit à voir Toeil égaré de leur conducteur , 
qu'un loup rugissant eût rodé sur leurs pas de- 
puis que leur mère n'était plus. 

L'état moral et intellectuel de Kergariou était 
si connu à McNrlaix, que chacun savait qu'il ne 
communiquait même pas avec ses domestiques, 
et que , mangeant seul avec ses enf«its , il se faisait 
servir ses aliments et les leurs au travers d'un 
goicfaet pour ne pas être vu* — N'importe: il 
faut aller chez- Kergariou! il faut qu'il se sou-» 
mette à la loi ! c'est un ex-gentilhomme , un ans- 
tocrate! un contre-révolutionnaire ! — tek furent 
les cris qui s'élevèrent un jour dans le club régé-> 
néré de Morlaix ; et^ le lendemain , des chibistes 
et des délégués de la commune se présentèrent à 
sa porte. — Mais c'est en vain qu'on y frappe h 
coups redoublés , il n'ouvre jamais à personne , il 
n'ouvrira pas non plus aux fondés de pouvoirs 
de la commune ou du club. — La loi doit cepen- 



j 



10 IIVBE SSPTIÈHB. CHAP. IV. 

dant s'exécuter , disent les fortes têtes , et la garde 
nationale et une partie de la garnison sont sous 
les armes. Quelques-uns proposent de faire ve- 
nir les pompes et d'inonder le gentilhomme , 
s'il n'ouvre pas sa porte. La foule s'amasse, 
et les esprits s'échauffent; un bruit redoublé 
d'armes se fait entendre. Kergariou ouvre ses 
fenêtres, mais ce n'est ni pour demander ce 
qu'on lui veut , ni pour parlementer ; il fait feu, et 
reprend une à une les armes chargées qu'il a 
placées près de lui ; repoussant de tous ses moyens 
la troupe et les gardes nationaux qui sont h sa 
porte. — La scène change alors de face : de la rue 
on a riposté ; un feu nourri se dirige sur les croi- 
sées et en même temps des sapeurs battent sa 
porte en brèche. On court chercher les canons 
de la garde nationale de Morlaix, comme s'il se 
fût agi d'un siège en règle. Mais les portes de 
Kei^ariou n'étaient ni murées ni pourvues d'une 
défense convenable pour réâster aux efforts réu- 
nis de la garde nationale et de la troupe de ligne ; 
elles volèrent promptement en éclats , et des 
hommes, le sabre nu, la baïonnette au bout 
du fuâl, entrent et forcent les appartements. 
Percés de mille coups, Kergariou et ses' jeunes 
enfapts tombèrent sous la vengeance aveugle 



LA RÉVOLUTION B» BHBTÀGSB. 11 

d'un peuple égaré que Ton avait ineonsidéré- 
ment présenté aux coups irréfléchis du vieux gen- 
tilhomme. Quatre cadavres restèrent sur ie par- 
quet inondé de sang, et les trophées de cette 
inconcevable campagne furent quelques papiers 
de famille, deux à trois fusils de chasse que le 
malheureux avait trouvés sous sa main...«Gomme 
on enlevait cependant ces dépouilles et aussi 
les cadavres des victimes , Tun des jeunes enfants 
parut donner quelques signes de vie: il n'avait 
que vingt coups de baïonnette ou de sabre ; on 
le rappela à l'existence , et chacun a pu le voir 
depuis mutilé et couvert de cicatrices , qu'il porte 
comme un extrait mortuaire de toute sa famille (1). 
Pauvre club! c'était bien mal débuter, comme 
on le voit , et plusieurs durent craindre que la 
régénération qui venait de s'opérer, ne portât 
bientôt des fruits encore plus amers. Il n'en fut 
pas ainsi heureusement, et nous trouvons dans la 



(1) Noas devons dire, d après ce qui nous a été rap- 
porté par des personnes de Morlaix même, témoins de 
Vévénement , que Timprudenco de quelques officiers fut 
pour beaucoup dans cette factieuse catastrophe , et que 
le sang répandu le fut par ua étranger connu pour ses 
^xcès révolntioQuaireSf 



12 LIVBB SBPTIËHE. — €H4P. IV. 

scène qui soit plas d^une raison de penser que les 
elobistes de Morlaix donnèrent une autre direc- 
lion à leur patriotisme. 

Les armées combinées de la république vo- 
laient de succès en succès. Tout-à-conp la nou- 
velle se répand au club, qu une partie de larmée 
du nord , sous les ordres de Moreau , a passé la 
Sambre , et que Tennemi se retire devant elle. 
On parle aossilÀt d'une réunion extraordinaire 
de la garde nationale. Les tambours battent le 
rappel , et , dans un clin d'œil , tonte la garde 
civique de Morlaix est réunie. Le nom de Moreau 
vole de bouche en bouche , on se pressiB , on se 
serre la main, et chacun semble heureux des 
lauriers que moissonne un enfant de Morlaix, 
1 ancien prévM du droit de Rennes , aujourd'hui 
général de brigade , commandant 25,000 hommes. 
Dans quelques heures , toute la ville est sur pied. 
Les rues et les quais sont parcourus en tous sens , 
et les officiers municipaux, en écharpe, se trouvent 
poussés devant les masses , en même temps que 
Ton bat aux champs à tous tes carrefours pour 
redire que la Sambre a été passée. Mais, comme 
la foule se dirigeait par les lances vers les quais de 
TEst , un plaisant , après s'être consulté et avoir 
remarqué que la mer était basse , s'écria tout-à- 



Lk niyoLvnojx bu bbbtàonb. 13 

coup; qu'il fallait passer le gué et traverser la 
rivière comme nos troapes avaient traversé la 
Sambre. Vivent les sans-culottes! cria nn 
compère , et le même cri s'étant élevé de toote 
la ligne , les citoyens de Morlaix passèrent anssi 
la Sambre y traînant leurs officiers municipaux 
vers la manufacture nationale des tabacs, qui est 
sise sur Tautre rive , comme une forteresse à en- 
lever ••• L'événement est aujourd'hui, toutefns 

trop éloigné de nous pour savoir combien cette 
campagne d'un nouveau genre coûta de rhumes 
aux patriotes de Hlorbix; mus, plût à Dieu que 
de tels malheurs eussent été les seuls à déplorer 
dans ces temps de funeste cris». 

La scène suivante , extraite des procès-verbaux 
d'un autre club du département du Finistère , et 
que nous reproduisons sons son titre de pro^ 
phétie^ nous en fait malheureusement présager 
d'un autre genre. 

C'était le 17 ventôse an 2^ le club de Quimper , 
ain(H que nous l'avons rapporté , venôl d^élre 
régénéré par les soins des délégués Guer- 
meur et JulUen. D«.... oeoipait le siège, et 

G tenait la plume comme secrétaire. — Qn 

parlait vaguement à» pfaitteurs affaires de haute 
impwtaoce dei^u^ft étM traitéea dans la séance 



14 LITBB SBl^TlkHB. CHAP. IV. 

du jour, et chacun s'était empressé de s^ 
rendre. Les femmes surtout étaient en grand 
nombre ; et il était facile de voir, à Tempresse- 
ment qui se peignait sur leurs figures ^ dès qu'une 
personne entrait , que quelque haut personnage 
était attendu.On avait déjà chanté plusieurs strophes 
de*là Marseillaise , quand un homme jeune encore^ 
grand et d'une physionomie élevée, portant le 
bonnet phrygien et la cocarde nationale, parut 
sur les degrés qui donnent entrée à la chapelle 
du collège. Il tenait par le bras une jeune femme, 
vêtue de blanc, au regard timide , et que d'autres 
femmes suivaient avec crainte, comme s'il se 
fût agi d'un jugement au tribunal révolution- 
naire. Derrière eux venait un fonctionnaire au 
collet montant, revêtu de quelques passes en 
laine qui avaient remplacé des broderies en or 
que le régime ne comportait plus. — A l'appari- 
tion de ce cortège, les chants cessèrent. Un si- 
lence absolu s'établit, et la foule, se divisant, 
ouvrit un large passage par lequel les nouveaux 
venus se dirigeaient vers le bureau du président , 
quand celui-ci ^ dans son impatience , reprit le 
chant qui avait cessé et donna un nouvel accent 

au refrain de l'hymne guerrier Le chant cessa 

cependant , et l'homme au coUet passé en laine , 



XA BÉVOLUTION BU BBBTA6NB. 15 

dit qu^îl était heareux de présenter à ses frères 
les sans-culottes de Montagne^ur-Odei ^ l'un 
des employés les plus distingués de son adminis- 
tration , qui , désirant . contracter les doux Uens 
du mariage, avait voulu prendre Tagrément de 
ses concitoyens sur le choix qu'il avait fait. — 
Mais ton choix est très-bon , citoyen, reprit le 
président , dont Tesprit caustique était connu. — 
Je le crois aussi , répartit le prétendant , et c'est 
pour cela que j'ai voulu avoir l'agrément de mes 
frères; car la citoyenne que je leur présente, 
quoique issue de race noble , est digne en tout de 
servir la patrie , et elle m'a répondu qu'elle était 
disposée à le faire. — Gela suffit, dit malignement 
le président ; « et dès lors , ajouta-t-il , avec ce sel 
attique des clubs, que tu es nahon sans-culotte ^ 
la patrie doit espérer que tu lui donneras des dé- 
fenseurs* Va t'asseoir avec ta vertueuse épouse 
sur les hauteurs de la montagne, et qu'elle perde de 
cette élévation le souvenir de son berceau abymé 
dans les fanges du marais. » Un hymne et de 
longs cris s'élevèrent ; chacun s'évertua sur le 
compte de la jeune aristocrate. 

L'ordre du jour de cette séance avait toutefois 
été réglé à l'avance, et dès que les chants eurent 
cessé, G*. M., premier secrétaire de la Société, 



16 JLIV&B SBPTIÈME. — CHAP. lY. 

monta à b tribune, et, (Hrofitant de i'à propos qui 
avait amené quelques aristocrates dans l'enceinte , 
îl dit en faisant aUusion à des prophéties alors 
répandues sur la restauration des Gapet : 

«r l^*allcz pas , citoyens , m'attribuer le langage mys- 
tique dont ils se servent^ et n'allez pas croire surtout que 
j€ veux faire le docteur ni même le prophète , car Jésus 
a dit que nul ne 1 est dans son pays* 

» Mais TOUS allez Toir, d'après leurs prophéties et 
quelques-uns de nos commentaires, que la guillotine 
est aussi ancienne que Taristocratie : des saints de 
race royale ont en effet été guillotinés; Jean-Baptiste et 
Jacques , tons' deux parents de Jésus, l'ont été par ordre 
de deux tyrans de pareille race; Holopheme Ta été par 
une femme courageuse. 

D Mais le fanatisme les aveugle au point que , sans 
craindre le sort de ces décapités, ils osent encore nous 
menacer; cependant Us ne nous opposent que des en- 
fants. Il est vrai qu'ils les font naître avec des dents et 
des griffes; il est vrai qu'ils naissent aussi dans des 
étables et qu'ils ont des rois mages pour adorateurs; 
mais n'allez pas pour cela prendre les enfants d'émi- 
grés pour des hommesrdieu : les nôtres les battront 
toujours. Il y en a beaucoup dans cette enceinte ; obser- 
vez-les pendant que je lirai, et vous verrez que quand 
on connaît les droits de l'homme y dix ans avant d en 
avoir la force , on est en état d'apprécier des épowcmtails 
d^ oiseaux 

» Or donc , Jésus-Christ avait 3S ans, lorsqu'il fit son 



LA mÉTOlUTION IK B18TA6BI. 17 

second miracle à Gaiiay ton troisiènie àCaidiarDaQm;et 
les petits Emmanuels français en feront snr tout le globe ^ 
en battant des aîles et en fientant le masc. Jésas-Christ 
ajouta y on en convient , quelques autres miracles à ces 
trois premiers. Mais guérir des malades, apaiser des 
tempêtes , chasser les démons des corps humains et leur 
donner des entrailles de poorceaui, poar nouveaux gtles, 
sont-ce là des miracles tels qu'en feront bientèt les ré-, 
dompteurs de Lyon, de Toulon, et de la Vendée? . 

s La Foi, cette vertu cardinale qui a fait plus (thypo^ 
crites croyaiUs que de vrais samiSf est le talisman des 
cagots chrétiens ou mahométans. £e paifioàsme ^ cette 
vertu répuMicaÎBe que rien ne peut tromper , et qui ne 
veut tromper personne , esi le levier des hommes libres: 
c'est lui qui fait aux nourrissons de nos jours quitter 
le sein de leur mère pour prêter une oreille attentive à 
nos cris de Ftve la Montagne! C'est lui qui a doublé 
tous leurs sens et supprimé l'enfance, pour ne montrer en 
eux que dés adolescents plus que miraculeux. Voyez , en 
effet , ces enfants qui , depuis quelques jours, nous réci- 
tent de mémoire la déclaration des droits de Thomme : 
leur succès est un miracle plus grand que celui de Msus 
disputant à douze ans avec les docteurs de la loi. s 

Et voilà, avec beaucoup d'autres gentillesses, 
bouffonnes et sanglantes à la fois , quel était alors 
le langage familier des clniis. Mais voici dans 
qoek termes la Société montagnarde de Lorient, 
comprenant les mêmes faits et la même situation, 

8. — 4/ vot. 



18 U?M SBPTlISMB. — CHAP. IT. 

(brnmkît son acte de foi, après avoir adresse à 
Jean-Bon-SJ- André et à Prienr, alors à Brest, des 
commissaires chargés de prendre leurs ordres sur 
une régénération du club que Fun de ses membres 
présentait comme étant envahi par des insou-- 
ciant^ et des gène à eonsidéraiion que Fan 
ne tfeyait que quand ils avaient peur. 

I. Français, ton pays défendras, 

Afin de vivre librement. 
II. Tons les tyrans tn poursuivras , 

Jnsqn'au oelà de Tlndottslan. 
m. Les lob, les vertus sootmiAraa, 

Mdme s'il le faut de Unk sang. 
IV. Les perfides dénonceras, 

Sans le moindre ménagement. 
y. Jamais foi tn n^ajouteraS| 

A la conversion d'un grand. 
VI. Gomme un frère soulageras 9 

Ton compatriote soufirant. 
VIT. Lorsque vainqueur tu te verras , 

Sois fier, mais sois compatissant. 
TIH. Sur les emplois tu veilleras , 

Pour en expulser l'intrigant. 

IX. Le dix Août tu sanctifieras 9 
Pour faimer éternellement. 

X. Le bien des fu]rttrds verseras 
Sur le aaaa-culotte kidigent (!)• 

(i) Celte pièce» extraite dupe brochure iotitolée: 
Catéchisme républicain, à t usage des Sans-Culottes ^ 
imprimé par ordre de la Société montagnarde de Lorient, 
est due à la plume de Charles Le Poitevin , dit Rezicourt. 



I.A ntwùjjmoË m BtBfAciis. 19 



€HAPITRi! Y. 



CA1BI9B A HAimf , 



• m 



Ârrivi h MftBtës , le 9 oetdfafre 179S j Carrier 
y avait ëlë prëéëdë jj^ar les re()réaenfiuite qai , à 
la suite dii si^ë àe liantes atatent' ramène le 
{lo^avoir vetrs le dub Tincent-h-Mentigne. Radk 
et Plâfi(ipeiifut, de lem^ t^Atë, avidèiit mam. ré- 
side pendant quelques jours à Nantes dans le 
courant d'août 1793 ; et , après avoir fait , de- 
vant lès autMkës de cette ville , un rapport gé- 
néral sur la situation du pays , ils le temnhèrent 

m 

par lacréàticta d'un Comité de sûreté ^fënéràle^ 
chargé 'ée rechercher les suspecte et les 
hommes capables de trames coàtre-révolu-^ 



SO UTIB SimllHB. — CHA9. T. 

tionnaires. Chaux et Goullin , qui étaient entrés 
fort avant dans rintimitë de Philippeanx , contrit 
boèrent pmsaamment à la composition de ce co- 
mité , première aonche de celai qne Carrier allait 
bientôt trouver dévoné à ses appétits sanglants. 
— Chacun des trois corps administratifs de Im 
ville de Nantes fat appelé à y fournir deux 
membres ainsi qne le club Vincent-la-Montagne 
et les deoz sociétés populaires attachées aa quar- 
tier-général de l'armée d'opération. — En même 
temps, d'ailleurs , ou quelques jours après , Gillet 
et Fhilippeauz rem|daçaient les administrateurs 
fédérafistes, et Ruelle , qui s'était chargé de la 
réinstaUation de la commune , intima Tordre à 
tous les membres de Tancienne municipalité de 
rester chex eux en arrestation provisoire. Le co- 
mité dont nous venons de parler , et que Carrier 
trouva en pleine activité lors de son arrivée à 
Nantes 9 était composé^ ainsi que nous l'avons dit, 
des citoyens : 

Bachelier , préêideni , Nauic ^ 
Croullin , secrétaire ^ Perrocheaux, 
Levesque , BouUogniel , 

Chaux, Mainguet, 

Richalot , et GuiUet. 

Chevalier, 



LA BÉTOIUnOV WK MBTÀ«ll«. 21 

Un MiuiMit fut exigé de ces hommes j et Toiei 
cefaii qn'ik prêtèrent le surlendemain de Farrivée 
de Carrier y le 20 vendémiaire an II. Nous Tavons 
relevé nous-mêmes sur leur registre . de délibé- 
rations* 

« Je jare de oiaiiilenir la liberté , l'égaitté et Tiodivi- 
•ibilité de la 'Bépabliqae » la sûreté des personnel et 
des propriétés ; de poursuivre de toutes mes forces les 
fédéralistes » les feuilUmts » les modérés et antres en- 
nemis de la chose publique , sous quelque forme et 
couleur qu'ils osent se montrer , de ne jamais composer 
avec riot^ét personnel » avec la parenté et même Tamitié, 
de mourir enfin à mon poste plutêt que de fléchir sur 
les principes de sûreté et de salut public, s 

A peu de jours de là , Carrier et son collègue 
Francastel (9 brumaire an II) rappelant de Gue- 
rande les membres de la section du tribunal cri* 
minel de la Loire*-Inférieure qui y avaient été 
envoyés extraordinairement ^ constituèrent y pour 
siéger' à Nantes , un nouveau tribunal criminel-- 
révolutionnaire , dont Phelippes TronjoUy fut 
président , Le Peley , Davert , Lecoq fils et Le 
Normand , juges ; Gondet , accusateur public, et 
Goiquaud, grefl^r. 

tr Cette section du tribunal criminel de la Loire-In<- 
fërieure étant ainsi formée , ajoute l'arrêté que nous 
citons , jugera révotulionnairement et en dernier res* 

fort| toQs les pr^v^qqs 4e tr^ihisQn 9\ 4^ çarispirMion 



22 uns Mratai. <— ciAf. .r« 

cOBlf e la R^p«bUfaefra])(aÎBe;.r--Çeuxqiû ont .entre- 
tenu ou qui pourraient continuer, de former dçB cprres- 
pondances directes ou indirectes aTec^Ies brigands des 
pays révoltés et avec les ennemis de la République ; — 
Ceux qui ont fourni directenient ou indirectement des 
Tivres , des munitions et effets de guerre aux rebelles 
qui ^nt porté les armes contre la patrie ; — Ceux qui,ont 
favorisé le transport desdites provisions et effets ; — Ceux 
qui ont déclaré qu'à Tinstant ob les brigands entreraient 
^lans Nantesi ils mettraient h leurs feiiétres des signes de 
rébellion; — Ceux qui, parleurs discours» ont témoigné le 
désir d'apprendre le triomphe des rebelles et ont applaudi 
on exprimé leur joie aux nouvelles» vraies ou fausses 
de leurà succès ; — Ceux qui auront pu faice des enrô- 
lements pour les rebelles ; — Ceux qui en auront fait 
YélogjiBi , dans le dessein de faire grossir leurs armées ; 
— Ceux qui auront conseillé de courir sous leurs dra- 
peaux; — Ceux qui n auront pas fait une déclaration 
sincère de' leurs subsistances, marchandises et den- 
rées de pfémière nécessité i — Ceux qui auront soUd^ 
trait ou reeelé» en'tont ou en partie , les subsistances , 
marchandises et denrées dont ils sont propriétaires;-^ 
Tous les accapareurs en tous genres et de toutes les ma- 
nières; — Tous les individus qui, parieurs faits, leurs 
écrits , leurs discours , leurs conseils , ont provoqué la 
contre-révolution et le rétablissement de hi* royauté; — 
Tous ceux qui auront assisté à des conciliabules clan- 
destins on publics , tendants à renverser les principes 
du gouvernement républicain; -— Tous les agioteurs 

VwB^ recoP9titii9nt de ngaveau )>4tii}nistra'- 



JJL BÉFOifJTIOK BS JUBTAABg. 23 

lioo départemeatala qoe INiilippeaux et Btielle 
avaient déjà ëpurëe, il mit à aa tête Tëvéque 
Minée , que son exaltation de club et la rëpo- 
diation de son caractère de prôtre avaient j^cë 
en avant des plus exaltés. 

Peu de jours après (le 23 brumaire) , il arrêtait : 
cr Que la solde de chaque garde national de 9 anfea » 
montant la garde, lui serait payée à Tarenir, k raison de 
3 francs par jour ; que celte augmentation de solde se- 
rait imposée sur les riches citoyens dé Nantes ; et , qu*à 
cet effet , les administrateurs du département en feraient 
la perception par sols additionnels pour en verser îe 
montant dans la caisse nationale qui l'avancerait provi* 
soirement. 

Qu'en lisant ces actes on se. reporte, par la 
pensée, au malheureux temps dont nous par- 
lons ; qu'on suive des ponts et des promenades 
de Nantes, la fumée des chaumières et des ré- 
coites incendiées sur les deux rives de la Loire ; 
qu'on se retrace Tencombrement des prisons , 
recevant chaque jour des familles en fuite, ou 
des paysans désarmés qui n'ont pu suivre l'ar- 
mée vendéenne; qu'on se reporte à la sombre in- 
quiétude dont sont frappées toutes les familles que 
leur position portait naturellement vers le parti 
modéré; qu'on se rappelle les haines et les veut 



24 MVEB SSPTiitKB. — GHAP. T. 

geances auxquelles donnèrent lien les débats des 
deux clabs opposés de la Halle et de Vincent- la- 
Montagne ; qa'on se retrace , <fis je , cette posi- 
tion d'une grande population intimidée par des 
proconsuls qui dictent , le sabre à là main , des 
arrêtés pareils à ceux que nous venons de citer. 
Que Ton se place ensuite à un nouveau point de 
vue pour considérer la situation générale du 
pays. Toulon pris, Lyon en cendres , Dunkerque 
au moment d'être forcé , deux armées en disso- 
lution , et leurs chefs (Custines et Houcbard) tra- 
duits au tribunal révolutionnaire. La Vendée 
plus redoutable que jamais, et les généraux répu- 
blicains ayant Tordre de tout massacrer , de 
tout incendier dans cette Vendée pour en faire 
un désert , ainsi que le disait Francastel , et Ton 
comprendra , comment il se fit , les Couthon , les 
Robespierre , les Saint-Just et les Carrier étant 
au pouvoir , que la Loire s'encombra de cada- 
vres et fut arrêtée dans son cours. Car ne le croyez 
pas : tant de crimes ne sauraient résulter de ce 
seul amour du sang dont quelques observateurs 
superficiels se plaisent à doter des tigres à face 
humaine , qui , fussent-ils Néron , Caligula ou 
Carrier, ont toujours cédé à des vues et à des 
passions poUtioues dQOt le fanatisme explique seql 

I99 ÇJIÇtlf 



Ik liTOIUTIOB BN BBBTAeiTB. 25 

Et de qaelle autre manière, en effet, comprendre 
Carrier et ses actes ? 

Arrivé à Nantes , le 8 octobre , il recevait le 9 
les autorités el les clubs. Plusieurs membres de 
celui de la Halle se sont aussi présentés^ et lui 
demandent que la fusion des deux sociétés popu- 
laires s'opère. Ceiie fusion esi impossible ^ ré- 
pond Carrier ; et, dans vingt-quatre heures^ 
votre société sera claquemurée , et les cons- 
pirateurs mis en lieu de sûreté. 

Et quelques jours après, il disait à Ruelle: // 
fcoit à tout prix se défaire des marchands. 
S'ils ne me sont pas dénoncés sous peu de 
jours ^je les fais incarcérer^ je les décime. 
Comment cef..u comité travaille-t-^il donc? 
— 500 têtes doivent tomber, et je n'en vois 
pas encore une. Et, pérorant à la réunion Vin- 
cent • la - Montagne , il ajoutait : — Vous , mes 
braves b*....^ vous mes bons sans-^culottes 
quittes dans Vindigence^ tandis que d'antres 
sont dans l'abondance , ne savez-vous pas 

• 

que ce que possèdent les gros négociants 
vous appartient? Ilest temps que vous jouis- 
siez à votre tour; faites-moi des dénoncia- 
tions; le témoignage de deux bons sans- 
culottes me suffira pour faire rouhr leurs 



26 IITU SEPTIÈHS. — CHAP. T, 

Un comité Fëvolutioonaire, un comité de sur- 
veillance au club , une commission et un tribunal 
révolutionnaire, n'étaient donc pas assez pour 
tout sancu/otiser^ comme il le disait; et, dans 
les premiers jours de brumaire , s'étant entendu 
avec Goullin, ancien secrétaire de Philippeaux, 
et son collègue Francastel , il résolut la formation 
d'une compagnie d'exécuteurs sous le titre de 
compagnie Marai^ qui fut composée do (ont ce 
/que Nantes et ses cloaques voixlirent de plus im- 
pur. Un nommé R****** fut adjudant-général de 
cette compagnie, et le serment prêté par chacun 
d'eux fut analogue aux pouvoirs qu'on leur 
conféra. 

Appelés ensuite chez le représentant^ et la 
porte de celui-ci ayant été refermée, il leur, dit: 
Je vous crois tous de bons b.*...^je vais vous 
donner des pouvoirs ; f espère que vous les 
exx:€cuterez^ et que vous accomplirez mes vo- 
lontés. Puis , ajoute Nicolas Jomard , dans sa 
déposition au procès de Carrier : 

«r II gesticulait, il déclamait, le sabre à la main, avac 
ceUe cUalear qu'on laTait va déployer quelques jours 
auparavant à la société de Yinccnt-la-IVIootagne, quand , 
pom* animer «son discours, il coupa de son sabru les 
chandelles c[ui éclairaient rassemblée. « Mais <|uels sppt 



LA BÉTOLUTIOH BU BEKTACHB* "^ 27 

les pouvoirs quHl leur a donnés ? — a Lo citoyen Joseph 
P..... de la dite compagnie, porte larrété de création, 
exercera le droit de surveillance sur tous les citoyens 
suspects de Nantes , sur les étrangers qui j entrent et 
y résident, sur ceux qui s'y réfugient, sur les accapareurs 
de toute espèce, sur ceux qui cherchent à soustraire, 
a receler frauduleusement les subsistances, marchan* 
dises et denrées de première nécessité. — IL veillera sujç 
tous les malveillants et ennemis de la république fran- 

çaise Ledit citoyen P aura lo droit darréler 

ou faire arrêter tout individu dont il croira prudent de 

s'assurer Il surveillera tous les conciliabules des 

ennemis de la révolution , et s'attachera à la découvcrie 
de toutes les assemblées appelées chambres liltéraires... 
La force publique obéira à toutes les réquisitions qu'il 
pourra lui adresser..... II aura mâine le droit de faire des 
visites domiciliaires dans Nantes et dans l'étendue du 
département. Nul individu ne pourra s*y opposer , et 
sera tenu au contraire d'ouvrir les portes des lieux et 
appartements où il jugera convenable de porter la sur- 
veillance xle ses recherches , etc. , etc. 

G^est ainsi quenlouré d'honimes perdus de 
dettes et déjeunes fanatiques, pris dans les rangs 
obscurs de Tannée , les Lamberlye et les Fouquet 
dont il fit deux adjadants-génaraux ; Foubanne 
et Cailns , h peine sortis de Tenfance , qu'il plaça , 
comme chirurgiens et espions dans les hôpitaux ; 
1/9 Loi, qui avait long-temps ^të attaché à Robes- 



28 LIVBS SBPTitaB. CHàP. T. 

pierre ; GouUin , qui avait fait deux (ois banque- 
routes ; Grandmaison , qui , sous Tancien régime, 
n'avait échappe à la peine de mort que par 
la fuite, formèrent autour de lui un cortège 
digne d'un tel chef. 

// me faut 500 têtes, et je tien vois pas 
une seule tomber! répétait*il au comité, et les 
choses ne marchant point assez vite, il attribua 
10 fr. de solde journalière à chaque membre de 
la compagnie Marat^ en prescrivant Tordre 
d'activer l'arrestation des suspects et de forcer 
tous les muscadins à des prestations patriotiques* 

Il mettait ainsi la dernière main à Torganisa- 
tion de ses moyens, quand, le 26 brumaire, le 
club Vincent- la-Montagne fut transféré par ses 
ordres dans un local plus spacieux. 

« Toates les autorités constituées ont été régéoérées i 
Nantes » écrit-il à la date du 27 ; une société anti-popu- 
laire a été dissoute. Des conciliabules clandestinsi appelés 
chambres littéraires^ ont été brisés. Les fédéralistes , les 
feuillants , les royalistes , les accapareurs en tout genre 
sont sous la main de la justice nationale. Des commis- 
sions révolutionnaires exercent la vigilance la plus active, 
la justice la plus prompte contre to;i8 les ennemis do la 
république. L*apostolat de la raison électrisant tous les 
esprits, les élève au niveau de la révolution. Préjugés, 
3upcf s(|ti909 , fanatisme , iput sç dissipe dpvunl le Qam- 



LA MÈrojAmoti n beitamb. 29 

beau de la philosophie. Hier, 26 brumaire i la société 
Vincent-la-Montagne a établi ses séances dans un local 
plus ^aste que celui qu'elle occupait auparavant. Tons 
les corps administratifs , une foule immense de citoyens » 
une grande partie de la garnison , ont assisté à Tinaugn* 
ration qui s est faite aui cris d*allégresse mille fois ré- 
pétés de vive ta RépublUiu^! vive la Maniagne! une 
musique guerrière n a pas peu contribué i rendre la fête 
intéressante. Vdx ouvert la séance par on discours sur le 
fanatisme et la superstition; et, à l'instant , le citoyen 
Minée , nagoères évéque et aujourd'hui président du dé* 
pirtement, a attaqué, dans un discours plein de philoso* 
phie, tontes les horreurs et les crimes du sacerdoce , et a 
abjuré sa qualité de prêtre: cinq curés Font suivi à la 
tribune, et ont rendu le même hoowiage à la raison. 

« Un événement d'un autre genre a voulu diminuer i 
son tour le nombre des prêtres. Quatre-vingt-dix de ceux 
que nous désignons sous le nom de réfractaires étaient 
enfermés dans un bateau sur la Loire : j'apprends à l'ins- 
tant , et la nouvelle en est très-sûre , qu'ils ont tous péri 
dans la rivière: quelle triste catastrophe! a 

Et faisant imprimer lui-même un compte renda 
de cette cërëmonie 9 il y faisait consigner son dis- 
cours à la Société, dans lequel on remarque les 
passages suivants: 

« Citoyens montagnards^ cette journée servirait en- 
core, s'il était besoin , à dissiper les brouillards fétides 
du despotisme des prêtres et des rois. Mais la morale 
est vengée , et le peuple philosophe se rit des jongleries 



30 LIVEE BBPTtlttlB. — CHÂP. T. 

des uns, des ci-deTant usurpations des autres. Citoyens , 
le trône des tyrans n est plas, et les assemblées patriotes 
remplacent ce troupeau d*imbécilles que conduisait laça* 
lotte. Est-ce vous, Sahs-Cu/oâles ^ esi-ce yons ^ Monta-' 
gnardsy qui avez allumé le feu de la guerre civile? Est" 
ce vous qui avez couvert la Vendée de cadavres ? Est-ce 
vous qui av^z insinué à de malheureux imbus de préju- 
gés , de poignarder leur patrie. Le sang coule, mais il doit 
couler! Que le Panthéon soit ouvert pour recevoir les 
cendres des Lepelletier, et des Marat , que leurs ombres 
soient honorées , que leur patriotisme trouve des imita- 
teurs; mais la patrie est juste, et le glaive de la loi doit 
atteindre les aristocrates et les prêtres. Il doit atteindre 
eenx qui soufDent la guerre civile ^ ceux qui font couler 
les pleurs de la veuve et de Torphelin. » 

£( , à quelques jours de là , Carrier rendant 
compte d^une autre fête en Fhonneur de la re- 
prise de Toulon , parlait des couronnes dont le 
peuple de Nantes l'avait accablé, et des Saints 
qu'il avait réduits en cendres. 

a> Le peuple , disait-il , a assisté k la représentation de 
Caïus-Graccus. Les rues ont été illuminées toute la nuit. 
Les Nantais ont repris cette énergie brûlante dont Tex- 
plosion signala leurs premiers mouvements à laurore de 
la révolution. » 

Pois , faisant aussi des bulletins de ses victoires 9 
il ajoutait à lun d'eux, en date du 20 frimaire : 

« Mais pourquoi faut41 que ce succè$ soit accompa- 



LÀ BÉVOLUTIOll BN BBBTACKB. 31 

goé d'un antre événement qui n'est plus d'an genre noa- 
Teau? Cinquanle*hait individasi désignés sons la déIkH 
mination de prêtres réfractaireSi sont arrivés d*Ai^ers k 
Tïantcs ; aussitôt ils ont cté enfermés dans un bateau sur 
la Loire: la nuit dernière ils ont été engloutis dans cet le 
rivière. Çue/ torrent révolutionnaire çue ta Loire ! 

Mais déjà , el depuis quelques jours, ainsi qu'ea 
tëmoigneut les registres du tribunal révolution- 
naire , le nombre des condamnations à xaùtl pre- 
nait une extension inaccoutumée ; encore fallait- 
il cependant que les formes judiciaires fussent 
remplies, et ces lenteurs irritaient le repréfiantantt 
S'étant donc plusieurs fois entretenu de Tencom- 
brement des prisons avec le concierge Forget et 
les membres du comité révolutionnaire j il jugea 
que la guillotine était d'une trop lente exécution 
pour ses projets, et, laissant là les formes jodi* 
ciaires , il projeta des mesures de destructi<m en 
masse. 

Il serait sans doute difficile aujourd'hui d'éta*- 
btir d'une manière un peu certaine comment, et 
dans quels termes cette proposition de destructioB 
en masse fut produite dans les conciKsdMifes où le 
représentant dominait ; maïs les décrets de la 
Convention qui prescrivaient de faire de la Vendée 
an désert ; les antres décrets qoi avaient décidé 



32 LiTiB sBrrilon. -- chaf. t. 

la destructioD de Lyon et de Toulon, sont des pré- 
cédents propres à faire comprendre de quelle ma- 
nière Carrier, placé sur les derrières de Farmée 
républicaine , qui poursuivit les Vendéens jusqu à 
Granville, et les dispersa au Mans et à Savenay, 
pût croire , ainsi qu il le répéta plusieurs fois dans, 
sa défense, que sa mission était de tout détruire. 
Et, en effet, ami particulier de Lechelle, agent de 
Robespierre et continuateur de Marat, dont il fut 
Fun des"^ plus grands admirateurs , lâche d'ail* 
leurs et perdu de débauche, comment le sang 
qui alhit ruisseler sur les échafauds et les places 
de Nantes , ne lui aurait-il pas été aussi agréable 
que celui des champs de bataille? La seule diffé- 
rence pour lui , est que là il eût fallu vaincre des 
rebelles , et qu'ici il vengeait la république sur 
des hommes désarmés. Les détails de son procès 
ne laissent aucun doute sur les scrupules qull au- 
rait pu avoir à cet égard : « Je n'ai fait que ce que 
la Convention avait présent par ses décrets, ce 
que beaucoup d'antres ont fait avant moi. » Et 
trois de ses collègues, qui tous appartenaient 
comme lui à la Montagne , viennent déposer dans 
son procès : -— « Qu'ils n'ont jamais connu 
Carrier que comme un patriote dont les mesures 
ont pu être outrées , mais dont les intentions n'ont 



t BAvoimriOH BK BiBTAfiim. 33 

cessé d'être pdres. » -^ Encore une fois, c'était 
donc une reJigîon qull snÎTait, celte de ht deê" 
iruction et de là dêpopûlcMon de la Frcmce y 
comme il le développa lni->niéaie à de» amis qu'il 
avait un jour réoni»» Zitf ra/tfci/ eh a éié faii; 
pour que la répubHq^^ séiabUese^ il ne 
Jkut pas qme la Framce compte plue de 
700 habiiaMe par lieue carrée , et noue en 
avons ij(^QQ. 

L'exécution en masse de buit à dix* mille pri^ 
sonniers, de tout sexe et de tout âge , devint donc 
pour ée^ tigre un single acte d'adaiinistratiori. Le 
témoi{(nage m^ne de ses coaccusés sur ce point 
fe prouvé y et lien n'est explicite comme la dKipo^ 
çitioii nliîve d'un témoin nommé Laloiirv s é îva ii l 
lequel Crondet 9 idors accnsalejEur p«Uio, aurai* 
dit* à un miédecin nommé Didny, que; ne saehani 
^'ommetàt s y prendre pour pincer lés riches^ 
ils avaient imaginé de Mippaser une conspi 
ration pour les faire incarcérer.^-^I^e grand 
ttiaiin nous forons battre la générale, dit 
Gondet 'à -ce ixtédecin $ -^ iàs sahs-^tilottes ^ 
avertis^ se rendront û leurs fastes) Im 
égoïstes resteront cAez euaoy et pendant €tr 
ttn^s-là lés ^ons^u^ttM irent^ atréter et 
fomller jet riskes. -^ Ce ptofet -s-exétatéH 

5. — 4/ VOL. 



34 LIYtB SBrakXB. --* CHAP* y. 

en effet à quelques jours de là: il procura Tar- 
reslatioii d'ua nombre iafini de suspects, et en 
particulier 9 ceUe des hboimes les plus considë-* 
it^bles de Naôtes , p«rini lesquels ces 132 Nantais , 
que les dominateurs adressèMot $m tribunal réTO-* 
luttonoaire de Pans , et que Carrier , suivant la 
preuve doni^e aux dëbots de sa cause , recom*^ 
manda à son collègue Francastel , à Angers , pour 
qu'il les fit fusiller ou noyer à leur pass^ au 
Poirt-de-Cé» 

Ces mesures, tMrtefms, n'avaient fait qu^aug- 
manier reUM)ondMrement des prisons; et le tribunal 
révolotionmârey quise prononçait pas plusde& à S 
condhmnationa païf \^fw^ souvent moins, étail 
laan de répondre ans exigences de Carrier. Or , 
na» femme Ibt surprise, èi peu près dMs ce temps, 
portant quelques «eoonrs recueillis dms la Vendée 
à des prisomners détonus dans les maisons de 
Nantes. Ce feit ayant été convenablement grossi , 
les fidèles crièrent à la trahison, disant qu^one 
révolte était au moment d'éclater dans les pfi- 
sons> et que le saint de la ^épfdiKqne était com- 
promis. Cinq on six malkeureux sont mi oonsé^ 
qneiKe déCérés an tribunal révoluti<mnaire ; et, 
qu'il y eut ^ ou non , projet formé d'évasimi on de 
féveJtof ils sont condamnés è porter leurs léléi 



LA Bi?0I.UT101l BH BMTAAKB* 35 

sur rëchifaod. Peur Texeiafle ^ nous dU le pré- 
sident Phft^ppesi^ daii&rimdiBt$e$ mëmoires 9 il fut 
donc ari^^lë qa'ik seraient exëclités le soir même 9 
14 frimaire, à la lueur des flambeaux; Mais un 
message du département, alors présidé par l'éiré* 
(ppe Minée ^ intima Tordre an tribunal et à son 
présidant de «e rendre immédiatement au sein de 
radmittîsbPatioa» — Ittûiée fit savoir à Phalippec^ 
Troi^oUy qu'un rapport venait d'être fait par 
le comité révolnticNonaire sur la sitmlion das pri- 
sons , et que , d'apprès les t^rinçs de ce rapport $ un 
Taste pvo}et d'ins«unreoti<m eiislait j qui ne tentait 
à rî^s moms qu'à oomprometlre bi sûreté de 
Nantes et dw patrioles. Les membres du comilé. 
eonelnaient à w qfm Ton. se débarrassât, sana 
coup férir, de cds «prisonniers, seul moyen dé 
S9nvor Nantes, -r^ Vfôiiement TronjoUy mit^len 
avant les finis résultant des débats aiuqnels ve- 
naient d^étvb MOMaift Isa six individus condamnéEi à 
^ mort: on Tinvectiva , fm le traita de modéré et de 
fédéralisték,.<M, Carrier^ qui était préaanf , oe se 
prononf a point tout^ois , et , bien qn il eût dit à 
lllkiée, qm $kéi9il rangé un instant ë Tavis do 
Xronjolly, ^'U fa^aii ia hacke à ta mam 
^ufinuer ksnutgaêbu de» riekss^e* des aeea-^ 
parmtts^ rien ne futidéoidé> et le président dm 



tribunal rëvolotionnaire, croyant auitt mettre fin 
à ces siniMres projets , fit exécuter le soir mdme , 
à la lueur des torches , les ^z victimes qui avaient 
été dévouées à la mort* 

Mais une pareille a(&ire ne pouvait en rester 
là* Le lendemain , 15 frimaire , TronjoUy et le 
tribunal révohitionnaire furent de nouveau ap-^ 
pelés an département par les ordres exprès de 
Carrier ; ce représentant y siégeak avec le drmité 
révolutionnaire et plusieurs autres personnages, 

parmi lesquels B , enfiint de 18 à 20 ans, 

dont Carrier s'était servi comme sc^crélaire/ 
et quHl avait d<mné à Lambertye poor aide-de- 
camp. Il y fut de nouveau question de la conspi- 
ration des prisons ; mais sans que Fou parlât 
d'exécuter les prisonniers en masse; seulement 
GouUin , Chaux , Bachelier et Grandmaison 
avaient remis an président Minée une liste de- 
300 détenus, et les présentant comme des hommes 
dangereux, ils demandaient qu'on s'en débar- 
rassât à tout prix. — > jt quel titre chnc , tHt 
ators TronjoUy à Carrier^ prétendrai$*^n 
nous faire prendre part à de tels aetee ? Le 
Hiiunal a au n'a pas foài son iievoir en 
eandamnàni hier six prévenus. S^H ne ta 
pas fait ^ fêien en nonune un auifres s^itta 



fiatisj lais^ez-le Juger , e'esi seulement au 
glaive de la loi à faire tamber^ la téie dee 
coupables. *- Ces acceaU 9 ce lanj^age , alors peu 
notés 9 étODaèrent un iostanl rassemblée»..*.. Sfaia 
Oorier, se levant en fureur , s*écria: Il foui 
bcmnir^ il foui chasser les modérés de /W- 
semàlée.:i. Les brigands fi y regardent pas 
de si près ^ lorsqu'il s* agit de faire périr des 
patrioies; et Urrhnt dans rintimilé toute sa 
pensée sar cette opposition, il ajouta , ainsi qu'en 
témoigne François Lamarie , membre du dépar- 
tement , que lui et ses amis de la Moniagne 
feraient un cimetière de la France ^ plutôt 
que de ne pas la régénérer à leur manière 
et demanquer le but qu'ils s'étaient proposé* 
Bien toutefois n'était terminé, et si TronjoUy 
ent ainbi le courage de tenir tète à Carrier et 
d'aller le soir même coucher au greffe du Bouffay, 
qui était voisinde la geôle 9 afin que les membres 
du comité n enlevassent pas les prisonniers quî 
s'y trouvaient détenus, il suffira de quelques jours 
pour que leurs projets s'accomplbsent. On était 
au 24 frimaire, à l'époque de l'année où les nuits 
sont le plus longues: neuf heures du soir venaient 
de sonner à la vieille tour du Bonffay. Bernard 
Laguèze « .gardien de la maison d'arrêt et sa femme 



38 lïTBB SEPTIÈME. — CHAP. V. 

étaient dans lear geôle assis auprès dn fea , quand 
deux membres de la compagnie ' Marat' entrè- 
rent munis de paquets de cordes. — Qu'est-ce, dit 
le gardien? — Nous venons enlever cent ein- 
quante-citiq détenus pour les transférer à Belle- 
Ile, à l'effet d'y construire un fort. — Mais je n'ai 
pas d'ordre , répliqua Bernard Laguèee : et ces 
mêmes hommes sortirent pour revenir bientôt 
avec une liste decefeit cinquante-^nq détenus , 
signée de Gonlfin et de Levesque, membres du 
comité révolutionnaire. Vainement Bernard ob^ 
]e*cte-t--il que pluiâeurs détenus désignés sonlt 
malades ou mis en liberté , les sbires dn comité 
s'attablent, boivent, mangent, devisent sur le 
crime qu'ils vont commettre , et quand ils se sont 
repus , ils saisissent leurs cordes , les débrouillent 
et s'amnsetit à se lier entre eux pour savoir celui 
qui sera le plus habite en ce genre d'exécution, 
--^'est Joly, suppAf de police, auquel la palme 
est àcqmse^ et c'eiÀ lui qui garotte lés prisonniers 
et les remet aux hommes 'de la cbthpagnie Marat. 
Cependant la nuit avançait : Grandmaison et 
OonlKn entrent dans la cour du Bouffay, jurent , 
tonnent et dénombrent les malheureux qui sont 
d^à liés, — Mais il nous en faut cent cinquante- 
çiwj , et je n'en vçîs <}ae cf nt «t ^nel^ueÇf —- Jç 



lA BAFOLUTIOJI BX IBBTAOll. S9 

t'en ai eavoyé qmoM dum .rupièftHudi ^ dît GmA- 
Jin aa geôlier : qu'en a^ta fait ? -^ Us o^t elë ke- 
gësdana les chanibres hautes^ réparlil Bernard* •-?- 
Hë bien 9 qu'on les fasse deseendre. — El Girarw 
deau^ qui dîrîgeaît les Gompsugiions de Marat, 
s'élance en disant : Qu'ii tu? ^aire sortir ees 
oiseaux de leur ca§e..%... Tu {daures^ dit4l un 
iost^t après 9 à l'un de peux qu'il a saisis y ma» tu 
as tort c,*,.,.,., nous vous envoyons en paysëtMs-. 
ger pour labourer la terre.— • Allonsi alloaSf lef- 
vez-voos, mes enfiuits, disait un antre naraliste, 
nommé Ikieou : l^ite^ vos paquets, et surtout ii'ott- 
bUez pas vos portefeuilles. DuraMier , complète- 
ment ivjre , prenait indistinctement tous «eux qu'il 
trouvait sous sa main 9 et les frappant du pbt de 
son s^re : allons marche^ !>«•••• — A3^ant ainsi réuni 

129 détenus 9 et GpuHiil observant qu^le teu^s 
presse 9 que la marée baisse ; iely s'adresse au 
gardien^ et lui dit : ~- Au plaisir! aous reiAaui 
drons bientôt; pour aujourd'hui en voilà une 
bonne petite j^rofision........ Et 9 a quatre beures 

du matin 9 ces malhenrenses victimes s'acbemir- 
naient sous la direction de Gonllin et de Grandnsi- 
son, vers le bois, de l'Amourette 9 puis de là au 
coi^-de-garde de la Machine 9 où ils furent em- 
bimpé^ «HT une çabar§ et péoipîté» 4tHil M ci4e, 



40 xiTU SÊmÈm. — cnkp. V. 

liés denx à ^tur. . GrMdmaison les entasse Ini- 
Bvênle et pousse à coups de crosse de pistolet sm* 
la télé ceux qui fpiit rësisCanee* Les compagnons 
de flfàrat, et les membres du comité se retirent sm* 
Aemx à trois battelets <iaî accompagnaient la ga- 

cbare^ et ceUê^ci couk dénâ les eaux*. Une 

idesYi^imescependànt, JuUien Le Roi , marchand 
.d^œofe 9 natif de Nantes, s'échappe et parvient à se 
saai^; mais il est repris à peu de jours dé là, et 
ramené devant le comité révolutionnaire^ qui 
. siège an département. Biacbélier, en le reconnais- 
sant , se prend d'un fou rire, et (fit qu'il Ta échappé 
belle* — Alab Bollognel, JLevesque, Perrocheaux 
.et Joly n'envisagent pas la chose du même oeil. — 
ïlfout qu'il 4!mt refoùiu à teau^iHt Joiy, et , 
malgré l'ojppointion de Bachelier, on lui bandé* les 
rye«ix et, presque nu, le maHieureox est jeté 
dans nne ba&»e-fosse, oii il reste pendant trois 
me«s privé de la luniière, couché sur ses propres 
ordmres. 

Ainsi eot lieu la première noyiide qoi ait été 
regardée comme le fait personnel du Comité révo- 
lutionnaire de Nantes ; car, pour les deux charge- 
ments de prêtres que Carrier livra ^u torrent de 
la JLûire , comme il le disait , nous n'avons pu 
apprendre , ni par les détails de son procès , ni par 



LA EÉVOLOTIOH BU BABTA09S. 41 

aucune autre pièce , s-il fut seul l'auteur de ces 
deux forfaits. 

L'œuvre de destruction était donc commencée , 
et le représentant, enfoncé dans la dëbaucbe et les 
orgies, se complaisait dans les bevrenx essais qu'il 
venait de tenter* Quet torreni révolutionnaire 
que la Loire l écrivait-'il officiellement à ses collè- 
gues de la Gonvealion ; et^ dénombrant les victimes 
que jettent dùique^jour dans la ville de Mantes, les 
déroutes <lu Hanset de Savenaj, il s'isole dans son 
repaire pour mieux accomplir la régénération qui 
doit être imposée à la France. 

Mais pour tant oser, pour jeter dans un pareil 
oubli les premiers principes de sociabilité qui ré- 
gissent les grandes agrégations , pour vaincre en- 
fin le moi humain qui réveille en tout homme le 
.sentiment de sa conservation, que se lui restait- 
il pas à faire ? •— ^ Certes , il sait que , craint et re- 
.douté', il sera ausiâ bat et détesté. — Il faut donc 
que la terreur qu'il imprimera domine toutes les 
prévisions , dépasse toutes les institutions qui peu- 
•^vent être un refuge, un moyen de salut pour 
ceux qu'il attaquera ou qui vivront dans le cer«* 
.cle de sa domination. II avait déjà dit aux soldats 
de Marat d'arrêter ka suspects , les riches , les fé- 
déralistes, les accapareurs. — Désormais, ce sera 



j 



42 uvis sBPnfcm* — chap. v. 

plus et mÎ60X ; Lambertye et Foqqaet , les deux 
adjadants*gënéranx de sa création, reçoivent des 
pouvoirs illimités pour extraire des prisons , non 
plus lès victimes qu'il lui plaira de désigner, 
mais tous les prisonniers devenus vietimes : et , en 
même temps, il transporte ii Tentrepôt une corn- 
misàon miUlaire sur laquelle il compte pour iOO 
à 150 exéoiitioas par jour. Quant à ce tribunal 
révolutionnaire que préside Tronjoily, âme fei- 
ble et timorée qui n^ose passer outre, il loi don- 
nera, s'il le faut , Tordre d^exécuter sans juge-- 
ment les victimes qu il destine à la mort. 

Mais n anticipons points et suivons Tordre des 
faits : 

Les déroutes du Man3 et de Savenay viennent 
d'avoir lieu ; des corps entiers de rebelles , s'ap- 
puyant sur une praclamation de MerUn de Thion- 
vîUe^ qui promet amnistie à ceux qui feront leur 
s4Munission, arrivent à Béantes. Du jour, entre au- 
tres, le Qft frimaire , qmtre -vingts cavaliers ven- 
déens , jeunes et parfaitement équipés , viennent 
se ranger sur la place du départemcnit et propo- 
sent de se soumettre, en offrant de rester en 
otage pendant que trois des leurs se rendront dans 
leurs communes afin de ramener leurs pareplf et 
k»r3 iiwi» nu girou de la r^ublitpiei — hw ^m 



tk BÉTOLVTlOir BN BBETàCSTS. 43 

fermes patriotes de Nantes , l'administration dé- 
partementale, le comité révolutionnaire Im-méme 
prennent intérêt à ces malheureux et demandent 
qu'ils soient amnistiés. Mais les intentions de Car- 
rier sont formelles : Pa^ de grâce ! — On se 
concerte , et il est résolu qu^il lui sera adressé une 
Réputation pour lui remontrer Tulilité et le pro- 
fit qui en résulterait pour la république. Naux , 
du comité révolutionnaire , porte la parole, et es- 
saie de faire observer au représentant que c'est 
peut-être le seul moyen de mettre un terme aux 
désastres de la Vendée, surtout an moment où leur 

armée vient d*être dispersée. — F .' s'écrie 

Carrier^ vous ne voyez donc pas que c*est un 
piège ? Vous ne savez pas votre métier. On 
vous trompepar une soumission apparente , 
on veut bouleverser la ville ^ vous êtes des lâ- 
cher des Jean-f. , point de grdce ; il faut 

fusiller tous ces scélérats. — Et un officier- 
général , présent à cette scène , s^étant aventuré 
à lui dire : Qu'ils étaient d^s soldats et non des 
assassins ; le représentant se contenta de lui ré- 
pondre : — La fusillade et la guillotine , voilà 

mes moyens — Conduits à Tentrepôt , ces 

malheureux forent en effet fusillés }e Içnd^m^iu 

^ans les earri^s de Gigantt 



44 IITBB SEPTIÈME. — CBJiP. Y. 

D'autres qui s' étaient aussi rendus sur la place 
du Département pour faire leur soumissiou, eu- 
rent un sort encore plus prompt , et furent taillés 
eu pièces sur les Henx mêmes. C'est à cette 
même date quil envoyait une fois, le 27 fri- 
maire j Tordre au président Tronj[olly de faire 
exécuter sur h champ, et ^cms jtiffemeni , 
vingt-quatre brigands pris les armes à lu 
main et détenus sur la place du Mouffay. 
£t le lendemain, même ordre de faire exécuter, 
sur le champ et sans jugement^ vingt-sept 
brigands pris les armes à la main. — Cepen- 
dant , parmi les premiers il y avait deux enfants , 
l'un de quatorze ans, l'autre de 13; et parmi les 
seconds , sept femmes , desquelles quatre jeunes 
fiUes de la famille La MeteyrJie, dont l'une n'avait 
que dix-sept ans, et Tainée vingt-huit. — Mais 
TronjjoUy, que de pareils ordres révoltent, re- 
fuse de les exécuter. Carrier, açcon^pagné de 
Goullin , arrive avec sa voiture au pied de l'esca- 
lier du Bouffay pendant que les victimes atten- 
dent, et il intime de nouveau au président du 
tribunal révolutionnaire Tordre qu'il lui avait 
transmis par écrit de passer outre à Texécution. 
— Troojolly transcrit alors sur les registres du 
tribunal les ordres précités, et laisse à Taccusa- 



£A BÉVOLUTION EN BRETAGITE. 45 

tenr public le soin et la responsabilité de ces actes. 
Le geôlier Lagnèze est donc avisé de ce qai se 
passe , et , transmettant les ordres qu^il a reçus 
à la feimne Laillet qui lui sert de garde , celle- 
ci se rend près des jeunes femmes La Me- 
teyrie pour les inviter à se disposer h la mort , 
et leur dire qu'elles n'ont plus que quelques 
heures. Ces malheoreases femmes, qai étaient 
accompagnées de deux de leurs domestiques, 
tombent la face à terre, les bras passés dans leurs 
longs cbeveux , sanglottant profondément ; elles 
font leurs dernières prières à Dieu ^ en se serrant 
Tune contre l'autre pour retenir la vie qui leur 
échappe. Et la plus jeune d'entre elles se détachant 
de ses sœurs qui la couvrent de caresses , retire de 
son doigt un anneau qu'elle remet à la geôlière... 
— A un an de là, la femme Laillet le faisait bril- 
ler aux yeux de Carrier assis sur la sellette d'un 
tribuilal que du moins on ne lui refusa pas. — Mais 
de toutes les scènes qui eurent lieu dans ces mal- 
heureux temps , aucune peut-être n'eut un résul- 
tat plus étrange Le bourreau, lui-même est 

ému , et , reculant devant les victimes qu'on lui 
amène, frappé de leur beauté et de leur jeunesse , 
il hésite...;. Ce sera sa dernière exécution. — Deux 
jours d'un d^Kre affreux l'ont fiiippé de mort. 



46 Liyfis SBPTiiuiB. — chap. t. 

Carrier en était là de sa missioa 9 qoand, assuré 
du résultat de ses mesures à Nantes, il voulut 
aussi porter au dehors , la sombre terreur d<Mit il 
s'était environnée. — Ses ordres à ce sii^et sont 
précis , et appartiennent presque tous à I9 même 
date, S'adressant au général Avril , qui s'est avancé 
avec quelques bataillons maratistes jusqu'à Roche- 
Sauveur et Bedon , voici ce qu'il lui écrivait le 10 
frimaire : 

cr CoDtinue de porter la terreur et la mort dans le Mor- 
bihan , incarcère les gens suspects et tous ceux qui fi- 
gureront dans les rassemblements , incendie les pro- 
priétés des révoltés ; dénonce aux autorités coostitoées 
les individus absents ^qui seront présumés porter les 
armes cbez les rebelles ^ désigne leurs propriétés aux 
corps administratifs pour en faciliter la confiscation : 
voilà les ordres que je te donne et que tu exécuteras avec 
le plus de zèle et d'activité qu*il le sera possible. 

Et découvrant en même temps dans im au- 
bergiste de ^Hedon, nommé Le Bat teux 9 un fa- 
natique propre à seconder ses vues , il en £iiir- 
sait un directeur des postes , et lui confia une 
déiégjation de ses pouvoirs avec faculté de re- 
quérir la force armée et de sancnlotiser le M or* 
hihan. — A quelques jours de là , .ce misé- 
rable faisait son entrée à Vannes ^ anivi de demr 



LA liTO&OTIOV BX BlITAGin. 47 

pièces de oanoa j qu'il braquait devant les pri- 
sons (1) ; et 9 partout sur sa route, on ne pariait 
que de raalbeorQUx paysans arrachés do leur do- 
micile et fusillés sans avoir été entendus. — Ecri- 
vant le 23 du même mois au général Haxo, qui 
commandait dans la Basse-^Vendée , il lui disait : 

• Il est biea éloniiaBt qae la Vendée ose réclamer 
des subsbtances. Il entre dans mes projets , et ce sont 
les ordres de la ConventioB , d^'eolever tovtes les sub- 
sistances. , les denrées , les fourrages, tout en un mot 
de ce maadit pays , de livrer aux flammes tous les bâti- 
ments , d en exterminer tous les habitants ; car je vais 
incessamment t en faire passer Tordre. » 

— Parcourant le front d'une colonne républi- 
caine qui se mettait eo marche pour cotte même 
Vendée ^ il lui disait : 

d Bf aves défenseurs , vous qui avez porté le nom d'ar- 
mée infernale , je vous conjure , au nom de la loi , de 
mettre le feu partout, de n'épargaer personne, ni femmes, 
ni enfants , de tout fusiller , de tout incendier. » 

Echauffé par le sang , et ne comptant plus ses 
victimes ^ il se rappelle Bennes ^ et il lance un 

(1) Un pharmacien, nommé Mouquet , eut le courage 
de le dénoncer à la Société populaire de Vanfies, et par* 
^Dt a|a»i A Tartéter dans ses escès. 



4ft IIVHB SBPTlkMB. — CHAP. V. 

ordre de détenir irrite à quarante citoyens des 
plus marquants de cette ville , parmi lesquels 
Riehelot , Even , Lodin , Bouëssart , les deux 
&ères Germé , Robinet ^ Trélm-Blontiery, Varin, 
Robiqoet et sa fennae y Blin , elc« Les autorités 
de la viUe et du département, le commandant 
temporaire , la force armée ^ sont mis en réqùin- 
tion pour Texécution de cet ordre , et tous les 
ôons citoyens sont invités à courir sus auao 
traîtres ei à les mettre à mort. — Il apprend, 
d*un autre côté,^ue la terreur né marche pas dans 
le Morbihan. . 

ff Vous êtes des s... f.... contre-réyoliilioDnaires, dît- 
il à un enToyë de Lorient , il faut que je purge cette 
Tille comme celle dé Nantes. Je m'y transporterai , et 
je ferai jeter préalablement la moitié de la yille à la 
mer , et j'aviserai au moyen de réduire le reste, o 

Quant à Nantes , à cette triste et malheureuse^ 
ville , qui est depuis deux mois le théâtre de ses 
sanglantes exécutions , elle prend chaque jour un 
air plus sinistre , et la peste venant avec la fa^- 
mine se joindre aux massacres qui la désolent ^ 
elle n'a bientÂt plus d'autre aspect qu'un vaste 
champ d'exécution ! Les habitants en ont disparu 
pour fair# place à des bandes de chiens qui se 
désaltèrent dans les eaux roiigies des dioaiques et 



se repaksettt des cadavres que les bo«rresax 
n'ont plas le temps d'enfouir. <~ Des milKers 
dliommes , de femmes et d'enfants sont , en effets 
entasses dans toutes les prisons de la ville 9 et 
particulièrement à l'Entrepôt. Il y a ici une com- 
mission nûlilaire , qpi, da propre aveu de ses 
membres , fait Cbsîller chaque jour 100 à 150 
prisonniers (1) 9 et l'atroce activité du cmnâtérë^ 
voltttionnàire ne s'est point un instant ralentie. Mais 
deux hommes « deux monstres, Lambert y e l'un de 
ses infâmes collègues 9 les dépassent; et ^ ayant reçu 
de Carrier des pouvoirs illimités pour enlever^. de 
jour et de nuit 9 tous les détenus qu'ils désigne- 
ront 9 on voit chaque jour la Loire charrier dé 
nouvelles viptimes qu'il n'est' plus possible de 
compter. Mais 9 au lieu de nous emparer nous- 
mêmes du récit de ces faits , recueillons la dépo- 
sition de quelques témoins. C'est le chirurgien 
Thomas qui vient d'entrer à l'Entrepôt et ra- 
conte ce q^'il a vu : 

» Je trouvai en entrant dans cette affreuse béu- 



(1) Une lettre du président de cette comûiission, eo 

date du 25 vemôsé àîi II , établit que/ du 7 îiivW 

au 28» elle jugea 40Ô0 prévenus, eh siëgeati^ de ^heures 

danfltiaà l&liMM;du 4Minr. ' 

4. — 4.' VOl*. 



50 iiTM mviÈXB. — CS4P. r. 

obcrie , «M grabde ^anlité éd cadâ¥#e8 ép«w çà et Ik; 
je tIb des evIsinU palfâtaita ou noyés dans des bafoef s 
pleMS d'excréments humains ; mon âme était brisée. Je 
traverse des salles immenses , mon aspect fait frémir les 
femmes. Elles ne voyaient d'autres hommes que leors 
bourreaux ; je lés rassure , je leur parle le langage do 
tlnmamtë, je consMe hi grossesse de trente d'entre eftes; 

plorfeors ^fuiOil grotsei 4e 7 à* 8 mois ^ Quelques 

jours 9ifpH > Je tiens revon' eee f etmues , que leur élti 
rendait sacrées et chères à rhumonité....... Âurai-je la 

force d*achever.,.*** Ces malheureuses avaient été pré* 
cipitées dans les flots. 

» Mais , plus j*avance sur ce théâtre de sang i conti- 
nue le témoin, plus la scène devient affreuse. Huit 
eëûU feflimes et autant ^d'enfants avatent été déposée 
déis Im nurisonsde f BpelMii^èm 01 Àé la Marilière ; oe- 
p^dant il «Y^^^^^^* ^^^ pnsoMittipailfe^ nilita» 
ni vases d*aueooe ospèce ; les détenus manquaient de 
tout , et le médecin RoUin et moi nous avons vu périr 
cin<| enfants en moins de quatre minutes* Nous nous in- 
formons des femmes du voisinage, si elles de pourraient 
pas seteovrrir ces mSilhèuteûses léréàtùfes.' Slles répon- 
dent : — Gomment voulez- vous * que )ièut lassions ? 
Graorlmaison fait inicaroéi:er tons ^e^l^ qui piurteitt des 
aliments à ces femmes et à ces enfants, s 

Et ne pensez pas qu^il y ait rien d^ezagërë 
dans cette déposition : UAe autre fois, le même 
eitQyen^ ccoynnt obtenir la .grftoe de 37 jemw 
hommes de la Vendée «MMQMntnttfaÉëilt relMiM 



U lAVMimOJI MM BMTiAlllw Si 

ranaéo de la &^^p«|^fiqfi«. G^lattîn liû fjjjp^ 

cela ne se p^Qt , et , pveiia«t.la.lMte <|ni lui 4UU 

présentée. I il y «et «n wdce de tr^nflftreweiift 

Ibis 4c^9lmm l'accfiseteBr. pidiKc dans see cou* 
ckksiow eiofitfe Cavri^y^ et,lA$ JHmnbieB.dii Cor 
uîi^ gévolptiiMMfwipe : 

« IteBs la mtee salle oa oeaiplo ciM| f «ia caéaTres 
par jeor |.éi L'aM».ide ^eoraq^ee eai tel , qo'êa * eM 
oh^é de g^am^lffie la ^ie.à 40 reb^Ues, à condition qa'îla 
nettoieront cette j^ison.. Ils Tont fait ^ et quelgues-uns 

sorri^ent à cet acte de courage ' Mais , ô comble 

d'horreur : on les massacre. — Dans un cachot infect 
était jetée une mfere avec ses filles ; un jeune liomme et' 
le directeiir des lidpitaox espèrent en saUTer eue qui 
na qpe IreisBans* Ba dlescenéeat dans ie eachot a^ee 
une l<i0iièae , ils n ap^ocoiiaot r4^n » ils .eheiQQheiit i Un 
décQUTrcint daQs Ja paUlç c^çs infoftfinées qui sepras^. 
sent les unes contre les antres pour cooseryer un r^ste 
de chaleur; ils y trouvent des femmes mortes ; ils aper- 
çoivent enfin la plus jeune' cachée sous les habille- 
ments de sa mère et transie âe '^id. ith ne ni enlevez 
pas ma yMfe^^s^keti^ eeite mite /, nom mmions tous 
périr emsm9i^k^SkMW%\k^V9lkMxmktK foeada^aMTev^a: 



- t ^ -■ ' '■ ' ■ î. -.w 



(1) Ttiomas eut le courage de retenir cet arrêt de 
mort.* 



'fil c'est dons cet inAme ehamier que Ton dé- 
porte ehaqtue joar des aotras pri$oiis les malfaen-* 
1^31 SftBs nombre qài sont .destiaës à pasi^er parr 
les mains de la cotniiiisskNft inyîtaire, on par les 
galiotes de Lambertye. Mais la contagion prend 
nne telle activité , qn^nn poète entier de TÎâgt 
et qMlqnes greniadiërs de garde à TEirtrepMy 
tombe mort dans Fespace de «pielques heures; 
Dès tors aucun crime, aucune atrocité ne sont 
plus dissimulés: pendant que Piowd et Joly^ pous- 
sent à coups de baïonnette les victimes qu'ils éri- 
gent le long des quais, Lambertye et «on compagnon 
exhibent leurs pouvoirs aux membres de la com- 
mission militaire, qui veulent au moins arracher 
à ces cannibales des femmes enceintes et quatre 
à cinq cents enfants en bas âge. D'ailleurs , pour 
né pas perdre de temps , Lambertye et Fonqnet 
font travailler à leurs soupapes dès que le soleil 
se lève , et , dérivant en plein midi aux flots de 
la Loire avec leurs victimes^ ils les précipitent 
au fond du fleijive p^ masses, de 4. et 50Q* Ben- 
fermées dans des^ pontons mal joint», vaîuemeat 
les maUieûreus: aûm sacrifiés , ^vèirt leurs bras 
au-dessus des eaux, ils tout frappés par leurs, 
bourreaux qui se . tiennent armés de gaffes et de 
longs crocs dans des batelets, à l'aide desqiieb 



£4 liroiuTios sir. nsTMiia. 6S 

ils S9 portent d'nii pmiit àJ'antM, se dispntaiil 
les vêtements qui viennent à la sorfice* El e^ 
pendant ces niMi^res avaient déjà dtfpmiilU leurs 
victimes de tMtfee. qu'elles avaient de |iréeieiftx; 
et les armoires de Joljr et de Pinard y seront plus 
tard sîi^lées comme étant encombrées de bî* 
jeux et â*objets rares* 

Mms qu'on ne s'étonne pas de ces vols 9 Fen-^ 
cault , qui fut compi^ndant de place à Pain^Kisof , 
et dont les mains se teignaient chaque jour de 
sang , demandant à Carrier après une noyade , à 
qui reviendraient les dépouilles des suppliciés ? 
— JSi parôleu. , à ^yui donc > W ce nesi à 
ceuœ. qui uni fmii la besogne. 

Tant de crimes avaient plongé Nantes dans 
une stupeur impossible à décrire. Les navires et 
les marchandises ont cessé de remonter la Loire j 
il n'y a plus que des cendres dans la Vendée , 

r 

et , vainement le commerce de Nantes est-il par- 
venu à faire une somme de 1 4 00^060 fr. que 
l'on destine à àe% approvisionnements d*urgence^ 
la plus affreuse disette règne , les habitants n'ont 
qu'une demi-livre de mauvais pain par jour. L'é- 
pidémie continue d'ailleurs ses ravages; des pri- 
sons elle a passé dans la ville ., les cadavres res- 
tent sans sépulture, et l'odeur infecte qu'ils jettent 



54 itvBs 8»TilniB. — csAf . r. 

menace ht ptipulstion entière et Carrier , son 
bourreau (1)« ' 

C?est akm qa*effra yë hn-ménie , le reprësen* 
tant donna, à ee qn'il parait, cet ordre inconee- 
TaUe , mais réel , mais exëcMë , de noyer tont ee 
qn*il y arait à TSntrepAt , hommes , femmes en- 
ceintes , enfants , tout indistinetement. Et ce fn* 
rent encore Lambert ye 9 Fonqnet et llobin qoi 
se chargèrent de cette oenTre. 

ff J*ai ëcrit dix à douze fois à radministration du 
district 9 ditYaujoix, accusateur public près la commis- 
sion militaire de l'Entrepôt; je me suis rendu ))lus de 
yingt fois aa comité poar demsader la remise de ces 
malheureux enfant? et leur esToi dans uoe màisen propre 
à les élever y et je nai rien obtenu. Enfin» 'je me suis 
hasardé à en parler à Carrier : Tu es un contre-révolu- 
tionnaire ^ m'a-t-il dit, point de pitié y ce sqnt des vi- 
pères qu*il faut étouffer. 11 

£t comme on apportait quelque retard à leur 
ejKëcution , le tigre appelant près de lui^ Gronchoo^ 
président de cette même commission , lui disait : 



(1) Voir aux pièces justificatives les arrêtés et les 
procès-verbaux de la commune relativement à la mala- 
die des prisons et à Tinhumalion des cadavres dévorés 
parles chiens, n." 48. 



JbA l<f OLOnOM M MITAOIUI. Sft 

— «. ^ Wtf Mme /W viemw caqUbi fui e^ pré- 
^Ment de eei4€ cmnmiêêhn ? Et liii muImiI •« 
cottèl: jéb! iu t^eu^ ftêger ; si^ danéf dems 
heures^ vi^uao 6.u..y tu u' a€ pas fml fii^Hk^r 
iam ce qu'il y a de priwnmere à FJBnire^ 
pâi, iu seras fueitts toi-même. » — \a \\mx 
«oldat y fr8{>pë comme de la fondre ^ peut à ipoîiie 
se 60iifaiîr...... Il maire ebes lot»... treis joni^ 

après il rendait le deraiw MOfâr mélë an nom 
de Carrier <|pi'il: n'avait ceatë do répéter» 

Quand les habitaole mooraient ainai de Ja faim 
Qt de la peste 9 Carrier^ renferme daM un splen- 
dide hdtel doat il af ait chaseé les maitres , s'en- 
tourait do eonrlisanhes et de femmes sam raoeort^ 
dont il avait les mark ]^^ de M (l). Yk se vaiir 
trant dans la pli|s sale débaocke, ilpreàait joaiiae 
parmi ses vîelines des femmes qoHl osa satir de 
ses impudicités avant de les précipâler au fend de 
la Loire. Yingf preuves sont fournies de ces fiiUs^ 
et nous apprendas de la bondie même d'un de 
ses complices , du jeuqe Rolnn 9 qu'il s'est fait 



(1) Carrier noua apprend , par les débals de son pro- 
cès, qifil était marié, et que lui et sa vertueuse com- 
pagne avaient dépensé 10,000 liv. dé leur patrimoine 
pour vivre dans les momeats diftcMei de la JUvolaliov. ^ 



6% IrlYBB Mf TIÈMB. -^ €HAV. ▼• 

semr à lierd ile la g»fiote dé Lambert ye an re- 
pas splev^de , au ttiômêtit oà ses ûnreê "procë^ 
daient à qm iioyade. O0 y bmt'à là santé dés 
eahtins qui antpctêsé àr la baignoire neoio*- 
nale; et 9 se jdoatit de ses viàlîmes^ qu'il dit 
avoir condamnées à la déportaHon tyetticah , 
il a près de lut des monstres qui , enivrés de vin 
et dé MBg, chantent des hymnes et des chansons 
légères. Mais terminons ; car it nous feudrait des 
volumes poor tout dire, et* apl-ës tant d'incon- 
cevables horreurs, nous avons besoin, dans la 
sombre solilude qui s'est établie autour du lyran', 
de savon* si , du sein de celte grande • ville , que 
depuis un certain nombre d'années nous voyons 
à la tète de la civilisation dans l'Ouest , il ne se 
trouva point quelques hommes qui, regardant le 
tribun, lui jetèrent à la face qoelf^es - unes de 
ces paroles qui font explosion en sortant d^un 
cœur ulcéré. 

Personne n'osait approcher Carrier , et Cepen^ 
dant les administrateurs, cofnme le peuple, ne 
pouvaient supporter plus long-temps l'horrible 
tourment de la famine et de la peste réunis. 

Le maire Renard doit, à raison de ses fonc- 
tions, faire les premières démarches que ré- 
claine raffiretise position de ses concitoyens. Il 



Lk liTOUITIOJr SH BmBTAGHS. 57 

se rend donc chez le représentant et demande à 
lin parler. Le secrétaire de Carrier lui répond 
qu il n'y est pas : mais Renard insiste , il attend 
à voir sortir ceux qu'il sait être en conférence 
avec lui , et ^ forçant la sentinelle , il arrive devant 
le représent ant.«... — F.*...! que veuao^tu? -^ 
J}u pain pour mes conciioyene. "^ J* aurais 
voulu que la sentinelle te passât la baïonnette 
au travers du ventre ; que me parles-tu 
de subsistances^ retire-toi: vous êtes des 
contre-re'volutionn lires. — Et le pr^emier ma- 
gistrat de Nantes se trouva ainsi éconduil, malgré 
sa fermeté et ses instances. 

Mais les besoins devenant chaqne jour plus 
pressants, la nécessité amena les administrations 
et la société populaire à se concerter, dans le 
but d'obtenir du représentant les ordres indis- 
pensables pour l'approvisionnement de la ville. 
— Une commission se transporte donc cbez lui, 
et y étant arrivée à onze heures du matin , un 
secrétaire qui se présente , empêche les membres 
du département et des administrations réunis de 
passer outré, sous prétexte que Carrier ne s'est 
couché qu'à 3 heures du matin. 

ff Après une heure d'atlenle, portent les registres de 
1 administration départementale , nous avons été inlro- 



58 LIVBM SBFTlIUIB. — CKAf. Y. 

duits dans une chambre, joif^naot celle ob iioiu arons 
trouvé le cUojen Carrier qui était avec son domcstifue 
qui lui tenait un verre dans lequel il trempait un de 
ses doigts de la main droite. Et , sans nous regarder , il 

nous a dit par trois fois : Parlez , parlez /! Aussitôt 

Brîllaud , l'un de nous, lui a dit : — Représentant » les 
autorités ctmsàituéès nous députent vers toi pour te corn- 
muniçuer Jeurs, justes soUieitudes sur temkargo mis sur 
les bateaux qui ont été chargés de grains par les eom- 
missaires de la municipalité de Nantes. Cet empêche^ 
ment vient d'un ordre du district de Saumur; nous 
venons solliciter ton autorité pour que ces bateaux nous 

parviennent. — Est-ce que cela me regarde f / Cest 

à vous d'écrire au département de Maine-et-Loire. Fous 

4 

voulez me faire faire une c de^ f / — Le citoyen 

Frousl, lun des ifterobres de la cominieMon) voulat don- 
ner lecture de quelques pièces. — Au fait ^ au fait b..^,! 
et un autre ayant voulu prendre la parole. — Allons 
donc, je montais l'année dernière une bouriique gui 
parlait mieux que toi: Fous êtes une bande de c ons. o 

Et, désespérant d'obtenir une réponse , la com- 
mission se retira pour ne pas compromettre 
son caractère , dit le procès-verbal , et peut- 
être celui du représentant lui^-même. 

Une autre fois, Tagenl national Prosper Bonaïujr^ 
pressé du cri de la conscience de Thonnéle homme, 
se rend chez Carrier : il trouve le représentant au 
lit. Il lui expose l'urgence quil y à à s'occuper des 



sobsistaneesy êl se dispose à loi soameUre ses 
moyens d'aj^revisionneiticiits. — Carrier, re|e^ 
tant ses converlares , se lève brusqueoieiit et loi 
dil de le laisser tranquille ; Bonamy insiste. ~ 
« F.M..! s'ëcrie^-il impatienté: le premier b«.».« 
qm me parle de snbsistànoes , je lui f.... la tête 
à bas ! J'ai bien besoin de toutes vos sottises. « 
— Prosp^r Bonamy retoame à la eommune et 
rend compte de sa mission. On arrête de former 
une nouvelle députatioa qui se rendrait près de 
Carrier; mais* cette fois, dit Bonamy, personne 
ne voulut accepter les consikjnenees d'une pa* 
reille démarche ! — Et qui donc osera enfin at« 
taquer ce tigre furieux et pénétrer jusque dans 

80B antre pour lui faire tête Ce sera le mu- 

meipal Champenois , auquel , suivant nous , 
Nantes devrait un monmnent, si quelque jour 
cette viUe accordait un souvenir aux hommes qui 
l'ont débarrassée du règne de. Carrier. Champe^ 
neis, simple artisan et potier d'étain, avait dû 
son titre de municipal aux représentants qui , au 

' mois d'août 1793., régénérèrent la commune de 
Nantes, en destituant Baco et lui dcmnant Be^ 
nard pour soocèsseur. Il est à croire , d'aï Heurs ^ 
que le seol titre de Champenois à cette faveur, 

^ avait été de se iaire remarquer au clsb de Yin**^ 



60 XIVBB SBPTliWB. -— CBAF. V, 

ceot-^la^Montagne: quoi qu'il en sait y il se trouTait 
oiembre de la munkipatitë ^ et Tun des plos zélés 
orateurs du club raoBtagnard^ quand les maux 
inouïs que «iqiportaienl ses concitoyens, lui fiè- 
rent prendre la résolution de démasquer le tyran • 
— On était au mois de pluviàse, à cette ef- 
froyable époque où les cadavreb, entassés dans 
les carrières de Gigant et à peine reeoorerts de 
terre , étaient décbirés par des clûéns réunis em 
bandes qui répandaient dans la ville Teffroi et 
les germes de la maladie. On n'avait plus de pain , 
et personne ne savait de quelle manière on s'en 
serait procuré le lendemain. — D^à une fois , le 
25 frîmaûre, Champenois^ sur les plaintes d'un 
militaire y au sujet du pain que l'on donnait ai»x 
défenseurs de la patrie, avait fait la motion que 
Carrier fut appielé , comme membre de la Société 
populaire , à s'expliquer sur lès circonstances qui 
empêchaient les grains ach^és des deniers de la 
commune, d'arriver à Nantes* — La réponse de 
Carrier fut brève; il invectiva les membres de 
là société qui lui fureiit adressés , les frappa mèoM 
de la main et du plat de son sabre , disent quel- 
ques-uns , et le lendemain , s'étant rendu au club , 
il demanda quels étaient ceux qui avaient cherché 
la veîHe à avilir la représentation nationale dans 



LA BÉV0IUTI05 ' S jr BBBTÀ05B. 61 

sa personne Thomas seal , ce chirurgien qne 

nous avons déjà ciM , prît la parole et reprodui- 
sit les jastes plaintes da nnlitaire qne Champenois 
sontenail de sa fenn<^ë ; quand Carrier , coupant 
conrt à ces explications , dit qne le président et 
les secrétaires de la société lui répondraient de 
l'offense faite à la représentation nationale. Puis 
il prononça la dissolution du club et somma le 
président et les secretaires.de déposer le registre 
des séances à son hAteL — Mais, le cri des du- 
bistes de Vincent-la-Bfontagne fet si vif, qne le 
représentant fit rouvrir trois j<Nnrs après le club 
où Champenois avait donné un si fâcheux exemple 
de résistance, Champenois , d'aiHenrs, était commo 
je l'ai dit , des pins ardents , et «on crédit à la* 
commune et au club, forent sans doute assez- 
grand pour <{oe 1^ représentant n'osât pas le sa- 
crifier. Malheur en prit à Carrier, car à six se^ 
maines de là , le 12 pluviôse ^ Champenois saisit 
une nouvelle occasion d'attaquer le tyran. — Aa 
moment oà la société était réunie , arrivent la gpir*l 
mson et einq cents patriotes de Mortagne, obli- 
gés de prendre la fuite , devant les .Vendéens.» 
Champenois étaitparhi»ard chaîné à b^oommime. 
de la distribtoUon des bilets 4^ Iqgènaeiit qm sa 
délivraienl h seà mathenreav. Franpé de leur 



62 UTBB SB»TliCXB. — CHAP. T. 

sère , il court au club, et se laissanl alier à toute 
son indignation 9 il s'âonne que le» généraux et 
les représentants annoncenl la fiii des désastres 
de la Vendée , quand chaque jour , oa a de pa- 
reik malhenrs à déplorer. — Puis , prxifitant des 
renseignements particntiers . qui Tiennent de lui 
être donnés sur le séjour de Charrette dans nue 
feimlle vendéemie, où il se fait treker de ses 
blasisures^ il demande que des commissaires soi^at 
adressés aiu représentant pour s'entendre avec 
lui sur le moyen de se saisir d'un chef de re^ 
belles dont on YÎeot de lui indiquer la retraite. 
Le geôlier Forget , alors président du ekdi , Cham- 
penois et ^ekpies antres sont désignés pour se 
rendre chaiE Carrîen — Nous voilions absolument 
lui parler, disent-4k à <son $ecré|aire. — Il est 
malade y répond oalnirrci 9 et depuis trois semaines 
il ne correspond même plus eyee les générant* 
— Wotre .mission est. cependant importante | on 
pourrait an moins lui écrire? ^-^ Lui éortre ou 
lui parler a est. pas pins foreticaUe l!ua que fautoe, 
et' <fussiei&-TMtt des pairiiêtes enragés 9 il ne vous 
éeorterait pas dàivantage. **-«. Les commissaires se 
reliront donc , mais Champenois a saisi le mon*- 
ycfflient d'ândignalinnqdi se manifinte an sein dn 
eUi ^ et s*élonnanl .qu'un mandatairo dn pMi^e 



soît ionsible^ quand il s'agit do salut de la patrie, 
il opine pour qu^une nourelle dcSputation 8oit 
adressée h Carrier , afin qu^ii ait à se rendre aux 
séances de la société , sons peine d^en être rayé 
comme membre. — On comprend assez ce qui 
dut se passer dans le cœur du tigre , et le trouble 
qu y jeta la courageuse proposition de Cham- 
penois. 

« Il s'arracha de son antre , nous dit l'un des té- 
moins de cette scène p et Tint le lendemain an club le 
sabre à la main > hurlant comme un taureau» que si la 
société ne rapportait pas son procès*¥erbal de la veiHe , 
il allait déclarer la yille de Nantes en rébellioo et j 
faire fondre soixante mille hommes pour la détruire 
comme Lyon. » 

Tons les bons citoyens en frémirent : mais 
Champenois se redressa plus résolu et plus ferme 
que jamais j ainsi que nous allons en juger en le 
suivant au Conseil Général de la comnotune , où 9 
le 13 plttvi&se, il rendait eaaaptfe de m e^adaîte. 

« Citoyens, frères, amis et collègues, voici Tordre 
que î'ai reçu ce matin , environ les huit heures^ de la 
part du représentant du peuple français Carrier 1 et je 
le dépose. » 

X'cgOMl «alioMil Coiqpiod , ayattiBMeitèt pris 
c0t 9vdre. fcrt ee om suitt 



64 LivBB SBrniEVB. — cbaf* ▼. 

a Le premier officier commandaul la force piiUîque 
amèDera y devaDt le représentant da peuple , le nommé 
Champenois , potier d'étain et officier municipal à Nantesi 
y demeurant carrefour du Change. 

» Nantes , le 12 pluviôse .. Tan 2/ de 1 ère républi- 
caine. 

Le représentant du peuple français, 

d Càbbibr. » 

« Cet ordre, continue Champenois, me fut remis par 
plusieurs citoyens armés de fusils; j'étais incommodé , 
et ayant à me rendre Ters les neuf heures près le repré- 
sentant, en qualité de député de la Société Vincent- 
la-Montagne, je leur donnai ma parole de m*y rendre, 
et qu*îl8 pouvaient se retirer. Ils insistèrent à me con- 
duire en vertu de leurs ordres. Magistrat du peuple , 
je connais le respect et la soumission dus aux pouvoirs 
qui ont été délégués par la Convention , et je donnai de 
suite lexempie de Tobéissance que tout républicain leur 
doit. Le commandant de 4a garde me fit placer comme 
un criminel au milieu de ses fusiliers > et ce fut dans 
cet état que je traversai toute la ville , depuis lé Change 
jusqu m Bourg-Fumé | distmit d*iin grand quart d# lieue.' 

» Arrivé à la maison qu'occupe le représentant , je 
dis au portier de le faire avertir de mon arrivée. Après 
avoir attendu un quart-d'heure, je fus conduit devant. 
Carrier, qui me dit en m'apercevant : JEA bien! Mon- 
sieur Champenois, Monsieur t histrion mumciptit, c'est 
dùnc vous et vekte municipaUié fm tnnts peHnettêz de 
décacheter les lettres ^uimesontdtdresféÊS* — Carrier** 



V 



LA KifOlMTlOn IJI BlIUeHB. 65 

ù-je réponda, je ne puis croire qii*aacun des^ membres 
de la monicipalité se soit permis un acte semblable ; 
quant à moi , je n'en ai nulle connaissance. 

« Pourrai, reprit Carrier , AîeTj dans la Mônne 
de la Sociélë, avez^-uons jeté de la défaveur tut ma 
personne y et avili la représentation^ et par là me faire 
perdre le respect qui m'est dû comme représentant ? — 
J'ai parlé le bmgage d'un homme libre , celui de la yè^ 
rite.... J'ai demandé à la Société si tu ayais répondu à la 
lettre qu'elle t'avait écrite y et si enfin tu avais calmé 
nos justes inquiétudes sur la situation de nos armées 
dans la Vendée. J'appris que ton secrétaire avait répondu, 
mais que nous étions sans espérance de pouvoir te par- 
ler. Etonné de cela » je proposai de t'écrire de nouveau 
pour t'engager à nous répondre comme frère et en vrai 
jacobin. J'ajoutai , avec ma franchise ordinaire , que si 
tu ne répondais pas, nous ne pouvions plus te regarder 

comme un de nos membres 

» Carrier I en colère , me réplique en jurant : — MaiSf 
Jfonsieur, vous avez prétendu que je devais vous rendre 
compte de ma conduite en cette ville et de ma corres" 
pondance avec les généraux. — Le fait est fiiux : j'ai 
dit qne les brigands devaient être détruits d'après l'as- 
surance que tu nous en avais donnée publiquement , que y 
dans (Dette confianee y on préparait une fête triomphale; 
j'ai dit que la maladie t'empêchait d'avoir l'œil sur les 
généraux qui paraissaient vouloir prolonger cette guerre 
pour leurs propres intérêts; que nous avions des dé* 
nonciations contre eux^ qu'il fallait en instruire nos 
frères^ les Jacobins de Paris et la Convention; et, en 

5. — 4,* voit 



$6 UyU fiPTitoB, — « CBâF. T. 

Trais républica^iM , ^e tonte la Tërttéé •— Lu remets 
gnemenis ^/uefai eus sani sûrs ^ ei hs permmmes ç^ 
me les ont donnés sont dignes dh foi. — * II» soni ka 
ennemis de la liberté, puisquila en ont in^pefë sur tvus 
leurs rapports* *— Fous êtes un, tas dû b..... ëe cotUre^ 
rëvoiutùmnaires payés par PUt» psftis^UB vous ekigrohez 
à me dénoncer, et demandez vu autre repeéseutani à 
la Comventùm. — Les patrioles que tu tmites da nontte* 
rëyolationikaires » sont ceox qui ont forcé lea fédéralistes 
à respecter la Montagne , dans un tenips ob les poigaards 
étaient leyés sur nos têtes ; nous n'avons point demandé 
ton rappel ; mais j ai appujé la motion faite da demasH 
der un autre représentant pour t'aidçir^vo 

a Carrier se calma ^ et nous ont^^moff en cionvoraalioB; 
^Ue dura euTiron un quart-dleuro. Je lui. denmdai atora 
ce qu'il Toulaif faire de moi. U me répondît qu'il lai était 
douloureux d^ punir un homme qu'on loi anpcNaçait 
comme patriote , mais qu'il fallait dtre plus prudent. *-^ 
Carrier I r^liquai-je» je te dirai toujours U vérité, et 
sois persuadé que jamais je ne 44ip^fi^û de ma patrie» 
et qu'aucun être ne peut u&'aypîr à st aoldo. -^ Ganier 
termina en me disant t an mm^ soyez plus prudort £*•- 
et il m^ 4itf de me ir^tiiMor; il était akfs ennrwa Id 
lieures et demie di| matin, et je smrtis do obes |e teipté^ 
sentwt cofnme un booiiiie librot comae je sevâi toa* 
jours. 9 

fie conseil délibéra sar le tout , et il fat arrêté : 
1/ Que le représentant serait appelé à $'ejqpU- 
cper sur lo reproche fait à 1» içiuiMâiaiyiié 4%^ 



%k BifOLOTlOV B9 BlBTÂGn. 67 

vopr dëcaehet^ ses letiros ; 2/ qa'û anrat à faire 
coanaitre les mdividos ^ui , par des rapports con* 
traires à la vérité , essaieot de jeter de la divi- 
sion eotrp les répqhlicains ; 3.® qu'il serait invité 
à déclam.q«, 1<» membres da coiç. monieipd 
mmA point peidnt la confiance qia'ils mérileiit , 
et enfin qne le eitoyrai Cban^enois continnait à 
jouir de toute la confiance de la comumne. 

BlallieureafieineEt cette fermeté ne se soutint 
jf9&. Un M^ive conçu comme suit, vint le 17 : 

ff Carrier 9 vepréseaUiit da peaple français près l'ar* 
mée 4e l'Oaest » defllUne le Domnaé Ckfaapenois de ses 
fonctàon^ d officier mmieip^jl k IX^nt^s , et loi défend 

d en exercer de ce memeBt les fonctions. 9 

* 

Et aussitôt TenregistreiDeut en ayant été re- 
quis y une eicpédition , signée de l&euard et de 
Goîigpiaudy «in fut immédûrtemeiit ^dressép v» re- 
prâseutanl. 

Cet ét^t 4e cboses, cep^pd^it^ n» devait {JffS 
se proloi^er , Garriw aUût (Hre rappelé. -^ Et 
si uous venoiiis de dire ce que fit le potier d'étain 
Champenois , dè^ la fin du mois de fiMoaire , ce 
qu'il osa en |^uvii5se j ^^poque on sa ccoaduite 
détermina 1^ ^cié|é Piipulaire k mw»yer à Paiis 
df^ çowiiwpnpffe» c]ii9Mr|;4s 4e 4^npiN^r la oonf* 
4ptee de Cqmer^nçQs d»vM»9 nppeler enssî que 



68 LITIB SimfcHX. «- CMAP. T. 

ce fat également à la fin de Irhnaire que Trou- 
jolly refusa de mettre à éxecution les ordres 
inouïs de Carrier pour rezëcution ^ sans Juge^ 
inenij de quarante et quelques rebelles. Mais 
nous devons ajouter que TronjoUy avoua lui- 
même qu'il eut la fiiiblesse de signer le jugement 
qui prononçait la confiscation des biens de ces 
victimes. D'une autre part , toutefois , ce fut en- 
core lui qui 9 le 4 nivAse, c'est-à-dire à 10 jours 
de là environ , rendit une ordonnance portant dé- 
fense au geâlier do laisser extraire aucun prison- 
nier j sous tel prétexte que ce fàt , à moins d'un 
ordre écrit du représoitant ou d'un décret de la 
Convention. Cependant Tronjolly avoue encore , 
à l'égard de ce dernier acte^ qu'il n'osa , dans 
le moment 9 porter plus loin ses dénonciations. 
Quant au jeune envoyé de Robespierre , Marc- 
Antoine JuUien , que nous avons déjà rencontré 
plusieurs fois , il parait que , revenant du Mor- 
bihan j oà les excès de Le Batteux et d'Avril lui 
ardent été dénoncés, an moment où Ghampe- 
nois se compromettait si hardiment avec Car- 
rier, il se trouva présent à la séance de la So-* 
ciété Populaire, où cet officier municipal fiit jus- 
qu'à demander que le représentant fât rayé de 
la liste des membres de la Société , s'il continuait 
à ne plus fraterniser avec elle. 



LA BiTOtunoir iv nsn^m. 69 

c Bëvolté des horreurs ordonitées par Carrier, j'eus 
le courage , dit-il » de manifester cette indignation dans 
U Société Populaire , et d'inviter tous les bons citoyens 
à se réunir pour s opposer à la tyrannie du nouveau 
despote. Carrier avait des espions partout; il ne tarde 
pas à êlre instruit de mon audace, et il me fait arrAtev 
de nuit par le général Yimenx. Je suis consigné dans 
que voiture; et^ ^près une heure de marche, je suis 
déposé chez Carrier. — Connaissant toute la férocité du 
représentant , et bien persuadé que je touchais à ma der* 
nière heure, je recueille toutes mes forces pour faire, 
face au tyran. — Cesâ donc /ot , x.... gueux, qui êeper- 
mets de me dénoncer au Comiiéde Salut public? Sais* 
lu qu'en vn instant je puis trancher le fil de tes jours ? 
Et comme il importe quelquefois au bien général de se 
défaire dé certaines gens en secret, je ne me donnerai 
pas la peine de t' envoyer à la guillotine , je serai moi" 
même ton bourreau et celui de tous les scélérats qui 
peuvent te ressembler, — Je fais tous mes efforts, con- 
tmue Jullien , pour être entendu et lui donner des ex- 
plications sur les reproches qu'il madresse. Mais cou* 
vaincu du refus du représentant à admettre ma justifi» 
cation , j eus assez d'énergie pour terminer mes obser- 
vations en ces termes i^^Tues le nuUtre de mon sort^ 
tu peux faire de moi ce que bon te semblera; mais sou^ 
viens-toi que si tu me fais périr aujourdthui^ dans huit 
jours tu seras guillotiné. Toi des patriotes qui venge- 
ront ma mort y et qui sauront dévoiler les grands cou- 
pables, — Carrier paraît redouter mes meuaces ; il se 
calme , prend un ton mielleux et entame uqe conversation 



sur des choses indifférentes. Il s'aperçoit qoe je ne lai 
réponds qu'à demi-mots; il appelle le général Yimeux , 
lui parie bas , et lui dît de me reconduire où il m ayait 
prisj... Le lendemain, je mé rends à la Société Populaire, 
je dénonce lacté arbitraire que Ton a touIu exercer 
contre, moi ; je retrace toutes les cruautés , tontes lès 
injustices de Carrier; je détermine rassemblée à faire 
une adresse teiràante à solliciter le rappel de Carrier; 
Tadresse est rédigée , présentée à la Convention ; elle a 
tout le suceès qu on en pouvait désirer, s 

Voilà ce que nous rapporte Jullien dans sa dé- 
position lors du procès Ae Carrier. Mais nous 
croyons devoir faire observer qu'alors le jeune 
aâSbdé de Robespierre était kii-méme détenu 
comme Fun de ses agents et sous le coup dos 
décrets de la Convention, qui prescrivaient la 
recherche de tous les alliés du parti qui avait 
succombé au 9 thermidor. Il ne serait donc pas 
étonnant que le confident de Thomme déchu eût 
peut-être quelque peu exagéré ses services dans 
cette circonstance. Quoi qu il en soit, cependant y 
voici quelques-uns des passages de la lettre qu'il 
écrivit à son patron , et qui fut trouvée dans les 
papiers de celui-ci après le 9 thermidor. 

a Nantes, 16 pluviôse an 2.<' de la république. 
» Jullien fils à Robespierre. 
» Un peuple de généraux , fiers de leurs épaulettes 



£à BirOLOTIO* BM BIITABIIB. 71 

•i èivilorBa en or aa eoUet, rioheB àe$ «[^[loiBleiiieiits 
qu'ils ToIeiH, éclaboussent dans leurs Toitares les sans-^ 
GiileHes à {ned^ sont toojoars auprès des femmes , an 
spedacle on dans des fêtes et repas somptneax qui in* 
sttltmt à la misère pnUiqde , et dédaignent otiTertement 
la Société Populaire, oè ils ne Tont que trèsHTarement 
avec Carrier. Cehiî-ri est inTÎsible pour les corps eens- 
tknés y les menribres d« clab et tous les patriotes. Il je 
fût dire malade et à la cmnpagne , ain de se sonstralre 
aux OGcnpatiims , que réclament les circonstances , et 
Bol n'est dape dn ce mensonge. On le sait bien portant 
et en viUe : oa sait qu*il est dans nn sérail , entouré d1n« 
srfentes sultanes et d'épauletiers qui lui serrent d*eu- 
Dftques. On sait qu'il est aocfssiUe aux seuls gens d'é* 
tal-:BHijor qui le âagement sans cesse, et calomnient à 
ses ycttx les pi^iotes. On sak qu'il a de tous edtés des 
espions qui lui ra|q>ortent ce qu'on dit dans les comités 
particuliers et dans les assemblées publiques. Les dis- 
cours sont écoutés, loi correspondances interceptées; 
on n'ose ni parler, ni écrire, ni même penser; 1 esprit 
public est mort; la liberté n'existe plus. 

s Tâi tu dans Nantes l'ancien régime; Ténergie des 
sans-culottes est étouffée^ et les vrais républicains 
pleurent de désespoir d'avoir vu le despotisme reiH^re; 
et la guerre civile semble couver an sein de tant d'hor- 
reurs ; une guerre manifeste éclate déjà entre les états- 
majors et la Société Populaire. 

s Une justice doit être rendue à Carrier^ c'est qu'il 
a , dans un temps, écrasé le n^ocîantisme, tonné avec 
force contre l'esprit mercantile y aristocratique et fédé- 



72 LITU SBPTltaB. *— CBAP. T* 

raliste; mais depois il a mis la terreur à l'ordre du jour 
contre les patriotes eux-mêmes dont il a paru prendre 
à tâche de se faire craindre. Il s*est très-mal entouré ; 
il a payé par des places les bassesses de quelques cour« 
tisans ; il a rebuté les républicains , rejeté leur avis , 
comprimé les éjans «du patriotisme. Il a j par un acte 
inouiy fermé pendant trois jours les séances d'une So- 
ciété montagnarde. Il a chargé un secrétaire insolent de 
recevoir les dépntations de la Société Populaire ; enfin ^ 
il a fait arrêter de nuit» comparaître devant lui , et il a 
maltraité de coups, en les menaçant de )a, mort, ceux 
qui se plaignaient qu'il y eut un intermédiaire entre le 
représentant du peuple et les magistrats organes du 
peuple 9 quiy dans l'énergique élan de la franchise répu- 
blicaine , demandaient que Carrier fût rayé de la Société, 
s'il ne fraternisait plus avec elle. J'ai été moi-même le 
témoin de ces faits. On lui en reproche d'autres : on as- 
sure qu'il a fait prendre indistinctement , puis conduire 
dans des bateaux et submerger dans la Loire, tous ceux 
qui remplissaient les prisons de Nantes. Il m'a dit à 
moi-même qu'on ne révolutionnait que par de semblables 
mesures , et il a traité d'imbécille Prieur de la Marne , 
qui ne savait qu'enfermer las suspects , etc s 

Tant est-il qu'à quelques jours de là, Carrier 
fut rappelé au sein de la Convention. Nous avons 
retrouvé , sur les registres de la viUe de Nadtes , 
ses derniers adieux à la municipalité de cette 
ville. Ils sont ainsi rapportés : 

fr Est entré à la séfipçç 4n 25 pluviôse, an 2, le re- 



LA miyoi.imov sv BUTien. 73 

prësentant do peuple Carrier , lequel a aiinonoë qu'il 
était mandé par le Comité de Salut Public pour se 
rendre à la GonTention, et qu'il partait dans la nuit 
mémo. Il a ajouté qu'il avait droit de compter sur l'es-* 
time et l'amitié de tous les vrais sans-culottes , parce 
que tout ce qu'il avait fait comme représentant du peuple 
français , avait eu pour bot le triomphe de la république 
une et indivisible » sur ses ennemis , et d'exterminer les 
infâmes contre-révolotiounaires et brigands qui, depuis 
onze mois, désolent et dévastent la Vendée. Que c'est 
avec douleur qu'il ne peut plus taire que Tarmée des 
rebelles , dont il ne devrait plus exister un seul satellite, 
parait renaître de ses cendres depuis quelque temps ; 
qu'il ne peut attribuer les derniers échecs que nos 
troupes eut essuyés qu'au défaut de correspondance des 
généraux de nos armées avec lui, qui, depuis un mois, 
na pas été suivie; mais que les républicains ne doi- 
vent prendre aucune alarme des mouvements convulsifs 
des rebelles, parce que, d après son rapport, le Comité 
de Salut Public mettra en vigueur des mesures qui, sous 
peu , extermineront jusqu'au dernier des brigands. 

» Il a assuré le corps municipal et le^ Conseil Gé- 
néral de la commune qu'ils possédaient son estime et sa 
confiance, ainsi que les deux antres administrations 
dans lesquelles il n'avait trouvé que de vrais sans-cu- 
lottes; que la promptitude de son départ ne lui permet- 
tait pas de se rendre auprès de chacune pour le leur 
dire ; mais qu'il priait la municipalité de nommer quel- 
ques-uns de ses membres pour leur porter ce témoi- 
gnage de sa part. Il a terminé en demandant l'accolade 



74 UTBB MmÈm. --* gkap. t. 

fralernette aa cttoyen maire » dans son nom et celoi da 
ConsMl*GénëraI. 

ji Le citoyen Maire a adressé la parole an représen- 
tant dn peuple Carrier, et, an nom do Conseil, il lui a 
témoigné Testimeet Tamitié que son énergie républicaine 
et son ardeur à poorsuitre les contre-révolutionnaires, 
et à les faire punir, lui avaient mérité de la part des 
sans-culottes , et il lui a donné l'accolade fraternelle. » 



WH 



LA miroLvriov bv BHVTAmB. 75 



CHAPITRE YI. 



SVITB BV CmhVttMM PBiCÉBSHT. — IfAlITBf Wt SOV COMITÉ 

BlYOlUTIOnilAIBS. 



Noos n'avons pas rapporte tous les crimes de 
Carrier , c'eût été impossible ; mais nous les avons 
indiqués ; et les arrêtés , les lettres , les actes et 
les dépositions que nous avons reproduits dans 
leur originalité primitive ont dû en donner Yidim* 
Hab , pour tout dire sur cette fatale époque , il 
ne suffit pas d^avoir pénétré dans Fantre de ce 
cervier , car tout s'est transformé autour de lui ; 
et chacun des corps organisés qu'il fait concou- 
rir au développement de son système de destruc* 
lion , pourrait être l'objet d'études et d'observa- 
tions non moins importantes. Les svivre tous et 



76 livMB ssmkMB. — chap. ti. 

passer da club aux commissions militaires^ 
du tribunal au Comité révolutionnaire, serait 
fort long ; nous choisissons , et , assez heu- 
reux pour avoir en main le carnet graisseux et 
sali de Grandmaison , le plumitif du Comité ré- 
volutionnaire , et aussi les procès-verbaux des 
vbites faites chez ces monstres à Tépoque de leur 
arrestation 9 nous allons dire quel caractère de 
cynique férocité prit la pensée de ces misérables , 
quand chaque jour , les mains teintes de sang , 
ils aspirèrent h de nouvelles immolations. 

«r Le temps était tcdii , disent-ils , dans un mémoire 
récapitulatif de leurs actes , de tout régénérer , et c*est 
à la terrible action de notre Comité que la Vendée doit 
d avoir été réduite par les armées républicaines; car , 
ajoutent-ils , à ce maudit fédéralisme , nos Messieurs joi - 
goaient laccaparement en tout genre de marchandises 
de première nécessité...... 

» .... Et il fallait porter le dernier coup de massue 
sur la tète destrattres, non par une mesure partielle , 
mais par une mesure générale qui paralisât et mit sous 
les mains de la loi les gros coquins de la cité. 

j» Tous les yeux des patriotes étaient ouverts , et nous 
n*atteignions cependant aucun de ceux qu*il était essentiel 

d'atteindre Il fallut créer une compagnie d*un civisnie 

pur et bien prononcé qui formât une surveillance pre- 
mière. Il n'y avait pas un moment à perdre.... Nous oo 
dûmes donc pas attendre > pour agir , des preuves maté- 



JmA Màrotxynon ih BUTAein. 77 

rielles oo des dénonciations. Celai qni n'avait pas fait 
tout ce qu'il pottyaity tomba, par cela seol, dans la classe 
des gens suspects. Ainsi les égoïstes, les modérés et tous 
les gens à grands moyens.... Nous ne craignons pas de 

le dire, oui c*est à Tincarcération des ci-devant et de 
nos gens à grands moyens que l'on est redevable du suc- 
cès des armées dans la Vendée.... Ces incarcérations 

ont paralysé tout-à-coup les conspirateurs, et chacun 
deux s'est dit : Pour peu que je bouge ^ me voilà pris.,.* 
Ces moyens ne pouvaient venir que de la ville , et les 
scellés furent mis sur les coffres-forts. 

ff Nous ne dûmes pas oublier les accapa- 
reurs, et, pour cet effet, nous dûmes saisir tous ceux 
qui avaient le plus contribué au mouvement des mar- 
chaitdises....... D'aillenrs , c'était le plus sûr moyen de 

faire ouvrir les magasins et d'amener l'eiécntioD de la 
loi bienfaisante du maximum. 

Et ce fnt dans une séance formée des membres 
des corps administratifs et des commissaires de la 
Société populaire, réunis an Comité j qu'on arrêta 
trois listes; la première , formée des meneurs 
ei preneurs de fédéralisme ; la deuxième , des 
entêtés mutins \ la troisième, àe^patriotes pr(H 
nonces qui n'avaient été égarés qu'un ins^ 
tant; et , afin que les choses marchassent plus 
vile, ils expédièrent à Paris, comme ik nous 
rapprennent, les Dorvo , les Sottin, les Peceot,les 
Poton , les Pineau , les Bfartin , les Dnradiar , les 



78 UYBB SJWntaB. — CHAT. n. 

le Roux, le« Villesave , et les Vallot , qu'ils réa-- 
nirent ainsi h Bace, à le Tonmeax (1) 9 et Beaa— 
franchet. Voilà leur charte! Quant à leur ma- 
nière de procéder, il suflGit d'ouvrir leur registre 
d'écrou. 

ff Envoyé N...«. au Bouffay, conune suspect » 

On bien : 

a Interrogé TS , et mis en arrestation d'après ses ré- 
ponses contradictoires. » 

Ou bien encore : 

fc Envoyé au Boufiay le nommé N—«ff> sur soupçon 1 
quoique ses papiers soient en règle. » 

sons qtt'ils remplissent chaque jour, recueillez 
leurs propres rapports : 

« Sur la dénonciation de Potet fils^ est-if dit, à la 
diateda 2t vendémiaire an 2 > relativement aux prisonniers 
dn Bosfiay, qui se vamlent d'être en Kberté demain , et 
qui prétendent qu'il e«^ inutile de leur tremper la soupe 
pour ce joi^r, arrête : que Perrocbaud sera envoyé au 
Boufiay pour s'éclaircir de la vérité du fait * » 

Et plus bas; 

« Sur le rsypprt 4e Perrechaud yeonfarme à la dé<da- 
ration ci-dessus^ arrête : ^'il sera de noaveau dépnté 

" >( t) Le Tenmenx lot ministre de llntérienr en Fan Y. 



XA MàWOLVTiOV Bl BUTACm. 79 

{ttès des admiaistnilioas poor iiitenrog«r les pritooniers 
lia BooBàjy «I leor anaoneer qu'Us «eniit futiUét «ar 
l'heure, s'Uf b a^Boent fsi a pu leur donaar dea roMoi- 
gnements capables de nourrir lespoir dont ils se flattent, 
et ridée d'âlre iilires dès demain, s 

Mais pour mieux rendre compte des actes et 
âe la cKKidaîte de ces gens , assistons à qnekpies- 
ons ée le BU» ooneHiabiiles : — Une fob , le 1 5 bm- 
mairo , ils arrêtent qu'en raison du grand nombre 
de passe-ports demandés au comité pour pas§er 
aux Colonies et à k Nouvotta^Angletèrre , les re« 
(Mrésentairts s<NN>nt inntés à mettre l'embargo sor 
tons l^s navires prêts à partir. — Et cet arrêté est 
immédiatement rendu par Carrier. — Terminant 
cette séance par une autre affaire , nous trouvons 
les deux lignes qui suivent : 

M Ineareéralioade tous les ^ans rîchas et de tous les 
gens d'esprit, que Topinion désigna caasBie sBspeeta. 
Jk Séance levée i 10 heures da seir. 

« Bàchblier 9 président ; — Gouixiir , secrétaire, s 

Pms revenant le 18, et jours suivants, sur cette 
détermination , nous trouvons les lignes ci-après : 

ff Arrête de faire désarmer les gens suspects, et de 
nommer deux membres de la compagnie Marat, avec un 
étofêa. de ahmqjàmaatAmfOfaatj proiédor^Les laeioiNres 

du (^Aiqîté 9*<^c«|pimt dp Immt te Jiate des 

qui doivent être désarmés. 



80 MTRB SBPTlkHE. -*- CHÀP. ?f. 

j> II est aussi arrêté qu'il sera envoyé de la compagnie 
Marat six surveillants dans les tribnoes de Vincent La 
Montagne pour en faire leur rapport chaqoe jour au Go- 
mité révolutionnaire. 

» Envoyé sur la galliote hollandaise cinq prêtres nom- 
més » 

Quant à cette noyade de 129 malheareux qui 
eut lieu à peu près à cette époque 9 voici la seule 
trace que nous en retrouvions bur leur registre : 

« Séance du 25 frimaire an II. — Liste des prison* 
niers transférés du Bouffay à une embarcation pour être 
conduits à Belle- Ile, Voyez cette liste f séance du 24 fri- 
maire , n.<* 3 i. ( MaiS| de fait , on ne trouve rien à ce ren« 
voi). 

ji 29 frimaire an II. — Envoyé à TEutrepôt grande 
quantité de brigands qui se sont rendus volontairement 
àNort. 

» 8 nivôse an IL — Envoyé à TEntrepêtTOO brigands 
venant de Saint-Florent. 

» 8 nivôse an 2. — Envoyé au Tribunal révolution- 
naire n.... et G.... » 

Et chaque jour la Commission , TEntrepàt 9 les 
Salorges , le Tribunal révolutionnaire, recevaient 
des masses de malheureux qui ne sont pas autre- 
ment désignes. 

Mais Fentassement des prisonniers et la maladie 
fonnent bientM obstacle ^ comme nous l'avons 



XA 1ÉT0LIITI09 SX lUTA^IX. 81 

dit 9 à ce que de noayeaoz détenus smeirt dirigés 
sur les dépôts qui existent ; et je trouve , sur les 
registres da Comité , à la date du 2 nivôse : 

ff Avis verbal da représentant Carrier pour délivrer 
des enfants de brigands à ceux qui en demanderont; 
c est-à-dire les filles à 13 ans, et les garçons pas au-des- 
sus de 15 ans. » 

Mais cette mansaétade ne fut pas de longue 
dorée, et dès qne> Carrier eut avisé au moyen 
de se débarrasser des enfants comme des per- 
sonnes âgées , il fut donné un réquisitoire à Joly 
(le 15 nivôse). 

c Pour aller à TEntrepôt demander au concierge le 
nom de ceux qui avaient pris chez eux des enfants de 
brigands j conformément à la proclamation du Comité, et 
leur enjoindre de les reconduire à TEntrepôt. » 

Mais 9 à quelques jours de là ^ quand les enfants 
furent réintégrés à FEntrepôt 9 et que Carrier eût 
fait savoir, dans sa correspondance avec le Comité, 
que tous les courtiers et les individus qui y de^ 
puis la révolution , avaient exercé un com-- 
merce nuisible aux sans-culottes, devaient 
être incarcérés, ainsi que les marchands et 
marchandes de denrées de première néces-- 
site, on trouve les lignes suivantes : 

— Réquisitoire à Joly » commissaire révolutionnaire , 

6. — 4/ VOL. 



82 LiTBs snriÈME. -— CHIP. yt. 

de ftnre transférer les brigands àt l'Bnlrepêl dam des 
gaUoteft) iqprès «voir dit «etleyer |Mr les pmomierft 
mêmes le susdit tieu t » 



Gkacini ées nembreB ée ce comité a d'âîl 
son rdle , et Bachelier avoue aa procès , que le 
rôle de débonnaire lui est échu, et que c^est à lui 
qu'il appartient de jeter quelques paroles d^hu- 
manité dans la discussion, quand les prévenus 
sont amenés à la barre du comité. Le carnet 
de Ot*andmaison nous Tapprend également; et si 
Goullin Iraitait â^ ce qu'il semble plus particuliè-* 
rement avecle représentant des mesures à prendre, 
Girândttiaisoii parait avoir eu surtout la charge 
des exécutions. 

c — Penser à Fétat de rargenterie. 

» — Penser à la femme M... •• 

» — Penser au procès- verilal , etc. 

» — Penser à dénoncer Ittusset au représen- 
» tant du peuplé, etc^, etc » 

Tefles sont les inscriptions que nous retrouvons 
sur ce carnet. 

Mais des hommes dont le rigide patriotisme 
exigeait que la population entière de Nantes 
fàt incarcérée pour parvenir à sa régénération , 
n'eurent garde, comme on le pense bien, de 
négfiger lews intérêts personnels. £t si , comme 



Là, ■irox.mROH sir siSTA^ra. 83 

Mos Tavous va , sa clmpitre précédent , la dé* 
poniila des victimes, leurs vêtements ^ leurs chans^ 
sures j fiH^nt abandonnés aux exécut^irs , ne 
croym pas que les ordonnateurs de ces massacres 
aient négligé ou dédaigné des objets plus pré- 
cieux. Les procès-verbaux , rédigés sur Télat des 
Meus occupés par le comité , au moment où les 
dënoncèations de Fbelippes vinrent dévoiler ses 
turpitudes , nous apprennent que plusieurs pièces 
étmiat rempfies des objets les plus rares et des 
marcfaafidises les ph» précieuses. Les devants 
d'autel, les diasnbles isî les ornements d'église 
en veioifirs et en étoftns brochées d'or et d'argent, 
y étatent par centaines. On y remarquait aussi des 
vases précieux consacrés an service du culte, 
mais ^ comme notis l'apprennent ces mêmes pro- 
eès-verbaux, toutes les ridresses de fautel étaient 
déshemorées H dépouMiées de leurs crépines ou 
de leors galons. — Faut-M s'étotmer , d'après cela , 
que l'eu ait trouvé plus tard chez Bachelier , des 
couverts d'argent armoriés, des jetons aux 
armes de la ville , ^es bagnes en diamants , des 
tabatières d'or, un t^lKer de perlés , uhe timbsAle 
d'argent marquée Gilles Cheuniiej un bracelet 
à pierres , renfermé dans sa gaine en soie , etc. 
■Gëpendacot | ce ne sont pas là les seules res- 



84 I.IV1X sBmtaB. — ceàf. tx. 

sonrces de ces hommes habiles; Chaaac et 
osent ôgner plosiemrs lettres adressées à des gens 
riches ^ qulls tiennent sous le coup de la menace , 
et avec lesquels ils traitent de leur rançon. Un 
particulier nommé Job est cité pour avoir donné 
50^000 liv. au comité et avoir été ensuite relâché ; 
Geslin donna 30,000 hv. ; Bretonville 50,000 liv., 
et Perrpc;heaux , voulant encore surenchérir, osa y 
ainsi que la chose fut prouvée aux débats , mettre 
pour condition à l'élargissement de ce malheu- 
reux , que sa fille s'abandonnerait à sa brutalité. 

Mais ce qui dépasse peut-être tous ces faits j 
c'est ce qui eut lieu à l'occasion des frères Thoinet^ 
alors les plus riches négociants de Nantes , et 
comptant entre eux douze enfants. Ces deux 
jeunes hommes , qui avaient veirsé dans la caisse 
municipale jusqu'à 300,000 liv. pour concourir à 
l'achat des grains destinés aux approvisionne- 
ments de Nantes , ne se contentant pas de ce 
sacrifice , étaient tous deux attachés à un batail- 
lon républicain qui servait activement dans la 
Vendée , quan^ le comité , violant leur domicile 
et forçant leurs magasins, en enleva les mar- 
chandises ,qui s'y trouvaient, et poussa l'audace 
jusqu'à spolier les valeurs qu ik avaient en porte* 
feuille. Rappelés à Nantes par la maladie de leurs 



XÂ BiTOLimoir sir bbxtaghb. 85 

enfants 9 ces coaragenx citoyens sont arrêtés et 
jetës dans un cloaque où ils périssent tons denz. 
— Vainement des amis, des patriotes , exposent* 
ils qo'on les a vos dans les rangs de Tarmëe faire 
des prodiges contre les Vendéens : i/s sont de la 
classe des riches ei de ces gens dtesprii^ 
de laquelle il faut se défaire à toot prix* 

D'ailleurs, comme la diose est formellement 
établie par Phelippes TronjoUy dans ses déposi- 
tions , si on traita au comité même des échéances 
et des époques de paiement pour des rançons 
convenues, n oublions pas que, fatigué des récla* 
mations que devaient susciter tant d'excès, le 
comité fut jusqu'à prendre et afficher un arrêté 
par lequel il déclara suspects les parents ou amis 
qui ' chercheraient à interrompre le cours de la 
justice révolutionnaire par des sollicitations im* 
portunes. — S'étonnera-t*on, après cela^ que Fun 
d'eux. Bachelier, étabUt en principe qu'il n'y 
avait' en révolution que des lois de cirçons-- 
tances. Qu'un autre , Goullin , répondit au pré- 
sident du tribunal révolutionnaire ; est-ce qtiil 
faut des preuves pour faite passer certaines 
personnes au rasoir national; on leur fait 
mettre la tête à la fenêtre sur t étiquette du 
sac ; et que , pratiquant lui-même cette doctrine , 



86 UVMM SBFTIÉU. — - CHAP. TI. 

U ait fittt përir ea prison Tim de ses InenfiEMtonni , 
auquel il devait des sommes coasid^nèiles et dé- 
tenir une femme , dont il avait eu , dit Tronjoily , 
le lit, le cœur et la bourse. Mais ses pn^res 
paroles nous le peindront encore mieux que nos 
récits. Cette fois , c'est à la famille Hervé de La* 
liauche qu'il en veut : 

« On reconunande , ëerit^il k ses collègues, les gredins 
ci-dessus (Labaoche et sa fille) déguisés en paysans, qui, 
outre le crime de s'être cachés et d avoir brigandé , sont 
en outre chargés d'avoir des parents émigrés. -^ Ces 
honnêtes gens sont fatigués, malades^ ils ont besoin des 
soins les plus délicats^ c'est justice de leur expédier un 
billet d*hôpital; en vérité, en vérité, le comité révolution- 
naire ne peut se dispenser dé les recommander chaodo- 
menl à ses frères de la commission militaire. » 

Qu'après cela j et au milieu de ces désordres, 
on lise sur le fronton de tous les édifices de 

Nantes : Utïité , indivisibilité de la Républi- 
que; LiBSRBÉ, FRATSaiflTÉ, ÉGALITÉ. Qu'ou 

lise à tons les carrefours , une ordonnance de po- 
lice municipale qui prescrit aux propriétaires 
de maisons de faire enlever de leurs façades , les 
figures propres à entretenir le fanatisme , et de 
leur substituer les bustes des Brutus, des Le 
Pelletier , des Marat , etc ; qu'on n'entende plus 
de cloches , ni même le carillon du Bonf- 



LA ■ËTOLUnOJr IV BBITAA9B. 87 

fay , jusqu'à ce qu'il ait été dispose pour jouer 
des airs patriotiques; que les convois funè- 
bres se fassent sans prêtres et sans exposition 
aux portes; enfin qu'on lise sur un autre point 
à la bourse j un arrêté du comité de salut public 
qui prescrit au commerce de Nantes d'exporter 
dans le court espace de trois mois^ pour dix 
millions de café , de sucre et de vin , afin de réa- 
liser des fonds qui puissent être appliqués à l'a- 
griculture ; pois que sur d'autres réquisitions des 
clubistes de yincent-la-Montagne , alarmés eux* 
mêmes du rapport qui leur a été fait, au sujet 
du sang que Ton a vu couler de l'échafaud jus- 
que dans les boutiques qui sont placées sur le 
Bouffay , que Ton voie , dis-je , sur cette même 
place un immense bassin recouvert d'un prélat 
rouge , duquel le sang déborde encore , et Ton aura 
pris une juste idée de Tœuvre de Carrier et du co- 
mité révolutionnaire , quand , par une dernière an- 
notation de ce même comité ^ on aura appris que 
chaque jour les maisons de jeuœ sont plei^ 
nés comme par le passé ^ et que les rues sont 
inondées de prostituées. Voilà avec la famine, 
la peste et une nouvelle guerre vendéenne, les 
biens dont ces monstres dotèrent la ville de Nantes, 
en se disant les fondateurs de l'égalité et du bon- 
heur du peuple. 



LA BÉTOLOTIOH BN BÉBTAMB. 89 



CHAPITRE Vn. 



8U1T1 DB I.A TBBBKUB. ^ COMMISSIONS M1UTÂIBB8. — BBHRBS. 



La terreur ëtait donc à Tordre du jour , elle 
était le point de doctrine fondamentale des re* 
présentants qui parcouraient nos départements. 
Aussi Nantes seul n^en fut-il pas doté , et si nous 
Toyons Bréard k Brest , solliciter rétablissement 
d'un tribunal révolutionnaire , en citant l'exemple 
de son collègue Carrier^ qui marche comme un 

braveb , il faut nommer encore Jean-Bon-Saint- 

André et Prieur qui instituèrent à Saint-Malo et 
à Antrain deux commissions militaires révolu^ 
tionnaires , quand déjà Pochole en avait établi une 
à Rennes, et que les représentants, attachés à 



90 UrMB SBPTrinil; *— CflAVw TU. 

Farmëe d opération ^ en avaient aussi créé au 
Mans, à Laval , à Angers. 

.Bminemnient révolutionnaire > plus peut-être 
que les comités et les tribunaux exceptionnels 
dont on a tant parlé > c^esl surtout au sein de 
ces commissions et dans leurs registres qu il faut 
chercher la pensée , toute d'action et de terreur , 
que professèrent les hommes qui , luttant contre 
la Vendée et l'étranger , se posèrent comme les 
apôtres du sans-culottisme , régime nouveau, pour 
lequel il fallait au préalable faire table rase. — 
Ecoutons-les, et nous en jugerons. C'est Pochole 
qui, arrivé à Rennes, quand Carrier en partait 
pour Nantes, a reçu sa pensée et ses confi- 
dences. 

ff CoDsidf^rant que la sévérité de la discipline mili- 
taire et la punition des lâches et des traîtres qui om* 
pronetleirt le salut de la République, peuvent seules 
assurer le sueoè» de nos armes ; 

» Que le sang versé par Tineptie ou par la malveil- 
lance des chefs doit crier vengeance contre ceux qui 
1 ont fait répandre ; 

a Qu'il est utile à la patrie d*épouvanter par la rigueur 
de l'exemple ceux qui semblent se faire un jeu de la vie 
de leurs semblables et sacrifient k leur inexpérience les 
plus braves défenseurs de la liberté; 

» Que tout délit, quel qu*il aoit, dans ooe armée , 



JJk BirOIUTIOH EM BUTAftHi. 91 

quand il tend à y inirodaire la désorgaDisali^n ou à y ré- 
pandre des principes contrairea au républicanisme , mé- 
rite la mori; 

» Arrête: Qaune commission militaire révolution- 
naire, composée de cinq membres, jugera en dernier 
ressort , et sans antre forme que la décision de la ma^ 
jorité de ses membres , d après un interrogatoire et un 
audition de témoins , tons les brigands pris les arnes i 
la main; tous les coupables conTaincua d avoir crié 
^we le Roi! etc., etc. 

Et ajoutant de nouvelles instroctions à cet ar- 
rêté, daté du 19 brumaire an 2, il disait aux 
membres de cette commission (le 24 brunotaire) : 

o Aucune considération politique ne peut vons empê- 
cher d exécuter la loi du 19 mars 1793. Des républi- 
cains révolutionnaires ne doivent pas connaître le pardon. 
Les traîtres ont trop souvent abusé de votre indulgence. 
L'armée vous observe, et sans doute elle n attend pas 
que le glaive de la loi épargne ceux qu'elle n'eut pas 
épargné sur le champ de bataille. Ces décisions, ci- 
toyens, qui coulent à l'humanité, sont dictées parlW 
térét de la patrie, qui doit l'emporter sur tout autre sen- 
timent. i> (1) . 



(1) L'arrêté de création de lune des commissions de 
la Loire-Inférieure portait: qu'en l'absence i/^é/étio; Z^- 
moinSf le procès-verbal (Vun fonctionnaire en exercice^ 
suffirail pour la démonstration du faii et la cofidam^ 



92 liTBS SBPTiiEHB. — CHÂP. TII. 

Pois, il les autorisait à faire faire une nouvelle 
guillotine ; celle qui existait sar la place du Palais 
de la Loi ne suffisant plus. 

Mais, soit que cette commission ne répondit 
point aux vues et aux projets des représentants, soit 
qu elle ne suffît point réellement à expédier tous 
les jugements qui lui étaient remis , tant est-il que j 
le premier frimaire an II , un autre arrêté signé des 

représentants Bourbotte, Prieur et Turreau, ajou- 

. • * • ' . * ■ • . 

tait aux deux commissions déjà instituées à Rennes 
et à Saint-Malo, une troisième commission, char- 
jgée de punir avec célérité les scélérats qui 
avaient pris les armes contre la liberté ^ et 
tous les contre -révolutionnaires qui cher- 
chaient à fomenter dans V armée Vindisci- 
pline^ pour parvenir à la désorganiser et à la 
dissoudre. Et chacun des membres de celte com-' 
mission , composée des citoyens Brutus Magnier , 
président ; — Defiennes , accusateur ; — Goulon ; — 
Bossenge ; — Bemaëly , — et Scœvola , greffier , 
recevant une indemnité de 12 liv. par jour , se mi* 
rent à la besogne , après s'être pourvus de 7 bon- 



nation de l'accusé. Jai lieu de penser que cette juris- 
prudence devint plus tard commune à toutes les com- 
missions militaires en exercice dans nos départements. 



lA BiYOXUTIOH B5 BEBTA61IB. 93 

nets ronges da priic de 45 liv. et de 6 sautoirs 
et médailles do prix de 230 liv. — Ainsi nantis j 
ils s'adressèrent aux citoyens d*Antrain j et leurs 
dirent : 

« La commission militaire réyolationnaire tiendra pu- 
bliquement ses séances chez la Teave Bezot^ rue de la 
Municipalité , près la grand'halle. Citoyens , si tous con- 
naissez des scélérats qui cherchent à fomenter rindisci- 
pline dans les armées pour parvenir à les désorganiser, 
des lâches que ni l'honneur, ni les devoirs ne retiennent 
à leur poste dans les moments glorieux d'un combat; si 
vous connansez des dilapidateurs , des conspirateurs, des 
ennemis de la liberté et de régalité, venez promptement 
nous les dénoncer, et sur le champ, vos voeux seront 
remplis, vos cœurs seront satisfaits. Une prompte jus- 
tice vous consolera d'avoir été témoins de quelque forfait 
envers la république. » 

Et, se mettant à Tœuvre, ils constatèrent chaque 
jour, par des interpellations de témoins on par des 
procès-verbaux , l'absence de ceux qui leur furent 
désignés pour avoir suivi le parti des rebelles, 
s'être ralliés à eux , ou les avoir accueillis à leurs 
divers passages. D'ailleurs, se tronve-t-il d'une an* 
tre part dans l'armée républicaine quelque soldat 
accusé d^avoir pillé les malheureux habitants des 
campagnes , et il n'en manquait pas; ils le con- 
damnent , pour l'exemple , à la prison et à rester 



94 LIVBB SXPTIÈVB. CHAP. Tlt. 

attache à un poteau ayant au cou les poules qull a 
Tolëes^ on bien les souliers que l'on a trouvés en' 
douUe dans son sac, quand la plupart des défen- 
seurs de la patrie marchaient nu -pieds. 

Ainsi créée dans le double but de comprimer 
les lâches et de punir les rebeUes , cette commis- 
sion prit bientôt un caractère tout particulier , et 
qui tenait autant de Fadministration , que de Tor- 
dre judiciaire. La nouvelle lui ayant été trans* 
mise , que quelques troubles ont eu lieu à Saint» 
Âubin-du-Cormier , elle s'y rend le SQl'frimaire , 
et 9 nantie de ses bonnets rouges et desesmédailles, 
eUe va dioscendre à l'église, accompagnée de quel- 
ques hussards. Aussitôt , Brutus-Magnier fait son- 
ner la cloche, et convoque une assemblée géné- 
rale des habitants. 

cr Les citoyens s'étant rendus à cet appel, dit le procès- 
verbal, le président, dans un petit discours, leur recom- 
mande la paix, et propose de tenninei: à Vanûable une 
dttàm qui pouvait avoir ks plus fâcheux résultats ( la 
conmmie était acctuée de coatoe-révolatien, et d'ms- 
tocratie). Aussitôt i les citoyens demand^:<eat à grands 
cris rétablissement d'une Société populaire pour préve- 
nir, par Tinstruction , de pareils malheurs. Un comité de 
surveillance est nommé sur le champ ^ la commune se 
donne le nom de Monkigne-Ia^Foréi, et la Société a eu 
Qoe «éance bien intéressante qui Toit triomij^er la pUlo- 



hJL BâY^lXtïûS m B1BTA6FS. 95 

Sophie sur ]e fanatMine 6i rigHoranee. Une seuBeriplîoii 
s'esl aussi ouyerte en faveur des pauvres , et la eommis* 
sioD, teujoiirs philantlirope, n'a point refuse une offirande 
à l'indigence. La commission est partie à 4 heures , après 
avoir eu la douce satisfaction de se voir bénie et louëe 
par toute la cemmune de Moûtagne*la«FcMrét, qui a poussé 
la éélicatesse «u pomt de payer la dépense faite à Tau*- 
berge par lesdits commissaires. 

ff L.-P.-B. Brutus-Magnier , président ; — Scœvola , 
secrétaîre^greffier. a 

Qui ne croirait , à voir les poales attachées au 
cou d'un soldat , et cette bonhomie avec laquelle 
lesdits commissaires portent snr lenrs registres 
que les habitants de Montagne-la- Forêt les ont 
loués et bénis en payant leur écot à Fauberge ; qui 
ne croirait 9 dîs-je, que ces nouveaux Brutos 
sont les plu béttins x^ublkaîo» qne nove ayons 
encore trouvés. Mais, suivotishles ^^ <m nûeux, 
onvrons^ lettr registre de délibérations et d'ar- 
rêts de morlk 

TJtk deuxième arrêté de Prieur, Boorbotte, Po- 
chole et Boursault vient de leur attribuer la fk-- 
culte de mettre en arrestation tous les parti- 
culiers ^'Os Jugeront suspects et €t4fppQser 
hs seeUés sur leurs papiers^ Us oal eitraQgistré 
ccrt arrêta , et ik conânoeiit : 

« On s*est ensuite occupé des brigands , et ceux 4u*on 



96 UYU SimftSB. — CHA?. TU. 

a interrogés sont Bené Ghevelot, René Albert , Jean 
Abeilard, François Brunet, tous quatre laboureurs à 
Cbanteloup; Joseph Plessis, fileur de laineà Saint-Lezin; 
Joseph Bonda » domicilié à Saint-Lo-d* Angers ; Pierre 
Séché, menuisier à Ghemillé, âgé de 16 ans, lequel , avec 
Joseph Plessisy a été renvoyé en prison jusqu'à ce qu'on 
se soit informé de leur âge. Les autres ont été condam- 
nés à mort. 

» Séance levée à 10 heures du soir. 

» BrutusAfAcmBRy président; 
» ScoBVOLAy secrétaire-gre£Ber. n 

— - Autre séance : 

cr Une lettre reçue de Montagne-la-Forét annonce que 
des intrigants y troublent de nouveau la paix; la com- 
mission autorise l'accusateur à faire arrêter le nommé 
Angers qu'on dénonce comme auteur des troubles. La 
liste des brigands amenés le 3 de ce mois est épuisée 
par la condanmation d'un enfant de onse ans et d'un fou 
à la réclusion , et par celle à mort de six autres scélérats. 

» BauTOs BlAOBiBa , président. 
» SccBVOLA, secrétaire-greffier. » 

Et voilà deux jugements après lesqnek se lisent 
les lignes suivantes : 

cr Séance du 9 nivôse an 2, an matin. 

» Les trois tribunaux militaires en ce moment réunis 
à Bennes , devant tenniner la fête qui aura lieu demain 
au sujet de la prise de Toulon , par un repas fraternel y où. 
le représentant du peuple est invité de se trouver , et où 



LA liroxunoH bit BUTiGn. ^ 97 

se trouvera aossi le vengeur du fueuple (vive rëgalilé 1 ) « 
a arrêté qu'il n'y aura pas de séance demain. — Deux 
sœurs de la cbaritéy appelées devant la commission pour 
répondre sur one inculpation de prévarication qui leor 
était faite, ont en Tefironterie de déclarer liautemenl^ 
devant le peuple y qu'eD^s la'aTaîent point prêté et ne 
prêteraient jamais le senn^mt sacré de la liberté et l'éga^ 
lité. En conséquence 9 elles ont été déclarées suspectes 
et incarcérées. On ne manquera pas de prendre des me- 
sures pour faire subir lé même sort aux autres nonnetles 
qui seraient dans ks même$ intentions. . 

— Et aa bas dé la même page : . 

« Il n'y a point eu de séance le onze « parce qu*il n'est 
pas de bonne fête sans lendemain. D'ailleurs, 1^ repré»- 
sentants du peuple Lavallée et Laplancbe , qui avaient 
assisté au repas, ont voulu en rendre un ce jour-là. Ces deux 
jours ont été bien agréables , car c'était la fête du èœur. s 

Et c'est sur un registre d'arrêts de mori , qui ^ 
à chaque page , en contient dix pu douze ^ que ce3 
lignes sa trouvent consignées. — r Mais suivons : 

« Séance du 12 nivôse au soir, 

s Le prêtre Jean Mercier, déjà interrogé dans la séance 
du ^ de ce mois , est définitivement jugé et condamné à 
mort. 

s Séance du 13 nivôse an 2 an soir. 

a La commission militaire de Saint-Malo , n'ayant osé 
prtBndre sut elle de juger dâhiitivement 4es brigands » 
les a renvoyés au tribunal criminel de Rennei. Mais 

7. ~ 4/ TOL. 



UTBI fnrittB. «— CMA9. ¥11. 

noCre oommisiion a réMu ^e les joger , afin de ne paa 
les laisser pourrir 4aiis les p'isoos, et qaati^ ont été 
ianerrsgés ce sw pendant ga*un mesabre était aDë le^er 
les seellës elies les sceoes gflses , p<mr vmr s'il n'y avait 
rien ée saspect dans lenrs ^piers. Ce soir on vient 
annoncer la ei^ere du cî-devànt prince de Tabnont (I), 
et la séanèe a été levée à 9 faenres. 

a SéttDCe do 16 nivAse an S an matin. 

a Trois petites filles , sœors des jeunes gsrçons Aubin» 
Mttt interrogdes, et tons ceux diiier reparaissent à la como 
mission. — Marie Charleii, — Anne Bénis, •--- Françsîa 
Chevrier sent condamnés è la peine de mort. Tous les 
enfants sont destinés à être soignés dans un hôpital. 

a On s est^ ensuite occupé d-interroger %i% brigands 
maie comme il vient un soupçon , qu'ils avaient été Jugés 
par fautrè commission /on les renvoie en prison, a 

Çep«datf , le imdbmain, oo apprend qu'UsnV 
vaientpas été jugés, et ils sQDt condananés ^ porter 
leur tête sur réchafand. — Maïs la mort vient 
frapper à son tour Fun deç juges de là commission 
militaire d^Antrain , au moment où Tépidémie qui 
régnait dans les prisons et Farmée vendéenne, 
donnait les plus vives alarmes aux habitants de 
Rennes. Un arrêté fut pris à ce sujet: 



'(é) Voir lia oondamnaiiea et ya mort an dernier ehai- 
ptta dn^Kfle prééédent. 



ff Esnae-Lavallëe y roprë^entanl d<i peuple daâa les 
départements de l'ouest et du centre. 

» Sur lexposé fait par le président de la commission 
militaire séant ci-devant présidial de Bennes, que le 
citoyen Remaêly, membre de cette commission , décédé 
ce jour, a, en n^urant, manifeste le désir d'être placé an 
pied de l'arbre de la liberté. 

» CoDsidéraot que le citoyen BeaiaSI^ n'a payé le 
tribut de la nature, gue par suite des travaux maUi- 
plies et des devoirs que son état lui imposait ; que 
l'aspect et la crainte d'une maladie pestilentielle dont 
étaient attaqués les brigands , loin de ralentir son zèle et 
son énergie , l'ont au contraire porté à sacrifier sa propre 
existence, diine la vue d'artéter les progrès da fléau 
peitiieiitial qui menaçail b cemaiiiine de Beanes et* sea 
environs ; 

j» Considérant enfin quQ cette abnéjg^ation de, soi-même» 
mérite au citoyen Bemaëly une sorte de respect pour ses 
derniers vœux ; que d'ailleurs les cendres d*un vrai 
républicain sont propres à enraciner et faire croître 
l'arbre de la liberté; 

a Jknrâte: qa'e» vertu àm désirs parlai manifesiés, 
et pour i^^dre bemniage à ses vèrtm lépdiUcâofa» le 
eorps du cilogren Bemaëly sera iobumé prépaUîii^f « 
ment , demain matin vers les tO heures , sur la place de 
l'Egalité , et au pied de l'arbre de la liberté, od seron| 
chantés, l'ode à la liberté et des hymnes analogues à la* 
cérémonie* a 

Ce qui 9 en effet , eiit bea en grand concoçirs de 



jçj ^•^ ■€% *^y. 1^-^ «■■*-• Ç 1 



'A '^ >«->'«-■ 






100 IIYBB SIPTltaB. GVÀP. TU. 

peuple, au brmt des musiques miKtaires de la 
garnison, et sous la direction de Brntus Magnier, 
qui jeta des fleurs sur la tombe de son collègue. 
Toutes les autorités étaient présentes et pourvues 
d^une branche de cyprès qu'elles portaient à la 
main. 

Poursuivant ainsi ses actes de vengeance et 
ses pal^des, la même commission avait prononce 
du 2 frimaire au 14 floréal, dans un mois, 294 
jugements qui portèrent sur 1,000 à 1200 per- 
sonnes , desquelles , quatre cents au moins avaient 
été exécutées^ quand « des jeuiies gens de la 
ville de Rennes lui envoyèrent une députa-^ 
iion pour demander à Sire eux-mêmes les 
exécuteurs des jugements criminels quon 
devait exécuter militairement , afin d^ assou- 
vir la rage que leur inspirent V existence des 
vils chouans. » 

Et Brutus Magnier continuant sa rédaction , car 
presque tôixt le registre duquel nofis faisons nos 
extraits est de sa main , ajoute : « le député reçoit 
r accolade fraternelle , et le tribunal prendra 
leur demande en considération. » 

Et c'est à Taide des principes qui ont amené ces 
jeunes gens à offrir leurs bras aux bourreaux , 
que f une de ces commissions condamne , comme 



£A BiVOIimOJI BV BUTA6VB< 101 

je viens de le dire, 1,000 à 1,200 penotines; 
qu'une autre , sëant au pakis de justice , en con- 
damne à peu près 2,000 par 402 jugements, et 
qne toutes rivalisent de zèle avec celles de Nantes 
et du Mans , qui avouent , Tune , 4,060 condamna- 
tions à mort; lautre, 2,896 en deux mois. 

Mais ici, nous devons le dire sans détour , nous 
concevons très-bien cooiment il se fit .que , quand 
les partis en lutte s'égorgeaient sur le champ 
de bataille , dan« les ambulances, et dans les hô- 
pitaux, comment, dis-je, il se fit qu'il y eut des 
commissions militaires à la suite des armées, char* 
gées de mettre à mort ceux qui avaient échappé 
à r^ée des combatiants* Les partis politiques 
n'ont jamais autrement compris k destruction de 
leurs adversaires , et les formes adoptées pour 
consacrer cette sauvage doctrine en font la seule 
di£Eerence. — Mais que, daos ces horribles exi- 
gences de l'esprit de parti , il se fut trouvé au moins 
quelque chose de grave et de solennel, et nous 
aurions pu en ne considérant que le résultat défini- 
tif, la liberté que nous avons conquise, nous écrier, 
peut-être aussi avec d*autres, que la terreur sauva 
le pays. Mab, après ce que nous avons vu à Nantes, 
après ce que nous venons de voir à Rennes, 
quand nous devons , pour remplir notre devoir 



ittt xiTn SBrnÈUB. «* chap. tn, 

d'historien, signaler la jeunesse d^nne de nos TÎlles 
se mettant aox ordres du Vengeur, nous ne 
saurions contenir Findignation qui nous oppresse, 
-et nous nous écrirons aussi avec les plus patriotes 
-et les pins dévoues de ces temps malheureux^ 
avec le président du Tribunal rëvolafionnaire de 
Nantes , que ce furent ces excès qui rallumèrent 
la guerre dans la Vendée, quand les brillants 
succèai de Marceau et de Kléber, les victoires 
>dn Mans et de Savenay, semblaient l'avoir si heu- 
reusement éteinte. 

Nons n'avons point encore tout dit cependant 
sur cette effroyable crise dont plusieurs mesures 
furent d'un résultat immense et incontestable. Et , 
après avoir parlé des excès commis dans la Loire- 
Inférieure et riUe^et-Vilainè , nous avons à nous 
occuper de la Ville de Brest , qili vit tomber les 
tètes des vingt*six administrateurs du Finistère , 
le jour où notre marine, détruite dans un des 
pins grands combats de mer qui aient été livrés , 
ne nous laissa , pour témoignage de là valeur fran- 
çaise , que le souvenir du vaisseau le Vengeur 
s'abymant dans les 'flots. 



là liTMimOH M MITAMn.. lOS 



OHAPiTAfi ym. 



ntsiov BÈ i»AB'»ow mam-Anamà n m tuivi (m la itAm) « 

BB9ST. <~ liynoSMHATI^ Mt BinMl n lA iMini 

AUX OiraXI 9» MOftAlS Bl 6AIXU. . 



Nous at OBS déjà dit y ekapikra II db c« ivre y 
comment et daitii quelles Gircorâtancee avait eà 
Iko Torgaftisation da IribaÉal révolatîomairà de 
Brest ; et nous avoM dit aussi eommeot les basses 
fesses et les eachots du château de eetle vilie 
s'ëtaieirt renqoAis' de suspeets désignés à la vindicte 
des reprësMitanto par les dënenciateurs à gages^ 
pris dans le bague et les bataittons maratistes que 
Laignelot avait tntfués à sa soke. Mais Brëard , 
retenu par la goutte, conune il récrivait à son 
pollèçM J^avhBoB^ attende^ le retour de eelnî^ei 



pour donner au tribanal rëvoiotionnaire . toute 
rimpolsion qui devait répondre à leurs projets. 
Car , à Brest 9 la guillotine et le trihjanal révolu- 
tionnaire ne devaient pas être, non plus qu'à 
Nantes et à Rennes , de sini|)ie6 instruments de 
vengeance , il y avait là aussi une armée à orga- 
niser, et si la première pensée de Bréard fut 
dVppeler près de lui Hugues et Ânce , raccusateur 
public et le bourreau de Rochefbrt, ceux-là 
même, qai avaient vengé le peuple, comme on 
le disait alors , des trahisons de Toulon , c'étaient 
aussi des officiers de marine, un lieutenant et 
deux bas officiers du vaisseau la Ferme que le 
tribunal de Brest atteignait d'abord. — Tout fut 
donc calculé à Brest pour la formation du tri- 
bunal révolutionnaire et des comités de surveil- 
lance, dans la double pensée de réôrgtamser la 
marine , qui était en dksolntion , et de terrifier le 
fédéralisme dont l'administration du Finbtère 
(décrétée d'arrestation le 19 juillet) , était repré-» 
sentée comme b principale souche. Voilà- du 
moins ce qui nous semble ressortir des faits 
mêmes , et il suffira, pour s'en convaincre, de les 
rapporter 9 non qne nous reoberehions, cette fois 
plus qne les autres , une excuse aux atroâtés qui 
en furent la conséquence^ mais parce que, bieloriw. 



I.A BiTOLUnON BIT BllTACn. 105 

notre devoir 9 avant tout, est d'être vrai. — El 
comment 9 en pariant de la marine, telle qu'elle 
était alors organisée > pourrions - nous taire 
l'abandon où se trouvaient nos ports en 1793 , 
et les actes nombreux d'insubordination et 
d'^im^pacité , qui , au commentement des 
guerres de la Vendée éi de la Bretagne, para* 
lysèrent complètement les mouvements de nos 
vaisseaux, quand leur présence sur nos côtes 
était indispensable pour empdcberla communica^ 
tiondes rebelles avec l'Angleterre. Vainement, en 
effet , dès les mois de février et mars , lors des 
premiers troubles de la Vendée, Monge, alors 
ministre de la marine , cssaya-t*il d'établir une 
croisière de Brest au Pertnis : une fois , c'étaient 
les approvisionnements qui retenaient nos bâti- 
ments dans le port ; une autrefois , comme h bord 
du Trajan , de X Achille et du Jean-Bart ^ 
c'étaient les équipages mutinés qui refusaient de 
prendre la mer ou de la tenir, jusqu'à ce qu'on 
eût. pour vu à lem* solde; une autrefois, c'étaient 
les marins mêmes qui manquaient , et il était im- 
possible , ainsi que nous l'apprend la correspon- 
dance des employés des classes, d'obtenir dans les 
arrondissements maritimes, les contingents de- 
mandés* Ajoutez à cela des projets de destruction , 



10$ xiTii timtaB. — C0AF. Tin. 

sourdement rëpandns; nos ports cfaaqoe joor au 
moment d'être incendiés, on l'étant réellement 
comme le fnt celui de Lorient par un sinistre 
attribué à la malveillance; et Ton comprendra 
quelle juste indignation le service de l'armée de 
mer excitait chez les patriotes ^ quand celui de 
l'armée de terre s'était si promptement improvisé. 

« Frères et amis, le gouvernement de TAngteterre 
fait armer t éerivail Mooge, en a'adressant aux sociétés 
popalaires. Le roi d'Angleterre et son Parlement venlent 
nous faire la guerre; les républicains anglais Je souf- 
friront-ils ? Déjà ces hommes libres témoignent leur 
mécontentement. Eh ! bien , frères et amis , nous volerons 
k leur secours, nous ferons une descente dans cette Hc^ 
nous y lancerons cinquante mille bonnets de la liberté ; 
nous y planterons larbre sacré, et nous y tendrons les 
bras à nos frères républicains ; la tyrannie de leur gou- 
Ternement sera bientôt détruite !»..••.•• Que les msurins 
français se rappellent nos succès dans la dernière 

guerre ', que rien n'arrête leur essor, que tout leur 

soit possible pour servir la république. Les rois sont 
égoïstes, mais les peuples libres sont reconnaissants, ils 
font toujours tout pour eux-mêmes, ils ne laissent point 
la vertu sans récompense. » 

Et j appliquant ces principes aux circonstances 
ou le ministre convoquait tous tes gens de mer , 
pour lui désigner, par l'élection, les officiers dont 
nps yaiss^ux man(|uaient complétemeut ^ ouj 



lA EirOLUTIOlf BSr BIBTA^BB. 107 

«'adressant aox sociëtës populaires, comme il le 
fit à celle de Saint-Malo , il leur demandait des 
commandants et des chefs de pavillon, afin de 
pouvoir mettre à la mer tel vaisseau qui n'atten- 
dait plus qu'un capitaine pour appareiller. 

Qu'on eût formé de la sorte des régiments 
pleins d'énergie et de dévouement, auxquels le 
seul maniement de la baïonnette assura la vic- 
toire , cela se conçoit ; mais que l'on confiât à des 
officiers et à des équipages ainsi improvisés, 
l'honneur du pavillon français, il est manifeste 
que , tel courage qu'on leur suppose , il ne suffira 
pas seul pour disputer la victoire à des flottes 
exercées de longue main, à une marine pareille 
à celle de l'Angleterre. — Mais alors toutes ces 
choses ne se raisonnaient point : on avait besoin 
de vaisseaux et de forces considérables à la mer , 
il fallait qu'ils sortissent. 

«f Employez tons vos moyens, disait le ministre Mongc, 
au commandant d*armes de Lorient , à la date de février 
1793 9 pour que les vaisseaux (commandés par Villarel 
et Morard de Galles) mettent à la voile dans un état 
qui leur permette de bien |c battre. Vous pourrez avec 
succès employer la société des amis de la liberté et de 
Tégalité républicaine , dont les exhortations ne peuvent 
pas être vaines. i> 

]E!t, sVdressant aux marins, ii ajoutait; 



108 XITBB SEPTIÈMB. — CHÂP. TIII. 

«r Oui, TOUS êtes les vrais enfants de la patrie, et tous 
saurez dans roccasion prouTer qu*ii vaut mieux sauter 
en lair ou couler à fond, que d'abandonner le paTÎlloa 
national à la merci des esclaTes d'un gouvernement 
dont le peuple ne connaît pas encore toute la perfidie. 
Vous ne tous exposerez point, satt« doute, à périr de 
honte et de misère dans les prisons odieuses du gou- 
Ternement anglais ou dans les marécages de 4a Hol- 
lande. 

Et oui, sans doute , ils se feront sauter plutôt 
que de se rendre , témoin le Vengeur^ mais en- 
core une fois ce courage même ne saurait faire 
que la victoire leur reste , que leur ligne de ba- 
taille soit convenablement suivie , qu'il y ait une 
discipline su£Bisante, et que le commandant ait 
Vautorité nécessaire. A peine, en effet, et après 
d'interminables préparatifs , la division de Villaret 
qui croisait sous Groix pour protéger l'arrivée 
des convois attendus de Saint-Domingue , a-t- 
elle été ralliée par les forces que commande 
Morard A^ Galles , que Tinsubordination la plus 
complète se manifeste dans les équipages de la 
flotte. Partie vers la fin de juillet, celte armée 
avait la double mission de déjouer les projets de 
l'Angleterre à l'égard de la Vendée , et de pro- 
téger les convois attendus de Saint-Domingue. 
Mais la mauvaise position qui lui fut assignée par 



LA BJ&yOIimOH BIT BBBTàGHK. 109 

Tordre de croiser dans les eaux de Quiberon , 
qaand déjà nue fatale organisation avait rendu 
rinsobordination des équipages si active j j fit 
naître promptement des causes de trouble qu'il 
fut impossible de réprimer. Longtemps k Tancre 
sur les c6tes du Horbihan , des intelligence^ s'é- 
tablirent entre les rebelles et les équipages de 
quelques vaisseaux; des officiers supérieurs ap-» 
partenant à Fancienne marine n'apportèrent point 
dans leur service toute la sévérité que pouvaient 
exiger les relations avec la terre , et il ne tarda 
point à se manifester dans plusieurs équipages 
un mécontentement que le défaut de solde porta 
au point que la manoeuvre des bâtiments fut com- 
plétement compromise. L'autorité des officiers se 
trouva méconnue , les ordres d'appareillage res- 
tèrent sans exécution, et bientôt , vers le 15 août, 
quand b nouvelle du désastre de Toulon se fut 
répandue , des avis émis par des malveillants con<* 
duisirent les équipages à délibérer entre eux sur 
ce qu'il conviendrait de faire, ou de rentrer îi 
Brest , ou de tenir la mer , quand , disait-on , 
les Anglais signalés dans la Blanche allaient se 
présenter avec une flotte de quarante et quelques 
vaisseaux. Bréard^et Tréhouart^ dont la missbn 
à Brest avait eu pour principal objet la réorga- 



110 iiymi simfeHB. — - chap. rin. 

nÎMlion de cette marioe â peu dbciplinëe et si 
peu utile 9 ne manquèrent pas de se concerter sur 
ee qui se passait ; et Fan d'eux , Trëho«iart , s^é- 
tant embarqué sur un bâtiment léger, joignit la 
flotte au moment même où les équipages venaient 
de dépêcher deux des leurs à la Convention , afin 
de prendre ses ordres; Vainement Tréhouart 
essaya-t-il de conserver à Tamiral le pouvoir et 
la force j sans lesquels rien n'était possible : les ca- 
pitaines de bâtimeiit lui déclarèrent quik ne 
pouvaient plus se faire obéir j et qu'il fallait ren^ 
trer à Brest 

Ge fut dans ces du*constanoes , que le Comité 
de salut public, justement alarmé de la prise de 
Toulon et des inquiétudes que les désordres de 
Qniberan fanaient naître peur le reste de nos 
forces maritimes , dit à deux de ses membres , 
Jean-Bon-Saint-André et Prieur : AUex , Samvez 
JBresieilafloiiel-^lfnHiii de Paris, le 24 sep^ 
tombre , ils arriverait donc à Brest peu de jours 
après la rentrée de la flotte , qui y jeta Tancre 
le 89 du mÀne mois. *— Des mesures les plus 
sévères avaient d^aillenrs été prises par Bréard ^ 
el, jdès que Jean^on et Prieur forent arrivés , 
les représentait & , se portant susnltanément sur 
tons las faâtimeirts dn^ la rade , j firent entendre 



LA BÉTOtVnOK BH BUTA«n. lit 

ces doctrines de san^-eolotlbine j qui ne lendireitt 
à rien moins , cooune nous Tapprend Jean-Bon 
loi-méaie ^ qu à dëteraiiner les vrais républicaini^ 
à dëfioncer les coupables; car une vérité a AA 
frapper Ions les esprits, ^^it*il^ cest que Ta- 
maigame des ci-devant nobles , des officiers de 
rancienne mariae avec les dtoyens qui, de la 
marine da €<Nnflaerce ont passé au service de la 
^^pidiUqae , noît essentiellement au bien de la 
chose*..— L'inimitié qai existe entre ces deux 
classes d'hommes quoique extérieorMfient conte- 
nue par la loi , est arrivée au point que plusieurs 
capitaiMies et officiers préfèrent d^abandonner la 
mer et aller sur iesfrontières combattre à côté de 
lews frères sans-culottes , pkitÂt que de voir les 
forces navales tifvrées à des hommes qu'ils regar- 
^nl eomtne des traîtres.... La première mesure à 
peesidre ^oit donc étr« répuremMtf de la ma- 
.lioe bt Ja de^tutioa pleine, c<m^ète, absolue 
4e i9m» les ci-devant nobles qui servent sur Tes- 



Bt, appuyant oes pensées d'aetes encore plus 
sigiéfiei^^, ib Imimsûrent au tribunal révelntîott* 
iMMM de ParÎA : 

PjjpfajTTJri firrtnotliMi ^ oMamandant de la (Sêie*- 
jfO^j Cobisnqpffsa, commaadiinft du tl^MSr 



112 UVRB SBPTitaB. — CHAP. Tni. 

S art; Le Bourgs Enouf et Le Dac , lieutenants 
de vaisseau ; Fichet et Delecluse , officiers du 
vaisseau le Commerce de Marseille , pour avoir 
déclamé contre la Convention ^ n'avoir pas main- 
tenu la discipline militaire , ou négligé d'exécuter 
les signaux qui leur étaient faits , etc. y etc. 

Ils firent détenir au château Bonnefous , com- 
mandant du Terrible que m^mtait Tamirai ; 
Bichery ^ commandant la JBretagne^ et Bangier, 
major de Tarmée. Ik destituèrent, pour cause de 
suspicion , en raison de leur naissance , pour dë*^ 
faut de patriotisme ou pour faiblesse , les officiers 
ci-après : Le Large , contre-amiral ; Kerguelen , 
idem ; Le ^Tendre, capitaine du Nestor; Bruix, 
capitaine de \ Indomptable ; Boissauveur , capi^ 
taine du Superbe ; Thomas , ca|Htaine du Nor-^ 
thumberland ; Terrasson , csiqpitaine du Juste ; 
Labatut , capitaine de la Convention ; Guignace, 
Clémeni La Boncière y Gérard de la Coudraye , 
Massard et Tuvacbe, li^itenaats et enseigne 
sur la Cote-dOr. — Quant à l'amiral Morard de 
Galles 9 ils le renvoyèrent devant le Comité de 
Salut public et lui intimèrent l'ordre de partir de 
Brest dans les vingt-quatre heures. Procédant 
simultanément à la réorganisation de l'Mmée , ik 
portèrent au grade de contre^nniral , YiUaret^ 



tjk wtfoiwnoM m wnrkQwu. 118 

Martin, Bouvet yGonuc et YuM/hel^et magnâm 
de capitaiDe de vaiaseaa , les Ijentenaiift IiHC«doa^ 
Lefraoc , Monmer j JLawregaf cadet , Baûe , 

I L'Hemiitte, Morel, Le Bay , Banvachère, Le 
Mamqae , Goadë , L'Hâîtier, Vigiiot , Filet et 

' Hogaet ; ces deux domien n'étaient qa'en^fpiee 

I non entretenus. 



I 



« Nqlre arrêté relatif à rëpnremeiil de la flotte, ëcri- 
TaieBi-ils, le 4 branaife, en s'adhressant à lem edlègiies 
da Comité de saint public, Toaa aéra lail enwnatlre les 
preniièren destitotionsqiie aons aTons jq^ées n^cetiairei 
Ceux ^e Yoos receTrez avjoordlai, toos feront con- 
naître les remplacements. Yons remar^erex qne, fidè- 
les à nos principes, noos nsTons dioisi que des sans-ca- 
lottes, et tontes les précautions qne nons ayons prises, 
nous portent à croire qn'ils réomssent llabUeté et le 
coBEngeàranoor de la liberté. — I/adoûnistntioa de la 
marine Ta aTobr son tour, ainsivie les aniorilés cs n sti 
tuées; nous rassemblons pemr cela tons noa moyens; on 
attendant, nous nons occupons de rëparement de la So- 
ciété populaire ; car ici tout était gangrené, tont ayait be- 
soin du scalpel du patriotisoie. s 

Et,noti6ant Tordre àl^Uaretd'ailiorer son pn 
vilIon sor le vaissean la Câie-d^Or, anqnel ils don- 
nèrenty à partir de ce joar, le nom de la Man^ 
tagne^îà» Ipi remirent le commandement de la 
flotte j en aBÉme tempe ipt'ib kn neeordtoMl mm 



114 LITBB SBrritaE. CHÂP. TIIl. 

confiance sans bornes. Deux officiers destitués y 
Gossin et Bompard, ayant en effet rédigé dans 
ce temps un mémoire contre Villaret^ furent sai- 
sis et remis à la disposition du Comité de salut 
public, au moment on leur manuscrit allait être 
imprimé. 

Mais ce n'était là , ainsi qu'on le pense bien y 
que Fun des objets de la mission des représen- 
tants Jean-Bon et Prieur. Un instant distraits par 
Fexcurnon de Tarmée vendéenne vers GrandviUe, 
de la double mission de iréorganiser Farmée navale 
et de terrifier le fédéralisme , ils se remirent à 
cette seconde œuvre aussitôt leur rentrée à Brest , 
après Tissue du siège de Grandville et les déroutes 
du Mans et de Savenay. On, était au mois de ni- 
vÂse , et Laignelot , accompagné des bataillons 
-maratistes , que Jean-Bon avait détachés de la 
Normandie , était entré dans les murs de Brest. 

D'ailleurs pour eux , et dans là préoccupation 
où les baines politiques jetteront toujours les 
hommes les plus forts , c'était la même œuvre j le 
'même fait. 

cr Les principaux agents de ces trames perfides, ainsi 
que le dit Jean-Bon, dans son mémoire, devaient être 
ces mêmes députés qui, chassés trop tard du sein de la 
Convention y avaient porté dans les départements la rage 
dont ils étaient dévorés contre la république. » 



LA BjftyOIVTIOir £5 BaSTÂGHB. 115 

Et sar qaoi se fondaient ces dires ? sur la dé- 
nonciation d'nn maiheareux , de Belval , qui avait 
pris part à tous les actes du département , et qui , 
assez faible et assez niais pour croire au pardon 
qu'on lui faisait entrevoir ^ eut la lâcheté de dé- 
noncer ses amis aux représentants , qui ne lui en 
firent pas moins trancher la tête (1). La condamna- 
tion des administrateurs du Finistère fut, dès-lors , 
Tun des actes auxquels les représentants appor- 
tèrent le plus de sollicitude , et rien ne fut négligé 
pour que la Montagne obtint cette éclatante ven- 
geance sur les Fédéralistes , qu'on persistait à pré- 
senter comme ayant voulu la ruine du gouverne- 
ment répnbticain. 



(1) Comme la lettre qn'îl écrivit aux représentants, en 
date du 27 vendémiaire an II , est comprise au nombre 
des pièces justificatives du rapport de Jean-Bon , et qu'il 
serait pénible pour nous de la reproduire et d'en charger 
la mémoire d'un compatriote faible et malheureux, nous 
nous dispensons de la donner. 



hk wÈmLjmon Bjr bbstmvv» 117 



CHAPITRE IX. 



SntB rà LA MIMION M SMAM'90ti'ë»JSr'AVVmÉ Mt »■ niBCS (u LÀ 
TKATBVBS 9U rilfltTÉU. — UVB XXACVTIOK. 



La mise en jugement et la condamnation des 
membres de TAdministration départementale da 
Finistère forma donc, après la répression des 
désordres de raroiée navale , lors de la rentrée 
de Jean-Boti à Brest, la principale occupation 
des représentants. 

Tons les préKminaires de la procédure qui 
devait servir à perdre ces généreux citoyens, 
avaient été dirigés avec la plus grande activité 
par la commission administrative de Landerneaq, 
et Tun dç sçs mçmbrçs s'était r^nd» sacc^Tç^ 



118 LiYU simkns. -^ gkaf. ce 

menl seul ^ ou accompagné de raccusatenr Hugues^ 
à Morlaix et à Qaimper , afin de troaver , dans 
les papiers de Tancienne administration^ les pièces 
qui devaient conduire à sa condamnation. Mais j 
non content de ces démardbes, courant d'un 
district à l'autre , visitant toutes les administra- 
tions et les clubs, P s'adressa au public par 

un mémoire intitulé aux vieux bonnets rouges^ 
et livra dès-lors à la publicité on extrait des 
pièces qu'il avait trouvées à la charge des mal- 
heureux administrateurs. Dédiant son libelle aux 
Sociétés populaires , il leur disait : 

— cr Quelques Sociétés du Finistère , égarées par je 
ne sais quel esprit de modéranlisme, ont pris un intérêt 
marqué au sort des administrateurs de ce département , 
arrêtés ou ppursqivis pour cause de fédéralisme. Ils ne 
sont pas coupables^ se sont-elles écrïé^s\ ils n*oni é£é 
que trompés , ces vertueux magistrats ^ et certes téloi- 
gnement où ils étaient du théâtre des principaux évé- 
nements rend leur erreur bien excusable! 

n Si ce langage n'intéressait que des* particuliers , si 
ce langage ne tenait pas de si près à la chose publique, 
sTU ne tendait à dérober aux coups des lois , peut-être les 
plus chauds , les plus ardenis complices des Brissot , 
desGuadet, des Yergni<ind, de ions ces vertueux enfin , 
qui, au nom de la vertu opprimée^ succombant sous les 
poignards de Fanarchie^ ont entraîné la France si près 
de sa ruine, la liberté si près dp son tombeau, on pour* 



^ BÉrOLUTlOB BU BBBTA«ini« 119 

rait reotendre avec ihdifféretfce ^ on pourrait ne pas le 
releTer ; mais quelle âme républicaine ne rëyolte pas lé 
projet de sauTer des conspirateurs? Quel ami vrai de 
sa patrie ne Yoit pas avec indignation mettre en jeu le 
moyen d'arracher au fer de la justice celui qui a essayé 
de la perdre...* 

» Ce sont eux qui, les premiers, ont jeté le masque 
et leyé l'étendard contre Paris et la Montagne ; ce sont 
eux qui , les premiers , ont demandé la réunion des sup- 
pléants à Bourges I et l'ont proposée aux 84 départe- 
ments ; ce sont eux qui donnèrent Fidée de ce fameux 
comité central qui a eu lieu à Gaen , sous la protection 
du scélérat Wimphen ; c est dans le Finistère, c'est dans 
le tripot de l'administration de ce département que se 
combinaient tons les plans que devaient suivre et exécu- 
ter contre Paris la croisade départementale.... » 

Et , poursoîvant avec une infatigable persévé- 
rance tous ceux qu il supposait attachés de près 
ou de loin à la cause des administrateurs décrétés 
le 19 juillet, il obtenait de ses collègues que les 
autres membres de Tadminist ration départemen- 
tale , non compris dans le décret de mise en ac- 
cusation 9 fussent également saisis. 

a Tout va bien, se faisait-il écrire par ses collègues 
de Landerneau , à la date du 11 octobre 1793; il~faut 
agir. Le salut public exige des précautions. En lès pre- 

• • • 

nant , la cause de la liberté déjouera les trames malveil- 
lantes qui nous investissent de toutes parts. C'est ce qui 



120 IITBB SBVTIÈn. -— CSA9. Ut. 

liouB détennioe à tous ckoçer spécialement de faire 
^tiréterle nommé Graner, marchand, chez lequel était 
précédemment logé le fameux Abgrall. Il est indispen- 
sable que Gnillier et Morran , administrateurs , soient 
capturés en même temps. A Totre retour, chemin faisant, 
TOUS prendrez des mesures pour que Le Gac et Le 
Prédour soient cerclés dans leur retraite à GhftteauUn. 
Les uns et les autres seront transférés le plus pr<»npte^ 
ment possible , en la maison d'arrêt, auprès de noire ad- 
ministration. Recevez , brave sans-culotte , nos saluta- 
tions fraternelles. — Vous veillerez à ce que les papiers 
suspects soient séquestrés chez les arrêtés. 

» Les membres de la commission administrative du 
Finistère, a 

Or, déjà des ordres semblables avaient été 
donnés à l'égard de Roujouxj ex-président du 
Comité de résistance à Caen , de Souche la Bre- 
maudière, commandant de la force départe- 
mentale ; de la Hubaudière , officier municipal ^ 
qui avait si puissamment concouru à l'évasion des 
députés girondins, du nègre Léveillé, principal 
guide do ces mêmes députés , et domestique des 
MBI. Le Déan , de la femme de Kervelgan , de 
Kerdizien, de Veller, d' Abgrall, etc. ; et siP.... 
et son collègue D.,«. ne parvinrent pas à saisir 
toutes ces victimes , ils s'en vengèrent en cou- 
fant de Quimper à Pont-Croix , chef-lieo de dî^*- 



tk vàroLxmoM va BinAon. 121 

trict 9 où ils doonèrent Tordre d'mearc<rer , dans 
les 24 heures, tous les suspects du ressort. — 
Cependant , quelques-uns des anciens membres 
de radirânistration départementale du Finistère 
n'étaient point encore arrêtés. Plusieurs , protégés 
par les YOtes de quelques Sociétés populaires ré* 
générées , ainsi que Descourbes et Boisjaflfray , 
semblaient même au moment d'échapper à la 
vindief e des Montagnards. La commission admi- 
nistrative , malgré ses rigueurs ordinaires , n'avait 
pas dédaigné de les recommander à la clémence 
des représentants , et Fostic et Derrien , tous deux 
cultivateurs , étaient présentés comme de pauvres 
paysans que l'on avait surpris. Le patriotisme des 
anciens administrateurs , et leur zèle bien connu, 
encourageaient d'ailleurs les plus timides ; et si 
quelques Sociétés avaient déjà parlé , comme s'en 
plaignait P...., d'innocenter les traîtres, il y eut 
bientôt à Brest , à la résidence des représentants, 
un projet formé pour sauver les administrateurs 
décrétés , en faisant demander leur élargissement 
par les Sections mêmes de la ville, Smith , pré- 
sident du tribunal du district ; de Màssac , com- 
missaire de marine , et Le Hir , membre du dis- 
trict , parurent y mettre un empressement parti- 
culier. Ayant eu^-mêmes rédigé une pétition ve^ 



122 xiyu sBPntaB. — cràf. ix, 

l^tive à cet objet , ils la colportaient d'une sec- * 
tien à Taulre , quand , arrivés à celle du Quai qui 
siégeait à TégUse des Sept-Saints , ils y trouvèrent 
une opposition si formelle ^ que , pour ne pas 
voir inscrire sur la pétition un vœu' contraire à 
son but , ib furent obligés de se retirer précipi- 
tamment sous le feu des invectives les plus mena-^ 
çantes. 

. I>ès-lors, tout espoir de sauver ces malheur 
reuses victimes dut s'évanouir, et si P..*. s'était 
empressé de rendre publiques les pièces qu'on ju-- 
geait propres à les perdre, voici comment la 
commission administrative , dans une lettre con- 
fidentielle à Prieur, qui était absent, envisagea 
les choses : 

«r Représentant Montagnard, nous te prévenons que 
Tintrigoe et le fédéralisme lèvent une tête audacieuse 
dans le Finistère ; que lesprit de désorganisation se pro- 
page, qu'il existe un projet de terrasser les maratistes , 
de les culbuter des places où la confiance de la Mon- 
tagne les a placés , et de les forcer , par toutes sortes de 
dégoûts , à abandonner de nouveau le champ de bataille 
aux fédéralistes , feuillants , tartufes et modérés de 
toutes les couleurs. ji> 

Et, se plaignant de Bréard, le fondateur du 
tribunal révolutionnaire de Brest , ils ajoutaient : 



jàA JuivoLunon sip bistiaiù. 123 

ff Ils ont réussi y à force d'împodenpe et de menées , à 
surprendre encore une fois la religion du représentant 
du peuple, non pas que nous ayons cru que celui-ci 
entre dans les Tues liberticides des intrigants qui lob- 
sèdent ; seul livré à la foule qui le presse , harcelé de 
toutes parts par le choc des passions qui s'agitent autour 
de lui , il n*est pas étonnant qu'il commette dés erreurs ! 
Mais, quoiqu'il ne soit que trompé, le mal n'est pas 
moins réel, et il est instant d y porter remède : il fani 
que la Térité perce. 

p Viens donc, bravé Montagnard, sonder les 

nouvelles plaies du Finistère ; viens porter le flambeau 
scrutateur sur notre conduite, sur nos opérations poli- 
tiques , sur ce que nous avons fait depuis cinq ans, 
pour ou contre la liberté. Yiehs , il est impossible que 
ta présence puisse être plus utile ailleurs qu'ici. Il faut 
les mains d'Hercule pour briser les filets qu'on jette 
encore sur le Finistère, dont la régénération tardive ac- 
cuse, non les talents et les bonnes intentions de ton 
collègue ; mais l'astuce et la rage de nos ennemis com- 
muns. » 

Dans le moment , les opérations militaires des 
armëeis républicaines j sur la rive droite de la 
Loire , ne permirent pas à Prieur de répondre 
à cet appel , et ce ne fut qu'à quelque temps de 
là^ vers le mois de nivAse an 2 ^ que le procès des 
membres de l'ancienne administration put être 
repris. Le tribunal révolutionnaire , destiné à les 



124 htfVM SBrritaB. — citap, îA 

juger , panit donc refétir un nonTeaa caractère 
de force et de célérité , aussitôt la rentrée à Brest 
des représentants iPrieur et Jean-Bon-Saint-Ân- 
dré. Ragmey, jeune fanatique, siégeant comme 
juge au tribunal révolutionnaire de Pari$ y fut* en 
eonséquence appelé à présider celui de Brest , 
et Hugues se trouva remplacé par Donzé-Yer- 
tenil, digne substitut de Fouqnier-Thinville. A 
ce dernier on donna , pour adjoint , Boimet , à 
Fœil de verre, que le même Fouquier avait long- 
temps employé comme secrétaire. Ainsi constitué 
après que les jurés eussent été pris dans les clubs 
et les rangs de l'armée , Jean-Bon et Prieur s'oc- 
cupèrent de mener à fin cette éclatante affaire , 
qui y suivant eux , devait trancher le mal dans sa 
racine, régénérer Tarmée navale et le départe- 
ment. Des ordres furent en conséquence transrais 
à Ragmey; et, dans les premiers jours de ger- 
minal , s'étant rendu à Quimper avec le citoyen 
P... , pour procéder au lief des «celles apposés 
sur les papiers de Fadministration déchue , il fit 
en même temps rechercher à Landerneau , dans 
les papiers précédemment transférés de Quimper 
h cette résidence , toutes les pièces qui pouvaient 
servir à la mise en accusation des prévenus. Mais , 
^oit négligence ou intention bienveillante , Du- 



coëdic, procarear«gëiiâral«6yiidic de la com- 
nùsàon adminirtntiive , et charge en eeiSe qua- 
lité de ia réunion de ces piècea, en prodnint 
peu , et il est apprb- que p snq>ectë par les laepré» 
sentants, il fut incarcéré le 17 germinal , veille 
du jour 011 Bagmey lança son réquisitoire poor 
faire conduire à Brest les détenus de rancienane 
administration alors écroués dans les prisons de 
Landerneau et de Gar^iaiz. 

Cependant les administrateurs détenus dans la 
première de ces villes, informés de racharne- 
ment de lemrs ena^nis^ et ayant en connaissance 
des mëmmres de P«..*, crateùt devoir y ré* 
pondre. Cette josrification , qu^on peut regarder 
comme leur principal acte de défense , mérite 
d^être citée, et voici ce que nous y trouvons: 

a Les admioistrj^nrs a^fcataires ont été engagés à 
rédiger le prisent mémoire en xaisoQ du vœu éoiis .p«r 
plusieurs Sociétés en faveur de leur miae ea liberté t et 
pour répondre aussi ans attaques d'no commissaire adr 
mimsùnUeur qui appelle la v^geaoc^ d^s lois sur e«x. » 

^ * 

Puis , se défendant d'avoir eu des relations avec 
les députés girondins en fuite ^ ils rapportent 
comment et dans quelles circonstanees ils se sonf 
alarmés des troubles 4e Pbris^ comment, an 10 
août 1792 et » mAs defitvnar 1793, les on- 



126 LIVBX SBPTlkHB. -r CHAP. IX. 

faute da Finistère s^ sont trôavës nne Jois pour 
renverser le trâne , une autre fois pour compri* 
mer les anarchistes , lors du pillage et des mas^ 
sacres exercés sur les marchands d'épiceries. 

« En vain Tadversaire du département veot-il inter* 
prêter nos intentions j les faits parlent plus hant que 
raecùsatiÔD. » 

Et ils ajoutent : 

cr Dès que Tinsurrection éclata dans le Morbihan , le 
département du Finistère s empressa de précipiter ses 
combattants sur les hordes des rebelles. 

» Des rassemblements considérables de révoltés se 
forment successivement à Fonesnant, à Saint-Pol^ à 
LesneveUi àLannilis. Nous somm0s partout, disent-ils , 
exposés aux balles des révoltés , et partout nous avons 
comprimé la rébellion. » — a Pourquoi donc les admi- 
nistrateurs exposaient-ils ainsi leur vie? Pourquoi tra- 
vaillaient-ils avec tant de zèle à éteindre les soulève- 
ments excités de toutes parts ? Pourquoi le département 
BurVeillait-il avec tant dactivité la poste , la messagerie 
et les gens suspects ? Pourquoi étaiMl nuit et jour en 
permanence , long-temps avant qu'elle fût ordonnée par 
un décret? Pourquoi mettait-il en réquisition l^COO 
hommes pour réparer les fortifications.de Brest? ^Pour- 
quoi tant de mesures sages pour garantir le Finistère 
et les autres départements de l'invasion des brigands ? 
Pourquoi tant de C(Nrps-de-gard6 établis sur toutes les 
o<Mes dans une étendue dé près de cent lieues ? Pourquoi 



lA MÈyoLvnov sir bbbtagkb. 127 

ces 3^000 hommes levés spontanément par l'adminis- 
tration et placés dans les forts et les ligpaes qni dé- 
fendent la Tille de Brest? Pourquoi ces innombrables 
batteries élevées sor les rochers de nos rivages, et pré- 
sentant, pour ainsi dire, de toutes parts , l'aspect d*un 
camp retranché? 

j» Les représentants eux-mêmes , surpris de tant de 
zèle et de prévoyance , en témoignèrent leur satisfaction 
aux administrateurs. Us voulurent leur faire rendre un 
plus éclatant témoignage, et deux fois dans un seul 
mois il fut décrété que l'administration du département 
du Finistère avait bien mérité de la patrie. 

» Devant des preuves de civisme si éclatantes et si 
multipliées , que devient laccusation de trahison j de 
conspiration? Oui, notis conspirons jour et nuit pour le 
bonheur de la patrie !.... 

» On a voulu frapper l'imagination des lecteurs eh 
leur présentant l'image de l'exécrable Toulon se jetant 
dans les bras d'un nouveau despote. L'écrivain ne seul* 

blerait-il pas vouloiir en induire ? ITon , la plume se 

refuse à transcrire cet horrible soupçon. Etait-ce donc 
en multipliant la mort sous les pas de nos ennemis , en 
la leur présentant de toutes parts , sous mille formes 
différentes , que les administrateurs les invitaient à se 
jeter dans nos ports? Pourquoi ce perfide rapproche- 
ment (tes trahisons du midi et des erreurs du Finis-- 
tire? — Les administrateurs ont , dit-on , trempé dans le 
fédéralisme. Mais le département du Finistère montra-t- 
il jamais la moindre intention criminelle ? Toutes ces dé- 
marches ont constamment tendu à la sûreté dé la Con^ 



128 UyBB SKFrifelIB. — chav. IX* 

vention, au maintien de twùlé et de tindwîsiMUé de 
la république, La preuve évidente de la droilare de ses 
intentions se trouve dans les actes mÊmes qu'on lui re- 
proche. On y voit toujours à découvert les motifs^ qui la 
font agir. Il est démontré que si les administrateurs du 
Finistère ont été coupables de quelque genre de fédéror 
lisme f il n'avait pour objet ni de rétablir la tyrannie , 
ni d'attenter à f unité et à tindivisibilité de la répu^ 
blique^ mais un but tout contraire* Si les correspon- 
dances, si leur zèle les ont égarés. Terreur n'est pas on 
crime ; et Terreur promptement reconnue sollicite tou- 
jours rindulgence. 

D Hommes de bonne foi qui lirez ce mémoire, inter- 
rogez votre conscience et prononcez. Dites si vos admi- 
nistrateurs furent coupables de conspiration ; dites s'il 
dépendit d'eux de n'être pas victimes de Terreur; dites 
si leurs intentions ne furent pas toujours droites et pures. 
Le ciel lit au fend de leurs cœurs; il connaît leur in- 
nocence 9 et ce motif de consolation soutient leur cou- 
rage au milieu des adversités. Si les mesures générales 
ont exigé qu'ils perdissent leur liberté, ils trouveront un 
adoucissement à leurs maux en songeant qu'ils souffrent 
pour la patrie; ils suivent de leurs vœux la prospérité 
de la républif «e , et chantent dans les l^s fers ses. soccës 
et sa gloire. 

» Les anciens administrateurs du dépavtement du Fi- 
nistère détenus à la maison d'arirét à Landerneau. 

o J.-R. MsRiBJ^fxr^; ^— L.- J.-M. GciixuiE ; — O. Moe- 
» vAir; — Yv%-Jh.-Ls. Lb BBnAT; — 9b&qb- 
» vnr fils. » 



LA BjftVOlVTlOH SK BUTA^lll. 129 

Mais un deu ziènie mémoire, adressé aux Comi- 
tés réunis de salut public , de sûreté générale , et 
de législation , parut sous la date du 28 ventôse 
an n. — Signé par Doncin, Y. Daniel, Le Gac, Le 
Prédour, M.-M.-M. Brichet, Daniel, Ezpilly, 
G.*** Le Roux, Piclet, et Le Thonz , alors déte- 
nus à la maison d'arrêt de Brest (1), la rédaction 
en est évidemment moins ferme et pins contour^ 
née. Les malheureux administrateurs sentent qu'ils 
sont en présence d'nn tribunal exceptionnel , et 
que le moment n'est pas éloigné où ib auront pour 
juges des ennemis politiques. Us essaient de justi* 
fier leur conduite , et, préoccupés de leur propre 
dévouement à la patrie , ik n'admettent pas qu'ils 
l'aient jamais trahie , tout an plus qu'ils aient été 
trompés, qu'ils se soient trompés eux-mêmes. 

ff Ce quia dissipé notre erreur, c'est le temps , la ré- 
flexion, le sentiment; c'est la comparaison que nous 
avons faite de la Convention avec elle-même ; c'est le 



(1) Ces autres administrateurs, saisis par les soins de 
la commission administrative, avaient été de bonne 
heure dirigés sur Paris;, mais les troubles des départe* 
ments, au-delà de rille-et-Yilaine, ne permirent pas de 
leur faire suivre leur destination. Détenus quelque temps 
à Rennes, ils furent ramenés à Brest 

9. «- 4/ YOL. 



130 IITIB SBPTlfcn. — CtfÀF. IX. 

raf^riidieiiieiit de scm état a^aiit la rëvdlutioB dit 3t mai, 
el ce qu elle est devenue depais celte époqne f c'est le 
calme et la majesté soaténae de ses séances, depais 
qa elle a eu Tomi de son sein les traîtres qui entravaient 
sa marche ; c est Télonnant prodige qu'elle a opéré » tôt 
après ,^en comblant les vœux du peuple par le don ins- 
tantané d'une constitution populaire et républicaine 

Alors le bandeau est tombé ; des Mots de lumière nous 
ont pressés; nous avons contemplé avec effroi la ptofon^ 
deur de labyme dans lequel on nous^plongeait; et voyant 
le salut public dans Timmortelle et nécessaire révolution 
du 31 mai, nous nous y sommes ralliés irrévocablement 
avec le caractère de franchise , naturel aux anciens 
Bretons. » 

Pauvres administratears ! Et la postante , sé- 
vère 9 même pour les malheureux , aurait ces pa- 
roles à leur reprocher! Est-ce donc quHls manquè- 
rent de courage et qu ils ne surent pas mourir ? 
Mais non , car la plupart d'entre eux se sont eux- 
mêmes constitués prisonniers ^ et ^ plusieurs , 
conuue Doucin, ont refusé de s'évader, tant ils 
ëtwettt surs de leur d é vou e m ent au pays. Mais ces 
malheureux ont lear famille . des enfants et leurs 
femmes ^ et celles-ci abymées de douleur rôâeirt 
chaqiira jour aoiour de leur priaon. 

« Et 9 en eflbt, qu'étions-nous avant la révolution, 
cottHneih le disent en tenninant leut mémoire ? — Tons 
des plébéiens , tous nés dans cette dasse qiri ^tait tout 



LA lAroLimoir sv bbitaghs. 131 

aax yeux de la natare et de la raison, et rien pour des 
castes nsarpatrices habituées à TaTilir et à se jouer de 
ses droits; tons ne yivant que de notre trayail on de no- 
tre industrie. 

» Que sommes-nous , depuis la révolution ? Au pre- 
mier son du tocsin de la liberté, tous, nous nous som- 
mes levés avec le peuple , et diacun de nous , selon ses 
moyens, a respectivement contribué à toutes ses con- 
qpiétes sar le despotisme royal, théocratique et nobi- 
liaire. Depuis I nous avons soutenu de tout l'élan du sèle, 
de toute l'énergie du civisme , le berceau de la républi- 
que; et si le triomphe de l'aristocratie n'était pas absolu- 
ment désespéré, ne serions-nous pas les premières victi- 
mes , que , dans le Finistère , elle sacrifierait à sa ven- 
geance? 

» Depuis que nous sommes dans les fers , quelle a 
encore été notre conduite? TTous avons a<Uiéré, ap- 
plaudi à tous les décrets , célébré avec enthousiasme les 
succès de la République. Pendant notre séjour à Rennes, 
cette commune est mise en état de siège ; ses murs sont 
menacés par les rebelles. Accoutumés à tons les sacri- 
fices, non contents de nous être dépouillés de nos man- 
teau, dé nos chaussures, pour les défenseurs de la pa- 
trie , nous brdlons de partager leurs dangers ; nous 
demandons des armes, avec les instances les plus pres- 
santes, et nous réitérons aux représentants du peuple, 
au comité de surveillance , au conseil-général de la com- 
mune , notre offre d'arroser de notre sang les drapeaux de 
la liberté. Heureux d'expier, à ce prix, une erreur étran* 
gèreànos eœurst. 



132 LIVBE SEPTIÈME. — GHAP. IX* 

» Quels sont ceux qui, depuis nos malheurs mêmes > 
n'ont pas balancé à se prononcer hautement pour nous ?... 
Le peuple du Finistère ^ le peuple presque entier , réuni 
en assemblées primaires ou communales , et la majorité 
des sociétés populaires , dont TobU pénétrant et observa- 
teur a suivi, jour par jour, chacun de nous dans le cours 
de sa vie politique et de sa cooduite> tant révolutionnaire 
qu*admini8tratiTe« 

» Ces témoignages attestent que les anciens adminisr 
trateurs furent trompés , et qu'ils ne sont pas coupables. 
Ah! sans doute I ils ne peuvent être que malheureux, 
puisque , dans la captivité , et au fort même de l'infortune, 
ils reçoivent encore des marques si touchantes de l'es- 
time de leurs administrés; et il faut que ce sentiment soit 
bien profond dans l'âme des uns , et bien mérité de la 
part des autres , puisque les vils artifices, les manœu- 
vres les plus basses et les plus déliées de l'intrigue et de 
l'aristocratie, n'ont pu réussir à en comprimer l'expres- 
sion. 

» Quels sont, au contraire, ceux qui s'élèvent contre 
des témoignages aussi respectables ? Il ne nous appar- 
tient pas de les signaler: notre pinceau pourrait pa- 
raître suspect Ils sont en très-petit nombre dans le dé- 
partement. La voix publique, ce juge infaillible, cet 
appréciateur sévère de la probité et du civisme, s est 
décidé entre eux et nous , et quand Sparte a prononcé 
sur ce qui est ou n'est pas honnête, la Grèce n'appelle, 
pas de ses jugements. 

» Prononcez à votre tour, citoyens représentants, et. 
confirmes le jugement de nos concitoyens. » 



£À RÉTOIUnOir EN BBBTAGITB. 133 

Cette tardive et vaine justification ne fil 
qn^accëlérer la marche de l'instraction. Le 24 
florëal, Bonnet fulminait Tacte d'accusation qui 
motiva de la part du tribunal révolutionnaire 
une ordonnance de prise de corps contre trente- 
trois membres et le secrétaire-général de Tan- 
cienne administration départementale du Finistère. 
Et cet acte d'accusation , oeuvre infernale ourdie 
dans le secret j et comprenant 17 pages in-folio , 
ne fut communiqué aux accusés et à leurs dé* 
fenseurs que le 30 floréal au soir, à 7 heures, 
par trois copies* — Le lendemain , 1 ." prairial, les 
malheureux comparaissaient à la pointe du jour 
devant leurs juges. (1). 

Le Hir etRîou-Kersalann^ principaux défen- 
seurs des prévenus , se rendirent immédiatement 
au cMteaiï où étaient détenus ces infortunés. Mais 
conunent recueillir leurs moyens de défense dans 
une si courte entrevue. Onze d'entre eux entou- 
raient à la fois Le Hir , et lui présentaient leurs 
notes; et son collègue Rion recevait avec les 
mêmes prières de semblables instances et des 
larmes pareilles, données par ces malheureux an 



(Voir , sous le n.** 49 des pièces Juslifiçalives, Y^ç\^ 
(l'acpus^lion menliopqé.J 



134 UTBB SSPTIÈVB. — CHAP. XX. 

pays et à leur famille. Parmi eux oepeadant , 
étaient ces deux cultivât eors , Postic et Derrién , 
que la commisiâoo administrative elle-même avait 
cru deVoir^ recoiQmander k la clëmedce des re- 
présentants , mais que ceux-<2i n avaient point 
écartés. Ils étaient seuls incapables de rédiger 
leurs moyens de défense, et MorVan, leur co- 
accusé j ce jeune et brillant administrateur qui 
avait une fois disputé à La Harpe le prix de poésie, 
par une ode sur la mort du prince de Bruns- 
wick j s'oubliant lui-même , recueillait avec bonté 
l'expression de leur simplicité^ quan4 Kergariou 
et Moulin , qui étaient venus depuis peu de jours 
partager le sort de leurs amis et se remettre à 
leurs bourrêftux, silencieux et résignés se cou- 
fiaient encore à lea|. innocence et comptaient 
sur leur patriotisme pour croire quil leur 
serait rendu justice. — ji demain maiin sept 
heures] se dirent bientôt les accusés et leurs 
défenseurs. Et les lourds verroux des portes sur- 
baissées de Taneien château ayaot péniblement 
roulé sur eux-mêmes, quelques pâles lumières 
qui dissipaient à peine Thumide obscurité des 

voûtes noircies de la prison , s^éteignirent 

Le lendemain, 1.'' prairial an 2 , dès 6 heures 
^u matin ^ des piquets de Tarmée révolutionnaire 



XA Mivotvnon bv auTAsm. 135 

gardaient tous les carrefours; um$ forée eonsidrf- 
raUe s'était portée vers le château» Ses ouvrages 
avancés ayant bientôt été franchis ^ on vit arriver 
à Tancienne chapelle de la nfarinO) entre une 
baie d'hommes armés , les trente-quatre adminis- 
trateurs du Finislère* Les mots jusncs UV vsonMj 
gravés sur une plaque en cuivre y se lisaient an 
front de Fédifice, C'est là que siégeaient Bagfney, 
y erteuil , Bonnet y des jviges et des jurés ^ com- 
mis à Fœuvre régénératrice qui se poursuivait 
alors sur tous les points de la France. Elevés sur 
une estrade ombragée des Jrois couleurs , les ven- 
geurs du peuple avaient le bonnet phrygien en 
tête et siégeaient où avait reposé autrefois Tautel 
du sacrifice. Ayant fait placer des gradins à leur 
droite 9 ils y firent asseoir les accusés , chacun 
ayant deux gendarmes à ses côtés, le siabre nu, 
et soutenus par de nombreux piquets de fermée 
révolutionnmre qui gardaieni les issues de faur- 
ditoire. Quant aux défenseurs, placés loin de 
leurs clients , toute communication leur était in- 
terdite avec eux. 

Les deux premiers jours furent employés à la 
lecture d'une foule immense de pièces , d'arrêtés , 
d'adresses , d'extraits de registres , dont les dé- 
fendeurs n'sivaîçat çu aucune communication. Ra||- 



136 uns sBfntan. •*— chap« n. 

mey pendant ce temps promenait ses yeux ëtin- 
eelants sar rassemblée saisie d W sombre effroi , 
et si qnelqnes^ns des accuses ou leurs défen- 
seurs tentaient de faire une observation sur les 
arrêtés et les actes qui leur étaient imputés à crime, 
il leur permettait à peine de s^expliquer et fai- 
sait passer outre à l'audition des témoins. Cepen- 
dant le tour des défenseurs arrivait , et , après les 
sinistres réticences de Yerteuil , qui s'autorisa de 
la lecture de quarante et quelques lettres des re- 
présentants du Finistère , adressées à l'adminis- 
tration de ce département , et que Brichet avait 
eu l'imprudence de citer comme moyen de jus- 
tification , la parole leur fut accordée. Rion et 
Le Hir s'étaient concertés sur la défense de leurs 
clients : le premier devait exposer les moyens gé- 
néraux de la cause pour arriver ensuite aux &its 
relatifs à chacun des accusés. Mais à peine a-t- 
3 essayé de parler du patriotisme des prévenus, 
à peine s'avance-t-ilà dire hypothétiquement « que 
» si les accusés n'ont eu d'autre but que le sa- 
» lut public, s'ils n'ont été ayiimés que par le 
» salut de la patrie, etc., etc. » que Bagmey 
l'interrompant brusquement: s'écrie: « Avant que 
j» tu ailles plus loin', citoyen défenseur , le iri- 
t |)unal a besoin d^ cpnnaitr^ t?s opinions per-^ 



£A BifcTOLFnOV BV BlBTAftHB. 137 

» sonneUes sor les arrêtés «de cette administra- 
» tion, » — RioQ resta interdit et ne put ré- 
pondreM..**... 

— «r Le tribunal, reprit Ragmey, tlnterpeUe 
et te demande , si tu ne regardes pas ces arrêtés 
comme liberticides, parce que, diaprés ta réponse^ 
il a peut-être des mesures à prendre contre 
toi»«««« » 

— Et Riou continua à garder le silence... Il ne 
put désormais présenter d'antres considérations 
que celles qui parlaient en faveur de la moralité 
personnelle de ses clients. Le Hir ne put et n^en- 
treprit rien autre chose. Morvan , ce jeune pa- 
triote si plein d'énergie et de dévouement , vou- 
lut cependant ajouter quelques mots à la défense 
que Le Hir avait prononcée en sa faveur ; mais 
Ragmey lui coupa précipitamment la parole, et 
lui dit à lui et à son défenseur: « qu'ils eussent à 
se renfermer dans la cause, et que le tribunal ne 
les écoutait plus. » 

Vainement , dans un autre moment , Le Hir 
parlant de Guny, Fun de ses clients, cite-t-illes 
onze enfants de cet administrateur, et les services 
et les blessures auxquels il doit de s'être élevé du 
rang de simple soldat au grade de capitaine d'ar- 
tillerie ; c'est à peine s'il peut ooiiliauer w milieu 



138 UVIB SBFTIÈn* CflAV. IX. 

des murmures qui étouffent sa voix. Enfin , arri- 
vant à la défense des deux cultivateurs Postic et 
Derrien , que leur éducation et toute leur vie 
rendaient étrangers aux affaires publiques, leur dé- 
fenseur put faire valoir avec un peu plus de latitude 
les faits qui militaient en leur faveur ; mais à quoi 
servit, à quoi servirent aussi les considérations 
particulières que Le Hir présenta en faveur de Tun 
des membres du département qui s'était trouvé 
absent lors des mesures qui firent incriminer ses 
collègues. Vainement objecta-t-ilque la signature 
de cet administrateur ^ne se trouvait apposée à 
aucun des arrêtés servant de base à Taccusation , 
Ragmey n'en procéda pas moins à son résumé , 
et, comprenant tous les prévenus dans la même 
accusation , il s'obstina , malgré Tobjection qu on 
lai faisait d'un alibi ^ à ne poser que les deux 
questions suivantes: « 

«r i.° Est-il constant qnll a existé une conjuration 
contre la liberté du peuple français , tendant à rompre 
lunité et l'indivisibilité de la république , à allumer le 
feu de la guerre civile, en armant les citoyens les uns 
contre les autres ; en les provoquant à la désobéissance à 
la loi, et à la révolte contre lautorilé légitime de la 
représentation nationale ? 

» 2.® KergarioUy Brichet, Aimez, Morvaui Guillier, 
Bergevin , Dubois , Doucin, Derrien t Postic, Cimy» Lq 



XA BjItOLUTIOJT BH BB1TA6BB. 139 

Prëdoor, Daniel-Kersaux, Expilly, Lo Roux, Herpeu , 
Merienne, MalmaDchd, Banéat, Le Fennec, Lo Tbouxi 
Déniel, Moulin, Le Gac, Piclet, Le Denmat, Bienvenu , 
Desconrbcs , Julien Pniné et François Le Cornée sont- 
ils conyaincus d'élrc auteurs ou complices de ladite 
conspiration ? 

C'est en vain , que Brichet, Bergevin, Morvan, 
Merienne et leurs défenseurs s'élèvent contre cette 
monstrueuse et atroce confusion; c'est en vain 
qu'ils invoquent la loi en forme d'instruction du 
21 octobre 1791, qui veut que: « Les jurés 
examinent la moralité du fait^ c est-à-dire 
les circonstances de volonté^ de provocation 
d'intention ^ de préméditation quil est né-- 
cessaire de connaître pour savoir à quel 
point le fait est coupable et pour le définir 
par le vrai caractère qui lui appartient. — 
Il y a une autre loi révolutionnaire , du 26 fri- 
maire an II, art. 24, qui porte, en principe^ 
qu'il ne sera point posé de question inten- 
tionnelle sur les faits qui auront été arti- 
cules dans les débats^ et avant que le jury fût 
rentré dans l'audience , on avait entendu des che- 
vaux et des charrettes de réquisition , demandées 
par Ance , le bourreau , à un administrateur du 
district, entrer dans les cours qui avoisinaient le 
tribupaUt Enlin^ bs sicairçs sçrlent de leur siQtre ; 



140 IITRB SBPTiftXB. — CHAP. IX. 

leurs regards soucieux n^annoncent que des mal- 
heurs. 

La première question, celle de la conjuration^ 
est résolue à Funanimité. 

La deuxième question Test aussi en masse et 
sans distinction en faveur de tel ou tel accusé , 
quels qu'aient été sa position et ses précédents. — 
Quelques avis, secrètement répandus, disent bien 
que Malmancfae , Guny , Postic et Derrien ont été 
un instant au moment d'être sauvés , mais d'antres 
les ont réclamés (1) : Bienvenu , Descourbes, 
Julien Prune et François Le Cornée sont seuls 
acquittés sur la déclaration du jury portant: 
quils ne sont point convmncus dtêtre au- 
teurs ou complices de ladite conjuration* 
Quanta Poullain, Baron-BoisjafFray etleGoazre, 
qui étaient absents et retenus sur parole à Paris, 
ils ne furent même pas compris dans l'acte d'accu- 
sation de Douze Verteuil, et ils durent leur salut 
à cette circonstance. Le prononcé du jury étant 



(1) rTons avons en main une IcUre de Tun des hommes 
qui siégea comme juré dans celle affreuse affaire, et il dit 
que ses raisons et son opinion sur la nécessité et acquitter 
les deux cultivateurs Postic et Djerrien furent inutiles ^ 
^ue feur qrrét ét§it prononcé^ au ils devaient périr, 



UL lÉTOLOTIOH ES BEBTACn. 14 i 

ainsi proclamé, Raginey, se redressant avec solen- 
nité , reprit la parole , après que Taccusateur eût 
fait ses réquisitions , et prononça la mort des con- 
damnés par application des lois du 16 décembre 
1792 et 26 juin 1793, et la confiscation de leurs 
biens en vertu de la loi du 10 mars même année; 
puis il ordonna : 

<c Qnk la diligence de Taccasateur public , le présent 
jugement , qaant à la peine de mort , serait exécuté dans 
les 24 heures -sur la place du Triomphe du Peuple^ 
imprimé > publié et affiché en français daos toute l'étendue 
de la république , et en breton dans le département du 
Finistère (i). Et un crêpe funèbre, dit l'honorable dé- 
fenseur 9 à la bienveillance duquel nous devons presque 
tous ces détails , sembla voiler le sinistre tribunal. 
L'heure des ombres s'approchait arec l'heure dernière 
des martyrs; toutes les poitrines étaient haletantes, et 
quand on entendit préparer sur Thonneur et la conscience 
regorgement des 26 administrateurs, Teffroi fut à son 

comble Courageux Bergevin, intrépide Merienne, 

énergique Guillîer, brave Moulin ! je n'oublierai jamais 
vos dernières paroles : — Scélérats^ notre sang retombera 
survosiéies! Mon sang était figé, continue l'hono- 
rable défenseur , à la place duquel nous ne saurions 



(1) Ce jugement est signé: Pierre -Louis Ragmey, 
président; Jean-Comeille Pasquier ; Maurice Le Bras et 
Joseph Palis , juges ; Gabon , greifier. 



142 LIYBE SBPTifcMB. -^ CVÂP. IX. 

plus nous mettre y et je ne sais comment je retrouvai ma 
demeure. Je m'enfermai pour rendre compte de ce ter- 
rible événement à nue femme de grand cœur qui slnté- 
ressait au sort de Tinnocence, je ne ponyais m*exprimer 
qu*en mots entrecoupés, et ses larmes me laissaient sans 
force, quand un bruit sourd nous fit accourir à la fenêtre... 
Ciel ! c'étaient les vingt-six administrateurs pressés dans 
deux charrettes, en corps de chemise, la tête nue^ tes 

cheveux coupés et les mains derrière le dos Je ne 

pus croire à tant de rage et à tant de célérité: l'impres- 
sion de la douleur me laissa sans force, o 

Malheureux! plusieurs d^entre eux chanlsdent 
la Marseillaise et criaienl F^ive la République ! 
Et quand presque tous songeaient sans doute à 
leurs familles y à leurs nombreux enfants , comme 
Guny et Piolet, au milieu d^eux était Expilly^ 
long-temps décoré du sacerdoce , et que les bonr- 
reaux avaient été prendre sur son siège épiscopaL 
Une autre fois encore il avait vu Brest (c^était 
au commencement dé 1791) , et , faisant alors sa 
première entrée dans sou diocèse , il avait été 
reçu dans ces mêmes rues et sur ces mêmes places 
avec des fleurs et des arcs de triomphe ; comme 
à Taurore d'une paix annoncée au nom du ciel , 
il avait entendu des hymnes d'allégresses ; hélas I 
aujourd'hui, c'est sur un tombereau qu'il est ga- 
rotté , et à sa suite il y a un bourreau, du peuple 



X.À lÉVOLUTIOir BIT BBBTÀ62IB. 143 

en baillons , des femmes et des enfants qui exha- 
lent de longs cris de Tengeance* Mais les victimes 
sont promenées par les carrefours de la ville , et 
an lien d'arriver à la place du Triomphe du 
Peuple , comme Tappelle Ragmey , par la rue 
Saint-Yves qni y conduit directement , on les di- 
rige par la rue du Château ^ le long de laquelle 
s'alignent les troupes révolutionnaires qui se sont 
emparées de Brest. — Et , insultant à leur misère , 
les égorgeurs leur ont offert un repas splendide 
avant de les faire monter à Téchafaud qui a été 
dressé ce jour avec un soin tout particulier. Sur 
son pourtour , on a , en effet , établi une ceinture 
de planches que le public ne passera pas ; un 
vaste entonnoir peint en rouge est disposé près 
de la fatale bascule pour recevoir le sang des 
suppliciés , et une trappe a été ménagée sur Té^ 
chalaad même pour faire tomber dans des char- 
rrttes 9 h dépouille des adnânistratenrs. 

Tontes ces mesures étaieâi««lles une sûreté 
prise par les égorgeurs , ou Ance , le bourreau , 
qni dès leur entrée an tribunal avait dît: que 
les admimHrateure étaieM à lui, se sera^ 
il ainsi étudié à dîq[»oser avec ui le crime (pn 
souriait à sa fiuitfique férocité.*..». Je ne sais^ 
Bués il Ait â^ aussi que Ance mngea avec tfaffi-*. 



144 LIVBB SBPTllSHB. CKAP. IX. 

nement la tête ensanglantëe de chaque snppli- 
cié , devant les yeux de ceux qui attendaient leur 
tour ; et toutes ces choses sont croyables y toutes 
ressortent des faits mêmes , et appartiennent 
à cet ordre d'idées qui conduisait Carrier et 
ses acolytes à s'enivrer des chants de Forgie 
sur les galiotes de Lambert ye , à ce même ordre 
d'idées qui conduisait les jeunes gens de Rennes 
à demander Thonneur d'exécuter les jugements à 
mort d'une troupe de bourreaux, à cet ordre 
d'idées enfin qui conduisit d'autresjeuneshommes, 
alors enfants j à courir chaque jeur du tribunal 
au champ d'exécution , où , avides de tout voir , 
ib ont tout remarqué sans rien laisser échapper 
que nous ne puissions redire sur leur témoignage, 
encore vivant et palpitant de cette impression 
ineffaçable de l'époque. 

Ainsi périrent , le 3 prairial an 2 (22 mai 1794), 
les 26 administrateurs du Finistère que nous avons 
suivis dans leurs . actes de dévouement et de pa- 
triotisme. A leur tête et comlne préaident était 
Kergariou, homme de mœurs douces et élégsmtes 
qui, long-temps caché dans notre famille , courut 
lui-même se remettre aux mains de ses bonr* 
reaux. Tourmenté du même besoin de sa con- 
sdence , Moulin n'avait rejoint ses amis que defâds 



LÀ mèyolouùm IV nwiêswL 145 

deux à trois jours ; et ce fut sans pilië , sans 
aucun retour vers le pa^sé , saos aaeoBO coMÎdé- 
raliou pour le service signale que ces mêmes 
hommes avaient rendu à la Répuhfiqne en con- 
servant Brest et le Finistère purs de chonanage 
et de rébellion , que Jean-Bon et Prieur les im- 
molèrent comme des ennemis de leur pays. Eh ! 
que ne regardèrent -ik donc alors , et la rade et 
le port de Brest qui s'animaient du mouvement 
de trente et quelques vaisseaux de ligne armes 
en quelques mois. Qui avait , en effet 9 donné cet 
élan et qui avait préparé ces merveilles en même 
temps que les enfants du Finistère volaient à la 
« frontière du Nord, à Saint-Domingue, dans la 
Vendée, et partout où on eut besoin de leurs 
bras...... Mais avec Thonneur du pays et un vif 

sentiment de sa nationalité, ces hommes eurent 
au cœur quelque chose de grand et de sublime : 
Ou nous sauverons la Républiques ou nous 
périrons avec elle^ s'étaient-ils dit en appre- 
nant le résultat des journées du 31 maL..... -*- 

Et ils s'étaient armés contre la Montagne. Mais 
une dernière injure devait être faite à leur 
mémoire, et ce fut l'accusateur public Donzé- 
Yerteuil qui s'en chargea: il écrivit le 6 prairial 
an 8 , au Journal de Paris , n.* 520 , une lettre 

10. — 4/ vol.. 



f tt une Mfii fci u i. «— ^Mk9. iz. 

«à on fit le passage Mifttnt : — « Af ant-faier ^ 
» yJBglHPK aéaiiiiiMU titeoys da lÎBistfere ont porfë 
» Jenrs lètes mar Tëdiafaiii. Ces Messieurs roa- 
« laient ^donner ia ci«^Tttit firetagne aux An- 



•••«• 



lA BÉTOIimoV BR BIBTA6III. 147 



.GiIAJN[TB£ X. 



OFiBÂTIOn» MAAITIVIS VO FOUT BB BUCT. — COMBAT BU 13 

VBAIBIIL AH 2. 



L^^iminplation des YingtHsix n^oiinifltrfiteors da 
f iuistèi^e ne ,fat pas le seql aqte .de terrftrisiQe 
que les représeptants ea ipsisiûn |i Qrest exer^ 
<^r^][|t. Particulièr^meot prëp^ppé$ de la rëpi>- 
ganisation de Tarmëe navale , ils sévirent d'abord 
sur les officiers venus de Tonlon et sor les fédé- 
ralistes. Mais j pour imprimer xm élan convenable 
aux sans - culottes et aux divers services de la 
marine , il fallait que la gqillotine et le tribunal 
révolutionnaire répondissent des mesures près* 
mtf» et paftic^èrepent des,réppîsitionspronopl- 
cées• — lia guillotine devint dès lors entroi'lears 



148 IIV&B SBPTI^MB. ' CHAP. X. 

mains dq argument sans réplique : on s'en servit 
pour avoir un boisseau de blé ou une paire de 
souliers , comme on s'en était servi pour détruire 
Tancienne administration. Et Ton vit au tribunal 
et sur récbafaud, de jeunes femmes ^ des prê- 
tres octogénaires y des juges j des administrateurs , 
et le père d'un héros alors sans tache , de Mo- 
reau , qui n avait que des victoires et son dé- 
vouement (1). Grand et sublime , cependant , était 
le peuple au milieu de ces sanglants sacrifices. Il 
s'inspirait de son seul amour de la patrie , el 
allait réaliser des prodiges , que des misérables 
ne sauront employer qu'à l'accomplissement d'un 

désastre irréparable. 

« ... • » « .» ... 

Lès premiers mois dé l'année 1794, venaient 
en effet de s'ééôuter, et l'hivernage de la flotte 
de Morard de Galles avait sei*vi à reconstituer 
itnè armée plus forte qu'aucune de celles qu'avait 



(1) D'après le registre dtos an^éls de ce tribunal, qae 
nous avoos; consulté 9 il ressort que du 21 pluviôse an 
II au 24. thermidor de la même année , c'est-à-dire dans 
lespace de six mois , il fut prononcé sur. le sort de 182 
prévenus , desquels 68 furent condamnés à mort , 1 i à 
ta déportation , et plusieurs autres aux fers ou à la dé- 
tention. 



LA liroLunoir Bjr butaoitb. 149 

encore vues le port de Brest depuis le commen- 
cement de la Rërolution. Brëard, Laignelot , 
Trëhoaart et Jean-Bon-Saint-Andrë s'occupèrent 
saccessivement de cette grande opëration , et 
si Jean-Bon s'y adonna particulièrement 9 chacun 
de ses collègues y concourut plus ou moins. 

Nous avons déjà dit quels changements Jean* 
Bon apporta dans le personnel de la flotte , 
lorsqu'elle rentra sous les ordres de Morard de 
Galles y et dans quel esprit fut fait le choix des 
officiers auxquels il confia le sort de la marine 
française. Cette partie du service étant assurée , 
et l'accusateur du tribunal révolutionnaire ayant 
en cela puissamment secondé le représentant, 
celui-ci s'adressa à là flotte et aux officiers du 
port par plusieurs actes publics qui durent servir 
de base aux opérations ultérieures de l'armement* 

Sollicitant d'abord un arrêté du Comité de Sa- 
lut public, en date du 15 pluviôse an II, il dé- 
cida que les garnisons des vaisseaux et des fré- 
gates seraient doublées • que les soldats qui for- 
meraient cette augmentation de garnison, seraient 
exercés au canonnage et feraient ainsi le service 
des batteries , ce qui permettrait de diviser les 
équipages et d'armer uil plus grand nombre de 

})âtinientst P^ç §'^rr^t^n| point h cette meî^urç , }\ 



150 tlYBB SEPTIÈME. — CHÀP. X. 

prescrivît aussi la levée en masse dé tous les ma- 
rins disponibles depuis Dunkérquè jusqu'à la 
Rochelle , en même temps que toutes les muni- 
cipalités furent invitées ai recevoir, pour la flotte^ 
les engagements que les jeunes gens de la réqui- 
sition seraient disposés à faire. Puis ^ faisant en- 
core intervenir le Comité de Salut public , il fit 
un appel à toutes les communes de France et 
aux sociétés populaires afin qu'elles ouvrissent 
des souscriptions pour des vaisseaux armés à offrir 
en don à la République (1). Une série de règle- 
ments et de dispositions organiques sur la condi- 
tion du matelot , son instruction , ses devoirs et 
ses litiges à la reconnaissance publique , furent 
le point sur lequel il s'appuya particulièrement 
pour donner à l'armée l'impulsion et la force 
dont elle avait un si pressant besoin. 

«f Citoyens, disait-il vers la fin de brumaire aux offi- 
ciers de la marine , depuis que nous sommes arrivés au- 
près de vous, nous vous avons donné des preuves multi- 
pliées de notre sollicitude pour la gloire de la marînd 

.(1) Les Soi^iélés populaires de Montpellier et de Me- 
lun furent les premières à concevoir cette idée , Brest 
y répondant , ouvrit des souscriptions 4}iii donnèrent 
t07^530 Uvr^p, 



fnmçaise...*.. Hfûsmitts sons sTeoglffrioss étnageBioiit» 
nous tromperions la nation, nous tous tromperions tous* 
mêmes, si nous avions la faiblesse de dire qoe tons les 
abos sont détruits.^... 

» Il ne suffit pas à llionoeiir de notre marine daToir 
des Yaisseanx imposants par leor masse et lev Isree, 
des équipages conoigeox et diseif^ifiés; il ne suffit pas 
d*aT<Hr repoussé hors de Totre sein des hommes suspects 
à la patiie, il faut encore extirper de toua les eosurs le 
germe des passions qui nuisent au bien publie» 

s Ici, Citoyens, nous tous devons la Térité, aTec 
celte f randiise austère qui appartient au caractère répu- 
blicain. Ceux de tous qui sont dignes de 1 entendre ^ nous 
sauront gré de TaToir dite , les autres poonront do moins 
en profiter, et mériter par là restime et la confiance du 
gouTernemeot. L*es|Nrit de rancienae marine tend avec 
force k se reproduire dans la marine républicaine. Nous 
avons remarqué, avec douleur, que des officiers parvenus, 
par la révolution, i rhonoeur de con^mander, conserrent, 
affichent, et veulent perpétuer des prétentions que noue 
avons eu tant de peine à détruire. De nombreuses péli* 
tions nous ont été présentées pour demander de TaTance- 
ment , on nous parle de passe-adroit ^ ^funcienneié: cha* 
cun vante ses taWnIs et son expérience; chacun veut 
commander; nous nous demandons où sont ceux qui ont 
le courage d'obéir. 

A Ce courage, Citoyens, en vaut bien un autre: c*est 
celui de tous les Trais amis de la patrie. Heureusement , 
nous STons trouTé de ces Trais amis de la patrie, qui, 
eçut^nt fout le poida 4c l^urs devoir» , et jaloux <|e I94 



» 

bièii remplir, ont trémi de la lâche que nons- leur impo- 
sions. 

» Ces hommes, nous ne les ayons pas -vas venir faire 
leur cour aux représentants du peuple , mêler la prière à 
Torgneil, et nous menacer de quitter le service, si nous 
ne cédions pas à leurs prétentions. 

»' Citoyens, des marins, des guerriers, savent com- 
battre et vaincre ; ils ne savent pas , ils ne veulent pas 
savoir autre chose: la place qui leur convient le mieux 
est celle qui leur est assignée , et nul de nons n'est juge 
de son propre mérite. 

» Et que résulte-t-il de cette basse jalousie qui fait 
regarder comme un affront, Téléyation d*un de nos cama- 
rades? L'oubli de tous les devoirs, la négligence dans 
le service, le relâchement de la discipline, des défaites 
malheureuses, la honte et lopprobre 

» Mous vous déclarons donc, au nom de la nation 
dont nous sommes en ce moment les organes , qu'elle ne 
veut reconnaître pour ses serviteurs que ceux qui saTeni 
attendre que la pairie les appelle , et qui ne connaissent 
d autres pétitions que celle de la valeur et du devoir. Si, 
par inadvertance f ou par erreur, nous ne rendions pas 
à chacun ce qui lui appartient, nous serons toujours 
disposés à reparer des torts involontaires. Mais que les 
sujets oubliés aillent à la mer nous accuser de cet oubli 
par des actions éclatantes, et nous forcer ainsi, s'il en 
était besoin , k les mettre à leur véritable place. 
' D Sous l'ancien régime, Beausset naviguant sous les 
ordres de la Touche, se fit un jeu de lui désobéir pendant 

tPtUe \fi çjm\^vp ; im reloqr, il <H^tJnt de Sartinoi pwP 



jjk Biraiiimoir air bistackb. 153 

prix de son msiibordÎDaitîaii» le brevet de chef d eseadre. 
Les Beaussel da nouveau réçime, s'il pouTait s'en 
irouYer, iraieni aussi à Paris, mais ce serait pour y 
trouver un tribunal redoutable aux méchants. 

» Citoyens, nous attendons de vous des sentiments 
plas magnanimes et plus généreux. Vous répondrez à 
l'espérance de la nation. Une moisson intarissable de 
gloire Toas est réservée : allez la cn^llir; les fruits sont 
peur TOUS. La nation n'en veut d'autres pour elle-même 
que de pouvoir honorer votre courage et vous faire 
jouir de cette précieuse liberté que vos victoires auront 
consolidée, o 



Et ils prirent, en effet, d'antres arrêtes, poar 
que le profit des prises faites fut promptement 
et sans difficaltë remis aux équipages ; pour que 
rinslructiou théorique et républicaine fût donnée 
aux mousses et aux novices que les gabiers et les 
matelots durent prendre i^ous leur patronage, 
avec promesse d'une haute*paie. Quant à la dis- 
cipline: les peines les plus sévères pour toute 
désobéissance; le tribunal révolutionnaire poor 
les officiers qui compromettront la sûreté de leur 
navire, la peine de mort pour tout contre-révolu- 
tionnaire qui répandra sur la flotte ou dans les 
équipages une nouvelle propre à compromettre 
Thonneur de la république; les fers pour celui qui 
4eniandera la grâce d'un coupable, ^|f$«, etCt 



154 UTBS SBpniuiE. -* chaf. x. 

Maîg tOQtofi ces mesores poavaienl-eltes im- 
proviser une marine y quand les capitaines, im- 
provisés eax-mêmes et pris dans les bas officiers 
de Farmëe et dans le commerce , ne connurent 
peut-être pour la première fois les obligations de 
leurs nouveaux grades que par des exemplaires 
de la indique navale^ imprimes à bord du 
vaisseau la Montagne^ à la fin de germinal , c'est- 
à-dire au moment même où la flotte allait faire 
ses vivres et appareiller : il est évident que non. 
Mais , sous Tinspiration brûlante de Jean-Bon et 
de Laignelot, tout s'anime à Brest d'un mouve- 
ment extraordinaire , et à là vue des merveilles sans 
nombre qui se réalisent dans le port sous la di- 
rection de l'ingénieur Sané (1), lés représentants 
se persuadent qu'ils vont bientôt anéantir l'An- 
gleterre et ses flottes» v 

fif Le port de Brest, écrit Laignelot, le 15 pluviôse 
an 2 , contient le volcan qui doit Tomir sur les eni^effiis 
de la liberté les foudres destructeurs de la tyrwMite. H 



(l) Cet ingénieur, au rapport de Jean-Bon, avait cons- 
truit à cette époque 54 vaisseaux dé ligne, parmi les- 
quels le Taisseau la Montagne , qui passait pour Ttin 
deô plus beaux du monde ; aujourd'hui Y Océan , qui vienf 
d'êlf0 refondu, 



lA BiftroLunoir sir bbbtaghb, 155 

faot que chaqne partie de la Bépabliqae fournisse tout 
ce qui peut servir à en grossir le foyer et faire jaillir 
an loin les laves brûlantes qui iront desséober les ma- 
rais et préparer le nonveau sol 4e la liberté. Déjà notre 
escadre • présente une force imposante, ses équipages, 
brûlant du désir de combattre, n'attendent que le signal 
pour aller se ruer contre les despotes. Mais ce n'est 
point assez d'avoir du fer et du, courage^ il faut des sub- 
sistances, etc. y etc. » 

Et ils requirent successivement les grains , lc$ 
farines, les pois secs, le chanvre, les toiles, les 
souliers , les draps , les habits , les marmites , les 
bois de corde ,. les fers et les vieux cuivres qui 
pouvaient servir aux armements qui se poursui- 
vaient. — Manqnent-*iis de charpentiers , de cal* 
fats, de tonneliers , de voiliers , etc. , il en est de 
ces hommes comme des matériaux qu ils requiè- 
rent. Deux jours après la publication de leur 
arrête du 7 ventôse^ il sera fait dans chacun des 
districts de quinze départements désignés, une 
levée eXtrâordiudire de charpentiers , tonneliers , 
etc , etc. , choisis de préférence parmi ceux re- 
connus pour les plus habiles. Dirigés sans retard 
sur Èrést^ ils y reçoivent la solde fixée par le 
maœimumy et c'est ainsi que tout s'anime sous 
l'inspiration des représentants. 

fr'Tptïs les cjlpjfens propres à h ffibr«pation du s^l^ 



156 LITU SEPTIÈME* — CHAP. X, 

pétre f sont appelés , éGrWeot les administralears qu'ils 
dirigent. Les fourniers et lc*.s fabricanls de chaux et de 
tuiles déposeront tous les quiotidis, les cendres de leur 
four; les municipalités constateront le nombre de bar- 
riques vides qui existent chez les débitants et les mar- 
chands de Tin , les bassins, bassines, chaudières et chau- 
drons qui se trouveront chez ces mémos marchands et 
les mettront en réquisition* 

Et il fut en même temps décidé que, dans un 
délai donné, le sol salpêtre de tous les souter- 
rains du département serait fouillé et lessivé : 

— « Que toutes les cendres qui ne sont pas néces- 
saires aux usages domestiques seraient précieusement 
recueillies ; que des citoyens actifs courraient les cam- 
pagnes pour recueillir les herbes et les bois morts qu'ils 
pourront trouver afin d en faire de la cendre ; que Ion 
brûlerait les feuilles de haricots, les tiges de tourne- 
sols , les tartres, les lies de vin et autres matières riches 
en salin. » 

Quant au mouvement du port^ c'est encore 
quelque chose de plus extraordinaire , s'il est pos- 
sible. Tout y a pris, sous la direction de Tingé- 
nieur Sané, un mouvement qoi tient réellement 
du prodige ; on y travaille de jour et de nuit , et 
les ordres des représentants sont tels , que , sous 
la responsabilité des chefs militaires et civils do 
port, on voit 4çvix frégates portant 4u 1 S 7 wji^eç eq 



£â MiroLuriov bh BKBTAGinr. 157 

diantier le 27 ventâse, mises à Feau trois mois 
après , et quatre joars eosaite , en rade, pourvues 
de leurs équipages et de leurs vivres , en mesure 
d^appareiller. 

C'est au milieu de ces créations miraculeuses , 
lorsque tout manquait à Brest , et qu'une armée 
y était rentrée dans un état complet d'insubor- 
dinatiim quatre ou cinq mois auparavant, que 
s'organisa une flotte qui fut portée jusqu'à près 
de quarante vaisseaux de ligne. Et cependant les 
représentants, lie se bornant pas aux seules opé- 
rations du port, avaient successivement envoyé 
une division vers Granville , des croisières dans 
la Manche, d'autres dans les eaux de l'Iroise. Et 
chaque jour quelque bâtiment de ces divisions , 
poussant devant lui des prises faites sur l'ennemi , 
flourv'oyait ainsi à tons les besoins du port. Une 
ibis, c'était le contre-amiral Vanstabel , qui, après 
avoir échappé miraculeusement à une flotte an- 
glaise de 35 voiles, rentrait accompagné de 16 
prises plus riches les unes que les autres ; à un 
mois de là , en pluviôse ^ c'était le capitaine Ke- 
jianguen et trois vaisseaux qui mouillaient en 
rade suivis de quinze autres prises. Quelques jours 
'auparavant, la (jarmagnole , la Galaihée et la 
SémiikMie' et Aent rentrées avec douze prises 



158 IIVILB SBFTikMS. — CMAP. X. 

chargées de deo^ées eolomales, de drtps, de 
grains; et ehacun de$ porto de Loiienl et de 
Bochefort , semblant rivaliser avec Brest , pré- 
sentait des états de prises où nous trouvons , pour 
BocbdTort jusqu'à 52 Mtiineots de loutes nations 
amarinés dans moins d'une année. 

Deux grandes pepsées cf^pendant préoeeupaient 
le Çoniiité 4e salut public et Jeaa*-Bop j son dé- 
légué à Br^t : le désastre de Toulon à r^arer , 
et des grains à se procurer de FÂmérique pour 
subvenir aux besoins des départemejÉts et de 
Paris , chaque jour plus alai-m^uts. Or , dix barîk 
contenant chaccin 500^000 livres en or venaieirt 
d!étre expédiés par 1^- monnaie de Paris au payeur 
général à Brest, <Qt Lo ciloyen Fauduet, €^argé 
des ordres du Cooiité de salut public , avait suivi 
cet envoi de près. Ses instructions .portaient^ 
qu il se rendu^t immédiatement aux Etats-XIms ; 
et le $^.frimai]re,.s'4tAnt embarqué ^vjbc ses cinq 
nfdlions sur le y.ais$eau le Tigre ^ ie plus ;£iii 
vpiliier de Fctscadre de Yanstabel , il fit voile pônr 
Jgo^ton avec et t .amiral. 

Sl^jlors 9 iout.^ diqpiO«aidansie.port de Brest , 
|»oor que Ï9xrs^ .^q masse prît prochainement 
|a qaer, jifin de prptégi^r Tarri^^age ^du eonnoi de 
^4[|:i^et,q)|e VjWl^t^JbQl .^puYAÎt de soia escadre. 



£▲ U^OLOTIOV BH BUTAGIII. 1 &9 

L'activité ^pù avut existe jasqaes-là fut donc dé 
nMiyeau surexcilëe^ ^ les représentants en mis- 
sion à Brest , s'adressant à leurs collègues et aux 
aatoritës des ports de la Rfanclie, de Lorirait et de 
Bochefort , pressèrent le prompt départ àe tous 
les navires disponible^ dans ces ports , afin qu ils 
raUiasaent la flolte de Brest , qui avait ét-é confiée 
à Villaret 9 et qui comptait déjà 25 vaisseaux de 
figne. <— tr Hàtez-vous, disaient les représen-- 
» tanlsde Brest 9 et nous devrons avoir incessam- 
» m.ent quarante vaisseaux. » — D'ailleurs , con- 
venablement échauffés par Faction de la Société 
populaire y où lea r^résentants professent jour- 
xidJ^meirt leurs doeirines en présence des offi- 
(uers et des reorues qui arrivent , les équipages 
Inrôlwt du plus saisi «nlhousiosme et se persua* 
.deQt.9 iOMame les veprésenlants , qu'il suffira de 
-muacontrer rMuemi pour ^le détruire. Le 11 'flo-. 
féal 9 quand le: tempe fat venu de songer à éclairer 
la^ranlrée de VanrtalMU , levaisseau le Brutus et 
•lis fin^ates Ja iPrécieuse ^^ la Thémise sortirent 
.^a jla icnaiser pv^le teavers d'Ouessant. Des or- 
4iesdhreiit dounés^en mène temps à tous les na- 
liiliKSide Shcb jpoie «mois 4e vivres, et , le 27 flo- 
jrfal MI iiy par la (dus bdle soirée du monde , 
.^MUr tde ia \B|anie ^laiat reitfré à Brest, pour 



160 iiFBB SBPTiian. "— cha9. z. 

y remplacer Jean-Bon j qoi s'était embarqué sur 
Ja flotte à bord de la Moniagfte , Tordre de dé^ 
part fut donné , et Farmée se mit en monvement 
aux cris mille fois répétés de f^ive la Répu^ 
blique ! 

ff Vous auriez été enchantés da spectacle imposant 
et touchant que présentait* le départ de notre escadre , 
dit Prieur de la Marne à ses collègues Gueano et Top<- 
sent , à Rocheforty deux jours après le départ de la fiottis. 
La joie et l'impatience de se mesurer avec les infâmes 
anglais, étaient peintes sur tous les visages; le plus 
bel ordre régnait dans la marche , et les vœux d*un 
peuple immense qui bordait la mer, étaient le présage 
de nos succès. Notre escadre est composée de 26 vais- 
seaux, 7 frégates et 8 cotres, et sera sous peu aiigmeii>- 
tée de 17 vaisseaux et quelques frégates, s 

D^ailleurs , pour exdter et animer les équipa^ 
.ges ^ la Convention décréta , dans ces «Brtrefaiteg', 
.qu'il ne serait pas fait de prisonmers. Et^ Bar- 
rère, résumaat dans un rapport spécial , les for- 
faits de TAngleterre , lança une espèce de mani- 
feste que Prieur s'empressa de paraphraser au 
club et d'expédier par un aviso à son collègue 
Jean-Bon, qui ne connut tontefiois ces décrets 
qu après le combat du 13. Mais si^ dans ce même 
moment 9 les têtes de nos vingt-six administrateoite 
tombaient sur la place du Triomphe du Peuple^ 



LA BÉTOXVnOU BH BlITAftVB» 161 

c'efil à la mer qa'ëtait tout 1 intérêt qm sie ntte- 
ehait au sort de la Rëpobliqne. 

Un ôoiiToi Gonsidërable était parti de la Chesa^ 
peack aoas la prote ction de Y anstabel^ et le coirfrê- 
amiral Nidly, avec cinq ou six vaiaseaojc ^ avait ap- 
pareillé de Brest poar éclairer la marche de Vans- 
tabel et se joindre à loi, s'il y avait lieô. Nielly 9 
d'ailleurs , devait se rallier à l'armée de Yillaret 
à une hauteur donnée ^ et faire ûnsi partie de la 
flotte d;'<^ralion. Les ordres particuliers de Jean- 
Bon étaient d'assurer l'arrivée , sur nos câtes , du 
convoi, et de le diriger vers Belle-Ile ou l'He- 
Dieu. Il était informé qu'une floUe anglaise de 
quarante et quelques voiles était sortie des ports 
de l'Angleterre , et il supposait qu'une partie avait 
dû faire sa jonction avec une flotte espagikrfe de 
douze vaisseaux^ tandis que l'antre, formant la plus 
grande masse i se porterùtsnrla route du convoi. 

Bès le 29 floréal , ime. prisé anglaise , faite par 
l'aviso le l'at^V/om , détaché de l'escadre de Vans^ 
tabel^ en tombant dans les eaux de' la flotte, ap*- 
prit à JeaUrBon que le convoi était parti d' Amé^ 
rique le 17 gerâiinal , et «pi'il devait se tronv^M? 
peu éloigné des cétes de France. — L'armée éten- 
dit en cpnsé^enee sa ligne d'évolution^ et ses faft- 
timents légers eurent ordre de se parler le pkfe 

il. — 4.* VOL. 



ea âvtDt qn'îb pôinrràiliiit. Qmnt^o contn-Mlè^l 
Nielly , on n'eot .ea|iiiaMBiinee 4e iM>ii€Bca^e qtle 
le & prairkd , jpnr me fre^te qm s'en ^Mtk d4ta- 
ekde la « éiiU , et qaoktoe Ih AMtif ee Mttt à H 
heaténr qui faû avait été apogoëe^ ce ne fèt que 
le Ift , Aemt jours erprèe la rMieqilIre àe FentieMii 
qei eut Iîmi le 9 v qcM Mielly avec tMb vsmsMQât 
M des! frégates I fit sa jdnctioif. 

CêpoÉdapt , quelques jocm de mer, et qtidiqiiee 
évolètièiie oonmaadées par les oircoi^tanees ^ 
avaient de iMinne heure fait reMmattre à Jean* 
Bdii Im^mtene^ que les eommàddauts qu*Â avait 
îÉapvovisib entenflaieBt ppn k taetîqi^ éeé armëes 
davu^esi Une Ibis, «'étiaent plusMtlrft vaissëttUk 
dn cenlM qui avapielit to^alandent dispitM ; ttàes^a-- 
lÉe Idîs^ o'élaifliiltflenK ou troia^ldsaèiiiix , éMatfrè 
leit^oMfémetle Màémt qtt tmnqtiâiîeiÉf & tirer ; 
dana une ailtn cireonalunde, «'4laie«t^s alièk^^ 
dagesi la Mùtfne dent le fc^ati^pré éMH éAlevë on 
lei5'#i>£pK ètlelVrr£M9d6M|c8niétese b#iMtteÉt$ 
de sotte : qÉ'avam d'avoir È^mMÊÊ^ IVtaiMÉft, 
l'ondMd eoif piait déjà quaire ti.cinq 1»A^netîts do 
-noina. D'un antte «Âl|é , si l^n a'iiMlètè ku)tappk)H 
mètae de Jeaa-Bon sur le coadbàl dé pMSrtd , îm 
«oit oombion était (p^ndo iHiopétiliè -dès dafÂ^ 
4aii|ea, :dl»t:plusiiéufo no éiM»ptoiËlâ«M ^à fte 



.1 






« 



Il viroumo9 m BitTioBv. ISS 

ûtàteê 4pà lent étaient transmis , et dont d'antres, 
comtne cenjt des bâtiments légers ^ n'approdudent 
pas poor prendlre les instmi^tions de ramîmL 

Mais, il lie nous parait pas , malgré le soin qne 
prend Jeaio-^n pour intervertir Tordre natnrel 
des £iits , qne tontes les ressonrees disponiMes de 
notre marine aient été ntilisëes dans cette eireons^ 
taftcé. Je trottVe , en effet , dans la eorrespon- 
danee de Prièlir âVec le Comitë de saint pnMîe , 
«tue les vàisseamc le Caton et le BÊojeÉtneuûù^ 
étaient en Mde et «n m6snre de partir le 80 flo^ 
réai ; ({ne le 15 pi^airial ils furent rejoints à Ber- 
tifAme par Doré , qni avait son» Mb ordres cinq 
vaisseateK et plM^ears frégates ; qn^ le If^Mor^ 
Vlni^mpi&ôlèiléBruiiiéy la Drymde^lk Smf^ 
vigtilante^i^kMe^^ïeitA t*épaiiis àto mdftie dato^ 
et qull ne kât* fdttait , snivant Prienr, «^e ped dt 
jiMM pOttr se titonver en mesure dVi^ppat^eillef» 
ifdns ttotis ifemMdons éneore «me fois, pot wqn eî 
mi moins là masse de ces forées ^e Jean>J|on fit 
rièsiër sons fittrth^noi umb irallia poiM taf)ott«4e 
Ytths^ ^ pltttM po«yrq«m, d'niie p^rt, l^oft 
n'atalt pa» \Mi ^ qndqnes {onrs la rentrée es 
Sord, qni Mvetiait de Gaa«aHe, poaiK|ttoi i^ 
n-à^éit piè «sftigné via renâte^vobs an^Mmtre^tttt- 



184 I.ITU SBPtiitlEB. — CHIP. X. 

Aitf HO? et piosîepirs autres bâtkùento. U^e lettre de 
Pneur au Comité de salut public , datée du 86 
praîriAl y donne d'autant plus de valeur à mon ob- 
servation, que cette lettre , dont j'ai eu conmiu- 
nicati<M9 dans les archives de Brest, porte textuel- 
lement , que les ordres de Jean-Bon ompécbèrent 
Gornic de rejoindre le gros de l'armée. 

C'est, donc dans ces circonstances , avec des 
capitaines . inexpérimentés , sans la réutiion de 
tout^ les forces disponibles > nous parait-il , mais 
aussi av^ dés équipages enflammés du plus brûlant 
enthouttasmè , que les combats du 9., du 10 et 
du 13 pnôrial eurent Ueu«,Toufi{ les hommes qui 
se. sont oceupés de la marine , connaissent ce fak 
d'armçis, que le sublime dévouement de l'éqmpdge 
4a Vengeur suffirait à immortaliser, si le rap- 
ftort de tous les hpmm^ de mér qui ont pu juger 
de c^te bataille., ne s'accordait à dire , que japuû 
joMW marins ne montrèrent plus de résolutiop. Sfats 
quoique l'eimwEii comptât 28 vaisseaux et p^rmi 
eux sept vsvmeaux. à. trois ponts., quand .npn^ n'en 
avîoQs: plus que. deux par Fabsençe du H^pabi- 
rionnmrejqaiy dès le 9^ avait été écrasé à l'ar^ 
: rière^garde , il faut reconnaître que nod^, ne. fiaottes 
vmno9is.qd!m. raison des fautes commises, ét#im>- 
tout de l'inhabileté dé quelques capitaines, qui 



LA WtfOtVnOK SH BUTA«n. ISS 

forcèrent ramiral à renoncer h plosienrs maaoe'tt- 
vres jagëes indispensables. Tant esKil , qu*à la fin 
de la journée , après six à huit heures de combat ^ 
nous eûmes sept vaisseaux de désempares on 
coulés à fond , conune le Vengeur dont l'équi- 
page en s^abymant dans les flots criait enc^lve viv€ 
la république ! — Quant à l'armée elle^néttie , 
séparée de près d'une lieue de sept vaisseaux 
entièrement rasés , elle dut les abandonner , ou 
du moins 9 elle les abandonna de fait, quand, an diM 
de quelques officiers , il eût été possible de leur 
porter secours , si Jean-Bon , suivant ces mêmes 
personnes, n'eut intimé l'ordre à Villaret de 
donner le signal de la retraite, — On conçoit , au 
reste , combien il est aujourd'hui difficile de se 
prononcer sur ces faits. Toutefois, nous croyons 
devoir rapporter ici ce qui nous a été dit d'après 
le témoignage du commandant de pavillon du 
vaisseau la Montagne: c'est que Jean* Bon et 
Villaret se trouvant sur le pont à la fin de l'affaire , 
le représentant, au lieu de commander impérieu* 
sèment la retraite, aurait dit à Villaret: « Amiral, 
c'est à vous de prononcer, et^ quoi qu'il en wA , 
l'honneur de la république- doit être intact ; elle 
ne doit rien perdre ! » -^ Mais encore une fois , 
nous ne nous portons pas juge dans le d^bat, et si 



US wAxe o^Bcifeirvalwft novice sur le mépae vaisseau 
la Montagne j nous a rapporté , que , la <îonn^s- 
sanee de f ordre de la retraite poussa Tindignation 
M loin 9 qu'un matelot dirigea son arme vers Jean- 
Bon au moment où il passait près de loi, nous ne 
pouvons voir k^on plus dans cet acte d'exagéra- 
tion 9 qu'un effet naturel de l'enthousiasme des 
équipages, et de la colère qui dut se tourner 
après, la jotu'né'e du 13, plutôt sur le représentant 
que sur l'amiral. 

Blaîs enfin la retraite s'exécuta , et 19 vaisseaux 
rraitrèrent à Brest le 23 prairial , après avoir été 
signalas le Si à Prieur, qui trsmsmit cette nouvelle 
an Comité de salut public dans les termes suivants: 

cr La fortune et les vent» ont trahi le conrage des ré- 
pabHcains , mais leur courage leur reste. Il saura tout 
réparer, et Garthage sera détruite. Bos braves marins 
se sQnt battus avec une valeur au-dessus de tout éloge ; 
^t la postérité n'apprendra pas sans une admiration mê- 
lée de respect, que plus de deux heures après la fin 
du combat nos vaisseaux démâtés conservaient tous leurs 
pavillons et qu'aucun ne s'était rendu. Pnissent-ils avoir 
trouvé le moyen de rétablir leurs voiles et de revenir 
sé«s qnelquea jours recevoir les marqués de reconnais- 
sance que la patrie doit à leur intrépidité. Aussitôt la 
réception de ces dépêches , il a fallu nous occuper des 
moyens de tirer le. parti le plus avantageux des forces 



qni sous restent, et troQTer aqrtout cen^ 4e remplir h 
U foia deux grands objets. L« premier» |«otég#r I« reqv 
trée de mtre ^otte ; le aecood i celle da oo^voi que nous 
aUendpna. LVtat daa« lequel te trpuve rarote anglaise ^ 
nous fait penser qi?'elle sera oblige ellchm0m6 de OBr 
iQuroer danis ses porta, si lea Teats qui règneol ne la 
fbrcenl d'acttérer en Espagne. Slaia la dîviaÎQn qui eal 
ans enyirenadeBreai, etdpnije ^ons ai parlé dpna nia dea- 
iiitoe lettre» nona donne de grandea inquiétiidea « elle 
net de 10 à 13 yaiaaeaav » 5 fcég^iiea et deai; ontten an 
corvettea. Il n'y a paa i denter qife cette division clier' 
chera à inqaiféter la rentrée de notre flot|^ et aprtont cellje 
du conToi; notre flotte ne nous inquiète paa, eih est en 
état de battre cette division; mais le convoi, U ne faut 
pas le perdre un instant de fw* Le parti le pln^ a^gfs 
à prenbe nous a para être celai qui remplît ce double 
objet, ausai les ordres sont d^néa pour qqe Dor^, avep 
7 vaisseaux et 3 frégates , parte le plas tôt poasible , en 
se dérobant à la vue de la division anglaise ponr se por- 
ter à Touest de Tlroise, en évitant tout engagement avec 
la division anglaise qni croise sur Ouessant ; les ins- 
tructions remises au commandant de la division, portent 
qo 'il preadbra toulea lea mesures ponr protéger la rentrée 
de la flotte et cdie do convoi* $ 



« Vues ultérieures. 

, » La flotte doit être en rade de Brest sous. trois joor^ , 
12 vaisseaux paraissent encore en état de tenir I4 fner , 
an moins lea j mettrops-nous sous tr^^-peu de jours , 



i€8 LITBB SBPTiiniB. CHIP. X. 

jointa k la dÎTision de Derë qoi en a 7, et au Nestor, 
à yindùmpiabhét aa Bruiusj ils fomeroot une escadre 
de 20 vaisseaux en état de faire face aux Anglais. Si 
le Moral de Rochefort , les Droits de tEemme de Lorient 
et les deux vaisseaux de Yanstabel pouvaient se réunir, 
nos forces seraient imposantes. Je ne compte ni les fré- 
gates qui peuvent tenir la mer, ni les vaisseaux dé- 
mités qu'il sera possible de remettre en état dans peu 
de temps. Je ne compte pas non plus la petite divisioft 
dé Thètenard qui devra se rapprocher de Brest pour rem- 
placer les frégates qui protégeaiêbt le passage deTIroise. 
J expédié demain à Yanstabel une corvette pour Vins- 
truire des événements , de la position des ennemis, et le 
'mettre à même dé prendre une direction qui ne com- 
promette pas le convoi dont il est chargé. • : : '. 
» Une lettre de Villaret à sa femiiie , annonce que 
dix vaisseaux anglais ont été démâtés, et que deux ont 
coulé bas en sa présence...^... » 

Et répondant, le lendemaio, 22 prairial, à 
Jean-Bon , qui lui annonçait son arrivée , il ajou- 
tait : 

« Doré et ses vaisseaux sont encore sous Berthôme ; 
si les vents changent, nous irons à votre rencontre pour 
réunir les vaisseaux de k flotte dans le cas de mar- 
cher. Doré tombera sur la division anglaise, qui est dans 
ces parages, les pulvérisera, retournera au-devant du 
convoi, battra Tannée anglaise, si elle a pu tenir la mer; 
et Five la RépxubHtfuei » 

Tant il est vrai que la défaite même du 1 3 1 



LA wtroLvnoa tn Bnuen. 169 

n'avait point encore démontre à ces hommes qtie 
la valeur seale né suffisait point pour vaincre une 
flotte aguerrie Mais , le 23 , les premiers vais- 
seaux de la flotte de Villaret parurent sous Ber-^ 
thôme, et 9 au milieu des nombreuses embarcà^ 
tiens sorties de la rade, on put voir un Mgeir 
canot de la marine ayant à son bord on juge et 
le greffier du Tribunal révolutionnaire , qui se 
transportèrent sur plusieurs navires poor apposelr 
les scellés sur les papiers des officiers déjà' desti- 
tués ou livrés au fatal tribunal. 

La rentrée de Jean-Bon à Brest , et son trajet 
du port à Fhôtel de Tlntendance où les représen- 
tants logeaient , furent préparés par Prieur et la 
police 9 de marière à faire croire à une victoire. 
La Grande-Rue était pavoisée, les fenêtres garnies 
de citoyennes , qui tenaient dans leurs mains dés 
corbeilles aux rubans tricolores remplies de 
fleurs qu'elles jetlaient sur le représentant victo- 
rieux. Les cris de f7t;^ /a République! Mort 
auûc Anglais! se faisaient entendre par de 
bruyantes acclamations. Jean-Bon-Saint- André , 
avait à sa drmte Dubois-Crancé , en mission ini^ 
tantanée pour l'embrigadement des troupes; à sa 
gauche Prieur^ de la Marne ; et , derrière lui « les 
gotoritéa eoiitttîtuéoa de la viUe et du port ^ au 



170 sxvwM sBmin* — ciut. x. 

mîUeo ^Mqpelles étaient plucj^des ULtisës perlés 
sur des brancards conv0rts de paln^s et de laa- 
riers. La population, se laissant ailler à cet enthoo- 
«ame^ n'était point encore rev^nne de son illusion, 
et il fallut plusieurs jours, h débarquement de 
plus de doiiM cents blessés , la mise en réquisition 
de toqis les .chirurgiens et de plusieurs maisons 
servant d'annexé aux hôpitaux, pour apprendre 
au peuple qye le combat du 13 n'avait point été 
une victoire. 

«r Mais ce que j'ai vu là, dit un témoia oi^ulairsy en 
parls^nt des salies de malades où il se trouvait Ini-mémey 
De saurait se décrire. C'était aux cris de rcothonsiasme 
le plus exalté que se faisaient les pansements et les am« 
putations. Chaque lit offrait une scène à recueillir. — Un 
ooHtreHnaltre produisit on effet électrique, dans une salle 
eoCière, en racontant aux sorars et aaz infirmiers le 
Qfunbat du f^engeur* Il avait la tète eippafuetée de ban- 
das , di>nt la blancheur contrastait avec sa figure noire 
et sa iQugue barbe. Arrivé à la catastrophe > il lève de 
dessous son drap un bras robuste etTelu^ et dit avec son 
accent provençal : — Ce pavillon du Vengeur, voyez- 
vous , U flottait à la barbe des Anglais , pendant que le 
vaisseau coulaii avec son brave capitaine, çui le leur 
px^sentaià eneore au momeatoà têut avait disparu (t). 



(1) Le capitsdne da Vengeur^ Benaadin , ne fat pas toë, et je re- 
Iropve èm$ nae lettre de rudmiiiîsIrttioB rnisiMpatfe de loioeff 



YlTX ▲ iàMUS U ViBOBUEI YlVB ta BiVVBLIQUX! 

Et tonte la salle retenti! de ces acclamaiioiis. » 

Mais ëcoutoDS Prieur s'adressant à la Conven- 
tion sur ces mêmes faits. 

ff Le combat du 10 aa 13 prairial vous fournit une 
nouvelle occasion dacquitter une dette nationale et sa- 
crée. Deux braves marins du vaisseau le Jâmmapes^ 
Jean Favre et Pierre Jurquet y ont perdu , le premier , 
les deux bras ; et , le second , Iç bras gauche et trois 
doigts de la main droite. 

» Vous n'apprendrez pas sans intiérét les circons- 
tances qui ont accompagné réyénement du premier : 
quartier-maître sur le gaillard d'avant ^ n'étant plus né* 
cessaire à son poste , parce que le vaisseau était totale- 
ment démâté, Jean Favre marchait vers Técoutille pour 
aller servir la batterie , un boulet lui casse le bras gauche; 
il plie dans son mouchoir la main qui pendait encore et 
la met dans sa poche ; il ny a çue demi^mal^ dit-il à 
ses camarades^ il me reste encore un bras pour le set' 
vice de la patrie; au même instant il descend dans 
lautre batterie, prend lanspec et fait le service du canon 
pendant trois quarts-d heure , jusqu'au moment oti un 
second boulet lui emporte le bras droit. 

» Il se rend seul au poste , le chirurgien se présente. 



qu'il fat débarqué 4ivis ce port p«p 4® mois après le glorÎBiu pamr 
bat, qoi l'a honoré, revenant des prisons d* Angleterre av^e son se- 
cond, qoi avait été échangé ainsi qne loi. — Reoandin fut fait contre- 
«Biml 



172 LlftM SBPTital. - CHAP. X. 

-^ A rampotâtion de chaque bras , crie avec moi vive la 
République! luidltFavre, et il suppdrte cette double 
opération sans sourciller. * 

» En sortant de Thôpital, ces deux braves marins sont 
Tenus me trouTor ^ j*ai eu le plaisir de les garder deux 
jours. Il me serait impossible de tous exprimer les sen- 
timents héroïques dont ils sont animés. Ils répètent sans 
cesse qu*ils bont satisfaits d avoir versé leur sang pour 
la patrie , qu'ils sont encore prêts à la servir ; que, dans 
Tancien régime il y a long-temps qu'ils seraient morts 
de chagrin ; mais que la satisfaction qu'éprouve leur 
cœur a opéré leur prompte guérison. 

» J'ai été auprès deux Tinterprète des sentiments de 
la Convention Nationale à Tégard des braves défenseurs 
de la patrie : leur désir se bornait à retourner à Ville- 
neuve d'Âgen, leur pays, et à pouvoir fournir à leur 
subsistance. Je les ai fait embarquer pour Bordeaux sur 
un navire qu'ils ont choisi; j*ai pourvu à tout pour leur 
foute , et j*ai pris un arrêté pour qu'il leur soit payé à 
chacun 100 livres par mois , en attendant que la Conven- 
tion ait statué sur leur sort. 

» Comme ils ne pouvaient s'habiller ni manger eux- 
mêmes, je leur ai donné un marin de leur commune 
pour les accompagner jusqu'à leur destination. » 

— Le sort et Tentrée du convoi tenaient ce- 
pendant encore les esprits en suspens, et si le 
désastre du 13 avait navré le coeur des patriotes, 
OQ se flattait que le conibat ne serait pas $an^ 
fruitfl Oa pensait que les nouvelles dispositiom 



XA MÈroLvnov m BmiTA6irB. 173 

prises pour remettre nos vaisseaux à la mer as- 
sureraient rentrée des richesses attendues de l^A- 
mériqae et regardées comme pouvant seules faire 
cesser Taffreuse disette dont la République était 
menacée sur presque tous les points. — Cette 
espérance ne fut pas déçue , et le 24 prairial les 
signaux de Penmarch annoncèrent , vers 6 heures 
du matin ^ la vue du convoi, composé de 100 à 
150 navires à trois mâts, portant pavillons na- 
tional et américain. Le 25, il avait doublé le 
Raz et se trouva sous Berthdnie. Le contre-amiral 
Yanstabel ayant ajouté aux navires qu'il con- 
voyait un nombre considérable de prii^es. — La 
rade de Brest fut bientât couverte de bâtiments, 
et les vaisseaux du 13 prairial cachèrent leurs 
mutilations à l'ombre des deux pavillons unis de 
la France et de l'Amérique. Jean-Bon et ses col- 
lègues crurent encore alors à un triomphe ; et , 
en voyant les magasins et les quais chargés de 
marchandises , ils reçurent gravement des adresses, 
où des flatteurs leur disaient : Qu*iU avaient 
arraché aux féroces satellites de Pitt , le 
trident avec lequel ils avaient long^temps 
maîtrisé les mers. 



SA tÈfoixmoa nr MaRA«in. 17S 



GHAPITBE XI. 



lAUSATIOir 9U PIVPLI. 



Qa'Â'-fe besoin défoniMM db tv'étaiidbe poo^ 
reproduire la situation de Brest sous la âwnhi i * 
tien de Briew et de Jeao B e n' S a int^A»Jgë* Aeca- 
lilësy Gomme Us le disent effiroatëiMiit ^ seiis les 
lauriers qu^Us vieiuieiil de eueilfir^ y a'erit pèr« 
soBae qui ne ce n f oar e oe qris le dësttstiie da 13 
prairial 4^«lii à Umt Migb et à eet es(N(il de tëyé^ 
nératiton qoi ftit moids^ désormais ^ un système 
qa'jBuae occasion de vesigeauce. D'aiUeaiPs, Brest et 
le Fiaisttre {sont dhna le ;pii» gnfaà abattenèdtk 
C3iai|ii* fiuwUe j phmtm un ami ùvi un pprenl 



176 UYU ttrriiuu. — cuàJt* xit 

mort dans le combat de prairial; d'autres y pleu- 
rent leurs pères morts sur réchafaud, et toute 
cette vieille population armoricaine a si profon- 
dément ressenti le contre-coup des désastres es-* 
suyés, qu il se passera un dembsiècle , sans que , 
dans les récits qui seront faits de ce combat 9 per- 
sonne veuille se rappeler le convoi de Yanstabel 
et les instructions données à Jean^Bon qui devait 
assurer sa rentrée. On ne verra , dans l'affaire du 
13 prairial, qu'un lâche représentant qui a tout 
perdu pour s'être retiré du feu , quand il était en- 
core possible de rengager le combat, et d'en 
changer la fortune. Et c'est sous cette triple 
préoccupation des crimes du Tribunal révolution- 
naire , de la disette , et de la lâcheté de Jean- 
Bon^ que nos popalationa maculées atteaidront le 
dthenmdor» 

Mais suivons l'oeuvre de ces hommes s à peine 
ont-*ils sacrifié les vingt-six administrateurs, qu'ils 
s'Attachent à poursuivre les citoyens les. plus con- 
sidérés de Brest et dn département : Le Bronsort, 
TouUec, Baby, I>aniel-di|*Coioë, Sîviniant, tons 
çonons pour av<Mr secondé le mouvement de 89 , 
et avoir phisienrs fois comfMromis leur existence 
irt lenr famille pour le triomphe de la liberté. — 
St qqel est le crime qu'on leur reproclM? — 



LA miYOLmiojx m bibta«b. 177 

Tfétre fédéralistes, Savoir conspiré contre 
la liberté et la sûreté du peuple français : et 
nul moyen d'en .douter ; Tan , comme Baby^ a ëtë 
saisi à Paria ayant sur lai wi avis ainsi conçu: 
« Je crois, qu il serait prudent de rentrer à la mai- 
son; on craint une insurrection cette nuit (fil mai 
1793); au reste, il est à espérer que, puisque la 
mèche est éventée, le danger sera moins grand, n 
— Ce qui veut dire , suivant raecusateor Donsé- 
Vertenil^ ancien moine , que Baby était , à Paris , 

l'émissaire des Kervelegan et des Buzot — 

Donc, la mort!^— Quant à ^viniant, on le dit 

auteur des vers sniyants : 

* 

« La liberté, c'est notre essence; 
» Ifoos. lui porterons ce toast: 
o Distinguons-la de laHeenùe^ 
» Qui nous disHngue.de Marat. » 

G en est plus qu'il ne faut, sans doute; mais 
cette fois la victime leur échappe, ^t les témmnsà 
gages pris dans les bataillons mara tintes, et les 
comités du bagne , n'ont pu prouver que, Siviniant 
était l'auteur réel du couplet incriminé (1). — 



(1) Acquitté par les jurés, il fut cependant détenu sur 
les réquisitions de Yerteuii. BaUvacher, Daniel Ducoloë, 
Mauviel, Thépault Dubreignon, Binard jeune, Magnan 

12. — 4/ VOL. 



Ma» TooHee y ancien membre du district, mais le 
BroBSort , ancien membre de la commune ^ soc- 
condieront , et , TanAiversaire da 14 juiHet ^tant 
vena^ «n dirigea vers k place dn Trhmpke-^tiis^ 
Pempie^ et à la kieur des flambeanx, snr les Otaze 
benres do soir, trois victimes^ Rideau, TouUecet 
Le Bronsort qqi fiuren| immoles te 9S messidor , 
veiBe du 14 juillets Et^ comme l^oiriloc a pris des 
ntatns du b o li r reau le flambeau & la lueur ^quel 
on massacre ses deux amis^ Anes , Mi lui faisant 
attendre aou tour, Ance k bourreau, muscat ot 
raflfinë , laissera tomber le coutehu sur sa téfo , 
jusqu'à trois fois , pour le punir de sén courage. 
Ainsi, il avait fait à f égard de Merienne, mem- 
bre du département , qui avait aeiMmpagné les 
fédérés à Paris. Mais de m6me périrent pour 
une autre cause , et accablés des mêmes hnmilia-r 
lions , ia Csttine Kerfifeteu , èatA k mari, adkninis- 
traÉêur du district de Qukuper , s'est un ilistant 
soustrait à la recherelvè de ses bourreaux. Vaiuo* 
iasnt^ il à ëdrit , ëucore oacbé : « Que pour kipre- 



et autres forent , de la même sorte , détenus par ordre 
du Tribunal et sur les réquisitions de Taccusateur publici 
^uoiqu'ayant été acquittés par le jury. 



Lk lÉTOlUnOV su BlBTA6irS. 179 

» lïiière fois de sa vie, il n'a pas dëfôrë à la loi, 
» et qa il n^atlend qa^un sauf-conduit pour se prë- 
» senter devant tel tribunal qu'il plaira de lui in- 
» diquer. » On n'a aucun égard à sa supplique, 
et le, 11 genniûal , AnCe se repait du sang d'une 
feranie. Ainsi périssent la marquise et la comtesse 
de Goatanscour, dont le crime est^ dit*on , d'avoir 
recelé des armes. Mais plus mallieureuse encore 
périt la jeune Modeste-Emilie de Forsan , remar- 
quée de ses bourreaux , qui la destinent aux plus 
atroces bomiliatians* — Traînée siur le banc du 
Tribunal révolntioMiaire avec sa soeur ainée et un 
vieux prêtre qu'elles sont accusées d'avoir recelé , 
celui-ci soutient à peine se& soixante et quelques 
années dans le fauteuil rouge placé entre deux 
bancs également ronges où siègent la jeune vierge 
et sa sœur. Une sombre rumeur annonce que les 
victimes sont dévouées , car Palis , le ckirurgîea 
Palis, aijoinhi'hui membre du fatal Tribunal, a 
mis un prix à l'acquittement de la jeune fille , et 
son âge, comme sa beauté, font rugir le tigre, 
dont les féroces embrassements oht été repoussés. 

« l'étais li , jeane mSmt et salis flbnci des huiHmm de 
la patrie ^pie je ae poavats eiicom eempMUdre ; j'assistabi 
àeeue scène, tt*a dH aaàeaime , qui tient aujourd'hui à 
rtme dé nos adadaistraticms départeBMiUales; les dé^ 



180 LivBB sBrakm. — ceay. xi» 

bats farent coarts, et deax malheureux yieiUards com- 
promis daus la même affaire, assis sur le marche-pied du 
banc où comparaissaient Emilie de Forsan , sa sœur et le 
prêtre Meyel, tremblaient de ce mouvement continu qui 
faisait craquer leurs dents et leurs membres , quand, mis 
borsde cause, ils se jetteront dans les bras l'un deTau- 
tre. Biais, en ce moment, les deux sœurs de Forsan, 
dont l'une , la plus jeune , Tenait d*étre condamnée à mort, 
et l'autre à la détention, jetèrent rassemblée dans un 
trouble inusité, qui fut un moment partagé par le Tribu- 
nal. L'aînée de ces femmes , abymée dans sa douleur, était 
tombée inaniinée dans les bras de sa jeune sœur, qui, 
bravant la mort , la fortifiait en s'aidant de la parole du 
prêtre, pour adoucir la séparation dont elles alhdent être 

frai^iées Mais les gardes s'avancent, le prêtre, les 

deux dames de Forsan, et deux autres dames, Julie et 
Emilie Demaret, sont entraînées dans la cour vers la ca- 
bane du portier , lieu ordinaire où se prépare la toilette 
des condamnés. Leurs pleurs redoublent, et on brise 
avec force leurs dernières étreintes pour leur lier les 

mail» et couper leurs chevelures Emilie de Forsan , 

les. deax dames Demaret, et le capucin Bfével, sont sur 
le tombereau et marchent au supplice, où je les ai suivis, 
nous aflBrme le même homme , duquel nous tenons ces 
faits. — - Mais de quatre cadavres , il n'en a été porté que 
trois au lieu de la'sépulture.... Le quatrième a été conduit 
à l'amphithéâtre. — St, le lendemain, réuni aux enfants 
d0 mon âge, comme nous devisions sur les scènes de la 
veille, un jeune élève en chirurgie me dit, et répéta de- 
vant un conciliabule formé des mousses et des novices de 



ik wàroLvnov bit bbstàghi. 181 

la flotte, que Palis, le jnge Palis, était entré peu après 
dans la salle où ayaienl été portés les restes de la mal- 
heureuse TÎerge , et que la porte s'étant refermée sur lui 
on l'avait vu profaner de ses impuretés la dépouille ensan- 
glantée de sa Tictime! » 

Et ces hommes ne parlaient que de vertu 
et des douces affections des âges primitifs qui 
devaient renaître sous leurs inspirations ! — 
Draille urs n'en doutez pas, car ils ont pour eux les 
Ragmey , les Verteuil et les Palis ; et si Targumen- 
tation de ces réformateurs ne vous suffit , ils ont 
formulé en programmes officiels renonciation de 
tous les sentimepts qui doivent honorer la nature 
et se reproduire dans les fêtes publiques à Taide 
desquelles ils moralisent le peuple ; c'est là que 
nous trouverons leur dernière pensée. 

« La montagne sera rafratchîe et réparée , disait 
Prieur y dans une pancarte affichée sur les murs de Brest 
quelques jours avant le 20 prairial, jour fixé pour la 
fêle à tÉtre-Saprême. Les quatre faisceaux darmes 
seront remplacés par quatre obélisques. Sur des piédes- 
taux seront des inscriptions analogues à la fête. Du 
sommet de la montagne s*élèvera un étendard sur lequel 
sera inscrit le distique suivant : 

Celui qui met un frein à ta fureur des flots. 
Sait aussi des tyrans arrêter les complots. 

a Les vieillards chargés do cassolettes » les déposeront 
pur dos piédestaux , à deux coins de la montagne. 



182 liTBS SBPTdDIIB. — CBAP. .XI. 

» Le représeDUDt du peuple, ayant à sea c6téa la 
Liberté et rÉgalité, se placera au sommet de la montagne. 
Il prononcera un discours analogue k la circonstance. 
Ensuite les deux TÎeilIards chargés des cassolettes po- 
seront chacun une main sur Vépaule d*un des enfants 
porteurs de Tencens. Ils fixeront leurs jeux vers le 
ciel j et les enfants allumeront lencens , dont la fumée 
s'élèvera dans les nues. 

» Aussitôt les accords d une musique harmonieuse se 
feront entendre. 

a Ua chœur de pères avec leurs fils se groupera sur 
la partie de la montagne qui lui sera désignée; un 
chœur de mères avec leurs filles se rangera de l'autre 
côté. 

» Les hommes chanteront une première strophe ; ils 
jureront ensemble de ne poser les armes qu'après avoir 
anéanti les ennemis de la république. 

a Les filles avec leurs mères chanteront une seconde 
strophe ; elles promettront de n'épouser jamais que des 
hommes qui auront ser^i la patrie. 

» Une troisième strophe sera chantée par les deux 
chœurs réunis , qui , les yeux fixés vers la voûte céleste , 
adresseront à l'Eternel les hommages d'un peuple libre , 
et le remercieront de ses bienfaits. 

» Enfin , la foule entière des citoyens » hommes , 
femmes , vieillards , enfants , chanteront ensemble le cou» 
plet de l'Hymne à la Liberté, commençant par ces mots: 
Amour sacré de la patrie , etc, A peine a-t-on fini , au 
même instant tout se meut, tout s'agite sur la montagne; 
1f)s mères soulèvent dïins leurs brus les plus jeuues de leur» 



Lk BlkTO^CTIOir U MSTA61W. 183 

enfante 9 et les prés^Bteol en hemoiage à laoteur de la 
Qalare ^ les î^uoes filles jettent vers le eiel les fiears 
qn^eUes ont appenées; les épées s'^itent dans les airs. 
Attssi&ôt une déeharge d*arlilleFie » interprète de la Ten<- 
geanee BatîoBale se iait entendre ; un cri général de vive 
la répubk^ue s'adresse à la IMvinité et termine la fête, a 

Tel fot Tordre: — ^ Lies filles et les mères 
chanteront^ les vieillards levront leurs y eux 
au ciel^ un cri général de vive la république 
s adressera à la Divinité , etc. , etc. Tout est 
eomoAandé d'airançe ^ T amour sacré dont chacun 
doit bràler^ les^^tea qa'il doit faire, les parolee 
qa*il prononcera. Mais recueillons le récit même 
de cette fête , tel qu'il fut publie dans le temps 
par les ordres de la Société populaire et sur son 
rapport. 

« Quelques rayons de lumière perçaient à peine l'hce- 
rizon et commençaicini h dissipa les ténèbres de la nuit. 
Aussitôt une salve d artillerie fait retentir les airs et 
annonce an peuple le beau jour de la lôte dédiée à 
rEternel. Déjè la nombreuse population de Brest et une 
grande partie de celle des campagnes se répandent de 
toutes parts. Des groupes variés de tous les âges et de 
tous les sexes paraissent dao% les divers points de celte 
cité y et dirigent lenr marche vers le rendoas-vous , au 
cours d'Ajot. Cette promenade, située dans celte partie 
des remparts qui se prolonge le long do la rado et laisse 
^reeTotr l'entrée du goulet , «st composée duoe yra«d« 



184 LITBB SBPntaB. — CHAP. XI^ 

et deux petites allées; elle prend sa naissance dans an 
point uo pea éleré , et descend par une pente fort douce 
vers la place du Triomphe du Peuple , située au pied dé 
la citadelle. G est dans la partie formant une éminence 
qu'était construit, sur un amphithéâtre, un piédestal 
orné de doTises , et surmonté par une grande statue de- 
bout, représentant la France qui foule à âes pieds tous 
les hochets de la tyrannie. Son port majestueux et ferme 
annonce la puissante république dont elle doit retracer 
rimage; de la main droite elle soutient la table des lois; 
de la main gauche elle y indique ces mots consolateurs 
dé rinfortune : L* Être- Suprême et t immortalité de tâme. 
La grande allée est décorée de draperies tricolores bor- 
dées de lierre, éléganiment reletées en festons; et la 
verdure qui couvre les arbres se confond, par le plus 
heureux mélange, avec les couleurs favorites des Fran- 
çais. Si la vue se tourne vers la rade , elle se repose 
agréablement sur des vaisseaux pavoises, qui font flotter 
dans les airs , et le pavillon national et une innombrable 
quantité de flammes tricolores. A 9 heures le peuple est 
réuni dans les deux petites allées. Toutes les autorités 
constituées et le représentant du peuple, Prieur de la Marne, 
ayant à ses côtés lagent national du district et celui de la 
commune, arrivent au son des tambours et d*une musique 
guerrière. L agent de la commune prend la parole : il 
annonce au peuple, en peu de mots, lobjet de la fête qui 
le rassemble, et Tinvite à rendre au Père de la Nature les 
hommages qui lui sont dûs. Au- discours succèdent des 
chants simples et joyeux. Bientôt on se prépare pour la 
fnarche : le peuple est sur deux colonnes. En tôle xxvi 



XA ÊÉfOLvrwn n BUTAOïn. 185 

détachemenl de jeunes enfants» armés seulement de sa* 
bres, forme la garde des drapeaux qui sont précédés des 
tambours et de la petite musique. Ces précieux rejetons » 
espoir de la patrie , fiers du dépôt qui leur est confié , 
font éclater déjà sur leurs fronts jeunes encore , les 
premières étincelles de cette ardeur martiale qui con- 
duisit Barra et Agricole-Yiala à l'immortalité. Ils sont 
suivis d*ane charrue tratnée par deux taureaux, du milieu 
de laquelle s'élève un jeune arbre de la liberté, entouré 
de tous les outils et instruments aratoires. Un citoyen 
d'une campagne Voisine tient le soc de la charrue: ma-* 
gistrat du peuple dans sa commune, il porte en même 
temps l'écharpe municipale et Thonorable costume des 
nourriciers de l'homme. Jadis celte classe utile et res- 
pectable vécut dans la misère et dans le mépris ; aujour- 
d'hui elle forme les tableaux les plus touchants dans nos 
fêtes nationales ; et le gi'mie des pères de la patrie cherche 
sans cesse à répandre Taisance sous Thumble toit des 
laboureurs. 

j» La charrue est entourée des quatre saisons , repré- 
sentées par de jeunes et modestes beautés ; chacune 
d'elles tient d une main un ruban attaché à un angle de 
la charrue , et de l'autre un panier contenant les attri- 
buts caractéristiques qui lui conviennent. Ensuite un 
couple vertueux destiné k s'unir par un mariage civi- 
que ; une mère féconde, entourée de ses nombreux en- 
fants et tenant k son sein le dernier qu elle nourrit ; 
puis un vieillard de 96 ans , courbé sons le poids de 
l'âge. Ce vieillard retrouve une nouvelle chaleur et de 
pouvçllcs forces dans les émotions variées et d^^licieu^e^ 



186 LIY9M SBPnkMK. •*- CMAF. XI. 

qu'un spectacle aosti moral el aussi nouveau lui fait 
tour à tour éprouTer. Les orphelins de la patrie, ces 
intéressantes victimes de Tinfortune ou d une criminelle 
honte , y sont aussi avec des enfants de quelques familles 

pauvres y vêtus par la bienfaisance nationale 

» Un char, de forme antique , tratné par deux taureaux 
ornés de guirlandes, de feuilles et de fleurs, portail la 
Liberté et TÉgalité , représentées par deux grandes et 
belles femmes avec leurs attributs (i). Oerrière elles, 
sur des gradins établis dans le même char, étaient as* 
sises deux jeunes filles de dix ans, vêtues en blanc , 
ceintes d un ruban aux trois couleurs , et portant chacune 
dans leurs mains un panier de fleurs nouvelles , symbole 
naïf et vrai de l'innocence do leur dge. Enfin arrive on 
groupe de musiciens , de chanteurs de lun et de Tautre 
sexe , puis le représentant du peuple , Tagent national 
du district et de la commune. Aux deux côtés sont portés 
les bustes de Marat, Chaslier, Brntus et Lepelletier, 
ces illustres martyrs de la liberté universelle. Plus de 
ISO jeunes filles de 10 à 14 ans , vêtues comme celles 
placées dans le char, et portant aussi des paniers de 
fleurs, forment une colonne double qui environne lere* 
présentant et une partie des sujets allégoriques qui 
viennent d*êlre décrits. De jeunes garçons portant des 
guirlandes de feuilles et de fleurs, forment également 
une chaîne autour du cwtége , les autoritée constituées, 



(t) Elles étaieot vêtues de soie conleor de cbstr et lëgèremenl 
ooavenei d'une tuoique de gace. Jeao-Boo passait poor les avoir 
d^sigaées iMi-mtoe. 



XJl BiTOLVTIOS ES BUTAGSB. 187 

placées sur deux lignes , s'étendeni de la tête de la 
marche jusqu'au reprc^sentant ; elles sont elles-mêmes 
enTel<^pées par la masse du peuple , et composées , sa- 
Toir : 

» Du comité de surTeilIance ré?olutîoniiaire ; 

D Des commissaires des sections par députations ; 

» Des tribunaux de commerce et de conciliation ; 

» Des juges de paix et assesseurs ; 

j» Du tribunal du district; 

» Du conseil général de la commune ; 

j» De l'administration du district; 

» Et du tribunal révolutionnaire (avec son vengeur). 

9 Dans le cours de cette marche» qui « par sa durée, 
a prolongé les jouissances de Thomme sensible , des 
chants patriotiques , des hymnes à TEteroel , accompa- 
gnés d*one musique mélodieuse , ont porté dans les 
airs les généreux élans des âmes républicaines. Mille 
fois les cris répétés de vive la Montagne , la Liberté^ 
tÉgalUë ^ périssent les tyrans se sont fait entendre par 
des acclamations unanimes; et » mille fois aussi on a vu 
s'y mêler le cri terrible de mort aux jonglais ! 

9 Enfin , on arrive sur la place spacieuse de la Li- 
berté, au milieu de laquelle est figurée une montagne. 
Dans les quatre coins sont des obélisques de granit , 
placés sur des piédestaux portant diverses inscriptions. 
Du sein même de la montagne s'élève un arbre de la 
liberté , dont les rameaux verdoyants ombragent ce qui 
l'entoure. C'est au sommet de cette montagne que vien- 
nent se placer la Liberté , l'Égalité f le représentant du 
peuple et uo oSioier de la communo. Ua oboour de 



188 UTU svpnkMB. — chap. xi. 

pères avec leurs fils, un chœur de mères arec leurs 
filles , se groupent sur le penchant de cette montagne. 
Le peuple , les autorités constituées se fondent en 
masse ; ils environnent la montagne et remplissent 
toute l'étendue de la place. C'est alors que le représen- 
tant du peuple , élevant la Toix , adresse k ses conci- 
toyens un discours où brillent tour-à-tour l'énergie do 
rhomme libre, la sagesse dé Thomme public, et la mo« 
ralité de l'hommo juste. Tous ceux qui l'entendent par- 
tagent ses sentiments , ses espérances et ses vœux. La 
vivacité de sa diction égale la rapidité de ses pensées; 
et s'il est souvent interrompu , c'est pour entendre les 
cris réitérés de vwe la République , mort aux tyrans , 
honneur et gloire à l* Éternel ! A la suite de ce discours 
on voit Prieur de la Marne élever dans ses bras le vé- 
nérable vieillard dont nous avons déjà parlé , et le cou- 
vrir de ses baisers. Un bon citoyen s*avance et déclare 
adopter ce vieillard pour son père. Les applaudissements 
universels et les acclamations publiques attestent , qu'en 
effet, le peuple a mis au nombre de ses devoirs , celui 
de secourir et d honorer la vieillesse. 

9 Déjà un spectacle nouveau vient frapper tous les 
yeux. Un de ces hommes que la b. rhare politique de 
TEurope réduisit à l'état de béte de somme ^ un de ces 
hommes qui naquirent libres , et qui cependant furent 
vendus comme de vils troupeaux ; un noir enfin , aujour- 
d'hui citoyen , est à côté du représentant. Prieur le dé- 
signe au peuple , demande, après quelques réflexions 
remplies de sentiment, si on le reconnatt pour frère. Ce 

mot çBt à pejue achevé » que d^s acclumations affirma- 



LA UârOIUTIOH BIT nBTAGJVE. 189 

tives retenlissent de tontes parts, et le représentant 
donne à ce digne Africain l'accolade fraternelle. 

» A ces tableaux tonchants en succédèrent d'autres 
d'une nature difiTérente , mais aussi dignes d'être dé- 
crits. Les actes de naissance de deux nouveaux nés sont 
inscrits par lofficier civil , sur le registre de la com- 
mune. L un de ces enfants est un garçon qui portera les 
prénoms de Théophile Marat\ l'antre est une fille y dont 
les prénoms seront UnUë-Comélie. Enfin , au nom de la 
Société populaire , son président adopte une jeune or- 
pheline, et un autre citoyen adopte en son nom un autre 
enfant. Le spectacle d'un mariage civique devait former 
le dernier tableau, d'une fête aussi touchante. Ce lien si 
respectable et si sacré parmi les hommes a été formé 
sur la montagne , en présence d'un penj^e inunense. 
La Société populaire avait fraternellement doté la jeune 
mariée. Les présents de la fortune sont tout à fait étran- 
gers à ce couple estimable , l'or corrupteur ne l'a point 
perverti; car l'amour de la vertu est son plus cher et 
son unique héritage. Heureux époux, n'oubliez jamais 
1 époqne mémorable qui consacra vos nœuds. C'est dans 
le temple le plus digne de TEtemel , c'est sous la voàtu 
des cieux que vous vous êtes imposé les saintes obliga- 
tions du mariage, puissiez-vons en goûter également 
tous les charmes et donner à la patrie des enfants di- 
gnes d'elle ! 

» Pendant que. ces faits se passaient sur la mon- 
tage , deux cassolettes , placées à chaque côté , rece- 
vaient 1 encens qui s'élevût dans les nues. Bientôt se 
fait enteiufae le chmor des pères et des fils. lit jarent 



190 LITBB SSlPTliSKB. CHIP. XI. 

de ne poser les armes qu'après avoir détruit les pha- 
langes de la tyrannie. Le chœur des mères et de leurs 
jeunes filles leur succède. Celles-ci promettent de n*ë- 
pouser que des citoyens qui auront servi leur patrie ; et 
toutes ensemble d'élever leurs enfants dans Famour de 
la liberté et de Tégalilé. Ces serments sont simultané- 
ment et tour à tour répétés par la masse entière de Tun 
et Tautre sexe. Enfin , les chœurs réunis chantent un 
hymne à l'Etemel ; ensuite on entend de toutes parts ce 
couplet expressif: ^motir sacré de ia patrie^ etc. A 
l'instant une décharge d'artillerie ébranle les airs ; des 
embrasscments fraternels annoncent l'union , l'allégresse 
d'un peuple immense ; les mères sonlèvent les plus jeunes 
de leurs enfants et les présentent en hommage à l'Eternel; 
les jeunes filles jettent vers le ciel les fleurs qu'elles ont 
apportées; les épées s'agitent de toutes parts; de nou- 
veaux cris de F'ioe la Répubtique se mêlent au bruit 
tonnant de lairain , et sont le dernier vœu qu'un peuple 
libre adresse à la divinité. 

» Oette fête ne pouvait pa& être ainsi terminée. Le 
soleil s'avançant majestueusement au milieu de sa car- 
rière, promettait que le restb du jour serait également 
pur et serein. Des frères réunis dès le matin ne veu- 
lent point se séparer. 

» Des groupes nombreux ont déjà porté leur dîner 
au cours d'Ajot; le représentant du peuple , les mem- 
bues des autorités constituées > les citoyens de la cotn- 
muoe, ceox ooinposaat les armées de terre et ée mer, 
se diainbttent fralernellemeiit leurs nets et prennent 
•ar M. ffaBoa un repas eitiçie «t frugid. Kentét les sont 



cadencés de la mssique InTÎtoBt les jeunes gens à for- 
mer des danses. Ces plaisirs inneoenisi inspirés parla 
satare , furent toujours goûtés , surtout chez les peuples 
libres. SouTent c est au milieu de pareils jeux, aTonés 
par la modestie et conduits par la décence y que se for- 
mèrent des unions fortunées. 

s Le soir, toutes les danses se réunissent sur la place 
de la Libmé ; elle est éclairée par des triangles de fea 
éisTés autour de la montagne , et par d'antres feox qnt 9 
établis aux extrémités de la place , figurent des inscrip- 
tions analogues à la fête. Après minuit, des groupes nom- 
breux célébraient encore, par leur gaîté folâtre , les plai- 
sirs d'une si brillante journée. A Vinstant, le représen- 
tant du peuple parait encore une fois sur la montagne. 
H TieAt penr annoncer lôs triomphes nouveaux de Tar- 
née des Pyrénéfes-^rientales , les prises de Sainl-Elme, 
Port-Yendre et GoUioure , et le désarmement de 7,000 
automates espagnols. Des cris de ^we la Montagne ac- 
cueillent ces glorieuses nouvelles , et chaque citoyen 
rentre paisiblement dans ses foyers. 

» Oppresseurs du genre humain , despotes subalternes, 
et v^uB âmes froides et avilies , qu*mie affreuse insensi- 
bilité rend étrtuigères mis émotk»s de la nature , le la- 
bteau que nous avens esquissé ne peut avoir de pm 
qu'aux yeux de l'homme juste. Gardez-vous d'y jeter 
des regards curieux ; vous n'éprouveriez qiie les ennuis 
du vice ou le tourment des remords. C'est à la vertu 
simple et modeste , c'est à des cœurs ardents et géné- 
reux; c^est , en tin mot , seulenient à nos frères que nous 
traiismettoM ee récit. 



192 IIVâB SBTTIÈn. CH4P. XI. 

» Par ordre de la Soeiété, les m^ubres da comité 
des rapports et d'iostractioD pabliqae : 

JuLiBir JuLiBir y président; — Louiseiidai ; — 
Fougbbbt; — Pbbmoht; — Edouâbb Poucet; 
Jahbs; — Lb Sdevb. » 

Ainsi se créait la morale républicaine que des 
dmes avilies frappées dune affreuse insen- 
sibilité pouvaient seules ne pas comprendre ^ en 
restant étrangères aux émotions de la na- 
ture. Et cependant quelles émotions et quelle 
morale ! Les deux femmes qui posent sur un char 
au nom de la Liberté et de l'Egalité , ont été ar- 
rachées de leur foyer par les représentants qui 
les ont désigqées en raison de leur beauté. Toutes 
les deux appartiennent aux premières familles du 
pays , et elles ont été forcées de se montrer au 
sommet de la sainte montagne, à peine vêtues 
d'un tricot couleur de chair , par dessjis lequel 
flotte une légère tunique en gaze. Quant aux jeunes 
filles , également vêtues d'une aimple gaze , qui 
forment une chaîne prolongée par des guirlandes 
de fleurs autour de Prieur et du tribunal révo- 
lutionnaire , accompagné de son vengeur^ elles 
ont aussi été officiellement désignées; et> parmi 
elles, se trouvent les deux filles de Malmanche, 
dont le sang avait teint les mains de Aace et.fu* 



LJL.BÉTOLDTIOir BU BBBTÂ65B. 193 

raait encore sur la place du Triomphe du Peu-^ 
ple^ où le cortëge s^est arrête. — - D^ailleurs, vou- 
lez-TOos avoir b dernière expression de ce système 
de régénération , recourez à la lettre ded repré- 
sentants en mission à Brest , lorsque la nouvelle 
de la mort de la Beine y arrive. 

« Après les cris mille fois répétés de vi^e la Meota-» 
gne! que la foule profère , en sortant du club , la joie dont 
tous les coeurs sont pénétrés , disent les représentants , 
devient si vive, que nous sommes forcés de céder an1( 
instances qui nous s<»it faites pour qu'il soii durtmë un 
bal qui s'improvise à la sortie du club au DMNMOt ob la 
ville s'illumine de tontes parts. » 

Il faut d'ailleurs le reconnaître , Prieur , de la 
Marne 9 ét«t un habile homme pour ces chau- 
des manifestations du républicamsme montagnard, 
dont il s'était fait le prêtre ou le romancier, 
comme il le disait ; et si on le vit à Brest 9 entonrë 
de vierges 9 éleyer au sommet de la montagne le 
vieillard qu'il a pris dans ses bras, et donner l'ac- 
colade à l'Africain qui se tient à ses côtés, on 
l'avait vu , peu .de jours auparavant , à Lorient , 
ouvrir le Temple de la Baison en faièant figurer 
au fond d'un magasin de la marine ( là salle des 
Ventes), un autel sur lequel se remarquait une 
déesse de la liberté terrassant le fédéraUsme ; et, 

13. — 4.« voju 



çà f* emàQurifçient les spg^ts de lia rqjfatfté. 
Eolpur^ de guelgaes-uns dep yaki(|açuri^ de Saye* 
nay, i^ui i^faieiit, aîiifi que lyi, çoproiiiiéâ d? laurier, 
00 Iç yit ypfser deë larmes , dit \^ procès-yerbal , 
en adoptant lé fik d'un gei|4avQ|l9 réceipment taë 
par les chouans dans une rencontre à Plumëliaa ; 
et tout ^inspirait ainsi de ses brusques élans 
T^rs la iraison et la liberté. — - Ici , c'est un admi- 
nistrsdeijir qui s'écrie : 

1 1|«6 font cèdf I q«e tous les dbetacle» sm^t rempas ; 
que ré|;e)tone est anëanli, que Tsmdfe cenHMrçaiif, Tî^sa- 
tiable financier, cessent leurs calculs et leur intolérable 
i|sn|re; ^ne d||onora|)le8 lambeau^ conTrent Thom^e qui , 
jadis 9 vivait couvert dliabits de soie; que le pain de Té- 
galité honore la table du riche , et que celui qui craignait 
la mdeise éa murequin le pjkis aonpie, narefae anjonr- 
41inif«iawaS anee dessabol^ nal façonnés* s 

lÀ , ce sont des poëtes, dont les presses de I^o- 
rieiit nom ont conservé les inspiratitons : 

« O toi y Vœuvre le plus beau 

» Se son pouvon* sopfême, 

a Çéleil qui « toujonm le mteie , 

a Himw tmjfiyrs MujifaA: 

» ?WWfl^ J«» ^«R«9 # % l?ï#Wl. 
a Répandant partout ses bienfaits. 

a Ne ren<çontrer dans ta canriëre 

a Rien de plus grand que des Français, a 



LÀ BiyOLUTIOir KX BRBTA658. 195 

Et il 8Q mêlait ainsi de grandes pensées à la 
boursoDfflure grotesque et empruplée des terro- 
ristes qui, s^étant levés au milieu des ruines, avaient 
saisi , avec violence , un sceptre que la nation pe 
pouvait leur laisser. 

Que nous pirenjions, en effet , entre plusieurs, 
une fête consacrée à la commémoration d^un fait 
propre à émotionner les masses, qui veulent la 
liberté à tel prix que ce soit , et noqis compren- 
drons comment ce développement théâtral des 
manifestations républicaines de Tépoqu^ , corres- 
pondait parfaitement aux besoins sentis des pa- 
triotes, luttant coptre l'Europe, et raristoçratie 
conjurées» 

Un an s'était écoulé depuis la glo^euse ri^iç^ 
tance des Nantaùs contre les soixante-quinze mille 
y epdéens^ , qui étaient venus tout à coup fondue 
sur leur cité. On était au 10 messidor de Tan II. 
corrc^poi^dant au 29 juin 1794. Toiite la cité 
s'émeut et va célébrer le souvenir de sa arandà 
journée. A deux heures du matin le canon a rap- 
pelé le moment de l'attaque ; et , dès six heures , 
tous les tambours réunis sur la place de l'Egalité, 
battent F^ss^mblée en se dirigeant vers les divers 

1??^?" 4« V» T% I^Sw4« Wtiwal? etleStf^î^r 



196 LITU SBPTlfcHl. — CHÂP. XI. 

pes de Hgne sont sons les armes; rangées en ligne 
sur les deux Gonrs, on voit an milieu d'elles 
les veuves et les enfants des citoyens morts dans 
la journée du 29 juin 1793. Vêtues de blanc et 
décorées d'une écharpe noire, les veuves sont for- 
mées par sections ayant chacune leur guidon. Ce 
sont elles qui dirigent aujourd'hui la marche des 
troupes, et celles-ci , se partageant en quatre divi- 
sions, les suivent pour se rendre simnUanément 
sur les ponts, sur la route de Paris, sur ceUe de 
Rennes et sur celle de Vannes. Les généraux Bon- 
cret , Dufrène, Blamont, et le commandant de la 
place, sont à la tète de ces colonnes et les déploient 
sur les divers champs de bataille où Ton avait 
rencontré Tennemi. — De là , ces troupes revien- 
nent à la Mairie prendre les représentants et les 
autorités qui se rendent en cortège sur la placé 
des Agriculteurs où un obélisque a été élevé en 
rhonneur du peuple. Les Autorités et les citoyens 
pourvus de lauriers et de rameaux de chêne, 
après avoir ainsi parcouru les quartiers les plus 
populeux de la ville au son des chœurs et des mu- 
siques nulitaires, se rendent au temple de TÉtre 
Suprême , afin de le remercier des victoires 
remportées par les armées de la République. 
L'orgue annonce l'entrée du cortège dans le tèm- 



LA KÉTOLimOir BIT BUTACin. 197 

pie (1); et 9 après on silence marqaë , nn chœor à 
grand orchestre précède les discours qui son| pro- 
noncés en commémoration du 89 juin 1793. 
Mais les veuves et leurs enfants s'avancent au 
pied de Fautel sur lequel s'élève Timage de la 
Liberté , et elles lui font hommage des couronnes 
que leur a décernées la cité pour être appendues 
dans le temple , et y rester comme un témoignage 
de la valeur des Nantais. 

Ainsi se terminait, dans nos départements, la fa- 
tale époque de 1793 , au milieu des larmes et des 
sublimes efforts des masses, qui, voulant la liberté, 
Tachetaient au prix du sang. 

Nationales et dévouées, les populations bre- 
tonnes se sont d'abord émues à l'idée de l'anar- 
chie et elles auraient probablement renversé la 
Convention ^ si ^ aidées des phalanges du Midi , 
celles-ci et les Colonnes qu'elles formèrent avaient 
été mieux dirigées. Déçues sur ce point, elles 



(1) Lors de la transformation de I*Église S.' -Pierre 
en temple de la Baison, un arrêté de la commune, sou- 
mis à l'approbation du Comité de Salut publie, avait 
statué sur la conservation «du jeu d orgues, présenté 
comme pooTtint servir h | eiqbeUiss^n^ent 4es fdtos popq* 
Iwres, 



198 IITBB SBPTiiHB. — CHIP. XI. 

revinrent d'elles-mêmes à ce vif instinct de natio- 
nalité qui les poussa vers la Vendée et vers FAn- 
gleterre. On leur demande leurs hommes et leurs 
richesses pour combattre les vendéens: et elles 
accordent tout, oubliant les sacrifices qu'elles 
ont faits et gémissant en silence des horreurs qui 
se commettent au nom de la loi pour ne voir que 
le salut de la patrie ! 

Cependant , si les colonnes vendéennes se 
sont momentanément échappées du Poitou pour 
répandre leurs débris dans lesdépartements qui 
avoisinent ou forment Tancienne circonscription 
de la Bretagne , on n'avait vu , dans ce pays , que 
des symptômes épars de guerre civile. 



n>!i^7iEis Mi^nf nâssiSi 



À 




CHAPITRE PREMIER. 



9 nuufisom 



— ri If VM LA niuvm bahs us liVAnBHBim 

L^OVXST. — VOVBSUITBS BT BtfllOBCIATIOBS COHTBB US 

TBBBOIISTBS. — PBOCtS BB GABBIBB BT BV CO- 

■ITl BÉTOLVnOHBAIBB BB BABTB8. 



l!€3^lt5Ç9!ll« 




|ss derniers mois de 1793 et les pre- 
ioaiersde 1794, s'étaient donc ëcoa- 
g ^^^^ Jl^s an milieu des terribles sévices du 
l^i^^^ig^g^gig^f parti montagnard. La Vendée avait 
été vaincue au Mans et à Savenay ; mais le pays, 
troublé par la guerre civile, épuisé par des vio- 
lences et des réquisitions sans nombre, était 
tombé sous la main de ses bourreaux comme une 
victime qui tend la gorge. Et Carrier put faire 
périr di^ mille citoyens autour de lui^ $9^m quQ 
p«rsoimot ftatr»^^ deux boHuite^t Tronjolly «t 



202 IIYBB HUITlItHB. CHAP. I. 

Champenois , le potier d'étain , osassent élever la 
voix pour dénoncer le tyran. Partout ailleurs le 
sang ruisselait à flots sur les places publiques j et 
il n'y avait pas de ville lïn peu importante daas 
notre Bretagne, ordinairement si calme, qui ne 
vit les deux bras de la fatale guillotine en per- 
manence, sur une on plniâeitrs de ses places^ 
Quant aux prisons, elles sont gorgées de malheu- 
reux de tout âge et de toutes classes, qui , compris 
sous la dénomination commune de suspects ou 
de conire-révolutionnqires y n'attendent point 
leur jugement, mais leur exécution, si leur sacri- 
fice est supposé utile. Cependant , quelques hom- 
mes auxquels leurs ressources ont été enlevées , 
dont on n a ménagé ni les propriétés ni la famille, 
se sont sentis transportés d'une sainte indignation , 
et n'élevant point leurs regards assez haut pour 
comprendre que la patrie et la liberté peuvent 
avoir exigé d'aussi rudes sacrifices, ils se sont je- 
tés dans les bois, n'attendant leur salut que de 
leurs armes. Aux réquisitions, qu'ils se sont las- 
sés de fournir ou auxquelles ils ne peuvent plus 
satisi*aire, ils répondent par des coups de fusil ; à 
l'arrestation de leurs parentis, par des pillages et 
l'incendie; à l'immolation des suspects, par d'au-- 
tresi immolations ; aux exécutions jàridî^aes des 



JJL xirOLunoH bv bbbtâghi. 203 

tribunaux et des commissions révolationnaires , 
par des meortres et des assassinats. Et c'est ainsi 
qulls le dispatent à leurs adversaires en énergie et 
en cmauté....... Malheureux temps, où chaque ci- 

toyen , en. barricadant sa porte à la chute du jour, 
ignorait s'il s'éveillerait le lendemain sain et sauf 
ou entouré de cadavres. — Telle était cependant 
la sitaation de notre pays , et , alors que les colon- 
nes infernales de Turreau et de Cordelier trans- 
formaient Ib sol de la Vendée en un cimetière 
recouvert de cendres, nos bruyères et nos landes, 
incessamment troublées par le rappel des hommes 
de guerre qui s'étaient donné le cri plaintif de la 
chouette pour signal, devinrent témoins de crimes 
exercés chaque jour contre des frères et des com- 
patriotes. 

— Ce fut , toutefois alors , qu'éclata la révolu- 
tion inattendue du 9 thermidor. Mais ce rayon 
d'espérance, qui jaillit du sein de l'Assemblée Na- 
tionale sur la France en deuil, n'arriva point jus- 
qu'à nos chaumières. Au milieu des cruels déchi- 
rements qu'avait fait naître la crise de 93 appliquée 
à nos départements comme un fer rouge , à faide 
duquel on essaya d'extirper la rébellion vendéenne 
et le fédéralisme, on vit à peine refléter sur nos 
champs désolés cette douce lueur de clémence et 



204 LivEB HuiTilnn. — chip. i. 

de pardon qui promit une régénération aux au- 
tres contrées de la France. L'appareil mis sur nos 
plaies encore saignantes ne put même être tolérë ^ 
et notre vieille race bretonne qui avait vu , pen- 
daift quelque temps, avec une sorte dlmpassibilitë 
inhérente à son caractère, sacrifier sans discerne— 
ment, ses croyances, ses droits et son repos, se 
levant brusquement , comme . ces malades qoe la 
cuisante douleur du mal pousse au délire , prit de 
ses mains les bandelettes dont on avait couvert 
ses plaies, et les arborant en signe de rébel- 
lion , elle se mit à rugir à la vue de son propre 
sang ; elle cria vengeance , quand on lui parlait 
de pardon. 

Mais , avant de suivre les détails du nouveau 
drame que les pièces innombrables et inédites 
qui nous ont été remises sur la chouannerie par 
un des représentants chargés de la pacification , 
vont . dérouler sous nos yeux , arrêtons-nous un 
instant à considérer le caractère tout particulier 
de la révolution du 9 thermidor dans les départe- 
ments de rOuest. 

Une lettre du Comité de Salut public, ou plutôt 
de ceux de ses membres qui s'étaient débarrassés 
de Robespierre , de Coulhon et de Saînt^usl , en 
portft la nouY^lb dfta»oo9 cMê, C^tte |«Urei M|a^« 



Ul lÉTOLUnON BN BRBTAGRB. 205 

de CoUot-^^Herbois , de Carnot , de Barrère , de 
Prieur, de la Gôte-d'Or , et de Biliaud-Varenoes, 
tous membres plus ou moins ardents de la Monta- 
gne , disait : Que la crise avait été iouê entière 
at€ profit de la liberté et de la prospérité na- 
tionale. Ce n était pas, comme on le voit, s'expli^ 
quer catëgoriqnement ; et , bien qu'ils ajoutassent 
^sp^avec Wiobespierre et ses complices Vop^ 
pression avait disparu , il dut facilement se 
faire qu'on ne fût pas entièrement rassuré, là sur- 
tout où les montagnards avaient fortement appe- 
santi leur puissance. Mais ce qui rendit encore les 
populations de nos contrées plus indécises , c'est 
ce qui se passa à l'arrivée de cette nouvelle. 

« J'ai reçu, ce matin, 15 thermidor, par courrier ex- 
traordinaire, écrivait Prieur, de la Marne, A ses collègues, 
votre lettre du M; et, sur le champ, j ai réuni les auto- 
rités constituées, de terre et de mer du port de Brest^ 
pour leur faire part du triomphe de la Convention Natio* 
nale sur ces modernes Catilina. La garnison, les ouvriers 
du port, les marins, les citoyens de la commune, ont été 
appelés autour de la Montagne ; votre lettre a été lue, ac- 
cueillie par des cris mille fois répétés de Ftvent la Repu*- 
bliqne, la Liberté^ la Convention Nationale^ la Monta-- 

gne! La commune , le port, la flotte, tout est calme et 

tranquille , chacun est à son poste. Le peuple, encore réuni 
ce soir à la Société populaire, y a été édairé, et l'aris* 



206 LIYBE HUITIÈHB. CHAP. I. 

tocratie sera trop prudente pour oser montrer sa tête impie.:. 
Robespierre, Couthon et leurs complices étaient des traî- 
tres , la Montagne s est changée pour eux en Roche-Tar- 
pëïenne ; le peuple, qui ne y eut que la liberté,, a applaudi 
à Leur chute » 

Et chacun , en efiPet , envisageant l'événement 
h*ppu-près à ce point de vue , on put voir le pré- 
sident du tribunal révolutionnaire > de Bregt , 
B9gHiey, au pied de la iS'iam/'^ montagne, do haut 
de laquelle furent lues les nouvelles du jour , 
demander qu'on votât une adresse de félieitalion 
à I9 Convention , et , de-là , retourner à son siège 
pour condamner à mort le malheureux Belval, 
qui termina sa cairière le 19 thermidor , par les 
mains de rinfatigable Ance (!)• 

D'ailleurs les agents secondaires de la terrible 
crisiD de 93 suivent partout les mêmes errements, 
et j'ai sous les yeux des lettres du 30 thermidor 
et du 1/' fructidor an II datées de Garhaix, où 
il est dit que tous /es intrigants ^ les caçots et 
/es-petits Robespierre ont été chassés de la 
Société Populaire de cette ville qui vient de se 
régénérer par les soins des Boxlo y des Philippe 



(1) Le 26 thermidor ce trihanal siégeait encore et 
IMK»nonçait une coodamnalion à la déportation. 



XA BÉrOLUTIOir BU BBBTACini. 207 

et des Crampon , c'est-à-dire de eeaz-là mêmes 
que nous avons vos parcourir le pays en apdtres 
de terrorisme. — Presque toutes nos communes 
d'ailleurs s'autorisent de leur attachement à la 
31ont€igne pour féliciter la Convention de son 
triomphe , et je vois que l'arrivée de Lecarpen- 
tier à Vannes, dans ces entrefaites, est présentée 
dans l'adresse montagnarde de la commission 
administrative du Morbihan , comme un moyen 
de plu$ d'assurer l'application des véritables prin- 
cipes do sans-colottisme. 

Mais cette foneste illusion que les méchants 
cherchaient à perpétoer , devait se dissiper. Un 
décret du 3Q thermidor , qui rappelait an sein de 
la Convention les représentants en. misâon de- 
puis plus de trois mois.^ y contribua surtout. Ce 
fut aloi^ que de nouvelles adresses, remarquajiles 
par les souvenirs pleins de douleur qu'elles rap- 
pelaient et les espérancçs qu elles déootaiept , 
flétrirent le système d'intimidation qui avait régné 
depuis le commencement de l'an 2 ; mais il n'é 
tait {4w temps de reporter vers des idées de 
cakne et da paix nos p<qpidatioo6 si long-temps 
froissées; et, ces hommages tardifs rendus à la 
vertu, purent tout au plus donner quelques nou-^ 
velles forces aux patriotes des villes jusques-là 



208 UTIB HtlTlklflS. CHAP. I. 

désunis ponr repousser les attaques furibondes 
des hommes de la campagne , que la noblesse et 
le clergé avaient trouvés trop disposés à seconder 
leur inimitié contre la patrie. 

Le régime doit cependant changer, et Bour- 
sault et BoUet , qui partent de Paris avec la mis- 
sion d'ouvrir les prisons et de rendre justice aux 
détenus y arrivent , dès la fin de fructidor y dans 
les villes de Nantes et de Rennes. Faure et Tré- 
houart , envoyés en mission à Brest , ont égale- 
ment ordre d^ fermer quelques-unes des plaies 
qu'y avaient faites Prieur , Laignelot , Brëard et 
Jean-Bon-Saint-Ândré (i). Quant à Nantes , que 
les crimes de Carrier avaient placé dans une posi- 
tion particuKère , Bo et Bourbotte s'y étaient ren- 
dus dès le mois de prairial an 2 ; et , si leur mis- 
sion parait avoir eu le double caractère de com- 
primer Félan maratiste et de réduire en même 
temps les aristocrates fauteurs des troubles de la 



(1) Chose assez étrange toutefois > c*6St que Trëhonart 
qui avait signé avec Laignelot Tarrèté de ciréation da 
triljmnal révolutionnaire de Brest y Hgna avec Faure de 
la Creuse le rapport qui détermina le Comité de Salut 
Public à le supprimer par arrêté du 19 vendémiaire 
an 3. 



LA BÉYOXimOir U B1BTA0JI8. 209 

Vendëe , on ne peat nier que leur intervention , 
âans les affaires de cette malheareuse contrée , 
n'ait ëtë d'one réelle utilité. Ce sont eux , en effet , 
et Bo particulièrement , qui décidèrent farresta- 
tion des membres de Tancien Comité révolution- 
naire et des plus fougueux terroristes de la mal- 
heureuse cité. Je, trouve cependant des actes 
d mcontestable rigueur à leur charge , et notam- 
ment les exécutions en masse de Noinnoutier, 
ou Ile de la Moniagne, après la prise de ce 
poste. Mais , si on leur doit la réorganisation de 
la Commission mihtaôre à laqudle ils confièrent 
cette oeuvre de guerre civile , avec la faculté de 
regarder comme certain tout fait conetaté 
par le procés^verbal dCun fonctionnaire pu^ 
blic (art. 9 de leur arrêté) , il ne faut pas oubliar 
que c'est sur leurs ordres que, dès les premiers 
jours de prairial, les prisons de Nantes furent 
assainies et débarrassées d'ime partie des malheu- 
reux qui les encombraient ; que c'est aussi sur les 
ordres de Bo que les maUieureux enfants de la 
Vendée déténus dans les cachots de la République 
purent en sortir pour être confiés aux familles pa- 
triotes qui voulurent, bien s'en charger; enfin, 
que c^est enc<Mre sous l'administration de ces re- 
présentants que la malhenreuse viUe de Nantes 

14. — 4.* V0L« 



fot mnMnlà% à TâffMase disette qm Aéror^ ses 
fadnlattts. 

M att ^ pour que le i^gillie cbangeftt eotnplëte- 
nent, il fattsit qa^après le 9 thenni^oi*, les dë- 
Ugaéê de b reprësentatieft ttatiôlialè dans nôtre 
pays fassent eiiangés^ et ^ qu'à b place des hommes 
de la Montagne ^ on vit peintre les hommes plus 
faillies et plus mddërës de là tiliaiaee de TdUien 
et étL parti de k Piame« 

Bomwidt et Bbllet d'ime part , Faai*e et Tré- 
honasrt de Tantre , <M>mfi}e lions venons de le dit^, 
«rritërent domc dand ncé départements aveè ordre 
de et^er toutes les dooleors dn pây9< Mais , en- 
core ime fms ^ qne pouvaient-Ub ? -^ Je vois bien 
mMii lettre de Bonrâaok , datëe du 6 vendémiaire 
«A d 5 p«r laquelle il ennonte qoe ysa Mission ^^st 
€990MèeiHmeni die s'accnper en son des dé^ 
tenuÉ > et )e voib antaî on arHèlé de Hii pair leqnel 
ilëtîiblit à Bennes une Cottumissiam PNloMhro^ 
pi^e 5 fonnée ded titoy^eni Lwefis ^ Bayuë ^ Pow«- 
nely Le <3tand, Me^lhél, MArtigoë^ de Snjie et 
antt^es ^ qui devra rechercher les mrihêareét sns- 
t^aptihles d^étre ^rgtt ; )e v^ift «MàMé \, pat* d^ntireis 
ittslriictioiitt ^ qn'il "a dïargë tes dknHbtè 4e ft^itt^r 
la liste deik ddienûrs à gracier* €'e^ Ml un acte de 
liàMe heteaÉitë aam donite $ m«is ë est t%iMdii «rop 



£A liirOLvnoir Ma butaohb. 211 

tard , et les honîttMS en fmte , qui se M»! rëfvgiéi 
d«D9 les boîs et dan» les landes désertes^ ne venlant 
plos rien «Étendre ; Us n^ont désormais qaè des 
excès et des wiinës pour ri^onse anx maux Iib'îIs 
ont endurés. 

C'est ainsi c|ae le mOuTement de thennîder i 
presque nul pour la pacification du pay^ et la soti^ 
mÎMÎon des rebeUès , n'eût panai aote d'antre r^ 
9iiltat> du moias insfanlané, que d'arrêter les 
ezeès de la Montagne ^ en rendant aiix patriotes 
smcèrea le drcMt et Tautorité qoe la jnslice a enr 
le crime. Le mise en siirveîllhaee dss lorroristes 
(ai, panai naos et dans tons les départements de 
rOaeat ^ lé bit ca[^tal dn chte^maiit do gônvcor^ 
mment au 9 thertaidor. Les nonibiielaMs piioeé 
que notls ^¥oas retrouvées dans les ardûrm do 
aofl dé|lartènMtats en font foi, et si la cèmafUttS 
et lé district de Nantes déployèrent wi âèie pâiw 
iienlaér pour rénnii* les élémenls idé i'abcnsatàan 
qoi fat akm dirigée coitm les memfarea doTaA*» 
ciên eomîté réyohiÉiônndkrb de cotte yîtte ^ ja 
tinouVe anssi que les'citOyens de Aanoes , ^ ÏMh^ 
rient , de P or t ^fc i eoe et de Brest , en ^rtîcalie#, 
mirettf ime grande aotirité à démasqiler les M^ 
eieas Blontagnardb et à les oaqpdlsel* ide tous les 
postes qu'ils 4M»apaiéni; lAjplapmt des nlémoÎDeo 



212 uni luiTikHE. •— GiÀP. I. 

et des plantes concernant les indindos dénonces, 
sont an reste des pins cnrienx : Ton d'eux y est 
représenté conune ayant inspiré une terreur toHe 
qne les fers envoyés pour les besoins des cnlti- 
Tateurs, dans le district de Pontrieux, ont été 
TMidos k son profit , sans que personne ait osé se 
plaindre. Aitteurs , à Brest , je trouve des offiâers 
de Farmée révolnlionnaire , cités comme témoins 
à gage du tribunal révolutionnaire dans presque 
toutes les aflhires qui emportèrent des condamna- 
tions à mort ; une plainte de cette mètne com- 
mune nous apprend que deux aquitaines de vais- 

•s 

seau qui concoururent avec Jean-Bon-Saint-André 
è la désorganisation des cadres de l'armée, faisaient 
leur société intime de Ance, le boui^reau. Un autre 
officier de marine est cité comme ayant été long- 
temps dAenu an fort la Loi avec les malheureux 
qui. périrent sur Técliafaud, et n'avoir dû sa 
sortie qu'à l'inCbue r61e d'espion près le tribunal 
révolutionnaire. — Aussi , de plusieurs points , 
comme dé Nantes , de Lorient et de Brest , des 
i^toyens foffent-ib chargés de la mission spéciale 
de se rendre à la barre de la Convention pour y 
défendre les intérêts de leur commune j et ob- 
tenir ^ des légiskteurs y la satisfretion que des cir 
toyens long-temps opprimés attendai«[it d*un.re- 



XA BiTOLvnov n BiRA^ra. s 18 

tour inespéré à h joitice. Les citoyeiis GastelMn, 
Tronille , Bergevin et Babio d^one part , M abssis 
et Pooliqiieii de Tantre , furent j dans eette cir- 
constance , les représentants partkoliers de la 
^e de Brest , et c'est à lenrs mémoires , à lenrs 
dénonciations an sein de la Gon¥enti<m que nons 
devons d'avoir retrouvé la trace des maHieDrenk 
souvenirs que laissèrent, dans l'un de nos dépar* 
tements 9 les membres de l'infibne tribunal dont 
ik poursmvirent l'arrestation. 

Mais un acte grave et prépondérant allait s'ac- 
complir comme une satisfaction domée à l'opi* 
nion patriote et modérée qui devait reprendre 
bientôt tonte son action dans la nouvelle lutte 
suscitée par les chouans et la Vendée. 

Nantes avait été cruellement ravagé par Car* 
rier et ses agents : la Convention sentit enfin 
quil fallait à cette ville courageuse et à la con- 
trée qu'elle avait si dignement représentée dans 
la journée du 89 juin 1793 9 une éclatante ven- 
geance. Bo et Bourbotte y cédant au cri de l'o- 
pinion publique , avaient déféré les membres de 
l'ancien Comité Révolutionnaire an tribunal de 
Paris; mais le chef de ces monstres 9 Carrier 
siégeait encore au sein de la Convention; et 9 

pr«té^é 4« ion q^FAQl^re 4^ représ^iitaqt ^ il n 



jontit krk-feû de ses nctkow et des agents ^fok^il 
avait employés. — En vain Phd^fies Tronjotty, 
qoe les représentants Bo et Bourbotte rarent la 
faiblesse de faire saisir sur la dénonciation da 
Conûtë de Nantes; en vûn, dis^e, PheKppes 
avait-il écrit , de sa prison même , anx représen- 
tants , et avant la cbnte de Robespierre : « qœ^ 
8^ perôstaient à ne le faire ni partir ponr Ptaris, 
ni interroger sur les faits des accusations portées 
contre lui , il les dénoncerait au peuple français 
(8 messidor an S). » J^ vain avait-il soccessive- 
m^t importuné , par des lettres que nous av<Mis 
sous les yeux , Prieupr et Garnier de Saintes , poor 
que Ton fit droit à ses dénonciations : il nous est 
appris, par la correspondance ^e ces représen-^ 
tants^ qu'ils s'opposèrent constamment à trans- 
mettre ses révélations , et que l'un d'eux , Prieur^ 
fut jusqu'à contrarier le départ des commissaires 
que la Société de Vine«it-la-Montagne avait pro- 
jeté d'envoyer à Paris pour dénoncer le tyran. 
M »s ni ces fins de non^-recevoir , ni son in- 
carcération, ni sa mise en jugement ne purent 
ralentir Pbelif^es dans ses attaques ; et le grand 
jour étant venu de déposer dans les débats ou- 
verts devant le tribunal révolutionnaire de Paris , 

nn «ujet des membres du Comité de Nantes , 



ik wtwotvTKm Bv nm^m. 215 

PWlippes 9 se l^^mtt $ouitin^men% en fuee dea 
aBcÎAiifi boiirreafikx de «eë coneîtoyew 9 demanda 
qo^ CUirrie^ fôt mîfi en aoeiwatipii. 

cr J'ai dénoncé et poursuivi le Comité de Nantes ; 
j'ai dénoneé Carrier représeaiant da peuple comme 
leur complioe) je déeferà me oontliluer aajoHnl'biii 
piisooBiçr en ma denp^ure jusqu'à ce que l^ îo^Uce 
çatioo^e ait prononcé sax le sort de ces soélé^ts ; ma 
tête répond de ma dénonciation. 

» Paris 9 ce 29 Tendémiaire an 3. » 

Et , s'avançant vers Faccusateur public ^ il lai 
remit cette dëciaratioo en demandant acte de ses 
instances 

A quelques jours de là (le 4 frimaire an 3) , 
la Convention votait à Funanimitë la mise en 
cause du représentant Carrier ; et sa tête et celles 
de d^x de ses complices , Grand'-RIaispn et Pi- 
nard , tombèrent sons le glaive de la loi. 

Mais , nous diront nos lecteurs , que devinrent 
donc Chaux, GouUin, Bachelier, Perrochaux, 
Mainguet , Levéque , Naud , Bollogniel , Durassier, 
Joljr et autres que vous nous avez montrés comme 
les dignes agents de Carrier? — Ils furent acquit- 
tés.. .. — Mais Nantes sans doute en appela, et 
Nantes dut demander une seconde fois leurs têtes, 
^ Oui t et j*en ai pour preuve U pétition d98 ci« 



216 I.IT1B BVlTltaB. — CHAf. X. 

toyens de cette vitte lue à la barre de la Conven- 
tion le 3 nivAse an 3. Je vois aassi , par un aatre 
écrit sans nom d^anleur, daté de la fin de plu- 
viôse , qu'un décret du 21 de ce mois , rendu sur 
le rapport de Bemier , fixa au 24 la discussion 
qai s'ouvrit pour savoir si les membres du Go- 
nûté révolutionnaire de liantes , acquittés par le 
tribunal de Paris, seraient renvoyés devant le 
tribunal criminel deMaine-et-Loire..«« Mais je n'ai 
pu trouver le résultat de cette proposition. 



i;a livoiirnoir ur BiBTâ^ini. 217 



CHAPITRE II. 



SITUATION DES DiPAHTBMEIlTS DJB l'ouSST A LA riK M L*AIf II. 

— CHOVAIIIIIIIB. 



Le passage des Vendéens, sur la rive droite 
de la Loire , la violence des terroristes qoi op- 
primèrent nos départements^ les efforts inonis 
qu'exigea une crise dont Tissue amena les dëfûtes 
du Mans et de Savenay , sont autant de fait» ex* 
pUcatife de la nouveUe gaerre qui copmiença 
SOUS le titre de chouannerie au moment où on 
aurait pu croire que la Vendée n existait plus. 
Mais, comme si ces malheureuses circonstances 
n'eussent pas suflEi , il. y eut des hommes qui , con* 
tf nu^uf ^ f e dir§ ^§u(s ptriofes , ajout^renf k oç» 



218 UYIB MUETIÈXS. — €HÂ?. II. 

malheurs d'aotres exterminations , et qui , croyant 
encore trouver dans la Vendée des vieillards , 
des femmes et des enfants , parce qu'ils aperce- 
vaient quelques toits restés debout au milieu des 
ruines, se mirent à parcourir le pays détruisant 
tout par le fer et le feu. Ainsi Turreau , qui , 
traversant la Vendée , avec douze colonnes , don- 
na Tordre aux soldats de tout passer au fil de 
la baïonnette ^ de livrer aux flammes les 
villes^ les villages^ les métairies ^ les bois , 
les landes , les genêts et généralement tout 
ce qui pouvait être brûlé* D'ailleurs ces dévas- 
tations emportent, dans leur nécessité, d'autres 
malheurs, et la famine, joignant ses ravages à 
ceux de ces tigres^ le Comité de Salut public et 
les représentants en mission sont obligés de pren- 
dre des arrêtés pour organiser des compagnies de 
fàudieurs qui s'avancent à Tabri du canon pour 
arracher au sol les récoltes que les Vendéens ont 
engraissées dé leur sang. Mais ces efforts étranges 
et inouïs jusque-là demeiirent sans résultat , et 
les soldats eux*mêmes , ne suffisant point à réa- 
liser ces actes de spoliation , ' Bo met en réqui- 
sition toutes les malheureuses filles qui sont re- 
tenues dans les hôpitaux podrmaladie vénérienne, 

«fin qa'^U^» «iU^nt glaner quelques épis dan» les 



Lk lÉvoLtnoir «r bhbtaoki. 219 

champs déjà ravages. Et la Convention donnant 
force de loi à ces mesures • dëcrète , le 8 messidor 
an 2 , que les fourrages et les grains de toute na- 
ture sont en réquisition permanente pour les be- 
soins du gouvernement ; qu il sera fait j par Ten- 
tremise des municipalitës , un recensement de 
tons les produits de la récolte ; que les citoyens 
seront eux-mêmes tenus de déclarer leur avoir 
en produits de ce genre; que leurs noms et Té- 
tât de leurs richesses agricoles seront affichés et 
soumis au contrôle du peuple ; enfin , que la con- 
fiscation et Tincarcération feront justice de toute 
fausse déclaration. 

Faut-il s'étonner qu'après de telles mesures , 
après tant de vexations , il y ait eu , comme nous 
l'avons dit, des hommes qui, au lieu de se lais- 
ser traîner au pied de la guillotine ou sur le seuil 
de leur porte pour y être égorgés , se soient rués 
avec colère contre tous ceux qu'ils supposèrent 
rangés par devoir ou par inclination sous là ban- 
nière républicaine? — Non , car un instant ce fut 
leur vie et celle de leurs familles qu'ils défen- 
dirent , et je comprends très-bien les amères pa- 
roles de l'un d'eux , quand , s'adressent au pré^ 
sideot dtt district dQ Ségré , il lui dit : 

^ Il m donc iéeïHé , Monsieur Banaeli» t quo noi 



220 UTIB HUinÈHB. — CHÂP. H. 

parents doirent périr en prison. Eh bien! comme c'est 
ToaSy Messieurs du district et des municipalités , qui 
les ayez injustement mis en arrestation; c'est à tous 
aussi que nous nous en prendrons. Nous ne couperons 
pas la gorge à vos parents^ comme nous le pourrions 
par le droit de représailles; des monstres tels que les 
républicains français n*ont aucune tendresse pour leurs 
familles ; an contraire , ils ne seraient même pas fâcfads 
de Toir morts tous leurs proches» afin d'engloutir leurs 
hériU^es. Mais comme Tinsatiable avidité est Tidole à 
laquelle vous sacrifiez tous les jours, c*est justement par 
cet endroit sensible que nous comptons tous prendre. 
Nous saurons incendier tos maisons de campagne, tos 
métairies et piller tos propriétés. Nos parents ne sont 
point cause que nous sommes armés pour défendre 
notre honneur et notre liberté contre la tyrannie de tos 
affreuses persécutions ; ce n'est point eux qui nous 
nourrissent. Vous doTez le saToir aujourd'hui par expé- 
rience , notre Tie est au bout de notre fusil ; et je tous 
assure que les patriotes, tos disciples d'erreur et de 
mensonge, y contribuent plus que personne, encore 
n'osent- ils s'en plaindre k tous ni à tos pareils ; car 
nous leur casserions la tète slls avaient seulement le 
malheur de dire qu'ils nous ont tus. Déjà tous ne devez 
pas ignorer ce qu'il en est; nous connaissons tout aussi 
bien que tous , et mieux que tous , le droit des gens 
et les lois de la guerre. Vous aurez beau nous traiter de 
brigands et d'assassins y aucun homme équitable et ins- 
truit n'y sera trompé. En fait de guerre , tout ce qui 

^ei n^of ssnirp f sf ^Tm% \ d'ftill^nr? i non» pp f^i^pn» 



jjL mÉTOiunoir m bbitaghb. 221 

qae yoas rendre me partie des vexations et da mal que 
TOUS nous faites souffrir depuis long-temps.... Si , dans 
quinze jonr^ , nous n ayons satisfaction à Tëgard de nos 
parents, loin de retenir notre monde, nous serons les 

premiers à leur donner l'exemple 

» Adieu, profitez de l'ayis, tous Messieurs Bessin, 
Maisonneuye et autres,. tous administrateurs deSëgrë. 
Qaamt au sieur Cholet , on m'a dit qu'il ayait je ne sais 
quel petit bien dans le district de Chàteau-Neuf , j'aurai 
soin de le recommander à l'ami Goquerau , si yous n'a- 
yez soin yous-mémes de le dénoncer comme fomentateur 
de troubles publics. 

« 

» Votre seryiteur, 
9 Lonp-Garoux , chef des tintamares et des fourës. 

n Fait en rassemblement partiel, le 20 octobre 1794, 
l'an 5 de la tyrannie française. » 



Et 9 en effet, combien de faits 
inconnus et cependant comparables à toat ce 
qai a ëtë articule de plus fort par les ennemis 
mêmes de la rëvolntion , ne pourrions-nons pas 
citer à Tappui de ces dires. Le seul mëmoire 
fourni par les habitants de Bougnenais sur les 
atrocités commises dans leurs foyers par les sol- 
dats de Tune des colonnes infernales , nous dis- 
penserait de tonte autre citation : ce sont des 
femmes que les soldats entraînent sur le seml de 
leur porte , yiolent et massacrent au mttieu des 



222 JLITU KUITIÈn. — - CHAP. 11. 

kmentotioAs de lenrs enfants; ce sont denx 
jeunes hommes , Pierre et Jacques Lemerle , ha- 
bitants des Cbuëts , près le Château-dlEau , qui , 
trouves dans leur lit atteints de la fièvre, sont 
hachés à coups de sabre par le commandant 

B et deujc de ses volontaires; en un seol 

jour (le 1." germilfeal an 2) sinxante et qoelqnes 
personnes périssent ainsi dans la commune de 
Bouguenàis, et parmi elles se trouve le nommé 
Bertheau , qae son titre de commissaire chargé 
de participer aux travaux de la réquisition n^a 
pu sauver du massacre... Le dévouement à la 
patrie , le titre de républicain , ne sont plus en 
effet des moyens de salut pour cen:ic*mémes qui 
ont toujours secondé la révolution de leurs ef- 
forts). Coifier père , de la commune de Melrand j 
dans le Rlorbîhân , a-t-il été forcé d'abandonner 
sa maison (ancien presbytère du bourg) à l'am* 
vée des chouans , ce ne sont pas ceax-ci qui le 
pillent ^ mais un délacbemeat du S^"" bataillon du 
Jura qui a expulsé les rebaUés. Des ofickrs sont 
à la tête de ces miaéraUe^i, et' c'est soils lears 
yatax que trois vieillards de plus de 70 ans sont 
égorgés. Quant à la maison de Cotter, les ar- 
dictres sont enfoncées ^ar leë officiers mêmes qiâ 
hé preiti^ent ses bijoux ; o» vidé m cave.^ et des 



XA HlftTOLIlTIOir BV BlKTAGlffB. 223 

draps ^étmkt trouvés dMs un petit magsâfi qu*fl 
tenait , ies soldats sortent de chez lui enveloppes 
de pièces d étoffes ^ et laissant pendre de leurs 
sacs le lûo^e qu'ils lui ont enlevé* D'ailleurs, 
le prOcès-verbal en fait foi ; il n'y a pas à Mel^ 
rand une seule maison qui ait conservé ses portes. 
Bes paneaux de meubles et des vêtements souil^ 
lés d'ordares ou de smig {pssent sur la vole pu^ 
bliqoe et accuisent les patriotes. 

Quand le crime et le forfait • devinrent ainsi 
Ton des moyens de la force armée et des gouver** 
nanisy il n'est pas difficile de comprendre jus-^ 
qu où ces excès et les soupçons qui leur servirent 
de prétexte purent être portés. Noos avons déjà 
dit comment et avec quelle latitude la dénomi- 
nation de suspect fut entendue et appKquée ; 
mais^ puisque l'occanon s'en ofl&e, citons un 
dsraieiT el^en^le: c'est ce même bataillon du 
Jora qui nous le laurnit. L'un de ses délac^^ 
méats court en patrouille la commune de Pfeu- 
griffet ^ distrid de Josselin ; il arriva à la ^ille*^ 
Tuai 9 apeienae maison bourgeoise du pays ^ et y 
trouve h citoyeii OUivo, sortmt dé table, et 
ayant sur eelle-^ cinq assiettes atec des pelures 
de châtaignes qui àvi&ent'été grillées.— Qu'eet«-ce 
à dire ?mm — Vainement €Uivo £nt comparaître 



224 LiTBi Mumton. — chaf . ii. 

sa femme et trois enfants , qui , à la première vue 
des biens se sont effrayes , on lui répond qu'il a 
dû réceler des émigrés ou des rebelles ; et , sans 
antre forme , il est poussé à coups de crosses et 
conduit dans les prisons de Pontiyy. — J'ai sons 
les yeux la réclamation que firent en sa faveur les 
officiers municipaux et les patriotes de sa com- 
mune; il est réellement curieux de voir comment 
ces braves gens , après avoir classé Tancien boui^ 
geois comme un laboureur^ fcmt valoir ses 
actes de dévouement incontestable et connu , 
et c<munent ik terminent ensuite en parlant de 
sa petite fortune de quinze cents livres de rente ^ 
et de t habitude ou il a toujours été de nutn- 
ffer du dessert et même de mettre quelque- 
fois la broche au feu...* 

Yoilà cependant ce qui se passait alors, et 
comment , pour sauver leur tête , les plus dévoués 
eux-mêmes furent souvent cAUgés de descendre 
aux plus humiliantes justifications. QnW juge 
ce qu'il en dut être pour ceux qui, par position, 
par intérêt peut-être^ par ignorance souvMit , se 
trouvèrent en résistance avec le pouvoir , en dé- 
fiance contre les innovations si brusques et si 
étranges des républicains de la trempe des Car- 
rier , des Turrean, des Le Batteux , des Lecar- 



l wkrotvnov m BiiTAOïm. 225 

pentier , et de tous ceux qui , confondant dan» 
une même proscription le présent et le passé , 
allaient abattant des têtes et des temples , comme 
si , pour nous régénérer , il eût fallu détraire et 
la race qui couvrait le sol et les souvenirs de sa 
pensée (1). 

Il y eut donc guerre > guerre atroce et san- 
glante ; et aujourd'hui que tout désintéressement 
à la querelle nous laisse libres, nous pouvons bien 
nous écrier avec les représentants Faure et Tré- 
houart , comme ils le firent dans un rapport se* 
cret an Comité de Salut Public, que la guerre 
de la chouannerie fut due au pillage , aux as- 
sasônats , à la profanation des temples , aux im- 
positions arbitraires et à tous les excès que com- 
mirent , dans nos départements , les hommes de 
la twreur. — « Il restait encore une ressource , 
ajoutent ces représentants, pour balancer dans 
l'esprit des paysans les suggestions perfides de 
la noblesse et du clergé réfractaire ; Lcarpen- 
tier se chargea de la détruire en faisant incar- 



(1) Yoir aux pièces justificatives deux lettres des re- 
présentants montagnards y Bo et Laignelot, dont l'indi- 
gnation n'a pa être contenue à l'aspect de tant d'excès, 
n.* 50. 

15. — 4/ TOL. 



226 UTBJi KoiTikin. -*- cia». u. 

cirer 1m {wrétres constitiitîoiuiak , ifokj pour la 
plupart ^ cammençûent. à obtemr la eanfimiee, 
et ^fwi4iTaiettt m grand intérêt à soutenir la cause 
4e la liberté» » 

Mais^ avant de paaser outre 9 nooa deiFona dire 
que nous refaisons à priori Thistoire de ces mal- 
heureux temps. Nous connaissons ^ pour les avoir 
lus 9 les ménoireë , les écrits 9 ies pièces qui ont 
d^li été puUîés sur la obouatuieiîe. Mais une 
source nWak point siicorex été consultée , les 
archives de nos départemenls et le dép6t {dus 
pi^écÂeux des documeirts provenant des deux bu- 
reaux de poUpe £armés à la £n de Tan 8 , è 
Bennes et à Vannes 9 dans le but de reeurilUr 
tous les jwiseigneinattta fui devaient édairer 
Bbche et les représentante sur les sMuv^iieiits 
de Teuneiui. Ces dewc dépAte 1 je les ai eus in- 
tacte et coitq^ets des naams mêmes de l'un des 
nqprétfMtanls qui concourut à la pacification 9 et 
qiii se Iroimi dhargé par ses «oHègues et par 
Hoffhe^ de réimr toutas les pièces eoatceraant 
ce grand drame. C'est là que nous puiserons nos 
enseignements 9 et si parfois il survient , dans nos 
révélations , quelques-uns de ces faits inattendus 
et caractéristiques 9 qui jettent le trouble dans 
tout un parti et mettent à néant des vertus ou 



Zk lÉTOLVTIOV MM BUTAOBB. 227 

des d^rovements d'emprunt ^ cpi^oa ne noiis em 
TeoiUè pas ; èw , sans doute , nnl aB|oard'kui ne 
Toadnit noês contester le droit que nous Mwoioê 
de cônna&lre la dernière pensée d'une guerre gî<* 
nie qui sera feng^temps une leçon pomr tous. 
' Dès le eommencMtiOQt de Tan S , après la dé- 
route des Vendéens au Mans et à Savenay , quel- 
ques bandes éparses avaient eopimeneé à se mon* 
trer ^bms las environs de Is»bIj dans les dis^nots 
deSegi^ë et deCîhâteangeiitiar, et mAme dans les 
envû-ons de la iGruerche et de Vitré. Hais ees pre- 
miars meuvemeats des à fi^par{nllemeat des 
bandée vendéennes , ne parurent prendre une 
Mteiieion Sormidahle qu'an prialemps de 1794. 
Hé Piiisaye^ qui tendait à devenir Tâiee et le 
chef de cette nouvelle guerre , a'était déjà meptr é 
dans le$ oanq>agnes de la Bretagne; et, à feree 
de démanches , d'habileté et de souplesse , il iélait 
parvenu à rallier aia plan qu^il méditait ipelquef 
hempnes jeùissant de plus ou aseies d'inOoenea 
dans le pays (1). Mais son oeuvre n'avançait point 



(i) Issu d*ttiie famtUe da Perehe j le comte Joteph de 
Paisaye , qui aviot joué un rMe dans rinsorrectlon fédé- 
raliste d« €alvado8 , avait cherché on asile dans la Bre» 
tagne> après la défaite des â4roBdins. Il s'y était teaa 



i 1 



228 LiTiB BViTiinn. — cxiv. ii. 

rapidement , et Ton voit , par le rapport du chef 
de légion de la Gaerche, qu'il était réduit, loi 
cinquième 9 à se cacher dans la forêt du Perfre, 
quand, en novemhre 1793, la garde nationale 
de la Guerche, conduite par un ndmmé Guais^ 
du parti des rebelles , le surprit dans cette cahane 
on deux de ses compagnons , de La Massue et 
de La Héchois, périrent criblés de balles. -^ 
Ses papiers et sa correspondance tombèrent au 
pouvoir des républicains, et fournirent ainsi les 
moyens de suivre avec quelque succès une par- 
tie des mouvements qui tendaient déjà à se ma- 
nifester. On trouva aussi dans ces mêmes pa- 
piers , rindication des moyens que F Angleterre 
se proposait de fournir à nnsurrection , et le 
projet fut un instant formé par Rossignol, en- 
core chef de Tarmée des cêtes de Brest ^ de se 
rendre dans les environs de Gancale , pour y ré- 
péter aux Anghiis et aux émigrés de Jersey les 
signaux convenus entre eux et Puisaye , pour 



caché pendant plusieurs mois , et c'est en se réfugiant 
d une ferme i l'autre , qu'aidé de ses amis , il était par- 
venu à mettre sur pied quelques bandes d'abord com* 
mandées par des réfugiés de l'armée vendéenne qui atait 
été sous les murs de Grandyille. 



tk WiTOUmOV su BltTAQSIB. 229 

un déharqaement «n faveur des rebelles. Mais 
L'évasion des prisons de la république d'un nom* 
mé Grandnos-Meslé qui passa aux iles, rendit 

m 

nuUe6 les mesures concertées à cet égard. — . On 
put voir bientôt toutefois que cette nouvelle in- 
surrection , dont on avait les premiers fik., ten- 
dait à prendre un grand développement et à 
devenir, par des moyens différents , mais non 
moins surs , aussi redoutable que la Vendée avec 
laquelle elle devait avoir des rapports intimes et 
concertés. Les environs de Laval , les districts 
de Châteaugontier et de Segré , c'est-à-dire toute 
la ligne qu^avait parcourue à plusieurs reprises 
l'armée vendéenne , devint le théâtre particulier 
de ces mouvements insurrectionnels. Tous les 
points du territoire sont à-la-fois occupés par 
ces nouveaux rebelles ; ce ne sont plus des co- 
lonnes épaisses auxquelles il faut opposer des 
masses, mais des hommes éparpillés, de petits 
détachements qui se montrent partout oà les 
soldats et les gardes nationaux ont passé. Leur 
système de guerre a pris un caractère inoui d'a- 
trocité ; et , pour ne parler d'abord que des an- 
ciennes marches bretonnes , point sur lequel ce 
genre d'insurrection commença à se manifester , 
9n voit t par U correapondàiice û^ diairi^U 4e 



230 LITIB HOltlkKB. — - GHÀP. II. 

cette région, que chaque jour y fut bientét ar- 
guâtes par des vok et des assassinats qui n'aTaient 
jnsques-là appartenu qu'aux brigands de profes- 
sion. A Noellet, dans le district de Segré^ c'est 
le «eurë , le maire et le eommandant de la garde 
nationale qui sont surpris et égorgés le , même 
jour. Gonrairie, commandant la garde nationale 
du bourg dli^é , et deux autres citoyens subissent 
le même sort. Tous les villages où ces misérables. 
se présentent sont dévastés par eux , et dès qu'un 
homme leur est signalé pour ne pas favoriser 
leurs brigandages, ils le pillent ou fégorgent. 
Mais écoutons , sur ces crimes , deux femmes qui 
viennent de se rendre pour affaires an village de 
la Peliouere , commune de Javené , près de Fou- 
gères. Michel Toihan leur a fait beaucoup d'a- 
mitiés et les a invitées à diner. A peme sont- 
dles entrées que cinq chouans de la bande de 
Boisguy pénètrent dans la fenne. — Qu'as*tu à 
nous donner, disent ces hommes? — J'ai da 
cidre , du paili et de la viande , répond Michel.... 
— Mais c'est bon cela, et nous boirons volon- 
tiers un coup; car nous avons grand soif. Quant 
à ton pain et à ta viande, nous verrons. — Et 
ils s'assirent sur les bancs de la ferme , buvant 

plii# ()u'i|9 ne mangèreiitc, -*«- Jlai»| jâîs*denO| 



I. iiyoi.unoir bit BBBT«irB. 231 

Toihaii , reprit Là tLése , l'on de ces brigands , 
en s^approehant do fermier qu'il ne perdait point 
de YUe y c''est à toi qae noos en voulons.... — « 
Mais , Messieurs ^je ne vous ai ni fait , m dti , 
répartit le pauvre fermier , tremblant de tous* ses 
membres. — €'est bon , c'est bon , dit Im Ros^ 
ëtincelant de colère , reste-tà.*.. tu vas finir 
4es Jours dans la minUie. — Vainement la 
femme Tmfaan se ]ette--t-eUe an-devànt de ces 
foreëaés , leor offrant tout ce qu'elle possède , 
et assurant que son mari ne leur a fait aucnn mal... 
Tais'toi, s.... patriote, reprend £ta Mose ^ ion 
compte est bon et tu vas périr ainsi que ton mari. 
— £t ces misérables entraînant Michel Toihan 
hors de sa maison , le tuèrent à coups de cou- 
teaux ; pois , rentrant, La Rose s'avance vers les 
deux femmes qui nous font ce récit , le»* pré** 
sente la lame encore fumante qu'il vient de retirer 
de la gorge de Toihan. — Baisez-donc le sang 
de votre f..* patriote^ leur dit-il, et il bar- 
bouilla ces femmes et l'épouse de Toihan du 
sang de ce malheureux.... Cependant La Rose 
et son compagnon n'ont point terminé ; ils de< 
mandent à la veuve , si elle n a rien autre chose à 
leur donner, si elle n'a point d'argent. m.., La 
pauvre f«iiini9 9U«iQt iur une pl^ot^b^ ^elijuM 



282 MFM nUTIÈSB. — CHAT. II. 

agiiieimtff qa'elle y avait cachëa et les leur offre*... 
Ce n^est qoe cela j dit Xa Mo^e , en les poossant 
de la main.... et il assomme là veuve à coups de 
crosse de fusil; elle est morte... — Us sont sor- 
lis.... Mab presqu aussitôt ils reviennent , prennent 
par la main les deux femmes qni nous révèlent 
ces atrocités et leur disent : « Vous êtes bien 
heureuses que nous ne vous connaissions pas ; 
vous ne venez à la campagne que pour épier nos 
démarches ; mais gare à vous , si nous vous re- 
trouvons. » 

Sur un autre point du même district, les 
bandes d'Aimé Boisguy , après avoir assassiné et 
saigné à la jugulaire , le père et la mère d'Anne 
Manduit , s'amusent à présenter sur des charbons 
ardents , une jeune fille et des serviteurs aux- 
quels ils ont enlevé les cartes civiques dont ib 
étaient porteurs..... 

» Traînée par les cheveox sur les corps de mon père 
et de ma mère encore palpitants , j aurais infailliblement 
tombée sous leurs coups, nous dit la jeune Manduit, à 
peine âgée de vingt ans, si je n*étais parvenue à me 
réfugier dans un caTean pendant qu'ils brisaient tout 
dans la maison de mon père. » 

Et gardex-vous de croire que ces crimes s<nent 

)9 fMt îfK>M d^ quelques misérable»! Yoicî rwi^ 



XA lÉTOLirrioir bit bbbtaghb. 233 

des ÎBStroctioDS ëcriles , données à ces monstres 
par Ton des chefs qai commandent dans les envi- 
rons de Gourin (Morbihau) : 

« D*après les renseignements qne je tous ai fournis , 
TOUS n'ignorez pas que le bourg de . M oëlan , à deux 
lieues de Quimperlé, sur la côte, est habité par deux 
intrus j et qu'en punissant ces hommes de mort tous dé- 
livrerez le pays de deux scélérats qui pourraient nuire 
si TOUS les laissiez exister. Vous trouverez au même 
bourg un officier municipal et deux autres personnes 
qui se sont mal montrées ; je vous ordonne de vous y 
transporter vendredi au soir, d expédier et rançonner 
ces trois personnes. Avant daller au bourg, vous irez 
prendre le fils de M. Du Guiily , chez son père. Le jeune 
homme est officier sur les vaisseaux de la République; 
vous renchaînerez , vous me l'amènerez , et il sera puni 
de mort, s'il le mérite. Vous vous informerez également 
de la conduite de M. Du Guiily père , de M. Maudnit , 
qui demeure sur la côte ^ et de la conduite de [riusienrs 
autres personnes des environs du bourg que vous met- 
trez à mort ou traiterez de la manière que vous jugerez 
convenable pour le bien de la cause. » 

Et ne doutez pas que ces instructions ne s'exé- 
cutent à la lettre: quelques jours auparavant , Un 
curé constitutionnel du même district a été tnë 
dans son lit de sept coups de fusils , et 700 liv. 
qui se trouvèrent déposés chez lui par le per- 

aopt^ur 499 oQQtributîQns ^ ont été whvé^St Troii 



234 LIYBB HVITlfcHE. CHÂP. II. 

autres prêtres conslitatîonnelset an instituteur du 
Finistère furent égorgés dans cette même expé- 
dition. D'ailleurs, aucune sûreté ne saurait être 
prise contre ces atrocités, et les liens de la na- 
ture et de la famille semblent s'être brisés tout 
à coup dans cette efiFroyable crise. Un patriote 

estimable , le citoyen D.... père , que nous 

avons eu déjà l'occasion de citer pour les soins 
de tous genres qu'il prodigua aux Girondins 
en fuite, nous en offre une preuve bien frap- 
pante. Obligé de s'éloigner du Finistère pour se 
soustraire à la fureur des terroristes, il s'était 
rendu à Fougères, son pays natal, dans l'espoir 
d'y trouver un asile. Y ayant été employé pen- 
dant quelque temps comme ingénieur militaire , 
il revenait d'Enée à Fougères avec l'un de ses 
frères , curé constitutionnel , quand , se rappelant 
d'une parente qu'il avait au bourg de Fleurigné , 
il fut s'asseoir à son foyer et lui demander quel- 
ques heures de repos La malheureuse femme 

s'empressa de leur servir une collation , et , leur 
faisant accueil , elle les retint plus qu ils ne l'au* 

raient voulu Ils partirent cependant; mais 

rendu auprès de Beaucé , ils sont assaillis par une 
bande de chouans qui les attendait , et tombent 
mortSfiM»! Plus tard, celte même femme donnait 
ift fille unique aux assasiin» de son parentt 



£Â BÉyOLUTIOU BU BESTAGHB. 23b 

La plus grande partie de Fan II , comprenant 
les derniers mob de 1793 et les premiers de 
1 794 , se passa ainm pour nos dëparlements dans 
les cruelles anxiétés qu une nouvelle insurrec- 
tion fit naître chez tous les citoyens. L'attaque 
et la rëbdiion se montrent parfont et ne peu- 
vent cependant être réprimées.^ Vainement des 
patrouilles et. des corps armés sillonnent-ils le 
pays en tout sens ; si Ion parvient à se saisir de 
quelques malheureux paysans et qu'on les fusille^ 
on voit par la correspondance de l'administra- 
tion centrale et des districts qu'à cette même épo- 
que 9 en, frimaire de l'an II , Josselin et Boche-. 
Sauveur sont vivement menacés , que le canton- 
nement d'Âmbon a été surpris et désarmé , que 
des .rassemblements se forment sur le Gouvello, 
que la garnison de Vannes parvient à peine h en 
imposer aux rebelles , et qu'à trob quarts de lieue 
de cette viUe , dans la rivière du Morbihan, un 
statiminaire républicain est tout à coup assailli 
par des insurgés qui surprennent l'équipage , le 
renferment sous les écoutilles et lui enlèvent ses 
armes et ses munitions. Sur d'autres points , à 
Baud , à Grand-rChamp , dans les communes de 
Bignan et de Loominé, le tocsin sonne; et, bien 

fjue toutes les forée» . de Lorient le mettent en 



236 IIYBE HVITlkXE. -* €HÂP. II. 

marche , il y a un convoi de poudre enlevé sur 
la rouie même que parcourent les troupes. La 
force armée et le commissaire des classes , ins- 
truits que des marins se cachent dans la com- 
mune de Baden , s^ rendent-ils de Vannes avec 
les meilleurs renseignements , c'est en vain qu'on 
leur a désigné les lieux où se réunissent ces ré- 
fractaires; c'est en vain qu'ils s'enveloppent des 
plus sages précautions pour les surprendre, en 
visitant de nuit toutes les maisons de la commune : 
ik n'ont pu saisir un seul homme. 

Dans les G6tes*du-Nord , des faits pareils se 
répètent , et toutes les communes des environs 
de Lamballe et de Loudéac sont plus ou moins 
troublées. Des débarquements d'armes et d'émi- 
grés se font sur plusieurs points , et le château de 
l9 Ville-Mario y non loin de Plouha , a été témoin 
d'une rencontre meurtrière. Une autre fois , des 
effets militaires sont-ils dirigés de Lamballe sur 
Pontrieujc, un gentilhomme du pays 9 Boishardy , 
se porte avec deux cents hommes sur Jugon et 
s'empare sans coup férir de la ville et du convoi 
qu'escortait un détachement de républicains. 
Quatre cent mille francs qui avaient été chargés 
la veîUe à Lamballe pour le port de Brest ^ de^ 

meut I wmn\ toutes le» pr^vinon» , devenir }§ 



LA lAroLunoir bk bbbtackb. 237 

proie de ces rebelles ; mais la prise de Jugoa 
s^ëtant opërëe précipitamment, les quatre cent 
mille francs attendos étaient encore à deux lieoes 
de cette ville, quand la nouvelle de ce qui s'y 
passait détermina les fourgons de la République 
à rebrousser vers Lamballe. Un troupeau de 
boeufs , également destiné pour Brest, vint cepen- 
dant tomber an milieu des bandes de Boishardy. 
— Passez , passez , dii ce chef au conduc-^ 
teur , la République est pauvre et a plus 
besoin de ces bœufs que nous; continuez 
votre route : et le chef de chouan remit au con- 
ducteur un laissé-passer de sa main. 



LA R^yOIUTIOH EN BBBTA€HB. 239 



,i ' . ' 



CHAPITRE III. 



OBeANISATIOn GÉK^BAU J>E I.A CHOITAiriiCSBIB. ~- SOM CAIACTAAB) ISS 
HOmSS, SB PVISATE, l'MHIGBATION BT LB comte D*A1T0I8. 



. Mais 9 aimsi que bous venons de le dire, ces 
faits tenaient moins à un système nouveRU M 
oi^aai^ de eo&tre-réTolntion qu'à la portion 
parUcdUèire des populations qui avaient ëté ri 
eruellement lîroîss^s par les terroristes. Jusques^ 
là le plus grand noabre n'avait pris conseil que 
ie M résolalimi et de ses saattienrs ; et , ri quel*- 
ques biuides de rebelles s'âaient organîsëes j 
c'était saas Men enlre eUes, sans raj^iorts entre 
les cheis qa elles s'ëtaient donnes et «pu ne se 
connaissaient même pas...» Mais bient&t, comme 
dans bons les m^mwwaewte sobverrifs de Tordre et 



240 LiTBK Hunitai. — CHÂP. in. 

da goaTemement préétabli , il se trouva des 
hommes habiles^ qui^ maniant la plume et Tin— 
trigue mieux que Fépée, s'offrirent comme des 
chefs dévoués , ayant avec Toreille des princes et 
de l'étranger des plans tout préparés pour une 
insurrection en masse qui devait sauver le pays ^ 
réparer les désastres essuyés et rendre à une jeune 
victime la couroiine de ses pères. Le comte 
Joseph de Puisaye, que nous avons déjà rencontre 
sous les ordres de Wimphen au service mo- 
mentané des Girondins du Calvados , fut des plus 
habiles et des plus remuants parmi cette classe 
dliommes toujours empressés à profiter des sa- 
crifices que les masses savent faire par instinct et 
sur la seule incitation d'une noble pensée qui 
part du cœur. 

Dé bonne heure , et après s'être pendant quel- 
que temps abouché avec les hommes attachas au 
parti royaliste qui étaient restés dans le pays , il 
se porta vers l'Angleterre et les lies, où séjournait 
une masse considérable d'émigrés. Se faisant bien 
venir de ceux-ci et des princes , il parvint à se 
ménager jusques dans le cabinet anglais , des 
liaisons dont il tira plus tard un grand parti pour 
le rôle qu'il allait jouer. 

Doué d'une rare facilité de conception et d'uii 



talent non moins ineonteBtaUe porar rendlw m 
pensée sons des dehors briUanIs et spëcieux , il 
alhdt de I'iid k Fantre , assnrahl qo^îl réparerait les 
désastres du Mans et deSavanay , et ferait'OiiUMr 
la perte des Bônehamp , des LescHre., des Ï^-R^r 
chejaqnelm , des d'Elfaée et de tous cerne mai 
avaient ooorageiHMnent défend» la cause Ai 
trâne et dé la religion. £t rémûssant , dans 
ses projets , la Normandie , la Bretagne et . le 
Maine sous nne aaème antorité, il projeta onè 
organisation conminne , an sommet de bifneUo. il 
plaçait fictivemmit Bf onsMor^ le domte d'Aitois,Ie 
prince de Bouillon et M. de Hefcé, év^ne de Dol^ 
dont une boUe dn pape , datée de la fip de 1793> 
avait fttt on neaire âpostoliqne chargé de repcé* 
senter lo sainl-siége près des inanimés ei de la 
famille des BoaribonsA Quant à loi , général. en 
c^hef de Tannée qu'il- organiMni ainsi, «ur le pa|^ev| 
il se donna pôup le coiBlinuatettr.de.la.Ronttne; 
et, reprenant Toenvre de celai*^ ^ il rssta à Té^ 
tranger peni* formuler des Inrevets ^ - faire iabiîf' 
qoerdttràban.de Saint-Louis 9 de feiox asMjgnatffy 
et dislrilmèr, à pleines mains, les honmanm^' les 
grades, les titres, à Taide desquels M seflattaât dâ re^ 
prendre et d'aecoo^lir cette forte orjganisirtMii des 
(Niroissosetdfsie^ntons^ dont lomonFement dej^aît 

16. — 4/ VOL. 



06 fd^vbrinr par k v<dbiit^ d'un Cfajtë ce»lffiJ« 
Ctellè MBClptiitt, iNt ne aatatfait le iimt^ dot se 
pÊ^mmUa i «eoi k» dokoM le» pliw sédwlasls aux 
h ww ma crMtiles de ViaâffMiùn ^ et awc nal- 
lieiireilx ptrineH fui aYâient vak hteke déeiner 
kpr iMttile^ Oli 'iivâît à JeMey et k LeAires ^iie 
k Yeadée hlttail empire am imMin» de ses ohattipe 
wmàg/és^ et fae Vonabn des JU Rdclnjaquelkl et 
des Leseore^ oèmÉie mi eyiel éifi?< aa en&lîeades 
MHiaft) lelKnit tel» ks honmes dont k eostr 
dtnt tfoÉflsemé de reenoer du paye* Les yew 
ÛMiêiimt k Bteteyie»<|Bi5J«miiso 1?^» Ae e'^ttît 
pdyit ts«neilsnièaft {aretioiick ^ on €My«it ve&r^ 
dé JArsejr, toÉto ks <iaÉtoeee« afai6s* Oa aiv^ds 
ik a ti e si JPeMC en paflifiJier des Aeilvelks ]^teiii«e 
fèuvIisKère*^ et fl a^ ^>^' 9^ ^"^ hovtnae des 
bandée de Pâ »Ihrniaay y f|M e'oïKftiisskBt wm$ 
ke Iwiipnuas ea :bDk dss Mes dtM Amie p «isainle 
kii^Éliiilk dwde BÉaâiloa» qak «'eàt ^elqaé 
perent Ml qttel^M ^mBâûsanee h difter doHM Iss 
'm/tÊÊ^é^^àlkmaAmAàéfkn k 

nsdWkHy ias Qètear^o-^Melil^ ime pav6» dtt 
MUne et de k KMuandkt Oncrat dHK em 
pedfiaiéas de Bakay^ à eae eipjreMes ut k ses 
pMMsins^ en aeée d'enlsnt pba dt fimlîtf %ee 
là k JBeekijae aWiit fias hOf< îiMfpiaek»et 



LA BiTOLïïTIOir S9 BUTAMS. 14S 

si elle était œèmn raMëe inaotlire) torg év pàâMjg^ 
deê Vemàéem mat la rne droite ée là Loi^e, ieW 
qne^ daos la pen^e des hommes qm n'ëvaient 
éessë de faille des veeox pi^nr «tte oontre^iréf dhl* 
ticm, nul encore n'avait renqdaeë la RonKfie et 
essayé de mettre à pneéît le éerin^age et titan des 
fidèfes» Cette idée^ qni était me rëdie ff émeé^ 
patioB du partie rendit la tâlishe de Pinsaye laeHei 
Assez faieB fdaeë diins l'esprit des prmces poar se 
montrer à eux oen&me tente d'im parti dend H 
amt i^sieors fob eacprimé les beseins^ il lie tarda 
pÉB^pftrses «paK^ pamoaiaellea^ k captof Um 
bieiiveUUiaee. G'^ifat d'aollean leui^ oaMe qaU 
servait encore pfas qaë k aiande, et il ife lui Ait 
pÊê diJitîb dé lear persuader qa'iia den^ieM usif 
de leur iéfiâenée et de leoni iMyèdi polir tèMér 
en Bretagiié et dans l'Ooeat un tmip dëia^ ^ 
pnl lès rep^er eor le trAne (t). À)dë de ee pi^tM 



(1) Plusieurs ayaocé ont écrivains que Monsieur, 
loin d'eneoerager les démarches de Paîaiyë y ne oéesa'dë 
les contrarier, et qpe ce.fui» à bien da^f â son iosça 
que Texpédition de Qiûbei'en se prépiara. CSBfte assertian 
me semble démemie par qadqiles lelliM d<r Puisaye , ott 
les faits démontrent qull fut plusieuirs fois l'îatermë^ 
diaire des ordres de Monsieur. La présence du comte 



244 UTBX HUiTiianK. — chap. m. 

mîer «ppm 9 sa tâche , près dtt.gOQVMOieineBt an- 
gkâs 9 ne fut . paa beaucoup plus diffidle. Et si 
d^ le cabinet de Pitt avait trouvé an intérêt 
national à préparer dus Farsenal de Plymonth 
un annement considérable ^ que lord Moyra 
reçut ordre de diriger pour seconder les Yen- 
difons dans le cas oè tk se seraient rendus mai- 
très de Grandvitte , il faut bien reconnaître que 
tonle occasion offerte à ce cabinet de susciter de 
noiiveaux embarras à la répnUique , de se débar- 
rassa* des masses d'émigréë qui obéraient son tré- 
sor^ et de ralentir nos conquét^ dans la Hollande ^ 
et au-delà du Bbin, devait étro accueillie avec 
mipressemeut* Et ceci est d'autant plus facile à 
comprendre, que lei» firais de l'expédition de lord 
Moyra étaient faits, que les émigrés s'étaient réu- 
nis Qt ;organisés à Jersey, qu'ils y vivaient au 
compte de l'Angleterre. Pkiisaye devint donc, 
dans ces circonstances , et sans trop de peine , un 



d^Arteis sur la flolte anglaise et sa descente à 111e Dieu, 
•oflt aussi dés faits consomnkés et qai démontrent haute- 
ment que si les pri|ice$ se trouvèrent partagés d'avis sur 
les secours à réclamer de TAngleterrè, ils nen refusè- 
rent cependant aucun. 



tk liTOIUTIOir BIT BRBTÀ6IIB. 245 

homme indispensable, auquel lès princes s'en re-^ 
miirent pour leur courmme ; Pitt , pour un mouve- 
ment qiii compromit la république ; le& émigrés, 
pour uue contre-révolution qui leur ouvrit la 
France ; et, les insurgés, qui tenaient le pays elf«i-f 
saient tête aux républicains, pour toutes les^re»^ 
sources en armes et en argent qui leur étaient in-' 
dispensables. 

Gomment s'en tira le comte de Puisaye , c'est 
ce que nous allons essayer de dire, moins pour 
peindre l'homme que son parti, et plutôt d'après 
des pièces saisies et inédites que d'après ses mé- 
moires, qui ne sont qu'an long plaidoyer en 6 
volumes. 

D'abord, occupé, comme nous l'avons dit, à 
organiser les bandes qui parcouraient le pays , et 
se rendant lui-même près des chefs et des mé- 
contents qui ont pris les armes, il déploie une 
activité sans égale pour ramener aux mêmes vues , 
à des efiPorts communs, les royalistes qui com- 
mencèrent à se montrer dans nos campagnes à la 
fin de l'an II. Dès le mois de ' thermidor de celte 
année , alors que toute la France se laissait aller 
aux espérances que donnait la chute de Robes- 
pierre , quelques hommes, Leissègues fils , Guil-» 

leniot, Guignardf de Lanlivy etB^rtbèlgf appar« 



246 UTU HumiKB. — chav. m. 

tenant à la Bretagne on ayant servi dans les armées 
de la Vendée , s^étaient en effet constitués en 
conseil royal du Morbihan , et réglaient à ce 
titre ^ Torganisation des premiers bataillons de 
Tarmëe royale callioliqae. Mai& ce n'étaient là que 
des essais incomplets ou isolés ^ et ce ne fut que 
pluaîears mois après que Puisaye , s^autorisant de 
ses services et de la faveur des princes , fit acte 
de puissance par une proclamation en forme au 
nom des généraux et chefs de tarnèée catho- 
lique et royale de Bretagne, dont il s'intitula 
général en chef • Cette pièce, dont nous avons une 
<M>pie, qui fut affichée à la porte de l'église de 
Sérent par les rebelles , ne manque pas au reste 
d'un certain caractère d'habileté mûrement cal- 
culé sur la situation des esprits dans les départe- 
ments de l'Ouest. Sortie des presses anglaises et 
ornée d'une vignette figurant un écnsson fleur- 
délysé soutenu par deux chouettes avec la devise 
suivante : in sapientia robur ; — sic re flores^ 
cent. Elle était conçue ainsi qu'il suit : 

«r Les circoDstances terribles qui agitent depuis trop 
long-temps notre malheureuse patrie , ne permettent plus 
ft personne de demeurer incertain et flottant entre deux 
partit , d'hésiter entre la soélératesse ^t la verta. 

« IiSft pre»tl|f9i <]ttl pooTai<?nt faire croire ^ quel^iaei 



hommes trempés f qa'il était possiUe d*àrmàr au hm^ 
heur par le crisie, et à la prespérilé pabU^ue à IraTers 
les débris fnmanls du saagde len^ frèves seal disalpéaM; 

» Le Biellleur des rois tteheiaeDl assassiné ; son a«^ 
geste eompagae el sa sœer i qai ils d affieBl à reprocher 
que des vertos , trslDées à rédiafaed ; ses ffènss esiléa ef 
prosci^; sa famille entière abrenvée de dealenr ^ 
dlittmitiatieB ; son ils» lliéiitier de ^ceptise des FnaBçaî% 
livré entre les maîas d'un artisan grossier» pins mépris 
sable par ses mcsars qo*il n'es| inepte par sa profession! 
Des millfOBS de Français égorgés ^ tentes bs Tilles dé 
royaume transformées èa antant de Tmstes prisons qui 
engloutissent chaque jonrdes vieillards» des femmes et 
des enfants» qunn air mal-sain et une noarritote enir 
poisonnée disputent au fer des bourreaux ; . les maris 
eide^éa à Ipeirf fsmmfs; laa enfaptç jurra^^ ^c'slu^** à& 
leurs parents 9 le» propriétés eavahies; toutes liçs loi^ 
protectrices déchirées et foulées aux pieds, lés autels 
détruits» les églises dépouillées et profanées» les mi- 
nistres de la religion massacrés; une Saini'Sar êkëhm i 
perpétpelte» qui s'ex^oQte froidemeat et sans eppositioa^ 
la Rranne devenue na immense çisie^^iijBt P^ eh«#W 
e^l^mpte atfKs effroi la plac^ q«u l'iMifd; ^n^ vmm 
stupeur resserrant tous les esprits, et comprimant toi|s 
les ccenr^ ; yoil^ le faible aperçu de Thorrible situation 
d un royaume qui était encore » il y a cinq ans » le plus 
puissant et le plus florissant de rEurope,..,. 

» Français» osez vouloir être libres» ejt tous le sevas. 
Nest-ee jpas aToe Totfe propre paissanoa qa'Hs Tona Mt 
Qf^\vtà9^ R^ffiiUiiM^é rai di^H» fMili m m^MHMi 



¥•« poaToirt/dloBt ib eut si iodlgnemeot abusé, rele- 
vez veejMilf^s, nippri«B yos pastears , serrez- tous au- 
toiiT dn Irôoey sor lequel voos aurez replacé le jeuncf 
prince que la providence étemelle a desliné à régner sur 
tous; qne tos églises , trop long*temps désertes , se rem- 
plissent; qne les yœux des fidèles réunis invoquent la 
pirotectiondueieLsar une si sainte entreprise; alors la 
irengeance divine , qui a dû punir rinsoociance avec la- 
quelle vous avez été spectateurs tranquilles des forfaits 
inonis dont une plus longue indifférence vous rendrait 
les complieesy s'étendra sur vos lâches ennemis; alors le 
Dieu qui veille sur cet empire secondera vos desseins, et 
TOUS verrez reluire encore sur vos familles désolées, les 
jours de votre antique gloire et de votre première pros- 
périté ....•..•• .» 

Cette pièce, qui est datée da 26 juillet 1794, 
Fan 11/ au règne de Louis X VU , fut appuyée 
de nombreuses mesures propres à diéterrainer 
rinsarrection; et nous remarquons parmi ceux 
qui la signèrent , le comte Joseph de Puisaye , le 
marquis de k Bourdonnaye, le chevalier de Chan* 
tereau y de Boulainvilliers , le chevalier de Silz , 
de Gaquerai , page du roi ; Guillemot , Lemercier, 
du Boisguy, de Boishardy, et une foule d'autres , 
comme Bellevue, Jarry, Berihelot, de Busnel, de 
Bedée, Guignard et Perschais, qui sHntilulaient 
4iffi€ier8 de . la YeiidéCi Ils ajoutèrent que des 

emprunta seraient fait^ nu compte 4e Tipi^irrec* 



XÀ KÉf^IilITlOll M BBBTAMK* 249 

tîoo^ et que des bo9Ui remboonableB seraient 
fournis par les chefs compétents pour les dépenses 
jugées nécessaires. 

Les événements du 9 thermidor prirent cepen- 
dant une importance incontestable, même dans 
nos départements. Et si les maux encore récents 
qu'avaient eu à supporter nos populations , n'é- 
taient que trop présents à l'esprit des malheureux 
que les terroristes avaient froissés de tant de ma- 
nières, les chefs du parti royaliste purent crain- 
dre que les paroles de paix et d'amnistie qui com- 
mençaient à se répandre, n'arrêtassent l'élan des 
masses et ne fissent rentrer chez eux des paysans 
que la colère et le mécontentement , plutôt que la 
politique , avaient poussés à s'insurger. C'est évi« 
demment , pour parer à ces circonstances et en 
vue de la Restauration , qu^on avait hautement 
promise, que les mêmes chefs s'adressèrent , le 20 
août 1794 (3 fructidor an U), aux populations des 
pays insultés par une deuxième proclamation, où 
nous remarquons les passages suivants : 

là Soldats français, 

Qui la provoquée cette guerre atroce et bar^ 

bare que nous nous faisons journellement ? Qui sommes* 
nous et pourquoi nous battons-nous? 

« D'up c6té| UQ^ république vicieuse , 4<>n( 1^ nom 



2S0 uns vomtaB. — chap. m. 

TÎde de sens ne sertqii'ii couvrir ans ^ y eux des homines 
grossiers la plus effrayante des anarchies , la desiraotion 
des principes sacrés de religion, d ordre» de police , 
de respect pour les individus et les propriétés, voilée 
effrontément sous les noms de liberté et d*égalité dont 
personne ne jouit. 

» Une assemblée imbécilie qui, naguères , votait des 
crimes avec acclaHiafien , et qui hurlait de joie dans 
rémiseioft des décrets oaonibales qai lui etaieet dictés 
par un scélérat devant lequel elle fléchissais le genou, 
et qu'un scélérat plus adroit vient de conduire à Té- 
chafaud pour faire lui-même bientôt place à un autre, 
rejetant aujourd'hui la faute dc^tous ses forfaits sur ce 
prétendu tyran dont il y a on mois nul do ses membres 
n'eût osé dévoiler les crimes. Ainsi, pour éviter le re- 
proclie de scélératesse, elle se prête à celui d^iaeplie, 
de lâcheté , et ce sont les hommes qui vous gou- 
vernent ! 

D Des soi-disant représentants , aussi ridicules qu'ils 
sont féroces , vieqnent s'eipparer de la conduite de vos 
armées. Leur impéritie^ leurs bévues font couler chaque 
jour des flots de votre sang ; que leur importe ? W ont- 
ils pas sous leurs ordres des généraux qui leur servent 
d'excuse, et la tète de ces malheureux a'est-elle pas res* 
poDsable de leurs sottises ? 

D Tantôt ils vous annoncent des victoires des armées 
éloignées. Mais vous save; ce que sont ces victoires : un 
poste emporté , une pièce de canon emmenée coûtent des 
milliers de Français; votre vie est pour eux lobjctd^un 
oaIouI oritbroétl^np i ç\ 0^9 y\U Xynm çbfiptPPt dei 



Lk BÉTOLUnOV B9 VBnA«in. 251 

h jmQefl de triomphe , lorsque tos familles sont dans les 
larmes , lorsque la France esl coQTerte d*un deuil uni- 
yersel. 

» De notre côté , la religion , llionneur | le 

respect des propriétés et de la liberté des individus , la 
paix f la tranquillité publique y le retour de ces jours 
heureux où le soldat français était ladmiration des au- 
tres peuples , la sauve-garde des citoyens et le défen* 
seur des lois. Voilà Tobjet de nos vœux» de nos efforts 

et de nos combats Soldats français , qui sont-ils ceux 

qui veulent faire de vous des brigands , des geôliers et 
des bourreaux ? Que veulent-ils ceux qui méprisent 
votre vie , qui égorgent inhumainement les prisonniers 
qu'ils font sur nous, pour nous provoquer à exercera 
votre égard la même barbarie ? De qui tiennent-ils ce 
pouvoir au nom duquel ils vous commandent ; cette 
force par laquelle ils vous contraignent et [Nréten- 
dent même vous punir des sentiments dhonneur qui 
provoquent encore quelquefois vos murmures ? De vous, 
et de vous seuls. 

» Âh! cessez, cessez donc de prêter votre ministère 
à lexécution de leurs ordres sanguinaires. Punissez-letf 
vous-mêmes de tant de forfaits qui retombent sur vous. 
Béunissez-vousànouspoar replacer sur le trône noire 
aoeuste et légitime souverain : couvrez- vous de toute la 
gloire qui éclata sur les armées de Henry IV, lorsqu'une 
faction criminelle voulut renverser le trôoe de ses pères. 
Qu'il est intéressant le spectacle d'nn jeune prince en^ 
touré de braves guerriers qui ont replacé sur son front le 
bandeau royal quo doi maias impies Avaiem ddobirél 
Sépirei Tolr« oiuia de celle dei monitrei qoi toui 



252 UTIB BUTlItMS. — CHAP. III. 

égarent Offres ce apeclaclc à Tanivers, et que la France, 
après cinq années de convulsions et de crimes, contemple 
en TOUS ses libérateurs. » 

Et , . ils déclarèrent : que fes assassinais 
exerces sur les fidèles sujets du roi né- 
cessitaient de justes représailles; qiiil ne 
sercdt plus fait de prisonniers ; que tous 
officiers civils ou militaires qui abandon- 
neraient le parti de la république pour 
servir la cause du roi^ conserveraient leur 
solde et leurs honneurs en même temps 
qu'ils recevraient^ à titre de gratification ^ 
une année ou un semestre de leur solde. 
Les mêmes offres étaient faites aax simples soldats , 
aux garnisons qui se rendraient; et la première 
campagne de Tarmée royale devant compter pour 
six années de service, ils en appelèrent ainsi à 
tous les intérêts sordides qu'ils espéraient trouver 
chez des transfuges. 

Signée des hommes qui avaient souscrit le 
manifeste du S6 juillet, la présente pièce offre 
cependant ceci de particulier, que Puisaye, qui 
n^est désigné dans la première que comme ma- 
réchal'de-camp ^ slntitule général en chef^ 
avec un major^général , baron de Cormatin. Les 

Autres ofi^ciers menlionpé^ ^^ Mat mm 4oniié 



£â miFOivTioir bh VÊVtkQVE. 253 

des titres plus oa moins éleTës* BoubînviUiers et 
de la Bourdoonaye s'intitolent marëchaox - de- 
camp ; de Silz , Jarry , Gaqaerai , Berthelot , les 
frères Boisgay , de Busnel , prennent les titres de 
colonel et de lîeutenant*colonel ; de Ghanterean 
signe aide-major-gënëral , ^c., etc. Un hymne 
guerrier termine ce manifeste , et nous y remar- 
quons parmi plusieurs strophes , celle qui om^re 
le chant : 

«r Quel deuil a couvert la patrie ! 

Quel tigre a déchiré son sein! 

Sur nous quelle aveugle fdrie 

Dirige le fer assassin ! 

Quoi j des monstres couverts de crimes 

S'abreuveraient de notre sang , 

On les verrait impunément 

Choisir parmi nous leurs victimes! 
Aux armes compagnons , le ciel combat pour nous ! 
Frappez 9 un Dieu vengeur, un Dieu conduit vos coups , 
Frappons, etc.. » 

Telle était l'organisation qui venait d'être ar* 
rètée ; et Vinsurreetion fut , dès ce moment , jugée 
assez avancée et assez forte pour que Puisaye prit 
des mesures pour passer en Angleterre, d'oà il 
promit de revenir s^oiis très-^p^n de temps, dans 
moins d'un mois. Maisî le hasard voulut que son 
projet et tous les fiâlMih dé l'organisation du 



2S4 LiFftB ■onilnn. *— chaf. in. 

eoDMii royal de Taniiée cadi^Kcpie et de ses c«n« 
tottnemeiitft fussent bientôt conims des répabli- 
cains. Le 1 1 fructidor ^ un indi? ido> porteur de la 
correq^ondance des chouans j fat en effet arrête à 
Dioani ayant sur Im des pièces et des lettres de la 
plus haute imporlauee qu'il avait cousues dans la 
doublure de ses habilst L'une de ces lettres était 
di^Bunistre anglais Dondas, que nous arons déjà 
TU en correspondance avec les chefs vendéens ^ 
lorsqu'ils étaient sous les mui^ de Grandville ; 
elle exprimait le refpret que la retraite des Ven- 
déens des bords de la Manche eût rendu inutile la 
campagne de lord llloyra , qui attendait à Guer- 
nesey Toccasion de jeter sur les câtes de France 
les secours qu'il avait réunis. Une autre ^ du mar- 
quis Dudresnay , écrite de Jersey en date du 20 
mai 9 confirmait les mêmes fsâts et les bonnes dis- 
positioBs de lord Moyra, en invitant ses amis de 
la Bretagne à établir des relations suivies avec les 
lies anghiièsk D'antres renseigliMQittDis lippre- 
naient ^oa le conseU royal avait fi«ésMf éjuartier- 
génâml dans las ettrûpons de Bédierét , qu'il èspé- 
tuift da ce peint correspondre faeilettiènt avec 
rAÉgletenre et agir an ipesMa Mt tiâ d^âf cén- 
nidi^raMii da prlsimaîèns anglais qui se trouvait 
îÉstantunéuBeat £xé à ]KnaA% Dé FoUaytf aii«on« 



Lk wkiFùLxmon iv BAirâ^HS. 255 

fait pBrtîcolîtewBMit dans sea lettres ^u'il m^ tar* 
derait pas à ^ay^yer des poudras et de Tari^est 
pour le Alorbihan; mais il reGommandait en même 
temps que Fou s'efforçât d'établir des rela- 
tions avec Charrette et la Vendée , avec la Nor- 
mandie et le Maine , et particnbèremeni avec les 
iiisavgés des environs de Gkâteaobriaioit , cfu'il pa- 
raissait iie pas connaître, non plus que ceux de 
la Normandie qu'il représentait sans chefs et sans 
dii^ection. 

On conçoit que la surprise d'une pareille cor- 
re^pondasee dut jeter bien du trouble dans las 
projets anrétéB , et eostrarier fortem^ont on dé-» 
eôncerter des hommes qui , oMigâs de s'entendre 
à la fois avec rémigration , la Vendée et les can- 
tons insurgés de la Bretagne, perdirent ainsi les 
nombreux fils de l'intrigue que Puisaye venait dé 
nouer. •-» Vautres surprises, d'autres in£scré- 
tiods et deà lâchetés eurent bieutdf rotnpti le fieH 
qtii unissait les confédérés , et jeté siir tout lé 
parti une hésitation et des eitibarfats qui ne lui 
pertiiitiettt jamais de cOfHbiner toutes ses forces 
et de taUier âts intérêts et des v^ontës A dis^ 
parafes , si imposés , souvent éî liDStfléé. 

Bne fois , c'est un notumé C. Bréchard qu'une 
injustice faite à Tun de ses Htnis poMe à dénoncer 



256 UTBS HQlTlÈia. — - GKÀP. lU. 

an GMBiitë révolutionnaire de Hoërmel tontes les 
menées dn parti auqoel il a aj^artenu. 

«r Déserter un parli et devenir le propre dénoncia- 
tear de ses compagnons dlnfortune répugnerait h ma 
délicatesse, dit Bréchard, dans la déclaration écrite 
que nous avons soas les yeux ; mais la perfidie de Léo-- 
pold Caquerai et de ses complices , à l'égard de Jacques 
Leqoier, ne me permet plus de taire à ma patrie les 
faits que je vais révéler. 

Puisaye , qui a passé , il y a peu de temps , 

en Angleterre^ où il est encore, a plusieurs fois donné 
de ses nouvelles. Il annonce que tout est remis an prin- 
ieoips, qu'à cette époque vingi mille Ângtms seconde- 
ront ses (NrojetSy que le ci-devuit comte d'Anois est 
nonuné lieutenant-général des armées de Georges , que 
des lettres de noblesse > la croix de Saint-Louis et le 
brevet de lieutenant-colonel seront la première récom- 
pense de ses principaux collaborateurs.... n 

Et , continuant ses révélations , il apprend aux 
républicains que : Puisaye a déjà fait passer à ses 
complices pour dix millions de faux assignats ^ 
des armes , de la poudre fine , des brevets et des 
croix de Saint-Louis ; que . le conseil supérieur 
se compose du baron de Gormatin*, du chevalier 
de Ghantereau portant le nom de Serviteur et 
de Tinteniac ; que ces chefs sont chargés de l'in- 
surrection des cantons de Saint-]|[alo> Dol et 



Lk lÉTOLVnOV MM MMMikûMM» 257 

Knan ; qoe Bellevue et autres sont charges des ^ 
environs de Reimes ; qoe Jarry^ j ancien cavaKer 
de la Vendée , est chargé da canton de Bedon , 
conjointement avec Goignard , connn sons le nom 
iS Adrien; que. Léopold de Caquerai, ancien 
page du roi et cavalier de la division de Bon- 
champ , est chargé des environs de Bochefort; 
qne les divers agents de ces chefs sont pour Bel- 
levne , André , fils d'on meunier de Mordel ; ponr 
Jarry, nn ancien procoreor de la commune de 
Mauve^nommé ffm^-jETaiTim^; et, pour Caquerai^ 
le nommé Cadio , ancien mattre d'école à Buffiac ; 
enfin , que la correspondance établie entre ces 
chefs s'est long-temps faite à Taide de passe^ 
ports frauduleusement obtenus , et au moyen d'un 
bâton creusé dans lequel les dépêches se renfer-^ 
maioit ; mais qne cette correspondance est inter^ 
rompue. — Suivant les mêmes décorations , Bon- 
lainvilliers , qui avait pris le titre de généralissime 
dans le Morbihan , avait sous ses ordres Berthe-7 
lot 9 ancien cavalier du prince de Talmont^ Du 
Resto 9 émigré rentré ; et si de la Bourdonnaye , 
surnommé Coco , avait été un instant pourvu d'un 
commandement supérieur dans le même dépar-> 
tement 9 son fanatisme , suivant Bréchard , l'avait 
réduit à l'inaction et devait le reléguer an conseil 

17. — 4.' VOL. 



258 UYBB KinTiki». <^ cvav. m. 

sapërie«r. - Ce même tran^foee terminât ses 
réTëbtioos par les lignes suivantes : 

« Quelque lenpt avant son départ , Paisaye donna des 
ordres pour que tontes ces divisions , grossies des 
chouans de Fougères et de Vitré , qui devaient 6<H^ir , 
se levassent à-la-fois pour se porter dans le Morbihan 
qui devait s'insurger à leur approche. 

» La' partie de Dinan , Dol et Saint-Malo, devait four- 
nir douze mUh hommes. H ne s*en leva que deux 
çemU qni firent dispersés dans la forêt de Li£fré. Une 
partie des chouans qui se rendaient, croyant trouver un 
grand renfort, retourna sur ses pas* Les divisions de 
Bellevue, Guignard, Jarry et Caqueray, qui, toutes 
ensemble , ne formaient pas 300 hommes, se levèrent se- 
crètement et se dispersèrent de même , ne voyant point 
rarméè qu'on leur avait promise. 

» Le Morjiikan, qui s'attendait aussi à cette armée ima- 
gimiire d<»t impoUtiquement on lui avait grossi les 
forces ^ les ressources , resta tranquille , si on en e%r 
cepte les paroisses de Plumelec , Saint-Jean et autres 
voisines dont quelques habitants se réunirent ^ous les 
ordres d'un nommé Guillemot et qui ne se sont pas 
encore dispersés (f ). 



(1) De Paisaye , dans ses mémoires , en arouant la défaite de 
Uffié , qne nous iignale Bréchard, n*en présente pas moins cette 
oUéfatm cobuqo nna eampsgne <m grand monTement stratégi- 
qae qui atait laissé nn instant la place de Reines à sa diypsilion, 
— Trop d'ardeur et l'indiscrétion de quelques soldats loi firent seuls 
colle pailiA de son expédition , à ce qu'il dît. — Quant & 



lA lÉVOIUTIOV SH BIBTAGIIB. 259 

» On m'a parlé (Tan plaô antëriear d'après lequel on 
devait se porter sur Dinan dans un mokneat où l' Anglais 
aurait fait une fausse attaque sur Saiut-Malo et effectué 
une descente à Saint-Cast, Cet objet ne présente pas 
d'intérêt. 

» Tel était l'état des choses au mois d'août dernier , 
époque à laquelle tous les chefs se réunirent auprès de 
Puisaye, et le députèrent en Angleterre. Avant ou de- 
puis cette époque , partie de la basse Normandie a of- 
fert d'entrer dans la coalition. On a touIu y envoyer un 
chef y je ne crois pas qu'on ait effectué ce dessein. On a 
cherché à avoir des relations avec Scépeaux , beau-frère 
de M. de Bonchamp ; qui s'est mis à la tête de quelques 
insurgés du côté de Derval, dans le district de Bain. 
Tignore si on y a réussi. Cependant les chefs poursuivis 
ont quitté leurs retraites ordinaires et n'agissent plus 
que par des émissaires. Ils répandent les assignats avec 
profusion. Non-seulement ils soldent les enrôlés , mais 
même leurs parents, s'ils sont dans le besoin. Ils con- 
vertissent leurs assignats en numéraire , en bijoux , et 
n'ont plus d'autre dessein que de passer à Jersey jW- 
qu'au'prinùmps prw^ham. An dernier quartier de la 
lune ils tenteront ce voyage.; (Je n'ai , de ce dernier fait , 
qu'une conviction et non une certitude.) 



mÊ^ 



riosorreetiea en masse Aa M orixOian , dont il se regardait assuré , 
Bréehatd , laîeax qa'afeean aatre , nous apprend à qoêUe causé son 
mécompte -sur ce point dut être attribué. Il perdit an reste , à Lîffré, 
la plupart de ses offiders , et ce ne fat qu*en abandonnant son che- 
val et e* se f^tomt le long des haies qa*il purvlnt à se sauver lld- 
mêrne. 



260 UYBB Bointai. — • aur, in. 

Et 9 traçant le portrait da chef de h coiia|Mra- 
tien , il ajoutait : 

ff Poisaye est un ambitieux rëunissant quelques 
moyens politiques à beaucoup de moyens littéraires. C'est 
le chef et Tâme du parti. Venant à manquer, aucun 
autre n*est dans le cas de le remplacer. Subtil en dé- 
tours , il peut tout contrefaire , ordres , signatures et 
cachets. Au moment oh il est parti, il était couyert de 
gale. On peut trouver au bord de la mer les voies de la 
communication avec TÀngleterrej en découvrant ceux 
qui récèlent le cheval qui Ta porté jusque-là. Ce cheval, 
qui appartenait autrefois i un adjudant-général , a été 
acheté à Bennes et a coàté 3,000 Uv. Les habitants du 
canton n'en ont point ordinairement de ce genre. Le 
bateau de passage n'aborde que la nuit, quand il n'y a 
point de lune et qu'il découvre un petit fanal dans le 
creux d'un rocher désigné pour cela. Ce signal assure 
que les troupes républicaines sont éloignées ou ga- 
gnées » 

Voilà ce que dit Brëchard. Et qui ëlait-il ce 
Bréchard ? — Le commissaire général de Pniaaye j 
Tayant siUTi pendant hait mois sans le quitter, et 
signalé dans les mémoires de ce chef des rebellés , 
eonune on homme de la plus hante capacité , dont 
il disait encore du bien en 1803 j parce qn'il n'a- 
vait jamais connu ou soupçonné le mémoire et 
les révélations que nous pubtions. — Hais écou- 
tons Tun de ceux que Bréchard vient de signaler 



Lk miTOumùa ws BmBTA«n. 261 

loî-mÀone comme étant an nombre des chefs de 
rinsurrection. Des avis secrets^ transmis aux re- 
présentants Bonrsaolt et BoUet par le président du 
tribunal de Vannes, ont décidé une expédition 
dans les environs de Josselin, que le général Ga- 
nuela dirigée aTecla |das grande sajpicité. Du Reste, 
trois prêtres réfractaires et une vingtaine de re- 
belles ont été le résultat de cette fouille. Amenés 
devant le représentant Bme , qui se trouve atta- 
ché aux mouvements- de Tannée , on parle à Du 
Resto d^amnistie et de gi^ce, s'il veut faire des ré- 
vélations , et Du Resto , ainsi que nous le relevons 
sur son propre interrogatoire , apprend' que Duf- 
fay, Bejarry et Guillemot se sont entendus pour 
soulever les campagnes des environs de Bighan et 
de Saint-Jean«Brevelay; qu^il a été lui-même em- 
ployé comme intermédiaire entre BoQiJainvilliers 
et Puisaye, qui s'étaient donné rendez -voiis au 
bois d'AUerac, près Redon, pour s'entendre sur 
rinsurrection du Morbihan et un versement d'ar- 
mes qui devait se faire sur ses côtes, ou sar celles 
de Saint-Brieuc; que Boulainvilliers , assisté de 
Botidoux et de Guillemot , a distribué aux hom- 
mes réunis à Saint-Jean-Brevelay une somme de 
50,000 livres, répartie entre les chefs de canton-» 
peqiei|(, p^rinv l«sq«çls éla^eiït BeUçviiç e| Bçr- 



162 LITU HQinfcHB. CHAIP. III. 

thelot 9 caksier du Morbihan ; que le cantdmiè- 
ment de Bignan se divise en (Jasiems compagnies , 
dont Tone sous les ordres de Lambily se tient sur 
la route de Baud à Pontivy, la seconde sous les 
<H!dres de Jean-Jean sur la route de Loe-Miné à 
Pontivy, la troisième sous les ordres de Jean 
Mons, sur k route de Loc-Minë à Josselin ;, qu'il 
a d'ailleurs été arrêté que les insurgés de ces can- 
tons 9 au nombre de. 8#0 environ ^ se tiendraient 
éparpillés, et par petites troupes , jusqu'au prin- 
temps , époque où devait s'effectuer le grand 
cotip ; enfin , <{ue la correspondance avec Char- 
rette ^ l'Angleterre se porte à Pipériac , au Fon- 
teau de Sioulaine , et à un cabaret qui est sur le 
bord du chemin; que le nommé Petit - Jacques 
vient la prendre pour la porter dans la forêt du 
Pertre , enjpassant tantôt an-dessus de Beslé , tan- 
tôt à Massérac et près le Pont-Béan. 
' Sur d'autres points, dans les Gôte&-du-]Nord^ on 
recevait également de nouveites révélations. Un 
nommé Gilles Grandel, de Plédiac, tombe-t-il 
aux mains des Bépubiicains, il apprend au Comité 
révolutionnaire de Lamballe, que Boishardy et 
six autres chefs de l'armée catholique sont ren- 
trés de la Vendée dans les premiers jours d'oc- 
tobre ; qu'un Anglais, nommé Pipi, les ac- 



ik wkrotvnov sh bestàgvs. 263 

compagne; qae ces chefii fréquentent particolière- 
ment les ewnmnnes de Bf esUn , Brëhan, Hennoii , 
Andel, Qaessoy, Piëdran, etc., quHIs recmtent 
sTec une grande activité ; qa'nn nommé Noël, ex- 
noble , de la commuiie de Heslin , est capitaine 
de dem: ^compagnies qu'il oi^anise; que les inten- 
tions àe Bois-Hardy, avec lequel il a eu ^usieurs 
conCérenees, sont de tomber en masse sur les villes, 
et que le paysan est décidé à prendre part à Fac- 
tion ;qae les patriotes et les corps constitués doi- 
vent ^tre impitoyablement sacrifiés, et que les 
chefs qu'il désigne ont dressé une fiste des repu- 
blicains voués à la mort ; enfin que des corps de 
cavalerie se forment dans les ibrêts de Baignon , 
de fat Hunandaye , et de Srint-Méen ; que le plan 
arrêté avec Charrette est que les Vendéens in- 
tercepteront les routes de Pbris k Bennes, vers 
Laval, et de Nantes à Bennes, tandis que les C6- 
tes-dn-Nord , le Finistère et le Morbihan s'insur- 
geront ; qu'il a aussi ouï-dire aux chefs des rebel- 
les que le citoyen B^arbedienne , agent-national de 
Port-Brieuo, prévient les rebelles des mouvements 
secrets qui sont dirigés contre eux. 
. Puisa y e , comme nous l'apprennent ces révéla- 
tions j avait donc gagné l'Angleterre , et l'un de ses 
premiers s<Hns fut d'y organiser une fabrication en 



264 I.1TAB HoinkvB. «-* ckaf.^ nu 

graod de faux assignats , devant former im papier- 
monnaie. Suivant les prévisions du parti 9 la re* 
bellion devait en retirer les plus grandes ressoinr- 
ces. L'autorisation Ae Monsieur , conmie régent 9 
^t du comte d'Artois ^ comme lieutenant-général du 
royaume | fut prise à cet effet , et c'est en leur 
nom que le Gonsrâl royaliste dé l'insurrection ar- 
rêta : que les assignats émb par la manufacture à. 
la tète de laquelle furent placés Min. de Saint-- 
Morys, et l'abbé de Galonné, seraient en tout 
semblables à ceux émis par la Convention , sauf 
un caractère secret de reconnaissance, qui per- 
mettrait aux fidèles sujets du Roi d'en provoquer 
le remboursement à burectu ouvert, àussitÀt 
que les circonstances le permettraient. -^ Et> met- 
tant h l'œuvre une foule de prêtres réfugiés , Pni- 
saye et le Comité insurrecteur en versèrent bten- 
têt des quantités immepses sur le territoire de la 
Bretagne , et réduisirent ainsi à néant le taux des 
assignats émis par la République (1). 



ii) Outre lautorisalion des prince? , Pu isave s'était 
assuré, pour cette fabrication , de Tassentiment de TéTé- 
qne de Dol, nouvellement proclamé vicaire apostolique 
du Saint'Siëge; mais ici, comme dans la plupart des en* 
Jfoprises 4^ p^Ut î) 7 eut 4|s^deqçe. I^ evS^ne 4ê Dolj 



LÀ BtfT0I.1JTIOjr BH BUTiGlTB. 265 

Reteou pendant quelque temps à Londres, il ne 
cessa de correspondre avec ses amis , et tous les 
hommes anxcpiels il communiquait son infatiga- 
ble activité et son aveugle confiance. Une fois, 
s*adressant au chevalier de la Vieuville , il lui di- 
sait: 

« Occapez-vous sans relâche de la nouvelle organisa- 
tion dont voas allez recevoir les règlements et qui est 
déjà exécutée ici. Nous allons nommer pour cela deux 
commissaires du conseil-général y du nombre desquels 
vous serez. Formez votre conseil d'arrondissement d Sa- 
bord, c*est la cheville ouvrière Le moment d agir 

approche y préparez donc tout pour celte organisation. 
Que les règlements soient publics et ponctuellement 
exécutés ^ Monsieur le désire et sait que c'est tous qui en 
êtes chargé; adieu, je vous embrasse. a> 

— Une antre fois ^ en novembre ( frimaire an 



entraîné par les subtilités de Puisaye, avait reconnu pour 
légale une fabrication de faux assignats, devant monter 
à irois milliards* — L'évéque do Saint-Pol , M. de la 
Marche, qni avait eu, dès le principe, la distribution des 
secours accordés aux ecclésiastiques émigrés, s en 
alarma au contraire, et,* regardant la fabrication et Ten- 
treprise dans laquelle on avait engagé les prêtres, ses 
Goopératenrs , comme immorale et subversive de toutes 
les lois sociales, il leqir prescrivit positivement 4e sVn 

absteqirt 



266 UTKB HUlTlkVE. — CHAP. Ilf. 

III), ^'adressant ao Gomîtë central , il loi disait : 

a Je voudrais Vons écrire un Tolume , mais le soin de 
nos affaires absorbe tous mes moments; voos aurez 
donc bien peu de chose de moi aujourdliui. En récom- 
pense, les envois qui Tont se succéder rapidement vous 
dédommageront amplement 

D Je TOUS envoie des prêtres, des jeunes gens, des 
hommes de compagnie franche, placez-les dans les 
cantons où ils seront le plus utiles ; formez de nouveaux 
comités. Vous recevrez des Normands; étendez^ vous de 
ce côté. Je vous en enverrai un qui vous sera très-utile 
au-delà de Fougères. Donnez ordre à tout, et surtout 
faites-vous obéir. G est au nom du Boi, par lautorisa- 
tion de vos Princes et sous legide d*un gouvernement 
protecteur que vous ordonnez. Que Tamitié qui nous a 
unis dans le malheur, n éprouve jamais la moindre al- 
tération. Soyons unis à la vie et à la mort; mais pour le 
bien de la cause, il faut que la même subordination, 
cette subordination de confiance et de sentiment, ait lieu 
de grade en grade entre vous. Celui qui obéit est tran- 
quille , celui qui commande est responsable. 

» Tout se dispose de mieux en mieux , vous me verrez 
bientôt ; mais que la longueur de mon séjour ici ne vous 
cause aucune peine. Vous ne concevez pas tout le tra- 
vail que j ai eu a faire. Dieu ma béni encore une fois, 
et sa providence, qui a .toujours veillé sur moi, semble 
m*avoir conduit pas à pas à travers les difficultés , les 
intrigues, etc. , etc. Je ne vois, ni n ai vu aucune des per- 
sonnes dont Obéissant (Cormatin) me parle , et j ai bien 
fait: il changera de façon de penser sur le compte de 



IL nÈVOLVriOtf bit BaBTAGBB. 267 

bien des gen^. Xai eo à combattre les menées el la ja- 
lousie sourde de tous ceux qu'il croyait pouvoir nous 
être utiles. Gela le surprendra» cela est vrai. 

» Songez que ce n'est que de Tensemble qu'on peut 
espérer le succès, et ne souffres pas qu'il se fasse au- 
cune tentative isolée. Répandez les imprimés ( les procla- 
mations su3-mentiontiées), afin que vos pouvoirs soient 
connus ainsi que la révocation de M. Du Dresnaj^bonmie- 
intrigant et vil, qui nous ferait bien du mal» s'il le pou- 
vait; mais qui| heureusement, n'en a fait qu'à lui-même» 
et s'est perdu bien gratuitenoient sans ressource (i). Vous 
apprendrez» quand vous me verrez » que j'ai réussi à faire 
de grandes choses qu'on avait jusqu'ici tentées vaine- 
ment. Enfin» soyez contents» très-contents^ je serai à 
vous dans quinze jours sans faute ; contenez l'impa- 
tience. Portez la solde à quarante sous; avant peu» vous 
aurez un million par jour» et deux quelque temps après. 

» J'envoie une traite à M. de Bouillon pour vous faire 
acheter cinq mille louis d'or à Jersey et Guernesey. Ils 
sont très-rares ici» on m en a promis cependant deux 
mille. A tout hasard» je porterai avec moi des guinées» 
mais il y aura beaucoup à perdre..... Ife minimis non eu* 



(1) De Puisaye , en présentant dans ses Méoioires, du Dresiiay 
comme »y9Laip/us de bonne volonté que de moyens^ plus dam- 
bition que de talents , ooas dit cependant quil Tavait un instant 
reconnu et fait reconnaître par les insnrgés comme commandant en 
chef de la Bretagne , et successeur de la fioaërie. Mais son constant 
éloignemeut d'une armée tous les jours exposée aux coups de 
fusils paraissait ridicule , ajoute Puisa je 



268 hlTMB HUlTlÈn. CHIP. III. 

rai prœior. Il tous faat de l'or, et tous en aurez n'im- 
porte comment. 

» J'ai pensé qae la croix de Saint-Lonis était dae à 
tous cens qni ont combattu avec l'armée de la Vendée. 
Si M. de la Bourdonoaye l'a déjà, yons supprimerez son 
brevet; et 9 s'il ne l'a pas , il faut qu'un maréchal de camp 
l'ait. Je l'ai donnée à Tinteniac qui brûle de yoos re- 
joindre, et qni est bien utile à Jersey. Pensez qu'il n'y a 
plus un instant à perdre pour tout disposer. J'ai agi sur 
les données que vous m'ayez envoyées, tenez-nous pa- 
role.-^Boishardy est colonel et cheyalier de Saint-Louis ; 
il ne tiendra qu'à lui de faire un chemin rapide. 

» Bayivez yotre correspondance dans l'intérieur; fai- 
tes la toile d'araignée, afin de mouvoir tous les fils au 
même instant. Que le Morbihan et les parties les plus 
éloignées aient constamment, dès à présent, des officiers 
auprès de vous, et d'antres qui ne fassent qu'aller et venir. 
Envoyez beaucoup d'argent, et gardez-en peu pour vous, 
qui allez en recevoir journellement. 

a Les prêtres qui partent, ont chacun 10,000 

livres dans leur poche. Vous aurez bientôt des habits en 
quantité, trente mille paires de souliers, etc., etc. On a 
fait un marché pour cinquante mille fusils. M. de Bouil- 
lon en recevra par cet envoi trois mille avec deux cents 
espiogoles, sabres, pistolets, enfin tout, et de la poudre, 

et des cartouches en abondance C'est à vous d'assurer 

l'introduclion et la prompte distribution de cet envoi. 

» Envoyez vers Charrette, mille fois s'il le faut. » 

ypi}à ce (|ue |e parti espérait , ce ciu'i| allait 



LA liroLimojr iir bibtaar. 289 

tenter : et j pour aieorer le Mccès , aocane res- 
source n'aTait ëlë négUgëe. Le prioce de BooUlon 
était lai-méine à Jersey à la tête des ëmigrës , et le 
comte d'Artois, lieutenaot^gënëral du royaume, 
parlait du dësir qu'il avait d'aller prendre le com- 
mandement des insurges. 

ff Mon ccear sait apprécier les senliments qui tous 
anÎBAenty écrivait-il d*Amlieini aa comte de Poisaye, le 
6 novembre (bromaire, an III ), et je me réserve de 
TOUS bien prouver tout ce que vous m^inspirezi le jour 
heureux où je combattrai avec vous et vos intrépides 
compagnons 

» Ma lettre du 15 octobre, vous autorise suffisamment 
ainsi que le conseil militaire de Tarmée royale de Breta- 
gne , à breveter provisoirement les officiers, suivant que 
leur conduite ou le bien du service du Roi lexige 

s Au surplus , Monsieur, en vous renouvelant ici tou- 
tes les marques de ma confiance, j*7 ajoute la feime as- 
surance que tous les pouvoirs qui ont été donnés au feu 
marquis de la Rouerie ou à d*autres personnes, sont et 
demeurent sans effet. » 

Il lui disait 9 dans une autre lettre datée du 
même mois : 

m Gomme dans la noble carrière que vous ailes par- 
courir^ Monsieur^ il pourra vous être important, avant que 
je vous aie rejoint, de traiter de plusieurs objets relatifs 
à la reddition do plusieurs places importantes , ou à la 
transmigration de différents corps de troupes sous les 



270 LiTU suiTiÈm. -— oiAF. in. 

drapeaux daroi, je dois to«s. conier que Imtention du 
r%eDt (H oDsiear) , qui in a donné à cet égard les pou- 
voirs les plas étendus , est de traiter très-faTorablemenf 
tous ceux qui , par des services importants , répareront 
leurs erreurs , et qui, ramenant au roi le plus de sujets 
égarés , abrégeront par là le terme des maux dont la 
France est accablée. 

j» Je vous déclare donc que je ratifierai «Tec plaisir 
les engagements particaliers et personnels qne tous 
croirez dcToir prendre d . 

Dans une autre lettre, datée du mois de dé- 
cembre , le comte d^Artois, renouvelant les mêmes 
protestations y ajoutait: Le seul ordre que je 
donne à M. de Puisage est de tout faire , de 
tout entreprendre pour hâter le moment 
glorieuœ qui assurera nos succès. 

Tek étaient les projets formés, et il ne res- 
tait plus que leur exécution à consommer. — 
Des princes de la famille royale promettaient de 
se mettre à la tête du mouvement; la corres* 
pondance entre les insurgés et rAngleterre était 
convenablement établie ; une fabrique de faux as- 
signats et de Tor en assez grande quantité assu- 
raieut les approvisionnements en armes et en mu- 
nitions ; un comité central avait été formé , les 
prêtres surtout secondaient puissamment la levée 
des habitants. On avait à Jejrsey xm corps consi;^ 



LA UftVOLUTIOV BIT -1BBTA65S. 271 

dérable d'émigrës , et rexpédîtion de lord Moy ra 
se teoait toujours en mesure d'inquiéter la Rë« 
publique par un débarquement qui secondât la 
contre -révolution. Sans doute ces faits étaient 
prépondérants, et leur accomplissement devait pe- 
ser fortement sur l'avenir; mais ne savons-nou# 
pas déjà , par la correspondance des insurgés et 
les révélations de leurs partisans, que Faccord 
convenable pour une pareille entreprise est loin 
de régner entre les chefs qui la dirigent. Que 
Du Dresnay qui avait organisé le corps des émi- 
grés, s'est vu arracher brutalement le comman- 
dement qui lui était acquis; ne savons-nous pas 
que les rapports si péniblement établis d'un can- 
ton à Fautre sont incessamment rompus on di- 
vulgués ; ne savons*noos pas enfin qu'il y a des 
traîtres qui vendent le secret de leurs frères. Et 
cependant ce n'était pas là le plus grand obstacle 
aux efforts qui allaient s'accomplir. — Que de 
l'autre edté de la Manche^ sous l'influence des 
idées de TémignAion , dans la retraite d'Amheim 
et dans le cabinet de Pitt , il y eut confiance et 
subordination, je coboiprends très^bien comment 
il se fit cpie , snr le papier et dans la pensée de 
Kûsaye^ tout se lûérarchisa pour prendre la 
forâpe d^ime oiymisation constatant l'existence 



272 UTiB KniTikm. — chaf. m. 

à^uoe armée 9 ayant son conseil, ses approvi-- 
sionnements 9 son général en ckef, son major, 
ses commandants de dlvinons et de cantons ^ ses 
combattants et sa réserve; je comprends tont 
cela. Hab ce qui s^était ainn e£Fectné sur le pa- 
pier et dans la pensée des princes et de Témi- 
gration , non sans de grandes difficultés , étaif-il 
bien la réalité ? Pour acquérir la preuve du con- 
traire, il suffit de jeter un coup d'oeil sur les 
cantons insurgés. De toutes parts il y a des bandes 
et des rebelles qui font tète aux colonnes répa- 
blicaines ; mais leurs chefs comme les hommes qjoà 
les composent) n'ont pris conseil que de leurs 
sonffirances et de leur mécontentement : ce sont 
des hommes obscurs qui tiennent la campagne , 
parce qu'ils n'ont pu rester dans leurs maisons ; 
qui pillent, tuent et volent, parce qn on les a pillés 
et opprimés , quand les réqui^tions et la terreur 
frappèrent le sol pour en faire sortir les légions 
qui devaient se porter sur Grandvtlle. Nul moyen 
d'en douter , car après avoir lancé des proclama- 
tions^ constitué un comité de direction, inondé 
le pays de brevets et de croix de S^aint -Louis , lé 
comité royal qui siège près de Rennes , ne sait pas 
ce qui se passe à Gbâteaubriant , ce qui se fait 
dans le district de Segré où commande Turfttn, 



LA BiyOLVTIOK BN BBBTÀGirS. 273 

ignore également ce qui peut avoir lien dans la 
Basse-Normandie dont il ne connaît même pas les 
chefs ; dans le Maine , où M. de Frotté agît sépa- 
rément ; dans le Morbihan , où les chefs qu'il a 
désignés sont méconnus , insultés , fusillés même, 
comme nous le verrons plus tard. 

J'en demande pardon aux hommes du parti* 
que j'essaie de peindre, mais force m'est, ponr 
l'intelligence des faits , de dire que s'il y eut des 
rôles de pris et de donnés , ces rôles ne consti- 
tuent qu'une faible partie de l'histoire. Après avoir 
reproduit les plans de Puisaye et de l'émigration , 
il faut bientôt reconnaître que ces pouvoirs et 
ces ordres ne furent pas les seuls éléments de lin-» 
surrection, et que, dans beaucoup de circons- 
tances , au lieu d'accepter des nominations éma- 
nées des princes et du régent , les insurgés , ne 
prenant conseil que d'eux-mêmes, se réunirent 
spontanément pour se donner des chefs et régler 
les conditions de leur présence sous les armes. 

Ce sont d'ailleurs , encore des pièces saisies sur 
les rebelles qui nous l'apprennent , et voici ce qoé 
nous trouvons dans les papiers, abandonnés sur 
une table de la ferme du Champ-Mahé , en Saint- 
Gorgon , par une bande de chouans surprise par 
les républicains , alors que les plans de Puisaye et 
de l'émigration se colportaient. 1 8. — 4.' VOL. 



274 LITU HVinlSMB. -*« CMAP. III. 

ff Les royaumes formaDt la force actuelle du canton 
de Bochefort, assemblés spontanémenl au lieu et boui^g^ 
de Saint- Jacut, canton de Rochefort, après a^oir mûre- 
ment délibéré sur Tétat actuel et douloureux de leur 
existence , ont résolu unanimement de se former en 
compagnie pour se procurer des chefs indispensablement 
nécessaires dans la situation critique du canton , et ont 
unanimement élu , et par aoclamation y tu son mérite 
distiqgué , Messire Louis de Sol de Grisolle pour chef 
du canton , lequel , après son acceptation , ayant repré- 
senté aux royalistes que Tétendue du canton ne permet- 
tait pas à un seul indtiridu de le diriger dans ses détails » 
ont unanimement proposé la formation d'un conseil com- 
posé de six membres (non compris le chef du canton), 
et ont procédé de suite à l'élection des membres dndit 
conseil. 

j» Ont été élus: 

» MM. Panbeleux, prêtre, président; Perio; Guiho; 
Jean ; P. Car; et le Nué. 

» Ensuite ont été proposés et acceptés les articles ci- 
après , qui fixent leurs opérations. 

» Les fonctions du président du conseil seront de re- 
cevoir particulièrement les paquets qui seraient adres* 
ses au conseil I d'en faire part au conseil assemblé qui 
en délibérera, d'opiner le premier, de recueillir les Toix 
et de départir à chacun des membres les fonctions par- 
ticulières dont'il sera chargé. Le conseil sera seul chargé 
de tout ce qui regarde les finances et ladministration 
des Tivres. 

n II sera également chaif;é de ce qui concerne les 



XÂ Riyoi.uTioir bn bistàssi. 275 

Tétemeots des troupes. Les membres ne pourront rien 
déllyrer que sur une demande du capitaine de chaque 
compagnie y Tisëe par le chef du canton , ou, en son ab- 
sence, par celui qu'il aurait nommé pour le suppléer. 

» Il demeurera également chargé de lapprovision- 
Dément militaire du canton, et ne pourra, sous aucun 
prétexte, en déliyrer que sur le visa du chef du canton. 

» Sa demeure sera toujours le quartier-général. Lors- 
que le chef du canton en sera absent, il y laissera tou- 
jours le nom du lieu oh. Ion pourra le trouver, et ledit 
conseil lui fera tenir do suite et très-scrupuleusement les 
paquets çt avis qui lui seraient adressés. 

» Il sera également chargé de faire parvenir , dans 
toutes les parties du canton, les orckes que le chef 
aurait à y donner. 

» Gomme la partie de la finance, le soin de se pro- 
curer des fonds et de les conserver scrupuleusement est 
sa principale charge , il pourra faire vendre et se défaire, 
ao profit de la caisse , de tous les grains et efiets con- 
fisqués à la r^ubHque qui ne seraient pas jugés néces- 
saires à rapprovisiomiement du canton. Il pourra égale- 
ment faire au nom du loi des emprunts volontaires tu 
profit de la caisse , et même employer 1^ f<»rce , si le 
cas le requérait, pour obliger les patriotes riches qui 
n'auraient pas soufiert de la révolution y ou même qui y 
ont gagné, à y souscrire. 

» Les fonds de ladite caisse seront connus de tout le 
Comité et du chef de canton ; et, sous aucun prétexte , 
aucun membre de ce conseil n*y pourra porter la main. 

» Aucuns fond^ ne pourront étjiis tirés de la cjûsse 



276 iiTBB nin^KE. — châp. m. 

que sur arrête du conseil , ou sur la demande du chef de 
canton, lequel sera conservé et inscrit au registre comme 
décharge. 

» Le conseil sera encore chargé de prendre des infor* 
mations sur les délits commis^ dans le canton , et d*y 
appliquer la décision sur la peine y lesquels jugements et 
informations seront soumis à la décision du capitaine et 
officiers de Tarmée , si c'est une peine capitale. 

>i Les délits purement militaires, ne seront nullement 
de sa compétence. 

i Fait et arrêté en rassemblée générale du canton, 
le 19 avril 1795, lan III du règne de Louis XYIL 

» Et ont signé , au nombre de 50 à 60 , le chef du 
canton, les m^nbres élus du conseil et tous les chefs et 
bas officiers formant la force du canton. » 

Tout est dit dans cette piècn : Fëlection a donné 
les chefs et réglé leurs pouvoirs; il est dit aussi 
quand et comment il sera pourvu aux besoins 
des combattants, dans quelles Umites s'exeree- 
ront les pouvoirs conférés; et^ quant à la dis- 
cipline , il est ^ëcifië Comment et jusqu'où 
s^engagent les combattants les uns à Tëgard des 
autres. — Comme pensée première d^organisation, 
ce sont /es besoins du pays et la spontanéité 
des hommes qui ont pris les armes, après avoir 
délibéré sur tétat douloureux de leur eads- 
tence , qui ont tout déterminé.**. 

Htts èe qui avait ainsi lieu dans une partie du 



Lk RÉyOLUTIOU n BMBTkGWà. 277 

Morbihan s'effectaait sar beaucoup d'aatres points ; 
et, bien que Puisaye eût envoyé, au nom du comte 
d'Artois des < brevets de maréehaux~de*camp à la 
Bourdonnaye et à Boulainvilliei» , et que ce 
demieji^ se fut un instant intitulé généralissime 
du Morbihan , on vit presque aussitôt les bandbs 
formées dans la région de Bigaan , de Grand- 
Champ et du Guémené relever de Georges, de 
Le Mercier, et de Guillemot , qui, sans égard poiir 
les savantes combinaisons de Puisaye et Tantorité 
du conseil royal, sj'insti tuèrent en conseil supé- 
rieur du Morbihan* Un de leurs premiers actes, 
en date du mois de janvier 1795 (nivôse an III) 
fut de sommer Boulainvilliers de se rallier à eux , 
sous peine de se voir déchu de son commande- 
ment et de tomber plus tard leur victime , s'il 
persistait à relever du .conseil royal supérieur 
dont Cormatin , major-général de l'armée catho- 
lique passait pour s'être laissé gagner par les 
républicains. 

On ne peut douter , en effet , que le plus grand 
obstacle au succès des armes royalistes dans ces 
circonstances, n'ait été la jalousie et les basses 
passions qui jetèrent le trouble dans toutes les 
mesures qui furent tentées. A Londres, Puisaye 
pst obligé de fermer sa porte au? envoyés même* 



278 iSTBM smntaB. — chap. m. 

des princes ; sa correspondance avec ceux-ci est 
interceptée et diyolgnée par les gens de leur 
service; à Jersey , le comité désigné pour recevoir 
les enrôlements des émigrés , déclare que /a 
clique dès intrigants compromet tout jusqu'au 
nom des princes. Si Ton descend au délail de ce 
qui se passe an sein de Tinsurrection , dans le 
rang des insurgés , on voit par les plaintes amères 
de Pnisaye, que les plus folles prétentions, les 
plus vives discordes, s'élèvent entre ceux qui ont 
les armes à la main et ceux qui se présentent 
appuyés de leurs armoiries et de leurs titres pour 
réclamer tous les grades disponibles , comme s'il 
se fût agi^ dit Puisaye, de faire garder par 
leurs valets des places à la comédie. Au plus 
fort de la lutte et jusque dans les rudes journées 
de Quibéron , nous trouverons les mêmes dissi- 
dences et les mêmes fautes. 



!.▲ MiVOLVriOH %» BBITA6HB* 279 



CHAPITRE IV. 



MSSOASS HM WAeUlCAXlOV. — HOWSLU POLVtiqVM M Lk COHTStUTIOll : 

AcwM d'amuistib SU 12 riiXÀiiiB AU 3. — Mission d£S 

BSPR^SJtHTARTS GUBZIIO KT 6UBSM1VB. 



^ngolière et nouvelle positioa des représen- 
tants envoyés dans les départements de Touest 
après le 9 thermidor. Portés par inclination et 
par devoir à faire de la clémence, ils doivent, 
en créant des commissions philanthropiques , re- 
courir encore à toutes les rigueurs du gouver- 
nement révolutionnaire ; car la contre-révolution 
en armes est plus active que jamais, et , pendant 
qu'ils ouvrent la porte des prisons aux patriotes 
compromis dans la mouvement girondin, ils 
doivent la refermer sur bs rebelles qui cfNaspirent 



280 LITBB HVITlkM». — CKAP. 1T. 

contre la BépubUqae et Tentraînent vers une nou- 
velle guerre de haine et d'extermination. 

Nous avons déjà dit comment , dans la Loire- 
Inférieure , Bo et Bourbotle , en faisant évacuer 
les prisons de Nantes , avaient cependant pres- 
crit les exécutions militaires de l'île la Montagne 
(Noirmoulier) après la prise de ce poste. A 
Beimes , Boursauh , imprimant une direction nou- 
velle à la commission que nous avons vue y fonc- 
tionner sons la présidence de Brutus Magnier , 
l'amena , chose importante à dire , à ne plus être 
qu'une annexe de la commission philanthropique 
dont nous avons parlé; et ceux-là que nous avons 
vus animés d'une si terrible rage de terrorisme , 
se faisant doux et humains comme s'ils avaient été 
les auteurs du 9 thermidor , ne prononcèrent plus 
que des acquittements, et poussèrent la pitié du 
juge au point de faire des aumônes à ceux qu'ils 
relevaient de dessus la sellette. Tel fut le côté 
saillant de la mission de Boursault , que , n'ayant 
point trouvé , au premier moment de son séjour 
dans l'Ouest, d'autres ennemis que les bandes 
encore peu nombreuses des environs de La 
Ouerche et de Vitré , il se laissa facilement aller 
k toutes les mesures de douceur que ses instruc- 

Uoni lui recomm»ndaient« Cependant des avis 



j 



lA AÉT0LUTI09 B5 BRETAGIfB. 281 

secreis le délerminèrent , ainsi que BoUet , à se 
rapprocher des côtes de la Manche pour surveil- 
ler les districts de Dol et de Port-Malo nouvel- 
lement inquiétés par la présence d'une (lotte an- 
glaise alors mouillée dans les eaux de Guernesey, 
Des saisies de papiers et des révélations non 
moins précieuses le fixèrent lui et son collègue 
sur les projets déjà formés d'une insurrection 
en masse pour le printemps de Tannée 1795 (1). 
Il fallut donc y aviser ^ et il leur restait pour 
cela deux partis à prendre, ou de recourir aux 



(l) Une première ouverliirc du gouvernement anglais 
aux chefs iosurgés de la Bretagne venait en effet d'a- 
voir lieu. Un nommé Prigentj de Saint- Malo, arrivant 
d'Angleterre , avait remis à Puisaje , peu de jours après 
la surprise dont il faillit être la victime dans la forêt 
du Pertre , des lettres des princes français , et une dé- 
claration du roi d'Angleterre annonçant que le cabinet 
anglais persistait dans ses résolutions de guerre contre 
la République française. Des lettres du ministre Dundas 
et du gouverneur des îles de Jersey et Guerncscy ajou- 
taient que le cabinet anglais était disposé à tenter un 
débarquement ou à verser les approvisionnemeuts qui 
pourraient être utiles aux défenseurs de la monarchie. 
— Puisaye , pour le moment, refusa la dcscepte et ac-- 
cepta les approvisionnements, — Voici ce que Bour- 

Pf^ult et Bollet éorlTuient 9ur ce mdmo lujet ft leuri 



282 I.iyBB HinTIÈMB. CKAK 1T. 

mesures d ratimidation et de violence précédem- 
ment pratiquées , on d'adopter nne politique plas 
conciliante et qni permit un retour vers la paix. 
Placés sons Tinfloence des idées de thermidor, 
les deux représentants conlinaèreot à combattre 
les rebelles, mais en reconnaissant que les me- 
sures dirigées contre les réfractaires et leors fa- 
milles devaient être modifiées ; et ^ prenant un 
arrêté en date du 3 vendémiaire an 3 , ils offri- 
rent d^amnistier ceux qui , faisant partie des ras- 
semblements de chouans , viendraient déposer les 
armes dans la quinzaine ; ils offrirent en même 
temps des récompenses à ceux des rebelles qui 
livreraient ou donneraient le moyen de saisir les 
chefs de Imsurrection. Mais ces mesures n eurent, 
pour le moment ,qu un médiocre résultat. D'autres 
arrêtés , d'une date récente , avaient eu effet pres^ 
crit les plus sévères dispositions, comme le dé- 



collègues à Nantes. — « Nous avons reçu , depuis noire 
arrivée, les plus grands rcnseignemenls de la part des 
chouans arrôtés, et surtout des chefs Le Roy et Vannier. 
Ces arrestations , la mort du chef Thomolin , les instruc- 
tions que nous avons, et les nouvelles mesures que nous 
avons prises , nous assurant dc^jà que tous les projets 
ont échoué , etc. , etc. ^ 



lA tLÉVOLVTlOJX BK BlETAGlfB. 283 

sarmement des citoyens , réloignement des natu- 
rels de leur propre pays, la responsabilité des 
commanes , Finscription sur la porte des maisons 
rurales du nom de leurs propriétaires , et l'abat- 
tis des haies et bois-taillis placés à 50 toises des 
routes qui conduisaient d'un village à l'autre. 
Boursault et Bollet acceptèrent ces mesures ; et , 
se préoccupant encore plus de la répression des 
rebelles que de la paix dont ils n'entrevoyaient 
la possibilité que pour un temps éloigné , ils pri- 
rent de nouveaux arrêtés pour que les habitants 
des campagnes, ainsi que ceux des villes^ fussent 
désormais porteurs de cartes civiques ^ et astreints 
à ne point s'absenter sans un passe-port de plus 
d'une lieue de leur domicile. Etendant ces mêmes 
prévisions à la police des côtes , ils dirent que les 
bateaux employés au pilotage ou h la pêche , ne 
pourraient plus naviguer sans avoir à leur bord 
un ou deux volontaires, et sans que le patron 
s'engageât à déposer tous les soirs les rames , les 
voiles et le gouvernail de son embarcation dans 
des lieux suffisamment surveillés. (1) On conçoit 



(1) Celte mesure avait été prescrite par un arrêté du 
Comité de Salut publie lors de la première insurrection 
de 1793; mail, jugfée inexécutable, elle était restée sans 
application! 



284 I.iyBE HUITIÈMB. CHAP. IV. 

que ce système changea peu la face des choses , 
et ne produisit qu un médiocre résultat dans le 
sens d'une pacification et des idées thermido- 
riennes. Mais, la Convention s'élevait à de nou- 
velles vues 9 et , déjà entrée en pourparlers avec 
la Hollande et la Prusse, pour une paix glorieuse 
fondée sur le succès des armes de la République, 
elle pensa que le moment était venu de se mon- 
trer grande et généreuse envers des enfants re- 
belles qui faisaient aussi partie delà grande nation. 
' Elle rendit donc, le 12 frimaire , un décret com- 
plet d'amnistie; et, appuyant cette mesure de 
haute sagesse d'une proclamation aux Français, 
elle chargea plusieurs de ses membres de se rendre 
à Bennes et h Nantes avec des pouvoirs illimités 
pour traiter de la paix et de la réconciUatiôn des 
habitants de nos malheureuses provinces. Guezno 
et Guermeur , tous deux enfants de la Bretagne , 
partirent aussitôt pour Bennes , et Ruelle , Chail- 
Ion, Delaunay, Dornier, Morisson, Lofficial, 
Pomme , Jary , Menuau , dont plusieurs étaient 
déjà connus ^ pour leur esprit de modération , des 
habitants de Nantes et de la Vendée , se rendirent 
à l'armée de l'Ouest avec les instructions résul- 
tant du décret çt de la proclamation du 12 fri- 



LA RÉVOLUTION BN BRETAGNE. 285 

L'arrivée de Hoche dans nos départements, 
avec le titre de général en chef des denx armées 
des c6tes de Brest et de Cherbourg, qui lui avaient 
été successivement confiées, fut du plus heureux 
augure pour ce système. Le caractère connu du 
général ainsi que Temprisonnement et les vexa* 
tions qu*il avait éprouvés de la part des terro- 
ristes avant le 9 thermidor, achevèrent de donner 
aux actes nouveaux de l'amnistie , un caractère de 
force et d'ensemble que les arrêtés isolés ou con- 
tradictoires de Bonrsault et des autres représen- 
tants n'avaient pu obtenir. Chacun prit confiance 
dans les espérances que faisait naître le décret du 
12 frimaire „ et de toutes les administrations ainsi 
que de toutes les prisons de nos districts , on vit 
partir des demandes pour que quelque douceur 
fût enfin apportée an régime qu'avait fait naître 
la terreur. 

Un des premiers soins de Guezno et de Guer- 
meur, dont la mission embrassait, d'après le 
décret du IS frimaire , la Normandie , le pays dé 
Laval et la Bretagne entière, fut partout sur leur 
route de recommander aux administrateurs en 
exercice la formation de Kstes et de notes qui 
leur permissent d'ouvrir les prisons, d'abord aux 
détenus pour cause de fédéralisme , puis à tous 



286 LIYBS HUITIÈXE. CHAP. IT. 

ceux qui 9 consentant à se rallier à la République, 
promettraient de renoncer aux principes subver- 
sifs de l'ordre établi. Arrivés à Bennes , vers le 
milieu du mois de frimaire an 3 ^ leur sollicitude 
se tourna d'abord vers ceux de leurs collègues 
que les journées du 31 mai et du 2 juin avaient 
éloignés de la Convention. DdTermon et Lanjui- 
nais étaient de ce nombre. Cachés chez des amis , 
ils étaient parvenus à grand'peine à se soustraire 
à la vengeance des maratistes ^ et , dès que l'ar- 
rivée de Gue7.no leur fut connue, l'un d'eux, 
Lanjuinais , déguisé en paysan , s'empressa de se 
rendre chez lui. Le représentant en mission , 
comprenant très*bien et en homme supérieur la 
position où cette démarche le plaçait quoi qu'il 
n'y eût encore aucun décret qui levât le ban des 
proscrits, tendit la main à son collègue, et, le 
prenant par le bras , il descendit avec lui dans la 
rue pour aller faire une visite à Bollet. La foule 
s'attacha aux pas de son courageux représentant , 
et les noms de Ljsinjuinais, et de Defermon qui 
était également proscrit , volèrent de bouche eu 
bouche. 

Un arrêté daté du S7 frimaire, ayant aussi- 
tôt régularisé à l'égard des deux proscrits , cette 
réhabiUtation de U pensée moyenne et mesurée 



LJL RÉVOLUTION B5 B11BT4GAB. 287 

de la révolation , une autre décision prise en fa- 
veur de Fëvéque le Goz , encore détenu au Mont 
Saiol-Michel , acheva de concilier aux nouveaux 
représenlants Fesprit et le dévouement de la po- 
pulation entière. 

Les pouvoirs qui leur avaient été remis étaient 
d^ailleurs précis : Ils avaient surtout pour objet 
Tapplication efficace du décret du 12 frimaire , 
qui offrait une amnistie pleine et entière, aux 
chouans eu ctux rebelles de la Vendée ^ qui 
déposeraient leurs armes dans le délai d'un mois* 
Ces pouvoirs ne prescrivaient qu'une chose aux 
deux représentants porteurs de Tacte d'amnistie; 
«'est qu'ils tendissent à modérer l'action des clubs 
ou à la comprimer en vue de rétablir Tordre que 
cette action avait trop souvent troublé ; et qu'ils 
combiatissent , dans le même but, parla création 
d'un nouveau journal , l'esprit ultra-révolution- 
naire de la feuille de Yatar , qui en passant sous 
la domination du club de Rennes et du repré- 
sentant Charles Duval, plusieurs fois président 
des Jacobins de Paris, avait ainsi porté une par- 
tie des citoyens vers les exagérations de la Mon- 
tagne. 

Le caractère et les principes des deux repré- 
sentants leur rendirent celte partie de leur mi^ 



288 I.ITBE HUITlfeVK. CHAP. IV. 

sion très-facile. IVaturellement enclins à lapais, 
et comprenant parfaitement ce que la modéra- 
tion et Tesprit de rapprochement pouvaient faire 
dans un pays où la guerre civile n'avait jamais 
eu d'autre caractère que la résistance à des me- 
sures oppressives , ou Famour des impérissables 
traditions de la foi chrétienne , ils s'adressèrent 
simultanément à ce double sentiment du repos 
et de la liberté des consciences, par une procla- 
mation qu'ils firent répandre dans toutes les com- 
munes et jusque dans les plus obscurs hameaux. 

«r Oqî, nous en avons le favorable augure, vous allez 
vous empresser d abjurer cette vie errante , malheu- 
reuse, pleine d'inquiétude et d angoisses, pour rentrer 
dans le sein de vos familles et pour restituer à Tagri- 
culture, aux arts, aux métiers et à la chose publique 
des bras et des hommes qui peuvent leur être utile 

Saisissez le pardon qui vous est offert d*une 

manière si généreuse et si loyale. Venez avec sécurité 
vous convaincre, dans nos étreintes fraternelles que 
l'onbli des fautes passées sera irrévocablement le prix 
et la garantie dune résipiscence sincère; et si vous 
pouviez hésiter encore, ne suffirait-il pas, pour vous 
déterminer^ de comparer votre situation présente avec 
le sort qui vous attend au milieu de vos concitoyens , 
parmi lesquels vous recommencerez , en quelque sorte , 
une nouvelle existence , sans vous apercevoir qu'ils 
se souviennent des jours que vous avez dérobés à leur 
société. 



XA 1AtOL€TIOV IH BBBTA65S. 2S9 

» Ces exbortatioDs sont sans doute moins énergiques, 
moins touchantes que celles contenues dans la procla* 
mation de la Convention nationale, mais envoyés . spé- 
cialement pour les faire fructifier, nous avons pensé 
que vous ne liriez pas non plus sans quelque intérêt , ni 
sans confiance, les observations franches et ingénues de 
deux républicains que plusieurs d*entre vous cènnais- 
sent, qui ont leurs propriétés , leurs femmes et leurs m- 
fants mêlés avec les vôtres, et qui , en vous ralliant au 
parti de la soumission aux lois , ne vous proposent rien , 
ne peuvent vous rien proposer qui ne leur soit commun 
avec vous » 

Et formalant leur pensée d'une manière plus 
précise par un arrêté complémentaire de Tacte 
d'amnistie ils dirent : 

Il Que tous les citoyens égarés qui déposeraient leurs 
armes , seraient autorisés à résider dans les lieux qu'ils 
désigneraient pour fixer leur domicile ; — que ceux 
qui profiteraient de l'amnistie et se trouveraient sans 
moyen de pourvoir aux frais de leur route , rece- 
vraient une indemnité de six sous par lieue ; — que .ceux 
qui se trouveraient sans moyens deiistence seraient 
employés aux travaux publics par les administrations lo- 
cales ; — enfin que tout citoyen devrait accueillir avec 
fraternité les personnes qui se présenteraient pour faire 
leur soumission quels qu'aient été leurs opinions et leurs 
précédents y sans pouvoir jamais les leur reprocher.» 

Et tous les àtoyens étant appelés. à concourir 

19. — 4.* VOl. 



290 LITU HUITltaB. — CHàP. vt. 

à la promulgation du présent acte d'amnistie • 
les deux représentants délivrèrent des pouvoirs 
spéciaux à plusieurs administrateurs pour qu'ils 
essayassent de se mettre en rapport avec les 
chouans et leur chefs. 

Maïs , ûnsi qae nous lapprend la correspon- 
dance de la plupart des districts , et notamment 
celle des administrations du Morbihan , des en- 
virons de Laval et dé la Guerche , cette procla- 
mation et Tacte d'amnistie lui-même ne produi- 
sirent que peu d'effet dans le premier moment , 
et c'est h peine si quelques pauvres femmes et 
des enfants qui s'étaient tenus cachés à la suite 
des désastres de l'armée vendéenne, se présen- 
tèrent pour profiter du bénéfice de la loi. Ees 
représentants chargés des suites de l'amnistie et 
leurs collègues prorogèrent en conséquence le 
premier délai d'un mois , fixé par la loi ; et 9 
comprenant qu'il fallait dépas^r la loi elle-même 
pour obtenir le résultat qn'^e s'était proposé , 
ils décidèrent que les agents nationaux des dis- 
tricts seraient autorisés à délivrer aux jeunes gens 
des réquisitions précédentes qui n^avaient pas 
rejoints, des congés de deux, trois et quatre 
mois, afin qu'ils pussent se livrer dans leurs 
communes aux travaux habituels des champa. Et 



lA liyOLVTIOV » BUTAMB. 291 

Boarçault et Bollet^ qoi «gn^ent cet acte «tcc 
Guezno , !9rue et Guenbear , aUàat encore plus 
loin , atrétiMcent , à pea de jooi^s de là ^ le 6 
nivôse , que : le^ citoyens qui atwen^ fak 
partie des emnées des hrigands ef qui 
avaient porté les armes contre la repu-- 
bUqUe 9 seraient employés sur les vaisseaux 
de la république. 

Les c^ndUiotts dé laiiiBifitie s'ëlargiâsat«nt donc^ 
et si qoelqnes admimstralions , ainsi q«e celle ê^ 
Vitré y avaient été jusqu'à offrir ans reprësmitaPilB 
comme seul moyen de faire cesser le briganr 
dage des ckouans ^ d'accorder auB: réfractaires dto 
congés iUimilés , avec faculté de rentrer dans 
leurs foyers , ou ne peut contester que le tno]re|i 
tertne adoj^é par les cinq représentants éxiraot^ 
dinairement réunis à Vannes^ n'apportât un hèu- 
renx ijbatigement dans lés disposîti<Nas hostiles des 
libelles. — Un arrêté pris dans le naéme brt , |Mr 
les représcMauts assemblés à Nantes ^ le 13 nir 
vose , ne produisit pas un moindre effet dans les 
pays insorg^ d'outre Lbire^ Il restait cependant 
encore beaucoup à faire , et si un arrêté de Bom^ 
sault avait autonaé la sortie de Lecoi du Hlonl^ 
Saint-Hiclifl^ le libre oxeracerdiaoïlltè'çatholiqM^ 
À aedeuuueuk ^isi#é par leftpo^pfulal&ons de l'Onasty 



292 LITBB KOITIÈHB. •*- CVAP. It. 

ëf ait loin d'avoir été l'obj^ d'aocme mesure pro* 
tectrice qui Un permit de se manifester* En ren- 
trant de sa prison , TëTéque Lecoz continuant à 
ee dévouer à la noble mission qu'il avait déjà si 
Inen rem|die , avait offert à Beursault et à BoUet 
de parcourir les communes d'Ille - et - Vilaine , 
pour évangëUser ses concitoyens privés depuis 
long-temps de la parole sainte; mais, û le prêtre 
eo faisant cette offre, se risquait à braver toutes les 
prévention^ hostiles des insurgés envers les. consti- 
tutionnels 9 Boursault qui s'était montré récem- 
ment dan» les tem{4es de la Baison, n'eût garde 

d'accepter ces offres Gueznoet Cruermeur, 

qui se sont avancés dans le Morbihan et qui ap- 
partiennent tous les deux à la Bretagne, ayant 
cependant une c<mnaissfince plus mtime des be- 
-soins du pays , ne tardèrent pas à se prononcer 
sur cette déUcate question. Arrivés à Lorient le 
SO nivôse , et s'étant entourés des membres de 
la commune et des citoyens les mieux famés 
qu'ils réunirent , pour discuter avec eux les be- 
soins du pays • il est réellement curieux de voir 
comment ces deux patriotes^ abordant franche- 
ment les difficultés du moment , reçurent tous 
Jies^ avis qui leur furent donnés. Enhardis par 
^ette loyale fraternité des. deux r^résentants 



bretbds qm avaient si bien eomi^s leurs be- 
soins j les babU«its de Lorient se itiettent aassit6t 
à Vœavre^ et rédigent un mémoire où ils n'hé- 
sitent point à attribuer à Farrété de Lecarpentier' 
et aux excès commis par ses agents , la plus 
grande partie des désastres qui désolent le Mor- 
bihan. Ils demandent > en conséquence j que la 
liberté des consciences et des cultes soit pnbtiqné-^ 
ment reconnue. 

Si Ton vent bien se rappeler qu'alors encore la 
Gonirelition ne s'était point soustraite au culte de 
la Saison , et que les Administrations de dbtrict 
rendaient^ un compte périodique des fiâtes déca- 
daires qui se célébraient dans toutes les corn-- 
rnuhes de la république , on con^rendra ce que 
cette demande avait de hardi et ce qu'eut encore 
de plus hardi l'arrêté de Onezno , qui , cédant 
à son cœur et à b simpUdté de sa vie primitive , 
décida, dès le lendemain , 24 nivAse, que : tmis' 
/es acies et arrêtés qui iwment précédem- 
ment ordonné Varrestaiien^ comme suspects^ 
des ecclésifistiques qui navcdent point ab- * 
diqué leurs fonctions ^ se trouvaient rap-- 
portés j en même temps qu'il était recommandé 
cmço autorités civiles et militaires^ que nul 
ne fût plus long^temps troublé dans le libr§ 

fft paisible exercice de ^on cufte^ 



294 UTU nintaB. — cma9* it. 

Cet aelé eâl le plus grand retentissement dans 
les départements msmrgës, et à peine fut-il par- 
▼enâ dans nos campagnes, i|ne les remerciements 
et les félîcitatîons les plos sincères , avec des 
adresses couvertes de signatures, arrivèrent de 
toutes parts, aux deux représentants Guezno et 
Gôermeur , ainsi qu'à la Goilvention qui les avait 
députés vers la Bretagne. Ge fut, d'ailleurs, cet 
arrêté qui donna lieu , plus tard , au raj^Kirt de 
Boissy-d'Anglas , sur le rétablissement, des' cultes 
(3 ventdse an 3); et si Ton pouvait douter de 
refl&cace résultat de sa pensée, il âu£Eirait sans 
doute de dire que Lanjuinais,])efermon, Lecozet 
Audrein , s'empre^ssèrent d'en féliciter leurs ooUè- 
gnes, de la niattière la plus précise , et que Hoche , 
en remerciant les deux représentants de leur fer- 
meté dans celte circonstance, ajoutait: C est 
ainài que la représentation nationale se fin t 
bénir. Ceet en 'professant les principes de 
la plus saine philosophie et de la sagesse^ que 
vous fiantes plus de pcirtisansd la république , 
que le système des égorgeurs lui à fait d* en- 
nemis. Kous jouirez de vos travaux avant 
la fin de votre mission , les âmes sensibles 
s'épancheront dans votre sein , et vous 
pourrez dire ^ en retournant « fa Convenu 



tion : Nous sommes heureux, parce que 
nous avons fait le bien. 

Nos deux concitoyens ne croyaient pas cepen- 
dant avoir encore assez fait ponr le repos de leur 
cher pays de Bretagne, et, apprenant, par le^ 
rapports des agents nationaux , que leurs procla- 
mations ne parvenaient pas (oajours daus les 
compiunes auxquelles ils avaient souvent le plus 
d'intérêt à les faire connaître, ils s'efforcèrent de 
combattre ces difficultés par des actes répétés de 
clémence : une fois, par la mise en liberté des culti- 
vateurs, ouvriers et manœuvres dont la présence 
et le travail importaient directement à leurs fa- 
milles, une autre fois par la relaxation de cette 
classe nombreuse de suspects de Fuu et de raufare 
sexe, qui, n'ayant point été condamnés, crou- 
pissaieiit ci^end^nt. dans les prisons; une antre 
fois, en appelant à eux les prêtres iosermentés que 
la loi ne comprenait pas dans l'amnistie. — Et on 
les vit, pr<^fitant du prraciier préCesrte qui lâur 
était offert, relâcher, ici comme à Brest, cinq 
membres de la famille des Ca/loudal, dont Creor* 
ges le fils aine avait été le premier à se rallier au^ 
bandes vendéennes; là, comme à Vannes, re-- 
lâcher M*""* et MJ^' Desilz , dont iespayents coiii-« 
mandaieut les baudes du M^rbih^n; U| CQii)m« 



296 LITIK HUrriÈKB. — chap. it. 

à Rennes, relâcher les Saint-Hilaire, les Darocher, 
les Kersauson, les Labedoyère , les Labour donnaye, 
c^est-à-dire^ les membres mêmes des familles les 
plus prononcées contre la révolution. Enfin, 
trouvant à Lorient jusqu'à trois cents malheu- 
reux destinés à la déportation , ils font reviser 
leurs jugements, tous prononcés par des commis- 
sions ou des tribunaux révolutionnaires , et cons- 
tituent une section du tribunal du district pour 
prononcer leur élargissement. A Vannes, cent 
onze religieuses, détenues par Lecarpentier, sor- 
tent en un seul jour des prisons qui sont ouvertes 
par leurs ordres. Et , préoccupés de la nécessité 
de préparer le rapprochement qu^ils se flattent 
d'amener, ils s'occupent de reconstituer les ad- 
ministrations d'une manière plus forte et plus en 
rapport avec les besoins du moment. Ils pressent 
à cet effet les honnêtes citoyens qu'ils espèrent 
rallier h des idées de modération, et, leur laissant 
l'initiative du bien qu'ils sollicitent , ils profitent 
habilement des épurations qui s'opèrent dans les 
sociétés populaires pour leur demander des listes 
de présentation ou des noies sur les meilleurs 
choix h faire. Ainsi, et toujours dans le même 
but, ils se font demander par les autorités et les 

•ociét^s populaires de LfiDuioni de Boche -Sau* 



LA. BÉYOLQTIOK MM BB8TA61II. 297 

veor et de plusieurs autres villes, que ramnisAîe 
ofiFerte et accordée aux rebelles, qui se soumet- 
tront, le soit, à plus forte raison aux mattieureux 
qui ont expié ^ par une longue détention, l'erreur 
d'un moment ou des fautes légères ; et , cédant à 
cette noble demande des patriotes qui ont encore 
les atxnes à la main pour combattre les rebelles , 
ils donnent k ceux-ci Texemple d'une modération 
qu ils espèrent ainsi leur commander. Sur quel- 
ques autres points des Gâtesdu-Nord , des mala- 
dies contagieuses menaçant de se manifester dans 
les maisons de détention, ils régularisent pure- 
ment et simplement la sortie provisoire que le 
même esprit de conciliation et d'humanité avait 
engagé les administrations de Guingamp et de 
Pontrieux & prononcer. 

Mais Torganisation des corps constitués devait 
surtout fixer leur attention ; les prisons qui avaient 
tenu renfermés les plus zélés patriotes sous le 
spécieux prétexte de fédéralisme , leur offrent par- 
tout des coopérât eurs habiles et dévoués. A Ben- 
nes, ce sont les Le Graverend, les Baymé, les 
Toullier, les Malherbe et les Lemerer, qui leur 
sont désignés par le maire Le Perdit, ce ver- 
tueux et modeste citoyen auquel les représentants 
lOQt oblige» d'ftGoorder tme indomnit^ d« (I«ii9 



298 LIYBB HUinftHB. — CHAP. IT. 

cents livres par mois , afin qu'il n abandonne pas 
son poste , faute de pouvoir vivre. Dans les Gôtes- 
dn«Nord , ce sont les Rnperou , les Poulain , les 
Gorbiou, les Saulnier, lesOzou,les Perio, etc. 
Dans le Morbihan , les Gaillard , les Robert , les 
Pettnan , les Yiolard , les Labarre , les Guépin , les 
Boullé , les Faverot , les Danet , que nous avons 
tous vus faire tête aux insurgés de 1793. S'adres- 
sant à Le Bëdieu , à cet homme dont nous avons 
déjà signale le dévouement , les représentants 
combattent son hésitation , en lui disant : Que la 
confiance dont il jouit luifmi une obligation 
d'entrer immédiatement en fonctions y et ce 
vertueux ôtoyen cesse de les refuser. Quant à 
GaiHard, quune longue réclusion et sa santé dé- 
labrée tiennent éloignée du pouvoir, il suffit que 
les représentants lui rappellent que le pays a en- 
core besoin de ses services : il se rend au poste 
qui lui est assigné en reconnaissant que le sang 
de ses frères qu'on égorge ne lui permet 
plus de délibérer. A Bennes , Fresnais qui a y 
pendant plusieurs mois, dirigé, lui quatrième, 
l'administration du district , quand les déroutes 
d'Antraiu et de Laval avaient tout bouleversé dans 
la ville et le département , ne consultant que son 
sèle» dit qu'il ratera y lui et ses collègues ^ à son 



l B]i?0LUT105 EN BRETAGIIB. 299 

poste, dussent-iLs y périr jasqa au dernier. • — 

C'est ainsi que, recherchant ceux qui depuis long- 
temps dévoués au pays, ont acquitté leur dette par 
des sacrifices, ils reconstituent les administrations 
et les autorités que des désordres de tous genres 
avaient désorganisées. Mais cela ne leur suffit point; 
et, pour donner à ces élus la sanction populaire 
des masses , je les vois entrer à Vannes dans le 
temple au jour de la fête décadaire; et, entourés 
des autorités et du peuple, dire à tous quels sont 
ceux qu'ils ont choisis , quels sont ceux qui leur 
ont été désignés par la clameur publique. D'une 
autre part, si quelque terroriste ou quelque homme 
perdu de mœurs reste encore en fonctions, et 
occupe un posie important, ils sauront l'at- 
teindre et le frapper, comme (L..., officier de po- 
lice militaire , à Belle-Ile , qu'ils destituent pour 
incapacité, ou D...., capitaine de la 141/ demi- 
brigade, que ses mœurs et une vie déréglée ren- 
dent indigne de commander à des républicains. 
Quant aux administrations, qui sont accusées de 
faiblesse ou d'incurie , ils les remplacent pure- 
ment et simplement , comme celle d'Hennebon , 
pour nêtre pas à la hauteur des événements 
qu'ils devraient commander^ au lieu de se 
laisser commandt^r par euoc. 



lA BÉYOLUnOH XB BRBTAGRS. 301 



CHAPITRE y. 



■OCKB, SOU GAftACTteB, tA VOSITIOH Wt SIS VOIS. — * MITMBBn ST 

BOItKABBT} Ul COmiTÉ mOTAUgn BT UW ABnitlXTAnS. — 

BBTUVVlt JR MVBPABLBlf BBLAnrS A LA PAaFICATJOV. 



La paix et Famnistie qui n^ëtaient encore qo^ane 
espérance , ne devaient point p on le conçoit j 
ralentir les dispositions militaires qne réclamaient 
les circonstances. Il y avait j d^ailleors j parmi les 
représentants et les chefs de cantonnements des 
hommes qoi j soivant leur poâtion , opinaient 
poar la paix ou la résistance j ponr les mesures 
de mansuétude ou de sévérité, suivant que 
la conduite des rebelles se montrait à eux sous 
un jour favorable ou comme une continua «- 
tion des hostilités préoédmates^ Mais y panai ces 



302 UVEB HUITlkMS. «^ CSAf • Y* 

hommes , Hoche , Guezno , Brue et Boursault , en 
se rendant un compte fidèle de la situation du 
pays et des partis , avaient compris de bonne 
heure qu^en offrant Tamnistie et le pardon aux 
enfants égarés de la patrie , il faUait montrer celle- 
ci fière j forte et même redoutable. 

Si, conséquemment au décret du 12 frimaire, 
aux actes séparés des représentants chargés de 
son application, et en vertu de leurs ordres spé- 
ciaux , Hoche s^est donc empressé de mettre la 
paix à Tordre du jour , il s'est mis aussi en me- 
sure de comprimer partout les désordres qui 
troublent le pays. 

cr A la voi\ de la patrie, I*hoinme libre 8*arme et 
court défendre ses foyers, a-t-ildità ses frères d'armes 

en venant se mettre à leur tête Mais «ne armée in- 

disciplinée est le plus grand fléau du pays qu'elle oc- 
cupe et doit défendre. En conséquence , je rends les 
cliefs responsables des fautes de leurs subordonnés. 
C'e^ à eux 'à les prérenh* par une bonne police. — Je 
leor recommaïKle de poursuivre sans relâche le brigand 
dévastateur,. de. le faire oondulre dans les maisons des- 
tinées au crime , après lavoir fait désarmer. .Mais en 
même temps de voir un Français ,. un frère dans Thomnie 
égaré , séduit ou entraîné par Terreur ou la crainte des 
châtiments, s'il est repentant, si ses intentions sont de 
vivre en bon et paisible citoyen. Là justice le prescrit 
«I la: Ocnvemion natieiiàle l\>rd^nne. La discipline la 



LJL Bl&yOLDIlOir BN BBBTAaJfB. 303 

pins austère sera établie et maintenue dans les troapes 
que TOUS commandez ; que jamais elles ne se déshono- 
rent par des cruautés ou le pillage. » 

S'adressant aux représentants , il lear disait 
d^une autre part: 

« Victime moi-même du système de la terreur, je ne 
provoquerai pas son retour. Je crois devoir vous décla- 
rer, cependant y qu'une indulgence déplacée pourrait 
opérer la contre-révolution dans les départements oti 
tous les cœurs sont endurcis; jen suis tous les jours 
le témoin. Les brigands se jouent de notre crédulité, 
et il semblerait que la lecture des proclamations qu'on 
leur prodigue, les enhardit au crime. Oui, pardonnons 
à Terreur et à la faiblesse; mais que le brigand qui se 
baigne chaque jour dans le sang humain, S(Ht frappé du 
glaive de la justice, lorsqu'il est arrêté; que la patrie 
soit vengée, et que le crime ne soit plus assuré de l'im- 
punité y sons jM^exte d un repentir 4ont il se dégage- 
rait, s'il était libre d'exercer ses ravages. » 

Et 9 s6 confiant dans son génie et ses propres 
forces , il traçait , ainsi qu^il suit , la situation da 
pays , dans un rapport qu'il adressait au comité 
de salut public dans les premiers jours de nivdse^ 
an m. (Novembre 1794.) 

« Je* ne doute pas que beaucoup de personnes ne vous 
aient écrit que tout ët«t en Am dan» les départemMts ; 
que l'étendard de la révolte était arboré 9 et que les 
Anglais allaient venir s'emparer de tous nos postes. Sévère 



304 LITBB KOTTlkSB. —^ CHÂf . T. 

ami de la Tërité, je tais tous la dire: Oni, ces maux 
sont grands, mais nos moyens sont paissants. Les re- 
belles sont égarés, et nons défendons une cause sacrée: 
celle de la pairie. Kous n avons pas besoin de grandes 
forces, si nos soldats sont disciplinés > si tos ordres sont 
exécutés , si vos principes d humanité sont adoptés. Je 
pars avec la ferme résolution de faire le bien. Je crois 
le faire en accueillant les malheureux que la supersti- 
tion ou la crainte des châtiments ont armés contre la 

République Mais il est une sorte dliommes qu'il sera 

plus difficile de ramener que les habitants des campa- 
gnes. Celle-ci, composée de prêtres, de nobles, de 
fuyards, ne croit pouvoir espérer aucun pardon; beau- 
coup n'étant pas habitués à la vie pénible qu'ils mènent ,. 
nécessairement le désirent, o 

Mais quelles étaient ses ressources et ses moyens? 
— Il noas est appris par la correspondance des 
représentants en mission dans TOuest, qu'à la 
fin de l'an II, 20,000 hommes avaient été re- 
tiras pour la Vendée , des départements formant 
la circonscription des jGôtes de Brest et de Gher-^ 
bourg. Et cependant , suivant ce que Hoche nous 
apprend lui-même par Tune de ses lettres, il 
avait 3,800 à 4,000 postes à garder, 480 lieues 
de côtes à surveiller , treize départements à con- 
tenir ; et , pou^ se rendre maître du pays et des 
événements, il avait à lutter contre une désor- 
ganisation flagrante, fruit de Tinsouciance de 



l MÈTOLUnOM MB BISTAAMB. 305 

Bossignol , contre rintiniidafion des autoritë« io« 
cales qaî fuyaient de toute paris y et aussi quel- 
quefois contre les ordres mêmes des représen- 
tants qui ne s'entendaient pas sur les mesures à 
prendre (1). Ici , pour rassurer ou forcer au de- 
voir des administrateurs épouvantes , il est obKgé 
de leur demander si ce sont bien des adminis- 
trateurs qui lui annoncent que le meurtre d'un 
seul homme a (ait déserter les patriotes les plus 

prononcés des environs d'Avranches Je vais 

dénoncer à la France entière voire frayeur 
et celle des habitants de votre district qui 
vous imitent. Vous êtes consternés par la 
mort dtun de vos concitoyens î Sans doute 
c^est un malheur ^ un très-grand malheur ; 
mais au lieu de pleurer comme des femmes ^ 
vengez-le comme des républicains. Là , ren- 
contrant unclief militaire qui se permet de cri- 



(I) Ces circonstances, en le jetant an instant dans le 
découragement , le portèrent à demander un congé , 
prétexté sur Tétat de sa santé. Il écrivait en même temps 
à quelques-uns des représentants près desquels il se 
retrouvait, qu*ii était prêt à rentrer dans les rangs dont 
il était sorti sans plaisir ni regret. — Mais Timportance 
des évëoemeiits Teot bieiiMt rendu à tovte son énergie. 

SO. — 4/ VOL. 



tiquer tes aelM et de ks tMraer en ridicale , il 
écrit à Avril, asden agent de Carrier: 

— «On io*a assuré que voas avez dit , après atoir 
lu m cirauiairc aux habitants des carapagoes , qu'elle 
n*tf taîi pas de moi , que je ae savais ni lire ai écrire. Je 
le sais , citoyen , et de plus , je sais couper les oreilles 
aux imposteurs et aux dénonciateurs. » 

Ainsi se révélait Hoche à tous ceux qui Veur 
tooraient. 

Le aoldat lui-même a^oublie-t-îl , et les chefs 
qui doivent le contenir ont-ila laissé échapper 
Tautorité qui leur a été remise. 

-*- « Mon cher général I dit-il à Kreig, si les soldats 
étaient philosophes , ils ne se battraient pas. Tu ne veux 
pas qu ils soient ivrognes , ni moi non plus : mais exa- 
mine quelles peuvent être les jouissances dun homme 
campé et ce qui peut le dédommager des nuits blanches 
qnll passe. 

— « L*esprU du soldat est généralement l>on , di- 
sait-il» dans une autre circonstance; il aime à bien 
servir , mais il veut être commandé et encouragé. Loin 
de nous ces hommes qui le regardent ou le traitent comme 
un mercenaire. La classe des simples fusiliers est la plus 
pure 9 est la plus estimable de Tarmée , ne devons-nous 
pas raimer> la considérer et proportionner nos atten- 
lioas à ses besoins. Qui ne sait qu*il est tel grenadier 
doué d'un plus grand sens que son général. » 

Et j plaçant ainsi le aoldat y aea ohefii^ les adf- 
miniatratèiùra et les représentante eux-mêmes dans 



&▲ lU&VOLUTlOV BK nBTAfiJIB. 807 

leur position respective , il prend sor tOM cet 
ascendant do gënié qui le rend Uentét TarMlre 
des destinées dé TOuest. 

12)000 hommes kûsonl eependâust aiMioa€és(l), 
et se faisant rendre compte par seà chefs de divi- 
sion de la positioli où il se trouve ^ il résulte 
des docuflUentU qui loi sont tratemis et que nous 
possédons j qne, chargé de la défense d^ dépar- 
temenis de la Seine-Inférieure 9 de TEure ^ àxk Cal- 
vados , de VOrne , de la Sarthe et de la Manche 
d^une part ; et de Taolre , du Finistère ^ des Cdtee- 
du^IVôrd 9 du Morbihan , de rille-et-Vihnne ^ de 
.la Mayemna ^ d'une partie dé Maine-et-Loire et 
de la Loire-Inféjihienre , il n'a pour couvrir tout 
ce pays^ le foliîHér en tous sens, et se niOAtrer 
^en force date htiit cent quwitete-trpie cantons , 
plus ou moins hostiles 9 que â79000hdmnîes9 h 
plupart jeanes et inhabiles aii maniement Am ar- 
mes« D'aillburs j ipr ces mêmes forées 9 il a féttn 
.prélever lea gernisons des nombreuses pbces forteb 



(i) Cette force, long-temps soUtpHéepar le9 dépul^- 
tions réunies des départements de l'ancienne Bretagne , 
fut enfin obtenue de Carnot » qui décida qu'elle serai! tirée 
de l'armée de Sam.bre-.et-Mei|se ; mais ce ne fut que fort 
tard et après l'affaire de Quiberon qu'elle irejoignit. 



308 IITBB flVITlJsifS. *— CSAP. T. 

4e la frontière maritime; il a fallu pourvoir à la 
gamiaon des vaidgeauz en rade de Brest. Le dé- 
nuement ^ d^une autre part, estai alarmant 9 que 
la phee de Lorient y seul appui un peu sur contre 
rinsurrection de cette partie du pays , ne compte 
pas au-delà de 400 hommes , dans un moment on 
le Morbihan entier , au ra|^rl de Champeaux , 
n'en avait que 5,000. D'ailleurs, Lorient lui-même 
est menace d'une insurrection de la part des 00^ 
vriers qui, lassés des privations de la femine, par- 
lent d'attaquer la garnison et de s'emparer de la 
poudrière. Les généraux Rey , Chabot , Krieg , 
Valletaux , Canuel , Hnmbert , Decaen , Le Bley , 
Danican, secondent les efforts du général en chef 
et dirigent les mouvements militaires de Saint- 
Malo , Brest, Redon , Vannes, SIeslin (1), Lavai, 
Ségré, Ch&teaij^onlier , etc., etc. 

Mais, à peine si les faibles cantonnements qui 
existent peuvent se' maintenir spr la défensive; et 
toute Tactive intelligence du général en chef., 
son courageux exemple en se mettant à la tête 
des patrouilles pour faire , de jour et de nuit , 
des fouilles qu'il dirige à pied , ne suffisent point 



(i) Cette commune, voisine de Lamballe , était occopée 
par ttn camp de grenadiers. 



£A BÉTOiUTIOir BJT MUITA0Jil. 309 

à conleuir les rebelles 9 à rassurer les admiuistra- 
tions désorganisées et sans force. Deux fois il 
s'est ainsi porté à la tète de ses colonnes 9 d'abord 
dans les districts de Châteaugontier et de Segré , 
pais dans les environs de Vannes. Infatigable , il 
parcourt pendant cinq jours et cinq nuits les 
campagnes de Ségré , allant d^une ferme à l'autre, 
perçant les fourrés et s'avançant jusque dans les 
gorges et les tannières qu'on lui désigne. Et , de 
tout cela , il résulte la saisie de quelques fusils 
abandonnés et l'arrestation de deux chouans. 

— « J*aî parcoura tons les lieux indiqués y écrivait- 
il , nous avons trouvé les huttes et les cachettes^ mais 
personne dedans. Nous voyons , dans chaque sortie que 
nous faisons, leurs sentinelles. Marchons-nous dessus ? 
Tout disparaît et rentra en terre , et il ne reste aucuns 
vestiges. Tout les sert , les femmes , les enfants ; on 
jurerait qulls ont des télégraphes. » 

Tant de fatigues et un si noble exemple ne sont 
pas cependant perdus. Hoche comprend désor- 
mais la guerre de la chouannerie et connaît ses 
adversaires. Son exemple anime et reveille par- 
tout le zèle des administrateurs et le courage des 
chefs militaires. Sa parole brève et profonde ', sa 
candeur , sa loyale bravoure , les laissent partagés 
imtre la confifince et radmiratiw que le jeime 



310 XITBB HVITlfeVB. — CHAP. V. 

Taiuquettr des fignes de YVissemboarg leur ins- 
pire. 

Puis, s'adressiml aux représentanls , il le«nr dît: 

« L on se plaint que les cbonans ne se soumettent 
pas ; mais quelle confiance peuvent-ils avoir en nous , 
lorfqii^iis se voient prêts à rentrer sous la domiiialioq 
d'bonmes de terreur , de sang et de pillaj^e. Forcez les 
boaomes » les propriétaires instruits à entrer dans les fid- 
ministrations, et vous verrez la guerre finir. — Je vous le 
répète., citoyens, épurez les administrations , n'employez 
que des hommes dont la probité soit reconnue, et la patrie 
sera sauvée. Le respectable Krieg me dénonce vingt de ces 
bommes de sang qui sont encore en place et qui disent 
hautement qu'il faut noyer et brûler pour terminer la 
guerre. L'agent national et un des administrateurs de Bo- 
chefort ont ridiculisé Krieg, parce qu'il a parlé huma- 
nité. Eh ! citoyens, quel bien peuvent faire les troupes « 
lorsque les magistrats du peuple veulent faire le mal. » 

Aiosi se formait pour Hoche et ses frères d'ar- 
mes une poUlique nouvelle, dont Tesprit ieo- 
daît an repus du pays. Deux hommes , parmi les 
représentants qui jouissaient d'une influence roar* 
qnée dans les affairés de la Bretagne , Guezno et 
Bollet 9 avaient surtout les mêmes vues et le même 
désir du bien. Empressés à préparer la soumis* 
sion des insurgés, ils n'avaient négligé aucune 
iKNiiaiim de Iwr w offrir la fadlitéf et Gae«no 



£A B*VIM.UT10ir BIT BUTAttlTB* 311 

paiilioàKèrMQeftt dbal Fesprit était jgtBve y facile 
et cdbivé , en devenant rame et ie rëdactenr de 
tonles les décisions qni émanaient des délégués 
de la Convention , s efforçait saw cesse de pres-t 
ser le œpinent où un rapprocb^ncMit poorraît 
avoir lieu. Il avait déjà , comme nous Tavons dit 9 
réorganisé la plnparl des administratioas du KEor* 
bihaa et de TlUo^et-Vilainè ; le 24 nivôse 9 il avait 
proclamé la lifawté des cultes , et , ne pouvant 
se r^Mlre dans les Cdtœ-du-Hord on les terro- 
ristes comprimaient encore les populations mo- 
dérées de la ville et de la campagne 9 il y avait 
envuyé Gorloel , qu il avait trouvé caché dans le 
flfoiiiihan et qu il avait ainsi relevé de son ban 
en vertu des pouvoirs illimités qui lui avaient 
été remis. Cédant , sur un autre p<Hirt aux mêmes 
vues 9 et devançant les nUentiims de Hoche , il 
avait dit aux républicains aÉmés qui poursuis 
vaient les brigands : 

u De quelles bouches partent donc ces demandes do 
gra/ifieaiions pécuniaires fini doÎTeoidU^on payer quel- 
ques* services rendus à la république.... Jamais nos col* 
lègues ne tous ont fait l'injure de penser qu'une prime 
en argent fût nécessaire à votre zblOf h votre courage. 
Ils ne lont présentée qnh ces êtres tiëdes et égoïstes que 
la cupidité seule dirige, el qui, par état, nontp^s çonsa* 
cré tous leurs moments à la patrie, i) 



312 ' UTBB HvmtaB. *- CUP. ▼. 

Maïs de |[raiid6s et d'ineztneables dtficoltés 
1IM8MÎ01II cfaaqoe jonr de la pDsîtîoa des républi- 
cains; la disette, le dàiueme&t des loagasîiis pohbes 
fermés dan^ chaque dîsirici , rendaient cette posi- 
tion prescfoe dése^érée* Il n^ avait point , en 
eflPet, de ville on de cantonnement qui n'eût 
ses magasins remplis d'ornements d'<^ttse, de 
meobles , d'objets de toilette , de cloches et de 
débris ; mais il y avait long*temps que les grains 
des émigrés ne rentraient plus', il y avait long-temps 
qne lenrs dedans de lit et leurs couvertures , leur 
Knge et leur argenterie avaient été dispersés dans 
les hèpitanx et les camps. Les représentants , 
les chefs militaires , les administrations , n'ont pas 
cessé de requérir ce qui était nécessaire , ils l'ont 
fait avec énergie et par des ordres réi lérés ; mais 
le sol ne produit plus, et les populations en 
armes refusent toute réquisition et attaquent les 
colonnes qui essaient de leur enlever les faibles 
ressources qui leur restent. D'ailleurs tout man« 
que pour l'exécution même de ces ordres : les 
fermiers sont en fuite , leurs chevaux sont ca- 
chés ou dispersés, leurs charrettes sont démon- 
lées et n'ont plus d'essieux; un seul boisseau de 
blé signalé par un municipal , exige la présence 

d une compagniis , $ouv§nt d'un? d«ini-brigpde« 



I.A itfTraimoir bit wmwrkGsw. 313 

Appréciez donc le mal , leot le mal qui peol 
prochainement se réaliser , en apprenant qne les 
troupes y vêtues des toiles et des étoffes de tous 
genres que nos frégates et nos croiseurs ont prises 
sur Tenncmi , courent les campagnes affublées de 
travestissements bizarres qui ne leur permettent 
même pas de se reconnaître. Sans souliers et 
sans pain j nos soldats doivent cependant , de jour 
et de nuit , s'enfoncer dans les bas chemins , y 
courir nu-pieds et s'exposer aux balles dos 
rebelles embusqués derrière les haies. — Bfais 
les villes et les places fortes offrent-elles au 
moins quelque chose de plus rassurant ? — Lo- 
rient n'a pas une seule livre de froment ou de 
seigle, et ses habitants demandent aux repré- 
sentants qu'on leur permette de retirer des ma- 
gasins de la marine , du fer , de la résine et du 
savon, afin qu'à l'aide de ces produits ils ten- 
tent quelques échanges avec les gens de la 
campagne. Le citoyen La Potaire, (1) agent na- 



(t) Ce digne et lojal citoyen montra, dans ces cir- 
constances, Ténergie la plus louable, et nous tenons de la 
boucho de Guezno , qu'il fut , lors du débarquement des 
émigrés à Qutberon, Tun de ceux qui contribuèrent lo plus 
h assurer lo mouvem^ot dos troupes répubiicfiines, 



314 IIVU HlUTlÈmB. CHAP. y. 

tioMl du dbUrtct d'Henoeboot , annonçait , dès 
les premieni jours de nivôse que trois conunu* 
nes sur trente et quelques sont seules restées ii- 
dèlet à la république, et qu'Hennebout n'a que 
pour trois jours de vivres» A Vannes, on manque de 
grains et de troupes pour faire des réquisitions; 
il y a huit jours que les hospices de cette ville 
et ceux d'Auray n'ont eu de distributions; à 
Morlaix, les habitants ne reçoivent qu'une demi- 
livre de pain par jour ; à Rennes , les citoyens 
ont attendu qaarante-huit heures à la porte des 
magasins de la république , sous le givre et la 
pluie pour obtenir quelques onces de riz; enfin , 
dans d'autres communes , la crise est encore plus 
effroyable : les habitants , au moment de mourir 
de faim , ne se soutiennent , comme à Baud , à 
Locminé , h Goncarneau , qu'à l'aide des distri- 
butions qu'on leur fait sur la ration du soldat , qui 
a été réduite elle-même de quatre onces. Et il 
y a ainsi des postes nombreux, où les défen- 
seurs de la pairie, comme à Groix et à Belle- 
Jle, sont sans pain, sans bois , sans paille pour 
se coucher , sans vêtements pour se couvrir* Sur 
d'autres points , les patriotes eux<-mémes se font 
la guerre , s'arracbant les uns aux autres quel- 
que» 9ubiâistance9 qu'ils voot chercher Jusque dans 



LA BÉT0LUn05 BH BRBTA6IIB. 3(5 

la demeure des particuliers. Ainsi sont Loudeac et 
les communes de Bofén et do Ilaut-Corlay dont 
les officiers municipaux annonçaient . sous la 
date du 15 nivôse, qnils repousseraient désor- 
mais la force par la force j et que des gardes na- 
tionaux de Quitttin étaient venus fondre sur eux 
pour leur enlever les galettes, le lard et les 
graisses qui leur restaient.... Il y a partout dé- 
sordre et perturbation ; on se cache pour man- 
ger son pain ; et la sédition se manifeste avec 
des symptômes d*autant plus alarmants que les 
femmes et les méchants opposent , à ce qui se 
passe , la situation prospère et l'abondance oà se 
trouvent les rebelles. Plusieurs villes se soulèvent^ 
et, pendant quelques jours , Hoche et les trou- 
pes de son quartier général peuvent à peine con- 
tenir la populace de la ville de Bennes qui fin- 
suite et le poursuit à coups de pierres. 

£t c^est an milieu de ces difficultés qu'il faut 
parler ôl amnistie et de pardon , c'est-à-dire pa* 
raitre fort sans blesser les hommes qu'on cherche 
h ramener , et leur en imposer , quand ils se jouent 
cruellement des embarras de leurs adversaires. 
La situation était difficile , critique , pour ainsi 
dire, sans issue, Aussi ne doit-on pas s'éton- 
ner que^ plo^ieucs fois , ^roe , Boursaplt, Hoche 



316 tiYU HuiTitai. — cvAr. r. 

lai-même, aient désespéré de tout arrangement 
avec les rebelles , et qu'impatients de se soustraire 
aux difficultés qui les pressaient ils aient été 
dans plus d'une circonstance au moment de re- 
courir à la force et aux armes. Mais le décret du 
12 frimaire était devenu un acte solennel de 
politique gouvernementale envers des Français 
égarés , comme de TEurope dont la coalition al- 
lait se rompre , et les deux représentants Guezno 
et Guermeur, ainsi que leurs collègues en mis- 
sion h Kantes, ne cessèrent un instant de tra- 
vailler à raccomplissement , au moins instantané , 
de cette grande mesure, qui devait consolider la 
République ou témoigner de sa modération. 

Leurs efforts , cependant , n'eurent pas immé- 
diatement les résultats qu'on avait pu s'en pro- 
mettre , et s'il se trouva , comme nous l'avons dît, 
quelques femmes et des hommes timides qui s'em- 
pressèrent de profiter de l'amnistie , les rebelles 
en masse n'en conçurent que plus d'ardeur, en 
raison des craintes et de la détresse où ils se 
plurent à croire la République. L'émigration et 
le parti de la contre-révolution déployaient au 
reste en ce moment une activité inaccoutumée , et 
s^i Puisayc , dans ses dépêches , disait que « les 

moyens de dpuceur employés par les républi-^ 



tJL lÉTOLUnOH BK BBBTA61IV. 317 

eains ne servaient qa^h dévoiler leur frayeur et 

lenr faiblesse actaelle » Les simples chefs de 

bandes ajontaient : « Qu'ik n'avaient point perda 
la tête , et qu'ils voyaient bien que c'était pour 
les surprendre qu'on leur demandait leurs ar-^ 
mes. » (1) 

Un rapprochement sincère et de quelque va- 
leur était donc fort difficile. D'ailleurs , comment 
se mettre en rapport direct avec les rebelles? — 
Les représentants s^adressaient à eux par des actes 
publics et des proclamations ; mais cela ne suffi- 
sait point, et les chefs de chouans, persuadés 
qu'on les recherchait , se tenaient sur une réserve 
d'autant plus grande. Quelques administrateurs , 
amis de leur pays, et ausû qnelquefr-nns de ces 
hommes qui courent d'un camp à l'antre dès qu'ils 
espèrent faire valoir leurs services, se hasardé* 
rent cependant à des démarches fondées sur les 
actes d'amnistie. Ici c'est le Deist-de-Boti- 
doux , transfuge , qui siégea à la Constituante , 
qui dénonça les girondins en fuite dans nos dé* 
partements, qu'on vit depuis au comité central 
de l'armée catholique , et qui se glissa un instant 



(1) Voir aux pièces justificatives une lettre du chef de 
bande Le Lyon , n.® 5t. 



318 UVAB EUmkME. CHAF. Y. 

près de Hoche el de Bôursault. Autorisé par le 
général , il court assurer Boishardy , Labourdou- 
uaye et Lantivy , chefs des Côtes-du-IVord et du 
Morbihan , que leur tête sera sauve s'ils se ren- 
dent. Là , ce sont , comme Yiaud et Bancelin , 
des hommes purs et dévoués, Tun procureur- 
syndic du district de Chàteau-Neuf, Tautre prési- 
dent du district de Ségré, qui se mettent h courir 
lès campagnes pour s'aboucher avec les rebelles. 
Ou bien , comme dans les Cotes-du^Nord , ce 
sera un jeune militaire , Humbert , que la for- 
tune et sa bouillante brav<^ure ont rapidement 
porté des plus basses classes de 1^ séciété au comr 
.maadement : franc et délibéré , il jette là son sabre 
pour tendre la main à ceux qu il combat , et sans 
crainte , il va ^eul à Boishardy qui lui faisait télé 
avec ses colonnes. Mais on conçoit très-bien qu une 
poi^^ée de main ou uue accolade de pouvaieirà 
ainsi résoudre en un seul moment les profondes 
inimitiés que la guerre avait long-temps nourries 
dé larmes et de sang : il faillit donc négocier et 
parlementer. Les démarches de Humbert et de 
fiotidoux 9 dans le Morbihan et les G6tes*da*IVord, 
sont les premières, qui nous occuperont. 

Dès la fin de frimaire, c'est-à-dire, presque 
ausâlôt la proclamation de Facte d'amnistie , l'un 



tk RÉTOLirriaii bit mmctaoui. 319 

des représentants en mission dans l'Ouest , Boar- 
saolt , s'était mis en ronte pour les Côtes-da-Nord, 
à Teffet d'y moraliser les populations égarées de 
ces contrées. Ayant réuni le peuple , il s'était 
montré à lui dans la chaire de Montcontour , et 
il lui parlait de paix et de pardon , quand une 
lettre à son adresse, de la part des chefs de 
chouans , Boishardy , de Jouette et Solihac lui fol 
remise. 

« Noos avons reça la letlrc de Botidoux , disaient- 
ils à Boursaalt ; la menace qu'elle contient , les dan- 
gers quelle nous fait enTÎsager, ne nous ont point ef- 
frayés. Ce n est point lorsqu'on a fait la guerre de la 
Vendée, lorsque depuis deux ans on travaille avec cons- 
tance à rassembler les sujets de Louis ^YII au milieu 
de vos soldats, que la mort peut effrayer. Faites-nous 
envisager un gouvernement solide et fondé sur la justice, 
alors vous verrez ces prétendus brigands se déclarer en 
votre faveur, et vous faire un rempart impénétrable aux 
vrais factieux. — Mais quelle foi voulez-vous qu'on fasse 
sur vos promesses, lorsque, malgré votre amnistie, vous 
retenez dans vos prisons des nobles à qui Ton ne peut 
reprocher que leur poltronnerie qui les empêcha d'être 
d aucun parti ? de malheureuses femmes qui , depuis 
quatre ans , vivent dans fes transes et les alarmes ? 
des domestiques que vous rendez responsables de la 
conduite de leurs maîtres?^ — Voiis nous reproches des 
meurtres et des assassinats.... Mais lavez-vous auparavant 



320 IITU JTOlTlkMS. — CVAP. T. 

de toates les attrocités qai ont conlinuellement souillé 
Tos armes dans la Vendée On tous faisait des pri- 
sonniers; vous brûliez indistinctement les chaumières 
do paysan , et assassiniez les femmes et les enfants. Vous 
souvient-il de Tamnislie qui fut publiée devant Ancenis 
(par Prieur, de la Marne), après Taffaire du Mans ? — 

Quel fut le sort de ceux qui voulurent en profiter ? 

Vous nous avez accusés d*élre des assassins et des 
•dévastateurs; vous ignorez sans doute que vous nous 
devez la vie. Nous savions Tbeure à laquelle vous deviez 
passer sur le grand chemin , nous connaissions la force 
de votre escorte et nous avons retenu , nos gens, o 

Boursault répondit : — 

« Vous m*avez, dites-vous, sauvé la vie; je la comp- 
terais pour peu y si je devais être plus long-temps té- 
moin des crimes qui se commettent en votre nom , et 
que vous ordonnez. — Il est des maux inséparables 
d'une grande révolution ; mais , quand la victoire et la 
justice ont sanctionné les droits du peuple , lorsque ce 
peuple peut exercer librement sa générosité , lorsqu'il 
accorde une amnistie , méritez d en jouir et n*en doutez 
plus. Le crime d'un ou de plusieurs est-il celui d'une 
nation entière ? Le votre est-il celui de toute la ci-devant 
Bretagne ? Cessez donc , par votre conduite , d'attirer le 
fer et la flamme dans ces contrées. Ma parole est sacrée 
Gonmie mon caractère , et je ne crains pas de lui porter 
atteinte, quand j'agis au nom de l'humanité. Ainsi^ comme 
je passerai à Montcontour, demain, avec la même es- 
eorie , vous pourrez , en sûreté m'y venir trouver. — 
(Port-Brieuc , 28 frimaire an m.) a 



. LA BÉVOlVTIOlr BU BBSTAGIIB. 321 

Mais ces paroles étaient l<Hn de. toucher les 
révoltés, et c'est à ce moment même que Bois- 
hardy , à la tète des siens, dévastait Jngon et Plé- 
déliae, où les chouans bràlèrent les papiers et 
les actes publics des mairies, en même temps 
qu'ils piHaiént les effets de la république et ren- 
versaient les arbres de la liberté. — Le général 
Humbert, qui avait vu Boursanlt à son passage^ 
et qui connaissait sa réponse à Boishardy, ne 
tint cependant aucun compté du mauvais vouloir 
des rébelles , et , s'adressant de nouveau à Bois^ 
faardy, lui-même , il lui écrivit , le 4 nivdse*, pour 
loi parler de rechef du pardon de la Convention, 
en Im demiandant une entrevue , où il se rendrait- 
seul on avec un second. — Boishardy accorda 
l'entrevue, mais ne consentit à rien , et voulant, 
sans doute , constater son refus , il écrivit pres- 
que aussitôt à Humbert : — . 

« Que sa cause et celle des siens ëtail celle de la 
France entière, qu'ils né pouvaient accédera aucune 
des propositions que Humbert leur avait faites , et qu'ils 
attendraient, pour se décider, à avoir le gouvernement 
que de vrais Français avaient droit d'attendre. » (1) 



(1) De Paisaye , en parlant de ees poorparlers et do movremeiit 
iatnrrectiooael qoi Tenait de se manifester dans les Gôtes-dn-Nord , 

21. _ 4/ vot. 



322 uvAB ■fiiTikn. -<- c^iàjt. y. 

Cetfe répopse, qui âui Un eop^Moiquëe à 
BoorsapU) pi 4aVor4 6 Bc^Iet, qui était fesM ii 
jLpml>a|l<s 9 JUepM tr^viTMUeiit las feprëseottvls, 
et fit ^re h Boiirsaiflt que le j#ane général étiit 
topt 9u pln^ }}9a p<Hir coii(inii||ider upe eompeguie 
de grenadil^rs^maîs quil eut du ^ 4vwt èi^ prendre 
la plume , ne pas çoblipr qua U ipétîer de imir- 
chiudd de pePflem» qp il ay#H eMrçé , m U 
avait pat» eiiifiîgiië Tart d# rédiger dap uotaa di* 
p^maliqilfs* — I-a^ dëmarclie de Hliwbert loi 
49KIG taxée d'iacooaidératiou , et ^.peudaut AU oao- 
juept , les représentaula et fes chefa tombènaat 
d'accprd pour le U^mer da la l^ftèreté avec 

laquelle il av^it c4»uiprfNm la dignité répuUî- 
fi^W* — ^î> aveour sinfsèra de la pai¥ ea ewrie 
de fe justifier, oiu peut-^e aum le déair de 
mettre les raprésantant^ daus leur tort , Hi 



Hki dans Mt mémaires, a"^ Bmhudj ponrail «lors témât 15,000 
boounet, et qa*iai]itii«ot 4e yoir arrÎT^r les seepHn prfppîs par 
rAogleterre , il se dédda à agir en f ue de pro^ter ^^s embarras de 
la répubtique $ mais que le comité général de Tinsorrection ne crot 
pas deToir seconder ce plan. — Il ajoute , dans nn autre passage , 
que Cbantreca «t fidUiae , qoi ftirent porteurs de la lettre de Bois- 
hardj, ne virent dans les avances qui leur étaient faites , 
çuun moyen de gagner du temps et d accroître les forces 
dfis réalistes en rendant plus fmeHeA hure cmumunicaHêns 
entre eux* 



b«rt n'en ponreumt pas moins ses démarekes 
près de JSoîsbardy ; et ses manières acoeft^is et 
franehes lai ay^nt cooqnis ramifié de ce cbrf^ 
il ramena à des pourparlers , anxqnels Cor*- 
matin , major - général de Tarmée ealhpKqoe ^ 
prit Inentdt une part active en son nomet ea ce-» 
1m de Foisaye ,>dont il connaissait tons les projets. 
Ges eptrevnes , qnî s'étaient pinceurs foi» wépé^ 
tées sans le su , on da moins sans Tantorisation 
légale des représentants, amena cependant qnel^ 
qnes cnndnaions.Ctormatin se présenta avec des 
pouvoirs ratifiés par le Comité royaliste; -et, s'é-* 
tant rendu , ainn que Bmsàardy 9 près de Hmnbert, 
il fut eonvempi eartre Hnmbert et ^oishardy^ av«é 
Fimtorisation du Comité royaKstei qn'il y aurait, 
à dater dn 3 jsiHvif r 17i3 (1 4 nivôse mi III), une 
sûspenmn d'armes qui diirerak jusqu'à ce que 
des ordres parlici^ers et dénoncés huit jours 
d'avance en proclamassani la suspenâon« L'acte 
qm ratifiait le6 pouvoirs de Comatin et la su»pen^ 
«ion d'armes an nom dn Comité royaliste ^ portait : 
Que dès ordres senfient d&nnés imméAdêe^ 
inent àt&^êles chefê de ^kneion eê de ca^, 
ton pçur ^^ les heetilkéê ceeemfsemid f^e^ 
tan%$ que les armes ne peffirraieM éi^re 
reprises qtitMprés une êinofHdu^on récipro^ 



324 LITBV 11)1X11011. — CIAP. T. 

que de la ceseaiion de F armistice, faite huit 
jaure à F avance, que les républicains de-- 
vràient prévenir les chefs des cantonnements 
royalistes de toutes les réquisitions de grains 
qu'ils pourraient faire dans les campagnes, 
et quils devaient éviter d y jeter le trouble. 
— Cette conventioD était signée du baron de Cor- 
iftalin, major-général de Tarnaée catholique et 
royale 9 dea chevaliers de Chant reau et de Bois- 
hardy, chefs de division de la même armée , de 
Sdlihac^ aide-major, et de Duval, secrétaire du 
Comité. 

Mais ce n'était là qu'un acte isolé et sans valeur, 
tant que son applicarîon ne serait pas étendue à 
Ténsemble des pays insurgés; Cormatin , d'ailleurs, 
avait des vues qu'il devait remplir, et le 8 ou lé 
9 janvier il se rendit » accompagné de Humbert , 
près du représentant Bollet , qui- se trouvait en ce 
moment à LambdAe. Le major-général de l'armée 
catholique lui remit , en outre de la convention 
dont, nous venons de parler, un nouvel ar- 
rêté du comité royaliste , qui étendait à tous les 
pays insurgés la suspension d'armes précitée et 
un pouvoir spécial du comte de Poisaye qui lui 
enjoignait , dans le but de ramener le pays à 
une paix long-temps désirée^ de se rendre, au- 



LA ElîrOIIJTIOK BN BltTAGBB. 325 

prés des généraux Cànclaux , Danican ei 
Hoche y en se conformant aux dispositions 
dans lesquelles se irouverai^ni la Vendée 
ei les autres divisions de la Bretagne. Et 
cette dernière pièce relatant la signature de Pui- 
saye , d'après la lettre même de BoUet , dont nous 
possédons nne copie certifiée par ses collègues 
Brue et Guezno, portait la date du 6 janvier 
1795...*. Mais alors Puisaye était à Londres , ainsi 
que nous en aurons bientôt la preuve ; comment 
donc cette signature se frouvait*ellq au bas d'un 
acte du 6 janvier : tes faits nous Tappi^ndront 
plus tard. 

Quoi qu'il en soit , BoUet , ayant accepté la pa* 
rôle de Gormatin et ses témoignages de paix , un 
ordre de passe lui fut donné , ainsi qu'à Humbert , 
pour qu'ils parcourussent de concert les districts 
insurgés dans le but de ramener au sein de la 
république les Français qui s'en étaient séparés. 
Une instruction particulière fut remise à Humbert 
par le représentant , et il lui fut surtout recom- 
mandé de ne concourir à aucun acte qui 
neût pour résultat le maintien du gouver- 
nement républicain , sommité et son indivi- 
sibilité; de ne jamais quitter Cormatin ; de 

tenir note de toutes Içs cgnférencçs quil au-» 



326 IIYEC HOITIÈIIB. OilK F. 

rait avec ses partisans , ou les généraux 
répubUcainsy ei et en rendre confie tous les 
cinq jours aux représentants réunis d 
RenneSm 

A peine cqpeâda0t ces dispositions pea co0« 
clraaotes , tant qu'elles n étaient pcânt soleimdie-. 
ment ratifiées par lés représentants réanié , ans- 
sent-eltes été prises, que Botidoux^qui parcourût 
lé Morbîkaa avec des pouvoirs émanés du géné- 
ral en chef 9 écrii^ait de Loudéac à Brue, en mission:^ 
à Yannes, que la suspension d'amies conv^iue 
enire Hnmbert et Boi^ardy avait renversé toutes, 
les espéraocee de pacification qu il avait . formées. 

- r Sd vain ai-je parcouru les caifipagnes où j'a- 
vais lé plus de conaaissances; en vain ai^je invité 
à des conférences les prêtres qui me les avaient fait 
demander ; en vain ai-je parlé à des parents de 
déserteurs : je n'ai trouvé partout qu^me méfiance cal- 
culée ou plutôt une espèce d'arrogance. On leur a fait 
conclure, de cette espèce de suspension, qiie nos succès 
sur la frontière étaient imaginaires ; que les forces de 
la Hépeblique disponibles contre eux étaient nulles ; que 
si leurs premières propositions étaient accueillies avec 
tant d'empressement i ce devait être pour eux un motif à 
de plus fortes demandes, et qu'enfin la condescendance 
que l'on témoignait à Boisbardy et compagnie était une 
preuve matérielle de leurs forées , qui , d ailleurs , se* 

rfiiept iqçosifimment jointes par cqU()s ^u allait fournir 



VAai^cteFre..... Si j*dA joge d'après les étéiieiiieiits, voîci 
quel a été 1& calcul de Boishardj, en dëféraal aux propo- 
silioDs de Humbert. - — D'abord, sestMdit, U fait seul- 
d^ traiter avec un général d^ égal à égal me donnera une 
consistance dont il me sera facile de. tirer partie. Je ré- 
pandrai que cest la connaissance qu'il twait de mes for- 
ces qui ta forcé de me rechercher. Cependant , le temps 
donné pour profiter de t amnistie s'écoulera (ce délai ex- 
pirait au i.*' pluviôse); plus de grâce pour votss, dirai- 
je à ma bande que j'aurai eu soin d'entretenir et de faire 
entretenir de mes efforts pour leur obtenir des comUtûfns. 
favorables; plus de grâce, dirai-j'e aux réfractaires ; 
et durant les délais convenus ^ je nen fereU pas moins 
désarmer les Paroisses , j'en intimiderai les municipa- 
lités i et mettant de plus en plus la bonhomie d^ Humbert 
àprofit,f enverrai avec lui, vers Hfantes, un soi-disant 
plénipotentiaire, sous le prétexte d assister aux confé" 
rences avec Charette, et je trouverai dans cette démar- 
che, d apparente bonne volonté, le moyeu de lier avec 
la F'endée une correspondance que je ny ai jamais eue , 
quoique j'aie toujours prétendu t avoir, a 

Botidoux , comme nous Tavons dit , avait ëié 
un instant le secrétaire intime du Comité roya- 
liste. 

€ormatin et Humbert sont cependant saisis de 
leur ordre de passe, et après être restés quel- 
que temps sur les limites des Côtes-du^Nord et 

du AI orbîhan ^ ils ^ «ont ren^w h Kçnrip^ y oii 



328 XITU HOITltaB. CHAF. T. 

le major-gëoëral de Tannëe catholique s^est suc^ 
cessivement présenté aa général en chef et aux: 
représentants. Doué d'une rare habileté pour lln- 
trigue et les négociations , le baron de Gonnatin 
ne laissa point , dans une longue entrevue qu il 
eut avec Hoche, de se faire bien venir de ce 
général. 

« Voici, en substance, notre conversation, dit le gé- 
néral an comité do salut public ; elle a duré cinq heures. 
— Lorsque les compliments que Cormatin crut devoir 
me faire , furent débités , cet homme m'exhiba ses pou- 
voirs, signés de tous les chefs delà prétendue armée.... 
Après avoir fait le tableau le plus étendu des ressources 
qu oflraient le pays , ses habitants et le fanatisme , cet 
envoyé m'assura^ /es /armes aux yeux j que les propo- 
sitions de ses chefs et les siennes étaient sincères , et 
qu'il ne tiendrait qu au gouvernement de rendre à la 
patrie des hommes que les préjugés avaient égarés. De- 
puis dix jours, m a-t-il dit, les ordres de faire cesser les 
assassinats sont donnés , et a6n qu'il n'arrive aucun mal- 
heur, je vais les renouveler en passant dans les diffé- 
rents départements que je vais parcourir avec lofficicr 
qui ma été accordé. Il assistera à toutes nos conférences et 
vous rendra conapte de la manière loyale dont nous agis- 
sons. Nous voulons la paii à tout prix — Mais , lui dis- 

jc, dans le cas où Charetlene se rendrait pas, les scènes 
d'horreur dont je suis témoin depuis quatre mois , recom- 
menceraient donc , et nous verrions encore des Français 
^Vpire-déchirer?— Nop, dit Cormatin vivement aflecié, 



tk lliVOlVTIOIf BB BlBTAGn. 329 

mais Charetle noas a serris , nous devons natureliement 
lui faire part de nos démarches ; nous le devons pour 
lui , pour nous et pour la France. S*îl ne se rend pas , 
nous renonçons à toute espèce de correspondance et de 
liaison avec lui 

» De cet article nous passâmes à celui du gouyerne*^ 
ment ; d'abord ,Gormatin me manisfesta quelques craintes 
sur son instabilité, sur le retour de la terreur ^ etc^etc. 
— Ma réponse fut à peu près le récit de mes aventures , 
ajoutant que si je n eusse connu la probité des auteurs 
du 9 thermidor , je me serais tenu à Técart , et qu au 
surplus le moyen de rendre au gouvernement sa dignité 
n*était pas de lui faire la guerre. — Vint le tour des 
puissances étrangères et des émigrés. Je n eus pas de 
peine à convaincre le major-général que les Vendéens, 
les chouans et les émigrés avaient été joués par la coa- 
lition et particulièrement par TAngleterre. Il mavoua 
qu étant Français y il se i-éjouissait de nos victoires au 
Nord, aux Pyrénées et sur le Bhin; qu'il savait que son 
parti n'avait aucun secours à attendre; que ce parti s'é- 
tait formé par lopinion et le désespoir. 

» La cause des émigrés a été plaidée avec chaleur 
par Gormatin; il semblait «désirer que lamnistie s*étendtt 
jusqu'à eux. Il les peignit comme des êtres malheureux 
et faibles , comme des Français à charge à TEurope et 
en butte k tontes les vexations et humiliations possibles. 
Cependant, lorsque je lui rappelai la lâcheté de ceux qu'il 
appelait /es princes; la conduite tout à la fois orgueil- 
leuse et basse des antres émigrés; que d'ailleurs le 
peuple qui pardonnait, n'entendait pas transiger, il m*a 



330 UTU ninÈMB. — cv4r. r. 

donné sa parole d'honneor qa*îl n'en parlerait pas à 
Charette. 

i> :. Hier soir noas allâmes ensemble chez les rc- 

présentants. Sans doute ils connatlront au retour de Cor* 
matin les iotentions du gouvernement et la marche à 
snÎTre. J attendrai ses ordres particuliers» s*il en a à me 
donner — Rennes y ce 23 nilrôse an III. n 

La cession réelle et uon fictive des hostilités 
était donc dans la pensée de Hoche et des re- 
présentants , la première condition h un rappro- 
chenaent sincère ; et rengagement pris par Cor- 
matin de mettre fin aiiic innombrables assassinats 
qui se commettaient dans la Mayenne et les dis- 
tricts de Châtean-lVeuf et de Ségré , devenait dès 
lors la première base d^un arrangement ultérieur; 
aussi les ordres de Hoche sont-ib précis. 

c( Je n'ai point conclu do trêve avec les brigands, 
ëcrit*il à Brue , sous la date du 25 nivôse , c^est-à-dire 
deux jours après lentrevue avec Cormalin ; mais , sur 
lassurance que m'a donnée un de leurs chefs que les 
assassinats allaient cesser, j'ai mis à Tordre qu'en at- 
tendant texptralwn de tamnisHe, il ne serait fait au- 
cune fooiHe extraordinaire. Le tout consiste dans la va- 
leur des mots : de très-bons militaires ont pris amnistée 
ftonr armisitce; l'nn est un pardon, l'autre une suspension 
d armes, et il n'en est pas question, Jai ordonné qu on 
ne fasse aucun service extraordinaire, mais que le ser* 

\m hfibHw\ » h» garde» 4^ ofiiiiofiiif m^^i 01 ip» pa« 



lA BÉYOXUTIOir Sir BBBTA65S. 331 

trouilles j soient continués , ce qui n*enipôcfae pas d'ar- 
rêter les chouans armés. » 

Ce ne sont donc encore que des espérances , 
et il est pénible dajouter que les tentatives de 
pacificalion faites sur plusieurs autres points par 
des citoyens dévoués , n'aboutissaient à rien. Ici , 
comme à Ségré , c'est en vain que Bancelin • pré- 
sident do district , s'est mis en rapport avec les 
chevaliers de Turpin et de Dieusie, chefs des 
cantonnements royalistes de cette région, vaine- 
ment cet administrateur 9 en recevant une pre- 
mière lettre de Turpin , s'est*il empressé de lui 
répondre; que le peuple et la Convention désirent 
sincèrement la paix ; qu'on traite chaque jour avec 
1^ plus grands égards les rebelles qui se sont 
sonmîs en vertu des actes de l'amnistie ; en vain 
ce méoM «dmimstrateur lui cite-t-il des ^-âtres et 
des iaflnrgés pris les armes à la main , et auxquels 
on a renda la liberté pour toute punition. Le 
dievalier de Turpin , en protestant dans plusieurs 
lettres fort lo ngues de son amour pour la paix , 
ne cesse , après en être venu à une suspenrâon 
d'arme&9 d'ajourner incessamment et sous les plus 
fatiles prétextes, les entrevues que ne cessaient 
de loi demander Bancelin et Tadminislralion du 

^tricttmf Eoiiit (o VBim^ cb lu trèf^ altuît 



332 LITBB HVlTliUlE. — CVAP. V. 

expirer, qaand d'horribles assassinats, des mu- 
filalions barbares exercées sur les patriotes, sur 
les domestiques et les fermiers des administra- 
teurs, provoquèrent de la part de ceux-ci une 
juste indignation qui fut transmise à Turpin, dans 

des termes sévères, mais mesurés Dans le 

premier moment , Turpin ne parle que de ses 
armes , des forces de son parti , de la résolution 
on il est , lui et ses compagnons , de résister aux 
républicains , qui ^ suivant lui, affament les cam- 
pagnes et veulent ruiner le pays par la continua- 
tion de leurs réquisitions ; et , dénonçant la fin 
de l'armistice ^ il joint h famertume et aux me- 
naces le sauf- conduit qui lui avait été accorde 
dans l'intérêt de la pacification ; mais, après quel- 
ques nouvelles récriminations de part et d'antre , 
le chef de chouans demande une nouvelle pro- 
longation de trêve , et , répondant le 24 pluviôse 
aux justes plaintes de Bancelin et de ses col- 
lègueS) il dit : « Qu'i/ est désolé des reproches 
fondés , que les administraieurs ont à faire 
à son parti; mais que ^ sur r honneur. Un y 
est pour rien , et qu'il envoie des émissaires 
sur tous les points pour faire respecter con- 
venablement la trêve..... Bancelin, que ces 
longueurs irritent et que son cœur pousse irré- 
sUtibhment vers la paix , ne prenant dès lors 



LÀ BiYOJLtJTIOn EU BBBTAGAB. 333 

conseil qoe de sa gënéroàté , relient près de lai 
le messager que Turpin lui a adresse , il s^en fait 
accompagner^ et part à huit heures du soir, par 
une nuit profonde, pour aller trouver, sans ar- 
mes , le chef avec lequel il n'a pu s entendre 
jusqn^à ce moment. Il le rejoint à onte heàres 
du. soir, et se présente inopinément à loi. Turpin 
était au lit , il reste étonné de voir «^ celte heure 
le président du district. Mais les membres de 
Bancelin étaient roidis par le froid et la pluie , 
le chef de chouans saute de son lit , Fofire au 
républicain et le force à s'y réchauffer pendant 
qu'il allume du feu avec quelques-uns des siens , 
pour sécher les vêtements de radministrateur. 
Douce et touchante rencontre de deux hommes 
appartenant à des partis^ qui depuk deux ans 
né s'étaient aperçus que les armes h la main. 
lé* entretien est douoc et familier^ nous ap- 
prend Baneeliu ; et, après avoir passé le reste 
de la nuit à conférer sur les moyens d'un rap-; 
prodbement possible , des ordres sont donnés 
à tous les chefs de rebelles de respecter la trêve. 
Deux brigands nommés Jallot^ ayant été con- 
vaincus , sur les entrefaites , de pillage récent , 
sont immédiatement fusillés par l'ordre de Tur- 
pin...«. — Il est en même temps arrêté, ajoute 
, à qui nous empruntons ces détails, que 



S34 JLIVJIB iroiTiiofs. — chap. v. 

1m Af& Tpfpin, Dieiuie ei quelques attires se pea- 
dreni dans lès districts d'Angers et d' Ancenis, pour 
vecueUfir Tasseulîment de leurs camarades aux 
conditions qui seraient souscrites à Nantes par 
Charette et les chefs de la Vendée ; que ce vœu 
serait porté à Qiarelie^ le S7 pluviâse, et que le 28, 
Tm*|ân et Diens^ se reudraÎNil à Angers auprès 
des Représentants ; eiafin, qu'à leur retour, Tuifpin 
et BaiMelin parcourraient ensemble les districts 
enrironnants , dansTinlérêt de la pacification..... 
Mais j JMUveau désappointemeal : le S8 , Turpin 
signiiie au président de Ségré , que lui et ses (ui- 
marades ne pouvaient ce rendre à An^^rs , sous 
prétexte que les pouv^iirs de Boacelin n'e:spri- 

Aiaîent pas cju'il fut aut<Mrisé des Bepréaentants. 

« Monsieur , lui répondit Bimedlin , dfijiiuis uqtre 
en^r^vue vos gj&ns ont i^goi;çé deu Tieiltards à Lou- 
yaines , brûlé le honrg Ae Brain , insulté , et outragé des 
femmes de ThôteUerie , pillé le bourg d'Avrillé ei attaqué 
le poste des Auges. Vous lÎTrerez les scélérats qui ont 
commis ces horreurs, sinon je vous déclare que la trêve 
convenue , observée religieusement par nos troupes e| 
indigiiement vîoi^ par les vôtres , expk^a le 30 plu- 

viâae. 

« — Je r0Ç4)is , Moasifiur, reRrH le chevalier de 
Turpin» la loutre que vous voulez bien m'écrire. Vous 
m'annoncez une rupture de trêve pour demain , 30 plu- 
viôse; Vous en êtes absolument les maîtres : nos armes 
sont chargées • 



lA ftCrOLVTIOH Ul VÊMTàieSM. 335 

Et c'est là qo'abootisMiieiit presque sor tons 
les points les ooveriures faites aux rebelles. Qnant 
aux démarches de Cormalin, qui avait traverse 
la Mayenne et les dépari emenls voisins pour se 
rendre aux conférences de Nantes , elles obte- 
naient si peu de résultais , que sur Tun des points 
quil a parcourus, à Chateauneuf , un rebelle, un 
prêtre , saisi les armes à la main , ose dire dans 
le cabinet du Procureur - Syndic . et en pré- 
sence des Administrateurs et des Chefs militaires 
qui lui parlent d'amnistie , que /es chouans ne 
se rendrons pas , qui/s savent bUn qtiUs 
«^nt les plus faibles , mais quils préféreni 
bM. mon à la république^ qu'ils ne peuvent 
reconnaiire sans péché mortel. — Vainement 
les Administrateurs de Châteauneuf lui parlent- 
ik 4'lmmmlé 4A «de piélé càrélietfne..... — NJous 
nbe nmês en^ndrousjatpms^ répond le piétee 
jPéwidauw ; ce jque vmus regardez cmuMoe 
-^mme , nerns le reqardoMs eammuf verm ; ce 
qm ^Wi^ appelez ^^ertu est erisnepmir mous. 
Etiime «oete d'dlocotioa Iraoyée «yr lui à Taénflie 
^ l'aBi|itfe calbofiqua ^ i-of aie , loà ayai^ Aéra- 
pcésmtfe y il «^poad «quil la ^éAgée pour T-ase 
dm filtw 4® Téglifle. 

« Vous devez faire la goerre , d^tt giix siens , c'est 
une obl^ation pour vous. La religion de vos pères qu'on 



336 LI¥EB HVlTlkMB. — CHÀP. T. 

a abolie , demande qoe vous la yengiez. Votre qualité de 
sujet des rois de. France , exige que tous releviez le 
trône abattu; vos pères, vos mères y vos frères et vos 
sœurs détenus, dans les prisons demandent, par leurs 

larmes et leurs cris , que vous les délivriez La 

guerre est donc de tonte nécessité 

Et ajoutant que chaque corps de r«ibëHes devait 
avoir son aumônier , il disait : 

€ Vous avez ôté la vie à ces citoyens > sans leur 

procurer un confesseur ; vous 1 avez fait m*ayant avec 
vous et sans m en .prévenir; cest un crime énorme, et 
Dieu jugera ceux qui en sont les auteurs. — Me direz- 
vous que c'est parce que je demande grâce. Non; car 
cela ne doit pas vous empêcher de faire mourir ceun 
qoe le roi aurait fait mourir ; vous êtes mdme obligés 

d'OTBR LA VIB A CEUX QVl HÀBITBUT LA MOBT : C OSt à 

vous à ne pas confondre l'innocent avec le coupable. » 

Et c'étaient là les doctrines qui se prèchaienC 
dans l'un des camps et par un prêtre , quand dans 
l'autre on ne parlait que de paix et de réconci- 
liation !é««. Mais laissons les événements se classer 
et se produire eux-mêmes; car on pourrsât 
croire que noas voulons défendre une cause 
plulêt que l'antre, et nous n'avons cependant 
cessé d'être narrateur , tout en nmis servant des 
pièces nombreuses où le secret des partis était 
resté enfoui jusqu'à ce moment. 



LA KÉVOLUTIOir BN BBBTÂGIIB. 337 



CHAPITRE Vï. 



MSinON ■BSPfeGTITB 9M9 P1BTI8. — MAVCBOVlBt BT BXCAS DB U 

CaOVAKlIBBtB. — .ABlBBTATIOn BB L*i3fl«»i PRIOBST, »BS MÉYÈ" 

LATIOnS ; LBTTBBB SBCBAtBS DB POItATB BT DU CABINBT 

ARfiLAIS AUX IRSUieliS. — PR0JBT8 BB SUBOB- 

« ATIOH A L^ifrABB BB CAUCLAUX , ft^NÉBAL 

BU CBBF BB I.*ABlliB BB ].*OVB8T. 



QvLen sera-t-il donc de cette paix tant dësirëe; 
qu'en sera-t41 des prëliminaires entamés et dont 
le cours ne parait arrêter aucun excès? — Les 
rapports journaliers et répètes que se faisaient 
fournir les représentants sur la situation du pays; 
les pièces saisies et les révélations faites par des 
rebelles eux-mêmes vont nous le dire; car 9 ainsi 
que nous Favons laissé pressentir 9 il y a des rôles 
pris à Tavance dans cette sanglante jonglerie , et 

22. — 4/ VOL. 



338 UTBB HUITIÈHB. — CHAP. YI. 

» ♦ » 

le baiser de paix ne sera qu^an mensonge. Par- 
don upe fois de plus au parti et à ceux que 
nos paroles pourront blesser ; mais la vérité au- 
jourd'hui importe à tous, aux vaincus comme 
aux vainqueurs , et j'ai pris , j ai accepté la mis- 
sion de ne pas la déguiser. 

Soit donc et d'abord le pays même où la sus- 
pension d'armes s'est réalisée, Saint -Bj(ieuc et 
ses environs. Voici ce que les administrateurs de 
ce département attestent dans un rapport com- 
mun sous la date du S3 nivôse , c'est-à-dire du jour 
même ou Gormatin , rendu à Rennes , demandait 
une entrevue à Hoche , après avoir visité les can- 
tonnements insurgés des Gêtes-du-Nord. 

f< Dans la nuit du 16 an 1 7 (la trêve aTait été con- 
Tenue le 14) les brigands se sont portés en grand nombre 
dans la commune de Cohiniac. Ils y ont abattu Tarbre 
de 1^ liberté, eaLevé les anodes de plusieurs câtoyens et 
V0I4 7 à 8|000 livres , tant en numéraire wen assignats. 
— Dançjanuit du 18 au 19, ils se sont portés dans la 
commune de Lanfains , ont enlevé des armes et brûlé les 
registres et les papiers de la municipalité. — Dans la nuit 
du 19 au 20 , une troupe de ces mêmes hommes dont on 
ignore le nombre, a fait des désarmemenls et dés vob 
dans la eomottune de Tjçégiieia; el, d^iis )a mémf. nuit, 
une. autre de iSÇ hppopes s est diri|;ée sur la commune 
de Bocoho , où elle a abattu Tarbre de la liberté, brûlé les 



JsX MvOLUTIOir BU BlBTAfilOB. ^^9 

papiers de la maniçîpalUé et cnleTfS treple et giieUm^s 
fusils. » 

WeiSk le détail de ce qui se paênait jooMieller- 
ment ; mais éeoutons les aflBciers mnnicipaax 4e 
la commnne de Lantic raconter les excès d^une 
bande de treize chouans qui se présentèrent dans 
leqr commune le 22 nivôse, se disaiU républi-^ 
coins et chargés d'inspecter la commope. Ckun- 
mençant leur apërati<m par enfever à Pua dos 
offiders mnnieipaiix le fcnl dont il est armé , ils 
visent ensuite les registres; et, désignant nomina- 
tivement le juge-de-paix et trois oflSciers muni- 
cipaux pour les accompagner , ils les somment de 
sortir avec eux et de leur montrer la route pour 
se rendre à Plourhan...... Mais, à peine ces bri- 

gandis se sont-ils assurés de leur route en atteignant 
le pont Sillard , qu'ils massacrent leurs guides et 
les tuent à coups de' crosses de fusil. (1) 

— « Partout où ils passent, depuis la cession 4'amies 



(!) Une compagnie de ees chouans, s*intitii!ant royal 
Ç0ru0jii£ij çgnpnMind^e p^r uo ^ommé, liaB^ch^, juicien 
4o^alii^y exerça 4ai[is çé^ |Maee«.lea «eîmea Ifs j^us 
air^es. L'iadj^ttoat géoifral Méoafe, doni le mmm ae 
T4i.iafik§ de (a wuiiire M plus briUanle à la jauméedB 
QpU^iraa t ccrDtlibiia à disposer ces oûsérabl^N* 



340 LiriK HcinfcMK. — ceàp. ti. 

conyenac , ajoute Barbedienne \ agent national du dis- 
trict de Port-Brîeuc » ils n ont cessé de commettre des 
vols y des pillages , des assassinats; ils sont venus à beat 
.de désorganiser les juslices-de-paix et les municifiaUté»; 
jls ont interrompu la circulation des subsistances et fait 
des enrôlements très-nombreux (jusqu*aux yieillards de 
60 ans); ils parcourent les communes en plein jour par 
détachements de 12 à 20 hommes, oppriment les patriotes, 
qui sont obligés de se cacher on de se réfugier dans les 

'Tilles. Personne n*ose déployer la moindre énergie 

Un découragement universel se manifeste» et , depuis un 
.mois f Tesprit public a perdu de la manière la plus alar- 
mante, parce que les chouans ont gagné de la manière 
la plus inconceyable. » 

Il n'est pas un des districts ^ une. des communes 
de ce même département f qui n'aient de pareilles 
.plaintes à porter, de pareilles alarmes à mani- 
fester. L'un dit : gue les cultivateurs effrayés 
s enrôlent de toute part ; lautre : gue Fanar^ 
chie la plus complète a tout désorganisé ^ 
que F esprit public se perd sans retour , et 
que , si F on tarde à agir ^ le pays est entiè- 
rement perdu pour la Hépublique. 

«r Déji quatre districts sont au pouvoir dés chouans^ 
dit lagent national de Ouingamp; et, sous le prétexte de 
Tanmistie et d une prétendue suspension d*armes , Bois- 
hardy, se disant chef de division , senriile y dicter des 
lois.... Dé)à^ et au mépris des traités, ils assassinent les 



LA. BiVOiDTlOiSr EN BASTACKB* 341 

jtiges-de-paîx et les officiers manieipaux; ils menacent^ 
hautement les acquéreurs de domaines nationaux ; ilf| 
répandent la terreur et désignent les victimes qu'ils se 
proposent d'immoler. Le fanatisme et i argent sont les 
armes dont ils se servent pour soulever tes campagnes ; 
et, dans ce moment où les dem^ées sont portées à un .priX; 
excessif par le discrédit des assignats » il esl à craindre 
qu'ils ne fassent des prosélytes ; ,ils offrent 300 livres en 
numéraire pour chaque enrôlement » 

4 

Poussant l'impudence au-delà de toute mesure, 
ils vont jusqu'à jeter dans la cour de ces mêmes 
administrateurs une lettre dont Tobjet est dan- 
noncer que quelques-uns des leurs passent à 
Jersey pour s'y concerter avec les chefs de Tëmi- 
gration; quils seront de i*etour dans quatre à 
cinq jours, et qu'ils prennent , s^n d'exécuter 
leur dessein, la patache des douanes qui est 
mouîllëe sous la tour de Gesson ; et, osant rap- 
peler l'atroce assassinat des trois adniinistrateurs 
de la commune de Lantic , ils menacent les 
membres du département d'un pareil traitement , 
si , pour leur retour • ces administrateurs n'ont 
relâché les prisonniers qu'ils disent détenus en 
contravention de la trêve. 

Mais recueillons les renseignetnents qui nous 
sont fournis sur un autre point du théâtre de 
la guerre par le rapport décadaire d'un district 



342 ifVM HUlTlitHE. — CltÀP. VI. 

OÙ le chevalier Tarpin de Crissé et le citoyen 
Bancelin sont également convenus d'une suspen- 
sion d^armes. 

« Vendaot cette décade (2.< dé pliitiôi»e) il n*a pas 
été répanda nile ç^ottê dé sang dans ïé district de Se- 
Çré; inais tout nous annonce , tout nous donne à prc- 
flumet qiie le feu coavc sous la cendre.... Une partie 
des chefs de rebelles préférerait là paix h la guerre ; 
mais elle est dominée par lautre ^ui veiit la continua- 
tion dfss troubles lis ont mis tout en nsage pour sou- 

meltris par la terreur les habitants des campagnes qui 
jâsqu'ici les ont soufferts sans. les aimer. Ceux des bri- 
gands de la Vcncléc qui ne veulent pas de lamnistie, 
et pour qui leur horrible méfier est lin besoin , ont tra- 
versé la Loire en grand nombre et se sont répandus 
dads noire district «t dans celui d'Anceais. Ils Ont 
brûlé Téglise de Loire; insulté les chasseurs qui se 
rendaient de Candé à Ségré , démonté ou fait démon- 
ter les charrettes qui restaient dans les campagnes , 
de sorte que les approvisionnements pour les habitants 
et poiir la troupe sont impossibles. — Les rebelles par- 
courent toutes les communes, et ont fait payer entre 
létnrs mahis les fermiers d*émigrés et d*acquéreurs de 

domaines nationaux Les pajsans sont comprimés 

par la terreur , et refusent d obéir ft toutes les réquisi- 
tions.... La force armé^ elle-même n a pu faire mar- 
cher les métaycrsy qui disent formellement qu'il vaut mieux 
les tuer sur plaee , paroe qu a leur retour ils n*échap« 

pt^raient pas h h vindicte âps brigao^siMM €^u;i-«i uni 



L4 Ktiroiunojr en brbtagnb. 343 

écrit à plnsiears réfugiés patriotes, qa'iis poavaieDt 
rentrer dans lenrs fojers , à condition qa'ii remefCraient 
leurs arracs et leurs munition^. Hoos aTons ocs écrits 
en njain , et des brigands qui ont fait leur sotunission 
depuis lamnistie sont retournés avec eux. Le projet 
des chouans est de faire marcher tous les garçons ca- 
pables de porter les armes. Ils font croire aux paysans 
que la seconde réquisition est décrétée ; et ils s'en ser- 
vent comme de la première. Ils enlèyenl les blés dans 
les greniers des patriotes.... Ils ont pillé et yolé la 
maison du citoyen Toisonnier, et ont tondu les femmes 
Aubert, Pictrot et Joiffard , après avoir pillé également 
leurs habitations... L esprit public est totalement éteint.... 
Les postes de Vernet de Candé viennent d'être attaqués 
aux cris accoutumés de vwe le Roù,.. Les ordonnances 
qui nous en ont apporté la nouvelle , ont été poursuivies 
entre Loire et Ségré. » 

Et cet état de choses n'est pas moins alarmant , 
moins affreux dans les autres districts de celte 
région : à Sablé et à Chateau-IVeuf , où le prêtre 
Beaud<Hiîii a dit qu'il y aurait péché mortel à se 
soumettre , Tincendie , le pillage , les viols , 
les massacres ^ ont leurs cours, et le général 
Varin , qui a son quartier général à Châteaugon- 
tier, prévient le comité de salut public, sous 
la date du 28 nivôse, que les insurgés se sont 
considërablemeut renforcée d'une foule d'AUe^ 

mand$f 4^ ^^«ertçun 9t d9 ré<{uwtÎ9niiaîre$ f|iii 



344 LIVJIB HUITilCHB. — CHAP. TI. 

sont venus les joindre* Peu de jours auparavant , 
il annonçait qae , malgré le^ négociations doni 
a entendait parler ^ neuf patriotes avaient été 
égorgés dans une seule nuit dans la commune 
de Chemazé , et que deux à trois cents chouans 
avaient fondu à Timprovisle sur les communes de 
Gheffes , Tiercé , Etriché , Berné , Epineuil et 
Symphorien , où les mêmes atrocités avaient été 
commises, (i) 

(1) « Notre position devient chaque jour plus criti* 
que , écrivait en même temps l'agent national du dis- 
trict de Château«]Veui aux représentants. L'espace entre 
la Mayenne el la Sarthe était infecté de Brigands , mais 
au moins étions-nous sans inquiétude sur la contrée qui 
est entre la Sarthe et le Loir. — Aujourd'hui cette par- 
tie se trouve également en proie aux horreurs des canni- 
bales. » — A trois ou quatre jours de là , en effet , 
suivant autre lettre du 29 nivôse, une colonne de 300 
républicains était attaquée dans ces mêmes cantons par 
7 à 800 rebelles. Elle compta onze blessés et sept morts. 
— Les lignes suivantes du représentant Bo à l*un de 
ses collègues, complètent ce tableau: m — La rive droite 
de la Loire est le théâtre journalier de quelque assassi- 
nat. Les routes, les villages ne sont plus sûrs, et les 
maisons sont abandonnées; les patriotes se retirent 
chaque soir dans les taillis ou les blés, et ceux qui sont 
près des chaloupés , qui stationnenl sur le fleuve 4 vont 
porcher à bord, d 



LA BlifOltJTlOIl BN BâBTAGBiE. 345 

Le représentant Le Got, en mission dans la 
Basse-lNormandie , annonce, sous la date du 26 
nivôse, que presque toutes les nuits quel- 
ques officiers municipauac sont assassinés ; 
et les administrateurs du département de la 
Mayenne , s' étendant sur les mêmes excès , 
disent , sous la date du 27, que : les juges- 
de^paix^ les officiers tnunicipauac et les fonc- 
tionnaires des communes rurales à une lieue 
de Laval ne peuvent coucher deux nuits 
de suite dans leur lit sans courir les ris- 
ques dêtre égorgés. Sans force près de leurs 
administrés, ils n'osent même plus leur donner 
connaissance des actes publies du gouvernement , 
et laudace des rebelles est portée si loin, que 
toutes les campagnes sont désarmées , les 
patriotes impunément égorgés, leurs meubles et 
leurs propriétés livrées aux flammes. 

Interrogeons actuellement les administrateurs 
du Morbihan et le représentant Brue, qui na 
point quitté ce département depuis deux mois. 

M Ne voyons-nous pas en effet, dit Brae, en s*adres- 
sant à ses collègues Giiezno et Ouernieur, sous la date 
du 4 pluviôse , que la générosité nationale , que Tarn- 
nistie et les actes de douceur et do clémence n ont fait 
qu augni^eQter r^u49ce d^s rebelles , leur donner le temps 



316 LIVBB ItUlTifcME. — CBAP. ▼!. 

de s organiser, de se fortifier.... Les malheurs se suc- 
cèdent depuis quelques jours avec une funeste rapidilé , 
et Talarme que vous avez remarquée dans le district 
d'Hennebon est en ce moment générale. Des lettres des 
districts du Faouct , de PontiTy , de Ploermel , de Roche- 
des-Trois, de Roche-Sauveur, d'Auray , m'annon- 
cent également des attentats multipliés de la part des bri- 
gands . et réclament toutes de prompts secours. » 

El, en efTet, pouvons-nous dire avec Brue , 
arrêtez-vous aux rapports spéciaux de ces lo- 
calités , et vous trouverez que , dans le district 
du Faouët , Louis Nicolas, ancien notable de la 
commune de Caradec* a été assassiné le 17 ni- 
vôse; que J'Affré et Louis Simon, âgé de 72 
ans, ont été rasés, pillés , maltraités par les re- 
bettes; que, dans la commune de Lignol^ trois 
patriotes ont été égorgés, que le maire de Priziac 
a été assassiné dans son lit ; que Tinslituleur de 
Berné a été pillé , que le percepteur de J^Iolac 
a été volé après avoir resté couché h terre sous 
la menace des chouans qui lui tenaient le fusil sur 
la poitrine ; que partout les arbres de la liberté 
sont coupés ; les magasins de la république dé- 
vastés , et ses foui*nî$seurs étranglés ou égorgés , 
comme Tun des bouchers de Priziac qu'ils ont 
étranglé et jeté ensuite dans la rivière. 

\ Pçnt^Scor^i »ur l^s limUes 4» Morbihan 



Lk RÉVOLUTION EN BRETAGNE. 347 

et du Finistère, ce sont de pareils excès; et , une 
troupe de rebelles y étant entrée la nuit , guidée 
par un chef qni porte à son chapeau un panache 
blanc , il est appris, par la déposition des témoins, 
qu'ils ont égorgé des femmes , pillé et dévasté 
toutes les habitations. 

« Encore trois assassinats commis la nuit der- 
nière (18 nivôse) au bourg de Loyal, h une lieue 
de Ploè'rmel, disent les administrateurs de ce dis- 
trict. » Et le lendemain , 20 nivôse , les brigands 
étaient à Guilliers, où ils brûlaient les registres de 
la municipalité et de la perception , pillaient le 
maire, égorgeaient le percepteur , le commandant 
de la garde nationale et plusieurs autres citoyens 
qu'ils arrachaient de leur lit, pour les conduire au 
pied de Tarbre de la liberté abattu par les ordres 
de BoutainviUiers. 

Et quand les préliminaires, résultant de la trêve 
convenue , auraient dû arrêter de tels excès, c'est 
alors qu'ils s'étendent. 

c( Les habitants de Roslrenem, disent les adminis- 
trateurs de ce district (27 nivôse et 5 pluviôse) , n avaient 
pas encore partagé les déchirements qtit avaient désolé 
plusieors parties de ta république ; mais tous nos (^ITortB 
sont vains» la coataçton du Sforbihan nous a nuiUiearea* 
sèment altoinl8..«.. I^es chouans , abusant de l'amnistie , 

parcourant i^f^ oumpa^fn^i i r^crm^nt e\ »e sAlBlssont 4'^ 



3i8 Ll^RE HUlTikME. — ^ CHAP. VI. 

toutes les armes qni leur tombent sous la main. Des rap- 
ports multiplies et dignes de foi nous assurant qu'ils 
ont été au nombre de quatre cents à trois petits quarts 
de lieue de noire ville, etc. , etc. 

D'ailleurs , s'ils attaquent partout où ils sont 
en force , s'ils cherchent des armes et s'en saisis- 
sent , c'est toujours à Taide des mêmes moyens , 
par les mêmes excès , par le même système de 
terreur et d'intimidation. Entrent-ils • le 9 ni- 

- f f 

s 

vôse , de nuit et subitement dans la commune 
de Plumelec, c'est vers l'habitation de PieiTe- 
Marie Le Breton qu'ils se dirigent sans coup-férir. 
Le malheureux était incommode et retenu au 
lit ; les brijjauds le saisissent et l'entraînent dans 
un courlil voisin; et là , à coups de sabre , ils 
le massacrent pour avoir donné des renseigne- 
ments sur leur marche. Percent-ils dans le dis- 
trict de Blain , ils usent d'une autre méthode : 
Prenant le patient et le présentant au feu , ils 
lui brûlent les pieds jusqu'à ce qu'il ait déclaré, 
le lieu où sont ses armes et son argent. — Dans 
d'autres lieux , à Fougère et n Vitré , nous ren- 
controns des misérables appartenant aux bandes 
des frères Boisguy , qui égorgent chaque jour les 
patriotes et se livrent au cruel plaisir de couper 
la tête d*un officier municipal de ferré pour In 



LA BÉVOLtJTIOïr KX BRGTAG5B. 349 

douer à lin arbre , en même temps qu'ils mar- 
quent à la jone , d'une fleur 9e lys rougie au 
feu, lés malheureux qui leur ont été désignés pour 
n'être pas de leur parti...... Ailleurs, et nous Ta- 

vons déjà vu, ils pillent, ils volent, ils tondent 
• les patriotes 9 ils les désarment toujours , ils leur 
ont plusieurs fois coupé les oreilles. Et si , en 
verta des actes de Tamnistie , ils se tiennent sur 
la réserve dans quelques cantons , il nous est en- 
core appris par les rapports des administrateurs 
et des chefe de cantonnements , qu'ils ne cessent 
de faire valoir aux soldats , leur position et IV 
' bondance où ils vivent , afin de les entraîner à la 
désertion. 

De tels faits devaient conduire immanquable- 
ment les représentants et les généraux de la 
République à se défier de la conduite et des 
i>rojets de leurs adversaires ; non pas que je 
veuille dire que les soldats en cantonliemehts et 
les républicains étaient restés purs de toute ré- 
crimination dans ces circonstances difficiles. Ce 
que Hoche nous apprend lui-même de Findisci- 
pline des troupe^ que lui laissa Rossignol , prou- 
verait le eontridre. Mais Vil y eut ici et là qiiel- 
qoes atrocités commises par les républicains , 
quelques chouans sttrpris à l'écart et inhumai- 



350 LITAE HCITliillS. CHAP. TI. 

ne^ient sacridGés, nous pouvons dire hautement que 
ces excès ne furent depuis la trêve que de$ excep- 
tions à la règle. Une foule de ebaoans^pris les armes 
h la main , et rerais à leur parti , attestent ce que 
nous avançons y et l'arrestation inopinée de So- 
lihac avec deux autres chdTs , armés conmie lui , 
et cependant aussitôt relâchés , en témoignent en- 
core. Mais si de tels actes de niansuétude déno- 
taient Tardent désir qu avaient les représentants 
de conclure une paix honorable , il ne faut pas 
croire quils s'abandonnassent à une confiance 
aveugle envers ^e& rebelles* 

Dans la nuit du 10 au 11 nivôse, en eSktj 
c'est-à-dire au moment même on Boishardy et 
Cprmatin traitaient avec Huinbeort d'pne .swpen- 
sion d'armes , quatre émî|grâ» ppiurvus 4e fau^ 
assignats y d'or ^t d^ lettres secrètes étiûepit iirrâtés 
près de Saint-Malo , dan^ la commune de Poi:;t- 
BriaCf au moment de leur arrivée des côleis de 
l'j^x^g^tpcre. L'ay ^ )?r^eiit , ancie^p marchand de 
fruits çn détail à Saint-JIK^o , jouaiit le plws girand 
rôle dans les r^tiop^ de Témigrajtion avec l^s 
rebelles , et plusieurs Jfpis. déjà envoyé en France 
par le ca))ipet angïsù^ m hst, prXmff^i c'c^t Ipi 
qui avait été chargé , locs dp à^ 4^ Cgra^dviUç , 
de prendre, des: mformaUf ns sur l'état de Taroiée 



tk HéVOtUTIOll B5 BBBTAfiJfE. B5i 

veodéenae, afin que la dé(>art de rexpédîtion 
de l^rd Moyra pour les cotes de France put être 
fixé daprès les chsinc^s favorables qui se prësen- 
t£ffiaieiit. — Cette fois^, sa mission n était pas moiui» 
îiaportante; cliargé des instruclioos de Pitt et 
de Puisaye , il devait communiquer avec le co^ 
nnîté royaliste, afin de sav<»r quand il conviens 
drait de diriger vers nos côtes les forces réunies 
à Jersey. Voici ce qull écrivit lui-inème de sa 
prise»! sui représentant Boursault, qui lui avi^ 
fut entrevoir la posnbilité de sauver ses jours 
en vertu de Tamnislie 

ff On lève des légions dans lesquelles on enrôle tout 
ce qni se présente. Il est indubilable qu'il se fera une 
descente. On a plusieurs points de débarquement en vue: 
Cherbourg et Saint-Malo offrent de grandes difficultés. 
Il est probable qu'on se dirigera sur Noirmouti.er. Douze 
à quinze mille hommes sont destinés à cette expédition. 
Moyra doit commander: le lieu du rassemblement est 
près de Southampton. La garnison de Jersey se com- 
pose de 4^000 hommes de milice et çnviron 2^000 hommes 
de troupes de ligne. Une petite flotille de quatre canon- 
nières , quatre lougres et un bâtiment de transport^ est 
aux ordres du prince de Bouillon, surnommé Gode>- 
froy (1). 

(I) Prigent, que Puisaye, en 1803, continuait h traiter 



352 LIVBK HUITltaB. CHAF. TI. 

Et il est en effet si vrai , si positif que l'An* 
gleterre et rëraigration s^occapent d'un débarque- 
ment , qa'à cette même époque Vasselot ^ aide- 
de--camp de Pnisaye^ qui était à Londres, arri- 
vait sur nos côtes , porteur de lettres du général 
en chef, du ministre de la guerre YVindham et 
4u chevalier de Tinteniac , toutes datées des pre- 
miers jours de janvier (nivôse an III) , et adressées 
au comité de Tarmée catholique et royale , pour 
qu'il persistât dans ses efforts et qu'il continuât 
la guerre que la suspension d'armes du 3 janvier 



avec la plus grande bienveillance dans ses mémoires , 
et qu*il offrait comme un modèle de dévouement, avait, 
ainsi que beaucoup d autres,* faibli en face do la mort. 
Nous ne chercherons et nous ne trouverons jamais notre 
plaisir à ternir aucune fidélité , quelle qu elle soit ^ mais 
nous devons dire ici que la lettre et les révélations que 
nous citons et qui sont restées inconnues à Puisaye, 
devenaient des actes certains et officiels pour les repré- 
sentants en mission dans l'Ouest , au moment où le chef 
des insurgés bretons remettait au ministre anglais Win- 
dham comme un témoignage de la loyauté de Prigent , 
le billet suivant, écrit de sa prison: Je serai fidèle à la 
mort comme je l'ai été pendant ma vie ; ils ne sauront 
Tien. F'ijoe le Roi! 

Que de Bréchard, de Prigent et de Du Resto les 
guerres civiles n offrent-elles pas! 



LA m^vOLUTioii xir BftBTAcn. 353 

ne devsit que rendre plue ^ive et pins terrible. 

c< Je ne cesserai pas d employer tons mes moyens pour 
que Totre coorage et votre constance ne soient pas aban- 
donnés à eux-mêmes, disait le miobire Windhara anx 
chefs de Tarmée catholique. ») 

Et de Pnisaye , s'adressant au conité par lettre 
du 7 janvier (18 nrvâee) , lui disait : 

ir Disposez tout. Il faudrait cent pages pour vous dire 
]a diiièine partie des raisons qui me retiennent ici. Si 
je n'y étais pas , tout serait perdu ; on tous le dira, je ne 
suis occupé que de notre affaire soir et matin. Il n*y a 
pas ici un Français qui ait obfenn le même degrJ de 
confiance que moi ; ils se perdent par leur indiscrétion 

et leurs jalousies Au surplus, tout va au mieux; 

préparez les esprits , répandez de Targent , et surtout ne 
lirez pas un coup de .pistolet. 

» ....,.•• Je TOUS enyoie Yasselot que tous ferez oeu'' 
duire par Bruz et Pipriac, sur la riTC droite de la Loire, 
par le canton de Caqueray. Il passera à la Vendée , 
Tiendra tous en donner des nôuTelles et liera ainsi une 
correspondance nécessaire. » 

£t^ bien que cette lettre fàt écrite d^ Angle- 
tenre j aow la date du. 7 janvier, le baron de Cor- 
matin n'en avait pas moins exhibé une prétendue 
commisaion du même Pnisaye , sous la date du 
3 A prise siibitenient dans le but de suivre les 
moyens de pacification que le général Humbert 

23. — 4/ VOL. 



354 LiTBB nmkiiB. — ckap. ti. 

avait offerts à Boi«htrdf^ &$rimU ne iirez 

pas un coup de pisfolet , disait Paisaye. 

Mais ce n'est pBh tout , et si le doute pouvait 
encore rester h qnelqnes-mis sur les projets et 
les menées secrètes du parti et de son major- 
général j hAJpQA de Gormalio ^ qu'on s «rvftte an 
passage suivant de la lettre préeîtée de Pài^aye 
aw comité de l'armée catlM>liqoe et royadie* — 
tt Que GornuUin me rende compte des tentatives 
qu'il a faites pour remettre ma lettre à Gancbox, 
Ce point déciderait tout; mais sans cela, on agira 
efficacement » 

Puisaye avait donc compté sur une défection; 
et le baron de Cormatin était chargé d'en traiter? 
— Oui: alors que tout se préparait à Jersey et à 
Londres pour un débarquement , alors que l'é- 
migration importunait chaque jour Pitt et Win- 
dhalm , alors que les princes et M. de Bouillon 
convertissaient leur argent en or pour la cam- 
pagne qui allait s'ouvrir , alors qu'on établissait 
une fabrique de faux assignats • que tas prêtres , 
seuls hommes non armés de l'émigration , hi^ 
saient marcher jour et nuit , alors que des agents 
innombrables passaient des îles au eonttnent, alors 
enfin que Puisaye n^attemkit que le moment d'a- 
gir , et quHl recommandait snrtont de ne petin4 



X4 BÉTOXUnOV IR BUTÀMB. 355 

tirer nn seul coup de pUtolet^^^.. Alors , ce 

• 

chef, eoBDptmM sur une ancienne baîeon avec le 
gdnërdi commanésnt Tannée de rOmst, tentait 
près de \vk nne infâme sabornation dont la preuve 
matérielle tomba aux mains des représentants. 
Il venait ^ on effet ^ d'être appris , au moment 
même oii Cormatbi conférait à Rennes avec les 
représentants, que , parmi des papiers destinés au 
Comité militaire de Tarmée cathoUque , et que Ton 
venait de saisir, il s'était trouvé une lettre de Pui- 
saye à Ganclaux , datée de novembre 1794 (fri- 
maire an in ). — « Vous jugez bien que le con- 
» tenu de cetCe lettre nous laisse des inquiétudes, 
n écrivirent anssitôt BoUet et Bom^Mrult à leurs 
» collègues de Nantes, n Et , recommandant les 
plus strictes précautions, avant de laisser Gormatin 
communiquer avec Gaiiclaux et Charette, ils dé- 
cidèrent dans le premier moment , que Ghérin, 
chef d'état-major de Hocbe , se rendrait sans délai 
àMantes, et, plus tard, que l'un d'eux, Boorsaldt, 
sY transporterait lui-même (1). 



««■ 



(1) DePaisaye, ma^rétoetes ces circonstances, mai** 
gré les orilrefl àCormaffiny pour la remisn de sa icUre A 
Gaadam ; malgré cette reœmmandatîdii si précise que 
Mos «roarvons dans ime lettre de Im, saisie snr Vasse» 



356 I.ITBB KOITlfeMS. — CHAP. Vf. 

Que le tableau sinistre et sanglaiit des assassinats 
de chaque jour, des trahisons de tontes les heures^ 
dès privations en tout genre qui font éclater le 

lot y son aide-dc-camp : Surtout, ne tirez pas un coup 
de pistolet, n en persiste pas moins, dans ses mémoires, 
à dénier tout assentiment de sa part , ou loate coopéra- 
tion à ridée d^upe' pacification. — Comment se fait-il , dans 
ce cas, qtte, recevant du Comité insurrectenr des rap- 
ports joamaliers sur ce qui se passait, il ait prescrit à 
ce Comité de ne pas tirer un coup de pistolet, au lieu de 
lui dire positivement de s'abstenir de toute conférence. 
— Quant au pouvoir évidemment contrefait que Corma- 
tin présenta, revêtu de la signatoi^e de Puisaye, pour se 
rendre près de Canclaox ; si cet acte' lui avait jparu alors 
aussi condamnable qu'il le dit plus tard dans ses mé^ 
moires , quand Cormatin se fut perdu par ses indiscrétions, 
comment se pourrait-il que ce pouvoir ait été présenté ,^ 
sans observation , joint à la suspension d'armes consentie 
et signée par Chantercau , Boishardy, de Solihac et Du- 
val, membres du Comité; et que ce pouvoir relatât outre 
la signature de.Puisaye,que diacun devait savoir être 
fausse, celles de trois chefs de canton, dent les noms 
peu lisibles, en raison de la vétusté de la pièce, nous pa- 
raissent être, Clermont, — Dutertre, — et Toura 

— r De deux choses Tune, ou Poisaye, en 1807, fait au 
profit de ses prévisions , fort bon marcèé des événe* 
ments , 'ou ses compagnons d armes, le Comité et les chefs 
de canton étaient bien peu scrupuleux sur les moyens 
qu'ils employaient. 



lA RÉVOiCTIOU Blf BEBTA6BBW 357 

mëcoutentement des popalafioos et des garnisons 
s'offre au lecteur , et il comprendra comment les 
représentants et le général en chef, partagés entre 
les obligations résultant des décrets sar Tamnis- 
tie, et celles non moins impérieuses imposées par 
la défense da pays , durent croire quHls étaient 
joués, indignement trompés, peut* être sur le 

point d'être surpris. 

« 

r 

« J ai dû juger, écrivit Hoche aux administrateurs de 
Ségré, aussitôt qu'il eut connaissance de la rupture d<^« 
noncée par Turpin, j ai dû juger (30 pluviôse) par Tinso- 
lente lettre de Turpin que ce misérable chef de voleurs 
a perdu le sens et les sentiments humains. — Que les 
coquins qui lui ressemblent rentrent , s*iis le jugent it 
propos'; je vous déclare que désoi*mais je ne me prêterai 
à aucune amnistie. Les brigands ne peuvent ignorer que 
Charctte doit rentrer , c^st à eu^ à profiter de la clémence 
de la Convention Nationale , ou a se préparer à monter 
sur Téchafaud. Je vous prie de rendre ma lettre publique; 
je m en rapporte, pour le surplus, h votre prudence et à 
votre patriotisme. » 

— r «r Voici mon opinion, avait dit Boursault, dès le 
jour de son entrevue avec Cormatin: L'Anglais veut, à 
quelque prix que ce soit, une descente, afin de faire diver- 
sion dans le Nord; il veut se débarrasser des émi- 
grés, les vomir sur nos côtes ou dans nos îles : le fait est 
constant. Lé rapport de ce Prigent, que jai fait venir de 
Port-AIalo, me le confirme, et le procès-ferbal <)nia le 
district de Port-Miilp vqiis a aussi fait p^sspf, ypns !o 



3&8 UTBB lUITlkjIB. — CHAP. TI. 

pnNiv« (i) dans ceiiM>ment<ci (JLi nîvôte), je crains tont 
e^ ne crois pas à la cessation d'hostilité, au retour sin- 
cère de ceux qui, le 3 janvier, disposaient leurs mouTe- 
ments et commandaient les massacres. Ils ont tu que 
TAnglais, ne pou?ant effectuer de descente qu'après les 
grandes marées, au commencement d*aTril, il était politi- 
que de nous endormir sur des barils de poudre, d*m|;aBi- 
■er leur insurrection dans ie silence , et de ne pas éveilleir 
les républicains jusqu'à ce moment. Les massacres jour- 
naliers appelleraient de nouvelles forces^ et les chefs 
croient prudent de les faire cesser, mais ne tous y trom- 
pez pas, ils recommenceront, lorsqu'ils croiront pouvoir 
le faire impunément » 

Et cette opinion, éaiise dès les premières en- 
1 revues de Boishardy et de Huoibert , ayant bien- 
tôt acquis une force nouvelle, que les récits et 
les rapports des administrateurs ne permettaient 
pas de contredire, la plus sinistre défiance suc- 



Ci) Les révélations de Prigent avaient, en effet, appris ans repré- 
sentants qae 5 à 600 gentilhommes émigrés se tenaient dans les lies 
de Jersey et de Goemesej» soos les ordres de M. d'Hervilly, que 
nons âTOtts rencontré à Bennes et à Nantes dans les premiers mo- 
ments de la révolation. Entretenus ans frais dn trésor anglais à rai- 
son de 36 lirres par mois , ces mécontents formaient, arec des com- 
pagnies composées de domestiques , et de gens dn tiers , nne force 
de quelques milliers d*hommes, dont l'Angleterre atait le plos 
grand désir de se débarrasser. <— Beaucoup d^émigrés, ajontait 
Krigeatv avaient gagné le continent pour se soustraire à Taffreose 
miftèr^ pu ils étaient. 



LA BÉVOLVTIOlf BIC BRETAGliE. 359 

céda aux courts instants d'espérance et de paix 
que les dispositions de l'amnistie avaient fait naî- 
tre. A peu de jours de là, en effet , Boursault , se 
mettant en roule pour Nantes muni de la lettre 
pour Ganclaux , sans savoir si c'était un crime de 
plus qu'il aurait à constater, apprit, par les rap- 
ports unanimes du Morbihan et des Côtes-du- 
Nord, qu'un mouvement général, une attaque 
inopinée contre les républicains, allait avoir lieu , 
et que les rebelles avaient formé le projet de 
s'emparer d'Hennebon, de Lorient et du Port-Li- 
berté, en même temps qu'ils feraient invasion dans 
les autres districts. 



1.4 BÉTOIliTION SU BBETA09E. 361 



CHAPITRE YII. 



inSVHBECTlOa GÉHihAUt DU MOUBIHAIX AV MOVEUT DE LA PAniFICA- 
TIOBT. — COMBATS BU «V^MBRjft ET BU FAOVET. — 
MOBT BB GALAH, BIT SALOMOB. 



Dans la crueUe perplexité où se trouvaient 
Hoche, les Reprësentants^ les Administrations lo- 
cales et les chefs de cantonnements qui devaient 
s'abstenir de fonte attaqne el garantir cependant 
les intérêts et la dignité de la République, un 
ponvoir entre tous rendit d'éminents services à la 
cause nationale. Sans cesse préoccupé de la si- 
tuation des pays insurgés , le bureau central de 
Vannes, que présidait l'adjndant-général lliériage, 
auquel avaient été adjoints les citoyens d'Haucour, 
Claire, Lqcas et Quéfin, n avait cessé d« suivre 



862 LITRB BVITIÈKE. CHAP. Yll. 

lous les mouvements de Tennemi et de surprendre 
souvent ses secrets. C'ëfait à ce bureau et au zèle 
infatigable de ses membres que Ton avait du la 
connaissance des proclamations du Comité insur- 
recteur , l'arrestation de du Besto et ses révéla- 
tions; les confidences de Bréchard et la réunion 
de ces rapports de tous les moments , qui avaient 
fait dire à Brûe et à Boursauli , dès la conclusion 
d'une suspension d'armes . que les rebelles ca- 
chaient de funestes projets; que leur soumission 
n'était que simulée. D'autres faits devaient confir- 
mer ces soupçons, et il fut appris^ en effet, par des 
rapports reçus au bureau central des cantonne- 
ments du Morbihan dans les derniers jours de 
nivôse : 

A Que le pays comptait autant de rebelles que d habi- 
tants ; que les campagnes n atteDdaient qu'un signal pour 
fondre sar les villes désarmées ou dépourvues de troupes; 
el que les ckâteaux habités par les geatilshoûimes qui 
avaient été relâchés en vertu de l'amaistie, devenaient 
autant de foyers de contre-ré volutioni où les rebelles pre- 
naient leurs mesures pour une levée en masse, n 

Ces choses se disaient et s'accréditaieni dans un 
i^yon étendu^ en même temps que Guermeur et 
Guezno les répétaient jusque de Quimperlé, quand 



LA RÉVOlUTIOjr BK BMTAOilC. 363 

des renseignemeots nouveaux vinrent jeter un 
jour inattendu sur les projets de l'ennemi. (1) 

« Desilz et Cadoodal, portait une révélation faite 
récemment par an transfoge (!/' pluviôse an III), se 
sont rendus aufvès du comité central pour préparer dos 
mesures contre-révolutionnaires. Des membres de ce 
Comité ont voulu leur faire signer plusieurs actes (2); 
ce que ceux-ci ont refusé de faire. En conséquence de 
ce refus, ils se sont rendus en Basse-Bretagne, où ils ont 
établi, dans une métairie, on conseil indépendant du Co- 
mité central, composé de sept ou huit membres, savoir: 
les deux de Silz , Cadoudal , les deux Lemercier , un in- 
connu des enviri^ns de Lorient et autrcsi — D*après ces 
actes d'indépendance ils ont arrêté de s'occuper à chouan- 
nety afin de grossir leur caisse des dépouilles des pa- 
triotes ; ils ont également décidé de tomber sur Ploërmel , 
Auray,la Roclie-Bernard, et cela le plus promptement 
possible. Leur dessein est de «se retirer de ces villes 
aussit^ qu'ils les auront prises , qu'ils auront pillé et as- 
sassiné les autorités constituées , et de se séparer deux 
jours après les expéditions..... » 

(1) De Pttisayene cesse, dans ses mémoires, dose tar- 
guer des intelligences qu*il avait dans le parti républicain, 
et d y opposer la scrupuleuse fidélité que les royalistes 
mettaient à garder les secrets de leur parti : s'il pouvait 
être que ce chef de rebelles nous entendît, il aurait aujour- 
d'hui bien des déceptions à ajouter aux plaintes qu'il ar- 
ticule contre les hommes qui partagèrent ses travaux. 

(2) Les actes préliminaires de la pacification. 



364 UVRB HUITIÈME. CHAP. TU. 

La même déclaration dont nous aTÔns une co- 
pie transmise par le représentant Brue à son col- 
lègue Gnezno , nous apprend que : — Guillemot 
était aussi membre de ce nouveau Comité , qu'il 
y jouissait de la plus grande influence , qu'il avait 
800 hommes sons ses ordres ; — qu un nommé 
Berthelot était chargé du caneton d'Elven; que 
Laulivy, présenté dans la déclaration comme un 
scélérat consommé, était chargé de la partie de 
Ponlivy; que Duchemin avait la direction du can- 
ton de la Boche*Bernard ; que toutes les femmes 
des environs de Grand-Champ j Bignan et Saint- 
Jean Brévelay travaillaient h des vêtements des- 
tinés aux rebelles; que ceux-ci s'abstenaient de 
porter la cocarde blanche pour mieux tromper 
la surveillance des républicains; mais qu'ils avaient 
des scapulaires de couleurs variées , à Taide des- 
quels ik pouvaient se reconnaître ; que le conseil 
.«e tenait dans les métairies placées près les marais 
de Grand-Champ « dans la forêt qui y est con- 
tiguë, et quelquefois à un pont de pierre placé 
sur la route de Vannes à Loçminé , pont sous le- 
quel le cadavre d'un tisserand de Grand-Champ , 
susperlé par eux , avait été récemment précipité; 
que chaque chef se rendant au conseil, y arrivait 
escorte de 20 à 30 hommes ; qu'ils s'approvisipu-r 



Lk RéVOILTIOlS BN BlBTAGffB. 365 

naient de toutes les denrées doni les campagnes 
voisines pouvaient disposer ; qu'ils payaient la plu- 
pari de leurs dépenses en numéraire ; que tous 
leurs partisans étaient armés, etqu4is parlaient de 
diriger leurs premières attaques sur Ploërmç 1 et 
x\nray. 

Et il était aussi appris par une note addition- 
nelle , certifiée par les administrateurs Gaillard , 
Robert et Hervé de Ploërmel, que ces mêmes 
rebelles avaient des intelligences à Lorient et au 
Port-Liberté 9 d'où ils avaient tiré des draps et de 
la poudre ; et que le projet du comité était de 
faire assassiner Soêtlainvilliers ^ auquel ils 
reprochaient des exactions , en même temps qu'il 
pernstait à se tenir séparé d'eux et a rester sous 
les ordres du comité central. Une auti^e déclara- 
tion du -2 pluviôse • faite par Perio, pris dans 
les derniers jours de nivôse , et que nous avons 
vu figurer dans l'organisation du comité particu- 
lier de Mochefort^ apprenait que le plan ainsi 
formé par les insurgés du Morbihan, était de 
jeter l'épouvante dans toutes les communes de 
l'intérieur à la fois , de s^embusqaer simultané- 
ment sar toutes les routes pour y attaquer les 
bleus y afin d'empôeher de la sorte les colonnes 
républicaines de se porter en force vers la côte 



366 UTBB HUlTlkKB. «— CHAP. TU. 

pour le moment où les Aogkis sf prëseirte- 
raieyt. 

D'ailleurs 9 comoient douler de ees faîls, Ta— 
larme des patriotes est générale .» et nous avoots y 
h Tappin des dires que nous venons de rapporter j 
la déclaration du citoyen Georgelin , ex-relîgteox: 
de Tabbaye de Lanvaux ^ qui , sa trouvant le 26 
nivÀse au bourg de Grand-Champ pour des af- 
faires particulières , y a été saisi par les bri^nds^ 
conduit les yeux bandés dans la métairie du 
Grého en BranAvy 9 où se tient le conseil pré- 
cité. Là il a vu un dépét d'armes , des baUes à 
pleins paniers et des chefs occupés à donner des 
ordres. On lui a demandé 10,000 livres payables 
sans délai ; et déjà , entraîné vers un bois où il 
allait être passé par les armes , il n'obtient la vie 
qu en se laissant conduire succeasivement par les 
brigands qui le tenaient garotté , dans plusieurs 
villages de Baeuzy , où il fot assex heureux pour 
trouver d'anciennes conoaissauees qui lui avan-- 
cèrent la somme de 696OO livres, à l'aide de la- 
quelle il recouvra sa liberté. 

D'ailleurs , la trame s'étend sur la pays entier : 
ici, eMame à €raeh et à Baden, de nombreux 
enrÀlés , smis la direetion de l'émigré de Bobien , 
nomreMement débarqué , se eadienl dans des 



14 RATQLUneK SB BIBTAGHB. 367 

soutenraios on îk ont amassé des arasas , dies 
grains et des monitions de goore ; ici , comme 
à Elven , les insni^ës sont secondés par les au- 
torUës constilnées an nom même de la Hépn-* 
blique , et c^est le maire Gambert c|ni , dévoué 
aux intérêts de la Êiclion^ a raàiagé^ sons un four 
placé derrière sa maison, nne cachette où sont 
des lits sur lesqneb les De Sîlz, Guillemot et 
Gadondal se sont plusieurs fois reposés..... Mais le 
complot va éclater , et voici le propriétaire d'mie 
mûson de canqpe^ne, nommé JLe Mesie^frès 
du Guémené j qui annonce , dès le 4 pluviêse , à 
Fadimnistration dn Faonët , qnll a vu une nom- 
bi^euse colonne de chouans passer dans ses 
rilées , commandée par un chef aux chevenx 
épars 9 dont les pistolets anglais brillaient à une 
ceinture de soie qui lui serrait les reins. Les 
hommes de sa troupe , dans une tenue peu ré- 
gulière ^ se déroulent en longues files ; et 9 au 
milieu des costumes les plus bizarres , sous les 
vêtements grossiers de la campagne ^ on renrarque 
Tallure plus dégagée de quelques hommes de la 
ville qui portent , comme le chef principal , ou 
des ceintures , ou des bonnets de police rehaussés 
de crépines et de galons en or et en argent. 
Tous ^ d'ailleurs , spot pourvus de fusils à un ou 



368 uvRB iroiTikvE. — chap. vii. 

deux coaps, de pistolets, de sabres; il y en a qui 
n ont que des fourches et des bâtons ; les vivres 
qu'ils traînent à leur soite sont portes par des 
misérables qui ont du prëcëdemment n'avoir 
d'autre industrie que la mendicité. 

Ces faits ne sont pas exclusifs au district du 
Faouët, ou aux communes des environs de Grand- 
Champ. Il est su , en effet , presque au même 
moment 9 du 5 au 10 pluviôse, qu'Hennebon, 
Plouay et les communes environnantes sont atta- 
.quëes et couvertes d'hommes armes , que Grand- 
Champ , le Guémenë , Pontivy , Baud , Loc-Minë, 
Ploërmel , Gner, dans le Morbihan, sont attaques ; 
que Rostrenen et Loudëac , dans les Côtes-dn- 
Nord , sont inondes de rebelles (1) ; que Melgven 



(i) Un jeune homme de 17 ans, nommé Andrieu!c,étant 
parvenu à s*échapper de Tun de ces rassemblements , le 
signalait ainsi qull suit : o Dans les bois de Corel , à une 
» demi-lieue du Mur (district de Loudéac), les brigands 
» se sont pratiqué un placis d environ 4 )oin*naax , où ils 
» se réunissent au signal et aux ordres de leurs chefs. Ils 
» ont laissé au centre un hôtre ^fort élevé, à la cime du- 
» quel un crucifix d'étain a été placé. Le 7 él le 8 de ce 
I) mois (germinal) , on s'y est assemblé au nombre de 3 à 
» 4000 , Tobjet était de continuer Torganisation des der- 
n nières levées. On y a fait réleclion des sergents et des 



tk AÉYOLVTION BJR BBSTAGBB. 369 

et le canton de jRosporden sont soqrdemeilt agités 
dans le l^inistère ; qae les environs de Sëgrë et de 
Ghâteauneuf le sont encore davantage y et que le 
dernier de ces districts est envahi sur plusieurs 
points , sans que les républicains puissent cour 
tenir la . rébellion. Port-Brieuc , chef-lieu de dë« 
partement, avait lui-méine été attaqué il y avait 
à peine un ' mois (nuit du 8 au 9 nivèse) , et sa 
faible garnison de 80 hommes n'avait pu être 
renforcée. , 

Mais quels sont donc les hommes qui prennent 
2»msi les armes ^et recommencent la guerre, quand 
sur d'autre^ points on parle de paix ? — Ce sont 
les suspects et les gentilshommes que pous 
avez.relâchés des prisons où nous les avions 
renfermés , disent plusieurs districts , e> notam*? 
ment c^ux de l^ntrieux et de Quimperié. Et si 
cette in^robation d'un acte; d'amnistie ' et d%u- 
manité.rappelle Tintensité de nos discordes civiles^ 
il faut bien que nous reconnaissions au moins le 
prétexte d'une telle récrimination; dai^ le fait que 



j» caporaux. Le chef, homme trapii , était habillé d*unè 
n carmagnole' bleae, chapeau à grande cave; il était 
î> armé d'un sabre et d'un fusil à deux cojips ; jl se 
j>' faisait appeler du nom de Bokhardy. • 

24. — 4/ VOL. 



37Ô M?»B niTikiiB. — CHA?. tn. 

-hm» devoM eenstater comme hiBtoriéii : c'est 
^ue ee GadooM et ce Le Mercier , que nous 
voyons à b tête an mourement qni se proiiôtice, 
'étaient , il n'y a qn'un mois détenus h Brest ; et 
Tfoè YvEn d'eux, Cadondal , a dâ à l'esprit de conci- 
liation qni dirige les représentant!^ de voir sortir 
de cette même prison, cinq membres de sa fa* 
mille , . après qu'il s'eà était échappé hn-tiidmé 
farorfaé par la liberté qu'on hii avait dbnnëe dé se 
promener dans les cours. Permis h d autires de si- 
gnaler sa conduite comme la fermeté d'un homme 
^|m ne transigea jamais ; mais qn'il nous soit 
permis à nous de rappeler aussi qi c'est à 
inhumanité des représentants que lui et ta fiiintlte 
durent lenr sortie de pir^bn , en témoignage des 
effarla que la Gonvention teirtait en ce moment 
potM^ la ce«sas6fon d'une guerre impSie...;. 

Mhis de queHé teliKté penvent être ces r^è- 
sion»? l'esprit de parti , n aurait-il pas toii[tmt^ 
tes mémea allures et ne i$avoni-nous pas qtfé 
Poisaye et l'émigration qui se concentré à Jersey 
débarquent joumellemeni leurs envoyés sur nos 
c6tes et redoutent les suites d'une pacification 
qu'ils s'e£forcent de présenter comme un. piège. 

Quelques mesures de défense ont cependant 
été prises , en conséquence des avis récents dn 



14 ittOtUTIOlf Xir BBR16HS. 371 

i>tireari centrai de Vannes (t). Mais Bnie , qui est 
à Vannes; Corbel, qui e^t à Band; Gtlezno, qni 
est II Qimnperlë ; et Guertnenr, qdi se rend à Btën- 
Yiebbn , ont été pris an dëpotirrn , et les points 
snr lesquels ils se dirigent seront attaques avant 
qu'ils y soient rendus. C'est en tain qu'ils se sont 
d'aillenr^ adressés les nns aux antres pour obtenir 
lies renforts : chaque locàlîtë, dans Timmitience 
^11 àan^t^ se refiise à toute réqnisiKôii et ne 
songe qu^ son salut personnel. InntiletnéiitCorbel, 
qui se trouvé à Band, entoure d'ennetnis, s'adresse- 
l-il au district dUennebén aîi moment où on 
'tient de lui enlever ceià bômines pour ]garàiitir 
Pônfivy ; Hmmisbon a hii-mêikié â se dtfetidre de 
'7 1^ 800 rebelles qiii se réunissent à Plouay. Aa 
Taouet^ oii compté à peiné cinquaiite et quëlqueè 
llditimes de gahiison ; le Guëmené li'est pas mieui 
îAéfendii; Vàniiés e&t encombré d^ihsurgils dé- 
tenus qui menacent de se révolter: nulle part il 
n^y a dé troupes , lés vivi^s et tés munitions sont 
tiUssS rares '^ne les soldats ; et ainsi pre'ssës pai* là 



.^ ( 1 ) Un nomiaé Leca jer fourni t, dans celle cireonslaiice, 
les renseigOlBineots les plus utiles et les nlus précis sur 
leur premier projet, qui avait été d'attaquer Baud, Ploër- 
mél et Àiiray. 



372 iiTU aviTikiiB. — chap. m. 

famine et les rebettes, les patriotes s'attendent aux 
plus craeUes exactions ^ à la mort. — Si fm 
échappé aux brigands de Paris y écrit Gorbel 
à Fagent national d'Hennebon, ei que je 
succombe sous le fer assassin des hommes 
de mon pays , sois sûr au moins que je 
mourrai ton digne ei fidèle compatriote. 

Telles étaient les inquiétudes «t les justes ap- 
préhensions des patriotes^ quand , le 9 pluviôse , 
avant le jour, les avenues et les hauteurs du Gué- 
mené se- trouvèrent couvertes de rebelles. Le 
comnuindant de la Chastre , qui avait sous ses 
ordres une compagnie de grenadiers, avec hqueUe 
il tenait garnison au Guémené , est lui-même sur- 
pris ; et , sortant à peine vêtu de chez lui pour 
courir à la caserne , il est forcé d'enfoncer une 

• • • . • ■ 

fenêtre pour parvenir à ses grenadiers et les ré^ 
veiUer. Entouré d'une trentaine dliommes , dont 
plusieurs sont en chemise , il se porte bravement 
au-devant de Tennemi , et , rencontrant aux pre- 
mières lueurs du jour une colonne qui s'avançait 
dans Tune des principales rues du Guémené , il 
faisait battre. la charge pour marcher à elle, quand 
il entendit crier , ne tirez pas , nous sommes 
citoyens. Mais , à peine a - 1 - il fait quelques 
pas, qu'il est assailli par utae grêle de balles^ 



lA mÉVOlUTIOH SU BRETAGKE. 373 

Plusieurs de ses hommes tombent , et Tun de ses 
sergents-majors ayant ëtë blessé , est saisi par les 
brigands , qui loi disent de Crier vive le Roi. — 
Non y notre dernier cri est vive la République ^ 
répond ce sergent ; et il tombe percé de coups..... 
Sur les autres points, le combat n'était pas plus fa-' 
vorable aux républicains , forcés , dans leurs corps- 
de-gardes et leur caserne ; ils avaient tenté en vain 
de se porter vers la Maison-Gommune ; deux pièces 
de canon qui y avaient été imprudemment ren- 
fermées , furent enlevées par les rebellés ; et il 
ne resta au commandant de la Ghàstre d'autre 
ressource que de se retrancher dans le château 
avec une quarantaine de grenadiers , dont vingt- 
sept seulement pouvaient soutenir le combat. Les 
chouans , toutefois , ne cherchèrent pas à les in- 
quiéter dans ce nouveau poste; et^ s'étant con- 
tentée» d'abattre Tarbre de la liberté , de brûler tes 
papiers de la commune et de piller la caserne , 
on les vit se retirer vers les hauteurs qui domi- 
nent Guémené, emmenant avec eux les deux 
canons qu'ils avaient pris , les armes qu'ils avaient 
arrachées aux républicains blessés ou tués, ainsi 
que leii^s uniformes et leurs bonnets à poil , dont 
quelques ch^fs se parèrent ^ la f^te cife leufs 



374 UTU HuiTifemc. — chav.. vu. 

Mais ce poial ne devait pas $f ul être ait aqiié. 
Dans le milieu du jour un o£Bicier et deux chas- 
seurs de la ganuson de Guémep^ furivèrent au 
Fapuët dans le plus grand désordrç 9 et y jetèrent 
rëpouvante» Les administrateurs de. ce district ^ 
et parmi eiix le Qoarapt 9 Graverand , le Gorgeu , 
montrèrent cependant la plus ferme volonté de 
sç défendre; et, desrenseiguexnents pris sur les 
mouvement^ de l'ennemi qui se portait eu masse 
par la route d'Hennebon , ne laissant plus . de 
doute sur sa prochaiine arrivée 9 des ordonnances 
furent expédiées à Scaër, C^rhaix et Quimperl^ 
pour y demander de prompts secours. — La 
petite garnison du f*aouët, composée de 12 ca- 
nonniers, de 30 hommes de garde naitionale , do 
37 hommes de ligne et de 5 chasseurs à cheval j| 
prit en même temps les dispositions les plus éner- 
giques. La nuit régnait déjà , et les préparatifs 
de défense se continuaient , quand , sur (es 9 heu- 
res du soir , les sentinelles placées sur les routes 
de Saint-Fiacre et de Scaër furent assaillies 
ainsi que l'administrateur le Goarant, qui se 
rendait en armes au directoire, accompagné d'un 
tambour et de quatre fusiliers. La générale bat 
aussitôt , les deux pièces de campagne qu'avaient 
les républicains sont mises en batterie sur la 



Il IÉTOI.VTI05 tu BBBTÀfijrB. 37& 

place de la Ubetië, et, aux cris nulle feîa rë-. 
pété3 de Vive la RépubKque , le combat s eo- 
gage avec une résolution remarquable de la part de 
la Daible garnison du Faonë'L... Cependant lesi 
rebelles atteignaient déjà le centre de la ville e| 
déboi^chaient sur la place 9 quaqd quelqpes gar- 
des nationaux et les 5 chasseurs à cb^vid que 
nous avons mentionnes, les chargèrent avec in- 
trépidité I et parvinreiit à les refopler en leur tuant. 
plçi«W9rshanunea; niais, auméniemomen|,d'autres 
colonnes plus ^isies s avançaient par la rue 
de la Révolution , jusques sur le corps-de-garde 
des républicains, et le combat se prononçait 
ainsi sur tous les points, soutenu par une fusil- 
lade des plus vives. La rue de la Révolution et 
la place de la Liberté se dégagent cependant, et 
les rebelles , en laissant une vingtaine de morts 
et des blessés sur le champ de bataille , ne son- 

tiennent plus le' combat Ils sont en fuiie^ 

dit le rapport que nous consultons , ei F air re- 
tentit de leurs hurlemenis ei des cris mille 
fois répétés de vive la Hépublique ! — A mi- 
nuit , les sentinelles de la rue de la Révolntiott 
furent de nouveau attaquées ; mais sans que la 
lutte se réengageât d'une manière générale. A 
la pointe du jour, les patrouilles sai^i^se nt quel^ 



376 IITBS HtlTllSNE. CITAP. VII. 

ques blesi^éfi et des hommes qai n avaient pu fuir • 
Parmi eux était Calàn , dit Salomon , un de leurs 
chefs , passant pour avoir dirigé rexpëdition, ainsi 
que les niouvem«it& qui s'étaient manifestés dans 
les ennrons d'Hennebôn. 

Hais laissons- un instant le Faouë't et le repré- 
entant Guezno qui vient d^ arriver , pour ap- 
précier le mouvement de contre-révolution qui 
éclatait ainâ au -milieu des pourparlers de la pa- 
cification. C'est Brue qui va nous rendre compte 
de la situation du pays. Sa lettre est du 13 plu- 
viôse, datée de Pontivy et adressée à son collègue 
Guermenr. 

c( J'arrive à TinstaDt du Guémcné, où j'élais hier soir 
avec le général Danican. (Ils étaient partis de Vannes 
le 11.) J allais me rendre au Faouet, mon avant-garde 
était même partie > lorsque j ai reçu deux lettres du bu- 
reau central k Vannes infiniment pressantes. En effet, 
elles ne m annoncent pas moins ^u'un rassemblement 
considérable à Grand-Champ y avec intention d attaquer 
Vannes. Gommé cette ville est entièrement dégarnie , 
Danican a donné ordre à toute la garnison de Locminé 
de s'y rendre de suite par Grand-Champ. Je pars à Tins- 
tani pour me rendre à Loeminé avec 60 grenadiers et 
20 chasseurs. \A , je verrai ce que faire. Danican est 
parti avec une 4es colonnes qui doit se diriger sur 
Baud J*ai été attaqué hier à mi*chemin de Pontivy au 

Guémené » Jai perdu d^ui hommes» descjueU le jenpo 
Cbuntrat i •djolot de Cbumpeaux. a 



LA B^TOLUTlOir EU BBETAGHE. 377 

Et écrivant quelques heures plus lard à son 
collègue Guezno , qu'il n'avait pu rejoindre au 
Faouet , il lui tëmoignait de nouveau toute son 
inquiétude pour Vannes et Auray ^ en lui appre- 
nant que la municipalité du Gnémené , ou quel- 
ques-u|is de ses membres , paraissaient n^étre pas 
étrangers h la surprise de cette place. — Une dé- 
claration faite au comité révolutionnaire d'Auray 
vient , en effet , ajouter de nouvelles alarmes à 
ces désordres : Une femme de Pin vi g nier apprend 
que tous les jeunes gens de cette paroisse et des 
cantons voisins se mettent en mouvement après 
avoir reçu l'ordre de prendre leurs armes et du 
linge: que le jeune de Bobien, Louis Plumiau 
et un nommé Cornelie , fils d'un menuisier d' Au- 
ray , sont à leur tête. Nuldoute d'ailleurs sur leurs 
intentions. La municipalité de Pluvignier , les ar- 
chives, lé drapeau, les écharpes et les armes des 
républicains ont été pillés on enlevés. C'est une 
colonne de plus qui se met à courir le pays , et 
elle est bientôt aux portes d' Auray , arrêtant et 
rançonnant toutes les personnes qui se montrent. 

Mais , dans ce même moment , et malgré la 
marche de Brue et de Danican sur Locminé , la 
ville de Baud et le représentant Corbel qui s'y 

trouvç o«rné »vçç un petit nowbre d'botnwQ» i 



378 LITIS HVITIÈXB. — CBAP. TH. 

sont attaqués dans la nuit du 15 au 16. — Un 
jeune enfant^ qui demenrait ei| dehors de la ville, 
ayant pris la fuite au-devant de Fennemi , donne 
cependant le temps au représentant et à la gar~ 
nison de se porter en avant. Le$ rebelles, troublés, 
à leur tour par cette attaque inopinée , prennent 
* la fuite et entraînent les républicains jusques dans 
la comipuiie de QuistiAic. Il y eut sur ce point 
plusieurs rencontres dans lesquelles les vétementii 
des prêtres Calvé et Gilard fuirent retrouvés cou- 
verts de sang et percés de balles* Ces deu:i prê- 
tres passaient avec un nommé Guehennec^ qui 
fut également pris , pour les chefs des bandes 
qui avaient leur repaire dans cette région. Pes 
prisonniers , des blessés et quelques morts furent 
le résultat de la journée. 

X-es armes républicaines reprenaient donc le 
dessus , et l'exemple des patriotes du ("aouët por- 
tait déjà ses fruits. Les no^ibreux attroupements 
qui étaient venus fondre sur ce district s'étaient 
en effet repliés vers Hennebon et Plouay, où Tad- 
judant-général Evrard y à la tête des forces dispo- 
nibles de Lorient , les eut bientôt atteints près la 
chapelle du Trescoët. Sept ou huit des insurgés 
périrent , plusieurs furent pris les armes à {a maifi^ 
ayant d(^$ balles ^ur eui^ et des notes pour d«£» 



£Â lÉVOLUTIOn E9 BHBTAGBB. 379 

messes dites ou à dire. D'autres rassemblemeats 
qui s'étaient formés dans les environs de là forêt 
de Gonveau , et dont la seule présence avait ter- 
rifié les administrateurs de Rostrenen qui prirent 
lâchement la fuite s^vec leiirs archives , se disper- 
sèrent 9 et 9 suiyant leur tactique , rentrèrent dan& 
leurs habitudes de vie domestique pour se sous- 
traire à la poursuite des républicains. — Quant 
au corps principal de la rébellion que les repré- 
sentants Brue et Guermeur, aidés du général Pa- 
uican^ cherchèrent vainement dans les environs 
de Grand-Champ , il n'en fut plus question pour 
le moment , et Vannes , Auray , Ppntivy , Ploër- 
mel et les autres grandes communes de cette ré- 
gion purent se remettre des justes inquiétudes 
que ces troubles avaient fait naître* 

Une lettre de Corbel à son collègue Guezno ^ 
datée du 18 pluviôse , vint cependant jeter quel' 
que doute sur le repos qui paraûisait avoir prpvi*' 
soirement amené la rentrée des colonnes repu- 
bhcaines. Cette lettre annonçait a Guexno.que, 
les communes insurgées des rives du IB^avet fai- 
saient de grande mouvements dans le but d'arra- 
cher aux patriote^ leur chef Cdlap dont TafiTaire 
s'instruisait en ce mpinent* Ce Cajaq , jeune paysisii; 
de 1^ comiume de Pluineliau , sivait quitté «« pro*, 



380 UVRB HUITIÈME. — CHAP. VII. 

fession de valet de ferme pour prendre les armes 
avec les rëquisitionnaires qui attaquèrent Pontivy 
en 1793, et sVtait trouvé pourvu du commande- 
ment d^une bande de 3 à 400 insurgés , par suile 
de ses hauts faits de chouannerie. Ayant dirigé la 
prise de Pontscorff , il fut établi , par son inter- 
rogatoire , que lors du pillafl^e exercé dans ce lieu, 
il avait pris un enfant de dix ans et lui avait mis 
les pieds dans le sang d*une femme tuée d^un coup 
de fusil , en lui disant qu'il fallait ^habituer de 
bonne heure au ^ang. Mis en déroule lors de 
lattaque du Faouët , il n'avait trouvé d'autre 
moyen de se soustraire aux patrouilles sorties de 
cette ville qu'en se réfugiaut dans le château de 
Kerdréau , propriété de la famille du Botdéru , 
ou il se cacha au-dessus d'un ciel de lit. Décou- 
vert par un garde national , Calan fut saisi et 
amené devant le représentant dans le costume où 
il s'était trouvé la veille à la tête des insurgés. 
Affublé d'un habit d'o£Bicier de garde national 
qu'il avait tué de sa main peu de jours aupa- 
ravant , il en portait encore les épauleltes. A 
son chapeau brillait une large cocarde blanche 
faite de l'écharpe d'un officier municipal de 
Pontscorff , sur laquelle il avait fait broder une 

Weur dç lys eu firgçfit »vec \t% noms df> U^m ^t de 



LA lÉVOlVTIOJI Sjr BBBTAGM. 381 

Mari« , une croix de plomb était aa mîliea de 
cette cocarde ; et il avait aa-desisas de la cuve de 
son chapeau un long panache formé de plumes 
noires qu'il avait enlevées à une citoyenne de 
PontscorlF. Retenu en pri&on jusqu'à ce qu'on 
pût le traduire au tribunal criminel de Vannes, 
il fut successivement transféré du Faouet à Heu- 
nebon , et de là à Vannes , sous l'escorte d'un dé- 
tachement de 800 hommes dont Brue était ac- 
compagné en revenant d'une courle excursion 
qu'il avait faite à Quimperlé , pour y conférer 
avec ses collègues. C'était le 25 pluviôse y arrivé 
le 24 à Hennebont , Brue avait fait extraire de la 
prison Calan et cinq prisonmers qu'il amena avec 
lui* Arrivés à ime petite lieue de Landevant j 
Brue et son escorte forent attaqués par plus de 
200 rebelles. Le combat s'engagea, mais devenait 
inégal par l'arrivée successive de nombreux déta- 
chements appartenant aux insurgés (1). Craignant 



(t) Le président da bureaa ccoU'al de Yannes af- 
firme dans l'nn de ses rapports que Cadoodal et Le- 
meroier , inform''8 de la marche de Broc par un exprès 
que leurs attdés lear expédièrent d'HennetN>n , dirî- 
gèrem en personne. Tattaque qoi devait délivrer Calan. 
Le même rapport porte la perte des rebelles k 42 morts. 



S82 tlYMÉ RVtTltMB. — CHAP. VH. 

alors de se Toir enlever son principal prison- 
nier , Brue le fit fusiller sur place , et , reiidant 
compte de sa conduite le soir méntie à ses col- 
lègues , il leur disait : 

« Le fameux prophète Salomon n*est plus de ce monde.... 
'J*at exécuté ce dont nous étions coùTenns, et qui est une 
règle géaënile en pareil cas. La leçon â été bonne , et 
j'espère qu'elle fera faspression. Les brigands osA en 20 
hommes tués, 5 ont été pris couverts da sang de nos 
camarades, et ils ont été aussi fusillés sur le champ. 
Nous ne pouvions pas les garder sans risques. D'ailleurs 
nous avions en quatre grenadiers blessés, et toute la 

troupe demandait k grands cris cette juste vengeance 

Le Uen oCt nous avons été attaqués , est célèbre par les 
assassinats que ces brlgandis y ont commis depuis le 
(comoieiioement de la chouëànerie. Le, trois eanonniers 
ont été tués , des prêtres réfmclaires on$ été enlevés 
au détachement qui les conduisait ; un chasseur d'or- 
donnance y a eu son cheval tué; moi j'y ai reçu , le 18 
frimaire, onze coups de fusil; Calan y a été vu à la 
tête de 200 rebelles ; un exempté y était donc néces- 
saire Tous les autres prisonniers du Facraët el d'Hen- 

nebon sont sains et saufs. Ils ont été respectés et vont 
demain à Vannes. 

Cette précipitation à faire fusiller Calan, fat , 
tputefois, ioQprouvëe, elBrue crut ètvw^ poor 
sa justification, en écrire au Comité de sahtt pu* 
Mie, dès son arrivée à Vannes. 



li 1ÉT01UT109 CH BHCTAGKS. 383 

Ainsi se termina celte nouvèHe attaque des 
rébéHes , du moins dans le Morbihan. Et , pour 
Uii instant encore , le tocsin cessa de se faire en- 
tendre , et la cornemmé qui servait de moyen de 
ralKenient aux rebelles , suspendit ses sons plain- 
tifs. Mais d'autres poinis furent troubles , et les 
Stricts de Ghâteaugontier et de Ghâteauneuf , 
en particnUer , furent témoins dans la Mayenne ^ 
-et Maine-et-Loire, aux mêmes jours et aux mêmes 
lieurés, du 9 pluviôse au 20, des mêmes attaques, 
des mêmes troubles, des mêmes crimes. — Les pil- 
lages et les assassinats , les vols de diHgenée , les 
enlèvements d'armes ^ les attaques de front et par 
-masses^ tout ce qui constituait une reprise d*armès 
-eut lieli ; et nttùs apprétloiis pai" une lettre dé Pa- 
gent bational déCkHeaufièuf, que toutes lés nuits 
-de cette courte période servirent à cidùvrit les 
coupables menées des insurgés. — La Basse-Nor- 
tiiàndie et le district de Vire, furent le théâtre 
^^att»^^ du même genre , et je remarque entré 
les l^ttts cités par Fagent national Laisiié , un trait 
d- énergie qui prouve au ihoins qUe , si lé^ pa- 
triotes étaient incessamment menacés et souvent 
an tnénteht idPétre surpris , ils savent atissi par- 
fois en hàppser aux bommes qui venaient les 
égorger jù^e dam leur fit. Couché avec sa femme 



3^4 IITIB HUITIÈME. — CHAP. TU. 

et entporë de ses enfants , le citoyen Le Petit , 
de la commune de Bernière ^ entend tout-à-coup ^ 
sur le minuit , une nombreuse bande de chouans 
qui frappent à sa porte et çn demandent Fou- 
verture. — Monte , monte vite cm grenier^ dit 
Le Petit à sa compagne , et conduits avec toi 
nos pauvres enfants^ A peine ce mouvement 
s'exécutint-il dans la famille Le Petit , que la porte 
de la maison est enfoncée. Les chouans entrent , 
allument une lumière'au feu du foyer et cherchent 
partout le pauvre père de famille..... Aperce- 
vant Féchelle qui conduit au grenier , plus de 
doute. — Le b est dans le grenier ^ mon- 
tons-y. L'un d^euz met en effet le pied àTéchelle, 
mais à peine a-t-il franchi deux ou trois degrés, 
que Pierre Le Petit lui lâche un coup de fusil à 
bout- portant et le renverse. Les autres , effrayés, 
sortent et appellent du secours; La maison se 
remplit de chouans ; et , criant , jurant , brisant, 
jetant tout à terre, ils disent à Le Petit que $11 
ne descend, ils vont mettre le feu à la maison. 
Aussitôt un deuxième d'entre eux s'élance dans 
l'échelle et se dirige vers la tra|^e qui donne 
entrée sur le grenier. Le Petit veut faire feu, mais 
son fusil rate.,.,.? Ah! nous le tenons y nous 
le tenons ^ s'écrient les chouans : avance^^^ 



lA Bl^YOLUTIOn EN BRETA65B. 385 

Mais Le Petit ne s^est point ëmu , il a rëarmë son 

fusil, tire et renverse celui qui montait La 

troupe entière des rebelles se déconcerte , et les 
habitants, bientôt excités par cet acte de courage, 
leur en imposent assez pour les décider à prendre 
la fuite» 

Certes , je ne voudrais pas renouveler par mes 
récits des haines et des préventions qui , heureu- 
sement s'effacent tous les jours , mais qui ne com- 
prendra Tindignation que durent causer aux ré-^- 
publicains ces faits et cette conduite. Il me suf- 
fira , sans doute , pour la peindre , de rapporter 
la lettre que le général Danican , dont la modé- 
ration fut plusieurs fois taxée de trahison , adressa 
du Gnémené àBoishardy, sur les événements que 
nous venons de passer en revue. 

— « Le général en chef m^a chargé de faire tenir à 
Labourdonnaye une leitre venant de Cormatin , mais il 
m'a été impossible de la lai faire remettre ; je vous Ta* 
dresse , vous en ferez tel usage qu'il vous en plaira. — 
Je dois, au reste , vous dire franchement que vous et 
ce que vous appelez Tarmée catholique et royale, me 
paraissez indignes de Tindulgence qu'on a eue pour vous 
jusqa'à présent. Vous ne cessez de piller et d'égorger 
partout, tandis que. nons ne cessons de faire grâce à des 
gens qni méritent réchâfand. — Nos. soldats s*indijg;nent, 
et biei^ je voa3 apprendrai quune poignée de gale« 

2&« — 4.* TOL. 



386 LIVBB VUITlàllB. — CHAP. YII. 

riens ^ de prêtres et de nobles ne feront pas la loi à ceitx 
qui ont juré de maintenir la république. . 

Vous et Tos genç parlez sans cesse d'honneur et de 
religion, et vous profitez d'une amnistie que tous ne 
meniez pas, pour assassiner plus que jamais. — Vous 
serez bientôt Tenécration d*tti| peuple dont tous causes 
tous les malheurs. 

Le Ouëmenë , i4 pltiTÎôse an m. 

Atîo. DAniGAÎf. » (1) 

• • • • - • 

Comment , en effet , ces haines , cette aveugle 
fureur des partie, cette soif de la vengeance et 
du sang, ne se fus^nt*elles pas rëveillëes. Une 
adresse et des, instructions du comité insurrecteur 
du Alorbihan furent saisies pendant les . ëvéne* 
ments mêmes de la crise ; et . ces adresses et ce^ 
instructions, en retraçant le passé,. appelaient les 
plus cruelles représailles et repoussaient Famnistie 
eoinme un piège tendu aux gens simples de 
la campagne^ dans le bui de les désarmer 
et de les faire rentrer dans ïeufi foyers 
pour les immoler plus facilement^ 



i*-^ 



(I) GoQimenl se fait-il , cependant, q«e ce inéme Da>« 
niean^ dans dés mémoires imprimes à Londves^ f n 1798 1 
ait dit y que s'il s'était trouvé à Vanneii an asomrat. du 
débarquement des ëmigrës à Quibéron , il ee serait joint 
à eux! il a*7 a que les guerres civUes et les résolu- 
tions qui fbutttissent de telles études à faire. 



LA bAtOXUTION B9 beitàgsb. 3S7 

. — ir S'il^ veulent vous donner la pai:iy conUnuaient- 
ils^ pourqaotces rechen^hes journalièresi pourquoi ces 
massacres réitérés ? Que ne font-ils retirer leurs soldats 
égarés , qui tous les jours vous inquiètent et tous op- 
priment , et tiennent dans leurs griffes Tinnocente bre- 
bis Revenez à nous, disaient- ils en terminant , aux 

républicains qu'ils engageaient k la défection , revenez 
à nous ; car nous n'irons point à vous. » 

Et 9 soutenant ce nouveau dire de tous les 
moyens en leur pouvoir , ils avaient , en effet 9 
usé des choses saintes elles - mêmes , pour en- 
traîner à leur perte et à des crimes , des malheu- 
reux auxquels ils montraient une leiire envoyée 
miraculeusement par Noire Seigneur Jésus- 
Christ , écrite de sa propre main et dictée 
de sa sacrée bouche. Suivant le témoignage de 
ceux qui la colportaient 9 cette lettre, trouvée 
depuis d Arles jusqu en Languedoc^ avec 
le Signe de la Croix , avait été expliquée 
par un enfant de sept ans, qui fiavàit ja- 
mais parlé (1). 

C'était 9 d'ailleurs, dans ces mêmes circons- 
tances qu'avait paru la lettre pastorale de Tévêque 
de Dol (i." janvier 1794 — 11 nivôse) aux prêtres 



(1) Voir aux pièces justificatives, n."* 52. 



388 tlVIK HVITlklIB. — CHAP. TH. 

iasermentës de rarmëe cathofiqoe et royale de 
Bretagne , et cette lettre , comme on le mi ^ 
n'était qu une exhortation à la gnerre. 



Ik lévOtOTIOll ES BftlTAGm. 389 



GHAPITRK yill. 



TMAITJ& ÙE Lk JAVSfAlS. — PRÉftEKCJi ]»£ GHABBTTS XT Di(S CSm Vf]1- 
OBBlfS A PfABTBS. — ADHÉSION DBS CMBFS DB LA CBOrASTlB' 
BfB. — SITUATION PARTICULlilBB DB I.A BBBTAfilf BBT 
DBS PAYS DB LA BIVB DBOITB DE LA LOJXB. 



Quelque alarmants que fussent les ëvënements 
que nous venons de rapporter, quelque sinistre 
conséquence quils fissent pressentir (i), la Con- 
vention et le plus grand nombre des représen- 



(1) De la Roberie cl le chevalier de Tintcniac veDaient 
en eRet de débarquer sur les côtes de la Ycodée et de 
la Bretagne , munis des instructions de Puisayo et du 
cabinet anglais pour engager les in'surgés à se tenir on 
mesure d'agir. Le prenoier avait péri dans les boues dun 

m»rais de h Vandc^^s mais le fçcond fiv^it rpmis iin:i 



390 IIVBB HUITIEME. — CBAP. TIII. 

tanis en iDisâon ne désespérèrent point d'un rap- 
prochement. Les pourparlers entamés à Nantes 
entre les représentants qui avaient fait de cette 
ville le centre de leurs opérations , et les chefs 
vendéens, dont plusieurs s^élaîent montrés au 
spectacle et dans les rues, étaient en effet du 
plus heureux présage. Gharette offrait d^ailleurs 
par ses qualités personnelles , tous les moyens 
d^arriver à une franche et loyale réconciliation : 
les républicains comptaient beaucoup sur son 
autorité et ses dispositions. — Une première en- 
trevue avait en lieu vers le 20 nivôse , et c'était 
en conséquence de ces ouvertures, que Ruelle 
et Delaunay, deux des. représentants, porteurs 
de Tacte d'amnistie , s'étaient rendus de Nantes à 
Paria ^ dans le but de prendre près du comité de 
salut public ^ de nouvelles instructions sur les 
dîflicultés qui pourraient se présenter. Mais le 
décret du I S frimaire était explicite sur les pou- 



chefs du Morbihan les insU'uctioos de Puisaye et les 
leUres de Pitt et de Windham, qui garantissaient au 
nom du cabinet aoglaisy les secours promis depuis si 
long-temps. Le mouvement que nous avons retracé dans 
le chapitre précédent, $u) \ç r^su}t|il 4ç ces pomipuni* 
oatioR», 



Ik lArOLCTlOH B5 BBBTA658. 391 

voîrs conférés aax représentants chargés de son 
exécution; ceux -ci avaient en effet reçu dès le 
principe la mission de faire fout ce que le bien 
de la patrie et les circonstances leur snggére- 
raient. La Convention confirma cette volonté le 
27 nivÀse, et déclara de nouveau que les repré- 
sentants envoyés dans TOuest avaient des pùa- 
voirs iUimUés pour terminer la guerre iinpte 
qui dévastait cette région. I^s représ^itants des 
cinq départements de la Bretagne , présents à la 
Convention , prévinrent le même jour, par une 
lettre collective, leurs collègues Ëme^ Guezno 
et G-nermeur de cette nouvelle confirmation de 
pouvoirs rendue commune à eux et aux repré- 
s<»ntants réonis à Nantes. 

Une même pensée devait donc présider aux 
conférences partielles qui devaient amener uii 
rapprochement ; et la Convention ainsi que le 
comité de salut pnbfic n'entendaient pas qu^il put 
y avoir division sur ce point ; aussi les instruc- 
tions du comité fureut-elles précises à cet égard. 
-^ « L'éctteit fe plus dangereux dont vous ayez 
à vous défier^ disait -il, est l'intrigue, dont on 
ne manquera paâ d^anfaner les res^rts pour jeter 
parmi vous les semences d'une divÛHon qui nous 
ferait perdre tout le fruit de XkW 9otticitiide»t ^ 



392 LIVAX flUITlÈHE. — CHAP. TIII. 

El c est en coDséqaence de ces instructions , que 
Delannay , TOfficial et Menuau , écrivirent plu* 
sitiurs fois de Nantes à leurs collègues en mis- 
sion dans le Morbihan et Tille - et -Vilaine poor 
qu^ils se joignissent h eux ajQn de se concerter 
sur les conditions générales de la pacification. 
Mais nous vêlions de dire quelles circonstances 
obligèrent les représentants fixés au centre de la 
Bretagne, à ne point s^élbigner de cette région. 
Parmi eux cependant , comme nous Tavons dit , 
deux hommes ^ Brue et Boursault , paraissaient 
surtout regarder la suspension d^armes convenue 
avec Boishardy et Gormatin comme une. duperie. 
Guezno , Guermeur et Gorbel , qui venaient de 
voir de près les excès de la chouannerie, n étaient 
pas éloignés non plus de partager cette opinion ; 
mais , avec Hoche et BoUet qui paraissaient avoir 
pris quelque confiance dans les démarches de 
Gormatin, ik pensaient, ainsi que le démontraient 
d ailleurs les révélations fournies par le bureau 
central de Vannes, que, si quelques chefs du Mor- 
bihan voulaient la guerre, d'autres pouvaient bien 
vouloir la paix et n'êtce pas (àchés de se récon- 
cilier avec la république pour rentrer dans leurs 
biens et joiiir du repos, La cordiale franchise de 
Gbarettfl i»m 99s rapport» «vec Us représenlunU 



LÀ BÉV0LUT105 B5 BBETAGIfE. 393 

réunis à Nantes , Tempressement qu'il avait mis 
à rendre des prisonniers, à envoyer des fourrages 
h notre cavalerie qui en manquait, leur fournis^ 
saient de fortes raisons de penser qu'un rappro- 
chement sincère poun*ait s'effeciuer vers ce point; 
et , fondant toute leur politique snr ce premier 
-acte de pacificalion , ils regai*dèrent comme un 
devoir d'oublier les hostilités qui venaient d'avoir 
lieu, dans l'espoir fondé que l'exemple de Charctlc 
et de son armée fournirait à plusieurs des chefs 
bretons 1«9 prétexte d'une soumission définitive. 
Ce fut, en conséquence de ces prévisions, que 
BoUet, Boursault et Brue se transportèrent mo- 
mentanément à Nantes. — Boursault , qui s'était 
toujours défié de Cormatin , qui avait un instant 
regardé Hnmbert comme un traître, et qui ne 
s'était point dessaisi de la lettre de Puisaye à Can- 
claux, fut le premier à s'y rendre. On voit, d'après 
les dates , qu'il calcula son arrivée sur celle de 
Cormatin; et, ce quil y a de certain, c'est qu'ils 
s'y trouvèrent ensemble. La présence de ce re- 
présentant et les renseignements qu'il fournit, 
déterminèrent ses collègues h refuser au major- 
général de l'armée catholique une entrevue avec 
Charetle , qui ne fut accordée qu'à la coiidilion 
c|ue les reprét^t^nlants y asi^isleraienti M^i» un 



394 LITBB RVITltXB. — CHAP. TIII. 

fait encore plus dëficat et plus difficile à traiter 
préoccopait Boursault et toute la représentation 
déléguée. La lettre de Puisaye h Canelaux ne 
prouvait pas que celui -ci fût un traître ; mais sa 
contexture , les expressions d'intimité et de con- 
fiance qu'elle contenait , pouvaient le donner à 
penser; et Tinnstance de Cormatin pour obtenir 
une entrevue particulière de Charelte, ses ins- 
tructious h Tégard de plusieurs généraux répu- 
blicains, étaient autant de faits capables d'alarmer 
les représentants, si Ton se rappelle surtout que 
Canelaux était un ancien gentilhomme, et qu'à 
ce titre on lui avait déjà retiré une fois le com- 
mandement de larmée de l'Ouest. — Son quar- 
tier-général étant h Nort , Boursault , aus^t6t. son 
arrivée h Nantes, le fit appeler à une réunion com- 
mune des représentants ; et , l'abordant sans coup 
férir, il lui remit devant ses collègues, la lettre 
que Puisaye lui écrivait , et qtie , daos les intenr- 
lions de celui-ci, Gormatin aurait du lui présenter. 

« Mon cher Canclani:, je vous ai suivi 

depuis k commencemenl de la révoltittOD; jai vu tes 
circoDstaoces qui tous oBt entratni^; j ai 'eetitî la difli- 
cultë de voire position ; j'ai les moyens de tous en tirer , 
ot jedcf^inc les sentiments et celte contrainte inléricnre 
qui font gémir mon vertueux ami, du rôle que la néccs- 
9it0 lui a distribué.,... Moq cber Cancl»nx^ vo*js ^cHjfra'x 



lA KÉVOII7TI05 EU BRET4GICC. 395 

de votre posilion, j*ai les moyens do vous en tirer, et des 
inojens poissants. Vous en aôrlirea avec gloire; je n en- 
trerai pas 2|vec TOUS dans aucune discussion politique, 
les faits parlent assez. Voulez-vous ôtre Monck , Custine , 
Pichegru ou Canclaux ? L*ami de votre Boi , de vos Prin- 
ces, de tant de malheureuses victimes de la plus atrocb 
des révolutions, ou leur assaissin. 

j» Je sais qull n*6St pas de moyens de vous séduire , il 
est aii'dessoos de moi de sédaire personne ; mais il m est 
doux de seconder les desseins généreux que votre cœur, 
4ui m est connu y n a pas manqué de former, et c est moi 
que le ciel vous envoie pour vous seconder. Si M."'*" de 
Caudaux vivait, si la mère do volrc fille, cette femme 
que vous idolâtriez et sur laquelle je vous ai vu répandre 

tant de larmes, pouvait être témoin de ce que je pense 

Mon ami, elle vous voit , son nbm a parlé k votre cœur, et 
irous désirez déjà vous rendre digne d elle. 

» — Je suis autorisé à vous garantir toutes les Condi- 
tions que vous jugerez nécessaires pour replacer votre 

Boi sur le trône de son malheureux père Je ne vous 

parle pas des honneurs qui y sont attachés, encore moins 
de la fortune , etc., etc. (1). 

. Voilà ce que Puisaye, qui avait servi avant la 
i*évolulion dans le même régiment que Cancl^iuj^, 
lui écrivait. Mais Tiadignalion et la surprisse de 
Canclaux furent si naïves et si spontanées que le 

(t) C9H9 9i#«6 »y«qt 4éfk fyé mff\m^^ I je mé ointt «l* d>ii 
doaii^r no titrait. 



396 LIVRE MUlTlfeHE. CHAP, Vlll. 

doute se dissipa h Tinslant même Celte circons- 

tance fat cependant loin de rassurer complète- 
ment le représentant Boursanlt; et sa correspon- 
dance montre combien il ajoutait peu de foi aux 
protestations des rebelles. Les administrations de 
la ville de.IVantes^s'adressaut au Comité de Salut- 
Public , le 1 4 pluviôse , ne se montraient pas plus 
rassurées, et, faisant connaître leur opinion sur les 
désastres de Famnistie , elles disaient que celle-ci 
avait déjà coûté la vie a 600 fonctionnaires pu- 
blics, h J^SOO patriotes et a un plus grand nombre 
de soldats isolés. 

Rentré à Bennes , Boursanlt se trouva remplacé 
à Nantes par son collègue Bollet , dont les vues 
étaient enlièrement favorables à la pacification. 
Aussi, dès l'arrivée de celui-ci h Nantes^ la corres- 
pondance qui exista entre les deux commissions 
chargées de pacifier la Vendée et d'éteindre la 
chouannerie, prit-elle un caractère de plus en plus 
pacifique. Le 15 pluviôse , Bollet fit en effet sa- 
voir h ses collègues de Rennes, que l'entrevue dé- 
finitive , projetée avec Charette et les chefs ven- 
déens, venait d'être invariablement Çxée, et le 
terme de l'armistice porfé au 30 pluviôse. — 
Ruelle, L'Oflicial, Chaillon, et Morissoii appuyé* 

rmtl cet avisd'uQd letlr© circonslaucitJ^ §ur la oon^r 



LA BÉV0LBTI03Ï ES BRETAOI«E. 397 

lîance que leur inspii'aient Charetf e et CJormalin. 
Celui-ci, pour se justifier des troubles instanta- 
nés de la Bretagne , en rejetait l'odieux sur des 
scélérats ^ qu'il déelaraU n avoir pas te pou- 
voir de contenir. 

La maison de la Jaunais,sise à trois quarts de 
lieues de Nantes, du côte de la Vendée , avait été 
prise pour point de rendez-TOUs : Charette , Cor- 
matin et les principaux chefs de ht Vendée s'y 
trouvèrent au jour dit , ainsi que les représentants 
Delaunajr, L'Offieial, BoUet^Chaillon, Ruelle, Jary, 
Pomme l'américain^ Morisson , Dernier, et Me- 
nuan. — Charette d'une part, et Corraàtin de lau* 
tre , remirent chacun : Charette pour son armée 
et celle du centre ; Cormatin pour les royalistes 
de la Bretagne, de la Normandie , du Maine , et de 
FAnjou , des notes ou propositions dont les prin^ 
cipales clauses peuvent être résumées ainsi qu'il 
suit : — Liberté des cultes et continuation pour 
les ministres de la religion catholique de leurs 
traitements anciens ; — promesse des Vendéens 
de ne point porter les armes contre la République;, 
— faculté de se charger de la police intérieure du 
pays, de désigner, les chefs d'administration, de 
se constituer en un seul département; — d<} ne 
point payer d'impôts pendant dix ans ; -^ de res- 



398 LIVU HUITIËMB. — CHAP. Yill. 

ter exempts de toute réquisition , et de la milice ; 
— de ne piânt avoir sur leur territoire de trofipes 
républicaines au*deUi de deux jours de séjour ; ~ 
de rentrer immédiatement dans leurs biens ou 
ceux de leurs pères ; — de recevoir une indemnité 
pour les désastres résultant de la guerre, enfin 
de faire acquitter pef! la République les bons 
royaux émis par suite de ce^te même guerre, et 
de n'être obligés h sortir du pays que dans le cas 
ou une puissance amôiiieuse ei rivale tente-- 
raii ouvertement d* usurper le trâne. 

A quoi le baron de Cormatin, stipulant pour 
l^s wMJOtlsi^^ de la Bretagne, avait ajouté, par 
forme à» commentaire, qu'un ff^ouvernemeni 
populaire étani s^jet à de QrMudes çomma- 
ti^ns, et les Wtonçois^ dt après leur caractère 
m^ral s f physique^ ne poMvant jamais être 
bèurêux que sous le gouvernement d'une 
nmmarcbie, il suffisent que fan promit avec 
garantie de remplir par la suite ceuœ dfs 
târtii^les dottt on ne pourrait pas , poiu' le mo- 
nm04> obtemr F exécution (j|)« 

(t) HoQs aérons oecasiab, tn.parbBt dans. Vun des 

ser C0i| réserviBS et ief bmUs au^naels elles do^oèrent 
lieu. 



I.A RéVOlCTIOH BA B1BTA6KB. 399 

Mak ma oe pat être éOBclii ce joar. La db- 
ciifi^On avait ëtë vive et loagae , comme on le 
pease 9 et chacun ded deux partis désira prendre 
le temps de la réflesion sur les concessions à faire 
on à refluer. Lé 8 ventôse fut donc pris pour une 
deuxiteie entrevue. — Une tente avait ëté pré- 
parée dans la plaine , vis-à-vis de la maison de la 
Jannais, où se tenaient les chefs vendéens. On était 
convenu d'avance des positions qu'occuperaient 
de part et d'aUre les détachements sentant d'es« 
corle. Les représentants se rendirent à cette tente; 
Iç général Caoclailx ^ qui les accompagnait , resta 
avec les officiers de son ëlat-major et quelques 
chasseurs d'ordonnance sur là route , ayast la 
maison de la Jaunais sur sa gaudie , la tenté sur 
sa droite* «- L^ jourpée fut très-pklviéuse. Kentot, 
on vit les dief^ vendéens sortir de la mâisoii de la 
JaunaiSt Charettci se détacha d'eux et s'avançait 
sur la grande l*outé vers le général Canebux , 
qôhnd celui-ci donna l'ordre à son aide-de-camp 
d'aller dii^e au chef vendéen qu'il se trompdut et 
que les représentànis étaieiiC sous la tente. QmA- 
ques cavi^lî^rs venant de Bîmteis . à fc^ite bride 
i^buent ec^n^aot arrivés à la maison .de la Jmi-- 
n%î# avant qii# CbarMte et sa wûte: en Cassent sor^ 
ti^; o« «¥ait va peu après leur anrivéé y SAofflH ^ 



400 LIVEE HUlTlfeHB. CHAP. VIII. 

Bernîer et les officiers de l'Anjou monter à che- 
val, s'élancer au galop et s'ëloigner en levant leurs 
chapeaux et criant vive le Roi ! Le général 
Beauvaisnous apprend que la scène la plus vive 
venait de se passer dans Tune des salles de la 
Jaunais ; que les reproches les plus amers avaient 
été adressés aux partisans de la paix par Stofflet , 
que les interlocuteurs avaient été jusqu^'à mettre 
la main sur la garde de leurs épées , et qu'après 
des dénégations et des démentis échappés de part 
et d'autre , Stofflet avait hautement accusé Cha- 
rette d'abandonner la caqse des Bourbons. La 
conférence qui s'ouvrait sous la tente n'en eut 
cependant pas moins lieu , et les bases d'un rap- 
prochement étant enfin convenues , on vint an- 
noncer au général Canclaux , que les représen- 
tants l'invitaient h se rendre près d'eux. Pour la 
première fois^ dans cette journée, le général répu- 
blicain se trouva au milieu des chefs de la Ven- 
dée. La rencontre , d'après ce qui nous a été dit> 
fut des plus cordialies et des plus franches. On se 
toucha la maiu, on s'embrassa fraterneilement et 
le cri de vive la République fut prononcé des 
deux côtés. Des cocardes et des plumets.tricolores 
ayant été offerts aux chefs vendéens .qui les ac- 
ceptèrent , le cortège entier des généraux et des 



t BÉYOLUTIOH B5 BBBTàGlfB. 401 

repi^ësentants 1^ mit bientôt en maMhe se diri- 
geant sor Nantes. Il était quatre heures du smr. , 
toute la popdlation de Nantes s'était portée vers 
les Ponts ; des salves d'artillerie avaient annoncé 
rheurèufi(e issue des conférences , et des ordon- 
nances qui se succédaient rapidement avaient déjà 
répandu la joie la plus sincère dans les groupes.qui 
se formaient le long de la route ^ quand un brillant 
cortège , précédé des chasseurs des deux armées, 
parut, etvint par sa présence confirmer une grande 
pensée de conciliation. Des cris partis du cœur 
et poussés avec ivresse > retentissaient au loin, et 
lès îAée^à^ union ^ de paia: et de réconciliation , 
se manifestèrent sur tous les points. La foule qui 
se refermait incessamment sur les hommes qui 
s'étaient ainsi touché la main sous la tente de 
hi Jaunais, forma bientôt une masse formidable 
qui sembla porter dans un commun triomphe 
de paix et de bonheur les hommes réconciliés 
de la Vendée et de la République. Un banquet 
frugal et fraternel avait été préparé chez les re- 
présentants 9 et chacun comprit d'autant mieux 
cette touchante rencontre , que la veille , les be* 
soins de la ville étaient si pressants que depuis 
quelques jours les habitants avaient été successive- 
ment réduits de quatre onces à une demi-once de 

26. — 4/ VOL. 



402 LIVIB HinTlÈXB. — CHAP TIII. 

pain. Les chef» de la Vendëe avaient promis de 
faire entrer sens délai 100 charretées de grains. — 
Tontes les autorités, les chefs miKtaiceSi les nota- 
InKtésde Nantes, s'assirent à la même table. Gha- 
rette se leva , et , s'adressent aux B^^pnU&caîns , an 
nom de Vleuriot , de Sapinand , de Gonëtôs, de De 
Bmc et de Trotouin qni étaient h ses côtés, il 
dît aux représentanls : 

<r Qn'en les rappelant an sein de la patrit commane, 
en rendant la paix et le repos k des centrées aflligées 
ai long^temps par les horreurs de la gnerre civâe, ils 
avaient acquis les titres les plus flattears à la recon- 

oaissanee publique Mais lanMre» contiona Cbarette y 

surpassera cette reconnaissance , s'il est possible , et 
nous n oublierons jamais que sous cette tente où se sont 
traités des intérêts si puissants, vous vous êtes montrés 
constamment les amis de la jnstice , de lYtumanité, de la 
bienfaisanœ , et les sautions de rbeuneer et de la gloire 
de tans les Français, sans exception. » 

Bouchard , aide-de-camp du général Canckux , 
auteur de quelques pièces de théâtre, se leva 
alors et entonna un hymne dont la pensée se ré- 
sume dans la strophe suivante: 

ff Amour de la patrie , 
Tu n'es plas un vain nom ; 
iDe mon ime tittendrte , 
8eis la religîen< 



lA l^rOLUTION B9 DBVTAOlilfl. iOi 

Qoi ramène son frère 
Fail plus ponr le pays 
Que tel qui , dans la guerre , 
Détruit mille eonemis. » 

Et se rendant de ce banquet à la sociëtë p^ 
polaire , Delaanay et Ruelle , in/spir^ par l^s cîr-' 
constances^ parlèrent d'umon et de doucA fi;a* 
ternîté en exp#sant la nécessîtii d'ooblier le p«ssé 
pour rendre an commf rce et aux arU leur ac- 
ûyk,é y et aujK campagnes désolées le repos dont 
elles avaient un si grand besoin. 

Voilà ce que fut pour Nantes celte célèbre 
journée du 8 ventôse , sm III , d'après ce que 
nous apprend une notice du citoyen Af^Uinet 
aine (1), témoia oculairo de ces ^ènes, i^t au- 
teur d'un projet d'anuiistie, dont il voyait Icis 
principales clauses se réaliser. 

Mais après nous être rendu campte de optte 
expansion de la joie publpcpie , examiiion^ déplus 
pues les actes qui réglèrent celte pacification donl 
Tcisprit et h pejtaée devaient être rendus conir 
muns aux pays in^ui^és de la Breti^e , du Msviue 
et de TAnjou. 

(I) Où sait quefle part active, ce môme nantais, le 
général Mellinet, a prise à la dernière révolution belge. 



404 LITII BQinftVB. ClAP. TIII. 

Uiàée à^un traiM rëâproqoe fat la première 
qui s'offrit aux insargé» et peut-être aux hommes 
des deux partis ; mais les reprësentants porteurs 
de Tacle d'amnbtie du 12 frimaire et des inten- 
tions de b Conrenlion, objectèrent que c'était 
une réconciliation que la République accordait, 
et non un traité qu'elle n'aurait su iaire arec une 
partie de ses enfants , tous les Français devant 
se ranger sous la loi. Une déclaration de sou- 
misfton fut donc demandée aux chefs rebelles j 
et 9 celle-ci ayant été fournie avec un exposé des 
motifs qui avaient porté les Vendéens à prendre 
les armes contre la république , il fut pris divers 
arrêtés , par les représentants , pour régler les 
conditions ultérieures de la soumission des re- 
belles • de la remise de leurs armes et de leurs 
munitions. 

Une seule déclaration , commune aux chefs de 
la Vendée et au petit nombre des chouans alors 
présents à Nantes , fut donc souscrite le 29 plu- 
"viêse an III, par Gharette, Fleuriot, Couëtus, 
Sapinaud, C2ormatin, de Ëruc, Guérin aine, 
Caillaud, Lepinay, Bejary, Solihac, Rousseau, etc. 
— Les représentants rejetèrent sur les anarchistes 
les maux dont les insurgés se plaignaient, et par 



k 



Lk wkroivTioji XB BinAon. 405 

cinq arrétë« dalës du même jour, ils convinrent : 

1.^ Qae le libre exercice du culte serait rétabli ; 

2.'' Qu'un corps de 2,000 gardes lcrritoriau?E serait 
formé de ceux des Vendéens qui voudraient prendre du 
serTÎce pour la république, sans que ce corps puisse 
ôtre forcé de quitter la Vendée. ( Les autres habitants de 
la Vendée restaient libres de se livrer en toute sûreté 
aux travaux de TagricuUure , sans pouvoir être appelés 
aux armées.) 

3.^ Que les bons royaux délivrés par les chefs ven- 
déens pour le service de leur armée, seraient remboursés 
jusqu'à concurrence de 2 millions ; 

4.'' Que les Vendéens insurgés rentreraient dans la 
libre jouissance de leurs propriétés, et recevraient des 
indemnités convenables pour les aider à réparer les dé- 
sastres dont ils avaient été les victimes. 

5.® Enfin, qu'il serait donné main-levée du séquestre 
à ceux des Vendéens ou ik leurs enfants rentrés en 
France qui avaient été condamnés par les tribunaux , 
sans déclaration du Jury. 

A quelques jaurs de la signatui*e de ces pre- 
miers actes, des officiers faisant partie du con- 
seil militaire de Tarmëe d'Anjou, s'ëtant com- 
plètement séparés de Stofflet et de Bernier, 
il y eut, sous la tente de la Jaunais, une non-* 
velle déclaration de ne plus parier les armes 
contre la république , de vivre sous ses lois , 

§t dp rsrnevre /w ccmom^ ks muni$iQns pt 



40C UVMM «liTlilU. — CHAP. TIII. 

leig armes quis les insurgés pouvaietU aiveir. 
— Celte noavelle pièce , signée de Trotouin , 
major-général de Tarmée d'Anjou; de la Ville- 
Beaogé , de Martin , de Gilbert , de Renou , de 
Triatan, et de Martin le jeune, fnl également 
acceptée et souscrite par les chouans proprement 
dits; par Cormatin, Solihac et Richard, se di- 
sant major-général, aide-major et capitaine de 
Tarmée catholique. 

L'adhésion des insurgés placés sur la rive 
droite de la Loire, et occupant le Maine, une 
partie de TAnjou et la Bretagne entière , forma 
dès-lors Tobjet principal de la sollicitude des re- 
présenlants. Des fêtes, des banquets, des bals et 
des proclamations, devinrent , sur tous les points 
à la fois, Texpression de la joie publique et d'un 
retour inattendu aux douceurs d'une paix que 
les excès des deux partis rendaient d'autant plus 
désirable. Les administrateurs , les chefs de can- 
tonnements , les représentants eux-mêmes , pren- 
nent des arrêtés, lancent des notes et des ma- 
nifestes qui brillent tous de cette expansion spon- 
tanée de la félicité publique : on s'embrasse , on 
se touche la main , on se serre avec bonheur jus- 
que dans les moindres hameaux: chacun semble 
s'être débarrassé du lourd fardeau qui l'oppres- 



LA BÉV0I.DT10ir EU BBBTA6IIB. 407 

sait ; on va ekercher dans les sonterraios, dans les 
réduits où ils se cachent , les malheureux préf res 
ou les rëfraclaires qui ont été obligés de se sous- 
traire à la lumière du jour : on panse leurs plains , 
OQ sèche leurs larmes , et tout le monde espèire. 

La soumission des rebelles est cep^^dant 
loin d'être générale. Si quelques officiers se 
sont détachés de larmée de TAnjou et de Stof- 
flet ; si Gharelte et ses compagnons d'armes 
lui ont déclaré qu'ils Tabandonnaient , ce chef 
nen persiste pas moins «^ continuer la guerre; 
et 9 en réponse aux actes publics des Vendéens 
déclarant accepter la pacification, il lance des 
arrêtés et des proclamations par lesquelles , lui et 
Bernier , s'intitulant commissaire-général de Tar* 
niée royale, déclarent traîtres à Dieu et au roi 
tous ceux qui se seraient soumis à la Républi- 
que (1). — Dans le Morbihan et les Côtes-du- 



(I) Une fouie de pièces, dont plusieurs perdues ou 
inédites , sont comprises dans les documents qui nous 
oDi élé remis par le représentant à jla bien\eillauce du' 
quel nous devons la plupart des faits que nous publions. 
Il nous eût été sans doute agréable do les reproduire , 
mais leur nombre et leur étendue nous en empi^cbent. 

Ainsi sont les lettres de Brue et de Bollet, qui as- 



408 tlTlB HUITJlSMC. CHAP. VIII. 

Nord' en particulier, le pays continuait à être 
vivement inquiëtë , et si les attaques en fortes co- 
lonnes , des premiers jours de pluviôse , n avaient 
point réussi aux rebelles, ceux-ci n'en conti- 
nuaient pas moins à exercer les plus révoltantes 
atrocités, et à se montrer partout en bandes peu 
nombreuses. — D'une part cependant Brue , qui 
s'était un instant échappé de Vannes pour se 
rendre à Nantes, et adhérer, après la signa- 
ture , aux actes de la pacification , s'y était 
concerté avec Cormatin et Humbert, sur plu- 
sieurs mesures à prendre. Ce dernier chef, ans- 
sitôt l'adhésion des chouans présents à la pa- 
cification , s'était rendu dans les (Jôtes-du-Nord ^ 
et il avait été de plus convenu que Cormatin, 
accompagné de l'un des aides-de-camp de Cha^ 
rette, se transporterait dans les Gôtes-du-Nord 
et le Morbihan , à l'effet de ramener les insurgés 
de ces deux départements à des idées de conci- 
liation. — Trotouin, d'une autre part, après s'être 



sistaicnt aux conférences de la Jaunais; ainsi sont plu- 
sicars actes officiels de Bcrnier, où il mande et ordonne 
coixme un prince régnant; ainsi sont les proclamations 
et la leitte des chefs vendéeps au club de Nantes, re* 

Ifiti^ei ^ Ifi paciflcMioni 



LA XÉV0X.0TI01Ï BIT BBBTAGBB. 409 

séparé brusquement de Stofflet ^ et Tavoir déclaré 
par une lettre publique à ses compagnons d'ar- 
mes , avait accepté la mission de ramener à des 
idées de pacification les chefs de chouans du 
Maine et de l'Anjou qui touchaient h la Bretagne 
par leur position sur la rive droite de la Loire. 
Le représentant Bézard, qui résidait à Angers; 
le président du district de Segré » Bancelin , et 
une parente du chevalier de Turpin, M,"" de 
Bongars, donnèrent tous leurs soins à ce projet. 
Dans peu de jours , les chefs de chouans de Sce- 
peaux , G ourlet, de Maulne, Pelouzin, Coque- 
reau, ayant été réunis à la Chanfournaie , près 
Segré, il fut convenu que l'on se rendrait à Nantes 
pour y prendre connaissance de la soumission de 
Charette. Ce qui eut lieu le 10 ventôse et décida 
la soumission momentanée des chefs de cette ré- 
gion. Laval, Sablé, La Guerche et Vitré suivirent 
le même mouvement, et partout la soumission 
de Charette décida, dans le premier moment, un 
entraînement rapide vers la paix , bien que l'en- 
têtement de Stofllet tint quelques esprits en 
suspens. 

Mais revenons au centre de la Bretagne ; Hoche, 
Brue, Guezno et Guermeur, de Rennes, do Vannes 

^t d^ Quimperi ont pnnpncé, par d^s proclama' 



410 Lins HCITIÈVB. CVAP. TllI. 

fions et des ordres du joar , l'heopease issue des 
conférences de IVantes. 

¥ Mais , tandis qnc Cbareltc cl les chefs de la Vendre 

» rcBUienldans le sein de la patrie , disait Hoche, il est 

« des brigands de profession 4]>ii , ne connaissanl de 

n parti qnc celui du meurtre cl du pillage, cxécutcnl 

» des forfaits înouis et semblent en méditer de nou- 

» Teau\. L'instant est arrivé où tous les bons ciloycns 

» dolTcnt se réunir pour détruire leur ennemi com- 

n mun » 

Et il ajoulail que les chefs mililaii*es conlînije- 
raient a repousser les agrcsiiions par la force , à 
proléger les personnes el les propriétés , à faire 
respecler les idées religieuses. De leur côté , 
Guezno el Guermeur prescrivaient, par un drrêlé 
s^pécial , que tous les suspects encore détenus se- 
raient immédiatement élargis, à quelque classe 
quils appartinssent, prêtres ou nobles, ouvriers 
ou commerçants, pourvu qu'il ny eiit d'autre 
giiefs contre eux que la suspicion qui avait mo- 
tivé leur ari*cslation« Ces prescriplions , les pa- 
roles de paix de ces mêmes représentants, le 
retour de Cormatin dans la Bretagne, étaient au- 
tant de faits propres sans doute à hâter Tépoque 
d'un sincère rapprochement : mais il nous est 
appris par la correspondance de Brue , placé au 
centre de rinsurreclion , que les excès de la 



Lk RÉVOLVTIOlf BS BIBTJlGHB. 4il 

chouannerie sont loin d'avoir cesse. Le 20 ventôse, 
Brue écrivant à ses collègues , Guezno el Guer- 
meur, leur mandait en effet qu'obsédé chaque 
jour de plaintes et de rapporis contre Içs chouans, 
il vient de se décider à écrire la lettre suivante 
à Gormatin : 

« C'est le cœur navré do douleur , ciloycn , que jo 

» l'écris Dcruis mon retour dans celte division , 

» ckaque joar, chaque heure, pour ainsi dire, voit 

» encore coaler le sang de nos frères; en effet, Tassas - 

o sinat , comme le pillage et les | lus affreux excès , se 

)} continuent et se propagent de la manière la plus 

» effrayante. Cependant, à mon arrivée, j'ai dit et écrit 

» que l'on ne fît aucune fouille, que l'on se bornât à 

» la surveillance et à repousser la force par la force, 

j) Mais, comme lu nous Tas dit à Nantes, cl je le vois 

» encore mieux aujourd'hui, il est dans ce pays quel- 

» qucs hommes sans principes, ainsi que sans pro* 

» priétés et sans aveu , qui ne veulent pas de paix el 

» versent le «ang avec plaisir, s'ils peuvent, en pil- 

» lant, retirer quelque profit. Ce sont ces scélérats que 

» nous avons tous intérêt d'atteindre.... Ils répandent 

D que la rentrée de Chareltc, des Vendéens, que la vôtre 

» même est fausse. Dans d'autres endroits, ils disent 

» que vous les avez trahis. Enfin , dans les lieux où ils 

» ne peuvent rien de plus, ils veulent persuader que 

)) vos démarches , loin d'être sincères , cachent des 

» pièges bien adroits ou les républicains tomberont 

1) avant peu. * 



412 idwvE mmxAmM. — cuf. rin. 

» Veoes donc lepr rapporter 1 accueil que noos 

9 faiftODs à ceux qni revienoent aux lois; venez leur 
n inspirer celle coufiaoce qu'ils doivent avoir en la 
n Convention nationale. Vous le devez à ce pays, vous 
M le devez à vous-même; etc., elc » 



Et , lui faisant pari des abrmes que conçoivent 
les villes de Vannes et d* Aura y menacées par de 
nombreux rassemblements j il ajoute : Que la 
garnison de Theix a été atlaquée , qu elle a perdu 
deux hommes ; que , dans Tarrondissement de 
Quiberon , un poste place sur la côte a été force 
et pillé par les rebelles ; que , dans la commune 
de Bignan , les insurgés ont enlevé aux républt-^ 
caios les fourrages qiiils menaient à leurs can- 
tonnements; que les hommes de lô à 50 ans se 
lèvent ; qu on parle de rechef d^attaquer les villes ; 
qu'il n est pas une route qni mène à Vannes , où 
les rebelles ne volent ou ne fusillent les voya- 
geurs. Et cependant, dit-il en terminant : « Je 
>» préfère entendre dire que je suis coupable de 
» ne pas venger la mort des patriotes , plutôt que 
M de mettre une entrave h la pacification. Mais 
» tu dois bien sentir que le sang qui coule fait 
n frémir d'indignation » 

Or , dans ce même moment , Humbert et Cor- 
malin 9 après avoir passé par Benuos ^ tétaient déjà 



LA AÉTOLUnOR BH BAITA6BB. 413 

rendus daios les Côtes-du-Nord ; ils y conféraient 
avec le comité centrât de Tannée catholique, et 
se réunissaient à Montcontour , d^où €orniatin ^ 
répondant à Brue , lui écrivait le 1 8 : 

(c Je ne puis trop vous dire combien il est intéressant 

n de vous employer pour seconder les efforts que nous 

n faisons pour arriver à la paix ; car, à' mon arrivée 

>> ici 9 j'ai trouvé tout préparé pour recommencer les 

n hostilités. Vous frémiriez des horreurs que vos troupes 

» ont commises. Hier encore, elles ont fait deux lieues 

» pour venir attaquer des habitants qui ont été fusillés 

» par les soldats , quoique nos gens n aient pas tiré. 

» Une femme de 20 ans , grosse y a été tnée ; elle laisse 

m par sa mort un ehfani de 2 ans sans secours. Tout 

» cela indisp&se les esprits et augmente nos diflRcultés (l). 



(i) Voici ce que Brafe répondait sur ce point à Gorroatin , le 22 
Ventôse : « Je gémis comme toi et je gémirai . toujours de Teffu- 
» sion da sang. Les excès que ta m'annonces a?oir été commis 
n par qnelqnea soldats de la Républiqne (si l'on ne t'a pas trotaipé) , 
» me font horreur. Je désirerais savoir quel jour et de quel canton 
» cette force armée est sortie , afin de faire vérifier les faits et 
rt de faire punir les auteurs. J'ai , depuis mon retour à Vannes , 
*) donné et répété plus d'une fois des ordres très-précis an général 
» commandant la division , de se borner à la défensive ; de ne 
» permettre ancnne fouille , et^ de repousser seulement la force 
» par la force. Dans le cas de désobéissance à ses ordres , je Tai 
» expressément chargé de punir sévèrement ceux qui s'en ren- 
)» draient eoupables. » — Et ^ lui citant à son tour deux asisassinats 
commis par les chonans à Peillac , dans la nuit du 19 au 20 ^ dont 



» An reste, iioas presoas les mesures les plus sages , et 
» avaot trots jours bous aurons atteint les maratîstcs 
n de ces cantons. 

» Salut et fraternité. 

J» CoRMÂTIir. » 

Mais ces faits , ces récriminations 9 que chaque 
parti taxait de plos on moins d'exagération ^ n'é- 
taient goère favorables à Taccomplissement da 
projet déjà formé d'anc entrevue générale à 
Bennes, à laquelle les représentants Ruelle, De- 
launay et Bollet devaient se trouver. — Des or- 
dres furent cependant donnés par le comité cen- 
tral de l'armée catholique ^ afin que les chefs 
insurgés du Morbihan se rendissent préalable- 
ment h Monicontour, pour y conférer avec 
Cormatin , Chantreau et Boishardy , qui fai- 
saient parti de ce comité. L'ordre de cesser 
toute hostilité leur fut également notifié, et Hum- 
bert anncmça, par un avis particulier, qu'il at- 
tendait, pour l'un des jours suivants, ime tren- 
taine des chefs de rebelles. Hochç, qui était 
malade , crut , en raison de la gravité des cir- 



ran sur une jeune fille de 17 à 18 ans, il ajoutait que, pour couper 
court à toute récrimination, 7/ venait dtinierdir jusqu'aux 
réquisitions de grains , bien que les villes manquassent 
absolument de subsistances. 



lA léTOI.!]TIOH BU BBBTACjrB. 415 

constances , devoir, s^y rendre , et voici ce qo'ii 
écrivit snr cette entrevue anx représentants Gaez- 
no et Guermeur, de Hlonlcontoar même : 

Il Plusieurs lettres des géoéraux Rcj et Valletaax 
m'ayant donné beaucoup de défiance sur les iutentions 
des chefs de chouans el même sur la fidélité du général 
Uumbert , je résolus quoique malade de vérifier les faits ; 
et, à cet effet, je me transportai avec le général Dant- 
can à Montcontour, où je savais être rassemblés toas 
les chefs; j eus hier deux très-longues conférences avec 
les principaux chefs, pendant lesquels je m efforçai à 
découvrir ce que je voulais savoir. La majorité parait 
vouloir la paix aux conditions accordées à Charette; 
quelques jeunes têtes, très-bouillantes et sortant des bois, 
paraissent avmr des prétentions très-exagérées. Enfin, 
après les explications nécessaires de leur part et de la 
mienne, conformément aux arrêtés de vos coliques, 
nous sîgnânaes la pièce dont je joins ici un exemplaire 
(cet exeuq>laire ne s*est point trou ré joint à la pièce que 
nous relatons.) 

» Dire que ces hommes rompent avec TAngleterre et 
qu'ils sont absolument de bonne foi, serait avanoa* 
beaucoup: pour assurer le contraire, il faudrait des 
preuves. Nous devons donc attendre le résultat de la 
grande conférence de Bennes , où doivent se trouver les 
représentants du peuple BoUet, Biielle et Delaunay. 

n Ce que j ai pu découvrir des projets qu'ils avaient, 
est assez grave pour affliger un républicain de bonne 
foi. Affamer les villes pour lès Caire soulever ; inlercep* 



416 LiTU ■ointai. — CVAP. rm. 

lertomcs les coamanicalioBs; assassiner les patriotes 
et les adnûnistratears; tirer d'AogleteiTe des armes , de 
faox assignats el de Tor ; acheter nos soldats, nos 
matelots et le secret de nos «^rations; s'emparer de 
nos arsenaux; oif;aniser une armée considérable; faire 
cbooanner sur tonte la surface de la république ; comman- 
der partout la terreur; ^oilà le résumé de leurs projets 
atroces, quel abyme de maux!.... Leur nombre est consi- 
dérable; tous leurs chefs sont des nobles, pages de 
Capet, officiers de marine et de terre. Ils ont , disent-ils , 
cent mille hommes à leur disposition , et l'opinion géné- 
rale, la yérité est, qolls jpeuTent aroir trente-cinq mille 
hommes armés, depuis Brest jusqu'à ÀTranches, Alençon 
et Saumor, et que ce pays est en véritable contre- 
réTolution; qu'il n y a dans toute la Bretagne que deux 
partis, les chouans qui renient tout envahir, et les terro- 
ristes qui veulent tout brûler. Ils ne s'accordent que 
sur la religion , mais tous la veulent. Voici les dangers ; 
voyons les remèdes: hâter le moment de la pacification 
avec les chefs des chouans , les traiter avec douceur et 
fermeté, leur inspirer la confiance qu'ils paraissent ne 
point avoir, agir avec eux de bonne foi. Quant aux avan- 
tages qui leur sont accordés : mettre en liberté les prêtres 
réfractaires, leur laisser dire des messes et complies; 
les acheter, s'en servir contre Tambition des chefs de 
parli; diviser ces derniers , en achetant les uns, flatter 
lamonr-propre des autres; confier à ceux-ci une partie 
de la police intérieure du pays qu'ils pourraient faire 
garder par les gardes territoriales que Ton veut créer, 
et en les faisant surveiller par des républicains de bonne 



Lk BiVOIUnOH BN BBlTA^n. 417 

tr«mpe; placer ceux-là dans des corpa aux frontières; 
répandre habilement de largent parmi la classe indigente ; 
faire circuler des écrits sagement, rédigés, calmants, 
religieux et patriotiques; entretenir dans ce pays un 
corps de vingt-cinq mille hommes campés sur différents 
points; environner nos côtes de Bretagne et de Norman- 
die de chaloupes canonnières qui changeront de poste 
tous les dix jours ; conserver de Tinfanterie sur nos côtes 
pour s'opposer aux petits débarquements; faire rentrer 
les munitions et les porter dans une place forte; tirer 
peu du pays, parce qu'il n y a presque rien ; s'emparer de 
Jersey, Guernezey et Aurigny ; établir une chouannerie 
en Angleterre (nous ne pouvons en indiquer les moyens 
que verbalement) ; réorganiser d'une manière conforme 
aux principes de justice les administrations, et enfin 
inqposer publiquement le silence aux malveillants qui 
attaquent la réputation et détruisent la confiance que le 
peuple doit avoir en des hommes républicains qui, jour- 
nellement, se dévouent à la mort pour servir leur patrie. » 

Des agents et des affidés parcouraient toute- 
fois le pays et visitaient les cantonnements re- 
belles, dans le but d'arriver à des conférences 
calquées sur celles de la Jaunais. De son câté, 
Brue avait écrit à ses collègues Gnezno et Guer- 
meur 9 qui. continuaient à parcourir la Bretagne, 
afin d'y épurer les administrations publiques , 
pour qu'ils eussent à le rejoindre et à se diriger 
sur Rennes , dans le but d'y préparer le rappro- 

27. — 4/ VOL. 



418 LIWMM «QITlkMB. — OUF. TIU. 

diMnait qae Ton mëditaiU — Hbàs , encore une 
fois j ee rapprochement Aait très-difficile ; et si , 
comme Ton n'en pent douter, comme font avancé 
depuis les hommes qui dirigèrent Fexpédition de 
Quiberon , les rebelles continuaient à avoir des 
intelligences avec TÂngleterre (1) , il faut ^ d'un 
antre câté , reconnaître que la position des rëpo- 
bfieains ^ refoolës dans leurs cantonnements , dé- 
bordés jHresqœ sur tous les points par les masses 
qui se soulevaient , privés de vivres et de muni- 
tions de tous genres , était assez précaire , pour 
que des tètes bouillantes et qui sortaient des 
bois, comme le disait Hoche , crussent que la 
transaction proposée enlevait à la cause royale 
la seule chance de succès qu'elle eût eoe depuis 
long-temps. — D'ailleurs , des méchants , joignant 
à ces considérations quelques faits particuliers, 



(I) cr Les deux traités de la Jaanats et de la Mabilais, 
» est-il dit par H. Oe Villeneuve la Roche Bamaad 
n {Mémoires sur t expédition de Quiberon ^ 1824) , n'é- 
» laient, dans le fait, que des actes illusoires , signés 
» de la part des royalistes, sans autre intention que 
ji celle de détourner l'orage prêt à fondre sur leur tête, 
» et de gagner quelques mois de repos, pour. se pré- 
» PfDsr à de neuveaux combats, i» 



LA BÉTOLITTIOIÎ BU BRBTAGirB. 419 

établissaient, aux yeux des gens crédules, que les 
terroristes, ainsi que s'en plaignaient Hoche et 
Humbert, étaient restés au timon des affaires; et 
cette assertion , jointe aux difficultés incessantes 
que présentaient les réquisitions de grains , tenait 
en défiance beaucoup d'insurgés et de partisans 
obscurs qui ne faisaient aucun compte des actes 
de l'amnistie , ou qui les repoussaient comme une 
perfidie , en disant que le meilleur témoignage à 
leur donner des intentions de la République , 
était de retirer des campagnes les troupes dont 
la présence seule. alarmait les habitants, et non 
d^en faire venir de nouvelles dont la marche ne 

pouvait cacher que des intentions perfides 

Vainement les généraux et les représentants com» 
battent-ils ces insinuations par des actes de clé-' 
mence répétés ; les paysans et les révoltés , aux- 
quels on ne donnait connaissance d'aucun de ces 
actes, restaient dans l'ignorarice la plus absolue 
de ce qui se passait. Et, soumis à la volonté 
de leurs chefs , b paix continuait à dépendre des 
intérêts de ceux-ci. 



LA lÉrotuTioir BU BBBTAcys. 421 



CHAPITRE IX. 



coarUiiticES Bt tiait^ de la mabilais. 



Ainsi que nous Tavons dit , et malgré les dé- 
sastres d'une nouvelle insurrection y la paix était 
devenue, pour les représentants et le généred en 
chef, une nécessité que les principes de clémence 
adoptés, la soumission de Charette et Tespoir 
fondé d'une réconciliation commandaient impé- 
rieusement. — Des ordres furent en conséquence 
transmis à tous les chefs d'administration et de 
cantonnement, pour qu'en faisant connaître l'issue 
des conférences de la Jaunais,ils s'efforçassent de 
s'aboucher avec les rebelles, dans le but de les 
amener à de semblables conférences. — Nous 
avons en main le compte-rendu de la plupart 



422 LIVBB HUITlÈltS. — CHAP. IX. 

des démarches entreprises, et nous voyons 
qu aussitât le retour de Cormatîn et Tentrevue 
de Afont-Contonr, les républicains multiplièrent 
leurs instances près des rebelles sur presque 
tous les points à la fois; mais nulle part, peut- 
être, avec plus de zèle et dmtelligence que dans 
le pays entre Sarlhe et Mayenne, où le pré- 
sident du district de Segré, Baneelin que nous 
retrouvons toujours empressé, dès qu^il s'agit d'un 
rapprochement^ montra un zèle réellement admi- 
rable. Parti de Segré, aussitôt la connaissance 
des événements de Nantes, nous avons dit avec 
quelle courageuse intrépidité il s'était rendu 
seul et de nuit près du chevalier de Tnrpin. 
Suivi de plusieurs chefs de rebelles,, quii a ra- 
menés au gpron de la République, c'est avec 
eux qu'il se rend dans le district de Craon , où il 
parvient à joindre le . Comfe et Blin , chefs de 
ces cantons, q\ii firent leur soumission peu après. 
Ayant passé de là dans le district de Cbâteau- 
Gontier, où il parvient au chef Amar^ il se fait 
cojodnire par lui près des chefs supérieurs Go- 
quereau et Mocquereau, qu'il détermine égale- 
ment à rentrer sous les lois de la République. 
Et ^ s^avançant jusqu'à Lava), pendant que le gé^ 
D^ral Lq : B)ey: §t çoo iûd€^-de-;cainp fraternisent 



XA IJ^VOLUTIOU BIT BBBTlCIfB. 423 

avec ces chefs et les conduiseiit successivement 
près des adimnîMrations de Chàteaugeiitier et de 
Château -Neaf, il rallie encore plusieurs chefs 
qui consentaient à faire lenr soumission , quand 
la populace de Laval les poursuivant de ses in- 
sultes, les détermina à se retirer. Malgré ce 
contre* temps, il se concerte . avec le général 
Dnhesme qui commande h Laval, et obtient des 
chefs de chouans qu ils accéderont à la pacifica- 
tion et se régleront sur la conduite de Dieusie 
et de Goquereau. Il est paiement convenu qu4Is 
enverront qnelques-uns des leurs aux conférences 
de Rennes; et, parcourant de nouveau le pays 
de Laval et de Vitré, Bancehn parvient à joindre 
M. de Frotté, qui, avec Ta vis des autres chefs, 
prend jour pour se trouver à Graon, le 4 germi- 
nal, afin d'en expédier leurs délégués pour Rennes. 
Dans le Morbihan^ le représentant Hrue, le 
chef du bureau central Mériage, et plusieurs 
administrateurs des districts de Roche-des-Trois , 
du Faouët et des environs de Bignan et de Saint- 
Jean-Brevelay concourent à des actes pareils , en 
prenant part à des entrevues qui furent plus ou 
moins favorables à la pacification. Mériage s est 
rendu lui-même dans Içs districts de Roche-Sau- 

veur et de Rpche-des-Trois, i| s'y es| fiboucb^ 



J 



424 UTU HuinËiUE. — ghap. ix. 

arec les chefs Briand et Përio, s est entretenu 
avec plasîeors prêtres qu'il a trouvés entourés 
de rebelles auxquels ils disaient la messe. Ces 
prêtres ont bien voulu lire les actes concernant 
la soumission de Gharette. Berlhelot , Cadoudal 
et Le Mercier ont fait de leur côté une démarche 
qui semble dénoter les intentions les plus paci- 
fiques. Ils ont envoyé plusieurs de leurs hommes 
à Vannes et ont remis aux mains des représen- 
tants , onze répubhcains qui avaient été surpris à 
Bignan ; plusieurs autres chefs font des démons- 
trations également favorables. — Dans les Côte^ 
du-Nord , les chefs qui s'étaient réunis à BI ont - 
Contour parcourent le pays dans des vues plus 
Mi moins apparentes de pacification , et le citoyen 
Beslay, agent national du district de Dinan, ob- 
tient à sa maison de campagne une entrevue avec 
dix à douze prêtres insermentés , qu il trouve si 
bien disposés qu'il ne peut s'empêcher de dire , 
que tant de bienveillance lui semble cacher quelque 
intention hostile. 

Le projet formel de conférences , calquées sur 
celles de la Jaunais, n'en est pas moins arrêté, 
et il ne s'agit plus , dans l'esprit des représentants 
et des chefs royalistes que de s'entendre sur les 
moyens. — Le château de la Prévalais, situé prèjs 



LA BÉVOLUTIOlf BN BRBTAGKE. 425 

de Rennes , est offert aux rebelles comme pou- 
vant leur servir de quartier-général , et , Tordre 
ayant été donné par les représentants de meubler 
cette maison^ on convint de se réunir le 10 ger- 
minal 9 pour l'ouverture des conférences qui de- 
vaient se tenir au chsl^tean de la Mabilais, autre 
maison située à une petite lieue de Rennes et de la 
Prévalais. 

Guezno et Guermeur, chargés spécialement 
des conséquences de l'amnistie et de l'application 
du décret du 12 frimaire, avaient invité de bonne 
heure leurs collègues de Nantes h se joindre à 
eux ; voulant donner au traité qu'ils espéraient 
conclure toute la solennité désirable, ils s'étaient 
successivement adjoints, Defermon, Lanjuinais et 
Gorbel, qui se trouvaient snr les lieux. Brue avait 
été également appelé par eux , mais il ne put se 
rendre h leur invitation, en raison de la sourde 
agitation qui régnait dans le fllorbihan. D'un autre 
côté, Delaunay s'était rendu sans délai de Nantes 
à Paris pour y porter le traité de la Jaunais , et 
Ruelle , Pomme , Dornier, L'Ofiicial et RIorisson 
s'étant en même temps dirigés vers la Vendée dans 
le but de ramener Stofflet à des idées de pacifi- 
cation ; Guezno , Defermon , Grenot , Bollet , 
Chaillon, Lanjuinais, Guermeur et Jary se trou- 



426 UVEB SBPTlfeVB. — CHAP. XX. 

vèrent seuls charges de tou^ les prélimioaîres de 
la pacification. — Quant à Hoche, en position de 
juger mieux qu'aucun autre des dispositions de 
Fennemi, il avait reçu récemment du Comité de 
Salut Public des pouvoirs illimités qui lui don- 
naient touie latitude de confiance pour mettre 
fin aux troubles de nos départements. Mais, 
quelques instances qui lui fussent faites par les 
représentants réunis , il persista à ne point prendre 
part aux conférences de la Mabilais , disant qu il 
voulait rester libre de ses mouvements et en 
mesure d'agir, si, comme il le craignait, lei$ 
interminables remises des rebelles et les hosti- 
lités de Stofflet l'y obligeaient (1). Réunis à rhôtel 
de duillé, près la Motte, à Bénîtes, les repré- 
sentants y tenaient lem'S conférences particu- 
fières et y mangeaient ordinairement en corn- 



(l) De Puisaje cl les hisloricns qni Tont copié, ont 
prétendu que ce furent les intrigues de Cormatin et la 
jalousie des représentants qui firent refuser à Hoche 
rentrée des conférences. — Gela n*cst pas , et noes pou- 
vons affirmer, pour le tenir du représentant Guezno Ini- 
méniv*, que les plus vives instanecs lui furent plusieurs 
fois «idresFécs sans qu on pftt le détcrmiuer à prendre 
part aux conférences. Il appuyait surtout son refus sur 
la néiîeçeiu^ de siirvpiUcr Ips n^ouvçmenls (Je renopwit 



LA SÉVOLUTiOlf EN BBBTAGlfE. 427 

mun. Les chefs royalistes , Cormalin, de Busnel , 
de Ghantereai], Boîshardy , De Silz, Louis de Frolf é, 
de Tinteniac, Guillemot, Bellevne et plusieurs 
autres se joignirent successivement à la Prévalais* 
L'avis certain des échecs éprouvés par Stofflet 
ne tarda point cependant h se répaudre dans les 
deux partis ; et , comme les royaKstes avaient es- 
sayé de faire de la présence de Stofllet aux con* 
férences qui allaient s'ouvrir , une condition obli- 
gatoire, les revers qa il éprouva dans les entrefaites 
donnèrent bientôt au représentants une assurance 
qu'ils n'auraient pas osé prendre dès le principe. 
Or, la première réunion ne put avoir lieu le 10 
germinal , comme on en était convenu , et ce fut 
seulement le 11 que Cormâlin, au nom de ses amis 
et de Puisaye, toujours qualifié de générale» chef, 
mais absent f vint de la Prévalais à Rennes pour 
notifier aux représentants le désir qu'avaient ses 
amis de dépécher deux des leurs près de Stofflet , 
et d'attendre sa réponse pour reprendre les con- 
férences projetées. S'étant rendu avec ses amis le 
lendemain, IS germinal, à la Slabilais, ils de- 
mandèrent en outre que les hoslilîlés contre 
Stofflet fussent suspendues jusqu'à la connaissance 
de sa réponse. Mais, comme l'objectèrent les re- 
présentants ^ c'eut été de leur part contrarier les 



428 LITRE HUITIÈME. — CHÀP. IX. 

intérêts de la République et les projets de leurs 
collègues qui se trouvaient à la tête des colonnes 
chargées de la poursuite de Stofflet. Les royalistes 
attribuèrent d'abord cette résolution à la défiance, 
mais ils y accédèrent cependant ; et le surlende- 
main , 1 4 , on s'occupait des deux cêtés à expédier 
des commissaires près de Stofilet, quand deux 
députés de ce chef vendéen , MAI. Beauvais et 
Palierne, arrivèrent de la Vendée, ainsi que le 
représentant Pomme X Américain. On apprit par 
celui-ci^ue Stofflet était dans une position très* 
difficile ; qu'il avait écrit a Danclaux pour lui de- 
mander h, entrer en pourparlers ; que ce général, 
après avoir consulté Dornier et Morisson, lui avait 
répondu, sans suspendre les opérations militaires, 
qu'il pouvait souscrire à la pacification de Charette, 
et que c'était en conséquence de ces pourparlers 
que Stofflet avait dépêché h Bennes les envoyé^^ 
chargés de son mandat. 

Ainsi se passa la conférence du 1 4 germinal , 
qui eut cependant ceci de particulier, qu avant 
toute délibération , les Beprésentants exigèrent 
des chefs royalistes, ainsi que cela s'était pratiqué 
dans les conférences avec Charette , qu'ils décla- 
rassent reconnaître la république (1). On était 

(I) J'ai deux IcUres sur celle conférence, lune col- 



lA mÉTOLUTIOH BX BBBTA09S. 429 

d^abord convenu de remeltre la continaation des 
conférences an 18, mais Tarrivëe des envoyés de 
Stofflet dëlermina à en fixer nne ponr le lende- 
main 15. Les Représentants , snr ce point , étaient 
en effet d'autant plus désireux d'arriver à une 
conclusion, que les chefs de chouans du pays de 
la Sarthe et de la Mayenne ne s'étaient point 
rendus à Rennes , bien qu'ils eussent été les pre- 
miers à le promettre. Des avis certains et une 
lettre du chef de chouans Dagnet , du district de 
Ségré , annonçaient , en effet , qu'il se prononçait 
une scission entre les partisans de la paix et les 
amis de Stofflet ; que ceux-ci ralhaient à eux la 
plupart des cantonnements insurgés et désignaient 
déjà aux vengeances de leur parti les chevaliers 
de Turpin et de Dieusie qui manifestaient le désir 
de tenir à leur parole (i). Il fut donc convenu. 



leclive des représentants qui y assistèrent, Tautre de 
Goezno à son collègne Brue ; toutes les deux attestent 
cette reconnaissance; mais la deauème, en observant 
qu'elle ne fut pas écrite , mais confirmée par une parole 
d*honneur, et à la condition qu'elle serait gardée secrète. 
(I) Un rapport des administrateurs de Ségré, sur ces 
mêmes événements , nous apprend , en effet , qu aucun 
des chefs de chouans qui avaient accepté le rendez-vous 



430 ' LIVBB BUITIÈHB. CHAP. IX. 

après délibération , que les Bepréseatanls imis- 
téraient formeUemént sur la nécessité de profiter 
de la présence des envoyés de Sfoffiet , pour ar- 
rêter les bases d'nn traité pareil' h celui dé la 
Jaunais. — Mais , à peine assemblés , les députés 
de Stofflet se retranchèrent sur la limite de leurs 
pouvoirs ' et la nécessité d'une suspension d'hos- 
tililés pour s'entendre avec leur général sur Tac- 
ceptation définitive des propositions des R^ré- 
sentants. C'était là du moins le prétexté avoué 
de la remise demandée; mais lé cause véritable 
et secrète de ce nouveau retard , était , comme 
nous TaqpiNrend la correspondance des rebelles , 
que Tinteniac et Làvieuville , récemment dé- 
barqués , venaient de joindre leurs amis à la Pré- 
valais , et que la prochaine arrivée de Puisaye et 
des secours de l'Angleterre fut donnée pour cer- 
taine aux chefs insurgés. De là , les nouvelles dif- 



doané à Craon pour le 4 germinal , afin d en déléguer 
les mandataires du parti royaliste qui devaient se rendre 
am: conférences de Rennes, ne s'y étaient trouvés; et 
qn*aulieu de confirmer ainsi ladhésion qu'ils avaient sous- 
crite aux actes de GbareUe , ils avaient au cQntriiire re- 
pris les armes et déj^ attaqué ou surpris ]ps colonnes 
républicaines. <— Ce rapport , fort curieux et ion cir- 
constancié , est du 10 germinal. 



Il RÉVOLVTIOK EN BUTÀ65E. 431 

ficultés des envoyés de StofHet et les tergiversa* 
lions de plusieurs chefs Bretons , plus ou moins 
opposés à la paix. — Vainement les Représen- 
tants se plaignent - ils amèrement des excès qui 
se commettent dans tous les cantonnements in- 
surgés et parlent -ils de la nécessité d'arrêter 
l'effusion du sang : les envoyés de Stofilet et leurs 
adhérents sont inébranlables. La discussion est 
poussée jusqu'à ses derniers arguments , et on 
allait se séparer , quand les Représentants deman*- 
dèrenl à se retirer, afin d'en délibérer un ins- 
tant entre eux..... Il fut convenu que la mesure 
proposée par les chefs de chouans serait adoptée 
et que deux représentants, Delaunay et Ruelle 
retomrneraient avec les envoyés de Stofflet près de 
ce général. D'autres dispositions furent en même 
temps prises à l'égard des chefs de la Sarthe et 
de la Mayenne , et l'aide-de^camp du général Le 
Bley qui se trouvait à Rennes, en partit avec 
deux envoyés des chets de chouans , pour se 
rendre dans les districts de Ghâteauneuf , Ségré 
et Ghâteaugontier, afin de déterminer les chels de 
ces cantons à venir prendre part aux conférences. 
Mais , pendant ce temps , la position des répu- 
blicains devenait chaque jour plus difficile. Les 
subsistances déjà si rares , s^épuisaient ; le soldat , 



432 LITBB HtJITlibMB. -— CHAP. IX. 

privé du nécessaire , avait à latter contre des 
besoins de tous les genres , et cependant , chaque 
jour, h chaque heure ^ il était témoin dans ses 
cantonnements d'assassinats et d'excès qu il serait 
trop long de rapporter, et dont le seul récit , sans 
exagération, formerait la matière de plusieurs 
volumes. Les représentants s'oflPorcent cependant 
d'apaiser les haines et les justes plaintes qui se 
manifestent. Ils ne cessent de prêcher la modé- 
ration et la patience aux chefs d'administration et 
de cantonnement; et, pour donner plus de poids 
à leurs paroles, ils font encore une fois ouvrir les 
prisons et relâcher ceux des jeunes gens de la 
réquisition qui peuvent y être restés détenus pour 
des actes plus ou moins hostiles. Si la troupe ou 
les habitants manquent de pain et ne peuvent s'en 
procurer que par des réquisitions forcées , ils les 
prient en grâce de s'imposer encore pour quel- 
ques jours des privations devenues insupportables ; 
et, prenant de nouvelles mesures contre les ter- 
roristes, que les rebelles montrent de leur côté 
comme ennemis de la pacification, ils les font 
surveiller ou désarmer, éloigner des lieux où leur 
présence peut être nubible. •.••••. Ces nouvelles 
mesurés et de nombreux arrêtés pris en faveur 
du culte et de ses ministres , ne peuvent toutefois 



Lk BiVOLUTION BV BRBTAeiTB. 433 

rétablir, même pendant les conférences, la paix 
et la tranquillité que le pays et les citoyens étaient 
en droit d'attendre. Ici, comme à Ploè*r|nel, le 
comte De Silz et Guillemot se rendant aox confé-^ 
rences de Rennes, le 7 germinal^ ne craignent pas 
de parcourir les rues de la ville , décorés des 
insignes de la rébellion , et suivis d'un nombreux 
cortège , dans lequel on répète à haute voix que 
les chefs du pays sont appelés à Rennes pour y 
tenir les états et pourvoir an rétcAHssement 
du trôné et des autels (1). Là , comme à Ma- 
lestroit , trois hommes se présentent de nuit à la 
porte d'im o£Bcier municipal qui demeure hoirs 
ville. Ne Tayant point trouvé , ils font subir à sa 
femme et à sa fille les traitements les plus atroces, 
{nllent et dévastent sa maison , quand les patriotes 
de Malestroit sortant inopinément, les atteignent. 



Brue rendant compte de ces scènes à ses collègues» 
leur disait: (16 germinal) « Prenons garde que rap- 
proche des Anglais sur nos côtes ne soit le signal d'ane 
levée en masse de tous nos royalistes. On traîne bien en 
longueur: gare aux pièges! Je désire me tromper, mais 
je ne suis pas infiniment confiant dans des hommes qui , 
par éducation, ne peuvent chérir l'égalité sans de grandes 
vertus y sans philosopiiie. 

28. — 4/ VOL. 



434 UVMM HVITlàlII. •— CIAf. tx. 

el 9 dais leur cdÉra j en masMereat de^n^ soalgH 
les répr^senlâtiOM des diefii q/nk lé$ conàfmwU*»^ 
Et quels sont les kiMnmés qaî eeunaéttaieot ces 
-excès an moment même de la pateifioatiod 9 Vvku 
«al Caqneiray , ancien pagie dm roi > commandent 
siqpënenr dn pajs de Roehefort.*.. Et ^ne trooTe- 
t*on sur lui ? L'ordre da comte de Sib qui 1 m- 
'vilait à se rendre à Rennes. — Yoîik po^r les 
cht& Quant aux e&eès commis par des blindes 
isolées, notas [aurions cent, deux cents faits plw 
monatraenx les uns qoe les autres à eiter dap« le 
iconrt espèce de la dernière quinaalne det germinal ; 
;et à nous ne vouttmis relater que les faits con- 
cernant le Blorbihan, faits que groupa ^qs un 
journal spécial le président du bureau central de 
Vannes, nous aurions pour chaque jour du mois, 
jusqu'à qoinae , vingt et trente crimes dénotant 
les excès les plus inouis de la part des rebelles. 

Mais , suivons en cela Texemple des représen- 
tants dans les papiers desquels nous avons retrouvé 
ces pièces ; et^ an liea de nous y arrêter, sachons 
si les départements de Tâncienne Bretagne jouiront 
enfin de la paix dont ils ont un si pressant besoin. 
Ce sera la correspondance même dés représen-^ 
tants, pièces inédites et curieuses qui nops ré- 
véleront les détails encore «nconnus de celte 



«|e terrible eat^shroplie. 

' Aitim qjûte ifiOlis TàTolis dit , téirt n^ligeneiil . 
définifif se ironvâ suspenda par ie dëpdrt dés 
députés qui se rendirent près aè Stofflef h là 
suite de la conférence du 14 germinal. — Oïl 
Qpayîat, Cjepepd^nt 4^ ^nx côlés^ de c^ntipqer 
à M fféaoir^ afin d^ $'eiitendre sur 1^ ia«Sfiw« 
set^oiidaîms cpn detaimit Asrat*er I» paciftea^km êa 
pays, 

« (Au reprësentiUit Brue — 18 germinal.) — La à^pu- 
talion que nous avons dëj^éébéé près de Stofflet es! c0in- 
po^ée dé Graigoàrd, LaQtfty et deux autres, chëfd. I^oft 
'édllè|;a^ Bdauoay tet MttdleuMtpmUii aasat^m urerlâ 
de la même dëtermiiislioa» £iii9V<^D9-tnQii» jifiplrefidi:^ VK 
DOS vœux aient été devancés par la reddition spontanée 
de StoflSet et des siens! Le même jour, 16 au soir» 
Gomattn/Béjarr^ei Sèiîbac vinrent nnoa faire une 
oomnrtora, eR.fBoi|B appre nant, ce dont notis tcbîoqs 
Bonsi-Hiéaies d*étve offieiellèa^nl inConDés» que trois fre- 
lates angiaîmes t^ntaietlt de faire un débarquement- sur 
las tûlea deVcH^^BrieuG. Cette diéaDardie lious a paru 
un ga|pe de leiiir ^baotie £m.: ei «oiiâ la lellré qn'ila mms 
ont pvésedtëe^ peur être iinmédtale ment portée par Ton 
àéAJ,^ an ttég^ûn en vue» 

il ;QiiaràHft^ënénikde.la Prévtalait --**. & awriU 1795. 

» Msavietirs^ entras «n nfgoéîaliea avec la fi^p«- 
UiiloeyH nous est twpM>t8iUe anjourdluii de tous 



\ 



436 IITBB ttlTltoB« — CIA?« IX. 

I 

frayer on ptstace que noot toii« anriwé oavért trois I 

mois plut tôt. Nos cœors ne verront jaunais en toos que 
des frères eC des amis; mais la loyauté et le sèle qui 
oons a toujours animés pour le bien de la France nous 
impose aùjourdlioi la loi de tous dire qu'il nous est im- 
possible de TOUS donner le moindre secours sur nos côtes. 

» Nous aTons llionneury etc. 
« Le B.** de Coin atia , marédial-de<^«amp ; Louis de 
FaovTÉ ; le choTalier de TntmiAC^ ; Boissaiht , 
commandant en ^ef les CAtes^du-Nord; de SoimCy 
aide-major-généml. » 

Et 9 un officier républicain , ayant été adjoint à 
M. de Frotté , cette lettre fut à Tinatant expédiée 
à Saint-Malo avec ordre aux autorités de fournir 
lea moyens nécessaires nus commissaires pour 
communiquer avec Tennemi (t). 



(t) SttiTant de Poisaye, cette lettre n aurait été sous- 
crite et adressée ani représentants qu'après une scène 
Tiolente entre le dMTalier de Tinteniac et les autres diefs 
bretons. Tipteniac , euToyé de Puisaye et partisan de la 
guerre qu'il était Tenu appuyer par ses aTÎs secrets et 
rannonce de la prochaine arrivée des Anglais , aurait an 
instant parlé d*aller communiquer avec la division en 
vue, pour lui dire de faire le versement qu'elle projetait/ 
et se serait même mis en route peur eda. Mais Cormatin, 
Boislnirdy et leurs amis , jugeant que cette démanche les 
compromettait' gravement et potivait donner lieu i leur 



ti lirOXOTIOK BIT BtKTAMB. 437 

» . Voili où en sont les choses jusqu'à ce moment , 
continaail Goesno, en s'adres^ant à Brue » et nous avoQs 
lieu de penser que les ëvéoenif»nls du 12 (t) à Paris 
fortifieront de plus en plus les dispositions pacifiques 
.auxquelles nous continuons k croire ; quant aux nôtres , 
tu sais bien que rien nesl plus sincère. » 

A trois jours de là eepeadaot 9 après une 
noavelle conférence, tenue le 19, voici ce' qoe 
les représentants chargés de la pacification écri- 
vaient en commun h leurs collègues du Comité 
de Salut public : 

(Rennes, 2i germinal an 3.) -r- Noos sommes fatigués 
comme vous et accablés des plainies de brigandages et 
d esoès commis jonrodlement. Nous avons senti la né- 
cessité d*y remédier en employant à la fois les mesures 
de force et *cel|ips de prudence. Noiis avons en censé* 
qnence arrêté la cireolaire dont vous avea ci-joint copie (2) 



M«pMaMikMM4M«M 



arrestation , auraient fait courir après Tinteniac et 
laoraient forcé ensuite à signer la lettre en question, en 
le menaçant de le dénoncer comme émigré nou Tellement 
rentré , et de le livrer aux représentants. 

(1) lies éréaelneatt da 13 serminal aa III, soat trop coooas ^tir 
que nous y reTeoioas ^ et toot le aïoode sait quel fut le caractère de 
celte émeute, résoltant de ralliaoce iofttaatanée dés terrorîAlcf 
et des coBtre-révolotioonaires. 

(3) Cette dreulaire étiit an ordre anv admiaislraleort et aai 
chefs de caotoaaemeat de Buiateair la paii aptaat qu'il éépandriil 
d>o« f «o«lt 4« r*prt»er le? Tiol^iiff | ef )e« ^%^^^ 



438 iiTBB miiTlisiu. - chav. ix. 

et dont D0U8 pré\tdmes les chefs de cbonans dans la 
conférence du 19. 

n Vous Concevez combien notre position est embar- 
rassante. Reprochons-nous des excès aux chefs de 
chouans : Ils les imputent k des brigands ; ils en allè- 
guent d*aatres de la part des Républicains. Yonlons-nous 
MwlevitcTue^ fiAîtMifts de ceux avec Ics^ti^ls jious 
4v«UonA: |e4chefs9 obstiaé^ Royalistes» nous semblent 
muloi^ la pacification ^ mais ayçç le dçsir et rintention 
.d*en profiter pour multiplier leurs partisans , et au moins 
pour panrenir par la force de Topinion au but qu'ils ne 
pourraient atteindre maintenant par la fôrco des armes. 
Les TUleft te composent de Républicains la plupart attié- 
dis on' méconteéts, db-te^roiislèsplus méconCeata. en- 
core et d'eMMmiis 46 la rér^ntion. Les campagnes , 
'iMmUement maltraitëea fous la iyramiie v au nom de la 
RépubKqne, ne voient cooore pouf laplopart, dans le 
gouvernement répvbltoaia. que cs.qai leur enafait jiieqo*à 
présent haïr le nom. Elles sont entretenues dans cette 
opinion par les chefs insurgés et leurs partisans ; et la 
nécessité où nous sommes d*én tiror des subsistances par 
'réquisition, achète de les aliéner. £e discrédit presque 
'absolu des assignats dans ces contrées met le comble 
à nos embarras. Si ~ nous prenons dès mesure» de ri- 
gueur, nous commençons une guerre civile qui ferait 
de ce pays une Nouvelle Vendée. Si nous pacifions, ce 
sera au gouvernement à prévenir par sa loyauté, et sa 
bienfaîsMMia.kia dea««imi idiérifiirs ^iie noua croyons 
eétpevoir. » 

Et| reveoant 6ur ces mêmes couférenceS| Guezno 



lA lAirOLVTlOJr BIT BB1STA61IB. 4^ 

qui se lr6U¥ait chargé par ses eallègaes de tenir 
Brue au courant de ce qui se faisait , ajoutait : 

— Si les conférenciers , auxquels nous avons afTaire 
nous trompent, iU sont bien perfides, et nous^ bien dupes 
de notre bonne foi. Mais quelque chose qull en soit , 
il est constant que des excès aussi nombreux que ceux 
qui nous sont signalés tous les jours, sont propres a ins- 
pirer de la méfiance La conférence du 19 a eu pour 

objet 1 application au pays de la chouannerie des arrêtés 
sur la Vendée et de Tadmission des chouans daos les 
armées de la République , propositions non susceptibles 
de difficultés. Mais là suivante a été relative à la for- 
mation d'un corps armé dans chaque cauton pour le 
maintien de la police intérieure. Cette proposition a subi 
des débats, en ce que les chauans ont prétendu qu'à 
Tinstar de la Vendée , ce corps ne devait être composé 
que de chouans. Prétention dangereuse, et à laquelle 
résistent invinciblement toutes les raisons de localité 
et de dissemblance .qu'il y a entre la Vendée toute 
peuplée dé Vendéens insurgés ou de gens attachés à 
leur parti , et les cantons de la ci-devant Bretagne qui 
ne sont pas tous chouannés , et où même , dans les 
cantons qui le sont davantage, on compte beaucoup de 
citoyens qui ne sOnt pas de ce parti. Cet argument est 
sensible, cependant on s'en entretiendra encore aujour- 
d1iui. (21 germinal.) » 

Le lendemain , 22 germinal 9 Guej&no continuait 
il informer son collègue : 

-^ cr Nous avons rien & ajoutui*| 9I ce n'uBi (jue 



440 XIVBB HOTTltaB. — CMAP. IX. 

dans la conférence tenoebîer, on a agité encore la ques- 
tion de la composition des corps armés pour la police inté- 
rieure. La discussion a été ajournée jusqu'au retour de 

Delaunay et de Ruelle Sur Tacquit des bons émis 

par les chouans , il a été dit que les chefs nous donne- 
raient , dans la prochaine séance, un aperçu de ce à 
quoi ils peuvent monter , afin de déterminer un maxi- 
mum, s'il est possible. Quant aux indemnités, on a 
formé le vœu de les étendre non-seulement au pe- 
tit nombre de chouans qui ont souffert des pertes par 
le fait des Républicains, mais encore au nombre bien 
plus grand des Républicains à qui les chouans ont 
causé des dommages. Il a été reconnu qu'on ne pouvait re- 
fuser aux habitants des pays chouannés , la. rentrée de 
fait dans la possession de leurs meubles et immeubles 
non vendus et non aliénés. Mais on est resté divisé 
sur le point de savoir s'ils rentreraient également dans 
ceux aliénés et vendus , moyennant le remboursement 
qui serait fait aux acquéreurs de leurs déboursés et 
même d'une indemnité consentie de gré à gré. — Nous 
avons persisté à soutenir que, conformément aux décrets, 
les acquéreurs no pouvaient être troublés, et que, 
dans ce cas , ceux dont les meubles ou immeubles avaient 
été vendus ne pouvaient prétendre qu'au rembourse- 
ment du prix des ventes et adjudications. On y reviendra 
à la première conférence, qui n'aura lieu qu'après-demain. 

Ainsi qu'on Taperçoit , les arrangements pro* 
jetés n'aboutissaient encore à aucun résultat. 
D après les lettres des représentants Dernier , 

l^'OfiRcial et Morissoiij qui ftYoieiU pénétré au 



LA BiVOiVTIOll Sir BBBTAMB. , 441 

centre de la Vend^, Stoffiet, après avoir de- 
mande plusieurs entrevues, éloignait incessam- 
ment le terme de ses pourparlers , et rien ne se 
concluait. Quand deux courriers arrivés à Tissue 
de la dernière conférence apportèrent aux re- 
présentants le traité de paix que la république 
venait de conclure avec la Prusse ; cette nouvelle 
répandit une joie inattendue dans toutes les classes 
de la société , et ne fut pas sans une influence 
marquée sur les ennemis mêmes de la républi- 
que. Les représentants assemblés à Rennes , pri- 
rent en conséquence le soin d'en proclamer le 
résultat en même temps qu'ils insistèrent près 
des chefs rebelles pour qu'ils n'apportassent plus 
de retard à la conclusion des arrangements en- 
tamés : et rendant compte au comité de salut pu- 
blie ^ le 25 germinal^ de ce qui se passait , ils 
terminaient leur dépêche ainsi qu'il suit : 

or Les dernières nouvelles que nous recevons de la 
Vendée nous présentent d'un côté les forces de Stofflet, 
réduites à quelques centaines d'hommes ; mais, d'un au« 
tre , elles nous le font envisager comme décidé, soit par 
le désespoir ou autrement , à faire la guerre de chouaas. 
Cependant il envoie ici de non veaux députés pour la paci^ 
fication ; nous ne pouvons nous dissimuler les maux 
particuliers mais déplorables qu'il pourrait faire encore 
s'il né se soumetlMt pas. Nous espérons que les chefs 

()ui sQut viAix^ni^ k la pais^ et Mordre par l<3 4ti3ir cie 



442 LITIB MVlTltaK. — GHAP. IX. 

coÉscrver leurs proprléltfs, aoroni asses d'iafluence pour 
dclcrmioi'r ses notiveaii:^ dépiUés k la souscrire comme 
eux. — Aujourd'hui , les chefs de chouans nous remet- 
tent leurs demandes écrites pour lapplicalion ù leur 
faire des arrêtés de la Vendée. Nous nous proposons 
daiTéter de suite nos réponses définitives pour être à 
lleti de terminer sans délai au retour de nos collègues. » 

Lis lendemain, 26 germinal , les mêmes repré- 
sentants adressaient en efîet un couriMer à De- 
launay et à Ruelle, qui étaient resiés h Nantes, 
pour les inviter à se rendre sans délai à Rennes , 
afin d'y recevoir avec eux la signatui*e ou le refus 
des chefs de chouans qui venaient de leur re- 
mettre leur ultimatum. 

(t Enfin , ces Messieurs nous ont remis leurs dernières 
demandes , nous les avons examinées ; nos réponses sont 
préparées; mais, avant de les leur remettre , nous dést- 
^ rons que vous 6o}rer ici pour rôcevolr vos observations. 
— Vous lie pouvez 4euter qu'il devieit cbaf^ie jour 
plus instant d'arriver au terme que nous nous sommes 
proposé : Les excès se multiplient , le mal ta crois- 
sant , les embarras augmentent, les esprits sont fatigués 
de raltentc , nous devons profiter du premier moment 
de la nouTeUe de la paix avec la Prusse, et terminer 
enfin avec des ennemis qui ne peuvent se comparer à 
cette puissance. » 

. D#a avis secrets, franëmis dé rëmgràlion au 
comité dp salut publie , venaient ea effet de 
faire éonnaltre d'une manière certaine les uou- 



Lk RÉVOLUTIOA B5 BBETA6KS. i43 

veaux projets que formait FAngleterre ; et , au 
moment où tes représentants recevaient , le 27 , 
une dépêche par courrier extraordinaire rela- 
tive h ces faits , d'autres avis adressés par les ad- 
itiinfstrafenrs de Port-Brîeuc au général en chef, 
dcdKcitaieht de prompts secours , afin de repous- 
ser l'ennemi qui tentai un débarquement* (1) 



(1) La dc^pt^cbe du Gomilé de salut public , écrite de 
la main de Merlin , de Douai , transmettait aux repré- 
sentants réunis à Rennes plusieurs lettres et rapports , 
]cû uns datés de Londres , les autres de la Bassc-fire- 

-iagne, les'antres de Keuchâtel en Snisso. Ces réTéfa- 
tions et ces lettres étaient adressées par des émigrés. — 
« Le gouvernement anglais, disait Tun, se propose de 
faire une descente en France du culé de Saint- Malo. 
L*armée destinée à cette opération est en partie com- 
posée de corps d'émigrés , dont les sieurs Du Dresnay , 
d'Hervilly, de Bohan, sont les chefs. — I! y a une cor- 
respondance établie entre le gouvernement anglais et les 

' armées de la Vendée et des chouans. Les principaux 

■ agents de cette correspondance , sont les sieurs Prîgent , 

Bertin , Tinteniac et de Busnel , etc. , etc — Si les 

armées de la Vendée et des chouans n ont pas mis bas 
les armes , il serait bon de laisser subsisler la corres- 
poDdancc qu'il y a entre elles et le gouvernement bri- 
taniquc ; mais alors il faudrait que quelqu^un de non 

' suspect h cette puiiFaD:)e se rendît chez elle » offrît do 
IVttiblir de manière à lui fatro penser que la républi- 



444 UVAB aVlTlÊMB. — CSÀP. IX. 

On peut juger, d'après ces (ails^ que si les 1er- 
jviversations et les lenteurs que nous avons signa- 
lées 9 ii'a valent point * complètement dissipe les 
soupçons que plusieurs représentants durent éle- 
ver- sur la bonne foi àes chefs de chouans, la 
nécessité d'une conclusion , se fit sentir du moins 
avec d'autant plus d empire, qu'il fallait enfin 
savoir , si c'était pour la guerre on la paix qu'on 
devait prendre ses mesures. Tout nouveau délai 
était donc devenu impossible ; on se réunit le 30 
germinal, et de ce jour même, il y eut une ac- 
ceptation en forme du traité qui avait été si pé- 
niblement élaboré. (1) Le lendemain, 1.^' floréal, 



que française ne la soupçonnât pas. Si on a assez 4e 
confiance en moi pour cette opération , je me charge 
de la laire avec succès , el je donne pour garant de la 
fidélité 4e mes sentiments , ma femme et mes en£ants 
qui sont en France. Par le moyen de cette corcespon- 
dance, on saurait positivement les intentions de cette 
puissance ennemie, et il serait facile de déjouer ce pro- 
jet et d en profiter 

(1) Un compte-renduy ou journardes conférences ré* 
digé ps(r le général Beauvais, envoyé de Stofflet , nous 
apprend en effet que le jour même de la signature de la 
^pumission des royalistes , il y eut entre çu\ 4e vives 
et eliaudes altercations j dans lesquelles les oiGeiers de 

larmes d'Anjou rppQUTH^rpii) kf protf^it^tiiws qtiç It^ur 



lA ftÉTOIVTION BU BlBTAOïrS. 445 

les réprësentaots prirent cinq arrêtés confirma- 
tifs d^ diiq[»ontions convenues la veille , et en 
donnèrent avis à leurs collègues du comité de 
salut public dans l^s termes suivants : 

« Nous vous annoDçoos , citoyens collègue^ , Thcu- 
relise issne de nos conférences ; la pacification a été signée 
ce soir à six heares par lés chefs des choaans, qui ont 
souscrit leur déclaratioa solennelle de se soumettre aux 
lois de la B.épublique, une et indivisible, et de ne jamais 
porter les armes contre elle. — Noua sommes rentrés 
de la Mabilais à Bennes avec. tous ces chefs qui ont 
arboré la cocarde et le panache tricolore. La garnison 
était sous les armes, la musique nous précédait, les 
décharges d*artiÙerie annonçaient au loin la réunion de 
tons les Français de ces départements; et partout sur 
notre passage, on criait: Fïve la République \ vive la 
paix! vive tunion! n 

chef avait faites à la Jaunais a^ant de se retirer. — Si 
Ton tient les assertions de M. de Beauvais pour exac- 
tes, et je ne vois pas de raison pour penser le contraire, 
cet oflicier aurait été jusqu'à demander un vote par 
écrit sur la suspension de Gormattn. Et , démontrant 
que la reconnaissance de la république qu'on exigeait 
d'eux, comme première condition, n'était dans le cœur 
d'aucun des royalistes, il leur aurait demandé , J2 /i?iirx 
pères n eussent pas rougi de prendre un tel engagement 
avec intention de violer leur parole ?.... — Mais , 
êgcute-t'il , des v^déréts particuliers y la vanité et la 
peur muaient décidé de la paix ! 



Un repas servi à f hârtel de CiiiUi^ i^éwÉÎt kÀ 
signataires du traité et servit k ciiMHipl6ter aum 
cette joarnëe, qu'on regarda^, du moinf pMur Ib 
moment, comme une interrupti^i ap|mrbie aiU( 
désastres de la guerre civile. 

Le libre exercice du culte ; — Tiacorporation 
dans les armées de la République, des choaans 
sans profession ; — * le remboursement des bons 
émis par les insurgés jusqu'à concurrence d'iin 
million 500 mille livres; — d^égales indemnités 
aux propriétaires qui avaient souffert des excès 
de Tnn ou de Faute parti ; — et la rentrée pour 
les insurgés dans leurs biens ^ on s'ils ne le pèu-^ 
vaient j le droit an remboursement du prix de la 
vente : telles furent les clauses fondamentales dé 
la convention souscrite, non par tous les chefs 
insurgés, mais par leur plus grand nombre , par 
ceux qui formaient le comité central de l'armée 
royale et catholique, par les commandants en 
chef d^ riUe-et-Vibine , du MorbUian et des 
Céteandu-Nord , par planeurs a«tr«» chefs auM ; 
mais non par M. de Frotté, par Goquereau, par 
Cadondal dont Tautorité dans leurs cantons restait 
entière et fort redoutable. 

Des hommes, hostiles à la République et plus 
ou mm^ favorables ^u traité qpi veqait de se 
conclure, ne tardèrent p^s cependant à vépandre 



1 

iA ft^VOLUTIOU S9 BABTAIÎSB. 447 

les tirKÎte le&|klas B&alteiUMU snt la pensée ifir 
4ÂflQie du Uaitë, sur s^6 suites, sur sa teneur même. 
•-*-* Xci ^1 fveo intention, on disait que les choaans 
fm se ircMùaieni ou aie se irout^aseut pas 
sur la Ksts des émigrés ^ rentrerment par 
le seul fais de la pacification 9 dans lajouis-- 
sance de leurs àiens; ià, q^on vlavaii fait 
lapàicù qm'écomdùiQn de réiaèlir le trône et 
V autel; — que des ariicles seoreis avaient 
fiooé au t ^^ juillet 1795, la réhabilitation des 
enfants de Louis XVI , leur remise aux 
Vendéens et la rentrée en nmsse des émi- 
grés éloignés de leur pays. Et , pour prouver 
tant d'absurdités, qu*on nous passe rexpression, 
Oisi fabrique d'abord un avis suppose des membres 
du Comité de Salut Public à Guerâo, sur la 
Bjécessité de reprendre les bostilités , parce que 
le moment approchait^ où^^ d après V article S 
du traité secret^ il faudrait leur présenter 
une espèce de monarchie et leur montrer ce 
aAMBlif pour lequel ils se battent /.••••• 

Slais nous venons^ sans détour et sans arrière- 
pensée, de livrer à la pidilieîté la correspondanee 
dea Béfifésentants dans ce qu'elle eut de plus in- 
time* GomiBf nt se faH-il qu aujourd'hui «acore , 
nous ayolis à relever d'ausaî groséie«s aMnaeugea, 
et oommcpt ^ se fiûi-îl y que nom netf onvîons: dans 



448 UYIB HmTIÈXB. CHAY. IX. 

Tëcrit apologétique de M. de Chateaubriand sur 
la Vendée , dans les mémoires de M. La Boche- 
Bamand et dans ceux de BI."'^ de Gréqui, ces 
mêmes mensonges , et à leur appui la lettre sup- 
posée des membres du Comité de Salut Public à 
Guezno , prétendue lettre qui fut , pour la pre- 
mière fois y publiée dans le mémoire de Desotenx, 
dit baron de Gormatin , que nous avons déjà con- 
vaincu de faux et de perfidie au sujet des pouvoirs 
qu^il produisit au nom de Puisaye qu'il supposait 
en Bretagne , quand il se trouvait à Londres. — 
Mais la scène commence évidemment à se dérouler 
aux yeux les moins clairvoyants, et nous n'aurons, 
ainsi que nous l'avons toujours fait , qu'à suivre 
les événements, pour qu'ils se présentent sous leur 
véritable jour. 

A peine, en effet, le traité de la Jeaunais avait- 
il été souscrit , que le baron de Cormatin 
réimprima^ sous le titre de Parole de Paiœ , 
la déclaration primitive , où il avait adroitement 
parlé du caractère physique ei moral des 
Français , qui ne pourraient être heureux 
que sous un gouvernement monarchique. 
Profitant du premier élan de la joie publique , 
il avait inséré, à la suite de cette pièce , écartée 
dès le début des ccmférences, l'un des arrêtés 
relatifs à la pacification de Charette , qui , en re- 



LA RlâyOLUTIOK E5 BHETA65E. 449 

prodaisant le nom des Représentants signataires 
de la pacification , donnait une sorte d'authenticité 

à ses paroles Mais qu on ne pense pas qu'alors 

iti^e cette conduite et cette perfidie aient passé 
inaperçues : Brue, en rentrant de Nantes à Vannes, 
s'en était plaint à ses collègues; et si les incon- 
séquences de Gormatin ne furent pas dès lors 
redressées, c'est qu'envisageant les choses d'un 
point de vue plus élevé, Guezno et Guermeur 
se contentèrent d'observer que : si les préamr- 
butes de Chareiie et des autres chefs pré- 
sentaient des réflexions qui n é talent point 
dtune exacte vérité^ cest quils avaient voulu 
pallier leurs fautes et ménager leur amour 
propre offensé de la résipiscence que leur 
commandaient leurs propres intérêts. Mais^ 
que nous importent leurs réflexions ^ s'ils 
tiennent à leurs engagements , comme nous 
aimons à le croire , et s^ ils parviennent sur- 
tout à nous procurer la paix intérieure. 

Mais les suites de la pacification vont s'acconi* 
plir promptement, et se dérouler devant nous , et 
les personnes auxquelles il pourrait rester quel* 
que doute sur la moralité et la bonne foi des 
deux partis, ne mancpieront pas de remarquer, 
sans doute, combien les assertions de Cormatin 

29* — 4/ VOL. 



450 LIVIB HOITIÈMB. — CHAP. IX. 

étaient ^roftsières et inconséquentes, si Ton réflé- 
chit que les hommes que M. de Chateaubriand 
suppose un instant avoir consenti h la réhabilitalion 
des Bourbons avaient pour la plupart voté la mort 
de Louis XVI on concouru à sa chute (1). Quant 
h la lettre même que Cormatin fait souscrire aux 
membres du Comité de Salut Public, les faits 
seuls ne tarderont pas à nous donner le secret 
de cette manœuvre , et nous aurions réellement 
honte de reproduire cette pièce , tant ses termes 
et son style nous paraissent peu en rapport avec 
les noms de Treilhard, de Sieyes, de Doulcet, 
de Babaud et de Cambacerès , par qui il Ta fait 
souscrire. D'ailleurs , on trouve eette pièce dans 
le mémoire justificatif de Cormatin et dans les 
écrits de M. de la Boche-Bar naud et de M^"*' de 
Créqui : sa lecture , pour les personnes qui vou- 
dront la connaître, suppléera à tons nos commen- 
taires. 

Flir DO 4.* TOUIXC. 



(t) Et dans quel moment siippose-t-il qa*ils traitaient 
de. la raotrée des Bouiinins ? quand la République, après 
avplr QQpqais la HoUaqdet forçai i^ Pnissç çl l'Espag[nc 

k une paî^ bfinteii9o { 



TABLE DU 4.^ VOLIIME 



DK l'^HISTOIRE D£ L4 RÉVOLUTION. 



%Wt9f^ 



SUITE DU LIVRE SEPTIÈME. 

CiiAViTliE IV. — Clubs et Sociétés populaires. — Leur 
esprit et leur nouvelle épuration • . . . 3. 

Chap. y. — Carrier à Nantes 19. 

CiiàP. VI. — Saite dn chapitre précédent. •— Nantes et 
8€>a Comité Révolutionnaire 75. 

CbàP. VII. — Suite de la Terreur. — Commissions mi- 
litaires. — Rennes S9. 

Chaf« viit. '^ Missien de Jean*Ron«Saint-André et de 
Prieur (de la Haroe) à Rrest. — Insnbordination 
et nsatrée de la fiotte aux ordres de Morard de 
Galtea 103. 

CiAr» IX. -^ Suite de la mission de Jean-Bon^Satnt- 
André et de Prieur (de la Marne). — Mise en juge- 
ment des vingt-six administrateurs du Finistère. - — 
Leur exéention • • • tA7. 

GiiAP. X. — Opérations maritimes du port de Brest, — 
Combat dji 13 prairial an 2. .....«.,•« . 147. 

Chaf. XI* — Derniers actes de la Terreur dans ie« ii- 



452 T4BLI. 

paiiements de TaDcienne Bretagne. — Fêtes publiques, 
et moralisation du peuple 175. 

LIVRE HUITIÈME. 

CflAPXTBB PBBMIEB. — 9 thermidor. — Fin de la Ter- 
reur dans les départements de l'Ouest. — Poursuites 
et dénoDciatioDd contre les terroristes. — Procès de 
Carrier et du Comité BéTolutionnaire de Nantes. 201. 

Chap. ir. — Situation des départements de l'Ouest à la 
fm de Tan 2. — Chouannerie 217. 

Chap. m. — Organisation générale de la Chouannerie. 
— Son caractère, ses hommes, de Puisaye, lémi- 
gration et le comte d'Artois 239. 

Chap. iv. — Mesures de pacification. — NouTclle po- 
litique de la Convention : acte d amnistie du 12 fri- 
maire an 3. — Mission des représentants Guezno et 
Guermcur 279. 

Chap. v. — Hoche, son caractère, sa position et ses 
Tues. — Humbèrt et Boishardy; le Comité royaliste 
et les représentants. — Entrevues et pourparlers re- 
latifs à la pacification 301. 

Chap. vi. — Position respective des partis. — Manœu- 
vres et escès de la chouannerie. — Arrestation de 
Témigré Prigent, ses révélations; lettres secrètes de 
Puisaye et du cabinet anglais aux insultés. — Pro* 
jets de subornation à Tégard de Canclaux , général 
en chef de l'armée de TOuest 337. 

Chap. vu. -t- Insurrection générale du Morbihan au 
moment de \si pacification. — Combats du Gnémené 
et du Faouet. — Moi*t do Calan, dît Salomon/ . 361. 

Chap. viii. — Traité de la Jaunais. — Présence de 
Charette et des chefs vendéens à Nantes. — . Adhésion 
d0s chefs de la chouannerie. — Situation particu- 
lière de la Bretagne et des pays de la rive droite de 
la Loire 389. 

Chap. ix. -. — Conférences et traité de la Mabilais. 421. 

Fflf BB LA TABLE DU QUATRIÈMB V0L15MB. 



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NOV 1 - ^-S^Q