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Full text of "Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale. 4 vols. [and] Table générale ..."

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HISTOIRE 

DE  LA  VILLE    DE  TROYES 

ET 

DE  LA  CHAMPAGNE  MÉRIDIONALE 


HISTOIRE 

DE  LA  VILLE  DE  TROYES 


DE  LA  CHAMPAGNE  MÉRIDIONALE 


T.  BOUTIOT 


a  AHTiauAiws  DE  rnkKE 


Si  chacvii  Hl  répgU  «) 

lu  loi,  ml  nfl  démit  j 

\  lliiiliiiK  da  »ii  fiji, 

~).      TROISIÈME   VOLUME 


^^^^^^ 


TROYES 


DUFEY-ROBERT,  LIBRAIRE 
me  Notre-Dame,  83 


PARIS 

AUG.  AUBRY.   LIBRAIRK 

ru«  Séguier,  )8 


Et  chM  touB  les  Libraires    du  départeiDent  de  l'Anbe 
1873 


53 


7 


-55i 


HISTOIRE 

DE  LA  VILLE   DE  TROYES 


ET 


DE  LA  CHAMPAGNE  MÉRIDIONALE 


CHAPITRE  XIII 


I>o    Soptonitoro    1435    au    529    Julllot    l'iGl 


SOMMAIRE  : 

Continuation  do  la  (ruerre  contre  les  Anglais.  —  Grande  misèro. 

—  Le  connétable  de  Richemont,  lieutenant-^çénéral  en  Cham- 
pagne. —  Rôprlement  sur  la  navigation.  —  Siège  de  Montereau. 

—  La  ville  de  Troyes  y  prend  part  —  Réunion  des  Trois-Elats 
à  Bray.  —  Jean  Darc,  arpenteur  du  roi  en  Champagne.  —  Mort 
de  Jean  de  Gand.  —  Le  Bâlard  de  Vertus  à  Troyos.  —  Courses 
des  gens  de  guerre.  —  Charles  VII  à  Troyes ,  à  Bar-sur- 
Aube.  —  Répression  contre  les  gens  de  guerre.  —  Suppression 
des  droits  sur  la  (jasielleric^  et  du  droit  de  pontenage,  — 
Dispense  du  ban  et  de  l'arrière-ban.  — Garde  des  pays  de  la 
rivière  de  Seine  confiée  à  des  commissaires  royaux.  —  Voyage 
de  révéque  et  de  quelques  habitants  de  Troyes,  près   du   roi. 

—  Le  duc  et  la  duchesse  de  Bourgogne,  à  Troyes.  —  Incendie 
de  la  ville  de  Nogent-sur-Seine.  —  Nouvelles  courses  des  gens 
de  guerre.  —  Ervy  au  pouvoir  du  duc  de  Bourgogne.  —  Traité 
de  la  ville  de  Troyes  avec  M.  de  Bueil.  —  Jean-le-Champenois 
i  St-Lyé.  —  Le  dauphin  passe  à  Troyes,  puis  le  roi.  —  Seconde 
partie  du  règne  de  Charles  VII  ;  Réformes  dans  le  clergé  ; 
Décrets  du  Concile  de  Bâle  ;  Statuts  synodaux  de  Tévôque,  Jean 
Léguisé.  —   De  la  Fôte   des  Fous  ;  de  celle  des  Innocents  ; 

itt.  1 


HISTOIRE  DE  TROTES. 

TentatiTes  de  suppression.  —  Llnquisiteur  de  la  Foi  aa  diocèse 
de  Troyes.  —  Mœurs  du  clergé.  —  Querelle  entre  TéTêque  et 
l'abbaye  de   N  -D.-aux-Nonnains.  —  Excommunication  de  Tab- 
besse    et    autres.  —  Causes  de    cette   excommunication.     - 
Menaces  d'interdit  contre   les  paroisses  relevant  de  Tabbaye. 

—  Ajournement  de  TaLbessc  aux  Grands-Jours  de  Vermandois. 

—  Excommunication  appliquée  aux  faits  civils.  —  Les  Enfants 
de  la  Calamité,  —  Quêtes  et  Indulgences  ;  Quétains  et  Mira- 
cliers;  Opinion^  au  XV«^  siècle,  sur  les  origines  de  la  cathédrale. 

—  Grands  pardons.  —  Quêtes.  —  De  rartillerie  ;  ses  progrès; 
Jean  et  Gaspard  Bureau  ;  Canons  fabriqués  à  Vendeuvie.  —  De 
la  cavalerie  ;  Lances  fournies  en  garnison  à  Troyes.  —  Impôt  levé 
pour  leur  entretien.  —  Des  Finances  et  des  Impôts.  —  Circons- 
criptions financières.  -  Privilèges  en  faveur  des  papetiers  , 
parcheminiers  et  messagers  de  rUnivei*sité.  —  L*évèque  de 
Troyes ,  Louis  Raguier  ,   excommunié  par  rrniversilé.  —  De 

.  quelques  levées  de  deniers  à  Troyes  et  dans  le  diocèse,  et  de 
leur  emploi.  —  Taxes  sur  les  marchandises  levées  au  port  du 
Pont-Hubert.  —  Commerce  d'épiceries  et  de  drogueries  avec  le 
Levant;  des  droits  d'entrée.  —  Le  Conseil  de  ville  demande  la 
suppression  des  droits  levés  dans  l'intérieur  du  royaume.  — 
Des  monnaies  et  de  leur  circulation.  —  Administration  de  la 
justice.  —  Réformes.  —  Concordats  entre  le  roi  et  Tévéque 
de  Troyes.  —  Les  Quatemcs  de  co  concordat.  —  Décisions  sur 
les  attributions  de  la  justice  royale  et  de  la  justice  ecclésiastique. 

—  De  Tadminist ration  de  la  ville.  —  De  son  Conseil  ;  élection  ; 
Noms  des  membres  élus  à  T Assemblée  de  la  Saint-Bamabé  ; 

—  Des  Francs- Archers:  —  Des  usages  ou  terrains  appartenant 
à  la  communauté  des  habitants.  —  Ferme  de  la  Maille  levée 
sur  le  pain.  —  De  la  voirie  et  de  ses  revenus.  —  De  grands 
crots  se  forment  dans  les  rues  do  Troyes.  —  Les  grands  et 
les  petits  ponts.  —  Droits  du  Chapitre  de  Saint-Etienne  sur  ces 
derniers.  —  Procès  et  transactions  entre  la  ville  et  le  Chapitre 
de  Saint-Etienne  et  le  Prieur  de  Saint-Quentin,  Abbé  de  Mo- 
léme,  à  Toccasion  de  diverses  chaussées.  —  Procès  entre  les 
Antonins  et  le  Chapitre  de  Saint-Etienne  —  Comte  de  la  petite 
Egypte  en  passage  à  Troyes.  —  Des  écoles.  Des  foires  de  Troyes  ; 
Confrérie  des  foires,  —  Marchandises  dont  l'entrée  est  interdite 
en  France.  —  Statuts  des  boutonniers;  nouveaux  statuts  des 
cordonniers,  bananiers  et  savetiers  ;  Statuts  des  charpentiers  ; 
des  contrepointiers.  —  Développement  de  l'industrie  ;  Recons- 
truction des  moulins  à  blé  ;  Règlement  relatif  à  la  vanne  du 
Poucej  aux  Moulins  brûlés  et  de  Saint-Quentin  ,  à  ceux  de  Jail- 
lard  et  de  Meldançon ,  a  la  Grande-Pointe ,  au  Coulis  de  la 
Planche-Clément  ;  Sentence  arbitrale  relative  à  ladite  vanne  du 
Pouce.  —  Navigation  de  la  Barsc   et  de  la  Seine.  —  Nouveaux 


1488  CHAPITRE  XDI.  3 

affranchissements  intlividuels  et  de  communautés  d'habitants.  — 
Paiiajj'cs  de  serfs.  Décisions  relatives  à  la  noblesse  utérine. 
—  De  diverses  i\tniillcs  ;  de  la  famille  Bureau  ;  de  Jacques 
Cœur.  —  Moralité  à  personnages.  -  Mort  de  Chai'les  VII.  — 
Résumé  de  ce  chapitre. 

Comme  il  arrive  toujours ,  la  guerre  a  ses  dépenses, 
la  paix  a  les  siennes.  Celles-ci  ne  sont  souvent  qu'un 
arriéré  qu'il  faut  solder.  Aussi  après  la  publication  de  la 
paix  d'Arras,  un  nouveau  subside  frappa-t-il  les  popu- 
lations champenoises. 

Bien  que  la  paix  fût  signée  le  21  septembre  entre 
Charles  VII  et  le  duc  Philippe ,  la  guerre  n  en  continua 
pas  moins  sur  le  territoire  français.  La  lutte  se  main- 
tint entre  Charles  VII  et  le  duc  de  Bourgogne,  d'un 
côté,  et  Henri  VII  d'Angleterre,  de  l'autre.  Elle  eut  pour 
théâtre  d'autres  contrées  que  la  Champagne.  Elle  fut 
moins  vive^  moins  ardente  qu'avant  le  traité.  Les  An- 
glais perdirent  chaque  jour  du  terrain. 

Dans  la  Champagne ,  c'est  moins  la  guerre  qui  est  à 
redouter  que  les  troupes  de  gens  de  guerre,  ne  quittant 
pas  leur  rude,  mais  lucratif  métier,  conservant  leurs 
habitudes  de  maraudage  et  de  pillage.  Le  moment  n'est 
pas  encore  venu  où  toutes  ces  bandes  se  dissoudront. 
Ne  sachant  dans  quel  parti  ils  se  jetteront,  ils  parcourent 
la  campagne  à  leur  profit ,  ayant  à  leur  tête  La  Hîre , 
Saintrailles,  le  comte  de  Dammartin ,  Bruzac,  Blanche- 
fort,  Villandras,  Guy  et  Alexandre  de  Bourbon,  Fortépice, 
etc. ,  malgré  les  poursuites  judiciaires  dont  quelques- 
uns  sont  l'objet.  Dans  le  cours  de  1436,  une  bande  de 
ces  proscrits  parcourt  la  Picardie  et  la  Champagne,  puis 
se  jette  en  Bourgogne  (1). 

La  ruine  est  partout,  les  villages  sont  abandonnés,  les 
terres  incultes  et  les  revenus  sont  nuls.  Ces  bandes  de 
malfaiteurs  sont  composées  surtout  de  gens  qui  n'ont 

(1)  D.  Plancher.  Hi$U  de  Bourg, ,  t.  iv,  p.  282. 


4  HISTOIRE  DB   TROYES.  1437 

de  ressources  que  dans  le  pillage.  Aussi,  en  voit-on  c  se 
rendre  Bourguignons  >  avant  la  paix  el,  après,  «  se 
rendre  Anglais  ^  et  passer  ainsi  d'un  parti  à  l'autre , 
selon  la  bonne  fortune  qu'ils  attendent  de  ce  change- 
ment. Aix-en-Otlie  passe  des  mains  des  Français  aux 
mains  des  Anglais  pendant  plusieurs  années  et  le  châ- 
teau a  garnison.  La  population  en  a  presque  disparu  (1). 
La  misère  est  telle  que  la  paroisse  de  Saint-Remy,  de 
Troyes,  vend,  en  mai  1435,  t  pour  la  grande  nécessite 
de  l'église,  un  calice  moyennant  huit  livres  t.  » 

En  février  1437  (n.  st.),  Charles  Vil  nomma  Arthur  de 
Richement,  déjà  connétable,  «  son  lieutenant-général 
dans  les  pays  de  France  (Ile-de-France),  Champagne, 
Brie,  Beauvoisis,  Normandie,  Picardie  et  autres  sur  et 
outre  les  rivières  d'Yonne  et  Seine  >  (2). 

En  1420,  les  marchands  hanses  de  la  ville  de  Troyes 
avaient  obtenu  le  privilège  de  ne  payer  aucun  droit  aux 
compagnies  française  et  normande  pour  descendre  ou 
remonter  la  Seine,  mais  ils  devaient  acquitter  les  droits 
au  passage  de  certaines  villes  ou  seigneuries,  situées 
sur  les  bords  de  la  Seine,  telles  qu'à  Méry,  à  Pont,  à 
Nogeht,  Noyen,  Uray,  Marolles,  Montereau,  Moret,  Melun 
et  Gorbeil. 

Lorsque  les  marchands  de  Troyes  obtinrent  leurs 
privilèges  c  touchant  le  fait  de  la  rivière  »  il  y  avait 
quatre  mois  à  peine  que  le  pouvoir  du  roi  y  avait  été 
reconnu.  Alors  Charles  VII  n'avait  pas  craint  de  blesser 
ceux  des  compagnies  française  et  normande  :  Paris  et 
Rouen  étant  alors  entre  les  mains  de  ses  ennemis.  Mais, 
en  1437,  les  événements  ont  marché,  Paris  vient  de  se 
rendre  et  Rouen  peut  se  soumettre.  Aussi,  à  cette  épo- 

(i)  Arch.  dép.  ;  G.  368 «  quar  on  ne  trouvait  à  qui  louer  par 

»  faute  de  peuple.  » «  parce  qu'il  n'y  avoit  au  lieu,  comme  per- 

»  sonne,  ne  peuple  ne  bestes.  » 

(2)  Vallkt  de  Viriville.  Hist,  de  Charles  VIJ^  t.  11,  p.  346. 


1437  CHAI»inŒ   XIII.  5 

que,  lo  roi  est-il  moins  généreux,  moins  libéral.  Au  lieu 
d'élargir  ces  privilèges,  le  roi  restreint  les  faveurs  accor- 
dées précédemment  aux  Troyens.  Ainsi  il  veut  que  le 
port  de  Troyes  soit  franc  c  sans  que  la  hanse  ait  lieu, 
ni  puisse  se  constituer  ;  »  que  les  transactions,  relatives 
au  commerce  de  la  navigation,  ne  soient  pas  régies  par 
les  coutumes  en  usage  pour  les  dettes  contractées  aux 
foires  de  Champagne,  —  ce  qui  constitue  une  exception, 
—  mais  jugées  par  le  bailli  de  Troyes  ou  son  lieutenant 
Il  interdit  aux  habitants  de  Troyes  le  commerce  du  sel, 
même  sous  la  réserve  de  ses  droits  (1). 

Pendant  Tété  de  1437,  Charles  VII  fait  assiéger  Châ- 
teau-Landon,  Nemours  et  Charny.  Ces  trois  places  se 
rendent  en  août,  et  le  roi  lui-même  vient  mettre  le  siège 
devant  Montereau.  Les  communes  de  Champagne  et  no- 
tamment celles  de  Troyos,  do  Uheims,  de  Langres  et  de 
Châlons  y  envoyèrent  des  hommes  et  un  matériel  do 
siège.  La  ville  de  Troyes  lève,  sur  elle-même,  trois 
tailles  et  contracte  deux  emprunts  qui ,  ensemble  mon- 
tent à  environ  5,357  livres  (ou  environ  220,000  francs 
de  notre  monnaie,  valeur  do  184(5)  (2). 

Les  fonds  nécessaires  aux  dépenses  faites  à  Toccasion 
de  ce  siège  furent  octroyés  an  roi  par  une  assemblée  des 
Trois-États  des  pays  en-deçà  de  la  Loire,  convoquée  à 
Bray-sur-Scine,  A  cette  assemblée,  les  Troyens  avaient 
député  Jean  Raoulin ,  abbè  de  Montier-la-Celle ,  Jean 
Hennequin,  Perrot  Lobeuf  et  Laurent  Tourier,  celui-ci 
leur  clerc  et  procureur.  La  ville  est  taxée  à  600  livres 
tournois,  mais  par  un  zèle  tout  patriotique,  les  habitants 

(i)  Arch.  mun.,  et  Boltiot.  Notice  sur  la  navigation  de  la  Seine 
et  de  la  Barse.  Troyes,  1856. 

{^)  Monstrelet  ne  parle  pas  de  Taction  des  communes  dans  cette 
entreprise  ,  quoiqu'elles  eussent  une  fort  grande  part  dans  le 
succès. 


6  HISTOIRE   DE   TROYES.  1437 

s'imposent  pour  des  sommes  beaucoup  plus  considé- 
rable». 

La  ville  contribue  à  ce  siège  mémorable  par  Tenvoi 
de  canonniers,  d'arquobusiers,  de  maçons  cl  de  manœu- 
vres: ceux-ci  sont  chargés  de  Tassaut  qui  eut  lieu  le  10 
octobre;  par  celui  de  sa  grosse  bombarde,  dite  Vigou- 
reuse, de  deux  voguelaires  en  cuivre ,  de  huit  grosses 
arbalètes  à  tourets,  de  cinq  couleuvrines  de  cuivre,  de 
cinq  autres  en  fer,  d'une  grande  provision  de  boulets  de 
pierre  et  de  balles  de  plomb.  Ce  matériel  descendit  la 
Seine  jusqu'à  Moniereau  ;  on  le  chargea  au  port  de 
Fouchy,  sauf  la  grosse  bombarde  ,  qui,  à  cause  de  sa 
pesanteur,  ne  fut  embarquée  qu'à  Saint-Mosmin  (1). 

Le  prévôt  de  Troyes,  Antoine  Guery,  eut  la  direction 
des  gens  et  du  matériel  de  la  ville,  quoique  le  bailli, 
Guillaume  Bellier,  assistât  au  siège.  Celui-ci  étendait 
sans  doute  son  autorité  sur  les  troupes  fournies  par  les 
communes  de  Champagne,  car  la  ville  de  Langres  lui 
fit  don  de  six  tasses  d'argent  fin  ,  verrées  et  martelées, 
du  prix  de  54  liv.  10  s.  t.,  afin  qu'il  prît  soin  des  bom- 
bardes envoyées  par  elle  et  qu'il  n'employât  pas,  pour 
les  y  conduire,  des  chevaux  de  Langres  ou  des  envi- 
rons (2). 

La  prise  de  la  ville  et  du  château  de  Montercau  ouvre 
à  Charles  VU  les  portes  de  Paris.  11  y  fait  son  entrée  le 
12  novembre  1437. 

Aussitôt  après  la  réduction  de  Paris  et  débarrassé  de 
l'influence  de  Georges  de  la  Trimoille,  une  réaction  fa- 
vorable à  Jeanne  Darc  s'exerce  sur  l'esprit  du  roi.  Vers 
cette  époque,  Jean  Darc,  oncle  de  Jeanne,  est  nonnné 
arpenteur  du  roi  pour  le  département  de  France  (lle-de- 

(i)  Arch.  mun.;  F.  iv>  56.  —  Bovtiot.  Dépci^ses  faites  par  la 
ville  de  Troyes,  à  Voccasion  du  aiéffc  de  Moniereau,  par  Charles  VIL 
en  i431.  —  Troyes,  1 855. 

(2)  Arch.  comm.  de  LangreSi  Comptes  du  Procureur, 


1438  CHAPirUE  XIII.  7 

France)  et  de  Champagne.  Il  prête  serment,  en  cette 
qualité,  à  la  Chambre  des  comptes  avec  les  premiers 
officiers  royaux  compris  dans  la  réorganisation  des  pou- 
voirs publics  (1). 

Pendant  les  années  1437  et  1438  la  peste  sévit  à 
Troyes  et  dans  toute  la  Champagne.  L'année  14-37  avait 
été  fort  pluvieuse  et  les  recolles  furent  perdues.  La  peste 
et  les  retondeurs  et  écorcheurs  occasionnèrent  de  grands 
maux  pendant  ces  deux  années  (2). 

En  1439,  le  29  septembre,  mourut  à  Troyes,  en  odeur 
de  sainteté,  le  bienheureux  Jean  de  Gand,  à  Thôtel  des 
Maures,  où  il  habitait  le  plus  souvent.  Cet  ermite  fut 
enterré  dans  l'église  des  Jacobins.  Il  fut  déposé  dans  un 
cercueil  de  bois  et  sous  une  tombe  de  pierre  (3).  A  ses 
pieds,  fut  enterré  frère  Didier,  jacobin  en  renom. 

Philippe -Antoine  d'Orléans,  dit  le  Bâtard  de  Vertus 
(4),  tient  le  pays  entre  In  Seine  et  l'Aube,  et  rôde  avec 
ses  Iroupes  jusqu'aux  portes  de  Troyes.  En  juillet  1438, 
il  est  à  Plancy,  à  St-Lyé,  à  Mory,  où  il  paraît  avoir  pris 
garnison.  Les  habitants  de  Troyes  le  repoussent  dans 
une  sortie  qu'ils  font  contre  lui.  Quelques-uns  d'entr'eux 
sont  faits  prisonniers  et  parmi  eux  se  trouve  Nicole 
Mauroy,  élu.  La  ville  rachèle  ses  prisonniers  au  prix  de 
400  saluts  d'or.  Des  difficultés  surviennent  pour  acquitter 
cetfe  somme,  dont  une  partie  est  fournie  en  vaisselle 
d'argent  portée  à  Méry .  Mais  le  Bâtard  voulut  venir  à 
Troyes  pour  toucher  ce  qui  lui  était  encore  dû ,   ce 

(1)  Vallet  de  Viriville.  Hist,  de  Charles  VU,  1.  ii,  p.  366. 

(2  Les  années  1439  et  1440  furent  encore  fort  difficiles  à  passer. 
Car  on  lit  aux  Comptes  de  Tévêché  :  «  Rien  du  gagnage  de  Méry, 
qui  n'a  pu  trouver  de  fermier,  pour  la  mortalité  qui  estoit  audJieu 
de  Méry  et  au  pays  d'environ.  »  (Arch.  dép.  ;  G.  299.) 

(3)  Desouerrois.  La  Saincteté  chrétienne. 

(4)  Il  était  fils  naturel  de  Philippe  d'Orléans  et  petit-fils  de 
Charles  V. 


H  mSTOOIE  DR  TBOTES.  tim 

qu'il  tit  en  se  faisan l  accompagner  «ie  six  de  ses  ar- 
chers i  i  ' . 

Les  .Qfarnisons  deMeaux,  de  Crécy.  de  Nogrent-rArtaud 
et  d'autres  encore,  en  avril  1-U^X  après  Pâques,  formant 
une  bande  d'environ  deux  cents  chevaux ,  passent  près 
de  Méry  et  se  disposent  à  venir  courir  les  champs  devant 
la  ville  de  Troves  (2; . 

Charles  VII,  en  1440,  réside  successivement  i  Bour- 
ges, à  Orléans,  puis  à  Chartres.  De  cette  dernière  ville, 
accompagné  du  jeune  dauphin  Louis,  il  se  dirige  sur  la 
Champagne  et  s'arrête  d'abord  à  Sens.  Depuis  le  voyage 
du  sacre,  il  n'avait  pas  revu  les  pays  situés  entre  l'Yonne 
et  la  Seine,  quoique,  ralliés  à  l'unité  politique,  ils  appe- 
lassent par  leur  état  de  souffrance  et  de  misère  toute 
sa  sollicitude.  La  guerre,  la  famine,  la  peste,  une  ruine 
complète  désolent  cette  contrée.  Depuis  que  le  Bâtard 
de  Vertus  a  exploité  les  bords  de  la  Seine ,  le  comte  de 
Vaudcmont  (mai  l-liO  occupe  le  château  de  Doulevent, 
et  ses  gens  tiennent  la  province  et  se  répandent  jus- 
quaux  portes  de  Troves,  tandis  qu'Alexandre,  Bâtard 
de  Bourbon,  exploite  les  environs  de  Bar-sur-Aube. 

Ces  troupes  de  misérables  s*emparent  surtout  des 
moulins  et  des  fours  hannaux;  moyen  d'affamer  le  pays 
et  de  le  rançonner  a\oc   plus  de  succès.  Us  mettent  à 

(  î  ;  f^  ville  poSfiV.Mie  la  quittante  originale  ,  elle  est  ainsi  conçue  : 
c  i»^  phe  Anthoine,  Bastart  de  Vertus,  me  tiens  pour  content  des 
j»  hahitans  de  la  Tille  de  Ti  oyes.  de  la  somme  de  quatre  cens  escos, 
»  qu'ils  m'avoienl  promis  pour  et  a  cause  de  certain  desplaisir  qu'ilz 
9  mavoient  voulu  faire  moy  estant  logé  à  Si-Lyê.  En  tesmoiiig  de  ce 
>  j«?  scelle  ceste  présente  quistance  de  mon  signet  d'armes  et  signé 

*  de  mon  saing:  manuelle,  vint  neuf?  jour  de  juillet  mil  mi  c.  xxxviii.i» 
t  Ainsi  si'çTî»*  :  •  Le  Rastart  de  Vertus  <*  et  sondict  signet  d*annes 

*  placqii»'  en  lad.  quictanco  en  cire  roujre  en  droit  ce  mot  mil.  » 
(Arcb.  mim. ,  série  BB.  C"*»,  8  liasse  I*-*  .  Ce  dé|K«t  contient  encore 
des  lettres  du  b;\tard  des  Vertus,  portant  les  dates  des  ^  et  97 
jiiiUei  i43d.) 

(i)  Ardi.  mim. 


1440  CHAPITRE  XIII.  9 

rançon  les  vannes  des  moulins.  La  circulation  est  alors 
presque  nulle.  La  ferme  de  la  Chaussée  ne  fait  aucune 
recette,  en  raison  des  gens  d'armes,  «  qui  (en  144-0  et 
1441)  estoienl  autour  de  la  ville  (1)  >  et  qui  n'a  le  plus 
souvent  que  trois  portes  ouvertes  et  mémo  une  seule, 
de  novembre  1440  à  février  suivant. 

La  lutte  entre  le  duc  de  Lorraine  et  le  comte  de  Vau- 
démont,  à  Tégard  de  la  succession  de  la  Lorraine,  se 
rallume  et  les  gens  de  guerre  tiennent  les  frontières  de 
Lorraine,  de  Champagne  et  de  Bourgogne. 

Charles  VH  est  à  Sens  le  14  janvier  1440  (v.  st.).  Il 
arrive  à  Troyes  le  24  et  y  reste  jusqu'au  31.  Il  demeure 
à  Bar-eur-Aube  du  1er  au  9  février,  à  Langres  du  9  au 
22.  Le  25,  il  est  à  Montesclaire  (2)  et  le  28,  à  Vaucou- 
leurs. 

A  son  passage  à  Troyes,  Charles  VII  demande  un  em- 
prunt de  mille  livres  tournois,  qui  lui  est  avancée  par 
quelques  notables.  Il  vint  au  secours  des  cinq  hôpitaux, 
les  affranchit  de  toutes  tailles  et  subventions,  de  Taide 
de  cinq  sous  pour  Tentrée  de  chaque  queue  de  vin, 
du  guet  et  garde  de  la  ville  de  Troyes  et  autres  lieux, 
du  droit  de  moulage,  et  les  dispense  de  fournir  leurs 
chevaux  de  labour  et  autres  aux  chevaucheurs  du  roi , 
sans  leur  consentement  (3). 

L'abbé  et  les  religieux  de  Monlier-la-Celle  portent 
aussi  leurs  plaintes  au  roi.  Leur  abbaye  a  été  brûlée 
pendant  les  guerres,  leur  château  et  forteresse  de  Ver- 
dey  (4),  qu'ils  ont  achetés  de  Jean  deLancaslre,  ont  été 
démolis,  leurs  granges  et  leurs  manoirs  de  Sompoix, 
près  de  Provins,  et  de  Barberey-aux  Moines,  près  de 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  série  C,  n»  il. 

(2)  Près  d'Ândelot,  (Haute-Marne).  Ce  château  est  complètement 
en  ruine. 

(3)  Arch.  dép.,  f.  de  rH.-D.-ie-Cie  ;  lay.  5». 
(i)  Marne,  canton  de  Sésanne. 


10  HISTOIRE   DE  TROYES.  \uo 

Troyes,  ont  été  abattus.  Ils  demandent  la  pemnission  de 
couper,  dans  la  forêt  domaniale  de  Vaulenouse  (située 
dans  la  forêt  d'Othe),  pendant  six  ans ,  les  bois  qui  leur 
sont  nécessaires  pour  reconstruire  leurs  édifices  ruinés. 
Les  Bourguignons,  souffrant  aussi  des  courses  des 
gens  de  guerre,  se  plaignent  à  Charles  VII  de  Tinexécu- 
tion  du  traité  d*Arras.  Le  26  janvier ,  étant  à  Troyes,  il 
donne  des  ordres  pour  faire  cesser  ces  infractions  aux 
conventions  arrêtées  entre  lui  et  le  duc  de  Bour- 
gogne (1). 

Ce  voyage  du  roi  a  surtout  pour  but  de  réprimer  les 
désordres  et  les  excès  des  gens  de  guerre.  A  Troyes ,  il 
n'eut  pas  d'exécution  à  ordonner  ;  mais,  à  Bar-sur-Aubc, 
le  bâtard  Alexandre  de  Bourbon,  étant  à  la  tête  d'une 
colonne  d'écorcheurs,  se  présente  à  lui  au  moment  où 
des  paysans  lui  portent  leur  plainte  et  lui  demandent 
l'exécution  de  son  ordonnance  du  2  novembre  1439, 
prescrivant  la  dissolution  des  bandes  armées  et  décla- 
rant toute  infraction  à  cette  loi,  crime  de  lèse-majesté.  Le 
roi  fait  arrêter  ce  chef  de  bande  par  Tristan-rErmilo, 
prévôt  des  maréchaux  :  jugé  de  suite  ,  le  bâtard  de 
Bourbon  est  condamné  à  mort,  mis  dans  un  sac  et,  du 
haut  du  pont  do  l'Aube,  jeté  à  la  rivière.  Si  les  habitants 
delà  province  lui  reprochaient  ses  nombreuses  victimes, 
le  roi  l'accusait  d'avoir  engagé  le  dauphin  Louis  à  se 
révolter  contre  lui. 

Cette  sentence,  rendue  contre  l'un  des  chefs  les  plus 
hardis  des  écorcheurs  et  retondeurs,  produit  un  ettct 
salutaire.  Le  roi,  continuant  son  voyage  en  Lorraine^ 
soumet  Robert  de  Sarrebruck,  l'un  des  alliés  du  balard 
de  Bourbon,  à  un  traité  de  réparation. 

En  avril  1440 ,  les  habitants  de  Troyes  envoient  le 

(1)  Arch  de  Bourgogne,  Compte  de  Vizen,  receveur  général,  d'a- 
près VAnn.  de  l'Yonne,  1865,  p.  134,  3«  partie* 


1440  CHAPITHE  XIII.  11 

messager  Perrinct  porter  lettres  à  Bourges,  à  «  MM.  les 
»  Prélats  et  gens  des  Tpois-Etats,  assemblés  pour  lo  fait 
>  de  Tunion  de  PEglise  et  la  paix  des  royaumes  de 
1  France  et  d'Angleterre  >  et  aussi  pour  s'enquérir  des 
nouvelles  du  roi,  du  dauphin ,  et  savoir  en  quels  lieux, 
eux  et  leurs  armées  se  trouvent.  Ce  voyage  dure  vingt 
jours  et  le  messager  fut  détroussé  en  route  (1  ). 

En  celte  année,  s'éteignit  définitivement  un  droit  que 
révêque  percevait  sur  les  pâtissiers  ou  sur  la  pâtisserie, 
ou  mieux  sur  la  gastellerie  de  Troyes.  Depuis  longtemps 
déjà  ce  droit  se  payait  mal  ou  ne  se  payait  plus.  Il  se 
montait  à  environ  trente  sous  par  an  (2). 

La  ferme  du  Ponte naige  fut  aussi  supprimée.  Cette 
ferme  n'était  autre  qu'un  droit  de  péage  perçu  par  la  voi- 
rie aux  Moulins-aux -Monts,  sis  sur  la  Vieille-Seine, 
près  de  St-Parres  (3). 

Depuis  longtemps  cette  ferme  n'avait  été  louée,  parce 
qu'à  la  diligence  des  voyeurs  et  avec  l'aide  des  habitants 
des  paroisses  intéressées,  ceux-ci  avaient  volontairement 
amené  des  terres  et  des  gravois  à  corvée  pour  élever 
le  terrain.  *  Le  lieu  dudit  Pontenage  a  été  et  est  lelle- 
»  ment  haussé,  qu'il  n'y  est  plus  besoin  d'y  avoir  na- 
»  celle ,  mais  à  la  condition  que  ces  travaux  seront 
»  continués  et  entretenus.  > 

Cette  ferme  étant  supprimée ,  l'entretien  de  cette 
chaussée  (4)  resta  à  la  charge  des  habitants  des  paroisses 
intéressées.  Au  XVIlIc  siècle,  celle  chaussée  fut  rempla- 
cée par  celle  qui,  du  faubourg  St-Jacques  conduit  à 
St-Parres  et  qui  est  placée  au  midi  de  l'ancienne. 

En  juin  1441,  les  habitants  de  Troyes  envoient  Lau- 
rent Touricr,  leur  clerc,   près  do  Charles  Vil,  alors 

(1')  Arch.  mun.,  n.  f. 

(2)  Ajch.  dép. ,  G.,  299. 

(3)  Voir  ci-dessas,  t.  ii,  page 

(4)  Arch.  mun.y  n.  f.,  série  G.,  n» 


4  HISTOIRE   DS  TROYES.  fm 

de  ressources  que  dans  le  pillage.  Aussi,  en  voit-on  t  se 
rendre  Bourguignon^  s  avant  la  paix  et,  après,  c  se 
rendre  Anglais  ^  et  passer  ainsi  d'un  parti  à  Tautre, 
selon  la  bonne  fortune  qu'ils  attendent  de  ce  change- 
ment. Aix-en-Otlic  passe  des  u:ains  îles  Français  aux 
mains  des  Anglais  pendant  plusieurs  années  et  le  châ- 
teau a  garnison.  La  population  on  a  presque  disparu  (1). 
La  misère  est  telle  que  la  paroisse  de  Saint-Remy,  de 
Troyes,  vend,  en  mai  1  ISr»,  t  pour  la  grande  nécessité 
de  Téglise,  un  ralicc  moyennant  huit  livres  t.  » 

En  février  M37  (n.  st. ,  Charles  VU  nomma  Arthur  de 
Richemont,  déjà  connétable,  ^  son  lieutenant-général 
dans  les  pays  <le  France  .lle-de-Francei,  Champagne, 
Brie,  Beauvoisis,  Normandie,  Picardie  et  autres  sur  et 
outre  les  rivières  d'Yonne  et  Seine  »  2'. 

En  1420,  les  tnarehan«ls  hanses  de  la  ville  de  Troyes 
avaient  obtenu  le  privilège  de  ne  payer  aucun  droit  aux 
compagnies  frani;aise  et  normande  pour  descendre  ou 
remonter  la  Seine,  mais  ils  devaient  acquitter  les  droits 
au  passage  de  eertaines  villes  ou  seigneuries,  situées 
sur  les  bords  de  la  Seine,  telles  qu'à  Méry,  à  Pont,  è 
Xogent,  ^oyen,  iîray,  iMaroUes,  Montereau,  Moret,  Melun 
et  Corbeil. 

Lorsque  les  marchands  de  Troyes  obtinrent  leurs 
privilèges  c  touchant  le  fait  de  la  rivière  »  il  y  avait 
quatre  mois  à  peine  que  le  pouvoir  du  roi  y  avait  été 
reconnu.  Alors  Charles  Vil  n'avait  pas  craint  de  blesser 
ceux  des  compagnies  française  et  normande  :  Paris  et 
Rouen  étant  alors  entre  les  mains  de  ses  ennemis.  Mais, 
en  1437,  les  événements  ont  marché,  Paris  vient  de  se 
rendre  et  Rouen  peut  se  soumettre.  Aussi,  à  celte  épo- 

(1)  Arch.  dép.  ;  G.  368 a  qiiar  on  ne  trouvait  a  qui  louer  par 

»  faute  de  peuple,  ù <i  parce  qu'il  n'y  avoit  au  lieu,  comme  per- 

»  sonne,  ne  peuple  ne  bestes.  >> 

(2)  Vallct  de  ViRiviLi.E.  Hist.  de  Charles  VII^  t.  u,  p.  346. 


j^7  ciiAnrui!:  xiii.  5 

que,  le  roi  est-il  moins  gi-néreux,  moins  libéral.  Au  lieu 
d'élargir  ces  privilèges,  le  roi  restreint  les  faveurs  accor- 
dées précédemment  aux  Troyens.  Ainsi  il  veut  que  le 
port  de  Troyes  soit  franc  «  sans  que  la  hanse  ait  lieu, 
ni  puisse  se  constituer  ;  »  que  les  transactions,  relatives 
au  commerce  de  la  navigation,  ne  soient  pas  régies  par 
les  coutumes  en  usage  pour  les  dettes  contractées  aux 
foires  de  Champagne,  —  ce  qui  constitue  une  exception, 
—  mais  jugées  par  le  bailli  de  Troyes  ou  son  lieutenant. 
Il  interdit  aux  habitants  de  Troyes  le  commerce  du  sel, 
même  sous  la  réserve  de  ses  droits  (1). 

Pendant  Tété  de  4437,  Charles  VII  fait  assiéger  Châ- 
teau-Landon,  Nemours  et  Charny.  Ces  trois  places  se 
rendent  en  août,  et  le  roi  lui-même  vient  mettre  le  siège 
devant  Montereau.  Les  communes  de  Champagne  et  no- 
tamment celles  de  Troyr;s,  do  Uhoiins,  do  Langres  et  de 
Châlons  y  envoyèrent  des  hommes  et  un  matériel  do 
siège.  La  ville  de  Troyes  love,  sur  elle-même,  trois 
tailles  et  contracte  deux  emprunts  qui ,  ensemble  mon- 
tent à  environ  5,357  livres  (ou  environ  220,000  francs 
de  noire  monnaie,  valeur  do  1846)  (2). 

Les  fonds  nécessaires  aux  dépenses  faites  à  Toccasion 
de  ce  siège  furent  octroyés  au  roi  par  untî  assemblée  des 
Trois-F^tats  des  pays  en-deçà  de  la  Ivoire,  convoquée  à 
Brav-sur-Scine,  A  cette  assemblée,  les  Trovens  avaient 
député  Jean  Raoulin,  abbc  de  Monlier-la-Celle ,  Jean 
Henneqnin,  Perrot  Lnbeuf  et  Laurent  Tourier,  celui-ci 
leur  clerc  et  procureur.  La  ville  est  taxée  à  600  livres 
tournois,  mais  par  un  zèle  tout  patriotique,  les  habitants 

(1)  Arch.  mun.,  et  Boutiot.  Notice  sur  la  navigation  de  la  Seine 
et  de  la  Barse.  Troyes,  1856. 

(2)  Monstrelet  ne  parle  pas  de  l'action  des  communes  dans  cette 
entreprise  ,  quoiqu'elles  eussent  une  fort  grande  part  dans  le 
succès. 


6  HISTOIRE   DE   TROYES.  1437 

s'imposent  pour  des  sommes  beaucoup  plus  considé- 
rables. 

La  ville  contribue  à  ce  siège  mémorable  par  Tenvoi 
de  canonniers,  d'arquolnisiers,  de  ma(;ons  cl  de  manœu- 
vres: ceux-ci  sont  chargés  de  Tassant  qui  eut  lieu  le  10 
octobre;  par  celui  de  sa  grosse  bombarde,  dite  Vigou- 
reuse, de  deux  voguelaires  en  cuivre ,  de  huit  grosses 
arbalètes  à  tourets,  de  cinq  couleuvrines  de  cuivre,  de 
cinq  autres  en  fer,  d'une  grande  provision  de  boulets  de 
pierre  et  de  balles  de  plomb.  Ce  matériel  descendit  la 
Seine  jusqu'à  Monlereau  ;  on  le  chargea  au  port  de 
Fouchy,  sauf  la  grosse  bombarde  ,  qui,  à  cause  de  sa 
pesanteur,  ne  fut  embarquée  qu'à  Saint-Mesmin  (1). 

Le  prévôt  de  Troyes,  Antoine  Guery ,  eut  la  direction 
des  gens  et  du  matériel  de  la  ville,  quoique  le  bailli, 
Guillaume  Bellier,  assistât  au  siège.  Celui-ci  étendait 
sans  doute  son  autorité  sur  les  troupes  fournies  par  les 
communes  de  Champagne,  car  la  ville  de  Langres  lui 
fit  don  de  six  tasses  d'argent  fin  ,  verrces  et  martelées, 
du  prix  de  54  Hv.  10  s.  t.,  afin  qu'il  prît  soin  des  bom- 
bardes envoyées  par  elle  et  qu'il  n'employât  pas,  pour 
les  y  conduire,  des  chevaux  de  Langres  ou  des  envi- 
rons (2). 

La  prise  de  la  ville  et  du  château  de  Montercau  ouvre 
à  Charles  VII  les  portes  de  Paris.  Il  y  fait  son  entrée  le 
12  novembre  1437. 

Aussitôt  après  la  réduction  de  Paris  et  débarrassé  de 
l'influence  de  Georges  de  la  Trimoille,  une  réaction  fa- 
vorable à  Jeanne  Darc  s'exerce  sur  l'esprit  du  roi.  Vers 
cette  époque,  Jean  Darc,  oncle  de  Jeanne,  est  nonnné 
arpenteur  du  roi  pour  le  département  de  France  (Ile-de- 

(i)  Arch.  mun.  ;  F.  n'^  56.  —  Boutiot.  Dépenses  faites  par  la 
ville  de  TroyeSy  à  Voccasiun  du  siège  de  MontereaUjpar  Charles  VII. 
en  USl.  -^  Troyes,  1855. 

(2)  Arcb.  comm.  de  LangreSi  Comptes  du  Procureur. 


1438  GilAFlTUE   XIII.  7 

France)  et  de  Champagne.  Il  prête  serment,  en  cette 
qualité,  à  la  Chambre  des  comptes  avec  les  premiers 
ofllciers  royaux  compris  dans  la  réorganisation  des  pou- 
voirs publics  (1). 

Pendant  les  années  1437  et  1438  la  peste  sévit  à 
Troyes  et  dans  toute  la  Champagne.  L'année  1437  avait 
été  fort  pluvieuse  et  les  recolles  furent  perdues.  La  peste 
et  les  retondeurs  et  écorcheurs  occasionnèrent  de  grands 
maux  pendant  ces  deux  années  (2). 

En  1439,  le  29  septembre,  mourut  à  Troyes,  en  odeur 
de  sainteté,  le  bienheureux  Jean  de  Gand,  à  Thôtel  des 
Maures,  où  il  habitait  le  plus  souvent.  Cet  ermite  fut 
enterré  dans  Téglise  des  Jacobins.  Il  fut  déposé  dans  un 
cercueil  de  bois  et  sous  une  tombe  de  pierre  (3).  A  ses 
pieds,  fut  enterré  frère  Didier,  jacobin  en  renom. 

Philippe -Antoine  d'Orléans,  dit  le  Bâtard  de  Vertus 
(4),  tient  le  pays  entre  In  Seine  et  l'Aube,  et  rôde  avec 
ses  troupes  jusqu'aux  portes  de  Troyes.  En  juillet  1438, 
il  est  à  Plancy,  à  St-Lyé,  à  Mory,  oii  il  paraît  avoir  pris 
garnison.  Les  habitants  de  Troyes  le  repoussent  dans 
une  sortie  qu'ils  font  contre  lui.  Quelques-uns  d'entr'eux 
sont  faits  prisonniers  et  parmi  eux  se  trouve  Nicole 
Mauroy,  élu.  La  ville  rachète  ses  prisonniers  au  prix  de 
400  saluts  d'or.  Des  difficultés  surviennent  pour  acquitter 
cette  somme,  dont  une  partie  est  fournie  en  vaisselle 
d'argent  portée  à  Méry .  Mais  le  Bâtard  voulut  venir  à 
Troyes  pour  toucher  ce  qui  lui  était  encore  dû ,   ce 

(1)  Vallet  de  Viriville.  Hist.  de  Charles  VII,  1.  ii,  p.  366. 

(2  Les  années  1439  et  1440  furent  encore  fort  difficiles  à  passer. 
Car  on  lit  aux  Comptes  de  l'tîvêché  :  m  Rien  du  gagnage  de  Méry, 
qui  n'a  pu  trouver  de  fermier,  pour  la  mortalité  qui  estoit  aud.lieu 
de  MéiT  et  au  pays  d'environ.  »  (Arch.  dép.  ;  G.  299.) 

(3)  Desguerrois.  La  Saincteté  chrétienne, 

(4)  II  était  fils  naturel  de  Philippe  d'Orléans  et  petit-fils  de 
Chailes  V. 


8  HISTOIRE  DE  TROYES.  U4() 

qu*il  fit  en  se  faisant  accompagner  de  six   de  ses  ar- 
chers (i). 

Les  îjarnisons  deMcaux,  de  Crécy,  de  Nogent-rArtaud 
et  d'autres  encore,  en  avril  IMO,  aprcVs  Pâques,  formant 
une  bande  d'environ  deux  cents  chevaux ,  passent  près 
de  Méry  et  se  disposent  à  venir  courir  les  champs  devant 
la  ville  de  Troyes  (2). 

Charles  Vil,  en  1440,  réside  successivement  à  Bour- 
ges, à  Orléans,  puis  à  Chartres.  De  cette  dernière  ville, 
accompagné  du  jeune  dauphin  Louis,  il  se  dirige  sur  la 
Champagne  et  s'arrele  d'abord  à  Sens.  Depuis  le  voyage 
du  sacre,  il  n'avait  pas  revu  les  pays  situés  entre  l'Yonne 
et  la  Seine,  quoique,  ralliés  à  l'unité  politique,  ils  appe- 
lassent par  leur  état  de  souffrance  et  de  misère  toute 
sa  sollicitude.  La  guerre,  la  famine,  la  peste,  une  ruine 
complète  désolent  cette  contrée.  Depuis  que  le  Bâtard 
de  Vertus  a  exploité  les  bords  de  la  Seine,  le  comte  de 
Vaudémont  (mai  1440)  occupe  le  château  de  Doulevcnt, 
et  ses  gens  tiennent  la  province  et  se  répandent  jus- 
qu'aux portes  de  Troyes,  tandis  qu'Alexandre,  Bâtard 
de  Bourbon,  exploite  les  environs  de  Bar-sur-Aube. 

Ces  troupes  de  misérables  s'emparent  surtout  des 
moulins  et  des  fours  bannaux;  moyen  d'affamer  le  pays 
et  de  le  rançonner  avec  plus  de  succès.  Ils  mettent  à 

(1)  La  ville  possède  la  quittance  originale  ,  elle  est  ainsi  conçue  : 
«  Je  phe  Anthoine,  Bastart  de  Vertus,  me  tiens  pour  content  des 
»  liabitans  de  la  ville  de  Troyes,  de  la  somme  de  (juatre  cens  escus, 
})  qu'ils  m'avoient  promis  pour  et  a  cause  de  certain  desplaisir  qu*ilz 
))  mavoient  voulu  faire  moy  estant  logé  à  St-Lyé.  En  tesmoing  de  ce 
»  je  scelle  ceste  présente  quistance  de  mon  signet  d'armes  et  signé 
»  de  mon  saing  manuelle,  vint  neufc  jour  de  juillet  mil  un  c.  xxxviii.» 
»  Ainsi  signé  :  «  Le  Bastart  de  Vertus  »  et  sondict  signet  d'armes 
»  placqué  en  lad.  quictancc  en  cire  rouge  en  droit  ce  mot  mil.  » 
(Arcb.  mun. ,  série  BB.  C«",  8  liasse  i^^'  .  Ce  dépôt  contient  encore 
des  lettres  du  bâtard  des  Vertus,  portant  les  dates  des  25  et  27 
juUlet  1438.) 

(2)  Arch.  mun. 


1440  CHAPITRE  XIII.  9 

rançon  les  vannes  des  moulins.  La  circulation  est  alors 
presque  nulle.  La  ferme  de  la  Chaussée  ne  fait  aucune 
recette,  en  raison  des  gens  d'armes,  e  qui  (en  1440  et 
1441)  estoienl  autour  de  la  ville  (1)  »  et  qui  n'a  le  plus 
souvent  que  trois  portes  ouvertes  et  même  une  seule, 
de  novembre  1440  à  février  suivant. 

La  lutte  entre  le  duc  de  Lorraine  et  le  comte  de  Vau- 
démont,  à  Tégard  de  la  succession  de  la  Lorraine,  se 
rallume  et  les  gens  de  guerre  tiennent  les  frontières  de 
Lorraine,  de  Champagne  et  de  Bourgogne. 

Charles  VII  est  à  Sens  le  14  janvier  1440  (v.  st.).  Il 
arrive  à  Troyos  le  24  et  y  reste  jusqu'au  31.  Il  demeure 
à  Bar-eur-Aube  du  1er  au  9  février,  à  Langres  du  9  au 
!22.  Le  25,  il  est  à  Montesclaire  (2)  et  le  28,  à  Vaucou- 
leurs. 

A  son  passage  à  Troyes,  Charles  VII  demande  un  em- 
prujît  (le  mille  livres  tournois,  qui  lui  est  avancée  par 
quelques  notables.  Il  vint  au  secours  des  cinq  hôpitaux, 
les  affranchit  de  toutes  tailles  et  subventions,  de  Taide 
de  cinq  sous  pour  rentrée  de  chaque  queue  de  vin, 
du  guet  et  garde  de  la  ville  de  Troyes  et  autres  lieux, 
du  droit  de  moulage,  et  les  dispense  de  fournir  leurs 
chevaux  de  labour  et  autres  aux  chevaucheurs  du  roi , 
5?ans  leur  consentement  (3). 

L'abbé  et  les  religieux  de  Monticr-la-Celle  portent 
aussi  leurs  plaintes  au  roi.  Leur  abbaye  a  été  brûlée 
[)endant  les  guerres,  leur  château  et  forteresse  de  Ver- 
dey  (4),  qu'ils  ont  achetés  de  Jean  deLancastre,  ont  été 
démolis,  leurs  granges  et  leurs  manoirs  de  Sompoix, 
près  de  Provins ,  et  de  Barberey-aux -Moines,   près  de 

(1)  Arcl».  lîiun.,  n.  f.,  série  C,  n«  il. 

(2)  Près  d*Andelot,  (Haule-Mamo).  Ce  chiUeau  est  complètement 
en  ruine. 

(3)  Arch.  dép.,  f.  de  l'H.-D.-le-Gte  ;  lay.  5». 

(4)  Marne,  canton  de  Sésanne. 


10  HISTOIRE   DE  TROYES.  1440 

Troyes,  ont  été  abattus.  Ils  demandent  la  pemnission  de 
couper,  dans  la  foret  domaniale  de  Vaulencuse  (située 
dans  la  forèt  d'Othe),  pendant  six  ans,  les  bois  <\m  leur 
sont  nécessaires  pour  reconstruire  leurs  édifices  ruinés. 

Les  Bourguignons,  souffrant  aussi  des  courses  des 
gens  de  guerre,  se  plaignent  à  Charles  VU  de  Tinexécu- 
tion  du  traité  d'Arras.  Le  26  janvier ,  étant  à  Troyes,  il 
donne  des  ordres  pour  faire  cesser  ces  infractions  aux 
conventions  arrêtées  entre  lui  et  le  duc  de  Bour- 
gogne (1). 

Ce  voyage  du  roi  a  surtout  pour  but  de  rcprin)er  les 
désordres  et  les  excès  des  gens  de  guerre.  A  Troyes ,  il 
n'eut  pas  d'exécution  à  ordonner  ;  mais,  à  Bar-sur-Aube, 
le  bâtard  Alexandre  de  Bourbon,  étant  à  la  tôle  d'une 
colonne  d'écorcheurs,  se  présente  à  lui  au  moment  on 
dos  paysans  lui  portent  leur  plainte  et  lui  demandent 
Texécution  de  son  ordonnance  du  2  novembre  1439, 
prescrivant  la  dissolution  des  bandes  armées  et  décla- 
rant toute  infraction  à  cette  loi,  crime  de  lèse-majesté.  Le 
roi  fait  arnHer  ce  chef  de  bande  par  Tristan-rErmito, 
prévùl  des  maréchaux  :  jugé  de  suite  ,  lo  bâtard  de 
Bourbon  est  condamné  à  mort,  mis  dans  un  sac  et,  du 
haut  du  pont  do  l'Aube,  jeté  à  la  rivière.  Si  les  habitants 
delà  province  lui  rc|)rochaient  ses  nombreuses  victimes, 
le  roi  l'accusait  d'avoir  engagé  le  dauphin  Louis  à  t:c 
révolter  contre  lui. 

Cette  sentence,  rendue  contre  l'un  des  chefs  les  plus 
hardis  des  écoreheurs  et  retondeurs,  produit  un  effet 
salutaire.  Le  roi,  continuant  son  voyage  en  Lorraine, 
soumet  Uobert  de  Sarrebruck,  l'un  des  alliés  du  bâtard 
de  Bourbon,  à  un  traité  de  réparation. 

En  avril  1440 ,  les  habitants  de  Troyes  envoient  le 

(1)  Arch  de  Bourgogne,  Compte  de  Vizen,  receveur  général,  d'a- 
près VAnn.  de  l'Yonne,  1865,  p.  134,  3«  partie* 


1440  CHAPITHE  Xlll.  11 

messager  Perrinet  porter  lettres  à  Bourges,  à  «  MM.  les 
»  Prélats  et  gens  des  Trois-Etats,  assemblés  pour  lo  fait 
>  de  Tunion  de  TEglise  et  la  paix  des  royaumes  de 
1  France  et  d'Angleterre  >  et  aussi  pour  s'enquérir  des 
nouvelles  du  roi,  du  dauphin ,  et  savoir  en  quels  lieux, 
eux  et  leurs  armées  se  trouvent.  Ce  voyage  dure  vingt 
jours  et  le  messager  fut  détroussé  en  route  (1  ). 

En  celte  année,  s'éteignit  définitivement  un  droit  que 
révêque  percevait  sur  les  pâtissiers  ou  sur  la  pâtisserie, 
ou  mieux  sur  la  fjastellerie  de  Troyes.  Depuis  longtemps 
déjà  ce  droit  se  payait  mal  ou  ne  se  payait  plus.  Il  se 
montait  à  environ  trente  sous  par  an  (2). 

La  ferme  du  Ponfenaige  fut  aussi  supprimée.  Cette 
ferme  n'était  autre  qu'un  droit  de  péage  perçu  par  la  voi- 
rie aux  Moulins-aux -Monts,  sis  sur  la  Vieille-Seine, 
près  de  St-Parres  (3). 

De|)uis  longtemps  cette  ferme  n'avait  été  louée,  parce 
qu'à  la  diligence  des  voyeurs  et  avec  l'aide  des  habitants 
des  paroisses  intéressées,  ceux-ci  avaient  volontairement 
amené  des  terres  et  des  gravois  à  corvée  pour  élever 
le  terrain.  «  Le  lieu  dudit  Pontenage  a  été  et  est  telle- 
»  ment  haussé,  qu'il  n'y  est  plus  besoin  d'y  avoir  na- 
»  celle ,  mais  à  la  condition  que  ces  travaux  seront 
ï  continués  et  entretenus.  » 

Cette  ferme  étant  supprimée ,  l'entretien  de  cette 
chaussée  (4)  resta  à  la  charge  des  habitants  des  paroisses 
intéressées.  Au  XVIlIe  siècle,  cette  chaussée  fut  rempla- 
cée par  celle  qui,  du  faubourg  St-Jacques  conduit  à 
St-Parres  et  qui  est  placée  au  midi  de  l'ancienne. 

En  juin  1441,  les  habitants  de  Troyes  envoient  Lau- 
rent Tourier,  leur  clerc,   près  do  Charles  VII ^  alors 

(1  )  Arch.  mun.,  n.  f. 
(2}  Arch.  dép.  ;  G.,  299. 

(3)  Voir  ci -dessus,  t.  ii,  page 

(4)  Arch.  mun.,  u.  f.,  série  G.,  n^ 


12  HISTOIRE   DE  TROYES.  4441 

occupé  du  siège  de  Pontoise.  Les  Troyens  demandent 
au  roi  de  dispenser  les  habitants  de  la  ville  et  du  bail- 
liage de  so  rendre  à  la  convocation  qu'il  vient  de  faire 
de  lous  les  nobles  de  Champagne,  pour  former  le  ban 
et  rarrièrc-ban.  Laurent  Tourier  obtient  de  Charles  Vil 
Texemption  demandée  et  c  les  nobles  qui  coniribuaient 

>  au  paiement  de  ses  tailles,   aides  et  autres  subsides 

>  furent  exemptés  de  non  aller  servir  présentement, 

>  nonobstant  ledit  arrière-ban  crié  et  publié  >  (1). 

Le  29  décembre,  Tévêque  Jean  Léguisé,  Jacques  Vil- 
lain,  chanoine,  Laurent  Tourier  et  cinq  autres  habitants 
se  mettent  en  route,  afin  de  se  rendre  près  du  roi  alors 
en  Poitou.  Ce  voyage  était  long  :  aussi  ne  se  passe-t-il 
pas  sans  incident.  Ces  députés  troyens  vont  se 'plaindre 
au  roi  des  impôts  dont  la  ville  et  le  diocèse  sont  char- 
gés, tant  à  cause  des  tailles  que  par  suite  de  la  guerre, 
surtout  pendant  les  sièges  de  Creil  et  de  Pontoise,  qui 
ont  motivé  de  nouvelles  levées  de  deniers.  Ils  rencon- 
trent le  roi  à  Bressuire.  Ils  lui  font  connaître  Tobjet  do 
leur  mission.  Le  résultat  de  cette  démarche  n*cst  pas 
connu.  Seulement,  en  mars  suivant,  le  roi  nomme 
Simon  Charles,  président  des  comptes,  et  Guichard  de 
Chissé,  ses  commissaires  pour  garder  les  pays  de  Seine 
et  de  rile-de-France.  Il  prend  les  mêmes  mesures  à  re- 
gard de  la  Normandie  et  d'autres  provinces  (2). 

Dans  le  cours  de  ce  voyage  et  près  de  Bressuire,  les 
députés  troyens  sont  mis  à  rançon  d'une  somme  de 
soixante  livres  tournois  pBr  Populo  Alain  ,  Le  Loing  et 
autres  de  la  compagnie  de  Jean  Girard  et  de  Dommar- 
ques  (3). 

Au  mois  de  novembre,  le  duc  Philippe-le-Bon  réunit 
ses  troupes  aux  environs  du  Quesnoy,  et  après  avoir  fait 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f. 

(2)  Vallet  de  ViRiviLLE.  Hist.  de  Charles  VII,  t.  11,  p.  434. 
^)  Arch.  iiiun.|  n.  f. 


1443  CHAPITRE  XIII.  13 

raser  le  château  de  Montaigu,  près  de  Laon,  sur  la  de- 
mande des  villes  de  Rheims,  de  Laon  et  de  St-Quentin , 
bien  que  le  sire  de  Commercy  en  demandât  la  remise 
entre  ses  mains,  le  duc  se  met  en  route  avec  ses  troupes 
et  sa  noblesse  de  Picardie.  Il  se  rend  à  Troyes,  où  il 
trouve  sa  noblesse  de  Bourgogne  et  là  il  congédie  ceux 
qui  l'ont  accompagné  (1). 

Le  duc  poursuivit  sa  route  vers  la  Bourgogne  et, 
bientôt  après,  il  se  trouve  à  Nevers,  avec  les  ducs  de 
Bretagne,  d'Orléans,  de  Bourbon  et  d'Alençon,  les  comtes 
de  Nevers  et  d'Etampes ,  où  ils  apprécient  les  actes  du 
gouvernement  de  Charles  VIL 

En  mars,  la  duchesse  de  Bourgogne,  venant  de  Flan- 
dres et  se  rendant  près  de  son  mari,  arrive  à  Troyes.  La 
ville  lui  offre,  comme  vin  d'honneur,  deux  queues  de  vin 
rouge.  Si  l'on  rançonne  alors  les  pauvres  voyageurs,  les 
grands  personnages,  malgré  leur  nombreuse  suite  et  la 
force  armée  qui  les  accompagnent,  ne  sont  pas  à  l'abri 
des  attaques.  La  duchesse  de  Bourgogne,  Isabelle  de 
Portugal,  fut  arrêtée  et  son  convoi  entièrement  pillé. 
On  lui  enlève  jusqu'aux  bouclettes  de  ses  souliers.  Cette 
attaque  est  faite  par  les  ordres  du  sire  de  Commercy,  qui 
se  vengea  ainsi  de  la  démolition  du  château  de  Montaigu, 
près  Laon,  ordonnée  par  le  duc  de  Bourgogne  (2). 

Le  23  août  1-4-43,  la  ville  de  Nogent-sur-Seine  fut 
brûlée  presque  entièrement.  Le  Conseil  de  ville  de  Troyes 
craint  que,  sous  l'émotion  d'un  événement  aussi  désas- 
treux, les  Anglais,  toujours  l'œil  ouvert ,  ne  s'emparent 
de  la  ville  et  du  château.  Aussi  le  prévôt  et  le  procu- 
reur des  habitants,  avec  le  bailli,  se  rendent  à  Nogent, 
accompagnés  de  plusieurs  de  leurs  concitoyens,  afin  d*y 
porter  des  secours  et  des  consolations.  Les  Nogentais 

(i)  D.  Plancher.  Hist.  de  Bourgogne,  t.  iv,  p.  249. 

(S)  Vallst  de  YmmixE.  Hist  de  CharleB  VJI^  t.  m,  p.  82. 


ii  HISTOIRE  DE  TFiOYES.  iU4 

en  paraissent  fort  reconnaissants.  Quelques  jours  après, 
(les  habitants  de  Nogeni  viennent  à  Troyes  dennander  de 
nouveaux  soulagements  à  leur  dénûment.  Ils  passent  en 
ville  plusieurs  jours,  on  les  héberge,  puis  on  leur  délivre, 
pour  résistera  une  attaque,  un  millier  de  traits  d'arc  et 
un  cent  de  poudre  à  canon  (1).  Triste  aumône  faite  à  des 
incendiés  ! 

En  1M5,  les  gens  d'armes  sont  encore  bien  souvent 
autour  de  la  ville,  dont  on  ne  tient  ouvertes  que  les  trois 
porles  principales.  En  mars  14-43,  (v.  st.)  la  ferme  des 
Chaussées  ne  fait  aucune  recette  à  la  porte  de  St-Jacques 
et  à  celle  du  Heffroy,  a:  pour  cause  de  la  prise  de 
Méry  (â).  »  En  1443,  Ervy  est  retombé  au  pouvoir  du 
duc  de  Bourgogne,  par  la  prise  qu'en  fit  Philibert  de 
Vaudroy,  gouverneur  du  Tonnerrois. 

L'année  1444  est  encore  malheureuse  pour  la  ville  de 
Troyes  et  les  environs.  M.  de  Bueil,  qualifié  de  capitaine 
de  gens  d'armes  et  de  trait,  se  tient  autour  et  sous  les 
murs  même  de  la  ville,  avec  une  multitude  de  gens 
d'armes,  en  mars  et  avril.  On  fait  entrer  en  ville  les  che- 
vaux et  tout  le  bétail  des  environs  et  l'on  eut  peme  à  les 
nourrir.  On  traite  avec  M.  de  Bueil,  pour  une  somme  de 
301)  livres,  qui  devait  être  payée,  à  l'aide  d'une  taille 
levée  sur  c  les  bêles  aumailles,  >  c'est-à-dire  sur  les 
vaches,  mais  il  fallut  v  renoncer.  La  somme  fut  levée 
sur  tous  les  habitants,  suivant  les  vœux  d'une  assemblée 
générale  du  â9  juillet  1444  (3).  Le  sire  de  Bueil,  ayant 
touché  la  somme  convenue,  part  vers  le  Dauphin  et,  le  âG 

*^\)  Arch.  inun.,  n.  f.,  A  A.,  carton  2U^  2<  liasse. 

(t)  Arch.  mun.,  n.  f.,  C,  vfi^Vl  et  13. 

(3>  Arch.  mun.,  n.  f.,  F.,  «•  67.  —  Ce  sire  de  Beuil  ou  de  Bueil 
est  Jean  Y,  sire  de  Bueil,  de  Monlrésor,  comte  de  Sancerre ,  con- 
seiller et  chambellan  du  roi,  amiral  en  1451.  —  Histoire  gêticralc  de 
Fronce,  t.  vu,  p.  WT.  —  Quoique  chef  de  bande,  chose  rare  alors, 
le  sire  de  Bueil  aurait  composé  un  roman  militaire  :  Le  JouvenceL 
VàUst  ds  Vmmujs  Hîtl.  d$  Chwr^  VU ,  t«  ni,  p.  30. 


1U4  CHAPITRE  Xin.  45 

août,  il  commande  les  troupes  à  la  fameuse  bataille  de 
St-Jacques,  livrée  près  de  Bâle. 

En  1444,  Jean  le  Champenois,  occupe  encore  le  chû- 
teau  de  St-Lyé  avec  ses  gens.  Les  habitants  d*Aix,  qui 
avaient  quitlé  leur  ville,  commencent  à  reparaître  et 
comme  un  berger  recherche  ses  brebis  dispersées,  le  re- 
ceveur du  domaine  épiscopal  recherche,  à  Auxon,  à  St- 
Florentin  et  autres  lieux  des  environs,  les  gens  de  la 
taille  duo  à  Tévèque  (1). 

Les  frontières  de  Bourgogne,  sont  toujours  occupées 
par  les  gens  de  guerre.  Les  relatiims  du  roi  avec  le  duc 
de  Bourgogne,  deviennent  chaque  jour  plus  difficiles  et, 
ù  chaque  instant,  on  craint  de  voir  éclater  plus  vivement 
celte  mésintelligence.  Le  bailli  de  Monthéliard,  a  envahi 
le  pays  de  Langres,  placé  sous  Tautorité  du  roi,  et  le 
ravage.  En  juillet,  le  Uauphin  Louis  passe  à  Troyes, 
avec  une  nombreuse  armée.  Il  se  dirige  sur  Monthéliard 
dans  un  double  but:  chûtier  la  hardiesse  du  bailli,  qui 
a  envahi  le  territoire  royal  et  se  tenir  en  Alsace,  afin 
d'intimider  le  concile,  réuni  à  Bâle,  et  le  presser  de  pren- 
dre parti  contre  le  schisme  (2). 

D'un  autre  côté,  Charles  VII  dirige,  vers  Metz,  une 
autre  armée,  placée  sous  le  commandement  de  Pierre  de 
Brézé.  Le  roi,  de  sa  personne,  quitte  Tours,  en  juillet, 
passe  à  Orléans,  à  Montargis,  il  est  à  Troyes  du  6  au  9 
août,  puis  se  dirige  sur  Nancy,  par  Bar-sur-Aube,  Chau* 
mont  et  Epinal.  Il  se  fixe  à  Nancy,  h  proximité  des  armées 
françaises.  (3) 

La  période  comprise  entre  le  traité  d'Arras  et  la  mort 
de  Charles  VII  est  une  époque  de  réparation  et  d'orga- 

{i)  Arch.  dép.,  G.,  378,  382,  439. 

(2)  D.  Plancher.  Hist,  de  Bourgogne,  t.  iv,  p.  259.  —  Vallet  de 
ViRiviLLE.  Htst.  de  Charles  Vil,  t.  m,  p.  33,  —  SÉBaLLAUT.  Mimé 
mnsc,  Bibl.  de  Troyes. 

(3)  Vallet  db  Viriville.  HtBt  de  Charîeê  VU,  t.  ni,  p.  36. 


i6  HISTOIRE  DE  TROYES.  \UA 

nisation  administrative.  Si  les  documents  historiques 
sont  rares,  ceux  qui  existent  constatent  des  faits  de  ré- 
forme dans  toutes  les  institutions,  dans  le  clergé,  dans 
la  guerre,  dans  Farmée,  dans  la  justice,  dans  lesfmances, 
dans  les  mœurs;  les  réformes  partent  le  plus  souvent 
d'en  haut.  Pour  le  clergé ,  c'est  le  concile  de  Bâie  qui 
loi  édicté,  dans  l'administration,  c'est  le  roi,  c'est  son 
conseil  qui  les  formulent  et  les  proclament,  quelque- 
fois cependant  sur  la  provocation  des  habitansdes  villes 
principales  ou  d'assemblées,  que  l'on  peut  à  bon  droit 
qualifier  d'Ktats  généraux  ou  tout  au  moins  d'Etats  pro- 
vinciaux. 

Il  y  a  lieu  d'examiner  quelques-uns  do  ces  faits  impor- 
tants, car,  au  plus  grand  nombre,  se  trouvent  mêlés  ou 
la  ville  de  Troyes,  ou  ses  habitants,  et  des  documents 
qui  leur  appartiennent  donnent  d'heureux  éclaircisse- 
ments sur  la  plupart  d'entre  eux. 

Le  concile  de  Bâle  touche  à  toutes  les  grandes  ques- 
tions qui,  alors,  agitent  le  monde  catholique.  Il  compte 
quarante  cinq  sessions  pendant  sa  durée,  qui  n'est  pas 
moins  de  douze  ans.  Dans  le  première,  il  pose  la  base  de 
ses  nombreux  travaux.  Il  veut  extirper  les  hérésies,  réunir 
tous  les  peuples  chrétiens  à  l'église  catholique,  mettre  fm 
aux  guerres  entre  les  princes  chrétiens,  réformer  Téglise, 
dans  son  chef  et  dans  ses  membres,  enfin  rétablir  l'an- 
cienne discipline  de  l'église. 

Dans  sa  vingtième  session,  le  concile  publie  quatre 
décrets  sur  la  réforme  du  clergé.  Le  premier  est  dirigé 
contre  les  ecclésiastiques,  concubinaires  publics.  Il  les 
punit  par  la  privation  de  leurs  bénéfices  et  en  cas  de 
rechule,  il  les  déclare  indignes  des  fonctions  ecclésias- 
tiques. Le  second  touche  à  la  fréquentation  des  excom- 
muniés. Le  troisième  ordonne  que  l'interdit  ne  pourra 
ôtre  prononcé  contre  une  ville  que  pour  une  faute  grave 
commise  par  cette  ville,  ou  par  ses  gouverneurs. 


4425  CHAPITRE   XlII.  17 

Dans  ja  vingl-unième  session,  le  huitième  et  dernier 
ilccrct  interdit,  dans  les  églises,  la  célébration  de  la  fête 
des  fous.  Il  condamne  les  mascarades  des  honimes  et 
des  femmes  et  les  ventes  qui  se  faisaient  dans  les  églises 
et  dans  les  cimetières. 

Le  concile  de  Bâie  avait  été  précédé,  dans  celte  voie 
de  réforme,  par  ceux  de  Nantes  et  de  Paris.  Il  devait  être 
imité,  au  diocèse  de  Troyes,  par  Jean  Léguisé,  dans  les 
statuts  synodaux  qu'il  publia,  en  renouvelant  ceux  de 
ses  prédécesseurs,  Henri  de  Poitiers  et  Jean  Braque,  aux- 
quels il  ajouta  de  nouvelles  dispositions. 

Les  mœurs  tendaient-elles  à  une  réforme  sérieuse  ? 
On  doit  le  croire,  car  les  faits  étaient  anciens  et  s'ils 
avaient  donné  lieu  à  des  observations,  le  public  parais- 
sait peu  s'en  occuper.  Ainsi  tel  doyen  de  Sl-Pierre  vit  en 
état  de  concubinage  public  et  reçoit  plusieurs  injonctions 
tendant  à  faire  cesser  cet  état;  plusieurs  sentences  sont 
prononcées  à  l'occasion  des  faits  de  môme  nature.  Le 
scandale  existe  partout.  Uéjà,  en  1410,  le  cardinal  de 
Bar  enjoignait  de  faire  t  avertir  tant  en  général  qu'en 
partieuliertouslesconcubinairesquiluiétaientjusliciables 
de  cesser  leurs  désordres.  *  Le  chapitre  de  St-Pierre 
édicté,  le  15  juin  14:25,  certain  règlement  et,  huit  jours 
après,  il  en  ordonne  la  publication,  en  ce  qui  concerne 
les  membres  du  chapitre,  qui,  sous  peine  de  perdre,  pen- 
dant un  mois,  leurs  distributions  et  autres  peines  de 
droit,  devront  s'y  conformer.  (1).  Ces  ordonnances  sont 
renouvelées  en  U26, 1427  et  1436. 

En  1422,  au  moisde  juillet,  le  chapitre  doSt-Pierre  avait 
défendu  à  ses  chantres  ,  en  chantant  le  psaume:  Atidite 
Cœliy  de  faire,  sur  le  mot  Gomorrhœ^  le  cri  horrible  qu'ils 
avaient  coutume  de  pousser  et  c  de  n'y  plus  dire  de 
sottises.  »  Le  2  mai  1425,  le  même  chapiire  défendait 

(1)  Séhillart.  Mêm,  mnac,  Blq.  de  Troyes. 

IIL  S 


48  HISTOIRE  DE  TROTES.  1435 

au  peuple  de  passer,  dans  les  églises,  les  nuits  qui  pré- 
cèdent les  jours  des  fêtes  de  Ste-Hélène  et  de  Ste-Ma- 
thie  (1). 

En  14f35,  le  10  février,  le  chapitre  de  St-Pierre  et 
Tabbaye  de  Notre-Uaine-aux-Nonnains  transigent  sur 
une  vieille  coutume  dont  on  chercherait  envainTorigino 
et  les  causes.  Le  chapitre  devait  chaque  année,  le  mardi 
de  Pâques  et  le  jour  de  TAssoniption,  se  rendre  à  Féglise 
de  Tabbaye,  y  faire  célébrer  rotiîce  divin  par  l'un  des 
chanoines,  deux  autres  y  chantaient  Tépître  et  l'évangile. 

Après  rofllce,  Tabbaye  devait  servir  aux  chanoines  et 
aux  enfants  de  chœur,  un  déjeuner  dans  lequel  entraient, 
de  rigueur,  des  rissoles.  Cette  redevance  fut  changée  en 
une  somme  de  l  livres,  payée  au  chapitre  par  Fabbaye, 
qui  continua  à  donner  le  déjeuner  aux  enfants  de 
chœur  (2). 

Dans  les  statuts  synodaux  de  Jean  Léguisé,  on  remar- 
que surtout  les  dispositions  suivantes  i3)  : 

Les  fonts  baptismaux,  le  chrême  et  les  saintes  huiles 
seront  mis  sous  clef,  afin  d'éviter  les  sortilèges  et  Tin- 
fluence  des  sorciers.  —  Deux  ou  trois  parrains  suiTisent 
pour  lever  un  enfant  au  baptême.  —  Un  seul  est  néces- 
saire pour  la  confirmation.  —  Les  ordres  peuvent  se 
donner  à  Tàge  de  sept  ans.  —  On  peut  marier  un  gar- 
çon à  quatorze  ans  et  une  fille  à  douze  ans.  —  Sous 
peine  d'excommunication  et  d'amende  arbitraire,  nul  ne 
pouvait  se  marier  par  paroles  de  présent  li),  ailleurs 
qu'à  la  porte  de  féglise  où  était  donnée  la  bénédiction 

(1  )  Groslet.  Mém . ,  hist.  t.  il,  p.  1 1 1 . 

(2)  Arch.  dép.,  f.,  de  N.-D.-aux-Nonnains  et  de  St.-Pierre.  — 
BomoT.  Des  privilèges  sinyuliei's  de  y.^D.-aitx-Xonnains,  i864, 
p.  17. 

(!S)  Bibl.  de  Troyes,  innsc.  no  736  du  catalogue. 

li)  Le  mariage  ^r  paroles  de  futur  était  la  oêrêmonie  des  fian- 
çailles Le  mariage  ftar  paroles  de  prtstenl  était  le  mariage  propre- 
m^bt  dit. 


i435  CHAPITRE   XIII.  19 

nuptiale.  —  Comme  c'est  chose  daranable  de  blâmer  les 
premiers  et  les  seconds  mariages  par  le  jeu  Milgairement 
appelé  clumuarijj  (charivari)  dans  lequel  on  crie  liorri- 
Idement  et  vilainenjent  en  se  dégui?anl,cejeu  est  interdit. 
—  Nul  prêtre  ne  peut  donner  la  bénédiction  nuptiale  à 
ceux  qui  convolent  en  secondes  noces;  celle  bénédiction 
ne  pouvant  être  donnée  qu'une  seule  fois  à  la  même  per- 
sonne. —  lleî>t  défendu  aux  membres  du  clergé  de  porter 
des  vêtemenls  de  couleur  rouge  ou  verte,  des  anneaux  et 
des  bagues  et  de  posséderdos  chiens  et  des  oiseauxdestinés 
à  la  chasse.  —  Chaque  prêtre,  <  ayant  gouvernement  de 
peuple  »  ,  doit  avoir  un  clerc  qui  ne  soit  pas  illégitime, 
afin  de  chanter  avec  lui,  hreTépître  et  les  leçons  et  lenir 
Fécole.  —  il  est  défendu  aux  quêteurs  de  sonner  dans 
les  rues  et  d'y  prêcher,  afin  de  ne  pas  émouvoir  la  popu- 
lation et  la  réunir  en  grand  nombre  —  11  est  défendu 
aux  curés  ou  doyens,  de  délivrer  les  grosses  des  testa- 
ments, par  lesquels  le  testateur  dispose  de  plus  de  cent 
yous  t.,  les  autres  testaments  devant  êlre  déposés  à  Toffi- 
cialité.  —  Enfin  il  est  interdit  aux  doyens  de  recevoir 
aucun  acte  de  leslament,  tutelle  ou  dons  comme  aussi 
procuration  entre  gens  mariés  et  faite  de  l'un  à  l'autre. 
iMalgré  les  lois  les  plus  sévères,  les  règlements  les  plus 
sages,  les  mœurs,  les  habitudes,  les  anciennes  coutumes 
ne  se  réforment  point  avec  la  rapidité  que  désire  le  lé- 
gislateur. Ainsi,  bien  que  le  concile  de  Baie  ail  prononcé 
Tinterdiction  de  la  célébralion  dans  les  églises  de  la 
fêle  des  fous  en  1435,  Tannée  suivante,  le  5  décembre, 
le  chapitre  de  St-Pierre  permet  à  ses  vicaires  et  à  ses 
enfants  de  chœur  de  célébrer  cette  fête,  pourvu  toutefois 
que  ce  soit  sans  moquerie  et  avec  révérence.  Le  3  jan- 
vier 1437,  le  même  chapitre  décide  que,  si  un  vicaire  de 
leur  église  se  retirait  de  leur  service  ayant  payé  aux 
autres  la  bienvenue  et  après  avoir  été  élu  archevêque  des 
fous,  dans  le  cas  où  il  reprendrait  service  dans  l'église, 


20  HISTOIRE   DE  TROYES.  1439 

il  ne  sera  point  obligé  de  payer  une  nouvelle  bienvenue 
et  pourra  se  dispenser  d'accepter  Téleetion  au  litre 
d*archevêque  des  fous.  (1) 

En  1>139,  le  même  chapitre  autorise  ses  quatre  en- 
fants de  chœur  à  faire  la  fdte  des  innocenlSy  sans  dérision  ; 
mais  il  intordit  à  ses  bonis  et  bas  vicaires  de  faire  la  fétc 
des  foxiSf  dans  Téglise.  On  le  voit,  il  y  a  deux  lotos  (2i. 

La  prohibition  du  concile  de  Bàle  ne  s'applique  qu'au 
lieu  de  la  fête  et  non  à  la  fote  elle-même.  Aussi  le  20 
novembre  1443,  le  chapitre  de  St-Pierre  décide-t-il  que 
la  fête  se  fera  selon  la  coutume;  que  les  compagnons  de 
Téglise,  petits  et  grands,  feront  cette  bonne  et  joyeuse 
fête,  hors  de  Téglise  ;  qu'il  iront  demander  leurs  rentes 
où  ils  ont  coutume,  que  leur  prélat  sera  vêtu  d'une  belle 
robe  longue,  aura  un  beau  rochet  sur  cette  robe  et,  sur 
la  tête,  un  beau  bonnet  fourré;  qu'ils  choisiront  l'hôtel 
de  l'un  des  chanomes  pour  se  réunir  et  célébrer  la  fête 
et  non  une  taverne  publique. 

Malgré  ces  sages  précautions,  un  chanoine  fut  con- 
damné par  ses  pairs  à  vingt  sous  d'amende  t  pour  les 
grandes  sottises  et  les  gestes  extravagants  qu'il  s'était 
permis  à  la  fête  des  fous.  > 

L'année  suivante,  le  scandale  fut  plus  grand  encore. 
Chassée  de  l'église  en  1435, 1439  et  en  1443,  la  fête  et 
tout  son  joyeux  personnel  y  rentrent  en  1444,  puis  celte 
fête  est  suivie  ,  sur  la  place  publique,  d'une  représenla- 

(1)  Sémillard.  loco  citaio. 

(2)  Arch.  dép.,  f.,  de  St-Etienne,  6  G.  746.  Compte  de  la  Grand*- 
Chambre  y  1401.  a  Payé  aux  enfans  de  cuer  û  la  feste  des  Inno- 
»  cens,  V  s. 

»  Aux  vicaires  à  la  feste  aux  fois,  xx  s. 

Môme  mention  en  1435. 

En  1450,  6.  (J.  779 ,  on  Ht  :  a  Aux  enfans  de  cuer  pour  la  feste 
>  des  Innocens,  néant. 

»  Aux  vicaires  pour  lo  premier  jour  de  Tan,  qu'ils  souloient  faire 
»  la  febtc  aux  folz  :  néant.  » 


lUi  CHAPITRE   XIII.  21 

tion  scéniquc,  où  Ton  met  en  jeu  la  Pragmatique-Sanc- 
tion, sur  laquelle  le  clergé  de  Troyes  était  divisé.  L*évé- 
quc  et  certains  chanoines  n'y  sont  pas  épargnés.  Si  M. 
Tartufe  n*était  pas  alors  de  ce  monde,  Jean  de  Meung 
avait  créé  le  personnage  de  Faux^$emhlant^  qui  monte 
sur  les  planches  en  compagnie  de  Feiniise  elàHypocrisie. 
Ces  noms  décoraient  trois  personnages  dans  lesquels  on 
reconnaissait  l'évéque  et  deux  chanoines,  partisans  des 
réformes  et  de  la  suppression  de  Tantique  fête. 

Il  y  a,  à  Troyes,  deux  fêtes  :  celle  des  Innocents  et 
celle  des  Fous. 

La  première  est  céléhrée  par  les  enfants  de  chœur. 
Ceux-ci  se  réunissent  dans  Téglise,  la  veille  et  le  jour  de 
la  fête  des  Innocents  ;  Tun  d'eux  est  élu  évéque,  même 
archevêque,  et  officie  pontificalement.  La  seconde  paraît 
dominer  la  première,  souvent  8*y  confondre.  Elle  a,  pour 
acteurs,  les  diacres,  sous-diacres  et  vicaires,  car  on  voit 
agir,  dans  ce  personnel  turhulent  cl  peu  réglé,  les  clercs, 
les  vicaires  et  autres  gens  de  la  cathédrale  et  des  collé- 
giales et  aussi  les  religieux  de  St-Loup.  Ceux-ci  doivent 
même  un  droit  annuel  à  rarchevèque  des  fous  de  la 
cathédrale.  —  Cette  dernière  fête  se  célèbre  le  jour  de 
rKpiphanie.  Les  prêtres  et  les  clercs  élisent  un  arche- 
vêque et,  tous  travestis,  le  conduisent  à  Téglise,  où  ils 
entrent  en  dansant  et  en  chantant.  Toute  cette  folle  bande 
mange,  dans  Téglise  et  jusque  sur  Tautel,  et  se  livre  à 
des  jeux  et  des  farces  de  la  plus  grande  indécence. 

U.ne  lettre  de  Jean  Léguisé,  à  Louis  de  Melun,  arche- 
vêque de  Sens,  fait  connaître  ce  qu'étaient  ces  fêtes  au 
moment  où  elles  disparaissent  du  rituel  du  diocèse.  (1) 

Cette  plainte  de  Tévêque  ne  fut  pas  la  seule  qu'il  por- 
ta. H  s'adressa  au  roi  qui,  de  Nancy,  le  17  avril  suivant, 
donna  des  lettres  patentes,  ordonnant  la  cessation  de  ce 

fl)  Bibl.  nat.  Collection  de  Levesque  de  la  Ravalière,  vol.  xvu. 


22  HISTOIRE  DE   TROYES.  ^444 

scandale  et  condamna  t  la  feste  aux  fols,  à  cause  de 
•  rirrévérence  et  dérision  qui  s'y  fait  de  Dieu  et  de  Tof- 
»  fice  divin,  au  très-grand  vitupère  et  dilHime  de  Tétat 
»  ecclésiastique  et  aussi  des  grandes  insolciices,  déri- 
»  sions,  spectacles  publics,  déguisennents  cl  usage  d'iia- 
>  bits  indécents,  comme  vêtements  de  fous,  do  gens 
»  d'armes  et  de  femmes,  avec  faux  visages  et  de 
5  l'apostasie  par  les  chanoines  de  leur  état  et  pro- 
'  fcssion.  > 

Puis,  rappelant  la  lettre  du  10  mars  précédent,  don- 
née par  l'université,  le  roi  ordonne  au  Bailli  de  Troyes, 
de  prêter  aide  et  main-forte  à  l'évéque  et  à  l'Inquisiteur 
de  ta  foij  pour  emptk'licr  dorénavant  la  représentation 
de  la  fête  des  fous.  (1) 

Mais,  avant  que  Charles  VII  eut  condamné  la  léte  des 
fous  et  défendu  de  la  célébrer  à  Tavenir,  les  trois  cha- 
pitres avaient  fait  amende  honorable  entre  les  moins  de 
l'évéque  et  l'Inquisiteur.  Les  chanoines,  en  s'humiliant, 
promirent  de  ne  plus  faire  la  fôto  des  fous,  devenue, 
dans  leurs  bouches,  superstitieuse  etdétestable,  de  bonne 
et  joyeuse  quelle  était  deux  ans  auparavant.  Ils  décla- 
rèrent, en  outre,  ([u  ils  ne  soulfriraient  pas  qu'elle  lut 
célébrée,  à  l'avenir,  «  dans  leur  territoire.  » 

Klle  aurait  cependant  été  faite  Tannée  sui\anle,  car 
les  comptes  du  chapitre  de  St  -  Urbain  constataient  le 
paiement  de  quelques  sommes  donné'^s  à  l'occasion  de 
celle  célébration  :  constatation  encore  reproduite  en 
1468.  Mais,  le  21  avril  11-15,  le  chapitre  de  St-Pierre 
efface  de  l'ordinaire  (  du  rituel  )  tout  ce  qui  concerne  la 
fêle  des  fous,  en  ce  qui  est  trouvé  dérisoire  et  contre  le 
service  de  Dieu.  Ledit  ordinaire  fut,  dans  ce  bul,  appor- 
té dans  la  salle  capitulaire,  et  là,  le  chnpitre  assemblé, 

(l)  Sémillard  et  Groslky.  —  Iîoutiot.  Recherches  sur  le  théâtre 
à  Troyes.  au  XV»  siècle.  1854. 


1U6  CHAPITRE   XIH.  23 

fut  condamné  et  rayé  tout  ce  qui  était  irrespectueux  au 
service  de  Dieu,  du  culte  et  des  gens  d'église.  (1) 

Malgré  la  suppression  de  la  fête  des  fous,  les  droits 
utiles,  les  rentes  n'en  furent  pas  moins  servis,  à  l'avenir 
et  à  qui  do  droit.  Ainsi  les  chapitres  de  St  Etienne  et  de 
Sl-Urbain  et  l'abbaye  de  St-Loup  payèrent,  pendant  long- 
temps, des  redevances  aux  clercs  de  leurs  églises,  à 
Tépoque  d| cette  fête  et  le  domaine  royal  acquitta  tous  les 
ans,  jusquen  1789,  la  rente  de  cinq  sous,  qu'Henri-le- 
libéral  avait  donnée  aux  clercs  de  St-Etienne,  pour  célé- 
brer cette  fête.  (2).  Le  chapitre  de  St-Etienne  devait  à 
l'archevêque  des  fous  une  rente  annuelle  de  dix  sous  ou 
un  jambon  et  une  quarte  de  vin  (deux  pintes)  payés  par 
le  célérier.  Les  religieux  de  St-Loup,  en  1415,  ayant  re- 
fusé les  quatre  pains  et  les  (juatre  pintes  de  vin,  dus 
au  morne  personnage,  le  chapitre  de  St-Pierre  leur  in- 
tenta un  procès  et  les  religieux  payèrent.  (3) 

Le  clergé  se  recrute  avec  quelque  peine.  Une  bulle 
d'Eugène  IV  (1132),  ordonnant  que  nul  ne  pourra  être 
chanoine  de  St-Pierre,  s'il  n'est  no  en  légitime  mariage 
et  de  parents  libres,  restreignait  encore  les  choix.  Cette 
sévérité  ne  fut  pas  du  goftt  du  chapitre  ;  en  1448,  il  de- 
manda la  modification  de  celte  bulle.  Ce  même  chapitre 
ne  réforme  qu'en  1446  ses  habitudes,  quant  aux  vête- 
ments. Il  décide  que  nul  chanoine  ne  se  rendra  au 
chœur  ou  au  chapitre,  chaussé  de  patins,  à  peine  de 
confiscation.  Il  ordonne  au  sous-chantre  d'étudier 
mieux  son  ordinaire,  que  son  ignorance  est  remarquée 
au  chœur  et  enlève  de  la  dignité  au  service  du  culte.  Le 

(l)Arch.  dép.,  f.,  de  St -Pierre.  Reg.  des  délibérations  capitu-' 
laires. 

(2)  Bibl.  nat.  ;  Compte  du  domaine  du  roi ,  1513  -  1514.  — 
Colicction  de  Levcsque  de  la  Ravallière ,  volume  Lxv.  -  Boutiot. 
Etat  du  domaine  du  roi  au  bailliage  de  Troyes  en  1596,  où  on  lit  : 
«  Payé  à  Varchevesque  des  Saulx  de  V église  St-Estienne.     v  s.  t.  » 

(3)  GouRTALON.  Topographie .  T.  ii,  p.  127. 


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1U6 


GHAPITaE  XIH.  23 


fut  condamné  et  rayé  tout  ce  qui  était  irrespectueux  au 
service  de  Dieu,  du  culte  et  des  gens  d'église.  (1) 

Malgré  la  suppression  de  la  fête  des  fous,  les  droits 
utiles,  les  rentes  n'en  furent  pas  moins  servis,  à  Tavenir 
et  à  qui  do  droit.  Ainsi  les  chapitres  de  St  Etienne  et  de 
Sl-Urbain  et  l'abbaye  de  St-Loup  payèrent,  pendant  long- 
temps, des  redevances  aux  clercs  de  leurs  églises,  à 
l'époque  df  cette  fête  et  le  domaine  royal  acquitta  tous  les 
ans,  jusquen  1789,  la  rente  de  cinq  sous,  qu'Henri-Ie- 
libéral  avait  donnée  aux  clercs  de  St-Etienne,  pour  célé- 
brer cette  fête.  (2).  Le  chapitre  de  St-Etienne  devait  à 
l'archevêque  des  fous  une  rente  annuelle  de  dix  sous  ou 
un  jambon  et  une  quarte  de  vin  (deux  pintes)  payés  par 
le  céléricr.  Les  religieux  de  St-Loup,  en  1415,  ayant  re- 
fusé les  quatre  pains  et  les  quatre  pintes  de  vin,  dus 
au  même  personnage,  le  chapitre  de  St-Pierre  leur  in- 
tenta un  procès  et  les  religieux  payèrent.  (3) 

Le  clergé  se  recrute  avec  quelque  peine.  Une  bulle 
d'Eugène  IV  (1432),  ordonnant  que  nul  ne  pourra  être 
chanoine  de  St-Pierre,  s'il  n'est  né  en  légitime  mariage 
et  de  parents  libres,  restreignait  encore  les  choix.  Cette 
sévérité  ne  fut  pas  du  goût  du  chapitre;  en  1448,  il  de- 
manda la  modification  de  cette  bulle.  Ce  même  chapitre 
ne  réforme  qu'en  1446  ses  habitudes,  quant  aux  vête- 
ments. Il  décide  que  nul  chanoine  ne  se  rendra  au 
chœur  ou  au  chapitre,  chaussé  de  patins,  à  peine  de 
confiscation.  Il  ordonne  au  sous-chantre  d'étudier 
mieux  son  ordinaire,  que  son  ignorance  est  remarquée 
au  chœur  et  enlève  de  la  dignité  au  service  du  culte.  Le 

(l)Arch.  dép.,  f.,  de  St-Pierre.  Reg.  des  délibéraiiona  capiiu^ 
l  aires. 

(2)  Bibl.  nat.  ;  Compte  du  domaine  du  roi ,  1513  -  1514.  — 
Collection  de  Levesque  de  la  Ravallière ,  volume  Lxv.  ~  BounoT. 
Etat  du  domaine  du  roi  au  bailliage  de  Troyes  en  1596,  où  on  lit  : 
c  Payé  à  Varchevesque  des  Saulx  de  Vcglise  St-Estienne,     v  s.  t.  » 

(3)  CouRTALON.  Topographie T.  ii,  p.  127. 


24  HISTOIRE    DE    TROYES.  UÂS 

chanoine,  chargé  de  veiller  sur  les  enfants  de  chœur, 
paraît  aussi  gravement  manquera  ses  devoirs,  les  enfants 
perdant  leur  temps  au  jeu  des  tables,  qui  se  tient  chez 
Jaquemart  et  dont  il  est  un  des  compagnons  de  servohe. 
En  14-48,  le  1er  juillet,  une  décision  capitulaire  renou- 
velle la  défense  de  psalmodier  comme  les  anglais. 

Parmi  les  membres  du  chapitre  sont  nommés,  à  cette 
époque,  Nicolas  Fourny  et  Jean  Bellier,  certainement 
parents  des  Baillis  de  Troyes,  qui  portent  ces  noms. 
Jean  Bellier  fut  revêtu  de  la  dignité  de  chantre  et  tous 
deux  étaient  d'une  vie  peu  exemplaire.  Mais  alors  le 
népotisme  était  plus  qu'une  faveur,  c'était  presque  un 
droit. 

Les  chanoines,  les  ecclésiastiques  en  général,  n'ont 
point  encore  rompu  avec  les  habitudes  militaires.  Quand 
ils  sont  en  voyage,  ils  portent  des  armes  offensives  et 
défensives.  A  la  mort  de  Jean  Blanche,  sous-chantre  do 
Téglise  de  St-Pierre,  en  1439,  il  fut  trouvé,  dans  la  cha- 
pelle de  sa  maison,  un  bec  de  faucon,  une  paire  de  sou- 
liers en  fer,  une  jambière,  un  chapeau  de  Montauban, 
(  un  casque  ).  Un  petit  canon  en  cuivre,  enchâssé  en 
bois,  et  une  grosse  couleuvrine  de  fer  font  partie  du 
mobilier  de  Nicole  Bourgoin,  décédé  en  1431,  doyen  de 
St-Etienne.  (1)  L'évé(|uea  un  train  de  chasse  en  1442, 
et  si  les  comptes  de  Tévéché  ne  rappellent  pas  les  dé- 
penses faites  pour  l'entretien  des  chiens,  ils  mentionnent 
celles  qui  sont  faites  pour  les  oiseaux  de  fauconnerie.  (2) 

Les  maisons  religieuses  ne  sont  pas  non  plus  à  l'abri 
de  désordres.  Celle  do  Notre-Dame-aux-Nonnains  subit 
l'influence  du  siècle.  Une  religieuse  y  devint  mère.  Ce 
fait  provoqua  une  série  d'actes  de  procédure,  d'informa- 
tions et  d'excommunications,  motivés  moins  sur  le  fait 

(1)  Arch.  dcp.,  3.  G.  13. 

(2)  Arch.  dép.,  Comptes  de  Vévêché,  G.  301. 


1i48  CHAPITRE  XUl.  25 

principal  qu'on  raison  do  la  lutte  qui  s'clablit  entre  Té- 
vèque  et  l'abbesse,  à  Tégard  du  droit  de  visite. 

La  faute  de  Marguerite  de  Grevant  faillit  compromet- 
tre les  immunités  et  les  privilèges  de  Tabbaye.  Il  est 
établi,  même  par  les  pouillés  de  révèclié,  que  Tabbaye 
nï'tait  pas  soumise  à  la  visite  et  à  la  procuration  de 
révèque,  mais  seulement  à  celles  du  Pape.  L'évi^que 
n'avait  droit  de  visite  (|ue  lors  de  son  entrée  solennelle 
et  de  son  intronisation.  Mais,  à  l'occasion  du  fait  repro- 
ché à  Marguerite  et  pour  en  prévenir  le  retour,  l'évoque 
prétendit  exercer  ce  droit  de  visite.  De  là,  une  lutte  dont 
les  péripéties  mirent  en  émoi  non  seulement  l'abbaye, 
mais  encore  la  ville  de  Troyes.  Le  fait  principal  fut  ou- 
blié et  la  querelle  entre  l'évéque  et  l'abbesse  fit  couler 
des  flols  d'encre. 

L'abl)esse  refusa  d'abord  l'ouverture  des  portes  de  son 
abbaye,  toujours  considérée  de  fondation  royale,  à  l'évé- 
quc,  qui  se  pourvut  devant  l'archevêque  de  Sens,  et 
prononça  l'excommunication  contre  l'abbesse,  Isabelle 
de  Neuville,  et  Catherine  de  Coursan,  chantre,  et  mit 
toute  la  maison  en  interdit.  L'opposition  continuant, 
cette  dernière  peine  fut  appliquées  l'église  paroissiale  de 
St-Jacques  et  au  cimetière. 

La  cérémonie  de  l'excommunication,  par  les  cloches 
et  par  les  cierges  allumés,  puis  éteints,  fut,  tous  les 
jours,  répétée  à  la  messe  et  aux  vêpres  pendant  six 
semaines.  L'évoque  prononça  en  outre  une  amende  de 
40  sous  contre  ceux  (|ui  communiqueraient  avec  les 
religieuses  excommuniées  et  défendit  aux  enfants  de 
suivre  l'école  de  l'abbaye.  La  célébration  de  la  messe 
quoli<lienne  fut  interdite,  dans  la  double  église  de  Notre- 
Dame  et  de  St-Jacques,  quoique,  dans  la  première,  il 
existât  <  une  notable  confrérie ,  appelée  confrérie  des 
foires  de  Champagne,  dont  étaient  membres  la  plupart 
des  riches   bourgeois    de    la  ville,    >    Toute   commu- 


26  HISTOIRE  DE  TROYES.  1448 

nication  étant  inlenlile  avec  les  excommuniées,  elles 
no  pouvaient  prendre  conseil  de  qui  que  ce  soit.  L'évé- 
(|ue  menaça  enfin  de  prononcer  l'interdit  des  trois  égli- 
ses paroissiales  relevant  de  l'abbaye,  celles  de  St-Jean, 
de  St-Nicolas  et  de  Sl-Pantaléon. 

Le  métropolitain  leva  l'interdit ,  mais  à  la  charge  do 
justifier  des  droits  do  l'abbaye  contre  ceux  que  l'évèquc 
opposait.  Le  Procureur  du  roi,  —  l'abbaye  étant  de  fon- 
dation royale,  —  se  pourvut  au  Parlement  contre  la 
décision  de  l'évéque.  En  effet,  le  27  août  1448,  à  la 
requête  du  Procureur  du  roi,  l'évéque  de  Troyes  ou  son 
officiai  est  ajourné  d'urgence  an.x  grands  jours  de  Ver- 
mandais  au  Parlement^  qui  doivent  bientôt  se  tenir, 
quoique  les  parties  ne  soient  point  de  ce  ressort  et  parce 
que  les  ajournés  avaient  excommunié  l'abbesso  et  les 
religieuses  de  Notre-Dame  aux  Nonnains ,  interdit  leur 
église  et  leur  cimetière,  malgré  knirs  droits  et  privilèges, 
qui  les  autorisent  à  refuser  la  visite  et  la  procuration  de 
révoque.  Cotte  commission  est  donnée  afin  de  mettre 
ordre  à  ces  interdits  et  à  ces  excommunications  et  em- 
pêcher qu'il  en  fAt  prononcé  à  l'avenir. 

.Malgré  ces  peines  si  rigoureuses,  fabbesse  et  les  reli- 
gieuses persistent  à  maintenir  l'exercice  de  leurs  droits. 
L'évéque  et  l'offieial  appuient  leurs  prétentions  sur  le 
fait  de  scandale,  l'abbesso  leur  répond  qu'elle  informait, 
*  mais  que,  pardessus  elle,  l'évéque  ne  doit  en  entre- 
»  prendre  congnoissance;  que,  s'il  avait  des  informations, 
»  elle  le  priait  de  les  lui  bailler  ou  copie  d'icellcs,  à  ses 
»  dépens  ;  qu'elle  ferait  ce  qu'il  appartiendrait.  » 

Le  30  décembre  suivant,  l'abbesso  et  les  religieuses 
ajournent,  de  nouveau ,  l'évéque  et  son  officiai  auœ  pro- 
chains jours  de  Setis  et  de  Cliajnpayne  du  Parlement  du 
roi  à  Paris,  afin  de  voir,  sous  peine  de  saisie  de  leur 
temporel,  lever  l'interdit  prononcé  contre  l'abbaye,  son 
église  et  son  cimetière.  Sur  cette  instance ,  le  temporel 


1449  CHAPITRE  XIII.  27 

de  l'évéque  fut  saisi,   quoique  Tcvèque  so  prévalût  de 
l*appcl  porté  devant  la  juridiction  métropolitaine.  (I) 

Après  cette  discussion,  Tévêque  maintint  Texcommu- 
nication  contre  Huguette  de  Bessy  et  Marguerite  de  Gre- 
vant, mais  il  leva  l'interdit  dont  Tabbaye,  Féglise  et  le 
cimetière  avaient  été  frappés  et  Texcommunication  pro- 
noncée  contre  Tabbesse  et  les  autres  religieuses. 

Un  compulsoire  a  lieu  en  la  Cour  des  foires,  le  2-4 
juin  1449,  dans  un  livre  appelé  t  le  livre  des  Serment 
de  Céglise  de  Troyes.  *  Ce  livre  était  produit  par  Tab- 
besse.  Ces  recberches  établirent  que  l'abbaye  n'était 
point  soumise  au  droit  de  visite  et  de  procuration  par 
révoque,  (âi 

La  peine  de  l'exconïmunication  et  celle  de  Tinterdit 
n'inspiraient  plus ,  à  cette  époque  ,  la  terreur  qu'elles 
faisaient  éprouver  dans  les  sircles  précédents.  Elles 
étaient  encore  dans  la  bouche  des  membres  du  clergé, 
qui  les  appliquait  non  seulement  contre  les  infractions 
aux  lois  de  l'Eglise,  mais  encore  dans  des  cas  qui,  en 
rien,  ne  touchaient  à  ces  lois.  Ainsi,  en  1431,  celte 
()cine  est  prononcée  contre  le  concierge  du  palais  royal, 
pour  une  dette  purement  civile.  En  1446,  Henry  Pillart, 
de  Gyé,  est  frappé  de  cette  peine  par  le  Chapitre  de  St- 
Pierre,  à  (jui  il  doit  seize  livres.  Déjà,  en  1437  ,  le  Par- 
lement de  Paris  avait  fait  défense  à  1  evéque  de  Troyes 
de  j)rocéder,  contre  les  officiers  du  roi,  par  voie  de  cen- 
sure et  d'excommunication,  sous  peine  d  une  amende  de 
cent  marcs  d'argent.  (3) 

(i)  xVrch.  dép.,  f.,  de  l'Evôché,  2.  G.  4. 

ii)  Un  beau  pouillé  du  diocèse  de  Troyes,  ninsc.  54 ,  parchemin 
du  XV'  Biêcle,  a  étt';  acheté  pour  la  bibliothèque  de  Troyes,  en  no- 
vembre 1805.  H  appartenait  à  l'abbaye  de  N  -1).  —  Cette  abbaye 
u*est  pas  comprime  parmi  les  maisons  soumises  à  la  visite  épis- 
copale. 

(3)  Trasse  DE  MoNTMUSAKD.  Mêm.  musc.  Blq  .  de  Troyes,  t.  i, 
p.  480. 


28  HISTOIRE  DE   TROYES.  ^45^ 

Le  zèle  religieux  s^est  considérablement  refroidi.  Les 
dons  aux  églises,  aux  maisons  religieuses  ou  hospita- 
lières deviennent  rares.  Néanmoins  des  legs  de  peu  de 
valeur  sont  toujours  faits  aux  églises.  Il  y  a  lieu  de  rap- 
peler ici  celui  de  deux  plats,  de  douze  écuelles,  de  trois 
pois  et  de  quatre  gobelets  de  fin  étain,  par  le  clianoiniî 
de  St-Pierre,  Jean  Blanche,  et  d'autres  legs  en  argent 
faits  par  les  chanoines  Guillaume  Maubert  et  Chevriat, 
aux  Enfanls  de  la  Calamité  (1  ). 

Pour  suppléer  aux  dons  volontaires  qui  ne  se  font 
plus,  le  clergé  a  recours  aux  indulgences  et  aux  quêtes. 
Ainsi ,  vers  cette  époque,  quinze  cardinaux  (le  siège  de 
Rome  étant  alors  vacant)  accordent  des  indulgences  en 
faveur  de  Téghse  St-Pierre  de  Troyes  «  en  considération 
de  ce  qu'elle  est  Tune  des  plus  belles  cathédrales  de 
France  et  même  de  Fuiiivers,  après  Rome  et  Antioche. 
Elle  a  été  miraculeusement  bîitie  par  saint  Potentien, 
l'un  des  soixante  douze  disciples  du  Seigneur,  quarante- 
un  ans  après  l'Ascension  de  J.-C.  Par  ces  motifs,  les 
cardinaux  accordent  cent  jours  d'indulgences  à  ceux 
qui  contribueront  à  l'augmentation  et  au  [>arachè- 
vement  de  cet  édifice.  Une  autre  bulle  de  Paul  V ,  de 
1452,  porte  rémission  pleine  et  entière  de  leurs  i)échés 
à  ceux  qui  visiteront  dévotement  l'église  de  St-Pierro , 
le  jour  de  Pâques,  et  à  ceux  qui  contribueront  de  leurs 
biens  à  l'achèvement  de  cette  église  (2). 

(1)  Arch.  dép.  :  Testaments.  Les  Enfants  de  la  calamitr.  sont  les 
enfants  trouvés,  ou  abandonnes  et  entretenus  a  Thospicc  de  Saint- 
Nicolas,  fondé  et  administré  par  le  Chapitre  de  Saint-Pierre.  — 
L*évéque  Jean  Léj^uisé,  en  1433,  faisait  nourrir  un  enfant,  pour  l'a- 
mour de  Dieu,  et.  en  -1415-46,  il  faisait  délivrer  deux  septiers  de 
froment  à  la  Damoiselle  d'Avreuil,  femme  d'Etienne  des  Eaux  a  pour 
le  gouvernement  des  pauvres  qu'elle  gouverne  en  son  hostel.  »  (Arch. 
dép.,  Comptes  de  Vévêché,  G.  30'*.) 

(2)  Les  indulgences  ne  profitaient  pas  seulement  aux  établisse- 
ments religieux.  Il  y  avait  des  pardons  et  des  indulgences  attribués  à 
ceux  qui  fréquentaient  les  foires  de  Champagne  et  de  Brie,  celles  du 


1458  CHAPITRE  XIII.  29 

Il  se  tient,  à  Troyes,  en  cette  année,  le  premier ^mnd 
pardon.  Il  est  obtenu  par  les  chanoines  Colin  et  Yillain, 
qui,  à  cet  effet,  se  sont  rendus  à  Rome.  Il  est  publié  en 
France  ,  dans  les  Flandres  ,  en  Bourgogne  et  dans  le 
comté  de  Nevers,  dans  le  Barrois,  en  Lorraine  ot  dans 
le  Luxembourg.  Il  rapporte  1155  liv.  t.  Le  Pape  lève  le 
quart  de  la  recette  et  il  reste  à  TEglise  870  liv.  Cette 
recette  servit  à  reprendre  les  constriiclions  de  l'église  de 
St-Pierre('i).Lesétrangersarriventenfouleà  ces  réunions 
religieuses.  En  1466,  on  place  des  citoyens  aux  portes 
de  la  ville ,  pour  les  garder,  la  veillo  et  le  jour  du 
pardon  (2). 

Les  quêtes,  au  XVc  siècle,  prennent  une  grande  acti- 
vité en  faveur  des  établissements  religieux.  Elles  se 
font  pour  les  églises,  les  couvents,  les  hospices  et  cons- 
tituent ,  par  leur  régularité  ,  des  revenus  à  peu  près 
assurés.  La  profession  de  quêtain,  comme  elle  était  alors 
pratiquée,  serait  patentée  aujourd'hui,  comme  aurait 
aussi  pu  l'être  celle  de  miraclier  ou  marchand  de  mira- 
cles Alors  elle  prenait  rang  parmi  les  métiers.  En  1453, 
Jean  le  Diablat  (bizarre  nom  pour  un  montreurde  reliques), 
loua  à  ferme  les  reliques  de  St-Gond ,  pour  les  porter  et 
exhiber  dans  les  provinces.  Ces  quêtes  no  se  faisaient 
qu'en  vertu  d'autorisations  de  supérieurs  ecclésiastiques 
et  de  révêque,  et  aussi  de  celle  de  l'évêque  dans  le  diocèse 
duquel  on  quêtait.  L'Hôtel-Dieu  le-Comte  fait  alors  quêter 
par  toute  la  France  ,  en  faisant  exhiber  les  reliques  de 
saint  Barthélémy  et  celles  de  sainte  Marguerite  ;  les  Tri- 
nitaires  t  sans  y  ajouter  aucune  autre  circonstance  »  (3); 
les   religieux  de  Montiéramey,  en  disant  :   •    Bonnes 

Landit  à  Si-Denis,  et  celles  de  St-Roraain  i  Rouen.  ^La  Roque. 
Traité  de  la  noblesse^  p.  160.) 

(1)  Arch.  dép.,  1'.,  de  St-Pierre.  3.  G.  348. 

(2)  Arch.  mun.,  B.  Comptes  des  deniers  communs. 

(3)  Sémillard  t.  m,  p.  79. 


9fl  HfOTome  fie  trotes,  u^ 

ffenn^  a' il  y  a  aaeun  qui  doive  quelque  ehose  a  la  Con- 
fr/ffie  rf^;  SuVicU/f,  voici  un  des  relij^eux  de  Monliéra- 
rney  qui  eM  cornmift  pour  le  recevoir,  et  qui  a  la  pré- 
cieux; r^rlique  du  kr;is  dudit  saint,  pour  que  chacun 
fH%%4'.  %f)U  devoir  à  sa  dé\'otion  1  .  » 

CcH  qu/îfes  «*e  confinucrrnl  au  moins  jusqu'au  milfeu 
du  XVI''  siccle,  Klle»  furent  Tune  des  sources  les  plus 
productivcH  qui  fournirent  â  la  construction  des  princi- 
paux /fdificefi  relijfieux  de  la  fin  du  XV'  et  du  commen- 
cement du  XVI«  siècle. 

ï'endant  les  dernières  années  de  la  guerre  des  An- 
(çlais,  rarlilleric  fait  de  rapides  progrès.  Ses  engins,  ses 
canons,  couleuvrines  ou  voguelaires  reçoivent  des  amé- 
liorîilions,  dues  à  deux  Champenois,  nés  dans  le  diocèse 
dcTroyes,  h  Semoine  (Auhe),  mieux  à  Thaas,  (2)  deux 
frères,  Jean  et  (laspard  Bureau,  mais  surtout  à  Jean, 
l'un  d(?s  hommes  qui  se  sont  le  plus  distingués  par  leurs 
bons  services  h  Charles  Vil,  cl  qui  devint  grand-maître 
do  rnrlillerie  de  France.  (^) 

(Vest  aux  sièges  de  Creil  et  de  Pontoise ,  où  Jean 
Bureau  commandait  rartillerie,  que  ces  améliorations 
sont  surtout  appréciées.  Elles  acquièrent  une  prépon- 
dérance décisive  et  changent  la  tactique  militaire.  En 
14-01,  on  fabrique,  à  Vendcuvre,  des  voguelaires  en  fer 
fondu,  garnis  de  trois  chambres.  (4) 

^ordonnance  de  1439,  sur  l'organisation  de  la  cava- 
U)rie,  posa  les  principes  d'une  réforme  dans  l'armée.  Les 
événements  sont  une  entrave  momentanée  à  son  appli- 
cation inunédialc.  La  Praguerie,  cette  nouvelle  ligue  des 

(I   Mt^me  rccuoil,  p.  v'i. 
{i)  Manu\  cAuton  do  F^ro-Chaïuponoiso. 

ÇA)  Uk  I\  Anski.mk.  Hiêt,  gènéal ,  t.  vu.  —  La  Roque.  Traité  de 
la  nobh$9e. 
{A)  Arch.  muiL,  n.  t 


iU5  CHAPITRE  XHI.  3i 

princes  contre  le  roi,  les  guerres  en  Lorraine  et  en  Al- 
sace empêchent  la  prompte  amélioration  projetée. 

A  Troyes,  la  première  taille  levée  pour  Tentretien  des 
lances  fournies,  au  nombre  de  sept,  en  résidence  dans 
celte  ville,  fut  levée  pour  le  trimestre  de  juillet  à  septembre 
1445.  Les  lettres,  qui  accompagnent  ce  premier  compte, 
énoncent  que,  *.  pour  faire  cesser  la  pillerie  et  autres 
maux  que  paravant  les  gens  de  guerre  avoient  accous- 
tumé  faire  et  que,  doresnavant,  chacun  puisse  aler  et 
venir  sûrement,  sans  danger,  par  tous  les  pays  du  roi, 
^  faire  son  labour  ou  mestier  et  vivre  selon  son  estât, 
il  sera  levé  sur  les  habitans  de  la  ville  et  des  fau- 
bourgs de  Troyes,  les  sommes  et  les  vivres  ou  valeur 
d'iceulx  ci-après,  pour  un  quart  d'an,  fini  au  dernier 
septembre,  savoir:  17  septiers  et  mine  de  froment, 
»  21  queues  de  vin,  '44  moulons,  10  boeufs  et  demi,  et 
7  lards^  28  charrettes  de  foin,  14  voitures  de  paille, 
157  sextiers  et  mine  d'avoine,  et  60  livres  en  argent.  » 
Le  trimestre  suivant  donne  lieu  à  la  levée  d*un  impôt 
à  peu  près  de  même  importance  (1). 

Cet  impôt  est  levé,  dans  la  ville  de  Troyes,  isolément 
de  tout  autre,  jusqu'en  1474.  De  1445  à  1447,  pour  sept 
lances  ;  de  1448  à  1451 ,  pour  six  lances;  à  partir  de 
1451,  pour  21,  23,  24  et  môme  jusqu'à  26  lances  et 
demie  et  demi-quart  de  lance,  au  prix  de  31  liv.  t.,  par 
mois  et  pour  chaque  lance. 

Les  gens  de  guerre,  ainsi  organisés,  commettent  moins 
à^eœcès  et  de  désordre  ;  la  surveillance  est  plus  exacte. 
Certains  commissaires  royaux  ,  aidés  des  officiers  de 
justice,  veillent  au  maintien  et  à  Texécution  des  règle- 
ments et  des  ordonnances.  L'intérieur  du  royaume  est  plus 
sûr.  Les  habitants  des  campagnes,  les  commerçants 
peuvent  se  livrer  à  leurs  travaux  et  à  leurs  voyages. 

(1)  Arch.  mon.,  n.  f.;  série  F,  no  73  et  suiv. 


3S  HlSTOIiŒ  lA  JlkûYES.  144& 

lç*\rifi  *-:  ii  b->i-t  îii-li.  :«c»î^  ô--  L..:'j"ve:ie>   hase*  i  ia 
(■■.•uj;'iai':.:>  G .  i*.':i;b.:jç  et  jf>  F  liôLl-^-s  rx;r3ori3inaires 

if  u?  :••.•:. ^  :•  r  ■' l.  :.rL:'>.  iirT  v-:.ir  ■:'•:  t=*c'»":-rj  :  d'où  \'inl 
leur  ïjjij:  le-  ^if .  .*  jTjrij:  ôiors  0^5  ofciers  rox'aux. 
(;oiJ*-îj-..iii.:  0--  V-  ^  j'.îijx  "e  {'T-fiLiriv  ^^sti^nc-e.  pour  les 
*^J*-K*|..Il^  î>-.î;  !\-e+  ;-jT.  fc'drr.  ci'jx  ta:]"e>  eî  aïiX  srabelles, 
qui,  -er  i}.':»*--.  T-ei*'\fT':  -Jr  ia  C-ur  des  A^îes.  Le  Domaine 
ïvvc!  re^tf  de--:!*-  ■f'■^  ittr-i-ut^-MiS  rî  I.1  coaî:»êîence  des 
lr^<firj*'rt»  Jf  Fiôjj'.ve  o'j  OtriitTraui  de>  Finances.  Il  esl 
lit^-rdit  i  I''.»ute  jur.dîcllorj  e^-clésiasîique  ou  laïque  de 
t* 'rjjTjjîK-fr  '1aj>  'eç-  ^'ff'a'îes  îv'aîives  aux  înipùts,  et  aux 
InLuriaux  de  UirUir  ••l'Jre.  dr  rtroDOEcer  conlre  les  oflfî- 
cent  def  FinaDceè-  de^^  ex(  ommuiiications ,  lorsque 
ce!!ef-cj  s'adreS'^eriî  à  de^  ^oïLine?  engagés  dans  la  clé- 
ricâture.  Sont  exemples  de  iaiiîes,  en  dehors  du  clei^é, 
les  écoliers  des  cTjiversités,  les  nobles  <  suivant  les 
armes.  »  les  arhalétriers  et  canonniers  de>  bonnes  villes, 
les  oHiciers  ordinaires  et  commençaux  du  roi,  enfin  les 
pauvres,  dont  Tindifence  esl  constatée,  ferment  cette  liste 
de  privilégiés. 

Sous  rinfluence  des  mêmes  idées  d  amélioration,  vers 
1450,  le«  grandes  circonscriptions  financières  ou  géné^- 
ralités  furent  modifiées  et,  de  trois,  furent  portées  à 
quatre,  savoir:  la  généralité  dOutre-Seine  et  Yonne, 
comprenant  Troyes  et  la  Champagne,  et  dont  Jean  Bu- 
reau est  le  trésorier  général,  et  celles  de  Languedoïl, 
tie  Languedoc  et  de  Normandie. 

Les  levées  de  deniers  s'opéraient  dans  des  limites  ter- 
ritoriales très-variées,  soit  sur  la  ville  et  une  certaine 
banlieue,  soit  sur  la  prévoté,  le  bailliage  ou  le  diocèse 
de  Troyes.  L'élection  de  Troyes  comprend  tout  le  dio- 
cèse, sauf  les  doyennés  de  Pont  et  de  Sécanne ,   qui, 


1443  CHAPITRE  XUI.  33 

renfermés  dans  le  duché-pairie  de  Nemours,  constitue- 
ront des  élections  séparées.  Dans  tous  les  cas,  on  1479, 
Télection  de  Troyes  est  constituée,  ainsi  que  nous  venons 
de  le  dire. 

Dans  la  ville  de  Troyes,  avaient  en  vain  tenté  de  s'é- 
tablir certains  privilèges  en  dehors  de  ceux  dénommés 
dans  les  ordonnances,  tels  que  ceux  auxquels  préten- 
daient les  officiers  des  monnaies.  Il  n'en  fut  pas  de 
même  pour  les  étudiants  et  suppôts  de  l'université.  En 
1M3,  Jean  Berthier,  t  pampeleur  »  (papetier),  et  Simon 
Charrey,  parcheminier  de  l'Université,  sont  compris  dans 
les  rôles,  ma  s  ne  paient  point  l'impôt.  Il  on  est  de  même 
en  faveur  de  Jean  Richart,  savetier,  messager  de  l'Uni- 
versité. Ces  privilèges  ne  sont  que  tolérés,  car  il  est  dit 
que  les  sergents  royaux,  en  1446,  «  n'osent  exécuter  ces 
»  suppôts  de  l'Université,  pour  doubte  d'être  excommu- 
•  niés.  >  (1)  Pourtant,  le  vent  des  réformes  soufflait  sur 
l'ancienne  Université,  comme  sur  les  autres  parties  de 
l'administration  du  royaume.  Le  roi  marche  vers  la  cen- 
tralisation, qui  commence  à  exercer  son  influence.  Elle 
n'est  pas  un  abus.  Elle  veut  unifier  le  royaume;  elle  est 
en  voie  de  formation.  Déjà,  une  ordonnance  de  1445 
renvoie  les  suppôts  de  l'Université  et  leurs  affaires  à  la 
juridiction  du  Chatelet,  comme  les  affaires  des  bourgeois 
de  Paris.  .Mais  l'Université  ne  cède  pas.  Elle  a  encore  la 
mémoire  de  l'exercice  do  ses  anciens  privilèges.  En 
4461),  elle  excommunie  certains  officiers  de  la  Chambre 
des  Aides ,  et  notamment  Louis  Raguier ,  évéque  de 
Troyes  et  président  de  celle  Chambre.  Charles  VII  lève 
lui-même  Texcommunication ,  en  ordonnant  à  l'Univer- 
sité de  mettre  fin  à  ces  sortes  de  sentences ,  prononcées 
contre  les  officiers  des  Aides  (2). 

.1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  n»  83.  —  Parmi  les  privilégiés  se  trouve 
Félix  Maréchal,  écossais,  exempté  par  don  du  roi. 
(2)  Recueil  de$  ord.  de$  Rois  de  France.  T.  XIV,  p.  497. 

nu  8 


M  nisTomt:  de  troyes.  1444 

Après  la  fin  de  la  {^nerro  en  Champagne  et,  en  dehors 
de  la  taille  dite  des  lances  Iburnies,  on  lève  à  Troves  et 
à  plusieurs  fois,  dos  subsides  pour  aider  au  siège  de 
Montereauen  1437.  En  1439,  1,900  liv.  l.,«  pour  le  soi- 
doiement  de  rannée  du  roy  estant  au  pays  de  Norman- 
die et  rcnlreleiiement  garde  et  déflence  de  Tlle  de 
France  et  pour  les  frais  naguùres  faicts  par  le  bastard 
d'Orléans  pour  la  vidange  des  gens  de  guerre  estans 
derrenièrement  à  Esparnay.  »  Kn  janvier  1440  (v.  st.), 
1,000  liv.  t.,  sont  prêtées  au  roi  se  rendant  en  Lorraine,  t 
En  août,  800  liv.  sont  levés  «  pour  résister  aux  anglais 
et  descharger  le  pays  des  gens  d'armes  et  de  trait,  res- 
tans  et  vivans  sur  les  habitans  ;  1,500  liv.,  pour  l'en- 
tretien des  arm^'^es  de  Normandie  et  des  sièges  de  Creil 
et  de  Pontoise,  et  la  vidange  des  gens  d'armes  et  gar- 
nisons de  Champagne  ;  on  1442,  1,200  liv.,  levés  à 
Troyes,  pour  sa  part  dans  l'impôt  assis  t  es  païs  de  pardeçà 
les  rivières  de  Seine  et  d* Yonne,  tant  pour  l'entretene- 
ment  et  rafrescliissement  des  frontières  establyes  esdits 
païs  que  pour  la  provision  de  la  ville  de  Dieppe.  •  En 
1443,  fut  levé  un  impôt  de  240,000  liv.  t.,  «  sur  les  pays 
de  Languedoïl,  pour  la  conduicte  de  sa  Seignorye,  Ten- 
tretenement  de  ses  frontières,  pourvoir  à  la  ville  de 
Dieppe,  assiégée  par  les  anglois,  et  faire  >vider  les  gens 
d'armes  de  sur  ses  païs.  »  Dans  cet  impôt,  Télection  de 
Troyes  fut  chargée  de  1,500  liv.  t.  Dans  la  même  an- 
née, autre  impôt  de  706  liv.,  pour  «  Tenlrelien  des  gens 
d*armes  et  de  trait  étant  sur  les  frontières  de  Normandie, 
France,  (Ile-de-France),  et  Picardie  que  aultre  part 
d'outre  les  rivières  de  Seine  et  Yonne  et  ad  ce  qu'ils  ne 
retournent  pas  sur  ses  païs  et  subgiez.  »  En  1444,  300 
liv.,  sont  levés  au  profit  de  M.  de  Uucil,  c  lors  alans  es 
parties  d'Alemaignc  soubz  monsieur  le  Daulphin.  »  En 
1450,  le  17  seplonibrc,  Chai  les,  duc  d'Orléans,  est  auto- 
risé à  lever  pour  payer  sa  rançon  la  somme  de  12,000 


1445  CHAPITRE  XUI.  35 

liv.,  sur  ses  domaines  entre  Seine  et  Yonne  et  sur  Té- 
leclion  crOrléans.  non  compris  la  ville,  les  faubourgs  et 
l'élection  de  Blois  (i). 

En  1445,  4450  liv.  t.,  sont  imposées  sur  la  ville  de 
Troyes,  pour  portion  dans  Taide  mis  par  le  roi  €  pour 
la  convention  qui  se  doit  faire  à  la  saison  nouvelle 
pour  traicter  de  la  paix  final  (  sic  )  d'entre  les  deux 
royaumes  de  France  et  d'Angleterre.  »  En  1450,  on 
lève  630  liv.  t ,  pour  le  recouvrement  des  pais  et  duché 
de  Guyenne.  Ces  deux  aides  paraissent  être  les  seules 
qui  furent  levées  dans  la  ville  de  Troyes  pendant  ces 
cinq  années,  sauf  les  droits  sur  le  sel  dont  le  produit, 
pour  la  ville,  est  appliqué  à  l'entretien  des  fortifications. 

Vers  la  même  époque,  pèse  une  taxe  sur  les  marchan- 
dises qui  descendent  la  Seine  ou  qui  sont  déchargées  au 
port  du  Pont-Hubert.  La  ville,  par  son  Conseil,  demande 
la  suppression  de  cette  taxe,  notamment  de  celle  qui 
frappe  sur  les  vins.  Elle  s'appuie  sur  le  préjudice  que 
cause  cet  impôt  au  commerce  qui  se  déplace  et  change 
de  direction.  Les  marchands  s'éloignent  de  la  ville,  ils  font 
passer  leur  vins  par  Bar-sur-Seine,  Chappes,  Fouchères 
et  autres  lieux  placés  sur  la  Seine  et  sur  TAube.  «  Ils 
font  chambre  et  descente  de  vins  à  Bar-sur-Aube,  à 
Brienne,  àRameruptet  autres  lieux  éloignés  de  Troyes.  » 

En  1445,  Charles  VII  adresse  mandement  aux  gens  de 
ses  finances,  tant  des  pays  de  langue  d'oc  que  de  langue 
d'oïl  et  notamment  aux  baillis  et  sénéchaux  de  Lyon,  de 
Vermandois,  de  Troyes,  de  Sens,  de  Chaumont  et  de 
Vitry-en-Perthois,  ainsi  qu'aux  maîtres  des  ports,  faisant 
savoir  que  son  procureur  lui  a  remontré  qu'au  temps 
passé,  il  se  faisait  en  France  un  grand  commerce  d'é- 
picerie et  de  droguerie  venant  d'Alexandrie,  de  Bérulh 
(Beyrouth)  et  d'autres  contrées  du  levant  j;ai-  le  port 

(1)  Aich.  imp  ,  K.  69,  n»  23,  231  original  et  de  â3*  à  23». 


36  HISTOIUE   DE   TROYES.  iU5 

d'Aigues-niortes,  le  plus  beau,  le  plus  profitable  et  le 
plus  sûr  du  pays  de  Languedoc.  Le  roi  ordonne  que  les 
épiceries  et  les  drogueries,  excepté  le  safran,  qui  entre- 
ront en  France,  jiar  un  autre  port,  soit  parterre,  soit  par 
mer,  que  par  ceux  d'Aigues-mortes,  de  la  Rochelle  et 
ceux  du  pays  de  Flandres,  il  sera  levé  t  un  treu  »  (droit), 
de  dix  pour  cent  sur  les  marchandises  centrant  en  fran- 
chise par  ces  ports.  Les  épiceries  et  les  drogueries  venant 
de  Catalogne,  no  sont  frappées  que  d'un  droit  de 
sept  pour  cent,  parce  qu  elles  sont  déjà  chargées  d'un 
autre  droit  de  trois  pour  cent  (1). 

Cette  ordonnance  est  critiquée  parle  Conseil  de  ville, 
qui  objecte  le  grand  préjudice  qu'elle  porte  au  com- 
merce ;  les  droits  n'étant  payés  que  dans  Tintérieur  du 
royaume  et  non  aux  ports  ou  lieux  d'entrée.  Cette  ob- 
servation est  des  plus  judicieuses.  LUe  résulte  de  la  con- 
naissance parfaite  des  nécessités  commerciales.  Le  Con- 
seil demande  •  si  c'est  le  plaisir  du  roi,  que  cette 
ordonnance  soit  exécutée,  mais  qu'il  y  a  charité  d'y 
faire  aucune  modération,  c'est  asçavoir  que  l'on  paiast 
la  dicte  somme  (le  droit  d'entrée)  quant  les  denrées  en- 
trent dans  le  royaume  ou  en  sortent,  mais  non  quand 
elles  sont  dedans  et  au  fonds  d*icelui  et  supplient,  les 
habitants  de  Troyes,  le  roy  et  messieurs  de  son  Con- 
seil, qu*ils  leur  plaisent  y  mettre  provision.  » 

Les  monnaies  ont  aussi  leur  part  dans  la  réforme  gé- 
nérale. Un  édit  du  12  novembre  li43,  supprime  le  cours 
de  toute  autre  monnaie  que  les  écus  d'or,  les  «  deniers 
grands  blancs  »  valant  dix  deniers  tournois,  les  petits 
blancs  de  la  valeur  de  cinq  derniers  et  les  «  doubles  de- 
niers noirs.  »  Bien  des  intérêts  sont  lésés  par  cette  mo- 
dification. Cet  édit  n'arrête  pas,  à  Troyes,  le  cours  des 

(i)  Arch.  mun. ,  LeUres  orij^nales  ,  avec  mention  de  publication , 
par  un  sergent  de  la  j)rôvoté,  à  Sens,  à  Cliaumont,  à  Vilry,  à  Chû- 
lons,  à  Reims  et  â  Laon. 


U46  CHAPITRE   XIH.  37 

monnaies  étrangères.  Si  les  monnaies  anglaises  dispa- 
raissent en  partie,  le  voisinage  si  proche  de  la  Bourgo- 
gne et  de  la  Lorraine  permet  et  nécessite  la  circulation  des 
monnaies  de  ces  provinces. 

Le  23  décembre  1M6,  Charles  VII  défend  le  cours 
des  monnaies  dites:  «  mailles  au  chat  >  ,  surtout  en 
usage  dans  TIle-de-France,  la  Hrie,  la  Champagne,  le 
Vermandois  et  la  Picardie.  Deux  mois  après,  le  roi  or- 
donne la  fabrication  de  petits  blancs  jusqu'à  la  quantité 
de  dix  mille  marcs  d'argent  :  rhôtel  des  monnaies  de 
Troyes  en  fabrique  pour  une  valeur  de  mille  marcs  (1). 

L'administration  de  la  justice  fut  aussi  l'objet  de  ré- 
formes, tant  au  parlement  que  dans  les  bailliages.  Les 
fonctions  et  les  attributions  des  baillis  sont  l'objet  de 
profondes  modifications.  Après  le  règlement  de  1453,  il 
restait  encore  beaucoup  à  faire. 

Les  justices  seigneuriales  se  virent  dépouiller  de  cer- 
tains de  leurs  droits.  Mais  le  fait  qui,  à  Troyes,  a  laissé 
dos  souvenirs  dans  nos  divers  dépôts  d'archives,  c'est 
la  lutte  entre  la  justice  royale  et  la  justice  ecclésiastique. 
L  officiai  avait  fait  mettre  en  prison  pour  faux  témoignage 
un  individu  qui,  en  justice,  avait  déclaré  bourgeois  du 
roi  un  serf  de  Tévêque.  L'oflicial  excommunie  le  pro- 
cureur du  roi  qui  détient  un  clerc  en  prison.  Cet  ofTicier 
royal,  avec  trente  ou  quarante  sergents  ot  notaires  royaux, 
se  transporte  dans  l'auditoire  de  Tofficialité,  où  se  trou- 
vaient révoque  et  ses  officiers  de  justice.  Sur  la  résis- 
tance de  révoque,  Jean  Léguisé,  le  procureur  du  roi  fit 
arrêter  Nicolas  Huvard,  clerc  de  Vofficialité»  et  le  tint  sous 
les  verrous  pendant  douze  jours  (2). 

De  nouvelles  difficultés  survinrent  et  les  parties  firent 
régler  leurs  droits  par  des  concordats. 

(1)  Ord,  des  rois  de  France^  t.  xiii,  p.  48i.  497. 

(2)  Arch.  dép.  ;  f.  de  rËvéché.  6.  S96. 


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ti58  CHAPITRE    XIII.  39 

ecclésiastiques  était  une  mesure  indispensable,  avant  la 
rédaction  dos  coutumes  (i). 

Le  Conseil  de  ville  a  pris  sa  source  dans  le  danger  que 
la  ville  courait  à  certaines  époques.  On  Ta  vu  actif  et 
vigilant.  Sous  la  domination  anglaise,  il  semble  dispa- 
raîtn?  et  la  ville  n'aurait  eu,  à  cette  époque,  pour  en  tenir 
lieu,  qu'un  clerc-procureur,  à  enté  du  voyeur  et  des 
maîtres  des  œuvres,  relevant  de  l'assemblée  populaire  de 
la  St-Barnabo.  Au  lendemain  de  la  remise  de  la  ville  à 
Charles  Vif,  un  nouveau  Conseil,  élu  chaque  année,  se 
reconstitue  cl  fonctionne  jusqu'à  la  paix  d'Arras  en  1435. 
L'année  suivante,  l'assemblée  de  la  St-Barnabé  décide 
que,  le  lundi  de  chaque  semaine,  a  l'heure  où  les  maîtres 
des  œuvres  se  réunissent  «  pour  faire  le  compte  des  mé- 
reaux  et  des  bol(»ltcs  >  ,  on  apportera  les  boîtes  conte- 
nant les  deniers  de  la  chaussée,  et  là,  elle  seront  ouvertes 
par  les  voyeurs  et  les  maîtres  des  œuvres,  qui  ensemble 
communi(|ueront  dorénavant  Tun  avec  l'autre  des  af- 
faires comnujnes  et  sur  leurs  délibérations,  seront  exécu- 
tés les  différents  travaux  de  la  ville  \ii,y 

En  li37,  les  auditeurs  des  comptes  se  réunissent  à 
ri!utel-nieu-Le  Comte  ainsi  qu'en  1138,  et  paient  à  cet 
établissement  un  lover  annuel  de  six  livres.  Les  maîtres 
des  (euvres  ont  «  leur  chambre  »  dans  la  maison  de 
Laurent  Tourier,  tandis  que  les  maîtres  des  comptes 
sont  logés,  moyennant  cinq  livres,  dans  une  maison  ap- 
partenant au  chapilre  de  St-Ktienne.  Dans  celle-ci  sont 
déposées  les  archives  communes.  Kn  1445  et  en  1448, 

(1  )  î .«»  sujet  nous  a  paru  d'un  intérêt  assez  puissant  pour  Tétudior 
avec  plus  4le  dcveloppemenl  que  nous  ne  pouvons  le  faire  dans  cet 
ouvrage.  Aussi  lui  avons-nous  donne  place  dans  nos:  Recherches  sto* 
lajuridictiOii  royale  et  laJKridictiot  ecclésiastique  dans  la  vilU  et 
le  bailliage  de  Troyes  et  sur  les  coutumes  de  ce  bailliage,  Troycs, 
1872. 

(fl)  Arch.  mun.,  n.  f.  ;  C.  6. 


40  HISTOIRE  DE  TROYES.  1458 

l'existence  d'un  nouveau  Conseil  esl  eonslalée,  mais  ce 
Conseil  laisse  peu  d'actes  de  son  administration  (1). 

En  1 458,  le  Conseil  se  constitue  d'après  un  règlement 
nouveau.  Il  est  composé  de  vingt-cinq  membres  élus, 
dont  six  sont  choisis  dans  le  clergé.  L'élection  n'a  plus 
lieu,  comme  de  1429  à  1135,  d'année  à  autre  au  premier 
octobre,  mais  le  jour  de  la  St-Barnabé.  Dans  la  résolu- 
tion prise  par  cette  assemblée  de  1458,  en  présence  de 
Louis  Raguier,  évéque,  il  est  dit  :  «à  cette  assemblée 
ont  été  élus  au  Conseil  pour  délibérer  des  besognes  et 
affaires  de  cette  ville,  jusques  au  nombre  de  vingt-cinq, 
dont  six  sont  d'église  et  les  autres  laïcs.  Ils  s'assemble- 
ront de  quinze  jours  en  quinze  jours  en  la  salle  du  roi, 
le  mercredi  depuis  Pâques,  à  huit  heures.  Il  sera  distri- 
bué à  chaque  réunion,  douze  sous  six  d.,  par  le  receveur 
des  deniers  communs.  Neuf  des  dits  élus,  pourront  dé- 
libérer comme  si  les  vingt-cinq  étaient  présents.  Les  neuf 
comparants  et  au-dessus,  supposé  que  les  vingt-cinq  n'y 
soient,  toucheront  la  dile  somme  de  douze  sous  six  den.  • 
Des  jetons  de  présence  remplaceni, en  faveur  des  présens, 
l'amende  prononcée  précédemment  contre  les  absenis. 

Le  fait  principal  de  cette  assemblée;  c'est  l'éleclion  des 
vingt-cinq  nouveaux  membres  du  Conseil  et  la  constitu- 
tion de  ce  Conseil.  La  convocation  a  lieu  par  un  sergent 
royal  et  non,  comme  à  l'ordinaire,  au  son  de  la  cloche. 
Soixante-un  habitans  présents  sont  nommés,  d'autres  ne 
le  sont  pas,  puis  il  est  donné  défaut  contre  soixante-un 
habitants  convoqués  et  non  comparants.  Il  y  a  tendance 
à  un  nouvel  état  de  choses,  les  habitudes  pratiquées  à 
la  St-Barnahé  vont  se  niodifier  et  ce  changement  con- 
duira promptemcnt  à  Torganisation  d'un  échevinage  par 
lettres  royales. 

(1)  En  1458,  *l  ordonne  la  roupc  do.  noyers  existant  dans  le  clos 
de  TEvèque,  situé  près  de  la  porte  Si -Jacques.  On  craint  une  attaque 
contre  la  ville.  TArch.  dép.,  Comptes  de  Vévéché.  G.  307.,  1448-49.  > 


1458  CHAPITRE  XIII.  41 

L*élection  porta  au  CoDscit  les  personnes  dont  les 
noms  suivent. 

Pour  le  clergé  : 

M.  le  doyen  de  Troyes. 
Celui  de  Si-Etienne. 
Celui  deSt-Urbain. 
Messire  Guillaume  Léguisé. 
Messire  Noël. 
Jacques  Leschevin. 

Et  pour  les  laïcs  ; 

M«  Antoine  Guéry,Prévdt. 

M«Jean  de  Grève,  procureur  du  roi. 

Me  Nicolas  Mauroy. 

François  de  la  Carmoise. 

Simon  Hennequin. 

Jacquinot  Mauroy. 

Jean  de  Cellières. 

Simon  Dorigny. 

Jean  Breer. 

Colin  Fajot. 

Pierre  Truchot. 

Jacquinot  Benoist. 

Etienne  Formé. 

Jean  Dorigny,  l'aîné. 

Huet  Léguisé. 

Pierre  le  Boucheratet  Pierre  le  Tartrier  d). 

Il  est  encore  décidé  que  les  fortifications  seront  visi- 
tées conjointement  par  les  membres  du  Conseil  et  les 
maîtres  des  œuvres.  Le  voyeur  reroit  des  ordres  pour 
faire  réparer  les  chaussées.  Le  receveur  et  les  maîtres 
des  œuvres  s'assembleront  dorénavant  le  dimanche  matin, 

(i;  il  n'y  a  que  23  noms,  quoiqu'il  ^oit  décidé  que  le  Conseil  suia 
composé  de  25  personnes. 


A2  HISTOIRE  DE  TROYES.  am 

à  rhôtelde  Jean  de  Vitel,  pour  s'informer  cl  connaître  ce 
qui  aura  été  fait  des  travaux  de  ville  pendant  la  sennaine 
ot  les  voyeurs  pourront  aussi  se  réunir  «  pour  le  fait  de 
leur  voirie.  > 

Cette  dernière  constitution  du  Conseil  de  la  ville  est 
celle  qui  précéda  l;i  création  de  l'échevinage  de  1470. 
Les  anciens  Conseils  ne  se  sont  jamais  réunis  au  Beffroi 
ou  dans  ses  galeries,  mais  dans  différents  lieux.  On 
dirait  qu'ils  semblent  craindre  de  se  réunir  plusieurs  fois 
de  suite  au  môme  lieu.  A  partir  de  1458,  le  Conseil  se  fixe 
et  loue,  en  1464,  dans  Thôtel  de  Jean  de  Vitol,  une  salle 
pour  y  mettre  «  les  besognes  de  la  ville  et  y  délibé- 
rer (l).  »  On  est  à  la  veille  d'une  organisation  plus  déve- 
loppée, plus  solide,  mieux  assise  que  celle  qui  a  fonc- 
tionné jusqu'alors.  La  paix  a  déjà  porté  ses  fruits  et, 
comme  la  guerre,  elle  a  ses  besoins. 

Le  calme  est  revenu  à  Troyes  et,  si  pendant  le  dan- 
ger, chaque  habitant  était  un  homme  d'armes  et,  toute  la 
maison,  un  arsenal,  à  partir  de  1460,  les  Troyens  se 
reposent  de  leurs  fatigues  d'autrefois,  ot  les  armes  sont 
mises  au  croc.  La  ville  arme  et  salarie  dix  francs- 
archers,  chargés  de  maintenir  l'ordre  à  l'intérieur  et  de 
veiller  à  la  sûreté  générale  de  la  ville  II  y  eut,  à  cette 
époque,  une  profonde  sécurité.  Ces  périodes  sont  rares 
dans  l'histoire  de  ces  temps  (2). 

Los  ressources  linancières  de  la  ville  sont  toujours  les 
mêmes.  Le  Conseil  a  ses  deniers  communs.  La  commu- 


(l)Cethôt€l,  qui  fut  une  hôtellerie,  reçut  plus  tiird  la  grande 
•M'ole  entretenue  par  la  ville.  C'est  aujourd'hui  la  maison,  qui  naguère 
était  auberjre,  et  porte,  dans  la  rue  de  l'Ilotel-de-Ville,  le  n«  22  et 
s'étend  jusqu'à  l'impasse  de  lu  Grande-Ecole,  rue  Gambey.  Celte 
hôtellerie  eut  {wur  enseigne  :  La  Licorne,  puis  l'Autruche. 

(2)  Il  est  délivré  à  chacun  des  fi  ancs-archers,  un  jaque  en  toile  et 
futaine,  au  prix  de  5  1.  ;  une  épée  de  2  1.  5  s.  ;  une  dague  de  14  s.  ; 
une  salade  (casque)  de  ^  1.  ;  un  arc  et  une  trousse  de  4  1.  ;  un  ho- 
queton  et  un  chaperon.  {Arch,  mun  ,  B.  17.) 


tieO  CHAPITRE  XIII.  43 

naoté  des  habitants  possède  des  terrains,  dits  usages, 
près  du  moulin  de  Pétai  (1)  et  des  Charmes  j  près  de  la 
Moline  La  contrée,  comprise  entre  le  moulin  de  ce  nom 
jusqu'à  la  Vieille  Seine,  sont  des  terrains  vagues,  soumis 
aux  inondations  et  sans  revenus  apparents. 

Le  droit  de  moulage  ou  de  mouture  est  remplacé,  par 
la  volonté  des  habitants  et  malgré  Ténergique  opposi- 
tion du  clergé,  par  le  droit  de  la  maille,  levé  sur  chaque 
livre  de  pain  blanc  ou  pain  de  provende  ou  de  prébende^ 
vendu  chez  les  boulangers.  Le  produit  de  ce  nouvel  impôt 
est  appliqué,  comme  celui  qu'il  remplaçait,  aux  travaux 
des  fortifications  La  levée  de  ce  droit  fut  affermée,  en 
1457,  moyennant  600  liv.;  puis  660  et  plus  (2). 

Les  fortifications  absoi^bent  aussi ,  par  leurs  travaux 
neufs  et  d'entretien,  le  produit  de  la  vente  du  sel  faite 
au  profit  de  la  ville,  sauf  les  droits  du  roi.  A  une  com- 
pagnie concessionnaire,  constituée  en  1  i50,  et  composée 
de  Jean  Hennequin ,  Guillaume  Mole,  François  de  la 
Garmoise,  succède,  en  1459,  a  un  commis  designé  par 
le  Conseil.  >  Il  doit  des  comptes  au  Conseil  de  ville  et 
aux  officiers  du  roi.  (3;  Les  lettres  ont  été  obtenues , 
en  1459,  par  Tenlremise  de  Pierre  de  Refuge  ,  général 
des  flnances,  qui  reçoit  des  habitants  54  pots  de  vin  de 
Beaune,  du  poisson,  une  fine  pièce  de  lin  et  quatre  dou- 
zaines de  fines  serviettes.  En  1463,  la  ville  paie  le  sel 
12  liv.  t.  le  muids ,  mesure  de  Paris  ,  à  Guillaume  (iO- 
lombel,  commis  par  le  roi  à  donner  le  sel  aux  marchands 
fournissant  les  greniers  du  royaume,  excepté  le  Langue- 
doc. 1  Sur  ce  prix  de  42  liv.  t.,  sont  déduites  4  liv.,  au 
profit  du  roi. 

Le  commis  à  la  vente  du  sel  acquitte  directement 
certaines  dépenses  faites  dans  rinlérél  de  la  ville    La 

(1)  Arch.  inun.,  anc.  f.,  liasse  l'I 

(2)  Anc.  f.,  liasse  51;  u.  f  ,  B.  14,  17  et  18. 

(3)  N.  f.,  G.  de  1  à  M.  —  B.  U.  —  Anc.  f.,  Uasse  51. 


4i  HISTOIRE  DE  TROYES.  141^1 

;er)le  du  .^el  constitue  une  quatrième  caisse,  indépen- 
dante de  cellr;  dos  deniers  communs,  do  celle  delà 
\u;rie  éîtd»;  celle  des  maîtres  fies  œuvres.  Elle  sert  à  cou- 
\rip d'abord  les  dépenses  des  rortitications.  puis  diverses 
dépenses.  Lo  comptaMo  rend  ses  comptes  à  des  auditeurs 
rlus  à  cet  effet. 

\'eri  Ii50,  disparaissent  les  lettres  dt»  commission 
données  aux  olViciers  royaux  pour  l'audition  et  la  clôture 
des  comptes  des  denit^rs  communs,  dette  tutelle  dispa- 
rait. Jusqu'en  140:2,  le  voyeur  du  roi,  dans  les  comptes 
de  la  voirie,  occu|>e  la  première  place.  A  partir  de  cette 
date,  c'est  le  voyeur  de  la  ville,  alors  Jacques  Mauroy. 
Depuis,  ce  ran;^  a  toujours  été  ainsi  gardé  entre  les  deux 
voyeurs,  (iette  double  modification  peut-elle  faire  croire 
à  une  prépondérance,  prise  par  les  habitants  de  Troycs 
sur  les  officiers  rovaux,  dans  les  affaires  de  la  cité,  et  à 
une  plus  ffrande  indépendance?  On  ne  saurait  le  dire. 

Les  revenus  de  la  voirie  se  composent  surtout  du  pro- 
duit de  la  ferme  de  la  chaussée,  et  sont  un  reflet  fort 
exact  du  mouvement  de  la  circulation.  Les  guerres  abais- 
sent ou  annulent  môme  les  receltes  ;  la  paix  ,  faisant 
rouvrir  l(îs  |»orles,  rétablit  ces  produits,  et  la  sécurité  les 
augmente.  Kn  1435,  ces  n?ccltcs  sont  de  17  liv.  15  s. 
2  d.  La  ferme  n'est  reconstituée  qu'en  1147,  elle  rap- 
porte alors  257  liv.  Kn  1459,  elle  est  de  252  liv.  ,  et  la 
voirie  touche,  pour  tout  revenu,  283  liv.  Kn  1461  ,  la 
ferme  des  Chaussées  rapporte  442  liv.  U  s.  t. 

Le  voyeur  enirelient  de  nombreux  ponts  à  sa  charge, 
et  qui  sont  situés  tant  dans  la  ville  (|ue  dans  la  banlieue, 
notamment  ciMix  de  llreban  et  de  Lin(;on,  sur  la  roule 
d'Auxerre  et  celui  de  l'Hozain,  sur  celle  de  Bourgogne. 
Il  fait  arracher  les  pierres  d'un  vieux  pont  près  des  mou- 
lins-au-Mont  (1)  et  paver  la  chaussée   de  ce  moulin. 

(1)N.  f.,  C.IO,  i5et2i. 


1462  CHAPITRE  XIII.  45 

Cette  chaussée  est  la  route  d'Allemag^no.  Il  fait  réparer 
de  grands  dommages  occasionnés,  le  10  juin  1460,  par 
une  inondation.  Il  fait  éparer  —  question  importante  à 
notre  époque,  —  en  1461-62  a  les  grands  crots  >  qui 
s'ouvrent  dans  les  rues  delà  ville,  —  qui,  aujourd'hui  en- 
core, s'etfondrent,  surtout  ù  la  suite  des  pluies,  ('e  lait 
est  même  constaté  des  l'année  1416  (1). 

La  ville  de  Troyes  —  on  peut  encore  s'en  rendre 
compte  aujourd'hui ,  quoiqu'ils  soient  moins  nombreux 
—  avait,  au  moyen-Age,  un  grand  nombre  de  ponts  :  les 
uns,  à  la  charge  exclusive  des  habitants,  d'autres,  à  la 
charge  d'un  quartier,  d'autres  enfin,  entretenus  parle 
voisinage  ou  par  la  communauté  des  habitants.  On  dis 
tingue  les  grands  cl  les  petits  ponts.  Les  grands  ponts 
sont  ceux  qui  servent  à  trav  rsor  la  Seine  et  les  cours 
d'eau  voisins  et  quelques-unes  des  dérivations  princi- 
pales, coupant  les  grandes  rues  et  les  grands  chemins 
Les  petits  ponts  sont  jetés  sur  les  canaux  d'un  ordre 
inférieur,  et  ont  été  édifiés  selon  les  besoins  causés  par 
le  développement  de  la  population.  Le  Chapitre  de  St- 
Etienne ,  seigneur  haut-justicier  des  dérivations  de  la 
Seine,  perçoit  des  droits  sur  les  petits  ponts,  et  ces  droits 
sont  sans  doute  acquittés  par  la  communauté  des  habi- 
tants, car  le  12  novembre  1429,  le  Chapitre  de  St- 
Etienne  obtient  sentence  contre  Pierre  d'Arrentières, 
clerc  et  procureur  des  habitants,  touchant  le  droit  des 
petits  ponts  établis  sur  la  Seine  (2). 

En  1448,  les  habitants  de  Troyes  transigent  avec  le 
même  Chapitre,  à  l'occasion  de  deux  ponts  dépendant 
de  la  chaussée  du  Pont-Hubert,  et  pour  lesquels  les  habi- 
tants doivent  la  couverture,  et  le  Chapitre  le  surplus  (3). 

(i)N.  f.,  C.  ir. 

(2}  Ârch.  dép.,  f.  de  St-Eticnne.  Inv.  des  privilèges^  page  77.  Hist. 
de  la  ville  de  Troyes,  i.  1,  p.  212. 

(3)  Arch.  dép.,  G.  17. 


46  HISTOIRE  DE  THOYES.  i4m 

Une  transaction  intervient  aussi  avec  Tabbé  de  Mo- 
léine,  représenté  parle  Prieur  de  Sl-Quentin,  d'une  part, 
et  les  habitants  de  Troyes,  d'autre  part,  à  Toccasion  de 
la  chaussée  du  moulin  de  St-Quentin.  Les  habitants  de 
Preize  se  plaignent  surtout  des  inondations  provoquées 
parle  mauvais  entretien  de  cette  chaussée  et  d'un  saulvour 
à  poisson  que  Jean  Le  Bey^  pampeleur,  fermier  du  moulin, 
a  creusé  près  de  cette  chaussée.  Le  Prieur  reconnait  que 
la  cause  du  dommage  est  le  mauvais  entretien  de  la 
chaussée,  qui  commence  aux  fossés  de  la  ville  et  se 
poursuit  jusqu'à  la  Berlauclie  de  Soucin  de  Lusigny.  Il 
demande  l'abandon  de  la  chaussée,  à  la  charge  de  l'en- 
Iretenir.  Cette  proposition  fut  acceptée  par  les  habitants 
et  le  Prieuré  de  St-Qucntin  devint  propriétaire  de  cette 
chaussée,  à  la  condition  «  de  l'entretenir  et  de  la  tenir 
«  déclose,  afln  que  l'on  puisse  aler  et  venir,  passer  et 
»  repasser  et  avoir  ses  aisances,  à  pied,  à  cheval  et  à 
»  harnais  (1).  > 

Les  habitants  de  Troyes  se  joignent  aux  religieux  de  St- 
Antoine  contre  le  Chapitre  de  St-Etienne,  afin  d'obtenir  la 
conservation,  dans  leur  maison  et  pour  les  gens  qui 
l'habitent,  d'étuves  et  de  poêles,  dont  le  Chapitre  deman- 
dait la  démolition,  en  raison  des  privilèges  qu'il  tenait 
du  comte  Henry.  L'arrêt  du  Parlement  est  du  20  mars 
1450,  (2)  il  porte  échec  aux  privilèges  du  Chapitre. 

Parmi  les  aumônes  que  le  Conseil  de  ville  commence 
à  faire,  on  trouve  ,  dans  les  comptes  de  4442,  mention 
d'un  don  fait,  pour  l'amour  de  Dieu,  d'une  somme  de 
cent  sous  tournois  <  à  noble  homme  Thomas^  conte  de  la 

{^)  Arch.  inun.,  anc.  f.,  lay.  28.  —  Celte  transaction  fait  encore 
aujourd'hui  la- base  des  droits  de  la  ville  et  du  propriétaire  du  mou- 
lin. La  Bertauche  est  la  propriété  comprise  entre  Je  moulin  et  la 
grande  rue  de  Taaxelles,  et  se  termine  en  pointe  du  c6té  de  la 
ville. 

(2)  Ghosley.  Môm.  hist.,  t.  i,  p.  43.  VoirTarrôt. 


14J0  CnAPITRE  XHL  47 

>  petite  Egypte,  par  auniôno  caritalive,  pour  lui  aider  à 

>  coDiluirc  la  dépense  de  lui  et  de  plusieurs  autres  per- 
»  sonnes,  tant  honnnes  que  femmes  et  enfans,  étant  en 
»  sa  compagnie,  vivant  et  marchant  piteusement  par  ces 
•  marches  (i).  » 

Dans  les  premières  années  du  XV^  siècle,  on  trouve 
à  Troyes  Michau  de  Loches,  recteur  des  écoles,  une  cer- 
taine dame  Jeanne ,  maîtresse  d'école  au  quartier  de 
Croncels;  en  1415,  M^  Jean  de  Bèze  est  maître  d'école 
au  quartier  de  la  Madeleine,  et  il  est  dispensé  de  payer 
certaine  taxe  <  en  laveur  de  Tétude  et  afin  qu'il  ait 
cause  de  résider  à  Troyes.  »  En  1419,  on  trouve  Jean 
de  Pothières;  en  14^24,  Pierre  Denizet ,  ancien  recteur, 
et  en  1435,  Girart,  maître  d'école.  Thierry  Robichon, 
chanoine  de  St-Etienne,  était  Técolâtre  du  Chapitre. 

Après  le  traité  d'Arrns,  la  ville  rouvre  ses  écoles. 

En  143G  Je  7  novembre,  fut  publié  par  Nicolas  Huyarl, 
promoteur  en  cour  d'église,  un  règlement  arrêté  dans 
une  nombreuse  assemblée  où  se  trouvaient  1  evéque,  des 
chanoines,  Jean  Blanche,  chantre  de  St-Pierre  et  recteur 
ou  grand-maître  des  écoles,  les  officiers  royaux,  un 
grand  nombre  de  bourgeois  ,  marchands  et  habi- 
tants de  Troyes.  Ce  règlement,  en  cinquante-six  ar- 
ticles et  divisé  par  chapitre ,  fixe  les  devoirs  des 
élèves,  ceux  du  grand-maitrc ,  du  portier,  du  prévôt  et 
ceux  des  primitifs.  Il  se  termine  par  la  formule  des  ser- 
ments que  le  recteur  doit  au  chantre  de  St-Pierre  et  au 
scolastique  de  St-Etienne ,  et  celles  du  serment  que  les 
maîtres  ou  bacheliers  doivent  prêter,  lorsqu'ils  sont  admis 
à  enseigner. 

(\)  Arch.  wun.,  n.  f.,  A.  A.,  carton  22e;  2e  liasse.  —  Bulletin 
de  la  Société  des  antiqttaires  de  France,  ier  trim.  1868,  p.  48  Men- 
tion 1»  d'an  premier  passage,  à  Colmar ,  le  27  mai  1442,  jour  de  la 
Trinité,  de  bohémiens,  à  qui  la  ville  fait  aumône  ;  2*  d'un  deuxième 
passage,  lo  28  juin  1444,  et  d'un  3"  le  l^-'r  mars  1450,  sous  le  com- 
mandement du  noble  Seigneur  Philippe,  comte  de  la  petite  Egypte, 


sLT  ]  i'rf^z^^z^c^  i&i  cCi:*-?s-  jraa^te*  et  p<etite$«  t'ordre 

t^  it-  tl-M  ie*  «rtîi'ie*.  LcCiC'.vt  'fa  •coi"-*:  le*  noms  des 
bLlPurt  jic:  ^e:f  .:.avri«\»  **rr^ira:  ixi  rCnJe*  t  sont  in- 
ciçL^rî*  Liï>  ^"in-iir::»  «nM  .-»*  >:c:  j^t-^-^es"  54:'*-i5  la  direction 
c  fn-.r-cii:i.i^.  ri:  Cijcr.'t  t   iiTiirfts  ie:^  foaclioas  de 

ï  ii»**.^.  v-M:ie  Jii  Lua.:::^  •••*,  •i-r^i^e  le-*  ebi^Dtriiis aux 
"twî*  i.i  i,Ltiti*  r.aiJi»»rEie  é:  I:  jai.  :  ^~.^:'Li^-  h  pounoit 
kL  ii*i!j*f!i*i  aettessaire  ik  .1  .-^iiïi*  e';  ±  i&nir^ÏÀea  de 
-  -»«:i:*i*.  [\  Dert;;.H:  i.i  r»rCr!:'^:.oz  5.:-:'.j  ^.  t\.^  pour  les 
itHii  ie^i»  .à  *ài  î4)uâ  -or  xn.  cC.  ir  f.as.  53  deniers 
jiaffnij*:*  pajea  à  N.'ih  eC  i  L^  Ni.a:-J^d:i    S:îp  celle  der- 


«  pK2L.ti&  et  ie  portn*r  ?«:at  cr.•:■:^:^  rircii  îe*  élèves. 

ebar;^  de*  soLQi«ie  prt.'kpiv:e  e:  l■i:7^:■:^  vV?T-re5.  et,  pour 
oe*  jernoe*.  lU  >:r,c  rieiv.::<  ie  i^i  Cixe  Mr^laife.  Le 
portier.  ouu>t^  b  ^ar^te  ie  '-^  •: ::e.  ivnac  ie  vvafé  après 
U  nK'«$e  el  Jiprè>  vik^nt\>  I.  Àva.vr  .e  :o^ae:  :  :3  ea^l  fouet- 
ItMir  en  ohot*  \rî,  4^ . 

LVUhiodu  Utia  e5>t  rx^:e;  iMrîrj-^:  ôc*  reeomuian- 
«étions :  el  jHUirtJint  ^uei  ]iî:ri  Le*  c:o". efs.  entr'eux« 
doivent  (Varier  oelte  i^npie  :  <  ni^ui  «u:,  ii:l  le  nèfle- 
*  monU  un  bun  0\m|nrtî  qu^ïîvvr p^:.  in:eu\  vaut  encore 
»  un  lâlin  inoon|mi  que  !e  frân{jL;5    > 

l/inx<tmotion  e$l  doniuw  *îjiv.>  u**  pr*î:hk^  «vvies,  à  des 
élèves  lîbn^î^,  ^lo  h  v»Uo  ou  Je  i  exti  re^ur,  \i«nl  sous  la 
*ljftHM»on  \\\^  Unir  f^nnUlo  l.o>  c,?^e<\  ,- 7  ;  rv^nnenl  récrî- 
Um\  U\  looUnx\  U  Un^ue  ijir.r.o  Li>  iiuàes  scienli- 
lUjues  so  hoinoni  A  «)uo)quo>  <  ',*  ,r4on:>  3e  calcul. 

1.0*  lixivs  rwoninuimies  so-.t  io  Ikmss.  Je  Calho^ 
'0  fWhfx  o|  \ii  Thf\\^i\}m.  et  *Vjiv*:Tf  >  ?.;:îinrs  dont  les 
nouu  n«»  ^\\\\\  p«!i  eon>er\V3^«  uu)S  ie  p4us  en  \ogue  est 


1449  CHAPITRE  XIII.  49 

le  Doctrinal  de  sapience  de  Guy  de  Roye,  mort  archevê- 
que de  Sens,  en  4409  (1). 

Ce  beau  règlement  fut-il  exéculc?  On  peut  s'adresser 
cette  question.  En  1442  et  en  1445,  les  écoles  ne  sont 
pas  ouvertes  ou  sont  refermées.  En  cette  dernière,  le 
Conseil  de  ville  en  demande  la  réouverture.  En  1447, 
la  ville  traite  avec  Me  Jean  Breton,  licencié  ès-lois,  né  à 
Troyes  et  y  demeurant,  pour  y  tenir  école  de  grammaire 
et  enseigner  toute  autre  science  aux  enfants.  La  ville  lui 
paie  une  rétribution  de  20  liv.  t.  par  an,  et  les  enfants, 
un  salaire  raisonnable.  Me  Jean  s'acquitte  de  ses  fonc- 
tions avec  honneur.  En  1454,  il  est  grand-maître  et 
fermier  de  la  grande  maîtrise  des  écoles  de  Troyes. 

L'abbaye  de  Nolre-Dame-aux-Nonnains  tient  école 
pour  les  filles.  Dans  la  lutte  entre  Tabbesse  et  Tévôquc, 
celui-ci  défend  aux  bourgeois  d*y  envoyer  leurs  filles.  Les 
Frères-Prêcheurs  ou  Jacobins  tiennent  aussi  école  dans 
leur  maison.  En  outre,  Jean  Gaucher  est  maître  d'école, 
à  Troyes,  en  1455.  Il  y  a,  en  1449,  école  tenue  au  pres- 
bytère de  St-André.  A  Courteranges,  dépendant  de  la 
seigneurie  de  Tabbaye  de  Montiéramey,  le  curé,  ayant 
ouvert  une  école,  est  condanmé  par  Toffîcial  à  la  fermer, 
parce  qu'il  ne  s'est  pas  pourvu  du  consentement  de 

l'abbé  (2). 

Dès  la  première  moitié  du  XVe  siècle  ,  les  foires  de 
Champagne  et  de  Brie  perdent  leur  importance.  Les 
guerres  les  font  disparaître  complètement  (3) ,  la  circu- 

(i)  Ce  livre  fui  imprimé  à  Troyes,  au  XVI*  siècle,  par  Jean 
Lecoq. 

(2)Vallet  deViriville.  Arch,  hist,  du  dép.  de  VAttbe,  p.  108  et 
156.  —  BouTiOT.  Uist,  de  V Instruction  publique  et  populaire  à 
TroyeSy  pendant  les  quatre  denners  siècles.  Cette  étude  renferme  des 
développements  dans  lesquels  nous  ne  pouvons  entrer  ici. 

(3)  Les  comptes  de  la  collégiale  de  St-Etienne,  qui  prélevait,  sur 
le  produit  des  foires,  une  partie  importante  de  ses  revenus,  établis- 
sant Tabsence  de  toute  recette  de  cette  nature,  pendant  de  nombreuses 

III.  4 


50  HISTOIRE   DE  TROYES.  1U5 

lation  des  hommes  et  des  marchandises  sur  les  grands 
chemins  étant  devenue  à  peu  près  impossible. 

Après  la  paix  d'Arras,  il  est  fait  quelques  efforts  pour 
les  reconstituer  et  en  relever  Timportance;  mais  de 
nouveaux  coups  sont  portés  à  ces  grands  marchés.  En 
1443,  Charles  VII  institue  trois  nouvelles  foires,  à  Lyon, 
avec  jouissance  des  privilèges,  accordés  jadis  à  celles  de 
Champagne. 

Toute  la  province  et  notamment  les  villes  de  Troyes, 
de  Lagny ,  de  Provins  et  de  Bar-sur-Aube ,  s'émeuvent 
de  cette  création,  de  môme  que  Lubin  Raguier,  garde 
et  chancelier  des  foires,  promoteur  des  causes  d'office 
et  maître  des  défauts  de  ces  foires;  Thibaut-Arnout, 
garde  des  registres  ,  les  quarante  notaires  et  les  cent 
sergents  de  cette  juridiction  et  encore  Tabbaye  de  Mon- 
tier-la-Celle,  celle  de  Saint-Martin-ès- Aires ,  le  Chapitre 
de  St-Etienne ,  tous  intéressés ,  s'efforcent  d'empêcher 
l'établissement  des  foires  de  Lyon.  Une  seconde  sup- 
plique, ayant  pour  but  d'empêcher  l'enregistrement  des 
lettres  à  la  Chambre  des  Comptes ,  est  adressée  par  les 
mêmes ,  et  à  eux  se  sont  réunis  d'autres  intéressés  : 
l'abbaye  de  St-Denis,  celle  de  Lagny,  les  gens  d'église  de 
Troyes  et  le  prévôt  des  marchands  de  Paris.  De  nou- 
velles instances  près  du  roi  ont  pour  résultat,  le  19  juin 
1445,  la  confirmation  des  privilèges  des  foires,  avec 
exemption  de  tous  impôts  pendant  les  dix  premiers  jours 
de  chaque  foire.  Ce  remède  fut  insuffisant  (1). 

Ces  lettres  ne  confirment  point  les  six  anciennes 
foires  ;  maïs  rétablissent  les  deux  foires  de  Troyes ,  en 
leur  accordant  les  privilèges  attachés  aux  anciennes.  A 

années,  soit  avant,  soit  après  la  reconstitution  de  ces  marchés.  En 
1456,  les  halles  sont  louées  à  d'autres  qu'à  des  marchands  forains  ou 
inoccupées,  {Arch.  dép.,  f,  de  Saint- Etienne,  G.,  de  370  à  384.) 

(i)  BouRQiiEiAïT.  Mé7n,  9tir  les  foires  de  Champagne  et  Brie^  II* 
partie,  p.  315. 


ill5  CHAPITRE  XIIT.  51 

cette  occasion ,  il  est  rappelé  que  les  foires  de  Cham- 
pagne et  de  Brie  ont  été  établies  par  les  précédcsseurs 
du  roi,  que  plusieurs  prinees,  barons,  et  seigneurs  chré- 
tieM  et  in/créans  se  sont  soumis  à  leur  juridiction.  Puis 
il  est  donné  à  tous,  liberté  et  franchise,  afln  d'en  faciliter 
la  fréquentation,  donner  secours  aux  marchands  et 
assurer  la  eenservation  des  marchandises.  Ces  foires 
sont  teaues  principalement  à  Troyes,  e  qui  est  chief  et 
ytUc  capital  du  comté  de  Champagne,  »  deux  fois  Ysn  ; 
Tune  est  nommée  :  la  foire  chaude  ou  de  Si-Jean  ;  elle  corn* 
mence  le  mardi  après  la  quinzame  de  laSt-Jean-Baptis(e, 
Tautre  est  ta  foire  froide  ou  de  ShRemif.  Elle  commence 
le  lendemain  de  la  Toussaint  et  se  tient  jusqu'au  lende- 
main de  la  Circoncision. 

Par  yhnQnence  de  ces  foires,  continue  Tordonnance, 
la  ville  de  Troyes  était  c  bien  populce  >  et  habitée  |)ar 
6e  notables  marchands  et  par  d'autres  gens  en  grand 
nombre.  >  Mais  ces  foires  sont  tombées  c  tant  en  raison 
>  des  charges  dont  elles  ont  été  frappées  que  par  suite 
•  des  guerres,  des  mortalités,  pestilences,  stérilités  de 
»  terop&  et  cherté  de  vivres,  «  de  telle  sorte  que  la  ville 
de  Troyes  et  le  comté  de  Champagne  sont  dépopulés  et 
appauvris,  et  les  habitants  ont  quitté  le  pays  et  sont 
allés  demeurer  aux  pays  de  TEmpiro  et  autres  parts. 
Aussi  la  ville,  c  qui  est  de  grande  garde  et  circuité,  est 
petitement  populée  etles  habitans  sont  chargés  de  grands 
travaux  pour  la  tenir  en  sûreté.  >  Les  habitants  deman- 
daient au  roi  que  les  quinze  premiers  jours  de  chacune 
des  deux  foire&  fussent  francs  et  quittes  et  exempts  de 
tous  droits.  Le  roi,  en  confirmant  les  privilèges  anciens, 
en  plaçant  marchands  et  marchandises  sous  sa  sauve- 
garde, accorde  à  ces  foires  les  dix  premiers  jours  de 
franchise  (1).  Déjà,  le  21  juillet  1444,  le  roi  avait  con- 

(i)  Arch.  mun.,  anc.  f.,  hy,  77.  —  Ord,  des  rois  de  France^  l.  xin, 
p.  431. 


53  HISTOIRE  DE  TROYES.  lieS 

firme  les  foires  de  Champagne  et  de  Brie,  en  même 
temps  que  celles  de  Lyon,  en  annulant  et  suppri- 
mant les  péages  indûment  établis  par  les  seigneurs  sur 
les  rivières  de  Champagne,  de  Brie  et  de  Tlle-de- 
France  (Ij. 

En  réglise  de  St-Jacques-aux-Nonnains  existait,  à 
cette  époque  c  une  notable  confrérie  >  dite  des  Foires 
de  Champagne,  et  dont  étaient  membres  la  plupart  des 
riches  bourgeois  de  la  ville.  Chaque  jour,  cette  confrérie 
faisait  célébrer  une  messe. 

En  1443,  le  28  décembre,  en  raison  des  guerres  qui 
continuent  sur  quelques  points  du  royaume,  le  roi  dé- 
fend r introduction,  dans  les  lieux  de  son  obéissance  , 
des  draps  de  Normandie ,  du  Bordelais  et  de  l'Angle- 
terre ,  et  ordonne  la  confiscation  de  ces  marchandises 
dans  les  bailliages  de  Champagne  c  et  dans  les  pays 
d'outre  les  rivières  de  Seine  et  d'Yonne.  »  Ce  commerce, 
alors,  est  fait  surtout  avec  les  marchands  de  Flandres 
et  d'Allemagne  (2). 

Enfin,  Charles  VU,  après  avoir  frappé,  en  1446,  d'un 
droit  les  épiceries  et  autres  marchandises  (3),  exempte, 
en  1455,  de  l'imposition  de  12  d.  t.  par  livre,  les  mar- 
chandises apportées  aux  foires  de  Champagne  (4).  Trois 
ans  après,  il  supprime  les  foires  de  Genève  et  confirme 
les  quatre  foires  de  Lyon  f5). 

En  1436,  il  existe,  à  Troyes,  une  vingtaine  de  bou- 
tonniers  ou  fabricants  de  boutons.  Ils  n'ont  d'autre  règle 
que  celle  de  faire  de  bons  boutons  de  laiton,  bien  sou- 
dés et  bien  travaillés,  sous  peine  de  cinq  sous  d'amende. 
Il  y  a  confrérie  sous  le  patronage  de  la  Conception  de  la 

(1)  Ord.  des  rois  de  France^  t.  xiii,  préf.  p.  xxxiv  et  page  40f». 

(2)  Ord.  des  rois  de  France,  t.  xni,  p.  389. 

(3)  Arch.  nmn.,  anc.  f.,  lay.  72. 

(4)  Ord.  des  rois  de  France,  t .  xiv,  p.  359, 

(5)  Même  recueil,  t.  xvn,  p.  83. 


Ii45  CHAPITRE  XHI.  53 

Vierge.  Ces  artisans  tiennent  à  former  une  corporation. 
Le  lieutenant  du  bailli,  sur  leur  demande,  les  autorise  à 
former  une  confrérie  en  Thonneur  de  Dieu,  de  la  Vierge 
Marie,  de  tous  les  Saints  et  Saintes  du  Paradis  —  Ils 
feront  chanter  chaque  semaine  une  messe  pour  le 
roi,  les  princes  de  son  sang,  ses  officiers  à  Troyes,  et  les 
confrères  et  consœurs.  —  Chaque  maître  paiera ,  par 
mois,  une  cotisation  de  cinq  deniers  t.  —  Les  réunions 
se  feront  en  présence  d'un  sergent  royal.  —  L'appren- 
tissage sera  de  quatre  ans.  ^—  Tout  récipiendaire  est 
tenu  au  chef-d'œuvre.  —  Tous  les  boulons,  fabriqués, 
dans  la  ville,  les  faubourgs  et  la  prévôté  de  Troyes,  se- 
ront on  laiton  jaune,  à  peine  de  5  s.  t  —  Les  femmes 
ou  filles  pourront  lever  ouvroir.  —  Chaque  maître  ne 
pourra  avoir  plus  de  trois  apprentis.  —  Le  droit  d'en- 
trée est  fixé  à  âO  s.  t.,  avec  dîner  aux  maîtres  :  cette 
dernière  dépense  est  limitée  à  20  sous.  —  Les  fils  de 
maître,  exemptés  de  Tapprentissage,  mais  non  de  la  jus- 
tification de  leur  capacité,  ne  doivent  que  le  dîner.  — 
Toute  marchandise,  mise  en  vente,  est  soumise  à  la  vi- 
site des  gardes,  à  peine  de  60  s.  t.  d'amende.  —  Nul 
ne  peut  être  reçu  maître  s'il  n'a  travaillé,  à  Troyes,  dans 
un  ouvroir  public.  —  Nul  ne  peut  travailler  le  jour  des 
fêtes  d'Apôtres,  ou  autres  jours  fériés,  en  ville,  à  peine 
de  5  d.  t.  d'amende,  et,  en  cas  de  récidive,  de  confisca- 
tion de  l'ouvrage  (1). 

Entre  les  cordonniers,  les  basaniers  et  les  savetiers, 
il  intervint  une  décision  du  25  septembre  1442  ,  qui 
apaisa  leurs  difficultés.  Les  limites  assez  délicates  de 
ces  professions  s'étaient  confondues  depuis  la  publica- 
tion du  règlement  de  1419.  Les  cordonniers  et  les  ba- 
saniers travaillaient  le  vieux  cuir  et  les  savetiers  usaient 
de  cuir  neuf,  d'où  résultait  la  confusion.  jUne  longue 

(1)  Ârcb.  man«,  n.  f.,  Q.,  no  i«r. 


n^fuirc^C'^  fi:l  ÀJ*^.r:fie.  Lf  I^Ninarpiir  ào  rm  9cmù»lk  tes 
»r-*.'.w:   rK^.-  /:'i:^'?\  l^'^  ti^^n  £>fi::r*-.  of  3f*  «i^.  «4 

-    .jv  x^\r^î»i*^  •v'^p..n,>i*rin    r  uîs'irrf    «s  îmiif^  finir» 


t       »  *  ^^      *  *  •       •* 


iiSi  CHAPITRE  XIII.  55 

fession,  mais  bien  constituer  une  confrérie.  Ils  exposent 
que ,  de  tout  temps ,  les  charpentiers  font  une  belle  et 
dévote  confrérie,  le  jour  de  Notre-Dame  de  septembre  (1), 
en  Téglise  des  Jacobins,  où  chaque  semaine  ils  font 
chanter  c  plusieurs  notables  messes  pour  la  bonne  santé 
et  prospérité  du  roi  et  des  confrères.  »  Les  nouveaux  sta- 
tuts portent  que,  —  chaque  année,  les  charpentiers  de 
la  ville  et  des  faubourgs  pourront  s'assembler  en  pré- 
sence d*un  sergent  royal  pour  fair^  leur  confrérie  et 
porter  leurs  cierges  bien  dévotement  en  Téglise  des  Ja- 
cobins ou  autres.  —  Les  cierges  seront  payés  45  den. 
pour  rhomme  et  sa  femme,  soit:  30  den.  pour  Tun  et  15 
pour  Tautre.  Les  valets  et  les  femmes  doivent  chacun 
15  den.  pour  même  cause.  —  Tout  charpentier,  habitant 
la  ville  ou  les  faubourgs,  doit  être  de  la  confrérie.  —  Le 
droit  d'entrée,  payé  au  bâtonnier  ou  gouverneur,  est  de 
cinq  sous  et  une  livre  de  cire.  —  Tous  les  confrères  doi- 
vent assister  à  la  messe  des  Trépassés,  célébrée  le  len- 
demain de  la  fête.  —  La  dépense  des  ménétriers  se  paie, 
moitié  par  le  bâtonnier  et  moitié  par  les  charpentiers, 
qui  sont  tenus  du  surplus  des  dépenses  de  la  fête  et  des 
frais  de  nourriture  du  sergent  et  des  ménétriers.  — 
Les  apprentis  doivent  deux  sous  6  d.  à  la  confrérie.  — 
Les  étrangers ,  venant  travailler  à  Troyes  ,  doivent  la 
même  somme  à  la  confrérie.  —  L'assistance  à  Tenter- 
rement  d'un  défunt  confrère  est  recommandée,  et,  au 
besoin  ,  punie  d'une  amende  de  12  d.  t.  —  Chaque 
chef  d'hôtel  doit  léguer  une  livre  de  cire  à  la  confrérie, 
sinon  le  gouverneur  a  le  droit  de  la  prendre  sur  les  biens 
du  défunt,  afin  delà  faire  brûler  aux  obsèques  du  décédé. 
—  Chaque  année ,  deux  confrères  sont  élus  pour  gou- 
verner la  confrérie  avec  le  bâtonnier.  —  Les  maînes 


(i)  Les  charpentiers ,  en  général,  et  ceux  de  Troyes,  en  parti- 
culier, ont  maintenant  saint  Joseph  pour  patron. 


56  HISTOIRE  DE  TROYES.  a^ 

sortants  doivent  leurs  comptes  à  ceux  qui  leur  succè- 
dent et  à  deux  autres  charpentiers  élus  à  cet  effet.  — 
Les  maîtres  doivent  |)rôter  serment  à  la  Cour  du  bail- 
liag;c  ou  à  la  Prévôté  (1). 

Le  lieutenant  général,  à  la  môme  époque,  règle  les 
conditions  du  travail  des  coutrepoinlicrs  ou  contrepoin- 
tiers,  afin  d'éviter  la  fraude  qui  se  commet  dans  la  con- 
fection des  conlrepointes.  Ce  règlement  fixe  les  longueurs 
et  les  largeurs  des  pièces,  si  peu  variées  de  cette  fabri- 
cation, confiée  généralement  aux  femmes  et  particuliè- 
rement à  des  femmes  veuves  (2). 

La  même  autorité  et  d'office,  dressa  les  ordonnances 
sur  les  métiers  de  la  lingerie  vendue  en  détail.  Le  repro- 
che fait  aux  gens  de  ce  métier,  est  de  réparer  de  vieilles 
njarchandisesetde  les  vendre  pour  des  neuves.  Ce  règle- 
ment fait,  des  lingers  et  lingères,  une  corporation.  Cha- 
cun doit  faire  son  chof-d\puvre,  avoir  un  étal  et  un  ou- 
vroir  public;  les  marchandises  sont  soumises  à  la  visite 
du  gouverneur  de  la  corporation.  — L'apprentissage  est 
de  quatre  ans.  —  Le  droit  d'entrée  est  fixé  à  quarante 
sous  et  les  amendes  pour  malfaçons  à  cinq  sous.  Chaque 
membre  doit  un  cierge  à  la  confrérie  le  jour  de  la  fête 
patronale  (3). 

On  le  sait  déjà,  les  moulins  situés  hors  ville  ont  eu 
beaucoup  à  souffrir.  Le  chapitre  de  St-Etienne,  dès  1436, 
relève  ceux  duPont-Ilul)ert(4);  en  1  i46,  le  Moulin-le-roi 
est  en  mouvement,  ainsi  que  celui  de  Fouchy,  où  il  y 
a  moulin  à  blé  et  moulin  à  papier  (5). 

Les  moulins  de  Chaillouet,  autrefois  mouhns  deMaître- 
Andriau  et  aujourd'hui  Moulins-Brûlés,  ont  été  détruits 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  série  Q,  n"1. 

(5)  Mi>mc  cartulaire. 

{^)  MAnie  cartulaire. 

(i)  Arch.  (Icp.,  G,  G.  *S1± 

(5)  Arch.  inun.^  A.  A.,  10c  carton^  lr«  liasse. 


1460  CHAPITRE  XIII.  57 

par  le  feu  pendant  la  guerre  des  anglais.  Ces  moulins 
appartiennent  à  la  chapelle  du  roi  ou  chapelle  des 
Saints- Michel  et  Maurice  en  Téglise  de  St-Etienne.  Le 
18  août  1457,  la  place  où  étaient  assis  deux  moulins, 
l'un  à  blé  et  l'autre  à  papier,  est  accensée  moyennant 
quatorze  livres  par  an  fl).  Peu  de  temps  après,  les  mou- 
lins sont  reconstruits  et  leurs  détenteurs  font  régler  avec 
le  fermier  de  St-Quentin  Jean  Lebey  ou  Lebcr,  la  distri- 
Iribution  des  eaux  qui  se  réunissent  dans  deux  biefs 
supérieurs,  dépendant  des  fossés  de  la  ville  et  qui  sont 
établis  à  des  niveaux  différents.  Ce  règlement  qui  dura, 
de  1460  €^  1473,  régla   ces   niveaux  et  alors  fut  édifiée 

la  vanne  dite  du  pouce,  le  bief  des  moulins  brûlés  devant 
à  celui  de  St-Quentin,  un  pouce  d'eau  dans  des  condi- 
tions déterminées.  Les  Moulins-Brûlés ,  occupés  par 
Pierre  Truchot,  font  de  la  farine  et  du  papier. 

Le  chapitre  de  St-Pierre,  propriétaire  du  moulin  de 
Jaillard  et  les  chanoines  de  Notre-Dame  de  derrière  de  la 
collégiale  de  St-Etienne,  propriétaires  de  celui  deMeldan- 
çon,  règlent  leurs  droits  sur  les  eaux  du  bief  commun  à 
ces  deux  usines.  Le  premier  de  ces  moulins  n'avait  que 
trois  tournants,  ce  nombre  est  porté  à  quatre  et  Mel- 
dançon,  qui  n'en  a  qu'un,  est  autorisé  à  en  établir  deux 
et,  si  l'un  ou  l'autre  moulin  n'a  pas  de  travail,  il  devra 
tenir  ses  vannes  baissées,  sous  peine  de  vingt  cinq  sous 
d'amende. 

L'industrie  se  développe  et  les  usines  ont  besoin 
d'être  réglées  dans  leurs  droits  sur  les  cours  d'eau  qui 
les  alimentent.  Les  travaux  d'art  utiles  à  tous  ou  au  plus 
grand  nombre  sont  réparés  et  la  part  conlributoire  de 
chacun  est  tlxée.  Le  partage  des  eaux  à  la  grande  pointe 
de  Sl-Julien  a  été  régularisé.  L'entretien  des  vannes 
tranchines  a  été  fixé  à  vingt  sous  par  an  et  par  roue, 
établie  depuis  ce  lieu  jusqu'aux  moulins  de  Fouchy. 

(1)  Arch.  dép.,  /.  de  SUEtienne.  Inv.  des'prUriléges,  p.  63. 


58  HISTOIHE  DE  TROYES.  a^ 

Le  8  août  1463,  le  bailliage  fixe  la  part  des  usines 
jouissant  do  Tenu  pénétrant  en  ville  par  le  canal  de  la 
Planche  -  Clénnent,  dans  les  réparations  du  déversoir  et 
du  travail  d*art  qui  nivelle  celte  dérivation.  La  ville  en 
supporte  un  tiers  ;  le  chapitre  de  Sl-Pierre,  pour  les  mou- 
lins de  la  Pielle  et  de  Jaillard,  le  second  tiers  ;  le  cha- 
pitre de  St-Etienne,  seigneur  de  cette  partie  de  la  ri- 
vière, les  moulins  de  la  Tour  et  de  Meldançon,  pour  le 
troisième  tiers  ;  le  chapitre  de  St-Pierre  se  trouva  trop 
chargé,  mais  le  bailliage  maintint  sa  résolution. 

Bien  que  le  l^*r  septembre  1467,  il  y  eût  un  nouveau 
règlement  entre  les  Moulins-Brûlés  et  ceux  de  St- Quen- 
tin sur  le  partage  des  eaux  de  leurs  biefs  en  partie  com- 
muns, le  10  septembre  1473,  une  sentence  arbitrale 
rendue  par  Nicolas  Mauroy ,  lieutenant  général,  Jean 
Mauroy  ,  avocat  du  roi  ;  Nicolas  Lemuet  ,  Guillaume 
Huyart,  Simon  Liboron  ,  Licencié-ès-lois,  Simon  Maret, 
receveur  du  domaine  et  Pierre  Drouot,  praticien  en  cour 
laie  «  arbitres  arbitrateurs  et  amiables  appaisanteurs  » 
choisis  par  c  Jean  Leber  »  papetier  et  Claude  de  Bour- 
mont,  Prieur  de  St-Quentin,  d'une  part,  et  Pierre  Truchot, 
papetier,  fermier  des  moulins  de  Chaillouet,  d'autre  part. 
Les  arbitres  constatent  qu'en  exécution  c  de  lettres 
royaux  >  et  par  appointement  au  bailliage  du  27  mars 
1463,  avant  Pâques,  il  a  été  construit  une  éclusû  et 
c  liveau  d*eau  >  là  où  autrefois  il  y  avait  écluse  c  defago- 
tis  >  pour  diviser  les  eaux  entre  les  deux  moulins  et, 
dans  récluse,  une  tanne  pour  passer  les  bateaux  et  les 
nacelles;  que  par  sentence  bailliagère  du  16  octobre 
1 467,  ces  écluses  et  vannes  avaient  été  abaissées  de  trois 
doigts. 

Les  arbitres  décident  que,  depuis  le  jour  de  la  Madeleine 
jusqu'à  la  St- Martin  d'hiver,  le  moulin  de  St-Quentin 
aura  droit  à  un  pouce  d'eau  sur  ladite  vanne  et  tout  le 
long   d'icelle  qui  a  onze  pieds  et  demi  et  deux  doigts, 


XV  8.  CHAPITilE  XIU.  59 

au  pied  de  roi  entre  les  deux  poteaux  ou  aiguilles,  cha- 
cun pouce  faisant  la  onzième  partie  d'un  pied,  au  pied 
du  roi,  à  la  mesure  de  Troyes  et  dont  les  onze  font  le 
tout,  pardessous  la  dite  vanne  et  sur  le  sureau  desdites 
vanne  et  écluse  :  ce  sureau,  demeurant  dans  son  état 
alors  actuel  et  sans  que  Tune  ou  l'autre  des  parties  puisse 
le  hausser  ou  abaisser  (1). 

La  navigation  de  la  Seine  et  de  la  Barse  est  toujours 
en  activité.  En  1446,  les  bateaux  fréquentent  le  Canal 
ou  fossé  de  la  ville  près  du  t  bourg  St-Jacques  (2).  >  En 
1449,  le  Prieur  de  St-Abrahani  de  Troyes,  est  condamné 
à  laisser  libre  une  ouverture,  dans  les  vannes  du  moulin 
de  ia  Brosse,  à  Montaulin,  affectée  au  passage  des  ba  • 
teaux.  En  1457,  la  Barse  a  son  port  au-delà  c  du  bourg 
St-Jacques.  t  La  ville  fait  mettre  en  état  les  vannages  des 
moulins  de  Baire  et  de  la  Brosse,  pour  faire  passer  les 
bateaux  et,  t  cette  année,  la  rivière  de  Barse  a  porté 
bateaux  qui  ont  amené  grande  quantité  de  bois  (3).  > 

L'art  de  la  métallurgie  était  pratiqué,  au  XY^  siècle, 
aux  environs  de  Troves.  On  le  trouve  en  exercice  à  Yen- 
deuvre  et  dans  la  contrée  d'Othe. 

Le  procédé  dit  catalan  dut  cesser  d'être  mis  en  usage, 
dans  cette  contrée,  vers  le  milieu  ou  dans  la  dernière 
moitié  du  XYc  siècle.  Les  comptes  du  domaine  d'Aix-en- 
Othe  ne  mentionnent  plus  les  revenus  àxxviineroy.  Les 
éléments  primitifs  ne  font  pas  défaut,  ce  sont  les  méthodes 
nouvelles  qui  tuent  les  anciennes,  ce  sont  les  forges  à 
l'eau  qui  tuent  les  forges  à  pied. 

On  connaît,  dans  les  cantons  d'Aix  et  d'Estissac,  qua- 
Ires  forges  à  l'eau,  deux  dans  chaque  canton  ;  au  canton 
d'Aix,  1"  à   Cosdon,  commune  de   Paisy,  sur  la  Yanne; 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  A.  A.,  carton  29  et  anc.  f.  —  Arch.  de 
Bourgogne.  Abbaye  de  Molên^ey  Prieuré  de  St-Quentin  de  Troyes. 

(2)  Arch.  dép.,  G.  305. 

(3)  Arch.  mun.,  B.,  Comptes  des  deniers  communs. 


60  USTOniE  DE  TBO^'BS.  xr*& 

cette  usine  parait  iMre  en  activité  en  1 480  ;  son  emplace- 
ment sur  la  Vanne  est  marqué  par  les  nombreuses 
scories  laissées  sur  place,  en  face  de  la  ferme  de  Cosdon; 
—  â<»  au  moulin  de  Chéseau .  commune  de  Sainl-Mards. 
Celle-ci  est  mentionnée  en  15:20.  sous  le  nom  de  /m- 
doirt  ou  fondoirit. 

Elle  est  assise  sur  le  ruisseau  de  la  Nosle. 

Dans  le  canton  d'Estissac ,  la  première  était  celle  de 
Vollecon  ,  aujourd'hui  ferme  de  Volcon  ,  située  sur  le 
ruisseau  de  TAncre  ,  entre  Chennecr  et  Thuisv  ;  la  se- 
conde  était  au-dessous  de  ré^rlise  de  Saint-Liébaull  (au- 
jourd'hui Estissac}.  Elle  serait  remplacée  par  un  moulin. 
Cette  contrée,  ou  plutôt  ce  quartier  du  Tilla|;e.  esl  nom* 
mée  la  Fin^f-à-CEam, 

Ces  quitre  foi^s  à  Teau  parais^nt  avoir  cessé  d'exis- 
ter dans  le  premier  quart  du  XVk  siècle ,  comme  celle 
de  Vendeuvre, 

D'anciens  dè|HMs  de  laitiers  ou  scories  existent  sur  les 
territoires  d\\ix-en-Othe.  de  l^int-ilards,  de  Villemoifon, 
de  Paisy-Cosdo:\  de  Xo^nt-en-Olhe,  de  Maraye,  d'Es- 
tissac .  de  Chenne^* .  de  Bervvnay .  de  Vauchassis ,  de 
Voscon.  de  Chamoy,  de  Sdint-PhaK  de  )loat|rueux,  de 
l^ni^v ,  des  l>TerTe\,  de  Pou\ .  de  ilarciitv4e-Haver  et 
des  nombreux  hameaux  de  ces  communes.  Si  ces  dépMs 
tvnt  er.nent  les  résidus  d'exploitations  du  moyen  ige, 
lis  rem.^n:eni  aussi  aux  temps  les  plus  reculés  (I). 

Les  ar^s  coninienoent  i  reraniîîrv  à  Troyes.  Léglise 
•îr  Sî-Perre.  en  HôO.  rvprend  ><^s  ^nds  travaux  de 
ruj^v r.nere.  On  c\-r.î:!u:e  îa  nef.  Il  ne  s<ra  travaillé  aux 
a -5rï>  e^îses  de  Tn>\es  ^ue  beiiuvuj^  p!u>  tard,  et  ceux 
<ie  îj  ca-htdrjiie  furent  întem>îupus  ;^&danw  une  partie 
i=i  >-ÇT:e  de  Lci:î>  \K  alor?  qu'il  i^^îaùie  sur  les  confins 
ie  ia  Chjkmpague  et  de  la  Bourçv^e. 


XV  s.  CHAPITRE  XIII.  61 

A  travers  les  péripéties  que  la  guerre  amène  avec  et 
après  elle,  la  société  continue  sa  noarche  vers  la  liberté, 
ou  tout  au  moins  vers  une  servitude  de  moins  en  moins 
oppressive.  Chaque  jour,  tombent  des  liens  qui  attachent 
les  serfs  aux  lieux  qui  les  ont  vu  naître.  Les  affranchis- 
sements se  continuent  et  les  anoblissements  se  multi- 
plient. La  coutume  de  Champagne,  favorable  à  la  no- 
blesse utérine  et  à  la  noblesse  marchande,  se  fortifie 

A  quelques  lieues  de  Troyes  existe  le  groupe  des  vil- 
lages de  Chausson,  des  Grandes  et  des  Petites-Chapelles, 
colonie,  fondée  au  point  de  partage  des  vallées  de  la 
Seine  et  de  la  Barbuise,  et  favorisée  par  le  Chapitre  de 
St-Pierre  de  Troyes  et  Tabbaye  de  Montier-la-Celle,  qui, 
indivisément,  possèdent  leurs  seigneuries.  Les  droits  de 
ces  deux  corporations  ecclésiastiques  sont  limités.  En 
1454,  ceux  de  Tabbaye  sont  assis  sur  les  habitants  de 
Chausson.  Plusieurs  hommes  ou  femmes  de  cette  mairie 
se  sont  réfugiés  à  Feuges ,  à  Vailly,  à  Luyères  et  autres 
villages  voisins.  Ces  gens  n'en  sont  pas  moins  main- 
mortables  en  faveur  de  Tabbaye,  comme  ceux  qui  ont 
conservé  leur  demeure  à  Chausson ,  pour  leurs  meubles 
seulement,  mais  ils  deviennent  mainmortables  pour  leurs 
immeubles,  s'ils  habitent  Troyes.  En  1454  ,  Tabbaye 
accorde  aux  gens  de  la  seigneurie  de  Chausson  de  ne 
payer,  pendant  huit  ans,  que  la  moitié  d'un  boisseau  de 
grain,  au  lieu  du  boisseau  dA  auparavant. 

Avant  1425,  les  habitants  de  la  t  ville  de  Montier-la- 
Celle  »  ne  pouvaient  avoir  de  four  pour  cuire  tartes, 
pâtés  et  gâteaux.  Cette  permission  leur  est  accordée 
moyennant  2  s.  6  d.  t.  de  rente  annuelle  et  avec  dé- 
fense de  pouvoir  y  faire  cuire  du  pain  ou  toute  autre 
pâte  levée. 

Le  Chapitre  de  St-Pierre  ne  pouvait  recevoir,  parmi 
ses  membres,  des  gens  de  serve  condition.  En  1431,  le 
Pape  Eugène  IV  adresse  à  Févôque  de  Troyes  une  bulle 


62  HISTOfllE  DE   TROYES,  XV»S. 

par  laquelle  il  le  ppie,  ainsi  que  le  Chapitre,  de  recevoir 
Jacques  Vitlain  au  canonicat,  quoiqu'il  soit  de  condition 
serve.  L*évêque  ne  fit  aucune  difficulté ,  mais  le  doyen, 
Jean  Pougeoise,  s'y  opposa.  Néanmoins,  la  bulle  du  Pape 
reçut  son  exécution.  En  1435,  sur  la  demande  de  Vé* 
vêque,  le  Chapitre  de  St-Pierre  accorda  la  franchise  à 
Jean  le  Roucherat  et  à  toute  sa  famille.  Il  fui  sans  doute 
la  tige  de  la  famille  troyenne  de  ce  nom,  alliée  à  celle 
de  Mole  et  qui  devait  donner  un  chancelier  de  France  à 
Louis  XIV.  L'évéque,  Etienne  de  Givry,  avait  affranchi 
les  familles  Bareton  et  Pougeoise,  qui,  toutes  deux, 
alliées  à  celle  do  Léguisé,  furent,  comme  celle-ci,  ano- 
blies par  Charles  Vil  (1). 

Le  roi  et  Tévêque  possèdent,  à  Troyes  et  dans  le  dio- 
cèse, un  certain  nombre  de  familles  serves,  qui  s'allient 
entre  elles.  Le  partage  des  enfants,  même  mariés,  avait 
eu  lieu  en  4375  et  en  1404.  Sans  doute,  en  raison  des 
guerres^  ces  partages  furent  suspendus  pendant  longues 
années.  Ils  furent  repris  vers  1460  et  durèrent  plus 
de  six  ans,  et  ce  ne  fut  pas  sans  difficultés.  Le  roi  a  on 

agent  spécial,  Jean  Leroi ,  qualifié  de  commissaire  sur  le 
fait  des  partages  des  hommes  et  des  femmes  entre  le  roi  et 
Vévêque  de  Troyes,  Après  de  nombreuses  enquêtes ,  le 

Parlement  statua  sur  les  différends  soulevés  (2). 

(1)  Voir  Généalogie  de  la  famille  Hennequin,  déjà  citée. 

(2)  Arch.  dép.,  f.,  de  TEvéché,  G.  480.  —  Vallet  de  Viriville. 
Areh.  hist.  de  VAube,  p.  192,  493. 

Le  commissaire  royal  établit  que  ces  partages  s*opéraieiit  de  la 
manière  suivante  : 

«  C'est  assavoir  que  quant  ung  homme  tout  le  roy  se  conjoint  par 
mariage  avec  une  femme  toute  de  la  condition  ou  servitude  de  Té- 
vesque  vel  è  contra  Thomme  de  condicion  ou  servitute  fout  Téve»- 
que  avec  la  femme  tout  le  roy,  la  lignée  ou  postérité  qui  descend  de 
telz  mariages  est  commune  ot  partable  par  moitié  entre  le  roy  et 
l'évesque  et  subjectes  aux  jurées  du  roy  et  aux  tailles  et  autres 
servitutes  Tévesque  a  chascuo  pour  telle  pdrcion  comme  la  personne 
lai  appartient  ;  lesquelles  jurées  et  tailles  sont  d'une  mesm«  limita- 
tion c'est  assavoir  de  2  d.  t.  pour  livre  du  vaillant  du  meuble  et  de 


XV*  s.  CHAPITRE  XHl.  69 

En  1447,  le  Chapitre  de  St-Pierre  et  Tabbaye  de  Mon- 
tier-la-Gelle  avaient  procédé  à  ur>  même  triage  dans 
leur  seigneurie  indivise  du  village  des  Noës,  près  Troyes. 

D'après  les  nombreux  documents  qui  attestent  Texis- 
tence,  en  Champagne,  de  la  noblesse  utérine,  on  peut 
être  étonné  de  la  voir,  depuis  quelques  années,  assez 
maltraitée.  Il  y  a  lieu  de  dire  quelques  mots  sur  cette 
noblesse,  nous  réservant  de  nous  en  occuper  encore 
lors  de  la  rédaction  et  de  la  publication  de  la  coutume 
du  bailliage  de  Troyes.  La  discussion  s'étant  établie  sur 
le  principe  lui-même  et  non  à  l'occasion  de  quelques 
familles. 

En  1431,  la  question  fut  soulevée  entre  le  procureur 
du  roi,  dans  l'intérêt  du  Trésor,  contre  François  do  la 
Garmoise  ,  Henriette  de  Lintelles,  sa  femme  ;  Jacquinot 
Philippe  et  Catherine  de  la  Garmoise,  femme  de  celui-ci. 
Une  sentence  du  bailliage  de  Troyes,  rendue  le  l^r  avril, 
déclare  François  de  la  Garmoise  et  sa  sœur  Catherine, 
nobles  à  cause  de  Jeanne,  leur  mère,  tille  de  François^ 
Jacques  et  veuve  de  Pierre  de  la  Garmoise,  et ,  comme 
teb,  tous  les  quatre  exempts  du  droit  de  jurée. 

En  1440,  une  sentence  du  bailli  de  Troyes,  agissant 
en  qualité  de  commissaire  royal,  est  encore  plus  expli- 
cite en  faveur  d'Oudinot  de  Dijon.  Après  plusieurs  ea- 
quètes,  dans  lesquelles  sont  entendus  conseillers,  avo- 

4  d«  I.  pour  IWrc  do  vaillant  de  rimmeuble  et  se  perd  et  eataint  la 
dite  condition  ou  aervitute  Tévesque»  par  continuation  de  telz  ma- 
riages par  descente  de  cinq  degrés,  c'est  assavoir  du  tout  en  la 
moitié,  de  la  moitié  au  quart,  du  quart  au  demi-quart,  du  demi- 
quart  au  seizième,  et  du  seizième  au  trente-deuxième  ,  et,  aud. 
trente-deuxième,  prend  fin  ladite  condicion  ou  servitute  Tévesque  et 
deTient  I*bomme  ou  femme  descendant  du  XXXII^,  tôt  ou  toute  le 
roy.  Comme  si  Tomme  tout  le  roy  prent  femme  demye  Tévesque,  )a 

lignée  est  pour  trois  quarts  le  roy  et  un  quart  levesque 

et  finalement  si  Tomme  tout  le  roy  prent  femme  pour  un  trente- 
deuxième  Tévesque,  la  lignée  qui  en  descend  est  toute  le  roy^  et 
prend  fin  ladiU  senritude  aad.  XXXII«.  •  (G.  48(K) 


6i  HISTOIRE  DE  TROYES.  xv  S. 

cals  cl  prolicicns,  il  est  jugé  que  «  le  fruit  et  les  enfants 
»  issus  d'homme  non  noble  et  de  femme  noble,  ensui- 
»  vent  et  doivent  ensuivre  le  noble  côté,  et  jouissent  et 

>  doivent  jouir  du  privilège  de  noblesse,  supposé  que  le 

>  père  ne  soit  noble.  »  Puis  le  bailli,  allant  au  delà  de 
la  contestation,  décide  par  voie  de  règlement  que  •  do- 
»  rénavant  par  le  procureur  du  roi ,  ni  par  ses  succès- 
»  seurs,  ne  serait  plus  nyée  icelle  coutume,  et  ainsy  le 
»  défendit-on  audit  procureur  »  (1). 

Dans  la  mt^me  année,  la  question  soumise  de  nouveau 
au  même  commissaire  royal,  est,  pour  Colinet  de  Bury, 
résolue  dans  le  même  sens  (2). 

Ëntr'autres  anoblissements  dont  certaines  familles 
furent  honorées  par  Charles  VU,  et  notamment  celles 
des  Léguisé,  des  Pougeoise,  des  Bareton,  etc.,  il  en  est 
un  qui  honore,  non  la  ville,  mais  le  bailliage  et  Tancien 
diocèse  de  Troyes. 

Au  XVtî  siècle,  vivait  à  Thaas,  et  dans  une  certaine 
aisance,  une  famille  Bureau,  originaire  de  Semoine ,  vil- 
lage voisin.  Son  dégagement  des  liens  de  la  servitude 
n'avait  rien  de  certain.  Le  doyen  de  Gaye  prétendait  que 
Jean  Bureau,  placé  dans  Tadministration  de  Charles  VII 
à  côté  de  Jacques  Cœur,  chef  alors  de  sa  famille ,  était 
son  homme  de  corps. 

Après  que  Jean  et  Gaspard  eurent  rendu,  dans  Tar- 
tillerie,  d'éminents  services  à  Charles  VU,  le  roi  voulut 
les  anoblir.  Tous  deux  prétendaient  à  des' droits  anciens 
et  contraires  à  ceux  du  doyen  de  Gaye.  Celui-ci  soutint 

(1)  En  1469,  ceUe  sentence  fut  déposée^  par  copie  authentique, 
entre  les  mains  du  Procureur  de  la  ville,  afin  d*y  avoir  recours  au 
besoin.  Cette  copie  fut  payée  par  la  ville.  (Voir  Arch.  mnn.,  n.  f., 
série  B,  n*-'  25,  la  mention  de  paiement  où  est  rapporté  le  passage 
de  la  sentence  ci-dessus  cité.) 

(2)  PiTifou.  Coutumes  du  hailliaye  de  Troyes.  —  Lk  Roque. 
Traité  de  la  noblesse.  —  6rosley.  Recherches  sur  la  nohleêse  u(é- 
rine  de  Champagne. 


\U1  CHAPITRE  XIII.  65 

que  Jean  Bureau  était  homme  de  corps  et  de  serve 
condition  de  son  église,  à  cause  de  sa  mère  Pour  prou- 
ver le  contraire  et  établir  que  leur  race  n  était  pas  seu- 
lement franche,  mais  noble ,  Jean  Bureau  allégua  deux 
motifs  :  le  premier,  sur  ce  que  son  père,  Jean  Bureau,  de 
Thaas,  était  communément  vêtu  de  robes  à  lambeaux 
ou  en  échiquier  et  en  habit  de  gentilhomme  ;  le  second, 
sur  ce  que  Jean  Bureau ,  père ,  eût  quatre  fils  et  une 
fille;  celle-ci,  nommée  Perrette  et  mariée  à  Jean  Legros. 
A  son  mariage,  Perrette  avait  été  portée,  sur  une  civière 
et  un  fagot  d'épines  et  de  genièvre,  au  moutier(5réglise), 
comme  genlillefemme  ;  que  le  jour  de  son  mariage,  elle 
parut  en  chef  (en  voile),  et  qu'elle  fut  épousée  devant  le 
crucifix  en  Téglise  de  Semoine.  Le  lendemain  de  ses 
noces,  elle  fut  de  nouveau  portée  sur  la  civière  avec 
fagots  d'épines  et  de  genièvre,  coiîime  on  a  coutume  de 
le  faire  d'ancienneté  pour  les  gentilshommes  et  gentilles- 
femmes  du  pays;  ce  qui  ne  se  fait  point  pour  ceux  qui 
ne  sont  pas  nobles ,  encore  qu'ils  soient  franches  per- 
sonnes. Les  épousées,  non  nobles  du  pays,  sont  menées, 
le  jour  de  leurs  noces,  avec  leurs  chaperons,  sans  être 
en  chef  ou  munies  de  voile  ;  on  les  épouse  à  la  porte  de 
l'église,  et,  le  lendemain,  elles  ne  sont  point  portées  sur 
la  civière  (Ij. 

L'enquête  prouva  en  faveur  de  la  famille  Bureau.  En 
octobre  1447,  Charles  VU  reconnut  la  noblesse  de  cette 
famille  t  comme  étant  venue  et  attraite  de  noble  lignée 
et  être  noble  (2).  »  Jean  et  Gaspard  Bureau  furent  donc 
reconnus  nobles  et  de  noble  hgnée  (3). 

(1)  La  Roque.  Traité  de  la  noblesse ^  p.  165. 

(2)  Voir  ces  lettres  dans  M.  A.  de  Barthélémy.  Recherches  sur 
la  noblesse  maternelle,  1861,  A.  Aubry. 

(3)  Jean  Bureau  est  commissaire  au  Ghfttelet  de  Paris,  en  1425; 
maître  de  TartiHerie,  en  1439;  trésorier  de  France,  en  1443;  re- 
connu noble,  en  1447;  en  1450,  trésorier-général  de  la  généralité 
d'Outre-beinej et  Yonne;  maire  perpétuel  de  Bordeaux ,  en  1451; 

tti.  5 


i 


66  IIISTOIKË   DE   TKOYES.  fUI 

Une  autre  illustration  de  cette  époque  appartient 
eocore  au  bailliage  de  Troyes  :  c'est  Jacques  Coeur, 
Tarçentier  de  Charles  VU.  Parmi  les  nombreuses  sei- 
gneuries qu'il  possédait,  se  trouvaient  celles  de  SU 
Maurice-en-Thirouaille  et  celle  de  l'ancien  manoir  de 
la  Coudre,  comprises  dans  celle  de  La  Ferté-Loup* 
tière  fl). 

Geoffroy  Cœur,  frère  de  Jacques,  de  quatre  enfants  ne 
conserva  que  deux  filles,  qui  eurent  postérité.  Marie 
épousa  Eustache  Luillier,  et  Germaine,  Louis  de  Harlay, 
qui,  tous  deux,  devinrent  seigneurs  dans  le  bailliage  de 
Troyes  (2).  —  Geoffroy  Cœur ,  fils  de  Jacques ,  épousa 
Isabeau  Bureau  (3). 

Uepuis  plusieurs  années,  la  guerre  n'a,  en  Champagne, 
que  de  lointains  échos.  La  guerre  ,  portée  jusqu'en 
Guyenne,  ne  trouve  dé  souvenirs,  à  Troyes,  que  par  les 
processions  et  les  actions  de  grâces  dont  le  succès  sur 
les  Anglais  est  la  cause.  Le  Bordelais,  puis  Bordeaux  se 
rendent  et,  bientôt  après,  se  répand  le  bruit  de  la  mort 
de  sire  Talbot  et  do  son  fils  et  de  la  détrousse  de  leurs 


chambellan  de  Louis  XI,  et  fait  chevalier  le  48  août  i46i ,  ausntAt 
après  le  sacre  de  Louis  XL  11  mourut  en  1463.  —  Ses  armes  étaient 
d'azur  au  chevron,  potence  et  contrepotencé  d'or;  rempli  de  sable , 
accompagné  de  trois  buires  d'or  :  2  en  chef  et  1  en  pointe.  —  On 
sait  que  les  potences  contrepotencées  sont  les  pièces  principales  de 
Técu  de  Champagne. 

Gaspard  Bureau  fut  aussi  maître  de  Tartillerie.  En  1469,  il  jouis- 
sait encore  de  sa  charge.  II  n'aurait  pris  la  qualité  de  chevalier 
qu'en  1464.  —  P.  Anselme.  Hiat,  généal.  de  la  Maison  de  France, 
Grands-Maîtres  de  Vartillerie, 

(1)  De  cette  dernière  relevaient  19  ûefs  ou  hameaux.  Elles  faisaient 
partie  de  l'ancien  bailliage  de  Troyes,  dont  elles  furent  distraites,  en 
1638,  pour  les  placer  dans  le  ressort  de  celui  de  Montargis. 

(i)  Mémoire  sur  Jacques  Cœur ,  et  actes  de  son  procèe.  Ëd.  da 
Panthéon  littéraire,  p.  576. 

(^;  GoDEFROY.  Hist.  de  Charles  Vlly  p.  872.   La  statue  dlsabetu 
Bureau  provenant  de  son  tombeau  figiu*e  dans  les  galeries  de  Ver 
Bailles 


1111  CHAPITRE  xni.  67 

compagnons  d'armes  (1)  en  juin  et  juillet  li53.  Déjà,  en 
1451,  la  première  soumission  de  celte  province  avait 
donné  lieu  à  des  fêles,  pendant  lesquelles  on  représenta 
une  moralité  à  personnages  (2). 

Pendant  la  période  de  1435  à  1461,  du  traité  de  paix 
signé  à  Arras  à  la  mort  de  Charles  VII,  arrivée  le  22  juillet 
1461,  les  fortunes  particulières  commencent  à  se  rétablir, 
le  calme  se  fait  dans  les  esprits.  L'administralion  s'orga* 
niae  sur  de  nouvelles  bases,  dans  toutes  ses  parties.  L'art 
de  la  guerre,  la  police  militaire,  Torganisation  de  Tarmée, 
les  finances,  la  justice  se  modifient.  Ce  changement 
heureux,  qui  s'opère  pendant  la  paix,  n'est  pas  limité  à 
Tadministration  royale.  Le  clergé  lui-môme  cède  au 
courant  et,  avec  sagesse,  il  abandonne  des  coutumes 
surannées,  des  usages  devenus  ridicules.  Il  réforme  ses 
mœurs.  L'administration  de  la  cité  suit  la  même  voie. 
Son  Conseil  devient  permanent,  bientôt  il  va  changer  de 
base,  devenir  une  institution  royale  sous  le  nom  d'Eche- 
vinage,  et  perdre  une  partie  de  son  indépendance.  Les 
habitants  de  Troyes  ne  sont  plus,  comme  autrefois, 
chaque  jour,  sur  les  remparts.  Ils  restent  dans  leurs 
ateliers  ou  dans  leurs  magasins,  se  livrent  aux  travaux 
de  leurs  métiers  ou  de  leur  négoce.  La  garde  de  la  ville 
est  confiée  à  dix  francs-archers,  soldés  sur  les  deniers 
communs;  les  écoles  reçoivent  de  nouveaux  règlements 
et  sont  plus  fréquentées  que  par  le  passé,  et,  si  les  tra^ 
vaux  des  fortifications  ne  sont  pas  entièrement  suspen- 
dus, ils  n'ont  plus  cette  activité,  que  de  fréquents  et 
éminents  périls  leur  donnaient  autrefois. 

De  cette  époque  date  la  Renaissance,  non  que  les  bril- 
lants travaux  qui  la  caractérisent  de  nos  jours  comment 

(1)  Arch.  dép.,  /*.  de  St-Eiienne,  6.,  G.  381,  882. 
(t)  Arch.  mun.,  n.  f.,  B.  15.  ^  A  Coxnpiègne,  on  joua  :  La  Des*  . 
fihire  de  TalboU 


68  IlISTOilli:    DE   TROYBS.  146I 

cent  à  s'exécuter.  Non,  la  ville  de  Troyes  n'est  pas  encore 
arrivée  à  celte  époque  florissante  pour  elle  comme  pour 
toute  la  France,  quoiqu'à  partir  de  4450,  les  travaux  de 
la  cathédrale  soient  repris.  Avant  vingt  ans,  elle  touchera 
à  cette  belle  époque  de  Thistoire  de  Thumanité.  Aupa- 
ravant, il  faut  effacer  les  dernières  traces  de  la  guerre 
de  cent  ans  et  laisser  s'accomplir,  par  les  armes  et  la 
politique,  la  réunion  de  la  Bourgogne  à  la  France  : 
époque  fort  douloureuse  encore  pour  la  Champagne.  Il 
faut  que  chacun  répare  ses  pertes,  se  crée  des  ressour- 
ces, par  cette  économie,  native  chez  l'homme,  et  dont 
les  produits  ne  sont  que  la  juste  récompense  du  travail 
et  de  l'ordre.  Celte  économie  constitue  les  ressources 
dont  l'ensemble  donne  ce  bien-être,  cet  excès  de  bien- 
être  qui,  avec  le  calme,  avec  le  repos  de  l'esprit,  précède 
toutes  les  époques  où  les  arts,  les  sciences  et  les  lettres 
occupent  une  large  place  dans  l'activité  humaine:  chose 
impossible  ,  quelle  que  soit  la  volonté  d'un  souverain , 
d'un  chef,  d'un  maître,  si  cette  économie  de  tous  ne 
vient  satisfaire  h^s  besoins  matériels  de  tous,  au  moins 
du  plus  grand  nombre.  Pour  arriver  à  la  renaissance 
dans  les  arts  et  dans  les  lettres,  il  a  fallu  passer  par  une 
sage  réforme  apportée  dans  les  relations  sociales,  élai^ir 
aussi  les  liens  de  Tancienno  servitude ,  développer  le 
travail  et  augmenter  les  rapports  commerciaux  et  les 
porter  au  loin,  par  de  nouveaux  procédés,  par  de  nou- 
veaux moyens.  Pour  voir  apparaître  l'influence  bienfai- 
sante des  arts ,  pour  constater  l'emploi  de  l'ingénieuse 
invention  de  Gutlemberg,  à  Troyes,  il  faut  qu'il  s'accom- 
plisse encore  environ  un  quart  de  siècle,  et  ces  années 
seront  remplies  de  vicissitudes,  d'inquiétudes  et  de  tour- 
ments. Louis  XI  ne  laissera  qu'à  peine  respirer  la  popu- 
lation champenoise ,  et  bientôt  il  s'en  servira  et  usera 
les  ressources  de  cette  population  pour  conquérir  les 
frontières  do  la  Bourgogne,  et  faire  disparaître  les  limites 


1461  CHAPITRE  XIII.  69 

féodales  qui  la  séparent  de  la  Champagne.  Il  arrivera  à  ce 
résultat,  mais  que  de  peines  et  que  de  soucis  pour  les 
habitants  de  Troyes,  qui  porteront  leur  influence  depuis 
le  Nivernais  jusque  dans  la  Comté.  Si  les  Troyens  furent 
dévoués  à  Fidée  de  réunion  de  la  Bourgogne  à  la  France, 
on  peut  croire  qu'en  faisant  tomber  les  barrières  de  cette 
grande  province,  si  proches  de  leurs  remparts,  ils  agis- 
saient aussi  dans  leur  intérêt  personnel  et  dans  celui  de 
leurs  relations  commerciales,  si  souvent  troublées,  avec 
les  Bourguignons  :  relations  qui  allaient  s'étendre  et  se 
développer  avec  plus  de  liberté  et  d'indépendance. 

Les  œuvres  de  la  Renaissance  ne  commenceront  à  se 
faire  voir,  en  Champagne,  qu'après  la  mort  de  Louis  XL 
Alors  commencera  à  se  faire  sentir  l'influence  des  études 
de  l'antiquité.  L'Italie  nous  enverra,  aussitôt  après  les 
premières  guerres,  ses  modèles,  qui  se  refléteront  par- 
tout, dans  les  beaux-arts,  dans  les  lettres,  qui  passeront 
dans  le  langage,  et  dont  les  souvenirs  se  conserveront 
jusqu'à  nous  et  dans  les  siècles  futurs ,  avec  la  plupart 
de  DOS  monuments  de  la  fin  du  XV^  et  du  commence- 
ment du  XVIe  siècle. 


CHAPITRE  XIV 


De    «Juillet    llOl     h    @epteiiil>re    141S3 


SOMMAIRE  : 

Avènement  de  Louis  XI.  —  Relations  du  /oi  avec  les  Troyens.  — 
Délimitation  de  Télection  de  Troyes  et  du  comté  de  Bar-sur- 
Seine.  —  Cloche  du  Beffroi  ;  elle  pèse  30,000  livres.  —  Con- 
vocation, à  Troyes ,  des  gens  des  Trois-Etats  d'Outre-Seine  et 
Yonne.  —  Des  droits  de  chasse  appartenant  aux  Troyens.  — 
24  lances  fournies  en  garnison  à  Troyes.  —  On  se  prépare  à  la 
guerre  ;  on  fabrique  des  armes.  —  Reconstruction  de  la  porte  de 
St-Jacques,  dite  Porte  dorée.  —  Ligue  du  Bien  public.  — 
Pierre  de  Dinteville,  envoyé  à  Troyes.  —  Bataille  de  Mont- 
Ihéry  ;  Lettre  du  roi  à  ce  sujet.  —  L'armée  du  duc  d^Calabre 
à  RameiTipt  et  dans  les  environs  de  Troyes.  —  Seconde  lettre 
du  roi  sur  la  bataille  de  Montlhéry.  —  Menées  ,  à  Troyes  , 
contre  Louis  XL  —  La  noblesse  du  bailliage  dispensée  du  ser- 
vice. —  M.  de  Chatillon,  gouverneur  de  Champagne,  à  Troyes. 

—  Apaisement  des  h(»stilités,  traité  de  St-Maur.  —  Lettre  de 
Louis  XL  —  Louis  de  Luxembourg,  gouverneur  de  Champagne. 

—  Rétablissement  de  la  Cour  des  Aides  ;  réintégration  de  Louis 
Raguier  dans  ses  fonctions  de  Président.  —  Privilèges  du  clergé 
pour  la  vente  de  son  vin.  —  L*évéque  de  Troyes,  ambassadeur 
à  Liège.  —  Réorganisation  de  la  compagnie  des  arbalétriers  ; 
reconstruction  de  leurs  buttes.  —  Puits  publics.  —  Lettre  de 
Louis  XI,  concernant  les  réformes  dans  l'administration.  — 
Assemblée  des  Trois-Etats  à  Tours  ;  la  ville  y  envoie  des  dépu- 
tés. —  Modifications  aux  statuts  des  bazaniers.  —  Statuts  des 
barbiers.  —  Le  barbier  du  roi  doit  un  armenac  aux  barbiers 
du  royaume.  —  De  la  grande  école.  —  De  la  peste.  —  Cou- 
tume binure  ;  Procession  du  dergè  de  St-Pierre  à  l'église  de 


73  HISTOIRE  DR  TROYES.  1451 

M-Martin-ès-\iî:nes.  —  Le  roi  donne,  en  apana{:e,  à  son  frère, 
la  i  hampagne  et  la  Drie,  puis  la  Guyenne,  en  échange  des  deux 
premières  provinces.  -  Lettre  <Ui  roi  à  Toccasion  de  la  paix 
faite  avec  son  frère.  —  Commissaires  royaux  envoyés  à  Troyeâ. 
—  Travaux  aux  fortifications.  —  Les  comptes  du  receveur  de  la 
ville  envoyés  à  Cliàlons  pour  être  examinés  — Création  de  l\Sche- 
vinage. — Lettres  royaux  de  mai  UTO;  les  assemblées  générales  des 
liabitants  sont  maintenues.  —  Les  douze  échevins  nomment  un 
président.  —  Par  ftrme  d'empinint,  le  roi  demande  i,ôOO 
éi-us  d'or  aux  Trovens.  —  Convocation,  à  Tours ,  de  notables 
bourgeois.  —  Le  duc  de  Bourgogne  fait  saisir^  en  Flandres, 
des  marchandises  appartenant  à  des  négociants  français.  — 
Mesures  prescrites  par  le  roi.  —  La  guerre  est  déclarée.  — 
Troyes,  centre  des  opiVations  militaires.  —  Travaux  des  fortifi- 
cations. —  M.  de  Chatillon ,  gouverneur  de  Champagne ,  com- 
mande l'armée  roj-ale.  —  La  Bourgogne  attaquée  du  côté  de 
Lan^rres  ;  les  gens  de  la  commune  de  Liège  réunis  à  Tarméc 
ri»>ale.  —  Succès  sur  les  Bourguignons.  —  Troyes  approvi- 
sionne l'armée  ro^•ale.  —  Menaces  contre  Bar-sur-Seine ,  atta- 
que  peu  après.  —  Siège  et  prise  du  château  et  de  la  ville  de 
Jonvelle.  —  Attaques  contre  la  Picardie.  —  Reprise  des  boûsti- 
lités  contre  le  Tonnerrois  et  le  Chatillonnais.  —  Montiéramev 

m 

pris,  au  nom  du  roi,  par  le  bailli  de  Ferette.  ~  Suppression  de 
l'échevinage  de  Troyes  :  Robert  d'Estouteville  et  Jean  Dijoine  à 
Troves.  —  Lettre  du  roi.  —  Menées  a  Troves,  contre  lui.  — 
Arbalétriers ,  refona  ition  de  leur  compagnie.  —  Inventaire 
d'armes  chez  les  habit rmls.  —  La  guerre  recommence  ;  nou- 
veaux succès  de  l'arm'';^  rovale,  sur  les  fr-intières  voisines  de 
Troves  ;  prise  de  Bar-sur-Seine,  etc.  —  Le  château  de  Ven- 
deuvre  résiste  aux  Bourguignons.  —  Le  duc  de  Bourgogne  et  le 
duc  de  Calabre  à  JuUy.  —  Coopération  des  Troyens  aux  faits  de 
la  guerre.  —  Nouvelles  trêves.  —  Arre^tation  de  Louis  de 
Luxembourg.  -  Confiscation  de  son  comté  de  Brienne,  donné 
â  Charles  1  d'Amboise.  fait  gouverneur  de  (.hampagne.  -  Pour- 
îuile  contre  le  due  de  Nemours;  confiscation  de  ses  biens, 
donnés,  partie  au  petit  bailli  d'Allemagne .  partie  à  un  sieur 
Vendange.  —  Restitution  de  ces  biens  aux  familles  dépossédées. 

—  Batailles  de  Grançon  et  de  Morat.  —  Madame  de  Savoie 
passe  à  Troyes.  —  Aides  levées  à  Troyes.  —  Commissions . 
Lettre  d'Olirier-le-Daim.  —  Mort  de  Charies-le-Téméraire.  — 
La  Bourgogne  remise  au  roi.  —  Guerre  en  Picardie  et  sur  la 
frontière  de  la  Comté.  —  Mort  du  gouverneur  de  Champagne, 
Charles  de  Cliaumont  d'An^boise.  —  Travaux  des  fortifications. 

—  On  démolit  les  châteaux  des  frontières  de  Boui^ogne.  — 
Pié!ons  dits  Roi'iers.  —  Passade  de  Louis  XI  à  Méry  ;  il  n'entre 
pn  à  Troyes,  à  cause  de  la  peste.  —  Passage  à  Troyes  da  dac 


ti61  CHAPITRE   XIV.  73 

d'Albanie.  —  Suisses  en  garnison  à  Troyes.  —  Circulation  des 
monnaies  étrangères.  —  Repeuplement  de  la  ville  de  Fran- 
chise (Arras)  ;  Détails  nombreux  et  inédits  sur  ce  fait  impor- 
tant :  1479-1487  —  Projet  de  formation  d'une  Société  maritime 
entre  les  principales  villes  du  royaume,  proposé  par  Louis  XI.  — 
Dévotion  superstitieuse  du  roi,  il  dispose  d'une  partie  du  domaine 
du  bailliage  en  faveur  de  maisons  religieuses ,  du  collège  de 
Champagne  ou  de  Navarre.  -  Dévotion  de  Louis  XI  à  Jea'i  de 
Gand ,  dont  il  poursuit  la  canonisation.  —  Dernière  lettre  de 
Louis  XI  aux  Troyens.  —  Inhumations  aux  Cordeliers.  —  In- 
dustrie :  Son  développement.  Reconstruction  des  moulins  et 
papeteries;  Tanneries.  —  Police  industrielle.  —  Imprimerie; 
Culture  du  lin.  Huilier:^,  Bourreliers,  Chapeliers  ;  leurs  Statuts. 
—  Première  rédaction  et  impression  des  Coutumes  de  Troyes, 
1481.  Traité  entre  le  roi  et  le  duc  Maximilien ,  approuvé, 
devant  notaire,  par  les  Trois-Etats  du  bailliage.  — Pestes, 
Mendiants,  Recensement  de  la  population  de  la  ville.  -  Les 
Pardessus  —  Réparation  des  ponts;  Procès.  —  Nouvelles 
Lettres  d'échevinage.  —  Opposition  à  l'exécution  de  ces  Lettres. 
Mort  de  Louis  XI.  —  Résumé  sur  le  XVe  siècle;  Noms  des 
principales  familles  de  Troyes,  au  XVe  siècle. 

Lo  fait  dominant  de  ce  chapitre  sera  la  lutte  de 
Louis  X!  contre  les  ducs  Phillppe-le-Bon  et  Chaples-le- 
Téméraire ,  lutte  dont  le  résultat  fut  la  réunion  de  la 
Bourgogne  au  royaume  de  France.  Pendant  cette  guerre, 
la  ville  de  Troyes  sera  le  siège  principal  des  opérations 
dirigées  contre  Théritage  des  fils  du  roi  Jean  et  le  quar- 
tier-général des  forces  royales,  sur  les  frontières  septen- 
trionales de  la  Bourgogne.  Enoncer  ce  fait ,  c'est  dire 
que  ce  chapitre  contiendra  encore  le  récit  de  guerres, 
de  batailles  et  de  sièges.  Ce  sera  le  dernier,  au  moins 
pour  longtemps,  en  Champagne. 

Le  roi  Louis  XI  sera  souvent  en  scène.  Ce  roi  de  la 
bourgeoisie  se  sert  peu  d'intermédiaires  pour  correspon- 
dre avec  ses  sujets,  les  Troyens.  L'expression  de  ses 
volontés  est  contenue  dans  ses  lettres  missives,  dont,  en 
original,  il  est  resté  vingt  et  une  au  Trésor  de  l'Hôtel-de- 
Yille,  et  aussi  dans  les  instructions  verbales  données  à 
ses  commissaires  spéciaux. 


Loai$  Kl  paraît  avoir  trouvé,  à  Trores.  une  grande 
d«.^ilitê  dans  rexêculioQ  de  ses  volimtés.  La  ville  est  en 
effet  e$$entiei<ement  i^mrftoisf.  et  ia  bouffeoîsie  absorbe 
ia  noblesse  qui  luî  doit  son  origine  et  souvent  ses  ri- 
chesses. La  noblesse  In^yenne  ne  peut  s*alarmer  de  cet 
êtat«  pas  plus  que  la  haute  noblesse  du  royaume,  quand 
îi  est  admis  que  <  le  cheval  du  roi  porte  avec  lui  tout 
son  Conseil.  >  Louis  re\N>il  tous  les  avis,  fou  qu*ik  vien- 
nent H  prend  même  souvent  conseil  «  de  ses  bons  amis 
les  habitans  de  Troyes.  >  Il  écoute  tout  le  monde ,  puis 
décide  a  lui  seul.  L'utile  est  sa  seule  rèfle.  Il  ne  semble 
pas  comprendre  quelle  est  la  puissance  de  la  justice,  il 
prêlêre  la  ruse  à  la  force.  Tadresse  au  coura^.  il  détruit 
les  idées  du  moyea-d^  et  se  dresse  contre  sa  morale. 
Sa  dévotion  est  superstitieuse.  Il  abaisse  la  Religion 
dans  tout  ce  qu^eiie  a  de  frrand.  Il  représente,  en 
France,  la  politique  des  tyrans  italiens,  formulée  par 
Machiavel. 

A  peine  Louis  \l  a4-îl  pns  p<»ssessten  du  tn>ne.  que 
ses  veuv  et  sa  c*>nvoitise  se  tournent  vers  la  Bour^oene. 
Par  le  traité  dWms,  Bar^s^ir-S^ioe  et  s*>a  comté  étaient 
laissés  au  ^ï\ic  de  Boup^x^ie.  Les  officiers  royaux  des 
éieetions  de  Mussv  et  de  Trotes  se  seratent  edorcés  de 
distraire  de  ce  oo:nté  ditfereates  .-ar^^sses  qui,  comme 
Vîlh-en-Tn?des .  Berti^nolle.  Thretfrain  I  .  Mai^nant. 
F'aii^nes.  MinMes.  Bemon  et  Lîfîières  étaient  placées 
;itn  c^jQdos  de  ce  comte  et  étaient  •  du  tîef .  |ruet  et 
^ir»ie  ec  «ia  7>?tri:t  de  Bar-sur-Seine.  *  Le  ro?  d*>nDe 
m.àa«iemeat  aux  baiiLis  de  Sens  et  de  Tro\es  d*encuérir 
«ir  ces  faits  et  de  faire  droit.  >*:l  v  a  lieu,  juv  réeiama- 


•m 


14ef  CHAPITRE  XIV.  75 

tions  du  Duc  fl).  Cette  contestation  n'était  pas  encore 
mise  à  fin  en  4468. 

En  1462,  la  ville  de  Troyes  fit  fondre  une  grosse 
cloche  pour  le  beffroi.  Elle  pesait  plus  de  30,000  livres^ 
elle  en  remplaçait  une  dont  le  poids  était  de  15,000, 
et  qui  avait  été  cassée  Tannée  précédente.  Cette  cloche 
fut  coulée  dans  Tarsenal  de  la  ville,  situé  entre  Téglise 
de  St-Nicolas  et  le  Beff^roi  (2;. 

En  1463,  révoque,  duc  de  Langres,  Guy  Bernard,  dit 
Moreau ,  Guillaume  Juvénal  des  Ursins,  seigneur  de 
Traînel,  M*  Mathieu  Beauvarlet,  receveur  général ,  et 
Anlhoine  Dijoine ,  secrétaire  du  roi ,  sont  envoyés  à 
Troyes,  par  Louis  XI.  Ces  quatre  commissaires  annon- 
cent leur  mission  par  une  lettre  datée  du  20  novembre. 
Cette  lettre,  qu'accompagnait  un  mandement  de  Louis  XI, 
informe  la  ville  qu'une  <  réunion  des  Trois-Etats  des 
>  pays  de  sur  et  par  deçà  les  rivières  de  Seine  et 
»  Yonne  aura  lieu  •  et  que,  pour  cette  assemblée,  «  sur 
»  Tavis  pris  de  quelques  anciens ,  >  la  ville  de  Troyes 
est  la  plus  convenable,  par  rapport  aux  autres  villes  et 
cités  dont  les  députés  seront  appelés.  Aussi  choisissent- 
ils  la  ville  de  Troyes,  en  fixant  la  réunion  au  15  décem- 
bre. Suivant  l'exemple  et  la  discrétion  du  maître ,  ils  se 
réservent  de  dire  et  d'exposer  les  causes  de  cette  assem- 
blée et  de  c  faire  connaître  les  choses  qu'ils  sont  chargés 
de  remontrer  de  par  le  roi  {S).  »  Il  s'agissait  d'obtenir 
quelque  impôt  des  députés  réunis  à  Troyes.  Ces  com- 
missaires royaux  étaient  porteurs  de  pouvoirs  s'étendant 
sur  plusieurs  diocèses  du  royaume  Que  résulta-t-il  de 
celte  réunion  ?  C'est  ce  que  nous  ne  saurions  dire. 

La  vente  et  le  transport  du  gibier  sont  entièrement 
libres  à  Troyes.  L'hiver  de  1463-64  est  très-rude.  Un 

(i)  Ord.  des  roia  de  France^  t.  xvn,  p.  454  et  suiv. 

(2)  Yoir  :  Boutiot.  Marie,  ou  la  grosse  cloche  du  Beffray, 

(3)  Arch.  mun.,  n.  f.  Eimti  généraux,  B.  B.,  ib*  0>b  ;  if  liasse. 


76  HISTOIRE   DE   TROYES.  11^4 

grand  nombre  de  lièvres  sont  pris  pendant  que  la  neige 
couvre  la  terre.  Le  Maître  des-eaux-et-forêts  du  bailliage 
fait  défense  de  |)ortcr  en  ville  plus  de  deux  lièvres  à  la 
fois,  sous  peine  d'amende  et  de  saisie  du  gibier.  Le  Con- 
seil de  ville  résiste  à  cette  injonction.  A  cette  occasion  il 
est  établi  que  la  ville  de  Troyes  n'était  ni  en  gpuerie  ni 
en  grairie,  aucun  officier  ni  sergent  n'y  avaient  droit  de 
saisie  sur  les  lièvres  (1). 

A  cette  même  époque,  Louis  XI  essaie,  mais  en  vain, 
de  faire  de  la  chasse  un  droit  domanial.  Il  fait  saisir  et 
détruire  tous  les  engins  de  chasse.  Il  veut  faire  dispa- 
raître le  droit  de  chasse  des  coutumes  féodales. 

En  1464,  des  ferments  de  discorde  apparaissent  entre 
le  roi ,  les  princes  et  les  grands  vassaux.  L'explosion 
semble  prochaine.  Louis  XI  se  met  en  mesure,  soit  pour 
attaquer,  soit  pour  se  défendre.  En  1465,  la  ville  de 
Troyes  sert  de  garnison,  outre  les  24  lances  fournies,  à 
trente  cinq  lances  écossaises ,  placées  sous  le  comman- 
dement de  Robert  de  Konigan.  La  ville  fait  fabriquer  des 
bâtons  à  feu,  voguelaires,  ribaudequins,  barbacanes  et 
des  vêtements  de  guerre,  tels  que  bassinets  à  bannière 
et  à  camail  Le  travail  des  fortifications  est  repris  avec 
activité.  En  1461  et  1462,  on  reconstruit  la  porte  de 
St-Jacques,  non  les  deux  grosses  et  grandes  tours  pla- 
cées à  l'intérieur  (2),  mais  cet  édifice  si  élégant  qui  leur 
servit  d'avant-corps  et  qui  resta  debout  jusqu'en  1831. 
Cette  porte  était  ornée  de  tourelles,  couvertes  en  ar- 
doises, et  dont  les  sommets  étaient  garnis  de  neuf  ban- 
nières d'airain,  tournant  sur  elles-mêmes  ;  des  fleurons  en 
plomb  se  dessinaient  sur  les  portes  et  formaient  les  épis 
du  toit.  L'azur,  le  vermillon,  le  sinople  et  Tor  faisaient, 

(1)  Arch.  mun.,  A.  A.  Cart.  32e,  Liasse  5^.  —  Voir  aussi  tome  i,  p. 
386  :  Concession^  par  Thibaut  V,  de  la  garenne  aux  lapins,  en  faveur 
des  Troyens. 

(2)  Celles-ci  furent  construites  vers  1510. 


1465  CHAPITRE  XIV.  77 

de  cette  porte,  un  édifice  admirablement  décoré.  Une 
Annonciation  de  la  Sainle-Vierge  ,  un  grand  Saint- 
Jacques,  les  armes  de  France  et  celles  de  Champagne, 
peintes  par  Jacques  le  Cordouannier,  complétaient  cette 
riche  décoration  (1),  qui  valut  à  cette  porte  le  nom  de 
Porte-Dorée.  Vers  le  môme  temps,  le  même  peintre  or-' 
nait  la  porte  du  Beffroi,  des  figures  d'une  Notre-Dame  et 
d'un  ange. 

Bientôt  commence  la  guerre  civile  ,  connue  sous  le 
nom  de  ligue  du  Bien-Public ,  formée  des  grands  vas- 
saux et  dirigée  contre  le  pouvoir  royal. 

En  juin  1465,  Louis  XI  envoie  <  à  ses  chers  et  bien 
amez  »  les  habitants  de  Troyes,  son  pannelier,  Pierre  de 
Ointeville.  Il  est  chargé  de  leur  donner  dos  nouvelles  du 
du  roi ,  qui  *  les  prie  de  croire  cet  envoyé  dans  toutes 
»  les  affaires ,  qui  surviendront  et  auxquelles  il  faudra 
]>  apporter  remèdes  et  provisions  pour  le  bien  du  roi  et 

>  du  pays.   »  Le  roi  ajoute  :  «   et  comme  nous  avons  en 
»  vous   parfaite  et  entière  confiance,   avertissez-nous 

>  souvent  de  tout  ce  qui  surviendra  au  pays  >  (2). 

A  l'arrivée  de  Pierre  de  Dinteville  à  Troyes,  les  princes 
avaient  déjà  pris  les  armes.  Le  16  juillet,  se  livre  la 
bataille  de  Montlhéiy,  où  le  roi  se  trouve  en  personne. 
Dans  aucun  combat,  suivant  Philippe  de  Comines,  «  plus 
»  grande  fuite  ne  fut  vue  des  deux  parts.  :»  Louis  XI 
publia  le  bulletin  de  cette  bataille.  Il  est  apporté  à 
Troyes,  par  fun  de  ses  chevaucheurs.  Voici  ce  bulletin, 
signé  du  roi,  dont  nous  avons  modifié  quelque  peu  le 
langage  un  peu  trop  archaïque  : 

(i)  Arch.  mun.,  série  D,  n»  3. 

(2)  Arch.  mun.,  n.  f.,  original  A.  A.,  48®  carton,  4o  liasse.  — 
Datée  du  2  juin  1465,  elle  est  adressée  «  à  nos  chers  et  bien  amez 
9  les  gens  d*esglise,  bourgeois,  manans  et  habitans  de  nostre 
à  bonne  ville  et  cité  de  Troyes.  »  Elle  fût  présentée  par  Pierre  de 
Dinteville,  le  15  juin  <  dans  une  grande  assemblée  falote  à  la  Sale  » 
(PalaU-Royal). 


78  HISTOIRE  DE   TROYBS.  14^5 

*    De  par  le  Roi, 

«  Chers  et  bien  aniés.  Hier,  à  environ  deux  heures  de 
Taprès-midi,  le  comte  de  Charolois,  le  comte  de  Saint- 
Paul  iLouis  de  Luxembourg,  comte  de  Brienne),  Adolphe 
de  Clèves,  le  BAtani  de  Boulogne  et  tous  ses  gens  étant 
en  bataille  près  de  Montlhéry,  Tortifiés  de  leurs  harnais, 
charrettes,  fossés  et  ribaudequins,  et  autre  grosse  artil- 
lerie, reçûmes  le  conseil  de  les  assaillir  et  de  les  com- 
battre. Ce  que  nous  fîmes,  grâce  à  Dieu.  Nous  fîmes 
bien,  et  la  victoire  fut  pour  nous.  Par  deux  ou  trois  fois, 
s'enfuit  le  comte  de  Charolois,  la  plus  grande  partie  de 
ses  gens  et  le  comte  de  St-Paul.  Ils  s  enfuirent  au  nombre 
de  plus  de  i,000,  et  les  uns  furent  tués,  et  les  autres 
faits  prisonniers:  entr autres  le  sieur  Desmeries  et  le 
sieur  de  Haplincourt.  D'autres  sont  encore  poursuivis 
el,  ;\  chaque  instant,  on  amène  des  prisonniers  à  Cor- 
beil.  Kn  ce  qui  touche  la  bataille,  il  y  a  eu  dix  contre 
un  des  ni^tres  qui  sont  restés  sur  le  champ  de  bataille, 
ihi  compte  de  14  à  l,5(H)  morts  du  cMé  de  rennemi,  et 
deux  ou  trv^is  cents  prisonniers,  parmi  lesquels  se  trou- 
vent beaucoup  de  gens  de  bien  et  de  bonne  maison.  Le 
Biplan!  de  Itoui^ogne  a  éto  tué,  et  on  rapporte  que  le 
i  ouite  de  Charolois  et  celui  de  St-Paul  ont  été  griève- 
ntent  blesses.  Nous  demeurâmes  sur  le  champ  de  ba- 
taille jusqu'au  soleil  couchant,  puis  nous  vînmes  i  Cor- 
beil  avec  notre  armt>?.  excepté  ceux  de  nos  soldats  qui, 
crtwant  le  rt^^^ultat  tout  autn:\  se  retirèrent  en  différents 
lieux,  lesquelles  choses  nous  voulons  bien  vous  signifier, 
alîn  que  \ous  puîssiex  rendre  grâce  à  IKeu  t^l  .   » 

IVndant  que  lartwtv  rvA aie  est  aux  prises ,  dans  les 
envirxMis  de  Paris.  a\eo  ceKe  du  comte  de  CJiandIois, 


1466  CHAPITRE  XIV.  79 

Jean,  duc  de  Galabre,  fils  unique  du  roi  René,  marche 
sur  Paris  avec  une  armée  composée  d'environ  neuf  cents 
hommes.  Cette  armée  compte  des  Bourguignons ,  des 
Italiens  et  des  Suisses.  Parmi  les  chefs,  on  nomme  Jac- 
ques Galiot  de  Genouillac,  plus  tard  grand-maître  de 
rartillerie  de  France,  le  Napolitain  Nicolas  de  Montfort- 
TAmaury,  comte  de  Gampo-Basso  (Gampobache).  Gette 
année  suit  la  rivière  d'Aube;  vers  le  15  juillet,  sa 
présence  est  signalée  à  Ramerupt.  Les  Troyens  en  ins- 
truisent le  roi.  De  Ramerupt,  cette  armée  se  serait  rap- 
prochée de  Troyes,  où  se  trouve  le  sire  de  Torcy,  maître 
des  arbalétriers.  Le  roi  recommande  de  veiller  avec  soin 
sur  la  ville  et  sur  les  environs.  11  annonce  que  l'armée  des 
Bretons  et  du  comte  de  Charolois  se  dirige  vers  Troyes , 
allant  à  la  rencontre  de  celle  du  duc  de  Calabre  (i). 

Le  roi  ne  manque  point  de  remercier  les  Troyens  de 
leur  diligence  :  c  Au  plaisir  de  Dieu  et  de  Nostre-Dame, 

>  écrit-il,  nous  mettrons  si  bonnes  gardes  aux  passages 
»  que  nous  les  garderons  bien  de  approucher  si  près,  et 
»  de  vostre  part,  faites-y  tout  au  mieulx  de  votre  pouvoir, 
»  ainsi   que  nous  en  avons  fiance.  Et  nous  escripvez 

>  souvent  de  vos  nouvelles.  > 

Des  menées  contre  le  roi  sont  découvertes  à  Troyes. 
Un  nommé  Gollin  MuUet  est  arrêté.  Louis  XI  recom- 
mande de  faire  bonne  information  et  d'y  donner  telle 
solution  que  la  raison  voudra.  Il  termine  sa  lettre,  en 
donnant  de  nouveaux  détails  sur  la  bataille  de  Montléry, 
et  en  informant  les  Troyens  que,  de  Gorbeil ,  il  s'est 
rendu  à  Paris,  où  il  concentre  toutes  ses  forces,  prêtes, 
f  aidant  le  benoist  Fils  de  Dieu,  à  prendre  les  champs, 

>  aussi  bien  que  feismes  oncques  >  (S). 

(i)  Même  liasse.  Lettre  de  Louis  XI,  datée  de  Paris,  du  i«r  août, 
et  adressée  au  sire  de  Torcy.  (Copie  du  temps). 

(2)  Même  liasse.  Lettre  datée  de  Paris,  du  26  Juillet,  et  lue  le  90, 
dans  une  grande  assemblée. 


80  HISTOIRE  DE  TROYES.  1465 

Le  roi  convoque  la  noblesse  du  bailliage  et  toute  per- 
sonne disposée  et  apte  à  porter  les  armes,  ainsi  que  tous 
les  francs  archers,  qui  peuvent  se  trouver  dans  le  bail- 
liage, afin  de  venir  le  servir  t  à  rencontre  de  ses  rebelles 
»  et  désobéissants  sujets.  >  Les  habitants  de  Troyes  ré- 
clament contre  Texécution  de  cet  acte.  Dès  le  il  août, 
le  roi  fait  droit  à  cette  protestation.  Il  entend  même  que 
nulles  gens,  de  quelque  état  et  condition  qu'ils  soient, 
habitant  Troyes  ou  autres  lieux  nécessaires  à  la  garde 
de  la  ville,  se  rendent  à  son  armée.  A  cette  occasion,  le 
roi  envoie  à  Troyes  «  son  beau  cousin  le  sire  de  Cha- 
tillon,  gouverneur  de  Champagne,  pour  s'entendre  avec 
les  habitans  sur  la  garde  et  la  sûreté  de  la  ville  et  des 
environs  (1).  » 

La  ville  est  surtout  incommodée  par  les  troupes  du 
comte  d'Armagnac  et  du  duc  de  Nemours  (2).  Les 
Troyens  envoient  au  roi  un  messager,  afin  de  l'assurer 
de  leur  dévouement  et  lui  faire  connaître  les  dommages 
que  ces  soldats  occasionnent  dans  le  pays.  Le  roi  les 
remercie  chaleureusement  de  leur  obéissance,  de  leur 
loyauté  et  de  leur  attachement.  Il  les  invite  à  s'entendre 
avec  le  gouverneur,  M  de  Chatillon,  pour  résister,  à 
main  armée,  aux  troupes  des  princes  mécontents  II 
promet  qu'aussitôt  qu'il  le  pourra,  il  enverra  de  ses  gens 
pour  faire  vider  le  pays.  A  sa  réception,  cette  lettre,  datée 
du  19  septembre,  fut  lue  dans  une  nombreuse  assem- 
blée, qui  décida  l'envoi,  à  M.  de  Chatillon,  de  deux 
messagers  «  ayant  enseigne  de  la  ville  >  afin  de  l'in- 
former du  contenu  des  lettres  du  roi. 

Le  4 'r  octobre,  une  trêve  est  conclue  entre  le  roi  et 
les  princes.  On  travaille  sérieusement  à  la  paix.  Mais, 
quelle   paix  !   Le  traité  do  St-Maur  est   à  l'égard    des 

(1)  Mémo  liasse.  Copie  coUationnêo 

(;>}  On  sait  que  les  chateUenies  de  Nogent  et  de  Pont-sar-Seine 
dépendent  du  duché-pairie  de  Nemours. 


U65  CHAPITRE  XIV.  81 

princes,  ce  qu'avaient  été  ceux  de  Brétigny  et  de  Troyes, 
pour  TAngleteiTe.  Le  roi  consent  à  un  partage  du  ter- 
ritoire français  en  faveur  de  son  frère,  Charles  de  France, 
et  des  grands  vassaux  de  la  couronne.  Chacun  obtient  son 
lot  de  terre,  d'argent,  de  titres  et  d'honneurs.  Le  rusé 
Louis  XI  ne  consent  à  un  pareil  traité  qu'avec  Tarrière- 
pensée  de  reprendre  en  détail  ce  qu'il  donne  à  tous ,  et 
son  ambition  ne  s'arrêtera  pas  là. 

Il  va  sans  dire  que  les  princes  étaient  largement  in- 
demnisés. Le  Bien  pxihlic  est  à  peu  près  oublié.  Il  est 
néanmoins  décidé  que  le  roi  constit^uera  une  commission 
de  trente-six  notables  :  douze  prélats,  douze  chevaliers 
et  écuyers ,  et  douze  du  Conseil  et  de  Justice ,  afin  de 
s'enquérir  des  fautes  et  des  abus  touchant  le  bien  public 
du  royaume,  avec  pouvoir  d'y  remédier. 

Le  5  novembre,  Louis  XI  informe  les  Troyens  de  la 
fin  des  hostilités  et  de  l'apaisement ,  c  grâces  à  Dieu , 
des  questions  et  différences  »  qui  existaient  entre  lui 
et  certains  seigneurs,  leurs  adjoints  et  adhérents.  U  re- 
mercie de  nouveau  ,  avec  effusion  ,  les  habitants  de 
Troyes,  de  leurs  bons  et  loyaux  services,  attestés  près  de 
lui  par  le  sire  de  Torcy  (1). 

A  la  suite  du  traité  de  Conflans,  Louis  de  Luxembourg, 
comte  de  St-Paul  et  de  Brienno,  est  nommé  connétable 
de  France.  Le  roi  lui  assigne  24,000  liv.  l.  de  gages, 
tant  pour  cette  charge  que  pour  celle  de  gouverneur  de 
Champagne,  de  l'Ile-de-France,  du  pays  charlrain  et  de 
tous  les  pays  de  deçà  la  Loire,  et  à  prendre  sur  les  pro- 
duits annuels  de  la  recette  générale  des  rivières  de  Seine 
el  d'Yonne  (2). 

Louis  XI,  dans  la  première  année  de  son  règne,  avait 
supprimé  la  Cour  des  Aides.  Le  9  juillet  1465,  il  la  ré- 

(1)  Il  s'agit  d'un  seigneur  originaire  de  Torcy,  en  Normandie,  *»t 
non  de  Torcy  (Aube).  —  Mémo  fonds.  Lettre  du  roi   Ori;rinal. 
{i)  Ord.  des  vois  de  France^  t.  xvi,  p,  305.  Note, 

tii.  6 


82  HISTOIRE   DE  THOYES.  ^1465 

tablit  et  replace  Louis  Ra^uier,  évéque  de  Troyes,  en 
son  office  de  président  de  celte  Cour  (1). 

Le  clergé  de  Troyes,  et  notamment  les  Chapitres  de 
St-Pierre ,  de  St-Etienne  et  de  St-Urbain ,  les  abbés  et 
les  prieurs  de  la  ville  avaient  le  privilège  de  vendre  le 
vin  de  leurs  récoltes,  sans  payer  aucun  droit  au  (isc.  Les 
gens  du  roi  s'opposent  à  Texercice  de  ce  privilège.  Le 
clergé  réclame  et  s'adresse  directement  à  Tévêque  de 
Troyes,  président  de  la  Cour  des  Aides,  qui,  sans  doute, 
les  aida  à  conserver  ce  privilège. 

Louis  XI  paraît  tenir  Tévôque  de  Troyes  en  considé- 
ration. Il  en  fit  un  de  ses  ambassadeurs  près  de  la  com- 
mune de  Liège,  en  1466.  La  négociation  dont  il  fut 
chargé  fut  couronnée  de  succès. 

Bien  qu'il  existât  à  Troyes ,  une  compagnie  d'arbalé- 
triers et  môme  une  compagnie  d'archers ,  dès  le  XIV^ 
siècle,  il  en  est  peu  fait  mention  dans  la  première  moitié 
du  XVe;  ces  compagnies  semblent  avoir  disparu.  Tous 
les  habitants  sont  sous  les  armes,  sous  les  noms  si  ca- 
ractéristiques d'hommes  de  fer  et  d'hommes  de  pour- 
point. En  1465,1a  compagnie  des  arbalétriers  se  reforme. 
Sur  une  requête  adressée  à  t  Messieurs  les  clergie, 
bourgeois  et  habitaus  »  il  est  accordé  aux  nouveaux 
compagnons,  la  somme  de  cent  sous  tourn.  t  pour  réé- 
difier les  buttes  et  édifices  des  arbalétriers  qui,  naguère, 
pour  les  guerres  qui  ont  été  dans  ce  royaume,  ont  été 
démolis  et  abattus  (2).  * 

Vers  le  même  temps,  la  ville  fait  creuser  un  certain 
nombre  de  puits  et  notamment  le  beau  puits  du  Marché- 
aux-Oignons ,  fermé  il  y  a  environ  vingt  ans  et  dont  la 
belle  armature  en  fer  parait  remonter  à  cette  époque. 

(1)  Ord,  dcê  rois  de  France^  t.  xvi,  p.  332  et  t.  xv,  p.  467  et  468. 
—  LoiiU  Raguicr  avait  succédé  à  Jean  Léguisé^  en  1450,  sur  le  siège 
ôpiscopal  de  Troyes. 

<2)  Arch.  mun.,  série  B.  i8. 


iM5  CHAPITRE  XIV.  83 

Ces  puits ,  monuments  publics  d'une  certaine  élégance, 
et  qui  viennent  de  disparaître  pour  le  plus  grand  nombre, 
étaient  ouverts  et  édifiés  surtout  pour  se  procurer  plus 
facilement  de  Teau  en  cas  d'incendies,  toujours  fort  i*e- 
doutés  à  Troyes,  ville  alors  construite  et  même  couverle 
en  bois  (1). 

Par  suite  de  la  commission,  donnée  on  exécution  du 
traité  de  Gontlans  (octobre  1465),  le  roi,  en  juillet  1466, 
fait  savoir  à  Tévêque  et  aux  habitants  de  Troyes ,  qu'il 
a  donné  mission  à  de  notables  gens,  alors  réunis  à 
Paris,  de  recueillir  et  de  reconnaître  les  faules  et  les 
abus  qui  sont  au  royaume,  et  d'aviser  à  leur  réforme.  Il 
est  nécessaire  de  les  en  instruire.  Le  roi  veut  qu'on 
appelle  à  cet  effet  des  hommes  notables  tant  d'église, 
nobles,  qu'au  1res  du  pays,  afm  d'aviser  aux  fautes,  abus 
et  entreprises ,  commis  dans  l'administration  de  la  jus- 
tice et  dans  les  finances  royales,  tant  du  domaine,  que 
des  aides  et  des  tailles ,  et  aussi  dans  le  gouvernement 
des  gens  de  guerre.  Le  roi  demande  enfin  que,  loyale- 
ment et  en  conscience,  tous  ces  abus  soient  recueillis 
par  écrit  et  envoyés  t  clos  et  scellés,  »  avec  diligence, 
aux  commissaires  royaux  (2). 

Cette  réunion  de  commissaires  royaux  ou  de  notables 
ne  parait  avoir  donné  aucun  résultat.  L'année  suivante, 
Louis  Xl  provoque  une  véritable  assemblée  dos  Etats- 
Généraux  dans  la  ville  de  Tours. 

En  effet,  en  mars  1467  (v.  style),  le  clergé,  les  bour- 
geois et  les  habitants  de  Troyes  sont  invités  par  le  roi  à 
eoToyer  aux  Etats  de  Tours,  dont  l'ouverture  est  fixée  au 
1er  avril  suivant,  trois  députés,  l'un  du  clergé  et  les 

{{)  Pour  les  dessins  de  quelques-uns  de  ces  puits,  voir:  Mhn,  de 
la  Soc  acad.  de  VAuhe,  t.  xviii ,  p.  412.  Communication  de  M. 
Fléchey. 

(2)  Lett.  du  roi,  du  25  juillet  1466,  apportée  à  Trojes  et  lue  dans 
«ne  grande  assemblée  tenue  en  la  Salle  royale.  Même  liasse  que  ]e% 
j»récédentes. 


deux  autres  laces.  M.  «ie  Ch;KtiH«>£i.  foirnenieiir  de  Cham- 
pagne, est  alors  à  Troyes  .  l  \  Dans  une  assemblée  gé- 
nérale y  les  habitants  de  Ta^y^  élurent .  en  qualité  de 
députés.  Jacques  Guyon.  iiceaoïe  en  décret,  chantre  et 
chanoine  de  Té^îse  de  TrvAes  :  Actotne  Guérv  des  Es- 
saris.  Ucenoîê-ês-iois  e:  pïvv.>t  de  Tr*>yes:  et  Pierre 
Perricari.  marchand.  Aucun  cahier,  aucune  instruction 
ne  paraissent  avoir  été  donnes  à  ces  députes.  Les  lettres 
royales  portent  que  ces  députes  s*:»at  appelés  pour  4  ouïr, 
vaquer  et  beso^er  avec  les  autres  Etats  des  villes  du 
royaume,  pour  ce ,  mandés  touchant  aucunes  besognes 
et  affaires  qui  doivent  leur  être  dites  et  remontrées  par 
le  roi  i\  » 

Ces  trois  députés  se  rendent  à  Tours  et  leurs  dépenses 
sont  acquittées  par  la  vilie,  qui  fournit  un  cheval  à  mes- 
sire  Jacques  Guyon.  et  à  Antoine  Guéry,  un  valet  et  un 
habillement  suffisant  pour  le  mettre  en  état  de  faire  le 
voyage. 

Cette  assemblée  a  surtout  pour  but  de  donner  son 
avis  sur  les  différends  soulevés  entre  le  roi  et  son  frère, 
Charles  de  France,  duc  de  Berr>-.  à  l'occasion  de  la  Nor- 
mandie.  Il  s*agit  de  Tunité  nationale.  Lasserablée  fut 
d'avis  de  ne  pas  séparer  la  Normandie  du  surplus  du 
royaume.  Elle  fut  dissoute  au  bout  de  huit  jours,  mais 
les  députés  ne  se  séparèrent  point  sans  remontrer  au 
roi  que  les  impôts  avaient  doublé  depuis  la  mort  de 
Charles  VU,  que  les  abus  des  gens  de  justice  devenaient 
de  plus  en  plus  nombreux,  que  Tor  et  Targent  s'écou- 
laient hors  de  France,  soit  en  Cour  de  Rome  pour  Tabo- 


rl)  Le  ChapiU^  de  St -Pierre  lui  k\t,  pétulant  ce  séjour,  présent  du 
roman  de  la  /toje.  Séxillard  . 

(ij  B.  23.  A  Tn>yes.  comaie  à  Tours ,  comme  à  Ltoo,  etc.  les 
Lettres  royales  sont  adressées  au  derçé,  aux  bourj^eoi?  et  aux  habi- 
tans  et  non  point  â  la  nobl^^se.  Aussi,  parmi  les  députés  de  ces  ^lles, 
ne  fi^nre-t-il  aucun  noble. 


1467  CHAPITRE  XIV.  85 

lition  de  la  Pragmatique,  soit  aux  mains  des  marchands 
étrangers ,  par  le  commerce  de  luxe  et  <  les  excessives 

>  pensions  payées  aux  sires  du  sang  royal  et  aux  oili- 

>  ciers  du  roi,  tous  engraissés  du  sang  du  peuple  (1).  » 
Le  roi  rejeta  le  mal  sur  les  princes  et  la  ligue  du  Bien- 
public,  et  les  Etats  nommèrent  une  commission  chargée 
de  réformer  les  abus.  Elle  se  montra  peu  exigeante  dans 
celle  réforme. 

On  a  vu  plus  haut  que  les  cordonniers  et  les  savetiers 
avaient  été  relevés  de  Tinterdiclion  qui  leur  était  faite 
de  travailler  pendant  la  nuit.  En  4464,  les  ouvriers  en 
bazane  se  pourvoient  devant  la  justice  et  obtiennent 
Vabrogation  de  cette  interdiction.  Leur  requête  est  mo- 
tivée :  lo  sur  la  permission  déjà  accordée  aux  cordon- 
niers de  travailler  pendant  la  nuit;  2o  sur  la  difliculté 
de  fournir  à  la  consommation  ;  3o  et  sur  la  difTiculté 
d'attirer  à  Troyes ,  les  ouvriers  étrangers ,  en  raison 
de  la  défense  faite  de  travailler  la  nuit.  Il  est  accordé 
aux  bazaniers  de  modifier  leurs  statuts  de  la  manière 
suivante:  Les  cotisations  sont  élevées;  —  Le  droit 
d'entrée  en  maîtrise  est  fixé  à  deux  livres  de  cire,  celui 
des  apprentis  à  une  livre,  et  la  cotisation  hebdoma- 
daire à  un  denier  parisis ,  pour  les  maîtres  ;  et  à  un 
denier  tournois,  pour  les  valets  gagnant  argent.  La  com- 
pagnie est  déchargée  ,  pour  ses  assemblées ,  de  la  pré- 
sence du  procureur  du  roi,  qui,  dans  ces  occasions,  est 
remplacé  par  un  sergent  (2). 

En  1427,  Charles  VU  avait  accordé  à  Nicolas  ou  Co- 
linet  Gaudillon,  son  premier  barbier,  et  à  ses  succes- 


(i)  Discours  de  l*archevôque  de  Rheims,  Jean  Jouvenel  des  Ur- 
sins,  dans  les  Preuves  de  Duclos,  p.  238  et  autres,  d'après  H. 
Martin,  Hist  des  Français^  t.  vu,  p.  31.  Jean  Jouvenel  expose  les 
souffrances  publiques  avec  beaucoup  de  liberté,  tout  en  débutant  par 
des  maximes  d'obéissance  passive. 

(2)  Arch,  mun.,  Q.  Iw. 


80  HISTOIKB    DB    TROYES.  1464 

seurs,  certains  privilèges  et  autorité  sur  tous  les  barbiers 
du  royaume.  A  cette  époque,  Troyes  n'était  point  sous 
le  pouvoir  de  Charles  Yll,  et  son  premier  barbier,  pas 
plus  que  son  maître,  n'avait  pu  appliquer  les  dispositions 
contenues  dans  ces  lettres.  Les  barbiers  et  chirurgiens, 
en  14-29,  avaient  arrêté  certain  règlement  concernant  le 
travail  pendant  les  jour.s  fériés.  L'évéque  s'étant  plaint 
de  ce  désordre,  modifia  les  anciennes  habitudes  de  cette 
corporation,  en  obligeant  les  seize  barbiers  el  la  barbier e, 
alors  en  exercice,  à  chômer  certaines  fôtes. 

Olivier-le-Daim ,  le  Diable  ou  le  Mauvais,  en  1464, 
alors  premier  barbier  de  Louis  XI,  et  qui  devint  plus  tard 
comte  de  Meulan,  fait  renouveler,  en  sa  faveur,  les  pri- 
vilèges accordés  par  Charles  Yll,  à  son  barbier  Caudil- 
lon.  Il  en  fait  rap|)licalion,  dans  toutes  les  bonnes  villes 
de  France,  et  c'est  à  ce  titre  que  les  lettres  qu'il  obtint 
se  trouvent  iuscriles  an  Cartulaire  des  Arts  et  Métiers. 
Après  avoir  énoncé  qu'en  raison  des  guerres  et  du  dé- 
faut de  sécurité  des  chemins,  les  lettres  de  Chartes  VH 
n'ont  pu  être  appliquées,  le  roi^  sur  l'avis  tant  des  con- 
seillers de  son  Grand-Conseil  que  do  son  Parlement,  et 
sur  l'humble  supplication  de  son  bieii-aimé  valet  do 
chambre  et  premier  barbier,  Olivier-le-Mauvais ,  il  ins- 
titue celui-ci  «  Maîtni  et  Garde  des  métier  et  artince 
de  barberie  >  avec  pouvoir  d'instituer  des  lieutenants 
dans  toutes  les  bonnes  villes  de  France,  ayant  droit  de 
visite  chez  tous  h?s  barbiers  des  bonnes  villes ,  de  leur 
banlieue  et  villages  voisins,  et  auquel  tous  les  barbiers 
devront  obéir  comme  au  premier  barbier  du  roi.  Dans 
toutes  les  bonnes  villes,  trois  ou  quatre  barbiers,  avec 
serment  entre  les  mains  du  barbier  du  roi  ou  de  son 
lieutenant,  sont  constitués  maîtres  et  gardes  de  la  com- 
pagnie. -  Aucun  barbier,  de  quelque  état  et  condition 
qu'il  soit,  ne  peut  exercer  sans  avoir  été  reçu  maître 
après  examen.  —  Aucun  barbier  ou  femme  de  barbier, 


i46i  CHAPITRE  XIV.  87 

de  quelque  autorité  et  condition  quil  soit,  ne  peut  faire  le 
métier,  s*il  n*est  réputé  de  bonne  et  honnête  vie  ;  s'ils 
sont  notoirement  diffamés ,  ou  s'ils  tiennent  a  hôtel 
diffamé  comme  bordellerye  ou  maquerellage,  >  ou  qu*il 
y  ait  contre  leur  hôtel  quelque  vilain  blasme  ou  quelque 
mauvais  cas,  et  cela  à  peine  de  saisie  et  de  conflsca- 
tion(l).  >  —  Aucune  personne,  faisant  métier  de  barbier, 
ne  peut  raser  ou  peigner  aucun  lépreux.  —  Ceux  qui  lèvent 
ouvroir  et  passent  maitre-barbier  c  aux  châteaux,  ponts, 
ports,  bourgs  et  villages,  >  subissent  leur  examen  dans 
les  villes  les  plus  voisines  des  lieux  où  ils  veulent  se 
fixer.  —  Les  maîtres-barbiers  peuvent  faire  une  confrérie 
en  rhonneur  de  Dieu  et  des  saints  Gosme  et  Damien, 
dans  les  bonnes  villes  du  royaume.  —  Ils  peuvent  se 
réunir,  mais  en  présence  d'officiers  royaux,  du  premier 
barbier  du  roi  ou  de  son  lieutenant  et  de  deux  jurés  du 
métier  de  barberie.  —  Le  droit  d'entrée  est  fixé  à  cent 
sous,  «  afin  que,  les  entrants  puissent  plus  sûrement 
ouvrer  es  corps  humains.  »  —  Aucun  valet  barbier  ne 
peut  ouvrer  de  son  métier  en  aucun  lieu,  sans  avoir  été 
reçu  maître,  à  peine  de  cent  sous  d'amende,  de  confisca- 
tion et  même  d'emprisonnement.  —  Les  barbiers  ne  peu- 
vent saigner  ni  peigner  les  dimanches,  aux  fêtes  de  la 
Vierge,  à  la  Toussaint,  à  Noël,  à  Pâques,  à  la  Pentecôte, 
à  la  Circoncision,  à  l'Epiphanie,  à  l'Ascencion,  à  la  Fête- 
Dieu,  aux  fêtes  de  saint  Jean-Baptiste,  de  saint  Cosme 
etde  saint  Damien,  et  à  celles  des  Apôtres,  ni  ces  mêmes 
jours  mettre  leurs  bassins  à  leur  porte ,  à  peine  d'une 
amende  de  cinq  sous. — Il  leur  est  défendu  de  conserver 
le  sang  des  saignées  en  leur  ouvroir  passé  midi,  ni  hors 
le  seuil  de  leur  porte,  sous  la  même  peine.  —  Si,  après 
midi,  quelqu'un,  par  nécessité,  c  se  faisait  saigner  du 

(1)  Les  Figaros  ne  datent  pas  seulement  du  temps  de  Beaumar- 
chais. 


88  HISTOIRE  DE   TROYES.  \u» 

pied,  cil  Teaiie  ou  autremenl,  »  1p  sang  doit  être  jeté 
deux  heures  apn»s  la  saignée.  — Tout  apprenti,  passé 
maître,  doit  |»rendre  «  lettre  »  du  premier  barbier  du 
roi,  payée  cinq  sous.  —  Tout  maître  ne  peut  avoir  qu'un 
;!pppenti.  --  Tous  les  maîtres  et  maîtresses  sont  tenus 
d'assister  à  renlerrement  d'un  confrère.  —  Tout  maître 
doit  cin(|  sous  parisis  au  premier  barbier  du  roi.  —  S'il 
y  a  procès  à  soutenir  dans  l'intérêt  de  la  corporation, 
chaque  confrère  est  tenu  de  contribuer  au  paiement  des 
frais.  —  Tout  barbier  ou  valet  de  barbier  doit  obéissance 
au  premier  barbier  du  roi  ou  à  son  lieutenant.  Enfin, 
pour  le  bien  de  la  chose  publique  et  pour  pourvoir  à  la 
santé  du  cor[»s  humain,  le  premier  barbier  du  roi  est 
tenu  de  délivrer  à  tout  maître  barbier  du  royaume  la 
copie  de  \armen(u\  fait  pour  Tannée,  et  ce,  moyennant 
deux  sous  six  deniers  parisis  \  l  ■. 

Kn  juillet  14-68,  le  Chapitre  de  St-Pierre  décide  que 
>oij  î^rand-chambrier  empruntera,  sur  un  calice  ou  autre 
joyau,  somme  suKisante  pour  acquitter  le  prix  de  répa- 
parations  faites  à  ses  moulins  de  Vannes  et  de  Valant. 
Vn  calice  et  une  croix  d'argent  doré  sont  engagés  à  cette 
occasion  (2). 

Par  l'assemblée  de  la  St-Barnabé  de  cette  même  année, 
U  est  accordé  quarante  sous,  alin  de  *  aider  les  maîtres 
de  la  Grande-Ecole  à  payer  le  loyer  *  de  la  grange  »  où 
se  tient  l'école.  1/annce  précédente ,  les  leçons  avaient 
cessé,  et  Técole  avait  été  fermée,  pendant  plusieurs  mois, 
à  cause  de  la  peste  ,  qui  sévissait  en  automne  et  en 
hiver  et  avait  occasionné  une  grande  mortalité  .La  popu- 
lation en  aurait  été  sensiblement  amoindrie. 

Après  la  peste,  les  écoles  paraissent  peu  fréquentées. 
Le  Chapitre  de  St-Pierre   lait  remise  au  recteur  de  ce 

{{)  Aivh.  muii.,  g.  l«^^.  —  Almati(u:h. 

(2)  Arch.  dép.,  f.  de  St-Pierre  et  Skmilulrd. 


1468  CHAPITRE   XIV.  89 

qu'il  doit  et  invite  son  sous-chantre  d'agir  de  même  pour 
une  partie  de  l'année  et  pour  la  suivante,  «  afin  d'em- 
pêcher la  ruine  des  écoles.  »  Ce  même  Chapitre  invite 
Thierrj'  Robichon  ,  scholastique  de  St-Etienne,  à  obliger 
les  maîtres  des  écoles  à  garder  les  statuts ,  règlements 
et  immunités  des  écoles  et  à  obéir  au  recteur  (1). 

Les  récoltes  de  1468  sont  mauvaises  et,  par  ce  motif, 
le  Chapitre  de  St-Pierre,  qui  lève  des  dîmes  au  Pont- 
Hubert,  suspend,  en  avril  1460,  et  jusqu'après  la  mois- 
son, la  peine  de  Texcommunication,  prononcée  en  1461, 
contre  certains  débiteurs  (2). 

Encore  un  usage  qui  paraît  bizarre,  surtout  parce  que 
les  causes  et  Torigine  échappent  aux  recherches.  Un  acte 
du  18  juillet  1469,  maintenu  par  sentence  du  bailliage 
de  Sens,  du  13  mai  1595,  réformé  par  le  Parlement,  au 
XVIIe  siècle,  et,  peu  après  celte  dernière  décision,  entiè- 
rement abandonné,  Tusage  étant  tombé  en  désuétude  , 
constate  que  le  Chapitre  de  St-Pierre  a  le  droit,  la  veille 
de  la  fête  patronale,  de  se  transporter,  en  Téglise  de  St- 
Martin-ès-Vignes ,  processionnellement,  pour  y  chanter 
les  Vêpres.  L'Olïice  terminé,  le  curé  est  tenu  de  faire 
allumer  du  feu  dans  sa  maison  et  de  servir  aux  assistants 
trois  sortes  de  vin,  d'abord  du  vin  vermeil  (rouge),  du  vin 
blanc,  ensuite  et  enfin  du  bon  vin  vermeil.  A  chaque 
chanoine,  célébrant  au  grand  autel  de  l'église  de  St- 
Pierre,  le  curé  doit  six  chandelles  de  cire,  de  trente-six 
à  la  livre,  et  aux  enfants  de  chœur,  les  jours  gras,  du 
rôti  avec  des  oignons,  du  pain  et  du  vin,  servis  sur  une 
table  placée  au  milieu  delà  salle,  et,  les  jours  maigres, 
des  harengs  et  de  la  moutarde  (3). 

Les  événements  de  Péronne,  du  mois  d'octobre  1468, 

il)  Sémillakd,  t.  iH,  p.  t)5  à  96. 

(2)  Sémillard,  p.  90. 

(3)  Arch.  dép.,  Inventaire  du  Chap.  de  St-Pierre, ,  l.  v,  1««? 
partie,  p.  520. 


90  HISTOIRE  DE   TROYES.  1400 

qui  mirent  la  liberté  de  Louis  XI  en  si  grand  danger, 
sont  en  dehors  du  cadre  que  nous  nous  somm^'s  imposé. 
Il  suffit  de  savoir  que  le  roi  est  alors  hors  d'état  de  re- 
fuser son  approbation  aux  conditions  proposées  par  le 
duc  de  Bourgogne.  A  la  suite  de  Tacte  principal , 
Louis  XI,  sur  la  demande  du  duc,  abandonne  au  duc 
de  Berry,  à  tilre  d'apanage,  la  Champagne  et  la  Brie,  en 
remplacement  de  la  Normandie.  Le  duc  de  Bourgogne, 
le  cas  échéant,  peut  plus  facilement  que  la  Normandie 
défendre  ces  deux  provinces  contre  le  roi.  Sa  domina- 
tion, directe  ou  indirecte ,  sur  ces  provinces,  qui  unis- 
saient la  Bourgogne  à  la  Flandres  et  à  la  Picardie,  était 
un  avantage  considérable  donné  à  la  puissance  de  l'ad- 
versaire de  Louis  XI. 

Le  roi  cédait  à  la  force. 

Après  la  terrible  expédition  de  Liège,  le  roi,  en  quit- 
tant le  duc,  sonde  ses  dispositions  à  l'égard  du  traité  de 
Péronne,  en  ce  qui  touche  la  Champagne  et  la  Brie.  Le 
roi  dit  au  duc  :  *  Si,  d'aventure,  mon  frère  ne  se  conten- 
tait du  partage  que  je  lui  baille  pour  l'amour  de  vous, 
que  voudriez-vous  que  je  fisse?  —  S'il  ne  veut  le  pren- 
dre, »  répondit  le  duc.  <  Faites  qu'il  soit  content,  je 
m'en  rapporte  à  vous  deux.  »  Il  n'en  fallut  pas  davan- 
tage, Louis  XI ,  dégagé  de  sa  parole ,  libre  de  changer 
l'apanage  destiné  à  son  frère,  gagna  le  sire  de  Lescun 
etd^autres  courtisans,  ayant  la  confiance  de  celui-ci,  lui 
fit  accepter  la  Guyenne,  et  le  roi  conserva  la  Champagne 
et  la  Brie,  à  son  grand  contentement  (1). 

Aussitôt  que  la  paix  fut  faite  entre  le  roi  et  son  frère, 
depuis  peu  duc  de  Guyenne,  Louis  XI  écrit  aux  habitants 
de  Troyes,  et  leur  annonce  cette  bonne  nouvelle  (2). 

(1)D.  Plancher,  Hist.  de  Bourg. ,  t.  iv,  p.  371,  375  et  «uiv.  — 
H.  Mabtin,  Hist.  des  Franc.,  t.  vu,  p.  41. 

(i)  Ârch.  moD.,  B.  25. 


14i9  CHAPfTBË   XIV.  94 

Cette  lettre  est  datée  de  Coulonges  la-Royale  (1),  du  14 
septembre  1469.  Déjà  le  roi  avait  écrit  à  Tévêque,  Louis 
Raguier,  et  aux  Troyens,  le  28  mai  précédent,  une  lettre 
dont  lecture  fut  faite  en  assemblée  publique  et  dont  le 
contenu  demeure  ignoré  (2).  Enfin,  vers  le  même  temps, 
le  roi  demande  aux  Troyens,  s'il  est  vrai  que  les  parents 
de  Tévêque  de  Verdun  font  fortifier  quelques  châteaux, 
ainsi  qu'on  Ten  a  informé. 

Dans  le  cours  de  Tannée,  Etienne  de  Piseul,  panne- 
tier  du  roi ,  et  Guillaume  Thoreau ,  secrétaire  du  roi , 
viennent  à  Troyes,  en  qualité  de  commissaires  royaux, 
afin  d'y  procéder  «  à  certaines  réformations  sur  aucunes 
personnes  demeurant  dans  la  ville.  >  S'agit-il  de  quel- 
ques malintentionnés,  de  quelques  partisans  connus  du 
duc  de  Bourgogne?  Qui  pourrait  répondre  aujourdliui, 
en  Tabsenco  de  documents 

De  Tannée  1465  à  1470,  on  travaille  aux  fortifications, 
on  répare  les  portes,  les  barrières ,  les  chaînes  tendues 
dans  les  rues,  et  leurs  poteaux,  ainsi  qu'  <  aux  avenues 
des  portes,  aux  ponts,  planches  et  planchettes  »  (3). 

Pour  Louis  XI,  la  ville  de  Troyes  est  trop  proche  de 
la  Bourgogne,  et  malgré  les  bons  rapports  existant  entre 
le  roi  et  les  habitants,  il  y  a  tendance  déjà  à  vouloir  dé- 
placer le  siège  de  Tadministration  royale  de  la  province. 
Ainsi,  en  1469,  on  signale,  à  ChAlons-sur-Marne,  la  pré- 
sence de  Me  Jean  Hébert,  *  général  de  France,  ^  et  on 
lui  envoie  les  comptes  du  receveur  de  la  ville  de  Troyes. 
On  ne  peut  douter  que  ce  ne  soit  à  Toccasion  d'une  véri- 
fication oflicielle  (4). 

La  ville  de  Troyes,  suivant  Timpulsion  donnée  à  cette 

(1)  Sans  (loule  Coulonges-Thouavsais  (Deux-Sèvres)^  où  il  existii 
un  château  bâti  sous  Louis  XI,  peuKôtre  par  lui-même. 

(2)  B.  25. 

(3)  D.  4,  7. 

(4)  B.  25. 


92  HISTOIRE   DE   TROYES.  4470 

époque,  encouragée,  dans  une  certaine  mesure,  par 
Louis  XI,  et  après  avoir  envoyé  *  à  Lyon  sur  le  Rhône, 
à  Orléans  et  à  Tours,  quérir  la  manière  de  procéder  au 
fait  des  échevinages  esdites  villes,  »  obtient  de  cette 
majesté  bourgeoise  ses  premières  lettres  d'échevinage, 
datées  d'Âmboise  et  de  mai  1470(1). 

Ces  lettres  rappellent  les  titres  que  la  ville  de  Troyes 
invoque  pour  obtenir  la  faveur  qu'elle  sollicite ,  la 
bonne  loyauté  et  Tobéissance  que  les  habitants  ont  tou- 
jours eues  envers  le  roi  et  ses  prédécesseurs.  Le  roi 
place  au  premier  rang  les  travaux  exécutés  pour  fortifier 
et  défendre  la  ville  contre  les  ennemis  des  rois  de  France, 
et  «  la  loyauté  montrée  à  Charles  VU,  alors  qu'il  allait  à 
Reims  s'y  faire  sacrer,  lequel  bailla  et  délaissa  aux  ha- 
bitans  la  garde  de  la  ville.  > 

Louis  XI  accorde  aux  Troyens  «  la  faculté  de  jouir 
et  d'user  perpétuellement  d'échevinage  et  loi  privilégiée, 
et,  «  pour  ce  taire,  «  dit  la  charte,  f  ils  peuvent  s'assem- 
bler à  son  de  cloche,  le  bailli  ou  son  lieutenant  appelé, 
seulement  pour  la  première  fois,  et  élire  trente-six 
hommes,  aimant  l'utilité  et  le  profit  de  la  ville  et  de  la 
chose  publique,  olViciers  royaux  ou  non,  et  dont  douze 
seront  du  clergé.   * 

Ct^s  trente-six  élus  doivent  choisir  douze  d'entr'eux, 
dont  quatre  du  clergé,  pour  être  éehevins,  *  régir  et  gou- 
verner les  besognes,  charges  et  affaires  communs  de  la 
ville,  «  à  partir  du  jour  de  Télection  jusqu'à  la  St-Bar- 
nabé  l-lTi.  Les  vingt-quatre  autres  élus,  demeurant 
conseillers  pendant  toute  leur  vie,  ont  charge  d'assister 
les  éehevins  dans  les  grandes  et  principales  affaires  de 
la  ville,  et  de  se  rendre  au  Conseil  toutes  les  fois  qu'ils  y 
seront  mandés. 


^I^Vors  II»   nit^me  ti^m|vs.  Poilifrs,  Tour^,  Niort.  FoDten«y-le- 
Comt^«  An^r«,  etc.,  oblienneut  la  crvatioD  d*éciieTiiiag«s. 


mO  CHAPITRE  XIV.  93 

A  la  mort  de  Tun  des  conseillers,  il  doit  être,  dans  la 
plus  prochaine  assemblée,  procédé  à  son  remplacement 
par  la  voie  de  l'élection,  à  laquelle  prennent  part 
soixante-quatre  notables  habitants. 

Pour  maintenir  le  bon  ordre,  les  échevins  sont  auto^ 
risés  à  choisir  parmi  eux  (l  un  chef  et  président,  auquel 
appartiennent  la  faculté  et  la  prérogative  de  proposer  et 
mettre  en  avant  les  matières ,  besognes  et  communs 
affaires  de  la  ville  »  et  de  recueillir  les  voix  des  éche- 
vins et  des  conseillers. 

Les  échevins  sont  autorisés  à  nommer  un  ou  deux 
agents  appelés  €  serviteurs-sergents  d'échevins.  » 

Ils  ont  le  gouvernement,  l'administration  des  affaires 
de  la  ville,  Tordonnance  et  la  distribution  des  deniers 
communs  et  d'octrois,  tant  pour  les  fortifications  et  autres 
ouvrages,  que  pour  les  gages  des  officiers,  ouvriers, 
voyages,  etc. 

Avec  les  conseillers,  les  échevins  commettent  un  re- 
ceveur, un  collecteur  à  la  recette  des  deniers  communs 
et  tous  autres  officiers  «  en  nombre  compétent.  » 

Les  échevins  seuls  ne  peuvent  obliger  la  ville  ni  Ten- 
semble  des  habitants.  Ils  ne  peuvent  vendre  ou  engager 
les  héritages,  rentes  et  revenus,  appartenant  à  la  ville, 
que,  par  Tavis  et  rassemblée  commune  du  clergé ,  des 
bourgeois  et  habitants  de  Troyes:  le  bailli  ou  son  lieute- 
nant étant  appelé.  Cet  engagement  ne  peut  être  con- 
tracté que  pour  le  plus  grand  profil  de  la  ville. 

Le  jour  de  la  St-Barnabé  «  finit  le  pouvoir  de  Téche- 
vinage  des  douze  échevins.  >  Pour  reconstituer  cette 
compagnie,  les  échevins  sortants  convoquent  les  vingt 
quatre  conseillers  et,  avec  eux,  soixante-quatre  notables 
habitants,  en  tout  cent  personnes,  élus  et  choisis  dans 
les  quatre  quartiers  de  la  ville  par  les  sixainiers  ou 
maîtres  de  fer,  et  élisent  douze  nouveaux  échevins,  dont 
l'exercice  est  d'une  durée  de  deux  ans. 


94  HISTOIRE  DE  TROYES.  UIO 

Avant  de  procéder  à  celle  élection,  les  échevins,  con- 
seillers et  notables  prêtent  serment  de  «  selon  Dieu  et 
leur  conscience  ,  élire  douze  échevins  des  meilleurs  et 
des  plus  discrets,  féables  au  roi,  utiles  et  profitables  à 
la  chose  publique  de  la  ville.   » 

Les  nouveaux  doivent  serment  aux  vingt- quatre  con* 
seillers  de  bien  administrer  les  affaires  de  la  ville. 

Les  échevins,  bourgeois  et  habitants  sont  autorisés  à 
acheter  une  maison  ou  une  place  propre  à  bâtir  c  pour 
mieux  et  plus  sûrement  conserver  les  besognes  de  la 
ville  et  tenir  les  assemblées  de  Téchevinage.   > 

Kn  cas  de  décès  d'un  échevin ,  il  n'est  pas  procédé 
immédiatement  à  son  remplacement. 

Si  rimportance  des  affaires  Texige,  les  échevins  et 
conseillers  en  avertissent  le  bailli  ou  son  lieutenant , 
qui  peuvent  autoriser  une  assemblée  générale  des  ha- 
bitants. 

La  police  de  la  ville,  en  tout  ce  qui  touche  la  propreté 
des  rues,  Tenlretien  des  rivières  et  ruisseaux,  les  incen* 
dies,  est  donnée  aux  échevins. 

Enfin,  le  roi  prend  sous  sa  sauvegarde,  les  échevins, 
conseillers,  receveurs,  sergents  et  autres  ofTiciers  de  la 
ville,  pour  tous  les  dommages  et  les  injures  qu'ils  pour- 
raient souffrir,  par  suite  de  leurs  fonctions,  dans  l'intérêt 
delà  ville  (1). 

La  charte  d'échevinage  donne  une  grande  autorité, 
non  à  un  maire  ou  président,  mais  aux  douze  échevins, 
espèce  d'étroit  conseil  conservant  le  pouvoir  exécutif.  Le 
conseil  a  une  action  étendue,  comme  compagnie  consul- 
tative, et  les  assemblées  populaires  et  générales  sont 
encore  nécessaires  pour  engager  les  finances  de  la  ville. 
Mais,  de  cette  charte,  date  la  formation  de  deux  classas 

(1)  Arch.  mun.,  anc.  f. ,  original;  layette  3«,  n»  3^  ire  liasse.  — 
Cariulaire^  n«  i®»",  f^  142.  —  Ordonnance  des  roit  de  Francêy  t. 
XVII,  p.  426. 


1470  CHAPITRE  XIV.  95 

parmi  les  habitants  :  les  cent  notables,  électeurs  et  éli- 
gibles,  d'une  part,  et ,  d'autre  part,  ceux,  et  ce  sont  les 
plus  nombreux,  qui  ne  sont  pas  compris  dans  cette  liste. 
Aussi,  bientôt  verra-t-on  se  former  un  parti,  qui  se  bles- 
sera de  ces  distinctions.  Telle  qu'elle  est ,  cette  charte 
est  encore  bien  loin  d'enlever  à  tous  les  citoyens  les 
droits  dont  ils  Turent  privés  dans  les  siècles  suivants. 

Louis  XI  semble  profiter  de  toutes  les  circonstances 
pour  féliciter  et  remercier  les  habitants  de  Troyes  de 
leur  attachement  à  sa  personne  et  de  leurs  bons  services- 
Le  jour  où  il  signe  la  charte  d'échevinage,  il  adresse  t  à 
ses  chers  et  bien  amés  >  une  lettre  close,  où  il  leur  dé- 
clare c  qu'il  les  tient  et  répute  pour  ses  bons,  vrais  et 

>  loyaux  sujets ,  écartant  d'eux  tous  sinistres  rapports 

>  qui  leur  sont  faits  sur  sa  conduite  à  U\xv  égard ,  ce 

>  dont  il  est  content,  autant  que  de  ville  et  communauté 

>  de  son  royaume.  »  Il  les  en  remercie,  en  les  priant  de 
continuer  et  persévérer  dans  cette  voie.  Il  les  invite  à 
croire  leurs  députés  «  sur  sa  plus  ample  réponse  qu'il  a 
faite  à  leurs  remontrances  >  et,  sur  ce  qu'ils  pourront 
leur  rapporter  sur  ses  propres  affaires.  Il  les  prie  enfin 
de  continuer  à  s'y  employer  libéralement  «  en  quoi  fai- 
sant il  aura  leurs  affaires  de  plus  en  plus  en  bonne  re* 
commandation  >  (i). 

Encore  ici,  Louis  XI  ne  confie  point  au  papier  ses 
projets,  ses  pensées  ou  ses  instructions.  Le  secrétaire 
Plameng,  au  bas  de  cette  lettre,  place  un  poit-acriplum  ^ 
rappelant  les  lettres  relatives  à  I  ecbevinage. 

Toutes  les  gracieusetés  de  Louis  XI  et  celles  de  son 
secrétaire  ne  sont  pas  gratuites.  Par  d'autres  lettres,  du 
même  jour,  18  mai,  le  roi  demande  c  par  forme  d'em* 
prunt  >  aux  habitants  de  Troyes ,  de  lui  avancer  4,500 

(i)  Arch.  mun  ,  A.  A.,  48«  carton,  4»  liasse.  Ck>pie  collaitionnée. 
CeUe  lettre  fut  lue,  en  grande  assemblée,  le  28  mai  1470* 


96  HISTOIRE   DE   TROYES.  U70 

écusd^or.Ou  conuail  les  habitudes  de  la  chancellerie  du 
XV*  siècle. 

L'étabhssenient  de  cette  nouvelle  institution  fut  pour- 
suivi surtout  par  Odard  Hennequin  ,  alors  archidiacre 
de  Téghse  de  Troyes;  Jean  Lequeu,  chanoine  du  même 
Chapitre  ;  M^  Guillaume  Huyart,  licencié  es-lois  ;  Pierre 
Angignart,  marchand  ;  et  Jean  du  Lutel,  clerc  et  procu- 
reur des  habitans,  qui,  tous,  dans  ce  but,  se  rendirent 
près  du  roi,  alors  à  Tours  et  à  Amboise. 

Dans  une  assemblée  générale,  tenue  le  31  juillet,  il 
est  procédé  à  rétablissement  de  Téchevinage,  les  con- 
seillers et  les  échevins  sont  élus  et  installés,  et  procès- 
verbal  est  dressé  sous  le  sceau  de  la  prévôté.  La  nouvelle 
administration  prend  son  siège,  «  avec  ses  besognes,  > 
dans  la  maison  de  feu  messire  Jean  Closiertl).  L^éche- 
xinagecrée  de  suite  deux  oflices  de  sergent  pour  Taxé- 
cation  de  ses  décisions  et  un  ofllee  de  trompette  ,  dont 
le  titulaire  a  autorité  «  pour  faire  cri  au  nom  et  de  par 
messieurs  les  échevins.  »  Le  costume  de  ces  bas- 
officiers,  comme  celui  des  voveurs,  est  de  deux  couleurs, 
bleue  et  violette.  Sur  ce  costume  sont  brodées  en  or  de 
Chypre,  les  armes  de  Champagne  et  celles  de  la  ville,  et 
croies  d*un  rameau  de  rosier.  —  Le  trompette  portait, 
brodées  de  même,  deux  trompettes  sur  le  dos  et  sur  la 
poitrine.  — Outre  leurs  salaires,  on  leur  acquittait  un 
dnoit  dit  :  de  Caréme-prenani. 

Vers  le  même  temps ,  les  relations  de  Louis  }ÎI  et  Je 
Cbaries,  duc  de  Boui^rogne  â^,  deviennent  de  plus  en 
plus  difficiles.  Le  roi,  qui  protège  le  comte  de  Warvîck, 
VenpLfe  à  faire*  dans  les  Flandres,  une  descente  année» 
mise  peu  après  «^  exécution.  Louis  XI  trouve  le  moment 
ot^portun  pour  réaliser  les  prv^jets  par  lui  médités  depuis 

i    Arch.  man..  B.  iS. 

i  Le  isc  nûiippé-le-Bou  mourut,  à  Bnig«ft«  le  15  juin  1467. 


Ii71  CHAPITRE   XIV.  97 

lon^emps  contre  le  duc  de  Bourgogne.  Il  veut  Tempê- 
cher  «  de  faire  le  roi  dans,  le  royaume,  » 

Louis  XI  fait  écrire  aux  bonnes  villes  d'envoyer  cha- 
cune  deux  de  leurs  plus  notables  bourgeois  et  des  mieux 
instruits  au  fait  du  commerce,  pour  aviser,  avec  son 
conseil,  à  ce  qu'il  y  a  à  faire  au  sujet  des  donmiages  que 
la  marchandise  de  France  a  soufferts  dans  les  Flandres. 
II  est  annoncé  à  ces  députés,  réunis  à  Tours,  le  23  sep- 
tembre, que ,  ce  prince  a  fait  saisir  les  marchandises, 
appartenant  aux  Français,  qui  se  trouvaient  dans  ses 
Etals.  Toutes  celles  qui  ont  été  conduites  à  la  grande 
foire  d'Anvers  ont  été  perdues.  Le  duc  de  Bourgogne 
avait  donné,  pour  motifs,  a  cette  violaiion  du  droit  des 
gens,  les  prises  que  le  comte  de  Warvick  avait  faites  sur 
ses  sujets  flamands.  Cet  événement  s'est  accompli  avec 
la  plus  grande  promptitude.  Il  n'y  a  donc  plus  de  sûreté 
à  commercer  avec  les  pays  du  duc  de  Bourgogne.  Le  roi, 
pour  le  bien  du  négoce,  sans  lequel  aucun  royaume  ni 
province  ne  peut, . dit-il ,  s'entretenir  et  pourvoir  à  ses 
besoins,  doit  donc  obvier  à  ces  grands  inconvénients. 

Dans  ces  conjonctures,  et  dès  le  1er  juillet,  le  roi 
adresse  aux  Troyens  une  lettre  close,  datée  d'Amboise, 
et  dans  laquelle  on  lit  : 

«   De  par  le  Roi.  y> 

«  Chiers  et  bien  amez 

«  En  vous  mandant  et  commandant  très  expressé- 
ment que  ausdicts  marchans  et  marchandises  ostans  du 
pays  de  nostredict  beau  cousin  de  Bourgogne ,  vous  ne 
donniez  aucun  arrest  ou  empeschement.  Et  si  jà  y  avoit 
esté  donné,  mectez  incontinent  tout  ce  qui  auroit  esté 
arresté  à  plaine  délivrance  et  jusques  à  ung  denier.  Et 
ce^  pour  certaines  causes  que  dit  est  que  présentement  ne 
vous  pavons  escripre  »  (Il 

^I)  Ardi.  inun.,  Â.  A.,  48''  carton,  A^  liasse.  — *  Cette  lettre,  ap. 
iiu  7 


98  H1ST01BE   L»K   TROYES.  uH 

Cette  modéralioD  artificieuse  de  Louis  \I  ne  fut  pas  de 
longue  durée.  Le  roi,  après  avoir  entendu  son  conseil  et 
les  {rens  notables  des  bonnos  villes,  fait  défense  absolue 
à  tout  marchand,  sous  peine  de  contiseation  de  corps  et 
de  biens,  de  nép>cier  avec  les  sujets  et  dans  les  pays  et 
seigneuries  du  duo  de  Bourgoi^ne.  La  même  défense  est 
faite  aux  marchands  bourguignons  de  trafiquer  en 
France.  Le  duo  publia  de  pareilles  défenses  dans  ses 
Etats.  Pou  aprt^s,  pour  romplaeer  les  foires  d'Anvers  et 
continuer  le  commerce  avec  lAnglelerre.  le  roi  établit 
deux  grandes  foires  à  Caon    I . 

L'assemblée  de  Tours  est  ensuite  saisie  de  tous  les 
griefs  que  le  roi  a  ou  peut  avoir  contre  le  duc  de  Bour- 
gogne. On  y  formule  nettement  les  causes  de  méconten- 
tement du  roi  contre  c  son  beau  cousin  de  Bourgogne  * 
et,  peu  après,  la  gtierre  est  déclarée. 

La  ville  de  Troyes  devient  le  centre  des  opérations  de 
gcerre  contre  le  duc  de  Bourgogne,  sur  la  frontière  sep- 
tentrionale de  la  Comté  et  du  duché .  depuis  Verdun- 
sur-Sa^ne  jusque  dans  le  Nivernais  Le  roi  y  tlt  réunir 
des  munitions  de  guerre  et  des  vi\Tes.  On  y  constate 
souvent  la  présence  des  conseillers  et  principaux  offi- 
ciers de  Louis  XI.  Tanti>t  c'est  Guillaume  Cousinot.  sieur 
de  Montreuil,  qui  vient  présider  à  ravitaillement  de  Tar- 
mée  rovale,  en  faisant  fonctions  de  commissaire  des 
guerres  ou  d'intendant,  qui  modère  les  impositions  dont 
les  habitants  sont  frappés  et  qui .  de  sa  bienveillance, 
est  récompensé  par  le  paiement  de  toutes  ses  dépenses 
faites  en  ville.  C'est  M**  Jean   Berthelet .  conseiller  au 

portas  par  an  chê^aocheur  du  roi.  fut  lae  en  assembla,  tenue  en 
U  Litfe  «la  PnJT't. 

'  Il  Oni.  des  nj-j  de  France,  t.  xvix,  p.  33±  —  D.  Pl^nchkii. 
Hvit.  ie  B»iufy^*jtie^  t.  n.  p,  3iM  ,  et  Prv«ce»,  p.  ccLXXXvn.  où  est 
reproilnit  1«»  oiandement  a'in*5S4>  au  bailli  de  Trove«.  —  De  Bik- 


uni  CHAPITRE  XIV.  99 

Parlement,  et  Etienne  de  Piseul,  pannetier  du  roi,  des- 
cendus au  Chapeau-Rouge ,  et  qui  viennent  faire 
«  aucunes  informacions  (1).  »  Enfin,  c'est  M.  de  Cha- 
tillon  (2J,  qui,  porteur  d'une  lellre  close  du  roi ,  vient 
au  siège  de  son  gouvernement,  pour  donner  ordre  à  tout 
ce  qui  est  nécessaire  pour  la  guerre.  M.  de  Chatillon 
prend  ensuite  le  commandement  de  Tarmée  royale,  en- 
voyée dans  le  pays  de  Langres.  Avant  de  quitter  Troyes, 
Te  25  février  1471  (n.  st.),  il  fait  demander  au  Chapitre 
de  St-Pierre  de  prêter  au  roi  200  écus  d'or  (3). 

En  décembre,  le  roi  avait  provoqué  la  levée  du  ban  et 
de  l*arrière-ban  de  la  noblesse  de  Champagne,  ainsi  que 
des  francs  archers  en  garnison  dans  les  villes  du  bail- 
liage. Les  échevins  s'émeuvent  de  cette  convocation  et 
demandent  que  la  noblesse  de  Troyes  et  tous  ceux  de  la 
ville  qui  y  tiennent  fief  soient  dispensés  de  servir.  Le 
sife  de  Chatillon,  qui  a  pris  congé  du  roi  pour  se  rendre 
en  Champagne,  rassure  les  Troyens.  11  leur  promet  que 
f  s'il  y  a  €  vue  >  [A]  de  la  noblesse ,  il  aura  lieu  d'y 
assister  et,  comme  il  a  le  commandement  dans  son  gou- 
vernement, il  l'excusera  près  du  roi,  et  agira  de  telle 
sorte  que  le  roi  soit  satisfait  et  que  la  noblesse  demeure 
à  Troyes,  afin  de  mettre  la  ville  en  sûreté  (5). 

Les  travaux  des  fortifications  continuent.  On  met  en 
état  de  défense  la  porte  aux  Cailles,  qui  s'élevait  dans 

{i)  Arch.  mun.,  B.  26. 

(2)  H.  de  Chatillon  est  Louis  de  Laval^  seigneur  de  Chatillon  et 
de  Gaêl,  grand-raaître  et  réformateur  général  des  eaux  et  forêts  de 
France ,  lieutenant-général  du  roi  et  gouverneur  de  Champagne, 
Sens  et  Langres. 

(3)  SÉMiLiARD.  T.  ui,  p.  90.  —  Arch.  mun. ,  A.  A.,  carton  4?»; 
4«  liasse. 

(4)  JRevu^. 

(5)  Arch.  mun.,  A.  A.,  carton  48^^  4«  liasse.  Lettre  datée  de  Paris. 
da  22  décembre. 


!0(J  II  stjirï:  de  ti;oyes.  liTi 

rintérieur  de  la  ville  ,   m  deçà  de  la  porte  de   Saint- 
Jacques  (1  . 

En  mars  1471  n.  st.*,  la  Bourgogne  est  attaquée,  du 
côté  du  pays  de  Langres,  par  les  troupes  placées  sous  les 
ordres  du  gouverneur  de  Champagne.  A  cette  force 
armée,  se  joignent  les  mécontents  du  pays  de  Liège, 
qui  se  vengent  de  la  destruction  de  leur  ville  par 
rharles-le-Tém«;raire ;  les  Lorrains,  le  duc  Nicolas,  qui 
est  à  la  cour  de  Franco,  s(î  croient  autorisés  à  aller  pilier 
les  Bourguignons  et  les  Suisses,  alliés  du  roi  de  France; 
ils  se  répandent  jusqu'aux  portes  de  Besançon.  Enfin,  du 
côté  du  Maçonnais ,  d'autres  troupes  royales  attaquent 
les  provinces  du  duc. 

Le  sire  de  Chatillon  est  accompagné  de  Jean  ,  sire 
d'Argueil,  fils  du  Prince  d'Orange,  et  de  Guillaume  Cou- 
sinot ,  qui  remplit  les  fonctions  de  commissaire  des 
guerres.  Le  gouverneur  de  Champagne  informe  les 
Troyens  des  succès  qu'il  obtient  sur  les  Bourguignons. 
Avec  le  sire  d'Argueil,  il  a  mis,  en  l'obéissance  du  roi, 
ilaasl  (i)  puis  l^reugcij  (3),  une  très-forte  place  du  du- 
ché de  Bourgogne,  prise  après  deux  jours  de  combat. 
En  bon  ordre  et  en  grande  compagnie,  il  a  ramené  ses 
troupes  à  Montsaujon,  et  il  espère  continuer  à  guerroyer 
au  profit  du  roi.  Il  fait  savoir  que,  du  côté  du  Maçonnais, 
les  Bourguignons  ont  été  battus  et  déconfits,  ses  plus 
grands  chefs  ont  été  pris  et  mis  à  mort  et  les  autres 
ont  été  mis  en  fuite,  selon  ce  qui  lui  a  été  rapporté.  Le 
sieur  do  Thalame  a  été  blessé  à  l'aHaire  <le  Percey.  Ap- 
porté à  Champlitte,  il  y  mourut  peu  après.  L'artillerie  de 
la  ville  de  Dijon  a  été  prise  par  les  Français.  Quant  aux 
habitants  de  Mussy  et  leurs  voisins,  placés  sous  l'obéis- 

(1)  Arch.  mun.,  D.,  5. 

(2)  Aujourd'hui  Maasl,  canton  de  Prauthoy  (Haute-Marne) 

(3)  Aujourd'hui  Percey-le- Petit,  niérae  canton.   —   11  y  existe 
encore  un  ch&teau-fort,  entouré  de  fossés  très  profonds. 


1471  CHAPITRE  XIV.  101 

sance  du  roi ,  le  sire  de  Ghatillon   prie  les  Troyens  de 
leur  donner  secours  et  assistance,  s'ils  le  requièrent. 

Par  une  seconde  lettre  du  même  jour,  22  mars,  le 
sire  de  Chalillon  et  Guillaume  Cousinot  accordent  aux 
habitants  de  Troyes,  un  délai  de  deux  mois,  pour  fournir 
à  Tarmée  royale  des  vivres  et  approvisionnements  de 
guerre,  imposés  sur  eux  et  une  banlieue  de  deux  lieues 
de  rayon.  Il  les  invite,  par  Guillaume  Léguisé,  qui  était 
allé  demander  sursis,  à  en  conserver  le  secret  et  à  lui 
expédier  seulement,  quant  à  présent,  500  liv.  de  poudre 
à  canon,  500  liv.  de  plomb,  une  casse  de  traits  de  cra- 
nequins  et  50  liv.  de  lil  d'œuvre  (chanvre).  Toutes  ces 
matières  lui  sont  expédiées  sans  retard.  Par  une  lettre 
du  3  avril,  remerciant  les  Troyens  de  leur  prompt  envoi, 
le  sire  de  Ghatillon  les  engage  à  approvisionner  la  ville 
de  toutes  les  matières  dont  il  peut  avoir  besoin  pour 
soutenir  la  guerre.  Les  échevins  s*étant  plaints  des  cour- 
ses et  des  pilleries  des  gens  de  Bar-sur-Seine  et  autres 
places  voisines,  il  leur  répond  : 

€  J*ay  bien  espérance  ,  après  avoir  exploicté  aucunes 
entreprises  par  deçà  lesquelles  convient  nécessairement 
mettre  à  fin  pour  me  tirer  en  vos  marches  à  (avec)  toute 
la  compaignie,  et  y  faire  un  si  bon  et  grant  exploict 
que  vous  en  demeurerez  en  paix  et  joyeulx  (1).  :p 

Le  lendemain ,  3  avril,  le  sire  de  Ghatillon,  prévenu 
par  les  Troyens  de  demandes  de  provisions  d'artillerie 
et  de  munitions  de  guerre ,  qui  leur  ont  été  faites  par 
M.  de  Fontetle-Marbury  et  le  capitaine  de  Mussy,  afin 
de  guerroyer  dans  l'intérêt  du  roi  ;  il  leur  répond  qu'il  a 
confiance  dans  la  conduite  de  ces  capitaines,  auxquels 
se  joindra  sans  doute  M.  de  Plancy  (le  seigneur  de  Cha- 
cenay),  et  qu'il  peut  leur  être  délivré  de  l'artillerie  légère. 


(1)  Lettres  des  22  mars  et  2  avril  1470-71.  A.  A. ,  48e  carton  » 
i*  liasse. 


102  HISTOIRE   DE  TROYES.  uii 

Il  s*apl  sans  doute  d'une  attaque  contre  Bar-sur-Seine, 
rar  M.  do  Chatillon  onj^age  les  combattants,  en  cas 
d'insuocùs,  <  à  se  retirer  à  Jully,  qui  est  auprès.  »  Il  pro- 
met do  nouveau  de  se  rendre  dans  la  contrée,  après 
avoir  mis  fin  à  Tentreprise  qu'il  a  commencée  (1). 

II  y  ouif  dans  le  cours  de  mars,  une  attaque  contre  le 
ohAloan  de  JuUy-snr-Sarce.  La  ville  rachète  des  prison- 
niors  faits  à  ce  siège. 

Kilo  expédie,  au  commencement  d'avril,  des  farines 
sur  I-angros,  Montioramey  et  autres  places  fortes,  confi- 
nant avec  la  Bourj^ogne  (:2\ 

l/ontropriso  annoncée  par  le  sire  de  Chatillon  est  celle 
qu*il  dirige  contre  la  ville  et  le  château  de  Jonvelle  (3i, 
do  la  5^oignourie  do  la  branche  des  La  Trimoille  atta- 
chée a\ix  duos  do  Bourgogne,  et  qui  ouvraient  les  débou- 
ohôs  do  la  Comté  ot  du  duoho  dv  Bourgogne.  Il  s'est 
dirig\^  vers  Bourhonno  !es-Bains .  Là  il  est  rejoint  par 
mossirt^  lUose  de  Lintros,  chevalier,  c  capitaine  des  Lié- 
gtvis,  do  par  lo  roi,  >  qui  marche  sur  la  Bourgogne. 
ApptNMiAnl  que  les  IV^ur^uignons  ont  e:o  dêconlUs  dans 
lo  M,\oo:m*ti$,  oo  capitaine  roun:t  st>s  troupes  à  celle  du 
jvMucnunir  do  C.h,tmp;i^no.  IV  lV>urb:»!^ne,  celte  armée 
XA  mottrx^lo  s:C|^*  do\,t:  :  Ki  \iaî;^  de  Jc^nveile,  qu'ils  bat- 
tonî  ik  Cv^i  .^s  do  c*rs  \<  ,  io  \ir.ir>tsîi  5  eî  ie  >3medi  6 
4\r;),  jas^jv/À  or.ro  hov:?i>  c;:  îv.il-ri.  heure  à  laquelle 
r^î^^A;:î  vV :'iir.u  ;  c Ji  L,^,  \:y,o  o>î  7r]>t\  rjv'*:q;ie  bù^a  for- 
r.îîxV     l  c:>  l  lOiN  :>   N   cr.irvr.î  >5  r-^^n^iers  et  v  font 

•       i******   "ï^    î    ''.*^*»  -^        "t        -*  "  itr".  t"      v"^    '^-."   1    ""ti*    iV-"^' "Wi^  T'AI* 

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U7?  CHAPITRE   XIV.  403 

est  en  grand  nombre,  perd  tous  ses  biens.  Remis  en  pos- 
session de  ses  immeubles,  il  fait  serment  d'être  fidèle  au 
roi  et  lui  paie  trois  mille  francs.  La^ville  renferme  beau- 
coup de  biens.  Lo  sire  de  Ghatillon  espère  encore  donner 
de  bonnes  nouvelles  de  ses  exploits,  et  bientôt  c  prendre 
le  chemin  des  marches  de  Troyes,  pour  meltre  les  ha«- 
bitans  en  sûreté  de  ce  mauvais  Bar-sur-Seine  et  autres 
places  rebelles  et  en  nettoyer  le  pays,  principalement 
pour  Tamour  des  habitans  et  de  la  ville  de  Troyes,  %  la- 
quelle il  voudrait  faire  tout  le  bien  qui  est  en  son  pou- 
voir »  (1). 

M.  de  Chatillon  annonce  que  les  Liégeois  sont  au 
nombre  d'environ  4,000;  qu'ils  quittent  Jonvelle  le  len- 
demain ,  que  les  gens  du  Rarrois  doivent  se  joindre  à 
eux  ,  afin  de  faire  un  bon  exploit  dont  on  entendra 
parler. 

Pendant  que  la  Bourgogne  est  si  vivement  attaquée 
sur  les  confins  de  la  Comté  ,  une  autre  armée  royale 
s*empare  de  plusieurs  villes  de  Picardie,  d'Amiens,  de 
St-Quentin,  etc.  Aussi,  le  duc  de  Bourgogne,  ainsi  que 
Louis  XI  l'annonce  à  Jean,  sire  d'Argueil  (2),  propose-t-il 
de  suspendre  les  hostilités  pendant  trois  mois  c  afin  de 
se  mettre  en  tel  devoir  que  le  roi  devra  estre  content.  > 
La  trêve  fut  signée  à  Amiens,  le  i  avril. 

Le  roi  ordonne  au  sire  d'Argueil  de  conserver  en  son 
pouvoir  les  villes  mises  sous  son  obéissance  royale,  de 
congédier  la  noblesse,  ainsi  que  les  francs-archers ,  en 
leur  donnant  Tordre  de  revenir  à  l'expiration  des  trêves, 
et  de  faire  que  l'armée  royale  vécut  sur  le  pays  con- 
quis <  le  plus  gracieusement  que  faire  se  pourra.  » 
Ces  trêves  se  prolongèrent  jusqu'au  15  juin  1472. 

(1)  Même  liasse  que  les  précédentes.  Lettre  datée  du  10  avril 
1470  (av.  Pâques).  Cette  fête  tombait  le  14  avril.  Elle  est  adressée 
aux  échevins,  qui  la  reçurent  le  jeudi  i  1 . 

(2)  Lett.  orig.  Même  liasse  que  les  précédentes. 


i04  HISTOIRE  DE  TROTES.  147^ 

A  cette  époque,  les  hostilités  recommencent.  Le  due 
de  Bourgogne  entre  en  France,  avec  une  armée,  par  les 
bords  de  la  Somme.  Sur  les  confins  du  Tonnerrois,  de  la 
Champagne  et  du  Langrois,  le  comte  Antoine  de  Luxem- 
bourg, gouverneur  de  Bourgogne,  reprend  dans  celte 
campagne ,  sur  Tarmée  royale ,  les  places  suivantes  : 
Rougemont,  Ravières,  Ancy-le-Franc,  Ancy-le-Ser\eux, 
Argenteuil,  Pacy  ,  Lésines,  St-Martin,  Molùme,  Thorey, 
Cruzy,  Gigny,  du  Tonnerrois;  Laignes,  Molémes  ,  Ba- 
gneux',  Gyé,  Gertjey  (sans  doute  Ricey)  ,  Jully,  Mussy, 
l^othières,  Montigny,  Vanvey,  Rouvres,  Grancey,  Villiers 
et  Montiéramey  il  v  du  Chatillonnais  et  de  la  vallée  de  la 
Seine  et  de  ses  afiluents. 

Pendant  cette  guerre  de  bouttes-leu,  certains  Alle- 
mands se  sont  joints  aux  Boui^uignons.  Une  troupe 
allemande,  sous  le  commandement  de  Pierre  dWrcham- 
bault,  bailli  de  Ferretle,  s'empare  de  Montiéramey  et  de 
certains  villages  voisins,  et  menace  de  brûler  Téglise  et 
Tabbaye,  si  on  ne  paie  rançon.  L*abbé  et  les  religieux 
ne  consentent  à  un  arrangement  qu'avec  le  concours  du 
gouverneur  de  Champagne.  Celui-ci,  étant  à  Troyes,  le 
13  novembre  1472,  donne  son  consentement  à  un  traité, 
sauf  à  l'abbé  et  aux  religieux  à  obtenir  les  conditions  les 
plus  avantageuses.  A  celle  époque ,  le  village  de  Mon- 
treuil  est  onlièrcmenl  brûlé,  sauf  une  seule  maison  i2K 

Los  faits,  qui  se  rapportent  aux  campagnes  de  1471  et 
do  1472,  démontrent  que  les  habitants  de  Troyes  ont 
rempli  leur  devoir  envers  le  roi  et  lui  ont  donné  tous  les 
iiccours  en  leur  pouvoir.  Do  son  côté,  le  roi  ne  leur  mé- 
nage pas  les  remercîments  ni  les  témoignages  aflTeclueux. 
Par  quelles  causes  et  par  quels  événements,  Louis  XI 
est-il  amené  à  supprimer  Téchevinage,  institué  moins  de 

(1)  1).  Plancher.  Hist,  de  Bourgogne^  t.  iv,  p.  -ii2. 
2)  Enquête  pour  les  abbé  et  religieux  de  Montiéramey  ^  contre 
Us  habitfmê  de  MontreuU^  conununiquée  par  M.  Prosper  Adnot. 


1474  CHAPITRE  XIV.  105 

trois  ans  auparavant,  et,  si  Ton  peut  dire,  payé  au  roi  à 
beaux  deniers  comptants  I 

Celle  suppression  est  prononcée  par  lui  ,  et ,  pour 
mettre  à  exécution  sa  volonté,  il  envoyé  à  Troyes, 
Robert  d'Kstouteville ,  prévôt  de  Paris,  et  maître  Jean 
Dijoine.  La  charte  qui,  en  1483,  rétablit  Téchevinage, 
n  est  pas  plus  explicite  que  les  commissaires  royaux, 
qui  ne  laissent  trace  que  de  leur  passage ,  inais  non  de 
Texécution  de  leur  mission. 

Le  dimanche,  20  février  1474  (n.  st.),  les  deux  confi- 
dents de  la  discrète  politique  de  Louis  XI  font  connaître 
aux  Troyens  la  volonté  du  roi  et  la  dissolution  de  leur 
échevinage  «  jusqu'à  ce  que  par  le  roi  autrement  en  soit 
»  ordonné.  ^ 

Le  26,  Louis  XI  écrit  aux  Troyens  une  lettre  lue,  en 
assemblée  générale,  le  4  mars,  en  Thôtel  des  Frères  mi- 
neurs, Louis  XI  les  assure  «  qu'il  les  lient  et  les  répute 
ses  bons  et  loyaux  sujets,  et  que,  comme  tels  il  les  a, 
tant  en  général  qu'en  particulier,  pour  recommander, 
et  qu*il  les  traictera  aussi  bien  ou  mieux  que  sujets  de 
son  royaume.   > 

Le  2  mars ,  Robert  d'Estouleville ,  dont  le  séjour  se 
prolonge  pendant  plus  d'un  mois,  commet  au  gouver- 
nement de  la  ville  le  bailli  on  son  lieutenant,  plusieurs 
oifiôiers  royaux  et  certains  habitants  désignés  par  lui, 
e'est-à=^iiîe,  remet  l'administration  de  la  cité  aux  mains 
d'une  commission  spéciale.  Le  8  mars,  celle-ci  entre  en 
fonctions. 

Le  4 ,  les  deux  commissaires  reçoivent  du  roi ,  la 
lettre  suivante,  datée  de  Sentis,  du  26  février. 

f  Monsieur  le  Prévost  et  vous  maistre  Anthoine.  J'av 
esté  adverty  que  aucuns  ont  mis  peine,  par  cy-devant, 
de  donner  à  entendre  à  ceulx  de  ma  ville  de  Troyes,  que 
j'ay  imaginacion  sur  eulx  autre  que  bonne,  vous  savez 
que  entre  aullres  choses  je  vous  ay  chargé  de  leur  en 


106  HISTOiHE  DE  TUOYES.  1474 

df^clarer  le  contraire  et  de  leur  remonstrer  la  confiance 
que  j'ay  en  oulx.  A  ceste  fin  ,  pour  les  en  rendre  plus 
certains,  je  leur  en  escrips.  Si  leur  présentez  mes  lec- 
tres  et  leur  raffeschissez  de  rechef  mon  vouloir  et  inten- 
cion  sur  ce  et  les  priez,  de  par  moy,  que  s*il  y  a  aucuns 
par  delà  sur  qui  ils  Facenl  doubte,  qu^ils  vous  en  ad- 
vertissent  et  sachiez  qui  sont  ceulx  qui  les  ont  mis  en 
telle  crainte  et  principalement  depuis  que  estes  par 
delà.  Kt ,  si  vous  en  trouvez,  envoyez-les  moi,  afin  que 
je  sache  d'eux  qui  les  a  mis  à  ce  faire.  Et,  de  ce ,  faites 
diligence  et  de  ma  part.  Je  m'informerai  près  de  ceux 
que  j'ai  mandé  de  venir  à  moi  de  tout  ce  que  dit  est  et 
des  autres  affaires  de  la  ville,  afin  que  sur  tout  je  puisse 
y  donner  pour  le  temps  à  venir  telle  et  si  bonne  provi- 
sion que  ladite  ville  demeure  en  sûreté  et  repos.  Au 
pardessus,  pourvoyez  aux  affaires  qui  surviendront  en 
ladite  ville ,  chascun  en  son  endroit  et  en  suivant  la 
charge  que  a  chascun  en  particulier  je  vous  ai  baillée, 
en  attendant  ma  venue  par  delà,  et  veux  que,  en  tout  ce 
qu'il  conviendra  faire  en  icelle  ville ,  ils  vous  obéissent 
comme  à  moy  mesnie.  Donné  à  Senlis,  le  xxvi^  jour  de 
février  >  Signé  :  »  Loys  i>  Et  plus  bas  tThilhart.  >  (1). 
Celte  lettre  donne  à  penser  qu'il  y  aurait  eu  à  Troyes 
quelques  menées  contraires  aux  intérêts  du  roi.  Il  y  a 
eu  des  arrestations.  Le  roi  aurait  lui-môme  interrogé 
les  gens  qu'il  a  mandés  près  de  lui  pour  s'informer  des 
causes  de  leur  conduite,  de  ses  affaires  et  de  celles  de  la 
ville.  On  peut  croire  que  cette  suppression  de  l'échevi- 
nage  est  une  punition  encourue  par  les  habitants  ou 
quelques-uns  d'eux.  Les  élections  des  échevins  et  des 
conseillers  de  ville  ont  pu  ne  pas  lui  donner  une  entière 
satisfaction.  Il  y  a  des  mécontents,  mais  en  petit  nombre. 
La  mesure  prise  par  Louis  XI  parait  être  de  celles  que 

(1}  Arch.  mun.  Inv.  Delion.  -^  Dossier  relatif  à  la  suppression 
de  l'échevinage. 


1474  CHAPITRE  XIV.  107 

Ton  appelle  de  salut  public.  La  position  de  la  ville  de 
Troyes ,  sa  proximité  avec  la  Bourgogne ,  la  présence, 
pendant  plus  d*un  mois,  de  Robert  d'Estouteville,  in- 
duisent à  penser  que  les  affaires  de  Charles-le-Témé- 
faire  préoccupent  le  roi,  qui,  certes,  n*aurait  jamais  pensé 
à  venir  à  Troyes,  s'il  ne  se  fut  agi  que  de  mettre  ordre 
aux  affaires  de  la  ville. 

En  effet,  la  ville  se  met  en  mesure  de  résister  à  toute 
attaque  de  la  part  des  Bourguignons.  La  commission 
échevinale  fait  travailler  aux  fortifications  entre  la  porte 
de  Comporté  et  le  Saut  périlleux  (1).  L'assemblée  de  la 
St-Barnabé  encourage  la  compagnie  des  arbalétriers. 
Elle  lui  donne  soixante  livres  pour  rétablir  ses  buttes, 
l'ancien  emplacement  étant  occupé  par  les  fossés.  Deux 
ans  après,  elle  fonde  un  prix ,  celui  du  Papegay ,  en 
accordant  annuellement  cinq  liv.  t.  à  celui  qui  abatToi- 
seau  (2). 

Dans  le  cours  de  cette  même  année  1474,  l'adminis- 
tration urbaine  ,  sans  doute  par  les  ordres  du  roi,  fait 
opérer  la  recherche  ou  le  recensement  des  armes  pos- 
sédées par  chacun  des  habitants.  La  ville  avait  ses 
armes,  ses  canons,  voguelaires,  serpentines,  arbalètes, 
etc.,  renfermés  dans  son  arsenal.  Le  résultat  de  cette 
recherche  ne  manque  pas  d'intérêt,  même  de  nos  jours. 
On  trouve ,  en  ville  et  au  domicile  des  habitants ,  en 
armes  offensives  :  287  arbalètes  ou  cranequins  ,  547 
couleuvrines,  4  canons  de  fer  à  chambre,  2  serpentines, 
468  vouges,  727  haches  d'armes  et  becs  à  faucon,  1047 
épieux,  172  javelines,  juzarmes  ,  pertuisanes,  piques  et 
demi-piques,  657  maillets  de  plomb,  de  cuivre  ou  de 
fer,  37  arcs  avec  leurs  trousses;  en  tout:  3,948  pièces, 
sans  comprendre  plusieurs  centaines  d'épées,  à  une  et 

(1)  D.,  6.  Partie  comprise  entre  la  porte  de  Preize  et  Ghaillouet. 

(2)  G.,  39,  48. 


108  HISTOIRE  DE  TKOYES.  1474 

à  deux  mains,  mains  de  plomb  ou  de  cuivre  ,  faisant 
maillet,  et  dans  lesquelles  est  fixée  une  broche  en  fer. 

Parmi  les  couleuvrines ,  on  en  trouve  en  fer  et  en 
cuivre  ;  les  unes  à  main,  d^aulres  à  crochet ,  et  pesant 
de  huit  à  trente  livres,  même  jusqu'à  soixante.  On  peut 
remarquer  que,  dans  cetle  nomenclature,  ne  figure  pas 
une  arquebuse,  et,  cependant,  douze  ans  après ,  la  ville 
possède  une  compagnie  volontaire  d'arquebusiers. 

Les  armes  défensives  se  composent  de  :  278  brigan- 
dines,  57  harnais  de  guerre  complets,  125  cuirasses  et 
corsets,  204  aubergeons  et  jazerons  de  mailles,  73 
Jacques ,  63  écrevisses  et  tonnelets  ,  895  salades  et  bi- 
coquets,  152  heaumes,  bacinets,  chapeaux  d'acier  ou  de 
Montauban,  etc.,  en  tout  1,847  pièces. 

Chacun  peut  résister  dans  sa  maison,  et  si  rensemble 
des  habitants  oppose  des  canons  braqués  sur  les  rem- 
parts  et  sur  les  ravelins,  un  certain  nombre  de  maisons 
peuvent  soutenir  une  attaque  à  main  armée,  et  les  ha- 
bitants s*y  défendre,  car  chaque  habitation  a  son  arsenal. 
On  trouve  des  armes  chez  les  habitants  de  toutes  les 
classes,  chez  les  ecclésiastiques,  chez  les  bourgeois  et 
chez  les  artisans. 

Ainsi  l'évoque,  Louis  Raguier,  possède  une  brigandine, 
couverte  de  velours  noir,  à  son  usage,  un  harnais  blanc 
complet,  deux  brigandines,  deux  salades,  une  lance  et 
une  demi-lance  ,  cinq  grosses  couleuvrines  de  cuivre  , 
deux  autres  en  fer,  trois  arbalètes  d'acier,  six  bacinets 
à  bannière,  un  bec  de  faucon,  une  vouge  et  un  jazeron. 

Noël  Coëffart,  chanoine,  Guillaume  Léguisé  ,  archi- 
diacre, l'abbé  de  St-Loup  et  beaucoup  d'autres  gens  du 
clergé  ne  sont  pas  moins  approvisionnés  d'armes  que 
révoque.  Il  en  est  de  même  dans  la  bourgeoisie  :  chez 
la  veuve  Guillaume  Mole,  Guyot  le  Pelé,  Guillaume  et 
Jean  Mole,  chez  la  veuve  de  Jacques  Mauroy,  drapier, 
Jean  de  Mesgrigny ,  écuyer ,  receveur  des  aides ,  chez 


Uil  CHAPITRE  XIV.  109 

l'hôtelier  dos  Mores ,  Jacquinot  de  Pouan ,  et  chez  un 
barbier  et  un  grand  nombre  d'habitants,  on  trouve  pro- 
vision d'armes  suffisante  à  Tarmement  de  plusieurs 
hommes.  La  ville  pouvait  armer  alors  au  moins  de  5  à 
6,000  combattants. 

La  guerre  recommence  sur  les  marches  de  Bourgogne. 

En  juin  1 474,  Tarmée  royale  s'empare  du  château  de 
Thorey,  situe  dans  les  montagnes  du  Tonnerrois  (1). 
Celui  de  Chacenay,  le  5  février  suivant,  est  pris,  pour 
le  roij  par  M.  de  Dinteville,  qui  demande  aux  Troyens  de 
Tartillerie  et  des  provisions  de  guerre,  afin  de  le  mettre 
en  état  de  se  défendre  (2).  Ricey,  Chatillon,  Mussy,  Po- 
lisy,  Polisot ,  Balnot ,  Avirey  et  Lingey ,  et  sans  doute 
d'autres  villages  de  la  même  contrée,  tombent  sous  les 
coups  de  l'armée  royale,  commandée  par  M.  de  Chatil- 
lon, et  au  pouvoir  de  Louis  XI.  La  ville  de  Bar-sur-Seine 
est  prise  d'assaut,  le  7  juin,  par  les  Troyens,  et,  peu 
après,  le  château  tombe  entre  leurs  mains,  par  suite  de 
trahison.  Il  aurait  été  livré  par  un  nommé  de  Bournon- 
ville  (3).  En  revenant  de  ce  siège,  les  habitants  de  1  royes, 
mettant  sans  doute  la  Seine  entre  eux  et  les  forces  bour- 
guignonnes, ou  suivant  la  route  autrefois  pratiquée  par 
les  ducs  de  Bourgogne ,  revenant  de  Flandre ,  passent 
sur  la  rive  droite  de  la  Seine,  et  la  bombarde  effondre, 
par  son  poids,  le  pont  jeté  sur  la  Barse  et  tombe  dans  la 
rivière. 

Le  château  de  Vendeuvre  est  occupé  par  des  Alle- 
mands pour  le  compte  de  Charles-le-Téméraire,  puis  pris 
par  les  troupes  royales;  celles-ci  repoussent,  avec  les 
habitants ,  les  entreprises  des  Bourguignons.  Le  capi- 
taine du  château  est  en  relation  avec  les  habitants  de 

(1)  B.,  26.  —  Canton  de  Cnizy,  arr.  de  Tonnerre. 

(2)  Arch.  mun.  Lettre  de  Af.  de  Dinteville, 

(3)  Lucien  Coûtant.  Hist.  de  la  ville  et  du  comté  de  Bctr-êur- 
Setne,p.  133et220. 


no  HISTOIRE  DE  TROYES.  Uli 

Troyes.  Le  6  juin  ,  il  leur  annonce  ses  succès  sur  les 
ennemis.  Il  demande  de  Tartillerie  ;  celle  du  château  et 
toutes  les  armes  de  trait  ayant  été  détruites  par  les  Alle- 
mands ,  avant  d'abandonner  le  château.  Il  informe  les 
Troyens  que  les  Bourguignons  ,  réunis  vers  Châtillon , 
font  des  préparatifs  pour  venir  reprendre  la  forteresse 
de  Vendeuvre.  La  ville  envoie  des  secours  à  ce  capi- 
taine (1). 

Peu  après  ,  le  roi ,  voulant  commencer  à  mettre  à 
exécution  des  projets  qu'il  réalisa  plus  tard,  expédie,  à 
Troyes,  un  huissier  d'armes  portant  l'ordre  de  faire  dé- 
molir «  la  place  et  forteresse  de  Vendeuvre.  >  Mais, 
après  avoir  séjourné  à  Troyes,  cet  agent  quitta  la  ville, 
sans  que  cet  ordre  fût  exécuté  (2). 

Le  21  juillet,  le  duc  de  Bourgogne  et  le  duc  de  Ga- 
labre  sont  à  Jully-sur-Sarce ,  avec  leur  armée.  De  ce 
lieu  ,  les  deux  ducs  envoient  aux  Troyens  des  hérauts 
d'armes,  porteurs  de  lettres  qui  sont  refusées  (3). 

Les  habitants  do  Troyes  prennent  une  part  active  à 
la  lutte.  Us  coopèrent,  avec  les  troupes  royales,  aux 
prises  de  Ricey,  de  Mussy,  de  Gyé,  de  Châtillon,  et  des 
autres  villes  et  forteresses,  situées  sur  la  Seine.  Ils 
prennent  Bar-sur-Seine,  où  Remy  Hatot  fut  blessé  d'un 
;50up  de  couleuvrine,  et  le  troyen,  Guillemin  Bonnet,  fait 
prisonnier;  celui-ci  fut  pendu  à  Châtillon  (4).  Ils  agis- 
sent de  même  dans  le  Langrois.  Ils  sont  aux  affaires  de 
Jonvelle,  de  Cuisy ,  de  Selongey ,  de  Percey,  de  Cham- 
plitte,  de  Jussey,  etc.  Ils  fournissent  des  chevaux  pour 
conduire  de  l'artillerie  jusqu'en   Hainaut,  et  des  fonds 

(i  )  Arch.  niun.  Cette  lettre  a  été  publiée  m  extenso  dans  ma  No* 
tice  hintoriquc  sur  Vendeuvre,  1858-1861. 

(2)  Ce  chûteau  et  la  seigneurie  qui  en  relevait,  ainsi  que  celles  de 
nii«ny ,  Spoy,  Vitry ,  etc. ,  étaient  en  possession  de  la  famille  de 
Mello,  de  St-Bris,  qui  suivait  le  parti  de  Charles-le-Téméraire. 

(3;  Arch.  mun. 

(i)F.,158 


< 


1475  CHAPITRE   XIV.  11* 

dans  une  laille,  dite  :  de  Pontoise  (1).  Le  Chapitre  de 
St-Pierre,  animé  du  même  esprit,  prête  son  concours  à 
Louis  XI,  en  livrant  ses  grainâ  aux  troupes  et  en  en 
payant  le  transport  jusqu'au  camp  (2). 

Après  une  lutte  de  plusieurs  années  qui  eut  surtout 
pour  théâtre  les  pays  frontières  de  la  Bourgogne,  depuis 
le  Nivernais  jusqu'à  l'Alsace,  des  trêves,  d'une  durée 
fixée  à  neuf  ans,  furent  signées  entre  Louis  XI  et 
Charles-le-Téméraire,  le  13  septembre  1475.  Par  ce 
traité,  généralement  favorable  au  duc,  celui-ci  s'engage 
à  livrer  au  roi  et  à  son  impitoyable  vengeance,  le  con- 
nétable de  St-Pol ,  Louis  de  Luxembourg ,  comte  de 
Brienne. 

Le  connétable  est  livré  à  l'amiral  de  France ,  le  24 
novembre  1475.  Amené  à  Paris,  il  est  enfermé  à  la 
Bastille  et  le  Parlement  lui  fait  son  procès.  Le  19  dé- 
cembre, il  est  condamné  à  mort,  décapité,  le  même 
jour,  sur  la  place  de  Grève,  et  ses  biens  sont  confisqués. 
Il  avait  57  ans. 

Le  connétable  n'obtint,  en  raison  de  ses  trahisons  et 
do  sa  cruauté,  ni  la  pitié  des  uns,  ni  le  regret  des  autres. 
Il  partageait,  avec  le  duc  de  Bourgogne,  l'animadversion 
générale.  Le  peuple  le  regardait  comme  le  principal 
perturbateur  de  la  paix  et  comme  traître  au  roi  et  au 
royaume.  Par  sa  conduite,  il  entretenait  la  guerre.  Ce 
fut  une  bien  grande  nouveauté  que  l'exécution  juridique 
d'un  si  puissant  seigneur,  veuf  d'une  sœur  de  la  reine, 
allié  à  tous  les  souverains  de  la  Chrétienté  et  issu  d'une 
maison  qui  avait  donné  trois  empereurs  à  l'Allemagne. 
Mais  sa  fortune,  à  la  cour  de  France,  était  entachée  de 
mal  :  Jean  de  Luxembourg,  son  oncle,  avait  livré  Jeanne 
d'Arc  aux  Anglais. 

il)  F.,  160. 

(2)  SÉSnLLARD. 


H2  HISTOIRE   DE  TR0YE5. 


U75 


Louis  de  Luxembourg  possédait  le  comté  de  Briennef 
comme  héritier  de  son  père,  Pierre,  comte  de  Brienne, 
qui  Tavait  reçu  de  la  succession  de  sa  mère,  Marguerite 
d'Enghien,  descendante  de  Gauthier  IV,  comte  de  Brienne 
et  duc  d*Athènes,  et  mariée  à  Jean  I  de  Luxembourg, 
seigneur  de  Beaurevoir. 

La  famille  d'Amboise  obtint  la  faveur  de  Louis  XI , 
dès  les  premières  années  de  son  règne.  Louis  donna  à 
Charles  I  d'Amboise,  seigneur  de  Chaumont,  de  Cha- 
renton,  etc.,  le  gouvernement  de  TIle-de-France ,  de  la 
Champagne  et  de  la  Bourgogne.  Charles  d'Amboise,  sous 
le  nom  de  M.  de  Chaumont,  ou  du  sire  de  Charenton, 
commande  sur  les  frontières  de  ces  deux  provinces, 
après  la  retraite  du  sire  de  Châtillon.  Déjà,  pour  le  récom- 
penser de  ses  services,  le  l^r  décembre  1473,  Louis  XI 
lui  avait  donné  les  seigneuries  de  Sompuis  (1)  et  de 
Dampierre  (2)  confisquées  sur  Waleran  de  Châtillon.  Le 
1er  janvier  1475  (v.  st.) ,  il  lui  fit  don  du  comté  de 
Brienne,  confisqué  sur  le  connétable  de  St-Pol ,  con- 
damné à  mort  douze  jours  auparavant.  Charles  d'Am- 
boise  était  mort  le  16  mars  1480,  avec  la  réputation, 
selon  Comines,  d'être  très-vaillant,  sage  et  diligent. 
On  sait  quelle  fut  Texcellente  renommée  de  Georges 
d'Amboise  (3),  chancelier  de  France  et  de  Charles  II, 
maréchal  et  amiral  de  France  (4). 

Le  gouvernement  de  la  Champagne  attira  la  famille 
d*Amboise  dans  la  province  et  la  donation  des  seigneu- 
ries de  Dampierre,  Sompuis,  Brienne,  et  Tacquisition  de 
celle  de  Vendeuvre  y  fixèrent  cette  famille  pendant  long- 
temps. 

(1)  Marne. 

(2)  Aubo,  canton  de  Ramenipt. 

(3)  P.  Anselme.  Uist.  gâiêaL  de  France,  \   vu. 

(i)  Celui-ci  acheta  le  ch&teau  et  la  seigneurie  de  VendeoTre,  en 
iMO.  de  Charles  de  Mello. 


1476  CHAPITRE  XIV.  ii3 

Le  règne  de  Louis  XI  fut  le  beau  temps  des  confisca- 
tions. 

Après  un  long  procès  contre  l*un  des  membres  de  la 
famille  d'Arniagnac,  nom  si  fatal  à  la  France,  contre 
Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Nemours,  l'accusé  fut  con- 
damné et  tous  ses  biens  confisqués.  Dans  le  duché  de 
Nemours,  étaient  comprises  les  terres  et  seigneuries  de 
Pont,  de  Nogent-sur-Seine,  d'Ervy  et  de  St-Florentin. 
Ces  deux  dernières  passèrent,  en  septembre  1477,  aux 
mains  de  Jean  Wisse,  de  Gerbeviller,  dit  le  Petit-Bailli 
d'Allemagne  (1).  Vers  la  même  date,  les  seigneuries  de 
Nogent  et  de  Pont  furent  données  à  un  sieur  Vendange 
qui,  comme  le  Petit-Bailli  d'Allemagne  (2),  était  un  des 
serviteurs  dévoués  de  Louis  XI,  serviteurs  dont  les  noms 
sont  restés  profondément  inconnus  dans  l'histoire. 

Ces  confiscations  cessèrent  par  la  volonté  de  Charles 
VllI,  qui,  en  1484-1485,  fit  rentrer  la  famille  de  Luxem- 
bourg, par  Marie  et  Françoise,  filles  de  Pierre,  et  petites- 
filles  du  connétable,  en  possession  du  comté  de  Brienne, 
qui  passa  de  suite  entre  les  mains  d'Antoine,  oncle  de 
Marie  et  de  Françoise,  et  qui  continuait  la  ligne  mascu- 
line de  la  famille  de  Luxembourg.  En  1491,  Charles  VIIl 
agit  de  même  en  faveur  de  Jean  et  de  Louis  d'Armagnac, 
enfants  du  duc  de  Nemours  (3). 

Charles-le-Téméraire  continue  la  guerre  contre  les 
Suisses.  Mis  en  déroule  à  Crançon,  il  le  fut  de  nouveau 
à  Morat,  le  25  juin  1476.  Cette  double  défaite  avance 
d'autant  les  afiaires  de  Louis  XI,  entraînant  avec  elle  la 
perte  d'un  matériel  de  guerre  considérable,  la  mort  d'un 
grand  nombre  de  seigneurs  et  de  soldats,  et  le  plus  grand 
trouble  dans  l'esprit  de  son  armée.  Aussi,  le  sire  d'Am- 

(1)  Ord.  des  rois  de  France,  t.  xviii,  p.  578. 

(2)  Môme  recueil,  p.  579. 

(3)  De  Jaligny.  Hist.  de  Charles  VIII ,  publiée  par  Godkfroy.  — 
OUenralionB,  p.  4d9  et  614.  Cramaisy^  1684,  in-f». 

lit.  8 


m  HISTOIRE  DE  TROYES.  ui6 

boise,  gouverneur  de  Champagne,  s'empresçe-tril  d'écrire 
à  Tévêque  de  Troyes  une  lettre  pour  lui  faire  part  de  sa 
joie,  en  même  temps  qu'il  demande  des  prières  pour  les 
succès  du  roi  (1). 

Madame  de  Savoie,  Yolande  de  France ,  veuve  de 
Amé  IX,  duc  de  Savoie,  sœur  de  Louis  XI,  passe  à 
Troyes,  en  1476.  Les  Troyens  la  défraient  de  ses  dé- 
penses pendant  son  séjour.  Le  duc  Charles-le-Téméraire, 
l'ayant  fait  arrêter,  la  retenait  prisonnière,  d'abord  au 
château  de  Salins,  puis  dans  celui  de  Rouvre,  près  de 
Dijon.  Sur  la  demande  de  Louis  XI,  le  sire  d'Amboise  fut 
chargé  de  la  délivrer  de  sa  prison.  Celui-ci  réussit  dans 
son  entreprise,  enleva  madame  Yolande  et  la  conduisit  à 
son  frère,  qui,  malgré  un  passé  plein  de  mésintelligence, 
lui  fît  bon  accueil. 

En  1475,  deux  aides  furent  levées  sur  les  habitants 


(1)  Voici  cette  lettre  :  a  Monsieur  mon  compère ,  je  me  recom- 
»  mande  à  vous  tant  de  bon  cœur  comme  je  peux.  Présentement 
»  ay  receu  des  lettres  du  roy  par  lesquelles  il  me  fait  scavoir  que  le 
»  jour  de  la  feste  de  monsieur  saint  Jean-Bapliste,  luy  vinrent  nou- 
»  velles  comme  M.  de  Bourgogne  avoit  esté,  le  sainedy  devant,  au 
»  point  du  jour,  combattu  des  Suisses  et  qu'il  avoit  perdu  un  bien 
9  grand  nombre  de  gens  et  tout  son  camp  et  son  artillerie  et  qu'il 
»  s'en  esloit  fuy  jusqu'à  Joinfre  {Mor^jes,  suiv;int  M.  de  Barante, 
Jlist,  des  dtns  de  Bourgogne,  t.  vu.  p.  180),  à  tant  (avec)  six  che- 
»  vaux,  qui  sont  bien  grandes  nouvelles.  Lesquelles,  pour  ceste 
»  cause,  je  vous  fais  scavoir  et  me  semble  (jue  ce  sont  choses  de 
V  quoy  vous  devez  faire  et  faire  faire  processions  générales  et  que 
»  chascun  en  doit  rendre  grAces  à  Dieu,  et  faire  les  feux  de  joie,  en 
»  priant  Dieu,  monsieur  mon  compère,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte 
»  garde.  Escript  de  Brienne,  le  derni^-r  jour  de  juing.  Votre  com- 
»  père.  »  Signé  :  a  Damboyse.  »> 

<(  A  monsieur  mon  compère,  » 

«  Monsieur  de  Troyes.  »  (Sémiijj^rt.) 

On  peut  n  marquer  que  les  communications  sont  plus  rapides, 
les  correspondances  plus  promptes  depuis  quelques  années.  Ainsi,  le 
30  juin,  le  gouverneur  de  Champagne  écrit  à  l'évêque  de  Troyes, 
après  avoir  reçu  la  lettre  du  roi,  averti  de  la  bataille  de  Morat, 
livrée  le  25. 


U^  CHAPITRE  XIV.  115 

de  Tfoyes.  La  première,  afin  de  couvrir  une  partie  de» 
frais  occasionnés  par  la  prise  des  places  de  Bar-sur- 
Seine,  Ricey,  Gyé,  Mussy,  Ghâtillon  el  autres  villes  et 
ohâteaux  des  environs,  et,  la  seconde,  se  moulanl  à 
700  1.  t. ,  pour  la  portion  à  sa  charge,  dans  la  somme 
payée  aux  Anglais  «  pour  départir  du  royaume  (1).  » 

Avec  Louis  XI,  étaient  revenues  les  aides  et  levées  de 
deniers  de  toutes  sortes  ,  pratiquées  sous  le  nom  de 
commissions.  Comme  il  arrive  trop  souvent  sous  Tautorité 
d*un  souverain  ,  abusant  du  pouvoir  absolu ,  la  faveur 
n'est  que  Texcmption  opposée  à  une  règle  que  Ton  dit 
générale.  En  1476,  Louis  XI  avait  donné  commission  sur 
la  ville  de  Troyes.  Blessée  dans  ses  intérêts,  la  ville  lui 
envoie  Jacques  delaRoëre,  notaire  et  secrétaire  du  roi,  et 
Nicolas  Dorigny,  pour  en  être  déchargée.  La  démarche 
parait  avoir  été  couronnée  de  succès ,  grâce  à  l'inter- 
vention du  tout-puissant  Olivier-le-Daim.  Sans  faire 
aucun  tort  à  sa  délicatesse,  il  y  a  lieu  de  croire  que  son 
intervention  ne  fut  pas  gratuite  (2). 

La  guerre  est  toujours  la  préoccupation  du  moment. 
Le  terrible  duc  de  Bourgogne  est  toujours  redouté,  mais 
son  étoile  pâlit,  elle  est  à  son  déclin.  Bientôt  il  va  suc- 
comber et  trouver  la  mort  sous  les  murs  de  Nancy.  Cette 
mort  amène,  comme  l'on  sait,  la  réunion  de  la  Bour- 
gogne à  la  couronne  de  France.  La  fille  de  Charles-le- 
Témérairc,  la  princesse  Marie  de  Bourgogne,  défendra 
son  héritage  avec  vigueur.  L'astucieux  Louis  XI  ne  tarda 
pas  à  vaincre  son  armée  et  à  se  faire  reconnaître ,  par 
les  Etats  de  Bourgogne ,  leur  souverain  seigneur.  Les 
comtés  de  Maçonnais ,  Charolais  et  d'Auxerrois,  et  les 

(1)F,  158. 

(2)  Lettres  de  Louis  XI  et  (VOlivier^le^Daimy  A.  A.,  \%^  carton, 
A«  liasse.  —  Ce  dernier,  quoique  fait  comte  de  Meulan  ,  signe  :  Le 
Tout  Vo8trc,0,  Le  Daim —  D'origine  flamande,  son  nom  était  Neckcr, 
Esprit  des  eaux,  Ondtn,  mal  traduit  par  Le  Diabie,  Kfrvyn  vf.  Let- 

Tfi2fH0V£,  t.  IV)  p.  â04. 


116  HISTOIRE   DE  TROYES.  1477 

seigneuries  de  Bar-sup-Seine  et  de  Ghâteau-Chinoo 
supplièrent  seulement  le  roi  de  garder  à  Mademoiselle 
de  Bourgogne  son  droit  ainsi  qu'il  Tavait  promis.  Les 
Etats  remettent  entre  les  mains  du  sire  de  Graon  et  du 
sire  de  Ghaumont-d'Amboise,  le  duché  et  toutes  ses  dé- 
pendances. Gette  remise  eut  lieu  le  29  janvier  1477 
(n.  st.),  moyennant  certaines  conditions  approuvées  par 
Louis  XI.  Le  18  mars  suivant,  quoique  la  guerre  cesse 
sur  les  confins  de  la  Bourgogne  et  de  la  Champagne,  le 
roi  demande  néanmoins  aux  Trovens  de  lui  faire  fabri- 
quer  un  canon  semblable  à  ceux  que  le  sire  de  Chau- 
mont  a  fait  fabriquer  à  Dijon.  Il  leur  annonce  que, 
avec  Vaide  de  Di«u,  de  Notre-Dame  et  de  ses  bons  et 
loyaux  sujets,  «  il  remettra  en  son  obéissance  les  pays 
occupés  par  ses  ennemis ,  dans  les  duché  et  comté  de 
Bourgogne  »  (1). 

Du  côté  des  Flandres  et  de  la  Picardie,  Louis  XI  tra- 
vaille à  dépouiller  la  princesse  Marie,  femme  de  Maxi- 
milien,  duc  d'Autriche.  Il  s'efforce  de  s'approprier  de 
tout  ce  qui  dépend  de  l'ancien  royaume  de  France  et  de 
mettre  la  main  sur  les  anciennes  provinces  wallonnes  de 
TEmpire,  partie  pour  les  conserver,  partie  pour  les  dis- 
tribuer à  ses  serviteurs  dévoués. 

Pendant  ces  événements,  le  8  mars  Lt77  (n.  st.),  la 
ville  de  Troyes  envoie ,  sous  ses  panonceaux  et  sous  la 
conduite  de  Massey  des  Prés,  écuyer,  sieur  de  Viélaines, 
la  plus  grande  partie  de  son  artillerie  à  l'armée  royale, 
alors  en  France  iIle-de-Francei  et  en  Picardie.  Elle  prend, 
sans  doute ,  part  aux  travaux  du  siège  d'Arras,  qui  eut 
lieu  en  mai.  Vers  le  même  temps,  Dorey  et  Pierre  de 
Valières  conduisent  à  Arras ,  soixante  chevaux  pour  le 
service   de  l'armée  royale.  Ils  sont  autorisés  par  leurs 


(1^  Arch.  mun  ,  A    A  ,  rarton,  4^  liasso.  48-'  lMb*e  dv  roi,  du  i  i 
avril. 


Ii77 


CHAPITRE  xrv.  H  7 


concitoyens  à  traiter  aux  meilleures  conditions  avec  les 
officiers  du  roi,  pour  ramener  tous  ces  chevaux  à  Troyes. 
«  Les  gracieusetés  >  faites  aux  officiers  royaux  ont  du 
succès.  Deux  lots  de  vin  envoyés  à  M.  le  général  de  Nor- 
mandie, autant  à  M.  de  La  Choletièrc,  ainsi  qu'à  deux 
autres  officiers  des  finances,  puis  à  Antoine  Dijoine  et  à 
Pierre  Chérot,  maitre-d'hôlel  du  roi,  appuyèrent  si  favo- 
rablement leiir  requête  qu'ils  ramenèrent  leur  convoi  de 
chevaux  à  Troyes,  et  la  ville  fut  déchargée  de  cette  four- 
niture (1). 

En  juin,  le  gouverneur  de  Champagne  dispense  les 
Troyens  de  fournir  le  canon  demandé  par  le  roi.  Il  devait 
peser  3,000  livres.  En  échange,  il  demande  2,000  liv. 
de  salpêtre.  Gomme  il  travaille  à  soumettre  les  villes  de 
la  Bourgogne  qui  résistent  à  la  volonté  du  roi,  il  est  alors 
en  Franche-Comté.  Il  annonce  la  prise  de  Verdun-sur- 
Saône  (2),  où,  dit-il,  il  y  avait  bien  quinze  cents  combat- 
tants, qui  tous  ont  été  tués  ou  pris,  et,  parmi  ces  der- 
niers, se  trouvait  Simon  de  Quingey ,  qui,  peu  après, 
devint  bailli  de  Troyes,  et  un  grand  nombre  de  gens  de 
bien  du  comte  et  du  duc  d'Autriche.  Revenu  à  Dijon, 
Charles  d'Amboise  se  dispose  à  repartir  dans  deux  jours 
t  avec  l'armée  pour  dépescher  et  nectoyer  les  places 
estans  au  duché  que  les  traictres  avoient  rendues  >  (3). 

De  Dijon,  le  sire  de  Chaumont  se  dirige  sur  Beaune, 
puis  sur  Chalon  et  Semur.  Pour  éviter  le  pillage ,  ces 
villes  subirent  des  taxes  considérables,  dont  profitèrent 
largement  les  sires  de  Craon  et  de  Chaumont,  ce  dernier 
devenu  gouverneur  de  Bourgogne.  Ce  fut  lui  qui  soumit 
au  roi  la  province  ducale,  mais  la  Comté  restait  Bour- 

(1)  Arch.  mun.,D.,6. 
.  (2)  Aujourd'hui  Verdun-sur-le-Doubs,  chef-lieu  do  canton,  an*,  de 
Màcon  (Saône-et- Loire).  Cette  petite  ville  est  placée  au  confluent  du 
Doubs  et  de  la  Saône. 

(3)  A.  A.,  44e  caxion,  4»  liasse. 


118  niSTorBK  de  tkoyrs.  i^g 

gyifpioinie.  Ce  bon  serviteur  de  Louis  M  mourut,,  à  Tours, 
on  février  14.81  [n.  st.)  et,  le  27,  la  ville  de  Troyes  faisait 
célébrer  un  service  funèbre  en  son  honneur. 

Kn  mai  et  juin  1479  sont  levés,  en  manière  de  sub- 
side, dans  la  villo^  et  réioclion  do  Troves,  cent  muids  de 
blé,  cent  queu*î>  de  vin,  trente  muids  d'avoine,  36 
bœufs,  180  moutons,  180  bandes  de  lard,  36  douzaines 
de  fromages,  et  !V!0  liv.  l.,  Les  commissaires  royaux 
sont:  Monseigneur  de  Belleville,  M^  Jacques  de  Mesme 
et  Jacques  Coictior  (1). 

Pondant  que  le  gouverneur  de  Champagne  et  de  Bour- 
gogne se  tient  dans  cette  dernière  province,  des  partis 
armés  parcourent  les  environs  de  Troyes.  L*abbayc  de 
Monliéramey  a  besoin  de  secours  pour  se  défendre  contre 
les  ennemis  du  roi  qui  veulent  s'en  emparer.  La  ville 
envoie  des  secours  à  Tabbé,  en  faisant  savoir  qu'elle 
veut  que  l'abbé,  en  fonctions  depuis  plus  de  vingt  ans, 
soit  conservé. 

La  ville  fait  travailler  à  ses  fortifications  ,  elle  n'ap- 
[it'lle  plus  seuleniont  les  habitants  de  sa  banlieue.  En 
1478,  elle  convoque  les  gens  du  comté  de  Brienne,  ap- 
partenant au  gouverneur  de  Champagne,  mais  Jacques 
llelle,  gouverneur  de  ce  comté,  demande  que  ses  sujets 
soient  déchargés  de  contribuer  à  ces  travaux  (2). 

Vers  le  même  temps,  la  ville  de  Troyes,  sous  la  con- 
duite de  Guillaume  de  la  Rothière,  envoie  des  maçons, 
des  charpentiers  et  des  pionniers  en  Bourgogne,  afin  de 
démolir,  par  les  ordres  du  roi,  les  châteaux  de  Bar-sur- 
Seine,  de  Ricey,  de  Mussy,  de  Gyé  et  de  Châtillon  (3;. 

(1)  Le  rôle  (Je  cet  impôt  est  dressé  pour  Télection  de  Troyes,  di- 
\iscr  on  doycnnôs.  Klle  comprend  rêvôché  de  Troyes,  sauf  le  doyenné 
do  Sézanne  et  celui  de  Pont  :  ce  dernier  comprenant  les  seii^ieuries 
de  Nogent  et  de  Pont. 

{i)  Arch.  mun.,  A.  A.,  9<  carton,  l^c  liasse. 

(3)  Arch.  mun. 


U79  CHAPITRE  XIV.  H9 

Dans  ces  différentes  courses  ,  Jean  de  la  Coste,  troyen, 
conduit  un  certain  nombre  de  piétons,  appelés  les  Ro^ 
siers^  fournis  par  la  ville,  sur  Tordre  du  gouverneur,  et 
envoyés  d'abord  à  Langres,  puis  devant  Arc-en-Barrois, 
où  La  Coste  fut  blessé,  enfin  devant  le  château  de  Jully, 
ou  il  perdit  son  équipement.  En  1488,  rassemblée  de  la 
St-Barnabé  lui  accorde  des  secours  motivés  sur  les  ser- 
vices qu'il  a  rendus  et  les  blessures  qu'il  a  reçues  (1). 

Dans  les  premiers  jours  de  juillet  1479 ,  Louis  XI  se 
rend  en  Bourgogne.  Il  est  à  Méry  le  4.  Il  s'arrête  au  châ- 
teau de  St-Lyé  ;  puis,  son  médecin,  Coictier,  se  rend  à 
Troyes ,  afin  de  s'assurer  de  l'état  sanitaire  de  la  ville, 
qu'il  trouve  trop  peu  sûr  pour  y  laisser  pénétrer  le^roi. 
II  y  avait  alors  quelque  grain  de  peste.  La  ville  envoie 
au  roi,  alors  à  Méry,  six  bœufs  gras ,  cent  moutons ,  25 
muids  de  vin  blanc  et  rouge,  25  septiers  d'avoine,  et  de 
plus,  six  muids  de  vin,  en  présent  au  duc  d'Albanie;  le 
tout  envoyé  tant  par  eau  que  par  terre  (2).  Louis  XI 
arrive  à  Dijon  vers  la  fin  de  juillet.  Il  y  est  encore  en 
décembre.  De  cette  ville,  il  ordonne  la  construction  du 
château  de  Dijon ,  avec  des  sommes  levées  sur  toute  la 
Bourgogne,  y  compris  le  comté  de  Bar-sur-Seine  (3). 

Dans  le  cours  de  l'année  1480,  Louis  XI,  mécontent 
et  irrité  de  findiscipline  de  ses  gens  ,  prend  ce  motif 
pour  modifier  les  institutions  militaires  du  royaume. 
Dans  cette  mesure,  il  y  a  peut-être  encore  plus  de  dé- 
fiance que  de  mécontentement.  Par  ces  réformes,  la  no- 
blesse est  autorisée  à  se  racheter  du  service  féodal ,  à 
prix  d'argent.  Les  francs-archers  sont  supprimés.  Les 
paroisses  ne  fourniront  plus  d'hommes,  mais  elles  seront 
taxées  en  argent.  Le  noyau  de  la   nouvelle  milice  se 

(1)  Arch.  mun.  —  Ass.  de  la  St  Barnabe. 

(!2)  Arch.  mun. 

(3)  Ord,  dts  rais  de  France,  t.  xvm,  p.  521. 


ISO  HISTOIRE  DE  TROYES.  tifK) 

coiupose  de  six  niilîc  Suisses.  Le  roi,  alor^  à  Corbeii , 
hii  réunir,  le  16  mai,  tous  les  capitaines  des  Suisses  à 
sa  solde.  Il  leur  annonce  qu*il  les  divise  en  six  grandes 
compagnies,  ayant  chacune  un  capitaine  ;  qu*il  les  en- 
verra loger  en  différents  lieux,  afln  de  faire  tenir  t  ordre 
»  et  justice,  et  qu'il  ne  soit  fait  aucune  piller.e  dans  ces 
1  lieux,  ni  dans  les  villages  circonvoisins.  »  La  ville  de 
Troycs  est  désignée  pour  recevoir  deux  mille  Suisses  en 
garnison.  C'est  en  vain  que  les  habitants  réclament  contre 
une  pareille  charge ,  quoique  leur  requête  soit  appuyée 
par  le  gouverneur  de  la  province.  M.  du  Bouchage,  alors 
tout-puissant,  dut  venir  à  Troyes,  en  juin,  pour  passer 
en  revue  les  Suisses  qui  y  sont  en  garnison  (1).  Quoique 
les  Suisses  soient  chargés  de  maintenir  Tordre  et  la  paix 
dans  les  villes  où  ils  sont  en  résidence,  ils  n*en  commet- 
tent pas  moins  de  graves  désordres  et  de  grands  dégâts 
dans  les  maisons  où  ils  sont  logés  (2). 

Une  autre  réforme,  provoquée  par  Louis  XI,  (>eut-être 
autant  par  sa  haine  contre  les  Bourguignons  que  pour  le 
bon  ordre  et  la  police  du  royaume ,  est  proposée  à  une 
assemblée  de  notables  des  bonnes  villes.  Le  roi  veut  faire 
retirer  de  la  circulation  les  monnaies  étrangères,  c'est- 
à-dire  celles  de  Bourgogne  et  de  Lorraine.  Après  avoir 
donné  ,  le  8  mai  1480,  ses  lettres-patentes,  il  écrit  aux 
bonnes  villes  (Troyes  est  du  nombre).  H  demande  *  à 
>  ses  chiers  et  bien  amés  les  bourgeois,  manans  et  ha* 
»  bitans  de  Troyes  ,  d'envoyer  deux  des  plus  notables 
»  gens,  congnoissans  et  expers  touchant  la  matière  des 
»  monnoies,  et  qui  aiment  le  bien  de  la  chose  publique 
»  du  royaume,  »  qu'ils  aviseront  entre  eux  près  des 
généraux  des  monnaies  de  la  ville  de  Paris,  le  25  juin, 
afm  de  donner  telles  provisions  qu'il  y  aura  lieu,  pour 

(1)  Arch.  rauii.,  A.  A  ,  carton  48^*,  4»  liasse.  —  Lettre  écrite  par 
le  chef  des  Suisses,  de  Corbcil,  le  17  mai  iiSO.  —  Original. 
(3)  Arch.  dép.,  f.  de  St.-Pierre.  —  SÉmuuuiT.  T.  m,  p.  119. 


1180  CHAPITRE   XIV.  t21 

inelire  les  monnaies  étrangères  hors  do  la  circulation  et 
empêcher  les  monnaies  de  France  de  sortir  du  royau- 
me (1). 

A  Toccasion  du  projet  de  retrait  des  monnaies  étran- 
gères, surtout  des  Maximiliens  et  des  targes  d'Orange,  les 
Trovens  s'émeuvent  vivement.  Ils  écrivent  à  M.  de  Beau- 
jeu,  alors  en  faveur,  au  chancelier  et  à  Tamiral  de  France, 
afin  d'intervenir  près  du  roi.  Ils  demandent  que  le  décri 
de  ces  monnaies,  les  seules  qui  circulent  dans  la  con- 
trée, en  raison  de  sa  proximité  avec  la  Bourgogne  et  la 
Lorraine,  la  rareté  de  la  monnaie  frappée  au  coin  de 
France,  la  stérilité  de  Tannée,  la  grande  misère  du  peuple, 
ils  demandent  que  le  décri  de  ces  monnaies  soit  différé 
jusqu'après  les  récoltes. 

Dans  les  mêmes  jours,  les  Troyens  informent  les  gé- 
néraux des  monnaies  qu'une  assemblée  de  commerçants 
et  autres,  des  mieux  connaissants  sur  la  circulation  des 
monnaies,  a  arrêté  :  o:  qu'en  raison  du  voisinage  de  la 

>  Bourgogne  et  du  Barrois,  les  monnaies  de  ces  provinces 
»  ont  cours,  à  Troyes,  plus  qu'aucune  autre,  que,  si  la 
1  circulation  on  est  interdite,  le  peuple  et  la  marchandise 
»  ne  pourront  s'entretenir;  il  faudrait  même  que  le  roi, 
»  dans  l'intérêt  de  la  chose  publique,  permît  à  ses  rece- 

>  veurs  de  les  prendre  en  paiement  (2).  > 

Après  la  réduction  de  la  ville  et  de  la  cité  d'Arras, 
Louis  XI,  par  ses  promesses  et  par  ses  bonnes  grâces, 
croyait  avoir  conquis  raffection  des  habitants.  Il  n'en 
était  rien.  Une  cruelle  exécution,  ordonnée  par  le  prévôt 
Tristan  l'Ermite ,  de  plusieurs  commissaires  envoyés  par 


(1)  Arch.  mun.,  A.  A.,  48*'  carton,  liasse  4«.  Lettre  datée  du  9 
mai  14*79,  si^ée  de  Louis  XI  et  contresign^ée  :  Picot.  Ce  secrétaire 
est  membre  de  la  famille  Picot,  dont  est  descendue  la  famille  Picot, 
de  Dampierre  de  TAube  et  qui  vient  de  s'éteindre  en  la  personne 
de  M.  le  marquis  de  Dampierre. 

(2)  Arch.  mun.,  n.  f. 


HISTOIRE  DE  TROYES.  1^79 

les  habitants  d'Arras  près  de  Marie ,  duchesse  de  Bour- 
gogne, effraya  et  jeta  dans  la  consternation  la  population 
d'Arras. 

Mais  Louis  XI  étant  sorti  d'Arras,  le  parti  bourguignon 
reprit  le  dessus.  Les  Arrageois  secoururent  leurs  voisins 
et  amis ,  les  Douaisiens .  Le  roi ,  en  apprenant  Téchec 
éprouvé  par  ses  soldats,  entra  dans  la  plus  grande  colère 
et  décida  qu'il  ferait  chasser  tous  les  habitants  de  la  ville 
et  de  la  cité  d'Arras .  Ces  derniers  faits  s'accomplirent 
en  mai  1479. 

Aujourd'hui  le  doute  n'est  plus  permis.  Un  intervalle 
de  deux  années  sépare  le  siège  d'Arras  du  jour  où 
Louis  XI  ordonna  l'expulsion  des  habitants  de  la  v'ile  et 
de  la  cité  d'Arras  (1).  Ces  deux  années  sont  supprimées 
par  le  plus  grand  nombre  des  historiens.  Ce  fait,  si 
longtemps  laissé  dans  robscurité,  est  maintenant  acquis 
à  l'histoire. 

Les  lettres  d'expulsion  sont  du  2  juin  1479.  On  y  lit 
notamment  :  t  Ordonnons  faire  wider  et  mectre  hors  de 
1  la  ville  d'Arras  les  habitants  en  icelle  et  y  faire  habi- 
3  ter  et  demeurer  de  ses  autres  bons  et  loyaux  sujets 
>  des  villes  de  son  royaume  à  lui  loyales  et  obéissans, 
»  tant  marchans  de  marchandises  que  gens  de  toutestatz, 
1  mcstiers  et  vacations.   > 

Louis  XI  ordonne  ensuite  que  dans  une  assemblée  qui 
géra  tenue  à  Paris,  le  douze  juin,  il  sera  pris  par  Phi- 
lippe Luillior,  capitaine  de  la  Bastille  de  Saint^Antoine, 
et  par  Henry  de  Livres,  prévôt  des  marchands  de  Paris, 
toute»  les  mesures  nécessaires  pour  mettre  à  exécution 
ses  volontés. 

L'assemblée  ordonnée  par  Louis  XI  se  tint  au  jour 
indiqué. 

(1)  Noijft  (JiftonH  :  vinc  et  cité  d'Arras,  chacun  sait  que  cette 
4Ut:'n*uïîti  capitale  de  l'Artois  se  divisait  en  deux  parties  :  la  cité  et 
la  ville. 


1479  CHAPITRE   XIV.  123 

Dans  un  mandement  adressé  aux  otliciers  royaux  et  à 
des  bourgeois  de  Troyes,  les  commissaires  généraux 
Luillier  et  de  Livres,  rappelant  les  volontés  du  roi  con- 
tenues dans  ses  lettres,  données  à  Chfiteau-Landon  le 
deux  juin  et  l'assemblée  tenue  à  Paris  le  12,  disent  que 
le  roi  a  voulu  et  ordonné  quo  trois  cents  bons  ména- 
gers (1)  marchands  et  ouvriers  de  plusieurs  métiers,  y 
compris  vingt  bons  et  notables  marchands,  soient  élus, 
tant  dans  la  ville  de  Troyes  que  dans  plusieurs  autres 
villes,  pour  être  envoyés  à  Arras,  afin  d'y  habiter  et  de- 
meurer avec  ceux  des  autres  villes  et  pays  loyaux,  sûrs 
et  obéissants. 

Il  est  prescrit  aux  bourgeois  de  Troyes,  de  trouver, 
tant  dans  leur  ville  quo  dans  celles  de  St-Florentin,  de 
Bar-sur-Aube,  de  Joigny,  de  Nogent-sur-Seine,  d*Ervy- 
le-Châtel,  do  Pont-sur-Seino,  de  Mussy-rÉvtque  et  de 
Chaumont-en-Baasigny,  quatre-vingt-quatorze  ménagers, 
marchands  et  gens  de  métier,  y  compris  six  bons  et  no- 
tables marchands  choisis,  trois  dans  la  ville  de  Troyes, 
et  un  dans  chacune  des  villes  de  Bar-sur-Auhe,  de  Joi- 
gny et  de  Nogent.  Puis,  précisant  le  nombre  ot  la  profes- 
sion de  chacun  d'eux,  ces  commissaires  ordonnent  l'envoi 
à  Arras  de  deux  merciers,  d'un  orfèvre  «  en  gros  et 
menuiserie  d  de  quatre  boursiers,  d'un  boutimnier,  de 
deux  aiguilleliers,  d'un  ccinturier,  de  quatre  marchands 
drappiers  et  chaussetiers. 

Les  mêmes  commissaires  ordonnent  en  outre  qu'il 
sera  formé  une  bourse  commune  de  dix  mille  écus  au 
moins,  afin  de  faire  le  commerce  à  Arras.  Cette  somme 
doit  être  fournie  par  les  marchands  des  villes  sus -dési- 
gnées, ne  se  rendant  pas  à  Arras. 

Louis  XI  avait  décidé  la  ruine  complète  de  la  ville  et 

^1)  Il  doil  y  avoir  en'eur  dans  le  oidiinu$.  Ce  doit  être  trois  mille 
et  non  trois  cents. 


124-  HISTOIRE  DE  TROYES.  4479 

de  la  cité  cl*Arras,  l'expulsion  de  tous  les  habitants,  bour- 
geois et  artisans,  hommes,  femmes,  enfants,  prêtres  et 
religieux,  Il  fit  raser,  du  moins  en  partie,  les  murailles  et 
les  forlifications.  Il  voulut  supprimer  jusqu'au  nom  d'Ar- 
ras.  Il  défendit,  sous  peine  de  punition  exemplaire,  que 
cette  villo  fût  à  l'avenir  désignée  sous  son  ancien  nom. 
c  Franchise,  fut  celui  qu'il  imposa  à  l'ancienne  capitale 
des  Atrébates.  *  Et,  par  un  abus  de  langage,  LfOuis  XI 
choisit  ce  nom  afîn  que  l'on  se  souvint  à  jamais  des 
grandes  franchises  et  libertés  qu'il  accordait  aux  nou- 
veaux habitants.  Quelle  cruelle  ironie! 

Louis  XI ,  se  rendant  à  Dijon,  s'est  arrêté  à  Méry-sur- 
Seine  1^  A  juillet  1^79.  Là,  il  signe  divers  actes  inté- 
resi»ant  la  ville  de  Franchise.  Le  premier  est  un  mande- 
fnerii  donné  aux  baillis  de  Troyes  etChaumont.  Rappelant 
lefc  me^iures  d/'jà  ordonnées  par  lui,  le  roi  mentionne 
€  e^rtainex  journées  y  conventions  et  assemblées  {\)  »  en  plu- 
sieurs bonnes  villes  du  royaume,  et  dans  lesquelles  les 
bailliages  de  Troyes  et  de  Chaumont  furent  désignés  pour 
fournir,  au  contingent  prescrit,  quatre- vint-huit  ména- 
gers et  six  gros  marchands,  dont  quarante-huit  des  pre- 
miers et  trois  des  seconds  par  la  seule  ville  de  Troyes  : 
le  surplus  devant  être  fourni  par  les  autres  villes  des 
deux  bailliages  de  Troyes  et  de  Chaumont. 

Le  deuxième  acte  est  un  mandement  conçu  à  peu 
près  dans  les  mêmes  termes  que  le  premier.  Il  est  adressé 
à  Jean  Pellieu,  juge  de  Touraine,  aux  élus,  au  Maire  et 
aux  échevins   de  la  ville    de   Tours,    taxée  a  cinquante 


(1)  Il  est  fort  remarquable  de  trouver  ici  le  mot  c  convention  » 
appliqué  dans  le  sens  du  mot  :  assemblée.  Et  si  le  nom  de  Fron- 
^iêe  peut  être  rapproché  de  :  commune  affranchie,  appliqué  â 
Lyon  en  1793,  on  peut  aussi  rapprocher  ce  mot  de  convention , 
donné  par  Louis  XI  aux  assemblées  dont  il  parle ,  de  celui  qui 
sert  à  désigner  la  troisième  de  nos  assemblées  de  la  fin  du  8iè<àe 
dernier. 


1479  CHAPITRE  XIV.  125 

ménagers.  (1)  Sans  aucun  doute,  des  mandements  de 
môme  autorité  auront  été  expédiés  de  Méry-sur-Seine, 
dans  les  autres  capitales  des  provinces  de  France. 

Enfin  le  troisième  acte,  accorde  aux  marchands  et  aux 
ménagers,  envoyés  à  Franchise,  un  répit  de  cinq  ans 
pour  le  paiement  de  leurs  anciennes  dettes. 

Le  nombre  des  ménagers  destinés  à  aller  habiter  Fran- 
chise fut  fixé  à  trois  mille.  Le  contingent  fut  fourni  par 
la  Normandie,  le  Languedoc,  Paris,  la  Touraine,  le  Berry, 
la  Picardie,  laBeauce,  le  Maçonnais,  TAuvergne,  la  Cham- 
pagne, la  Brie,  le  Poitou,  la  Guyenne,  la  Saintonge,  le 
Périgord,  TAnjou,  le  Limousin,  le  Quercy,  la  Provence, 
le  Lyonnais  et  le  pays  de  Rodez.  On  ne  voit  guère  d'ex- 
ception que  pour  le  duché  et  la  comté  de  Bourgogne  et 
le  Dauphiné. 

Les  habitants  de  Troyes  élurent,  parmi  eux,  quarante- 
huit  ménagers,  artisans  de  diverses  professions  et  trois 
bons  marchands.  Ceux-ci  furent:  Guillaume  Mole,  Pierre 
Drouot,  le  jeune,  et  Pierre  Bruyer.  Pierre  Drouot  se  fit 
décharger  de  son  élection  par  les  commissaires  royaux, 
et  Jean  de  Chatonru  t  homme  de  belle  corpulence  » 
remplaça  Pierre  Bruyer  qui,  selon  les  mauvaises  langues 
de  son  temps,  aurait  profité  de  son  élection  pour  faire 
payer  ses  dettes. 

Le  onze  juillet,  la  ville  de  Nogent-sur-Seine  élisait  à 
haute  voix  le  bon  marchand  qu'elle  envoya  à  Franchise. 
L'élu  fut  un  nommé  Chaumart. 

Le  douze  juillet,  Henry  de  Thaon  élu,  Jean  Perricarl, 
Colinet  de  Montebbis  et  Bar-sur-Seine,  poursuivant  d'ar- 
mes du  roi,  se  mirent  en  route  avec  les  ménagers  de 
Troyes,  emmenant  avec  eux  tous  les  meubles,  tous  les 


(1)  Une  Vengeance  de  Louiê  XI,  par  M.  A.  Laroche,-  page  103, 
et  Mém.  de  TAcad.  d'Arras,  1865;  Arch.  de  la  Mairie  de  Tours, 
liasse  323. 


126  HISTOIRE   DE  TBO^ES.  U%% 

outils  et  ustensiles  nécessaires  à  Texercice  des  diverses 
professions  de  ces  Iroyens,  exilés  de  leur  ville  natale  et 
qu'un  grand  nombre  ne  devait  plus  revoir.  Ce  convoi 
était  accompagné  de  Suisses,  de  gens  d'armes  ou  d'ar- 
chers t  qui  se  renouvelaient  d'étape  en  étape .  Le  voyage 
dura  douze  jours.  On  craignait  les  Bourguignons  ou  le^ 
Autrichois,  Les  dépenses  de  ce  voyage,  ne  s'élevèrent 
pas  à  moins  de  2,436  livres  6  sous  i  deniers  t. 

Les  quatre  commissaires  de  la  ville  de  Troycs  «  sur  le 
fait  de  Franchise  »  présentèrent,  le  li  août,  aux  commis^ 
saires  généraux,  les  quarante-huit  ménagers  ou  familles 
fournis  par  cette  ville.  Tous  furent  vus  et  examinés  les 
uns  après  les  autres,  et  il  y  eut  information  sur  l'état  d^ 
leur  fortune.  Quarante-cinq  furent  reçus  et  acceptés, 
après  avoir  été  reconnus  «  suffisants,  puissants  et  in- 
dustrieux. »  Les  trois  refusés  furent  renvoyés  comme 
«  inexperts  et  inutiles.  >  Chaque  chef  de  famille  reçut, 
par  mois  50  s.  t.  ;  la  femme  40  ;  chaque  enfant  ou  ser- 
viteur, 20.  Les  troyens  prirent  à  leur  charge,  pendant 
un  an,  la  nourriture  et  l'entretien  des  enfants  placés  en 
nourrice. 

La  misère  et  le  mécontentement  régnent  sans  partage 
à  Franchise.  Les  nouveaux  habitants  se  plaignent.  Ils 
disent  qu'on  leur  a  manqué  de  parole.  Ils  vendent  leurs 
meubles  pour  satisfaire  à  leurs  besoins  les  plus  impérieux 
et  les  plus  urgents.  Ils  font  arrêter  Bar-sur-Seine,  saisir 
son  cheval.  Ils  n'ont  pas  même  de  nourriture,  et  le  plus 
grand  nombre  ne  sait  et  ne  peut  gagner  un  denier.  La 
misère  est  partout.  Les  ménagers  de  Troyes  veulent 
aller  trouver  le  roi  pour  lui  faire  connaître  leur  état  si 
malheureux  et  l'informer  de  ce  qu'ils  n'ont  encore 
rien  touché  sur  la  somme  de  cent  sous  par  mois  et  celle 
de  cent  écus  que,  selon  ses  ordres,  la  ville  de  Rouen 
doit  leur  payer.  Par  l'intermédiaire  de  Bar-sur-Seine,  ils 
demandent  de  prompts  secours  et  des  armes,  afin  de 


liao  CHAPITRE  XIV.  127 

pouvoir  se  rendre  au  ^uet,  car  c  ia  moitié  »  des  g^ens 
d*Arras  a  quitté  la  ville  (1). 

La  ville  répondit  à  cette  communication  par  Tenvoi 
d'une  somme  de  cent  vingt  livres. 

Guillaume  Choisy  informe  les  Troyens  que  le  roi 
n'est  pas  content  de  la  manière  dont  les  villes  de  France 
ont  généralement  exécuté  ses  commandements.  Les  mé- 
nagers sont  prêts  à  mourir  de  faim.  Le  roi  lient  k  con- 
naître les  noms  des  villes  d*où  sont  venus  €  les  pauvres 
•  et  les  riches,  les  bons  et  les  mauvais,  et  celles  qui 
>  Tont  bien  ou  mal  servi.  >  Il  presse  Fenvoi  de  nouveaux 
c  ménagers  puissants,  industrieux  et  bien  conditionnés. 
Il  demande  Tenvoi,  à  Franchise,  pour  en  armer  les  ha- 
bitants, de  voulges,  de  salades,  et  de  hoquetons  pour  les 
vêtir.  On  procède  à  l'élection  de  sept  nouveaux  ména- 
gers. Jean  Hennequin,  en  qualité  de  bon  marchand,  fui 
désigné  par  ses  concitoyens  pour  se  rendre  à  Franchise 
et  y  résider.  Mais  il  se  prévalut,  afin  de  se  dispenser  de 
<"e  pénible  exil,  de  sa  double  qualité  de  maître  particu- 
lier de  la  monnaie  et  de  monnayer  du  serment  de  France. 
Il  aurait  été  remplacé  peu  après  par  Jean  Lopin. 

Ces  nouveaux  expatriés  font  leur  voyage  par  eau,  ils 
débarquent  avec  leur  mobilier  et  leurs  marchandises  à 
Ijaint-Leu  (2).  Tout  ce  matériel  subil  de  sérieuses  avaries. 

La  colonie  Iroyenne  établie  à  Franchise  est  toujours 
loin  d'être  prospère.  Dans  le  courant  de  mars  1479  (v. 
st.),  la  ville  de  Troyes  fait  de  nouveaux  efforts  afin  d'être 
débarrassée  d'un  nouveau  contingent  qui  pèse  sur  elle. 

Les  habitants  de  Troyes  se  préoccupent  du  sort  de 
leurs  compatriotes.  Dans  une  assemblée  générale  des 
habitants,  tenue  le  2  juillet  1480,  au  couvent  des  Cor- 
deliers,  il  est  décidé  que  Jean  de  Marisy  et  Etienne  de 

[1)  n  s'a^t  ici  des  nouveaux  habitants. 

(2)  Oiseï  canton  de  Creil. 


iâ8  HISTOIRE  DE   TROYES.  t480 

Baussancourt  se  rendront  dans  cette  ville  pour  s'infor- 
mer de  Tétat  véritable  des  habitants  sortis  de  Troyes,  à 
qui  Ton  enverra  de  quoi  vivre,  des  armes  et  des  habille- 
ments de  guerre. 

Sans  plus  tarder,  et  dès  le  lendemain,  3  juillet,  Jean 
de  Marisv  et  Etienne  de  Baussancourt  se  mettent  en 
route  et  se  dirigent  sur  Franchise,  malgré  la  crainte  de 
la  peste  et  des  gens  de  guerre.  A  dause  de  Texistenc^  de 
ce  double  danger,  ilstraitent  avec  les  habitants  de  Troyes, 
moyennant  cent  livres  chacun,  pour  exécuter  ce  voyage 
à  leurs  risques  et  périls. 

Ce  voyage  paraît  aussi  provoqué  par  une  nouvelle 
revue  que  les  commissaires  généraux  veulent  faire.  En 
effet,  le  21  août  suivant,  le  sire  de  Lude,  le  sire  de  Bau- 
dricourt,  Guillaume  de  Cerisay  et  Guillaume  Choisy  pas- 
sèrent ceite  revue,  en  présence  de  Jean  de  Marisy  et 
d*Etienne  de  Baussancourt .  Les  plaintes  des  ménagers 
furent  entendues  et  recueillies,,  comme  celles  que  for- 
mulèrent les  deux  députés  troyens,  après  avoir  c  les  uns 
»  et  les  autres,  prêté  serment  sur  le  saint  canon  de  là 
f  messe  et  sur  les  évangiles  du  roi.  ^ 

Le  procès-verbal  d'enquête  sur  la  vie,  la  renommée, 
l'état  et  le  bon  ou  mauvais  gouvernement  des  ménagers, 
est  arrivé  jusqu'à  nous.  Lors  de  cette  visite  exacte  et 
scrupuleuse,  on  fixa  les  sommes  dont  chacun  d'eux  serait 
aidé  par  la  ville  de  Troyes.  Ces  secours  furent  générale- 
ment fixés  de  20  à  100  liv.  t.  par  ménager.  Par  excep- 
tion, ils  s'élevèrent  même  à  deux  cents  livres  pour  l'un 
d'enlr'eux. 

Les  commissaires  statuèrent  ensuite  sur  le  sort  de 
chacun  de  ces  artisans.  Ainsi  Brulefer,  qui  avait  fait 
Toflice  de  messager,  est  renvoyé,  à  Troyes,  à  cause  de 
sa  misère;  —  Rogier-Loe-Dieu  ( Rogier-Loue-Dieu ) , 
c  reconnu  de  bon  gouvernement  i>  sera  aidé  de  cinquante 
livres;  —  Huguenin  Velaine  c  est  bon  compagnon  pei* 


1480 


GHAPITEE  XIV.  129 


»  gneur  de  draps,  mais  il  ne  veut,  poui*  puissance  qui 
»  vive,  ouvrer  de  ^•on  métier  à  Franchise,  dût-on  le 
^  tuer  ;  »  afin  que  sa  conduitenc  jette  le  découragement 
parmi  les  autres,  il  est  décidé  qu'on  fera  venir  sa  (emme 
et  son  enfant,  et  qu'il  lui  sera  donné  50  liv.  ;  que  s'il 
n'accepte  pas,  il  sera  puni  exemplairement.  —  Jean 
Bouquart  est  renvoyé  en  raison  de  •  son  mauvais  gou- 
»  vernement.  »  -  -  Les  aiguillctiers,  les  orfèvres,  les 
boursiers,  les  corroyeurs,  les  teinturiers  de  peaux,  sont 
déclarés  inutiles;  les  boursiers,  les  gantiers,  les  aiguiU 
letiers,  arrivant  des  villes  autres  que  Troyes,  sachant 
teindre  les  peaux,  et  les  orfèvres  n'ayant  rien  à  faire  ni 
à  gagner  parmi  une  population  si  misérable.  —  Félix 
Collart  ne  saurait  vivre  de  son  métier  (quel  métier?)  * 
parce  qu'il  ne  saurait  trouver  le  charbon  qui  lui  est  né- 
j  cessaire;  »  —  Girard  de  Viâpres  est  un  jeune  coni- 
>  pagnon  non  marié,  *  de  mauvais  langage  et  de  bien 
•  petit  gouvernement,  qui  n'a  coutume  de  fouler  qu'au 
»  moulin  et  ne  saurait  vivre  de  son  métier,  ce  qu'on 
»  lui  donnerait  serait  perdu,  »  aussi  n'est-il  pas  accep- 
té. —  Watclet,  menuisier,  est  refuse,  son  état  étant  re- 
connu inutile.  --^  Il  en  est  de  môme  des  torcheurs.  — 
On  renvoie  Nicolas  Orry,  boucher,  parce  qu'il  est  pauvre, 
et  qu'à  Franchise,  les  bouchers  sont  de  qrand  chaieL  L'on 
demande  à  sa  place  «  l'un  des  plus  puissants  bouchers  d 
de  Troyes.  —  Simon  Chérot,  parcheminier,  qui  est  pau- 
vre et  ne  peut  faire  venir  sa  femme,  «  une  bigote  qui 
»  ne  bouge  des  églises  et  religions  »  (maisons  reli- 
gieuses) de  Troyes,  est  renvoyé.  —  Guillaunie  Jolyot, 
épicier  et  mercier,  est  un  honnête  homme,  il  se  plaint  de 
ses  confrères,  il  a  fort  mauvaise  tète,  il  peut  émouvoir 
une  grande  quantité  de  peuple,  mais  comme  il  n'a  en- 
couru aucun  reproche,  il  sera  aidé  de  deux  cents  livres. 
Tous  les  ménagers  troyens  lurent  ainsi  passés  en  revue 
jusqu'au  dernier. 

ixi.  ^  9 


4^  HisToiBte  m  ymns.  Ma 

La  ville  de  Troyes  eut  le  choix  de  pajFer  les  wmmec 
allouées  à  chacun  des  ménagers  qui  furent  envoyés  par 
elle  à  Franchise,  ou  de  remplacer  ceux-ci  par  des  ména- 
gers <  bons  et  sufTisants.  »  Les  commissaires  généraux 
ne  reçurent,  cette  seconde  fois,  que  vingt-quatre  iMéna- 
gerssur  les  quarante  qui  furent  examinés.  Le  nombre  de 
quarante-huit  ménagers  devait  être  continuellement  en- 
tretenu. 

Un  nouvel  envoi  de  ménagers,  originaires  de  Troyes, 
fut  donc  la  conséquence  de  cette  revue  passée  avee  tme 
si  exacte  sévérité. 

Dans  le  cours  de  ce  même  mois  d*août  1480,  les  ae- 
sures  prescrites  à  Tégard  des  Troyens,  devenus  habitants 
de  Franchise,  furent  prises,  par  ordre  du  roi.  à  Fiégaod 
de  tous  les  nouveaux  habitants  de  cette  ville,  amvés  de 
tous  les  points  de  la  France. 

Du  MonceU  facteur  de  Guillaume  Mole,  en  écrivant,  le 
6  seiptémbre,  à  Etienne  de  Baussancourt,  rengagea  sur^ 
seoifr  à  Venvoi  de  cette  nouvelle  recrue.  A  cette  (oeoasîon, 
il  peint,  avec  de  bien  sombres  couleurs,  l'état  de  la 
malheureuse  colonie  et  le  pitoyable  état  de  ses  compa- 
triotes. La  peste  règne  toujours  à  Franchise.  Dans  cette 
lettre,  il  est  question  des  <  cinq  assemblées  du  royaume, 
tenues  dans  les  capitales  des  principales  provinces,  * 
afin  d'aviser  sur  ce  qu'il  y  avait  à  faire  dans  riatérôt  de 
cette  colonie  et  de  constituer  «  des  bourses  »  ou  socié- 
tés commerciales. 

A  la  réception  de  la  lettre  de  Josse  du  Moncel,  les  lia- 
bitants  de  Troyes  demandent  aux  commissaires-généraux 
d'être  moins  sévères  à  leur  égard  et  de  les  décharger  de 
cette  nouvelle  taxe  en  hommes  et  en  marchandises. 

Mais  loin  d'obtenir  une  décharge  de  cette  doubletaxe, 
Louis  XI  prescrit  une  nouvelle  levée  de  deniers,  s*élevant 
à  2,500  livres  sur  la  ville  de  Paris,  les  villes  et  faubourgs 
de  Corbeil  et  de  Lagny  qui,  sans  doute,  jusque-là  avaient 


Mil  «IU«>i'l«U&  KW-  iSi 

pf)P  ou  ppMit  contribué  au   rapeuplQrpent4e  Franchise. 

L^  yilie  de  Troyes  continua  ses  envois  4^;$iôQovkrs  j^n 
âi^^nt,  pi^n^ant  Tamiiée  1480. 

Les  revues  des  ménagers  de  Franchise  conlipM^ut.  ,4 
cjbiacuoe  de  ces  inspection^s,  on  constate  de  nouveaux 
vides  produits  par  des  absences  ou  par  des  décès. 

En  juin  1481,  la  population  de  Franchise  s'est  encojre 
amoindrie.  Louis  XI  ordonne  qu*il  sera  envoyé  à  Fran- 
chis.e  trois  cent  cinquante  bons  ménagers  par  les  viUes 
de  France,  sous  de  grandes  peines  pécuniaires.  Le  roi 
V^ut  ^n  0;ulre  qu'il  ^pit  levé  certains  subsi,des  pçur  for- 
ïWT  quatre  bourses  de  5,000  écus  chacune,  afin  d'établir 
jBt  ^e  laire  valoir  m  le  métier  et  Tartiilce  de  dr.apçrje,  » 
f^kT  qiuatre  marchands  ou  facteurs,  résidant  à  Franchise. 

Les  draps,  fabriqués  à  Franchise,  doivent  circuler,  par 
tout  le  royaume,  francs  de  tous  droits.  Les  drappiers  eit 
les  foulons  soAt  appelés  à  jouir  des  mêmes  priviié|;e^ 
^ue  ceux  de  Rouen.  Nul  ne  peut  vendre,  à  Franchi^, 
d'i^Mtres  draps  quec^ux  qui  y  étaient  fabriqués. 

Un  a^utre  mandement,  daté  du  ^5  juin  et  adr^^ssé  ^u 
|)9illi  de  Troyes,  ordonne  que  les  villes  fie  Troye.s,  de 
Chaumont,  de  Joigny,  de  St-Florentin,  d'Eryy  et  de  Bar- 
/9ur-Aube,  qui  n'ont  point  fo,urni  leur  nouveau  conliijijgent, 
présenteront  de  nouveaux  méaagers  dont  \e  noi;nbre  est 
aÂosi  réparti  :  Xroyçis,  quinze  ;  St-Floraatin,  .4€iux  ;  JBar- 
^lUr-Aube,  cinq  ;  Jpigny,  trois  ;  Ervy,  deux  ;  etC.havipipjiiJ, 
trois.  Par  ce  mandement,  celte  levée  d'hommps  fqt  çç^p-- 
di^ée.  Troyes  qe  dut  .plus  fourii^ir  q\ie  ^ey;)t  fnén^gf  rs, 
pMRiî  lesquels  se  trouveraieiLt  deux  tisserands  de  drap§, 
un  i^aitre  drappier  <  puissçgat  et  riche  >  et  quatre  foM- 
Jo^^  peigneurs  elca^de^urs;  Bar-^ur-Âube,  yn  ti3^ej;^pd 
4edj?QPiS  jBt  (leux.fouloJi^s,  peigneurs  ou  cMeurs  ;  Joi- 
gny,  deux  ouvriers  en  draperie  ;  Ervy,  un  seul  ouvrijer  4^ 
la  même  profession  ;  Ghaumont,  les  deux  tanneurs  «  .au- 
trefois élus.  >  Mais  si  .le  nombre  des  ménagers  est  réduit, 


432  HISTOIRE   DE  TROYES.  iigi 

il  n'en  fut  pas  de  même  de  la  finance.  Les  mômes  villes 
de  Champagne  furent  désignées  pour  fournir  entr' elles 
la  somme  nécessaire  à  la  formation  de  quatre  bourses  de 
cinq  mille  écus  chacune. 

En  exécution  de  ces  derniers  ordres,  il  y  eut  à  Troyes, 
en  juillet  lASl,  une  assemblée  composée  de  députés  et 
de  marchands  envoyés  par  les  villes  imposées  à  cette 
énorme  taxe,  dans  le  but  de  fixer  la  portion  pour  laquelle 
chacune  d'elles  contribuerait  à  la  constitution  des  bour- 
ses. 

Le  20  août,  se  réunissaient  à  Troyes,  avec  ceux  de 
cette  ville,  les  députés  de  Rheims,  de  Châlons,  de  Meaux, 
de  Provins,  de  Château-Thierry  et  de  Bar-sur-Aube.  Ces 
députés  s'engagèrent,  pour  leurs  villes,  à  fournir  somme 
suffisante,  afin  de  constituer  une  bourse  commune  qui 
devait  être  employée  au  commerce,  à  Franchise.  Us  dési- 
gnèrent Josse  du  Moncel,  *  afin  d'exercer,  de  par  eux, 
cette  bourse  commune.  »  Il  l'ut  arrêté  que  ce  facteur 
prélèverait  à  son  profit  tous  les  bénéfices  qu'il  pourrait 
réaliser  ;  que,  si  le  roi  faisait  «  cesser  la   bourse  corn- 

>  mune,  du  Moncel  en  rendrait  le  montant  après    un 

>  délai  de  trois  ans,  et  il  serait  quitte  de  sa  dette,  si 
»  tout  était  perdu  par  fortune  de  guerre,  de  feu  ou 
»   d*eau  et  sans  qu'il  y  eût  faute  de  sa  part.  » 

Du  Moncel  ratifia  les  conventions  qui  lui  furent  impo- 
sées et  s'engagea  à  les  exécuter  «  de  son  corps  et  à  tenir 
prison  fermée.  » 

Cette  Bourse  commune,  ou  société  formée  avec  des 
fonds  fournis  par  les  principales  villes  de  Champagne, 
se  constitue  sous  le  patronage  et  la  raison  sociale  de 
Jean  Mole,  frère  de  Guillaume,  et  de  Guillaume  Bouche- 
rat,  de  Châlons  -  sur-Marne,  beau-frère  de  Guillaume 
Mole. 

La  constitution  de  cette  société  commerciale  se  fit 
sans  les  brillantes  illusions  qui  décorent  si  vivement  le 


1481  CHAPITRE   XIV.  133 

commencement  des  entreprises  commerciales  de  notre 
époque,  où  il  n'est,  à  Torigine,  question  que  de  gros  inté- 
rêts, de  bénéfices  et  do  dividendes  ;  illusions  spiendides 
qui  sont  suivies  des  plus  amères,  des  plus  cruelles  et 
des  plus  coûteuses  déceptions!  Alors,  sous  Tinspiration 
de  Louis  XI,  les  négociants  champenois,  toujours  pru- 
dents et  sages,  ne  supputent  point  les  bénéfices  qu'ils 
pourraient  réaliser:  ils  les  abandonnent  à  leur  agent.  Ils 
ne  calculent  que  les  chances  défavorables.  Ils  dressent, 
si  Ton  peut  dire,  leur  acte  de  société  en  vue  de  pertes 
et  ne  paraissent  pas  même  soupçonner  les  chances  heu- 
reuses ou  les  bénéfices  à  réaliser  pour  eux-mêmes.  Ils 
ne  voyaient  que  trop  la  vérité  !  L'expérience  de  plus  de 
deux  années  leur  avait  appris  à  ne  pas  compter  sur  Ta- 
venir  commercial  de  Franchise,  sous  la  main  de  fer  et 
la  tyrannique  volonté  de  Louis  XI. 

De  semblables  associations  commerciales  par  province 
s'établirent,  sous  la  même  force,  dans  les  villes  de  Tours, 
d'Orléans,  de  Soissons,  de  Harfleur. 

Dans  le  cours  de  septembre  1481,  la  ville  de  Troyes 
emprunta  dix-huit  cents  écus  sur  les  habitants  les  plus 
aisés  ;  cinq  cents  étaient  destinés  à  la  bourse  commune 
et  le  surplus  fut  appliqué  aux  besoins  des  ménagers  de 
Franchise.  Le  5  octobre,  du  Moncel  avait  reçu  la  somme 
qui  lui  avait  été  promise. 

Le  vendredi  21  septembre,  un  nouveau  convoi  de  mé- 
nagers se  dirigeait  de  Troyes  sur  Franchise.  Il  était 
composé  des  hommes,  des  femmes  et  des  enfans,  des 
marchandises  et  du  mobilier  des  ménagers  récemment 
élus pour  l'exil. 

Les  habitants  de  Troyes,  en  tous  points,  satisfirent  aux 
ordres  du  roi.  D'une  part,  les  commissaires  royaux 
attestent  ce  fait  par  leur  lettre  dvi  30  octobre  1481,  d'au- 
tre part  du  Moncel  avait  fait  la  même  déclaration  le  cinq 
dn  même  mois  et,  peu  après,  les  ménagers   eux-méoies 


134  HISTOIRE  DB   TROYES.  \m 

réeônnarsseiii  qu'ils  sont  pBfyés  intégralement  et  s'dngK- 
gërit  à  ne  rien  foclamer  et  à  demeurer  à  Franchise.  M«V9^ 
0^1  éngagerafént  rie  fut  qu'illusoire,  car,  pëtt  après,  mt* 
cèi^tain  noriibre  de  ménagera  abandonnèrent  la  malheti* 
ritasé  colonie. 

QUd^e  ^éduis^nt  que  fût  le  langage  de  Louis  XI,  il 
n'àvyit  pu  convaincre  les  pauvres  exilés  de  toutes'  les 
vrffes  pt^iHfcipalcs  dé  France,  à  Tégard  de  la  fabriquid  des 
à^A^^.  Celte  fabiric^ue,  malgré  des  faveurs  à  nrolle  autre 
pët^itfe,  nef  jouit,  môme  momentanément,  d'aucune 
plttSjlérité.  Parmi  ceâ  laveurs,  nous  citeron5  celle-cr  :  à 
Tours,  fë's  habitants  avaient  été  c  de  par  le  roy  i»  obiigéy 
(fàt^hétér  des  draps  fabriqués  à  Franchise,  à  eiiM{4iaiité 
pôi/r  dent  an!  dessus  du  cours. 

Le  roi  constitua  urie  administration  commuilalé  pour 
toute  cette  population  hétérogène,  en  créant  un  échiifti- 
lia^ë  éovnposé  de  douze  membre^  non  élus,  mais  choisis 
par  l^oi  €ft  parmi  lesquels  se  trouve  Jean  du  Lys,  dit  la 
pucelle,  parent  de  Jeanne  d'Arc.  Louis  XI  donne  à  cet 
échévinàjje  connaissance  et  droit  de  juridiction  sur  tous 
lès  faits  civile  et  criminels.  H  orée  dou^e  officienra  ayatVt 
tifrè  de  sergens  royaux  et  charge  de  faire  exécuter  les 
mandenients  de  l'écheNnnage.  Cette  institution  avait 
dont  le  pouvoir  d'administrer  et  de  régler  des  intérêts 
publics,  particuliers,  civils  ou  criminels.  Les  échevins 
soi^f ,  par  le  fait  de  leur  nomination,  anoblis  saris  payer 
(Iriance,  et,  s*ils  sont  nobles,  ils  peuvent  se  livret  à 
l'exercice  du  commerce»  sans  déroger.  Ix^uisXImaintiemt, 
en  faveur  des  nouveaux  habitants  de  Franchise,  les  lettres 
de  répit  qu*il  leur  a  accordées  le  4  juillet  1479,  étant  à 
Méry-sur-Seine.  Ces  lettres  d'échevinage  constatent  qu'un 
grand  nombre  d*élus  se  sont  dispensés  du  voyage  en  se 
rachetant  moyennant  finance,  tandis  que  d'autres,  tel  que 
Hèursin  ou  Oursin,  de  Tours,  faisaient  le  recrutement  et 

des  méDagers  à  Franchise,  à  beaux  deniers 


im  CHAPITRE  XIV.  135 

oomptants.  —  On  pratiquait,  sous  la  protection  royale, 
toutoft  sortes  de  commerce. 

Eb  juillet  1482,  certaines  villes  n'ont  point  encore 
exécuté  les  ordres  du  roi,  elles  n'ont  point  acquitté 
laur&  engagements  envers  les  ménagers  envoyés  par  elles. 
Telle  est  la  position  des  villes  de  Bar -sur -Aube,  de 
Joigny,  de  Provins,  Moret,  St- Florentin  ,  Nogent -^sur- 
Seine,  Rheims,  etc. 

Toutes  ces  villes  ont  encore  à  fournir  de  un  à  cinq 
méns^ers,  et,  pour  chacun,  une  aide  fixée  à  une  somme 
de  dix-huit  à  trente-cinq  livres.  La  ville  de  Troyes  est 
encore  imposée  à  dix-huit  ménagers,  et  au  profit  de 
chacun  d'eux,  à  des  sommes  qui  varient  de  dix-huit  à 
quarante  livres.  Il  s'agit  sans  doute  d'une  nouvelle  taxe 
imposée  sur  toutes  ces  villes  dans  le  cours  de  l'année 
1482(1). 

Peur  fournir  aux  besoins  de  la  malheureuse  colonie, 
des  lettres  royales,  du  17  octobre  suivant,  ordonnent 
que,  sur  le  prix  de  chaque  muids  de  sel  vendu,  pendant 
cinq  ans,  dans  les  greniers  du  Languedoc,  de  la  Nor- 
mandie et  des.  lieux  situés  le  long  des  rivières  de  Seine 
et  d'Yonne,  il  sera  prélevé  soixante  sous  tournois. 

A  Franchise,  depuis  le  commencement  de  la  mise  à 
wéoution  des  lettres  royales  données  à  Ghâteau-Landon 
le  2  juin  1479,  jusqu'à  la  mort  de  Louis  XI,  31  août  1483, 
tout  marcha  à  la  dérive. 

Les  confidents,  les  agents  du  roi  paraissent  là,  comnoe 
dans  toutes  les  parties  de  son  administration,  beaucoup 
trop  sensibles  c  aux  gracieusetés  >  qui  leur  sont  faites. 
L'intérêt  seul  les  attache  au  roi  qui,  n'ayant  point  d'affeo- 
tion  pour  ceux  qui  l'approchent,  ne  reçoit  d'eux  que  des 
services  de  mercenaires.  Serviles  sous  les  yeux  du  roi» 

(i)  Si  l'on  additionne  les  différents  nombres  de  ménagers  qaé 
la  "ville  de  Troyes  dut  fournir ,  ils  s'élèveraient  ememMe  au  moîMi 
«1W. 


136  lilSTOIHR    DE   THOYES.  tWi 

ils  sont  îiccctjsibk's  aux  dons  do  loiilcs  sortes.  Lr  crime 
(le  concussion,  inséré  dans  nos  lois  pénalos  modernes, 
u'élait  pas  encore  puni.  Ktait-il  connu  ?  on  peut  en  dou- 
Ici',  quoiqu'il  fùthîrgement  pratiqué. 

Louis  XI,  toujours  inflexible,  mourut  sans  regarder  en 
arrière,  sans  pardonner.  Il  laissa  à  son  jeune  fils,  à  Char- 
les Vin,  le  soin  d'a!)i*oger  ses  lois  et  ses  ordres  si  absolus, 
si  lyranniques 

Le  13  janvier  liSl  (n.  st.) c'est-à-dire  quatre  mois  et 
demi  après  la  mort  de  son  pore,  Charles  VIII  permit  aux 
anciens  habitants  d'Arras  de  revenir  dans  leur  ville,  d'v 
réclamer  et  d'y  reprendre  leurs  maisons  et  de  se  re- 
mettre en  possession  de  leurs  immeubles,  dans  l'étal  où 
ils  les  trouveront.  Il  laisse  t  aux  marchands  et  artisans 
*  français  »  le  choix  de  quitter  Arras  ou  d'y  rester,  mais 
sans  que,  dans  ce  dernier  cas,  ils  puissent  retenir  les 
maisons  qu'ils  occupent,  contre  la  volonté  des  anciens  et 
légitimes  propriétaires. 

Du  Moncel  paraît  avoir  continué  sa  résidence  à  Arras, 
ainsi  que  l'exercice  du  commerce.  La  prospérité  ne  régna 
pas  dans  ses  affaires.  En  septecnbre  1 487,  lui  et  sa  femme 
sont  morts  <  pauvres  et  mendiants.  »  Ils  ont  consommé 
sans  profit  pour  eux-mêmes,  et,  par  conséquent,  sans 
bénéfices  pour  les  commanditaires,  les  sommes  qui  leur 
avaient  été  confiées. 

A  cette  dernière  date,  Charles  VIII  autorise  la  ville  de 
Troyes  a  faire  un  emprunt  j)our  acquitter  les  sommes 
dues  aux  préteurs  de  1481. 

Ainsi  finit,  pour  les  faits  qui  intéressent  la  ville  dr 
Troyes,  cette  cruelle  tragédie  sortie  du  cerveau  du  vin- 
rlicatif  Louis  XI,  et  dont  la  durée  fut  d'environ  cinq  ans. 

(>t  acte  de  vio' -nce  politique  du  sombre  Louis  XI 
touche  à  la  folie.  Il  [)ronve,  jusqu'à  l'évidence,  c|ue  le 
pouvoir  le  plus  absolu,  quand  il  n'a  pas  la  raison  pour 
limite  et,  pour  appui  moral,  l'aveu  de  la  nation,  ne  peut 


\m  CHAPITRE  XIV.  137 

donner  à  ses  œuvres  le  caraclère  de  durée  auquel  tout 
souverain  doit  prétendre  dans  ses  actes  et  dans  ses  fon- 
dations (1  ). 

On  reconnait  à  bon  droit  à  Louis  XI  une  initiative  peu 
connmune.  Ce  roi,  qu'on  a  dit  le  roi  de  la  bourgeoisie, 
fait  pesor  sur  elle  les  plus  lourds  impôts  et  les  charges 
les  plus  grandes.  Roi  essentiellement  révolutionnaire 
dans  ses  idées  et  dans  leur  application,  quoique  souve- 
rain légitime  par  la  naissance  ,  Louis  XI  est  d'une  acti- 
vité peu  commune,  usant  de  violents  moyens  pour  réa- 
liser ses  projets  ;  différant  en  cela  de  son  père,  Charles 
VII,  qui,  lui  aussi,  modifia  profondément  l'administration, 
après  avoir  reconquis  son  royaume.  Mais  l'un  obtint  le 
surnom  de  bien-aiiné ,  et  l'autre  laissa  un  souvenir 
détesté. 

A  Arras,  il  veut  établir  des  sociétés  commerciales  qui 
n'ont  aucun  succès.  C'est  un  homme  de  progrès,  dirions- 
nous  aujourd'hui.  Ses  idées  précèdent  son  siècle.  Ainsi, 
en  lASI,  il  veut,  chose  inouïe  jusqu'à  lui,  faire  consti- 
tuer une  société  commerciale  formée  dans  le  but  de  né- 
gocier (/a/i^  les  mers  du  Levant  et  partout  ailleurs.  Y  a-t-il 

(1)  Nous  avons  donné  quelque  développement  à  cet  épisode  his- 
torique, dont  les  détails  et  même  la  date  étaient  demeurés  inconnus. 
.\rras  ne  possède  aucun  document  sur  ce  fait  si  important  de  son 
histoire  et  i^îe  la  vie  politique  de  Louis  XI.  Ceux  qui  ont  été  décou- 
verts, à  'l'ours,  à  Orléans ,  à  Compi«''gne  ,  n'ont  vu  le  jour  qu'en 
1865  et,  on  1857,  nous  n'avons  fait  que  signaler  ceux  que  possède  la 
ville  do  Troyes.  Ceux-ci  sont  les  plus  nombreux,  les  plus  intéres- 
sants et  les  plus  complets  de  tous  ceux  qui  ont  été  indiqués  jusqu'à 
présent.  Mémoires  de  rAcadcmie  d*An*as,  t.  xxxvii,  1865,  p.  238 
i\  855.  —  i')U'  Vaufcaucc  de  Louis  X/,  par  M.  Laroche,  ancien  ma- 
iiristrat.  -  Ord.  des  rois  de  France,  t.  xviii,  p»  60^1,  643.  —  Les 
Archives  des  villes  de  Tours,  liasse  323,  d'Orléans  et  de  C-ompiègne- 
-  noniOT.  Louis  Xr  et  la  nlle  <l\irras,  dans  les  Méin.  de  l'Aca- 
«It'iiiie  d'Arras,  I8t)7,  et  tirage  À  \.i\v\.  Ce  travail  est  suivi  de  la  copie 
dt'>  priiiii pales  pii'ces  renfermées  dans  les  Archives  municipales  de 
Troyes.  —  Knlin,  Arch.  mun.  de  Troyes,  anc.  f.,  layette  59,  3  pièces, 
et  aouv.  f.,  B.  B.,  carton  20,  5«  liasse,  48  pièces. 


t38  HISTOIRE   DB   TROYES.  \4g/i 

déjàf  à  cette  date,  un  pressentiment  vague  des  décou-* 
vertes  qui  s  accompliront  avant  la  fin  du  siècle?  Au 
moins  y  a-t*il  dans  ce  projet  la  pensée  de  faire  coneur-* 
rence  aux.  navigateurs  italien»,  (fui  tiennent  entre  leurs 
mains  le  commerce  de  la  mer  Méditerranée  ,  la  seule  qjui 
sait  fréquentée  alors. 

Loois  XI  Corme  donc  le  projet  dé  réunir,  en  société- 
emnmercisde  et  maritime ,  un  certain  nombre  de  né^t- 
ciants  originaires»  non  de  villes  possédant  dee  ports<  ou 
pouvant  en  créer,  mab  des  principales  citéa  de  rintérieor 
di»  pojBinme.  Il  convoque»  dans  ee  but,  à  Tours,  les  dé* 
pûtes:  de  Paris:  et  de  Tovkmse  dont  les  noms  aonik  in- 
eennœ.  La  ville  de  Lyon  y  est  représentée  par  Jean  Bn- 
ronnet  et  Antoine  Villars. 

Montpellier,  par  Girault-Buisson  et  Etienne  Sezellr; 

Boutées ,  par  Jacques  Aroussart  et  Petit-Jean ,  de 
Montpellier; 

Troyes ,  par  Jean  de  Marisy  et  Jean  Hennequin ,  le 
jeune; 

Orléans,  par  Pierre  Gempaing  et  Jean  Railbrt  ; 

Tours,  par  Jean  Briçonnet  le  patron  (1)  et  Louis  de 
Lumezière,  maire  ; 

Angers»  par  Guîllatime  Leroy  et  Jean  Le  Seure  ; 

Poitiers,  par  Guillaume  Macé  et  Pierre  Roux  ; 

Limoges^  par  Jean  Douet  et  Jean  Petiot. 

Dans  cette  assemblée ,  M«  Maillard,  maître-d*hôtel  dxx 
roi,  expose  bien  au  long  les  intentions  du  roi.  Il  annonee 
qne  le  plaisir  de  son  maître  est  de  faire  que ,  par  les 
marchands  du  royaume  et  par  les  villes  représentées 
dans  rassemblée ,  il  soit  constitué  une  compagnie  c  de 
grande  somme  de  deniers  comme  de  cent  mille  livres  (2) 

(1)  n  tA  eonunissaire  de  cette  ville  à  Franchise. 

(3>  Environ  3,000,000  fr.  de  notre  moaniie,  valeur  antérieur»  i 


«iSi  CHKPVVHR  XIV.  *8©' 

elplusj  pour  marchander  sm  h  mer  du  Lev«inl  et  aiUeuc»; 
(^'il  feut  oommencer  Topéralioii  en  faisant  construire  on 
gmd  nombre  de  galères,  de  naves  et  autres-  navires^ 
afin  que  la  marchandise,  el  le  commerce  aient  cours 
dan»  le  royaume,  de  Façoo  qiue  les  étrangers  n'en  aiiënt 
plus  connaissance.  M^  Maillard  développe  ce  tbème,  et 
fait,  sur  oe  sujet,  plusieurs   t  grandes  remontrance»,  v 

Après  cette  exposition,  l'es  dépntés  demandent  à  en 
coitférer.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  le»  débats  furent 
loégs,  Jean  de  Marisy,  à  cette- cocasion,  ayant  séjourné 
à  Tours  pendant  environ  50  jours. 

Après  discussion,  les  députés  font  conaaître  au  oom- 
DMssaire  du  roi,  \&  résultat  de  leur  délibération.  Ils  dé- 
clarent qu'aprèiâ  av6ir  longuenvent  débattu ,.  entre  tous , 
le  sujet  de  leur  convocation,  le  but  leur  paraib  difficile 
à  atteindre  par  plusieurs  raisons.  D'abord ,  parce  que 
plusieurs  des  villes  représentées  sont  pauvres  et  n'oat 
pa»  l'habitude  de  naviguer  ;  que  jamais  leurs  habitants 
n'ont  vu  la  mer;  qu'il  serait  bien  difficile  de  trouver 
somme  suffisante  pour  constituer  une  société  ;  que  la 
misère  règne  partout  ;  que,  de  toutes  parts,  les  blés  font 
défaut  ;  <  qu  il  y  a  une  famine  que  c'est  {Mtié,  et  que  le 
t  pauvre  peuple  ne  peut  trouver  de  qooi  se  nourrir,  si 
•  cela  ne  vient  de  la  grâce  de  Dieu.  » 

Les  députés,  tous  marchand»,  sont  d'avi»  que  l'on 
éprouverait  la  plu»  grande  peine  à  faire  tomber  d'accord 
ent/fllcs  les  ville»  désignées  pour  l'association,  surtout 
en  raison  de  ce  qu'elles  sont  placées  loin  de  la  mer  et 
que  leurs  habitants  ignorent  entièrement  fart  de  la  na- 
vigation. 

Le  besoin  de  construire  un  grand  nombre  de  galères 
ne  se  fait  pas  sentir  ;  U^  Maillart,  maître -d'hôtel  du  roi, 
efi  a  trois  bonnes,  et  Jean  Moreau  (4)  en  fait  réparer 

(l>  Ren  Mm  figure  déjà  daM  raffair«  d*Am». 


140  HISTOIRE   DE   TROYES.  MS\ 

deux  ou  trois,  que  possédait  le  roi  de  Sicile  (1),  lors  de 
son  décès.  On  trouverait,  dans  Tétat  du  commerce ,  à 
bien  grande  peine,  de  quoi  charger  ces  bâliments,  ainsi 
que  ceux  qui  se  font  chaque  jour. 

Il  serait,  selon  l'avis  des  députés,  plus  à  propos,  sous 
le  bon  plaisir  du  roi,  d'écrire  aux  nations  de  Gènes ,  de 
Florence,  de  Naples,  de  Sicile  et  de  Venise ,  afin  de  les 
engager  à  commercer  avec  le  royaume  do  France,  en 
facilitant  leurs  relations,  au  moyen  de  rabaissement  des 
droits  d'entrée  et  de  sortie  et  autres  impôts  levés  en  fa- 
veur du  domaine. 

Enftn  ,  le  meilleur  moyen  pour  augmenter  le  com- 
merce extérieur,  serait  de  donner  toute  liberté  aux  sujets 
du  roi  «  de  naviguer  et  de  marchander  dans  la  mer  du 
i&  Levant  et  ailleurs  ,  tant  pour  le  Languedoc  que  la 
i>  Provence.  »  En  faisant  ainsi,  il  se  trouverait  assez  de 
marchands  qui  trafiqueraient  dans  ces  contrées  loin- 
taines, en  toute  liberté  et  à  leurs  risques  et  périls,  et  avec 
plus  d'avantages  que  ne  pourrait  le  pratiquer  une  com- 
pagnie. 

Les  députés  terminent  leurs  réponses  en  disant  : 
<r  qu'en  rien  qui  ne  soit  ils  ne  veulent  aller  contre  le 
*  vouloir  et  le  plaisir  du  roi;  qu'ils  sont  toujours,  en 
i>  cette  matière  et  en  toutes  autres,  prêts  à  faire  tout  ce 
»  que  par  lui  leur  sera  enjoint  et  commandé  (2).   » 

C'est  en  ces  termes  que  des  marchands  envoyés  par 
les  principales  villes  de  France  répondent  au  maître- 

(1)  Le  bon  roi  René,  mort  en  1480. 

(*2)  Ce  document,  d'une  grande  importance  historique,  fait  con- 
naître rétat  du  commerce  maritime  avant  la  découverte  de  l'Amé- 
rique. Il  est  authentique.  Chaque  députation  retourna  dans  ses  foyers, 
munie  de  ce  procès-verbal.  Celui  que  nous  avons  sous  les  yeux  se 
termine  ainsi  :  a  Ceste  présente  responce  et  remontrance  m'a  esté 
»  présentée  par  les  notables  gens  des  bonnes  villes  devant  décla- 
»  rées,  laquelle  j'ay  receue  pour  icelle  faire  rapport  au  roi  nostre 
0  sieur,  ad  ce  qu'il  ordonne  sur  ce  que  dit  est  et  de  toutes  autreF 


1481  CHAPITRE  XIV.  141 

d'hôtel  du  roi,  qui  parait  être  le  principal  armateur  de 
Tépoque.  Ces  marchands,  qui  ne  veulent  pas  de  compa- 
gnie, demandent  la  liberté  du  commerce ,  et ,  avec  la 
liberté ,  ils  auront  un  commerce  considérable ,  et  la 
France  une  marine  florissante.  Quant  à  la  formule  d'hu- 
milité qui  termine  leurs  réponses,  elle  était  presque  ba- 
nale. Elle  clôt  presque  toujours  les  déclarations  faites  au 
roi  et  contraires  à  sa  volonté.  Ces  réponses,  rapportées 
à  Troyes,  furent  lues  par  Jean  de  Marisy  et  Jean  Hen- 
nequiu  le  jeune,  aux  habitants,  dans  une  assemblée  gé- 
nérale tenue  dans  la  loge  du  prévôt. 

Les  motifs  vrais  du  refus  de  former  une  société  de 
commerce  maritime  ne  peuvent,  pour  quelques  villes, 
être  Téloignement  de  la  mer.  La  ville  de  ïroyes  renferme 
des  négociants ,  qui  font  alors  •.  de  grandes  marchan- 
dises par  terre  et  par  mer.  >  Le  procureur  du  roi  au 
bailliage  le  déclare  dans  son  mémoire  fourni ,  la  même 
année,  contre  le  rétablissement  de  l'échevinage. 

Si  la  levée  et  Tassiette  des  impôts  reçoivent  sous 
Charles  VII  une  régularité  qu'elles  n'ont  point  encore 
eues,  Louis  XI  jette,  dans  cette  partie  du  service  de  l'ad- 
ministration royale,  la  plus  grande  perturbation.  Ache- 
tant le  dévouement  à  ses  intérêts,  à  beaux  deniers  comp- 
lants,  il  se  procure  de  l'argent  par  tous  les  moyens  en 
son  pouvoir,  et  sa  délicatesse,  comme  celle  de  ses  agents, 
est  peu  scrupuleuse.  Il  donne  à  certains  de  ses  officiers 
des   €  commissions  ]>  sur  les   villes  ou  paroisses,  et 

>  choses  son  bon  plaisir  et  à  ceste  cause  les  ay  expédiez  pour  en  aller 
»  chascun  devers  les  bonnes  villes  pour  lesquelles  ils  sont  icy  en- 
f  voyez  pour  leur  dire... 

mil  un  c.  im  xx  i.  » 

Signé  :  Maillart. 

Cette  pièce,  écrite  sur  papier,  est  en  partie  détruite,  il  manque 
tout  le  premier  paragraphe  et  plusieurs  lignes  dans  le  texte. 
Arch»  mun,^  n.  fondi^  carton  i  liasse 


lAfi  HisTiNK  «S  laorss.  im 

•Boi-ci  Im  exécutent  au  mieux  de  leure  intérêts  :  eam 
du  roi  n'étant  pas  ceux  qui  les  préoccupcdot  le  plw. 

Dans  les  premiers  mois  de  4482,  la  ville  de  Troyes  est 
soumise  à  lune  de  ces  commissions.  Ausskdt  infonnés, 
les  habitants  députent  de  suite  Jean  Goiffart  près  d'An- 
toîne  Dijoine  et  de  Jacques  de  la  Roôre ,  afin  que  ces 
deux  personnages  leur  viennent  en  aide  près  d«  trésO'- 
mr  Radier ,  et  obtenir ,  par  Tentremise  de  oekii^i,  la 
déebarife,  au  moins  partielle,  de  la  taxe  dont  la  ville  est 
frappée.  Raguier  s'entremet  en  eftet  -€  pour  Tamour  de 
la  ville.  >  11  tâchera  que  la  ville  ne  soit  contrainte  à 
payer  qu'une  somme  inférieure  à  cioq  cents  livnes  ou 
300  écus,  un  pareil  accomnM)dement  n'ayant  jamai^  lieu 
avaat  que  les  coaunissaires  royaux  ne  se  soic^  tendw 
daos  la  ville.  >  Il  y  a  à  craindre,  dit  il  encore,  qièe  Coio- 
iÀer  4iui  a  droit  i  la  moitié  de  toutes  les  amendes  et  40- 
niars  résultant  de  cette  commission ,  ne  s'oppose  .à  un 
arrangement.  Le  trésorier  Raguier,  pour  tenter  de  Téussir, 
recommande  de  se  cendre  près  du  roi  ,  sans  se  faire 
assister  de  Coictier  (1),  et  de  réclamer  de  suite  à  Trouas 
somme  suffisante  pour  acquitter  celle  sur  laqpelle  on 
sera  tombé  d'accord. 

Sur  ces  reconunandations,  Jean  Coiffarl  expédie  4fi 
suite  à  Troyes  c  son  compère  Ploton,  bien  accompagné  » 
afm  de.rapporter  la  somin^  de  cent  écus,  i  laquelle  il  (era 
ajouter  celle  >de  •cteat  liMses  «pour  Raguier,  ^  qui  on  Jea  a 
promis ,  afm  d'obtenir  son  concours  let  qui  fait  enc^tfe 
difficulté.  Jean  GoifTart  n'est  pas  la  dupe  de  ce  vilain 
trafic  administratif.  11  écrit  à  son  compère  £tiisnne  de 
Bauasaocourt,  procufeur  des  habitants,  qu'il  poesacd^iW- 
voyer  la  somme  demandée,  c  Je  vous  pronoets,  mon 
compère,  que  c'est  pitié  d'estre  par  deçà  pour  telles  ma« 
tiéres,  et,  fiwr   l'amour  do  Dieu,  que  l'on  s'en  boutte 

(1)  On  Mit  qu*U  sit  i^  uickcin  du  roi. 


tut  CHIVITilE  3HV.  I4S 

(q«e  Voa  «n  sorte)  ;  qu'il  «i^  tak  Atolte  ^et  ie  {jtkis  jiKU^ 
gemmcmft  «que  faire  «e  pourra.  >  Coâffart  ajoute  eDooro 
dans  cette  ourîeuee  lettre  :  c  Si  les  eoimnissaipesise  ma^ 
dent  à  Tr»yes ,  ne  vous  acoordez  pas  avec  eux ,  mais 
entretenez-les  le  mieux  qiae  vous  pourrez.  M  demeure 
par  deçà  jusques  au  paieioesit  de  V  argent,  «t  afin  >  que  Je 
puisse  tout  rapporter,  c  il  demande  aussi  que  Dijoine  et 
de  la  Roëre  soient  récompensés  de  leurs  peines.  Puis, 
oomme  un  cri  d'alarme,  il  termine  en  ^disant  :  €  Pour 
Dieu,  «non  compère,  faites  ài%enoe.  ••  Etienme  de  Baus- 
sancourt  ne  perd  pas  de  temps-,  le  41  mars,  iean  Heu- 
iiei|uin  <et  Thii»auH  Berthier  délivrent  600  Jiwes  ^à 
Jean  Ploton,  héraut  du  roi,  qui  les  porte  à  Jean  Ooiftail, 
pour  les  verser  à  qui>de  droit  ^(i). 

Louis  XI,  cet  adorateur  de  madones  de  plomb,  voyant 
les  maladies  et  les  infirmités  s'attacher  à  lui ,  devient 
^néreux  des  produits  du  domaine  à  Tégard  des  établis- 
sements religieux.  11  y  a  moins  chez  lui  Tidée  charitable 
que  la  pensée  que  Targent  donné  par  lui  doit  soulager  sa 
précoce  caducité  et  prolonger  ses  jours.  En  même  temps 
qu'il  assure  au  Chapitre  de  N.-D.  de  Cléry  une  rejile 
annuelle  et  perpétuelle  de  i,000  )iv.  sur  le  domaine  de 
Normandie ,  il  dote  Tabbaye  de  Pontigny  (Yonne),  de 
1,200  1.  t  de  rente  assise  sur  .celui  de  Champagne  (S). 
Sur  le  même  dooiaine,  et  c  pour  le  recouvrement  et  la 
conservation  de  sa  santé  >  il  assigne,  à  Tabb^ye  d^s 
Trois*1\ois  de  Cologne,  l,iit)  liv.  de  rente  annueiles^u* 
la  recette  de  Troyes ,  dont  les  fermes  judiciaires  sont 
déjà  chai^gées  en  faveur  de  cette  maison ,  d'une  somme 
de  320  liv.  par  an 

Jeanne  de  Champagne ,  femme  de  PbUippa-le-JSel , 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  carton  48»,  liasse  i;  original. 

(2)  CM.  dm  roi»  de  Frmee^  t.  xvui,  p.  364  ;  note. 


141  KiSTOIRE   DE   TROYES.  figtf 

avait  doté  le  collège  de  Champagne,  dit  de  Satarre  (1), 
de  deux  mille  livres  de  rente  eoDuelle  à  prendre  sur  le 
domaine  de  Champagne,  des  prejniers  et  des  plus  clairs 
deniers.  Mais  Louis  \I  a  disposé  de  telle  façon  <le  ce 
domaine  que  la  dotation  de  Jeanne  n'est  plus  entière.  Il 
n'y  a  plus  que  878  II.,  applicables  à  son  collège,  et  à 
prélever  sur  les  recettes  de  Troyes,  de  Vitry  et  de  Chau- 
mont.  Le  surplus,  soit  1,122  I.,  autrefois  levé  sur  les 
recettes  de  Meaux  et  de  Coulommiers .  sur  le  domaine 
de  Crécy,  sur  le  tabellionnage  et  la  prévolé  de  Meaux, 
sur  la  recetle  ordinaire  de  Troves,  sur  celles  d'Ervv  et 
de  Dannemoine,  seigneuries  aliénées  par  Louis  \I,  qui 
en  a  fait  don  à  Pierre  de  Courcelles ,  seigneur  de  St- 
Liébault  Esliisau  ,  sur  Julîy-le-Châtel  ,  Bar-sur-Seine  , 
Villeneuve,  Avirey-le-Bois  et  Landreville ,  donnés  à  Jac- 
ques de  Dinteville;  sur  le  domaine  de  Nogent  et  de 
Pont-sur-Seine,  que  Vendange  tient  au  même  litre  ;  sur 
St-Florentin  ,  donné  au  petit  bailli  d'Allemagne,  Jean 
Wisse,  de  Gerbeviller;  sur  le  tabellionnage  de  Troyes, 
dont  une  partie  du  produit  a  été  donnée  à  Marc  Senesme; 
sur  le  portage  des  vins,  donné  pour  une  portion  à  Pierre 
Dubois  de  la  Salle;  sur  la  seigneurie  de  Bar-sur-Aube, 
donnée  par  le  roi  au  sire  de  Gyé,  et  sur  d'autres  revenus 
du  domaine  de  Champagne.  Voulant  asseoir  pour  l'avenir 
et  assurer  au  collège  de  Champagne  ses  anciens  revenus, 
Louis  XI  décide  que,  sur  la  recelte  de  Meaux,  il  sera  tou- 
ché 152  1. 1.  ;  sur  les  membres  aliénés  de  cette  recette  , 
324  1.  t.  ;  sur  la  recette  ordinaire  de  Troyes,  551  I.,  et 
sur  les  parties  aliénées,  538  1.;  sur  la  recette  ordinaire 
de  Vitry,  100  1..  et  sur  les  parties  aliénées  152  1.  ;  sur 
la  recette  ordinaire  de  Chaumont ,  75  liv.,  et  sur  les 
aliénations,  108  liv.,  i2). 

(i)  C'est  ainsi  que  ce  collège  est  désigné  dans  les  lettres-patentes 
de  Louis  XI. 

(2)  Ord,  de$  rois  de  France,  t.  xvm»  p.  578.  ^  16  février  148(X 


1183  CHAPITRE   XIV.  145 

Le  couvent  des  Jacobins  de  Troyes  reçut ,  en  1439, 
les  restes  mortels  de  Termite  Jean  de  Gaud  (1).  Ces  dé- 
pouilles étaient  honorées  à  régal  de  celles  d'un  bienheu- 
reux ,  et  la  renommée  de  l'ermite  était  arrivée  jusqu'à 
Louis  XI,  qui  invoqua  son  intercession  à  Toccasion  d'une 
maladie.  Sans  doute  satisfait  du  résultat  de  ses  prières, 
en  février  1482,  Louis  XI  donne  au  couvent  une  rente 
annuelle  de  500  1.  t.,  à  prendre  sur  le  domaine  royal  à 
Troyes.  Ce  don  est  ainsi  motivé  :  «  Pour  la  grande,  sin- 
gulière et  fervente  dévotion  que  avons  toujours  eue  et 
avons  à  Dieu,  notre  créateur ,  à  la  glorieuse  Marie ,  sa 
mère,  et  l'église  et  couvent  des  a  Jacobins  de  Troies,  » 
en  laquelle  a  une  singulière  et  dévotieuse  chapelle  com- 
mencée ,  intitulée  :  la  Chapelle  de  Nolre-Dame-des- 
Orphelins,  au  devant  de  laquelle  gît  et  repose  le  corps 
d'un  saint  hermile,  nommé  «  frère  Jean  de  Guan,  > 
en  son  vivant  hermitc  de  Thermitage  de  monsieur  saint 
Claude  ;  nous,  étant  assuré  et  informé  de  la  bonne  hon- 
nête, saincle  et  salutaire  vie  qu'il  a  en  son  vivant  menée 
et  conduite,  ayant,  par  ce  rnotif,  en  ferme  propos  et  dé- 
libération, qu'il  soit  sanctifié  et  exaucé  avec  les  bcnoits 
saints  et  saintes  du  Paradis,  nous  sommes  voué  et  avons 
eu  recours  en  certaine  maladie  à  nous  naguères  surve- 
nue, de  laquelle  incontinent  après  notre  vœu,  par  son 
moyen,  aide  et  intercession,  comme  croyons,  sommes 
venu  à  convalescence.  Voulons etc.  >  (2) 

A  ce  bienfait  ne  se  borne  pas  la  reconnaissance  de 
Louis  XI.  11  fait  d'activés  démarches  pour  arriver  à  la 
canonisation  du  bienheureux  ermite.  La  mort  le  surprit 

(t.  st.).  Cet  acte  est  important  au  point  de  vue  des  aliénations  du 
Domaine^  faites  par  Louis  XI,  et  Tétat  de  ce  Domaine  dans  la  pro- 
Tince. 

(i)  Voir  ci-dessus,  page  7. 

(2)  Arch.  dép.,  f.  du  Couvent  des  Jacobins,  original,  avec  sceau, 
signé  du  roi,  daté  du  Plessis-les -Tours,  de  février  1482.  —  Gamusat^ 
Desouerrois,  f>  394,  vo,  et  395,  r»,  et  suiv. 

lit.  10 


146  HISTOIRE   DE   TROYES.  im 

avant  d'arriver  à  ses  fins ,  et  les  poursuites,  en  cour  de 
Rome,  cessèrent  avec  la  vie  du  roi.  Il  avait  écrit  au  Pape, 
et  déjà  il  avait  Tait  procéder  à  de  nombreuses  enquêtes 
dans  le  but  de  faire  constater  les  miracles  attribués  à 
rinfliience  du  bienheureux  Jean  de  Gand.  L*exhumalion 
du  corps  eut  lieu.  Il  ftit  placé  sous  un  drap  d'or  donné 
par  Louis  XI  (i). 

La  dernière  lettre-missive  que  les  Troyens  reçurent 
de  Louis  XI,  porte  la  date  du  0  avril  44-83.  Il  leur  an- 
nonce que  Simon  de  Quincey  succède,  à  Troyes,  au  sieur 
de  Mareuil,  en  qualité  de  bailli.  Ce  Simon  de  Quincey 
avait  repris  du  service  sous  Louis  XI,  après  avoir  servi 
avec  ardeur  la  cause  de  Charles-le-Téméraire  et  de  sa 
fille,  Marie  de  Bourgogne  (2). 

Les  cordeliers  sont  à  Troyes  fort  populaires  et  aimés 
par  les  habitants.  Beaucoup  de  ceux-ci  font  choix  de  leur 
église  et  de  leur  cloître  pour  y  être  enterrés.  Le  curé  de 
l'église  St-Jean  se  pourvoit  contre  cet  usage.  Les  frères 
mineurs  résistent.  Par  sentence  ,  les  habitants  furent 
autorisés  à  se  faire  enterrer  chez  les  cordeliers,  soit 
avec,  soit  sans  Thabit  de  St-François  (3). 

Par  un  ancien  usage ,  le  chapitre  de  St-Ëtienne  est 
obligé  de  donner  la  sépulture  aux  corps  des  ecclésias- 
tiques et  des  laïques  décédés  dans  les  prisons  de  Tévê- 


(1)  Desguerrois.  La  Saincteié  chrétienne ,  loco  ciiato.  Il  donne 
copie  de  trois  lettres  de  Louis  XI  et  de  Tenquéte  poursuivie  à 
Troyes,  en  présence  des  commissaires  royaux.  Cette  enquête  révèle 
le  nom  de  l'Inquisiteur  do  la  Foi,  dans  le  diocèse  de  Troyes,  en 
1483.  —  C'est  Pierre  Frézet,  docteur  en  théologie,  jacobin.  Il  fit  le 
voyage  de  Rome  pour  obtenir  la  canonisation  de  Jean  de  Gand. 

(â)  Arch.  mun.,  n.  f.,  carton  48,  4«  liasse.  —  La  dernière  lettre 
que  Louis  XI  adressa  à  Troyes,  fut  lue,  le  23  mai,  à  la  chapeUe  de 
St-Pierre.  Le  roi  demandait  un  service  pour  le  repos  de  rame  d'E- 
douard VIII,  roi  d'Angleterre,  décédé  le  4  avril  précédent. 

(3)  Arch.  dép.y  /.  du  ConUli^n, 


14S3  CHAPITRE   XIV.  147 

ché.  Cel  usage  prit  fin  en  1475,  par  suite  d'un  échange 
Fait  de  deux  jardins  entre  Tévôque  et  le  chapitre  il). 

Malgré  les  guerres  de  Louis  XI,  le  commerce  et  Tin-» 
dustrie  continuent  à  se  développer.  Kn  1476,  le  com- 
mandeur de  St-Jean-de-Jérusalem,  seigneur  de  Sencey, 
aujourd'hui  St-Julien,  uni  à  Jean  Leber  (ou  Le  Bé)  ,  son 
fermier,  demande  rautorisalion  de  rcédifier  les  moulions 
de  Sencey,  détruits,  avec  tant  d'outrés,  pendant  la  guerre 
des  Anglais.  Une  longue  information  eut  lieu.  Le  bailliage 
autorise,  le  i^^  aofil  1 477,  les  constructions  projetées  par 
le  commandeur.  Le  vannage  des  nioulins  a  cent  pieds  de 
longueur  (2).  Dans  ce  barrage  s'ouvrent  deux  grandes 
vannes  de  dix  pieds  d'ouverlurc  «  tant  pour  monter  et 
>  avaler  les  bateaux,  que  pour  faire  passer  les  glaces  et 
»  les  bois,  et  aussi  pour  mieux  dégorger  les  grandes 
»  eaux.  ^  Puis  un  coulis  de  25  pieds  de  longueur  doit 
être  établi ,  pour  faire  passer  *  les  butins  ,  glaces  et 
grandes  eaux  ^  Kn  cas  de  réparation,  le  ferniier  est  tenu 
de  laisser  couler,  sans  interruption,  l'eau  nécessaire  pour 
faire  tourner  trois  ou  quatre  roues  en  temps  de  basses 
eaux  «  alin  que  les  moulins  estans  au  dcssoubz  et  la  ville 
de  Troyes  n'aient  cause  d'eulx  douloir,  (se  [)laindre.)  » 

La  construction  et  l'entretien  des  dignes,  en  amont  des 
moulins,  sont  mis  à  la  charge  du  propriétaire  et  du  fer- 
mier. Celte  autorisation  de  construire  n'est  accordée  qu'à 
la  condition  que,  s'il  est  un  jour  reconnu  que  les  moulins 
portent  préjudice  au  roi,  à  la  chose  publique  et  au  pays, 
ils  seront  mis  en  tel  état  que,  par  justice,  il  sera  ordonné 
et  même  de  les  démolir,  si  le  cas  le  requiei  t,  ainsi  que  du 
reste  il  a  été  offert  par  le  connuandeur  et  son  fermier  (3). 

(1)  Si3aLLART.  T.  ni,  p.  105.  Le  jardin  donné  par  Tévéque  était 
situé  dans  la  rue  qui  mène  à  la  Planche-Clément.  II  se  nommait  le 
Jardin-aux -Clercs. 

(2)  En  cet  endroit,  la  Seine  a  aujourd'hui  31'"  do  largeur. 
^3)  Arch.  muo.,  n.>  A.  A.,  t^<^  carton,  4e  liasse. 


148  HISTOIRE   DE   TROYES.  i4S3 

La  construction  des  moulins  de  Sencev  est  achevée  en 
U79.  —  En  1486,  le  29  mai,  Charles  Vlll ,  étant  à 
Troyes,  autorise  le  fermier  à  percevoir  dix  deniers  t.  sur 
«haque  bateau  ou  nacelle,  montant  ou  descendant,  par 
le  vannag^e  de  ses  moulins.  Celte  concession  fut  attaquée 
par  les  Troyens,  en  raison  du  préjudice  qu'elle  portait  à 
la  navigation. 

Vers  le  même  temps,  le  chapitre  de  St-Pierre,  seigneur 
de  Vannes  et  propriétaire  des  moulins  de  ce  village,  tran- 
sige avec  son  fermier,  qui  s'engage  à  établir  un  moulin  à 
papier  et  à  rentretenir  en  bon  état.  A  cette  date  remon- 
terait la  création  des  papeteries  de  Vannes,  tenues  plus 
tard  par  la  famille  Le  Bé. 

L'industrie  est,  à  cette  époque,  soumise  à  une  police 
fort  exacte  et  les  blanchisseries ,  les  teintureries  et  les 
tanneries  sont,  depuis  leur  origine  sans  doute,  échelon- 
nées sur  le  cours  d'eau  de  Pétai  ou  des  Trévois,  puis 
en  ville  dans  les  quartiers  où  nous  les  voyons  encore 
généralement ,  malgré  les  exceptions  qui  s'introduisent 
et  troublent  l'ordre  ancien,  ce  qui  est  regrettable.  Ainsi, 
un  sieur  Levcrt,  voulant  construire  un  moulin  sur  la 
rivière  de  St-Jean-du-Temple  ou  Grand-Rupt,  en  est  em- 
pêché, comme  lorsqu'il  voulut  élever  un  sureau  placé 
sur  le  rupt  Cordé,  aujourd'hui  canal  de  la  Haute- Seine. 
Un  autre  industriel,  voulant  établir  des  ateliers  de  tein- 
ture sur  ce  dernier  rupt,  près  du  pont  de  la  Salle  c  des 
lettres  royaux  >  y  mirent  obstacle  (1). 

La  ville  de  Troyes,  déjà  en  réputation  pour  la  qualité 
de  ses  papiers,  possède  une  imprimerie  en  1483.  En  celle 
année,  sortit  des  presses  de  Pierre  Lerouge  le  Bréviaire 
de  Troyes, qui  porte  la  date  de  1483  et  le  lieu  de  sa  pu- 
blication. Troyes  est  donc  une  des  premières  villes  de 
France  qui  posséda  une  imprimerie.  Sans  prétendre,  avec 

(d)  Arch.  d»>p.,  f.  de  St-Ktienne.  Inv,  des  priviléyesy  i474. 


1483  CHAPITRE  XIV.  149 

Grosley,  que  l'imprimerie  troyenne  ait  produit,  dès  1464, 
un  règlement  sur  les  foires  de  Champagne  (dans  ce  der- 
nier cas,  les  villes  de  Mayence  et  de  Bamberg  seules 
auraientdevancé  celle  de  Troyes)  (1),  notre  ville  précède, 
sous  ce  rapport,  Nantes,  Orléans,  Dijon,  Reims,  Rennes, 
Heidelberg,  Munich,  Copenhague,  Lisbonne,  Hambourg, 
etc.  Les  bibliophiles  citent  encore  parmi  les  incunables 
sortis  des  presses  troycnnes  :  Les  Postilles  et  exposilions 
des  cspistres  et  euvangiles  dominicales.,,  1492.  Puis,  en 
1496  :  Les  Privilèges  et  indulgences  des  Frères  Mineurs 
et  PrcscheurSy  en  latin  :  le  premier  de  ces  livres  sort  des 
presses  de  Guillaume  Lerouge  (2). 

La  culture  du  lin  fut  répandue  à  Troyes  et  dans  les 
environs,  auXVe  siècle.  La  preuve,  c'est  quon  1481,  se 
forme  à  Troyes,  pour  la  première  fois,  la  confrérie  des 
huiliers  Ces  confrères  sont  alors  au  nombre  de  33  (3). 
Cette  confrérie  choisit  pour  patron  saint  Jean  l'évangé- 


\\  )  Un  exemplaire  de  ce  tarif  des  foires  de  Champagne  existe  à  la 
Bibliothèque  nationale  :  Champagne ,  n»  9852.  —  t%  2  :  indication 
de  M.  Ilarmand. 

(2)  La  bibliothèque  de  Troyes  possède  un  exemplaire  des  PostilleSy 
qui  lui  a  été  donné  par  M.  Corrard  de  Breban,  en  1865.  Un  second 
exemplaire  du  môme  ouvrage  est  en  la  possession  de  M.  le  prince 
de  Lucinge,  qui  Ta  acquis  à  Paris.  —  Recherches  sur  Vimprimerie^ 
à  Troyes,  par  M.  Corrard  de  Breban  ;  2*^  éd.,  1851.  —  11  est  pro- 
bable qu'en  1481,  on  imprima  à  Troyes  les  Coutumes  du  Bailliage' 
(Voir  infrày  page  152) ,  et,  en  1487,  les  Lettres-Patentes  de  Charles, 
VIII,  portant  établissement  de  deux  nouvelles  foires  à  Troyes.  En 
4486,  révoque  de  Troyes,  Jacques  Raguier,  achète»  des emprimeurs 
de  Troyes,  »  les  Décrétales,  la  Sixième  ou  la  Scxte,l  es  Clémentines, 
Perse,  Térence,  Juvénal,  le  Catholicon,  la  Bible,  le  Ilacionalc  divi- 
norum  officiorum,  Ratio  et  Modus,  tous  les  Bartho,  tous  les  Panory 
et  tous  les  Saly^  les  Répertoires  de  Briniense  et  de  Bartha ,  et 
Texposition  du  Psaltier,  et  les  fait  enluminer  par  Jean  Thierry,  dit 
de  Brienne,  régleur  de  livres  d'impression,  avec  de  l'azur,  du  ver- 
millon, et  du  safran.  (Arch.  dép.  -  Evêché  de  Troyes,  G.,  3i7,  re- 
gistre). Troyes  comptait  donc,  en  1486,  plusieurs  imprimeurs. 

(3;  Troyes  ne  possède  aujourd'hui  que  onze  maîtres  huiliers,  dans 
la  ville  et  les  faubourgs. 


150  HISTOIRE  DE  TROYES.  \^\ 

liste,  et  célèbre  sa  fête  dans  ie  couvent  des  iacohiii:^.  — 
Tout  maître  doit  à  la  confrérie  i  d.  t.  [»ar  s^^inaine.  — 
Tous  les  confrères  soril  lenus  d'assister  au  senicc  ci  à 
l'enterrement  des  maîtres  décèdes,  à  peine  de  â  s.  t. 
d'amende.  —  Le  droit  d^enlrée  est  tîxé  à  00  s.  t.  ,  donl 
iO,  pour  la  confrérie  et  £0,  pour  boire  ;  les  fils  de  mîu'lre 
ne  devant  que  cette  dernière  Sinanio.  —  L'élection  dos 
prudhommes  se  fait  le  lendemain  ile  la  fête,  en  présence 
d'un  officier  royal  ;  après  rélection.  ils  doivent  serment 
en  justice.  —  Les  maîtres  huiliers  doivent  obéissance 
aux  prud'hommes  en  ce  qui  touche  le  métier.  —  Ces 
prud'hommes  ont  droit  de  visite  chez  Ions  les  confrères. 

—  Les  huiliers  doivent  bon  et  loyal  compte  des  huiles 
fabriquées  pour  autrui.  —  Il  leur  est  interdit  de  les  mé- 
langer. —  La  vente  de  l'huile  ne  doit  se  faire  que  dans 
des  vaisseaux  d'une  contenance  déterminée  et  él.tloiuiée, 
savoir:  le  quart  de  (jneue  ou  dcmi-muids  doit  contenir 
six  septiers  ;  la  deini-(iueue  ou  niuids,  vinj^l  sepliers,  et 
la  queue,  quarante  septiers,  à  peine  d'ameinîe.  —  Les 
huiles  mises  en  vente  doivent  être  bonnes,  lovales  et 
marchandes.  —  Tout  ouvrier  ou  serviteur,  gagnant 
argent,  lève  son   cierge  et  paie  pour  ce  cierge  20  d.  t. 

—  Chaque  confrère  doit  prendre  le  bâton  à  son  tour. 
Il  n  est  |>as  question  <le  chef-d'œuvre. 

Les  collerons  ou  lourrcliers,  au  nombre  de  onze,  se 
forment  aussi  en  cori-oralion  en  1-182.  Cette  corporation 
existait  depuis  longlomps,  car  il  est  dit  dans  le  proto- 
cole :  *  Les  originiinx  des  ordonnances  ont  esté  et  sont 
perJuz  et  a<]iroz  et  ne  les  saroit-on  recouvrer...  »  Dans 
celte  compagnie  ,  le  chef-d'œuvre  est  exigé,  il  se  com- 
pose d'un  travail  exécuté  avec  une  ou  deux  peaux  de 
vache  tannée  et  selon  les  ordres  de  deux  maîtres,  mais 
qui,  de  préférence,  doit  être  un  harnais  complet  de  che- 
val de  limon  —  Ce  chef-d'œuvre  doit  être  soumis  à 
justice.  —  Le  droit  d'entrée  est  fixé  à  60  sous,  destinés 


1482  CHAPITRE  XIV.  151 

à  Tentretien  des  quatre  gros  cierges  de  la  confrérie  qui, 
de  toute  ancienneté,  se  fait  à  Téglise  de  St-Pantaléon, 
le  jour  du  Saint-Sacrement.  —  Tout  apprenti,  pour  droit 
d'apprentissage,  doit  5  s.  —  Le  droit  d'entrée  des  fils  de 
maître  est  de  20  s.  t.  —  Toutes  les  pièces  du  chef- 
d'œuvre  sont  marquées  d'un  fleur  de  lys,  placée  au  mi- 
lieu d'un  collier.  —  Le  lendemain  de  la  fête  ,  se  fait 
l'élection  des  prud'hommes  en  présence  de  justice.  — 
Les  élus  prêtent  serment.  — L'assistance  au  service  d'un 
confrère  trépassé  est  de  rigueur. 

En  4499,  il  fut  ajouté  à  ce  règlement  :  c  Tout  maître 
et  compagnon  doit  payer,  chaque  semaine,  cinq  deniers 
pour  acquitter  une  messe  hebdomadaire,  célébrée  pour 
la  confrérie,  et  chaque  maître  doit  faire  chanter  une 
messe  de  Requiem  pour  l'âme  d'un  confrère  trépassé  (1). 

Dans  le  cours  de  la  même  année  1482,  les  chapeliers, 
au  nombre  de  douze,  font  dresser  leurs  statuts  au  bail- 
liage. —  Un  droit  de  deux  dcn.  t.,  par  semaine,  est  dû 
par  chaque  maître,  et  un  denier,  par  chaque  valet  ga- 
gnant argent.  Le  produit  sert  à  faire  célébrer,  chaque 
semaine,  une  messe  au  couvent  des  Jacobins.  —  La  con- 
frérie prend  saint  Jacques  pour  patron.  —  Tout  ouvrier 
ou  valet  doit,  en  commençant  à  travailler  à  Troyes,  payer 
2  s.  6  d.  t.,  pour  la  confrérie.  —  Tout  apprenti  doit  5  s. 
t.  d'entrée.  —  L'apprentissage  dure  quatre  ans.  —  Les 
maîtres  ne  peuvent  prendre  qu'un  seul  apprenti.  —  L'en- 
trée en  maîtrise  est  de  60  s.  t.  —  L'assistance  au  ser- 
vice funèbre  des  confrères  ou  de  leurs  femmes  est  obli- 
gatoire ,  et  chaque  maître  doit  faire  célébrer  un  autre 
service  pour  le  défunt  et  autres  trépassés.  —  L'élection 
de  deux  maîtres  se  fait  le  lendemain  de  la  fête  de  St- 
Jacques.  —  Tous  les  confrères  ou  leurs  femmes  sont,  à 
peine  de  12  d.  t.  d'amende ,  tenus  d'assister  aux  vêpres 

(i)  Arch.  mun.,  n.  f.,  série  Q.,  n«  !«■. 


152  HISTOIRE    DE    TROYES.  im 

lie  la  veille  ol  aux  ofllces  du  jour  de  la  fête.  — Nul  ne 
peut  faire  chapeaux  do  poil  de  chèvre,  do  veau,  de  bœuf, 
ni  inellre  bourre  sur  ses  chapeaux,  ni  mettre  en  vente 
chapeaux  rompus,  cassés  ou  percés,  à  peine  de  20  s.  t. 
d'amende.  —  Toute  chapellerie  vendue  à  Troyes  ,  fabri- 
quée dedans  ou  hors  la  ville,  est  soumise  à  la  visite  des 
prud'hommes,  —  La  levée  du  cierge  est  de  15  d.  t,  — 
En  1501,  à  ces  statuts  furent  ajoutés  quelques  règles  sur 
la  fabrication  des  chapeaux  et  l'obligation  de  faire  chef- 
d'œuvre,  celle  de  ne  recevoir  que  20  sous  pour  les  vins 
de  l'entrée  en  maîtrise,  afin  de  prévenir  les  abus,  ce- 
pendant celui  qui  voulait  payer  plus,  le  pouvait  (1). 

En  1481,  on  s'occupe  de  la  rédaction  des  coutumes 
du  bailliage,  en  exécution  de  leltres-palentes  de  Louis  XI, 
données  dans  la  même  année.  Celte  rédaction  n'est  pas 
arrivée  jusqu'à  nous.  Cependant  elles  ont  été  «  rédigées 
et  imprimées  en  plusieurs  et  divers  lieux  et  vendues  pu- 
bliquement, tant  à  Paris  qu'en  la  ville  de  Troyes  »  (2). 

Depuis  longtemps ,  les  rois  de  France  ont  abandonné 
une  pratique  qui,  si  on  en  demandait  aujourd'hui  l'appli- 
cation, paraîtrait  bien  exigeante  !  Que  penser,  en  effet, 
de  nos  jours,  de  traités  passés  entre  des  souverains,  et 
soumis,  non  pas  à  une  assemblée  des  Trois-Etats,  mais 
directement  à  l'approbation  de  leurs  sujets.  Il  en  fut  ce- 
pendant ainsi  pour  le  traité  du  23  décembre  1482,  passé 
entre  le  roi  Louis  XI,  le  dauphin,  le  royaume,  leurs 
pays,  seigneuries  et  sujets,  d  une  part,  et  d'autre  part, 
le  duc  Maximilien  d'Autriche,  ses  enfants,  leurs  pays, 
seigneuries  et  sujets.  Ce  traité  contient  cette  phrase  : 
c  S'il  advenait,  que  Dieu  ne  doînt!  que  le  roi  ou  mon- 

>  seigneur  le  dauphin,  ou  leurs  successeurs,  rois   de 

>  France,  y  contrariassent  en  ce  cas,  lesdits  Etats  ne 

(1)  Même  recueil  que  ci -dessus. 

(2j  Leghand.  C4ontumes  de  Troyes^  Procès-verbal  de  compulêtnre, 
3«  édition,  p.  xxiii,  tre  colonne.  —  Avis  à  MM.  les  bibliophiles. 


1482  CHAPITRE  XIV.  153 

»  les  aideront  et  favoriseront,  ainçois  (mais)  au  contraire, 
»  porteront  tout  aide,  faveur  et  assistance  à  Mgr  le  duc 
»  (Maximilien),  à  son  fils  et  à  ses  pays,  pour  l'entrete- 
»  nement  dudit  traité.  (H.  Martin,  Hisloire  des  Français^ 
tome  Vil,  page  50).  »  Ce  traite  ,  fut  en  effet  soumis  à 
Troyes,  le  6  janvier  1482  (v.  st.),  à  Tapprobation  des 
habitants  du  bailliage,  gens  d'église,  nobles  et  outres  du 
tiers-état,  t  représentant  les  Trois-Etats  au  pays  et  au 
»  bailliage.  ^  L'acte  en  fut  dressé ,  sous  le  sceau  du 
bailliage,  par  Claudin  et  Savin  ,  notaires  de  la  cour  et 
juridiction  de  la  prévôté  de  Troyes  (1). 

Pendant  Tété  de  14.81  ,  il  se  fit  de  grandes  inonda- 
tions, qui  causèrent  des  dommages  considérables  aux 
récoltes.  Les  prés  furent  sous  Teau  pendant  tout  le  mois 
de  juillet.  Les  pluies  continuèrent  jusqu'en  septembre. 
Il  y  eut  manque  de  récoltes  à  peu  près  complet.  L'année 
suivante  fut  Irùs-malheureuse.  Une  grande  famine  se  fit 
sentir  dans  toute  la  Champagne.  Les  mendiants  devien- 
nent si  nombreux,  à  Troyes,  qu'ils  couchent  sur  les 
places  publiques  et  principalement  sur  celle  des  Changes, 
La  ville  donne  des  secours  à  2,800  pauvres.  Il  ne  s'agit 
pas,  comme  en  1477,  de  «  quelques  Egyptiens  »  qui 
mendient  aux  portes  des  églises.  Le  conseil  arrête  que 
les  marchands  ayant  des  blés,  sur  la  rivière  de  Seine, 
seront  contraints  de  les  amener  en  ville  pour  les  besoins 
de  la  population,  qui  manque  de  pain.  La  peste  est  si- 
gnalée à  Troyes,  dès  1479.  Elle  dure  encore  en  1482. 
Une  partie  de  la  population  est  frappée  de  mort,  une 
autre  partie  quitte  la  ville  et  se  retire  en  Bourgogne  et 
en  Lorraine,  où  les  impôts  sont  moins  lourds  que  dans  le 
royaume. 

Dans  ces  pénibles  circonstances ,  on  fait  à  Troyes  le 


(i)  Blq.  nat^"»;  Collection  de  Champagne,  vol.  62,  entre  les  folios 
115  et  i3i. 


fi'îi  HISTOIBE   DE   rnOYES.  fiaf 

.'p<^ns»>nii*nL  te  la  oopaLibon.  L*  but  est  de  s'assurer  du 
nnmbr'^  îe  hoinMies  ;i  a.iurrii*,  ec  alors  il  y  a  intérêt  à 
sr^'i^^ir  ie  numbre  «ier*  iiabïtaiLt:*.  Déjà,  en  1478^  «lans  un 
mémo'pf^  ^itresdt»  an  roi,  ii  etjt  liil:  :  c  E  v  a  an  an ,  il  v 
a^ait  «^n  ville  lie  arL^-^e;)!;  à  vin^-hoit  cents  teux  (ne), 
payant  taille.  ta.ilU  'j'i'.l  a  y  ea  a  pitis  cette  anuée  que 
I,M0*)  eaviron,  soitiaas  an  cas,  H.*»X  et  dans  lèse- 
(iiitiii,  t>,»»)  h.^bitaati  Dans  an  receasemeat  provoqué 
p.*  b  tamiae  de  li8£,  il  est  eoastaté  offieiellement  qu'il 
y  ^,  à  Troye^,  I5,3*)t>  pers*3naes,  aon  compris  les  men- 
di;*nU.  ^n  nombre  d'environ  3,000  fl). 

Ijï  Ville,  à  cette  époqae.  a  plusieurs  gardiens»  de  nuit 
H  d^'ionr.  placée  au  beffroi  et  aux  p«3rtes  de  la  \-ilIe.  Ils 
vjftf.  nornm»^  les  Ptjrdes^sujt,  et  re«;oivent  21  L  L  de  gages 
^rintjel.^.  Le  voyeur  du  roi  et  celui  de  la  ville  reçoivent 
chaque  année  *  une  robe  de  livrée  à  deux  couleurs  ibleu 
f!i  violet ,  à  la  charge  de  porter  ces  n^bes.  On  construit 
à  neuf  le  pont  de  Planche-Quenat,  et  le  chapitre  de  St- 
Mierre  et  les  habitants  de  Troves  sont  en  contestation 
pour  la  réparation  de  celui  de  Jaillart.  Par  suite  de  tran- 
saction, passée  entre  le  chapitre  de  St-Pierre  et  les  éche- 
vins,  en  1472,  on  arrête  la  démolition  des  étaux  à  pain, 
placés  rue  de  la  Cité,  au  pied  de  la  cathédrale.  Leur  em- 
placement sera  plus  tard  occupé  par  les  logelles  des 
maçons,  qui  disparurent  vers  1850. 

Apres  une  suspension  d'environ  huit  ans  dans  Texé- 
cution  de  la  charte  d'cchevinage  du  18  mai  1470,  Louis 
XI  motive  celle  qu'il  délivre  en  mars  1481  (v.  st.),  aux 
Troycns,  sur  leurs  bons  et  loyaux  services,  en  confirma- 

(1)  Arch.  rnun.,  n.  f.,  A.  A.,  carton  ,  liasse  .  Délibération 
(lii  10  rri;ii  1  iH'I  (Ir*  rocciisement  est  du  17  avril.)  —  Reims  qui  avait 
alorn  VI  |iaroi»iH*îS  «  ne  nornbra,  à  cette  époque,  que  10,678  habi- 
l«fit*,  HiiriN  1«'K  p.'iuvn:H,  rherchant  leur  vie,  et  qui  étaient  plus  de 
*2,000,  vi  HMris  U'H  tîfiiK  des  villages  voisins,  en  plus  prrand  nombre  que 
luN  Imbitiinh.  n  TkUhf:.  liccherches  sur  Vhisioire  du  langage  et 
du  patoia  champenoiêy  p.  79. 


liSi  CHAPITRE   XIV.  155 

tion  des  premières.  Dans  cet  intervalle  d'à  peu  près  huit 
ans,  rexercicc  des  Ibnclions  d'échevins  lui  suspendu. 
Mais  les  intérêts  de  la  ville  sont  confiés  à  une  commis- 
sion spéciale.  Au  mois  de  novembre  1-476,  les  habitants 
nomment  douze  d'enlr'eux  pour  recevoir  les  comptes  des 
collecteurs.  *  Les  douze  élus  ,  oti  des  douze  les  huit,  i 
entendront  (orront)  et  aflineront  tous  les  comptes  des 
receveurs  et  collecteurs  de  tout  ce  qui  en  reste  à  oyr 
juscjucs  au  12  aoCit  dernier,  qui  est  la  date  des  hîllres- 
patentes,  octroyées  par  le  roi  aux  habitants,  et  par  les- 
quelles il  a  pour  agréable  la  distribution  des  deniers 
communs  d'icelle  de  tout  le  temps  passé  jusques  à  la 
date  desdites  lettres.  » 

Il  est  en  outre  arrêté  (|ue  »  Jean  du  Lutel  et  Etienne 
«le  Baussancourt  signeront  ♦  tous  les  mandements  des 
deniers  de  la  ville,  qui,  par  ey-devant,  ont  esté  distri- 
bués et  ceulx  qui  doresnavant  se  distribueront,  et  ou,  à 
deflault  de  l'un  d'eulx,  ung  notaire  avec  l'autre  et  que, 
par  vertu  desdils  mandements,  ainsi  signez,  les  receveurs 
et  collecteurs  distribueront  et  délivreront  lesdits  deniers, 
et  l(Mir  seront  allouez  en  leurs  comptes  par  les  auditeurs 
d'iceulx.  :p 

Ces  auditeurs  aux  comptes,  plutôt  que  conseillers  de 
ville,  s'assemblent  en  la  loge  du  prévcM,  au  couvent  des 
Frères-Mineurs,  ou  <  en  riiôtel-de-ville  »  pour  délibérer 
sur  les  intérêts  qui  leur  sont  confiés.  A  partir  de  1479, 
jusqu'à  l'acquisition  de  Thôtel  de  Mesgrigny,  qui  devint 
riiùtel-de-ville,  ce  conseil  se  réunit  dans  une  maison 
louée  moyennant  7  1.  t.  par  an  du  chapitre  de  St- 
Urbain  et  située  près  de  la  collégiale  de  ce  nom.  Cette 
maison  fut  désignée  sous  le  nom  de  Chambre  de  l-Eche" 
vinaffc  et  aussi  à' Hâiel- de-Ville.  On  y  plaça  une  cloche 
pour  appeler  aux  assemblées. 

Louis  XI,  reconnaissant  que  les  c  besongnes,  charges 
et  affaires  communs  de  la  ville  demeurent  en  souffrance,» 


156  HISTOIRE  DE  TROYES.  I4n 

que  ses  officiers  sont  occupés  par  ses  affaires,  et  que 
ceux  qui  ont  été  commis  par  ledit  feu  prévôt ,  Robert 
d'EstouteviUe,  sont  occupés  de  leurs  affaires,  tandis  que 
d'autres  sont  passés  de  vie  à  trépas,  il  y  a  lieu  de  remettre 
à  exécution  les  lettres  de  1470.  Mais  celles-ci  reçoivent 
des  modifications  importantes.  Elles  sont  signées  par  le 
roi  et  par  «  M«  Jacques  Le  Coytier,  président  des 
»  comptes.  » 

Un  maire  et  huit  échevins  sont  donnés  à  la  ville  de 
Troyes.  Cinq  peuvent  conclure  sur  les  faits  de  police.  — 
Le  maire  est  élu  dans  l'assemblée  générale  et  publique 
de  la  St-Barnabé.  —  La  durée  de  ses  fonctions  est  fixée 
à  deux  ans,  sans  pouvoir  être  continuée,  sinon  une  fois 
seulement,  si  les  habitants  jugent  utile  celte  continua- 
tion. 

Les  échevins  sont  élus,  chaque  année,  le  mardi  ou 
le  mercredi  de  Pâques,  par  les  échevins  en  fonc- 
tions, les  vingt-quatre  conseillers  de  ville  et  soixante- 
quatre  notables,  pour  la  première  fois  seulement  ; 
les  années  à  venir,  ils  seront  renouvelés  quatre  chaque 
année. 

La  totale  juridiction  etconnaissance,  en  première  ins- 
tance de  la  police,  conduite  et  gouvernement  de  la  ville 
et  des  habitants,  et  de  toutes  questions  et  procès,  du  fait 
de  la  police,  est  accordée  au  maire  et  aux  échevins.  La 
propreté  des  rues,  le  pavage ,  l'entretien  des  rognU  des 
rupts,  ruisseaux  et  rivières,  tant  pour  ceux  qui  sont  au 
dessus  et  au  dessous  de  la  ville  que  pour  ceux  de  Tinté- 
rieur;  le  soin  à  donner  aux  cheminées  pour  éviter  le  feu; 
•  faire  faire  retraiz  et  privez  es  bonnes  maisons  et  à 
ceulx  qui  auront  de  quoy  le  faire  ;  »  faire  réparer  les 
ponts,  chemins  et  avenues  de  la  ville  ;  fixer  les  prix  et 
donner  provision  sur  les  vivres  ;  la  police  des  marchés  ; 
défendre  aux  rcgratiers  d'acheter  ailleurs  qu'au  marché., 
et  aux  heures  fixées  ;  entretenir  le  cours  des  rivières  et 


i4g2  CHAPITRE  XIV.  157 

ruisseaux  des  prairies  et  pâtures  de  la  ville,  et  faciliter 
le  cours  des  rivières  et  ruisseaux. 

Les  appels  des  sentences  de  Téchevinage  sont  portés 
au  bailli,  et  du  bailli  au  Parlement  de  Paris. 

Le  maire  et  les  échevins  peuvent  contraindre  les  con- 
damnés par  amende  arbitraire,  et  les  faire  mettre  aux 
prisons  royales,  d'où  les  détenus  ne  sortiront  que  par 
Tordonnance  du  maire  et  des  échevins. 

Les  amendes  profiteront  aux  fortifications. 

Le  maire  et  les  échevins  ont  le  droit  d'instituer  des 
sergents  pour  Texercice  de  leur  juridiction. 

Ils  ont  pleine  puissance  et  autorité  pour  entendre, 
examiner,  clore  et  terminer  les  comptes  de  la  ville, 
contraindre  les  comptables  par  prise  de  corps,  et  défen- 
dre aux  officiers  royaux  de  connaître  de  ces  comptes, 
sauf  la  clôture  du  compte  général  des  deniers  communs, 
qui  se  fera  en  présence  du  bailli  ou  de  son  lieutenant. 

Ils  ont  des  conseillers,  procureurs,  clerc  et  greffier, 
voyeur,  contrôleur,  maître  de  la  maladrerie  des  deux 
eaux,  maître  des  œuvres  et  édifices  de  la  ville,  concierge, 
sergents  et  autres  officiers,  dont  les  gages  sont  fixés  par 
rassemblée  de  la  Saint-Barnabe.  Si  cette  assemblée  dé- 
cide qu'aucun  gage  ne  sera  accordé  à  ces  officiers,  ils 
ne  devront  en  toucher  aucun.  Les  greffier,  sergents  et 
concierge  ne  peuvent  prendre  d'autres  salaires  que  ceux 
qui  sont  fixés  par  le  maire,  lesquels  sont  affichés  en  lieu 
public,  en  l'hôtel  commun  de  la  ville. 

Un  hôtel  doit  être  acheté  ou  construit  pour  servir 
d'hôtel-de-ville. 

Les  maire  et  échevins  peuvent  assembler  la  commu- 
nauté des  habitans  de  Troyes,  pour  avoir  leur  avis  et 
conseil,  en  faisant  appeler  les  officiers  du  roi. 

Dans  le  cas  où  <  aucuns  meus  de  bonne  charité  et 
aymans  le  bien  public  de  la  ville,  >  donnaient  quelques 
fiefs  ou  biens  nobles ,  ou  si  le  maire  et  les  échevins 


(58  HISTOIRE  DE  TROYES.  f4âS 

achetaient  fiefs  ou  maisons,  les  finances  dues  au  roi  se- 
ront em[»loyéL>  aux  fortifications. 

l'es  nouvelles  lettres  ne  Sî"*nt  pns  appliijuées  sans 
soulever  d't'-nergiques  protestations  chez  les  offîcieps 
rovaus. 

Au  Gran  1  Conseil,  leur  [lubîication  ne  soulève  aucune 
difficulté.  Elle  eut  lieu  le  :20  février  1182  [\  st.). 

A  la  Chamhiv  «les  oonijites,  le  proeui'eur  du  roi,  à 
Troyes,  s\»ppo>e  avec  force  à  renregistrenienl.  Il  prétend 
qu'elles  impliquent  ralii'»nalion  «l'une  partie  du  domaine 
du  n"'i,  la  crration  d'une  judicature  nouvelle,  dont  les 
habitants  n'ont  jamais  joui  ».c-  qui  était  vrai  ,  et  que  les 
Iftlres  n'étant  pas  revélues  de  la  signalui-e  du  roi,  ni  de 

celle  irun  secrétaire  des  linanoes.  les  Itahitanls  de  Troves 

• 

ne  peuvent  en  fiuro  usage.  *  Si  ces  lettres  sont  enre- 
gistrées, '  dit-il,  i  elles  porteront  un  préjudice  de  plus 
de  trois  millo  livres,  par  an,  r.u  domaine  royal.  »  Le 
procureur  du  roi  prétendait  encor»^  que  les  notables  ha- 
bitants de  Troyes  n'approuvaient  pas  la  restauration  île 
l'échevinage,  poursuivie  seulemont  par  le  procureur  de 
la  ville  »  pour  cuiiîv^r  fiiViir  !a  vrpande  et  damnable 
entreprise  nouvidle  que  selforçaient  de  faire  quelques 
particuliers.  >  (>ux  qui  poursuivent  rétahlissenienl  de 
réchevinajrc,  <  font  jrraiules  marchandises  par  terre  et 
par  ni*^r,  >  ils  ne  pourront  faire  les  afiaires  du  roi  ni 
celles  de  la  chose  publique  de  la  ville.  En  àonnaot  au- 
torité et  juri«liction  à  la  communauté  des  habitants,  ce 
sera  ôter  et  diminuer  l'autorité  et  la  juridiction  du  roi, 
et  taire  de  sa  ville  de  Trovos,  liiie  tk  C'Wmnnf.  Néan- 
moins,  il  paraît  y  avoir  une  parfaite  union  dans  la  com- 
munauté des  habitants.  On  ne  voit  d'opposants  dans 
lenquéte  faite  par  Pierre  Hennequin  ,  conseiller  en  la 
Chambre  du  Trésor,  que  les  ollîciers,  serjcents  et  fer- 
miers royaux,  qui  craipient  de  voir  amoindrir  leurs  droils 
et  leurs  revenus. 


1483  CHAPITRE  XIV.  160 

Néanmoins  cette  nouvelle  charte,  par  Tordonnance  de 
Me  Pierre  Hennequin,  fut  publiée  en  la  cour  du  bailliage, 
le  3  juin  1483,  après  une  longue  et  minutieuse  enquête, 
qui  ne  contenait  pas  moins  de  cent  vingt  feuillets,  y 
compris  le  procès-verbal  et  la  sentence. 

Peu  après  cette  date,  Téchevinage  faisait  exécuter  son 
scel  et  contrescel  en  argent: signe  visible  et  matériel  de 
sa  juridiction. 

Le  Parlement  n'accueillit  sans  doule  pas  favorable- 
ment rétablissement  de  la  mairie  et  de  Téchevinage  de 
Troyes.  Car,  peu  après  la  mort  de  son  père,  Charles  VIII, 
en  octobre  1483,  confirme  les  lettres  de  Louis  XI  et  en 
ordonne  Tcnregistrement  à  la  Cour  des  comptes  et  au 
Parlement.  Il  motive  son  injonction  sur  ce  que  les  habi- 
tants de  Troyes  peuvent  croire  que  les  lettres  de  1481 
sont  surannées,  que  ni  les  unes  ni  les  autres  ne  sont 
signées  par  un  secrétaire  des  finances  et  que  son  procu- 
reur et  ses  autres  officiers  contredisent  et  empêchent 
leur  exécution  «  sous  couleur  desdites  choses.  > 

Malgré  ces  nouvelles  lettres ,  renregistrement  au 
Parlement  se  fit  attendre  pendant  environ  dix  ans. 

Un  conseil  composé  do  douze  échevins  administra  les 
affaires  communes.  Il  n'y  eut  pas  de  maire  en  titre,  mais 
UD  président  élu  par  ce  conseil  «  afin  de  mettre  en  avant 
>  les  matières  et  affaires  communes  et  recueillir  les 
»  voix.  >  Néanmoins,  pendant  cet  intervalle,  «lean  de 
Marisy  se  qualifie  de  maire. 

Louis  XI  mourut  au  Plessis-lès-Tours ,  le  30  août 
1483.  Cet  événement  fut  annoncé  aux  Troyens  par  deux 
lettres  écrites  d'Âmboise.  L'une,  du  31  août,  par  son 
fils,  qui  fut  roi  sous  le  nom  de  Charles  VIII,  et  l'autre,  du 
l^r  septembre,  signée  de  Pierre  de  Bourbon,  sire  de 
Beaujeu  et  comte  de  La  Marche,  gendre  de  Louis  XI.  Ces 
lettres,  apportées  par  un  chevaucheur  de  récurie  du  roi, 


160  HISTOIRE  DE   TROYES.  1483 

n'arrivèrent  à  Troyes  que  le  14  septembre.  CharleR  VIII 
demande  des  prières  pour  son  père  (1). 

Le  chapitre  que  nous  terminons  sert  de  trait  d'u- 
nion au  moyen- âge  qui  s'éteint  et  à  la  renaissance 
qui  apparaît.  Pendant  le  règne  de  Louis  XI,  la  France 
est  encore  agitée  par  des  guerres  qui  aboutissent  à  la 
réunion  à  la  couronne  des  grands  fiefs  créés  sous  le 
règne  du  roi  Jean  et  sous  celui  de  son  fils  Charles  V.  A 
cette  date,  commence  en  réalité  la  centralisation  admi- 
nistrative, qui  conduisit  à  la  monarchie  absolue.  Les 
guerres  de  Louis  XI  ne  sont  ni  aussi  cruelles  ni  aussi 
longues  que  les  guerres  des  trois  Charles.  Sous  la  der- 
nière moitié  du  règne  de  Charles  Yll,  la  France  a  cica- 
trisé en  partie  ses  anciennes  et  profondes  blessures, 
celles  que  lui  firent  les  guerres  de  Louis  XI  sont  moins 
vives  et  moins  profondes.  Il  y  a,  du  reste,  dans  la  lutte 
contre  le  duc  de  Bourgognes,  une  idée  nationale  :  celle 
de  la  réunion  de  ses  vastes  domaines  à  ceux  du  roi  de 
France,  pensée  qui  animait  déjà  les  Champenois  dans 
leurs  conquêtes,  de  14:29  à  1435,  et  dans  leurs  pour- 
suites contre  les  Anglais. 

Ces  guerres  terminées,  la  paix  reparaît  dans  la  Cham- 
pagne méridionale,  et,  avec  la  paix,  la  sécurité,  le  tra- 
vail, l'industrie,  le  commerce,  puis  les  arts,  qui,  pour  se 
développer,  ont  besoin  d'une  grande  tranquillité  et  de  la 
prospérité  privée,  qui  mène  à  la  prospérité  publique. 

La  bourgeoisie  prend  une  place  dans  les  affaires  pu- 
bliques, qu'elle  n'a  point  encore  occupée  et  qu'elle  con- 
servera pendant  tout  le  XVl»-  siècle.  Son  développement, 
à  Troyes,  sera  tel,  qu'un  grand  nombre  de  ses  membres 
parviendront  à  la  noblesse,  soit  par  la  voie  des  armes, 
soit  par  l'acquisition  de  fiefs,  achetés  de  nobles  appau- 

(1)  Arch.  mun.,  A.  A.,  48«  carton,  4»  liasse. 


XV  8.  CHAPITRE   XIV.  161 

vpis,  OU  de  fiefs,  créés  dans  de  grandes  seigneuries,  à  la 
suite  de  défrichement  et  de  mise  en  culture  de  terres 
abandonnées,  soit  par  les  offices  de  judicature.  La  car- 
rière de  la  magistrature  est  surtout  celle  qui  obtient  la 
préférence  dans  la  population  enrichie  de  la  ville  de 
Troyes  (1).  Celle  des  armes  la  captive  moins.  Elle  a  plus 
de  goût  pour  la  législation  et  l'application  des  lois.  Elle 
aime  le  travail  et  Tétude,  —  L'éclat  n'est  pas  ce  qu'elle 
ambitionne.  Son  aspiration  ne  tend  point  à  une  grande 
fortune,  mais  à  une  aisance,  qui  lui  assure  la  salisfaction 
de  ses  besoins  matériels  et  lui  donne  cette  indépendance, 
où  les  individus  comme  les  nations  trouvent  leur  plus 
grande  force.  L*ancienne  noblesse,  suivant  les  guerres 
d'Italie,  laisse  à  la  bourgeoisie  le  champ  libre  au  déve- 
loppement de  ses  goûts  et  de  ses  penchants.  La  bour- 
geoisie domine  dans  la  Champagne  méridionale.  Elle 
occupe,  à  Troyes,  la  première  place. 

A  partir  des  règnes  de  Charles  Vil  et  de  Louis  XI,  se 
forme  ce  groupe  compacte  dont  l'élévation  aux  aff*aires  de 
l'Etat  et  à  la  noblesse  est  due  à  son  travail,  à  son  amour 
de  l'ordre,  à  son  aptitude  au  commerce  et  à  l'adminis- 
tration. Ce  groupe  se  compose  principalement  des  fa- 
milles Jouvenel  des  Ursins,  Hennequin ,  Mole,  de  Mes- 
grigny,  deMauroy,  de  Baussancourt ,  Le  Bouchcrat , 
Coëffart,  Largentier,  Huyart,  Corrart,  Angenoust,  Dori- 
gny,  de  Corberon,  Bareton,  Perricart,  Lepevrier,  Le 
Tartrier,  Léguisé,  Le  Mairat,  Le  Gras  do  Vaubercey, 
Marisy,  Bazin,  Paillot,  etc.,  qui  prennent  date  dans  les 
affaires  publiques,  pendant  le  XVe  siècle.  Do  ces  familles 
sortiront  une  foule  de  magistrats,  qui  peupleront  le 
bailliage  de  Troyes  et  atteindront  les  hautes  Cours  de 

(1)  Du  xve  au  xvu«  siècle,  nous  avons  pu  compter  plus  de  cent 
membres  issus  de  famiUes  troyennes  et  appartenant  surtout  au 
Parlement  de  Paris,  comme  Conseillers ,  Présidents  et  Premiers- 
Présidents. 

IIS.  11 


163  HISTOIRE    DR  TROIiTS.  xv«& 

J:;st;o^.  U  Pèf.^iienl,  la  Cour  de>  Aides,  celles  des 
Cixripto*.  iltr>  Monnaies,  etc.  L'û  grand  nombre  de  ces 
farûi.leà  s^jut  encore  représentées  à  Troyes,  à  Paris  et 
ddos  DOS  contrées. 


CHAPITRE  XV 


l>o    Scptexnbro    1^183    à    Jaii-vioT»    irîtrs 


SOMMAIRE  : 

Charles  VIII  informe  les  Troyens  de  la  mort  de  son  père.  —  Les 
Troyens  assurent  le  roi  de  leur  obéissance.  —  Leur  serment  de 
fidélité.  —  Exemption  d'impôts.  —  Garnison ,  à  Troyes ,  de 
lances  écossaises.  —  Jacques  Raguier,  évéque  de  Troyes; 
Festin  donné  lors  de  son  installation  ;  de  la  famille  Raguier.  — 
Le  duc  d'Orléans ,  gouverneur  de  Champagne.  —  Réaction 
contre  le  gouvernement  de  Louis  XI.  —  Etats  généraux  de 
1484.  —  Députés  du  bailliage  ;  instructions  qui  leur  sont  don- 
nées; indemnités  qu'ils  reçoivent;  remontrances  au  roi.  — 
Impôt  levé  sur  l'élection  :  répartition  par  quartier.  —  Mésintel- 
ligence du  roi  avec  le  duc  d'Orléans.  —  Guillaume  Huyard  et 
Etienne  de  Baussancourt,  députés  vers  le  roi.  —  Nouvelle  lettre 
du  roi  aux  Troyens.  —  Nouvelle  députation  au  roi.  —  Garnison 
refusée  par  la  ville,  qui  lui  ferme  ses  portes.  —  Charles  VIII, 
à  Troyes;  son  entrée;  fêtes.  —  Les  Troyens  déchargés  des 
tailles.  —  Création  de  deux  nouvelles  foires.  —  Privilèges  rela- 
tifs au  ban  et  à  l'arrière-ban.  —  Nouveaux  statuts  de  la  cor- 
donnerie ,  bazanerie  et  savaterie  ;  des  gipponniers  ;  des  épin- 
gliers,  des  selliers.  —  Banlieue  de  Troyes  ;  moyens  employés 
pour  sa  délimitation.  —  Rachat  dé  certains  droits  royaux  ;  Mise 
ferme  des  droits  de  la  vicomte  et  autres.  —  Secours  contre 
les  incendies.  —  M.  d'Âlbret  d'Orval^  gouverneur  de  Champa- 
gne. —  Les  Enfanta  de  la  Calamité  secourus  par  la  ville.  — 
Travaux  en  faveur  de  la  navigation.  —  Guerre  en  Bretagne  ; 
succès  de  l'armée  royale.  —  Privilèges  des  maîtres  des  mines  et 
forges  ;  des  papetiers  de  Troyes.  —  Statuis  des  boulangers.  — 


404  IllSTOIllE   DE   TROYES. 

Arrestation,  à  Valoncicnnes,  de  liiijjuenin  Lepevrier. — Secours 
accordés  au  roi,  à  roccasion  de  la  guerre.  —  Pesage  des  hydro- 
piques.  —  Procès  entre  le  prieuré  de  St-Quentiii  de  Troyes  et 
le  chapitre  de  la  ville  do  Sl-Quentin.  —  Rachat  du  poids  du  roi. 

—  Des  lépreux  ;  règlement  intérieur  ;  mesures  de  police  ;  noms 
de  quelques  maîtres  de  la  Léproserie.  -  On  craint  une  attaque 
des  Allemands  ;  mesures  de  sûreté  ;  le  ban  et  Tarrière-ban  con- 
voqués aux  Grandes-Chapelles.  —  Recensement  à  Troyes  et  par 
toute  la  France  —  Aumônes  à  des  prédicateurs.  —  Des  ar- 
chers, des  arbalétriers  et  des  arqu«»busiers.  —  Visite  de  la 
Barse  et  de  la  Seine,  dans  l'intérêt  de  la  navigation.  — Le  prévôt 
des  marchands  de  Paris  fait  exécuU^r  des  travaux  sur  les  rives 
de  la  Barse.  —  Du  port  de  Croncels.  —  Nouveaux  impôts.  — 
Envoi  d*armes  ,  à  Troyes,  par  le  roi.  -  Des  écoles;  état  de 
Tinstraction.  —  Enregistrement  au  Parlement  des  lettres  de 
l'échevinage.  —  Installation  de  Téchevinage  par  M.  Angenoust, 
conseiller  au  Parlement.  —  Attributions  des  maire  et  écbevins. 

—  Mesures  de  police.  —  De  la  peste  ;  des  remèdes  employés  ; 
de  la  syphilis  ;  mesures  prises  à  l'occasion  de  cette  double  épi- 
démie. La  marée  fraîche  arrive  à  Troyes.  —  Statuts  des 
tonneliers;  jauge  des  futailles.  —  Acquisition  de  l'hôtel  de  Mes- 
grigny  pour  y  établir  l'Hôtel-de-Ville  ;  Trésor  ou  chartrier.  — 
Etudes  ayant  pour  but  de  faire  arriver  à  Troyes  l'eau  de  la  fon- 
taine de  Nuisement  ou  de  Nago.  —  Postes  établis  à  Troyes  ,  au 
Pont-Huberl.  —  Aides  ;  à  celte  occasion^  réunion,  à  Troyes,  des 
députés  de  Champagne.  —  Aumônes  faites  par  l'échevinage  à 
rCÈuvre  de  la  cathédrale.  —  Achèvement  da  la  Belle-Croix  ; 
artistes  qui  y  ont  travaillé.  —  Pèlerinages  à  la  Belle-Croix.  — 
Juridiction  de  l'évoque  et  du  chapitre  de  St-Pierre.  —  Transac- 
tion à  cet  égard.  -  Servitude  résultant  du  voisinage  des  fortifi- 
cations. —  La  Tour-au-Mître  réparée.  —  Police  industrielle.  — 
Produits  de  la  ferme  des  Chaussées.  —  Nombre  de  roues  de 
moulin  dans  les  eaux  de  Troyes,  en  activité  en  1493.  —  Nais- 
sance du  2c  fils  de  Charles  VIII  ;  réjouissances  à  cette  occasion. 

—  Mort  du  roi.  —  Serment  d'obéissance  prêté  par  les  Troyens. 

—  Des  troupes  sont  dirigées  sur  la  Bourgogne  ;  l'arrivée  de 
Louis  XII  est  annoncée  à  Troyes.  —  Le  roi  ne  vient  pas.  —  ÎOO 
gentilshommes  et  200  arbalétriers  en  garnison  à  Troyes.  — 
Envoi  d'armes  sur  Langres.  —  Les  archives  de  la  ville  mises 
dans  des  coffres.  —  Les  ducs  de  Gueldres  et  de  Juliers ,  à 
Troyes  ;  puis  la  reine  Anne  de  Bretagne.  —  Cession  de  biens 
refusée  pour  dettes  de  foire.  —  Règlement  sur  la  vente  des 
denrées  de  consommation.  —  Office  de  perceur  de  vin.  —  Sin- 
gulier usage  pratiqué  aux  Rogations,  à  l'abbaye  du  Paraclet.  — 
Lous  XII,  (le  nouveau  attendu  à  Troyes  ;  bizarre  ordonnance  de 
police  à  cette  occasion.  —  Grands  travaux  aux  poriesy 


CHAPITRE  XIV.  165 

et  autres  ouvrages  de  fortification.  —  Enceinte  fortifiée  ;  son 
étendue;  noms  des  portes,  tours  et  plateformes.  —  Description 
de  tous  ces  ouvrages  au  premier  quart  du  XVJe  siècle.  —  Res- 
sources avec  lesquelles  s'exécutent  ces  travaux.  —  Aspect  général 
de  la  ville  de  Troyes.  —  Population  ,  son  développement  par 
quartiers.  —  Mesures  de  police  à  Toccasion  des  pèlerinages  à 
la  Belle-Croix.  —  Le  roi  doit  venir  à  Troyes  recevoir  les  ambas- 
sadeurs du  roi  des  Romains  et  ceux  de  TEinpire.  --  Marguerite 
d'Autriche  vient  à  Troyes.  —  Navigation  de  la  Seine  et  de  la 
Barse.  —  De  la  dîme  des  laines.  —  Procès  de  presse  fait  à  un 
iroprim&ur  de  Troyes.  —  Cherté  des  grains.  —  Arbalétriers  : 
leurs  buttes.  —  Statuts  des  bonnetiers.  —  Crieurs  de  nuit.  — 
Etats  généraux,  à  Tours,  en  1506.  —  Détails  sur  cette  assem- 
blée et  sur  le  retour  des  députés  à  Troyes.  —  Leur  vote 
approuvé  par  acte  notarié  et  par  plus  de  1,200  habitants.  — 

Demande  de  suppression  d'impôts,  qui  seraient  remplacés  par 
des  droits  levés  sur  des  marchandises.  —  DifOcultés,  sur  les 
prérogatives  de  l'échevinage,  avec  les  gens  du  roi.  —  Fondation 
de  la  tour  St-Pierre ,  à  la  cathédrale  ,  en  1506  ;  on  exécute  les 
plans  de  Martin  Gambiche.  —  Suppression  du  jeu  de  la  Pe- 
lotte  à  St-Elienne  ;  de  la  scène  des  Trois-Maries,  de  la  Descente 
du  St-Esprit.  —  Procès  contre  les  Urebecs.  —  De  la  vicomte, 
de  ses  droits  utiles.  —  Rachat,  par  les  Troyens,  de  ces  droits  et 
d'autres  coutumes  féodales  —  Réglementation  du  boisseau  de 
Troyes.  —  Adjudication  de  la  ferme  de  la  Maille.  —  Procès  avec 
la  Compagnie  française,  à  Toccasion  du  transport  du  sel  par  la 
Seine.  —  Destruction  des  cheminées  en  bois  et  murots.  —  Ad- 
ministration de  la  léproserie  par  l'échevinage.  —  Dîners  de 
l'échevinage;  distribution  de  toiches  de  cire  et  d'hypocras.  — 
Bandes  d'aventuriers  aux  portes  de  la  ville.  —  Discussion  et 
rédaction  de  la  Coutume  de  Troyes;  ses  principes  libéraux;  de 
la  noblesse  ;  de  la  bourgeoisie  ;  de  l'adage  :  Nul  seigneur  sans 
titre^  (1481-1509).  -  Des  Hoirs -Musnier  ;  du  Bancelinage.  — 
Entrée  de  Louis  XII  à  Troyes  ;  son  séjour.  Statuts  des  dra- 
piers et  foulons-tanneurs  ;  des  tondeurs  de  draps  ;  des  aiguille- 
tiers  ou  lormiers.  —  Confrérie  de  Sl-Louis  et  de  St-Yves,  ou 
de  la  Justice.  —  Portage  des  vins  ;  droit  du  Méreau  sur  le  vin, 
fixé  selon  les  pays  de  production.  —  Ordonnance  sur  les  ali- 
gnements des  rues.  —  Jury  d'expropriation.  —  Couvertures 
d'étrain  et  d'aissis  interdites  à  Troyes.  -  Impôts  royaux  pris  à 
ferme  par  les  habitants  de  Troyes,  et  répartis  sur  différentes 
corporations.  —  Liberté  des  transactions  commerciales.  — 
Hauts-Passages  affermés  par  les  Troyens.  —  Largeur  des  toiles. 
—  Indulgences  en  faveur  de  la  cathédrale  ;  fondation  de  la  tour 
St-Paul  ;  noms  des  architectes  ou  maçons.  —  Mesures  de  sû- 
reté piises  à  l'occasion  de  la  guerre.  —  Des  arquebusiers.  — 


166  HISTOmE   OR   TROYES.  I4g3 

Projet  (!o  construction  d'un  Hôlel-de-Ville  ;  réparations  à  Tancien 
Hôtel.  —  On  craint  les  Anglais;  Dons  patriotiques  gracieux 
levés  par  les  Troyens  sur  eux-mêmes,  de  15  en  15  jours.  -  Les 
Suisses  (levant  Dijon  ;  Traité.        Le  duc  de  Bourbon  à  Troyes. 

—  Lettre  de  Louis  XII,  nouvelles  mesures  prises  à  l'occasion  de 
la  jruerre  ;  Emprunts  ;  la  cloche  de  Beffroi  convertie  en  canons. 

—  Le  domaine  royal  au  bailliage  de  Troyes.  —  Primes  payées 
pour  la  destruction  des  aigles. — Nouvelles  craintes  de  la  guerre. 

—  Emeutes  à  Toccasion  de  la  levée  d'un  impôt.  —  Projet  dé 
modification  de  la  charte  d'échevinage.  —  Mort  de  la  reine 
Anne;  2»  mariage  de  Louis  XII;  sa  mort;  regrets*  universels. 

—  Correspondance  de  Louis  XII  avec  les  Troyens. 

Charles  VIII,  en  annonçant  la  mort  de  son  père,  in- 
vite les  Troyens  à  rester  unis  et  soumis  à  son  obéissance, 
et  de  manière  que  chacun  vive  en  sûreté,  repos  et  tran- 
quillité. Vivant  ainsi,  il  les  aura  t  en  spéciale  et  singu- 
lière recommandation,  comme  ses  bons,  vrais  et  loyaulx 
subgectz.  *  Le  jeune  roi  ,  par  une  lettre  aux  élus ,  dé- 
charge les  habitants  de  Troyes  du  paiement  des  tailles 
pour  le  quatrième  quartier  de  Tannée. 

Le  24  septembre  1483,  les  Troyens  répondent  au  roi. 
Ils  le  remercient  de  la  remise  qu  il  leur  a  accordée  sur  les 
tailles.  Ils  rinformenl  de  la  célébration  d'un  service  fu- 
nèbre pour  le  repos  de  Tâme  de  son  père.  Ils  ont  pour\'u 
à  la  garde  de  la  ville,  avant  la  signification  du  décès  du 
feu  roi  et  aussitôt  qu'ils  en  ont  eu  la  nouvelle  certaine. 
Des  députés  seraient  déjà  en  route,  si  ce  n'était  c  un 
peu  de  peste  qui  a  cuurs  en  ville,  mais  qui  s'appaise.  » 
Ils  lui  envoient  leur  procureur  pour  prendre  ses  ordres 
et  l'assurer  de  leur  obéissance  en  toutes  choses  (1). 

En  môme  temps,  les  habitants  de  Troyes  écrivent  à 
Pierre  de  Bourbon ,  sire  de  Beaujeu,  et  l'assurent  de 
leur  fidélité  au  roi.  Ils  enverront  bientôt  leurs  députés 
pour  prêter,  en  leur  nom,  serment  d'obéissance.  Enfin, 
une  troisième  lettre  est  adressée  à  Simon  Hennequin, 

(1)  Arch.  mon.,  n.  f.,  A.  A.,  carton  48«,  5«  liasse. 


ilê3  CHAPITRE   XV.  167 

conseiller  au  Parlement,  afin  de  savoir  à  quelle  époque 
les  4)onnes  villes  prêteront  serment  d'obéissance  au  roi, 
et  quand  les  députés  de  Troyes  pourront  être  reçus. 

La  ville  fait,  peu  après,  par  ses  députés,  son  serment 
d'obéissance  au  jeune  roi.  Elle  obtient  une  exemption 
â*impôts  sur  les  menus  vivres  et  sur  la  boucherie.  Elle 
parvient  à  faire  désister  le  sieur  de  Montagu-le-Blanc  de 
sa  charge  de  capitaine  de  la  ville,  office  qu'à  toutes  les 
époques,  les  habitants  repoussent  avec  énergie.  Elle  fait 
confirmer  ses  privilèges  d'arrêt  ainsi  que  ceux  des 
foires  (\).  Ses  envoyés  s'informeront  si  on  pourrait  ren- 
trer en  possession  des  registres  de  l'échevinage,  produits 
au  Parlement  dans  l'instance  relative  à  l'entérinement 
des  lettres  de  Louis  XI  sur  l'échevinage. 

Quoique  la  ville  soit  dispensée  du  logement  des  gens 
de  guerre,  il  lui  est  envoyé  une  garnison  de  soixante-dix 
lances  écossaises.  Une  assemblée  générale  des  habitants, 
du  5  janvier  1483  (\.  st.j,  refuse  de  recevoir  cette  gar- 
nison. Elle  fait  dresser  acte  de  sa  résistance  par  deux 
notaires  royaux. 

Dans  le  cours  de  1483,  Louis  Raguier,  devenu  vieux, 
eut,  de  par  le  Pape,  un  coadjuleur  nommé  Jean  Verne, 
et  peu  après,  il  fait  passer  l'évêché  de  Troyes  sur  la  tête 
de  son  neveu  Jacques  Raguier ,  fils  d'Antoine ,  seigneur 
de  Poussey.  Cette  famille  de  financiers,  originaire  de 
Bavière,  était  arrivée  en  France  avec  la  reine  Isabeau. 
Elle  fit  une  rapide  fortune,  et  sous  les  règnes  de  Charles 
VI,  Charles  VÎI  et  Louis  XI,  elle  jouit  d'un  grand  crédit. 
Louis  Raguier,  d'abord  conseiller-clerc  au  Parlement, 
fut,  étant  évêque  de  Troyes ,  président  de  la  cour  des 
aides  et  abbé  de  Montier-la-Cellc ,  et  Jacques  le  devint 
de  l'abbaye  de  Montiéramey,  ou,  comme  on  disait  alors, 


(1)  D*octobre  à  décembre  1483.  —  Arch.  mun.,  a.  f,,  —  lay.  2». 
Liasses  7  et  10.  Gartolaire,  f>«  89,  dS,  99  et  101 . 


IflS  IMSTOinF    PR   TROYES.  1488 

a'IininislrateiM-  de  ces  abbayes.  Ce  chemin  fut  celui  que 
Toti  suivit  jusqu'au  concordat,  pour  mettre  les  abbdyes 
en  commande  ou  les  séculariser. 

La  lamille  Raguit^r  élait  fixée  dans  le  diocèse  de 
Troyes.  Kilo  possédai l,  près  de  Méry  ,  la  seigneurie  de 
Poussoy,  Tune  des  quatre  baronnies  de  la  Crosse.  Au 
temps  de  la  réforme  cl  des  guerres  de  religion,  elle  prit 
une  part  active,  dans  le  camp  des  réformés,  qu'elle  aida 
do  sa  fortune  et  de  son  crédit,  restés  fort  puissants  dans 
la  contrée. 

Les  Raguier  étaient  riches  de  patrimoine  et  d'abbayes, 
placées  en  économat  entre  leur  mains.  Louis  fêla  son 
élévation  au  trône  épiscopal,  par  un  banquet  digne  de 
Pantagruel.  On  y  consomma  349  lapins,  42  cabris  ou 
chevreaux,  4  sepliers  de  crème,  24  livres  de  sang,  500 
poires,  29  pintes  de  vinaigre,  315  tartelettes;  sans 
compter  le  vin  pris  dans  les  caves  de  Tévèché,  le  pain  et 
autres  provisions  accompagnant  nécessairement  un  pa- 
reil menu.  Ce  repas  fut  préparé  par  17  cuisiniers  ,  et 
113  individus  étaient  chargés  de  tourner  les  rôtis:  le 
tournebroche  n'était  pas  encore  inventé  (1). 

La  réaction  contre  le  gouvernement  de  Louis  XI  ne 
se  fait  pas  attendre.  Ce  gouvernement  de  violences  ,  de 
cruautés,  de  concussions,  d'abaissement  des  caractères, 
de  violation  de  toutes  les  règles  financières  et  adminis- 

(1)  Arch.  dép.,  f.  de  ri^:v»?ché,  G.  315. 

Selon  Tune  des  histoires  manuscrites  de  Montier-la-Celle,  de  Don 
Titon,  Prieur  de  cette  abbaye,  les  abbés  coinmandataires  étaient  peu 
respectés  des  religieux.  L'auteur  dit,  de  Louis  Raguier,  qu'il  fut 
abbé  de  Monlier-la-Gelle,  on  ne  sait  par  queUe  voie.  Ce  fut  le  pre  • 
raier  abbé  commandatair*^,  et  il  lit  en  sorte  que  son  neveu  lui  suc- 
céda. D    Titon  exprime  ce  fait  dans  ce  distiche  latin  : 

Cum  Deus  oynnipotens  privaret  semine  clerum, 
Ad  Satanœ  votum  successit  turba  nepotum. 
Distique  qu'il  traduit  par  ces  vers  laoniens  : 

Dieu  a  jadis  d'enfants  délivré  le  clergé, 
Que  Satan,  puis  après,  a  de  neveux  chargé. 


1183  CHAPITRE  XV.  169 

tratives,  est  attaqué  par  les  enfants  du  feu  roi ,  Charles 
VIII  et  sa  sœur,  Madame  de  Beaujeu.  Dès  le  22  septem- 
bre, les  aliénations  si  considérables  du  Domaine  royal 
sont  révoquées  ;  Olivier-le-Daim  ,  comte  de  Meulan,  est 
pendu  à  Monlfaucon;  le  médecin  Coictier,  qui,  de  mé- 
decin, était  devenu  vice-président  de  la  Chambre  des 
comptes,  conserve  la  vie,  mais  il  est  contraint  d'aban- 
donner toute  sa  fortune.  Toutes  les  mesures  prises  contre 
les  anciens  habitants  d'Arras  sont  rapportées  ;  ils  peuvent 
rentrer  dans  leurs  foyers,  et  les  ménagers  <  de  France  > 
qui  n*ont  pas  succombé  à  la  faim  ou  à  la  maladie,  sont 
libres  de  retourner  dans  leur  patrie. 

Bien  que  dans  le  gouvernement,  il  y  eût  le  parti  de 
Madame  Anne  et  celui  du  duc  d'Orléans,  tous  deux 
furent  d'accord  sur  la  convocation  des  Etats  généraux. 
En  effet,  dès  le  24  octobre  1483,  les  Trois-Étals  du 
royaume  sont  convoqués  pour  le  l«r  janvier,  d'abord  à 
Orléans,  ensuite  à  Tours,  et  l'ouverture  en  est  faite  le  5 
janvier. 

Les  convocations  no  paraissent  pas  adressées  seule- 
ment aux  habitants  des  bonnes  villes  et  de  quelques 
autres.  Pour  le  bailliage  de  Troyes,  le  bailli  fait  publier 
son  mandement  dans  toutes  les  châtellenies  de  son  an- 
cien ressort,  composé  des  onze  mairies  royales,  com- 
prises de  la  prévôté  de  Troyes ,  et  des  seigneuries  de 
Montiéramey,  Arcis,  Nogent  et  Pont-sur  Seine,  St-Flo- 
rentin,  Ervy,  Méry,  Joigny,  Traînel,  Marigny,  Praslain, 
Villemaur,  St-Liébault  (Estissac) ,  l'Ile-sous-Montréal , 
Tabbaye  de  More,  Chaource,  Vendeuvre,  Fontette,  Islc 
(Aumont),  St-Phal,  Coursan,  Maligny  et  Chacenay.  Une 
première  élection  a  lieu  dans  les  mairies  et  châtellenies, 
aiin  de  désigner  les  citoyens  chargés  de  procéder  au 
chef-lieu  du  bailliage  à  Télection  des  députés  aux  Etats, 
et  d'apporter  les  doléances  et  les  remontrances  qui  doi- 
vent servir  à  composer  le  cahier  du  bailliage  de  Troyes. 


170  HISTOIRE  DE  TROYES.  U83 

Avant  le  15  décembre,  les  élections  sont  faites  et  le 
cahier  du  bailliage  est  rédigé. 

Pour  le  bailliage  de  Troyes,  Télu  de  la  noblesse  est 
Philippe  de  Poitiers,  de  la  maison  de  Valentinois,  sei- 
gneur d'Arcis.  Le  clergé  est  représenté  par  Nicolas  de  la 
Place,  doyen  de  St-Pierre,  abbé  de  Montier-la-Celle,  et 
neveu  de  Louis  Raguier  (1).  Les  élus  du  Tiers  sont  Jean 
Hennequin  aine,  marchand,  et  M<*  Guillaume  Huyart,  li- 
cencié ès-lois  et  avocat  du  roi  au  bailliage. 

Les  instructions  données  aux  députés  méritent-elles  le 
nom  de  cahiers?  nous  ne  saurions  le  dire.  Toujours 
est-il  que  les  députés  emportent  avec  eux  des  instruc- 
tions ou  procurations  qui  en  tiennent  lieu.  Ces  procura- 
tions sont  dressées  en  assemblée  générale.  Celles  du 
bailliage  de  Troyes  ne  sont  point  parvenues  jusqu'à 
nous.  Mais  leur  existence  ne  laisse  pas  de  doute.  Le  15 
décembre  1483,  le  maire  et  les  échevim  ^vrèieni  que  : 
€  Outre  les  articles  faits  et  délibérés  par  les  Trois-Etats 
»  du  bailliage  tenus  et  auxquels  furent  élues  trois  per- 
j»  sonnes  pour  aller  aux  Trois  Etats  que  le  roi  a  ordonné 
»  être  tenus  à  Orléans,  au  mois  de  janvier  prochain,  il 
»  sera  requis  que  Timposition  foraine  soit  levée  aux  ex- 
•  trémités  du  royaume  et  non  par  les  élections,  qui  sont 
»  lointaines  des  extrémités  dudit  royaume,  pour  éviter  le 
»  grand  dommage  que  souffrent  les  marchands ,  an 
»  moyen  de  ce  qu'elle  se  lève  par  chaque  élection.  — 
»  Item,  sera  en  outre  remontré  la  charge  des  tailles  qui 
»  pèse  sur  la  ville  et  sur  le  pays,  laquelle  est  plus  grande 

(1)  L'historien  de  Montier-la-Celle  est  plein  de  (lel  contre  les  abbés 
commandataires.  Sur  Nicole  de  La  Place,  il  dit  que  l'habit  ne  fait 
pas  le  moine,  et  que  la  mitre  et  la  crosse  ne  firent  pas  de  lui  un 
abbé  ;  puis  encore  qu'il  n'avait  ni  bec  ni  on<rles  pour  défendre  la 
manse  des  religieux,  et  qu'il  n'en  avait  que  pour  retenir  et  manger 
ce  qu'il  pouvait  prendre  sur  les  biens  de  l'abbaye 

DoM  TiTON,  Ilist.  manusc.  de  Monticr-la-Celle ,  écrite  vers 
ItTTO. 


1183  CHAPITOB  XV.  iTi 

»  qu'en   aucun  autre  du  royaume ,  afin  d'en  avoir  la 
»  plus  grande  diminution  que  faire  se  pourra  >  (1). 

L'assemblée  bailliagère  fixa  la  somme  qui  fut  levée 
pour  subvenir  aux  frais  de  voyage  et  de  séjour  des 
députés  La  ville  de  Troyes  fournil  à  elle  seule  260 
liv.  t.,  inscrites  aux  dépenses  des  comptes  du  grenier  à 
sel. 

La  répartition  de  la  somme,  levée  pour  indemniser  les 
députés  du  tiers-état,  n'aurait  pas  été  faite  dans  d'égales 
proportions.  Ils  auraient  été  payés  selon  leur  qualité,  cl 
môme  selon  leur  train  habituel  de  maison.  L'un  d'eux  a 
six  chevaux  pour  lui  et  sa  suite.  Dans  un  mémoire  judi- 
ciaire du  temps,  on  lit  :  t  Quant  aux  députés  du  bail- 
liage de  Troyes,  ils  cheurrent  et  accordèrent  avec  les 
gens  des  chastellcnies  et  les  habitans  de  Troyes,  de  leurs 
salaires  et  despens,  à  telles  sommes  que  bon  leur  sembla, 
c'est  à  savoir  :  à  l'un  plus  et  l'autre  moins,  à  icelles 
sommes  prendre  sur  les  impôts  qui  s'en  feraient,  dont 
les  habitans  de  Troyes  payèrent  leur  quolte,  et  n'y  eut 
aucune  autre  taxation.  A  la  vérité,  il  est  \Tai  que  quelque 
accord  qui  ait  esté  faict  avec  eux  touchant  ledit  voyage, 
ils  n'en  seront  jamais  payés  à  la  moitié,  au  moyen  de 
plusieurs  des  imposés  qui  ne  veulent  s'exécuter.  » 

La  question  de  rémunération  des  députés  du  Tiers 
aux  Etals  de  1484,  né  fut  pas  seulement  soulevée  dans 
l'assemblée  du  bailliage  de  Troyes.  Elle  fut,  d'une  part, 
vivement  débattue  à  l'assemblée  des  Etats  par  deux  dé- 
putés appartenant  à  Troyes,  celui  de  la  noblesse,  Phi- 
lippe de  Poitiers  et  un  avocat  de  Troyes,  et  cet  avocat 
n'est  autre  que  Guillaume  Huyart,  et,  d'autre  part,  les 
députés  du  Tiers-Etat  et  celui  du  clergé  de  Troyes  de- 
mandèrent une  indemnité  dont  ils  avaient,  disaient-ils, 
le  plus  pressant  besoin. 

(1)  Arch.  mun. 


172  HISTOIRE  DE  TROYES.  1433 

Le  25  janvier,  De  la  Place,  Hennequin  et  Huyart  c  font 
savoir  que  nécessité  est  de  les  pourvoir  d'argent,  pour 
subvenir  à  leurs  dépenses,  ou  sinon  qu'ils  seront  con- 
traints de  requérir  congé  et  do  quitter  Tours.  »  Dans  une 
assemblée  générale,  tenue  par  les  Trois-Etats  de  la  ville, 
il  est  arrêté  qu'attendu  qu'il  est  notoire  que,  dans  la  plu- 
part des  bonnes  villes,  les  gens  d'église  et  les  nobles  font 
chacun  en  droit  soi  et  fournissent  aux  frais  des  députés 
par  eux  élus  et  envoyés  aux  Etats,  il  n'y  a  lieu,  par  les 
habitans,  de  les  rétribuer  ;  qu'il  en  est  autrement  pour 
Jean  Hennequin  et  Guillaume  Huyart,  et  que  c  pour  M. 
De  la  Place,  c'est  aux  gens  d'église  à  lui  envoyer  de 
l'argent  »  (t). 

La  question  fut  débattue  aux  Etats.  Les  orateurs  de  la 
noblesse  et  du  tiers  furent  Philippe  de  Poitiers  et  Guil- 
laume Huyart.  Cette  discussion  est  curieuse  à  plus  d'un 
titre. 

La  discussion  tend  à  se  continuer  entre  nobles  et 
ecclésiastiques,  mais  le  chancelier  commande  le  silence 
et  déclare  que  les  députés  seront  rémunérés  de  manière 
que  personne  ne  pourra  dire  avoir  servi  sans  indemnité 
et  à  ses  frais. 

Les  députés  auraient  en  outre  été  taxés  et  payés  sur 
le  Trésor  royal  (2). 

A  ces  Etats,  le  comté  de  Champagne  et  de  Brie  com- 
prend les  bailliages  de  Troyes,  de  Sens,  de  Meaux,  de 
Chaumont  et  de  Vitry,  représentés  par  sept  députés  du 
Tiers-Etat;  Bar-sur-Seine  en  a  un  spécial. 

Des  remontrances  au  roi  demandent  généralement  la 


(1)  Arch.  mun.,  n.  f. 

(2)  Masselin.  Journal  des  Etats  généraux  de  France  tenue  à 
Tours^  en  i48A^  et  publié  par  Bernier.  Paris,  imprim.  royale, 
M.DCccxxxv.  Doc.  inédits  sur  Thist.  de  France.  On  trouve  dans  ce 
journal  le  discours  de  Guillaume  Huyard  et  celui  de  Philippe  de 
Poitiers. 


1183  CHAPITRE  XV.  171 

•  qu'en   aucun  autre  du  royaume ,  afin  d'en  avoir  la 
»  plus  grande  diminution  que  faire  se  pourra  »>  (1). 

L'assemblée  bailliagère  fixa  la  somme  qui  fut  levée 
pour  subvenir  aux  frais  de  voyage  et  de  séjour  des 
députés  La  ville  de  Troyes  fournit  à  elle  seule  260 
liv.  t.,  inscriles  aux  dépenses  des  comptes  du  grenier  à 
sel. 

La  répartition  de  la  somme,  levée  pour  indemniser  les 
députés  du  tiers-état,  n'aurait  pas  élé  faite  dans  d'égales 
proportions.  Ils  auraient  été  payés  selon  leur  qualité,  et 
môme  selon  leur  train  habituel  de  maison.  L'un  d'eux  a 
six  chevaux  pour  lui  et  sa  suite.  Dans  un  mémoire  judi- 
ciaire du  temps,  on  lit  :  t  Quant  aux  députés  du  bail- 
liage de  Troyes,  ils  cheurrent  et  accordèrent  avec  les 
gens  des  chastellcnies  et  les  habitans  de  Troyes,  de  leurs 
salaires  et  despens,  à  telles  sommes  que  bon  leur  sembla, 
c'est  à  savoir  :  à  l'un  plus  et  l'autre  moins,  à  icelles 
sommes  prendre  sur  les  impôts  qui  s'en  feraient,  dont 
les  habitans  de  Troyes  payèrent  leur  quotte,  et  n'y  eut 
aucune  autre  taxation.  A  la  vérité,  il  est  \Tai  que  quelque 
accord  qui  ail  esté  faict  avec  eux  touchant  ledit  voyage, 
ils  n'en  seront  jamais  payés  à  la  moitié,  au  moyen  de 
plusieurs  des  imposés  qui  ne  veulent  s'exécuter.  » 

La  question  do  rémunération  des  députés  du  Tiers 
aux  Etats  de  14-84,  né  fut  pas  seulement  soulevée  dans 
l'assemblée  du  bailliage  de  Troyes.  Elle  fut,  d'une  part, 
vivement  débattue  à  l'assemblée  des  Etats  par  deux  dé- 
putés appartenant  à  Troyes,  celui  de  la  noblesse,  Phi- 
lippe de  Poitiers  et  un  avocat  de  Troyes,  et  cet  avocat 
n'est  autre  que  Guillaume  Huyart,  et,  d'autre  part,  les 
députés  du  Tiers-Etat  et  celui  du  clergé  de  Troyes  de- 
mandèrent une  indemnité  dont  ils  avaient,  disaient-ils, 
le  plus  pressant  besoin. 

(1)  Arch.  mun. 


m  HISTOIRE   DE  ThOYES.  Uèk 

Elals,  prononcée  le  5  mars,  le  duc  d'Orléans  quitte  la 
cour  pendant  Taulomne  de  1484.  A  Toccasion  de  la  lutte 
du  duc  d'Orléans,  Charles  Vlll,  de  Montargis,  le  18  jan- 
vier suivant,  informe  les  habitants  de  Troyes  de  la  divi- 
sion survenue  entre  lui  et  le  duc  d'Orléans.  Il  joint  à  sa 
lettre  copie  de  celle  que  lui  a  adressée  son  beau-frère, 
et  de  celle  qui  lui  servit  de  réponse,  en  date  du  20.  Le 
roi  invite  les  Troyens  à  demeurer  unis  et  fidèles  à  la 
Couronne,  et  à  lui  envoyer  deux  députés,  afin  de  Tins- 
truire  de  ce  qui  se  passe  à  Troyes.  Guillaume  Huyart  et 
Etienne  de  Baussancourt  sont  élus  pour  se  rendre  près  du 
roi.  Il  est  décidé  que  la  ville  demeurerait  ferme  dans 
son  obéissance  au  roi,  et  que  les  lettres  qui  lui  seraient 
adressées,  seraient  communiquées  au  prédicateur,  qui 
prêchait  le  lendemain  t  afin  d'exhorter  le  peuple  à  prier 
Dieu  pour  la  prospérité  et  la  santé  du  roi,  et  pour  la  paix 
et  union  du  royaume.  » 

Le  28  janvier,  le  roi  écrit  de  nouveau  à  Troyes.  La 

celui  qui  a  été  octroyé  au  roi  par  les  Etats  de  Tours. 

Quartier  du  St-Esprit  ou  de 

Croncels 575  Feux. 

Les  Trévois 52 

Taxe...     546  I.  9  s.  5  d. 

—  de  St-Jacques 605 

—  La  Vacherie 48 

—  Le  Pré-rEvôque. .    .  8 

Taxe...     262  1.  6  s.  9  d.  t. 

—  du  Beffroy 689 

Taxe...     660  1.7  8.  9  d.  t. 

—  de  Comporté ^^ 

La  Charme ^ 

PouUly 35 

Les  Marots ^^ 

le  Bourg  St- Antoine.  ô 

Taxe . . .     458  1.  5  s.  4  d.  t. 

Totaux.  i9i7  1. 9  s.  3  d.  t.  2887  Feux. 

Parmi  les  imposés  se  trouve  Jean  Souchet,  arracheur  de  dont 


i48i  CHAPITRE  XV.  175 

lettre  est  adressée  à  Tévêque,  au  bailli,  aux  gens  d'é- 
glise, officiers,  bourgeois,  manans  et  habitans.  La  ré- 
ception de  cette  lettre  provoque  une  nouvelle  assemblée 
à  laquelle  Tévôque,  les  officiers  royaux  et  les  habitants 
de  toutes  les  classes  s*empresscnt  de  se  rendre,  et  qui 
se  tient  le  2  février.  Après  avoir  renouvelé  rengagement 
de  demeurer  fidèles  et  obéissants  au  roi,  et  de  le  servir 
jusqu'à  la  mort,  envers  et  contre  tous,  il  est  procédé  à 
l'élection  de  Tévéque  Jacques  Raguier ,  de  Guillaume 
Huyart  et  de  Jacques  de  la  Roëre,  sieur  de  Ghamoy  et 
lieutenant  du  bailli ,  pour  se  rendre  près  du  roi  et  lui 
porter  les  lettres  écrites  par  les  soins  du  conseil  de 
ville,  dans  le  sens  de  Tavis  émis  par  rassemblée  (1). 
Le  receveur  du  grenier  à  sel  remit  à  Tévêque  80  liv.  t., 
et,  à  do  la  Roëre,  20  liv.  Ils  se  mirent  en  route  et  se 
dirigèrent  sur  Montargis,  où  se  trouvait  alors  Charles 
VIII,  afin  de  savoir  de  lui-môme  la  conduite  à  tenir  en- 
vers le  duc  d'Orléans  et  son  parti  f2). 

Malhurin  Brachet,  sire  de  Montagu-le-Blanc ,  qui 
avait  résigné  son  office  de  capitaine  de  la  ville,  est 
nommé  en  1484,  bailli  de  Troyes.  Il  succède  à  Jean  de 
Soissons,  sieur  de  Mareuil.  Il  fait  son  entrée  à  Troyes, 
le  29  juin  U85  (3). 

En  décembre  suivant,  le  roi  annonce  qu'il  envoie  à 
Troyes  une  garnison  de  lansquenets.  Persistant  dans 
l'exécution  de  ses  lettres  de  privilège,  le  conseil  s'ex- 
cuse, près  du  roi,  de  ne  la  point  recevoir,  et  demande 
une  exemption  de  logement  de  gens  de  guerre,  tant  à 
cause  des  privilèges ,  qu'en  raison  des  charges  qui 
pèsent  sur  les  habitants.  De  suite,  le  conseil  fait  fermer 
les  portes  de  la  Madeleine,  de  Comporté  et  de  la  Tan- 

(1)  Arch.  mun.,   n.  f.,  A.  A.,  carton  48*,  5»  liasse.  Originaux  et 
copies  du  temps. 

(2)  Arch.  mun.,  n.  f.,  série  G,  n®  6. 
(d)  Arcb.  mun.,  n.  f.  Délibérations. 


176  HISTOIRE  DE  THOYES.  i486 

nerie,  afin  de  compter  plus  facilement  aux  autres  portes, 
les  gens  de  guerre  entrant  en  ville. 

En  1486,  Charles  VIII  fait  àTroyes  un  séjour  de  plus 
d'un  mois.  Le  roi,  accompagné  d'une  nombreuse  suite 
de  seigneurs,  des  gens  de  son  conseil  et  d'une  compa- 
gnie de  ses  gardes,  quitte  Paris  dans  les  premiers  jours 
de  mai.  Parmi  les  seigneurs  se  trouvent  le  duc  d'Or- 
léans, le  sire  de  Beaujeu,  le  comte  de  Bresse,  le  comte 
de  Vendôme,  le  chancelier ,  les  évéques  de  Verdun ,  de 
Périgueux  et  de  Montauban,  le  comte  de  la  Roche,  grand 
bâtard  de  Bourgogne,  le  sir^j  de  Gyé,  maréchal  de 
France,  les  sires  de  Curton,  de  Graville,  de  la  Trimoille, 
etc.  Le  11,  le  roi  arrive  à  St-Lyé,  et  passe  la  nuit  au 
château.  Le  lendemain,  au  matin,  il  se  met  en  route 
pour  Troyes.  L'évoque,  accompagné  du  clergé,  le  lieute- 
nant général  au  bailliage  et  tous  les  officiers  de  justice, 
les  conseillers,  praticiens,  notaires  et  avocats,  ainsi  que 
le  prévôt  <  revêtu  d'écarlate,  »  les  sergents  royaux,  en 
belle  livrée,  les  échevins,  tous  à  cheval  et  portant  des 
robes  rouges,  suivis  des  nobles,  bourgeois  et  marchands, 
tous  à  cheval,  vont  au  devant  du  roi  jusqu'à  Pouilly,  où 
se  fait  la  rencontre.  L'évèquo  harangue  le  roi,  l'assure 
de  Tobéissance  et  de  la  fidélité  des  habitants  et  lui  pré- 
sente les  clefs  de  la  ville,  en  l'absence  de  maire,  même 
de  président  du  conseil.  Puis  le  cortège  se  met  en 
marche  et  arrive  au  prieuré  de  St-Antoine ,  où  il  est  de 
nouveau  harangué  par  le  plus  ancien  d'entre  les  reli- 
gieux. Le  roi  et  les  principaux  personnages  de  sa  suite 
dînent  à  St-Antoine. 

Après  le  dîner,  l'évèque  et  tous  les  gens  d'église,  en 
surplis  et  en  chappes,  portant  les  croix  et  les  reliques, 
avec  les  habitants  et  les  officiers  royaux,  vont  recevoir 
le  roi  à  la  porte  du  Beffroi.  Les  rues,  qui  doivent  être 
parcourues  par  le  cortège  royal,  sont  parées  de  tapisse- 
ries et  de  draps  de  soie ,  couvertes  de  mais  et  jonchées 


1496  CHAPITRE  XV.  177 

de  verdure.  Sur  ces  riches  étofles  sont  «  affichées  plu- 
sieurs histoires  en  Thonneur  et  à  la  louange  du  roi.  > 
Différents  t  mystères  et  personnages  »  sont  représen- 
tés pendant  la  marche  du  cortège.  Celui  qui  est  joué  <  à 
la  porte  de  Paris,  >  représente  le  petit  David  terrassant 
d'un  coup  de  fronde  le  géant  Goliath,  auquel  il  tranche 
la  tête.  Cette  scène  démontre  que  le  roi,  quoique  jeune, 
terrassera  ses  ennemis.  Elle  se  passe  dans  <  un  beau 
verger,  rempli  d'herbe  verte  et  parsemé  de  fleurs.  > 
Dans  t  des  mais  »  nombreux,  sont  placées  des  cages 
remplies  d'oiseaux  chantant.  Tout  près  de  là  sont  de 
belles  jeunes  filles,  faisant  des  bouquets,  qu'elles  offrent 
au  roi  et  aux  seigneurs  de  sa  suite,  et  qui,  accompagnées 
par  une  orgue,  t  chantent  belles  chansons  en  l'honneur 
du  roi.  ]»  Une  de  ces  jeunes  filles  tient  un  tableau  où  se 
lisent  huit  vers  exprimant  la  joie  des  filles  de  Sion  à  la 
venue  de  David.  Voici  ces  vers  : 

«  Réjouissons-nous,  Pucelettes, 
Vecy  la  fin  de  nos  douleurs  ; 
Faisons  bouquets  en  violettes, 
Pour  les  présenter  aux  seigneurs  ; 
Dieu  leur  acroisse  leurs  honneurs, 
Et,  après  la  fin.  Paradis. 
S'ils  sont  de  Troyes  amateurs , 
Il  y  aura  un  bon  taudis.  > 

Ce  groupe  de  jeunes  et  jolies  filles  démontre  que 
Troyes  est  ornée  de  plusieurs  corps  de  saintes  Vierges, 
patronnes  et  protectrices  de  la  ville.  L'allusion  avait 
besoin  d'explication. 

A  la  même  porte,  est  aussi  représenté  le  mystère  de 
la  Trinité,  sur  un  échafaud,  d'où  descendit,  vers  le  roi, 
un  ange,  qui  lui  présenta  une  croix  d'argent.  Ceci  rap- 
pelait qu'un  ange  apparut  à  Constantin,  auquel  il  remit 
une  croix,  en  lui  annonçant  qu'à  ce  signe  il  âerait  vain- 

III.  la 


1?S  HISTOIAE    DETROYES.  I4g6 

queur.  Cette  trinité  sigpnifie  encone  que  Troyes  est  une 
cité  unie,  dont  l'origine  remonte  à  Texistence  de  trois 
châteaux  et  que ,  par  comparaison ,  elle  est  appelée  : 
Totim  Trinilatis  nobile  Trielinium.  Au  dessus  du  mys- 
tère d^  la  Trinité  est  arboré  un  étendard  char|g;é  d*un 
écu  aux  armes  de  France. 

De  la  porte  de  Paris,  le  cortège  se  met  en  marche. 
Les  gens  d*église  tenant  la  tête  ;  après  eux,  les  bourgeois 
et  les  marchands,  le  prévôt  et  les  sergents  €  Monsieur 
de  Troyes  >  (révéque)  «  monté  sur  une  mule  bien 
dressée.  »  Le  lieutenant  général,  les  officiers  de  justice, 
notaires  et  praticiens,  les  gardes  du  roi,  vêtus  de  bri- 
gantines,  de  beaux  hoquetons  à  mailles  argentées,  armés 
d'arcs  et  de  flèches  et  aussi  d'épées  ou  braquemards,  et 
eoiffés  de  salades  ou  capelines,  marchent  ensuite;  l'é- 
tendard du  capitaine  de  la  garde  écossaise,  long  d'une 
toise  et  aux  trois  couleurs  :  rouge,  blanc  et  vert,  et  qui 
porte,  dans  le  champ,  un  saint  Michel,  et  au-dessus  un 
soleil  d*or,  puis  les  trompettes  et  les  clairons.  En  avant 
du  roi,  marchent  vingt-quatre  sauvages,  dont  les  habits 
sont  faits  et  couverts  de  toile  et  de  chanvre  mâle,  et  je- 
tant des  fleurs  devant  le  roi  ;  le  roi,  monté  sur  un  ma- 
gnifique cheval  noir ,  quatre  échevins ,  vêtus  de  leurs 
robes  <  d'écarlate  (1)  et  de  satin  »  portent  un  dais  au 
dessus  du  roi  ;  ce  dais  est  de  fin  drap  d*or  luisant,  et  les 
lambrequins  sont  entremêlés  d'or  et  d'azur.  Le  cortège 
royal  passe  par  la  rue  des  Trois-Têtes  ,  et ,  en  face  de 
rhôtellerie  des  Trois- Visages ,  sont  réunis  deux  cents 
enftints,  âgés  d'environ  six  ans,  vêtus  de  rouge,  coifTés 
d'un  chapeau  blanc,  et  assis  sur  un  échaPaud.  Ils  crient: 
«  Woël  !  Noèl  !  »  Sur  la  place  du  Marché-au-Bié,  est 
€  la  fontaine  des  Trois-Pocelles  >  jetant,  par  les  seins, 
du  vin  de  trois  couleurs,   où  chacun  peut  boire.  Au- 

(1)  Ecarlate,  étoffe  de  laine  fine,  et  de  couleur  rouge. 


use  CHAPITRB   XV  179 

dessus  de  la  fontaine  est  une  estrade  où  se  tiennent 
c  ménestriers  et  trompettes,  jo  Sur  Totâpe  au  vin,  un 
échafaud  est  chargé  d'entants,  vêtus  en  violet,  criant: 
t  Vive  le  Roi  !  »  En  face  de  la  Serene  (Syrène)  dans  la 
Grande -Rue  (no  4  de  la  place  de  THôtel-de- Ville)  s'élève 
un  échafaud  sur  lequel  est  représentée  une  Fleur  de 
Lys  au  naturel  i  de  laquelle  sort  un  fort  beau  roi,  vêtu 
de  drap  d*or  et  paraissant  âgé  d'environ  dix  ans.  ^  Une 
jeune  fille,  vêtue  de  damas  blanc,  du  même  âge  que  le 
roi,  présente  son  cœur  à  celui-ci,  tandis  qu  une  autre 
joue  des  orgues  et  qu'une  troisième  jeune  fille  «  admi- 
nistre les  vents  à  sa  compagne  ii>  Plus  loin,  est  placé 
Tarbredes  rois,  parmi  lesquels  est  représenté  saint  Louis^ 
en  chappe  de  drap  d'or.  En  face  de  l'hôtel  du  Cigne  est 
un  groupe  d'enfants  criant  :  c  Vive  le  Roi  ï  »  Près  du 
puîts  de  la  Hache,  voisin  de  la  place  de  St-Pierre,  se 
trouvent  Tévêque  et  le  clergé.  Au-dessus  de  la  porte  de 
la  cathédrale,  est  un  pavillon  fort  riche ,  semé  de  fleurs 
de  lys  <  en  forme  de  tente  de  guerre.  >  Sous  ce  pavil- 
lon, est  placé  un  roi,  accompagné  de  sept  géants  <  ce 
qui  signifie  le  pavillon  de  la  paix.  »  Charles  VIII,  arrivé 
près  de  l'église,  met  pied  à  terre.  Il  est  reçu  par  l'évêque, 
entre  dans  l'église,  y  fait  sa  prière,  au  pied  du  grand 
autel.  Après  le  Te  Deum^  chanté  au  son  des  cloches  et 
avec  l'accompagnement  des  orgues,  le  roi  remonte  à 
ebeval,  puis  il  est  conduit  au  Palais-Royal  <  édifice  spa- 
cieux, fort  ample  et  de  grande  noblesse,  touchant  à  quatre 
égUses  :  St^Etienne,  Notre-Dame,  les  Jacobins  ut  THôtel-* 
Dieu  (1).  » 
Charles  VIH  s'installe  au  Palais-Royal,  et  sa  suite  est 


(i)GoDEPROY.  Hist  de  Charles  VIII,  1684.  Cramofey,  1684,  p. 
517.  —  Le  même,  Cérémonial  français^  t.  i,  p.  675.  —  Grosley. 
Mém.  histor,,  t.  u.  p.  600.  —  Arch.  mun.,  n.  f.,  K,  n««  1  et  2,  reg. 
eomprenant  les  eompies  de  recettes  et  de  dépenses  faites  à  Toccasion 
de  rentrée  de  Charles  Vin  à  Troyes. 


180  HISTOIRE   DE   ThOYES.  ii86 

logée  chez  les  habitants.  La  ville  fut  éclairée,  pendant 
les  huit  premières  nuits  du  séjour  du  roi,  et,  dans  la 
soirée  où  il  revint  de  Torvilliers^  où  il  avait  été  chasser. 
Il  assiste,  chaque  jour,  aux  offices  à  la  collégiale  de  St- 
Etienne,  chapelle  royale.  Un  oratoire  est  élevé  dans  le 
chœur  pour  le  roi  et  l'église  est  décorée,  tous  les  jours, 
de  mais  et  de  joncs.  Le  25  mai,  il  assiste  aux  cérémo- 
nies de  la  Fête-Dieu,  et  il  est  encore  à  Troyes  le  45 
juin  (1). 

La  ville  de  Troyes  obtient  d'abord  la  suppression  de 
Tune  des  charges  qui  pesait  le  plus  lourdement  sur  ses 
habitants  :  Texemption  et  raifranchissement  de  toutes 
les  tailles  et  de  tous  les  impôts  qui,  à  Tavenir,  pourraient 
être  levés,  soit  pour  Tentretien  des  gens  de  guerre,  soit 
pour  toute  autre  cause.  Cette  faveur  est  motivée  sur  la 
conduite  des  Troyens  en  1429  et  en  raison  de  ce  que 
depuis  la  rivière  de  Loire ,  après  les  sièges  d'Orléans  et 
de  Montargis,  la  ville  de  Troyes  fut  la  première  qui,  sans 
contrainte  ni  difficulté,  reçut  Charles  VU,  Taïeul  du  roi, 
et  Taccueillit  comme  son  droiturier  et  souverain  sei- 
gneur :  cette  soumission,  ayant  amené  la  réduction  des 
autres  bonnes  villes  de  Champagne  et  d'autres  du 
royaume ,  et  Charles  VII  ayant  pu  se  rendre  à  Reims  et 
s'y  faire  sacrer.  L'enregistrement  des  lettres  n'eut  lieu  à 
la  Cour  des  Comptes  que  le  16  mars  1488  (v.  st.)  et, 
peu  après,  la  ville  et  ses  habitants  ne  furent  pas  moins 
frappés  d'impôts  que  parle  passé  (2). 

Charles  VIII  établit,  à  Troyes,  deux  nouvelles  foires, 
outre  celles  qui  existaient  anciennement.  L'une  est  la 
foire  chaude  et  l'autre  la  foire  froide.  Ces  foires  sont  fort 
déchues  de  leur  ancienne  importance.  Charles  Vil  a 
contribué  à  cette  ruine  en  établissant  trois  foires  à  Lyon, 

(1)  Arch.  dép.,  f.  de  St- Etienne,  6,  G.  413. 

(2)  Arch.  raun.,  anr  f ,  Carfulaire  n«  1©^  f»  108,  et  origitial; 
layette.  n<'  55. 


i486  CHAPITHE   XV.  181 

et  Louis  XI,  en  en  créant  une  quatrième,  consomma 
cette  ruine.  Charles  VIII  a  déjà  transporté,  à  Bourges, 
deux  des  foires  de  Lyon,  et  les  deux  autres  le  furent  à 
Troyes,  dans  le  but  de  porter  remède  à  la  pauvreté  du 
pays  de  Champagne  et  y  continuer  la  tenue  des  ancien- 
nes foires. 

Charles  VIII  crée  donc,  à  Troyes ,  deux  foires  :  Tune 
commençant  le  lendemain  de  l'Apparition  de  N.-S.,  pour 
durer  quinze  jours  ouvrables,  et,  la  seconde,  le  2  août, 
pour  être  tenue  pendant  le  même  temps.  Ces  foires  sont 
franches  de  tous  droits  et  même  pendant  la  quinzaine 
suivante.  Nuls  marchands,  comme  nulles  marchandises 
ne  peuvent  être  arrêtés  ni  saisis.  Tout  marchand ,  fré- 
quentant les  foires,  peut  faire,  sans  fraude,  sortir  de  la 
ville  toutes  marchandises  par  lui  entrées.  La  succession 
de  tout  marchand ,  venant  aux  foires ,  revient  à  ses  en- 
fants ou  autres  héritiers.  Tous  ceux  qui  fréquentent  les 
nouvelles  foires  sont  justiciables  du  garde-chancelier 
des  foires,  en  première  instance.  Enfin,  tout  individu 
fréquentant  les  foires,  et  ses  marchandises,  sont  placés 
sous  la  sauvegarde  du  roi. 

La  Cour  des  comptes,  en  enregistrant,  le  16  juin 
1487,  les  lettres-patentes,  en  modifie  quelques  dispo- 
sitions. Les  deux  anciennes  foires  étaient  affermées  en- 
semble au  profit  du  roi,  année  commune,  140  liv.  t.; 
les  nouvelles  ne  sont  pas  mises  à  ferme,  mais  les  habi- 
tants de  Troyes  paient  au  domaine,  dix  livres  pour  cha- 
cune (1).  Celles-ci  sont  franches  des  impositions  et  du 
vingtième  du  vin  vendu  en  gros,  pendant  douze  jours, 
comme  les  anciennes,  mais  les  droits  de  hauts  passages 
et  l'imposition  foraine  se  lèveront  comme  à  l'ordinaire 
sur  toutes  les  marchandises  venant  aux  foires.  —  Le 


(i)  Blq.  nati«.  ColL  de  Champagney  vol.  65.  Compte  du  domaine 
royal,  1513-1514. 


182  HISTOIRE  DE   TROYES.  {490 

chancolier-garde  des  foires  connaîtra  de  toutes  obliga- 
tions contractées  en  foires  ou  payables  en  temps  de 
foires.  —  Pour  décider  les  différends,  il  appellera  avec 
lui  les  officiers  du  roi  et  deux  notables  marchands  ex- 
perts ,  et  connaissant  les  marchandises  dont  il  sera 
question.  —  Les  appels  seront  vidés  par  deux  membres 
du  conseil  du  roi  et  doux  membres  du  Parlement.  —  Le 
greffe  des  nouvelles  foires  sera  donné  à  ferme,  de  deux 
ans  (.^n  deux  ans,  au  plus  offrant.  —  Les  notaires  des 
anciennes  foires  exerceront  pendant  les  nouvelles  et  fe- 
ront connailre,  à  l'issue  do  chacune,  co  qu'ils  auront 
fait,  afin  de  donner  le  compte  de  chacun  des  ofliciers , 
tant  pour  les  foires  do  Troyes  que  pour  celles  de  Pro- 
vins, de  Lagny  et  de  Bar-sur-Aube.  —  Les  sergents 
seront  institués  par  le  garde-chancelier  (4). 

Ces  foires  furent  publiées  en  France  et  en  Allemagne, 
cle...  Pour  faciliter  celle  publication,  les  lettres-patentes 
furent  translatées  de  français  en  latin  et  imprimées  à 
cinq  cents  exemplaires  par  un  imprimeur  dont  le  nom 
n*est  pas  connu  (2). 

Déjà,  les  habitants  de  Troyes  avaient  été  souvent  dis- 
pensés de  répondre  ix  la  convocation  du  ban  et  de  Tar- 
rière-ban.  Charles  VIII  confirma  le  privilège  accorde 
antérieurement  à  tous  les  nobles  et  autres  roturiers 
lenans  iwblemenl^  sujets  au  ban  et  à  rarrière-ban ,  de 
demeurer  au  dedans  do  la  ville  de  Troyes,  de  avec  les 
autres  habitants,  a  pour  la  tuicion,  défense  et  garde 
d'icelle  »  \3|. 

Pendant  le  séjour  du  roi,  le  clergé  se  fait  exempter  du 

(1)  Arch.  mun.,  anc.  f.  LayeUe  des  foires. 

(2)  Arch.  mun.,  Compte  de  Jean  Bennequin;  d'après  M.  Atsiar, 
Comptes  de  FŒuvre  de  l'église  de  Troyes.  m.d.ccclv,  p.  70.  —  Ce 
compte  de  Jean  Ileniiequin  est  celui  de  la  vente  du  sel.  Série  G., 
no  6. 

(3)  Arch.  mun.,  auc.  f.  Ces  lettres  sont  du  21  juin  1486. 


1488  CHAPITRE   XV.  183 

logement  des  gens  de  guerre,  sauf  les  cas  d'urgente  né* 
cessité. 

Les  mélicrs  profitent  aussi  de  la  présence  du  roi  et 
de  celle  de  son  conseil,  à  Troyes,  pour  faire  régler  cer* 
taines  de  leurs  affaires. 

La  confrérie  de  saint  Crépin.  et  de  saint  Grépinies»  qui 
avait,  encore  au  siècle  derrfier,  la  prétention  de  tenir  ses 
premiers  règlements  de  Gharles-le-Chauve  ^  obtient  la 
modification  des  statuts  en  cours  d'exercice.  La  confré- 
rie pose  en  fait  que  <  cordouannerie,  basanerie  et  aav^ 
terie  sont  trois  divers  métiers,  »  Ce  qui  limite  la  première 
de  ces  professions,  la  plus  élevée  dans  la  hiérarchie  des 
trois  métiers  c  ayant  le  privilège  de  chausser  le  corps 
humain,  c  c*est  de  ne  travailler  que  le  cuir  de  oordouan, 
de  vache  et  de  veau.  >  Les  nouveaux  règlements  ne 
contiennent  que  des  articles  relatifs  à  la  répression  de 
la  fraude  dans  le  travail  ot  la  valeur  des  cuirs.  Us  main- 
tiennent la  faculté  de  travailler  à  la  lumière  c  pour 
fournir  et  servir  d'ouvrage  la  seigneurie  et  le  peuple  de 
la  ville.  3 

Les  cordonniers  ont  Thonneur  de  posséder  des 
«  lettres  royaux  i  délivrées  par  le  conseil  du  roi  dont 
faisaient  partie  le  comte  de  Glermont,  sire  de  BeaujeUi 
les  sieurs  de  la  Trimoille,  deTIsle,  etc.  (1) 

Les  couturiers  ou  tailleurs,  qui  sont  les  successeurs 
des  gipponniers  et  des  pourpointiers,  font  modifier  leurs 
anciens  statuts.  La  confrérie  est  toujours  sous  le  patron^ 


(i)  n  y  a  lieu  de  supposer  que  la  légende  relative  à  la  coneession 
faite  par  Charles-le-Ghauve  aux  savetiers,  de  faire  célébrer  leur 
fête  dans  l'église  de  Tabbaye  de  St-  Loup,  prend  sa  source  dans  l'acte 
émané  du  conseil  de  Charles  VIII.  Gourtalon  rapporte  que  «  le  titre 
de  cette  permission  est  dans  le  cofhre  de  la  communauté  des  save- 
tiers, qui  le  conserve  précieusement  comme  un  de  ses  plus  l^eao^ 
titres.  B  Nous  regrettons  qu'il  ne  se  soit  pas  assuré  de  l'existence  de 
ce  document  si  important  par  sa  date.  {Top,  du  dioc.  de  Troyes^ 
t.  n,  p.  Î86.) 


18i  HISTOIRE   de:   TROYES.  i486 

nage  de  saint  Jean-Décolacc,  et  les  services  religieux  se 
font  à  rHôtel-Dieu  St-Esprit.  —  Le  Dlgnua  est  intrare 
est  payé  huit  livres  et  un  dîner  offert  à  tous  les  maîtres  ; 
ils  sont  alors  plus  de  soixante.  —  Les  fils  de  maîtres  no 
sont  tonus  que  du  dîner.  •  La  cotisation  annuelle  est 
de  cinq  sous.  —  Les  maîtres  et  ouvriers  doivent,  à  la 
St-Jean,  lever  leur  cierge,  moyennant  2  s.  6  d.  t. ,  au 
profit  de  la  confrérie.  —  Tous  les  pourpoints  mis  on 
vente  doivent  être  composés  d'étoffes  neuves.  —  Si  les 
couturiers  en  font  avec  de  vieilles  étoffes,  ils  doivent  en 
avertir  les  acheteurs.  —  Ils  peuvent  travailler  au  demi* 
cile  des  habitants,  et,  là,  suivre  les  ordres  qui  leur  sont 
donnés  et  mettre  en  œuvre  telles  marchandises  qu'il 
plaira  aux  habitants,  pourvu  que  ces  vêtements  soient  à 
l'usage  de  ces  derniers.  —  Les  membres  de  la  confrérie 
sont  obligés  d'assister  aux  honneurs  des  confrères.  — 
Au  jour  des  noces  d'un  suppôt,  les  membres  doivent  être 
avec  lui  et  aller  à  l'cgliso,  et  aux  d  mortailles  -t  accom- 
pagner le  corps  du  défunt  et  à  Téglise  et  au  cimetière, 
quand  ils  sont  régulièrement  convoqués.  —  Ce  règlement 
porte  la  date  du  16  novembre  1486. 

Quinze  jours  après,  les  épingliers,  au  nombre  de  dix- 
neuf  maîtres,  demandent  à  se  constituer  en  confrérie 
«  pour  honneur  et  révérence  de  Dieu  et  de  monsieur 
saint  Eloi  *  et  afin  d'éviter  les  abus  qui,  chaque  jour,  se 
commettent.  La  confrérie  est  placée  sous  le  patronage 
du  saint  évèque  de  Noyon,  et  la  fête  célébrée  le  lende- 
main de  la  saint  Jean-Baptiste.  —  A  la  messe  du  patron, 
les  maîtres  ou  leurs  femmes  assistent  avec  un  cierge 
payé  15  d.  t.  —  Toutes  les  semaines  une  messe  est  dite 
pour  la  santé  du  roi,  et,  pour  cette  cause,  chaque  maître 
paie  deux  deniers  par  semaine,  et  les  valets  et  serviteurs, 
gagnant  argent,  un  denier.  —  La  corporation  a  deux 
maîtres  jurés  et  un  sergent.  —  Les  comptes  sont  rendus 
le  jour  de  la  saint  Eloi.  —  Les  assemblées  se  foat  en 


i486  CHAPITRE   XV.  185 

présence  d'un  sergent  royal.  —  L^apprentissage  dure 
quatre  ans  —  II  y  a  chef-d'œuvre.  —  Le  droit  d'entrée 
est  de  60  s.  t.,  et,  pour  les  vins  au  dîner,  le  récipiendaire 
paie  aux  ouvriers  jurés  100  s.  t.  et  non  plus  ;  —  les  fils 
de  maître,  20  s.,  et  autant  t  pour  les  buveries  »  avec 
dispense  du  chef-d'œuvre.  —  Le  chef-d'œuvre  est  payé 
iO  s.  aux  maîtres  et  40  s.  à  la  confrérie.  —  Nul  maître 
ne  peut  avoir  plus  de  deux  apprentis.  —  Les  veuves  de 
maître  peuvent  exercer  la  profession  de  leur  mari.  —  Il 
y  a  obligation  d'assister  aux  funérailles  des  confrères 
décédés.  —  L'entrée  et  la  sortie  d'apprentissage  sont 
payés  cinq  sous.  -  Les  amendes  sont  partagées  par 
moitié  entre  le  roi  et  la  confrérie 

Ces  statuts  furent  modifiés  en  4494.  — Une  messe  de 
saint  Eloi  doit  être  célébrée  le  le  décembre.  —  Le 
droit  d'entrée  est  élevé  à  100  sous.  —  Le  métier  d'épin- 
gher  donne  droit  à  fabriquer  des  épingles,  les  anneaux 
ronds  ou  carrés,  les  crochets  et  les  agraffes,  les  hame- 
çons à  pocher,  les  bouclettos  de  souliers  et  les  chaînettes 
de  fer  et  de  laiton  (1). 

Le  même  jour,  une  autre  confrérie,  qui  prend  aussi 
pour  patron  le  digne  conseiller  du  roi  Dagobert ,  se 
constitue  à  Troyes  ;  cette  confrérie  est  celle  des  selliers. 
Après  les  prescriptions  détaillées  sur  le  choix  et  l'em- 
ploi de  bonnes  fournitures,  il  est  dit  qu'un  chef-d'œuvre 
sera  nécessaire  pour  passer  maître.  —  Ce  chef-d'œuvre 
est  une  selle  d'arme,  bordée  de  fer  ou  de  laiton,  et,  de 
plus,  un  harnais  de  cheval  complet;  puis  vient  la  des- 
cription des  selles  à  hacquenée,  selles  de  mule,  à  rou- 
leau, etc.  —  Le  droit  d'entrée  est  fixé  à  60  s.,  plus  20  s. 
pour  faire  boire  les  suppôts  dudit  métier.  —  La  veuve 
peut  exercer  le  métier  de  son  mari,  et  si,  en  secondes 


(1)  La  fabrication  des  épingles  a  complètement  disparu  de  Troyes, 
vers  le  commencement  du  XIX«  siècle. 


186  HISTOIRE  DE  TROYES.  i486 

noces,  elle  épouse  un  compagnon,  elle  l'affranchit  du 
chef-d'œuvre.  —  Le  droit  d'apprentissage  est  de  5  s.  t. 
—  I^  cotisation  hebdomaire  des  maîtres  est  d'un  den. 
t.  —  Les  maîtres  ne  peuvent  avoir  deux  ouvroirs  dans  la 
ville  ou  dans  les  faubourgs.  —  L'assistance  aux  enterre- 
ments des  confrères  est  prescrit  soiis  peine  d'amende. 
Ces  deux  derniers  règlements  portent  la  date  du  30  no- 
vembre 1486.  (1). 

L'exemption  des  tailles  et  des  impôts  accordée  par 
Charles  VIII,  s'appliquant  aux  habitants  de  Troyes,  tant 
à  ceux  qui  demeurent  dans  Tenceinte  des  fortifications, 
qu'à  ceux  qui  sont  fixés  en  dehors  des  murs ,  il  fallut 
déterminer  les  limites  de  cette  banlieue.  Pour  arriver  à 
ce  but,  le  bailli  ordonne  que ,  du  côté  de  la  porte  du 
Beffroi,  en  se  dirigeant  vers  Sens  et  en  suivant  le  grand 
chemin,  au  delà  de  la  voie  qui  traverse  ce  grand  chemin, 
et  appelée  la  voie  Réau  (voie  Riot) ,  à  environ  un  trait 
d*arc  du  lieu  dit  rOrme-au*Loup,  on  élèvera  une  croix 
sur  laquelle  seront  inscrits  ces  mots  :  c  C'est  la  banlieue 
de  Troyes.  »  Ce  point  avait  été  trouvé  par  le  mesurage, 
fait  depuis  la  fausse  porte  du  faubourg  de  la  ville  (â), 
au  moyeu  de  mille  tours  de  roue  pour  lieue;  chaque 
tour  de  roue  étant  de  six  aunes  de  Troves.  Tous  les 
habitants,  dont  la  demeure  était  comprise  dans  ce  rayon, 
jouissaient  des  mômes  privilèges  que  ceux  qui  habi- 
taient dans  Tenceinte  fortifiée ,  mais  à  la  condition  de 
faire  le  guet  autour  de  la  ville  (3). 

Bien  que  Téchevinage  ne  soit  pas  régulièrement  cons- 
titué, il  n  en  fonctionne  pas  moins  comme  conseil  de  la 


i\)  Arch.  iiiuii.,  n.  f.,  série  Q,  n**  1. 

<2)  C'était  la  porte  aux  Bœufs^  qai  sVlexait  près  des  fiux-fossés, 
sur  la  route  de  Sens. 

•  3»  Note  innsc.  do  IViomplairo  de  la  Coututncdc  TroyeSy  possédé 
l»ar  la  Blq.  de  la  ville.  Edition  de  1009.  —  61q.  nat..  Collection  de 
Champagne. 


1187  CHAPITRE  XV.  187 

ville.  Après  la  création  âe  nouvelles  foires,  il  s'occupe 
avec  activité  de  les  faire  prospérer.  En  4487,  il  rachète 
du  fermier  du  domaine  les  droits  dus  au  roi  sur  la  halle 
de  la  cordonnerie  et  les  supprime.  Il  fait  de  même  à 
regard  du  droit  de  portage  des  vins,  qu'il  rachète  155 
liv.  t.  €  pour  méliorer  les  foires.  »  I^  afTerme,  pour  douze 
années,  les  droits  de  la  vicomte  appartenant  au  sous- 
chantre  de  St-Etienne,  levés  à  la  porte  de  Croncels ,  et 
les  abolit.  Déjà  il  s'était  fait  transporter  d'autres  droits, 
dans  le  même  but,  par  le  chapitre  de  St-Etienne.  L'année 
suivante  (le  14  juillet  1488),  il  afferme  d'autres  droits 
dépendant  de  la  vicomte,  le  péage  dit  des  Ursins,  celui 
de  ta  foire  du  Clos ,  celui  du  Suzain  ou  du  Snran,  de 
VEscrisse^  le  lanney  ou  tonné  de  la  laine  et  autres 
fermes,  appartenant  au  chapitre  de  St-Etienne,  dans  le 
but  t  de  tenir  francs  les  marchands  et  marchandises  qui 
viendront  aux  foires  (1). 

Le  inénie  conseil  prend  des  mesures  pour  prévenir 
les  incendies.  Depuis  1419,  la  ville  possède  des  seaux  de 
cuir,  déposés  dans  tous  les  quartiers  ;  il  fait  disposer 
douze  crochets,  dits  crochets  de  ville,  pour  jeter  à  bas 
les  pièces  de  bois  en  feu,  et  on  dépose  des  fallots  dans 
plusieurs  maisons,  afm  d'éclairer,  pendant  la  nuit,  en  cas 
d'accident. 

En  1487,  la  ville  attend  M.  d'Albret,  sire  d'Orval,  gou- 
verneur de  Champagne.  On  dispose  des  lils  et  des  meu- 
bles au  Palais-Royal,  où  il  doit  descendre.  Si  la  con- 
ciergerie du  palais  avait  quelque  soin,  les  habitudes  des 
gens  qui  fréquentaient  le  palais  n'en  avaient  guère ,  car 
on  dispose,  sur  les  lits,  certains  châssis  en  bois,  afin 
d*empécher  d'y  coucher  les  gens  et  les  chiens  (! 


fi)  Arch.  mun.^  n.  f.  Reg.  A.,  n©  2   —  Arch.  dép  ,  f,  de  St- 
Etienne.  Inv.  desprhnléges,  p.  if. 

(2)  Arch.  mun.,  n.  f.,  B.  3i.  On  lit  dans  ce  registre  :  <  Payé  à  la 
▼eave  Michel  Format,  Huchière,  pour  avoir  livré  et  assis  le  cfaalit 


188  HISTOIRE  DE  TROTES.  1497 

Les  hôpitaux  ont  des  règlements  dont  les  maîtres  ne 
se  départent  pas.  Aussi,  certaines  misères,  certaines 
souffrances  ne  sont  point  secourues.  Les  enfants  de  la 
calamité  reçoivent  rhospitalité  à  THôtel-Uieu  St-Nicolas. 
Le  conseil  de  ville  leur  donne  des  nourrices  salariées 
des  deniers  de  la  ville  (1). 

Ce  même  conseil  s'occupe  de  la  navigation  de  la 
Seine.  Dans  une  assemblée  générale  des  habitants,  tenue 
dans  Féglise  de  St-Etienne,  il  est  décidé  qu'il  y  a  avan- 
tage pour  la  ville  de  faire  porter  bateau  à  cette  rivière, 
jusqu'à  Châtillon.  Des  commissaires  sont  chargés  de 
s'entendre  avec  l'évêque  de  Langres,  seigneur  de  Mussy, 
pour  la  traversée  de  sa  seigneurie.  On  visite  la  Seine 
jusqu'à  Bar,  et  on  demande  au  roi  d'accorder,  à  la  ville 
de  Troyes,  le  droit  levé  au  grenier  à  sel,  au  profit  de 
l'église  de  Reims,  et  dont  la  concession  va  expirer,  afin 
d'en  appliquer  le  produit  à  favoriser  la  navigation. 

Mais  le  roi  est  en  guerre  du  côté  de  la  Bretagne,  et 
bientôt  il  commencera  ces  campagnes  d'Italie,  qui  coû- 
teront si  cher  à  la  France  et  décimeront  la  noblesse 
française.  Si,  en  juillet  et  août,  Charles  VIII  informe  les 
Troyens  de  la  prise  de  la  ville  de  Fougères  et  autres 
places  de  Bretagne,  s'il  annonce  l'arrestation  du  duc 
d'Orléans  et  des  seigneurs  de  son  parti ,  la  reddition  de 
Dinan,  de  St-Malo,  etc.,  et  la  conclusion  de  la  paix  avec 

neuf  d'une  couchette^  en  la  chambre  de  la  salle  du  palais,  pour  le 
loîris  de  M.  d'Orval,  avec  une  marche  pour  la  ruelle  du  grand  lit  du 
dit  sieur,  et  deux  châssis  de  bois  pour  mettre  sur  lesdits  lits  c  aOn 
de  garder  d'y  coucher  les  gens  et  les  chiens,  26  s.  t  »  —  Dans  un 
cérémonial  rédigé  par  ordre  de  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre,  il  est 
dit  :  dû»  Le  gentilhomme  de  la  chambre  défendra  que  quiconque 
pose  un  ])lat,  sur  le  lit  du  roi,  de  peur  de  tacher  la  riche  courte- 
pointe qui  le  couvre  ;  défense  sera  aussi  faite  de  s'essuyer  les  mains 
aux  tapisseries  de  cette  chambre,  où  le  roi  se  tient  principalement. 
(Bibl.  du  duc  de  Norfolk ,  manuscrit,  d'après  le  Mag,  pitt.^  1857, 
p.  319.) 
(1)  A.  no  2. 


1488  CHAPITRE   XV.  489 

le  duc  de  Bretagne  (1),  bientôt  après,  de  Pontremoli,  en 
Italie,  il  écrit  à  l'évÊque,  pour  qu'il  lui  facilite,  à  Troyes, 
un  emprunt  de  1,500  écus  d'or  couronnés,  remboursa- 
ble dans  un  an.  Six  mois  après,  il  lui  renouvelle  sa 
demande  en  Tappuyant  sur  les  causes  de  la  guerre, 
entreprise  dans  l'intérêt  de  Téglise  gallicane  (2i. 

Un  règlement  sur  l'imposition  foraine  ordonne  que  ce 
droit  sera  levé,  connue  par  le  passé,  sur  les  limites  de 
chacune  des  neuf  élections  de  Champagne,  qui,  alors, 
sont  celles  de  Reims,  de  Châlons,  de  Noyon,  de  Soissons, 
de  Laon,  de  Langres,  de  Troyes,  de  Tonnerre  et  de  Ve- 
zelay  (3). 

En  janvier  1488  (v.  style),  Charles  VIII  confirme  les 
privilèges  des  maîtres  des  mines  et  forges  du  royaume. 
Dans  ces  lettres  le  roi  rappelle  celles  de  Louis  XI,  don- 
nées en  décembre  1461  et  le  26  septembre  1467. 
Celles-ci  étaient  adressées  à  certains  baillis  et  notam- 
ment à  celui  de  Sens  :  celui  de  Troyes  n*y  est  pas 
nommé.  Celles  de  Charles  VIII  sont  adressées  aux  baillis 
de  Sens,  de  Vitry,  de  Chaumont  et  de  Troyes.  Dans  re- 
tendue de  ces  bailliages  existent  des  forges.  Si  le  baiUi 
de  Sens  est  seul  nommé  dans  les  actes  de  Louis  XI,  c*est 
qu'alors  l'exploitation  du  minerai  de  fer  n'avait  d'impor- 
tance, aux  environs  de  Troyes,  que  dans  la  partie  de  la 
forêt  d'Othc ,  comprise  dans  le  bailliage  de  Sens.  Les 
lettres  de  1467  n'énoncent  pas  les  conditions  imposées 
aux  concessionnaires  des  mines,  seulement  il  est  dit  : 
*  Au  moyen  de  l'affranchissement  accordé  aux  maîtres, 

ils  sont  tenus  d'entretenir  les  francs-archers,  qui  devront 
toujours  être  prêts  et  en  bon  habillement,  selon  le  nom- 


(1)  A.  n«  2. 

(2)  Ord.  des  rois  de  France^  t .  xx,  p.  455. 
(8)  Même  recueil,  t.  xx,  p.  107 1 


190  HISTOiRE  DE  TROYES.  un 

bre  qu'ils  seront  pour  servir  la  roi  en  la  |^erre  et  quand 
métier  sera  (1).  » 

Charles  VIIl,  en  mars  suivant,  confirme  les  privilèges 
(le  rUniversité  de  Paris.  Parmi  les  privilégiés,  on  men- 
tionne c  sept  ouvriers  ayant  moulins  et  faiseurs  de  pa- 
pier, >  demeurant  à  Troyes,  à  Gorbeil  et  à  Essonne. 
Trois  sont  de  la  première  de  ces  villes  (2). 

Les  échevins,  en  1489,  élisent,  entr'eux,  un  président 
c  pour  mettre  en  avant  les  matières  communes  de  Ja 
ville  et  recueillir  les  voix.  »  M©  Simon  Liboron,  licencié 
ès-lois,  est  élu  président  (3).  Jean  de  Marisis  est  son 
successeur  en  1494. 

Dans  le  cours  de  cette  année  commencent  les  débats 
relatifs  au  péage  dû  à  Tévêque  pour  Tetîtrée  du  fer  par 
le  pont  ferré.  Le  conseil  est  d'avis  que  si  les  marchands 
de  la  ville  achètent  le  fer  <  fait  et  forgé  »  aux  forges  ou 
le  font  amener  à  leurs  frais,  ils  ne  doivent  rien  à  Té- 
véque,  tandis  que,  dans  le  cas  contraire,  ils  lui  doivent 
des  droits^  suivant  l'usage. 

Les  boulangers,  le  19  octobre  1489,  font  modifier 
quelques  points  de  leurs  règlements.  —  Tout  aspirant  à 
la  maîtrise  doit  justifier,  outre  des  meubles  et  ustensiles 
nécessaires  à  l'exercice  de  son  métier,  de  la  propriété 
d'un  muids  de  froment  ou  de  la  somme  de  vingt  liv.  t, 
afin  d*assurer  la  solvabilité  des  maîtres ,  le  paiement  du 
grain  qu'ils  achèteront  et  celui  de  la  maille  levée  sur  le 
pain  blanc  et  en  raison  c  du  pauvre  et  petit  ch&tei  »  de 
quelques  boulangers. — Tout  récipiendaire  doit  travailler 
pendant  quatre  jours  en  l'hôtel  de  chacun  des  quatre 
maîtres-jurés,  pour  prouver  sa  capacité.  —  La  cotisation 
mensuelle,  pour  le  service  du  culte  et  de  la  confrérie, 

(i)  Ord,  des  roU  de  France,  t.  xx,  p.  H1,  112  et  143. 

(2)  Même  vol.,  p.  119.  Ces  lettres  confirment  celles  de  Gharies  VI, 
du  11  janvier  1383. 

(8)  A.,  no  S. 


I48f  CHAPITRE  XV.  191 

est  fixée  à  20  d.  t.  par  mois.  —  Chaque  maître  est  tenu 
de  faire  célébrer,  le  jour  du  trépas  et  dans  Téglise  où  se 
fera  le  service,  une  messe  pour  les  confrères  ou  leurs 
femmes  décédés.  —  Le  prix  du  cierge  levé,  à  la  Pente- 
côte, jour  de  la  confrérie,  est  payé  15  d.  t.  —  L'entrée 
en  apprentissage  est  fixée  à  5  s.  —  Le  pain  mal  fait 
ou  mal  cuit  est  vendu  publiquement  devant  l'église  St- 
Jean-au-Marché,  comme  de  coutume  et  d'ancienneté  et 
moyennant  une  maille  de  moins  que  le  taux  de  justice, 
à  moins  qu'il  n'y  ait  saisie  dudit  pain  par  l'autorité.  — 
Aucun  boulanger  ne  peut  vendre  son  pain  à  moindre 
prix  que  le  taux  fixé  par  justice ,  si  ce  n'est  devant  l'é- 
glise St-Jean,  à  peine  de  cinq  sous  d'amende.  En  1500, 
il  y  eut  encore  quelques  modifications  apportées  à 
l'exercice  de  la  profession  de  boulanger  (1). 

La  guerre  est  encore  l'objet  de  la  préoccupation  gé- 
nérale; mais  le  théâtre  n'est  pas  en  Champagne.  Elle 
n'en  reçoit  que  les  échos.  En  1400,  Huguenin  Lepev- 
rier,  bourgeoise  Troyes,  est  arrêté,  près  de  Valenciennes, 
par  les  ennemis  du  roi.  Les  échevins  écrivent  à  leurs 
collègues  de  cette  ville,  afin  de  s'employer  pour  obtenir 
la  délivrance  du  prisonnier  qui ,  lors  de  son  arrestation, 
se  rendait  en  Hainaqt. 

Sur  la  demande  du  roi,  alors  en  guerre  avec  le  duc  de 
Bretagne,  lesTroyens  lui  accordent  cent  vingt  chevaux. 

Le  bienheureux  saint  Quentin  était  invoqué  pour  la 
guérison  de  l'enflure  ou  de  l'hydropisie.  Le  prieuré  de 
ce  nom,  à  Troyes,  avait,  au  XVe  siècle,  et  sans  doute 
auparavant,  la  faveur  de  peser  les  hydropiques.  On  met- 
tait les  malades  sur  l'un  des  plateaux  de  la  balance,  et, 
sur  l'autre,  on  plaçait  en  poids  égal,  de  la  cire,  du 
chanvre,  de  la  toile,  etc. ,  et  ces  denrées  appartenaient 
au  prieuré.  Le  chapitre  de  la  ville  <le  St-Quentin  se  plai- 

(1)  Arch.  mun.,  n.  f.,  Q  ;  n*  l«r  et  A.  A.,  carton  40,  liuM  !*•. 


192  HISTOIRE  DE  TROYES.  U90 

gnit  d'un  pareil  usagée  qui  lui  portait  préjudice  et  qui 
était  pratiqué,  tant  au  prieuré  de  Troyes  que  dans  d'au- 
tres maisons  de  Rouen,  d'Arras  et  de  Cambrai.  En  1490, 
Innocent  VIII  défendit  le  pesage  des  hydropiques  partout 
ailleurs  qu'au  chapitre  de  St-Quenlin,qui ,  selon  lui, 
possédait  seul  des  reliques  de  ce  saint,  considéré  à  bon 
droit,  comme  un  bienfaiteur,  car,  s'il  ne  guérissait  pas 
les  malades,  il  rapportait  au  chapitre,  et  partout  où  l'on 
pesait  les  hydropiques,  de  beaux  bénéfices  (1). 

Le  poids  du  roi,  c'est-à-dire  le  droit  de  peser  les  den- 
rées vendues  et  livrées  à  Troyes  et  de  percevoir  une 
redevance  en  argent,  pour  cette  peine,  avait  été  donné  à 
Tabbaye  deSt-Pierre-le-Vifde  Sens,  parle  comte  Hugues, 
en  1103.  Le  conseil  de  ville,  continuant  son  œuvre 
d'affranchissement,  transige  avec  le  délégué  de  cette 
abbaye.  Le  traité  fut  conclu,  moyennant  une  rente  an- 
nuelle de  25  liv.  rachetablo  au  capital  de  700,  dans  le 
délai  de  dix  ans.  Ce  rachat  n'eut  jamais  lieu.  La  ville 
jusqu'en  1789,  paya,  soit  à  l'abbaye  de  St-Pierre-le-Vif, 
soit  ensuite  au  chapitre  de  St-Louis ,  de  Versailles,  la' 
redevance  fixée  par  la  transaction  du  9  septembre 
U91  (2). 

En  juin,  le  conseil  décide  qu'il  sera  demandé  aux  offi- 
ciers du  roi  l'autorisation  de  faire  démolir  t  les  bordes 
de  mesel  habitées  par  les  lépreux  dans  les  banlieues  de 
la  ville  et  de  renvoyer  les  malades  au  lieu  de  leur  nais- 
sance, oc  Dans  le  XVe  siècle,  la  léproserie  de  Troyes  ne 
reçut  qu'un  petit  nombre  de  malades.  On  n'en  compte. 


(1)  CouRTiaoN.  Top.,  t.  n,  p.  289.  —  Corrard  de  Brbban,  Ru€$ 
de  Troyes,  p.  121.  —  Sémillard,  Màm. 

(2)  Arch.  mun.,  anc.  f.,  lay.  10,  liasse  unique.  —  Le  poids  du  roi 
était  établi  dans  la  rue  du  portail  principal  de  St-Jean,  qui  fut  long- 
temps désignée  sous  le  nom  de  rue  du  Poids  du  Roi.  Plus  tard,  U  fût 
transporté  à  THôtel-de-Ville ,  où  s'est  maintenu  jusqu'à  ce  jour  le 
bureau  de  vérification. 


U9i  CHAPITRE  XV  193 

guère,  en  même  temps,  que  de  deux  à  cinq;  quelquefois 
il  n'y  en  a  qu'un  seul.  Aussi  les  revenus  de  celte  maison 
sont-ils  employés  au  profit  des  habitants.  En  1411,  on 
compta  jusqu'à  onze  lépreux. 

Le  règlement  de  1411  sur  la  maladrerie  et  son  régime 
intérieur  est  exécuté  pendant  tout  le  XVe  siècle,  sans 
notable  changement.  La  ration  de  pain  est  toujours  fixée 
au  poids  du  pain  de  prébende,  plus  le  poids  d'un  œuf; 
trois  chopines  de  vin  par  jour;  la  pitance  est  de  16  s. 
8  d.  t.  par  mois  et  de  5  s.,  par  an,  pour  le  barbier.  Tous 
les  deux  ans,  chaque  lépreux  a  droit  à  une  robe  et  à  un 
chaperon.  Une  chambrière  soigne  un  ou  deux  malades 
au  plus,  et  chacune  reçoit  huit  livres  tournois  de  gage 
annuel. 

Les  maîtres  de  la  léproserie  sont  toujours  élus  parmi 
les  meilleurs  bourgeois.  Aussi  compte-t-on  parmi  eux, 
au  XVc  siècle,  Pierre  Le  Tarlrier,  Jean  Bareton,  Jean  de 
Vitel.  Jean  Dorigny,  Jacquinol  Benoit,  Henri  de  Premier- 
fait,  Innocent  Corrard,  Huet  Leguisé,  etc.  (1) 

La  ville  de  Troyes  eut,  en  août  1491 ,  une  sérieuse 
alerte  causée  par  la  guerre  de  Charles  VIII,  contre  Anne 
do  lîrelngne,  aidée  et  secondée  par  Maximilien,  roi  des 
Romains,  qui  l'épousa  par  ambassadeur.  Les  Allemands 
sont  sur  les  champs.  Les  habitants  de  Troyes  visitent  et 
mettent  en  état  de  service  rartilleric  et  toutes  les  armes 
dont  la  ville  dispose.  L'artillerie  est  montée  sur  les  rem- 
parts et  placée  dans  les  tours.  On  s'assure  de  la  solidité 
des  portes,  sur  lesquelles  on  place  des  couleuvrines  avec 
poudre  et  boulets  en  pierre.  On  ferme  les  poternes  de  la 
Tannerie  et  de  la  Madeleine.  On  s'assure  de  l'état  des 
chaînes  des  rues,  afin  de  les  tendre  au  besoin.  Le  guet, 
qui  est  augmenté,  est  armé  «  de  bâtons  à  feu,  de  salades 
et  d'armes  couvenables.  »  Les  portiers  et  les  maîtres  de 

(i)  Arch.  mun.|  série  E. 


494  HISTOIRE  DE  TROYES.  1491 

fer  s'assurent  des  gens  qui  entrent  en  ville  et  sont  au- 
torisés à  les  interroger  à  discrétion. 

Le  gouverneur  de  Champagne,  M.  d*Albret  d'Orval, 
informe  les  Troyens  que  deux  hommes  du  pays  de  Cham- 
pagne sont  près  du  roi  des  Romains.  Ils  lui  ont  assuré 
que  la  ville  pouvait  être  prise  par  Tendroit  où  les  bateaux 
chargés  de  boi3  abordent  la  ville  sous  les  remparts,  c'est 
au  port  de  Croncels,  par  l'arche  Maury.  Les  Allemands 
sont  dans  la  comté  de  Bourgogne  et  prêts  à  entrer  dans 
les  pays  du  roi.  Le  ban  et  l'arrière-ban  sont  convoqués 
pour  la  fin  d'août,  aux  Grandes-Chapelles  (1). 

Vers  la  fin  de  ce  mois,  l'alerte  a  cessé.  Les  Allemands 
se  retirent.  Le  guet  est  diminué  et  toutes  les  portes  de  ia 
ville  sont  ouvertes  (2). 

En  novembre,  M.  de  l'Esparre  et  son  frère,  le  gouver- 
neur de  Champagne,  viennent  à  Troyes.  La  ville  leur  fait 
les  présents  d'honneur  et  les  fournit  de  meubles  et  d'us- 
tenciles  de  ménage. 

Une  mesure  importante  fut  prise  le?  mars  1491  (v.  st.), 
en  matière  d'administration  financière.  Jusqu'alors  le 
pouvoir  royal  ne  paraît  avoir  eu  que  des  données  fort 
vagues  sur  la  population  et  les  ressources  des  provinces. 
La  recherch(»,  du  nombre  de  feux  dans  le  rovaume  est 
ordonnée  (3).  La  population  troyenne  s'émeut  d'une  pa- 
reille recherche.  Elle  craint,  non  sans  cause,  l'élévation 
des  impôts  de  toutes  sortes. 

On  recherche  le  nombre  de  feux  existant  dans  les  pays 
de  Langue-d*Oïl,  d'Outre-Seine,  de  Normandie  et  de 
Languo-d'Oc.  Sur  cet  avis,  il  est  procédé,  dans  chaque 
doyenné  de  Télection  de  Troyes,  à  la  nomination  de 
commissaires,  qui,  réunis  dans  la  loge  du  prévôt,  nom- 

(1)  Commune  du  canton  de  Méry,  à  23  k.  de  Troyes. 
(2:  A.,  n»  2. 

(3)  Bibl.  de  TEcole  des  Chartes,  1860,   p.  455.  Mandement  de 
Charles  VIII,  pour  connaître  le  nombre  deê  feux  du  royaume. 


1491  CHAPITRE  XV.  195 

ment  deux  députés  ayant  mission  de  se  rendre  à  Paris, 
près  des  généraux  des  finances,  ayant  mission  de  choi- 
sir les  personnes  chargées  de  faire  la  recherche.  L'as- 
semblée de  Troyes  donne  ses  pouvoirs  à  Guillaume 
Huvart  et  à  Etienne  de  Baussancourt.  11  leur  est  recom- 
mandé  «  de  dire,  remontrer,  écrire  et  articuler  les  gran- 
des charges  et  povretés  du  povro  pays  do  Télection  de 
Troyes  et  de  répondre  aux  remontrances,  quérimonies, 
povretés  et  doléances  que  ceux  des  aultres  pays  et 
élections  pourront  dire  et  proposer  contre  ceulx  de  l'é- 
lection de  Troyes  i>  (1). 

Après  le  carême;  la  ville  donne  (l  en  aumône  »  à 
deux  docteurs  religieux  qui  ont  prêché  en  ville  >  et 
grandement  remontré  les  vices  de  chacun  »  une  somme 
de  dix  livres.  Dans  la  même  séance,  le  conseil  accorde 
15  1.  t.  aux  arbalétriers,  afin  de  les  aider  à  réparer  une 
muraille  ser\ant  à  clore  leurs  buttes  du  côté  de  la  rue 
de  la  Pierre (2).  Le  jour  des  Saintes-Fontaines  (quatrième 
dimanche  de  carême)  est  celui  qui  est  choisi  par  les 
arbalétriers  pour  tirer  l'oiseau. 

Les  arquebusiers  on\,  à  cette  époque,  leurs  buttes  près 
de  St-Etienne,sans  doute  aux  Prés  aux  driels,  ancienne 
lice  des  champions,  appelés  en  combat  judiciaire  (3). 
Les  buttes  des  archers  sont  aux  fossés  Patris  (i). 

La  création  de  la  compagnie  des  arquebusiers  date  de 
l'année  U83  (5). 

Les  trois  compagnies  des  archers,  des  arbalétriers  et 

1)  Arch.  mun.,  B.,  49.  Titre  du  compte  de  Vimpôt  de  2  d,  t,  de 
la  livre,  levés  tant  pour  la  solde  des  gens  de  guerre  que  pour  le 
voyage  de  Guillaume  Huyard  et  d'Etienne  de  Baussancourt, 

(2)  A.,  2. 

(3)  GoDEFBOY.  Bist,  de  Cluxrles  VIIL  Entrée  du  roi,  à  Troyes,  le 
12  mai  i486. 

(4)  B.,  53. 

(5)  Arcb.  mon.i  anc.  f.,  lay.  40. 


496  HISTOIRE   DE   TROYES.  1493 

des  arquebusiers  existent  simultanément  à  partir  de  cette 
date.  Elles  continuent  à  vivre  pendant  tout  leXVI«  siècle 
et  la  plus  grande  partie  du  XVIIe.  Les  arquebusiers  sur- 
vécurent aux  deux  premières  en  date.  Cette  compagnie 
expira  avec  Tancienne  monarchie.  Il  peut  même  y  avoir 
eu  interruption,  elle  a  pu  ne  pas  toujours  exister.  Vers  la 
fin  du  XVe  siècle  et  au  commencement  du  XVIe,  on  trouve 
aux  archives  municipales,  chaque  année,  mention  des 
dons  faits  au  roi  des  archers  et  à  celui  des  arbalétriers, 
tandis  que  ce  n'est  que  vers  le  milieu  du  XVI*  siècle, 
que  ce  don  au  roi  des  arquebusiers  est  inscrit  aux 
comptes  de  la  ville.  Le  roi  des  arbalétriers  reçoit  cent 
sous  et  celui  des  archers  soixante. 

Dans  le  cours  du  XV^  siècle ,  l'administration  de  la 
cité  s'efforce  de  retenir  à  Troyes  des  médecins,  en  leur 
payant  pension.  En  1442,  elle  paie  à  Jean,  fils  de  Jean 
Bouquin,  trente  écus  d'or  pour  l'aider  à  faire  ses  études 
médicales.  En  1479,  elle  retient  Jean  Barras,  docteur  en 
médecine  à  Paris,  ainsi  qu'un  autre  médecin  de  Langres, 
aux  gages  de  60  liv.  t.  par  an,  et  sauf  aux  malades  à 
les  payer  raisonnablement.  En  1482,  Jean  Ramerel,  chi 
rurgien,  réclame  une  pension.  11  appuie  sa  demande  sur 
ce,  qu'avec  l'aide  de  Dieu,  des  benoits  saint  Cosnie  et 
saint  Damien,  ensemble  son  art  et  industrie  et  le  remède 
qu'il  sait  contre  la  peste,  il  a  guéri  plus  de  trente  pes- 
tiférés. —  En  148(5,  le  conseil  accorde  soixante  livres, 
par  an,  à  Me  Etienne  de  Villiers,  afin  de  se  faire  rece- 
voir docteur  en  médecine. 

En  1492,  le  conseil  s'occupe  de  la  navigation  de  la 
Seine  et  de  la  Barse  Les  gens  du  roi  à  Troyes,  Jean  de 
Marisis,  président  de  l'échevinage  ,  et  quatre  commis- 
saires se  rendent  à  Montiéramey,  afin  de  se  rendre 
compte  s'il  y  a  possibilité  de  faire  porter  bateau  à  la  Barse 
au  delà  de  l'abbaye.  L'abbé  et  le  couvent  s'opposent  au 
passage  des  bateaux  au-dessus  de  leur  maison.  Lusiguy 


149t 


CHAPITRE  XY.  197 


a  un  port  nommé  le  port  des  Vignes ,  où  l*on  charge  et 
décharge  blé,  bois,  tuiles,  etc. 

La  même  commission  se  rend  aux  moulins  de  Gour- 
celles,  où  Jean  de  Vilel  fait  construire  «  tout  à  travers  la 
rivière,  >  afin  de  s'assurer  les  moyens  délaisser  passer  les 
bateaux.  Le  procureur  de  la  ville  s'est  opposé  à  la  cons- 
truction de  ces  moulins  dans  l'intérêt  de  la  navigation. 
Jean  de  Vitel,  s'étanl  engagé  à  se  conformer  aux  pres- 
criptions qui  lui  sont  données ,  continue  ses  construc- 
tions. 

L'année  suivante,  le  prévôt  des  marchands  et  les 
échevins  de  Paris  envoient,  à  Troyes,  un  de  leurs  clercs 
et  un  sergent,  et,  de  cette  ville,  dans  chacun  des  villages 
assis  sur  la  Barse,  de  la  Rivour  à  Vendeuvre,  où  ils 
passent  douze  jours,  faisant  commandement  d'ôter,  dé- 
molir et  arracher  tous  les  encombrements  qui  se  trou- 
vent sur  le  cours  de  cette  rivière.  Tous  les  riverains 
s'exécutent.  L'abbaye  de  la  Rivour  veut  résister,  mais 
elle  est  obligée  de  céder.  En  1495,  la  ville  de  Troyes 
fait  creuser,  à  ses  frais,  c  une  rivièro  neuve  »  dans  les 
prés  de  cette  abbaye,  pour  faire  monter  les  bateaux  vers 
Monliéramey.  Elle  traite  avec  le  meunier  de  Lusigny, 
pour  l'exécution  de  certains  travaux,  notamment  c  pour 
le  tour  des  bateaux  au  moulin  d'Amancières  (1)  au 
dessous  et  au  plus  près  de  l'abbaye  de  Montiéra- 
mey  »  (2). 

La  ville  traite  avec  le  commandeur  de  Saint-Jean-de- 
Jérusalem,  pour  le  passage  des  bateaux  dans  les  van- 
nages de  ses  moulins  de  Verrières  et  de  Sencey.  Dès 
1484,  Pierre  Largentier,  maître  teinturier,  a  fait  don  aux 
habitants  de  tous  les  droits  qu'il  avait   sur  une  place 

(1)  Disparu  au  XYIe  siècle.  Il  occupait  à  peu  près  Templacemeiil 
du  pont  du  chemin  de  fer  sur  la  Barse,  près  de  Montiéramey. 

(2)  Arch.  mun.^  B  ,  42.  —  Boutiot.  Notice  sur  la  navigation  de 
la  Seine  et  de  la  Barse,  1856. 


198  HISTOIRE  DE  TKOYES.  uff 

appelée  lo  port  de  Croncels,  afin  d*y  descendre  toutes  les 
marchandises  amemVs  à  Troyes,  et,  en  1500,  la  ville 
achète  de  Jean  Henncquin  son  jardin  de  Croncels,  et  le 
convertit  en  port  au  hois. 

Il  n'y  a  pas  encore  six  ans  que  les  habitants  de  Troyes 
sont  affranchis  de  la  laille  et  de  toutes  sortes  d'impôts, 
lorsqu'en  1 191 ,  on  levé  sur  eux  de  nouvelles  imposi- 
tions. En  1492,  le  roi  a  des  besoins  d'argent.  De  Nantes, 
où  il  est  arrivé  le  l  avril,  il  écrit  à  Troves  et  demande 
une  somme  de  7,500  liv.  t.,  à  titre  d'impôt.  Des  commis- 
saires  spéciaux    vieiment  en  opérer  !a  levée.  Ceux-ci 
arrivent  le  15  mai.  Lo  con.^oil   leur  fait  bon  accueil.  Il 
décide   même  que,  des  deniers  de  la  ville,  on  leur  fera 
faire  bonne  chore  et  (ju'on  leur  exposera  et  la  pauvreté 
vt  les  charges  considérables  de  la  villo,  afin  qu'elle  de- 
meure quitte  dt*  cette  aide,  ou  au  moins  qu'elle  en  sup- 
porte le  moins  possible.  Le  conseil  offre  de  traiter  avec 
les  envoyés  du  roi,  il    propose  d'abord  3.000  liv.,  mais 
on  s'accorde  sur  5,000.  Il  décide  en   miMiie  temps  que 
pour  obtenir  cette  somm?,  la  ville  contractera  un  em- 
prunt de  :2,000  liv.  t.  i  Troyes.  et  un  autre  de  3,000  à 
Paris.   Les  choses  conclues ,   le  conseil  trouva  que  les 
commissaires  «  s'étoiont  conduits   on  toute  douceur.  • 
Aussi  hailla-t-il  à  mos'îoinoisolles  leurs  Ifinines  cl  à  cha- 
cune d'elles,  du  linge  ilo  table  pour  oO  l'v.  t.  (I\ 

Ku  août  1  I9i,  y  a-I-il  crainte  de  ;ruorre,  ou,  au  con- 
traire, le  roi  fait-il  emmai::asiner  ses  munitions  de  guerre 
u  Troyes,  pour  s'en  servir  au  besoin  :  ia  [>aix  paraît  ré- 
gner partout.  Toujours  est-il  que  le  roi  aimonce  l'envoi, 
à  Troyes,  d'une  gran  le  provision  d'armes  de  toutes 
sortes,  halecrots,cervelières  (casques),  piques,  hallebar- 
des, vouges,  arcs,  triasses,  arbalètes,  traits,  tentes,  pa- 

{{)  Arch.  mun.,  u.  t'. 


XV  s.  CHAPITRE  XV.  199 

vîllons,  etc.  Il  demande,  en  outre,  de  faire  préparer  six 
mille  traits  d'arbalètes  (1). 

Avant  de  nous  occuper  de  rétablissement  déflnitif 
de  Téchevinage,  faisons  connaître  Tétat  des  écoles  depuis 
1479. 

En  celte  année,  Me  Pierre  Picart  régente  les  écoles  de 
la  ville,  qu'il  a  prises  à  sa  charge  ou  qu'il  encourage. 
Ses  services  ne  répondent  sans  doute  plus  aux  besoins 
du  jour.  Le  conseil  appelle  de  Paris  Me  François  Cousi- 
Dot,  maitre-ès-arts ,  afin  de  Tadjoindre  à  son  ancien 
régent,  mais  il  ne  peut  s'entendre  avec  lui. 

En  1481,  Me  Pierre,  dit  Chrétien,  prêtre,  est  recteur 
des  écoles.  Pendant  plusieurs  années  il  reçoit  une  pen- 
sion annuelle  de  seize  livres. 

En  dehors  de  la  grande  école ,  tenue  dans  la  maison 
de  Jean  de  Yitel,  la  ville  renferme  plusieurs  petites 
écoles.  Simon  Maçon,  prêtre,  a  cinq  élèves,  suivant  ses 
leçons  de  grammaire  ;  messire  Pierre  Lacaille  a  le  même 
nombre  d'élèves  ;  messire  Jean  Bonnin  en  a  vingt-cinq 
sou»  sa  férule;  Me  Pierre  Savine  est  aussi  maître  d'é- 
cole ,  Jacques  Guillemin  et  Jean  Pissot  régentent  en- 
semble. Troyes  a  donc  trois  clercs  et  cinq  laïques  tenant 
école.  Les  deux  derniers  sont  invités  à  élever  la  force 
des  études  ;  à  l'avenir ,  leurs  élèves  liront  les  grandes 
leçons. 

De  nouveaux  embarras  surviennent  en  4488.  La 
grande  école  a  été  fermée  par  suite  de  difficultés  tou- 
chant la  maîtrise.  Ces  embarras ,  s'ils  sont  levés  en 
1488,  reparaissent  en  1491.  L'assemblée  de  la  Saint- 
Barnabe  est  saisie  d'une  requête  du  chapitre  de  St-Pierre 
et  de  messire  Gras,  son  sous-chantre^  à  l'occasion  de  la 
collation  et  de  la  provision  des  écoles  de  grammaire. 
Cette  assemblée,  qui  entre  dans  une  nouvelle  voie,  ne 

(4)  A.,  2. 


200  HISTOIRE   DE  TROVES.  xvS. 

ri^sout  pas  la  question,  mais  renvoie  son  examen  à  MM. 
les  onîciers  du  roi  et  à  ceux  de  la  ville,  quelques  membres 
du  clergé  étant  appelés,  afin  d'ordonner  le  rétablisse- 
ment des  grandes  écoles  •  comme  elleà  étoient  autre- 
fois. »  En  1489,  le  conseil  ouvre  une  sorte  de  souscrip- 
tion volontaire  pour  subvenir  aux  besoins  des  écoles. 

Les  écoles  ouvertes  sont  de  nouveau  fermées;  la 
peste,  la  syphilis  même,  alors  dans  toute  sa  force  épi- 
démique ,  obligent  à  prendre  cette  mesure. 

Quels  sont  les  résultats  obtenus  à  la  fin  du  XVe  siècle? 
Quelle  est  Tinstruction  en  dehors  des  cloîtres  et  du 
clergé?  Enfin,  quel  est  Tétat  général  de  Tinstruction 
publique  et  populaire  parmi  les  habitants  de  Troyes? 
Ces  questions  sont  difficiles  à  résoudre. 

Si  Ton  en  juge  par  les  documents  écrits  émanés  des 
laïques,  on  doit  croire,  quoique  l'écriture,  vers  la  fin  du 
XVe  siècle,  soit  belle,  claire,  parfaitement  lisible,  d'une 
netteté  et  d'une  rectitude  de  traits  qui  en  font  une  des 
belles  époques  de  la  calligraphie;  quoique  ces  documents 
soient  d'un  style  facile,  j'allais  dire  agréable  et  piquant, 
l'écriture  ne  paraît  oncore  pratiquée  que  par  le  petit 
nombre.  La  bourgeoisie  écrit  et  écrit  bien.  Les  bour- 
geois signent  leur  nom  avec  griffe  et  |)araphe  ;  le  tout 
tracé  avec  élégance.  Ces  signatures  décèlent  une  grande 
habitude  de  récriture.  La  bourgeoisie  a  abandonné  les 
sceaux,  par  elle  mis  en  usage  au  XlVe  siècle.  Les  artisans 
ne  savent  encore  rien  ou  presque  rien  de  l'art  d'écrire. 
A  cette  époque,  cet  ait,  rempli  d'élégance,  nous  a  laissé 
des  chefs-d'œuvre,  et  au-dessous  do  ces  chefs-d'œuvre, 
des  pièces  d'écriture  admirablement  tracées  par  des  gens 
qui  n'étaient  pas  des  artistes  Les  relations  commer- 
ciales, fort  développées,  obligent  la  bourgeoisie  à  ne 
négliger  aucun  moyen  pour  satisfaire  à  des  besoins  de 
plus  en  plus  impérieux. 


U<9B  CHAPITRE  XV.  201 

Il  est  impossible  d'apprécier  sur  d'autres  éléments, 
rinstruction  populaire  au  XV«  siècle  (1). 

L'enregistrement  à  la  Cour  des  comptes  des  lettres 
d'échcvinage  de  1481,  est  séparé  par  un  intervalle  de 
neuf  années  de  celui  du  Parlement.  Cette  dernière  Cour 
entérine  ces  lettres  le  20  juillet  1493.  Elle  délègue  l'un 
de  ses  membres,  M^  Jean  Angenoust,  pour  la  publication 
de  ces  lettres  et  de  l'arrêt  d'enregistrement,  et  l'instal- 
lation du  maire,  des  échevins  et  des  conseillers  de 
ville. 

La  plus  grande  partie  des  dispositions  renfermées  dans 
les  lettres-patentes  de  Louis  XI,  de  mars  1481  (v.  st.), 
sont  maintenues  par  la  Cour  souveraine,  qui  n'y  ajoute 
que  quelques  prescriptions  nouvelles.  Le  maire  fera  ser- 
ment entre  les  mains  du  bailli  ou  de  son  lieutenant.  — 
En  cas  de  décès  d'un  ou  de  plusieurs  conseillers,  les 
survivants  les  remplaceront  par  la  voie  de  l'élection.  — 
En  cas  de  décès  du  maire  ou  des  échevins,  les  survivants 
et  les  conseillers  pourront  en  nommer  d'autres  chargés, 
jusqu'aux  nouvelles  élections,  des  fonctions  des  décédés. 

—  La  police  sur  le  pain  et  l'exercice  de  la  boulangerie 
est  remise  aux  njains  du  maire  et  des  échevins.  —  Le 
pain,  de  mal-façon  et  de  petit  poids,  est  saisi  par  les 
sergents  <le  l'échevinage  et  porté  en  l'auditoire  du  prévôt, 
et  cet  officier  prononce  l'amende  au  profit  du  roi.  -  Le 
maire  et  les  échevins  peuvent  édicter  des  ordonnances 
sur  la  boulangerie,  après  avoir  appelé  le  bailli  ou  son 
lieutenant,  et  en  faisant  les  publications  au  nom  du  roi. 

—  *  L'émolument  »  de  la  juridiction  accordée  au  maire 
et  aux  échevins  profite  au  roi,  et  la  juridiction  s'exerce 
aux  frais  de  la  ville.  —  Les  maire  et  échevins  peuvent 
faire  assembler  la  communauté  des  habitants,  mais  à  la 


(1)  BouTioT.  Histoire  de  Vlusiruction  publique  et  populaire^  à 
Troyeê^  pendant  les  quatre  demien  sièelea^  1865. 


202  HISTOIRE   DE  TliOYES.  1488 

charge  de  prévenir  le  bailli  ou  son  lieutenant,  et  de  lui 
faire  connaître  les  causes  de  cette  convocation,  t  sauf  le 
»  jour  de  la  St-Barnabé  auquel,  d'ancienneté,  les  habi- 
»  tants  de  Troyes  ont  coutume  de  s'assembler  au  son  de 
»  la  cloche,  et  où  ils  sont  tenus  d'élire  leur  maire  et 
»  autres  officiers.  »  Les  habitants  de  Troyes  sont  auto- 
risés à  accepter  les  legs  faits  en  leur  faveur ,  sauf  les 
droits  du  roi. 

En  septembre  1493  ,  pendant  le  séjour  de  M®  Jean 
Angenoust,  il  est  procédé  aux  élections  du  maire,  des 
échevins  et  des  conseillers.  Le  maire  est  Edmond  Bou- 
cherai ou  Le  Boucherat,  marchand,  élu  le  26  septembre, 
au  réfectoire  des  cordeliers  (1)%  M^  Jean  Angenoust  ins- 
talle les  élus  et  dresse  procès-verbal  des  faits  auxquels 
il  préside.  Les  lettres  de  1481  et  le  procès-verbal  qui 
constate  sa  première  application  régirent  pendant  deux 
siècles  l'administration  de  la  ville  de  Troyes,  sauf  quel- 
ques modifications  apportées  par  le  temps,  surtout  à 
l'égard  des  élections.  Encore  de  nos  jours,  le  maire  de  la 
ville  de  Troyes  vise  les  lettres  de  Louis  XI,  de  1481, 
lorsqu'il  ordonne  le  curage  des  rivières  et  ruisseaux  qui 
sillonnent  le  territoire  et  la  ville  de  Troyes  (2). 

En  dehors  des  attributions  données  au  corps  de  l'éche- 
vinage  par  les  lettres  de  1470  et  de  1481 ,  larrét  de  la 
Cour  des  comptes  de  1484,  celui  du  Parlement  du  20 
juillet  1493,  et  le  procès-verbal  de  septembre  suivant,  le 
njaire  et  les  échevins  exercèrent  certaines  attributions 
spéciales,  notamment  celle  de  nommer  et  ensuite  de  pré- 

(1)  Edmond  Boucherai  est  bien  légalement  le  premier  maire  de 
Troyes,  depuis  1470;  mais  on  no  peut  oublier,  dans  celte  liste  des 
premiers  magistrats  «le  la  ville  de  Troyes ,  Jean  de  Marisy,  qui  prit 
plusieurs  fois  la  qualilô  do  maire,  et  notamment  en  1471,  1484,  1488 
et  1491,  et  qui  était  président  de  réchevinagc.  11  prit  aussi  cette 
dernière  qualité,  ainsi  que  Simon  Liboron,  plus  tard  avocat  du  roi  au 
bailliage. 

(2)  Arch.  mun.,  anc.  f.,  iay.  n»»  3  et  4,  et  cartulaire. 


14»3  CHAPITRE   XV.  203 

8enler  au  roi  les  officiers  de  THôtel  des  Monnaies,  et  de 
veiller  à  la  garde  et  à  la  sûreté  de  la  ville.  L'ancien  con- 
seil jouissait  de  ces  deux  prérogatives ,  et  les  officiers 
nouvellement  institués  et  leurs  successeurs  les  exercè- 
rent pendant  le  XVI*  siècle  et  une  partie  du  XVIIc.  La 
garde  de  la  ville  ne  sortait  des  mains  du  magistrat  de  la 
cité  que  dans  de  rares  circonstances,  en  temps  de  guerre 
ou  de  troubles,  pour  passer  on  celles  du  gouverneur  do 
la  province  ou  de  son  lieutenant.  On  voit  aussi  quelque- 
fois l'échevinage  donner  son  avis  sur  Topportunité  de 
construction  de  certaines  forteresses  ou  châteaux-forts, 
comme  celui  de  liosières ,  en  1520,  et  celui  de  Mont- 
gueux  ,  construit  par  Etienne  Format ,  vers  la  môme 
époque,  et  dont  le  plan  est  encore  gravé  sur  le  sol  par  les 
fossés  dont  il  fut  entouré. 

L'échevinage  eut  toute  l'énergie  d'une  nouvelle  insti- 
tution. Le  mairo,  les  échevins  et  les  conseillers  de  ville 
s'occupent,  avec  la  plus  vive  et  la  plus  active  sollicitude, 
des  intérêts  qui  leur  sont  confiés.  Us  s'efforcent  de  ré- 
pondre aux  besoins  de  leur  époque  et  ils  arrivent  à  leur 
but.  Ils  portent  leur  attention  sur  toutes  les  parties  de 
l'administration.  Ils  publient  des  règlements  de  police 
sur  la  propreté  des  rues,  l'entretien  des  ruisseaux  et 
rivières.  Ils  l'ont  réparer  les  grands  chemins  et  autres 
avenues  de  la  ville.  Us  achètent  l'hôtel  de  Mcsgrignv, 
pour  y  établir  riiôtel-de-ville.  Us  font  étudier,  s'il  y  a 
possibilité  d'amener  en  ville  l'eau  delà  fontaine  de  Nui- 
sement,  près  de  Torvilliers.  Les  travaux  sont  abandon- 
nés, non  par  les  craintes  d'une  dépense  trop  considéra- 
ble, mais  par  crainte  d'insuffisance  d'eau.  Us  font  des 
règlements  à  l'occasion  des  maladies  contagieuses  et 
épidémiques,  sur  la  circulation  publique  des  lépreux, 
la  nouvelle  maladie,  nommée  par  les  uns,  le  mal  de 
Naples  ,  par  les  autres,  le  mal  espagnol,  et  qui  n'est 
autre  que  la  syphilis  ;  contre  les  vagabonds  ,  maraulx  , 


204  HlSTOfRE    DE  TROYES.  1497 

bélîtres  et  autres  gens  sans  aveu,  encombrant  la  ville. 
Ils  prennent  soin  des  titres  et  renseignements  constituant 
les  archives  de  la  ville.  Us  édifient  <  la  voûte  >  ou 
Trésor  pour  y  déposer  ces  titres,  qu'ils  trouvent  encore 
à  rHôtel-I)ieu-le-Comte,  où  ils  sont  en  dépôt  depuis  près 
d'un  siècle.  Ils  provoquent  la  suppression  ou  le  rachat 
des  anciens  droits  féodaux  entravant  la  liberté  commer- 
ciale et,  en  cette  partie,  continue  avec  efficacité  et 
succès,  l'œuvre  commencée  par  Tancien  conseil.  Cette 
activité  répond  au  vif  besoin  d'améliorations  matérielles, 
provoqué  par  l'aisance  et  la  richesse  des  particuliers,  les 
relations  sociales  et  commerciales  des  habitants  ,  dont 
quelques-uns  au  moins  commercent  €  sur  terre  et  sur 
mer.  »  Cette  époque,  sous  ce  rapport  et  toute  proportion 
gardée  entre  les  moyens  mis  à  leur  portée,  a  beaucoup 
d'analogie  avec  celle  où  nous  vivons. 

En  1497 ,  les  lettres  de  l'échevinage  sont  affichées 
aux  portes  de  la  ville,  dans  un  tableau  spécial ,  afin  que 
personne  n'ignore  la  loi  qui  régit  la  cité.  L'année  précé- 
dente,  Charles  VIII  dispense  les  maire  et  échevins  de 
comparaître  en  personne  aux  assises  du  bailliage,  mais 
ils  doivent  s'y  faire  représenter  par  procureur,  et  si,  le 
24  mai  1500,  Louis  XII  ordonne  la  comparution  à  ces 
assises,  du  maire  de  deux  échevins  et  du  procureur  de 
la  ville,  cet  acte  de  la  volonté  royale  ne  reçut  pas  d'exé- 
cution (1). 

En  1498,  le  roi  autorise  févéque  de  Troyes  à  aj^sisler 
au  conseil  toutes  les  fois  qu'il  y  sera  discuté  des  affaires 
touchant  à  fintérôt  du  roi. 

A  peine  l'échevinage  est-il  installé  définitivement  que 
Charles  VIII  fait  publier  des  lettres  prescrivant  la  ré- 
daction des  coutumes  des  diverses  provinces  ou  bailliages 
du  royaume.  Charles  VII,  en  1453,  el  Louis  XI,  en  1481, 

(i;  Arch.  mun.^  anc.  f.,  lay.  2«,  i3«  liasse. 


XV  s.  CHAPITRE  XV.  205 

avaient  déjà  prescrit  cette  rédaction,  et,  à  cette  dernière 
date,  celles  de  Troyes  avaient  fait  Tobjet  d'une  première 
rédaction. 

La  peste  apparaît  à  Troyes  en  1478  et  frappe  la  popu- 
lation de  la  ville  et  de  la  province  pendant  plusieurs 
années.  Elle  est  de  nouveau  signalée  en  1491  et  prend 
possession  de  la  ville  jusqu'en  1499.  Aucun  secours  pu* 
blic  ne  paraît  organisé.  Un  habitant  de  la  rue  Moyenne 
remplit,  pour  sa  femme,  les  tristes  fonctions  de  fos- 
soyeur. Il  porta  son  cadavre  sur  ses  épaules  et  le  mit  en 
terre  au  cimetière  de  Notre-Dame.  Une  mère  de  famille 
reste  seule  après  avoir  vu  mourir  son  mari  et  ses  six 
enfants.  On  démolit  sa  maison  en  partie,  aHn  de  la  forcer 
àh  quitter,  on  brûle  ses  meubles  et  ses  vêtements.  En 
1495,  Téchevinage  fait  brûler  une  maison  près  de  la 
fausse  porte  de  St-Antoine  :  un  père  et  ses  quatre  en- 
fants y  ont  rendu  le  dernier  soupir.  Les  hospices  et 
lîôpitaux  ne  contribuent,  ni  par  leur  personnel,  ni  par 
leurs  revenus,  au  soulagement  des  malades.  La  ville 
fait  distribuer  des  secours  aux  malades  et  leur  fait 
donner  des  soins.  Les  vagabonds  et  les  bélîtres  rem- 
plissent rofRcc  de  fossoyeurs. 

La  maladie  se  fait  voir  €  par  des  bosses  »  aux  aines 
et  aux  aisselles.  A  ce  caractère,  on  reconnaît  la  peste  noire 
de  540  et  de  1345.  Le  traitement  estrincision  et  Tappli- 
cation  locale  d'onguent  dont  la  composition  est  restée 
inconnue.  La  maladie  frappe  surtout  les  enfants.  Il  y  a 
presque  toujours  plusieurs  victimes  dans  la  même  famille. 

Au  XVe  siècle,  Tédilitc  troycnne  comprend  que  la 
conjonction  des  astres  n'est  pas  la  cause  des  épidémies. 
Rejetant  l'opinion  formulée  par  le  corps  médical  de 
France  au  siècle  précédent,  elle  n'attribue  pas  à  la  ren- 
contre de  Jupiter  et  de  Saturne  dans  le  Verseau  les 
épidémies  dont  l'humanité  est  frappée.  Le  secours  des 
médecins  et  des  chirurgiens  est  invoqué.  Des  mesures 


206  HISTOIRE  DK   TROYES.  1497 

hygiéniques  sont  prises  pour  combattre  la  marche  de  la 
maladie.  Les  grandes  chaleurs  et  la  malpropreté  sont 
considérées  comme  des  causes  qui  agissent  sur  le  déve- 
loppement des  influences  pestilentielles.  Aussi  ordonne-t- 
on le  nettoyage  des  rues  et  Tenlèvement  des  fumiers  qui 
y  séjournent.  On  défend  l'entretien  en  ville  des  porcs, 
des  lapins  et  des  volailles.  On  expulse  les  vagabonds  et 
les  bélîtres  qui  encombrent  la  ville,  et  il  est  interdit  aux 
hôpitaux  et  aux  hôt  ?licrs  de  les  loger.  Les  lépreux  doi- 
vent se  retirer  en  leurs  bordes.  Il  est  en  outre  défendu 
aux  bouchers,  aux  boulangers  et  aux  pâtissiers  de  laisser 
toucher  les  vivres  qu'ils  débitent,  avant  qu'ils  ne  soient 
vendus. 

Petit-Jean ,  le  franc-archer ,  soigne  les  pestiférés  aux 
frais  de  la  ville,  qui  entretient  à  ses  portes  des  gardes 
spéciaux  pour  empêcher  d'entrer  les  gens  venant  des 
pays  où  règne  la  contagion.  Le  péageur  du  pont  de  Sen- 
cey  répare  l'une  des  maisons  élevées  au  dessous  des 
vannes  tranchines,  dans  des  terrains  vagues,  afin  d'y 
loger  les  personnes  qui  ont  vécu  avec  des  pestiférés 
«  les  essorer  et  leur  faire  reprendre  du  bon  air.  »  La 
ville  donne  des  secours  en  argent  à  certains  habitants 
pour  leur  permettre  d'aller  vivre  aux  champs  (1). 

Pendant  cette  période  de  contagion  pestilentielle,  le 
mal  de  Naples  fait  son  apparition  à  Troyes.  Le  bailliage 
rend  des  ordonnances  pour  l'expulsion  des  malades,  le 
7  mars  1497  (nouveau  style),  c'est-à-dire  le  lendemain 
du  jour  où  le  Parlement  de  Paris  prend  ses  mesures 
pour  en  sauvegarder  la  population  parisienne ,  en  or- 
donnant à  tous  les  étrangers  de  sortir  de  Paris ,  aux 
habitants  aisés  de  ne  pas  quitter  leurs  maisons ,  et  aux 
habitants  pauvres  de  se  retirer  dans  un  lieu  de  refuge... 
qu'on  allait  bâtir  pour  les  recevoir. 

(i)  B.,  66. 


ii97  CHAPITRE  XV.  207 

De  son  côté  le  bailliage,  pour  obvier  aux  grands  dan- 
gers et  inconvénients  qui  sont  survenus,  surviennent  et 
peuvent  survenir  pendant  Tété,  en  raison  du  nombre 
excessif  des  nialades  de  la  lèpre  et  de  la  syphilis ,  qui 
sont  ou  viennent  demeurer  à  Troyes  ,  ordonne  à  tous 
étrangers  atteints  de  ces  maladies  de  quitter  la  ville,  et, 
aux  lépreux,  de  n'y  rentrer  avant  la  St-Remy,  à  peine 
d'avoir  les  oreilles  coupées  et  d'être  chassés  de  la  ville 
par  l'exécuteur  de  la  haute  justice.  Quant  aux  malades 

de  la  grosse  v ,  nés  à  Troyes,  il  leur    est  défendu, 

sous  les  mômes  peines,  de  sortir  de  leurs  maisons  avant 
leur  guérison.  —  L'année  suivante,  l'autorité  expulse  de 
la  ville  des  jeunes  filles  c  de  vie  >,  atteintes  de  celte 
maladie  (1). 

Cette  maladie  est  à  Troyes,  dès  l'origine,  désignée  par 
son  véritable  nom  indiquant  son  lieu  d'origine  :  le  mal 
eJe  Naples.  Kn  effet ,  c'est  avec  l'armée  de  Charles  VIII 
cque  cette  maladie  fait  son  entrée  en  France ,  à  son  re- 
tour d'Italie,  avec  une  violence  ignorée  de  nos  jours. 
Cette  maladie  se  communiquait  et  se  propageait,  comme 
toutes  les  maladies  contagieuses,  par  le  toucher,  même 
par  les  exhalaisons.  Ulrich  de  Hutem  préconise  l'emploi 
tlu  bois  de  Gayac  contre  la  syphilis.  Ce  n'est  pas,  selon 
lui,  rAmérique  qui  dota  l'Europe  do  cette  maladie,  mais 
ce  fut  cette  région  qui  envoya  le  remède ,  le  bois  de 
Gayac  (2). 

Par  les  soins  du  nouvel  échevinage,  la  ville  est  appro- 
visionnée de  marée  fraîche,  expédiée  d'Âbbeville.  En 
1494,  le  conseil,  pour  décider  le  marchand  a  continuer 
sou  commerce ,  lui  accorde  <    une  robe  de   livrée.  » 

11)  A.,  2. 

(2)  L'expérience  et  approbation  de  Ulrich  de  Hutem ,  notable 
chevalier,  touchant  la  médecine  du  bois  dit  Gaiacum ,  pour  cir- 
convenir et  déchiuser  la  malcuiie  induement  appelée  la  Maladie 
franfoyêê.  —  Tsghbmsr.  Bull,  du  BibliophUe^  octobre  et  noT»  1863. 


208  HISTOIRE  DE  TROYES.  1494 

L'hiver  suivant,  Jean  Castelan  <  chassemarée  »  continue 
à  amener  à  Troyes,  du  poisson  de  mer  frais.  Pour  Ten- 
coupager,  —  car  il  est  en  perte  et  on  attend  le  roi ,  — 
le  conseil  lui  prête  dix  livres  à  deux  fois.  L'année  sui- 
vante, il  ne  revint  plus  (1). 

En  1494,  les  tonneliers,  au  nombre  de  quatre-vingt- 
quatre  (i)  demandent  leur  loi  à  Tautorité  royale.  Ils  se 
constituent  en  collège  et  communauté  sous  le  patronage 
de  saint  Jean  l'Evangéliste.  —  Chaque  tonnelier  est  bâ- 
tonnier, à  commencer  par  le  plus  ancien.  —  Les  ofTices 
religieux  se  célèbrent  <  en  Thôpital  monseigneur  saint 
Antoine,  »  comme  il  est  d'usage.  —  Les  cierges  sont  pris 
par  chaque  confrère,  le  jour  de  la  fête,  sous  peine  d'a- 
mende. —  Les  élections  des  maîtres-jurés  se  font  tous 
les  deux  ans.  —  Le  just  ou  contenanct^  ou  ajustage  des 
vaisseaux  est  fixé  ainsi  qu'il  suit ,  tant  pour  ceux  qui 
sont  fabriqués  à  Troyes  que  pour  ceux  qui  y  sont  vendus, 
savoir  :  la  queue  à  quarante-cinq  septiers  et  au  dessus  ; 
muids  et  demi-muids  t  à  Téquipolent  ;  »  la  queue,  pour 
mettre  de  Thuile,  à  quarante- un  septiers;  le  muids  et 
le  demi-muids  t  à  l'équipolent,  »  sous  peine  de  confis- 
cation et  de  cinq  sous  d'amende,  moitié  au  roi  ou  haut- 
justicier  et  moitié  à  la  confrérie.  —  Il  est  interdit  de  faire 
usage,  dans  le  bailliage  de  Troyes,  de  tonneaux  d'une 
autre  contenance.  —  La  réparation  de  vaisseaux  d'une 
autre  jauge  est  même  interdite.  —  De  même,  tout  pro- 
priétaire, pour  son  usage,  faisant  fabriquer  des  tonneaux, 
ne  pourra  le  faire  qu'en  se  conformant  à  l'ordonnance. 
—  Le  droit  d'entrée  dans  la  corporation  est  fixé  à  60 
sous  pour  les  apprentis  de  la  ville,  moitié  pour  la  con- 
frérie et  moitié  pour  payer  à  boire  aux  compagnons.  — 
Les  fils  de  maître  sont  dispensés  du  chef-d'œuvre  et  ne 

(1)  A.,  2. 

(â)  On  ne  compte  à  Troyes,  en  i87S,  que  27  tonneliers  patentés. 


ii96  CHAPITRE   XV.  209 

paient  que  quinze  sous  pour  leur  entrée  en  maîtrise.  — 
Les  compagnons  étrangers ,  venant  travailler  à  Troyes, 
doivent  cinq  sous  à  la  confrérie  et  s'ils  veulent  passer 
maîtres,  ils  paient  cent  sous.  —  Tout  ouvrage  de  ton- 
nellerie sera  marqué  au  nom  du  fabricant.  —  Il  est 
permis  de  fabriquer  des  vaisseaux  appelés  caques  ;  ils 
doivent  être  d'une  contenance  fixe  de  douze  septiers,  — 
L'assistance  aux  funérailles  des  confrères  est  obliga- 
toire. —  Les  veuves  peuvent  exercer  le  métier  do  leur 
mari,  pendant  leur  veuvage  (1). 

En  1495,  le  maire  et  les  échevins  achètent  Thôtel  de 
Jeanne  de  Mesgrigny,  veuve  de  feu  Jean  Mole,  et  d'Ed- 
monne  de  Mesgrigny,  femme  de  Simon  Griveaux  :  Jeanne 
et  Edmonne,  filles  de  Jean  de  Mesgrigny,  en  son  vivant 
receveur  des  Aides  à  Troyes.  L'acquisition  se  fit  moyen- 
nant 2,700  liv.  t.,  pour  y  établir  l'Hôtel-de-Ville.  Cet 
Hôtel  occupait  l'emplacement  à  peu  près  complet  de 
celui  qui  existe  aujourd'hui.  Il  était  déjà  alors  la  réunion 
de  plusieurs  propriétés.  Des  censives  étaient  dues,  pour 
différentes  parties,  à  l'abbaye  de  Montier-la-Celle,  et  à 
celle  de  N.-I).-aux-Nonnains,  nu  roi,  à  l'église  de  St- 
Pierro,  à  celle  de  St-Remy,  au  chapitre  de  St-Urbain,  à 
celui  de  St-Etienne  et  au  prieuré  de  Notre-Dame-en- 
risle  (2). 

Uans  l'année  de  cette  acquisition,  l'échevinage  fait 
construire  le  chartrier  ou  trésor,  qui  existe  encore 
aujourd'hui.  Il  est  décidé,  pour  éviter  les  incendies,  qu'il 
sera  construit  en  pierres  dures  et  en  craie  (3). 

Le  là  janvier  1497,  on  enlève  de  la  chapelle  de 

(^)Q.,l«^ 

(2)  Ane.  f.,  layeUe  26.  N.  f.,  A.  A.,  15«  carton,  9©  liasse. 

(3)  Le  Trésor  actuel  est,  en  effet,  construit  en  pierres  dures  et  en 
craie,  et,  de  plus^  il  est  voûté  en  briques.  —  Les  comptes,  bien 
qu'assez  complets  à  cette  époque,  ne  mentionnent  l'acquisition  d'au- 
cun meuble  pour  Th^tel-de-vinc,  sauf  un  miroir  payô  2!  s.  6  d,  ;  il 
iùt  placé  dans  la  chambre  de  réchevinage. 


^iô  HISTOIRE  DC  TROYES.  i||9 

rHôt^jl-Dieu-le-Comto,  les  letUes,  chartes  et  titres  de 
la  ville  contenus  dans  des  armoires,  et  le  (out  est  déposé 
dans  le  nouveau  Trésor.  11  est  décidé  que,  de  ces  chartes, 
il  sera  fait  un  cartulaire  ■  1 1. 

L*été  de  li95  est  consacré  à  étudier  les  moyens  de 
faire  venir  en  ville  Teau  de  la  fontaine  de  Nuisementoa 
de  la  Malniaison,  près  de  Torvilliers.  Un  fontainier  de 
Paris  vient  prêter  son  concours  à  cette  étude.  Le  13 
août,  la  quantité  d*eau  est  reconnue  suflisantc;  mais,  à 
la  fin  de  septeuïhre,  les  produits  de  cette  fontaine  ont 
tellement  diminué  que  Ton  craint  de  faire  une  dépense 
considérable  sans  utilité  pour  la  ville.  Deux  ans  après, 
Jean  Guaide  (2),  Tarchitecte  du  jubé  de  Téglise  de  la 
Madeleine,  visite,  avec  Jean  Mauroy,  la  même  fontaine, 
afin  de  s'assurer  si  ses  produits  peuvent  alimenter  suffi- 
samment la  ville  d'une  eau  pure  (3). 

Jusqu'à  ce  jour,  rieu  ne  nous  a  révélé,  à  Troye», 
Texistence  des  postes,  qui  auraient  été  créées  par  Louis 
XI,  par  son  ordonnance  datée  de  Luxies,  près  Dourlen8(4), 
du  19  juin  1464  ^5).  La  ville  avait  ses  messagers,  portant 
3CS  armoiries  sur  leur  hoqueton,  depuis  le  premier  quart 
du  XV»*  siècle.  Les  t  premiers  postes  »  dont  l'existence 
soit  révélée,  n'appartiennent  qu'au  règne  de  Charles  YFIL 
Kn  1405,  le  roi  a  •  un  poste  >  (postillon  ou  maître  de 

(1)  Ce  .*aitulaire  fut  fait.  11  est  porte  en  l'inventaire  de  1767.  11 
est  perdu  aujourd'hui,  mais  les  originaux  subsistent. 

(2)  On  trouve  aux  comptes  de  TépUse  de  la  Madeleine,  arch.  dép., 
16,  G.,  41,  1495-96.  Jean  Gafiel,  Gahiel,  Gaûetle,  G.  42;  Gmhidê, 
G.,  48.,  Guailde.  —  En  1496,  il  signe  Jehan  GahieL  —  Cet  archi- 
tecte est  peul-Olrc Italien.  On  peut  recon«;aître  son  nom  dans  celui 
de  la  villo  de  Gaële. 

(3)  B.,  de  50  à  55. 

(4)  Auj.  Doulens  (Somme). 

(5)  Nous  avons  pris  soin  de  signaler  par  quelle  voie  les  lettres 
missives  de  I^uis  XI  arrivaient  à  Troyes.  Quoique  la  correspondance 
fut  norabrenso,  nous  n'avon<  jamais  trouv*^  aucune,  apportée  par  lei» 
postent. 


1197  CHAPITRE   XV.  211* 

poste),  lixé  à  Troyes.  11  se  lient  à  riiôlel  de  la  Piolée 
(du  Prieuré).  En  1497,  le  comte  de  Flandres  établit  «  des 
postes  >  non  à  Troyes ,  niais  à  ses  portes ,  au  Pont- 
Hubert.  En  septembre  1498,  Louis  XII  écrit  aux  maire 
et  échevins  pour  tenir  disponibles,  à  Toccasion  de  la 
réunion  de  Tarmée ,  en  Bourgogne  ,  de  bons  chevaux 
prêts  pour  le  service  des  gentilshommes.  Les  ordres  du 
roi  sont  exécutés  et  Pierre  Chaussée  est  établi  t  poste  » 
à  Troyes  (1). 

Si  la  guerre  n'est  plus  en  Champagne,  les  habitants 
n'en  paient  pas  moins  les  frais.  Dans  le  cours  de  1495, 
le  diocèse  de  Troyes  est  frappé  d'une  taille  de  32,000 
liv.  t.  L'échevinage,  mettant  en  pratique  certains  usages 
de  l'époque,  donne  à  chacun  des  élus  vingt  livres,  et 
aux  lieutenants  et  greffiers,  chacun,  trois  écus  d'or,  afin 
de  les  porter  <  à  soulager,  est-il  dit,  le  pauvre  peuple  et 
qu'il  soit  moins  foulé.  > 

Peu  après,  le  roi  demande  aux  Troyens,  à  leur  em- 
prunter 3,000  écus  d'or.  Par  délibération  ,  prise  en 
grande  assemblée,  la  population  s'adresse  à  Tévêque 
pour  qu'il  obtienne  une  diminution.  Elle  invoque,  pour 
être  dispensée  de  ce  nouveau  prêt,  celui  qu'elle  a  fait 
l'année  précédente  et  qui  n'est  pas  remboursé 

Outre  cet  emprunt,  demandé  en  mai,  en  juillet  suivant, 
le  roi  demande,  sous  la  même  forme,  à  emprunter  8,000 
liv.  t.  aux  villes  du  bailliage  et  à  celles  de  Bray,  Monte^^ 
reau,  Sézanne,  Chaumont,  Bar-sur- Aube,  Joigny ,  Ervy 
St-Florentin  et  Nogent.  Ces  villes  envoient  à  Troyes  leurs 
députés ,  afin  de  se  concerter  sur  les  remontrances  à 


(i)  B  ,  46,  51,56,  —  1495,  1497,  U98.  Voir  Delamarre.  Traité 
de  la  police^  t.  v.  Chérfel.  Dict.  hist  des  Institutioi^s  de  la 
France^  voir  Postes,  et  Bouillet.  Dictionn.  univ.  des  Sciences^  des 
Lettres  et  des  Arts  ;  môme  mot.  —  Ces  auteurs  citent  les  lettres  de 
Dourlens,  de  1464,  mais  aucun  fait  cVexécution. 


212  insTOiRt:  de  tkoyes.  1497 

adresser  au  roi.  Celles-ci  sont  Faites,  mais  elles  sont  sans 
résultai  (i). 

La  ville,  avec  les  secours  qu*elle  accorde  à  certaines 
misères,  avec  les  impôts  qu'elle  paie  et  les  prêts  qu'elle 
fait  au  roi,  dispose  encore  de  Tonds,  soit  en  faveur  des 
Frères-Prêcheurs,  sous  prétexte  de  prédications  de  ca- 
rême ou  pour  subvenir  aux  frais  d'un  chapitre  général 
de  rOrdre,  tenu  en  juillet  1497,  soit  en  faveur  d'enfants 
abandonnés  qu'elle  fait  nourrir  à  ses  frais.  Elle  donne, 
pendant  plusieurs  années,  de  cent  à  cent  ving^  liv.  t.  par 
an,  afin  d'aider  le  chapitre  de  St-Pierre  à  achever  les 
voûtes  de  l'église  «  qui  est  la  mère-église  de  Troyes,  » 
ou  pour  aider  à  payer  les  verrières  de  la  nef,  qui  furent 
terminées  en  1499. 

L'échevinage  prend  à  cœur  l'achèvement  d'une  autre 
œuvre  d'art,  la  Belle-Croix.  Cette  croix,  dont  l'édification 
remontait  au  XIIl**  siècle,  avait  disparu  avec  le  temps. 
En  1474,  le  conseil  avait  décidé  sa  reconstruction  ;  en 
1480,  il  avait  stipulé  que  Claude  Pougeoise,  marchand 
à  Nogent -sur-Seine,  qui  prenait  à  bail  le  cellier  rouge 
appartenant  à  la  léproserie ,  pour  sa  vie,  celle  de  ses 
enfants ,  celle  de  ses  petits  enfants  et  cinquante-neuf 
ans  au  delà,  moyennant  certaines  conditions  et  notam- 
ment celle  de  payer  cent  livres  pour  aider  à  construire 
la  belle  croix  de  la  Grande-Hue  (2).  En  1489,  le  conseil 
décide  de  nouveau  cette  réédification  ,  mais  ce  n'est 
qu'après  1494  que  le  travail  s'exécute,  et  en  1497  qu'il 
est  mis  à  fin. 

Cette  croix  était  tout  un  grand  édifice ,  composé  de 
trois  gros  piliers  avec  arcs-boutants  ,  de  neuf  petits 
piliers,  d'une  couverture  en  plomb ,  sous  laquelle  était 
un  plafond,  composé  de  six  caissons  et  de  six  bellantSi 

(i)A.,  2,  B.,  48. 

(2)  Arch.  mun  ,  —  Harmand.  Lî^prosene  de  la  ville  de  Troyes- 
Documents. 


U97  CHAPITRE   XV.  213 

ornés  de  moulures  et  douze  culs-de-lampe.  Ce  plafond 
avait  une  surface  totale  de  120  pieds  et,  au-dessous  du 
plafond  se  trouvait  un  sous-ciel.  Dans  les  six  carrés  ou 
caissons  étaient  placés  six  miroirs  enrichis  d'anUques. 
Dans  Tun  ,  était  peint  un  Jésus,  et,  dans  l'autre ,  une 
Maria ,  alternativement  ;  le  tout  refondu  de  laque  de 
Venise.  Quant  aux  six  Bellants,  ils  étaient  aussi  enrichis 
d'antiques,  dorés  de  fln  or,  et  tout  le  fond  de  ces  parquets 
était  peint  de  fin  azur. 

Ce  monument,  espèce  de  Palladium  de  la  cité,  com- 
portait un  grand  nombre  de  statues.  La  croix  était 
chargée  d'un  crucifix.  On  voyait  les  statues  de  Simon 
3fagus  ou  le  Magicien ,  de  Mahomet  avec  le  Serpent» 
^'otre-Dame,  saint  Jean,  saint  Pierre,  la  Madeleine,  les 
neti/*  Prophètes,  saint  Loup  avec  sa  crosse,  saint  Louis. 
£lle  était  ornée  de  plusieurs  écussons ,  entr'autres  de 
oeux  de  la  reine  et  du  roi,  et,  sans  doute,  de  ceux  de  la 
ville  et  de  la  province.  Les  statues  étaient  ou  en  plomb 
ou  en  bronze. 

Toute  la  croix  et  le  crucifix  furent  peints  à  Thuile,  les 
ohairs  <  de  carnation  au  plus  près  du  vif  que  faire  a  été 
m  possible,  et  vernis  d^un  bon  vernis  bien  séquatif  et  les 
»  envers  furent  faits  d^azur.  •  Toute  cette  peinture  fut 
•  *œuvre  de  Louis  Pothier  (1),  à  qui  il  fut  payé  90  liv.  t. 
Les  travaux  furent  reçus  par  Téchevinage  ,  le  15  mai 
1495,  et  la  couverture  achevée  le  5  décembre  1497. 


{\) Marché  passé  entre  Véchevinaga  et  Louis  Pothier,  Arch.  mun., 
n.  f.,  A.,  1  Carton  34,  3^  liasse.  B.  52.  U97. 

Le  Voyage  archéologique  de  M.  Arnault  contient  des  renseigne- 
ments sur  la  Belle-Croix  et  la  représentation  d'une  belle  croix.  Cette 
croix  n'est  point  celle  de  4495,  mais  celle  qui  fut  rétablie  après  1585. 
—  C'est  la  reproduction  de  celle  qui  se  voit  aux  vitraux  de  TArque- 
buse,  à  la  Bibliothèque  publique,  représentant  rentrée  de  Henri  IV 
à  Tioyes^  en  1596.  —  M.  Arnault  donne  aussi  des  détails  sur  la 
croix  qui  avait  précédé  celle  de  149  j.  Nous  avons  lieu  de  les  mettre 
en  doute,  aiusi  que  certaines  dates  relevées  d'après  Grosley. 


k 


814  HISTOIRE  DE  TROTES.  ||«7 

L^édîficatioo  de  la  Belle-Croix  o'est  pas  due  à  la  con* 
frérie  de  la  Croix .  établie  à  St-Remi ,  mais  bien  à  i*é* 
chevioage ,  qui  passe  les  marchés  et  solde  les  travaux 
des  deniers  de  la  ville.  Y  travaillent  comme  artistes  : 
Jacques  Bachot,  tailleur  d'images  (sculpteur),  Nicolas  le 
Cordouanier,  sculpteur  et  peintre,  comme  un  grand 
nombre  de  membres  de  sa  famille  ;  Pierre  Camus,  enlu- 
mineur, et  Jean  Copin ,  peintre.  Toute  la  fonderie  fut 
préparée  dans  un  atelier  établi  au  chevet  de  la  cathédrale. 

Certaines  parties  de  Tédifice  renfermaient  des  reli- 
ques. Nous  nous  bornons  à  citer  celle-ci  :  c  Du  champ 
Damacène,  où  Adam  fut  formé.  »  Les  autres  paraissent 
avoir  un  égal  degré  de  certitude. 

Les  pèlerins ,  fort  nombreux  à  lorigine ,  faisaient  des 
offrandes,  tant  en  argent  quen  cire.  Elles  appartenaient 
au  curé  de  St-Remi.  Ainsi  Taurait  jugé,  le  â3mars  1500, 
le  bailliage  contre  le  procureur  du  roi.  Cette  sentence, 
en  conséquence,  mit  lentretien  de  cet  édifice  à  la  cha^e 
du  curé  de  cette  paroisse  J) 

Depuis  longtemps  une  question  litigieuse  est  pendante 
entre  Tévéquo  et  le  chapitre  de  St-Pierre,  à  Toccasion 
de  leur  juridiolion  rtHMj»roque.  Le  15  avril  1496,  inter- 
vient entrt^  eux  une  tn^nsaclion  qui  met  fm  à  ce  long 
débaL  11  ost  arrêté  que  les  curés ,  chapelains  et  clercs 
des  paroiîîscs  do  St-lWmi,  de  St-Nizier,  de  St  Denis  et 
de  Sl-Avcntin  do  Tnnos,  ot  ceux  des  églises  de  Bar* 
bonne,  tlo  Crt^noy  ,  Fayot,  Ramerupt ,  St-Pierre  de  Bos- 
senav  ,  Moussov ,  VilK-le-Marochal ,  avec  ses  secours, 
qui  sont  à  la  collation  du  chapitre,  seront  exempts  de 
Tordiniiirv^  ou  do  la  juridiction  de  Tévéque,  et  ces  curés 
et  chapelains  no  rocovronl  do  lui  qne  la  permission  de 
de^^enir  ces  euros  et  cha|>ellos.  Les  marfruilliers  de  ces 
églises  dèpond^>nt  do  la  justice  de  Tévéque.  Les  curés 


\i9'i 


CHANTRE    XV.  *  215 


seront  tenus  de  comparaître  au  synode,  tous  les  ans,  en 
l'église  de  St-Pierre.  A  Tégard  des  crimes  commis  dans 
Téglise  de  St-Pierre  ,  le  droit  de  justice  sera  commun 
entre  les  parties,  que  le  procès  soit  instruit  par  Tune  ou 
par  l'autre  juridiction.  —  Les  Frères  et  Sœurs  de  Thô- 
pital  St-Nicolas  sont  justiciables  du  chapitre.  — L'évéque 
n'aura  aucun  droit  de  justice  dans  le  lieu  où  se  réunit  le 
chapitre,  ni  sur  les  places  adjacentes.  -  Les  droits  de 
justice  de  Tévéque  s'étendront  seulement  sur  son  palais 
épiscopal.  —  M.  le  doyen,  officiant,  sera  revêtu  d'habits 
sacerdotaux  et  il  aura  à  sa  suite  un  ecclésiastique  (1). 

L'année  suivante,  le  procureur  du  roi  reconnait  au 
chapitre  de  St-Pierre  son  droit  de  haute,  moyenne  et 
basse  justice  sur  le  bourg  St-Denis,  et,  peu  après,  ce 
même  chapitre  est  autorisé  à  vendre,  à  poty  le  vin  pro- 
venant de  ses  récoltes,  sans  rien  payer  au  domaine  royal, 
mais  sous  la  condition  qu'il  ne  sera  fourni  aux  buveurs 
ni  bancs  ni  assiettes,  comme  il  est  d'habitude  chez  les 
cabaretiers  (2). 

La  servitude  qu'entraîne  le  voisinage  des  fortifications 
est  maintenue  dans  toute  sa  rigueur.  Le  bailliage ,  en 
1497,  défend  de  construire,  au  faubourg  St-Antoine  (St- 
Martin),  ou  autres  aux  environs  de  Troyes,  aucun  édifice 
pouvant  servir  d'habitation,  à  peine  contre  les  contreve- 
nants d'une  amende  de  cent  marcs  d'argent  fin ,  de  dé- 
molition des  édifices  construits  et  de  telle  punition  qu'il 
appartiendra.  Cette  ordonnance  est  exécutée,  car  peu 
après,  les  voyeurs  font  démolir  deux  maisons  nouvelle- 
ment construites  entre  la  porte  de  la  Trinité  (en  Preizej 
et  la  porte  de  Comporté.  On  travaille  aux  fortifications 
et  l'étage  supérieur  de  la  Tour^au-Mitrôj  étant  encore  en 

(1)  Arch.  dép.,  f.  de  St-Pierre.  Inventaire^  t.  v,  ire  partie,  p.  310 
et  311. 

(2)  Arch.  dép., f.  de  St-Pierre.  Inventaire^  t.  v,  l»  partie^  pages 
321  et  430. 


216  HISTOIRE   DE   TROYES.  149e 

charpente,  on  le  refait  en  maçonnerie ,  avec  les  pierres 
provenant  du  château  de  Jully  sur-Sarce,  amenées  en 
bateau,  du  port  de  Ch:ippos  en  celui  de  Croncels  (i). 

La  police  sur  les  métiers  et  sur  les  cours  d'eau  qui 
veut,  avec  raison,  que  certaiiles  industries  restent  dans 
les  quartiers  qui  leur  sont  affectés ,  est  rigpoureusement 
maintenue.  Des  tanneurs  ayant  ouvert  des  fosses  dans 
la  rue  de  Notre-Dame ,  en  face  des  Boucheries ,  sont 
poursuivis.  En  1490  et  en  1493,  Jean  de  la  Rolhière, 
qui  occupe  le  Moulin-aux-Toiles,  est  condamné  à  dé- 
truire un  moulin  à  foulon,  élevé  au  préjudice  des  habi- 
tants et  en  infraction  aux  règlements  généraux  sur  les 
cours  d*eau. 

L'industrie  a  prospéré  depuis  les  guerres.  Les  pro- 
duits de  la  ferme  de  la  Chaussée  établissent  le  mouve- 
ment qui  s'opère  dans  la  ville  de  Troyes.  Ils  sont  en 
progression  à  peu  près  constante.  La  reconstruction  des 
moulins,  détruits  pendant  la  guerre  des  Anglais,  accuse 
de  nouveaux  besoins.  Ainsi ,  les  moulins  de  Van- 
nes, deSencey,  de  ('haillouet ,  de  Courcelles  (Clérey), 
sont  réédifiés.  Les  moulins  à  blé  se  modifient  :  on  en 
fait  des  usines  affectées  à  l'industrie.  Les  cours  d'eau 
de  la  dérivation  sont  réglés  sur  le  territoire  de  Troyes 
et  la  contribution  aux  réparations  des  vannes  tranchines 
est  fixée  à  vingt  sous,  par  an  et  par  chaque  roue  do 
moulin.  En  1493,  s'ouvre,  à  la  mairie,  une  comptabilité 
spéciale  pour  la  recette  de  cette  contribution.  Elle  se 
continuera  jusqu'en  1728.  Vers  14-98,  on  construit  les 
deux  ponts  î\  voiture  de  St-Quentin  et  de  Ghaillouet  (2\, 
et  celui  de  Sencey,  avec  des  deniers  levés  sur  les  pa- 
roisses situées  sur  les  bords  de  la  Seine  et  entre  Lusi- 
gny ,  Marolles  ,  Fralignes  ,  Villemoyenne  jusqu'aux  ha- 

(i)  B.  52.  1497. 
(2]  B.  54. 


\m 


CHAPITRE  XY. 


217 


meaux  de  la  petite  banlieue  de  Troyes.  A  ce  dernier 
pont,  on  perçoit  un  péa^e. 

A  cette  époque,  on  compte  quinze  moulins  sur  le  ter- 
ritoire de  Troyes,  depuis  et  y  compris  ceux  de  Sencey 
et  ceux  de  Fouchy  (alors  nommés  de  Foicy).  Ces  moulins 
contiennent  quarante-une  roues,  dont  la  destination  est 
indiquée  au  tableau  ci-dessous  (!2). 

(2)  Nous  donnons  ici  :  i*  les  recettes  de  la  ferme  de  la  Chaussée, 
de  1480  à  1499 ,  2»  le  tableau  des  moulins  existant  à  Troyes  en  1493, 
STec  le  nombre  de  leurs  roues  et  leur  destination  industrielle. 


Aimée» 


Ferme  la  Chaussée. 

Krcctlet  Anoëes 


Recette» 


1480 

399  1.  t. 

1490 

448  1.  t 

1481 

j» 

1491 

479 

1482 

453 

1492 

484 

1483 

384 

1493 

587 

1484 

277 

1494 

550 

1485 

406 

1495 

> 

1486 

608 

1596 

579 

1487 

437 

1497 

1,013 

1488 

459 

1498 

632 

1489 

426 

1499 

505 

MOULINS    EXISTANT  A  TROYES   EN    1493. 


.Noms 


Nombre  de  roues  employées. 


à  la  à  1.1  à  la 

mouture    fabriration    fabriratioti 


du 
Ifrain 

Moulins  de  Sencey 3 

—  de  Pétai i> 

—  le  Roi • 

—  de  la  Rave,  Har- 
douin,  Hardy  ou 
Hardel 

—  de  la    Moline » 

—  de  Notre-Dame 1 

—  de  la  Pielle * 

—  du  Préauxtoiles,  de 
la  Rothiëre,aus8i  de 
Paresse 1 

A  reporter. ...  5 


du 
papier 

2 

1 


0 

mm 

2 
1 


9 


da 
tan 

1 

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1 


a 
fouler 

les 
ilraps 

» 
n 


am 
toilen 


» 


2 


218  HISTOIRE  DE  TBOYES.  léw 

A  la  naissance  du  second  flls  de  Charles  VIII,  que 
quelques  auteurs  appellent  Louis  ,  d^autres  Charles , 
arrivée  en  septembre  1496,  il  y  eut  à  Troyes  des  ré- 
jouissances. Une  procession  eut  lieu,  un  mystère  fut  joué 
sur  la  place  de  l'Ëtape-au-Vin,  et  la  ville  contribua  aux 
frais  faits  par  les  compagnons  de  la  Passion  (1). 

Charles  VIII  mourut  à  Amboise,  le  7  avril  1498,  âgé 
de  27  ans.  Louis  XII  lui  succède,  répudie  sa  femme, 
Jeanne,  fille  de  Louis  XI,  et  épouse  Anne  de  Bretagne, 
veuve  de  Charles  VIII. 

Comme  il  était  d'usage  ,  la  ville  envoya  des  députés 
au  nouveau  roi,  pour  lui  jurer  obéissance  et  fidélité,  et 
en  même  temps  obtenir  la  confirmation  des  privilèges 
accordés  par  ses  prédécesseurs. 

Louis  XII,  en  août  et  septembre  1498,  dirige  des 
troupes  sur  la  Bourgogne,  qui  lui  inspire  des  craintes. 
Pour  accélérer  le  service,  il  demande  à  la  ville  de  tenir 
toujours  prêts  de  bons  chevaux  pour  les  gentilshommes. 
La  ville  se  rend  aux  ordres  du  roi,  dont  la  venue  est  an- 
noncée depuis  le  mois  de  mai.  On  fait  de  nombreux 
préparatifs  pour  le  recevoir,  t  Les  joueurs  de  tabourins, 
de  harpes,  de  luths  et  autres  doux  instruments  >  sont 
invités  à  se  tenir  prêts  pour  jouer  sur  les  échafauds,  à 

Report 5  9  2  2  1 

—  Neufs 2  9  »  B  » 

—  de  la  Tour 3  »  »  n  » 

—  de  Meldançon 1  »  »  »  » 

—  de  Jaillart 4  »  »  »  » 

—  de  Chaillouet,de  M. 
Andriau.  ou  mou- 
lins brûlés 2  2  »  »  j» 

—  de  St-Quentin i  i  »  1  » 

—  de    Fouchy   ou  de 

Foicy 2  2  »  1  ^ 

Totaux..   ""20  Ï4  2  4         î 

~         41 
(1)B.,  49. 


14^1  CHAPITRE   XV.  319 

peine  d^amende  et  de  prison  (i).  M^  Jean  Hoyer,  prêtre, 
dispose  c  les  tuyaux  destinés  à  jeter  du  vin  par  les  plaies 
d*un  Dieu  i  dans  un  mystère  qui  doit  être  représenté  (S). 
L*église  collégiale  de  St-Ëtienne  lait  aussi  ses  prépara* 
tifs  pour  Tarrivée  du  roi,  comme  chapelle  royale  (3). 
Mais  le  roi  ne  vint  pas. 

Le  conseil  de  ville  accepte  la  garnison  de  200  gentils- 
hommes et  de  200  arbalétriers  envoyés  à  Troyes,  avec 
la  recommandation  que  ce  soit  c  à  la  moindre  charge 
pour  les  habitants  :»  (4) .  Troyes  est  un  véritable  arse- 
nal de  l'armée  royale.  Charles  VIII  y  avait  envoyé  des 
armes  et  un  matériel  de  guerre.  En  septembre  1498,  on 
expédie  vers  Langres  des  fers  de  hallebardes,  des  vouges, 
des  bottes  de  fil  d'Anvers,  des  fers  de  piques,  des  traits 
d'arbalètes  «  peimés  de  bois  et  ferrés ,  »  des  fûts  de 
piques  et  des  halecrets  (5). 

Dans  la  crainte  de  la  guerre ,  les  chartes  et  titres  de 
ia  ville  sont  mis  dans  un  coffre  portatif,  afln  de  les  en- 
lever du  Trésor,  s'il  y  a  lieu  (6). 

Le  23  août  1499,  les  ducs  de  Gueldres,  de  Juliers  et 
de  Clèves  font,  à  Troyes,  une  entrée  solennelle.  Ils  sont 
harangués  en  latin  et  la  ville  leur  fait  offrir  les  vins 
d'honneur,  en  un  muids  de  vin  blanc,  deux  de  vin 
clairet  (rouge),  accompagnés  de  six  moutons,  d'un  bœuf, 
de  douze  torches  de  cire  de  deux  livres  chacune ,  douze 
grands  septiers d'avoine,  douze  chapons,  trois  douzaines 
de  poulets,  douze  lapereaux,  vingt-quatre  pigeons  et,  à 
chaque  repas,  deux  pots  d*hypocras  (7). 

(1)  A.,  2. 

(2)  Arch.  mun.,  âssier.  Comptes  de  l'Œuvre  de  VégliâedeTrcyes^ 
p.  70. 

(3)  Arch.  dép.,  6.,  G.  437. 

(4)  A.,  2. 

(5)  B.,  5ii. 
(6)B.,56. 

(7)  Arch.  mun. 


220  HISTOIRE     DETROYES.  1499 

En  janvier  suivant,  la  reine  Anne  passe  à  Troyes  ; 
elle  loge,  avec  sa  suite,  dans  un  hôtel  situé  au  devant 
de  celui  de  la  Couronne.  A  cette  occasion  sont  démolis 
certains  étaux  situés  sur  la  place  de  TEtape-au-Vin,  où 
Ton  vendait  du  sel,  et  qui  ne  furent  jamais  recons- 
truits (1). 

L'échevinage  veille,  comme  Tancien  conseil,  avec  sol- 
licitude, à  la  conservation  des  coutumes  ou  privilèges 
des  foires.  Certains  individus,  incarcérés  pour  dettes  de 
foire,  ont  obtenu  de  la  chancellerie  royale,  des  lettres 
les  autorisant  à  faire  cession  do  leurs  biens  et,  par  ce 
moyen,  à  sortir  de  prison,  ce  qui  est  contraire  aux  cou- 
tumes L'échevinage  s'oppose  à  Texécution  de  cet  acte 
et  veut  que  les  débiteurs  gardent  la  prison.  C'est  Texer- 
cice  de  la  contrainte  par  corps.  Sur  son  pourvoi  au  Par- 
lement, Téchevinage  gagne  son  procès  et  obtient  arrêt 
le  22  mars  1499  (v.  st.). 

Une  ordonnance  bailliagère  règle  la  vente  du  bois  de 
chauffage  et  du  charbon.  Le  prix  de  la  corde  de  bois  à 
brûler,  dont  la  plus  grande  partie  est  de  chêne,  de 
charme,  de  poirier  ou  de  pommier,  est  fixé  à  vingt  sous 
t  en  la  ville,  banlieue  et  port  de  Troyes.  »  L'autre  bois 
se  paie  18  s.  t.  —  Le  prix  du  cent  de  fagots  de  fournier 
est  fixé  à  16  s.  8  d.  t.  —  Le  charbon  est  vendu  en  bâche 
ou  banne,  et  non  en  sac.  Deux  mesures  sont  établies 
de  même  contenance  pour  la  vente  du  charbon ,  qui 
sera  mesuré  par  les  charbonniers  jurés,  à  la  charbon- 
nerie,  près  des  Changes,  devant  Téglise  de  Notre-Dame- 
aux-Nonnains,  et  sur  la  place  de  Sl-Pierre  (2).  En  1488, 
le  conseil  avait  permis  aux  portiers  de  prendre  une 
bûche  de  bois  ou  un  fagot  sur  chaque  charrette  ou  char 
chargé    de  bois  entrant  en  ville.  —  En  même  temps, 

(l)Blq.  iiatJ<ï.  Collection  de  Champ. <,  vol  65.  Compte  du  Domaine 
royal.  1513-1514. 
(î)  P.,  1er. 


1499  CHAPITRE    XV.  331 

le  bailliage  iiiterdil  aux  boulangers,  taverniers  et  regral- 
tiers  (l'acheter  du  blé,  amené  à  Troyes ,  depuis  le  ven- 
dredi à  midi  jusqu'au  samedi  à  la  même  heure  (i),  et, 
deux  ans  après,  il  règle  les  prix  dûs  aux  meuniers  pour 
la  mouture  des  grains  (3). 

A  cette  époque,  apparaît  à  Troyes  un  nouvel  office, 
celui  de  gourmet  ou  perceur  de  vins.  Il  y  a  deux  titu- 
laires, Tun  institué  c  de  par  le  roi,  >  et  Tautre  «  de  par 
les  habitants.  >  ils  ont  serment  en  justice,  reçu  par  le 
bailli  ou  son  lieutenant. 

Voici  encore,  au  XV©  siècle ,  un  de  ces  usages  con- 
traires aux  convenances  et  à  la  décence  demandées  de 
nos  jours  à  ceux  qui  se  vouent  à  la  vie  du  cloître. 

La  veille  de  TAscension,  troisième  jour  des  Roga- 
tions, les  religieuses  du  Paraclel  et  les  habitants  de  St- 
Aubin  ,  d'Avant  et  de  Mâcon  faisaient  station  à  la 
Croix-au-Maitre.  L'assistance  y  chantait  des  répons, 
puis  commençait  une  danse  à  laquelle  les  religieuses 
prenaient  part ,  en  chantant  des  chansons  en  langue 
française,  et  qui,  suivant  l'évéque  de  Troyes ,  qui  cons- 
tate le  fait,  étaient  quelquefois  malhonnêtes.  Sur  la  dé- 
fense faite  par  l'évoque  aux  religieuses,  celles-ci  préten- 
dirent que ,  suivant  titres ,  elles  étaient  obligées  d'y 
assister  comme  de  donner  des  bourses  aux  filles  qui 
dansaient ,  et  qu'à  Taccomplissament  de  cette  condition 
était  subordonné  leur  droit  aux  dîmes.  L'évèquc  fit  assi- 
gner les  religieuses  devant  l'Official,  pour  les  faire  con- 
damner à  rompre  avec  cet  ancien  usage  (3). 

Dans  le  cours  de  l'été  de  l'année  1500,  Louis  XU  est 
de  nouveau  attendu  à  Troyes.  Il  revient  de  Lyon,  d'où 

(1)  Q.,  4«.  Pièce  26,  fo  74. 
(2)Â.  Â.,  carton  4àe,  ire  liasse. 

(3)  4499.  —  Arch.  dép. ,  G,  1344  ;  reg.  Chap,  de  St-Pierre.  — 
Revue  lies  Sociétés  savantes,  5«^  série,  t.  m,  janv.  el  fév.  1872.  — 
Commun,  de  M.  d'Ârbois  de  Jubainville. 


322  HISTOIRE  D£   THOYES.  1499 

il  avait,  le  13  juillet,  annoncé  son  départ.  La  ville  fait 
ses  préparatifs  et,  cette  fois  encore,  elle  n'eut  pas  Thon- 
neur  de  le  recevoir.  Elle  avait  fait  fabriquer  une  coupe 
en  or,  qui  devait  lui  être  offerte.  Cette  coupe  fut  vendue 
et  le  prix  appliqué  aux  travaux  de  la  porte  c  de  Bel- 
froi  >  (i).  Le  bailli  défend,  à  l'occasion  du  passage  du 
roi,  €  à  toutes  femmes  et  filles  de  Troyes,  d'être  doréna- 
vant en  ville  avec  aucun  bonnet  ni  calle,  sans  être  cou- 
vertes de  couvre-chefs,  chaperons  ou  coiffes,  à  peine  de 
cinq  sous  d*amende  et  de  confiscation  desdits  bonnets 
et  oalles,  qui  leur  seront  ôtés  par  le  bourreau  (2).  > 

En  1499,  Tartillerie  a  fait  des  progrès.  Les  fortifica- 
tions sont  mises  en  état  de  résister  aux  projectiles  de- 
venus plus  puissants.  Une  assemblée  générale  des  habi- 
tants décide  que  la  porte  et  les  tours  des  portes  c  du 
Beuffroy  et  de  Comporté  »  seront  démolies,  puis  re- 
construites sur  un  autre  plan.  Ces  travaux  sont  de  suite 
commencés  et  poursuivis  sous  la  direction  de  Jean 
Guailde,  rarchitecte  du  jubé  de  la  Madeleine,  qui  en  fait 
c  plusieurs  portret9  et  figures  »  avec  les  conseils  du 
maître  maçon  du  château  de  Dijon.  On  commence  ces 
travaux  par  les  grosses  tours  jumelles  qui  constituaient 
la  porte  du  Beffroi  ,  abattues  jusqu*au  niveau  du  sol 
vers  1820,  et  dont  les  restes  ont  disparu,  soit  par  la 
démolition,  soit  par  le  comblement  du  fossé,  vers  1856. 
Ces  deux  tours  étaient  placées  des  deux  côtés  du  fusse 
et  étaient  jointes  par  un  double  pont,  dont  Tun  était 
dans  le  fossé  (3),  et  l'autre,  au  niveau  du  sol,  servait  à 

(1)  K.,  3  et  4.  C'est  la  première  fois  que  cette  porte  est  nommé« 
porte  de  Belfroi,  qui  dominera  à  Tavenir. 

(2)  Arch.  mun. 

(3)  La  tradition  voulait  que,  par  ce  pont,  on  pût  communiquer  de 
l'intérieur  à  l'extérieur  de  la  ville  et  qu'il  y  eût  un  débouché  sur  le 
faubourg.  —  Lors  des  travaux  de  remblai,  je  visitai  les  tours  avec  M. 
Gréao.  —  Par  le  pont  inférieur,  on  communiquait  de  l'une  à  l'autre 
tour,  mais  non  au  delà  du  côté  du  faubourg.  De  ce  côté,  le  terrain 


rm  fiTiAPiTiiB  XV  223 

la  cifculation  publique.  Ces  travaux  durèrent  plusieurs 
années.  En  1507-1510,  on  travaille  à  la  porte  de  Com- 
porté, ainsi  qu'au  boulevard  qui  en  garantissait  et  gar- 
dait rentrée.  La  porte  de  Croncels  fut  commencée  en 
1511  et  celle  de  St-Jacques,  que  Ton  nommait  alors  la 
Porte-Dorée,  fut  augmentée  de  deux  grosses  tours  re- 
liées par  une  galerie  du  côté  de  la  ville,  le  tout  adossé  à 
l'œuvre  si  gracieuse  de  1463.  Un  maçon  fut  envoyé  à  Mou- 
zon,  afln  d'en  étudier  les  fortifications.  L'évéque,  le  maire, 
leséchevins,  des  notables  visitèrent  les  murailles  et  déci- 
dèrent que  deux  tours,  qui  n'excéderaient  pas  la  hauteur 
des  murailles,  seraient  édifiées  à  la  porte  de  Croncels  (1). 

En  même  temps  ,  on  édifie  le  ravelin  de  St-Jacques, 
qui  s'étendait  sur  tout  l'hémycicle  limité  par  les  an- 
ciens remparts  et  le  cours  d'eau  aujourd'hui  existant 
entre  la  ville  et  le  faubourg.  Ce  cours  d'eau  fut  sans 
doute  creusé  alors ,  nonobstant  l'existence  du  canal 
placé  au  pied  de  la  porte  et  rempli  en  1831.  L'entrée 
dans  ce  ravelin  ne  faisait  point  face  au  faubourg,  elle 
fut  établie  à  l'angle  du  côté  de  Gournay  ,  où  Ton  voit 
encore  une  culée  de  l'ancien  pont,  entrée  qui  fut  conser- 
vée jusqu'à  la  construction  du  pont  actuel,  c'est-à-dire 
jusqu'en  1 756. 

Les  fortifications  furent  aussi  augmentées.  On  donna 
plus  de  force  aux  remparts.  On  y  établit  des  canonnières. 
On  approfondit  les  fossés ,  depuis  les  arches  de  la 
Planche-Clément  jusqu'à  la  porte  de  St-Jacques;  puis 
de  l'arche  de  Chaillouet,  dans  la  direction  de  la  porte  de 
Comporté,  jusqu'à  la  tour  nommée  Yéchippe  Salomon 
et  la  vigne  de  la  Trinité.  Ces  derniers  travaux  furent 
exécutés   à  partir   de  1513  (2),  sur  l'avis  du  capitaine 

était  au  vif;,  «n  face  du  pont,  et  la  tour  n'avait  souterraindmenl  aueuna 
issue  de  ce  côté. 
(1)A.    ^. 

(â)  D.,  de  \t  A  50.  dm^tm  dm  forli(ication9.  De  Tan  1500  à 


224  HISTOIRE  DE   TROYES.  i$00 

Damyen.  On  augmente  rartillerie,  on  refait  les  ponts- 
levis.  —  L'enceinte  fortifiée  avait  un  développement  de 
1,963  toises,  de  huit  pieds  chaque  toise  (1). 


1513,  on  ne  compte  pas  moins,  dans  cette  série,  de  38  registres, 
quoique  bien  des  dépendes  soient  comprises  dans  d*autres  services. 

(1)  Ce  qui  donne  2,617  t..  de  six  pieds  ou  de  2"»,  soit  une  longueur 
de  5,000n».  533. 

A  cette  époque,  on  compte  autour  de  la  ville  cinquante-quatre  tours 
construites  en  demi-lune  et  appliquées  aux  murailles.  En  voici  les 
noms  avec  celui  des  portes,  des  plates-formes  et  boulevards  édifiés, 
le  plus  grand  nombre,  dans  le  premier  quart  du  XVIe  siècle. 

Le  Beffroi.  15.  Tour  St-Quentiu,  démolie. 

Porte  du  Beffroi.  G-  Boulevard  de  Chmllouet. 

1.  Tour  du  Sagittaire.  '16.  Tour  David,  qu'il  faut  dé- 

2.  —    de   St-Antoine,  qui  fut       molir. 

comprise  dans  le  boulevard  de  t7.   Tour  St-Loup,  id. 

Chevreuse.  ^^-  Tour  St-Matbieu. 

A.  Boulevard  de  Chevreuse.  19.  Tour  Josué. 

3.  Tour  des  Rats.  Porte  de  St-Jacques. 
Boulevard  de  la  Madeleine,  H.  Boulevard  St  -  Jacquet  ,    en 

B.  Plateforme.  avant  de  la  porte. 

4.  Tour  des  Violettes.  20.  Tour  Titus,  Il  faut 

Porte  de  Comporté.  21.  Tour  St-Nizier,  les 

G.  Plateforme.  22.  Tour  St-Martin.  ^    abattre. 

5.  Tour  du  Bastion  ou  Tour  dan-  23.  Tour  Hector,        t      Sont 
gereuse.  24.  Tour  Augustin,     S  démolies. 

D.  Plateforme  des  Cordeliers.       25.  Tour  St-Aventin. 

6.  Tour  du  Roi  Artus.  I.  Plateforme  de  Montaigu   ou 

7.  —     du  Roi  Alexandre.  de  la  Rioteuse. 

E.  Plateforme.  K.  jBoul«vay*d  portant  les  mêmes 

8.  Tour  Godefroy  de  Bouillon  ou       noms. 

Tour  aux  Pourceaux.  26.  Tour  de  Jargondis. 

9.  Tour  St-Paul,  démolie.  27.  Tour  Ste-Anne. 

F.  Boulevard  St'Paul.  L.  Boulevard  deVIsle. 

10.  Tour  St-Pierre,  démolie.         28.  Tour  Gicéron. 

11 .  Tour  Gharlemagne,  dite  plus  29.  Tour  de  Gordance. 
tard  de  St-Lambert.  30.  Tour  Pompée. 

12.  Tour  du  Gomte  Thibault  ou  31.  Tour  Encas. 

du  Saut  périlleux.  M.  Boulevard  de    la   Planche- 
Plateforme.  Clément, 

13.  Tour  de  Ghaillouet.  32.  Tour  St-Dominique. 
li.  Tour  Barbazan.  33.  Tour  Hercule. 


f500  CHAPITRE  XV.  225 

L*état  des  travaux  do  défense  de  la  ville  de  Troyes  se 
résume  ainsi  :  Dans  le  premier  quart  du  XYI<*  siècle,  les 
portes  de  la  ville  sont  considérablement  aug:mentées,  en 
conservant  les  anciennes  constructions.  —  La  porte  du 
Beffroi  est  prolongée  à  Textérieur,  un  double  pont  cou- 
vert est  jeté  sur  le  fossé,  alors  très-profond,  et  ayant  à 

34.  Tour  Ste-Barbe.  43.  Tour  Sl-Jean. 
N.  Platefomte   de   la  Planche-  44.  Tour  Scipion. 

Clément.  45.  Tour  St-Elov. 

35.  Tour  Si-Denis.  46.  Tour  Constantin. 

36.  Tour  St-Etienne.  47.  Tour  St-Michel. 

O.  Platcfoj^yie  St-Dominique.       48.  Tour  des  Moulins-Neufs. 
3*7.  Tour  St-Dominique.  Porte  de  Croncels. 

38.  Tour  St-Thomas.  49.  Tour 

39.  Tour  Annibal.  r»0.  Tour  Fernaudin. 
P.  Plateforme.  51 .  Tour  Boilcau. 

40.  Tour  St-Louis.  H.  Boulevard  de  Guise  ou  de  la 

41.  Tour  Troylus.  TourBoileau. 
Poterne  de  la  Tayincrie.  52.  Tour  Jazon,  démolie. 

42.  Tourdes  4FilsAymon,  cora-  53.  Tour  St-Pantalcon,  démolie. 
prise  dans  lo  boulevard  de  la  54.  Tour  St-Nicolas,  démolie. 
Tannerie.  S.  Boulevard  du  Beffroi. 

Q.  Boulevard  de  la  Tayinerie.      T.  Plateforme  du  Beffroi, 

En  deliors  de  ces  noms  nous  avons  trouve  ceuv-ci  :  Tour  Dai^ius, 
Tour  Montauban,  Tour  des  Chambres^  Tour  Dijon,  Tour  Gaupin, 
Tour  Brûlée.  Les  trois  premières  étaient  dans  le  quartier  de  Cron- 
cels ;  la  tour  Dijon,  du  côté  du  saut  périlleux.  La  Tour-au-Mitre 
est  sans  doute  indiquée  ici  sous  le  nom  de  Tour^  St-Nicolas. 

Nous  reproduisons  le  plan  des  foi  tifications.  C'est  la  copie  réduite 
d'un  plan  sans  date,  sur  parcbemin  et  d'environ  deux  mètres  de  dé- 
veloppement. Il  porte  en  lettres  capitales  :  VILLE  DE  TROYES. 
Les  légendes  sont  certainement  de  deux  époques,  de  même  que  les 
indications  topojrraphiques.  —  L'examen  de  ce  plan  fait  connaître 
que  l'enceinte  et  les  tours  constituent  l'œuvre  primitive.  Il  indique, 
dans  cette  partie,  l'état  des  fortifications  avant  les  premières  années 
du  XVJp  siècle.  Le  dessin  des  portes  du  Beffroi ,  de  Comporté,  de 
St-Jacques  et  de  Croncels ,  indique  avec  certitude  que  ces  quatre 
portes  n'étaient  pas  reconstruites.  Quant  aux  bastions ,  plateformes, 
boulevards,  le  dessin  ne  rappelle  que  des  projets.  C'est  un  des  pre- 
miers exemples  des  ouvrages  d\is  à  come«,  ne  présentant  à  l'attaque 
que  des  plans  inclinés.  Le  boulevard  de  Chevreuse.  celui  de  Guise, 
celui  de  la  Planche -Clément  et  celui  de  St-Jacques  furent  seuls 

tIL  16 


S36  HISTOIK»  DB  TAOYES.  xvi»S. 

sa  tète  et  faisant  face  au  faubourg  Ste-Saviiie^  deux 
grosses  tours  pomles  avec  meurtrières.  —  Celte  porte  est 
arrivée  jusqu'en  18:20,  époque  de  i^a  démolition,  dans 
Tétat  où  elle  fut  laissée  par  les  architectes  du  WI©  sièole,. 
avec  herse  :  le  pont<levis  fut  seulement  remplacé  par  un 
pont  en  bois.  On  voyait  encore ,  au  commencement  du 
siècle,  à  travers  les  refends,  le  cylindre  et  les  chaînes  qui 
servaient  à  la  manœuvre  du  pont-levis.  —  Au  dessus  du 
corps  principal  de  la  porte  existait  anciennement  une 
chambre  bâtie  en  bois  et  en  saillie,  où  se  tenait  le  guet. 

—  Comme  ouvrage  avancé,  en  dehors  et  en  face  de  la 
porte,  avait  été  élevée  une  grande  terrasse  ou  plate* 
forme,  flanquée  de  deux  tourelles  et  munie  d'un  large 
escalier.  Ce  travail  fut  détruit ,  il  y  a  longtemps,  pour 
dégager  Tentrée  du  faubourg  Ste-Savine. 

Quoique  considérée  comme  simple  poterne,  la  porte 
de  la  Madeleine  était  garnie  d'un  pont-levis  et  d'un  pool 
dormant,  avec  un  grand  pavillon  carré  en  charpente, 
servant  de  corps-de-garde.  —  En  1576,  cette  porte  fut 
augmentée  du  fort  Belin.  Ce  fort  était  couvert  en  avant 
par  une  porte  placée  à  la  tête  du  pont  jeté  sur  le  fossé. 

—  Ce  travail  fut  démoli  en  1737,  en  raison  de  Tobs- 
tacle  qu'il  opposait  à  une  libre  et  commode  circu- 
lation. 


construiU.  Tous  les  autres  indiquas  au  plan  restèrent  à  Tétat  de 
projet-  L'ancienne  enceinte,  dans  son  entier,  n'indiquait  point  que 
le  boulevard  de  St-Paol,  ceux  de  Chaillouet,  de  Rioteuse,  de  Tlsle, 
de  la  Tannerie  et  du  Beffroi  eussent  été  commencés. 

Quant  aux  portes,  les  quatre  piincipales  sont  celles  du  Beffroi,  de 
Comporté  ou  de  Preize  ,  de  St-Jacques  et  de  Croncels.  Il  y  a  deux 
poternes  :  celles  de  la  Madeleine  et  de  la  Tannerie  ;  la  garde  de  cette 
dernière  était  conAée  aux  habitants  du  quartier.  Alors  sont  fermées 
les  poternes  de  Chaillouet  ou  de  St-Quentin,  de  la  Planche-Clément, 
la  porte,  devenue  à  la  un  du  XV«  siècle  Tout^au-'Mitre  ^  près  de 
St*Nicolas,  celle  de  St-Antoine,  en  fsice  le  faubourg  de  St-Martin. 
Celle  de  St-Quentin,  fermée  pendant  un  temps  assez  long,  fut  livrée 
de  nouveau  à  la  circulation  en  1504.  (A.  4.) 


xy,.S.  CHAPITRE  XV.  227 

La  porte  de  Preize  ou  de  Comporte  était  construite 
aussi  en   pierres  dures ,  accompagnée  ,  en  dehors   du 
fossé,  des  deux  grosses  tours  dont  les  plans  modernes 
de  la  ville  donnent  en  partie  le  pourtour.  Au  dessus  de 
la  porte,  était  un  corps  de  bâtiment  en  bois,  en  avant  un 
pont-levis.   Plusieurs   corps-dc-garde   défendaient  cette 
entrée.  La  porte  la  plus  rap[)rochée  de  la  ville  était  cou- 
verte par  un  cavalier  revêtu  de  pierres  dures.  Un   peu 
au  dessus  se  trouvait  une  écluse   barrant  les  eaux  du 
fossé.  —  A  cftié  de  cette  porte,  existait  une  espèce  de 
retrait  avec  meurtrières.  Réparée  en  174-0,  on  supprima 
les  grosses  tours.  La  porte  eut  la  forme  d'un  bastion  ,  et 
celui-ci  tomba  sous    le  feu  du  canon  en  4814.  —  La 
porte  St-Jacques,  au  lieu  d'être  [)rolongée  extérieurement, 
comme  celles  de  Paris  et  de  Croncels  ,  fut  seulement 
augnjonlée  de  doux  grosses  tours  en  demi-lune,  réunies 
par  un  corps  de  bâtiment,  et  le  tout  adossé  à  la  jolie 
Porte-Dorée  élevée  en  1K)3.  Celte  nouvelle  construction 
n'avait  pas  moins  do  17^  d'élévation.  En  avant,  étaient 
différentes  constructions  élevées  pour  défendre  la  porte 
principale.  Il  y  avait  |)ont-lcvis  et  bascule.  Un  pavillon 
était  construit  entre  la  porte  et  le  boulevard   dans  la 
direction  de  Gournay,  où  se  trouvait  un   pont  de  bois 
servant  à  traverser  les  fossés  de  la  ville.  —  Ce  pont  fut 
réparé  en  septembre  1681,  ainsi  que  l'indique  l'inscrip- 
tion que  l'on  voit  encore  sur  une  pierre  du  mur  soute- 
nant les  terres  du  côté  de  la  ville.  En  dehors  de  ce  pont, 
il  y  avait  des  constructions  formant  tête  de  pont,  et  de- 
puis longtemps  disparues. 

La  porte  ou  poterne  de  la  Tannerie  avait  aussi  un 
pont-levis  et  un  corps-de-garde  :  un  accident  en  fit  dé- 
cider la  démolition,  dans  le  premier  quart  du  siècle  der- 
nier. 

La  porte  de  Croncels,  comme  «îcUes  du  Beffroi  et  de 
St-Jacques,  datait  de  deux  époques.  Les    travaux  du 


228  HISTOIRE  DB  TROYES.  xvi«S. 

moyen-âge  furent  conservés  et  on  y  ajouta,  vers  1540, 
un  prolongement  vers  le  faubourg.  La  partie  ancienne 
se  coniposait  de  plusieurs  arcades  ogivales,  avec  cou- 
lisse pour  la  herse.  La  chambre  du  guet  était  au  dessus 
et,  aux  deux  côtés ,  étaient  établis  deux  corps-de-garde. 
La  construction  de  1510  était  à  plein  ceintre  et  flanquée 
de  deux  grosses  demi-tours  circulaires,  répondant  aux 
deux,  salles  de  garde.  Elles  étaient  percées  de  meur- 
trières. —  Il  y  avait,  comme  aux  autres  portes,  pont-levis 
et  pont  dormant.  En  avant,  était  comme  à  St-Jacques  et 
à  la  porte  du  Beffroi,  un  boulevard  pour  la  protéger.  — 
Ces  travaux  extérieurs  ont  disparu  depuis  longtemps  et 
la  porte  de  Croncels  fut  démolie  en  1808.  La  ville  avait 
aussi  des  travaux  considérables  à  l'entrée  et  à  la  sortie 
des  canaux  de  dérivation  de  la  Seine.  Ainsi  le  canal  de 
Jaillard  ou  de  la  Planche-Clément  avait  deux  boulevards 
adroite  et  à  gauche.  L'un,  dit  de  la  Planche-Clément, 
et  Tautre,  du  Gouffre ,  et  au  dessus  du  pont  était  un 
corps-de-garde  avec  mâchicoulis,  et,  de  plus,  de  chaque 
côté,  deux  tourelles  à  Taplomb  des  piles.  —  Le  pont  de 
Rioteuse,  aujourd'hui  du  Grand-Séminaire,  avait,  pour 
se  défendre,  un  corps-de-garde  faisant  saillie  et  garni 
de  mâchicoulis,  le  boulevard  de  Montaigu  et  la  plate- 
forme de  Rioteuse.  Des  constructions  analogues  étaient 
établies  en  face  des  Moulins-Brôlés,  soit  au  pont  du 
Noyer-aux-Enfants ,  soit  au  pont  du  Joli-Saut.  Puis,  à 
Tangle  formé  par  l'enceinte  de  la  ville ,  près  des  Cop- 
deliers,  s'élevait  la  plate-forme  dite  des  Cordeliers  et  ia 
Tour  du  Bassin. 

C'est  en  cet  état  que  la  ville  deTroyes  dut  être  fortifiée 
dans  le  premier  quart  du  XVI»*  siècle.  Cependant  les 
plateformes  datent  surtout  de  15W;  le  fort  de  Guise, 
de  1530  à  1540;  le  fort  de  Belin,  de  1576;  le  fort 
Chevreuse,  et  le  Ravelin,  placé  en  face,  de  l'autre  côté 
du  fossé,  de  1590. 


XVI»  s.  CHAPITRE   XV.  229 

Tout  cet  ensemble  ne  fut  guère  modifié  sous  les  rè- 
gnes de  Louis  XIIF,  de  Louis  XIV,  de  Louis  XV  et  de 
Louis  XVI.  il  était  réservé  à  notre  génération  de  faire  dis- 
paraître tout  cet  appareil  de  défense  militaire,  édifié  à 
grands  frais  d'abord  par  les  seuls  habitants  de  Troyes, 
puis,  au  XVl*"  siècle,  avec  certains  droits  prélevés  sur  les 
greniers  à  sel  de  la  Champagne  méridionale. 

Depuis  1458,  la  vente  du  sel  au  grenier  de  Troyes  se 
fait  par  un  commissaire  délégué  du  conseil  ou  de  Té- 
chevinage,  et  le  profit,  sauf  les  droits  du  roi,  s'applique 
aux  travaux  des  fortifications,  ainsi  que  le  produit  du 
droit  de  la  maille^  levée  sur  le  pain  blanc.  En  1500,  le 
droit  est  fixé  au  profit  de  la  ville  à  2  s.  6  d.  par  minot 
de  sel.  A  ce  droit  il  en  est  ajouté  un  autre  de  dix  livres 
par  muids.  Pendant  près  de  vingt  ans,  Jean|Dorigny 
remplit  les  foiictions  de  commissaire  à  cette  vente.  A 
partir  de  1520,  les  greniers  à  sel  d*Arcis  et  de  Beaufort 
versent  dans  la  caisse  de  la  ville  i  liv.  t.  par  muids. 
L'année  suivante  et  jusqu'en  1536,  au  moins,  sur  chaque 
minot  de  sel  vendu  aux  greniers  de  Nogent-sur-Seine.  de 
Joigny,  de  Tonnerre,  de  Bar-sur-Aube,  de  St-Dizier,  Vil- 
lemaur,  Mussy  ,  Sézanne  et  St-Florentin  ,  il  fut  levé  la 
même  somme  ayant  la  même  destination.  A  partir  de 
cette  dernière  date,  le  seul  grenier  à  sel  de  Troyes 
fournit  des  sommes  employées  aux  fortifications.  Cela 
aurait  duré  au  moins  jusqu'en  1593  (1). 

Bien  que  les  rues  soient  pavées,  pour  le  plus  grand 
nombre,  celles  qui  entourent  Tév^ché  et  la  cathédrale 
ne  le  sont  pas;  la  rue  Vieille-Rome  «  par  où  Ton  va  à 
la  Tour-du-I\oi,  où  sont  ses  prisons  et  où  il  est  néces- 
saire d'aller  très-souvent  faire  les  procès  des  criminels,  > 
n'est  point  pavée  (2). 

(1)  D.,  de  1  à  61.  —  La  comptabilité  du  grenier  à  sel  s'arrête  & 
cette  date.  —  Le  grenier  à  sel  de  Vezelay  fournit  aussi  aux  frais  des 
fortifications.  —  (2)  C,  76^  80. 


280  HISTOIRE   DE  THOYES.  xvi«S. 

La  rénovation  ne  se  fait  pas  moins  sentir  dans  les  habi- 
tations que  dans  le  connmerce,  Tindustrie,  les  arts,  etc. 
La  ville  prospère  et  la  population  augmente.  Le  quartier 
du  commerce,  celui  des  Changes,  la  paroisse  deSt-Jean- 
au-Marché  convertissent  leurs  anciens  étaux,  leurs 
vieilles  halles,  en  habitations.  Ainsi  l'on  voit  disparaître 
trente-deux  étaux  à  pain  joignant  la  place  de  la  Char- 
bonnerie  à  celle  du  Pilori ,  la  halle  aux  cordonniers  , 
abandonnée  depuis  1479,  les  ouvroirs  et  les  étaux  de 
la  place  des  Changes.  Des  constructions  s'élèvent  autour 
de  la  Prévôté,  sur  une  place  t  en  la  Gharbonnerie  près 
du  Château  du  Pilori,  »  sur  l'emplacement  d'anciens 
étaux  à  vendre  le  sel,  le  pain  et  autres  marchan- 
dises (1). 

L'imagination,  aidant  un  peu  à  Tesprit,  on  peut,  en 
visitant  quelques-uns  de  nos  anciens  quartiers,  se  repré- 
senter la  ville  de  Troves  avec  ses  maisons  à  double  et 
triple  ligiiot,  surplombant,  avec  leurs  pignons  largement 
développés,  dos  rues  doja  fort  étroites,  souvent  inondées 
par  le  jet  abondant  de  longues  gargouilles  projetant  des 
torrents  d'eau  au  m  lieu  de  mes  fangeuses  et  mal 
pavées,  avec  sos  maisons  cuirassées  d'ardoises  ou  d'ais- 

sis,  comme  il  on  reste  encore  quelques  rares  échantil- 
lons ;  avec  ses  nonibrouses  églises ,  datant  presque 
toutes  dos  di^uziomo  ol  treizième  siècles,  ses  cimetières, 
ses  innombral)los  oouvents;  ses  places  de  St-Pierre,  de 
la  Belle-Croix,  et  (juolques-unes  de  ses  rues  bordées 
iïalloiirSy  connut»  nous  en  avons  vu  naguère  dans  la  rue 
do  la  Corlerio  et,  do  plus,  pour  égayer  la  ville,  reposer 
la  conscience  des  uns,  elIVayer  les  autres,  les  signes  do 
la  haulo  juslice,  sous  forme  do  pil(>ris,  de  carcans,  de 
fourches  patibulaires,  de  potences,  de  billots,  au  nombre 


^l)  Blq.  ualJ'.  (Collection  de  Champagne^  vol.  65.  Comptes  du 
Domaine  royal.  1513-1514. 


\soo 


CHAPITRE  XV. 


âdl 


de  quinze,  appartenant  au  roi  et  aux  seigneurs  qui  8e 
divisent  le  territoire  de  la  ville  (1). 

La  population  augmente  dans  une  proportion  relati- 
vement considérable,  puisque  de  4482  à  Tan  1500,  de 
15,309  habitants,  elle  s*élève  à  23,670,  selon  un  recen- 
sement fait  en  celte  dernière  année,  contradictoirement 
entre  Tavocat  du  roi  et  le  maire  de  la  ville,  et,  avec  les 
habitants  de  Saint-Martin,  de  la  Vacherie,  du  Pré- 
rÉvêque  et  des  Trévois,  à  26,689  habitants  (2). 

Aussitôt  achevée ,  la  Belle-Croix  obtient  une  réputa- 
tion de  miracles,  qui  se  répand  promptement  au  loin. 
Les  pèlerins  affluent  bientôt  en  si  grand  nombre,  pour 
demander  et  obtenir  la  guérison  de  leurs  maladies  ou 
tout  autre  bienfait,  qu'il  fallut  modérer  leur  entraîne- 
ment. Le  9  juin  1500,  le  lieutenant-général  et  Tavocat 
du  roi  remontrent  à  rautorité  échevinalc ,  de  la  part  du 
gouverneur  de  Champagne,  en  ce  moment  à  Troyes, 
€  que  la  grande  affluence  de  peuple  qui  se  tient  surtout 
depuis  trois  semaines  autour  de  la  Belle-Croix,  de  jour 
et  de  nuit,  pour  avoir  santé  et  guérison,  est  en  si  grand 
nombre  que  Ton  ne  peut  passer  ni  circuler  sur  la  place. 


(i)  BoirnoT.  Inventaire  des  chaînes.  Annuaire  de  TÂube,  1863. 
{î)  Nous  rapportons  ce  dénombrement  tel  qu'il  est  renfermé  dans 
le  vol.  Î27,  de  la  collection  Dupuy.  Blq.  natu*. 


Quartier  du  Beffroi. 

—  de  Groncels 

—  de  Comporte 

—  de  St-Jacques 

Total  pour  la  ville. 
St-Martin,U  Vache- 
rie, Le  Pré-l*Evéque 
et  les  Trévois 

Totaux 


Feux 

1009 
H27 
1296 
1265 


539 


Geni 
fU 
for. 

tn 

260 
269 
239 


ï> 


Gens 
d« 
pcmrpoint. 

563 
610 
706 
653 


4697   4039   2532 


Exempt! 
du  gvml 
et  garde. 

475 
234 
32i 
373 


Total 
ycMiprb 

les 
tnftuitt. 

5307 
6150 
641  i 
6099 


1400   23670 


3019 


5236   4039   2532   4400   26689 


232  HISTOIUE  DE  TEOYES.  i5(M 

Celte  assistance  y  fait  ses  ordures  et  immondices,  tel- 
lement qu  il  s'y  engendre  si  grande  punaisie  et  infection 
qu'on  n'y  peult  plus  durer;  plusieurs  filles  et  femmes 
sont  en  danger  d'y  être  déflorées,  perdues  et  gâtées; 
divers  vols  ont  été  commis,  de  grands  inconvénients 
surviennent  par  mauvais  garçons,  qui,  nuitamment, 
hantent  et  fréquentent  la  place  de  la  Belle-Croix.  Enfin 
Tavocat  du  roi  demande  que  sur  ces  faits  il  soit  baillé 
provision  et  avisé.   » 

Sur  celte  plainte,  Téchevinage  décide  qu'il  sera  dé- 
fendu, par  cri  public,  à  tous  pèlerins,  malades,  pauvres 
mendiants  et  autres  personnes  venant  à  la  Belle-Croix, 
qu'à  dix  heures  du  soir  tous  quillont  la  place  et  aillent 
loger  dans  leurs  maisons,  logis  ou  hôpitaux,  et  n'y  re- 
viennent avant  trois  heures  du  malin ,  et  qu'aucune 
personne  ne  passe  plus  d'une  demi-heure  près  de  la 
Belle-Croix,  pour  y  faire  ses  dévolions;  le  tout  à  peine 
d*amcnile  arbitraire  ot  de  prison  (1).  Que  penser  de 
l'efficacité  d'un  tel  pèlerinage  1 

Louis  XII,  étant  à  Lyon,  informe,  le  13  juillet  1500, 
qu'il  doit  se  rendre  à  Troycs  pour  y  recevoir  les  ambas- 
sadeurs du  roi  des  Romains  ot  des  princes  et  électeurs 
de  l'Empire.  Par  un  •  autre  lettre,  datée  de  Dosne ,  du 
dernier  jour  de  juillet,  il  annonce  qu'il  sera  à  Troyes 
dans  dix  ou  douze  jours.  Mais  ,  le  7  septembre,  le  roi 
fait  savoir  que,  les  ambassadeurs  d'Allemagne  ne  devant 
pas  se  rendre  près  de  lui,  il  ne  viendra  pas  à  Troyes  (2). 

En  octobre  1501,  Marguerite  d'Autriche,  fille  du  duc 
Maximilien  et  de  Mario  de  Bourgogne ,  passe  à  Troyes 
pour  se  rendre  en  Savoie.  Louis  XII  écrit  aux  Troyens 
de  lui  faire  bon  accueil.  Il  a  donné  à  cette  princesse  le 
pouvoir  de  délivrer  des  prisonniers  dans  les  villes  qu'elle 

(1)A.,  2. 


(1)A.,  2. 

(2)  Â.  Â.,  carton  48,  liasse  7*^. 


1504  CHAPITRE  XV.  233 

traverse.  Elle  use  à  Troyes  de  la  prérogative  dont  le  roi 
Ta  honorée.  La  ville  l'accueille  avec  honneur,  les  rues 
sont  tapissées  lors  de  son  entrée.  La  présentation  des 
clefs  de  la  ville  fut  mise  en  question  au  conseil,  qui 
décida  qu*au  souverain  seul  appartenait  cet  honneur. 
Comme  présent  de  ville  ,  on  offrit  à  la  princesse  Mar- 
guerite ,  six  muids  de  vin,  quatre  douzaines  de  lapins, 
autant  de  chapons,  dix-huit  torches  de  cire  pesant  trente- 
six  livres,  treize  livres  et  demie  de  dragées  ,  en  huit 
boîtes,  trente-sept  pintes  d'hypocras  et  850  poires  de 
plusieurs  aires  (espèces)  (1). 

La  navigation  sur  la  Seine  et  sur  la  Barse  est  toujours 
active.  D'une  part,  les  meuniers  établis  sur  cette  seconde 
rivière  veulent  percevoir  des  droits  sur  les  bois  de 
chauffage  passant  dans  les  vannages  de  leurs  moulins. 
Le  port  de  cette  rivière  est  près  du  grand  pont  tirant  vers 
Foicy.  Kl,  d'autre  part,  les  héritiers  de  Jean  Le  Bé  «  qui 
a  fait  construire  les  sept  ou  huit  moulins  à  roues  de 
Sencey  ,  »  veulent  exiger  un  droit  de  dix  deniers  par 
bateau,  nacelle  ou  autre  vaisseau,  «  des  nautonniers  ou 
marronniers  d  demeurant  à  Troyes  et  dans  la  banlieue, 
passant  dans  les  vannages  de  ces  moulins.  Mais  ceux-ci 
prétendent  avec  raison  qu'ils  sont  en  droit  de  naviguer 
franchemenl  et  ne  sont  tenus  de  payer  aucun  droit  pour 
le  passage  do  leurs  bateaux  vides  ou  chargés,  en  mon- 
tant ou  en  descendant.  La  concession  d(î  construire, 
faite  à  Jean  Le  Bé,  avait  eu  lieu  à  cette  condition,  main- 
tenue par  sentence  des  requêtes  du  Palais,  en  date  du  24 
mars  1504  (v.  st.). 

L'évêque  veut  exiger  la  dîme  des  laines.  Les  habitants 
de  Troyes  la  refusent.  Une  assemblée  générale  décide 
qu'il  sera  fait  des  propositions  à  l'éveque,  tendant  à 
revenir  à  l'exécution  d'un  traité  naguères  fait  avec  lui, 

(1)  Arch.  mun.,  Petit  livre  de  la  VoiriBy  f^  69,  ro. 


234  HISTOIRE   DE   TBOYES.  1504 

et  dans  le  but  *  d'éviter  d'avoir  noise  et  question  avec 
lui,  >  prélat  et  pasteur  de  la  ville.  L'évêque,  n*acceptant 
pas  CCS  propositions ,  Téchevinage  continue  ses  pour- 
suites et  les  habitants  de  Troyes  sont  dispensés  du 
paiement  des  dîmes  de  la  laine.  Les  statuts  synodaux 
sont  datés  de  1502,  et  l'arrêt  du  Parlement ,  qui  les 
réforme,  est  du  7  septembre  1503. 

Cette  discussion  donne  lieu  ,  si  ce  n'est  au  premier 
procès  de  presse,  au  moins  à  Tun  des  premiers  procès  de 
cette  espèce.  Un  imprimeur  de  Troyes ,  Macé  Panthouli 
imprima  ces  statuts.  Sur  la  poursuite  du  procureur  gé- 
néral au  Parlement,  prenant  fait  et  cause  pour  les  habi- 
tants de  Troyes,  la  Cour  ordonne  la  suppression  de 
quelques  mots.  Les  exemplaires  étant  saisis ,  leur  déli- 
vrance à  révoque  n'eut  lieu  qu'après  avoir  fait  les  chan- 
gements ordonnés  par  la  Cour,  sous  la. surveillance  du 
bailli  et  du  prévôt  (1). 

En  1504,  les  blés  sont  rares  et  chers.  L'échevinage 
prend  des  mesures  pour  assurer  l'approvisionnement  de 
la  ville.  Le  pain  est  taxé  (2). 

Le  chapitre  général  des  cordeliers  est  lenu  à  Troyes, 
en  1504,  le  jour  de  la  Penlecôle.  Le  Père  Delphini,  gé- 
néral de  l'Ordre  ,  en  est  le  président.  Le  Pape  avait 
attaché  à  cette  réunion  des  pardons  et  des  indulgences. 
Ce  chapitre  aurait  été  l'un  des  plus  considérables  de 
l'Ordre. 

La  compagnie  des  arbalétriers  est  si  nombreuse  que 
les  buttes  situées  «  vers  St-Nicolas  »  sont  devenues  in- 
suffisantes. Les  arbalétriers  demandent  à  l'assemblée  de 
la  St-Barnabé,  qu'une  place  «  en  Comporté,  le  long  des 
murs  qui  font  la  fermeté  de  la  ville,  »  leur  soit  accordée. 
Cette  demande  ne  fut  sans  doute  pas  agréée,  car  en 

(i)  Arch.  dép.,  f.  de  VEvêché,  2,  G.  2. 
(2)  Blq.  de  Troyes,  mnsc.  n»  1291. 


1505  CHAPITRK   XV.  235 

1506,  la  ville  leur  accorde  25  1.  t.  «  |)oup  les  aidera 
refaire  certain  mur  ruiné  de  leur  buttes,  placées  près 
de  l'église  St-Nicolas  (1). 

fin  1505,  les  bonnetiers  de  Troyes,  au  nombre  de 
huit  nommés,  et  de  plusieurs  autres,  présentent  requête 
à  justice  pour  se  constituer  en  conlVérieet  corporation, 
«  inclinant  du  tout  à  dévotion  et  avant  recordation  et 
un  singulier  désir  et  affection  à  la  Nativité  de  la  Haute 
et  Très-Excellente  Trésorière  de  grâce ,  la  Henoiste 
Vierge  Marie,  Mère  de  Dieu,  notre  Créateur.  » 

Les  statuts  donnés  aux  bonnetiers  portent  érection 
d'une  confrérie,  sous  le  patronage  de  la  Vierge,  dont 
la  fête  est  célébrée  le  8  septembre,  jour  de  la  Nativité. 
—  La  confrérie  sera  entretenue  dans  Tune  des  églises 
de  Troyes,  choisie  par  eux.  —  Ils  s'assembleront,  chaque 
année,  requis  un  sergent  royal,  et  iront  ensemble  «  con- 
voyer, conduire  ,  mener  et  ramener  le  bâtonnier,  la 
veille,  le  jour  et  le  lendemain  de  la  fête,  pour  aller  aux 
offices  et  en  revenir.  —  Le  lendemain  de  la  fcte,  il  v 
aura  service  pour  les  âmes  des  confrères  trépassés.  — 
Un  ou  deux  gardes  seront  choisis,  chaque  année,  et 
auront  serment  en  justice.  —  L'ne  messe  basse  sera 
célébrée  tous  les  dimanches,  en  Thonneurde  la  Vierge 
et  pour  le  salut  des  âmes  dos  confrères  trépassés.  « — 
(chaque  maître,  tenant  ouvroir,  devra  trois  deniers  par 
semaine  à  la  confrérie.  —  L'entrée  en  apprentissage  est 
fixée  à  5  s.,  payables  de  suite  à  la  confrérie,  excepté  les 
jeunes  pauvres  enfiinls  ou  orphelins,  auxquels  les  maî- 
tres montreront  leur  métier  plus  par  pitié  et  aumône 
qu'autrement,  et,  dans  ce  cas,  les  cinq  sous  ne  sont 
payables  qu'après  la  première  année  d'apprentissage.  — 
Tout  valet  étranger ,  venant  travailler  à  Troyes,  devra 
2  s.  t.  à  la  confrérie,  après  un  mois  de  travail.  —  L'as- 

(1)G.,82.  —  G.15. 


HISTOIRE   DE   TROYKS.  i^fg. 

*:isl::ijce  aij](  fuiicrailles  des  confrères  esl  obligaloire. — 
La  iev^e  de  Touvroir  ou  boutique  est  payée  dii  s^ous  i  la 

corjfn';rie. 

lie  cette  rdodcdtt'  corporation,  peut-être  la  moins  im- 
portante à  Troyes,  dans  les  premières  années  du  XVI« 
siècle,  sortit,  après  plus  de  trois  cents  ans.  la  plus  consi- 
dérable que  la  ville  eût  jamais  renfermée ,  car  aujour- 
d'hui Tindustrie  de  la  bonneterie  dépasse  en  importance, 
en  richesse,  en  produits  et  en  nombre,  toutes  les  cor- 
porations qui  se  sont  succédé  depuis  le  moyen-â^ 
ju8qu*à  nos  jours. 

On  peut  se  demander  quelle  était,  au  XVIe  siècle, 
Tindustrie  des  bonnetiers ,  et  par  quels  procédés  elle 
s'exerçait.  On  est  d'accord  pour  reconnaître  que  le  tricot, 
la  maille  n  étaient  pas  inventés  comme  tissu  ,  dans  le 
milieu  du  XVI**  siècle.  Henri  II  aurait  porté,  en  1559, 
la  première  paire  de  bas  de  soie  tricotés,  au  mariage  de 
sa  fille,  Elisabeth  de  France,  avec  Philippe  II,  roi  d'Es- 
pagne. 

Nous  doutons  que  ce  fait  constate  avec  certitude  la 
«late  de  l'invention  du  tricot  à  l'aiguille,  car  le  tricot  au 
métier  ne  daterait  que  de  1650.  Les  bonnetiers,  faiseurs 
de  bonri(îts,  étaKUit,  à  Paris,  appelés  aulmulciers,  miton- 
aicM's,  c'est-à-dire  fabricants  d'auniusses,  de  mitons.  Le 
cher-d'o.'uvre  consistait  en  un  bonnet  de  laine,  appelé 
aumusse  ou  deux  bonnets,  à  usage  d'homme,  qu'on  nom- 
mail  cri^minlm.  Il  lallait  aussi  faire  un  bonnet  carré  de 
drap  fin,  le  taill(?r,  encofiner ,  et  presser;  confectionner 
une  toque  do  velours  et  brocher  un  bas  d'étame  ou  de 
soie.  Les  bonnetiers  en  tricot  ou  maîtres-ouvriers  en  bas 
et  autres  ouvrages  en  tricot,  tricotaient  ou  brochaient  à 
raiguille  des  bas  ,  des  bonnets  ou  des  camisoles.  Cette 
Jernière  industrie  est  celle  qu'exerçaient,  à  Troyes,  les 
bonntUiers  qui  se  constituent  en  corporation.  Ceux  de 
Paris ,  exerçant  l'industrie  similaire ,  ne  sont  érigés  en 


i 


1505  CHAPITRE  XV.  237 

communauté  qu'en  1527.  —  11  est  évident  que  Tinven- 
tion  du  tricot  est  antérieure  à  la  formation  de  la  corpo- 
ration. Il  a  dû  être  mis  en  usage  longtemps  avant  que 
ceux  qui  l'exerçaient  se  fussent  constitués  en  confrérie. 
Les  bonnetiers  de  Troyes,  des  premières  années  du 
XVle  siècle,  fabriquaient  donc  des  bonnets,  des  bas  et 
autres  ouvrages  tricotés  à  Taiguille.  Us  sont  les  ancêtres 
directs  des  bonnetiers  du  XIX^,  car,  comme  eux,  ils  avaient 
la  Vierge  pour  patronne  et  célébraient  sa  fête  le  8  sep- 
tembre. 

La  ville  de  Troyes  a  des  guetteurs  de  nuit  au  Beffroi 
et  à  la  porte  de  St-Jacques.  On  les  trouve  établis  pen- 
dant tout  le  XVe  siècle.  On  trouve  de  plus  un  crieur  qui, 
pendant  la  nuit  du  dimanche  au  lundi,  parcourt  la  ville 
entre  minuit  et  deux  heures,  réveille  les  habitants  parle 
l)ruit  de  sa  clochette  et  crie:  t  Réveillez- vous,  réveillez^ 
^'oiis^  vous  tous  qui  dormez,  priez  Dieu  pour  les  trépassés^ 
^  qui  Dieu  veuille  pardonner  !  »  Cet  usage,  dont  Tori- 
ine  daterait,  selon  les  comptes  de  la  ville ,  de  l'année 
1505,  aurait  été  mis  en  pratique  jusqu'en  1579,  si  Ton 
n  croit  les  mêmes  comptes  où ,  chaque  année ,  est  ins- 
rite  une  somme  de  six  francs  au  profit  de  ce  crieur  de 
riste  et  funèbre  mémoire. 

En  1505,  le  cardinal-légal,  Georges  d'Amboise,  sé- 
<iurne   à  Troyes  (1). 

Les  faits  qui  décidèrent  Tavènement  de  François  I  au 
rône  de  France  n'ont  été,  jusqu'à  ces  derniers  temps, 
Indiés  que  fort  superficiellement  et  rapportés  si  suc- 
inctement  que  le  récit  de  M.  H.  Martin  fut  presque  une 
ovclalion,  et  cependant  ce  récit  est  loin  d'être  complet, 
-•"ar  s'il  rapporte  les  actes  qui  se  sont  accomplis  à  Tours 
l  au  Plessis-lès-Tours  et  près  du  roi,  il  ne  s'étend  pas 
ux  faits  dont  les  bonnes  villes  furent  témoins.  Ces  faits 

^4^  A.  A  ,  44  carton,  1*^  liasfto. 


238  HISTOIRE   DE  TROYES.  1506 

qui  décidèrent  du  sort  de  la  couronne  de  France  et  du 
mariage  du  comte  d'Angoulênic  avec  Madame  Claude, 
fille  de  Louis  XII,  méritent  d'être  connus  dans  leurs  dé- 
tails, par  le  temps  de  suffrage  universel  qui  court. 

Dans  les  derniers  jours  d'avril  1506,  arrive  à  Troyes, 
le  gouverneur  de  Champagne,  le  seigneur  d'Orval,  d'Ile 
(Aumont)  et  de  Villemaur  ,  etc.  Le  25,  deux  sergents 
royaux  convoquent  «  de  post  en  post  et  d'hostel  en 
hostel,  »  les  habitants  de  Troyes  à  une  assemblée  qui, 
le  surlendemain,  doit  se  tenir,  à  deux  heures,  au  cou- 
vent des  Frères-Mineurs.  A  cette  assemblée  se  rendent 
environ  480  habitants,  dont  les  noms  sont  conservés, 
i  et  plusieurs  autres  en  grant  nombre.  >  On  y  compte 
l'évoque,  Jacques  Raguier,  Nicolas  Forgeot,  abbé  de  St- 
Loup;Erard,  abbé  de  St-Martin-ès-Aires  ;  Guillaume 
Huyart,  licencié  ès-lois  ;  Simon  Liboron  ,  procureur  du 
roi  ;  Antoine  Huyart,  avocat  du  roi  ;  Maret ,  receveur  du 
domaine;  Simon  Saulnier,  élu;  Huguenin  le  Pevrier, 
maire;  Jean  le  Tartrier;  Nicolas  Barrât,  Jacques  Char- 
roy  ,  échevins  ;  Charles  de  Villeprouvée  ,  chanoine  ; 
Claude  do  Salves,  écuycr;  Jean  Menisson ,  marchand; 
Krardot  le  Marguenat ,  maître-garde  de  la  boucherie  de 
Troyes,  etc.,  etc. 

M.  Jean  Bazin,  lieutenant-général  du  bailli,  préside 
l'assemblée.  Il  expose  qu'il  est  venu  à  sa  connaissance 
que  plusieurs  et  des  plus  grandes  bonnes  villes  et  cités 
du  royaume  comme  Paris,  Rouen,  Bourges,  Amiens  et 
autres,  ont  élu  et  député  de  grands  personnages  pris 
parmi  leurs  habitants,  pour  «  de  par  elles,  corps  et 
communautés  d'icellcs,  >  se  rendre,  dans  le  courant  du 
(uois  prochain ,  près  du  roi,  à  Tours  ,  afin  de  lui  faire 
a  certaines  grandes  prières  et  requêtes  pour  le  bien  et 
l'union  du  royaume,  et  de  tous  les  sujets  du  roi.  Afin 
que  la  ville  et  cité  de  Troyes,  ville  capitale  du  comté  de 
Champagne,  ne  soit  point  omise  dans  cette  réunion  de 


t506  CHAPITRE  XV.  239 

Tours,  il  a  fait  convoquer  les  habitants  do  la  ville  à  cette 
assemblée,  sur  Tavis  que  lui  en  a  donné  M.  d'Orval, 
{{gouverneur  de  la  province. 

M.  Jean  Bazin,  après  cetle  exposition,  demande  à  cha- 
cun des  assislans  leurs  voix  et  opinions  pour  savoir  d'a- 
bord si  la  ville  enverra  près  du  roi  et  ensuite  quels  per- 
sonnages y  seront  envoyés. 

L'assemblée  paraît  unanime  pour  adresser  conjointe- 
ment avec  les  autres  bonnes  villes,  une  députation  au 
roi,  et  lui  faire  «  très-humbles  prières  qu'ils  trouveront 
par  conseil  lui  être  à  faire  et  requérir  pour  le  bien,  union, 
paix  et  tranquillité  do  ce  royaume  et  sujets  d'icclui.  > 

Les  élus  sont  :  MiM.  Simon  Liboron,  écuyer,  procu- 
cureur  du  roi  au  bailliage,  noble  homme  Hennequin 
Lepevricr,  maire,  et  honorable  homme  Jean  de  St-Aubin, 
procureur  des  habitans.  Ces  trois  députés  reçoivent  des 
habitants  une  procuration  passée  devant  deux  notaires 
royaux  et  leur  voyage  est  aux  frais  des  habitants. 

La  ville  accueille  ce  projet  de  députation  avec  faveur. 
VA\e  donne  au  secrétaire  du  gouverneur  deux  aunes  de 
velours  achetées  chez  la  Veuve  de  Jean  Mole  «  en  con- 

>  sidération  de  ce  qu'il  avait  apporté  à  la  dite  ville 
»  lettres  pour  envoyer  aucuns  personnages  à  Tours,  de- 
•  dans  le  10«  jour  de  may  pour  oyr  ce  que  par  le  Roy 

>  sera  dit.  > 

Les  trois  députés  se  rendent  à  Tours,  le  premier  y 
passe  vingt  neuf  jours  et  les  deux  autres  quarante  qua- 
tre. Ils  sont  de  retour  à  Troyes  le  30  juin. 

Ce  jour-là,  à  deux  heures  ils  sont  au  couvent  des  frè- 
res mineurs,  où  ils  rendent  un  compte  iidèle  de  Tusage 
qu'ils  ont  fait  de  la  procuration  de  leurs  concitoyens. 
Cette  assemblée  ne  comprend  pas  moins  de  douze  cents 
habitants  dont  les  noms  sont  conservés  et  le  procès-ver- 
bal indique  qu'il  y  assiste  un  très-grand  nombre  d'autres 
habitans.  Il  est   rapporté  par  l'un  des  députés  que,  s'é- 


2i0  HISTOIRE  DE  TROYES.  igjfc 

tant  trans|)ortés  à  Tours,  où  ils  ont  trouvé  M.  le  gouver- 
neur et  plusieurs  grands  personnages  élus  députés  et 
envoyés  par  les  villes  de  Paris,  Rouen,  Bordeaux,  Bour- 
ges, Dijon,  Blieims,  Amiens,  Abbeville,  Toulouse,  Lyon, 
Orléans  et  Tours,  tous  les  députés  ,  par  un  bon  conseil, 
ont  très-huniblemenl  fait  prier  le  roi  que,  pour  le  bien 
de  son  royaume  et  de  ses  sujets,  son  plaisir  soit  de  trai- 
ter le  mariage  de  Madame  Claude  de  France,  sa  fille, 
avec  Monsieur  le  duc  de  Valois,  Seigneur  dWngoulême. 
Cette  prière  fut  accueillie  avec  faveur  par  le  roi  et  elle 
fut  accordée  en  présence  et  de  Tavis  des  princes,  gens 
du  conseil  et  barons  du  roi.  En  leur  présence,  le  lende- 
demain,  jour  de  TAscension,  le  roi  fit  fiancer  Madame 
Claude  et  le  duc  de  Valois  par  le  cardinal  Légat, 
Georges  d'Amboise.  Alors  les  députés  de  Troyes  et  ceux 
des  aulrcs  villes  promirent  de  tenir  et  de  faire  ratifier 
par  les  habitans  dont  ils  avaient  les  pouvoirs,  le  serment 
qui  suit  : 

•  NousSymon  Liboron,  licencié- es-loix,  procureur  du 
roY  noslre  sire  au  bailliage  de  Troyes,  Huguenin  Les- 
pruvier,  ésouier,  maire  et  jelian  de  Sainct-Aubin,  pro- 
cureurde  la  oommunaulté  dudicl  Troyes, commis  et  dep- 
pulez  do  la  bonne  \ille  et  cité  dudict  Troyes,  jurons  et 
promeclons  sur  les  périls  et  danmations  de  nos  âmes  et 
les  saintes  évanjcilos  do  Dieu,  pour  ce  par  nous  corpo- 
rellement  touchées,  que  nous  et  ceulx  de  ladilte  bonne 
ville  et  cité  auxquels  nous  promectons  faire  ratiffier  le 
contenu  en  ces  présentes  et  on  bailler  sur  ce  lectres  au 
roy  nostre  souverain  Seignour  dedans  la  fesle  de  la  Mag> 
deleinv  prochainement  venant,  ferons  et  procurerons  par 
efTect  de  tous  nos  pouvoirs  que  le  mariage  de  très  haulte 
et  trt-s  excellente  princesse.  Madame  Claude  de  France 
et  de  très  hault  et  très  puissant  prince  Monseigneur  le 
duc  do  Valois,  lequel  il  a  pieu  au  roy  à  la  supplicacion 
et  requeste  de  ladicte  ville  et  des  autres  principales  du 


1506  CHAPITRE  XV.  244 

royaulme,  par  Tadvis  des  princes  et  seigneurs  de  son 
sang,  ceulx  du  conseil  et  des  barons  et  seigneurs  dudict 
royaulme,  présentement  conclure  etaccorder  et  faire,  soit 
entièrement  entretenu  aeomply  el  consommé  inconti- 
nant  qu'ils  seront  parvenus  à  Taage  pour  iceluy  consom- 
mer (I).  Et  que  si  le  roy,  que  Dieu  ne  veuille,  va  de  vye 
à  trespas  sans  délaisser  enfant  masle,  nous  tiendrons  et 
rcputerons  mondict  Seigneur  de  Valois  pour  nostrc  roy 
et  souverain  Seigneur  et  comme  tel  lui  obéirons.  Tes- 
moing  noz  seings  njanuelz  cy  mis  le  XLV  jour  de  may 
Tan  mil  cinq  cens  et  six.  *  Signé  :  »  Liboron,  Lepevrier 
et  Sl-Aubin.  » 

Sur  ce  récit,  les  assistants  remercient  le  roi  de  son 
consentement  au  mariage  de  sa  fille,  avec  le  duc  de  Va- 
lois, ratifient  «  les  fois,  jurements  et  promesses  »  faits 
par  leurs  députés  pour  le  corps  et  communauté  de  la 
ville  et  promettent  de  tenir,  faire  entretenir  et  accom- 
plir ce  qu'ils  ont  promis.  Ualification  fut  dressée,  sous  le 
sceau  de  la  prévôté  par  deux  notaires,  et  approuvée  par 
l'assemblée  tout  entière.  L'original  fut  envoyé  au  roi  et 
copie  en  fut  conservée  à  Troyes  par  les  soins  de  Téche- 
vinage.  Cet  acte  fait  connaître  les  dilTérens  détails  qui 
accompagnèrent  le  séjour  des  députés  à  Tours,  leurs  re- 
lations avec  le  roi  et  les  fêtes  qui  leur  furent  don- 
nées (2). 

Le  moyen  employé  pour  faire  arriver  sans  troubles 
le  duc  de  Valois,  comte  d'Angoulême,  à  la  couronne  de 
France,  était  habilement  choisi.  11  en  était  de  même  à 
l'égard  du  mariage  de  Madame  Claude,  promise  par  des 
traités  entre  Louis  XII,  Maximilien  et  IMiilippe  le  Beau,  à 
un  prince  autrichien  :  alliance  contraire  à  l'opinion  |)u- 
hlique.  Il  était  habile  de  faire  détruire  par  la  nation,  — 

ii)  Madaime  Claude  avait  sept  ans,  et  le  duc  do  Valois  douze, 
fi)  A.   3,  à  la  date,  et  lî,  .V».  —  II.  Martin.  Uint.  des  Fr  ,  t.  vu, 
p  355.  ' 

in.  iù 


£42  HlSTOltŒ   DB   TROYES.  fSOê 

car  les  bonnes  villes  en  étaient  la  représentation,  —  des 
traités  souscrits  par  des  souverains. 

Dans  Tune  des  assemblées  tenues  à  Tours,  Torateur 
des  députés,  Thomas  Bricot,  chanoine  de  Notre-Dame 
de  Paris  et  député  de  cette  ville,  décerna  à  Louis  XII  le 
très  glorieux  titre  de  :  Pèue  du  Peupliî:,  que  Thistoire  lui 
a  conservé  à  si  juste  titre. 

Le  9  juillet,  pour  demander  au  roi  une  faveur  en  lui 
Faisant  remettre  la  ratification,  donnée  par  les  hahitans 
de  Troyes  aux  faits  accomplis  à  Tours,  le  Maire  et  les 
Echevins  provoquent  une  réunion  dans  laquelle  est  exa- 
minée la  question  de  savoir  si,  pour  avoir  franchise  et 
libertéy  il  serait  bon  de  demander  au  roi  d'enlever  les 
impositions  qui  se  lèvent  sur  la  ville  et  à  quatre  lieues  à 
la  ronde  et  de  les  remplacer  par  un  autre  impôt  levé 
sur  quelque  marchandise  qui  serait  désignée. 

A  cet  effet,  Téchevinage,  pour  s'éclairer  et  avoir  l'avis 
de  quelques  notables  habitans,  réunit  à  lui,  pour  le  col- 
lège des  bouchers,  Erardot  le  Marguenat,  maître-garde 
de  la  boucherie,  et  Jean  Doublet,  pour  celui  des  tan- 
neurs, Nicolas  Bouillerot  et  Guillaume  Format,  pour  les 
foulons-lanneurs,  Nicolas  Largentier  et  Guillaume  de 
Bargues  pour  les  drapiers,  Guillaume  Mole  et  Jean  de 
Mesgrigny  (1).  Ce  projet  ne  paraît  pas  avoir  eu  de  résul- 
tat, si  la  demande  a  été  soumise  au  roi.  Car,  en  1510, 
les  habitans  de  Troyes,  pour  atteindre  le  même  but,  de- 
mandent à  prendre  à  ferme  les  impositions  levées  pour 
le  roi  dans  la  ville.  Ce  qui  eut  lieu. 

Dans  le  cours  de  cette  même  année,  le  curé  et  les 
marguilliers  de  St-Jean  demandent  que  Thorloge  du  clo- 
cher de  leur  église  soit  réparé  et  placé  à  une  plus 
grande  élévation  et  dans  ce  but,  ils  demandent  des  se- 
cours à  l'échevinage,   que  devint  la  question  du  fond  ? 

(1)  A.,  3,  à  sa  date. 


1906  CHAPITRE  XV.  243 

nous  ne  cherchons  pas  à  le  savoir.  A  cette  occasion,  le 
lieulenant-général  au  bailliage,  sur  la  requête  du  procu- 
reur du  roi,  s'oppose,  à  peine  de  500  liv.  d'amende,  à 
ce  qu'un  accord  intervienne  avant  que  les  gens  du  roi 
soient  entendus.  L'échevinage  répondit  à  cette  défense 
€  que  ces  observations  sont  inutiles  et  déraisonnables, 
qu'aux  affaires  de  la  ville,  il  n'est  pas  coutume  d'appeler 
les  oITiciers  du  roi,  sinon  pour  la  reddition  des  comptes 
ainsi  que  le  Parlement  l'a  décidé  ;  les  affaires  et  les  des 
niers  de  la  cité  sont  administrés  par  les  officiers  de  la 
ville  sans  le  concours  de  ceux  du  roi  et,  dans  le  cas 
actuel,  l'éclievinage  décidera  ce  qui!  jugera  convenable.  » 
Ces  défenses  sont  renouvelées  par  les  gens  du  roi  et  le 
procureur  des  habitants  s'en  porte  appelant.  Deux  moi» 
après,  tout  est  mis  à  néant  (1).  L'échevinage  passe  outre. 

Les  fondations  de  la  tour  St-Pierre  de  la  cathédrale 
sont  jetées  en  mars  150B|v.  st.).  Le  chapitre  demande 
à  l'échevinage  l'autorisation  de  lever  les  pavés  pour 
commencer  les  travaux  lii.  L'emplacement  est  visité  par 
Mp  Michel,  maître  maçon  à  St-Nicolas  en  Lorraine  (3), 
et  par  un  autre  maçon  au  service  du  duc  de  Lorraine. 
L'on  commença  les  travaux  do  maçonnerie  sur  les 
plans  dressés  par  M^*  Martin  Cambiche,  maçon  de  Beau- 
vais  (4). 

Les  pratiques  bizarres  étaient  fort  communes  au 
moyen-âge.  L'année  1506  on  vit  supprimer  une  dans  la 
collégiale  de  St-Etionne,  qui  se  pratiquait  le  jour  de 
Pâques.  Ce  jeu,  dit  de  la  Pelotle,  était  pratiqué  dans  un 
grand  nombre  d'églises  et  des  plus  considérables,  à  Troyes, 
à  la  cathédrale  et  à  la  collégiale  deSt-Klienne,  à  Auxerre 
â  Rheims,  à  Amiens,  etc. 

Le  jour  de  Pâques,  après  Noue,  le  chapitre  allait 
chercher  Tévêque  processionnellemenl  pour  chanter  les 

<0,  (2),  (3)  A.,  3,  A  sa  date. 
(4)  Arch.  dép.,  3.  G.,  362. 


UA  HISTOIRE  DE  TKOYES.  isos 

Vêpres.  Le  cortège  se  rendait  dans  la  salle  capitulaire. 
Chacun  y  prenait  rang  comme  au  chœur;  on  y  admet- 
tait les  notables  et  bourgeois.  Toute  l'assistance  placée, 
le  doyen  apportait  une  balle  et  une  toupie ,  avec  une 
thiare ,  aux  armes  de  Tévéque.  Le  cloilrier  plaçait  la 
toupie  sur  une  bancelle,  au  milieu  de  l'assemblée,  pré- 
sentait la  balle  à  révéque  qui,  trois  fois  ,  la  lançait  sur 
la  toupie.  Cette  balle  passait  ensuite  aux  assistants  qui, 
chacun  trois  fois,  jetaient  la  pelotte  sur  la  toupie. 

Le  jeu  fini,  les  gens  de  Tcvêque  présentaient  à  Tas- 
sistance  du  vin  rouge,  du  vin  blanc,  des  oublies  et  des 
pom.iies  qui  étaient  distribués  à  tous  les  assistants, 
après  bénédiction.  Le  cloîtrier  présentait  le  verre  au 
doyen,  buvait  après  lui  et  le  verre  lui  appartenait.  A  St- 
Etienne,  Tévêquti  était  remplacé  par  Tun  des  dignitaires 
du  chapitre.  Le  jeu ,  dans  cette  église ,  fut  supprimé  le 
23  mars  1500.  A  St-Pierre,  selon  Grosley,  il  aurait  per- 
sisté jusqu'en  1564. 

Le  jour  de  Pâques,  à  la  cathédrale,  à  rofTice  de  Matines, 
on  représentait  aussi  la  scène  des  Trois  Marie  au  tom- 
beau de  J.-C, 

A  la  Pentecôte,  dans  toutes  les  églises  de  Troyes,  on 
pratiquait  la  représentation  en  action  de  la  descente  du 
St-Esprit  dans  le  chœur  de  Téglise  A  Tierce,  des  en- 
fants de  chœur  montaient  dans  les  voûtes  et  en  faisaient 
descendre  le  *  coulomb  »  ou  pigeon  blanc  orné  d'une 
couronne  de  fleurs  (1).  Pendant  la  Messe,  ils  donnaient, 
dans  Téglise,  la  liberté  à  des  oiseaux,  puis  jetaient  des 
fleurs  et  surtout  des  pétales  de  pivoines,  afin  de  repré- 
senter les  langues  de  feu  (2). 

Les  procès  contre  les  animaux  étaient  communs  au 
moyen-âge.  Vers  1385,  le  juge  du  duc  de  Bourgogne, 

(1)  Arch.  (1<'|).,  Comptes  des  /'(/lises  paroissiales. 
('2)  Skmiu.ahd.  t.  I.  Grosley.  Mém.  hiai.t  t.  n. 


i5U6  CHAPITRE  XV.  24-5 

séant  dans  la  chatellenie  de  Jaucourt,  fît  pendre  un 
taureau  qui  avait  tué  un  habitant  du  village  d'Argançon. 
Cet  animal  fut  traîné  par  des  chevaux  jusqu'aux  four- 
ches patibulaires  (i).  En  1401,  la  même  justice  con- 
damna à  mort  une  truie,  qui  avait  étranglé  un  enfant 
au  village  du  Puits,  dépendant  do  la  chatellenie  de  Jau- 
court  (2). 

L'official  deTévéché  dcTroyes,  Jean  Millon,  en  1506, 
rend  une  sentence  contre  les  bruches^  érnches^  hurebets 
ou  urebecs,  La  sentence  porte  :  a  Au  nom  et  en  vertu 
de  la  toute-puissance  de  Dieu,  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit,  de  la  Bienheureuse  Marie,  Mère  de  N.-S.- 

.I.-C,  du  Tautorité  des  saints  Apôtres,  Pierre  et  Paul  et 
et  de  la  nôtre  propre  ,  dont  nous  sommes  investi  en 
cette  aflTaire,  nous  enjoignons  aux  susdits  animaux  bru- 
rhes^  éruches,  ou  de  quelque  autre  nom  qu'ils  soient 
appelés  (3),  d'avoir,  sous  peine  de  malédiction  et  d'a- 
nalhéme,  dans  les  six  jours,  à  se  retirer  des  vignes  et  du 
territoire  de  Villenauxe,  et  à  ne  plus  causer  aucun  dom- 
mage en  quelque  autre  endroit  du  diocèse  de  Troyes  ; 
que  si,  les  six  jours  expirés,  lesdits  animaux  n'ont  point 
obéi  pleinement  à  notre  injonction,  le  septième  jour, 
nous  prononçons  contre  eux,  par  cet  écrit,  anathéme  et 
malédiction.  •  (4). 

(1)  Arch.  de  Bourgogne^  Dépenses  de  Jean  Foissy^  bailli  de  la 
montagne  et  de  Jaucourt,  1380-1385,  n«  4947. 

:%  Mêmes  arch  ,  Comptes  de  1401-1402.  m  4964. 

(3^  Cet  animal  destructeur  est  nommé  dansFAube ,  dans  la  Marne 
et  dans  la  Côte-d'Or,  uberiot,  tirebec,  ulber,  urbec,  ullebar^  elulber, 
cunche^  urebve.  Il  appartient  à  la  famille  des  charançons  ;  son  nom 
scientifique  est  le  rhynchites  betuleti,  de  Fabricius.  (Mém.  de  la  Soc. 
de  TAube,  t.  xxni,  1859.  Note  de  M.  Gustave  Legrand.) 

(4)  Ce  document,  en  latin,  est  contenu  dans  un  recueil  manuscrit 
(ie  protocoles  et  de  formules,  ayant  appartenu  à  Tabbaye  de  Montier- 
la-Celle.  Il  fut  composé,  pour  cette  abbaye,  de  1526  à  1531,  par  N. 
de  la  Hupperoye.  (Arch,  hist.  de  VAube,  par  Vallet  de  Viriville^ 
1841,  p.  88  et  89.  —  Arch.  dép.,  Collège  de  Troyes,  D.,  97.  Collée- 


2i6  HÎSTOIP.E   DE  TI\OVES.  x>tS. 

l.os  mesures  financières  intcrossant  la  communautr 
(les  habitants  sont  toujours  prises,  non  par  réchevinagc 
seul,  mais  pnr  les  habitanis  eux-mêmes,  réunis  à  cet 
effet  en  assemblée  {générale.  416  habitants,  dont  les 
noms  sont  donnés  et  plusieurs  autres  en  grand  nombre 
approuvent  la  levée  de  l'aide,  octroyée  par  le  roi,  de  dix 
livres  t.  par  muids  de  sol  vendu  au  grenier  de  Troyes. 

Des  le  XII*'  siècle,  la  vicomte  de  Troyes,  en  tant  que 
dignité  et  office  de  la  Cour  des  Comtes,  disparaît  de  la 
hiérarchie  féodale.  Véritable  fief  doté  par  les  comtes,  il 
est  divisé  à  l'infini  entre  les  héritiers  et  les  ayants-droit 
des  titulaires,  qui  le  possédaient  dans  son  intégrité.  Le 
roi  en  recouvre  une  partie,  un  douzième.  La  famille  de 
Mesgrigny  en  acquit  un(^  autre  portion  qui  devint,  en 
dernier  lieu,  la  plus  importante  et  qui,  jusqu'au  dernier 
jour  de  l'ancienne  monarchie,  conserva,  pour  ses  mem* 
bres  le  titre  de  vicomie  de  Troyes.  La  famille  Jouvenel 
des  Ursins  en  posséda  une  portion,  ainsi  que  celles  des 
Lenharé ,  des  Dampierre-Bourbon ,  de  Conflans ,  de 
Cray,  etc.  ^l).  Ceux  qui  pos.^édaient  les  droits  les   plus 


lion  des  Inventaires  sommaires  des  areh.  dép.  anlér.  à  i790,pour 
le  département  de  l'Aube  !'♦■  partie:  Archives  civiles,  publiées  par 
M.  d'Arbois  de  Jubainville,  ISGO.  Cette  sentence  a  été  reproduit*» 
par  Rochette,  dans  la  preniit're  moitié  du  xvii«-  siècle;  puis,  par 
Chèvre  de  la  Channotte  ,  curé  de  Villeiuaur.  Gro.-ley  l'a  publiée  et 
Conrtalon  ^7\>;).  dti  Dioe.  de  Troyes,  t.  1.  p.  302,)  la  mentionne. 
Tnùtée  de  facétie  et  de  pochade  par  M.  dWrbois,  en  1800,  à  la  So- 
ciété acailémique  de  l'Aube,  M.  G»'lée  n^fuîa  (T.  xxix  des  Mé- 
Uioires).  avec  esprit  ot  solidité,  le  travail  de  M.  d'Arbois,  qui  a  re- 
connu depuis  l'authenticité  de  ce  curieux  document. 

M^rr  Mallier  O0ll-l(iT8^  donne  commission  au  Doyen  de  la  Chré- 
tienté de  Sézanni»  pour  exorciser  les  insectes,  dits  urbès.  Arch. 
dép  ,  f.  de  i'Evécbé,  0.  r/,>,  publié  par  M.  d'.Arbois.  arch.  de 
r.\ub»^  Voir  :  M.  p'Arpois.  Lr<  rxc:'mm\'niev.tifms  d*animaujr 
Revue  dos  questions  hi>tonques,  'J'  liv.,  p.  ^2T5),  où  il  ne  discute 
pîus  que  la  valeur  de>  mots  :  anuthème  et  excommuiiication  et  re- 
connais la  valeur  d*^  ces  sortes  de  sentences. 

(1^  Nous  ne  suivrons  pas  Grosiey  dans  les  tïUbdiTÎsions  infimes 


1508  CHAPITRE   XV.  347 

productifs  étaient  les  chanoines  de  l'église  de  St-Etienne, 
dont  les  titres  remontaient  à  la  fondation  de  leur  église. 
Kn  dernier  lieu,  suivant  Grosley,  le  roi  possédait  un 
quart  dans  un  tiers,  soit  un  douzième  ;  le  maire  et  les 
échevins  de  Troyes,  une  portion  égale  à  celle  du  roi;  le 
Chapitre  de  St-Fltienne,  un  tiers  ou  quatre  douzièmes,  et 
la  famille  de  Mesgrigny,  la  moitié  ou  six  douzièmes. 

Grosley  a  donné  un  tableau  des  droits  de  la  vicomte» 
qu'il  date  de  1390.  En  voici  un  autre  beaucoup  plus 
développé.  Il  pose  d  autres  bases,  dans  le  partage  des 
droits  utiles,  que  celles  données  par  Fauteur  des  Ephé- 
mérides.  Ainsi,  il  est  dit  que  le  roi  possède  la  tierce  par- 
tie des  revenus  de  la  vicomte  et  non  le  douzième. 

La  vicomte  a  la  seigneurie  et  les  vicomtes  ont  le  droit 
de  minage  ou  de  mesurage  sur  tous  les  grains  mesurés, 
en  la  ville  de  Troyes,  par  gens  étrangers  ou  forains.  Les 
habitants  de  Troyes  ne  peuvent,  sans  payer  le  minage, 
mesurer  que  les  grains  et  les  noix  provenant  de  leurs 
récoltes  ou  de  leurs  revenus. 

Les  vicomtes  ont  droit  de  minage  sur  les  blés,  avoi- 
nes, pois,  fèves  et  autres  grains  vendus  à  Troyes.  Il  leuf 
est  payé,  de  trois  septiers.un  bichet  parles  personnes  et 
les  villes  soumises  à  ce  droit.  Si  Ton  ne  paie  en  nature, 
il  est  dû  12  d.  obole  tournois.  Ceux  qui  ne  doivent  pas 
le  minage  paient  un  denier  par  seplier,  hors  de  Troyes, 
et  à  Troyes,  deux  deniers.  Il  n'y  a  d'exempts  de  ce  der- 
nier droit  que  les  habitants  de  Troyes  et  les  monnayers, 


survenues  dans  le  partage  de  cet  office-rieffé.  Voir:  ses  Mém.  hist,, 
t.  I,  p.  i'28. 

Nous  croyons  erroné  le  partage  quMl  fait  des  revenus  de  la  vicomte. 
Ainsi,  en  1514,  (Compte  du  Domaine  royal) ,  le  roi  perçoit  son  dou- 
zième, et,  de  plus,  celui  de  Pierre  de  Gray,  décédé  sans  enfants. 
Puis,  les  revenus  sont  très-divers  ;  ils  ont  mt^me  perdu  leur  nom 
d^origine  pour  en  prendre  un  nouveau,  tiré  soit  de  la  chose  soumise 
aux  droits,  soil  du  nom  du  possesseur. 


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h--.-  .  *  >    it-     ■  '. -j   ::-îr\  se  tmiivr  compris  a  le 

t.  ..:.  .  .  >  .:  :  ."  ,...:■.  "•>  "Uis  puHies,  c'i'Slà  savoir: 
!••  t';ri:.v  ti'  >  ;  >  =>  iri'ie.  ir.*  viruil  lové  sur  les  vins  ven- 
dus  dciii>  I  iiiiti.rur  t\r  la  \iile.  tanl  sur  les  vius  du  grand 


/ 


1508  CHAPITRE  XV.  249 

que  (hf  petit  péage^  et  celui  qui  se  lève  sur  les  laines. 
Les  vicomles  lèvent,  aux  portes  de  St-Jacques  et  de 
Cronceîs,  pour  la  foraine  (/br^.s5/;/e,  foreisme?)^  certains 
droits  sur  les  vins  entrant  et  sortant,  et  sur  d'autres 
niarcliandiscs.  Et  si  ce  sont  des  matières  dites  :  a  avoir 
du  poids^  ^  {i)  c'est-à-dire  qui  se  vendent  au  poids,  de 
20  sous,  ils  reçoivent  4  deniers  ;  sur  une  tonne  de  ha- 
longs  sortant,  4  deniers;  sur  une  brouette,  l  denier; 
sur  un  faix  de  bêle  de  somme,  1  denier;  un  faix  à  col, 
une  obole.  —  A  la  porte  de  t^roncels,  les  vicomtes  ont 
le  tiers  de  tout  ce  qui  se  lève  de  la  foressine,  et  le  sur- 
plus ap|)artienl  au  sous-chantre  de  St-Etienne. 

Tels  sont,  un  somme,  les  droits  de  la  vicomtr  perçus 
vivant  et  jusqu'au  moment  de  leur  suppression.  Leur 
«<ssiette  et  leur  |)erception  |)résentent  les  entraves  et  les 
embarras  les  plus  grands  à  la  liberté  de  commerce,  et 
pèsent  lourdement  sur  les  relations  sociales  de  Tintérieur 
il  Textéiieur  de  la  ville.  Si  ces  droits  eussent  ^té  perçus 
sur  toutes  marchandises  et  sur  toutes  personnes,  les  dif- 
lîcultés  eussent  été  moindres.  D'autres  entraves  résul- 
taient encore  de  la  qualité  et  de  la  demeure  des  per- 
sonnes. 

Les  droits  ci-dessus  sont  dus  par  les   habitants  des 
ohatellenies  dont  les  noms  suivent,  s'ils  n'ont  exemption 
cle  franchise,  et  cette  franchise  est  sans  valeur,  s'ils  sont 
marchands  ou  fernjiers,  et  sans  compter  les  contesta- 
lions.  Ainsi   les  vicomtes  réclament  aux  habitants  de  la 
chàtellenie   d'isie  (Aumont),   mais   ceux-ci    prétendent 
qu'ils  ne  doivent  rien  parce  qu'ils  paient  à  la  gerbe.  La 
ville  d'Isle  se  prétend  exempte  de  tous  droits.  La  chà- 
tellenie  d'Ervy  doit  le  minage.   Celle  de  Villemaur  doit 
le  tonné  et   le  minage.  Il  en  est  de  même  des  villes  et 
chalellenies  de  .Méry,  de  Saint-Just,  de  Plancy,  d'Arcis, 

{{)  Cette  expression  est  toujours  en  usage  en  Angleterre. 


250  mSTOIRB  DB  TROYES.  isOR 

rie  la  chatellenie  de  Uaiiierupt  et  de  tout  le  pays  de  la 
rivière  d'Aube,  la  ville  de  Brienne  et  toute  la  chatellenie, 
«  excepté  les  hommes  qui  sont  du  don  du  roi  Jean.  » 

Tous  autres  pays  et  villes  doivent  minage,  ventes  et 
tonné  s'ils  n*ont  franchise,  et  s'ils  sont  marchands  ou 
fermiers,  leur  franchise  ne  leur  profite  pas,  quoique  no- 
bles, clercs  ou  prêtres. 

Tous  nobles,  prêtres  ou  clercs,  qui  sont  marchands, 
serviteurs  et  fermiers  de  curés  ou  d'autres  fermes  ou 
marchés  doivent  minage,  vente  et  tonné,  quand  même 
ils  résident  en  villes  franches. 

La  ville  de  Vendeuvre  et  toutes  les  villes  de  cette 
chatellenie,  la  ville  de  Montiéramey  et  toutes  celles  qui 
en  dépendent  doivent  le  minage,  la  vente  et  le  tonné. 
11  en  est  de  môme  de  la  ville  et  de  toute  la  chatellenie 
de  Bar-sur-Seine,  de  toutes  les  villes,  situées  sur  la  Bar- 
buise,  ainsi  que  toute  la  ville  de  Pouan,  quoiqu'elle  soit 
au  roi  et  à  l'évêque  de  Troyes  (4). 

Le  doyen  et  les  chanoines  de  Saint-F^tienne  traitent 
avec  les  habitants  de  Troyes  de  leurs  droits  dans  la  vi- 
comte. Ils  cèdent  aux  Troyens  tout  ce  qu'ils  ont  et  pos- 
sèdent du  tonné  de  la  laine,  des  fermes  du  suran  (super 
annnm )y  de  Xcficorcc  on  de  Vescrisse,  de  la  foire  du  clos, 
du  péage  des  ursins  \%  lU  do  la  tierce  partie  de  la  ferme 
du  pied  fourchu  et  tons  autres  droits,  auxquels  ils  pour- 
raient prétendre,  tant  à  l'entrée  qu'à  la  sortie  de  la  ville 

(1)  u  Le  dénombreinrnt  dos  droits  de  la  vicomte  de  Troyes  »  dont 
Tanalyse  vient  d'être  faite  n'a  jamais  été  publié,  croyons- nous.  La 
copie  appartient  à  la  dernière  moitié  du  XV^  siècle.  11  n  pu  être 
dressé  au  XIV*'.  Il  résume  les  droits  utiles  delà  vicomte  au  moment 
de  leur  rachat  el  de  leur  extinction.  Ce  rachat  fut  de  la  plus  pramle 
utilité  pour  arriver  à  la  liberté  du  commerce.  (  Blq.  nat'»^^.  Collection 
de  Champ,  t.  68,  de  la  collection;  Troyes,  XVllL  ) 

(2)  Ce  pi'ape  ne  serait  pas  celui  auquel   la  famille  Juvonel  des 

Ursins  aurait  attaclié  son  nom,  mais  celui  qui,  levé  d'abord  à  la 
porte  des  oursiers,  Mr.s«r»'ori<m,  par  corruption  des  ur&ins,  puis  en- 
suite à  la  porte  de  S t- Jacques. 


fCOB  CHAPITRE  XV.  251 

SUT  les  passants  et  repassants,  avec  denrées  et  niar- 
chandises,  et  consentent  à  la  suppression  de  tous  ces 
droits,  qui  ne  pourront  plus  èlre  perçus.  Le  (Chapitre  ne 
se  réserve  que  ses  droits  sur  le  rouage  des  vins  et  la  dis- 
position, à  son  profit,  des  «  offices  de  mesureurs  et  me- 
sureresses  »  des  grains,  et  ceux  que  le  sous-chantre  de 
leur  église  dit  avoir  à  la  porte  de  Croncels,  ainsi  que  la 
partie  de  minage  levé,  à  Troyes,  par  les  chapelains  de 
Sainte-Hélène  et  de  Sainte-Hoïlde,  fondée  dans  la  même 
église  :  droits  sur  lesquels  on  traita  peu  après.  Les  habi- 
tants de  Troyes,  de  leur  côté,  abandonnent  au  Chapitre 
tous  les  droits  que  possède  la  léproserie  des  Deux-Kaux 
sur  les  étuves  et  qui  constituent,  en  faveur  du  Chapitre,  une 
rente  annuelle  do  25  I.,  rachelable  au  capital  de  cmq 
cents  livres.  Celle  importante  transaction  porte  la  date 
du  4  février  1508  (v.  si.)  (l). 

La  ville  traite  ensuite  avec  le  sous-chantre  do  Saint- 
Ktienne  chargé  alors  du  service  de  la  chapelle  royale  (2). 
Il  demande  une  rente  annuelle  de  soixante  livres  pour 
donner  toute  liberté  et  franchise  do  laisser  circuler  en 
ville  les  marclhmdises  soumises  aux  droits.  La  ville 
oflre  de  Iraiiî;  porter  à  ce  dignitaire  du  (chapitre  le  dixième 
des  droils  revenant  h  la  léproserie  et  do  lui  constituer 
vingt  livres  de  renie  annuelle,  rachelable  au  prix  de 
tOO  liv.  t.  i3).  Le  traité  fut  réalisé  le  30  avril  1510, 
moyennant  six  écus  d'or,  et  une  rente  annuelle  de  14-  I. 
10 's.  t. 

Celte  rente  et  celle  de  vingt-cinq  livres,  accordée  au 
Chapitre,  sont  rachetées  le  27  août  1528.  La  première 
moyennant  500  liv.  et  la  seconde  au  prix  de  290  I.  t. 

i  1;  Artli.  dé|)., /*.  de  St-Elicnne,  Liv.  delà  Grand'Chambir.. 
.Nrch.  inun.  anc.  f.  ii'>26.  Péafjcf^  et  dvoils  féodaux, 

(2)  A  celte  cliapeUe  avaient  t^té  réunis  les  profits  d'une  antre  cha- 
pelle royale,  colle  de  Vaucemain,  aujourd'hui  ferme  de  ce  nom,  com- 
mune tii:  oommcval,  où  existe  encore  une  chapelle. 

(3)  A.,  3. 


252  HISTOIRE   DE   TROYES.  igos 

Les  chapelains  de  Sainte-Hoïldc  et  de  Sainte-Hélène 
traitent  avec  les  Troyens  le  22  septembre,  de  leur  part 
de  minage  et  de  la  vicomte,  moyennant  la  somme  de 
120  I.  t.  et  l'abandon  d'un  muid  de  blé,  qu'ils  devaient 
à  la  léproserie  (1). 

Cette  partie  des  droits  utiles  de  la  vicomte  demeurent 
donc  à  Tavenir  à  jamais  supprimés.  A  la  suite  de  ces 
transactions,  on  15 H,  la  contenance  du  boisseau  fut 
réglée  et  fixée  à  12  pintes.  Plus  tard,  cette  contenance 
fut  portée  à  16  (2). 

Continuant  la  mise  en  pratique  de  ce  principe  d'af- 
franchissement, Téchevinage  adjuge  la  ferme  delà  maille, 
levée  sur  le  pain  blanc,  à  la  communauté  des  boulangers, 
moyennant  H50  1.  t ,  pour  éviter  toute  vexation. 

A  cette  époque,  la  ville  de  Troyes  s'approvisionne  de 
sel  au  port  de  Rouen.  Le  prévôt  des  marchands  et  les 
échevins  de  la  ville  de  Paris  s'opposent  au  passage  de 
leur  ville,  sans  péage,  des  bateaux  portant  cette  mar- 
chandise de  Rouen  à  Troyes.  La  mairie  de  Troyes  sou- 
tint un  procès  contre  le  prévôt  des  marchands,  invoquant 
les  lettres  de  Charles  Vil  de  1429  et  de  14-37;  les  Troyens 
sont  maintenus  dans  leurs  anciens  privilèges. 

Tandis  que  d'un  côté  la  nouvelle  administration  de  la 
cité  travaille  avec  ardeur  à  l'aifranchissement  des  rela- 
tions commerciales,  au  maintien  des  principes  libéraux 
de  la  coutume,  elle  ordonne,  sous  peine  d'amende  arbi- 
traire la  démolition  des  cheminées  et  mureaux(ou  mu- 
rets) (3)  construits  en  bois,  (^es  poursuites  se  continuent 

(1  )  Arch.  muii.  anc.  f.  lay.  2i^. 

(2)  Arch.  dép  f.  do  St-Etienne.  luv.  de  la  grand  Chambre^ 
p.  G8.  Bien  qu'il  y  eût  renvoi  au  reg.  de  rilûtel  de  viHe,  nous  ne  con- 
naissons pas  l'acte  original,  qui,  en  1511,  régla  alors  la  contenance 
du  boisseau. 

(3).  Espèce  «le  fourneau  ou  poêle,  ou  autre  appareil  de  chauf- 
fage. 


1506  CHAPITRE  XV.  253 

pendant  plus  de  trente-cinq  ans,  jusqu'à  ce  que  cette 
cause  de  fréquents  incendies  disparaisse.  En  1508,  par 
une  seule  ordonnance,  elle  prescrit  la  démolition  de 
vingt  de  ces  cheminées  et  murots  (Ij. 

L'administration  de  la  léproserie  passe,  vers  ce  temps, 
entre  les  mains  de  l'échevinage.  Le  maire,  les  échevins 
et  le  Conseil  règlent  la  police  intérieure  de  la  maison. 
En  1501,  cinq  lépreux  habitent  la  maladreric.  Ils  s'adres- 
sent au  Conseil  pour  obtenir  la  somme  nécessaire  c  pour 
acquérir  le  pardon  et  payer  leur  confesseur.  »  Le  Conseil 
accorde  à  chacun  trente  sous,  qui  sont  mis  au  tronc  du 
pardon  et  dix  sous  sont  payés,  pour  chacun,  aux  confes- 
seurs. Le  Conseil  refuse  aux  lépreux  la  permission  de  se 
rendre  au  pèlerinage  de  saint  Edme,  sous  peine  de  sup- 
pression de  la  pitance.  L'admission  à  la  léproserie  est 
prononcée  par  le  Conseil,  qui  n'admet  que  les  malades 
du  chrême  de  Troyes;  mais  il  accorde  aux  autres 
lépreux,  une  logette  à  la  porte  Saint-Antoine  (2),  ou  une 
chambre,  à  la  maladrerie  de  Sainte-Savine,  avec  20  s. 
par  mois,  du  bois  et  une  robe  :  le  tout  pour  Tamour  de 
Dieu  (3). 

Le  Conseil  de  ville,  puis  l'échevinage  avaient  coutume 
de  dîner  et  de  dîner  souvent  au  compte  de  la  commu- 
nauté des  habitants.  Au  XVe  siècle,  presque  toutes  les 
réunions  donnaient  lieu  à  des  dépenses  de  bouche. 
C'était  du  reste  une  habitude  reçue  dans  toutes  les  cor- 
porations. L'échevinage  faisait  aussi  distribuer  de  l'hy- 
pocras  aux  officiers  du  roi  et  à  tous  les  membres  du 
corps  de  ville,  dans  certaines  occasions,  surtout  au  pre- 
mier jour  de  l'an.  Depuis  longtemps,  un  repas  terminait 

(1).  A.  3.  Ces  cheminées  en  bois  existent  encore  dans  le  Jura. 

(S)  Fausse  porte  sise  à  la  hauteur  de  la  rue  Deme,   au  faubourg 
de  St-Martin. 

(3)  A.  3.  Cette  dernière   maison  existait  s»ns  doute  sur  la  route 
(le  Sens ,  contrée  de  la  Maladière. 


^54  HISTOIRE  DE  THOYES.  fSft 

rassemblée  de  la  Saint-Barnabé,  el  le  XVie  et  le  XVII^ 
siècles  verront  continuer  ces  anciennes  habitudes,  mais 
toutefois  en  s'affaiblissant.  En  1509,  le  Conseil  supprime 
momentanément  le  dîner  de  la  Saint-Barnjibé,  à  cause 
des  dettes  dont  la  ville  est  alors  chargée.  Il  est  vrai  que 
toute  réforn:e  entraîne  avec  elle  des  dépenses.  Le  crédit 
n*avait  pas  le  développement  qu'il  a  pris  de  nos  jours. 
Kn  administration,  nous  faisons  des  dettes,  nous  char- 
geons nos  enfants  et  nos  neveux  de  les  acquitter.  Nous 
escomptons,  le  plus  souvent,  l'avenir  à  leur  détriment. 
En  rompant  avec  une  vieille  habitude,  Tcchevinage  fait 
œuvre  de  patriotisme  et  de  bonne  administration. 

En  1508,  les  affaires  ne  sont  point  à  la  guerre,  en 
Champagne.  Néanmoins,  les  environs  de  Troyes  sont 
parcourus  par  une  bande  iV aventuriers,  à  qui  la  ville 
distribue  certaine  somme  pour  les  faire  décamper. 

On  le  sait  déjà,  les  coutumes  du  bailliage  de  Troyes 
furent  discutées,  rédigées  et  imprimées  en  1481.  La 
discussion  fut  reprise  en  1493,  en  vertu  de  lettres  de 
Charles  VHl,  en  dale  du  28  janvier  précédent.  L'enquête 
fut  longue.  Elle  eut  lieu  à  Troyes,  sous  la  présidence  de 
Jean  de  Uotfev,  lieutenant- wnéral.  Elle  se  fit  dans  les 
chatcllenies  d'Arcis,  Pont,  Nogent,  Traînel  el  Méry,  el 
Ton  rédigea  les  usages  et  coutumes  de  chacune  d'elles  (1). 
Un  commissaire  royal  se  rendit  à  Troyes,  en  raison  sans 
doute  des  difficultés  qu'amena  le  débat  existant  entre  la 
bourgeoisie  et  certains  nobles  qui  ne  voulaient  pas  recon- 
naître la  noblesse  utérine  ni  le  franc-aleu 

La  noblesse  avait,  dans  une  assemblée  convoquée  irré- 
gulièrement, introduit  certaine  rédaction  sur  ces  deux 
points,  que  les  notaires  ne  voulurent  pas  approuver  par 
leurs  signatures.   Il  s'agissait  des  articles  I,  II,  XVIII, 

(  1  )  Le  cahier  des  coutumes  du  Méry,  fait  partie  de  la   Collection 
de  Champagne.  Blq.  nai«.,  no  671. 


iS09  CHAPITRE  XY.  255 

XXXIII  et  LXII.  La  discussion  continua  et  Téchevinage 
prit  parti  pour  la  noblesse  utérine  et  pour  les  nobles 
vivant  marchandcinent.  Cette  discussion,  assoupie  pen- 
dant quelques  années,  fut  reprise  en  1507  et  mise  à  fin 
en  octobre  1509,  en  niainlenent  les  principes  de  libéra- 
lité spéciale  aux  coutumes  de  Champagne. 

Rassemblée  de  1509,  dans  laquelle  tous  les  intérêts 
sont  représentés,  ainsi  que  dans  celle  de  1481  et  de  1496, 
maintient  : 

lo  La  noblesse  utérine  ou  de  mère,  en  ces  termes  : 
i  Art.  1er.)   c  Les  aucuns  sont  nobles,  les  antres  non 

>  nobles.   Ceux  sont  nobles  qui  sont  issus  en  mariage 

•  de  père  ou  de  mère  noble  :  et  suffit  que  le  père  ou 
»  la  mère  soit   noble,  posé  que  l'autre  desdits  conjoints 

•  soit  non  noble  ou  de  serve  condition  ;  »  sous  des  ré- 
serves dont  la  noblesse  n'a  jamais  usé,  ni  fait  juger. 

2o  (Art.  2.)  c  La  franchise  de  toutes  personnes  non 

>  nobles,  s'il  n'est  fait  preuve  du  contraire.  » 

3°  (Art.  9  et  10.)  «  Les  bourgeoisies  royales,  sur 
simple  aveu,  à  l'exception  du  comté  de  Joigny,  où  ces 
bourgeoisies  doivent  être  prouvées  par  écrit  » 
4o  (Art.  7.)  «  L'option  laissée  aux  enfants  nés  de 
franches  personnes,  mariées  à  des  personnes  de  con- 
dition servile,  entre  la  rivière  de  Seine  et  Aube  et  de 
Seine  et  Yonne,  de  choisir  celle  des  deux  conditions 
qui  leur  plaît;  de  même  que  l'obligation,  t  qu'ils 
veuillent  ou  non  i  par  les  enfants  nés  dans  la  prévôté 
de  Troyes,  de  suivre  la  condition  franche  et  d'aban- 
donner la  condition  serve.  > 

6©  (Art.  8.)   •  Qu'entre  la  rivière  d'Aube  et  celle  de 
Marne,  l'enfant  suit  la  condition  de  la  mère.  Cepen- 
dant si  l'un  des  conjoints  est  noble,  l'enfant  devient 
noble,  s'il  le  veut.  » 
7"  (Art.  M.)  «  L'existence  de  nobles  vivant  noble- 

>  ment  et  de  nobles  vivant  roturiôrement.  > 


256  HISTOIRE   DE  TROYES.  1509 

8"  (Art.  51.)  «  Que  tout  héritage  est  franc  et  réputé 
»  de  franc-aleu,  qui  ne  le  montre  serf.  • 

9"  (  Art.  53  et  54.)  c  Qu*il  y  a  deux  sortes  de  franc- 
•  aleu  ;  le  franc-aleu  noble  et  le  franc- aleu  roturier. 
»  Le  premier  est  celui  qui  a  seigneurie  et  haute-justice, 
»  et  dont  le  détenteur  n'est  pas  tenu  de  rendre  foi  et 
>  hommage.  Le  second  est  une  terre  sans  justice  et  pour 
»  laquelle  le  détenteur  ne  doit  ni  cens,  ni  rentes,  lods 
»  ot  ventes,  ni  autres  redevances.  *  (1) 

Le  principe  favorable  à  la  noblesse  utérine  fut  main- 
tenu dans  tous  les  bailliages  de  la  province.  La  coutume 
de  Châlons  y  apporte  quelque  restriction.  Sur  les  réser- 
ves faites  en  faveur  de  la  noblesse,  celle-ci  garda  le 
silence  et  «l  Tusance  et  la  coutume  ancienne  1^  eurent 
Tautorité  qu'elles  avaient  avant  la  rédaction  de  1509. 

L'ancienne  coutume  de  Troyes  sortit  donc  victorieuse 
d'un  débat  qui  ne  dura  pas  moins  de  vingt -neuf  ans,  et 
qui  fut  soutenu,  de  part  et  d'autre,  avec  la  plus  grande 
énergie.  Elle  conserva  son  caractère  libéral,  à  l'égard  des 
personnes  comme  à  l'égard  des  propriétés.  Ainsi  fut  à 
jamais  consacré  l'ancien  adage  de  la  province  de  Cham- 
pagne :  «  Nul  SKiGNEUii  SANS  TiTHK,  »  opposé  à  cclui  de 
la  France  presque  entière  :  Nlllk  tkube  sans  sei- 
gneur (2i. 

A  cette  époque  de  notre  histoire,  on  discute  toutes  les 
institutions;    on  scrute  jusqu'aux  bases  des  relations 

0)  Vol.lcr^p.  404,où  nous  avons  donné  les  noms  d'un  certain  nom- 
bre de  francs- aïeux  nobles. 

(2)  Les  preuves  de  ce  qui  vient  d*ôtre  dit  sur  la  coutume  de 
Troyes  se  trouvent  développées  dans  mes  Recherches  sur  les  juri- 
dictions royales  et  ecclésiastiques  dans  le  bailliage  de  Troyes^  et 
sur  les  coutumes  de  ce  bailliage,  i812,  —  En  1645,  sur  301  ména- 
ges existant  à  Honiilly-sur-Seine,  on  en  trouvait  224  qui  se  préten- 
daient nobles  ;  38  ménages  roturiers  et  39  mixtes.  Ces  derniers 
étaient  ceux  où  le  pt're  était  roturier  et  la  mère  noble,  ainsi  que 
les  enfantS)  suivant  Tadagc  champenois  :  a  le  ventre  anoblit.  »  (d*ah- 
Bois  DE  JUBAINVILLE.  Voyoçe  paléographiquc,  p,   iôi.  ) 


1510  CHAPITRE  XV.  S57 

sociales  ;  on  met  en  question,  à  Troyes,  les  droits  aceor- 
«lés  par  le  comte  Henri-le-Libéral,  à  Girard  de  Langres, 
à  Humbert  Sauquerel,  à  leurs  femmes,  à  leurs  héritiers 
niAles  et  femelles  et  à  leurs  alliés.  Anne  Musnier  vi- 
vait à  la  fîn  du  XII^  siècle.  Ces  lignées  se  sont  dévelop- 
pées d'une  manière  presqu'incommensurable.  Elles  peu- 
plent le  diocèse  de  Troyes,  et  cent  vingt-six  villages 
du  diocèse  de  Troyes,  de  Chûlons,  de  Langres  et  de  Sens. 
On  trouve  au  XV^  siècle  des  noms  encore  aujourd'hui 
fort  répandus  à  Troyes  et  dans  sa  banlieue  :  à  Laubres- 
sel,  à  St-Benoît-sur-Seine,  à  Mesnil-Sellières,  aux  Noës, 
à  Fontaine  près  Lusigny,  à  Villeloup,  à  Linçon,  à  Aille- 
fol  (Gérosdot)  etc.  (1) 

En  1526,  le  trésorier  de  St-Etienne  n'est  plus  auto- 
risé à  percevoir  cinq  sols,  par  an,  sur  chacun  d'eux, 
maisseulementdeuxsous  (2).  En  1510,  il  intervient  entre 
Martin  Hennequin,  trésorier  de  St-Eticnne  et  se  portant 
fort  c  des  venus  et  issus  de  la  ligne  des  hoirs  Musnier  ]> 
d'une  part,  et  le  procureur  des  habitftils  de  Troyes,  une 
transaction  relative  aux  droits  de  voirie  (3). 

Les  hoirs  Musnier  ne  pouvaient  se  prévaloir  des  droits 
accordés  à  la  noblesse  ût),  comme  l'a  prétendu  La 
Roque. 

Avec  l'échevinage,  en  1510,  il  est  arrêté  que  les  hoirs 
Musnier  seront  francs  des  droits  de  chaussée,  lorsqu'ils 
feront  les  charrois,  avec  leurs  voilures,  des  produits  de 
leurs  héritages,  tandis  que  le  droit  sera  dû  lorsque  leurs 
charrois  auront  lieu  pour  d'autres  causes.  Et  pour  attes- 
ter leur  lignée,  ils  devront  produire  cette  preuve  par  té- 
moins, en  présence  du  collecteur  des  jurées  du  roi,  du 

(1}  Arch.  dép.  Hoirs  Mutnier^  f.  de  St-Etionne. 

(2)  Q.  ier.  25.Î  pièce. 

(3)  Suprà.  T.  I.  p.  222  et  suiv. 

(4)  La  redevance  fixée  d'abord  à  20  s.  fut  réduite,  en  1198^  à  5  s. 
et  déclarée  applicable  aux  cierges  de  l'église  de  St-Etienne. 

îii.  17 


258  HISTOIRE  DE  TROYES.  iSIO 

procureur  des  habitants  de  Troyes  et  de  celui  du  tréso- 
rier de  St-Etienne  (\), 

Deux  fois  déjà  les  habitants  de  Troyes  avaient  eu  l'es- 
poir de  recevoir  le  bon  roi  Louis  XII,  et  deux  fois  cet 
espoir  a  été  déçu.  En  avril  1510,  cet  espoir  fut  enfin 
réalisé.  Louis  XII,  le  père  du  peuple,  séjourna  parmi  eux 
pendant  quinze  jours.  Tous  les  corps  constitués  se  ren 
dirent  au  devant  de  lui  «  très  gorgiasement.  i^  Il  y  avait 
de  60  à  80  jeunes  bourgeois  vêtus  de  soie,  et  montés 
comme  des  gentilshommes  de  grande  maison.  Sur  plu- 
sieurs échafaud,s  placés  dans  les  rues  que  le  cortège 
royal  doit  parcourir,  sont  placés  plusieurs  centaines 
d'enfants,  garçons  et  filles,  vêtus  aux  couleurs  du  roi, 
chantant  et  criant  :  Noël  !  Vive  le  Roi!  L'entrée  fut  ma- 
gnifique. Le  roi  descendit  au  palais  royal.  L'enthou- 
siasme fut  grand  ;  toutes  les  fois  que  Louis  XII  se  mon- 
trait, c'était  toujours  «  feux  nouveaux  et  tables  rondes.  • 
Souvent  la  foule  était  si  grande  autour  du  palais  qu'il  ne 
pouvait  sortir,  et  cette  foule  raccompagnait  partout  où 
il  allait  :  «  Je  crois,  dit  le  narrateur,  pour  vérité,  qu'onc- 
le ques  seigneur  ne  fust  si  volontiers  veu  de  ses  su- 
j  jets.  1^  (2) 

Comme  il  arrive  souvent,  les  rois  marquent  leur  pas- 
sage dans  les  villes  qu'ils  traversent,  par  des  actes  de 
libéralité  et  de  concessions  de  privilèges.  Les  habitants 
de  Troyes  obtiennent  la  création  d'une  nouvelle  foire  de 
quinze  jours,  commençant  le  8  mai .  Plusieurs  corpora- 
tions font  régler  leurs  statuts,  notamment  les  drapiers, 
les  tondeurs  de  draps,  les  aiguilletiors,  les  éperonniers 

(4)  Arch.  mun.  P.  icr.;  Arch.  dép.  f.  de  St-Etienne,  Hoirs  Iftw- 
nier,  Blq.  de  Troyes.  mnsc  ;  n»  lâ90.  Sur  le  Bancelinage  ou  les  pri- 
vilèges de  Pierre  et  de  Bancelin  de  Vert,  voir:  T.  I.  p.  361.  — 
BOUTIOT.  Rcchei^chea  sur  les  juridictions,.,  où  se  trouve  rhistorique 
des  Hoirs  Musnier  et  du  Bancelinage 

(2)  Godefroy.  Cérémonial  françaiSy  T.  I.  p.  730. 


4510  CHAPITRE  XV.  259 

et  le  corps  de  la  justice  royale  placé  sous  le  double  pa-> 
tronage  de  saint  Louis,  roi  de  France,  et  de  saint  Yves. 
La  fabrique  de  draps  fut  à  Troyes,  pendant  les  XlVe, 
XV^  et  XVIc  siècles,  l'industrie  dominante.  Elle  était 
localisée  dans  le  quartier  de  Croncels,  où  naguère  nous 
avons  vu  la  dernière  fabrique  aujourd'hui  disparue.  Jus- 
qu'en 1510,  tout  ce  qui  se  rattachait  à  la  fabrique  des 
draps  était  réglé  par  les  mêmes  statuts.  Cette  année-là, 
deux  corporations  se  forment  :  Tune  comprend  les  dra- 
piers ou  tisserands  de  draps  et  les  foulons-lanneurs, 
plus  nombreuse  et  plus  riche  que  la  seconde  qui  n'est 
formée  que  par  les  tondeurs  de  draps.  Le  règlement  est 
ici  technique  et  pratique.  La  corporation  est  composée 
de  patrons  et  d'ouvriers,  les  derniers  loués  par  les  pre- 
miers, à  la  journée  ou  à  la  tâche.  Lorsque  les  ouvriers 
n  ont  point  de  travaux,  ils  se  tiennent  sur  une  place  en 
attendant  que  les  maîtres  viennent  les  louer,  à  prix  dé- 
battu et  sans  que  les  ouvriers  aient  pu  <e  faire  conve- 
nance >  entre  eux  sur  le  prix.  —  Les  mesures  des  pièces 
de  drap  sont  fixées  en  largeur  et  en  longueur.  La  lon- 
gueur ne  peut  excéder  quarante  aunes.  —  La  teinture 
ne  peut  se  faire  qu'avec  guesde,  alun,  garance,  gaude  ou 
devise,  sans  les  mixtionner  de  matière  détendue  comme 
molée  (suie  ou  noir  de  cheminée),  noix  de  galle,  cou- 
perose, écorce  ou  racine  do  noyer,  écorce  d'aulne  ou 
€  écalle  de  noix.  i»  Les  draps  défectueux  sont  marqués 
par  l'enlèvement  de  la  lisière.  —  Les  draps  mis  en  vente 
sont  visités;  s'ils  sont  reconnus  bons,  ils  sont  scellés 
avec  un  plomb  portant  d'un  côté  les  armes  de  France  et 
de  Champagne,  et  de  l'autre  :  Tuoyes.  —  Les  maîtres, 
faisant  visite,  reçoivent,  pour  chaque  pièce  marquée, 
deux  deniers  obole  t.  —  Un  ouvrier  tisserand  ne  peut 
fouler  le  drap,  comme  un  fouleur  ne  peut  le  tisser.  — 
Les  draps  des  marchands  sont  distingués  de  ceux  qui 
sont  fabriqués  pour  le  compte  et  l'usage  des  particulierSi 


â60  HISTOIRE   DE   TROYES.  istO 

au  moyen  des  lisières  :  ceux-ci  ont  leurs  lisières  de  la 
même  couleur  que  la  pièce.  —  Il  ne  peut  être  vendu,  à 
la  hjalle  de  Troyes,  que  des  draps  de  fabrique  tpoyenne. 
—  Toute  personne  peut,  pour  son  usage,  faire  fabriquer 
du  drap  à  sa  guise,  mais  la  vente  de  ce  drap  n'est  pas 
permise.  —  Le  foulage  et  la  lannage  des  draps  se  font 
«  tout  à  mol,  »  c'est-à-dire  mouillé.  —  On  ne  peut  lan- 
ner  à  sec  sous  peine  d'une  amende  de  quatre  livres  t.  — 
Les  draps  de  Troyes  ont  un  pli  déterminé  qui  ne  doit 
pas  être  imité  pour  la  mise  en  vente  de  draps  fabriqués 
ailleurs.  —  Les  marchands  de  draps  sont  obligés  de  se 
conformer  aux  statuts  des  tisserands  et  foulons-lanneurs, 
en  ce  qui  les  concerne.  —  Tout  individu  peut  dénoncer 
les  contraventions  aux  statuts  de  la  draperie.  —  Ces 
statuts,  en  soixante-dix  articles,  sont  donnés  sous  le 
nom  de  Louis  XII,  étant  à  Troyes,  au  mois  d'avril 
15d0. 

Les  tondeurs  de  draps,  dits  tondeurs  de  grandes  for- 
ces, se  séparent  de  la  grande  corporation  des  drapiers- 
teinturiers,  foulons  et  tanneurs.  Au  nombre  de  vingt,  ils 
se  réunissent  en  communauté  ou  confrérie,  dont  les  sta- 
tuts sont  arrêtes,  sous  le  nom  de  Louis  XII,  et  par 
lettres-patentes  données  à  son  passage  à  Troyes. 

Ces  artisans  sont  autorisés  à  continuer  leur  confrérie 
accoutumée  en  l'église  de  l'Hôtel-Dieu-St-Esprit,  en 
présence  d'un  sergent  de  la  prévôté.  —  Ils  ont  un  maî- 
tre, un  sergent  et  six  prud'hommes.  —  L'entrée  en  ap- 
prentissage est  de  vingt  sous  t.  —  La  durée  de  cet  ap- 
prentissage est  iixée  à  deux  ans.  —  L'entrée  en  maî- 
trise est  de  4  liv.  10  s.  t.  —  Tout  ouvrier  voulant,  à 
Troyes,  s'établir  maître,  paie  15  1.  t.,  après  avoir  justifié 
de  sa  capacité.  Les  fils  de  maître,  passant  à  la  maîtrise, 
ne  paient  que  AO  sous.  —  La  cotisation  hebdomadaire 
est  de  6  d.  t.  —  L'assistance  aux  funérailles  des  con- 
frères est  obligatoire.  --  iNul  tondeur  ne  peut  travailler 


4510  CHAPITRE    XV.  261 

de  son  métier,  dans  les  maisons  ou  boutiques  des  mar- 
chands de  draps. 

Les  éperonniers  ou  lormiers  sont,  à  Troyes,  en  assez 
grand  nombre  pour  se  former  en  corporation.  Sans  plus 
de  peines,  ils  prennent  pour  loi  les  statuts  de  leurs  con- 
frères de  Meaux,  liberté  que  Louis  XII  leur  accorde.  — 
Le  temps  de  travail  de  chaque  jour  est  limité  par  les 
coups  de  matines  et  ceux  du  couvre-feu.  —  Nul  ne  peut 
étamer  que  de  lin  étain,  ni  hanter  collet  d'éperon.  — 
Tout  objet  de  lormerie,  fabriqué  à  Troyes,  est  soumis  à 
la  visite  des  gardes.  —  Les  selliers  ne  peuvent  vendre  ou 
réparer  aucun  objet  de  lormerie,  ni  en  introduire  en 
ville.  —  Nul  ne  peut  lever  ouvroir  sans  avoir  fait  son 
chef-d'œuvre,  qui  sera  un  frein  de  mule,  un  mors  de 
cheval  ou  de  gennet  (1).  —  Le  chef-d'œuvre,  reconnu 
suffisant,  le  récipiendaire  est  admis  en  payant  24  s.  t. 
pour  le  dîner,  i  s.  pour  le  cierge  de  la  confrérie  et  au- 
tant pour  les  gardes.  —  Les  fils  de  maître  sont  reçus 
sans  chef-d'œuvre,  paient  4  sous  pour  leur  marteau  et 
entrée  en  apprentissage,  et  le  surplus  comme  les  autres. 
—  Tout  apprenti  doit  5  s.  d'entrée  et  4  s.  pour  son 
marteau.  —  Nul  maître-ouvrier  ne  peut  vendre  que  clés 
objets  de  sa  fabrication. —  Le  travail  est  interdit  pendant 
les  nuits  des  quatre  fêtes  solennelles,  les  cinq  nuits  des 
fêtes  de  Notre-Dame,  les  nuits  des  samedis,  l'heure  du 
couvre-feu  étant  passée,  sous  peine  de  13  s.  1  d.  t. 
d'amende. 

Les  aiguilletiers  ont  pour  patron  saint  Julien,  et  le 
lendemain  de  sa  fêle  ils  procèdent  à  l'élection  de  deux 
maîtres-gardes.  Les  <k  latz  >  et  aiguillettes  fabriqués 
doivent  être  de  chevrotins,  et  aucun  ne  pourra  être  fait 
de  peaux  d'agneaux.  La  profession  est  un  métier  c  de 
petit  gain,  »   aussi   les  entrées  en  apprentissage  ou  en 

(i)  Genêt.  Cheval  d'Espagne. 


362  HISTOfRB  DE  TFiOYBS.  151O 

maîtrise  sont-elles  fort  modiques.  Ces  statuts  sont  datés 
de  mai  1510  et  de  Dijon,  où  Louis  XII  se  rendait  en 
quittant  Troyes  (2). 

Los  statuts  des  éperonniers  et  des  aiguilletiers  furent 
attaqués,  au  nom  du  Conseil  de  ville,  c  comme  fort  dé- 
raisonnables et  mal  iinpétrés.  »  Dans  quelles  disposi- 
tions ces  statuts  blessaient-ils  Tintérêt  public?  Il  serait 
difficile  de  le  découvrir. 

La  confrérie  nouvelle  de  St-Louis  et  de  St-Yves  com- 
prend tous  les  officiers  de  justice,  depuis  le  bailli,  jus- 
qu'aux sergents  de  la  ville  de  Troyes.  —  Chaque  jour,  il 
y  a,  à  la  Madeleine,  une  messe  avec  collecte  pour  le  roi, 
et  chaque  lundi  une  messe  sèche  pour  les  trépassés,  après 
la  célébration  de  la  messe  du  jour.  —  Chaque  confrère, 
jusqu'aux  procureurs,  paie  un  droit  annuel  de  dix  sous 
tournois,  et  les  autres,  un  quart  de  livre  de  cire  à  la 
confrérie.  —  Au  décès  de  chaque  confrère,  sa  famille 
doit  35  s.  t.  à  la  confrérie,  qui  touche  la  même  somme  à 
la  mort  des  veuves  des  membres  de  la  corporation.  — 
—  Le  droit  de  bienvenue  ou  d'entrée  est  fixé,  pour  le 
bailli,  à  six  écus  d'or;  pour  le  lieutenant-général,  à 
quatre  écus;  le  lieutenant  particulier,  le  prévôt,  les 
avocat  et  procureur  du  roi,  le  receveur  ordinaire  et  extra- 
ordinaire, les  élus,  les  grenetiers,  les  contrôleurs,  le 
voyeur  du  roi,  le  collecteur  des  jurées,  chacun  trois  écus; 
le  lieutenant  de  la  prévôté,  les  avocats  et  notaires,  cha- 
cun deux  écus;  tout  praticien  qui  n'est  pas  notaire,  un 
écu,  et,  s'il  est  notaire  et  praticien,  il  paie  un  écu  d  or, 
«  au  lieu  du  dîner,  banquet  et  proficiat  que  Ton  avait 
j  coutume  de  faire  à  l'institution  et  qui  montaient  à 
T>  grandes  sommes  de  deniers.  i>  Et  pour  entretenir  la 
fraternité,  amour  et  dileclion  desdits  officiers  et  con- 
frères, le  procureur  de  la  corporation  est  tenu  de  faire 

(2)  Q.  l^"^  et  2. 


tSiO  CHAPITRE   XV.  263 

c  un  convive  >  (banquet),  au  lieu  le  plus  convenable» 
choisi  huit  jours  auparavant  au  siège  du  bailliage.  Cha- 
que confrère,  tant  présenv  qu'absent,  paie  3  s.  4  d.  pour 
ce  banquet,  préparé  par  les  soins  du  procureur  de  la 
confrérie  qui  y  prend  place  sans  en  rien  payer.  —  Les 
comptes  de  la  confrérie  sont  rendus  le  lendemain  de  la 
Saint-Louis,  premier  patron  (1). 

Cette  corporation  comprend  tous  les  officiers  de  la 
justice  royale  résidant  à  Troyes.  Le  bailliage  n'a  pas 
encore  de  conseillers  en  titre,  quoique  les  audiences  du 
bailliage  se  tiennent  au  palais  loyal.  L'église  de  la  Made- 
leine est  celle  des  officiers  royaux.  La  confrérie  y  a  sa 
chapelle,  celle  de  saint  Louis  (2). 

En  cette  année  1510,  la  ferme  du  méreau  ou  du  por- 
tage des  vins  (droits  d'entrée  levés  aux  portes),  est 
donnée  à  bail,  moyennant  1400  1.  t.  Ce  droit  se  com- 
pose :  1**  l)*un  denier  tournois  levé  sur  chaque  vaisseau 
de  vin  récolté  au  dedans  de  la  banlieue  de  Troyes, 
amené  et  descendu  dans  la  ville  (et  s'il  n'y  est  pas  des- 
cendu «  vente  fait  descente  i>  ),  que  le  vaisseau  soit  grand 
ou  petit;  2**  de  trois  sous,  sur  chaque  queue  de  vin 
amené  et  descendu  à  Troyes,  *  comme  dit  est,  »  récolté 
au  dedans  de  quatre  lieues  à  la  ronde  par  delà  ladite 
banlieue,  et  des  autres  vaisseaux  à  «  Téquipolent;  > 
3"*  de  six  sous  tournois,  sur  chaque  queue  de  vin  récolté 

(1)  Blq.  natie.  Collection  de  Champagne.  Vol.  50.  Troyes,  V.  — 
Blq.  mun.  de  Troyes.  Statuts  des  corporations,  -  -  Arch.  dép.,  Leti. 
pat.  de  Louis  XII  ;  —  réj:.  du  siège  présidial  de  Troyes,  —  à  la 
date  du  4  septembre  1576. 

{'i)  Celle  chapelle,  dès  coite  époque,  fut  ornée  d'une  magnifique 
verrière  représentant  la  vie  de  St-Louis.  Elle  est  encore  Tune  des 
mieux  conservées  de  cette  église  qui  en  posèdent  de  fort  remarqua- 
bles. Cette  verrière  a  été  donnée  par  Simon  Liboron,  procureur  du 
roi,  et  par  sa  femme  Henriette  Mauroy.  Ces  donateurs  sont  repré- 
sentés avec  trois  fils  et  quatre  fdles.  Simon  Liboron,  est  représenté 
en  rouge  avec  sautoir  ou  écharpe  noire  :  son  costume  ofûciel  sans 
doute. 


264  HISTOIRE     DETROYES.  i.MO 

au-delà  desdites  quatre  lieues,  en  quelque  pays  que  ce 
soit,  et  descendu  ou  vendu  en  ville,  et  des  autres  vais- 
seaux dans  la  môme  proportion. 

Louis  XII,  le  19  avril  1510,  après  Pâques  et  pendant 
son  séjour  à  Troyes,  donne  à  la  ville  une  ordonnance  sur 
Talignement  des  rues. 

Au  mois  de  juin  suivant,  le  14,  après  son  arrivée  à 
Lyon,  Louis  XII  donne  des  lettres  qui,  on  peut  le  croire, 
constituent  Tune  des  plus  anciennes  applications  du  prin- 
cipe de  l'expropriation  pour  cause  d'utilité  publique,  et 
même  du  jury  chargé  de  fixer  souverainement  l'indem- 
nité due  aux  propriétaires  expropriés.  Le  roi  ordonne 
que  si,  pour  la  commodité,  comme  pour  Télargissement 
des  rues  et  places  communes  des  villes  du  royaume,  il 
est  nécessaire  d'abattre  des  maisons  ou  des  édifices,  sur 
Tavis  des  maires,  des  ochevins  et  des  habitants,  les  gens 
du  roi  appelés  et  entendus,  ces  maisons  et  édifices  seront 
abattus.  —  Si,  sur  ce  fait,  s'élève  aucun  difTérend  ou 
procès,  (L  trois  ou  cinq  notables  personnages  de  la  ville, 
»  selon  la  qualité  de  la  matière,  d  seront  élus  pour  vider 
ce  différend  ou  ce  procès,  nonobstant  opposition  ou  ap- 
pellation quelconque  (1). 

L'année  suivante,  le  corps  de  ville  provoque  d'autres 
lettres-patentes  du  roi,  alors  à  Grenoble.  Ces  lettres 
ordonnent  que,  pour  faciliter  la  circulation  dans  les  rues 
de  la  ville  de  Troyes,  pour  la  décorer  et  embellir,  tous 
ceux  qui  voudront  élever  des  maisons  devront  les  cons- 
truire avec  un  seul  ligneau,  sans  allours,  ni  saillies  de 
plus  d'un  pied  et  demi. 

Ces  dispositions  nouvelles  sur  la  voirie  sont  de  suite 
exécutées.  En  1511,  l'échevinage  provoque  des  démoli- 
lions  de  constructions  de  différents  âges  (:2). 

(i)  Q.  1er.  fb  104. 

(«)  B.  74. 


1511  CHAPITRE   XV.  265 

A  Toccasion  de  Tapplication  de  ces  nouvelles  disposi- 
tions législatives,  on  conslate,  à  Troyes,  la  présence  de 
MM.  de  Marseille,  Sallat,  Dalégre  et  de  la  Vernade,  à  qui 
il  est  offert,  comme  présent  de  ville,  c  une  tête  de  sau- 
mon frais,  deux  soles,  deux  tronçons  de  marsouin,  une 
raie  et  deux  lamproies.  >  (1). 

Par  autre  mesure  de  police,  Téchevinage  interdit  de 
couvrir  les  constructions  avec  de  Tétrain  (paille)  ou 
autre  matière  inflammable,  c'est-à-dire  avec  des  pla- 
quettes de  chêne,  dites  aissis. 

On  a  vu,  plus  haut,  lo  maire  demander  au  roi  la  sup- 
pression des  impositions  levées  sur  la  ville  et  sur  les  pays 
situés  à  quatre  lieues  à  la  ronde,  «  pour  avoir  franchise 
et  liberté,  à  la  charge  de  lever  un  autre  impôt  sur  cer- 
taines marchandises.  ^  Cette  demande,  faite  sans  succès 
en  1506,  se  renouvelle  en  1510,  sous  une  autre  forme 
et  dans  le  même  but.  Le  maire  et  les  échevins  deman- 
dent au  roi  de  prendre  à  ferme  certaines  impositions 
levées  sur  les  habitants  {i). 

Cette  fois,  cette  requête  est  accueillie.  Le  15  janvier 
1511  (V.  st.)  le  Conseil  fixe  la  répartition  d'une  somme 
de  mille  livres  levétî  pour  le  roi  sur  certains  métiers, 
pour  Tannée  commencée  le  1er  octobre  ]5H  et  finie  au 
même  jour  1512,  et  afin  de  tenir  lieu  d'impositions 
levées  sur  une  autre  base.  Ainsi,  les  merciers  et  les  épi- 
ciers t  avec  leurs  dépendances  anciennes,  »  sont  taxés 
à  200  liv.;  les  drapiers»,  comprenant  les  drapiers  forains 
et  les  foulonniers,  et  parmi  eux,  François  Lepevrier  et 
Jacques  Perricart,  à  100  liv.;  les  tanneurs,  à  00  liv.;  les 
bouchers,  non  compris  les  forains,  à  50  liv.;  la  cartelle- 
rie,  à  12  liv.;  la  poterie  d'étain,  à  20  liv.;  les  graisses^  à 
15  liv.;  la  poissonnerie  du  dehors,  à  6  liv.;  les  chevaux, 


(1)  B.  74. 
(î)  A.  3. 


266  HISTOIRE  DE  TROYES.  isio 

à  20  liv.;  la  pelleterie,  à  48  liv.;  les  toiles,  à401iv.;  la 
boucherie  du  dehors,  44  liv.;.  la  ferronnerie,  à  40  liv.; 
les  teinturiers,  à  30  sous;  les  cordonniers,  à  25  liv.;  le 
vieux  linge,  à  66  sous;  la  mégisserie,  à  20  liv.;  la 
hucherie  (menuiserie),  à  41  liv.;  le  verjus,  à  2  liv.  et  le 
vingtième  (droit  sur  les  vins),  à  320  liv. 

Le  commerce  se  fait  avec  plus  de  liberté,  déjà  bien  des 
entraves  ont  disparu.  La  vente  ne  se  fait  plus  avec 
rigueur  dans  des  halles  spéciales,  celles-ci  sont  même 
démolies  en  très  grande  partie  et  sont  remplacées  par  des 
habitations.  Les  marchands  étalent  dans  les  rues.  Les 
drapiers,  dans  celle  de  la  Draperie;  les  épiciers,  dans 
celle  de  TEpicerie;  la  pelleterie  est  vendue  rue  du  Tem- 
ple; la  guinauderiCy  dans  la  Grande-Rue.  Les  marchan- 
dises ne  sont  plus  visitées  en  foire  que  sur  plaintes  faites 
à  Tautorité.  Le  fermier  de  la  chaussée  ne  perçoit  rien  de 
sa  ferme  en  temps  de  foire.  Le  droit  de  l'évêque  sur  le 
Pont-Ferré  n^est  point  levé  et  la  ville  indemnise  le  fer- 
mier. Il  en  est  de  même  au  péage  du  Pont-Hubert.  El 
pour  assurer  la  franchise  aux  marchandises  non  ven- 
dues aux  foires,  Nicolas  de  Bossancourt  est  chargé  de' 
leur  appliquer  une  marque  particulière,  afin  de  les  faire 
passer  en  franchise. 

Le  garde  des  foires  de  Champagne  rend,  en  1510, 
une  ordonnance  par  laquelle  il  veut  que  les  actes  dres- 
sés pendant  la  foire  franche  de  mai,  soient  sans  valeur, 
si,  dans  les  deux  mois,  ces  actes  ne  sont  passés  sous  le 
sceau  dos  foires.  Dans  celte  prétention,  Téchevinage  voit 
une  atteinte  portée  à  la  franchise  de  cette  foire.  Il  se 
pourvoit  par  ap|)el  contre  cette  ordonnance.  Le  droit  de 
sceau  est  alors  ainsi  fixé  :  les  obligations  de  20  liv.  et 
au-dessous  qui  ne  sont  «  aterminés  >  (sans  terme  fixe 
pour  le  remboursement)  15  d  t.;  pour  plus  forte  somme, 
le  droit  s'élève  d'un(;  maille  par  livre;  les  obligations  de 
20  liv.  avec  termes,  27  d.  t.,  et  au-dessus  de  20  liv.,  le 
droit  s'élève  d*un  denier  tournois  par  livre. 


UiO  CHAPITRB    XV  267 

L*échevinage,  pour  conserver  la  franchise  de  sa  nou- 
velle foire,  lutte  de  tous  côtés.  Deux  sergents  ont  par- 
couru la  France  pour  faire  connaître  au  commerce  ce 
nouvel  établissement. 

Les  fermiers  des  impositions  foraines  et  des  hauts 
passages  levés  aux  confins  de  la  province  et  dans  les 
principales  villes,  s*émeuvent  de  celte  publication  et 
craignent  de  voir  diminuer  leurs  recettes.  Ceux  de  Reims 
ne  s'opposent  point  à  l'exécution  des  lettres  qui  établis- 
sent les  foires  et  h  leur  franchise,  mais  ils  exigent  une 
indemnité.  Le  procureur  du  roi,  en  personne,  se  rend 
dans  le  nord  de  la  Champagne,  pour  assister  à  la  publi- 
cation des  lettres  royales  et  s'entendre  de  suite  avec  les 
fermiers  opposants,  à  Laon,  à  Reims,  à  Chulons  et  à 
Vitrv-en-Perlhois. 

Les  maîtres  des  comptes  prennent  fait  et  cause  pour 
les  fermiers  de  Timposilion  foraine,  qui  accusent  une 
perte  de  887  liv.  10  s.  9  d.  t.  causée  par  la  franchise  de 
la  foire  de  mai. 

L'échevinage  s'efforce  de  régulariser  la  position  de  la 
ville  avec  les  fermiers  du  dom?.ine.  Huguenin  Lepevrier 
et  Pierre  Mauroy  sont  envoyés  à  Paris,  afin  de  traiter 
avec  les  trésoriers  de  France  de  Timposition  foraine  et 
des  hauls  passages  de  Viti^,  de  Reims,  de  Laon  et  du 
Vermandois.  Ils  sont  chargés  de  demander  la  mise  à 
bail  de  ces  impôts,  à  la  charge  de  laisser  pénétrer  en 
franchise  les  marchandises  destinées  aux  foires  de  Troyes. 
Ces  deux  commissaires  arrivent  à  leur  but  pour  l'impo- 
sition foraine.  Quant  à  la  forme  des  hauls  passages, 
Lepevrier  s'en  rend  adjudicataire,  pour  trois  ans,  moyen- 
nant 3,006  liv.  t.  par  an,  avec  le  droit  de  franchise 
poursuivi  par  la  ville,  qui  prend  tous  ces  faits  à  sa 
charge. 

Huguenin  Lepevrier  reste  chargé  du  service  de  cette 
ferme.  Il  va  lui-môme  dans  le  Vermandois  et  en  Gham- 


268  HISTOIRE  DE  TROYES.  istl 

pagne,  à  St-Quentin,  à  Laon,  à  Reims,  à  Châlons,  y  pla- 
cer des  commis  chargés  de  la  recette.  Le  bailli  de  Ver- 
mandois  s'oppose  à  Texécution  de  Tadjudication  ;  le 
Parlement  annule  cet  acte  de  résistance. 

Ue  nouvelles  plaintes  des  anciens  fermiers  des  hauts 
passages  de  Yermandois  se  produisent.  Ils  prétendent 
avoir  supporté  une  perte  de  3,000  liv.  t.  Le  trésorier  de 
France  demande  sur  cette  plainte  une  indemnité  à  la 
ville.  Celle-ci,  <  pour  entretenir  la  paix  avec  les  fermiers 
et  ne  point  encourir  Tindignation  du  trésorier,  »  paie 
aux  fermiers  une  indemnité  de  165  liv.  10  d  t. 

Kn  février  151a,  par  les  soins  du  même  Hu^enin 
Lepevrier,  la  ville  est  adjudicataire  de  rimposition  fo- 
raine, moyennant  24,400  liv.  t.  pour  trois  ans,  et 
moyennant  10,800  liv.,  des  hauts  passages  de  Yerman- 
dois, de  Vitry,  de  Châlons,  de  Reims  et  d*aulres  villes 
des  frontières  de  Champagne,  toujours  dans  le  même 
but  de  laisser  pénétrer  en  franchise  les  marchandises 
venant  aux  foires  de  Troyes.  Ces  adjudications  ne  com- 
prennent pas  toutes  les  villes  «  de  hauts  et  bas  passa- 
ges, »  la  ville  traite  séparément  avec  les  fermiers  de  ces 
droits,  pour  les  bailliages  de  Sens  et  de  Chaumont  il  i. 

Lo  Conseil  de  ville  se  préoccupe  do  la  police  générale 
«les  métiers,  en  raison  t  des  grandes  buveries  et  man- 
geri(»s  »  qui  se  font  à  la  réception  des  maîtres.  Il  veut 
réprimer  ces  abus,  il  propose  certaine  réforme,  avec 
l'assistance  des  officiers  du  roi,  et  adresse  ses  projets  au 
chancelier  de  France,  afin  d'en  obtenir  Thomologation. 
Le  Conseil  propose  aussi  de  fixer  la  largeur  des  toiles 
écrues  à  une  aune  et  demie  de  Troyes  et  que  le  blan- 
chissage ne  s'en  fasse  «  ni  à  moulin  ni  à  pillon,  »  de 
manière  que,  blanchies,  la  largeur  de  ces  toiles  soit 
égale  à  l'aune  de  Paris. 

(1)  A.  3  et  4. 


1512  CHAPITRE  XV.  269 

L'œuvre  de  la  cathédrale  se  continue  ;  les  ressources 
pécuniaires  proviennent  des  quôlcs.  des  dons  de  la  ville 
et  du  produit  des  indulgences.  En  1514,  l'évêque  Jacques 
Kaguier  et  le  Chapitre  de  St-Pierre  interdisent  toute 
quête  dans  le  diocèse  et  s'en  conservent  le  monopole  en 
faveur  de  la  cathédrale  (1).  Peu  après  son  arrivée  au 
pontificat,  Léon  X  accorde  des  indulgences  à  ceux  qui, 
après  s'être  confessés,  visiteront  l'église  de  St-Pierre  le 
jour  des  Hameaux  et  à  la  fête  de  la  Toussaint,  ainsi  que 
pendant  le  Carême.  Le  pape  invile  à  mettre  vingt  deniers 
par  ménage,  dix  deniers  par  domestique,  et  par  les  no- 
bles et  les  ecclésiastiques  ce  qu'ils  jugeront  à  propos  et 
selon  leur  dévotion,  dans  le  tronc  destiné  à  cet  effet,  en 
raison  de  la  permission  qu'il  accorde  pendant  le  Carême, 
de  faire  usage  de  beurre,  de  fromage  et  de  laitage  (2). 

En  1511,  s'agite  la  question  de  savoir  s'il  esta  pro- 
pos de  jeter  les  fondations  de  la  seconde  tour,  dite  de 
St-Paul,  avant  que  la  première  «  qui  est  sur  le  pavé 
royal  ï>  ne  soit  achevée,  ou  au  moins  arrivée  à  une  cer- 
taine élévation.  Pour  résoudre  cette  importante  question, 
on  tint  une  assemblée  composée  de  l'évêque,  des  mem- 
bres du  chapitre  et  de  plusieurs  notables,  marchands, 
bourgeois  et  officiers  de  la  ville,  et  dans  laquelle  furent 
entendus  les  quatre  maçons  de  l'église  :  Martin  Cambi- 
che,  de  Beauvais;  Jean  de  Damas,  dit  Jean  de  Soissons, 
son  gendre;  Jeançon  Garnache,  Jean  Bailly  et  Jean 
Honnet,  maftre  charpentier,  et  enfin  Jacques  Bachot, 
sculpteur  ou  tailleur  d'images.  Cette  assemblée  eut  lieu 
le  jour  des  quatre-temps,  après  la  Ste-Croix.  Elle  décida 
que  Ton  commencerait  immédiatement  la  seconde  tour, 
ce  qui  eut  lieu  en  mai  1512.  La  première  pierre  en  fut 

(1)  Les  antoBins  de  Troyes  se  pourvurent  contre  cette  mesure  ri- 
goureuse et  obtinrent  gain  de  cause.  Dupuy.  Preuves  de$  libertés  de 
Véglise.  gallicane^  p,  i290. 

(i)  Arch.  dép*  Inv,  de  SUPierre^  t.  v.  ;  lr«  partie  p.  424. 


270  HISTOIRE  DE  TROYES.  |i|| 

posée  par  M«  Jean  Baillet,  évèque  d*Âuxerre,  le  41  de 

ce  mois  (1). 

En  1511,  on  se  bat  en  Italie.  On  craint  que  le  théâtre 
de  la  guerre  ne  change  de  place,  qu'il  se  rapproche  de  la 
Champagne.  Le  3  mai,  la  ville  fait  marché  avec  Cotteret, 
le  Fondeur,  pour  fabriquer  dos  couleuvrines  au  prix  de 
cent  dix  sous  le  cent  de  matière,  et  sur  les  mesures  qui 
lui  seront  données.  On  fait  fondre  des  boules  pour  les 
bâtons  à  feu.  On  répare  les  acquebiites  et  les  arbalètes  de 
Tarsenal.  On  visite  les  armes  défensives,  les  fortifications, 
les  tours,  canonnières  et  murailles.  On  s'informe  dans 
les  villages  de  la  banlieue,  de  ceux  qui  savent  tirer  de 
Tare  et  de  l'arbalète,  et  quel  nombre  d'hommes  chaque 
village  pourrait  fournir  au  besoin.  On  s'assure  de  la 
quantité  de  blé  que  la  ville  renferme.  Les  maîtres  de  fer 
veillent  aux  nombreuses  chaînes  de  fer  à  tendre  à  l'en- 
trée et  en  travers  des  rues  et  servant  surtout  à  entraver 
la  marche  de  la  cavalerie  (2).  On  tue  les  chiens  (3),  on 
expulse  les  maraulx  et  les  étrangers,  on  se  rend  compte 
de  l'état  des  vannes  tranchines,  afin  de  s'assurer  que 
l'eau  ne  manquera  pas  à  la  ville.  On  s'assure  de  la  quan  • 
tité  d'artillerie  renfermée  dans  les  châteaux-forts  du  voi- 
sinage. Les  habitants  des  villages  situés  à  quatre  lieues, 
puis  à  sept,  sont  requis  de  venir  travailler  aux  fortifica- 
tions de  la  ville  (4). 

Les  Suisses  font  des  menaces.  On  craint  qu'ils  n'en- 
vahissent le  territoire  français  du  côté  de  Langres,  et, 


(i)  Arch.  dép.  f.  de  St-Pierre  3.  G.  367  —  1511-1512. 

(2)  Bûutiot.  Inventaire  des  chaînes  de  fer  gut\  au  XVI«  êiéeU^ 
sef^'aient  à  la  défefise  de  la  ville  de  Troyes.  Ânn.  de  l'Aube  1863. 
Ile  partie. 

(3)  Dans  cette  môme  ordonnance  on  prescrit  aux  pâtissiers  et  aux 
boulangers  de  n*en  point  avoir  et  de  se  faire  abattre  les  cheveux. 

(4)  A.  4. 


tjlf  CHAPITRE  XV.  271 

pour  être  promptement  avertis,  les  Troyens  établissent 
des  postes  jusqu'à  cette  ville  (1). 

A  rassemblée  de  la  St-Barnabé,  la  population  troyenne 
décide  la  reconstitution  de  la  compagnie  de  Tarque- 
buse.  Cette  résolution  est  prise  sous  Timpression  des 
besoins  du  jour.  L'assemblée  invite  ceux  qui  voudront 
faire  partie  de  cette  compagnie  à  se  présenter  à  la  cham- 
bre de  Téchevinage,  a(in  de  s'y  faire  inscrire.  11  est  pro- 
mis à  cette  compagnie  nouvelle  une  place  pour  Texercice 
et  il  sera  c  élevé  une  confrérie  de  la  hacquebutte  »  (2). 
Cet  appel  est  entendu.  Les  besoins  ne  se  faisant  plus 
sentir,  l'organisation  définitive  de  cette  compagnie  est  de 
nouveau  ajournée. 

Malgré  ces  préoccupations  et  les  travaux  considéra- 
bles qu'elles  entraînent  après  elles,  le  Conseil  résolut  de 
faire  reconstruire  à  neuf  l'hôtel  de  ville.  Cette  résolution 
ne  fut  suivie  que  d'une  restauration  de  l'ancien  hôtel  de 
Mesgrigny.  La  façade,  alors  en  bois,  est  revêtue  «  d'une 
peincture  honneste,  »  et  les  armoiries  de  la  ville,  pla- 
cées au  pignon,  sont  remises  à  neuf  Sur  cette  façade  et 
selon  le  goût  de  l'époque,  on  inscrivit  cette  belle  devise  : 

PaX   HLIC     DOMUl    ET    OMNIBUS   HABITANTIBUS    IN   EA.   Les 

Troyens  ne  prodiguent  point  leurs  ressources  pour  la 
satisfaction  d'un  sentiment  de  vanité.  Us  les  réservent 
pour  les  employer  à  des  travaux  moins  brillants,  mais 
plus  utiles;  ils  les  emploient  à  construire  leurs  remparts 
et  à  mettre  leur  ville  en  sûreté. 

Au  printemps  de  1512,  les  bruits  de  guerre  se  renou- 
vellent et  prennent  une  plus  grande  force.  Le  29  avril, 
on  s'entretient  de  l'entrée  des  Anglais  en  France,  et,  le 
2  mai,  on  annonce,  à  Troyes,  l'arrivée  des  Allemands  en 
Bourgogne.  Ils  étaient  déjà,  disait-on,  dans  les  environs 

(1)  D.  33. 

(2)  G.  97. 


272  HISTOIRE   DE   TROYES.  1511 

de  Langres  et  de  Dijon.  Ces  nouvelles  préoccupent  vive- 
ment. On  recherche  les  armes  chez  les  habitants.  On 
expédie  des  courriers  du  côté  de  Langres  pour  obtenir 
des  nouvelles  sur  la  marche  des  Suisses.  Les  métiers 
sont  imposés  d'urgence  el  les  produits  de  cette  levée  de 
deniers  S(mt  employés  à  acheter  des  canons.  Il  est  pro- 
posé que  chaque  principal  corps  de  métier  aura,  comme 
à  Paris,  une  pièce  de  canon.  Cette  proposilion  est  accep- 
tée et  les  gens  de  justice,  les  grossiers,  les  merciers  et 
les  drapiers,  achètent  quatre  pièces  de  canon  pesant 
chacune  1,700  livres.  Ces  pièces  existaient  encore  en 
1543;  l'une  était  à  l'image  de  St-Julien,  la  seconde,  à 
celle  de  la  Porte-Dorée,  la  troisième  à  celles  de  St-Louis 
et  de  St-Nicolas,  et  la  quatrième  à  Timage  de  la  Made- 
leine. Il  y  a  en  ce  moment,  à  Troyes,  un  grand  mouve- 
ment patriotique  ;  les  uns  font  remise  à  la  ville  de  leurs 
gages,  les  autres  donnent  leur  vaisselle  d'argent,  et  la 
ville,  à  l'aide  de  ces  dons  et  avec  ses  ressources,  fait 
établir  deux  canons-pierriers  qui  cofitent  plus  de  mille 
livres  chacun. 

Les  portes  sont  des  édifices  de  défense  fort  considéra- 
bles. Placées  sous  la  garde  directe  des  maîtres  de  fer, 
chefs  de  quartier  et  de  connétablie,  il  est  remis  entre 
leurs  mains,  treize  clefs  pour  la  porte  de  la  Tannerie, 
huit  pour  celle  de  Comporté,  seize  pour  celle  du  BeflTpoi 
et  quinze  pour  celle  de  St-Jacqucs,  (1)  On  donne  plus 
de  force  aux  remparts  en  plaçant  des  terres  en  dedans 
des  murailles,  et  des  chemins  sont  établis  entre  celles-ci 
et  les  habitations  ou  les  jardins  placés  à  l'intérieur  ;  on 
répare  les  râteaux  ou  herses  des  arches  de  la  Planche- 
Clément  ou  de  la  tour  de  Chappes,  du  Noyer-aux-Enfants 
et  du  rupt  Cordé  (2). 

{\)  Celle  de  Croncels  est  en  construction.  A.  4. 
(2)  D.  36. 


1513  CHAPITRE  XV.  273 

La  garde  de  la  ville  esl  en  Ire  les  mains  du  maire,  alors 
Jean  Richer.  Il  devait  en  être  encore  longtemps  ainsi. 
Les  officiers  du  roi  réclament,  sans  succès,  contre  cet 
ancien  usage  (1). 

L'année  suivante,  la  ville  de  Troyes  achète  de  Jean 
Auger,  receveur  de  la  seigneurie  de  Vendeuvre,  4,000  liv. 
pesant  de  boules  de  fer,  de  deux  calibres,  moyennant 
trente  sous  t.  le  cent  de  matière. 

Les  assemblées  générales  des  habitants  sont  fré- 
quentes. Dans  Tune  d'elles,  on  lit  une  lettre  de  Louis  XII 
annonçant  que  la  ville  de  Tournay  a  composé  avec  les 
.\nglais  et  qu'il  est  bruit  que  ceux-ci  vont  marcher  sur 
Reims.  Le  roi  invite  les  Troyens  à  continuer  les  travaux 
dos  fortifications,  qui  sont  poussés  avec  la  plus  grande 
activité.  Les  ressources  pécuniaires  faisant  défaut,  le  roi 
autorise  à  employer  la  recette  du  grenier  à  sel  au  paie- 
ment de  ces  travaux.  Troyes  est  toujours  approvisionné, 
pour  le  roi,  de  munitions  de  guerre.  L'activité  des  tra- 
vaux ne  se  ralentit  point,  el,  pour  la  communiquer  aux 
gens  de  la  banlieue,  le  Conseil  fait  emprisonner  deux 
habitants  de  Dierrey  et  un  de  Jeugny,  pour  ne  pas  avoir 
exécuté  les  tâches  à  eux  imposées.  Ces  corvées  sont  oné- 
reuses, car  les  villages  distant  de  quatre,  puis  de  sept 
lieues,  fournissent  un  certain  nombre  d'habitants,  pen- 
dant plusieurs  semaines  et  la  ville  ne  leur  fournit  que  le 
pain  (2). 

En  juillet  1513,  dans  une  assemblée  générale  tenue 
en  l'abbaye  de  St-Loup,  les  deniers  communs  étant  re 
connus  insuffisants  pour  solder  les  travaux  des  fortifica- 
tions, d'un  commun  accord,  les  habitants  décident  «  qu'un 


(1)  A.  4. 

(2)  Ainsi  les  villages  fournissent  :  Briel,  35  hommes  ;  ViUy-en- 
Trode  25  ;  Thieffrain  20  ;  Magnant  40  ;  Beurey  30  ;  Vendeuvre  40  ; 
La  Vincneuve-au-Ghéne  25  :  Montiéramey  40  ;  Le  Mesnil-St-Père 
25  ;  LusiQpiy  40  etc. 

III.  18 


974  HISTOmE  DE  ThOYES.  1513 

l^cieux  impost  >  sera  levé,  de  quinze  en  quinze  jours, 
pendant  un  an,  c  sur  les  habitants  lais,  tant  sur  les  nom- 
més gpens  de  fer  que  autres  moindres  gens  nommez  de 
pourpoint,  >  pour  en  appliquer  le  produit  aux  travaux 
de  défense.  Dans  cette  assemblée,  Tévéque  Jacques  Ra- 
guier  et  les  membres  du  clergé  présents  déclarent  qu*ils 
contribueront  à  ce  don  patriotique  pour  la  somme  de 
500  liv.  t.  (1). 

En  1512,  le  roi  avait  imposé  la  ville  à  une  somme  de 
6,000  liv.  t.  réduite  à  4,000;  et  en  août  1513,  il  de- 
mande aux  Troyens  un  don  de  4,000  liv.  qui  lui  est  ac- 
cordé, et  le  gouverneur  demande  en  outre  la  levée  de 
100  queues  de  vin,  10,000  liv.  de  lard,  autant  de  suif 
et  50  caques  d'huile  (2). 

Ce  n'était  pas  sous  Timpression  d'une  vaine  crainte 
que  se  poursuivaient  les  travaux  des  fortifications.  Les 
Suisses,  réunis  à  la  noblesse  franc-comtoise  et  à  des 
troupes  allemandes,  se  présentent  devant  Dijon,  le  7 
septembre.  Le  13,  un  traité  règle  les  intérêts  généraux 
de  la  France,  d'une  part,  et  d'autre  ceux  de  la  coalition 
formée  contre  Louis  XII.  Peu  après  ce  traité,  les  troupes 
abandonnent  la  Bourgogne  ducale. 

Les  nécessités  de  la  guerre  amènent  sans  doute  M.  le 
duc  de  Bourbon  à  Troyes,  le  7  novembre.  Il  y  fait  un  sé- 
jour de  quatre  jours. 

Le  2  i  du  même  mois,  une  lettre  de  Louis  XII  adressée 
aux  Troyens,  leur  fut  lue  en  assemblée  générale.  Le  roi 
les  encourage  dans  leurs  efforts  et  ils  lui  répondent 
c  qu'ils  emploient  leurs  corps,  leurs  gens  et  leurs  biens 
à  la  défense  de  la  ville,  •  qu'ils  continuent  leurs  travaux 
des  fortifications  ;  qu'ils  ont  fait  provision  de  blé,  de  vin, 
d'avoine,  de  farine,  de  riz,  de  pois,  de  fèves,  de  poisson 

(4)  F.  214. 

(2)  A.  4. 


151  s  CHAPITRE   XV.  275 

salé,  d*huile,  de  suif,  de  graisse,  de  i'roinages,  de  beurre, 
de  bestiaux  pour  la  boucherie,  de  fourrage,  de  bois,  de 
charbon  et  de  cordages  (4).  Une  grande  partie  de  ces 
provisions  est  expédiée  à  Langres. 

On  dresse  un  rôle  des  charpentiers  de  la  ville,  parce 
qu'ils  peuvent  servir  de  pionniers.  De  peur  que  les  en- 
nemis ne  fassent  logis  pour  prendre  et  tenir  siège  devant 
la  ville,  Téchevinagc  concède,  à  rente  et  à  cens,  les  faux- 
fossés,  à  la  condition  qu'ils  seront  remplis  et  mis  hors 
d'état  de  protéger  les  assiégeants  (2).  On  rétablit  des 
postes,  de  Langres  à  Troyes,  sur  les  ordres  de  M.  de 
St-Liébault,  lieutenant  du  gouverneur  de  Champagne, 
afin  d'avoir  des  nouvelles  de  la  guerre  et  ne  pas  être 
surpris  par  les  ennemis  (3). 

Les  assemblées  générales  sont  fréquentes.  On  y  voit 
souvent  le  gouverneur  de  la  province  et  l'évoque  de 
Troyes.  On  y  compte  de  cent  à  cent  cinquante  habitants. 
A  l'une  de  ces  réunions,  tenue  le  1<>ï*  décembre,  il  est 
décidé  qu'il  sera  fait  un  emprunt  de  10,000  liv.  t.  sur 
deux  cents  ou  deux  cent  quarante  habitants.  Les  ennemis 
alors  redoutés  sont  les  Anglais,  les  Flamands,  les  Hen- 
nuyers,  les  Brabançons,  les  Hollandais,  les  Suisses  et 
les  Allemands  (4),  nations  avec  lesquelles  le  commerce 
est  interdit  (5). 

Dans  ces  circonstances,  la  ville  se  servit  du  métal  de 
la  grosse  cloche  du  beffroi  pour  fabriquer  des  canons. 
Il  s'agit  ici  de  la  cloche  nommée  Marie,  fondue  en  1463. 
Presque  tout  ce  métal  est  converti  en  artillerie.  Une 
partie,  4,000  livres,  servit  à  en  fondre  une  nouvelle  qui 


(1)  Q.  3.  Compte  de  JeanDorigny. 
(3)  A.  4. 

(3)  D.  36. 

(4)  A.  4. 

(5)  Compte  du  domaine  royal.  Blq.  natie.  Collection  de  Champa^ 
gney  l.  65,  Troyes  XX». 


276  HISTOIRE   DE   TROYES.  1513 

est  suspendue  au  beffroi,  en  1517  (1).  Celle-ci  fut  fon- 
due dans  rincendie  de  1524.  En  1509,  Téchevinage  avait 
ordonné  des  quêtes  dans  les  églises.  Il  écrit  aux  curés 
des  paroisses  de  la  ville  afin  de  faire,  par  eux,  inviter 
leurs  paroissiens  à  contribuer  à  cette  œuvre.  On  lit  dans 
cette  lettre  :  «  Désirant  que  la  grosse  cloche  du  beffroi, 
qui  partout  le  royaume  de  France  et  hors  icelui  est  tant 
renommée  qu'il  n*est  rien  plus,  et  laquelle  a  esté  long- 
temps cassée  et  ne  sert  d'aucune  chose,  soit  remise  en 
état,  il  a  esté  décidé  de  la  faire  beaucoup  plus  grosse 
pour  continuer  sa  grande  renommée  »  (2).  Cette  inten- 
tion de  refondre  la  grosse  cloche  du  beffroi,  donne  lieu 
à  la  publication  de  la  Complainte  sur  la  grosse  Cloche^ 
par  Nicolas  Mauroy,  clerc  de  la  ville  de  Troyes,  œuvre 
littéraire  d'un  véritable  mérite. 

Le  domaine  royal  au  bailliage  de  Troyes  rapporte 
(année  commencée  à  la  Madeleine  1513  et  finissant  à 
pareil  jour  i514\  pour  la  partie  non  muable,  583  liv. 
•i  s.  6  d.  ob.,  et  la  partie  muable  4,652  1.  7  d.  pite,  soit 
en  tout  5,235  liv.  5  s.  1  d.,  et  la  dépense  est  de  3,601  I. 
9  s.  10  d. 

Dans  le  domaine  non  muable  se  trouvent  certains  re- 
venus immobiliers,  en  grains  ou  en  numéraire,  et  assis 
en  différents  lieux  du  bailliage,  sur  des  étaux,  sur  une 
maison  près  de  la  porte  aux  Cailles,  une  autre  derrière  la 
tour  dos  prisons,  la  place  où  étaient  les  halles  du  roi, 
près  d\in  jeu  de  paume  et  du  tabellionnage  ;  sur  la  mai- 
son du  roi,  on  Dourboroau  ;  sur  les  maisons  des  tours  de 
Luoques»  près  do  St-Joan-au-Marehé,  appartenant  au  roi 
et  mouvant  on  fief  du  roi  à  cause  de  sa  grosse  tour  de 


^â>  A.  3.  —  Sur  U  gn>s*^  cloche.  —  Complainte  de  S icoltu  Mau- 
n>y»  plusieurs  fv^is  publiée  —  Nicou\s  PiTHor  —  Bist,  sêcuUaire  et 
fxxl^iastique  d^  Tnyes.  musc   HU|.  iKit>.  —  RornoT.  Marie  ou  la 


^513  CHAPITRE   XV.  277 

Troyes,  sur  la  terre  étant  au  pourpris  de  la  forteresse  de 
Montaigu-en-Othe,  appartenant  au  roi  (5  sous  de  rente 
annuelle  et  perpétuelle,  et  1  d.  de  censive,dès  Tan  4i75); 
sur  60  arpents  de  terre,  sis  à  St-Pouange,  et  la  maison 
appartenant  au  roi,  qui  sont  aux  mains  de  Jean  Menis- 
son,  marchand  à  Troyes. 

Aux  recettes  du  domaine  muable  on  trouve  :  celle  de 
la  justice  et  des  mairies  royales,  les  droits  sur  les  foires, 
le  revenu  d'autres  maisons  que  celles  du  domaine  non 
muable,  notamment  celui  de  la  maison  des  Angoiselles, 
rue  du  Temple,  au  coin  de  celle  de  la  Charbonnerie,  dite 
aussi  le  Petit-Hôpital  (4);  celui  de  Thôtel  du  Pilori  et  du 
Cellier-Rouge,  en  la  rue  de  TEpicerie;  du  tourage  et 
geôlage  des  prisons  royales  de  Troyes  (25  1.  t.);  delà 
ferme  de  la  pierre  aux  toiles^  sur  laquelle  on  a  coutume 
de  plier  les  toiles,  anciennement  rue  de  la  Pierre  et  alors 
à  rhôtel  de  la  Monnaie  (2)  ;  celui  du  douzième  du  poids 
du  roi  et  de  la  douzième  partie  du  minage  ;  le  courtage 
des  vins  (80  1.  t.);  (Thôlel  de  la  Monnaie  est  sans  pro- 
duit) ;  du  revenu  de  différents  étaux  et  la  recette  de  me- 
nus droits  que  le  roi  lève  sur  chaque  boutique  de  ton- 
deurs de  grandes  forces;  celui  des  aveux  ou  renoncia- 
tions de  bourgeoisie;  celui  de  la  chancellerie  et  de  la 
clergie  du  bailliage  et  de  la  prévôté;  ceux  du  tabellion- 
nage,  ensemble  1,536  liv.  t.,  le  revenu  de  différentes 
forêts  de  la  contrée  d'Othe;  enfin,  les  droits  de  brassage, 
dûs  par  les  brasseurs  de  bière  et  de  cervoise,  fixés  à 
10  liv.  t.  par  an  (mais  néant  pour  cette  année  parce 
qu'aucun  n'a  brassé.)  La  cour  des  foires  n'a  rapporté  au 
roi  que  58  1.  6  s.  3  d.  t.). 

(4  )  C'est  la  grosse  maison  faisant  le  coin  de  la  rue  du  Temple  et 
de  la  Montée-des-Ghanges. 

(2)  Dans  ce  document  on  trouve  mention,  près  des  prisons  royales, 
de  la  pierre  de  St-Jean  du  châteaUy  et  près  du  même  lieu,  de  la 
pien'e  de  rOrme  le  tout  fort  proche  du  bois  où  Von  va  aux  prison8% 


278  HISTOIRE  DE  TROYES.  isis 

Quant  aux  dépenses,  elles  se  composent  surtout  de 
sommes  annuelles  payées,  à  titre  d'aumônes,  à  diffé- 
rentes maisons  ou  fondations  religieuses  :  à  Tarchevéque 
des  fous  de  Téglise  de  St-Etienne  (5  sous)  ;  au  collège 
de  Champagne  ou  de  Navarre,  pour  la  partie  mise  à  la 
charge  de  la  recette  de  Troyes  (1,000  1. 1.);  les  gages 
des  ofTiciers  royaux,  le  bailli  (20  sous  par  jour);  son 
lieutenant-général,  60  liv.  par  an;   le  receveur  des  do- 
maines, 100  liv.;  le  procureur  du  roi,  AO  liv.;  le  prévôt 
de  Troyes,  100  liv.;  la  garde  des  châteaux,  néant;  le 
chancelier  des  foires,  200  liv.;  Tavocat  du  roi,  20  liv.; 
les  agents  des  forêts,  depuis  le  maitre  des  eaux  et  forêts 
de  rile-de-France,  de  Champagne  et  Brie  (400  liv.),  jus- 
qu'aux sergents  à  cheval  ou  à  pied  de  la  garenne  aux 
lapins  (le  1er  à  15  d.  et  le  2e  à  9  d.  par  jour).  Le  gruyer 
de  Champagne  reçoit  100  liv.  par  an.  La  recelte  des 
droits  de  jurée  occupe  encore  deux  clercs,  deux  jurés, 
quinze  connétables  et  d'autres  agents.  Le  roi  entretient 
un  avocat  en  cour  d'église  aux  gages  annuels  de  60  sous 
par  an;  il  paie  l'exécuteur  des  hautes-œuvres  qui,  cette 
année,  «  n'a  battu  ou  fustigé  qu'un  petit  nombre  de  cri- 
minels. i>  Le  domaine   paie  au  charpentier  du  roi,  au 
bailliage,  100  s.  de  gages,  et  au  serrurier,  iO  s.;  il  donne 
des  primes  à  ceux  qui  ont  tué  des  aigles.  Pendant  la 
durée   du  compte,  il   en   a   été  tué  neuf,   à  5  sous  par 
tête.  (L'un  a  été  mis  à  bas  d'un  coup  d'arbalète.)  Enfin, 
le  maître  écrivain  de  Champagne,  prend  sur  les  prévôts- 
fermiers  établis  dans  les  quatre  bailliages  de  la  province, 
six  sous  par  an  (1). 

L'année  1514  se  passe  encore  dans  la  crainte  de  la 
guerre.  Au  mois  de  mai,  le  Conseil  décide  que  des  mou- 
lins à  bras  seront  établis  dans  des  maisons  particulières, 


(1)  liibl.   iiatl»'.  CoUcctioii  de  ^a  C/ittm/>af/»it>,  vol.  65, "Troyes  XX. 
Compte  du  dom.  du  roi. 


IMi  CHAPITRE  XY.  279 

dans  les  chapitres,  abbayes  et  maisons  religieuses  et 
hôpitaux.  Toutes  ces  maisons  s'engagent  à  mettre  ces 
moulins  à  bras  en  état  de  servir  avant  la  Saint-Jean- 
Baptiste  (1). 

S'il  y  a  enthousiasme  et  dévouement  d'un  côté,  il  y  a 
aussi  résistance  et  mécontentement  de  l'autre.  Â  l'occa- 
sion de  la  levée  d'un  impôt  dont  tous  les  habitants  sont 
frappés,  eo  proportion  de  leur  fortune,  en  août  1514,  il 
y  eut  <  plusieurs  damnables  assemblées,  monopoles  et 
voies  de  fait  par  aucuns  petits  ménagers  mécaniques  de 
la  ville.  »  Ils  se  plaignent  de  la  levée  de  trois  à  huit 
deniers  par  mois,  imposés  sur  eux  par  les  dizainiers  et 
sous-dizainiers  des  quartiers,  pour  l'œuvre  des  remparts. 
Le  15  août,  ces  gens  se  portent  en  foule  dans  les  mai- 
sons de  Michel  Angenoust  et  de  Jacquet  Uorey,  chargés 
de  cette  levée.  Ces  maisons  souffrent  de  leur  envahisse- 
ment. Celle  de  Jacquet  Dorey  fut  pillée,  les  meubles  em- 
portés ou  brisés  ;  les  portes,  les  fenêtres  et  les  verrières 
furent  rompues.  La  ville  répara,  à  ses  frais,  ce  dommage 
matériel,  et  les  fauteurs  de  ces  désordres  furent  empri- 
sonnés. M.  de  la  Vernade,  maître  des  requêtes,  vint  à 
Troyes  pour  instruire  et  faire  ce  procès  (2). 

Louis  XII,  ayant  perdu  la  reine  Anne,  le  9  janvier 
1514  (v.  st.),  se  remaria  le  13  août  suivant,  avec  Marie 
d*Angleterre.  Il  était  âgé  de  53  ans,  et  depuis  longtemps 
il  était  soumis,  pour  cause  de  santé,  à  un  régime  sévère. 
Il  mourut  le  1er  janvier  1515.  (V.  st.) 

Sa  mort  fut  un  deuil  universel.  Aussi  criait-on  en 
l'annonçant  :  «  Le  bon  roy  Loys,  père  du  peuple,  est 
mort!  >  On  n'entendait  dans  Paris  que  pleurs,  cris  et 
lamentations  ;  la  douleur  s'étendait  sur  toute  la  France, 
elle  était  partagée  par  toutes  les  classes  de  la  société. 

(i):A.  4. 

(2)D.  48. 


280  HISTOIRE  DE   TROYES.  1514 

Louis  Xn  relisait  sans  cesse  le  Traité  des  Devoirs  fde 
officiis)  de  Cicéron,  trait  caractéristique  pour  un  bon 
roi  de  la  Renaissance.  Pour  Louis  XII,  comme  pour 
Louis  IX,  les  regrets  de  la  nation  le  suivirent  bien  au 
delà  du  tombeau.  Tant  que  la  voix  du  peuple  fut  enten- 
due dans  les  affaires  de  TEtat,  il  invoqua  son  nom  ;  dans 
ses  moments  de  souffrance,  il  rappelait  son  règne  comme 
une  époque  de  paix,  de  tranquillité  et  de  bonheur,  et  la 
nation  ne  se  trompait  point.  Souvent  son  souvenir  fut 
invoqué  pour  obtenir  la  réduction  des  impôts,  que  le 
Tiers- Etat  voulait  ramener  au  temps  du  bon  roi 
Louis  XU. 

Louis  XII,  par  ses  lettres-missives  (1),  entretenait  une 
correspondance  directe  avec  les  Troyens.  C'est  sous  sa 
signature  qu'arrive  à  Troyes  la  nouvelle  de  la  mort  de 
Charles  VIII  (19  avril  1498,  après  Pâques).  C'est  lui- 
même  qui  leur  recommande  de  faire  bon  accueil  aux 
ducs  de  Gueidres,  de  Juliers  et  de  Clèves  (5  août  1499). 
Il  annonce,  en  août  et  septembre,  les  succès  de  l'armée 
française,  en  Italie,  et  la  prise  de  la  ville  d'Alexandrie  et 
de  celle  de  Novarre.  Il  demande  aux  Troyens  (le  6  avril 
1499,  après  Pâques),  un  emprunt  de  5,000  liv.  qu'il 
consent  peu  après  à  réduire  à  ^,000.  Il  leur  ordonne  de 
visiter  les  greniers  pour  y  constater  les  quantités  de  blés 
qui  s'y  trouvent  et  prescrire  la  vente  et  la  distribution  de 
ce  blé  au  peuple  de  la  ville  et  du  bailliage  de  Troyes. 
Il  ne  croit  pas  son  honneur  compromis  en  demandant 
aux  Troyens  de  surseoir  à  des  poursuites  commencées 
pour  obtenir  le  remboursement  de  la  somme  de  î2,000  liv. 
qu'ils  lui  ont  prêtée.  L'emprunt  n'était  pas  pour  lui  une 
fiction,  comme  on  le  verra  plus  tard,  sous  ses  succes- 
seurs. Il  autorise  les  .Troyens  à  laisser  l'archiduc  d'Au- 

(1)  Ces  lettres  toutes  orij^^iiiales  et  au  nombre  de  dix-huit  forment 
la  7  c  liasse  du  43»  carton  du  nouv.  fond  des  arch.  mun. 


iMi  CHAPITRE   XV.  284 

triche,  «  son  très  cher  et  très  amé  cousin,  poser  postes 
»  et  courriers  dans  la  ville  et  le  pays  tel  que  bon  lui 
>  semblera.  ^  (Lelt.  de  Blois  du  6  février  1502.)  C/est 
lui-même  qui  ordonne  Tarrestation  des  courriers  espa- 
gnols allant  en  Italie  ou  en  Allemagne,  et  vice-versâ. 
(De  Milan,  3  août  1502.)  Enfin,  de  Lyon  (le  4  avril 
1502,  avant  Pâques),  il  annonce  aux  Troyens  le  traité  de 
paix  qu'il  vient  de  signer  avec  le  roi  et  la  reine  d'Espagne, 
à  Toccasion  du  partage  du  royaume  de  Naples. 

On  ne  peut  le  nier,  ces  rapports  directs  rapprochaient 
le  souverain  de  ses  sujets.  Il  n'y  a  pas  encore  autour  de 
lui  cette  armée  de  courtisans  dont  le  grand  nombre  ne 
sert  qu'à  l'éloigner  de  la  nation.  11  n'y  a  nul  intermé- 
diaire. Si  les  peuples  se  plaignent,  leurs  voix  arrivent  au 
roi.  Si  le  roi  a  besoin  de  ses  sujets,  ceux-ci  sont  heureux 
de  lui  obéir  et  de  le  servir.  Tel  est  le  caractère  des  rela- 
tions entre  le  roi  et  la  nation,  avant  l'établissement  de  la 
monarchie  absolue  et  sous  les  règnes  de  Charles  Vil, 
Louis  XI,  Charles  Vlll  et  Louis  XII.  Le  règne  de  Louis  XII, 
comme  la  dernière  moitié  de  celui  de  Charles  Vil,  peut 
servir  d'exemple  aux  souverains  qui  veulent  rendre  leurs 
peuples  heureux.  Ni  l'un  ni  l'autre  ne  mettent  en  usage 
les  sombres  rigueurs  de  Louis  XI,  ce  roi  violent  et  révo- 
lutionnaire, dans  la  mauvaise  acception  du  mot,  ni  les 
prodigalités  de  François  le»^,  toujours  ruineuses  pour  le 
pays  et  qui  n'ont  pour  résultat,  à  quelque  époque  qu'on 
les  mette  en  pratique,  que  la  satisfaction  de  la  vanité. 


CHAPITRE  XVI 


Ou     1"    «Janvier    IfSlfS    èi    l»3li 


SOMMAIRE  : 

Contrôleur  des  deniers  communs.  —  Communication  par  terre  et 
par  eau  desservant  la  ville  de  Troyes.  —  Amélioration  de  la 
navigation.  —  Transaction  sur  procès  entre  la  ville  et  le  cha 
pitre  de  St-Pierre.  —  Consultation  de  N.  Charmolue,  M.  Char- 
tier  et  A.  de  Thou.  —  Plaintes  contre  le  moulin  aux  Toiles, 
(Paresse).  —  Visite  de  la  Barse,  travaux,  moulins.  —  Indem- 
nités préalables  aux  propriétaires  expropriés.  —  Les  ambassa- 
deurs de  Maximilien  à  Troyes.  —  Hôtel  des  monnaies  à  Troyes. 

—  Réformes  sur  les  monnaies  ;  députés  envoyés  au  roi,  Jean 
Menisson  et  Claude  Mole.  -  Articles  envoyés  aux  villes  de 
France  ;  réponses.  —  Distributions  faites,  au  nom  de  la  ville, 
aux  officiers  du  roi,  etc.  —  Honneurs  rendus  aux  maires  et  à 
leurs  femmes,  après  leur  mort.  —  Secours  contre  les  incen- 
dies. —  L'Hôpital  de  St- Abraham  converti  en  maison  de  re- 
penties. —  Mort  de  Jacques  Raguier,  évêque  de  Troyes  ;  son 
successeur  Guillaume  Petit  ou  Parvi  ;  difficultés  entre  le  roi  et 
le  chapitre  à  l'occasion  de  cette  nomination.  —  Guillaume 
Petit,  inquisiteur  de  la  foi.  —  Dons  au  roi.  —  Aliénation  d'une 
partie  du  domaine  royal.  —  Rachat  par  la  ville  d'une  por/ion 
de  la  vicomte.  —  Droits  de  francs-fiefs  et  nouveaux  acquets- 

—  De  la  ferme  de  la  chaussée.  —  Du  porteur  de  vin  et  du 
trompette  de*  la  ville.  -^  Session  des  grands  jours  projetée, 
mais  non  tenue.  —  Les  mauvais  garçons  et  les  lansquenets  en 
Champagne.  —  Bruits  de  guerre,  projets  d'un  camp  royal  aux 
portes  de  Troyes;  la  ville  mise  en  état  de  défense  ;  visite  des  for* 
tificaUoiis  par  rambassadeur  de  Venise,  Antoine  Hennequin  ; 


284  HISTOIRE  DE  THOYES. 

portrait  de  la  ville  ;  mouvement  militaires  —  nouvelle  aliénation 
du  domaine  royal  ;  la  ville  rachète  certains  droits.  —  Greniers  à 
sel  fournissant  aux  fortifîcations.  —  Mesures  de  police  ;  autres 
contre  les  livres  de  Luther.  —  François  1er  passe  à  Troyes 
avec  la  reine^  sa  mère  et  sa  sœur  ;  la  ville  lui  offre  une  statue, 
en  argent  doré,  représentant  :  a  Hector  de  Troyes,  »  —  Nou- 
velle foire  franche.  —  Le  roi  organise,  à  Troyes,  Tarmée  (ju'il  veut 
faire  marcher  contre  l'Empereur  ;  il  se  dirige  sur  Lyon, 
par  Dijon.  —  L'armée  de  Champagne  est  commandée  parle  duc 
d'Alençon.  —  Le  roi  est  à  Troyes  en  septembre  1521  ;  il  auto- 
rise de  fortifier  la  motte  de  Rosières.  —  Elections,  comme 
maires,  de  François,  puis  de  Claude  de  Marisy. —  La  ville  entre, 
tient  200  hommes  de  pied.  —  Don  au  roi  de  3,600  Uv.  —  Ap- 
provisionnements de  guerre.  —  Guerre  entre  François  I,  Char- 
les-Quint et  Henri  VIIL  —  Mesures  prises  à  cette  occasion.  — 
Murmures,  à  Troyes,  contre  le  roi.  —  Le  clergé  se  retire  du 
conseil  de  ville.  —  Les  mauvais  garçons  sont  poursuivis.  —  La 
Champagne  envahie  ;  les  lanquenets  défaits  à  Montéclaire,  près 
Ândelot.  —  Organisation  de  la  Compagnie  des  arquebusiers. — 
Incendie  de  1524  ;  détails  nombreux  et  inédits  sur  Tincendie, 
les  dommages,  les  mesures  de  police  et  de  sûreté  générale,  le 
guet  dortnant;  la  reconstruction  des  maisons;  les  secours  accordés 
par  le  roi,  la  résistance  apportée  aux  reconstructions.  Mort 
de  M.  d'Albert  d'Orval,  gouverneur  de  Champagne  ;  le  comte 
Claude  de  Guise  lui  succède  ;  son  entrée  solennelle  à  Troyes  ; 
dons  de  la  ville.  —  Le  guet  et  l'escharguet.  —  Réédification  de 
l'arsenal.  —  Les  Luthériens  battus  avant  d'entrer  en  Champa- 
gne. —  François  l^r^  prisonnier  en  Italie  ;  dons  de  la  ville  pour 
son  rachat.  —  Bandes  italiennes  aux  portes  de  Troyes,  repous- 
sées jusqu'à  Dijon  —  Permutation  de  l'évêché  de  Troyes  entre 
Guillaume  Parvi  et  Odard  Hennequin.  —  Entrée  à  Troyes  du 
nouvel  évéque.  —  Ses  statuts  synodaux.  —  Maison  fortifiée  à 
Montgueux.  —  Etat  de  l'administration  des  hospices.  —  Règle- 
ment sur  la  fabrication  des  tuiles  et  de  la  brique.  —  Courses 
des  gens  de  guerre  réprimées  par  le  Duc  de  Guise  et  le  Cardinal 
de  Lorraine.  —  Des  privilèges,  des  dettes  de  foires,  détails.  — 
Rachat  et  adjudication  des  fermes  des  Hauts-passages.  —  Des 
droits  féodaux  ;  de  ceux  de  martelage  et  de  charbonnerie^  de  la  vi- 
comte. —  Police  sur  les  cours  d'eau,  sur  les  alignements,  sur 
la  voirie,  sur  l'éclairage  des  rues  ;  chambres  du  roi.  —  Péage 
perçu  à  la  chaussée  de  Courteranges. —  Emotion  populaire  pro- 
voquée par  la  mauvaise  récolte  ;  mesures  prises  à  cette  occa- 
sion. —  Pestes.  -  Ventes  de  marée  fraîche.  —  Incendie  de 
1529.  —  ThéiUre,  mystères,  détails.  —  Le  duc  de  Norfoltk  doit 
passer  à  Tioyes.  —  Le  roi,  sa  famille  et  sa  cour,  à  Troye*.  — 
Réforme  dans  les  abbayes.  —  Charles   de  Lorraine,  Agé  de  9 


1515  CHAPITRE  XVI.  285 

ans,  abbé  de  Montier-la-Gelle.  —  Antoinette  de  Bourbon,  du- 
chesse de  Guise,  à  Troyes.--  Session  des  Grands-jours  de  1535; 
ses  actes,  arrêts  et  règlements,  concernant  les  corporations,  les 
hôpitaux,  les  péages^  les  élections  de  la  mairie  et  de  Téche- 
vinage.  —  Plaintes  du  clergé  sur  l'administration  de  la  ville. — 
Fondation  d'une  messe  par  le  sieur  de  Vaubercey.  —  De  Tins- 
truction  publique.  —  Du  guet  et  garde.  —  Des  actes  de 
baptême,  mariages  et  sépultures. 


En  1515,  apparaît,  pour  la  première  fois,  un  officier 
de  commission  royale  dans  Tadministration  de  la  ville. 
Cet  officier  est  le  contrôleur  des  deniers  communs.  Il 
est  autorisé  à  prélever  6  d.  t.  par  livre  ;  par  composition, 
ses  gages  sont  fixés  à  30  liv.  par  an,  puis  peu  de  temps 
après  l'office  est  racheté  moyennant  300  liv.  Louise  de 
Savoie,  régente,  le  rétablit  en  1525.  Le  Conseil  veut  de 
nouveau  le  faire  supprimer,  mais  le  titulaire  ne  veut 
point  y  consentir. 

Les  voies  de  communication  par  eau  et  par  terre  ap- 
pellent toujours  la  sollicitude  de  Téchevinage.  La  route 
d'Allemagne,  par  Vendeuvre,  Bar-sur- Aube,  etc.,  trouve 
un  obstacle  considérable  dans  la  vallée  de  la  Barse,  à 
Courteranges  et  à  Montiéramey.  La  ville  de  Troyes  veut 
faire  contribuer  à  Tédification  des  ponts  et  des  chaus- 
sées de  ces  deux  passages,  les  populations  voisines.  Elle 
intente  un  procès  au  seigneur  de  Vendeuvre  qui  n'est 
autre  que  Charles  d'Amboise,  grand-maître  de  France, 
qui  veut  faire  exonérer  de  cette  dépense  les  habitants  de 
sa  seigneurie.  L'évêque  de  Troyes  provoque  la  construc- 
tion d*un  pont  au  passage  de  Courteranges  (1516),  et 
les  habitants  de  Montreuil  et  de  Montiéramey  députent 
au  Conseil  de  ville,  dans  le  but  d'obtenir  la  construction 
d'un  pont  sur  la  Barse  (1521).  Le  Conseil  prend  cette 
demande  en  considération.  A  quelques  années  de  là,  la 
ville  fait  exécuter  des  travaux  importants  à  la  chaussée 
de  Courteranges.  Ce  sont  les  premiers  travaux  faits  pour 


286  HISTOIRE  DE  TOOYES.  15l« 

amélioier  notablement  les  communications  par  terre,  du 
côté  de  TÂllemagne  et  de  la  Lorraine. 

L'amélioration  de  la  navigation  de  la  Seine  et  de  la 
Barse  continue.  On  travaille  à  Bourguignons,  à  Virey- 
sous-Bar,  à  Chappes,  à  Fouchères,  afin  de  faire  porter 
bateau  à  la  Seine  jusqu'à  Bar  (1516).  Le  bailli  de 
Troyes,  Gaucher  de  Dinteville,  fait  disposer  les  vannages 
de  ses  moulins  de  Bourguignons.  La  duchesse  de  Nevers, 
dame  d'Isle  (Aumont),  donne  à  la  ville  un  arpent  de  bois 
pour  en  employer  le  produit  aux  travaux  à  faire  sur  la 
Seine  (1516)  (1).  On  démolit  un  pont  au  moulin  du  Châ- 
telier  et  la  ville  indemnise  le  meunier  et  traite  avec  le 
seigneur  du  lieu,  le  Chapitre  du  bois  de  Vincennes  (2). 
La  ville  s'accorde  avec  Jean  d'Aumont,  seigneur  de 
Chappes.  A  Chappes  était  le  port  où,  de  toute  ancienneté, 
on  chargeait  les  bois  et  toutes  les  marchandises  de  la 
contrée  transportées  à  Troyes  par  eau,  ce  qui  donnait 
un  grand  profit  au  tabellionnage,  en  raison  des  contrats 
reçus  par  les  notaires  du  lieu.  La  ville  paie  à  Jean  d*Au- 
mont  une  indemnité  fixée  à  500  liv.  Ce  seigneur  s'engage 
à  construire  et  entretenir,  à  l'avenir,  les  vannes  et  van- 
nages nécessaires  pour  assurer  la  navigation,  et  leur 
largeur  êst  fixée  de  100  à  120  pieds  (3). 

La  ville  paie  au  prieur  de  Fouchères  une  indemnité 
de  140  liv.  motivée  sur  des  dommages  supportés  par  les 
moulins  pendant  les  travaux  exécutés  aux  vannages  pour 
le  passage  des  bateaux  (4).  Elle  fait  exécuter  des  travaux 
au  pont  de  pierre  de  ce  Heu,  pour  permettre  aux  bateaux 
d'y  passer.  Le  prieur  y  fait  travailler  par  corvée.  Elle 
traite  aussi  pour  le  passage  des  moulins  de  Gourcelles  (5), 


(1)  D.  53. 

(2)  B.  84. 

(3)  C.  106.  —  D.  56. 

(4)  B.  84. 

(5)  B.  ii2. 


1516  GHAPmus  m.  287 

et  pour  celui  des  moulins  de  Verrières  (1).  Par  tous  ces 
travaux,  la  navigation  de  la  Seine  est  poussée  jusqu'à 
Bar,  au  lieu  dit  les  Buttes,  sans  doute  les  buttes  des 
arbalétriers. 

L'échevinage  trouve  dans  le  Chapitre  de  St-Pierre  des 
adversaires  s'opposant  à  Tamélioration  du  canal  de  Pétai, 
qui  sert  à  la  navigation.  En  1504,  il  est  constaté  qu'à  la 
Grande-Pointe  il  a  existé  un  grand  sureau,  que  le  canal 
de  Pétai  a  été  élargi  de  six  à  sept  pieds,  et  que  si,  au 
moulin  de  ce  nom,  on  établit  une  seconde  roue,  ce  fait 
portera  préjudice  à  la  navigation  (2).  Celui-ci  se  défend 
en  disant  que  le  canal  de  la  Moline  a  soixante  pieds  de 
largeur  à  son  ouverture,  et  que  celui  de  Pétai  n'en  avait 
que  sept  ;  qu'un  sureau  avait  autrefois  réglé  la  profon- 
deur des  deux  canaux;  que,  du  côté  de  Pétai,  le  canal 
s'est  élargi  à  ce  point  qu'il  y  passe  un  tiers  de  Teau.  Dans 
la  circonstance,  l'échevinage  invoque  le  secours  de  trois 
habiles  avocats  :  MM.  Charmolue,  Chartier  et  A.  de 
Thou.  Ces  trois  avocats  sont  d'avis  :  c  Que  les  maire  et 
échevins  doivent  démontrer  que  le  bras  de  la  rivière  du 
Chapitre  ne  doit  avoir  les  deux  parts  du  cours  d'icelle 
rivière,  mais  qu'il  est  plus  expédient  et  nécessaire  et  le 
profit  de  la  chose  publique  et  navigation  de  la  marchan- 
dise de  l'eau  que  l'autre  bras  d'icelle  rivière  ait  plus 
grand  cours,  supposé  qu'il  ne  l'ait  d'ancienneté,  entendu 
mesme  que  les  moulins  desdicts  du  Chapitre  par  là  ne 
seront  reoduz  inutiles,  mais  demeureront  toujours  en  tel 
estât,  nature  et  valeur  qu'ils  sont  à  présent  (3).  > 

Le  maire  et  les  échevins  soutiennent  que,  par  le 
canal  de  Pétai,  arrivent  toutes  marchandises,  vivres, 
bois,  pierres,  mérain,  etc.,  provenant  des  villes  de  Polisy, 
Polisot,  Bar-sur-Seine,  etc.;  qu'il  y   aurait  préjudice, 

(1)  B.  109. 

(t)  Arch.  dép.  fond  de  St-Pierre. 

(3)  Arch.  mnn.  anc.  fondB.  Consultation  originaie. 


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\     HISTORIE.  DE  TROYES.  1516 

la  ville  de  Troyes  même  pour  celle  de  Paris,  si  on 
nâv laissait  à  ce  canal  sa  largeur  de  35  pieds  et  si  Ton  y 
mettait  un  sureau  qui,  suivant  eux,  n*a  pas  existé;  — 
qu'avec  peu  de  frais  on  peut  traverser  la  ville  et  diriger, 
sur  Paris,  tels  bateaux  venant  de  Bar-sur-Seine;  qu*au 
besoin  les  bateaux  pourraient  suivre  le  canal  de  la  Moline 
et  arriver  au  port  de  St-Jacques,  où  arrêtent  les  bateaux 
venant  de  Paris,  de  Nogent,  etc.  Il  y  a  lieu  de  croire  que 
les  choses  restèrent  à  peu  près  dans  Tétat  où  elles  fu- 
rent trouvées,  quant  aux>l3rgeur9. . Des  sureaux  furent 
posés  ainsi  que  des  (iches  et  tous  les  ferrements  furent 
frappés  d'une,  fleur  de  lys.j  II  y  eut  sentence  au  bailliage 
m  ht  décembre  1520  (1). 

-Gé  résultat  fut  maintenu  par  la  transaction  dju  2  juillet 
1552,  qui  fit  et  fait  encore  loi  entre  les  parties,  intéres- 
sées. 

En  1515,  Tassemblée-de  la  St-Barnabé  est  saisie  d'une 
plainte  formulée  paroles  collèges  des  drapiers,  foulons, 
teinturiers,  tannéurs,'Bouchers^''patcheminiers  et  autres 
habitants.  Tous  se  plaignent  que*  rlia^ moulin  aux  toiles 
(ancien  moulin  de  la  Tannerie,  aujourd'hui  dôNParoRsé) 
soit  établi  dans  dos  conditions  qui  occasionncîtt  fré- 
quemment un  défaut  d'eau  dans  les  canaux  de  la  ville. 
L'assemblée  décide  d  par  appointementde  police,  »  qu'il 
sera  établi  «  un  liveau  et  glacis  »  à  ce  moulin,  et  qu'au 
bhonchis.de  Croncels  il  sera  édifié  deux  vannes  pour  dé- 
charger l!eau  eji  temps  d'hiver.  Ces  travaux,  peu  après, 
itic^t  exécutés  (2). 

En  1526,  une  commission,  choisie  au  sein  de  l'éche- 
vinage  avec  un  maçon  et  un  voiturier  par  eau,  visite  la 
Rarse  depuis  Baire  jusqu'à  Montiéramey,  constate  les 
travaux  qui  sont  à  exécuter  aux  vannages  des  moulins, 

(1)  Arch.  dép.  f.  de  St-Pierre. 

(2)  A.  A.,  «9e  carton,  4«  liasse  -  C.  103.  104 et  105. 


\Jf 


1515  CHAPITRE  XVI.  289 

pour  rendre  facile  le  passage  des  bateaux  qui  n'auraient 
jamais  dépassé  le  moulin  des  Amancières  (1). 

Celte  commission  complète  ses  travaux  en  constatant 
que  le  pont  de  Gachebouton,  situé  au-dessus  de  Montié- 
ramey,  est  inutile;  qu'étant  en  ruine,  il  n*y  a  lieu  de  le 
réparer;  mais  qu'un  autre  pont,  placé  à  deux  jets  d'arba- 
lète, au  lieu  dit  le  Gué-Chabin,  serait  plus  utile,  parce 
que,  dans  ce  lieu,  passent  les  marchands  lorrains,  ainsi 
que  les  habitants  des  villages  voisins;  que  le  chemin  se 
dirige  sur  Montrcuil,  situé  sur  le  gros  chemin  de  Troyes. 
Cette  commission  s'occu[)e  en  même  temps  du  pont  et 
de  la  chaussée  de  Courteranges  (2), 

A  la  suite  de  cette  visite,  des  travaux  sont  exécutés 
par  la  ville  à  la  chaussée  de  Courteranges,  dite  la  Haute- 
Levée,  avec  Taide  de  contributions  imposées  sur  les  pa- 
roisses situées  entre  Bar-sur-Aube,  Bar-sur-Scine  et 
Troyes. 

Les  communications  ainsi  établies  par  eau,  Troyes  a 
ses  ports  :  celui  de  la  Barse,  dans  la  vieille  Seine,  au- 
dessous  de  Foicy;  celui  de  la  Seine,  en  amont,  près  de 
la  porte  de  Croncels  ;  et  son  port  d'aval  près  de  la  porte 
de  St-Jacques.  En  1532,  on  dispose  le  pont  à  bascule 
de  la  porte  de  Croncels,  afin  de  pouvoir  déposer  à  pied 
d'œuvre  les  matériaux  employés  aux  fortifications  que 
l'on  élève  près  de  la  a  Tour  Boilleaue  »  (3). 

Tous  ces  travaux  sur  la  Seine,  ont  été  exécutés  en 


(1)  Ces  moulins  appartenaient  :  ceux  de  Baire,  de  Lusîgny  et  de 
Ghanteloup,  àTabbaye  de  St-Loup,  de  Troyes  ;  —  celui  de  la  Brosse,  à 
l'hospice  de  St-Abraham  ;  —  ceux  de  Courteranges  et  d' Amancières, 
à  Tabbaye  de  Montiéramey  ;  —  ceux  du  Rasle  et  de  la  Rivour  ,  à 
Tabbayc  de  la  Rivour.  —  Ont  disparu  les  moulins  de  la  Brosse,  du 
Rasle,  de  Chanteloup  et  d*Amancières.  Le  moulin  de  Ruvigny  fut 
construit  de  1526  à  1531. 

(2)  BoOTiOT.  Notice  $ur  la  navigation  de  la  Seine  et  de  la  Bar$e 
1856. 

(3)  D.  104  et  suiv. 

III.  lu 


290  HISTOIRK  DE   TROYES.  f515 

verlu  de  lettres-palenles  de  Louise  de  Savoie,  régente 
de  France,  données  à  Lyon  en  1515,  rappelant  celles  de 
Louis  XII,  délivrées  à  Grenoble  le  17  juin  1511. 

Ces  lettres  posent  le  principe  de  l'indemnité  préalable 
à  payer  aux  propriétaires  dépossédés,  comme  il  est  posé 
dans  les  lettres  relatives  à  Talignement  des  rues(l).  Elles 
prévoient  le  cas  où  les  propriétaires  ne  voudraient  pas 
accepter  l'indemnité  allouée.  Alors  la  somme  offerte  doit 
être  déposée  et  consignée  aux  mains  d'un  bon  marchand 
qui  en  devra  compte.  Le  bailli  commet  Jean  Pradel,  sei- 
gneur de  Montaulin,  et  Edmond  Boucherai,  pour,  agis- 
sant ensemble  ou  séparément,  fixer  Vindemnilé  due  aux 
propriétaires  dépossédés  -i^'. 

A  la  mort  de  Ferdinand  le  Catholique,  roi  d'Espagne, 
des  diflicultés  s'élevèrent  entre  François  I<*r,  Henri  VIII 
d'Angleterre  et  Tarchiduc  d'Autriche.  Les  ambassadeurs 
de  Maximilien  étaient  à  Troyes.  lorsqu'ils  furent  invités, 
par  François  h*r,  à  se  rendre  à  Noyon,  où  le  roi  de  France 
enverra  ses  ambassadeurs  (3). 

En  1515,  le  roi  réduit  les  hôtels  des  monnaies  à 
quatre,  et  maintient  seulement  ceux  de  Paris,  de  Rouen, 

de  Lvon  et  de  Bavonne.  L'hôtel  des  monnaies  de  Trêves 

•  •  • 

aurait  donc  été  supprimé.  Mais  si  cette  suppression  eut 
lieu,  la  restauration  aurait  suivi  peu  après,  car  des  mon- 
naies auraionî  été  frappi  es  à  Troyes  sous  les  règnes  de 
François  b  «  tl  de  Ih  nri  II.  Lo  roi  institue  à  Paris,  à  Or- 
léans, lunir^os,  l.yoïi.  Tours,  r'oitiers,  Bordeaux,  Amiens, 
Abbovillo.  IMjon  et  Troyos.  un  nrhllier.  L'échevinage  de 
Trovrs  îovi'l  t  n  coite  qualité  J;u  ques  Gredin,  arbalé- 
tr:or.  qui,  .!o;niis  lon^rîivi.ps,  se  livrait,  dans  cette  ville, 
à  la  fabrioalion  dos  arcs,  des  traits  et  des  arbalètes. 


{\^  Voir  ci>ilo»$us,  p.  .:i4 

i«^  p,  :>3. 

V?    J.i^nxal  iVun  bcur^-t^-is  de  Paris,  sous  le  rtçnt  de  Frofiçou 
/•»„  publié  p^r  Lua,  l  A'4u;n<',  |vur  !,t  Soc.  de  ITurt.  de 


^5ie  CHAPITRE   XVI.  291 

Par  lettres  datées  de  Bléré  (1),  du  10  septembre  1516, 
François  1er  demande  aux  habitants  de  Troyes  d'élire  un 
ou  deux  d'entr*eux,  des  plus  expérimentés  sur  le  fait  des 
monnaies.  Ces  élus  devront  se  rendre  près  de  lui,  à 
Paris,  le  15  octobre  suivant  (2).  Cette  convocation 
a-t-elle  été  suivie  d'effet?  Le  fait  paraît  douteux,  car, 
peu  après,  le  roi  «  voulant  aviser  au  moyen  d'enrichir  le 
royaume  et  de  soulager  son  peuple,  s'éclairer  et  prendre 
quelques  bonnes  résolutions  à  ce  sujet,  se  décide  à  faire 
venir,  de  tous  les  lieux  de  son  royaume,  gens  idoines  et 
experts,  pour  avoir,  sur  ce,  leur  avis  et  conseil,  et  afin 
qu'après  les  avoir  entendus,  il  prenne  le  meilleur  parti 
pour  arriver  au  but  qu'il  se  propose.  >  Il  adresse  aux 
bonnes  villes  de  Franco,  à  la  date  du  29  décembre  1516, 
une  lettre  missive,  afin  de  les  engager  à  envoyer  un  cer- 
tain nombre  de  députés  qui  se  trouveront  réunis,  à  Paris, 
le  15  mars  suivant. 

Pour  se  conformer  aux  désirs  du  roi,  il  y  eut,  le 
19  février,  en  l'écriloire  (groffe)  du  bailliage  de  Troyes, 
une  réunion  présidée  par  M.  Jean  Clément,  lieutenant- 
général,  et  à  laquelle  assistèrei-tles  officiers  de  la  justice 
royale,  le  maire,  les  échevins,  les  conseillers  do  ville  et 
un  petit  nombre  des  principaux  citoyens.  Sur  la  lecture 
de  la  lettre  royale  invitant  les  habitants  de  Troyes  à  en- 
voyer à  Paris  c  deux  bons  personnages  bien  instruits 
1  des  biens  et  commodités  qui  pourraient  se  faire  en 
1  leur  quartier.  »  L'assemblée  délégua  Me  Antoine 
Huyard,  avocat  du  roi  à  Troyes,  François  de  Marisy, 
sieur  de  Cervets,  et  Nicolas  Gouault,  procureur  des  ha- 
bitants, avec  charge  do  s^informer  des  besoins  de 
la  ville  et  d*en  dresser  un  mémoire.  Le  gouverneur 
sera  informé  de  ce  choix  et  il  sera  consulté  sur  ce  qu'il 
y  aura  à  faire  dans  cette  occurrence. 

(i)  Canton  de  Tours,  (Indre-et-Loire). 
(S)  A  A. ,  48«  carton,  9e  liasse. 


292  IIISTOIUE   1)K   TKOYES.  isie 

Au  retour  de  son  voyage  près  de  M.  d'Albret  d'Or- 
val,  gouverneur,  Jean  Perrin  fait  savoir  que  le  chancelier 
de  France  avait  déclaré  qu'il  fallait  envoyer  aux  Etats 
non  des  avocats,  mais  des  marchands,  et  que  le  gouver- 
neur était  d'avis  que  Jean  Ménisson  et  Claude  Mole  fus- 
sent délégués,  c  parce  qu'il  ne  connaissait  gens  pour 
»  mieux  parler.  >  Sur  ce  rapport,  l'assemblée  donna  ses 
pouvoirs  à  Jean  Ménisson  et  à  Claude  Mole. 

Dans  une  nouvelle  réunion,  il  est  décidé  que  les  deux 
députés  s'efforceront  d'obtenir  la  tenue  des  Grands-Jours  ; 
s'assureront,  s'il  est  possible,  d'obtenir  une  nouvelle 
foire  et  s'informeront  s'il  y  a  moyen  de  faire  affranchir 
toutes  les  foires  de  Troyes  des  droits  payés  aux  hauts- 
passages  et  des  impositions  foraines. 

Quels  ont  été  les  actes  de  cette  assemblée?  On  parait 
les  ignorer.  On  peut  croire  que  cette  nouvelle  convoca- 
tion fût  sans  effet.  En  avril  1517,  le  maire  et  les 
échevins  de  Troyes  reçoivent  c  des  articles  baillés  aux 
>  villes  du  royaume  par  M.  le  Chancelier  et  par  l'ordon- 
nance du  roi.  >  Dans  une  assemblée  tenue  le  20  avril 
1517,  après  Pâques,  les  habitants  de  Troyes  répondent 
à  chaque  article,  et  leurs  réponses  sont,  sans  délai,  en- 
voyées à  la  cliancellerie. 

Les  deux  députés,  Jean  Ménisson  et  Claude  Mole, 
remplissent  alors  leur  mandat.  Le  premier  reçoit,  le 
26  août  suivant,  une  somme  de  vingt  écus  soleil  c  pour 
ses  peines,  salaires  et  vacations  d'avoir  vacqué,  à  Paris, 
pour  les  affaires  de  la  ville  avec  Claude  Mole  (1).  > 

Au  XVe  et  au  XVI^  siècle,  tout  travail  comme  toute 
réunion  dans  l'intérêt  de  la  communauté  des  habitants, 
donne  lieu  à  des  dépenses  de  bouche  soldées  par  la 
ville.  L'assemblée  de  la  St-Barnabé  et  celle  des  fériés  de 
PAques  se  terminent  par  des  repas  auxquels  prennent 
pari  les  officiers  royaux,  le  corps  de  ville  et  quelques- 

y\)  N.  f  A.,  n«5. 


4517  CHAPITIIK   XVI.  293 

uns  des  principaux  habitants.  Il  y  a  aussi  des  (listnliu*- 
lions  d'hypocras,  de  torches  et  de  sel,  auxquelles  parti- 
cipent les  offîciers  du  roi  et  ceux  de  la  ville.  Le  20  avril 
1517,  après  Pâques,  le  Conseil  décide  que,  la  veille  de 
Noël,  une  quarte  d*hypocras  sera  envoyée  au  bailli,  à  ses 
deux  lieutenants,  à  Tavocat,  au  procureur  et  an  receveur 
du  roi,  au  maire,  aux  huit  échevins,  aux  avocat,  procu- 
reur, receveur  et  greffier  de  la  ville,  au  maître  de  la  ma- 
ladrerie  des  Deux-Eaux,  au  prévôt,  aux  dix  élus  en  l'é- 
lection, au  grenetier  et  au  voyeur,  *  qui  sont  les  anciens 
auxquels  on  donne  les  étrennes,  9  et  aux  vingt-quatre 
conseillers  de  ville.  Les  torches  sont  données  à  la  charge 
de  les  allumer  «  toutes  et  quantcs  fois  il  advient  incon- 

>  vénient  de  Teu  ou  autres  nécessités.  i>  Knfm,  il  est 
arrêté  que  les  conseillers  défaillants  n'auront  aucun 
droit  à  cette  distribution,  faite  afm  que   c  chacun  soit 

>  plus  enclin  aux  affaires  de  la  ville  et  à  venir  au 
9  Conseil  >  (1). 

Le  maire  d'abord,  les  échevins  ensuite  et  les  officiers 
jouirent  du  bénéfice  de  la  distribution  du  sel.  La  quan- 
tité diminuait,  pour  chacun,  depuis  huit  minots,  accor- 
dés au  bailli,  jusqu'à  un  demi-menot,  donné  au  substitut 
du  procureur  du  roi  au  grenier  à  sel  et  au  grelfier  de  la 
ville. 

A  leur  décès,  les  maires,  les  échevins,  conseillers  et 
officiers  de  la  ville,  avaient  droit  à  certains  honneurs 
rendus  aux  dépens  de  la  ville.  Leurs  veuves,  lorsque  ces 
offîciers  décédaient  en  exercice,  avaient  droit  à  une  part 
de  la  gratification  annuelle. 

Les  mesures  de  police  prises  pour  prévenir  les  incen- 
dies sont  souvent  renouvelées.  Elles  ont  surtout  pour 
but  de  prescrire  la  démolition  des  cheminées  en  bois, 
chauffoirs  et  murots,  qui  disparaissent  à  peu  près  corn- 
ai) Voir  êuprà,  p.  2()9. 


294  lllSTOiRE   UE  TUOY£S.  isti 

plélement  vers  1530  (1).  En  1516,  Taulorité  échevinale 
fait  préparer  des  échelles,  des  seilles  ou  seaux  en  cuir, 
des  roguets  et  des  crochets  pour  porter  secours. 

Dans  le  cours  d;e  juillet  1517,  les  gens  de  la  compa- 
gnie de  Robert  de  la  Marck,  seigneur  de  Sedan,  tiennent 
les  environs  de  la  ville.  Ils  demandent  une  contribution 
qui  leur  est  refusée  (2). 

Le  Conseil  de  ville  exempte  les  habitants  de  la  ville  et 
de  la  banlieue  et  leurs  fermiers,  conduisant  leurs  récol- 
tes, du  droit  de  chaussée  (1517-1518). 

En  1517,  rhôpital  de  St-Abraham,  placé  rue  de  la 
Rouairie  (aujourd'hui  rue  Jaillani-Deschainets),  fut  con- 
verti en  une  communauté  religieuse,  dite  des  Filles  pé- 
nitentes ou  repenties.  Une  bulle  de  Léon  X  autorise  ce 
changement,  et  François  1er  se  déclare  le  protecteur  de 
cet  établissement.  Guillaume  Parvi,  récemment  nommé 
évéque  de  Troyes,  donne  à  ces  femmes  la  règle  de  saint 
Augustin.  L'évéque  se  conserve  la  nomination  des  supé- 
rieures, et  Tadministration  est  indépendante  de  celle  de 
rH6tel-Dieu-le-Comte(3). 

L'évoque  de  Troyes,  Jacques  Raguier,  mourut  le  14 
novembre  1518,  après  avoir  gouverné  le  diocèse  pendant 
trente-cinq  ans.  II  fut  inhumé  dans  le  sanctuaire  de  la 
Cathédrale,  près  de  son  oncle  et  prédécesseur,  Louis 
Raguier.  Les  statues  en  pierre  de  ces  deux  évêques  se 
voyaient  encore  aux  doux  premiers  piliers  du  sanctuaire, 
près  de  Tautcl,  peu  avant  1780.  Les  corps  de  ces  deux 
évoques  étaient  déposés  dans  deux  caveaux  rapprochés 
Tun  de  Tautre  et  tous  deux  couverts  de  tombes  en  bronze 
qui  disparurent  en  1778  (i). 

(1)  On  trouve  encore  de  ces  sortes  de  cheminées  dans  les  Vosges, 
dans  le  Jura,  etc. 

(2)  A.  5. 

(:i)  CiOniT.M.oN.  Topog.,  t.  II,  p.  243. 

(4)  L*ADRâ  GoFFiNET.  Rapport  sur  les  fouilles  faites  dans  U  chœur 


•  «/a  1 


CIJAPiTilK   XVI.  295 

Jacques  Raguier  usa  largement  de  ses  revenus.  Il  aida 
aux  travaux  de  la  Cathédrale  par  ses  lihéralilés.  Il  eut 
pour  successeur  Guillaunne  Parvi  ou  Guillaume  Petit,  né 
à  Montiviliiers,  près  du  Havre.  Guillaume  Parvi  prit  la 
robe  de  dominicain  dans  la  maison  des  Jacobins  de 
Rouen,  fut  reçu  docteur  en  Sorbonne,  en  1502.  Il  s'ap- 
pliqua à  l'étude  des  lettres,  devint  confesseur  de  Louis XII, 
fit  Toraison  funèbre  du  roi  et  celle  de  sa  femme,  Anne  de 
Bretagne. 

Son  élévation  au  siège  épiscopal  de  Troyes  n'eut  pas 
lieu  sans  didiculté.  Guillaume  Parvi,  selon  le  concordat, 
fut  présenté  au  pape  par  François  1er,  dont  il  était  le 
confesseur.  Les  chanoines  de  St*Pierre  députèrent  au 
roi  deux  d'entre  eux,  afin  de  faire  maintenir  leur  droit 
ancien  d'élire  l'évêque.  Cette  protestation  fui  sans  résul- 
tat. Parvi,  choisi  par  le  roi,  fut  agréé  par  le  pape  Léon  X. 
Le  Chapitre  persista  pendant  plusieurs  mois  dans  sa  ré- 
solution de  procéder  à  l'élection.  Mais  les  provisions  du 
pape  étant  arrivées  en  France,  le  roi  les  fit  signifier  au 
Chapitre  par  Pierre  de  Martigny,  évéque  de  Castres;  le 
sieur  de  Chilin,  grand  maréchnl-des  logis;  Jean  Salât, 
maître  des  requêtes  de  l'hôtel,  et  de  Sauteur,  lieutenant 
de  M.  d'Orval,  gouverneur  de  Champagne  (1). 

Guillaume  Parvi  aimait  les  savants.  Il  aurait  engagé 
François  I^r  à  faire  venir  Erasme  è  la  cour.  Jacobin,  il 
fîit  général  de  son  ordre  et  inquisiteur  de  la  foi.  Eclairé 
comme  il  parait  l'être  et  partisan  d'Erasme,  on  doit  croire 
qu*il  ne  fit  pas  allumer  souvent  les  bûchers  de  l'Inquisi- 
tion. 

de  la  Cathédrale^  au  mois  de  Juin  i 56^.  Tirage  à  part  «t  Mém. 
de  la  Soc.  acad.  de  l'Aube.  3«  série  t.  II.  1866. 

(1)  DuiiALi.E.  Mém,  hisi.  et  chron.  t.  II.,  Irv  partie,  donne  quatre 
lettres  du  roi  au  chapitre,  en  date  des  20  novembre,  7  septembre, 
10  février  et  4  mars  1S18  (v.  st.)  Par  la  dernière,  le  roi  remercie  le 
chapitre  de  sa  soumission  à  ses  volontés.  Duhalle  dit  que  ces  lettres 
sont  conservées  dans  les  archives  du  chapitre. 


296  HISTOIRE   DE   THOYES.  |519 

Les  finances  de  l'Etat,  comme  Tavait  pressenti  le  sage 
Louis  XII,  furent  magnifiquement  administrées  par 
François  I",  dont  les  besoins  d'argent  étaient  toujours  si 
grands.  Dès  Tannée  1515,  ce  roi  généreux  et  libéral  de- 
mande aux  Troyens  un  don  de  ii,000  liv.  t.  En  1518,  il 
renouvelle  sa  demande  pour  une  même  somme.  La  peste 
règne  dans  la  ville,  elle  y  sévit  avec  force;  par  ce  motif 
et  avec  Tappui  de  son  nouvel  évèquc,  cette  somme  de 
4,000  liv.  est  réduite  à  1,500.  Pour  récompenser 
Guillaume  Parvi  de  ses  bons  olTices,  la  ville  lui  fait  pré- 
sent, à  son  entrée,  de  vaisselle  d*argent  pour  une  somme 
de  500  liv.  Quelle  que  soit  la  misère  en  Champagne,  la 
ville  de  Troyes,  en  1520,  accorde  au  roi  la  somme  de 
14,500  liv.  t.  Malheureux  dans  sa  compétition  à  la  cou- 
ronne de  Tempire  d'Allemagne,  François  l'"^  ne  reconnaît 
pas  de  suite  le  résultat  de  Télection.  Le  1er  juin  1530,  il 
demande  aux  Trovens  une  somme  de  4,000  liv.  destinée 
à  repousser  les  entreprises  de  c  Télu  empereur  (1).  » 

En  1519,  François  l^r  fait  aliéner  une  partie  du  do- 
maine royal  dans  les  bailliages  de  Meaux,  de  Sens  et  de 
Troves.  Les  habitants  de  cette  dernière  ville,  mettant  à 
profil  cette  circonslance,  rachètent,  le  10  juin,  les  deux 
douzièmes  que  le  roi  de  France  possédait  dans  la  vicomte, 
au  prix  de  13:2  liv.  t.,  à  la  charge  d'acquitter  iO  livres 
de  rente  annuelle  due  au  Chapitre  de  St-Urbain,  sur  Tun 
de  ces  deux  douzièmes. 

En  15:20,  un  édit  taxe  d'un  droit  les  francs-fiefs  et 
nouveaux  acquêts.  Des  commissaires  royaux  sont  chargés 
de  Texécution  de  Tédil.  Ils  veulent  imposer  les  nobles 
vivant  roturicremcnt  et  les  biens  de  franc-aleu.  Dans 
une  assemblée  générale  des  habitants,  il  est  décidé  : 
lo  que  la  ville  soutiendra  son  droit  contre  les  commis- 
saires royaux  en  se  joignant  aux  intéressés,  dans  Tinté- 

^1;  Original.  A.  A.,  48«  carton,  9«  liasse. 


1520  CHAPlTUli   XVI.  297 

rèt  de  la  chose  publique  ;  S''  qu*ii  ne  sera  rien  payé  pour 
les  biens  de  la  maladrerie  des  Deux -Eaux,  dont,  au  be- 
soin, on  laissera  saisir  les  revenus.  Il  y  a  lieu  de  croire 
que  la  ville  Tut  maintenue,  ainsi  que  ses  habitants,  dans 
leurs  anciens  privilèges. 

Ala  Saint-Barnabe  1520,  la  ferme  delà  chaussée  fut 
louée  aux  diverses  portes  de  la  ville  ;  à  celle  de  Saint- 
Jacques,  moyennant  S80  liv  ;  à  celles  de  Groncels  et  de 
la  Tannerie,  300  liv.;  à  celles  du  Beffroi,  de  Comporté 
et  de  la  Madeleine,  moyennant  190  liv.  Ces  chiffres  per- 
mettent de  se  rendre  compte  de  la  circulation  existant 
entre  la  Champagne  et  la  Bourgogne.  Elle  est,  en  1520, 
dans  une  proportion  relativement  égale  à  celle  qui  exis- 
tait lors  de  rétablissement  des  chemins  de  fer,  tandis 
que  le  mouvement  entre  Troyes  et  Paris  (la  porte  du 
Beffroi),  n*avait  pas  alors  l'activité  qu'il  eut  depuis,  et 
surtout  pendant  la  première  moitié  du  XIXe  siècle. 

Le  Conseil  de  ville  abolit  la  charge  de  «  porteur  de 
vin  pour  les  présents  de  ville  »  et  ordonne  que  le  trom- 
pette sera,  à  Tavcnir,  vêtu  d'une  jaquette  de  drap  bleu  et 
violet,  brodé  d'or  et  d'argent,  sur  les  manches  et  sur  la 
poitrine.  Ces  broderies,  sur  les  manches,  représenteront 
les  armoiries  de  la  ville,  supportés  par  deux  rinceaux  de 
rosier  et  celles  de  la  poitrine,  deux  trompettes  en  sautoir. 

Il  est  bruit  de  faire  tenir  les  Grands  Jours  en  Cham- 
pagne. Le  Conseil  de  ville  s'informe  du  lieu  où  la  cour 
doit  tenir  ses  solennelles  assises.  Il  est  question  de  la 
ville  de  Sens.  Aussi  députe-t-il  (29  avril  1520)  près  du 
Chancelier  et  du  Gouverneur,  Hennequin-Acarie,  Claude 
Mole  et  Nicolas  Gouault,  afin  de  faire  représenter  ^  la 
grosse  injure  et  le  grand  dommage  >  que  l'on  ferait  à  la 
ville  de  Troyes,  capitale  de  la  Champagne,  si  la  cour  se 
tenait  à  Sens  (\).  Il  s'agissait  surtout  à  celte  époque  de 
sévir  contre  certains  c  mauvais  garyons  >  et  contre  les 

(1)  A.  5. 


298  HISTOIRE  DE   TROYES.  1590 

officiers  royaux  abusant  de  leur  autorité.  Déjà,  en  1518, 
le  roi  avait  donné  commission  à  Raoul  Hurault  de  Chi- 
verny  de  se  rendre  à  Troyes,  afin  d'y  informer  contre  les 
officiers  du  roi  (1). 

Le  roi  informe  le  parlement  de  Paris  qu'il  a  décidé 
que  les  Grands  Jours  se  tiendraient  à  Troyes,  dans  le 
cours  de  Tannée,  comme  ils  avaient  été  tenues  à  Cler- 
mont  peu  de  temps  auparavant.  Il  demande  à  connaître 
Tancien  ressort  de  la  cour  et  les  noms  des  membres  du 
Parlement  qui  peuvent  le  plus  convenablement  en  faire 
partie.  L*aumonier  du  roi,  alors  Odard  Hennequin,  aver- 
tit le  Maire  de  la  décision  royale.  Il  les  invite  à  désigner 
les  conseillers  que  la  ville  désirerait  voir  parmi  les  mem- 
bres do  la  cour.  Le  Conseil  désigne  MM.  Etienne  Morise, 
d'Origny,  Ilennequin  et  tous  autres  que  le  roi  voudra 
bien  commettre  (2).  Mais  il  n'y  eut  pas  de  session.  Elle 
devait  s'ouvrir  le  12  Juillet. 

Des  bandes  de  malfaiteurs  armés  parcourent  la  pro- 
vince, sous  le  nom  de  piétons  et  se  tiennent  surtout  aux 
environs  de  Troyes.  M.  de  Chateauvillain,  lieutenant-gé- 
néral au  Gouvernement  de  Champagne,  envoie  le  sieur  de 
Bréviande  et  le  Baron  de  Bauffry,  pour  les  chasser  et  les 
faire  déloger.  On  signale  ces  malfaiteurs  dès  le  mois 
d'avril.  €  Ces  mauvais  garçons  >»  sont  encore  autour  de 
Troyes  vers  la  fin  d*août.  Au  mois  de  juillet  les  lansque- 
nets sont'aiissi  en  Champagne.  Par  Tordre  du  Gouver- 
neur, la  ville  leur  fait  conduire  trente  pièces  de  vin  à 
Rosnay.  Le  19  août,  dans  une  assemblée  générale  des 
habitants,  il  est  décidé,  sur  la  demande  de  grands  appro- 
visionnements motivés  sur  les  projets  d'établissement 
d'un  camp  royal  aux  environs  de  Troyes,  que  les  dépenses 
ne  pourront  s'en  faire  en  raison  de  la  misère  qui  pèse 

(i)  Lctt.  orig,  de  François  /er,  datée  du  17  août  1518,  de  BUyn 
ch.  1.  de  canton  (Loire-Inférieure). 
(2)  A.  5. 


i5to  cuaimtul:  xvi  299 

sur  le  pays.  Pondant  toute  cette  saison,  il  règne  de  grands 
bruits  de  guerre,  à  cause  de  la  querelle  soulevée  entre 
Robert  de  la  Marck,  duc  de  Bouillon  et  Charles-Quint. 
François  I,  ayant  pris  parti  pour  le  duc,  ouvrit  la  lutte. 
Le  1-4  août,  le  Conseil  de  ville  décide  que  les  portes  et 
les  murailles  seront  mises  dans  un  état  complet  de  dé- 
fense. La  garde  des  portes  est  confiée  aux  plus  notables 
habitants.  Tous  les  harnais  de  guerre,  Tartillerie  grosse 
et  menue  et  toutes  les  munitions  sont  mis  en  état  de 
service.  Toutes  les  provisions  recueillies  dans  TElection 
sont  réunis  à  THôtel-de-Ville.  Il  est  défendu  de  circuler 
sur  les  portes,  murailles,  remparts  et  boulevards,  sinon 
pour  le  service  et  la  sûreté  de  la  ville.  Les  fortifications 
sont  visitées  par  Vambassadeur  de  Vem>e,  Antoine  Henoe- 
quin,  Seigneur  de  Charment,  personnage  fort  influent. 
C'est  sans  doute  lors  de  celte  visite  que,  sur  Tordre 
d'Antoine  Hennequin  et  sur  la  demande  du  roi,  un  por- 
trait ou  plan  de  la  ville  fut  fait  par  Nicolas  le  Cordouan- 
nier,  peintre.  Ce  plan  dressé  sur  un  parchemin  fut  en- 
voyé au  roi  (1). 

La  ville  a  une  garnison  de  troupes  royales  faisant  des 
sorties  dans  les  environs.  Le  comte  de  Montrevel,  lieu- 
tenant au  gouvernement  de  Champagne  et  logé  au 
Temple,  fait  envoyer  cinquante  muids  de  vin  et  de  la 
farine  pour  faire  10,000  pains  aux  Suisses  qui  sont  à 
Bar-sur-Seino.  Cette  troupe  se  rend  à  Maizières  en  pas- 
sant par  Saint-Parres-lcs-Vaudes,  Sainte-Maure,  Arcis, 
Mailly,  Lestrée,  etc.  La  ville  expédie  des  provisions  à 
Mouzon. 

Le  guet  et  la  garde  se  font  par  les  habitants  seuls;  les 
sonneurs  et  c  les  maîtres  do  latin  >  sont  exempts  de  ce 
service,  et,  après  un  long  procès,  les  chanoines  des  divers 
chapitres  en  sont  aussi  dispensés,  sauf  le  cas  où  l'ennemi 

(i)D.68. 


300  HISTOIRE  D£  TilOYES.  iSSl 

est  à  moins  de  quinze  lieues  de  la  \nlle,  alors  qu*il  y  a 
imminent  péril.  Par  un  règlement  du  9  Septembre 
1521,  les  veuves  pauvres  sont  tenues  de  payer  deux  de- 
niers destinés  à  acheter  les  chandelles  dont  le  guet  a 
besoin.  Les  dizainiers  ne  peuvent  faire  c  aucune  buve. 
rie  »  avec  le  produit  de  cette  contribution,  à  moins  qu^ils 
ne  soient  pourvus  de  chandelles  pour  deux  guets.  Les 
autres  veuves  et  les  femmes,  dont  les  maris  sont  hors 
de  la  ville,  doivent  cinq  sous,  qui  reçoivent  le  même 
emploi.  Défense  est  faite  aux  compagnons  du  guet  de 
faire  des  dépenses,  par  écot,  aux  portes  de  la  ville.  Ils 
se  feront  apporter  leur  nourriture  ou  iront  prendre  leur 
repas  à  leur  domicile.  Tout  individu  qui  ne  se  rend  pas 
au  guet  devra  une  amende  de  2  s.  6  d.  et  aux  portes,  5 s. 
Les  échevins  et  les  garde-chefs  des  portes  sont  exempts 
du  guet. 

G*est  sans  doute  dans  ces  vives  préoccupations  provo- 
quées par  la  guerre,  qu'il  faut  trouver  la  cause  qui  em- 
pêcha la  tenue  des  Grands-Jours  en  1521. 

Les  6  et  7  août,  le  roi,  aliénant  une  nouvelle  partie 
du  domaine  et  des  aides,  une  assemblée  générale  des  ha- 
bitants, parmi  lesquels  ils  s'en  trouvent  des  plus  notables 
et  à  laquelle  sont  représentées  vingt-huit  corporations 
ou  confréries  des  arts  et  métiers,  décide,  à  l'unani- 
mité, le  rachat  de  toutes  les  impositions,  pourvu  toutefois 
que  ce  rachat  soit  à  titre  perpétuel.  Toutes  les  imposi- 
tions ne  furent  pas  achetées,  mais  seulement  le  droit  du 
vingtième,  levé  sur  les  draps  de  soie  et  de  laine,  la  bon- 
neterie, les  chevaux  etc.,  ainsi  que  sur  le  vin  vendu  en 
gros.  Cette  acquisition  se  fit  moyennant  15,000  liv.  t. 
que  la  ville  emprunta. 

Le  samedi  3  août  1521,  fut  publié,  dans  Paris  et  le 
ressort  du  Parlement,  que  tous  les  libraires,  imprimeurs 
et  autres  gens  qui  avaient  en  leur  possession  des  livres 
de  Lutheries  apporteraient  à  la  cour,  dans  la  huitaine, 


1521  CHAPITRE   XVI.  301 

SOUS  peine  de  cent  livres  d'amende  et  de  prison  (1).  Le 
1er  août,  la  même  cour  rendit  son  premier  arrêt  contre 
la  réforme.  Sur  la  requête  du  doyen  et  des  maîtres  de  la 
Faculté  do  théologie  de  l'Université  de  Paris,  le  Parle- 
ment défend  l'impression  de  la  Déterminacion  de  Luther 
et  d'un  autre  livre  intitulé  :  Aycameya  Germanorum^ 
dont  le  dépôt  est  ordonné  au  greffe  de  la  cour  (2).  C'est 
sans  doute  cet  arrêt  qui  fut  crié  le  3  août  dans  Paris. 

Pendant  Thiver  de  1521-1522,  la  ville  est  encombrée 
de  mendiants  et  de  bélitres.  Dans  des  assemblées  géné- 
rales tenues  les  29,  30  et  31  janvier,  il  est  résolu  que 
les  dizainiers  prêteront  leur  concours  au  maire  et  aux 
échcvins,  aOn  de  les  aider  à  reconnaître  quels  sont  les 
indigents  et  les  mendiants  qui  habitent  la  rue  confiée  à 
leur  garde.  11  sera  avisé  au  moyen  de  nourrir  ces  pau- 
vres, dans  leurs  maisons,  sans  qu'il  leur  soit  permis  de 
mendier.  Quant  aux  pauvres  et  impotents,  difformes  et 
dépliés,  n'ayant  pas  de  domicile,  mais  originaires  de 
Troyes,  ils  seront  logés  et  entretenus  dans  les  hôpitaux 
et  la  mendicité  leur  sera  interdite.  —  «  Les  gros  bélitres 
et  bélistrières  étrangers  %  pouvant  travailler,  quitteront  la 
ville  et  retourneront  en  leur  pays.  —  Quant  à  ceux  de 
la  ville,  ils  travailleront  pour  gagner  leur  vie,  sinon  ils 
seront  bannis  et  expulsés,  de  la  main  du  bourreau  ;  s'ils 
n'obéissent  point,  ils  seront  enchaînés  deux  à  deux  et 
contraints  à  travailler  aux  fortifications.  Pendant  leur 
travail,  ils  seront  nourris,  mais  ne  recevront  aucun  sa- 
laire. 

Et,  comme  les  environs  de  la  ville  sont  parcourus 
i  par  de  mauvais  garçons  mangeant  la  poule  et  pillant 
le  bonhomme,  >  il  est  arrêté  qu'il  sera  bon  de  choisir 
cinquante  ou  soixante  compagnons,  aux  gages  de  la 

(1  )  Journal  d'un  bourgeois  de  Parxê^  p.  104. 
(2)  Aeiêi  du  Parlement  de  Parie,  Préfiice  de  M.  le  comte  de  La- 
borde,  1. 1,  p.  XL. 


302  HISTOIRE  DE  ThOYES..  1581 

ville,  toujours  prêts  et  en  aruics,  pour  porter  secours, 
où  il  y  aura  lieu  et  arrêter  ces  mauvais  garçons. 

Dans  cette  assemblée ,  les  jeux  publics  sont  défendus  dans 
la  ville  et  les  faubourgs  de  même  que  de  porter  la  nuit 
»  momerons  el  habit  déguisé  et  de  se  masquer  (1).  » 

Le  21  avril  1521,  François  1er,  se  rendant  au  camp  de 
Mouzon,  on  Lorraine,  arrive  à  Troyes  avec  la  reine, 
Madame  Claude;  sa  mère,  Louise  de  Savoie  et  sa  sœur, 
Marguerite  de  Valois,  duchesse  d'Alençon.  La  venue  du 
roi  et  de  la  reine  n'avait  élé  annoncée  que  peu  de  jours 
auparavant.  Le  roi  fit  son  entrée  seul  ;  un  quart  d'heure 
après,  la  reine,  la  mère  du  roi  et  la  duchesse  d'Alen- 
çon entrèrent  en  ville  avec  leur  cortège  spécial  (2). 

La  ville  fait  de  grandes  dépenses  pour  recevoir  si  no- 
ble et  si  illustre  compagnie.  Le  temps  ayant  manqué 
pour  exécuter  un  présent  digne  du  roi,  la  ville  lui  députe, 
en  mai  suivant  et  pendant  son  séjour  à  Dijon,  Jacques 
Ménisson  et  Jean  Acarie,  charges  de  lui  offrir  une  statue 
équestre  représentant  «  Hector  de  Troyes  f3).  Cet  Hector 
était  armé  el  monté  sur  un  cheval  bardé  de  toutes  pièces, 
le  tout  d'argent  fin  et  doré  de  fin  or.  La  statue,  le  che- 
val et  la  terrasse  pesaient  environ  50  marcs  et  avaient 
ensemble  une  hauteur  d'une  aune  de  Troyes  (i).  Ce  pré- 

[\)  A.  5. 

(2)  Journal  de  Louise  de  Savoie,  —  Arch.  mun.  K.  5.  Comptée 
des  dépenses  faites  pour  Ventrôc  de  François  I^r,  de  la  Reine  et  Ma- 
dame Louise  de  Savoie, 

(3)  Nous  n'aurions  pas  besoin  de  dire  qu'il  faut  lire  :  de  Troie, 
mais  nous  devons  rappeler,  qu'à  cette  époque,  Torigine  de  la  tUIc  de 
Troyes  était  attribuée  à  Claudius  Maivellus,  qui  lui  donna  le  nom  de 
son  fils,  Trojanus  ;  les  habitants  étaient  fiers  d'une  origfine  plus  ou 
moins  hellénique.  Aussi  Hector  de  Troie  était  un  personnage  alors 
fort  considéré  à  Troyes.  C'était  dans  la  circonstance,  un  gracieux 
présent  à  faire  au  Roi-CheYalier  que  de  lui  offrir  la  statue  de  i*UB 
des  plus    vaiUants    héros    de   l'antiquité. 

(4)  L'aune  de  Troyes  avait  dO  pouces  de  longueur  ou  0,815^". 


15S1  CHAPITRE    XVÏ.  303 

sent  fut  trouvé  par  le  roi  el  par  la  cour  ^  fort  gorgias 
et  très-beau.  •  Il  devait  être  Tœuvre  d*orfèvre  troyen. 

La  reine,  la  reine-noère  et  la  sœur  du  roi  reçurent  en 
présent  du  beau  linge  de  lin,  de  fabrication  troyenne. 

A  ce  voyage,  MM.  Ménisson  et  Acarie  obtinrent  du  roi 
l'autorisation  d'établir  à  Troyes  une  nouvelle  foire  fran- 
che de  quinze  jours,  et  de  plus  l'autorisation  de  lever, 
pendant  trois  ans,  au  profit  de  la  ville  et  pour  être  em- 
ployés aux  travaux  des  fortifications,  20  deniers  par 
minot  de  sel  vendu  aux  greniers  de  Bar-sur-Aube,  et  au- 
tres que  nous  avons  nommés  plus  haut. 

Le  roi  venait  de  Sancerre  et  avait  passé  par  Dijon,  où 
il  avait  mis  ordre  aux  frontières  de  Bourgogne.  De  cette 
ville  il  se  rendit  à  grandes  journées,  dans  la  ville  de 
Troyes,  «  où  il  n'y  avait  nulle  armée  tant  petite  fut-elle.  » 
Il  avait  envoyé  André  de  Foix,  seigneur  de  l'Esparre, 
faire  la  guerre  aux  Espagnols  dans  le  royaume  de  Na- 
varre qu  il  conquit  rapidement,  mais  reperdit  de  même. 
A  la  suite  de  cette  perte,  le  roi  renvoie  six  mille  hommes 
en  Navarre,  sous  le  commandement  de  l'amiral  de  Bon- 
nivet.  Il  donne  ensuite  l'ordre  au  connétable  de  lever 
800  chevaux  et  6,000  hommes  de  pied,  et  au  duc  Charles 
de  Vendôme,  il  confie  le  soin  de  lever  le  même  nombre 
«rhommes  et  de  chevaux.  Il  distribue  le  commandement 
de  ces  recrues  à  différents  seigneurs  et  capitaines,  parmi 
lesquels  se  trouvent  le  comte  de  Brienne,  de  la  maison 
de  Luxembourg,  et  Charles  de  Reffuge,  appelé  l'écuyer 
Boucal  ou  Boucar.  Les  Français  sont  placés  sous  les  or- 
dres du  seigneur  de  Villiers  et  de  François  de  Tavannes; 
Claude,  comte  et  futur  duc  de  Guise,  commande  les 
Allemands. 

Toute  cette  armée,  réunie  et  dirigée  contre  l'empe- 
reur d'Allemagne,  est  organisée  par  le  roi  pendant  son 
séjour  à  Troyes. 

Le  27  avril,  le  roi  et  sa  cour  quittent  la  ville.  Ils  sor- 


30i  HISTOIBE  DE  TROYES.  ISSI 

tent  par  la  porte  de  Sl-Jacques  (1)  et  se  dirigent  sur 
Tabbaye  de  Montiéramey,  où  ils  font  un  nouveau  séjour 
qui  dura  jusqu'au  2  mai.  A  Montiéraniey,  le  roi  envoie 
Olivier  de  la  Vernade  vers  Henri  VIII,  afin  de  le  prévenir 
de  la  guerre  qu'il  entreprenait  contre  Charles-liuint, 
qui  Tavait  provoquée,  et  le  prier  de  ne  pas  blâmer  sa  con- 
duite. 

Peu  de  temps  après,  le  roi  est  à  Argilly-le-Duc ,  puis 
à  Dijon,  qu'il  quitte  pour  se  rendre  à  Lyon.  Il  divise  son 
armée  en  quatre  grands  gouvernements.  Il  donne  au  duc 
d'Alençon  le  commandement  de  l'armée  de  Champagne. 
Dans  cette  province,  comme  en  Picardie,  se  font  de 
grands  préparatifs  en  munitions,  en  artillerie  et  en  ar- 
gent pour  subvenir  à  la  guerre.  Le  duc  d*Alençon  se  di- 
rige vers  Mouzon.  Les  impériaux,  contre  son  attente,  ne 
s'étant  point  présentés,  il  se  retire  sur  Rheims  (2). 

Le  roi  est  de  nouveau  à  Troyes  en  septembre  1521. 
Etant  dans  cette  ville,  il  accorde  à  Pierre  de  Provins, 
écuyer,  sieur  de  Viâpres,  de  Rosières  et  de  Laines-bou- 
reuses,  la  permission  d'établir,  c  en  chacune  de  ces 
»  deux  dernières  seigneuries,  où  il  y  a  une  grosse  motte, 
»  close  et  environnée  de  grands  fossés  à  eau  vive  avec 
»  bondes,  »  et  après  avoir  pris  l'avis  du  conseil  de  ville, 
des  ponts-levis  avec  chaînes  de  fer  à  l'entrée  et  à  Tissue 
desdites  mottes  :  le  roi  se  réservant  le  droit  de  les  faire 
démolir,  s'il  y  a  préjudice  pour  lui  et  la  chose  publi- 
que (3). 

Le  jour  de  saint  Barnabe  1521 ,  François  de  Marisy, 

(1)  A  cette  porte,  il  leur  fut  offert  par  la  ville  do  yin,  du  pain  et 
des  pommes. 

(2;  Journal  de  Louise  de  Savoie.  Mém,  de  du  Bellay,  p.  3iS  et 
343.  —  Arch.  mun.  K.  5 

f3)  Titres  de  la  propriété  de  Rosières,  communiqués  par  M.  Ar- 
ton,  originaux.  Ce  document  est  le  seul  que  nous  connaissons  attes- 
tant la  présence  à  Troyes,  de  François  I«r  en  septembre  i5îl. 

La  terre  de  Rosières,  de  franc-aleu  noble,  a  été  acquise  par  Pierre 


15Î2  CHAPITRE  XVI.  305 

sieur  de  Juzanvigny,  est  élu  maire  de  Troyes.  Il  mourut 
le  jour  de  son  élection  (1).  Il  eut  pour  successeur  Claude 
de  Marisy,  écuyer,  sieur  de  Cervet  et  grenetier  au  gre- 
nier à  sel. 

Les  finances  de  la  France  sont  épuisées.  Pressé  par 
des  besoins  d'argent,  François  1  se  rend  à  Troyes,  comme 
il  s*est  rendu  à  Rouen  (2).  Il  demande  aux  habitants  de 
ces  villes,  comme  à  ceux  de  Paris,  de  Taider  à  suppor- 
ter les  dépenses  nécessitées  par  la  guerre.  La  ville  de 
Rouen  offre  de  pourvoir  à  Tentretien  de  mille  hommes 
de  pied.  La  ville  de  Paris,  peu  enthousiaste  de  la  politi- 
que et  de  la  conduite  du  roi,  lui  avait  oflert  de  subvenir 
à  Tentretien  de  500  hommes  seulement.  Ne  pouvant 
moins  faire  que  Rouen,  elle  élève  sa  contribution  à  Ten- 
tretiende  mille  hommes.  Le  12  mars  1522,  le  roi  vient 
à  Troyes.  La  population  et  les  officiers  du  roi  et  de  la 
ville  ne  vont  pas  au  devant  de  lui  et  il  n*y  a  point  d'en- 
trée solennelle  Sur  sa  demande,  la  ville  lui  propose  de 
subvenir  à  Tentretien  de  200  hommes  de  pied.  Mais  le 
roi  préfère  de  Targent.  Cédant  à  ce  désir,  il  lui  est  ac- 
cordé 3,600  liv.  t.  Malgré  Topposilion  des  membres  du 
clergé,  il  est  décidé,  dans  une  assemblée  générale,  tenue 
au  Temple,  que  cette  somme  sera  levée  au  moyen  d'une 
contribution  assisesur  les  maisons.  L'opposition  du  clergé 
s'explique  :  les  chapitres,  les  communautés  religieuses 
et  même  les  églises  paroissiales  étaient  alors  les  princi- 
paux détenteurs,  des  propriétés  construites  (3). 

Cette  somme  fut  payée  au  roi  et  la  ville  subventionne 

• 

de  Provins,  maire  de  Troyes,  de  1538  à  1542,  de  Robert  de  Chanta- 
loè,  écuyer,  sieur  de  Baire  et  de  Laines -bourreuses  et  de  Katherine 
d*Origny,  sa  femme.  Un  fragment  de  la  tombe,  en  marbre  noir  et 
avec  armoiries,  de  ces  deux  époux,  est  déposé  au  musée  de  Troye^^ 
depuis  1866. 
(t)  B.  92. 

(2)  II.  Martin,  Hiat  des  français,  t.  VIII.  p  22. 

(3)  A.  4. 

m.  20 


306  3:fT»>at£  :•£  fr-j^es. 

ttéancn^^în*.  j^' Ijn:  <r^T;é>  anG-ée*.  300  hommes  de 
pî«5ii.  Li  vT.e.  jOu?  .>:uv7:r  octte  ^i^pease.  impose  de 
5  5*:a5  ':hi-jr  Tu-e-e  I-r  -*:::  rntrane  en  ville  el,  de 
deux  5-:  15.  :.r.-'5  ij.  ri  ^-:::ei:  I  .  Ptus  tard  elle  sub- 
Yi^Qî  i  o^rtre  :■?:-;" s-r  :ir  liiir^  aiiveas,  ootammeot 
es  f;ra::aL*  iur^  f:-::;  '/•er-^fë^  eî  -a  >:.pfce  des  denrées 
•îecoi>:ci:iLît::'*.  ic/.-rs  ir^  nli^:'lar:•î•5^s.  des  bestiaux. 
•ia  5^1,  Itî  niitir^rs  OTï^T-^rir?  servaat  à  riadostrie  lo- 
ealé  i  . 

m 

Vers  ît- m-rme  :esr>.  .5  ^:.>  s'appK'Tisionne  de  blés 
et  de  mur.iîioiî?  lie-  |:urT?e.  Ele  achète  du  soufre,  fait 
fabriquer  «ir  îû  ;  :ui:'r  à  c^r.ja  ;  rairaîohit  celle  qui  est 
anciecrie:  dchvie.  î  Lâ-^res,  à  Charimciit  et  dans  d'au- 
tres villes.  oCm)  r -'î'---- 

FrinÇ'>îs  '.  ê:^r.w  à  Ly; !i.  fjcî  savoir  aox  Troyens  par 
sa  lettre  du  £  ^u  n  Ihii.  aôressr-  au  taiili.  que  Charles- 
QuJDt  et  Heari  VIU  lu:  ont  'ie»:iar»r  la  guerre.  Il  ordonne 
rarrestation  iuimeôiaie  de  tous  *.es  sujets  de  ces  deux 
souverains  se  t^:*uva&l  d^ns  le  bailliage  3  . 

Les  prr:o:*j:3t;.:r.s  ie  l-  :  .  :  îiq-je  et  de  la  guerre  mo- 
tivea:  1  .5.:::\::c    :::  :v:e  aux  ".rjvaux  des  fortitlcations. 

m 

En  loi^,  le  :r  :::::  .!*.:?.  r.;uve'.  :rîi[-'î.  levé  sur  les 
maisons,  est  a^ili^je  i  ces  .îv^enses et  1  on  travaille  au 
bouîevari.  :!.::i-  o-.::>^  le  couls  Je  ia  Pianche-dlêraent 
et  le  pont  ie  R.::euso  .  .n  i.r.ne  r:U5  de  profondeur  aux 
fossés  J'»pu:s  îi  j'jrle  .!o  C::ii:or>  jusqu'à  celle  de  Si- 
Antoine  '  l  :  la  \  l.e  :lt  :  c.  !is:ni.re  des  moulins  à  bras, 
afui  Je  siïpf'l.er  ai:\  n.o/i  ::>  à  t\iu.  en  cas  de  guerre. 
EUeenachrîe  s.\  :V  C.i::*J^  J'.J,.s.  J'Ausunne,  inoven- 


^1)  F,  :ilo,  ^i:.ilS,iî;>. 


1523  CHAPITRE  XVI.  307 

naiit  seize  liv.  chacun,  deux  livres  de  pourboire  et  une 
paire  de  chausses  (1). 

En  mai,  la  ville  n*a  pas  satisfait  à  ses  engagements 
pour  la  solde  des  deux  cents  hommes  de  pied.  Le  roi 
s'en  plaint  et  demande  le  paiement  des  quatre  quartiers 
qui  sont  dus.  Mais  ce  qui  donne  aux  plaintes  du  roi  un 
caraclère  très  prononcé  d'amertume,  c'est  qu'il  a  su 
«  qu'il  a  été  usé,  à  Troyes,  de  grosses  paroles  et  mur- 
»  mures  envers  lui  au  mépris  et  irrévérence  de  lui  et  de 
1  son  autorité  (2)  ».  Les  murmures  des  parisiens  sont 
bien  autrement  vifs. 

Le  clergé  s'éloigne  des  fonctions  et  des  charges  de 
l'échevinage.  L'opinion  publique  lui  est  défavorable  ;  le 
vent  de  la  réforme  a  déjà  soufflé.  Il  n'a  pas  encore  amené 
de  querelles  en  matière  religieuse,  mais  il  y  a  déjà  dé- 
saffection. Sous  l'influence  d'ordres  supérieurs,  de  con- 
cert entre  les  chanoines  des  divers  chapitres  et  sous 
peine  d'excommunication  dont  l'évéque  menace  les  in- 
fracteurs,  sept  ecclésiastiques,  membres  de  l'échevinage 
et  du  conseil,  se  démettent  de  leurs  fonctions  en  juillet 
1523,  et,  le  24. août  suivant,  les  échevins  et  les  conseil- 
lers remplacent,  par  la  voie  de  l'élection,  les  nrienibres 
démissionnaires  par  sept  conseillers  laïques.  C'est  à  cette 
date  qu'il  faut  fixer  le  premier  fait  de  sécularisation  des 
fonctions  échevinales,  des  ecclésiastiques  reparaîtront 
encore  au  conseil  de  ville,  mais  seulement  à  certaines 
époques  et  pendant  des  périodes  fort  limitées. 

Au  printemps  1523,  *  les  mauvais  garçons  »,  compa- 
gnies de  pillards  et  de  malfaiteurs,  parcourent  la  Cham- 
pagne et  la  Brie.  Le  comte  de  Montrevel,  lieutenant  au 
gouvernement  de  la  province,  vient  à  Troyes ,  dans  le 
but  de  rompre  ces  bandes  d'aventuriers.  Ses  efforts  étant 

(1)  A.  6. 

(2)  A.  6. 


308  HISTOIHE  DE  THOYES.  15)3 

impuissants,  le  connétable  de  Bourbon,  à  la  tête  de 
troupes  royales,  se  joint  à  lui  et  lui  prête  main-forte  pour 
détruire  ces  bandes  qui  désolent  les  campagnes  (1). 

Dans  le  cours  de  Télé,  la  France  est  envahie  par  les 
Espagnols,  au  Midi  ;  par  les  Anglais  et  les  Néerlandais, 
au  Nord-Ouest,  et  à  TEsl,  par  dix  ou  douze  mille  Lans- 
quenets, commandés  par  les  comtes  Guillaume  et  Félix 
de  Furslembcrg,  qui  entrent  en  Champagne  par  le  dio- 
cèse de  Langres.  En  octobre,  ils  sont  signalés  dans  les 
environs  de  Chaumont-en-Bassigny.  On  craint  qu'ils  n'ar- 
rivent jusqu'aux  portes  de  Troyes.  Aussi  prend-on,  en 
ville,  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  se  défendre 
contre  leur  atlaque.  On  décide  la  construction  de  vingt 
à  trente  .noulins  à  bras  et  toutes  les  maisons  conven- 
tuelles, les  Chapitres,  les  Hôtels-Dieu  et  autres  grosses 
maisons  sont  contraints  de  s'en  procurer.  On  fait  fabri- 
quer des  c  hacquebuttes  à  crochet  >  avec  de  \neilles  cou- 
leurines  ;  dix  chambres  de  cuivre,  une  grosse  chambre 
de  canon^  et  une  plaque  de  cuivre  qui  a  servi  de  cadran 
sont  fondus  pour  confectionner  ces  hacquebuttes.  On  en 
affôte  80.  Le  conseil  de  ville  passe  différents  marchés 
avec  le  prévôt  deVendeuvrepour  la  livraison  de  plusieurs 
milliers  de  boules  et  de  boulets^  eu  fonte,  de  différents 
calibres,  pour  hacquebuttes  et  meurtrières  (i2). 

En  octobre,  on  fait  recherche,  à  domicile,  de  tous 
les  gens  qui  peuvent  servir,  avec  bâtons  à  feu  et  autres 
armes  qu'ils  possèdent  (3). 

Les  Lansquenets  ont  prisCoiffy  (4)  et,  après  avoir  tra- 
versé Neufchàteau,  ils  s'emparent  de  la  forteresse  de 


(i)  A.  6. 

(2)  A.  6.  ;  D.  78. 

(3)  A.  A.  2o  carton,  1^»  liasse.  Reg,  constatant  ces    recherches 
dans  le  quartier  de  Cronceîs, 

(4)  Coiffy-lc-lI.Mit(Hte-Mamc),  qui  possède  encore  les  ruinesd'on 
vieux  château. 


152i  CHAPlTaE  XVI.  309 

Montéclaire,  située  à  la  porte  d'Andelot.  De  là,  ils  me- 
nacent la  Champagne  et  la  Bourgogne.  Mais  le  comte 
de  Guise,  ayant  réuni  ses  forces  à  celles  du  duc  d'AIen- 
çon  et  à  celles  du  Gouverneur,  M.  d'Orval,  les  lansque- 
nets, délogés  de  Montéclaire,  sont  mis  en  déroute  sous 
les  murs  de  Neufchâteau. 

L*Echevinage  s'occupe  au  printemps  de  1524  de  Tor- 
ganisation  de  la  nouvelle  foire  franche  concédée  par 
François  1.  Cette  foire,  de  quinze  jours,  est  fixée  au  mois 
d'octobre.  La  charte  de  concession  est  imprimée  à  700 
exemplaires  par  Nicolas  Lerouge.  Le  Conseil  rachète  la 
ferme  des  hauts  passages  de  Sens  et  de  Chaumont, 
moyennant  cinquante  écus  soleil,  et,  au  prix  decentliv., 
les  droits  qui  doivent  être  levés  sur  les  marchandises  des- 
tinées à  cette  foire. 

Cette  foire  franche  fut  solennellement  publiée  en  ville 
par  le  notaire  des  foires,  Gossement,  faisant  partie  d*un 
nombreux  cortège,  composé  de  tout  le  corps  de  ville,  du 
garde  et  chancelier,  des  notaires  et  des  sergents  des  foi- 
res, de  notables  marchands  et  de  nombreux  jeunes  gens, 
tous  richement  vêtus  et  bien  montés.  Puis,  dans  toutes 
les  villes  de  France,  en  Flandres,  en  Allemagne,  en  Ita- 
lie, etc.,  par  des  sergents  envoyés  à  cet  effet.  Le  6  mars 
1524  (n.  st.),  le  Gouverneur  de  la  province  écrit  au 
Maire  et  aux  Echevins  de  faire  bonne  garde  dans  la  ville 
sur  Tordre  de  la  régente.  Sur  cet  ordre  <  les  gros  béli- 
tres  •  et  mendiants  étrangers  sont  expulsés. 

En  15H,  une  tentative  de  réorganisation  d'une  com- 
pagnie d'arquebusiers,  avait  eu  lieu.  Elle  ne  parait  pas 
avoir  eu  de  résultat.  Au  printemps  de  1524-  le  projet  fut 
repris  et  une  organisation  s'en  suivit  sous  le  titre  :  «  de 
compagnie  des  hacquebuttiers.  > 

Une  requête  présentée  au  Conseil  de  ville  «  par  plu- 
sieurs gens  de  bien  »,  demande  qu'il  soit  mis  à  la  dis- 
position de  ces  bons  citoyens,  un  lieu  propre  à  établir  une 


310  HISTOUIE  DE  TROYES.  1514 

butte  disposée  pour  ce  jeu.  Ce  document  rappelle  que 
c  ce  jeu  >  fait  défaut  à  Troyes,  quoique  la  ville  soit  bien 
fournie  ce  de  bâtons  à  feu  >.  Les  exposants  deniandenl 
qu'une  somme  d'argent,  pour  leur  joyau,  leur  soit  accor- 
dée comme  aux  archers  et  aux  arbalétriers.  Le  Consc^il 
décide  que  le  Maire,  les  échevins  et  les  ofTiciers  du  roi 
visiteront  la  butte  des  archers,  située  sous  les  remparts, 
près  de  la  porte  du  Beffroi,  afin  de  s'assurer  s'il  y  a  pos- 
sibilité d'y  placer  le  jeu  de  la  nouvelle  compagnie,  avec 
celle  de  Tare.  En  cas  de  possibilité,  le  Conseil,  alloue  aux 
hacquebuttiers,  pour  leur  joyau,  une  somme  égale  à  celle 
qu'il  donne,  chaque  année,  aux  archers  et  aux  arbalé- 
triers. Le  lieu  reconnu  convenable ,  la  carrière  des  ar- 
chers est  divisée  en  deux  parties  et  la  compagnie  de  la 
hacquebutte  prend  place  à  côté  de  sa  sœur  aînée.  Jean 
Mole,  sieur  de  Villy-le-Maréchal,  fut  le  premier  capitaine 
de  cette  compagnie,  qui,  à  travers  mille  vicissitudes,  ar- 
riva jusqu'en  1789,  époque  où  elle  disparut  avec  l'an- 
cienne monarchie. 

Un  jour  néfaste  pour  la  ville  de  Troyes  est  le  mardi 
24  mai  1524.  Entre  dix  et  onze  heures  du  soir,  le  feu 
prit  dans  la  maison,  sise  au  coin  de  la  rue  de  l'Epicerie, 
près  de  la  commanderie  du  Temple  et  de  l'hôtellerie  de 
l'Homme  Sauvage  (1).  Cette  maison  était  habitée  par  un 
apothicaire,  nommé  Moussé.  Le  feu  se  répandit  dans  tout 
le  quartier  haut  avec  une  rapidité  inouïe  :  toutes  les  mai- 
sons étant  construites  en  bois,  couvertes  et  revêtues  en 
aissis. 

L'incendie  a  consumé  toute  la  partie  de  la  ville,  limi- 
tée, à  Test,  par  une  ligne  partant  de  la  rue  du  Temple, 
se  dirigeant  sur  l'église  St-Jean,  la  rue  du  Domino,  jus- 
qu'à la  rue  des  Lorgnes  ou  Charbonnet,  la  rue  du  Boui^- 
neuf  ou  du  Palais  de  Justice,  la  rue  des  Filles  ou  Jaillant- 

(i)  Aujourd'hui  oiaison  de  la  rue  Notre-Dame,  n»  77. 


1584  CI1AI4TRK  XYI.  3H 

Des  GhainetS)  jusqu  au  rempart,  pour,  de  là,  revenir  à  la 
porte  du  Beffroi,  au  Beffroi,  à  régliso  St-Nicolas,  la  tour 
Boileau,  la  porte  de  Gronccls,  le  quartier  àe  cette  porte, 
celui  du  Temple  et  de  la  rue  de  la  Pie,  pour  revenir  à 
son  point  de  départ  vers  la  Gommanderie  (1).  Dans  ce 
grand  espace  comprenant  environ  le  quart  de  la  super- 
flcie  de  la  ville  et  étant  le  quartier  le  plus  populeux  et 
le  plus  riche,  les  églises  de  St-Jean,  de  St-Nicolas  et  de 
St-Pantaléon  subirent  de  grands  dommages;  la  Gom- 
manderie de  St-Jean  du  Temple,  les  hospices  de  St-Ber- 
nard  et  de  St-Abraham,  Tarsenal  placé  entre  Téglise  St- 
Nicolas  et  le  Beffroi,  le  Beffroi  furent  détruits;  la  porte 
de  ce  nom  et  celle  de  Groncels,  les  couvertures  des  rem- 
parts et  les  murailles  même  furent  fortement  endomma- 
gées ;  un  nombre  de  maisons  qu^il  est  impossible  de  fixer, 
les  uns,  l'ayant  porté  à  300,  les  autres  à  1,500,  d'autres 
à  3,000  frestes  de  maisons,  ou  encore  ce  qui  serait 
plus  près  de  la  vérité  à  3,000  ménages.  Ges  chiffres  ne 
présentent  en  réalité  aucune  certitude.  Dans  ce  désas- 
tre si  considérable,  Nicolas  Hennequin,  de  la  branche 
des  Hennequin  dite  de  Lantages,  n'eut  pas  moins  de 
soixante  maisons  détruites  par  le  feu  (2). 

Les  trois  églises  de  St-Jean,  de  St-Nicolas  et  de  St- 
Pantaléon  souffrirent  à  des  degrés  différents.  Gelle  de 
St-Jean  est  en  réparation  dès  le  5  juin.  Des  maçons,  des 
charpentiers  et  des  couvreurs  y  travaillent  sous  la  con- 
duite de  M.  Martin  de  Vaulx,  maçon  (architecte).  Le  culte 
ne  paraît  pas  y  avoir  été  suspendu  (3).  Les  cloches  fondi- 
rent; elles  sont  coulées  à  nouveau  on  novembre  sui- 
vant. L'église  de  St-Jean  était  alors  en  grande  réparation. 
On  travaillait  à  la  reconstruction  du  chœur  sous  la  di- 


(1)  A.  6. 

(t)  Eloge»  des  Présidents  du  Parlement  de  Paris.  Généalogie 
de  la  famille  Hennequin. 
(3)  Arch.  dép.  Comptes  de  la  fabrique  de  St^ean,  14.  G.  37. 


31  â  HISTOIRE   DE  THOYES.  15^4 

rcction  de  Martin  de  Ynulx.  Les  patrons  ou  plans  de  Vé- 
glise  sont  brûlés  et  Martin  de  Vaulx  les  refait.  En  1527, 
la  fabrique  achète  deux  maisons  dont  remplacement  est 
occupé  par  le  chevet  do  Téglise  (1). 

L'église  de  St-Pantaléon  était  en  construction.  Cette 
église,  originairement  en  bois ,  mesurait,  au  nord,  de 
il3  à  114  pieds  de  long,  au  midi  34,  au  levant  44  et 
au  couchant  se  terminait  presqu^en  pointe  et  là  était  la 
tour  du  clocher.  Depuis  plusieurs  années,  au  moins  de- 
puis 1517,  des  travaux  importants  s'y  exécutaient  en 
maçonnerie  et  en  pierres  de  taille  sous  la  direction  de 
Jean  Bailly,  maître  maçon  de  Téglise  de  St-Pierre,  de 
Maurice,  maçon  de  celle  de  St-Pantaléon  et  aussi  avec 
les  conseils  de  Martin  de  Vaulx.  Une  partie  de  l'ancienne 
église  fut  réservée  pour  l'exercice  du  culte;  Téglise  était 
à  jour  en  plusieurs  endroits  à  cause  des  travaux.  Des 
verrières  avaient  été  posées  en  1521.  On  y  voyait  les 
chapelles  des  d'Origny,  des  Marguenat  et  celle  du  Dauphin. 
Un  pignon  de  Téglise  donnait  sur  la  rue  du  Dauphin.  En 
1523,  on  dore  un  petit  coq  t  en  fer  noir  »  qui  le  sur- 
monte. Les  verriers,  Jean  Soudain,  Jean  Lyévin,  Verrat, 
Ruot  ou  Ruet  Fagot,  avaient  posé  des  vitraux  dans  plu- 
sieurs chapelles.  C'est  en  cet  état  que  Téglise  se  trouvait 
le  24  mai.  L'incendie  causa  des  dommages  à  l'œuvre 
principale  ;  l'aigle  du  chœur  fut  brisé,  mais  les  reliques  ne 
lurent  pas  détruites.  Les  cloches  furent  fondues.  On  en 
baptise  une,  le  jour  de  la  Madeleine,  on  en  remplace 
deux  autres  en  1525  et  le  môme  nombre,  enl529.  Le  ser- 
vice du  culte  fut  sus|)endu,  dans  cette  église,  jusqu'au 
12  juillet  1524.  La  fabrique  ne  paraît  pas  avoir  fait 
quêter  pourréparer  ses  pertes  (2).  Le  vaisseau  estagrandi 

(i)  Arch.  dép.  f,  deSt-Jean,  15  G.  37,  41,  42. 

(2)  Arch.  dép.  Comptes  de  la  fabrique  de  St-Pantaléon,  19  G.  4, 
5,  6,  7  et  8,  de  1517  à  1524.  Il  n\v  a  plus  de  comptes  qu'à  partir  de 
1536. 


15îi  CHAPITRE    XVI.  313 

du  cAté  du  portail.  Avant  l'incendie,  Téglise  avait  une 
entrée  dans  la  rue  du  Dauphin.  Après,  elle  fut  élargie  du 
cMé  do  M.  Mole,  et  allongée  vers  ThAlel  de  Vauluisant  dont 
les  étables  furent  démolies  et  remplacement  en  partie 
cédé  à  Jacques  Mauroy,  qui  céda,  de  son  cAté,  du  terrain 
pour  y  asseoir  une  partie  de  l'église. 

L'église  do  St-Nicolas  fut  plus  endommagée  que  celle 
de  St-Pantaléon.  Les  comptes  de  la  fabrique  commen- 
cent au  24  mai  1524,  c  qui  est  le  jour  que  ladite  église 
a  été  brûlée.  »  Les  comptes  précédents  ont  donc  été  dé- 
truits. Ce  compte  de  1524  rapporte  que  <  ladite  église, 
9  ensemblo  les  ornements  et  tous  les  autres  biens  d'icelle, 
»  ont  été  brûlés  par  le  feu,  mis  en  cette  ville  de  Troyes, 

>  le  mercredi  XXIVc  jour  de  mai,  veille  de  la  Fête-Dieu 

>  do  Tan  1524  9.  Les  Marguilliers,  afin  de  trouver  moyen 
de  subvenir  à  la  réparation  de  leur  église,  obtiennent 
de  Tévêque  «  une  bulle  d'indulgence  portant  puissance 

>  de  pouvoir  quêter  par  les  églises  du  diocèse  jusqu'au 
»  jour  du  grand  Saine  ou  synode.  »  Ces  quêtes  se  con- 
tinuèrent pendant  plusieurs  années.  On  consolide  ce  qui 
reste  de  l'église.  Le  culte  est  rétabli  en  août  1524,  trois 
cloches  sont  baptisées  le  5  février  suivant.  Mais  la  re- 
construction de  l'église  est  indispensable.  La  charpente 
de  l'édifice  est  détruite,  ainsi  que  tout  le  mobilier,  et  la 
maçonnerie  a  beaucoup  souffert.  En  1524  «t  en  1525, 
on  répare  et  on  consolide  la  couverture  et,  à  l'intérieur, 
Jacques  et  Yvôn  Bachet  taillent  des  images  que  Nicolas 
le  Cordouannier  met  en  couleur.  Plusieurs  écrivains  re- 
font les  livres  et  Petit-Jean  Robert  les  enlumine.  En 
1525,  Girard  Faulchot,  maçon,  et  Nicolas  le  Cordouan- 
nier, peintre,  font  des  t  portraits  »  ou  plans  pour  réédi- 
fier l'église.  On  abat  une  partie  des  voûtes.  Jean  Faul- 
chot devient  le  maître-maçon  de  l'œuvre  avec  Girard 
Faulchot.  Les  iabriciens  obtiennent  une  bulle  du  pape 
et  les  quêtes  continuent.   En  1530,  la  dédicace  de  Té- 


314  HISTOIRE   DE  TROYES.  iSfU 

glise  est  célébrée  entre  la  fête  de  TAscension  et  celle  de 
la  Pentecôte,  quoique  Tédifice  soit  loin  d^être  achevé  (1). 
Les  cloches  des  églises  de  St-Jean,  de  St-Nicolas  et 
de  St-Panlaléon  Fondirent  dans  cet  incendie  et  le  métal, 
qui  servit  à  la  fonte  de  celles  qui  les  remplacèrent,  pro- 
vint en  grande  partie  de  la  cloche  du  beffroi,  dont  le 
métal  coula  dans  les  ruisseaux. 

La  cause  de  ce  vaste  incendie  est  demeurée  incertaine. 
L'opinion  dominante  a  toujours  cru  à  un  incendie  volon- 
taire et  dont  les  causes  remontaient  à  l'inimitié  de  Char- 
les-Quint et  surtout  à  celle  du  connétable  de  Bourbon 
contre  François  l^r.  La  justice  fit  de  nombreuses  arresta- 
tions en  ville,  à  Paris  et  ailleurs.  Elle  mit  sous  sa  main 
surtout  des  étrangers  inconnus.  Le  lendemain,  25  mai, 
on  rencontra  de  jeunes  enfants,  essayant  de  mettre  le  feu 
dans  les  quartiers  non  incendiés  et  qui  déclarèrent  qu'ils 
étaient  payés  dans  ce  but  coupable. 

On  craignit  que  le  feu  ne  fût  mis  dans  les  grandes 
villes  par  des  c  boute-feux  »  qui  y  étaient  répandus.  A 
Troyes,  on  signala  quatre  ou  six  hommes  qui,  chaque 
jour,  changeaient  de  vêtements  ;  tantôt  ils  étaient  vêtus 
en  marchands,  tantôt  en  aventuriers  ;  d'autres  fois  en 
paysans  ;  quelquefois  ils  avaient  des  cheveux,  d'autres 
fois  ils  n'en  avaient  pas.  Six  jeunes  garçons  furent  pen- 
dus et  d'autres  brûlés.  Tous  n'étaient  pas  Agés  de  plus 
de  quatorze  ans.  Ils  déclarèrent  que  des  gens  inconnus 
les  avaient  poussé  à  mettre  le  feu  et  que  leur  projet  était 
de  briller  toute  la  ville.  On  prétendit  que  les  matières 
inflammables  avaient  été  préparées  à  Naples.  L'un  des 
hommes,  qui  tombèrent  sous  la  main  de  la  justice,  con- 
fessa que  la  ville  de  Troyes  était  vendue  ainsi  que  celle 
de  Paris  (c  et  que  c'était  à  un  qui  se  disait  monsieur  de 


(i)  Arch.  dép.,  17,  G.  2,  3  et  4.   Comptes  de  la  fabrique  de  Végl. 
St'Nicoloâ, 


\Hi  CHAPITRE  XVI.  315 

•  Bourbon.  •  Les  pères  des  enfants,  qui  avaient  subi  le 
supplice  du  feu,  furent  gardés  en  prison  pendant  un  cer- 
tain temps,  puis  la  même  peine  leur  fut  infligée. 

Le  5  juin,  le  parlement  fit  amener  de  Troyes  à  Paris, 
le  père  de  deux  enfants  accusés  d'avoir  mis  le  feu.  Ils 
furent  brûlés  devant  lui  et  ce  père  subit  le  même  sort 
que  ses  enfants,  après  avoir  dénoncé  a  beaucoup  de 
gens  qui  furent  pris.  » 

De  nombreuses  arrestations  se  firent  à  Troyes  et  à 
Paris.  Ceux  qui  furent  arrêtés  dans  cette  dernière  ville 
furent  enchaînés  deux  à  deux  et  employés  au  curage  des 
fossés  de  la  porte  St-Honoré  (1). 

Nicole  Pithou  (2)  semble  croire  que  le  feu  a  été  mis  à 

(1)  Journal  d*un  bourgeois  de  Paris  sous  le  règne  de  François  7'r. 

(2)  Histoire  séculière  et  ecclésiastique  de  la  ville  de  Troyes  en 
Champagne^  mnsc,  Bibl.  nat.  Collection  de  M.  Dupuy,  vol.  698. 
Pithou  s'exprime  ainsi  :  «  on  se  tourmente  fort  à  rechercher  la  sour- 
ce et  la  cause  de  cet  accident,  et  en  parloit-on  diversement.  Les  uns 
tenoient  que  ce  feu  estoit  tombé  du  ciel,  les  autres  qu'il  avoit  été  mits 
de  main  d'homme  et  par  boute-feux  ;  que  les  Hannuyers  et  Espagnols, 
avoient  envoyez  en  habits  dissimulez  partout  le  royaume  de  Fran- 
ce ,  «  avec  chart,^o  et  mandement  de  mettre  le  feu  es  meilleures  vil- 
les ;  leur  ayant  baillé  matière  pour  composer  ledict  feu  qui  estoit  si 
aspre  qu'il  brusloit  et  consumoit  tout  ce  à  quoy  il  s'attachoit,  foust 
pierre  ou  autre  matière.  Et  ayant  esté  prins  pour  tel,  un  pauvre  hom- 
me estrangé  qui  passoit  par  Troyes,  le  langage  duquel  pas  un  seul 
du  lieu  n'entendoit,  fust  pendu  et  estranglé  ,  après  luy  avoir  donné 
la  torture  sans  qu'on  peust  en  tirer  de  luy  parolle  qu'on  peut  enten- 
dre que  celle-ci  :  Kyrie  Eleyson,  qu'il  répéta  souvent,  comme  il  es- 
toit au  lieu  du  supplice.  Geste  opinion  f  à  scavoir  que  c'estoit  un  feu 
mits  par  lesennetnys  du  royaume  )  estoit  la  plus  commune,  et  s'im- 
prima si  fort  en  l'esprit  de  tous,  qu'elle  dure  encore  à  présent.  Mais 
je  vous  diroy  ce  que  j'en  ay  autrefois  apprins  d'un  personnage  d'au- 
thorité  et  digne  de  foy,  qui  en  pouvoit  bien  sçavoir  quelque  chose,  le 
dire  duquel  m'a  esté  depuis  peu  de  temps  confirmé  par  un  mar- 
chant de  Troyes,  nommé  Claude  Gombault.  Ce  personnage  racompta 
que  la  maison  en  laquelle  ce  feu  se  print  premièrement^  ayant  estée 
un  long  temps  querellée,  tant  en  la  Cour  du  bailliage  de  Troyes 
qu'en  celle  du  Parlement  de  Paris,  par  deux  personnes  prétendans 
respectivement  à  la  propriété  d'icelle,  intervint  un  arrest  de  ladite 
Cour  par  lequel  ceste  maison  feust  adjugée  à  l'une  des  parties.  Pour 


346  HISTOIRE   DE   TllOYES.  i5i4 

la  maison  de  Tapothicaire  par  un  plaideur  évincé  de  cette 
propriété  en  exécution  d'un  récent  arrêt.  L'opinion  con- 
traire se  fait  jour  au  lendemain  de  Tincendie.  Une  déli- 
bération prise  dans  une  assemblée  générale  des  habi- 
tans  énonce  que  «  le  feu  a  été  mis  par  aulcuns  mauvais 
et  dampnez  esprits,  ennemys  du  roy,  de  cette  ville  et  de 
tout  le  bien  et  la  chose  publique.  >  Cette  opinion  se  dé- 
veloppe rapidement,  et  se  maintient  dans  tous  les  es- 
prits et  par  toute  la  France.  Le  15  juin,  le  Maire  et  les 
échevins,  écrivant  à  leurs  collègues  de  Bourges  afin  de 
les  informer  du  désastre  immense  que  la  ville  de  Troyes 
venait  de  souffrir,  leur  font  savoir  les  causes  présumées 
afin  de  se  prémunir  contre  un  semblable  et  si  malheu- 
reux événement.  Quelque  temps  auparavant,  un  incendie 
fort  considérable  avait  dévoré  une  partie  de  la  ville  de 
Bourges.  Le  roi  était  venu  à  son  secours.  La  ville  de 
Troyes  s'informa,  dans  cette  ville,  de  ce  qui  s'était  passé 
à  cette  occasion  (1). 

Odard  Hennequin  fut  chargé  de  porter  au  roi  une  de- 
mande de  secours. 

Après  avoir  raconté  les  principales  circonstances  de 
l'événement,  Nicole  Pithou  ajoute  :  <i  Si  ceste  désolation 
estait  si  triste  et  pitoyable  cet  horrible  spectacle  le  fut 

exécuter  ledit  arrest  et  mettre  en  possession  celluy  qui  avoil  obtenu 
gain  de  cause,  la  cour  députa  le  lieutenant  Bazin.  Le  jour  assigné 
pour  ce  fayre  escheu,  les  parties  se  trouvant  à  leur  assignation,  ce- 
luy  au  profit  duquel  l'arrest  avoit  esté  rendu  fut  menacé,  en  Taureil- 
le,  que  jamais  il  ne  jouirait  de  cette  maison.  Si  advint  que  la  nuit  de 
ce  mesme  jour  elle  se  veittout  en  feu  et  jugeoit  que  c'estoit  la  vr.*ye 
cause  et  source  de  ce  piteux  accident.  » 

(1)  Lettre  du  Maire  et  des  Echevins  de  Troyes  du  15  Juin  1524, 
adressée  à  «  leurs  très  chers  frères  et  amys,  les  Maire  et  Echevins 
de  la  ville  et  cité  de  Bourges  »  communiquée  à  la  Soc.  acad.  de 
TAubeparM.  le  baron  de  Girardot  et  pubUée  :  Annuaire  de  VAube^ 
1858,  p.  60.  —  Les  arch.  mun.  de  Troyes  renferment  un  ordon- 
nanc.»  de  police  de  la  mairie  de  Bourges,  rendue  après  rincendie 
de  cette  ville.  A.  A.  30**  Carton,  Ire  liasse. 


15Si  GHAPITRB  XVI.  311 

plus  encore  à  cause  de  plusieurs  pauvres  personnes  de 
tout  sexe  et  de  tout  âge,  étrangers  ou  non,  saisis  avec 
furie  et  jetés,  comme  boutefeux,  sans  jugement  ni  avis  au 
milieu  des  flammes  par  un  populaire  forcené  et  rendant 
Tâme  en  jetant  des  cris  et  des  hurlements  horribles.  Ces 
pauvres  savoyards,  porteurs  de  pÂtonôtres  et  de  fluteaux 
de  St-Claude,  trouvés  en  ville,  reçurent  de  bien  mauvais 
traitements.  ]> 

Quels  que  soient  les  auteurs  de  ce  sinistre  et  malheu- 
reux événement,  il  faut  reconnaître  que  la  ville  présen- 
tait tous  les  éléments  propres  à  alimenter  cet  énorme 
foyer.  Maisons  et  couvertures  en  bois  avec  revêtements 
de  même  matière  favorisaient  prodigieusement  le  déve- 
loppement et  l'activité  de  Tincendie.  Si  on  a  constaté  que 
le  feu  prenait  continuellement  et  en  plusieurs  endroits  à 
la  fois,  on  peut  croire  mieux  à  Tenlèvement  par  le  vent 
de  brandons  enflammés  qu'à  Tincendie  porté  volontai- 
rement par  des  mains  coupables.  La  direction  des  flammes 
indique  que  le  vent  soufflait  du  Nord.  Ce  vent  est  toujours 
sec.  Si  Ton  suppose,  avant  le  24  mai,  quelques  jours  de 
sécheresse,  on  comprendra  sans  peine  qu'avec  de  tels 
éléments  le  feu  se  propagea  avec  la  plus  prodigieuse  ra- 
pidité. Les  rues  alors  étaient  encombrées  d'auvents  et 
la  circulation  était  entravée  dans  tous  les  quartiers  po- 
puleux et  marchands.  En  1523,  on  prévoyait  que  ces 
obstacles  à  la  libre  circulation,  dans  les  rues  voisines  de 
l'église  de  St-Jean-au-Marché,  empêcheraient  la  facile 
distribution  des  secours  en  cas  d'incendie  (1). 

En  présence  de  cet  événement,  qui,  quoique  local, 
prit  dans  l'opinion  publique,  l'importance  d'un  fait  po- 
litique, l'échevinage  de  Troyes  ne  resta  pas  au-dessous 
de  sa  mission. 

Dès  le  27  mai,  dans  une  assemblée  générale  il  est  dé 

(i)  A  6. 


318  HISTOIRE  DE  TROYES.  \^/u 

cidé  qu*en  rdison  des  craintes  venant  de  l'extérieur,  les 
portes  et  les  murailles  seront  immédiatement  réparées 
au  moyen  de  travaux  exécutés  de  jour  et  de  nuit.  Dans  le 
cas  où  le  marché  ne  serait  pas  suffisamment  approvi- 
sionné de  blé,  les  membres  du  clergé  étaient  invités  à  y 
suppléer. 

En  raison  des  bruits  de  guerre,  la  même  assemblée 
décide  la  formation  d'une  compagnie  de  600  hommes, 
armés  de  manière  à  défendre  la  ville  et  à  se  mettre  en 
campagne. 

La  ville  demande  une  levée  de  deniers  sur  les  greniers 
à  sel  du  royaume  et  sur  la  gabelle.  On  châsse  les  vaga- 
bonds ;  on  défend  aux  habitants  de  sortir  «  avec  bâtons 
à  feu  >  soit  de  jour,  soit  de  nuit  :  Thôtel  de  ville  est  gardé 
par  deux  postes. 

Le  2  juin,  il  est  créé  un  étroit  conseilj  composé  de  neuf 
personnes  :  six  laïques  et  trois  ecclésiastiques.  Ce  conseil 
est  en  permanence  et  décide  de  tous  faits  et  ordonnances 
de  police,  de  défense,  de  guet  et  de  garde.  Les  membres 
de  ce  conseil  sont  :  Claude  Mole,  de  Marisy,  Jean  Rou- 
cherat,  Pierre  Mauroy,  Jacques  Perricard  et  Claude  le 
Tartier.  Le  clergé  refuse  avec  persistance  à  désigner  des 
membres  devant  faire  partie  de  ce  conseil.  Des  poursuites 
sont  autorisées  contre  lui,  à  cause  de  ce  refus. 

Les  portes  de  la  Tannerie,  de  Comporté  et  de  la  Made* 
leine  sont  fermées,  afin  de  surveiller  plus  facilement  les 
étrangers  entrant  en  ville  ou  en  sortant.  Celles  de  Cron- 
cels,  du  Beffroi  et  de  St-Jacques  gardées  avec  soin,  res- 
tent seules  ouvertes.  Ordre  est  donné  de  ne  laisser  en- 
trer en  ville  aucun  étranger  inconnu. 

Les  déblais  de  Tincendie  sont  conduits  dans  les  faux- 
fossés  pour  les  combler. 

Les  six  membres  laïques,  sur  le  refus  du  clergé,  se 
constituèrent  en  étroit  conseil,  le  3  juin.  Ce  conseil  con- 
firme les  mesures  de  police  et  de  sûreté  arrêtées  pendant 


15Si  CHAPITRE  XVI.  349 

les  jours  précédents,  puis  il  ordonne  que  les  maîtres  de 
fer  assisteront  à  la  garde  des  portes  et  aussi  qu'un  hom- 
me de  bien  aura  la  superintendance  sur  les  portiers.  Les 
vagabonds  seront  visités  et  fouillés,  puis  renvoyés  sans 
leur  permettre  d'entrer  en  ville. 

Le  5  juin,  il  est  prescrit  de  faire  le  guet  dormant.  Cette 
sorte  de  guet  se  compose  d'un  poste  de  deux  ou  trois 
hommes,  placés  au  coin  des  rues  et  dans  les  carrefours, 
à  des  distances  qui  permettent  à  ces  postes  de  commu- 
niquer entr'eux  sans  déplacement.  Défense  est  faite  de 
porter  des  bâtons  à  feu,  dans  la  ville,  après  dix  heures 
du  soir,  sous  peine  de  la  hart  et  d'être  assommé  comme 
ennemi  du  roi  et  de  la  chose  publique. 

Le  beffroi  est  complètement  détruit  avec  ses  galeries 
servant  aux  assemblées  de  la  St-Barnabé,  et  le  métal  li- 
quéfié de  sa  belle  cloche  a  coulé  dans  le  ruisseau.  Cet 
édifice,  symbole  des  anciennes  franchises  communales, 
ne  sera  pas  réédiflé  et  sa  cloche ,  objet  d'orgueil  pour 
les  iroyens,  sera  remplacée  par  une  cloche  d'une  infime 
dimension.  L'assemblée  de  la  St-Barnabé  est  proche  et 
le  peuple  est  convoqué,  dès  cinq  heures  du  matin,  par  la 
grosse  cloche  de  N.-D.  aux  Nonnains,  pour  se  rendre  au 
Palais  royal. 

Le  8,  le  maire  et  les  échevins  ordonnent  la  démolition 
des  ponts  jetés  sur  les  canaux  de  dérivation,  au-dessous 
et  à  l'extérieur  des  remparts,  afin  de  mieux  se  rendre 
compte  de  la  circulation,  qui  se  fait  par  et  autour  de  la 
ville  et  cette  résolution  est  exécutée.  Ces  ponts  ne  furent 
rétablis  que  plusieurs  années  après. 

Le  9,  malgré  les  préoccupations  du  moment,  le  Con- 
seil de  ville  n'en  récompense  pas  moins  les  bons  services 
que  les  citoyens  rendent  à  la  ville.  Jacques  Angenoust, 
contrôleur  des  ouvrages  de  la  voirie,  a  rendu,  c  de  grands 
»  services  et  fait  extrêmes  diligences,  ce  qu'il  s'efforce 
>  de  faire  chaque  jour  et  s'y  emploie  vertueusement  », 


320  HISTOIRE   DE  TBOYES.  1S2I 

pour  ces  causes,  il  lui  est  donné  une  robe  de  drap  à  la 
livrée  de  la  ville. 

Mais  bientôt  les  travaux  de  reconstruction  vont  com- 
mencer. Dans  cette  prévision,  le  9  juin,  le  Conseil  décide 
qu'il  sera  demandé  au  roi  qu'il  veuille  bien  ordonner  que 
les  rues  des  quartiers  détruits  par  l'incendie  soient  élar- 
gies et  que  toutes  constructions  soient  éloignées  des  mu- 
railles d'au  moins  quarante  pieds.  L'assemblée  de  la 
St-Barnabé,  après  s'être  ralliée  à  ces  deux  demandes, 
va  au-delà;  elle  exprime  le  vœu  qu'il  ne  soit  plus  toléré 
qu'un  seul  ligneau  à  chaque  maison,  et  qu'il  soit  fait 
murs  mitoyens  entre  les  nouvelles  constructions,  autant 
qu'il  sera  possible  (1). 

Cette  assemblée  porte  à  la  présidence  provisoire, 
M*  Antoine  Huyard,  avocat  du  roi,  et,  comme  président 
définitif,  noble  homme  et  sage  maître  Claude  de  Marisy, 
S'  de  Cervets,  maire  sortant  de  charge.  L'assemblée 
maintient  dans  leurs  fonctions  les  offîciers  de  la  ville, 
c  parce  qu'ils  se  sont  bien  et  loyalement  conduits  dans 
leurs  états,  >  excepté  l'avocat  pensionnaire  de  la  ville. 
L'année  précédente,  il  avait  été  remplacé  par  Etienne 
de  Montsaugcon,  qui  n'est  pas  entré  en  charge.  Le  gou- 
verneur avait  demandé  la  place  pour  Jean  Richard; 
l'assemblée  surseoit  à  l'élection  jusqu'à  l'arrivée  du  gou- 
verneur, afin  d^agir  t  selon  son  bon  plaisir  pour  le  bien 
de  la  ville  et  celui  de  la  chose  publique  »  (2). 

L'assemblée  renvoie  différentes  afi*aires  à  l'examen  et 
à  la  décision  du  maire  et  des  échevins.  Elle  décide  que 
pour  Ploton,  ancien  et  bon  serviteur  de  la  ville,  gardien 

(1)  Alors  le  mur  mitoyen  n'était  pas  de  droit  commun  à  Troyes.  La 
coutume  (  art.  63,  )  porte  :  Si  d'adventure  il  y  a  un  mur^  cloison 
ou  closture  metoyenne  entre  deux  voisins..  Donc  alors  comme  au- 
jourd'hui la  mitoyenneté  n'étiiit  pas  de  droit  coutumier  à  Troyes. 

(S)  Les  assemblées  de  la  St-6arnabé  sont  toujours  très-nombreuses. 
En  1527,  il  est  constaté  qu'il  y  assiste  plus  de  3,000  personnes  c  des 
plus  suffisans  et  gens  de  bien.  » 


15«i  CHAPITRE  XVI.  32i 

du  beffroi  et  qui  a  rendu  de  grands  services  pendant  la 
peste,  il  lui  sera  construit  une  petite  maison,  sur  la  place 
même  du  beffroi,  encore  chaude  de  Tincendie,  afin  que 
ce  loyal  serviteur  puisse  «  y  faire  sa  demeurance,  eu 
égard  à  sa  vieillesse.  »  L'examen  des  comptes  du  voyeur 
est  renvoyé  .à  trois  semaines  :  tous  les  documents  de 
comptabilité  ayant  été  brûlés. 

Jean  Daniel,  maître  bouclier  ou  garde  de  la  confrérie 
des  bouchers,  remet  à  l'assemblée  les  douze  tasses  d'ar- 
gent que  les  bouchers  doivent  à  la  maladrcrie  dos  Deux- 
Eaux  ;  puis  neuf  nouveaux  bouchers  sont  admis  h  prêter 
le  serment  accoutumé. 

L'assemblée  procède  ensuite  à  l'adjudication  de  la 
ferme  de  la  chaussée  et  de  la  maille  sur  le  pain  blanc. 
La  première  ferme  est  louée,  mais  comme  il  n'est  offert 
que  700  liv.  pour  la  seconde,  elle  n'est  point  délivrée. 
Beaufumey,  boulanger,  la  prit  quelques  jours  après  pour 
800  liv.  (1) 

S'occupant  des  autres  affaires  de  la  cité,  l'assemblée 
décide  : 

lo  Qu'il  sera  demandé  au  roi,  pour  l'année  1525,  la 
réunion,  à  Troyes,  de  la  cour  des  Grands-Jours,  en  sup- 
pliant le  roi  de  rétribuer  Messieurs  de  la  cour; 

2o  Qu'il  sera  demandé  au  roi,  sur  les  tailles  de  l'Elec- 
tion,  dix  mille  livres  à  employer  aux  réparations  de  la 
ville; 

3o  Qu'il  soit  pris  les  bois  nécessaires  aux  reconstruc- 
tions, dans  la  forêt  de  Veineuse  (contrée  d'Othe),  dépen- 
dant du  domaine  ; 

i""  Qu'il  soit  achetée  t  une  navée  »  ou  bateau  de 
sel; 

S''  Que  le  roi  soit  supplié  de  rendre  un  édit,  afin  de 

1)  Cetlft  ferme  remonte,  en  1555,  à  1250  1  ;  en  152G,  a  1500,  en 
1527,  elle  descend  à  1400  et  en  1530,  à  1100. 

III.  SI 


822  HISTOIRE   DR   ThOYES.  MU 

faire  venir  les  blés  do  tous  pays  pour  rapprovisionne- 
rnent  de  la  ville  et  donner  lettres  pour  autoriser  la  ville 
à  fournir  elle-même  le  sel  à  ses  habitants  ; 

6'  Que  le  produit  du  droit  du  huitième,  levé  sur  les 
vins,  soit  appliqué  aux  besoins  actuels  de  la  ville; 

?•  Le  maintien,  à  Troyes,  de  Jean  Marchant,  en  qua- 
lité de  canonnier. 

Enfin,  rassemblée  approuve  et  confirme  les  mesures 
de  police  ordonnées  les  jours  précédents  par  le  Conseil 
de  ville  et  l'étroit  Conseil,  prescrit  Téclairage  des  rues 
t  avec  lanternes  et  chandelles  ardentes  placées  à  deux 
pieds  de  distance  des  maisons;  >  la  mise  en  état  des 
puits,  qui  seront  garnis  de  chaînes  ou  de  bonnes  cordes. 
Elle  décide  que  des  tonneaux  remplis  d*eau  seront  pla- 
cés devant  les  maisons  ;  que  personne  ne  circulera  sur 
les  remparts  sous  peine  de  la  hart,  et  que  tout  habitant, 
ayant  des  armes  appartenant  à  la  ville,  les  rapportera  à 
Thôtel-de-ville,  sous  peine  d'amende  et  de  punition  cor- 
porelle. 

Le  13,  le  maire  et  les  échevins,  faisant  en  compa^ie 
d'arbalétriers  une  tournée  de  police  hors  de  la  vjHe, 
arrêtent  «  un  mauvais  gai^'on  nommé  Le  Souffleur,  i 
Quelques  jours  après,  cet  individu  est  pendu  et  étranglé 
à  cause  de  ses  démérites. 

Le  20,  le  Conseil,  qui  a  fait  changer  les  gardes  des 
serrures  de  la  porte  de  Sl-Jacques,  ordonne  le  change- 
ment de  celles  des  portes  de  Croncels  et  du  Beffroi.  Il 
prescrit  encore  la  démolition  des  cheminées  en  bois  et 
ordonne  aux  voyeurs  de  la  ville  et  du  roi  de  faire  cons- 
truire «  des  retraits  >  dans  les  maisons,  où  il  n'en  existe 
pas. 

Le  22,  maintenant  ses  précédentes  ordonnances ,  l'au- 
torité urbaine  fait  défense  t  de  porter  barbes  longues, 
habits  difformes  et  chiquetés  >  sous  peine  d'être  banni 
et  expulsé  de  la  ville.  Cette  défense  fut  souvent  renou- 


i52i  CHAPITRE   XVI.  323 

velée  depuis  cette  époque.  Dans  quel  but  cette  défense 
est-elle  faite  ? 

Le  24  juillet,  une  assemblée  générale  des  habitants 
nomme  des  commissaires  chargés  de  donner  les  niveaux 
et  d'asseoir  les  seuils  et  poteaux  des  constructions.  Il  est 
prescrit  à  des  commissaires  de  ne  permettre  Touverlure 
d'aucune  baie  de  cave,  de  larmiers  ni  de  trappes  sur  les 
grandes  rues.  Il  est  défendu  de  couvrir  aucun  bâtiment 
en  aissis  ou  aichclie^  pour  éviter  les  inconvénients  du  feu. 
La  destruction  de  ces  sortes  de  couvertures  est  prescrite. 
Elles  seront  remplacées  par  des  tuiles  ou  des  ardoises. 
On  ordonne  le  déblaiement  des  maisons  incendiées.  Ce 
travail  se  fait  avec  une  grande  lenteur.  Il  n'est  pas  com- 
plet en  1530. 

La  ville  ne  paraît  avoir  reçu  du  roi  qu'une  somme  de 
dix  mille  livres,  destinée  aux  réparations  des  portes, 
tours,  murailles,  boulevards,  j)onts  et  fortifications  (1). 
L'évêque,  en  novembre,  supplie  le  parlement  de  ne  point 
le  contraindre  à  accordera  personne  la  faculté  de  quêter 
dans  le  diocèse  en  raison  de  Tincendie  (2).  On  fit  donc 
des  quêtes  en  faveur  des  habitans  comme  en  faveur  do 
l'église  de  St-Nicolas. 

Dans  le  cours  de  1524  et  après  l'incendie,  l'échevi- 
nage  fait  faire  sommation  aux  riverains  d'élargir  l'an- 
cienne Vienne  ou  grand  rupt,  allant  des  moulins  neufs  à 
N.-D.-aux-Nonnains  et  de  porter  cette  largeur  à  dix  ou 
onze  pieds  (3). 

En  octobre,  les  marguilliers  des  églises  incendiées  de- 
mandent à  acheter  le  métal  de  la  cloche  du  Beffroi.  Le 
Conseil  consent  à  cette  vente,  moyennant  un  prix  payé 
comptant  ou,  ce  qui  peut  nous  étonner  aujourd'hui,  pay- 

(1)  D.  84. 

(2)  P    PiTHOU.  Preuves  de  Véglise  tjallicaney  t.  n,  p.  1294. 

(3)  .\.  A.  S6«  carton,  Ire  liasse. 


324  îiiSTOiUE  dp:  troyes.  \^i 

abic  à  la  Chandeleur  c  en  donnant  bonne  caution  de 
gens  de  bien  de  la  ville.  » 

Enfin,  comme  mesures  propres  à  secourir  prompte- 
ment,  en  cas  de  nouvel  incendie,  le  Conseil  fait  fabriquer 
un  grand  nombre  de  «  seilles,  y>  déposées  dans  quarante 
maisons  de  différents  quartiers,  à  THôtel-de- Ville  et  aux 
Cordeliers.  Les  charpentiers,  couvreurs  et  lonnelliers^ 
devront,  avec  leurs  instruments,  se  transporter  sur  le 
lieu  de  Tincendie,  aussitôt  qu'ils  entendront  sonner  le 
tocsin,  et  ce,  sous  peine  de  la  hart.  Les  médailles  de 
sauvetage  n'étaient  pas  encore  inventées  :  la  coercition 
et  non  la  récompense  est  mise  en  usage  pour  exciter  à 
Taccomplissement  du  devoir. 

L'incendie  du  24  mai  1524  jette  Teffroi  par  toute  la 
France,  surtout  en  raison  des  causes  que  Topinion  pu- 
blique donne  à  ce  sinistre  événement.  La  ville  de  Dijon 
s'en  émeut,  et,  le  2  juin,  t  les  viconte,  Mayeur  et  esche- 
vins  de  Dijon  s'inquiètent,  avec  intérêt  pour  leur  ville, 
des  causes  de  l'incendie  de  Troyes  >  (1). 

Le  2  juillet  1524,  le  bailli  édicté  des  ordonnances  de 
police  motivées  sur  les  meurtres,  homicides,  navrures, 

(i)  Voici  la  lettre  qu'ils  adressent  aux  Maire  et  Echevins  de  cette 
ville  à  celte  occasion. 

«  Très  chers  frères  et  amis,  de  bons  cueur  nous  recommandons 
ï>  à  vous.  Nous  avons  sceu  l'inconvénient  de  feug  et  perte  inestima- 
»  ble  qu'est  survenu  puis  naugères  en  vostre  ville  dont  il  nous  des- 
»  plait  grandement  et  on  summes  fort  marris  et  des  plaisans  ;  et 
»  pour  ce  que  tous  summes  en  ce  dangier  a  quoy  désirons  obvier  et  y 
»  pourveoir  de  sorte  que  nous  puissions  garder  et  préserver  de  tels 
»  et  semblables  inconvéniens  et  prandre  et  pugnir  les  malfaiteurs 
»  qui  usent  de  tels  et  semblables  meffaitz  si  aucuns  en  sont  trouvex 
»  en  ceste  ville.  Nous  vous  prions  nous  faire  scavoir  à  la  vérité  par 
»  ce  présent  pourteur  dont  vient  la  cause  et  nous  advertir  s'il  est 
»  possible  avoir  congnoissance  deceulx  qui  l'ont  (mis)  et  qui  font  tels 
»  outiages,  affin  que  sy  aucuns  d'eux  se  rctiroient  par  deçà  de  les 
s>  prenire  pour  en  faire  la  justice  et  pugnition  telle  qu'il  appartient, 
»  qui  sera  le  bien  de  justice  et  de  tout  le  royaume.  Voo&  advertissons 
»  que  s'il  est  chose  en  quoy  vous  puissions  faire  service  de  bon  cnear 


1581  CHAPiraK  XVI.  325 

ports  d'armes,  assemblées,  séditions,  monopoles,  qui  se 
commettent  et  dont  se  rendent  auteurs  de  soi-disants 
aventuriers  et  gens  de  guerre,  qui  portent  en  ville  poi- 
gnards, épées,  rapières,  estocs,  verduns,  piques,  jave- 
lines,  hallebardes,  voulges,  arbalètes,    arcs,   halecrets, 


»  le  ferons.  Aydant  le  Créateur  qui  vous  doinl  ce  que  vous  luy  seau- 
»  rez  bien  demander.  Escript  à  Dijon  le  2«î  jour  de  juing  (1524). 

«  Les  vicomte,  majeur  et  eschevins  de  Dijon,  tous  vôtres.  A  nos 
»  frères  et  amis,  les  Mayeur  et  Eschevins  de  la  ville  de  Troyes.» 

A  cette  lettre,  les   Maire  et  Echevins  de  Troyes  répondent  : 

<(  Très  chers  Seigneurs,  frères  et  amys.  A  vous  tant  et  de  si  bon 
»  cueur  que  faire  povons  nous  recommandons.  Messieurs,  par  ce 
»  porteur  avons  receu  les  missives  qu'il  vous  a  pieu  nous  rescripre 
«  et  pour  vous  y  faire  responsc  par  les  responces  de  ceulx  qui  ont 
4  esté  exécutez  par  deçà,  nous  avons  cognu  que  ceulz  qui  sont  cause 
»  d'avoir  fait  mettre  le  feu  en  ceste  ville  sont  gens  envoyez  par  les 
»  ennemys  du  roy  et  du  royaulme  habillez  en  divers  estais,  les  au- 
»  cuns  comme  auvergnats,  savoisiens  et  porteurs  de  tablettes  ;  les- 
y*  quels  quand  ils  n'ont  peu  exécuter  leurs  mauvaises  et  dampnées 
M  entreprinses,  l'ont  fait  exécuter  par  jeunes  enfants,  bélistres,  men- 
»  dians  et  autres  gens  tant  du  pays  que  d'autre  part,  par  promesse 
•>  et  argent  qui  leur  ont  donné.  Et  ancor  de  présent  sont,  comme 
•  l'on  dit,  en  si  tn*'s  gros  nombre  de  ladite  entreprinse  que  le  pays  en 
«  est  chatiue  jour  eu  danger.  A  celte  cause,  nous  semble  que  pour 
n  vous  garder  de  rinconvénienl  auquel  nous  sommes  tumbey,  qui 
»  est  in<»stimable,  est  bon  que  faciez  expulser  tous  belistre,  ostrangiers 
«  et  gens  incogiiuz  qui  sont  en  votre  ville  et  que  faciez  doresnavant 
0  porté  à  ce  qu'il  n'entre  personne  en  votre  ville  que  n'ayez  cognais- 
ï>  sancc  de  luy.  Aussi  faictes  guet,  la  nuit,  pour  le  danger  des  fusées 
y  que  l'on  dit  qu'ils  jectent. 

»  Messieurs  nous  vous  advertissons  que  s'il  est  chose  à  quoy  nous 
»  puissions  faire  service  que  le  ferons  de  très  bon  cœur  àl'ayde  du 
»  créateur  luqucl  nous  prions  qu'il  vous  eust  en  sa  garde. 

D  De  Troyes,  ce  neufviesme  jour  de  Juing,  (1524). 

t>  Vos  frères  et  amys,  les  maire  et  eschevins  de  Troyes. 

0  A  nos  très  ch<MS  frères  et  amys.  Messieurs  les  Vicomte,  Mayeur 
»  ei  Eschevins  de  la  ville  de  Dijon   »  (Arch.  de  Bourgogne). 

C^s  deux  lettres  ont  été  récemment  publiées  par  M.  Garnier,  con- 
servateur des  arch  de  Bourgogne,  dans  un  recueil  intitulé.  Ana- 
Iccta  D'vioncnsia.  Correspondance  de  la  mairie  de  Dijon.  T.  i.  n'»» 
201  et  202.  Lesîivant  M.  (iarnier  avait  eu  l'obligeance  de  nous  com- 
muniquer ces  deux   documents  avant  la  publication  de  son  recueil . 

Sur  cet  événement  on  [)eut  consulter  les  nombreuses  délibérations 


326  HISTOIRE   DE  TUOYES.  1515 

cuirasses,  brigandines,  etc.  Cette  défense  est  faite  sous 
peine  de  punition  corporelle  cl  d'amende  arbitraire, 
mais  sont  exceptées  de  ces  prohibitions  les  personnes 
privilégiées,  gentilshommes,  gens  des  ordonnances  du 
roi,  les  chefs  dMifttels  de  la  ville,  leurs  gens  et  serviteurs 
bien  famés  et  non  oisifs.  A  qui  s'appliquait  donc  l'or- 
donnance? 

Tous  artisans  du  bàtimenl,  on  raison  des  circonstan- 
ces, sont  dispensés  de  faire  chef-d'œuvre,  de  payer  leur 
bienvenue  et  le  droit  de  confrérie  lorsqu'ils  passent  maî- 
tres. —  Défense  est  faite  de  vendre  du  vin  dans  plusieurs 
petites  tavernes,  où  se  retirent  tous  gens  menant  une  vie 
dissolue.  —  Nouvelle  défense  est  faite  de  porter  des  vole- 
ments  difformes,  étranges  et  échiquelés,  ainsi  que  de  lon- 
gues barbes.  —  Tous  les  citoyens  sont  autorisés  à  mettre 
en  état  d'arrestation,  sans  autorisation  de  justice,  tous 
malfaiteurs  en  flagrant  délit.  —  Les  jeux  de  dés,  de  cartes, 
de  quilles  et  autres  sont  interdits,  et  l'expulsion  de  la 
ville  des  vagabonds,  caïmans,  caignardiers,  etc.,  est 
maintenue  (1). 

Le  18  février  15:25  (v.  st.),  le  roi  donne  mandement 
contre  les  trois  Chapitres,  les  abbayes  de  St-Loup,  de 
St-Martin-os-Aires,  do  Montier-la-Cellc,  de  Nolre-Dame- 
aux-Nonnains,  de  rHolel-Dicu-lc-Gomto,  les  hospices  de 
St-Nicolas  et  du  St-Esprit,  les. prieurés  de  Notre-Damc- 
des-Prés,  de  Notre-Dame-en-rile  et  de  Foicy,  afin  de  les 
contraindre  à  reconstruire,  sans  délai,  de  nouveaux  bâti- 

du  Conseil  de  ville.  A.  G.  —  N.  Pithou.  Hist.  séculicre  et  ecclcsias- 
iiquc  de  la  ville  de  Troijes  en  Champagnt'.j  mnsc.  Blq.  nat.  ;  —  CoU 
Dupuy,  vol.  508.  —  Grosley.  Mcm.  hist,  ;  t.  i.,  p.  318-3'20.  La  note 
l>araît  s'appliquer  à  la  ville  de  Meaux.  mais  il  faut  lire  Méance  pour 
Mayence.  Les  dessins  ne  sont  pas  lidèlcment  reproduits.  —  Cour- 
talon,  Topoy.  t.  I.,  p.  99.  —  Ann.  de  rAube,i858,  ne  partie.  Notice 
sur  l'incendie  de  Truyes  en  152A,  par  M.  Léon  Pigeotle,  à  qui  j*ai 
fourni  des  notes. 
(1)  Arch.  mun. 


15Î5  CHAPITRE   XVI.  327 

ments  en  remplacement  <les  maisons  brûlées  qui  leur 
appartenaient.  Cette  contrainte  est  motivée  sur  la  situa- 
tion de  la  ville,  près  des  frontières,  et  sur  ce  que,  dans 
les  ruines,  se  cachent  t  les  mauvais  garçons,  les  larrons 
et  insidiateurs,  »  que  Ton  n*y  peut  saisir  ni  arrêter. 
Après  de  nombreux  avertissements,  quelques-uns  d'entre 
ces  établissements  se  sont  exécutés  en  tout  ou  en  partie; 
quelques-uns  résistent.  Alors,  le  procureur  du  roi  de- 
mande condamnation  contre  ceux-ci,  afin  de  faire  recons- 
truire leurs  maisons  incendiées  ou  de  faire  vendre  les 
terrains  avec  obligation,  par  les  acquéreurs,  de  recons- 
truire, sinon  à  payer  3,000  livres  d'amende  à  employer 
à  ces  reconstructions  et  à  voir  adjuger,  au  plus  offrant, 
les  places  à  bâtir.  Les  Chapitres  de  St- Pierre  et  de 
St-Etienne,  et  l'Hôtel-Dieu-St-Bernard,  résistent  aux 
prescriptions  royales.  Ils  prétendent  que  la  ville  n'est 
point  assise  sur  la  frontière  ;  que  le  procureur  du  roi, 
par  le  temps  qu'il  a  mis  à  présenter  les  lettres  du  roi  à 
l'entérinement  du  bailliage,  reconnaît  que  ces  lettres  sont 
obreptices,  subreptices,  inciviles  ;  qu'elles  n'ont  été  pro- 
voquées que  par  aucuns  ayant  haine  de  la  liberté  et  du 
profit  de  leur  mère  église,  et  que  la  ville  n'a  jamais  été 
plus  habitée,  plus  fréquentée,  ni  mieux  bâtie.  Malgré 
celte  résistance,  le  bailliage  entérine  les  lettres  du  roi 
et  en  ordonne  Texécution  contre  les  Chapitres  de  St- 
Pierre  et  de  St-Etienne  et  contre  l'Hôtel-Dieu-St-Ber- 
nard  (1). 

En  mai  1524,  mourut,  à  Blois,  âgé  de  76  ans, 
M.  d'Albret  d'Orval,  gouverneur  de  Champagne  et  Brie. 
€  Très  homme  de  bien  et  bon  français,  >  il  jouit  d'une 
très  grande  autorité  sous  les  règnes  de  Charles  VlH,  de 
Louis  XII  et  de  François  1er.  Peu  après  sa  mort,  Claude, 


(1)  Arcb.  dép.  f.  de  St-Etienne  et  de  Montier-la-CelU. 


328  HISTOIRE  DE  TROYBS.  1835 

comte  et  bientôt  duc  de  Guiso,  fut  nommé  son  succes- 
seur (1). 

Claude  de  Lorraine  était  déjà  gouverneur  de  Bourgo- 
gne. Il  était  fils  de  René  II,  duc  de  Lorraine  et  de  Phi- 
lippe de  Gueldres.  Il  était  marié  à  Antoinette  de  Bour- 
bon, fille  de  François  de  Bourbon,  comte  de  Vendôme  et 
de  Marie  de  Luxembourg.  De  ce  mariage  sortit  la  nom- 
breuse lignée  des  Guise,  qui  joua  un  rôle  si  considérable 
dans  les  affaires  du  royaume,  au  XVIc  siècle.  Le  gouver- 
nement de  Champagne  entre  dans  cette  famille  par  le 
comte  Claude,  et  elle  le  conserve,  presqu'exclusivement, 
jusqu*à  l'avènement  de  Henri  IV.  Ce  commandement, 
dans  la  province,  donne  aux  Guise  une  autorité,  exercée 
avec  une  telle  rigueur,  que  des  luttes  sanglantes  s'en- 
suivirent, comme  rétablira  trop  souvent  le  récit  des  évé- 
nements qui,  bientôt,  se  dérouleront.  Trop  souvent,  par 
ses  membres  tout-puissants,  cette  famille,  d*un  caractère 
hautain  et  altier,  impose  son  autorité  et  sa  volonté  aux 
Troyens  et  aux  Champenois,  qui  ne  les  subissent  qu'à 
regret  et  qui  souvent  y  résistent  avec  fermeté  et  énergie. 

Le  23  juillet  1524,  le  comte  de  Guise  fait  son  entrée 
dans  la  capitale  de  son  gouvernement.  L'artillerie,  grosse 
cl  mcnuo,  est  mise  hors  de  la  ville.  Les  officiers  du  roi, 
ceux  de  la  ville,  les  arbalétriers,  les  arquebusiers  et  tous 
les  jeunes  gens  pouvant  porter  pique  ou  hallebarde,  vont 
à  la  rencontre  de  M.  le  Gouverneur.  La  ville  lui  fail  pré- 
sent d'un  cœur  d'or  semé  de  larmes,  s'ouvrant  et  lais- 
sant voir  un  saint  Claude  et  un  saint  Antoine,  en  argent, 
et  pesant,  le  tout,  plus  de  quarante  marcs.  La  harangue 
de  circonstance  est  prononcée  par  l'avocat  du  roi  :  le 
lieutenant-général  au  bailliage  étant  malade.  Le  gouver- 
neur loge  au  [)alais  royal,  meublé,  pour  la  circonstance, 
aux  frais  de  la  ville  et  où  Ton   conservait  encore  la 

(1)  Journal  d'un  bourgeois  de  Paris,  p.  203. 


I5S5  CHAPITRE  XVL  329 

chambre  au  roi  et  celle  de  la  reine.  La  ville  le  Fournil  de 
vaisselle  et  prit  à  sa  charge  toutes  les  dépenses  de  bou- 
che Faites  par  lui  et  sa  suite,  pendant  son  séjour,  qui 
dura  quatre  jours  (1).  Le  langage  de  Téchevinage  au 
comte  de  Guise  est  empreint  de  rinflucnce  sous  laquelle 
se  trouve  la  population.  Le  maire  lui  expose  la  grande 
pauvreté  de  la  ville  et  de  la  population  suburbaine.  Cette 
plainte,  en  ce  moment,  n'était  point  banale,  car,  outre 
l'incendie,  le  pays  était  <t  chaque  jour  pillé  et  mangé  des 
gens  de  guerre  »  (2). 

Le  guet  et  Tescharguet  continue,  sur  les  remparts, 
pendant  toute  Tannée.  Des  visites  de  police  et  de  sur- 
veillance sont  Faites  à  Textérieur  de  la  ville.  Des  gens  de 
guerre,  d'origine  italienne,  ont  pris  garnison  à  Rouilly- 
St-Loup,  à  Rouillerot,  et  la  garde  de  la  ville  les  oblige  à 
déloger. 

Au  printemps  1525,  le  Conseil  de  ville  ordonne  la 
réédification  de  Tarsenal,  placé  entre  l'église  de  St- 
Nicolas  et  le  beffroi  et  détruit  Tannée  précédente.  Le 
besoin  s'en  Fait  sentir,  afin  d  y  Fondre  et  d  y  préparer 
Tartilleric,  détruite  avec  l'ancien  édifice. 

Une  horde  considérable  de  luthériens  allemands,  par- 
tisans Fanatiques  de  l'égalité  absolue,  a  pris  les  armes. 
Elle  tente  de  Franchir  les  Vosges  et  de  se  ruer  sur  la 
France,  pour  y  détruire  les  églises  et  les  chAteaux. 
Après  avoir  parcouru  l'Allemagne,  celte  bande  insurgée 
se  dispose  à  ravager  la  Lorraine,  la  Bourgogne  et  la 
Champagne,  comptant  sur  la  ruine  de  ces  provinces 
l^our  s'en  emparer.  Le  comte  de  Guise,  après  de  grands 
efforts  pour  réunir  des  Forces  militaires  suffisantes,  les 
l)altit  et  les  dispersa  au  bourg  de  Lupstein  (3),  j)rès  de 
la  roule  do  Saverne  à  Haguenau. 

(1    A.  G.  ;n.  100. 

(2)  A.  0. 

(3)  Canton  et  arron.  de  Saveme  (Bas-Rhin.) 


330  HISTOIRE  DE  TKOYES.  15^5 

De  Doulevant  et  le  3  mai,  le  gouverneur  de  Cham- 
pagne rappelle  qu'il  a  donné  ordre  au  clergé  de  Troyes 
de  veiller  avec  les  habitants  à  la  sûreté  de  la  ville,  à 
cause  du  bruit  de  l'enlrcprise  des  luthériens  et  boute- 
feux.  Comme  ces  bruits  ont  cessé,  le  clergé  est  relevé 
de  cette  charge,  mais  les  habitants  sont  tenus  de  conti- 
nuer €  le  guet  et  porte  >  (1).  La  garde  devient  de  plus 
en  plus  sévère.  On  craint  toujours  m  les  mendians,  ma- 
rots,  bélitres  et  pèlerins.  »  Le  guet  dormant  est  rétabli. 
Les  rues  sont  éclairées  pendant  la  nuit  de  quatre  en 
quatre  maisons  (2). 

La  guerre  d'Italie  se  continue.  Le  22  février  1525 
(v.  st.)  se  donne  la  malheureuse  bataille  de  Pavie,  dans 
laquelle  François  1er  perd  tout,  sauf  Thonneur  et  la  vie. 
Par  sa  lettre  du  jeudi  9  mars,  Madame  Louise  de  Savoie, 
régente,  annonce  aux  habitants  de  Troyes  que  son  fils 
est  prisonnier.  Elle  les  exhorte  à  prendre  à  cœur  les 
affaires  du  roi  et  celles  du  royaume.  Bientôt  après,  elle 
envoie  à  Troyes  un  commissaire  spécial  pour  les  infor- 
mer de  ce  qu'il  est  utile  de  faire  en  celte  malheureuse 
circonstance. 

Après  ce  pénible  aveu  de  l'infortune  du  roi,  le  Conseil 
de  ville  se  déclare  en  pernianenco  et  délègue  une  partie 
de  ses  pouvoirs  à  quelques-uns  de  ses  membres  chargés 
d'nviser,  par  voie  d'urgence,  aux  mesures  à  prendre  <lans 
rinterètde  la  ville  et  de  la  chose  publique.  Puis,  comme 
1  evéque  (iuillaume  Petit  est  à  Sens,  le  Conseil  lui  écrit 
et  lui  demande  con&eil. 

Ce  malheureux  événement  donne  lieu  à  de  nouveaux 
sacrifices  d'argent.  En  1527,  le  président  d'Origny,  ori- 
ginaire de  Troyes,  et  Gaucher  de  Dinteville,  seigneur  de 
Polisy,  bailli,  viennent  à  Troyes  demander  aux  habitants, 


{\)  H.  B.  \Af  carton.  Ire  liasse. 
(2)  A.  8. 


18t8  CHAPITRE   XYl.  331 

on  forme  de  don,  une  somme  de  AjOOO  livres.  Dans  une 
assemblée  générale,  tenue  au  palais  royal,  le  maire  fait 
savoir  aux  commissaires  royaux  que  tous  les  habitants, 
leurs  corps  et  leurs  biens,  sont  au  commandement  du 
roi.  Après  cet  exorde,  il  invoque  la  misère  du  temps 
pour  obtenir  le  retrait  de  la  demande  formulée  par 
MM.  d'Origny  et  de  Dinteville.  Quelques  jours  après,  le 
chancelier  de  France  fait  connaître  aux  maire  et  éche- 
vins  que  si  la  ville  avait  3,000  livres  «  en  une  bourse,  » 
le  roi  tiendrait  quittes  les  habitants,  moyennant  cette 
somme.  Sur  cet  avis,  la  ville  délivra  cette  somme  au 
roi. 

Les  corporations  religieuses,  chapitres  et  couvents 
contribuèrent  à  la  rançon  du  roi  et  des  enfants  de 
France.  Le  Chapitre  de  St-Pierre  vendit  à  cette  occasion 
des  joyaux  et  des  reliquaires  et  celui  de  St-Urbain  donna 
Tingt  écus  soleil  (1). 

Celte  demande  d'argent  ne  fut  pas  la  seule.  En  avril 
1528,  (ap.  Plaques)  Odard  Ilennequin  et  Gaucher  de  Din- 
teville sont  députés  aux  Troyens  pour  obtenir,  toujours 
^  titre  de  don,  la  somme  de  dix  mille  liv.  t.  destinée  à 
servir  à  la  rançon  du  roi  et  à  la  rédemption  de  ses  en- 
fants, le  duc    d'Orléans   et  le   dauphin  de  Viennois,  en 

•  "»tage,  en  Espagne.  Dans  une  assemblée  générale,  Panta- 
I  éon  le  I^elelrat  représente  aux  commissaires  royaux  la 
j>aiivreté  de  la  ville.  Les  amples  remontrances,  qui  sont 
ï^oinises  entre  ses  mains,  tendent  à  obtenir  la  réduction  de 
WTioitié  sur  la  somme  demandée.  Il  fit  appuyer  son  élo- 
c:|uence  du  crédit  du  Couvcrneur,  près  de  Madame  Louise, 
«  Ju  chancelier  Duprat  et  de  M.  le  Cardinal   de  Lorraine  ; 

•  juclle  qu'ait  été  la  valeur  des  moyens  invoqués  par  le 
«  léputé  troyen,  il  fallut  se  décider  à  payer  les  dix  mille 
livres.  Cette  somme  fut  lovée,  à  Troyes  comme  à  Paris, 

(1)  GouRTÂLON.  Topog,  t.  I,  p.  100,  et  t.  u,  p.  120. 


332  HISTOIRE  DE  TROYBS.  f» 

sur  les  maisons.  Celle  forme  de  conlribulion  fut  décidée 
dans  une  assemblée  générale  où  toules  les  corporations 
étaient  représentées. 

Si  la  ville  et  la  campagne  ne  sonl  pas  inquiétées  par 
les  ennemis  du  roi  cl  du  royaume,  ce  sont  ceux  qui  sont 
chargés  de  les  défendre  qui,  aulour  de  Troyes,  commet- 
tent les  plus  grands  abus.  En  1525,  la  ville  est  entou- 
rée de  gens  de  guerre  italiens,  placés  en  garnison  à 
Bouilly,  à  Souligny,  à  Fontvannes,  puis  sur  la  rive  droite 
de  la  Seine,  depuis  le  Pont-Hubert  jusqu'à  Chauchigny 
et  sur  la  rive  gauche  au  Pavillon,  à  St-Mesmin  etc.  Le 
Conseil  de  ville  s'oppose, en  raison  de  rapproche  des  ven- 
danges, à  un  plus  long  séjour  des  troupes  à  Bouilly, 
Souligny,  etc.  Il  obtient  du  Gouverneur  que  ces  garni- 
sons seront  reportées  à  quatre  lieues  de  la  ville. 

Les  gens  de  guerre,  établis  sur  la  rive  droite  et  placés 
sous  le  commandement  du  capitaine  Bellejoyeuse,  se 
livrent  au  pillage  et  rançonnent  les  paysans,  font  des 
prisonniers  au  Pont-Hubert  qu'ils  ont  dévasté.  Pour- 
chassés, ces  italiens  se  dirigent  sur  Dijon.  Les  troyens 
les  poursuivent.  Arrêtés  en  Bourgogne,  ils  sonl  contraints 
de  restituer  ce  qu'ils  ont  pillé  ol  de  mettre  en  liberté 
leurs  prisonniers. 

De  Tannéo  1523  paraît  dater  l'apparition,  à  Troyes, 
des  premières  mesures  prises  pour  arrêter  les  idées  de 
la  réforme».  D'un  ccMé  l'évèque  Guillaume  Petit  fait  ses 
eflbrls  pour  entraver  la  propagation  des  idées  et  des  li- 
vres luthériens;  en  mai,  il  écrit  h  tous  les  curés  de  sa 
juridiction  pour  leur  enjoindre  de  défendre  à  leurs  parois- 
siens de  lire  ou  de  soutenir  aucune  des  opinions  do 
Luther  et  de  conserver  à  leur  domicile  les  livres  du  ré- 
formateur. D'un  autre  cùté,  l'échevinage  veut  contrain- 
dre le  clergé  à  reprendre  part  à  la  garde  de  la  ville  et  à 
donner  secours  t  en  cas  d'entreprise  de  la  part  des  luthé- 


i527  CHAPITRE   XVI.  333 

riens  el  des  gens  de  guerre  dont  le  pays  est  plein  fl).  » 
Le  clergé  résiste.  En  1527,  des  lettres  adressées 
en  ville  font  savoir  que  «  les  luthériens  ont  entrepris  de 
bouter  le  feu  dans  le  royaume  et  dans  la  Lorraine.  >  Les 
membres  du  clergé  sont  de  nouveau  convoqués  à  faire  le 
guet  et  s*ils  font  défaut,  il  en  est  pris  note  «  pour  les 
muicter.  >  Dans  les  mêmes  jours,  il  est  signifié  défense 
aux  cordcliers  et  aux  jacobins  de  ne  recevoir  aucunes 
|>ersonnes,  munie  de  leur  ordre,  sans  les  connaître,  à 
peine  d'ôlre  réputés  rebelles  et  désobéissants  au  roi  et  à 
justice. 

En  1527,  Guillaume  Petit  permute  avec  Odard  Henne- 
quin,  récemment  nommé  évoque  de  Senlis,  celui-ci  vient 
à  Troyes,  sa  ville  natale,  et  Guillaume  Petit  prend  pos- 
session du  siège  de  Senlis  (2). 

Odard  Hennequin  est  né  à  Troyes  en  1485.  Il  était  fils 
do  Jean,  seigneur  de  Lantages,  et  de  Jeanne  Baillet  (3). 
il   fut  d'abord   chanoine    de  la  cathédrale,  aumônier  de 

François  \^^^  qui  le  dota  de  l'abbaye  de  Vertus,  de  celles 
de  Saint-Loup  et  de  St-Martn-ès-aires  de  Troyes  et  des 

deux  prieurés  de  St-Sépulcre  et  de  la  Celle-sous-Chante- 
merlo.  Nommé  à  Tévèché  de  Senlis  en  1526,  le  28  mars 
1527,  il  faisait  à  Troyes  son  entrée  solennelle 

L'ancien  cérémonial  pratiqué  à  Tabbaye  de  Notre- 
Dame-aux-Nonnains,  lors  de  l'entrée  solennelle  de  Té- 
véque  à  Troyes,  subit  à  celle  d'Odard  Hennequin,  des 
modifications.  Les  religieuses,  suivant  une  réforme  nou- 
velle, étaient  cloitrées.  Elles  ne  purent,  abbesse  et  reli- 
{fieuses,  sortir  de   leur  maison  pour  aller  au-devant  du 

(1)  A.  6. 

(2)  Alors  qu'il  était  évoque  de  Senlis  el  confesseur  du  roi,  il  tra- 
duisit, |>our  Marguerite  de  Valois,  {es  Heures  en  langue  française^ 
aW>gi^cs  de  tout  ce  qu  on  arguait  de  superstition,  (H.  Martin.  Hist, 
des  frança's^  t.  viii,  p.  181.) 

(3)  Généalogie  île  la  famille  Hennequin  —  mnsc.  possédé  par  la 
famille  de  M*  Gorrard  de  Breban,  déjà  cité. 


334  HISTOIRE  DE   TROYES.  \w 

nouvel  évoque.  Elles  se  firent  rcmpiacerparles  chanoi- 
nes attachés  au  couvent.  Le  lendemain,  Tabbesse  députa 
en  sa  place  Tabbé  de  Clairvaux,  pour  faire  la  présenta- 
tion de  l'évêque  au  cierge  de  Troyes,  ce  qu'elle  ne  pou- 
vait plus  Faire,  ainsi  que  de  coutume  et,  après  la  lecture 
de  la  formule  relative  au  maintien  des  privilèges  du  cou- 
vent, le  nouveau  prélat  prela  le  serment  accoutumé  (1). 
La  première  année  de  son  épiscopat  à  Troyes,  Odard 
Hennequin  assista  à  une  assemblée  du  clergé,  tenue  à 
Paris  et  dirigée  contre  Luther.  L'année  suivante  et  dans 
la  même  ville,  au  concile  réuni  dans  le  même  but,  il  pu- 
bha  des  statuts  synodaux  qui  furent  dressés  par  son  of- 
ficiai, Jean  Collet.  Ceux  ci  renouvellent  en  grande  partie 
les  règlements  de  ses  prédécesseurs,  Henry  de  Poitiers, 
Jean  Braque,  etc. 

Etienne  Format,  ayant  fait  sa  fortune  dans  le  com- 
merce et  citoyen  de  la  ville  de  Troyes,  obtient  du  roi  l'au- 
torisation d'élever  à  Montgueux,  dont  il  est  le  seigneur, 
(et  on  il  est  enterré  dans  l'une  des  chapelles  de  Téglise), 
forteresse,  pont-levis,  tours  et  tourelles.  iMais  cette  auto- 
risation fut  subordonnée  à  la  visite  des  officiers  du  roi  et 
de  ceux  de  la  ville. 

Le  Conseil  de  ville  s'émeut  de  l'état  de  l'adminis- 
tration des  hospices  et  maisons-Dien,  surtout  en  ce 
qui  touche  la  principale  de  ces  maisons,  l'Hôtel-Dieu-le- 
Comte  Les  deniers  en  sont  mal  employés  ;  le  service 
divin  n'y  est  plus  célébré  ;  les  pauvres  ne  sont  pas  se- 
courus ;  les  malades  ne  sont  ni  pansés,  ni  soignés,  les 
volontés  des  bienfaiteurs  ne  sont  pas  exécutées.  Ces  faits 
ne  sont  que  trop  exacts.  Néanmoins  le  comte  de  Guise, 
gouverneur  de  Champagne,  invite  Téchevinage  à  laisser 
en  paix  les  maître,   frères  et  sœurs  de  l'HôteL  Dieu-ie- 


(1)  Camusàt.  Promptuarium,  f"  225.  Procès-verbal  de  la  cérémo- 
nio. 


1^  CHAPITRE  XVI.  335 

Comte.  Le  temps  de  la  réronno  dans  cette  maison  est 
proche,  mais  en  1526,  Theure  n*a  pas  encore  sonné  (l). 

La  consommation  de  la  tuile,  de  la  brique  et  des  car- 
reaux de  craie  se  développe  à  Troyes,  après  Tincendie  de 
1524.  Le  Conseil  s'émeut  des  fraudes  qui  s'exercent, 
parait-il,  dans  leur  fabrication.  Il  décide  qu'il  sera  fait 
€  un  calibre  moulé  et  un  patron.  »  L'abbé  de  Montiéra- 
mey,  sur  le  territoire  do  qui  se  trouvent  la  plupart  des 
tuileries  et  briqueteries  fournissant  la  ville  de  Troyes,  est 
prié  de  veiller  à  Texécution  de  ce  nouveau  règlement,  ce 
que  Tabbé  promet  de  faire.  Après  avoir  recueilli  les  avis 
des  praticiens,  couvreurs  et  maçons,  le  Conseil  arrête 
les  dimensions  des  tuiles,  des  briques  et  des  carreaux  de 
craie  de  la  manière  suivante  :  la  tuile  aura  un  pied  et 
un  doigt  de  main  en  longueur,  demi-pied  de  largeur,  un 
bon  doigt  d*épaisseur  ;  —  la  brique,  un  pied  de  roi  de 
longueur,  demi-pied  de  largeur,  demi-quart  de  pied  d'é- 
paisseur; —  le  carreau  de  craie,  un  pied  et  demi-quart 
de  longueur,  trois  quarts  de  pied  d'épaisseur,  un  pied  de 
Jargeur.  On  trouve  encore  à  Troyes,  formant  des  dessins 
"\'ariés,le  mélange,  en  construction,  de  briques  et  de  car- 
x*eaux  de  craie  (2). 

L'existence  des  forges  de  Vendeuvre  est  encore  cons- 
tatée en  1531.  On  doit  croire  que  la  cessation  de  leurs 
ffeux  date  à  peu  près  de  1540. 

Il  sortait   des    usines   de  Vendeuvre  des   canons  et 

s  boulets,  des  voguelaires  et  des    bombardes,    de  la 
bnte,  du  fer  et  de  l'acier. 

Ce  n'est  certainement  pas  l'épuisement  du  minerai,  le 
marasme  ou  le  défaut  d'industrie,  l'absence  de  besoins, 

(i)  A.  8. 

(2)  Didron,  dans  ses  Annales  archéologiques,  a  reproduit  plu- 
sieurs de  ces  dessins.  Le  moyen-àgc  nous  a  laisse  quelques  échantil- 
lons de  tuiles  d'un  grand  modèle.  On  les  connaît  encore  sous  le  nom 
^e  :  Tuiles  du  comte  Henri, 


336  HISTOIRE  DE  TROYES.  |S8g 

qui  firent  cesser  Tcxploi talion  des  forges  de  Vendeuvre 
et  éteindre  leurs  feux,  mnis  bien  Tépuisenient  et  le  défri- 
chement des  forêts,  amenés,  d'une  part,  parles  abus  des 
usagers,  d'autre  part,  par  la  ruine  de  Louis  de  Luxem- 
bourg et  d'Antoinette  d'Amboise,  alors  seigneur  et  dame 
de  Vendeuvre,  qui  aliénèrent  une  grande  partie  de  leur 
seigneurie,  notamment  les  forêts  entourant  les  for- 
ges de  toutes  parts;  et  ces  forges  s'éteignirent,  par  suite 
des  défrichements  qui  s'opérèrent  alors.  L'aliénation  des 
forets  ou  de  leur  emplacement,  —  fait  à  signaler,  —  eut 
lieu  surtout  au  profit  des  habitants  de  Troyes,  enrichis 
dans  le  commerce  et  qui  se  créèrent,  par  ces  acquisitions 
(*i  les  concessions  dont  elles  étaient  accompagnées,  de 
nombreux  fiefs.  Devenus  simples  fermes,  celles-ci  furent 
abandonnées  au  commencement  du  siècle,  et  aujourd'hui 
leurs  vastes  terrains  sont  de  nouveau  couverts  par  de 
belles  et  grandes  forets  de  chênes. 

En  novembre  et  décembre  1528,  les  courses  des  gens 
de  guerre  et  mauvais  garçons  paraissent  continuelles. 
Le  duc-gouverneur  (1)  et  son  frère,  le  cardinal  de  Lor- 
raine, sont  en  Champagne.  Ils  tiennent  la  province  et 
poursuivent  ces  pillards.  De  Bar-sur-Aube,  le  duc  écrit 
aux  maire  et  échevins  de  Troyes  de  tenir  prêts  de  bons 
compagnons.  Les  deux  frères  sont  à  Troyes  vers  la  fin 
de  novembre  et  y  séjournent  jusqu'au  commencement 
du  mois  suivant  (2). 

Kn  janvier  152i,  le  roi  ordonne  que  les  lettres  et 
contrats  reçus  par  les  gardes  et  notaires  des  foires,  se- 
ront conservés  par  le  tabellion.  Le  Conseil  de  ville 
décide  que  la  ville  se  joindra  aux  officiers  des  foires 
pour  cnipêchcr  l'exécution  des  lettres  royales.  Dans  la 
même  année,  un  débiteur  obtient  du  roi  lettres  de  répit 


(i)  Claude,  comte  de  Guise,  fut  fait  duc  de  Guise  en  1527. 
(^)  A.  8.  ;B.  107. 


1529 


CHAPITRE  XVI.  337 


pour  un  délai  de  deux  ans.  Ces  lettres,  soumises  5  Ten- 
térinemenl  du  bailliage,  sont  .combattues  parles  créan- 
cieps,  soit  à  cause  des  dettes  de  foires,  soit  à  cause  de 
dettes  d'autre  origine.  Ceux-ci  prétendent,  avec  le  garde 
des  foires  et  le  Conseil  de  ville,  que  ces  lettres  sont  dé- 
livrées contre  le  bien,  le  profit,  l'honneur  et  Futilité  de 
la  ville  et  de  la  chose  publique;  que  jamais  pareille  de- 
mande n'a  été  accordée  :  les  dettes  de  foires  étant  privi- 
légiées et  non  susceptibles  de  répit.  En  1529,  sur  la 
proposition  de  Pierre  Lebé  et  de  Guillaume  Hennequin, 
échevins,  le  Conseil  de  ville  s*oppose  encore  à  Tenregis- 
trement  au  bailliage  d'une  lettre  royale  autorisant,  par 
un  débiteur,  la  cession  de  ses  biens  à  ses  créanciers, 
pour  dettes  de  foires.  Tout  fait  croire  que  les  privilèges 
des  foires  sont  maintenus  et  que  les  débiteurs  sont  mis 
en  prison.  La  cession  de  biens  pour  dettes  de  foires 
ne  paraît  admise  qu*à  partir  du  16  mars  154i(v.  st.)(l). 
Le  Conseil  de  ville  a  déjà  poursuivi,  soit  l'annulation, 
soit  le  dégrèvement  des  droits  dits  :  des  Hauts- Passages, 
de  la  Foraine^  de  la  Rave  ou  de  la  Ravenne^  droits  de 
douane  ou  de  péage  levés  aux  limites  de  la  province,  à 
Chaumont,  à  Dijon,  à  Sens,  à  Vitry,  à  Chàlons,  à  Reims, 
à  Laon,  etc.  La  ville  rachète  les  droits,  dans  certains 
lieux,  s*en  rend  adjudicataire  dans  d'autres;  dans  d'au- 
tres encore,  elle  subit  certains  procès,  soutenant  la  fran- 
chise de  ses  foires.  Ainsi,  en  octobre  lOS^,  la  ville  de 
Troyes  demande  que  les  marchandises  dirigées  sur 
Troyes,  pour  la  foire  que  François  1er  lui  a  accordé,  soient 
franches  des  droits  des  hauls-portset  passages  du  bailliage 
de  Chaumont,  tandis  qu'elle  traite  avec  les  fermiers  des 
hauts-passages  de  Vitry-en-Perthois,  moyennant  1 25  liv.  t. 
Elle  se  rend  adjudicataire,  en  janvier  1526  (  v.  st.),  des 
hauts-passages  du  Vermandois,  moyennant  3,340  livres, 

(1)  Arch.  mun.  anc.  fond.  Lay.  77.  7«  dossier. 

ni.  22 


388  HISTOIRE   DE  TROYES.  i»» 

pour  deux  années.  Elle  installe  des  agents  qui  lui  ren- 
dent compte  des  recettes  et  ont  mission  de  laisser  passer 
en  franchise  les  marchandises  dirigées  sur  les  foires  de 
Troyes.  En  juin  suivant,  Nicolas  le  Tartrier  se  rend,  pour 
la  ville,  adjudicataire  de  la  ferme  de  la  Rave,  au  bail- 
liage <le  Sens,  moyennant  120  livres,  et  les  marchan- 
dises, venant  aux  foires  d'octobre  et  de  mai,  passent  en 
franchise  dans  ces  détroits.  La  Chambre  des  Comptes  de 
Bourgogne,  en  août  1528,  parait  se  contenter  de  la  com- 
munication des  lettres  de  concession  des  foires,  pour 
accorder  la  franchise  réclamée  par  les  Troyens.  Dans  la 
même  année,  la  ville  traite  avec  le  fermier  de  la  Rave  et 
de  rimposition  foraine  du  bailliage  de  Chaumont,  —  et 
ce  fermier  n*est  autre  que  Tévêque  de  Béziers,  —  en  lui 
offrant  50  écus  d'or  c  en  six  tabliers  (nappes)  et  dix 
douzaines  de  serviettes  bonnes  et  honnêtes.  > 

Les  envoyés  troyens  reviennent  après  avoir  fait  ac- 
cepter le  don  de  la  ville  et  avec  rengagement  de  Té- 
vêque  de  Béziers  de  laisser  passer  les  marchandises  en 
franchise.  Enfin,  en  1521,  la  ville,  n'ayant  pu  se  rendre 
adjudicataire  de  la  ferme  de  la  Rave,  à  Sens,  paie  au  rece- 
veur 50  liv.  pour  deux  ans  et  pour  le  même  motif.  Par  ces 
indications  on  peut  remarquer  que  les  Flandres  et  le  Nord 
de  l'Europe  sont  les  contrées  dont  leshabitans  fréquentent 
alors  le  plus  souvent  les  foires  de  Troyes. 

Les  habilans  de  Troyes  s'efforcent  de  secouer  les 
vieilles  entraves  qui  gênent  la  liberté  commerciale.  Déjà, 
de  1500  à  1510,  la  ville  a  fait  de  nombreux  traités  dans 
ce  but.  Elle  a  transigé  avec  Tévêque,  à  l'occasion  du  droit 
levé  sur  les  fers  entrant  par  la  porte  du  pont  ferré, 
moyennant  une  rente  ;  en  décembre  1530,  la  ville  ra- 
chète  cette  rente  moyennant  600  liv  et,  à  partir  de  ce 
jour,  les  fers  entrent  en  ville  francs  de  droits  (1). 

(1)  Ârch.  mun.  anc  f.  liasse  26^. 


1589  GHAPfTBE  XVI.  389 

Le  Chapitre  de  St-Pierre  prétend,  en  1529,  avoir 
droit  de  noinage  (inesurage)  sur  le  blé  vendu  sur  la 
place  du  marché  le  jeudi  absolu  ou  Jeudi-Saint.  Le  Con- 
seil, sur  cette  prétention,  fait  savoir  aux  chanoines  qu'il 
ne  les  empêche  pas  de  faire  la  levée  de  ce  droit,  s'ils  le 
peuvent.  Le  Chapitre  a-t-il  essayé  de  percevoir  le  droit 
qu'il  réclame  ?  c'est  possible.  Toujours  est-il  que,  peu 
après,  le  Conseil  s'oppose  à  sa  levée.  Les  titres  n'avaient 
sans  doute  rien  de  bien  certain,  ou  la  levée  de  ce  droit 
était  tombée  en  désuétude. 

Nicolas  CoifTart  est  titulaire  d-un  droit  dit  :  de  marte^ 
loge  et  de  eharhonnerie  dû  par  les  maréchaux,  serruriers, 
aiguilletiers  et  autres  artisans  besognant  au  marteau  et 
usant  du  charbon.  Le  Conseil  de  ville  provoque  les  tri- 
butaires à  participer  à  son  rachat.  Le  18  avril  1536,  ce 
droit  est  racheté  par  la  ville  moyennant  160  liv.  et  il  de- 
meure à  jamais  éteint  (1). 

Tous  les  droits  perçus  sous  la  dénomination  de  droits 
de  la  vicomte  ne  sont  pas  encore  complètement  rache- 
tés et  supprimés.  Le  30  avril  1510,  la  ville  avait  consti- 
tué une  rente  annelle  et  perpétuelle  de  25  liv.  au  Cha- 
pitre de  St-Etienne  pour  la  portion  qui  lui  appartenait. 
Le  27  août  1528,  la  ville  rachète  cette  rente  moyennant 
la  somme  de  500  liv.  Elle  rachète  aussi  définitivement  les 
droits  du  sous-chantre  de  ce  Chapitre  moyennant  200 
liv.  et  ceux  des  chapelains  de  Ste-Hélène  et  de  Sainte- 
Hoïlde  moyennant  la  somme  principale  de  120  liv.  et 
l'abandon  des  droits  appartenant  à  la  Maladrerie  des 
Deux-Eaux. 

Le  12  octobre  de  la  même  année,  le  Chapitre  de  St- 
Urbain  qui  jouissait  d'un  rente  annuelle  de  8  liv.  pour 
deux  parts  dans  la  ferme,  dite  du  pied  fourchu,  ails  et 
oignons,  et  de  20  liv.  aussi  de  rente  sur  le  minage  des 

(i)  Arch.  mun.  anc.  f.  liasse  26c,  etn.  f.  A.  9. 


340  HISTOIRE   DE  TROYES.  1531 

grains  vendus  au  marché,  cède  ces  rentes  à  la  ville,  la 
première  moyennant  160  liv.  et  la  seconde,  au  prix  de 
240  liv.,  à  la  condition  expresse  que  les  anciens  droits 
ne  seront  plus  perçus  et  demeureront  à  jamais  éteints  et 
supprimés.  Par  le  traité,  le  Maire  et  les  Echevins  remet- 
tent à  ce  Chapitre  la  rente  d*un  septier  de  froment  que 
Téglise  de  St-Urbain  devait  à  la  Léproserie  (1). 

Le  4  janvier  1526,  la  ville  rachète  d'Edmond  Griveau 
la  portion  qu'il  détient  de  la  Vicomte,  soit  un  douzième, 
moyennant  la  somme  de  300  liv.  et  le  premier  juillet 
1531,  de  Philibert  de  Beaujeu,  Baron  de  Lignières,  la 
tierce  partie  de  la  Vicomte  dont  il  est  titulaire,  moyen- 
nant 350  écus  d'or  au  soleil.  Sa  femme,  Catherine  d'Am- 
boise,  ratifie  ce  traité  le  6  du  même  mois  (2).  Ce  rachat 
a  lieu,  comme  le  dit  le  Conseil,  <  afin  d'affranchir  de 
plus  en  plus  la  ville  de  Troyes.  > 

Le  domaine  royal  prend  part  dans  les  droits  perçus 
sous  le  nom  de  Vicomte  pour  deux  douzièmes.  Cette 
portion  est  encore  rachetée  dans  le  même  but  par  l'é- 
chevinage  (3). 

En  1531,  la  ville  est  encore  en  instance  près  du  Cha- 
pitre de  St-Etienne  pour  se  faire  céder  certain  droit  de 
rouage  levé  à  son  profit  aux  portes  de  la  ville,  sur  les 
vins  entrant  en  ville  et  la  levée  de  ce  droit  cesse  vers 
cette  époque.  Enfin,  quelques  années  auparavant  ("1526), 
les  habitans  et  les  marchands  de  Troyes  sont  reconnus 
francs  du  péage  du  Pont-Hubert,  appartenant  aux  véné- 
rables chanoines  de  St-Etienne  (4). 

Le  maire,  en  vertu  des  pouvoirs,  résultant  des  char- 
tes de  création  de  Téchevinage,  sur  les  cours  d'eau  de  la 

(1)  Arch.  mun.  anc.  f.  liasse  26.  L'acte  capitutaire  est  encore 
scellé  du  sceau  du  Chapitre  en  bon  état  de  conservation. 

(2)  Môme  liasse. 

(3)  B.  112. 

(4)  A.  8. 


1584  CHAPITRE    XVI.  341 

ville  et  sur  celui  de  la  Seine,  déclare  en  1534  que  les 
moulins  à  papier  et  les  autres  établissements  industriels 
ne  marcheront  pas,  en  temps  de  basses  eaux.  Ces  établisse- 
ments sont  subordonnés  aux  besoins  généraux  de  la  ville 
et  à  ceux  des  moulins  à  blé.  Ce  principe,  appliqué  au 
moins  dès  cette  époque,  ne  perdra  ni  desa  force,  ni  de  sa 
valeur  pendant  plusieurs  siècles. 

L'administration  urbaine  se  préoccupe  toujours  de  la 
voirie.  L'édit  du  19  avril  1510  a  défendu  Télévation 
d'aucune  construction  avec  plus  d'un  ligneau  et  a  con- 
damné les  allours  sur  les  rues.  Cette  règle  est  maintenue 
en  droit  et  le  plus  souvent  en  fait.  Les  alignements  des 
rues  sont  aussi  prescrits,  mais  nous  sommes  encore  té- 
moin des  nombreuses  exceptions  apportées  dans  l'ap- 
plication rigoureuse  du  règlement,  même  après  l'incen- 
die de  1524.  Les  Maire  et  Ëchevins  semblent  se  réserver 
pour  eux-mêmes,  cette  partie  des  anciennes  prérogatives 
des  voyeurs  qui  donnaient  les  alignements  sous  leur 
responsabilité.  Le  nivellement  des  rues  est  ordonné.  Un 
grand  nombre  de  rues  sont  pavées,  notamment  celle  du 
faubourg  de  Preize  et  le  gros  chemin  de  Paris  ou  chemin 
de  Lyon,  qui  n'est  autre  que  la  chaussée  établie  pour 
traverser  la  contrée  marécageuse  des  Marots.  Le  Conseil 
de  ville  veut  affermer  les  boues  de  la  ville,  si  ceux  qui 
quêtent  les  fumiers  ne  les  enlèvent  pas  régulièrement  (1). 

Sous  peine  d'amende  et  de  prison,  il  est  interdit  aux 
maçons  de  ne  plus  dresser  dorénavant  aucune  maison 
avec  mureaux  pour  y  faire  du  feu  dans  la  crainte  des  in- 
cendies (2).  La  démolition  des  mureaux  et  des  chemi- 
nées en  bois  est  toujours  ordonnée  (3). 

Eu  1534,  les  maisons  brûlées  en  1524  et  en  1530,  ne 

(i)  L'hôpital  de  St-Âbraham  comptait,  dans  ses  revenus,  la  ferme 
des  fumiers  levé5  sur  la  place  du  marché  au  blé. 
(t)  J.  2  septembre  1534. 
(3)  B.  118. 


34â  HISTOIRE  De   TllOYES.  fat| 

sont  pas  toutes  reconstruites  et  le  comblement  des  caves, 
puits  et  pertuis  est  ordonné  jusqu'au  niveau  des  rues. 

La  ville,  éclairée  en  cas  d*émotion  populaire  ou  do 
crainte  de  g^ens  de  g^uerre,  Test  aussi  en  temps  de  foire  (1  ) 
L*édilité  troyenne  Tait  établir  des  retraits  publies  dans 
plusieurs  endroits.  Ce  qui  peut  étonner,  c'est  de  voir  ces 
réduits  appelés  chambres  du  roi  (2). 

A  partir  de  1527,  la  ville  se  fait  un  revenu  des  faux- 
fossés,  elle  les  aliène  à  titre  de  cens  et  à  la  charge  de  les 
combler,  aOn  que  Tennemi  ne  puisse  pas  s'en  servir  con- 
tre la  ville  ni  s'y  abriter  (3). 

Les  travaux  exécutés  par  la  ville  et  diligentes  par  ses 
soins  au  passage  de  Courterange,  ont  mis  la  traversée  de 
la  vallée  de  la  Barse  en  état  d'être  facilement  pratiquée. 
Les  troycns  considèrent  ce  passage  comme  étant  dans 
\euv  détroit.  Ils  demandent  au  roi,  l'autorisation,  qui  leur 
est  accordée  le  9  décembre  1535,  de  lever  à  ce  pas- 
sage 3  s.  4  s.  par  queue  do  vin  et  5  sous  par  muids  tran- 
tain  (4).  Celte  levée  d'un  droit  de  péage  dura  pendant 
au  moins  la  plus  grande  partie  du  XVI«  siècle. 

Le  manque  de  récoltes  fait  enchérir  les  blés  et  les 
autres  substances  alimentaires.  Les  règlements  relatifs 
à  la  peste,  que  l'on  a  vu  reparaître  à  plusieurs  fois  de 
1508  àl538,  défendent  l'entrée  en  ville  des  laines  et  du 
vieux  linge.  Aussi  y  a-t-il  «  émotion  cl  mutinerie  popu- 
laire. >  Les  ouvriers  drappicrs  et  les  papetiers  manquent 
d'ouvrage  ;  ils  mendient  de  porte  en  porte.  >  Ils  mena- 
cent les  habitans  aisés  et  disent   «  qu'il  est  temps  de 

(1)  B.  107. 

(2)  Il  existe  pncorc,  à  l'angle  de  la  rue  de  la  Pie  et  de  celle  des 
Trois  Groclu'ts,  une  maison  portant,  à  son  principal  poteau,  un  écus- 
son  roval,  «iont  le  dessin  remonte  au  xvi"  siècle.  Là,  il  veut  des  re- 
traits  publics.  Est-ce  de  ce  fait  que  provient  ceUe  appeUation  aa 
moins  bizarn^  V 

.:^  A.  îS.  ft  (),  3,  t,  5,  i;  ri  7  ;  do  15:>7  à  ïbl^K 

(:   h.  i:.:. 


1584  CHAPITRE  XVI.  343 

»  rompre  les  greniers  de  Troyes  et  autres  paroles  sédi- 
tieuses et  scandaleuses,  i  Le  Conseil  s'efforce  de  calmer 
ces  clameurs  inquiétantes,  en  autorisant  la  rentrée  en 
ville  des  matières  premières,  prohibées  momenta- 
nément. 

Toujours  dans  la  crainte  delà  peste,  en  153i,rentrée 
des  vagabonds  et  des  mendiants  est  interdite  en  ville. 
Les  portiers  veillent  à  ne  laisser  passer  aucuns  draps  de 
lit,  plumes,  robes,  cotillons,  pourpoints,  peaux  en  poil  ou 
en  laine  et  vieux  chiffons  venant  de  Langres,  de  Ghau- 
mont,  de  Brienne,  Vitry-en-Perthois,  Châlons,  Auxerre, 
St-Mards  et  des  environs  de  la  Seine,  de  Troyes  à  Bar- 
sur-Seine.  La  peste  étant  à  St-Mards,  des  habitans,  étant 
venus  à  Troyes  vendre  de  vieux  habits,  furent  d'abord  in- 
carcérés dans  les  tours  Gharlemagne  et  Barbazan,  puis, 
attachés  à  une  charrette,  fouettés  dans  la  ville  par  le 
fermier  des  menues  amendes  et  par  Texécuteur  des  hau* 
tes-œuvres,  libéralement  récompensés  des  deniers  de  la 
ville  pour  les  avoir  bien  fouettés.  Cet  interdit  prononcé 
en  juin,  n*est  levé  qu'en  novembre. 

Les  tumeurs  qui  caractérisent  la  maladie  de  1518  à 
1524,  ne  se  font  pas  voir  pendant  l'épidémie  de  1529  et 
de  1531.  Cette  épidémie  était  connue  sous  le  nom  de 

Trousse-Galant. 

« 

Les  grains  manquent  jusqu'à  la  récolte  de  1532  (1). 


(1)  BouTioT.  Recherches  sur  les  anciennes  pestes  de  Troyes^  1857. 
56  pages. 

Un  édit  royal  défend  de  vendre  le  blé  ailleurs  qu*au  marché.  Du- 
rant les  deux  premières  heures,  la  vente  doit  se  faire  exclusivement 
«  au  populaire  »  et  ensuite  aux  boulangers  et  regratiers.  Ces  pres- 
criptions sévères  sa  reflètent  dans  les  ordonnances  locales.  Des  pour- 
suites sont  ordonnées  contre  a  les  monopoleurs  »  achetant  les  grains 
en  grange  et  sur  pied.  Toutes  ces  mesures  essentiellement  transi- 
toires se  modifient  selon  Tabondance  ou  la  faiblesse  des  récoltes.  En 
lo35,  le  commerce  et  l'exportation  des  blés  de  province  à  province 


«*  -  r-     -     -r-ii   -._-    L^iS^-r^  to-tcoii  10^^30111?»  et  de 

.  •  -*    -r.  ..  ij^..  ^,   ^  iTSii-  ,pirrjiigt  «ftîiiicf  «Tœuvre, 

''-"■?  ..     -rr:.-ïs.ï_-^  i!  .tàI  s    «^iTS  naûTC».  —  Les 

:--    -.   -..        -î=-=r_  r-'    lU^  lif  iif'x:!  *>o  trois 

':—.:.     -    -  -  :._-   .-:•-•      '-Tc^  t^it  ik  3ia«»  publi- 

-r-.    —    '    j    -    -:-^    -    V  r  -=    iîirr--  3iil»*rjî*  aa  mar- 

-     ...  --    ::>•::    .*'j:  :— l:r»=-* -.  111:1  béLstrières 

-   ?-    -:  .:'    X-:   '^r.^    -   -  :^  ^f^ne  tu  «intîc  — Défense 

--•    •..':•  :-  -    '  -r  j—    :Tit-^  -   a?  s-inr  &t  ia  «ietneure 


1^  .-'•'  I  *  [.--  :-riL"^-*  î»a'  tfî-  it'!!aii:«**î%  loin  d'être 
xi;:-ît   .in.     -i'    Lrt^ii'r  L  c'y-'îiû*.    tf '.Vckseîi  de  tîHc 

!î«    -f.::-  •  -  :•-  "-»-•'::.-  v'^w  n  h:ti\uDUif  -k  ^f%jAuii  k  la 
iiUiî-^-.^'r   ^     i:;     -  -L  i4'eiltRi'    Lers-    JlilLj.teiKtn     I).  Le 

.•'i.iT     ?.  ..:•:    :-    -.1  —    "--i.:  a.  T•i^-â'  prêter  son  con- 

:«:.'î  t    .  r:  :.-  ■  .:  i^r     i:::i    l  KitfOfr  i»  ^iins  dont  on 

ci:  /'  ;  :  •  :  '^t^l'    :-sj  i  2.  1  -it:*!.?*- ::iap&  ayant  levé 

'.'t   :  ••—.'•    "  .  'r  -}     '^ll:  .t  jt.t:  Aif^-r.-r-  chacun  peul 

,-    --    ï    •     ::  i'"     tt    •■:  rir.anoe  de  Louis 

•  :  :  :  .  ■      *     i-  :  t'.f .'  :-->  Mes  en  verl. 

•        -  -  .•     ■?  .  ~..se<  collégiales  et 

.  .-.      f   •     ^  f   >->       r"ii  :  f-r '5  et  aumônes 

■  .     :  '  l'.Tf  :  .r.  :  ::  '  -  :i   peut  cri»ire 


\    - 


^    • 


•  -.'P* 


■<   *     ;;-'■».     • 


.'.-^r    .1    •:-:r  >:  Î3  marée  traîchc. 


.    r-ri.r.i"^"^  :■»  YJherf-Coterets  pres- 

■f  r- .'-.-    ::>  :r.\   i«  W«,  vins  et  four- 

:-•.  r    r.  t-va]*.  iVesl  dans  cet  acte 

•  ::  !i  :ri^rvuni!e  ••fticielle.  ISAMBEKT. 


-1'  ■•.*   ?      '  •/•■!        ;   -T.  : .    ■..;. 


1581  CHAPITRE   XVI.  345 

II  donne,  pendant  plusieurs  années  et  dans  ce  but,  une 
somme  d'argent  au  chasse-marée.  Voulant  offrir  du  pois- 
son au  due  de  Guise  et  au  duc  de  Luxembourg,  il  envoie 
chercher  des  saumons  à  Bassou  (canton  de  Joigny, 
Yonne).  En  1532,  deux  de  ces  beaux  poissons  sont 
payés  six  livres. 

Le  3  janvier  1529  (v.  st.),  François  I^r  et  sa  mère 
viennent  à  Troyes,  où  ils  ont  été  précédés  par  le  cardi- 
nal-légat (1). 

Le  4  mai  suivant,  un  incendie  éclate  chez  un  tanneur 
de  la  rue  de  la  Grande-Tannerie.  Soixante  maisons  de 
cette  rue  et  de  la  rue  Notre-Dame  sont  la  proie  des 
flammes  (2). 

Le  jeu  de  la  Passion  et  d'autres  mystères  sont  sou- 
vent représentés  à  Troyes.  Ces  représentations  scéniques 
excitent  une  vive  curiosité,  et  la  population  troyenne  y 
assiste  presque  entière.  On  jouait  les  mystères  de  la 
Sainte-Hostie,  de  Saint  Jacques,  de  Saint  Loup^  etc.,  et 
la  représentation  de  chacune  de  ces  œuvres  durait  plu- 
sieurs jours  (3). 

En  1531,  la  ville  de  Troyes  est  en  joie,  la  peste  a  dis- 
paru et  la  misère  a  moins  de  rigueurs.  Les  confrères  de 
la  Passion  se  proposent  de  jouer  le  mystère  de  la  Passion. 
Il  est  bruit  que  le  roi  et  la  reine  doivent  se  rendre  à 
Troyes  et  assister  à  la  représentation.  L'échevinage  en- 
voie, à  Fontainebleau,  Nicolas  Largentier  et  Christophe 
Menisson,  s'informer  des  intentions  et  des  projets  du  roi. 
Mais  le  duc  de  (juise,  gouverneur  de  Champagne,  son 
fils  et  les  gentilshommes  de  sa  maison,  passèrent  deux 
jours  en  ville  et  assistèrent  à  la  représentation  d'une 
partie  de  ce  speclacle.  Les  confrères  déployèrent  un 

(1  )  A.  AuFAUVRE.  Tablettes  historiques, 

(2)  1).  lOi.  Desouerrois.  Promptuarium, 

(3)  BoiTiOT.  —  Recherches  sur  le  théâtre  de  Troyes  au  xv«  siè- 
cle. 1854. 


346  HISTOIRE   DE  TROYES.  1S33 

^ndluxe  efils  firent  la  montre  ou  promenade  de  tout 
le  personnel  du  mystère,  en  ^ands  costumes.  Les  rues 
que  parcourut  ce  magnifique  cortège  furent  grevées. 
L'organisation  du  cortège  se  fit  au  faubourg  St-Jacquesi 
et  rentrée  par  la  porte  de  ce  faubourg.  Le  cortège  suivit 
les  rues  d'Entre-deux-Portes  et  du  Faucheur,  celles  de 
la  Cité,  la  Grande-Rue  et  de  la  Draperie,  la  place  de 
TEtape-au-Vin,  la  rue  de  la  Monnaie,  le  Marchè-au-Blé, 
la  rue  du  Dauphin,  celle  du  Temple  en  partie,  la  rue  des 
Pains- à-Broyer  (de  la  Trinité),  celles  de  TEpicerie,  la 
rue  Notre-Dame  jusqu'au  Cloître-St-Etienne,  où  s'arrêta 
ce  splendide  cortège,  dans  lequel  figuraient  les  person- 
nages de  TAncien  et  du  Nouveau-Testament.  Le  théâtre 
fut  dressé  au  palais  royal.  La  représentation  ne  dura  pas 
moins  de  cinq  jours.  Pendant  ce  temps,  le  guet  parcou- 
rait la  ville,  veillant  à  la  sûreté  publique  et  dépistant  les 
voleurs  (1). 

En  1533,  les  habitants  sont  informés  de  Tarrivée  pro- 
chaine du  duc  de  Norfolk  à  Troyes.  Il  doit  venir  par 
Sens.  Pour  rhonorer,  on  conduit  Tartillerie  de  la  ville 
au-delà  du  hameau  de  Ste-Savine.  Mais  Tambassadeur 
du  roi  d'Angleterre  prit  une  autre  route  pour  se  rendre 
à  Marseille,  à  l'entrevue  du  pape  Clément  VII  avec 
François  h*r. 

Le  31  janvier  suivant,  François  ler,  la  reine  Eléonore, 
le  dauphin,  Henri  duc  d'Orléans  et  le  duc  d'Angoulême, 
leurs  fils  leurs  deux  filles,  Madeleine  et  Marguerite  de 
France,  Georges  d'Amboise,  cardinal-légat;  le  duc  de 
(îuise,  Duprat,  chancelier,  et  un  grand  nombre  de  sei- 
gneurs de  la  cour  arrivent  à  Troyes  (2),  revenant  de 
Marseille,  où  le  roi  s'était  rendu  avec  sa  famille  et  une 
nombreuse  suite,  pour  recevoir,  en  octobre  précédent,  le 

(1)  H.  112. 

(2)  H.  ilO;  KJ\\  et  A.  A.  44e  carton,  Iro  liasse,  90  pièces. 


1534  CHAPITRE  XVI.  347 

pape  Clément  VU,  de  la  maison  de  Médicis,  et  marier  son 
ftls  Henri,  duc  d*Orléans,  à  Catherine  de  Médicis.  Cette 
entrée  fut  très  somptueuse. 

Peu  de  temps  après  son  passage  à  Troyes,  le  roi  visita 
les  provinces  de  Normandie,  de  Picardie  et  de.  Champa- 
gne, et  oi^anisa  la  force  armée  en  légions  provinciales, 
et  se  rendit  compte  de  l'état  des  fortifications  de  ces 
trois  provinces  (1). 

Le  vent  de  la  réforme  souffle  sur  la  France  II  pénètre 
dans  les  abbayes,  quoique  bien  fermées.  Si  les  élections 
des  abbés  avaient  donné  lieu,  au  XVe  siècle,  à  des  scan- 
dales, les  commendes,  dès  leur  origine,  apportèrent  avec 
elles  des  scandales  non  moins  grands.  Déjà  auparavant, 
on  avait  remplacé  les  abbés  par  des  administrateurs  tem- 
porels ou  économes,  percevant  les  revenus  à  leur  profit 
et  donnant  aux  religieux  une  nourriture  à  peine  suffl- 
sante.  L'abbaye  de  Montier-la-Celle,  après  avoir  eu  pour 
économes  ou  administrateurs  perpétuels,  Louis  Raguier, 
évoque  de  Troyes  ;  son  neveu,  Nicolas  de  la  Place,  eut 
Antoine  Girard  pour  abbé  élu  ou  régulier,  élevé  à  celte 
dignité  en  1517,  et  qui  mourut  en  1534.  A  cette  dernière 
date,  Tabbaye  est  mise  en  commende  et  passe  sur  la  tête 
du  jeune  Charles  de  Lorraine,  fils  du  duc  de  Guise,  dont 
le  crédit  s'augmente  chaque  jour.  Ce  nouvel  abbé  est 
âgé  de  neuf  ans.  Ces  nouveaux  abbés  ne  sont  plus  choi- 
sis que  parmi  les  grands  seigneurs.  Ils  ne  s'occupent 
plus  du  sort,  du  bien-être  ni  de  l'administration  spiri- 
tuelle du  troupeau  qui  leur  est  confié.  Leur  intérêt  est 
opposé  à  celui  de  la  communauté.  Il  prennent  tous  les 
revenus  et  n'abandonnent  aux  religieux  qu'une  portion 
infiniment  réduite  et  limitée  à  leur  nourriture,  à  leur 
vêtement. 

Le  2  mars  1534  (v.  st  ),  Charles  de  Lorraine,  abbé  à 

(1)  Dr  Bellay.  Mémoires,  p.  501. 


348  HISTOIRE  DE  TROYES.  isu 

neuf  ans,  archevêque-duc  de  Reims  à  vingt-cinq  ans,  car- 
dinal à  trente  ans,  traite  par  mandataire,  —  il  le  fallait 
bien,  —  avec  les  religieux  de  la  riche  abbaye  de  Mon- 
tier-la-Celle.  Ce  jeune  abbé  s'oblige  à  livrer  à  ses  moines 
huit  muids  de  froment,  huit  muids  de  seigle,  mesure  de 
Troyes;  quatre-vingt-dix  muids  de  vin,  clairet  ou  ver- 
meil, dix  muids  de  vin  blmc  du  cru  de  Tabbaye.  A  cha- 
que religieux,  il  doit  35  sous  par  an,  pour  la  pitance; 
4  livres  pour  le  vestiaire  ;  le  grand  prieur  reçoit  8  livres. 
L'abbé  doit  fournir  les  herbages,  comme  choux,  poi- 
reaux, etc.,  pour  mettre  au  potage  des  religieux,  et  h 
paille  pour  leur  lit.  L'abbé  fournit  à  la  dépense  occa- 


sionnée  par  le  dîner  de  la  veille  de  la  St-Pierre,  jour  diKi.^ 
chapitre  général,  le  dîner  et  le  souper  de  la  fête  et  1^^  .e 
dîner  du  lendemain  ;  de  même,  la  veille  du  jour  où  ror:i^  n 
chante  0  Sapieniiay  Tabbé  doit  le  souper,  et,  le  jour,  1^     e 
dîner.  La  veille  de  St-Frobert,  jour  du  petit  chapi 


Tabbé  doit  le  souper,  et,  le  jour,  à  dîner  et  à  souper,  t^nar-if 
pour  les  religieux  que  pour  les  maires  de  Tabbaye  ;  il  doE~  it 
les  gages  des  maîtres  d'école,  du  boulanger,  du  cuisi 
nier,  du  barbier  et  du  charretier  de  l'abbaye;  le  boi: 
pour  le  four  et  la  cuisine;  la  nourriture  des  chevaux 
l'entretien  des  harnais  ;  la  nourriture  des  maîtres  d'écol 
du  boulanger,  du  cuisinier  et  du  charretier  étant  à 
charge  des  religieux  (1). 

Ce  traité  dit  assez  ce  que  sont  devenues  les  maisocms 
religieuses.   L'abbé,  grand  seigneur,  use  et  abuse  d^^s 
biens;  ne  laisse  aux  religieux  que  la  portion  la  plus  ii 
dispensable  ;   ne  visite  jamais,  ou  presque  jamais,  s( 
abbaye,  et  laisse  au  prieur  le  soin  de  diriger  le  spiritu 
comme  il  l'entend.  Bientôt,  sous  la  double  influence 
la  commende  et  de  la   réforme,  on  verra  l'état  auqu 
cette  belle  et  riche  abbaye  fut  réduite. 

(1)  DonTiton.  Hist.  nxtisc.  de   Vabhaye  de  lfontter-{a-CeZIe.    f^' 
515.  —  Arch.  dép.  f.  de  Montier-la-GeUe.  Carton  1.  Invw.  fr  131. 


1535  CHAPITRE  XVI.  349 

La  duchesse  de  Guise,  Antoinette  de  Bourbon,  femme 
du  gouverneur  de  Champagne  et  mère  du  nouvel  abbé 
de  Montiep-la-Celle,  vint  à  Troyes  en  1534. 

Les  troubles  civils,  la  présence  des  gens  de  guerre,  la 
fermentation  dans  les  idées  religieuses,  le  trouble  dans 
les  idées,  les  besoins  de  réforme  font  naître  dans  l'esprit 
des  Troyens  le  désir  de  voir  siéger  dans  leurs  murs  la 
Cour  des  Grands-Jours,  que  François  1er  envoya  souvent 
porter  la  justice  en  province. 

La  session  de  1535  fut  tenue  par  M.  François  de  Mon- 
tholon,  président,  qui  devint  garde  des  sceaux  en  1542; 
M.  Adam  Faure,  sieur  des  Roches,  maître  des  requêtes; 
Pierre  de  TEtoile,  président  aux  enquêtes  ;  Jean  Maigret, 
Michel  Gilbert,  Queslin,  Jean  Ruzé,  Louis  Rouillart. 
Martin  Fumée,  Nicole  Hurault,  Charles  de  Louviers, 
Robert  Dauvet,  Nicole  Mole,  Guillaume  Bourgoing,  Jean 
de  Longueil,  conseillers.  Me  Pierre  Rémond,  maître  des 
requêtes,  fut  avocat  du  roi  ;  Jean  du  Tillet,  greffier 
civil  ;  Nicole  Avrillot,  greffier  des  présentations  ;  Pierre 
Berruyer,  secrétaire  du  roi,  Tun  des  quarante  notaires  de 
la  Cour  ;  Claude  Guyot,  secrétaire  du  roi,  contrôleur  de 
Taudience;  Jacques  deMailly,  premier  huissier,  et  enfin, 
Pierre  Richer,  huissier  (1). 

La  Cour  fit  une  entrée  solennelle.  Les  officiers  du  roi, 
le  corps  de  ville  et  la  population  troyenne  se  rendirent 
au  devant  de  la  docte  Compagnie,  dont  le  président  avait 
déjà  une  grande  réputation  de  science  et  de  probité. 

La  session  s'ouvrit  le  28  août  et  ne  se  termina  que 
dans  les  derniers  jours  de  décembre.  Le  domaine  royal 
dépensa  1,650 1.  t.,  afin  de  mettre  le  palais  royal  en  état 
d*y  installer  le  service  de  la  Cour. 

La  ville  fit  faire,  chaque  jour,  aux  membres,  une  dis- 


(1)  A.  9.  On  trouye  une  liste  un  peu  différente  de  celle-ci,  mais 
moins  complète. 


850  HISTOmE  PB  TROYRS.  \^ 

tribution  de  vin,  et  leur  fit  présent,  pour  tout  leur  sé- 
jour et  à  chacun,  d'un  minot  de  sel  ;  puis  des  dons  de 
confitures,  parmi  lesquelles  sont  nommés  :  «  le  canel- 
lat,  le  giroflat  en  boite,  les  noix  conGtes,  le  cotignat, 
les  conserves  de  roses,  le  carbassat,  puis  des  fruits,  des 
oranges,  etc. 

Les  actes  de  la  Cour  manquent  pour  la  session  de 
1535,  comme  pour  celle  de  i583.  On  peut  regretter 
la  perte  de  ces  documents  importants.  Ils  diraient,  par 
les  travaux  dont  ils  garderaient  le  souvenir,  le  caractère 
de  la  session  qui  s'imprégna  des  idées  de  la  réforme. 
Il  ne  reste  plus,  au  civil,  que  des  actes  épars  recueillis 
dans  différents  dépôts.  Ils  règlent  certains  faits  de  voirie, 
de  police  des  corporations;  les  honoraires  dûs  aux  curés 
pour  le  service  du  culte  ;  ils  modifient  l'administration 
des  hôpitaux  de  la  ville,  en  y  introduisant  Télémeot 
laïque,  en  obligeant  les  maîtres  spirituels  à  se  dessaisir 
de  la  gestion  du  temporel,  qui,  il  faut  bien  le  dire, 
profitait  peu  aux  pauvres  et  aux  malades.  Enfin,  la  Cour 
rend  un  arrêt  qui  modifie  dans  ses  principes  la  base  de 
l'élection  du  maire,  des  échevins  et  des  conseillers  de 
ville. 

La  Cour  modifia  l'arrêt  de  1409,  fixant  les  droits  cu- 
rieux et  paroissiaux  dans  la  ville  de  Troyes  (2).  —  Elle 
maintient  les  ordonnances  de  voirie  en  ce  qui  touche  la 
destruction  des  saillies,  avant-toits,  étaux,  auvents,  bancs 
et  barrières.  —  Sur  la  requête  collective  du  maire,  des 
échevins,  des  marchands  bourgeois  de  Troyes  et  des 
maîtres  et  compagnons  tonneliers,  ceux-ci  sont  autori- 
sés à  visiter  tous  les  tonneaux  vides  ou  pleins,  et,  s'ils 
sont  trouvés  d'une  contenance  inférieure  à  celle  qui  est 
fixée  par  les  règlements,  les  tonneaux  seront  saisis  et  les 

{%)  Sémuxard.  Blq.  commun.  Voir ,  dans  cette  collection,  l'airét 
imprimé  de  1535. 


i835  CHAPITRE  XVI.  351 

propriétaires  détenteurs  condamnés  à  20  s.  par.  d'a- 
mende (1).  —  Les  mesureurs-jurés  sont  obligés  d'exer-» 
cer  leur  métier  par  eux-mêmes.  —  Les  deux  corpora- 
tions des  maçons  et  des  charpentiers  sont  dissoutes,  jus- 
qu'à ce  qu'il  en  soit  autrement  ordonné,  en  raison  des 
fautes  et  abus  commis  par  les  suppôts  de  ces  deux  corps 
de  métiers,  et  qui  paraissent  résulter  des  coalitions  faites 
entre  les  membres  de  ces  deux  corporations.  Il  leur  est 
prescrit  de  continuer  les  travaux  par  eux  commencés, 

>  nonobstant  la  confédération  et  entreprise  faite  entre 
j»  eux  de  ne  pas  achever  la  besogne  commencée  par 

>  d'autres.  »  Il  est  en  outre  défendu  aux  charpentiers 
d'enlever  aucuns  bois  ou  copeaux  des  chantiers  où  ils 
travaillent,  sans  le  consentement  des  propriétaires  et 
nonobstant  Tifeage  existant  :  usage  que  Tarrét  de  la 
Cour  a  pu  suspendre,  mais  n'a  pu  faire  cesser,  car  il 
persiste  encore  aujourd'hui  (2). 

Sur  la  requête  du  Maire  et  des  Echevins,  la  Cour  ré- 
forme l'administration  des  hospices  en  ordonnant  l'exé- 
cution d'un  édit  royal  du  13  juin  i534,  donné  contre 
les  maîtres  et  administrateurs  des  Maisons-Dieu  ou  Hos- 
pices de  l'Hôtel-Dieu-Ie-Comte,  de  St-Nicolas  et  de  St- 
Bernard,  contre  l'évéque  de  Troyes,  le  Chapitre  de  Saint- 
Pierre  et  l'évéque  de  Lisieux,  Grand  Aumônier  de  France. 
La  Cour  décida  —  et  son  arrêt  ftt  loi  —  que  le  temporel 
de  ces  hospices  serait  administré  par  quatre  notables 
bourgeois,  élus  par  les  habitans  en  assemblée  générale 
et  après  que  les  élisants  auront  prêté  serment,  entre  les 
mains  du  bailli  ou  de  son  lieutenant,  «  d'élire  en  leur 
»  conscience,  les  habitants  les  plus  idoines,  capables  et 
»  utiles.  »  —  Les  élus  se  feront  remettre  tout  le  mobi* 
lier  et  tous  les  titres  des  étabhssements  sur  inventaire. 

(1)  SUtQts  des  Tonneliers,  149i. 

(î)  Voir  068  arrêts,  aroh.  mtin.  do  Troyes. 


352  HISTOIRE  DE  TROYES.  iœ 

—  Ces  litres  seront  déposés  en  un  coffre  fermant  à 
quatre  clefs  dont  une  sera  remise  à  chacun  des  adminis- 
trateurs. —  Ceux-ci  demeurent  chargés  de  pourvoir  à  la 
nourriture,  à  Tentretien  et  aux  médicaments  à  donner 
aux  gens  de  la  maison  et  aux  malades  ;  de  veiller  et  de 
pourvoir  au  service  divin.  —  Ces  administrateurs  laïques 
rendront  compte  de  leur  administration  devant  le  bailli 
ou  son  lieutenant,  Tévêque  ou  son  vicaire,  les  doyen  et 
chanoines  de  St-Pierre  (  devant  ces  derniers  seulement 
pour  l'hospice  Si-Nicolas,  fondation  de  ce  chapitre  ) ,  le 
substitut  du  procureur  du  roi  au  bailliage  et  le  procureur 
des  habilans.  —  Il  est  interdit  aux  administrateurs  et  à 
ceux  qui  reçoivent  leurs  comptes  chaque  année  de  pren- 
dre aucun  salaire  ni  toucher  aucune  pension,  taxe  ou 
vacation. —  C'est  de  cet  édit  de  1534,  dont  Texécution  est 
prescrite  par  l'arrêt  de  la  Cour,  que  date  la  sécularisation 
de  l'administration  temporelle  des  hôpitaux  de  Troyes. 

Ce  changement  ne  s'opéra  pas  sans  de  grandes  diffi- 
cultés. Les  premiers  élus  à  cette  administration  si  hono- 
rable, MM.  Claude  de  Marisy,  sieur  de  Cervet  ;  Jacques 
Menisson,  sieur  de  Trémilly  ;  Nicolas  Coiffart,  sieur  de 
St-Benoist- sur -Seine  et  Jean  Desrieulx,  bourgeois, 
eurent  à  lutter  avec  vigueur  pour  l'obtention  des  titres 
et  du  mobilier,  et  pour  faire  exécuter  leurs  ordres  relatifs 
au  service  intérieur.  Charles  de  Villemaur,  maître  spiri- 
tuel de  l'Hôtel-Dieu-le-Comte,  résista  et  fut  aidé,  dans 
cette  résistance,  par  le  personnel  qu*il  avait  sous  ses 
ordres  :  frères  et  sœurs  lui  prêtèrent  leur  concours.  De  ce 
refus,  résultèrent  plusieurs  instances,  les  unes  civiles, 
les  autres  criminelles  pour  outrages  et  injures  envers 
les  nouveaux  administrateurs  et  surtout  envers  leurs 
femmes,  qui  croyaient  bon  et  utile  de  s*ingérer  dans  la 
surveillance  des  soins  donnés  aux  malades  (1). 

(i)  Arcb.  mun.  A.  A.,  S6»  carton,  3e  liasse.  ~  L'instance  en  se- 


i535  CHAPITRE  XVI.  353 

Y  a-t-il  eu  arrôt  isolé  pour  Tadministration  de  l'Hôtel- 
Dieu-St-Esprit  ?  Gela  doit  être.  Car  bien  que  cette  maison 
ne  soit  pas  comprise  dans  Tarrêt  de  la  Cour,  l'adminis- 
tration n*en  est  pas  moins  remise  entre  des  mains 
laïques,  puisque  Tannée  suivante,  les  quatre  administra- 
teurs, dont  les  noms  précédent,  rendent  compte  de 
la  gestion  de  cette  maison  dans  les  formes  prescrites  par 
Tarrét  du  28  septembre  1535  (1). 

Déjà  sans  doute,  à  la  suite  de  querelles  entre  les  ha- 
bitants et  les  maîtres  spirituels  des  Maisons-Dieu  de 
Troyes,  des  inventaires  et  des  états  des  revenus  de  ces 
quatre  maisons  avaient  été  dressés,  de  1514  à  1518  et 
sont  encore  conservés  dans  les  archives  municipales  (2). 

Toujours  dans  un  but  d'affranchissement,  les  habitans 
de  Troyes  présentent  supplique  à  la  Cour  tendante  à 
Texamen:  lo  Des  titres  et  pancartes  du  Chapitre  de  St- 
Etienne,  à  Tégard  du  péage  du  Pont-Hubert,  dont  les 
troyens  se  prétendent  exempts.  2o  Des  titres  et  pancartes 
établissant  les  droits  de  péage  que,  sous  la  tutelle  de 
Jean  de  Laval,  les  enfants  d'Odet  de  Foix,  Seigneurs 
d'Isle  (  Aumont  ) ,  Saint-Florentin ,  Ervy ,  les  Maisons- 
Blanches  ,  Pont-Blin  et  Arcis-sur-Aube  ,  prétendaient 
avoir,  avec  les  marguilliers  d'Isle,  sur  le  passage  de  la 
Mogne,  au  moulin  de  Roche,  près  d'Isle.  3^  Des  titres  re- 
latifs aux  mêmes  droits  levés  à  Pont-Belin  et  dont  les 
habitans  de  Troyes  étaient  reconnus  exempts.  4o  Ceux 
concernant  les  droits  de  péage  réclamés  à  Vendeuvre, 
par  Louis  de  la  Rochefoucault  et  sa  femme,  Antoinette 
d'Amboise. 


calarisation  des  hospices  de  Troyes,  commencée  en  1530,  ne  parait 
prendre  fin  qu'en  1541. 

(1)  Ârch.  dép.  f.  des  hôpitaux. 

(2)  L'inventaire  de  l'HôteUDieu-le-comte  constate  l'existence,  en 
1515,  dans  Tune  de  ses  galeiies,  d'une  peinture  repi*ésentant  la 
doMe  macabre,  —  Arch.  mun.  36^  carton,  l'^et  2<  liasses. 

m.  28 


354  msTOiuE  de  tuoyes.  1585 

Tout  fait  croire  que  Texamen  de  ces  titres  tourna  à 
Tavantagre  de  la  liberté  de  circulation.  Car,  à  partirde  cette 
date,  rien  n*établit  que  les  droits  de  péage,  sans  doute 
perçus  jusqu'à  cette  époque,  aient  été  levés  dans  ces 
différents  lieux  (1). 

Le  péage  du  Pont-Hubert  appartenait  au  Chapitre  de 
St-Etienne.  Vers  1524,  les  troyens  s'en  firent  reconnaître 
exempts.  Mais  ils  demandèrent,  par  la  Cour,  communica- 
tion des  titres  du  chapitre.  Ceux-ci  ne  laissèrent  sans 
doute  aucune  prise  à  la  critique.  Voulant  exempter 
de  ces  droits,  les  marchands  et  les  marchandises  venant 
en  ville,  quatre  ans  après,  les  troyens  construisirent  à 
leurs  frais  avec  Taide  et  le  consentement  d'Odard  Henne- 
quin,  qui  contribua  à  ce  travail  par  un  don  de  200  liv- 
t.  (2),  la  chaussée  de  Villechélif.  Cette  chaussée  ouvrit  un 
passage  nouveau  avec  la  Lorraine  et  TAUemagne  et  le 
péage  du  Pont-Hubert  perdit,  par  cette  création,  la  plus 
grande  partie  de  ses  produits. 

La  Cour  des  Grands-Jours  fut  saisie  par  Noël  CoifTard, 
maire,  et  par  les  échevins  d'une  requête  tendant  à  modi- 
fier les  sources  de  l'élection  des  maire,  échevins  et  con- 
seillers de  ville.  Depuis  1494,  les  électeurs  étaient  seize 
notables,  choisis  dans  chacun  des  quatre  quartiers,  en 
tout  soixante  quatre,  plus  les  maire,  échevins  et  conseil- 
lers en  charge.  La  Cour,  acceptant  la  demande  qui  lui 
est  soumise,  ordonne  que  lors  des  assemblées  générales 
tenues  soit  pour  l'élection  du  maire,  des  échevins  et  con- 
seillers de  ville,  soit  pour  les  affaires  du  roi  et  celles  de 
la  ville,  les  maîtres,  procureurs  ou  bâtonniers  de  chaque 
métier  feront  réunir,  le  jour  qui  précédera  cette  assem- 
blée, tous  les  membres  de  leur  corporation  afin  d'élire 
trois  d'entre  eux  dans  chaque  communauté,  chargés  des 

(M  A.  A.  42e  carton,  3c  liasse. 
(•2)  A.  9. 


1535  CHAPITRE  XVI.  355 

pouvoirs  des  métiers.  Ceux-ci  se  présenteront  à  rassem- 
blée générale  et  y  traiteront,  en  commun  avec  les  repré* 
sentants  des  autres  corporations,  des  matières  qui  y  se- 
ront débattues.  La  Cour  enjoint  aux  gens  et  officiers  du 
roi  et  aux  élus  des  métiers  de  se  rendre  aux  assemblées 
générales,  à  moins  de  maladie  ou  d'autres  excuses  légi- 
times et  confie  Texécution  de  son  arrêt  au  bailli,  au 
prévôt  ou  à  leurs  lieutenants. 

Cet  arrêt  ne  reçut  pas  son  exécution  aux  élections 
suivantes.  li  y  eut  opposition. 

En  1536  la  Torme  ancienne  est  encore  mise  en  usage. 
Le  Conseil  de  ville  prétend  que  Tarrêt  du  31  octobre  1535 
a  été  surpris  par  Noël  CoifTard  et  que  son  application 
aurait  pour  résultat   <  d'éloigner  les  gens  de  bien,  de 

>  savoir  et  d'expérience  du  gouvernement  de  la  ville  ;  que 

>  le  nombre  des  élisants  monterait  à  226  habitans,  qui 

>  pourraient  faire  des  maires,  des  échevins  et  des  con- 

>  seillers  de  toutes  sortes  de  gens,  tels  que  savetiers, 
9  cordonniers,  maçons,  etc.  ;  qu'ils  auraient  le  gouverne- 

>  ment  de  la  ville ,   des  deniers  communs  et  des  fortifi- 

>  cations,  iraient  tout  boire  et  dépenser  et  n'auraient  pas 

>  de  quoi  le  rendre.  > 

Dans  une  assemblée  générale  tenue  le  14  mars  1537 
^v.  st.)  et  composée  des  membres  de  l'échevinage,  du  Con- 
seil de  ville  et  de  notables  marchands  et  bourgeois,  il 
«st  déclaré  que,  sans  avoir  égard  à  l'arrêt  de  Téchevi- 
mage  de  li94,  ni  à  l'arrêt  des  Grands- Jours  du  31  oc- 
tobre 1535,  ni  à  l'édit  de  Crémieux  du  5  août  1534,  il  y 
^  nécessité  de  demander  au  roi  que,  pour  composer  et 
constituer  les  assemblées  générales  du  jour  de  la  St- 
fiarnabé  ou  de  tout  autre  jour,  les  maîtres  de  fer  et  les 
«lixainiers  de  chaque  garde,  alors  au  nombre  de  quatorze 
<3ans  chacun  des  quatre  quartiers  de  la  ville  feraient  assem- 
bler leurs  gardes  pour  élire  c  jusques  à  trois  des  plus 
apparens  et  notables  personnages,   savans  et  de  bonne 


356  nisTOiuE  de  tkoyes.  is»-, 

expérience  de  chacune  des  gardes  de  fer  et  un  de  la 
garde  du  dixainier  (1)  >  afin  de  comparaître  aux  assem- 
blées générales  avec  le  maître  de  fer  et  le  dixainier,  le 
maire,  les  échevins  et  les  vingt-quatre  conseillers  de 
ville  ;  que  ce  qui  serait  délibéré  à  h  pluralité  des  voix 
des  assistants,  dont  le  nombre  pourrait  par  ce  moyen  8*é* 
lever  à  400  personnes,  vaudrait  comme  si  tous  les  habi- 
tans  de  la  ville  assistaient  à  cette  assemblée.  Cette  dis- 
position nouvelle  fut  approuvée  peu  après  par  François 
!•'■,  pour  éviter,  est-il  dit  dans  les  lettres  patentes,  t  les 
monopoles  et  les  brigues  (2).  >  Mais  ce  nouvel  acte  de  la 
volonté  royale  ne  reçut  pas  d'exécution. 

Cette  assemblée  avait  aussi  décidé  qu'il  serait  de- 
mandé au  roi  que  Trlection  des  administrateurs  des  hos- 
pices et  hôpitaux  de  l'Hôtel-Dieu-le-Comte,  de  Saint-Ni- 
colas, de  St-Bcrnard  et  de  St-Abraham  se  Rt  à  rassem- 
blée de  la  St-Barnabé  (3). 

Le  9  avril  suivant,  le  parlement  ordonne  que  les  trois 
principaux  états  de  la  ville,  les  bourgeois,  les  marchands 
drapiers  et  les  marchands  merciers  éliront  à  part  chacun 
six  <  des  plus  ydoines  >  do  leur  compagnie  et  les  au- 
tres métiers  chacun  deux  de  leur  corporation.  Tous  se- 
ront appelés  >'  «  au  son  de  la  campane(dela  cloche)  *  ou 
en  telle  autre  forme  et  manière  que  Ton  a  coutume  et, 
avec  les  huit  anciens  échevins  et  les  vingt-quatre  con- 
seillers, s'assembleront  en  la  maison  de  la  ville  pour 
procéder  aux  élections.  —  Sur  ces  entrefaites  Tun  des 
partis  qui  se  divisaient  la  population  troyenne  fit  dresser 
une  consultation  sur  la  contestation.  Elle  est  signée:  N. 
Chartier;N.  Brulart;  Séguier  et  J.  Chomedey  (4). 

(1)  CeUe  dernière  garde  était  composée    des  hommes  de  pour- 
point pris  parmi  les  artisans. 

(2)  Ane.  f.  Inventaire,  t.  i,  fo  51. 

(3)  Arch.  mun.  ;  anc.  fonds.  Iny.  3P  pièce  19. 
i4i  A.  A.  l-r  (arton,  'i''  liasse. 


1538  CHAPITRE   XVI.  357 

Les  hommes  de  Tancien  parti  n*acceptent  pas  la  nou- 
velle forme  donnée  aux  assemblées,  surtout  à  Tégard  de 
celle  de  la  St-Barnabé.  Us  disent  —  ce  qui  était  vrai  — 
que  de  temps  immémorial  et  de  toute  ancienneté  et 
avant  Tarrét  de  Téchevinage,  les  habitans  de  Troyes 
avaient  coutume  de  s'assembler  au  son  de  la  cloche  pu- 
blique une  fois  Tan,  d'élire  leurs  officiers,  de  recevoir 
les  comptes  de  la  voirie  et  de  s'occuper  des  autres  affai- 
res communes;  qu'à  cette  assemblée  générale  se  réunis- 
saient tous  ceux  des  habitans  qui  voulaient  s'y  rendre, 
soit  clercs,  prêtres,  nobles,  marchands  ou  autres^  sans 
aucune  autre  semonce  que  le  son  de  la  cloche  publique. 
Dès  quatre  heures  du  matin,  un  officier  ou  député  siégeait, 
on  procédait  à  Télection  du  Président,  après  l'exposition 
par  le  procureur  des  habitants  des  causes  de  l'assem- 
blée. Ce  président  avait  mission  de  conclure  et  de  rece- 
voir les  voix.  Il  était  un  notable  personnage  non  suspect 
ni  favorable  et  il  était  élu  à  la  pluralité  des  voix.  Le 
lieutenant  du  bailli  et  le  prévôt  furent  quelquefois  élus 
à  cet  honneur.  D'autres  fois,  ils  n'assistaient  pas  à  cette 
assemblée,  qui  le  plus  souvent  durait  jusqu'à  cinq 
heures  du  soir.  Cette  assemblée  se  tenait  sans  le  congé 
ou  la  permission  des  gens  du  roi  et  les  affaires  soumises 
aux  délibérations  ne  leur  étaient  point  communiquées, 
quoiqu'ils  pussent  tous  y  assister  comme  particuliers 
et  y  avoir  voix  comme  tout  habitant.  Seulement  il  leur 
était  fait  honneur  d'un  siège  suivant  leur  état  (1). 

A  l'assemblée  du  11  juin  1538,  malgré  l'opposition 
de  Nicolas  de  St-Aubin,  procureur  des  habitans,  celle  du 
maire,  Nicolas  Drouot,  qui  prétendait  que  cet  arrêt  n'avait 
qu'un  caractère  provisoire,  on  procéda  à  l'élection  du 
maire  et  à  l'examen  des  autres  affaires  communes.  Bien 
que  ce   dernier  arrêt  soit  revêtu  de  la  formule  banale, 

(i)  Âne.  f.  layette,  3*  liasse,  Ire 


358  HISTOIRE  DE  TROYES.  i5S6 

mais  qui  avait  Tavantage  ou  Tinconvénient  de  réserver 
I^avenir,  que  cet  arrêt  serait  exécuté  jusqu'à  ce  qu'il  en 
soit  autrement  ordonné,  ce  règlement  de  la  Cour  souve- 
raine posa  un  nouveau  principe,  qui  fut  maintenu  pen- 
dant plus  d  un  siècle  et  demi,  c'est-à-dire  jusqu'au  jour 
où  l'élection  du  maire  fut  supprimée,  jusqu'au  moment 
où  ce  représentant  direct  dans  la  cité  devint  un  oflicier 
du  roi,  ne  relevant  plus  du  choix  de  ses  concitoyens. 

En  4536,  le  lieutenant-général  du  bailli  prétendit  en 
vain  à  la  présidence  de  l'assemblée  de  la  Barnabe  :  cette 
présidence  lui  fut  refusée  par  les  assistants.  En  4539, 
le  voyeur  du  roi  demanda,  dans  la  même  circonstance, 
à  occuper  la  première  place  après  le  président,  le  pro- 
cureur des  habitans  protesta  et  fit  rejeter  cette  préten- 
tion, non  moins  nouvelle  que  celle  du  lieutenant-gé- 
néral. 

La  réforme  opérée  entre  1535  et  15i0,  dans  le  mode 
de  choisir  les  électeurs  chargés  de  nommer  les  maires, 
échevins,  conseillers  et  officiers  de  la  ville,  constitue  une 
véritable  révolution  municipale.  L'assemblée  de  la  Sanit- 
Barnabé  perd  son  ancien  caractère  d'assemblée  popu- 
laire et,  à  Tavenir,  le  président  sera  le  maire  ancien  et  le 
procès-verbal  relatant  les  actes  de  rassemblée,  au  lieu 
d'être  rédigé  par  deux  notaires  et  joints  aux  comptes  de 
la  voirie,  devient  un  acte  de  l'autorité  échevinale,  dressé 
par  le  greffier  ou  clerc  de  la  ville.  Dans  cette  assemblée, 
on  ne  procédera  qu'à  des  élections,  à  des  nominations 
des  officiers  de  la  ville,  des  administrateurs  des  hospices, 
du  maître  de  la  léproserie,  un  peu  plus  tard  des  com- 
missaires de  police  ;  mais  les  affaires  <  communes  >  et 
les  comptes  de  la  voirie  passent  exclusivement  dans  le 
domaine  et  les  attributions  de  Téchevinagedont,  la  source 
devient  un  peu  plus  populaire  par  Textension  donnée  au 
choix  des  électeurs  ou  portants-voix. 

En  irKl6,  il  avait  été  arrêté  que  le  maire  et  les  éche- 


1535  CHAPITRE  XVI.  359 

viD9  seraient  remplacés  le  lendemain  de  leur  décès  et 
même  sans  attendre  que  les  derniers  devoirs  leur  fussent 
rendus. 

L'évèque  et  les  chanoines  de  St-Pierre  veulent  re- 
prendre part  aux  affaires  de  la  cité,  surtout  en  ce  qui 
concerne  Tadministration  des  finances.  Ils  se  plaignent 
de  remploi  donné  aux  deniers  communs  et  à  ceux  d'oc- 
troi. Ils  adressent  leurs  plaintes  au  roi.  Mais  Tétat  de 
chosas,  créé  par  la  retraite  des  membres  du  clergé 
opérée  en  1522,  resta  le  même.  Le  clei^é  ne  reparait 
guère  dans  Tadministration  des  affaires  de  la  ville  que 
lorsque  s'ag:itent  quelques  questions  religieuses  et  que 
des  discordes  les  accompagnent 

Vers  1325,  le  voyeur  Boutiffart  avait  fondé  un  senice 
religieux  qui,  jusqu  en  1692,  fut  célébré  le  dimanche 
4{ui  précédait  la  St-Bamabé.  Denis  Clérey,  sieur  de  Vau- 
Jbercyet  conseiller  de  ville,  fonda  une  messe  qui  devait 
^tre  célébrée  en  l'honneur  de  Dieu,    pour  le  salut  des 
^mes  du  fondateur  et  des  habitans  de  Troyes,  perpétuel- 
lement et,  chaque  année,  le  jour  de  la  St-Bamabé,  en 
'^lise  de  St-Etienne  ou  dans  Téglise  la  plus  proche  du 
ieu  de  rassemblée,  avec  mémoire  pour  les  trépassés, 
our  faire  face  à  cette  dépense,  Denis  Clérey  constitua 
0  faveur  de  la  ville  par  contrat  du  11  janvier  1535 
v.sL  )  une  rente  9  I.  9  sous  5  d.  t.,  à  prendre  sur  des 
*Sgnes,  situées  sur  le  territoire  de  la  ville,  lieudit  la  pointe 
la  Graisse.  Ce  service  fut  célébré  jusqu'à  la  suppres- 
ion  des  élections  des   maires  en  1692.  Les    dépenses 
uxquelles  il  donnait  lieu  ne  sont  inscrites  aux  comptes 
les  deniers  communs  qu'à  partir  de  1558  il>. 
Vers  1535,  Tinstruction  semble  entièrement  libre, 
,  si  d*un  cdté  les  documents  sont  infiniment  rares, 
Y  n'est  pas  douteux  que  des  établissements    scolaires 

\i>  B.  147. 


360  HISTOIRE  DE  ThOYES.  1535 

et  libres  existent  ;  qu*une  instruction  développée,  com- 
prenant Tétude  de  la  langue  latine  et  de  la  langue 
grecque,  est  donnée  à  Troyes  à  des  élèves  qui  ont  laissé 
leurs  noms  parmi  les  littérateurs  du  XVI''  siècle.  C*est  à 
Troyes  qu'est  né  Jacques  Toussaint,  dit  Tusantu  ou  Thu- 
sanus.  C'est  à  Troyes,  que  Nicolas  Bourbon  reçoit  des 
leçons  avec  Louis  de  Dinteville,  avant  que  Toussaint 
fût  appelé  par  François  1er,  lors  de  la  fondation  du 
collège  de  France,  pour  y  professer  les  langues  latine  et 
grecque  (1).  En  1534,  Denis  Ludot  demande  au  Conseil 
de  fondre  en  une  ou  deux  écoles  de  grammaire  et  sous 
un  seul  régent  toutes  les  écoles  de  la  ville.  Le  Conseil 
repousse  cette  proposition  (2). 

La  garde  et  le  guet  delà  ville,vers  1535,  sont  réformés. 
Pour  chaque  porte  et  dans  chaque  quartier,  il  est  formé 
quatorze  gardes,  composées  chacune  de  dix-huit  à  vingt 
personnes  et  soumises  à  un  chef  qui  conserve  la  vieille 
qualification  de  maître  de  fer.  Sous  le  maître  de  fer,  il  y  a 
un  dixainier,  ayant  sous  son  commandement  c  quelques 
gens  du  menu  peuple,  »  autrefois  gens  de  pourpoint. 
Les  dixaines  ne  sont  chargées  que  du  guet.  Les  maîtres 
de  fer  et  les  dixainiers  sont  commis  par  le  maire  et  les 
échevins,  qui  ont  c  la  garde  et  la  capitainerie  de  la 
ville.  » 

L'ordonnance  sur  le  fait  de  la  justice,  datée  de  1539, 
veut  qu'il  soit  dressé  des  actes  constatant  le  décès  des 
bénéficiaires  et  des  actes  de  baptêmes,  afin  de  prouver 
la  majorité  d'âge  de  ceux  qu'ils  intéressent.  La  collection 
de  ces  sortes  de  registres  commence,  à  Troyes,  dans  la 
paroisse  de  St-Jacques-aux-Nonnains,  en  1535,  et  dans 
celle  de  St-Jean  et  de  la  Madeleine  en  1539.  Les  actes 
de  mariage  ne  sont  obligatoires  qu  à  partir  de  1536  et 

{{)  N.  Bourbon.  Nu^a-,  1.  i.,  Carmen 4 15-1 40.  L.  i\  Carmen  39. 
(2)  A   9. 


I5SS  CHAPITRE  XVI  864 

ceux  de  baptêmes,  pour  tous  les  catholiques,  qu'après 
Tordonnance  de  1579  et  d'après  le  vœu  du  concile  de 
Trente.  (Boutiot.  Notes  sur  les  actes  et  Us  registres  de 
létal  civil  dans  F  arrondissement  de  Troyes,  1850.) 


CHAPITRE  XVII 


no    1836    au     lO    Jaillet    ItSBO 


SOMMAIRE  : 

e  rAdministration  des  hospices.  —  De  TAumône  générale  ;  son  rè- 
glement ;  ses  bienfaiteurs.  —  Emprunta  royaux  ;  avances  sur 
les  impôts.  —  Rencontre,  à  Arles,  d'un  régiment  italien  et  d'un 
régiment  champenois.  —  Des  lansquenets,  à  Rigny-le-Ferron, 
demandent  des  vivres  à  Troyes.  —  Soldats  champenois  dirigés  sur 
ta  Picardie.  —  Troyes,  arsenal  général  de  la  province  ;  refus  par 
le  duc  de  Guise  d'artillerie  demandée  par  le  duc  d'Orlans,  pour 
l'armée  de  Picardie  ;  mécontentement  du  roi.  —  Suppression 
de  la  halle  à  la  cordonnerie.  —  Charles  de  Parenti,  ermite.  — 
Les  cigognes  nichent  à  Troyes  et  aux  environs.  —  Jacques  de 
Brienne  et  Poncelet  Musnier,  les  deux  plus  anciens  chroni- 
queurs troyens.  —  Statuts  des  aputhcaires.  —  François  1er  sé- 
journe à  Troyes  pendant  deux  moi"?.  —  Chapitre  général  des 
Jacobins.  -  Villes  fermées  du  bailliage  ;  Montiéramey  compris 
parmi  ces  villes.  —  Plaintes  du  clergé  contre  l'administration 
échevinale.  ^  Le  dauphin  et  la  dauphine  passent  à  Troyes.  — 
La  réforme.  —  Les  Inthéristes.  —  Le  clergé  de  Troyes.  —  Fa- 
milles troyennes  embrassant  la  réforme.  —  La  famille  Pithou  ; 
le  pasteur  Sticler  ;  poursuites  judiciaires  contre  les  réformistes  ; 
les  pasteurs  Dubec  et  Morel.  —  Le  duc  de  Guise  et  son  fils,  le 
comte  d'Aumale,  séjournent  à  Troyes.  —  François  I«r,  à  Troyes, 
puis  à  la  Rivour.  —  La  France  divisée  en  dix-sept  trésoreries  ; 
Troyes  comprise  dans  celle  d'Outre-Seine  et  Yonne.  —  Nou- 
veaux travaux  aux  fortifications.  —  Guerre.  —  Impôts  nou- 
veaux ;  emprunts  royaux  ;  don  gratuit  du  clergé  ;  aliénation  du 
dom^finc  royal  ;  vente  des  mairies  royales.  —  Don  à  M.  de  Lon- 


364  HISTOIRE  DE   TROYES. 

{^ueval,  lieutenant-général  du  roi  en  Champagne.  —  Du  bin  et 
de  Tarrièrc-ban.  —  Le  duc  de  Guise,  nommé  gouverneur  de 
Bourgogne  ;  le  duc  de  Nevers  lui  succède  en  Champagne.  — 
Entrée  solennelle  à  Troyes  de  ce  dernier.  —  Continuation  des 
travaux  aux  fortifications  ;  démolition  de  la  fausse  porte  de  St- 
Antoine.  —  Inventaire  des  armes  appartenant  à  la  ville.  ->  Le 
duc  de  Montpensier  et  le  prince  de  Melphe,  commissaires 
royaux  chargés  de  Tœuvre  des  fortifications  de  Troyes.  —  Dé- 
molition d'un  grand  nombre  de  maisons  et  de  trente  des  ancien- 
nes tours.  —  On  craint  un  siège  ;  mesures  prises  à  cette  occa- 
sion. —  Travaux  faits,  par  corvée,  par  les  habitans  du  bailliage. 

—  On  fond  les  cloches  de  certaines  églises  et  l'on  en  fait  des 
canons.  —  On  démonte  les  moulins  de  la  banlieue.  —  Les  re- 
liques de  St-Piorre  sont  envoyées  à  Sens.  —  La  population 
troyenne  est  passée  en  revue  par  le  duc  d'Orléans.  —  On 
compte  à  Troyes  3,875  habitants  armés.  —  Les  couleurs  des  éten- 
darts  sont  Tincarnat,  le  blanc  et  le  bleu.  —  On  place  devant 
l*hôtel-de-ville  quatre  doubles  canons  et  deux  potences  sont 
élevées^  Tune  au  marché  an  blé,  l'autre  au  pont  de  St-Jacques. 

—  Girard  Viarre  fait  «  deux  portraits  »  de  la  ville  pour  le  ser- 
vice du  roi.  —  Siège  de  St-Dizier  ;  destruction  et  pillage  de  la 
ville  et  du  château  de  Joinville  ;  l'armée  de  Charles-Quint  des- 
cend la  Marne  jusqu'à  Château-Thierry.  —  Mort  d'Odard  Hen- 
nequin.  —  Louis  de  Lorraine,  âgé  de  18  ans,  fils  du  duc  de 
Guise,  lui  succède.  —  Nicolas  Lepeuvier,  théologal  de  la  cathé- 
drale, chargé  de  l'examen  des  propositions  à  soumettre  au  con- 
cile de  Trente.  —  La  peste  en  Champagne .  —  Nouvelle  organi- 
sation de  l'aumône  générale  ;  son  bureau  ;  les  recettes  et  dé- 
penses ;  procession  des  pauvres.  —  Projet  de  règlement 
général  de  l'assistance  publique  à  Troyes.  —  Commanderie  du 
Temple  à  Payas.  —  Prévoté  des  maréchaux  de  Troyes.  —  Con- 
damnation de  Macé-Moreau,  imprimeur,  favorisant  la  réforme  ; 
propagande  luthérienne.  —  François  1er,  en  Champagne.  — 
Comptes  de  la  voirie  ;  assemblées  consulaires.  —  Nouvelle  pu- 
blication des  foires.  -  Mort  de  François  lor.  ;  Henri  II  succède 
à  son  père.  -  Voyage  du  roi  et  de  la  reine  à  Turin  ;  ils  se. 
journent  à  Troyes.  —  La  duchesse  de  Ferrarc  passe  à  Troyes. 

—  Solde  des  50,000  hommes  de  guerre.  —  Démolition  de  la 
porte  Jaulme  ou  Jaune*.  —  Etats  provinciaux  tenus  à  Reims.  — 
Assemblées  générales  des  habitants  de  Troyes  à   cette  occasion. 

—  Les  délégués  des  cantons  suisses  passent  à  Troyes.  —  Statuts 
des  pâtissiers,  des  cordiers,  des  gantiers.  —  Règlement  relatif 
aux  honoraires  dus  aux  notaires,  greffiers  et  tabellions.  —  Les 
troycns  demandent  la  réunion  des  offices  de  tabellion  à  ceux  des 
notaires.  —  Nouvelles  aliénations  du  domaine  royal.  —  Sup- 
pression des  droits  de  jurée.  —  Création  d'offices  de  conseiller 


CHAPITRE   XYIl.  365 

an  bailliage  de  Troyes.  —  Boulets  achetés  i  Girey.  —  Recous- 
truction  du  trésor  de  Thôtel-de -ville.  —  Corporation  des  ser- 
gents des  foires.  —  Mort  de  Claude,  duc  de  Guise.  —  Ses  en- 
fants. —  Règlement  contre  les  taverniers  et  cabaretiers.  — 
Edit  somptuaire.  —  Mystères,  sotties,  diableries,  la  sotte  bande. 

—  Décoration  des  maisons.  —  Images  pieus  'S.  —  Antoine  Garac- 
ciole  succède  à  Louis  de  Lorraine,  comme  évéque  de  Troyes  ; 
son  portrait  ;  son  caractère  ;  difficultés  entre  lui  et  le  chapitre 
de  St-Pierre.  —  Progrès  des  idées  nouvelles  -  Inondation  ; 
cherté  de^  grains  ;  projets  de  construction  de  moulins  à  vent  et  à 
eau  ~  Recensement  de  la  population.  —  Marie  de  Lorraine, 
femme  de  Jacques  Stuart  V,  fait  son  entrée  à  Troyes.  —  Créa- 
tion du  présidial  -,  assemblée  des  habitants  à  cette  occasion.  — 
Juridiction  des  traites  foraines.  —  Etablissement  d'un  moulin  i 
poudre  à  canon.  —  Formation  d'une  armée  en  Champagne.  — 
Recensement  des  hommes  âgés  de  18  à  40  ans.  —  Henri  II 
veut  pousser  ses  conquêtes  jusqu'au  Rhin  ;  enthousiasme 
national.  — Impôt  dit  des  clochers  —  Projet  de  rendre  la  Laigne 
navigable.  ~  Ambassade  turque  de  passage  à  Troyes  —  Proces- 
sion des  pauvres.  —  Etat  du  ressort  du  bailliage  de  Troyes,  — 
Le  bailliage  et  le  présidial  installés  au  palais  royal.  —  Assassi- 
nat dans  l'église  de  Barbuise.  —  Mauvaises  récoltes.  —  Décla- 
ration de  cens  et  rentes  non  rachetables  à  Troyes.  —  Girard 
Viarre  fait  un  nouveau  plan  de  la  ville.  —  Emprunts  royaux.  — 
Nouveaux  statuts  des  bonnetiers,  des  contrepointiers.  —  Outra- 
ges aux  images  pieuses.  —  De  la  circulation  monétaire  ;  du 
commerce  des  métaux  fins.  —  Nouvelle  aliénation  du  domaine. 

—  Comptes  des  fortifications  soumis  à  des  commissaires  royaux. 

—  Publication  de  la  coutume  de  Sens  ;  débats  entre  l'évèque  et 
le  chapitre  de  Si-Pierre  et  le  Procureur  du  roi.  —  Dernière  ad- 
judication de  la  ferme  de  la  Maille.  -  Incendie  de  la  ville  de 
Tonnerre  ;  exécutions  à  Troyes  de  deux  des  auteurs.  —  Pas- 
sage  à  Troyes,  du  dauphin,  du  duc  de  Guise,  etc.  -  Grande  sé- 
cheresse ;  pèlerinage.  —  Impôts  ;  taxe  sur  les  habitans  en  fa- 
veur des  pauvres.  —  Processions  générales  ;  poursuites  contre 
les  réformés.  — .Le  décanat  du  chapitre  de  St-Pierre  maintenu 
électif.  —  Comptes  des  deniers  communs,  patrimoniaux  et 
d'octroi.  —  La  Champagne  menacée  par  les  espagnols  ;  siège  de 
St-Quentin.  —  Etats  tenus  à  Paris.  —  Taxe  imposée  sur  les  ha- 
bitans de  Troyes,  opposition.  —  Demande  de  la  liberté  du  com- 
merce f-t  de  la  suppression  des  impôts  ;  dons  patriotiques.  — 
Réfoime  des  poids  et  mesures  dans  le  bailliage.  —  Diane  de 
Poitiers  à  Troyes.  —  Plaintes  contre  les  aumônes.  —  Des  partis 
et  leurs  piincipaux  chefs  da.MS  la  contrée. — Des  ciutadourêy 
des  lansquenets  logés  en  Croncels.  —  Le  guet  dormant  et  Tea- 
rharifuet     —    Réforme  ;   détails  ;   émigrations  de  Troyes  à  Qe* 


366  HISTOIRE  DE   TROYES. 

nù^e  ;  meurtre  de   Guiliauiue  de  MarUy,  réformé.  —  Mort  d^ 
Hemn  II. 


DaDs  le  chapitre  précédent,  on  a  vu  radministratioi 
temporelle  des  hospices  et  hôpitaux  de  THôtel-Dieu-le— 
Comte,  de  St-Nicolas,  de  St-Bernard  et  de  St^Esprit^^  A, 
passer  aux  mains  de  personnes  laïques,  élues  et  remplis  <^^  ^s- 
sant  des  fonctions  identiques  à  celles  des  commission:  .^zans 
hospitalières  du  XIX^  siècle.  Ces  anciens  établissement^^  mïU 
de  bienfaisance  ne  suffisent  plus.  Il  y  a  d'autres  misère^^'-^ei 
à  secourir  que  celles  des  malades  et  des  pèlerins,  et  touc^  <ui 
les  malades  n'ont  pas,  de  droit,  place  dans  les  hôpitaux^  .cjai 
les  pestiférés  entr'autres.  Pour  ceux-ci,  les  habitants  onrs^Dn 
élevé  deux  maisons  :  Tune  aux  champs,  l'autre  en  vill^  t  lie 
Les  pèlerins  sont  déjà  —  et  non  sans  raison  —  consid^  fidé 
rés  comme  mendiants  et  gens  sans  aveu.  11  y  a  encom.  ^oûn 
les  gens  sans  ouvrage,  et,  par  diverses  causes,  les  cïi(^M^Ù' 
mages  sont  fréquents  ;  les  gens  de  la  campagne,  ruin^  ^^éî 
par  les  guerres,  se  réfugient  en  ville,  et  cette  populatiorrv  ^3n, 
fixe  ou  nomade,  ne  peut  être  secourue  par  les  hospices  ^^^s- 
Et  puis,  —  il  faut  bien  le  dire,  —  depuis  longtemps  ^i^s» 
bien  longtemps  déjà,  les  hospices  manquent  au  but  dE::»  ^^ 
leurs  fondateurs  et  de  leurs  bienfaiteurs. 

Le  personnel  vil  sur  les  revenus,  et  un  bien  petit  nonr:^:^'*^* 
bre  de  malheureux  sont  assistés.  Dans  les  quelque^^  ^^^ 
comptes  qui  nous  restent,  on  ne  voit  que  de  bien  faible^i^  ^^^ 
dépenses  appliquées  aux  secours.  En  1379,  Thospic^-^ -^^ 
St-Nicolas  ne  dépense  rien  pour  les  assistés,  et  cepei*^  ^" 
dant  Tannée  n'est  pas  heureuse.  L'année  suivante,  o:  ^^^^'^ 
trouve  19  deniers  (env.  3  fr.)  ayant  cette  destinatioir^  ^^^ 
tandis  que  les  maîtres,  frères,  familiers,  ouvriers  et  sur**  ^^' 
venants,  dépensent  28  liv.  3  s.  ou  environ  1,550  fr.,  €^^  ^* 
les  sœurs  15  liv.  15  sous  (ou  env.  825  fr.),  et  2  liv.  (or  ^rmu 
env.  110  fr.)  en  épices,  pignolal  et  mendiants^  pou*-^^' 
étrennes  données  à  quelques  seigneurs.  En  1412  et  e».  ^^ 
1419,  il  n'y  a  aucun  émargement  de  bienfaisance.  E»  ^-^ 


1536  CHAPITRE  XYII.  367 

15i0,  la  dépense  du  personnel  servant  et  du  personnel 
servi  s'élève  à  102  1.  15  s.  5  d.  t.  (  ou  2,775  fr.)  En  1530, 
cette  dépense  est  de  1,250  liv.,  et  les  revenus  en  numé- 
raire et  en  nature  sont  vingt  fois  plus  considérables. 

A  rHôtel-Dieu-le-Comte,  la  recette,  en  1546,  et  alors 
que  l'administration  s'est  sécularisée,  est  de  1,450  liv. 
5  s.  6  d.  en  numéraire,  et,  en  nature,  de  11  muids  de 
blé,  2  muids  de  seigle,  15  septiers  d'orge  et  9  muids 
d'avoine.  La  dépense  s'élève,  en  numéraire,  à  1,544  liv. 
Il  a  été  consommé,  pour  les  religieuses  et  les  pauvres 
(les  chiffres  sont  réunis),  12,940  pitances  ou  portions, 
dont  la  valeur  est  inscrite  pour  272  liv.  16  s.  Le  maître 
spirituel,  les  religieux  et  le  receveur  ont  dépensé  ensem- 
ble 228  liv.  (i  ). 

L'administration  des  hospices  avait  besoin  de  ré- 
formes. Des  abus  nombreux  s'y  étaient  introduits.  Les 
maîtres,  religieux  et  religieuses  s'étaient  inféodés  dans 
ces  divers  patrimoines,  à  ce  point  que  plusieurs  d'entre 
eux  prétendaient  que  les  hospices  étaient  des  prieurés 
ou  bénéfices,  et  que  conséquemment  ils  ne  devaient  de 
compte  qu'à  eux-mêmes,  puisque  les  fondations  ne  rele- 
vaient pas  de  communautés  autres  que  celles  de  chacune 
des  maisons  hospitalières.  Les  maîtres  et  les  religieux  se 
fondaient,  surtout,  sur  le  texte  d'une  loi  des  premiers 
temps  de  l'Eglise,  qui  dispensait  les  économes  hospita- 
liers de  rendre  compte  de  leur  gestion  à  d'autres  qu'à 
eux-mêmes  ou  à  leur  conscience. 

Dès  le  commencement  du  XVIe  siècle,  surgirent  des 
difficultés  entre  les  habitants  de  Troyes  et  les  adminis- 
trateurs spirituels  chargés  de  la  gestion  des  biens  des 
hôpitaux.  La  ville  créa,  en  1518,  un  service  spécial  pour 

(i)  Arch.  dép.  f,  de  Vhospicê  St-NiooUu  et  de  rHôtH-de-Dieu-^e- 
Comte,  "-  Arch.  mua.  fond  de»  hospices  de  Troyes.  A.  A.  36*  car- 
ton, ir«  liasse.  —  Le  registre  de  dépense  de  TH.  D.-le-Gomte  de 
1546  est  le  plas  ancien  du  dépôt. 


368  HISTOIRE  DE  TROYES. 

secourir  les  pestiférés,  et,  vers  1530,  coiuiue  ou  recon — 
nut  qu'il  ne  suffisait  pas  de  chasser  hors  de  la  ville  1 
mendiants  et  les  vagabonds,  on  songea  à  leur  donner  &  à 
manger,  à  les  secourir  utilement.  Dans  ce  but,  Téchevi-  M  bi- 
nage fonda  une  institution  de  bienfaisance,  qui  prit  I»  M  le 
nom  d'Aumône  générait. 

Cette   institution,   d'origine  laïque,    commença,    er^^en 
1529,  par  des  quêtes  dans  les  églises  et  à  domicile.  &^^Bd 
1536,  elle  constitua  une  institution  de  bienfaisance  qu  SL^^ui, 
se  développant  rapidement,  eut  ses  proviseurs,  ses  res^  '^aes- 
sources  et  ses  comptes.  Elle  reçut  des  dons.  Plus  tarc^'^v  jrdi 
elle  encaissera  certaines  amendes  prononcées  en  sa  f^sT^  fa- 
veur par  la  juridiction  consulaire.  Elle  est  l'origine  dC:>     du 
Bureau  de  bienfaisance,  émanation  de  l'administratioc^  «^ion 
municipale,  selon  nos  lois  modernes.  Elle  a  juridictioo  iioo 
sur  les  pauvres  mendiants.  Elle  les  dirige,  elle  les  sue  m^mxt- 
veille  et  corrige,  les  fait  au  besoin  emprisonner;  el  K  ^'^ 
dresse  les  rôles  de  ceux  qu'elle  secourt,  taxe  les  hab^iS  bi- 
tants  pour  subvenir  à  ses  dépenses;  comprend,  dans  s^^^sses 
imposés,  l'évoque,  les  chapitres  et  communautés.  Elle  ^^^  ^ 
le  droit  de  placer  et  d'ouvrir  des  troncs  dans  les  église^^  ''^' 
Elle  va   même  jusqu'à  ordonner  que  des  quêtes  seroK  ^==30Dt 
faites  par  les  marguilliers,  au  domicile  des  paroissien;,  ^rv^- 
Henri  II  Tautorise  à  contraindre  au  paiement  de  la  taiK  ^^^ 
fixée  par  les  proviseurs,  à  l'aide  de  bedeaux,  qui  ont  d^  M^^ 
pouvoirs  égaux,  à  cet  effet,  à  ceux  des  sergents  royau:  «-^*- 
L'Aumône  générale  comprend,  sous  son  patronage,  1^  "^' 
enfants  trouvés.  Par  les  soins  de  ses  proviseurs,  des 
fants  pauvres  sont  instruits  gratuitement  dans  les  école; 
Dès  l'origine,  le  bureau  de  l'Aumône  générale  se  tien  ^^^^ 
chaque  dimanche,  à  une  heure  de  l'après-midi,  au  pie^^  ^ 
de  l'autel  de  la  Pitié,  au  couvent  des  Cordeliers,  au  b^^  ^^ 
de  l'une  des  œuvres  sculpturales  les  plus  remarquable^  ^ 
de  la  fin  du  XVe  siècle. 

L'Aumùne   générale    eut   ses    bienfaiteurs.    Elle 


D' 


1536  CHAPITRE  XVII.  369 

compta  six,  au  XVIe  siéclo.  qui  ne  se  bornèrent  pas  à  des 
dons  mobiliers.  Nous  nommerons  Antoine  Ludol  (1568); 
Jean  Nervost  et  Catherine  Le  Tartier,  sa  femme  (1581); 
Claude  Jaquot,  prévôt  de  Troyes,  seigneur  de  Ste-Maure 
et  de  Charley  (1585);  Marguerite  Lenoble,  veuve  de 
Jean  de  Bossancourt  (1588)  et  Perronnelle  Chauveau, 
veuve  de  Jean  Deheurles  (1595)  (1). 

La  magnificence  de  François  l'''  et  la  guerre  vident 
toujours  le  trésor  royal.  Kn  1530,  le  roi  demande  aux 
habitants  de  Troyes  25,000  liv.  à  litre  d'emprunt,  afin 
de  Taider  à  continuer  sa  lutte  contre  Charles-Quint. 
Il  écrit  aux  Troyens  et  invoque  Taide  du  gouverneur  et 
l'influence  de  Tévéque,  Odard  llennequin.  Les  Troyens 
ne  se  rendirent  pas  d'abord  aux  désirs  du  roi,  mais  il 
fallut  céder.  Le  clergé  lui-même  fut  mis  à  contribulion. 
I^eu  de  temps  après,  le  roi  demanda  un  nouveau  prêt  de 
50,000  liv.  et  des  avances  sur  les  impôts  ordinaires. 
Il  réclama  encore  li,iOO  liv.  pour  solder,  pendant  qua- 
tre mois,  une  bande  de  six  cents  hommes  de  guerre. 
Celte  dernière  somme  dut  être  remboursée  par  le  pro- 
duit d'une  levée  do  20  d.  t.  sur  cha([ue  muid  ou  demi- 
qncue  de  vin  enîrant  en  ville  ou  en  sortant  (2). 

Kn  1530,  Jean  d'Anglure,  seigneur  de  Jour,  avait  sous 
sou  commandement  un  millier  do  Champenois,  tandis 
<jue  Jean  Carracciole,  prince  de  Melphe,  était,  pour  le 
roi,  à  la  tête  d'une  compagnie  dTtaliens  Ces  deux  bandes 
ou  régiments  étaient  en  résidence  dans  la  ville  d'Arles. 
Le  prince  de  Melphe  fut  envoyé  au  camp  établi  devant 
Avignon.  Pendant  cette  absence,  et,  sans  aucun  doute, 
animé  par  le  souvenir  des  souffrances  que  des  soldats 
italiens  avaient  fait  supporter  à  la  population  champe- 
noise, un  soldat  de  Jean  d'Anglure  se  prit  de  querelle 

(1)  Arch.  tnun.  A.  A,    35»-'  carton^  icr  lîMse.  —  Arch.  ilép.  f.  de 
V aumône  générale, 
1^2)  F.  223,231. 

III.  3/i 


370  HISTOmE   DB   TROYES.  1^1 

avec  un  Italien.  Une  lutle  s'ensuivit.  Les  deux  troupes 
en  vinrent  aux  mains,  et  la  mêlée  fut  telle  qu'il  resta  sur 
le  terrain  de  soixante  à  quatre-vingts  de  ceux  qui  y 
avaient  pris  part.  En  rentrant  à  Arles,  les  Champenois 
s'emparèrent  de  pièces  d'artillerie  et  continuèrent  «  cette 
mutinerie,  >  qui  ne  s'apaisa  qu'avec  la  plus  grande  peine 
et  par  l'intervention  des  chefs  (l). 

Le  11  janvier  1537  (v.  st.),  dix  mille  lansquenets 
sont  à  Rigny-le-Ferron.  Ils  viennent  de  la  Bourgogne  et 
se  dirigent  vers  la  Picardie,  sous  la  conduite  d'Olivier  de 
Lenoncourt.  Ils  demandent  aux  habitants  de  Troyes, 
<  cent  poinçons  de  vin,  vingt  mille  pains  et  autres  grosses 
>  et  excessives  munitions.  >  En  mai  suivant,  celte  même 
bande  reparait  dans  la  même  contrée  et  ne  demande  pas 
moins  de  cinq  cents  muids  de  vin,  quarante  bœufs, 
quatre  cents  moulons  et  trente  muids  de  froment  (2). 

Le  roi  voulait  alors  recouvrer  quelques  places  de 
Picardie  et  de  Flandres.  Il  avait  réuni  un  millier  de 
Champenois  sous  le  seigneur  de  Quincy.  Les  travaux  de 
mine  et  de  pionnerie  étaient  conduits  par  le  comte  de 
Melphe  et  par  de  La  Rochefoucault  de  Barbezieux,  sei- 
gneur de  Vendeuvre.  Le  sieur  de  Villiers-aux-Corneilles, 
remplissait  les  fonctions  de  maître  de  l'artillerie  (3). 

La  ville  de  Troyes  est  une  place  de  guerre  toujours 
bien  approvisionnée.  Le  duc  de  Guise  y  concentre  une 
grande  quantité  d'armes  et  de  munitions.  Il  fait  de  la 
capitale  de  son  gouvernement  l'arsenal  général  de  la 
province.  Il  ne  veut  rien  laisser  sortir  de  la  ville,  en 
armes  et  en  munitions,  sans  les  ordres  formels  du  roi. 
lie  1534  à  1537,  il  rési.ste  à  des  demandes  de  cette 
nature,  ménie  à  celles  du  duc  d'Orléans,  fils  du  roi,  ainsi 
qu'à  celles  des  gouverneur  et  gens  du  Conseil  de  la  ville 

(i)  Du  Bellay,  Mémoires  Ed.  do  Panthéon  litt.  p.  629. 

(2)  A.  9. 

(3)  Du  Bellay.  Mémoires^  p.  661. 


IfiSt  CHAPITRE  XYU.  37i 

de  Cliâlons,  et  Claude  d'Anglure,  sieur  de  Jour,  n'ob- 
lienl,  de  l'arsenal  de  Troyes,  des  piques  et  d'autres 
armes  qu'avec  Tautorisalion  du  duc-gouverneur  (1).  Celte 
résistance  étonne  môme  le  roi,  qui,  le  23  juin  1537, 
témoigne  au  duc  son  mécontentement  à  l'occasion  du 
refus  éprouvé  par  un  commissaire  envoyé,  à  Troyes,  par 
son  fils,  afin  de  faire  sortir  do  la  ville  dix-huit  pièces 
d'artillerie  destinées  à  l'armée  de  Picardie.  Il  faut  voir 
dans  ces  faits  au  moins  autant  l'influence  de  la  person- 
nalité du  duc,  qui  la  fait  sontir  dans  toutes  les  occasions, 
que  1;  mour  de  Tordre  ou  l'intérêt  du  service  du  roi. 

Les  cordonniers  et  les  basaniers  possédaient,  de  temps 
immémorial,  une  salle  dépendant  de  la  grande  boucherie, 
où  ils  vendaient  le  produit  de  leur  industrie.  Celte  salle 
est,  en  1538,  vendue  au  roi.  Depuis  lors,  ils  sont  auto- 
risés à  exposer  leur  marchandise  sur  leurs  étaux,  sur  le 
pavé  royal,  devant  et  hors  de  leurs  maisons,  à  la  charge^ 
par  chaque  cordoimier  ou  basanier,  de  payer  au  roi  treize 
sous  tournois,  par  an,  en  deux  termes,  à  la  Chandeleur 
et  à  la  St-Remy  (2).  Ainsi  disparut  la  halle  à  la  cordon- 
nerie. 

La  ville  de  Troyes,  en  mars  1539  (  v.  st.),  eut  la  visite 
d'un  saint  personnage,  frère  Charles  de  Parenli,  prètre- 
crmite  de  Besanijon,  désigné  généralement  sous  la  qua- 
lification :  du  Saint-Homme.  Il  avait  un  certain  équi* 
page.  Sa  suite  était  composée  de  quatre  personnes,  qui, 
comme  lui,  voyageaient  à  cheval.  Sa  réputation  l'avait 
précédé  à  Troyes,  où  il  fut  accueilli  avec  une  certaine 


(1)  A.  A.  8e  carton,  ire  liasse,  René  de  Bouille.  Hist,  des  ducs 
de  Guiêe.  Vol.  I.  p.  117,  —  mnsc.  de  Béthune,  vol.  8540,  folOO.—  Il 
est  regrettable  que  M  R.  de  Bouille  n'ait  pas  connu  la  correspon- 
dance des  dues  de  Guise  et  de  la  maison  de  Lorraine  conservée  dans 
les  arcli  mun.  de  Troyes.  Il  n'eût  manqué  d'en  tirer  parti  pour  son 
excellente  liisloire  de  cctic  illustre  maison. 

(2)  J.  S. 


372  HISTOIRE   DE  TROYES.  1538 

bienveillance  par  de  notables  habitants,  et  réchevinage 
le  défraya  pendant  son  séjour  (1). 

Depuis  longtemps,  les  cigognes  paraissent  avoir  aban- 
donné nos  contrées.  Elles  n'y  séjournent  plus.  En  1538, 
on  constate  Texistence  d'un  nid  de  ces  intéressants  oi- 
seaux, à  Tévôché,  au  haut  de  la  tour  Chapitre,  et  le 
5  mai  1540,  le  Chapitre  de  St-Pierre  ordonne  qu'un  nid 
de  cigognes,  placé  au  haut  d'un  arbre,  au  territoire  de 
Villiers,  près  Ste-Syre,  sera  abattu  afin  d'ôter  tout  sujet 
de  querelle  (2). 

Vers  ce  temps,  vivaient  à  Troyes  deux  bourgeois,  et 
Ton  peut  dire  d'eux  ce  que  Déranger  a  dit  du  roi  d'Yve- 
tôt,  €  peu  connus  dans  l'histoire,  d  Ces  deux  bourgeois 
sont  les  deux  premiers  chroniqueurs  ou  annalistes  de  la 
ville.  Leurs  annales  ne  sont  pas  volumineuses,  elles  ren- 
ferment seulement  quelques  pages  et  ne  font  guère  men- 
tion que  de  quelques  faits.  Leurs  notes  commencent  en 
1539  et  prennent  fin  vers  1562.  Leurs  noms  sont  de- 
meurés à  peu  près  inconnus.  L'un  se  nomme  :  Jacques 
de  Brienne,  son  père  portait  le  double  surnom  de  Bour- 
sier et  de  Chancelier;  l'autre,  Poncelet  Musnier.  Jacques 
de  Brienne  fut  reçu  marguillier  à  l'église  St-Jean,  le 
8  octobre  1536,  et,  le  2  septembre  1539,  il  fut  admis 
dans  la  compagnie  des  arbalétriers  ou  confrérie  de  Ste- 
Croix.  Il  prêta  son  serinent  entre  les  mains  de  frère  Jean 
Marchand,  alors  roi.  (^elte  confrérie  se  réunissait  au  cou- 
vent des  Jacobins,  où  elle  faisait  célébrer  une  messe 
basse  tous  les  dimanches  et  une  grande  messe  le  jour  de 
la  fùte,  avec  procession  autour  du  cloître,  et  le  lendemain 
un  anniversaire. 

Jacques  de  Brienne  fut  aussi  confrère  de  la  Passion 

(1)B.  125. 

(2)  Sémillard.  Mémoires.  BI.  comra.  do  Troyes    Ces    notes   sont 
extraites  des  anc.  arch.  du  chap.  de  Sl-Pierre. 


1539  CIIAPITUE   XVII.  373 

OU  lie  la  sotte  bamlc.  Il  fui  reçu  dans  celle  cunipagnie, 
le  fi  aoùl  1512^  au  couvent  des  Charlreux,  où  s'assem- 
blait celle  confrérie.  Ces  faits  paraissent  avoir  tenu  une 
certaine  place  dans  sa  vie,  car  c'est  lui  surtout  qui  a 
garde  le  souvenir  de  la  sotte  bande  qui,  de  1532  à  1550, 
joua  à  Troyes  des  mystères  et  des  sotties  (1). 

Poncelet  Musnier  recueillit  aussi  quelques  notes  sur 
les  événements  contemporains.  Il  s'arrêta  vers  1562. 
il  mourut  le  12  juillet  1609,  et  le  14  il  fut  inhumé  dans 
Téglise  St-Remy  (2). 

Par  leurs  statuts  de  1431,  les  apothicaires  faisaient 
corps  et  communauté  avec  les  épiciers  et  les  ciriers. 
En  1539,  ils  forment  une  corporation  à  part  et  laissent 
derrière  eux  les  uns  et  les  autres.  Ils  ne  sont  plus  de 
simples  marchands,  ils  tiennent,  au  moins  par  un  côté, 
à  Texercice  de  la  médecine.  Aussi,  leurs  statuts  de  1539 
en  font-ils  des  gens  qui  doivent  savoir  parler  latin.  Le 
négoce  est  rejeté  sur  le  second  plan.  La  composition  des 
médicaments  est  en  première  ligne.  Leur  bonne  confec- 
tion est  prescrite  sous  les  peines  les  plus  sévères. 
L'apothicairerie  est  élevée  à  l'état  de  science  et  d*art. 

Les  statuts  de  novembre  1539,  sont  établis  sur  ceux 
de  Paris. 

Tout  individu,  voulant  obtenir  une  maîtrise  d'apothi- 
caire, doit  savoir  de  la  langue  latine  assez  pour  com- 
prendre les  livres  latins  en  usage  dans  l'art  d'apolhicai- 
rerie,  comme  Mesue  et  autres  semblables.  —  Pour  cela 
faire,  les  élèves  entendront,  pendant  un  an,  deux  lectures 
par  semaine,  «  sur  l'art  et  la  science  d'apothicairerie,  » 
faites  par  un  médecin  de  Troyes,  docteur  de  la  Faculté 
de  Paris  ou  de  celle  de  Montpellier,  élu  par  les  méde- 
cins et  les  apothicaires. 

(i)  Bibl.  nal.  Collection  de  Champagne ^vo\,  61,  Troyes,  xvi. 
(2)  Semillard,  t.  m,  p.  224. 


374  HISTOIRE   DE  TROYES.  fm 

L'examen  des  aspirants  se  fera  par  deux  notables  et 
un  docteur-médecin,  bon,  notable  et  expépimento.  L'exa- 
men portera  sur  la  langue  latine,  les  drogues  simples  et 
les  drogues  composées,  la  manière  do  les  préparer,  et 
sur  le  choF-d'œuvre.  Les  examinateurs  feront  leur  rap- 
port au  lieutenant-général,  à  Taudience  et  à  jour  de 
plaid,  sur  la  suffisance  de  Taspirant,  et  rodicier  de  jus- 
tice recevra  ou  rejettera  la  demande. 

Les  valets  employés  par  les  veuves  d'apothicaires  se- 
ront examinés,  et,  sur  le  rapport  du  médecin  et  des  apo- 
thicaires, le  lieutenant-généril  prononcera  sur  leur 
capacité. 

Tout  aspirant  doit  avoir  demeuré  pendant  quatre  ans 
chez  un  maître  apothicaire,  d*oii  il  ne  peut  sortir  sans 
son  congé,  sinon  il  encourt  une  amende  de  dix  livres. 
Les  enfants  des  apothicaires  no  sont  pas  tenus  au  chef- 
d'œuvre. 

La  visite  de  toutes  les  matières,  vendues  ou  préparées 
dans  les  officines  des  apothicaires,  aura  lieu  deux  fois  par 
an,  par  un  médecin  et  deux  apothicaires.  —  Les  visites 
devront  déclarer,  sous  la  foi  du  serment,  qu'ils  soumet- 
tent ù  rcxanien  tout  ec  qu'ils  [)Ossèdent  de  malièros  su- 
jettes nux  visites,  et  ce,  sous  peine  d'une  amende  de 
cent  marcs  (rargont,  do  prison  et  de  peine  corporelle.  — 
Sur  rapport  fait  à  l'audience  du  bailliage,  s'il  y  a  cas,  les 
matières  trouvées  mauvaises  seront  publiquement  jetées 
au  fou  et  dolruites.  —  Sous  peine  de  la  même  amende, 
les  apothicaires,  leurs  valets  ou  serviteurs  ne  pourront 
employer  d'autres  médecines  que  celles  ordonnées  par 
les  médecins,  ci  ne  mollre  en  usage  que  des  matières 
bonnes  et  loyales.  —  Sous  peine  d'une  amende  de  cent 
marcs  d'argent,  les  apothicaires  ne  pourront  en  rien 
modiller  l(»s  ortiniinancos  i\o^  nn'docins.  —  Les  méde- 
cins et  les  apothicaires  devront,  une  Ibis  Tan,  s'assem- 
bler afin  de  décider  le  temps  le  plus  opportun  pour  faire 


1539  CHAPITUK  XVll.  375 

les  drogues  coiiiposéjîs.  —  Lcsnpothicaircîs,  <|iii  voudront 
préparer  de  ces  drogues,  incllront  chacun  en  leur  mai- 
son, sur  une  table,  les  nnalîèpes  qui  devront  entrer  dans 
ces  compositions.  —  Les  médecins  et  les  apothicaires 
députés  en  feront  visite,  depuis  six  heures  du  matin  jus- 
qu'à six  heures  du  soir.  —  Si  les  matières  sont  mau- 
vaises, elles  seront  jetées  publiquement  au  feu,  et  les 
délinquants  condamnés  à  une  amende  de  cent  marcs 
d'argent,  de  punition  corporelle  et  même  de  la  hart.  — 
Et,  parce  que  les  médecins  usent  en  médecine  d'un  qui 
prn  quo,  il  est  ordonné  qu'ils  se  réuniront,  pour  le  bien 
de  la  chose  publique,  conservation  et  réparation  de  la 
santé  du  corps  humain,  au  moins  une  fois  l'an,  pour 
rédiger  par  écrit  «  les  dispensaires  de  ces  qui  pro  quo^  > 
pour  l'usage  des  apothicaires.  —  Les  apothicaires  ne 
|)Ourront  faire  aucune  composition  si  elle  n'est  ordonnée 
par  les  médecins  de  la  Faculté  de  Paris  ou  de  Mont- 
pellier, ou  les  médecins  du  roi  ou  du  sang  royal  (1).  — 
Nul  empirique  ne  pourra,  à  Troyes,  exercer  la  médecine 
—  Tout  médecin  devra  être  docteur  de  la  Faculté  de 
Paris  ou  de  Montpellier,  et  avoir  la  permission  du  bailli 
ou  de  son  lieutenant. 

(^uand  un  mcdecin  connaît  «  la  maladie  d'un  patient,  > 
il  lui  est  interdit  d'abandonner  ce  patient,  jusqu'à  gué- 
rison,  €  ou  que  Dieu  en  ait  fait  son  plaisir,  »  ou  qu'il  se 
soit  substitué  un  médecin  capable. 

Les  médecins  et  apothicaires  éliront  certains  d'entre 
eux,  chaque  année,  pour  visiter,  dans  les  vingt-quatre 
heures  de  leur  arrivée  à  Troyes,  «  toutes  les  marchan- 
»  dises,  apothicaireries  et  épiceries.  »  —  Tous  forains  et 
étrangers,  vendant  des  drogues  et  médecines,  seront 
soumis  à  ces  visites,  et  les  hôteliers  seront  tenus  de  les 

(1)  n  y  eut  A  Troyes  des  médecins  du  roi  ;  sans  doute  ces  méde- 
cins privih'^^iés  étaient  ceux  qui  sont  nommés  aigourd'hui  m^dect»»- 
iuréê  près  les  tribunaux. 


376  HISTOIRE  DE   TROYES.  15» 

avertir  de  ces  disposilions  réglementaires,  sous   peine 
d'amende  arbitraire. 

Aucun  marcliand,  apothicaire,  épicier  ou  autre  ne 
pourra  vendre  aucune  drogue  simple  ou  composée  qu'a- 
près avoir  été  visitée. 

Les  médecins  seront  tenus  de  donner  par  écrit  aux 
apothicaires  les  drogues  à  employer  pour  la  composition 
dos  cotignats  et  autres  mixtions  que  les  apothicaires 
font  ordinairement  sans  l'avis  du  médecin.  —  Toutes  les 
visites  des  médecins  et  apothicaires  n'entraîneront  d'au- 
tres salaires  que  ceux  prescrits  par  l'ancienne  ordon- 
nance, soit  vingt  sous  pour  ch;.cun  d'eux  (l). 

En  1539,  François  1er,  aurait  parcouru  la  Champagne 
et  aurait  séjourné  à  Troyos  pendant  deux  mois.  La  pré- 
sencc  du  roi  et  de  sa  suite  aurait  fait  augmenter  le  prix 
des  subsistances  (2). 

En  juin  1540,  les  Frères  prêcheurs  ou  Jacobins  tien- 
nent à  ïroyes  le  chapitre  général  de  leur  ordre.  Ce  cha- 
pitre aurait  été  composé  d'au  moins  cinq  cents  religieux 
et  aurait  duré  de  sept  à  huit  jours.  La  ville,  à  cette  occa- 
sion, gratifia  l'ordre  d'un  don  de  25  écus  soleil  (3). 


(1)  Ces  statuts  sont  bien  différents  de  ceux  qui  furent  publiés  en 
1431.  ï.a  raison  a  déjà  ]>ris  la  place  de  Tempirisme  ;  les  statuts  de 
4539  servirent  de  rè^îlenients  jusqu'aux  derniers  jours  des  mailiises 
et  quelques  unes  des  dispositions  arrclées  alors  sont  encore  en  pra- 
tique aujourd'hui  Approuvés  ])ar  Henri  III  en  juin  1587,  ils  furent 
confirmés  par  Henri  lY  en  mai  1595.  Ils  le  furent  de  nouveau  le  !Î0 
mai  465G  et,  le  ^9  septembre  1752,  l'impression  en  fut  permise. 

Statuts  et  règlements  pour  lacovnnnnauté  des  maîtres  apoticai' 
res  de  la  ville  de  Troyes.  MDCCLHI,  Troyes,  chez  Louis-Gabriel 
Michelin,  imp.  du  roi,  Grande  nie. 

(2)  CouRTALON.  Top.  T.  1.  p.  102.  —  Nous  n'avons  trouvé  aux 
arch.  raun.  aucune  indication  du  passaj;;»  du  roi  à  Troyes  en  1539. 
11  était  en  avril  à  Romilly-sur-Seine.  11  y  signe  des  lettres-patentes 
en  faveur  d'Anloine  de  Lorraine,  duc  de  Bar.  —  Bibl.  nat.  ;  Collec- 
tion Dupuy  :  vol.  200,  ^207  et  208. 

(3)  A.  9. 


t540  CHAPITRE  XVll.  377 

Le  roi  enlrelcnant  50,000  hommes  de  pied,  la  solde 
en  était  fournie  au  moyen  d'un  subside  levé  sur  les  villes 
closes  ou  fermées.  Le  bailliage  de  Troyes  en  comptait 
alors  quatorze,  panni  lesquelles  se  trouvait  celle  de 
Montiéramey,  qui  résistait  et  refusait  l'impôt.  L*échevi- 
nage  voulut  la  maintenir  parmi  les  villes  de  cette  classe, 
€  attendu  que  Montiéramey  est  clos,  fermé  de  murs,  de 
fossés,  de  portes,  de  remparts  et  d'une  belle  clôture, 
dans  lesquels  ne  pouvaient  pénétrer  les  gens  de  guerre; 
que,  dans  Montiéramey,  il  y  avait  foires,  marchés  et  abon- 
dance de  riches  marchands  et  d'habitants  qui  ne  faisaient 
point  leur  demeure  en  lieux  champêtres;  que  la  clôture 
de  la  ville  était  en  dehors  de  celle  de  l'abbaye;  qu'il  y 
avait  hôtelleries  et  tavernes;  que  les  clôtures  étaient  si 
fortes  qu'elles  résistaient  avec  succès  aux  attaques  d'a- 
venturiers et  gens  de  guerre.  »  Toutes  ses  raisons  firent 
maintenir  Montiéramey  parmi  les  villes  closes,  et  celte 
ville  paya  sa  quote-part  dans  la  solde  des  50,000  hommes 
de  pied  (li. 

Depuis  15:23,  le  clergé  s'est  éloigné  des  affaires  de  la 
cité.  Kn  raison  de  certaines  charges  qui  pesaient  sur  lui 
comme  sur  les  autres  classes  des  citoyens,  les  ecclésias- 
tiques abandonnèrent  leurs  places  dans  l'échevinage. 
Vers  15t0,  le  Chapitre  de  St- Pierre,  ayant  à  sa  tcHe  l'o- 
véque  de  Troyes,  Odiird  Hcnnequin,  veut  reprendre,  en 
partie  seulement,  la  position  qu'il  a  perdue.  Il  se  borne, 
en  critiquant  l'emploi  des  deniers  communs  et  des  de- 
niers d'octroi,  à  demander  l'assistance  à  la  reddition  des 
comptes.  Ses  plaintes  s'adressent  au  roi,  qu'il  supplie  de 

(4)  Montiéramey  ne  conserve  que  de  bien  faibles  traces  de  sa  gran- 
deur passée.  Ses  clôtures,  ses  remparts  et  ses  i)ortes  ont  disparu, 
son  abbaye  a  bien  encore  quelques  vastes  bâtiments  dont  la  plus 
grande  partie  est  en  ruine.  Elle  n'a  plus  que  des  noms,  comme  ceux 
de  rue  des  FossrSy  place  de  la  HalU,  rue  des  Tanneries,  etc.,  qui 
peuvent,  avec  son  église,  on  grande  partie  romane,  et  les  anciens 
bâtiments  de  son  abbaye,  rappeler  son  importance  passée. 


378  HISTOIRE   DE   TRQYBS.  isio 

metlre  la  paix  entre  lui  el  réchevinagc.  Le  maire  et  les 
éclievins  s'émeuvent  d'une  semblable  démarche,  «  et 
des  choses  mal  sonnantes,  injurieuses  el  scandaleuses, 
sont  dites  au  roi  contre  le  bien  et  Thonneur  de  la  ville  et 
des  habitants,  de  M.  le  Gouverneur  el  de  son  lieute- 
nant. > 

Les  habitants  de  Troyes,  par  leurs  représentants  lé- 
gaux, le  maire  et  les  échevins,  avaient  été  assignés  au 
Conseil  afin  d'assister  à  la  délivrance  des  lettres  deman- 
dées par  révoque  et  par  le  chapitre.  Le  Conseil,  appelé 
à  délibérer,  décide  que  les  plaignants  n'ont  point  dit  la 
vérité;  qu'il  y  a  lieu  de  s'opposer  à  la  délivrance  des 
lettres  demandées  au  roi,  »  comme  étant  inciviles  et 
déraisonnables.  »  Le  Conseil  délègue,  à  cet  effet,  Chris- 
tophe Menisson  el  Nicolas  Coeffart;  mais  préalablement, 
le  maire  el  les  échevins  se  rendirent  près  de  Tévêque. 

Celui-ci  convint  que  le  clergé  avait  présenté  requête 
au  roi,  demandant  des  modifications  dans  le  gouverne- 
ment de  la  ville.  Il  déclara  qu'il  retirerait  sa  plainte,  si 
le  Conseil  le  dispensait  de  payer  le  droit  d'entrée  el 
d'issue  des  vins,  dont  il  se  prétendait  exempt.  Le  ('onseil 
rejeta  celte  double  demande  et  fit  observer  au  premier 
qu'il  n'y  avait  aucun  intérêt,  puisque  la  ville  payait  pour 
lui  les  droits  d'entrée,  et  que  souvent  il  faisait  sortir  des 
vins  sans  payer  les  droits. 

L'affaire  tut  continuée  au  (iOnsoil  privé.  Christophe 
Menisson  ot  Vincent  Nevelct  se  rendirent  à  Paris,  et  là, 
ils  apprirent  (|u'i]  avait  été  déclaré  (ju'il  y  avait  de  nom- 
breuses malversations  dans  l'administration  de  la  ville; 
que,  pour  l'honneur  de  la  ville,  ils  engageaient  à  faire 
poursuivie  sur  la  dénonciation  du  clergé.  Le  Conseil  de 
ville  persista  dans  ses  poursuites,  en  raison  de  l'inculpa- 
tion qui  pesait  sur  le  gouverneur  ou  son  délégué  à  la 
vérification  des  comptes.  iMais  celle  affaire  fui  sans  doute 
assoupie.  Aucune  décision  ne  parait  être  intervenue. 


1511  CIIAPITHE  XVlî.  379 

Le  dauphin  ri  la  dauphine  passent  à  Troyc»,  le 
16  novenr)bre  1541.  Ils  quittent  la  ville  le  lendemain  (1). 

ComnTie  en  toutes  matières,  avant  que  la  lutte  entre  la 
religion  catholique  et  la  réforme  se  formule  par  des  actes 
de  résistance,  la  discussion  s'établit  et  les  limites  qui 
séparent  les  deux  partis  ne  sont  pas  toujours  faciles  à 
établir.  Ainsi,  Tévêque  de  Troyes,  puis  de  Senlis,  Guil- 
laume Petit,  confesseur  du  roi,  dominicain,  inquisiteur 
de  la  foi,  est  lié  avec  Erasme  qu'il  tente  de  faire  venir  à 
la  cour  de  France,  avec  Faber  (ou  Fèvre)  d'Etaples,  qui 
Tun  des  premiers,  accepta  les  idées  de  la  réforme,  avec 
ses  amis,  avant  leur  rupture  avec  Rome. 

Vers  1520,  commencent  à  se  faire  sentir  les  premiers 
actes  de  répression  contre  la  réforme.  L'incendie  de  1524 
est  mis  sur  le  compte  des  idées  nouvelles  autant  qu'il 
est  attribué  aux  amis  de  Tempereur  et  aux  partisans  du 
connétable  do  Bourbon.  Si  de  mauvaises  nouvelles,  si  des 
menaces  (rincendie  sont  répandues,  on  attribue  ces  sinis- 
tres projets  aux  ennemis  de  l'église  catholique.  Kn  1523, 
un  premier  concile  est  tenu  à  Mcaux,  sous  la  présidence 
de  Guillaume  Briçonnet  et  dirigé  contre  Luther;  d'autres 
sont  tenus  à  Lyon,  à  Rouen  (1527),  h  Bourges,  à  Paris 
(1528),  |)our  combattre  «  les  luthéristes.  >  ('es  conciles 
formulent  des  règlements  tendant  à  la  réformation  des 
mœurs  et  des  cérémonies  religieuses.  Ils  décident  que 
l'administration  des  sacrements  aura  lieu  sans  exiger 
d'argent;  que  les  prédicateurs  se  renfermeront  dans  les 
textes  sacrés  sans  citer,  dans  leurs  sermons,  les  poètes 
ou  les  auteurs  jirofanes.  Ils  ferment  les  églises  aux  as- 
semblées profanes  et  aux  fêtes  des  fous.  Ils  enjoignent 
aux  curés  l'explication,  au  prône,  de  l'évangile  du  jour. 
Ils  veulent  mettre  un  frein  aux  abus  de  l'excommunica- 
tion. Us  interdisent  la  publication  de  tout  livre,  traitant 

(1)  CoURTALON  ;  Topogr.,  1. 1,  p.  402. 


380  HISTOIRE  DE  TilOYES.  «539 

de  la  religion,  sans  la  permission  des  évoques  diocé- 
sains. 

Le  Chapitre  de  St-Pierre  veut  entrer  en  même  temps 
dans  la  voie  des  réformes.  Il  interdit  la  vente  de  toutes 
marchandises  aux  approches  de  Féglise,  dans  retendue 
de  sa  justice,  les  jours  des  fêtes  de  sainte  Hélène  et  de 
sainte  Mathie.  Il  veut  supprimer  la  cérémonie  des  trois 
Maries  cherchant  Jésus-Christ  dans  le  tombeau,  à  cause 
du  tumulte  et  du  scandale  occasionnés  par  cette  scène 
représentée  par  des  hommes.  Mais  un  chanoine  ayant 
offert  au  Chapitre  une  somme  de  50  livres  pour  conti- 
nuer cette  représentation,  il  fut  décidé  qu'à  Tavenir  elle 
serait  jouée  par  des  enfants  de  chœur  (1). 

Troyes  renferme  alors  des  hommes  éclairés.  Guillaume 
Budé  y  a  des  relations  suivies,  et  quelques  membres  de 
celte  famille  font  partie  des  chapitres  de  la  ville.  Celle-ci 
est  alliée  à  collé  des  Raguier,  dont  deux  membres  ont 
occupé  le  siège  épiscopal  pendant  près  de  soixante-dix 
ans,  et  cette  famille,  qui  accepta  la  réforme,  fixée  dans 
la  province,  joua  un  rôle  important  dans  les  guerres  de 
religion.  La  famille  Pithou,  représentée  alors  par  le  chef, 
f^ierre  Pithou,  avocat  à  Troyes,  jouissant  d'une  grande 
considération,  est  en  rapport  avec  les  réformateurs  et 
surtout  avec  Faber  d'Elc-iples,  l'un  des  critiques  les  plus 
sévères  des  abus  introduits  dans  le  clergé  catholique. 

En  15îi9,  arrive  à  Troyes,  en  qualité  de  professeur  de 
la  grande  écolo  ou  du  collège,  un  jeune  flamand  nommé 
Sticler,  apportant,  dans  son  bagage  do  professeur,  quel- 
ques ouvrages  sur  la  réforme.  Ce  jeune  honmie  est  choisi 
par  Pierre  Pithou  pour  donner  des  leçons  à  Jean  et  à 
Nicole  ou  Nicolas,  frères  jumeaux  alors  âgés  de  quinze 
ans.  Il  s'établit  dans  ce  groupe,  composé  d'un  petit 
nombre  <le  personnes,  un  échange  de  pensées  sur  les 

(1)  Almanach  de  Troyes,  1783,  p.  13. 


1542  CHAPITRE  XVII.  384 

idées  nouvelles.  Le  clergé  s'en  émeut.  Des  poursuites 
sont  dirigées  contre  un  autre  jeune  homme,  originaire 
des  Grandes-Chapelles,  dépendant  de  la  seigneurie  du 
Chapitre  de  St-Pierre,  et  partisan  des  doctrines  réfor- 
mistes. Dans  le  cours  du  procès,  ce  jeune  homme  se 
rétracte,  fait  amende  honorable  et  est  rendu  à  la  liberté. 
Mais  Sticler,  averti  et  ne  se  croyant  plus  en  siirelé  à 
Troyes»  se  rend  à  Paris. 

Deux  ans  après,  un  jeune  clerc,  Dubec,  natif  des 
Essarts,  dé|iendant  du  diocèse  de  Troyes,  jette  le  froc 
aux  orties,  se  dirige  d'abord  sur  Strasbourg,  puis  sur 
Montbéliard,  où  il  séjourne  et  se  lie  avec  des  réformés 
que  Ton  peut  croire  originaires  de  nos  contrées.  II  revient 
ensuite  à  Sézanne,  y  est  arrêté  et  poursuivi.  Sa  dégrada- 
tion, comme  ecclésiastique,  eut  lieu  le  29  octobre  1544. 
Tondu  et  habillé  en  fou,  il  fut  livré  au  bras  séculier.  Son 
exécution  eut  lieu  à  Troyes,  le  18  juillet  4542.  Son 
corps  fut  livré  au  feu  après  avoir  été  étranglé.  Son  exé- 
cution aurait  eu  lieu  sur  la  place  de  TEtape-au-Vin.  Les 
uns  prétendeut  qu'il  se  convertit  et  mourut  saintement. 
Selon  d'autres  et  Nicole  Pithou  entr'autres,  l'exécution 
de  Dubec  n'aurait  eu  lieu  qu'en  juin  4543,  au  champ 
Harlot,  situé  entre  la  route  de  Sens  et  la  grande  ruelle 
des  Noës,  emplacement  aujourd'hui  couvert  d'habita- 
tions. 

En  qualité  de  pasteur,  à  Dubec,  succède  Morel,  né  à 
Troyes.  Son  père  était  bourrelier.  Religieux  cordelier,  il 
quitte  le  couvent  en  4544  et  prêche  les  idées  nouvelles, 
puis  revient  à  la  foi  catholique. 

Tels  furent  les  débuts  de  la  réforme,  à  Troyes.  Bientôt 
les  idées  de  Luther  et  de  Calvin  prendront  un  grand  dé- 
veloppement, surtout  parmi  les  classes  éclairées  et  les 
plus  notables  familles. 

Le  duc  de  Guise  et  son  fils,  le  comte  d'Aumale,  habi- 
tent souvent  la  ville  de  Troyes.  Us  y  sont  en  avril  et  en 


383  HISTOIBE   DE  TROYES.  VM 

mai  1542.  Pour  ramusement  du  jeune  comte,  la  ville 
fait  disposer,  entre  le  ruisseau  de  la  Vienne  et  le  cime- 
tière de  Téglise  St-Gilles,  près  de  la  Butte  des  arbalé- 
triers, une  carrière  pour  courir  la  bague.  Le  22  mai,  le 
comte  d'Aumale,  logé,  à  ce  voyage,  dans  rhôtellerie  du 
Laboureur^  y  tira  Tanneau  avec  les  gentilshommes  de  sa 
suite.  Chaque  joueur  tint  quatre  fois  la  carrière.  Le  prix 
était  douze  aunes  de  velours  verl  (1). 

François  1er  vint  sans  doute  à  Troyes  en  mai  1542. 
Sa  présence  est  constatée  à  La  Rivour,  le  15  mai.  La 
ville  lui  députe  des  commissaires  chargés  de  lui  deman- 
der le  rétablissement  de  la  franchise  des  foires,  naguère 
supprimées,  et  la  confirmation  de  ses  privilèges  et  notam- 
n)ent  celui  qui  lui  accordait  le  titre  de  ville  d'arrêt  (2). 

Vers  cette  époque  le  roi  divise  la  France  en  dix-sept 
receltes  générales  ou  bureaux  des  finances.  La  ville  de 
Chàlons,  située  au  milieu  de  la  province,  est  choisie 
pour  siège  de  la  recette  dite  de  Champagne.  Jusqu'à 
cette  date  et  depuis  la  fin  du  XV^  siècle,  Troyes  était 
comprise  dans  la  trésorerie  ou  généralité  i'ontre -Seine 
et  Yonne,  dont  le  siège  était  à  Paris  f3).  Cette  trésorerie 
d'outre-Seine  et  Yonne  comprenait,  outre  les  villes  situées 
sur  la  Seine,  de  Paris  à  Troyes,  tout  le  Valois,  le  Beau- 
voisis,  le  Vermandois,  la  Brie,  la  Champagne,  la  Beauce 
cl  une  partie  de  l'Orléanais. 

La  guerre  est  toujours  l'objet  le  plus  sérieux  des  pré- 
occupations de  la  France.  Elle  est  au  Nord,  elle  est  au 
Midi.  La  ville  de  Troves  continue  l'œuvre  de  ses  fortifi- 
calions  avec  une  ardeur  toujours  croissante,  surtout  en 

(1  )  Sêmillahd,  t.  m,  p.  139. 

(2)  Voir  l.  IK  p.  420. 

(3)  Arch.  liép.  3  G.  38i  bis,  el  aivh.  muu.  D.  85.  État  des  villes 
com}»ns(s  dans  cette  trcsoret^ie  dressé  ihms  le  Compte  v'i*  de  Guil- 
laume de  Bcaifhaniais  aux  Doijen  et  Chapitre  de  Saint-Pien^e  des 
recettes  d*un  denier  pite  t.  levé  par  minot  de  Mi...  . 


I 


ifUt  CHAPITRE  XVU.  383 

4542,  1543  et  1544.  Si,' en  154â,  on  se  bat  en  Flan- 
dres, si  la  Champagne  est  menacée  par  Tannée  de 
Charles-Quint,  et  ses  frontières  dégarnies  de  troupes,  à 
ce  point  que  la  ville  de  Troyes  craint  d'ôtre  attaquée  et 
qu*elle  monte  sur  ses  remparts  tous  ses  bâtons  ù  feui 
ses  canons  simples  conduits  en  place  par  neuf  chevaux, 
et  ses  canons  doubles  par  dix-sept  chevaux  (1),  et  si  le 
roi  met  le  siège  devant  Perpignan,  en  1543,  on  se  bal 
dans  le  Luxembourg,  dans  le  Brabant,  en  Picardie. 
A  Troyes,  on  redoute  les  boutefeux;  on  signale  des  mai- 
sous  marquées  d'une  croix  de  St-Ândré,  faite  avec  de  la 
craie  rouge  (2).  En  1544,  François  1er  est  toujours  en 
guerre  avec  Henri  VIU  et  avec  Charics-Quint.  Le  premier 
entre  avec  une  armée  dans  la  Picardie,  et  le  second  en- 
vahit la  Champagne,  s'avance  jusqu'à  St-l)izier,  et,  sui- 
vant les  bords  de  la  Marne,  descend  jusqu'à  Château- 
Thierry, 

La  guerre  entraîne  et  le  royaume  et  toutes  les  villes 
de  France  dans  des  dépenses  qui  excèdent  leurs  ressour- 
ces ordinaires.  On  s'ingénie  à  établir  des  impôts  do 
toutes  sortes  pour  se  procurer  les  sommes  néces- 
saires. En  1512,  le  roi  demande  à  faire  un  emprunt  de 
30,000  livres  sur  la  ville,  et  chaque  maison  est  taxée  à 
('inq  écus  au  moins  (3).  L'année  suivante,  une  assem- 
blée générale  des  habitants  décide  que  toutes  les  mar- 
chandises et  toutes  les  substances  alimentaires  seront 
taxées.  Mais  revenant  sur  cette  décision,  il  est  arrêté  que 
in  taxe  ne  portera  que  sur  les  denrées  alimentaires  et  de 
consommation  journalière,  telles  que  le  pain,  le  vin,  la 
viande,  le  sel,  les  salines,  le  savon,  le  poisson,  l'huile  et 
le  lard.  Celte  taxe  fut  approuvée  par  le  roi,  vérifiée  au 
bailliage  et  levée  au  profit  de  la  ville.  Le  clergé  est  lui- 

f1)  SÉMILI.ARD,  l.  III,  p.  i39. 

(^)  I).  B.  i4c  carton,  Irc  liasse. 
(3)  SÉUILLARD,  t.  ni,  p.  130. 


384  HISTOIRE  DE   TUOYES.  fUI 

même  chargé  d'un  don  gratuit  de  6,676  livreà.  La  ville 
contribue,  en  outre,  pour  26,040  livres  à  la  solde  des 
50,000  hommes  de  pied  (i). 

Le  roi  aliéna,  sur  ces  entrefaites,  une  partie  du  do* 
uîaine.  Il  fit  vendre  les  mairies  royales  du  ressort  de  la 
prévôté  de  Troyes  et  d'autres  revenus  dépendant  du  bail- 
liage, par  commission  dont  furent  chargés  Odard  Henne- 
quin,  évoque  de  Troyes,  et  Noiil  Coiffart,  lieutenant- 
général  au  bailliage. 

Alors,  entre  la  volonté  du  roi  et  ses  peuples,  se  pla- 
cent celles  de  ses  officiers.  Pour  se  les  rendre  agréables 
et  adoucir  autant  qu'il  est  possible  cette  exécution,  le 
Conseil  décide  qu'il  sera  fait  présent  de  cent  écus  d'or  à 
M.  de  Longueval  (2),  lieutenant-général  au  gouverne- 
ment de  Champagne,  en  six  tabliers^  douze  douzaines  de 
serviettes  et  six  banquetiers  de  toile  de  fin  lin.  Ce  même 
olficier,  trois  ans  après,  refuse  deux  vases  d'argent  que 
lui  offre  la  ville.  Il  demande  du  linge  au  lieu  et  place  de 
ces  deux  vases  (3). 

Le  duc  de  Guise  fut  investi  du  gouvernement  de  Bour- 
gogne, le  3  juin  1543.  Il  tenait là  conserver  celui  de 
Champagne.  François  W^  se  défiant  de  l'insatiable  am- 
bition dij  duc  de  Guise,  lui  refusa  cette  faveur. 

Le  duc  de  Ncvers,  Investi  du  gouvernement  de  Cham- 
pagne, fit  à  Troyes  <  sa  nouvelle  et  joyeuse  entrée,  >  le 
27  mars  suivant.  Les  habitants,  en  armes,  se  rendirent 
au  devant  de  lui.  «  L'artillerie  sonna  ))  lorsqu'il  aborda 
la  ville.  Les  clefs  de  la  ville  lui  furent  présentées.  Il  fut 
placé  *  sous  un  ciel  do  velours  armorié  et  franche  à  ses 
»  couleurs.  > 

Le  Conseil  voulait  lui  faire  prendre  gîte  au   palais 

(1)  CoTîRTALON  ;  Topographie,  t.  i,  p.  103, 

(2)  Nicolas  de  nossut. 
i3)  A.  10. 


i5i3  CHAPITRE   XVII.  385 

royal,  mais  il  descendit  et  logea  à  révêché,  où  la  ville 
lui  fit  les  présents  d'usage  (1). 

Le  roi,  par  sa  lettre  missive  du  15  mars  1543  (v.  st.), 
recommande  aux  Troyens  de  faire  provision  de  boulets 
de  pierre  dure  (2). 

Un  commissaire  royal  vient  visiter  Télat  des  fortifica- 
tions, des  boulevards  et  de  rartillerie  appartenant  tant 
au  roi  qu'à  la  ville.  Il  demande  le  parachèvement  des 
remparts,  l'exhaussement  des  boulevards  ou  plates- 
formes,  notamment  ceux  de  l'Ile.  Il  ordonne  la  confec- 
tion de  deux  mille  hottes;  la  refonto  de  la  grosse  artille- 
rie, dont  on  ferait  quatre  grosses  pièces.  Le  Conseil 
donne  des  ordres  pour  qu'il  soit  confectionné  mille  hottes, 
et  décide  que  les  anciennes  pièces  de  canon  seront 
essayées  avant  de  décider  leur  refonte. 

On  fait  inventaire  des  munitions,  armes  et  provisions 
de  guerre  appartenant  à  la  ville.  On  constate  l'existence 
de  4  pièces  de  canon,  montées  et  données,  en  1513,  par 
les  gens  de  justice,  les  grossiers,  merciers  et  drapiers  ; 
8  fauconneaux  de  cuivre,  montés  sur  leurs  affûts  et  pe- 
sant chacun  700  livres;  45  autres  meurtrières,  dont 
dix-huit  ont  été  données  par  les  métiers  ;  20  arquebuses, 

(i)  Â.  10,  B.  i33,  K.  7.  Reg.  composé  de  14  folios,  comprenant  les 
dépenses  faites  par  la  ville  à  l'occasion  de  l'entrée  du  duc  de  Ne- 
vers  à  Troyes. 

Ce  nouveau  gouverneur  de  Champagne  et  de  Brie  était  François 
de  Clëves,  duc  deNevers,  depuis  le  17  février  1538,  Pair  de  France, 
Comte  d'Auzerre,  d'Eu,  deRethel  et  de  Beaufort,auj.  Montmorency, 
(Aube.)  ;  marquis  d'Isle  (Auroont)  près  Troyes,  seigneur  d'Orval,  de 
Lesparre  et  autres  lieux.  Il  épousa  Marguerite  de  Bourbon,  fille  de 
Charles  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme  et  de  Françoise  d'Alençon . 
(Histoire  généalog.  de  la  maison  royale  de  France.)  François,  duc  de 
Nevers,  fit  ériger  par  Henri  II,  en  1547,  la  seigneurie  d'Isle  (  Au- 
mont  ),  en  marquisat.  Il  était  le  principal  propriétaire  terrien  de  la 
Champagne  méridionale. 

(2)  L'usage  des  boulets  de  pierre  s'est  continué,  alors  que  depuis 
plus  de  trente  ans,  on  usait,  à  Troyes,  de  boulets  de  fonte  de  fer. 


3S6  HISTOIKE  DE  TROYES.  «543 

aussi  données  par  les  métiers,  228  arquebuses,  16  aile- 
crets  et  autres  menus  engins  d'arlillerie,  88  voulges. 
70  hallebardes,  43  arbalètes ,  un  muid  et  demi  de  vire- 
tons,  un  fardeau  de  toile  pour  tente  ou  pavillon, 
2,700  chausse-trappes,  400  piques  (1),  3,300  fûts  de 
piques ,  5,660  gros  boulets,  6,550  moyens  boulets, 
31,900  boulets  à  tourillons,  31,750  boulets  à  meur- 
trières, 59,000  boulets  à  arquebuses,  63,240  traits  à 
arbalètes ,  une  grande  quantité  d'armes  défensives, 
1,700  boulets  de  plomb,  à  l'usage  des  meurtrières:  le 
tout  déposé  à  Thôtel-de-ville. 

Dans  la  tour  du  Beffroi  et  dans  la  tour  au  Mitre,  il  est 
trouvé  dix  caques  do  poudre  à  canon.  Dans  la  porte  de 
Croncels,  6,000  livres  de  salpêtre,  1,500  livres  de  sou- 
fre, 600  grands  tonneaux  de  sapin  renfermant  du  char- 
bon de  saule,  16  caques  de  poudre  et  3  barils  de  poudre 
grenée  (2). 

Par  les  soins  de  Guillaume  le  Mercier  et  de  Nicolas 
Riglet,  maires,  le  premier  en  1542-43,  et  le  second  en 
1544-45,  la  ville  est  mise  dans  un  état  de  défense  qui 
ne  s'était  pas  encore  vu.  Les  travaux  des  fortifications 
sont  ordonnes  et  surveillés  par  deux  commissaires 
royaux,  Louis  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier,  et  Jean 
Garracciole,  prince  do  Melphe,  ayant  titre  de  lieutenants- 
généraux  du  roi,  en  la  ville  de  Troyes,  et  M.  de  Villiers 
est  spécialement  chargé  de  veiller,  à  Troyes,  à  l'approvi- 
sionnement de  l'armée  royale  (3)  En  1542,  pour  établir 
une  plate-forme,  on  démolit  la  bretaucheou  fausse-porle 


(1)  Peu  auparavant,  la  ville  avait  livré  à  M.  d'Ângluie  300  piques 
et  160  avaient  été  envoyées  à  la  ville  d'Auxerre. 

(2)  Bibl.  communale,  mnsc.  l!291.  —  Inventaire  de  VartillertM^ 
armes  et  munitions  de  guerre  de  la  ville  de  Troyes,  —  Ce  manaa- 
crit  est  un  recueil  de  documents,  la  plupart  originaux^  recueillis 
par  Pierre  Pithou. 

(3)  B!q.  comm.  manuscrit  1291. 


11^  CHAPITRE   XVII.  387 

de  St^Ântoine.  La  vente  des  matériaux  en  Tut  annoncée 
aux  prônes  des  paroisses. 

Les  connmissaires  royaux  ordonnent  la  destruction  im- 
médiate de  tous  les  jardins  et  do  toutes  les  plantations 
existant  aux  environs  de  la  ville,  sur  un  rayon  d*un  quart 
de  lieue,  soit  environ  un  kilomètre.  —  Les  maisons  com- 
prises dans  ce  périmètre  sont  détruites,  et  Texécution  de 
ces  ordres  occasionne  une  perte  fixée  officiellement  à 
200,000  livres,  soit  environ  3  millions  (valeur  de  1846). 

Dans  rinlérieur,  au  quartier  du  Beffroi,  près  et  le  long 
des  remparts,  on  démolit  quinze  maisons;  dans  celui  de 
Croncels,  dix;  en  Comporté,  six,  et  sur  remplacement  de 
celles-ci,  on  édifie  la  plate-forme  du  Joli-Saut.  Les  fossés 
sont  élargis  ;  deux  grands  boulevards  sont  établis  près  de 
Xotre-Dame-en-rile  et  de  la  porte  de  St-Jacques,  avec 
canonnières  en  pierre.  On  élève  six  grandes  plates- 
formes  casematéos.  —  La  tour  Boileau  ou  fort  de  Guise 
esl  surélevée;  on  y  établit  de  grandes  canonnières,  comme 
aux  plates-formes  de  la  Planche-Clément,  de  Rioteuse 
ou  de  Notre-Dame-en-rile,  du  Joli-Saut,  des  Cordeliers 
et  de  St-Antoine  (1).  Toutes  ces  plates-formes  sont  gar- 
nies de  gabions.  —  On  fait  provision  de  terre  et  de  bois 
pour  établir,  au  besoin,  des  retenues  d'eau  en  amont  et 
en  aval  et  en  cas  de  siège.  Trente  des  anciennes  tours 
sont  abattues.  Douze  autres  sont  renforcées  c  pour  battre 
>  en  flanc.  >  La  poterne  de  la  Tannerie  est  voûtée.  — 
Six  grands  ponts  sont  jetés  près  des  portes,  pour  mettre 
les  remparts  directement  en  communication  les  uns  avec 
les  autres.  —  Quatre  grands  barrages  sont  établis  dans 
les  fossés.  —  Seize  moulins  à  cheval  et  à  bras  sont  cons- 
truits ;  ceux  qui  sont  mis  en  mouvement  par  les  chevaux 

(1)  Cette  dernière  plateforme  est  le  ravelin^  dont  l'emplacement 
est  aujourd'hui  occupé  par  le  réservoir  du  service  des  eaux  de  la 
ville.  -*-  Cette  plateforme  couvrait  de  son  artillerie  la  porte  du  bef- 
froi et  celle  de  la  Madeleine. 


388  HISTOIRE  DE   TROYES.  tSIS 

sont  placés  à  Notre-Dame-en-rile,  aux  Jacobins,  en  la 
Corderie,  près  de  Téglise  de  St-Denis,  à  Sl-Martin-è«- 
AireSy  et  deux  à  la  halle  aux  cuirs,  en  face  de  la  bou- 
cherie. —  On  fabrique  des  artifices  à  feu.  —  On  tente 
de  porter  le  terre-plein  des  remparts  à  trente  pieds  de 
largeur.  On  fait  provision  d'outils  de  toutes  sortes,  pio- 
ches, pics,  pelles,  brouettes,  etc.  —  11  sort  de  la  ville 
des  munitions  de  guerre  en  quantité  considérable;  elles 
sont  dirigées  sur  St-Dizier,  Montéclaire,  prrs  Andelot,  et 
Monligny-le-Uui.  —  Ces  dépenses,  outre  les  pertes  oc- 
casionnées par  les  démolitions,  s'élèvent  à  147,944  livres 
(environ  1,766,000  fr.). 

D'autres  constructions  sont  projetées,  soit  de  nouveaux 
boulevards,  soit  de  nouveaux  ravelins  ou  plates-formes. 
L'ensemble  des  dépenses  faites  et  à  faire  est  estimé  à 
200,000  livres,  soit  environ  3,000,000  de  francs  (1). 

Toute  la  population  troyenne  est  appelée  aux  travaux 
de  terrassements  ;  les  domestiques  des  deux  sexes  y  sont 
mandes  et  doivent  s'y  rendre  sous  peine  d'amende  et  de 
prison.  Les  travaux  de  pionneries  et  de  terrassements 
sont  exécutés  par  les  habitants  de  la  ville  et  du  bailliage. 
La  taxe  de  chaque  paroisse  est  établie  sur  la  population 
et  aussi  sur  le  montant  de  la  taille  royale.  Les  villages 
sont  d'abord  imposés  pour  un  mois,  puis  pour  deux,  et 
enfin  jusqu'à  quatre  mois.  S'ils  ne  fournissent  pas 
d'hommes,  ils  paient  cinq  livres  par  mois,  pour  chacun 
des  corvéables  auxquels  ils  sont  imposés.  Parmi  ces 
villages,  il  en  est  quelques-uns  qui,  par  la  faveur  de  leur 
seigneur,  ne  sont  pas  imposés  (2). 

(1)  Blq.  miîn.  de  Troycs,  mnsc.  no  1291  et  Grosley.  Mêm,  hiêt, 
t.  II,  p  Î^S.  Proci'S'Verhal  dressé  par  le  Maire  et  les  éc?ievin8  et 
adresse  à  M.  de  Marcillac^  )naiire  des  requêtes. 

(12)  D.  136,1.51.  —  Ces  taxo.s  sont  fort  onéreuses.  Ainsi  Lusigny, 
Ma^^iant,  Monliôramcy  et  Vendeuvre  doivent  chacun  iO  hommes, 
Briel,  r^5,  Beuivv  30,  le  Mesnil-St-Père  et  Villy-en-Trodes,  chacun 
25  liouinips  ofr.   -  La  journée  pour  un   tombereau  est  payée,  de  5  à 


<5U  CHAPITRE   XVII.  389 

Le  44  juillet  1544,  les  cloches  des  églises  de  St-Martin, 
de  la  Trinité,  de  St-Antoine,  de  Ste-Savine  et  de  Montier- 
la-Celle  sont,  par  les  ordres  du  duc  de  Montpensier, 
descendues  de  leurs  clochers  pour  être  converties  en 
pièces  d'artillerie.  —  Les  moulins  situés  hors  de  la  ville 
sont  démontés  (1). 

La  crainte  est  telle  et  l'ennemi  est  si  près  que  le  Cha- 
pitre de  St-Pierre,  —  et  peut-être  les  autres,  —  envoie, 
à  Sens,  le  6  juillet,  pour  les  mettre  en  sûreté,  ses  reli- 
ques, son  trésor  et  ses  titres.  Ces  objets  ne  furent  rame- 
nés à  Troyes  que  le  48  septembre. 

La  population  troyenne  est  passée  en  revue  par  le  duc 
d'Orléans,  (ils  du  roi.  Chaque  quartier  forme  une  com- 
pagnie armée,  commandée  par  un  capitaine.  L'on  ne 
compte  pas  moins  de  3,875  hommes  sous  les  armes.  Les 
capitaines  sont  Claude  Mole,  le  Tartrier,  François  Adam 
et  Antoine  Gombault  (2).  Chaque  compagnie  est  subdivi- 
sée en  trois  enseignes,  et  chacune  a  son  étendard  trico- 
lore, réunissant  les  couleurs  incarnat  (rouge),  blanc  et 
bleu  (3)  :  couleurs  qui,  après  deux  siècles  et  demi,  de- 
vinrent les  couleurs  nationales  de  la  France. 

Les  Troyens  voient-ils  avec  peine  et  mauvaise  humeur, 
une  semblable  démonstration  guerrière?  Le  méconten- 
tement se  traduit-il  dans  la  population  troyeime?  Fait- 
elle  résistance  dans  une  certaine  mesure  aux  volontés  du 
roi,  mise  en  demeure  de  se  défendre  contre  les  attaques 
de  Charles-Quint  et  de  Henri  VIU?  Toujours  est-il  que 
quatre  doubles  canons  sont  placés  devant  Thôtel-de-ville, 
par  ordre  des  commissaires  royaux  (4),  et  deux  potences 

6  sous.  Celle  d'un  manouvrier  2  s.  t.;  le  mois  nt3  donne  que  vingt  jours 
de  travail. 

(i)D.  149. 

{%)  SÉMILLARD,  t.  ni,  p.  145. 

(3)  Arch.  mun. 

(4)  D.  149. 


390  HISTOIHR   DR   TIlOYES.  ifiu 

sont  f^lovée*,  Tune  au  Marcho*aii-Blé  et  Tanlro  au  grand 
pont  de  St-Jacques. 

Girard  Viarre,  peintre,  fait  «  deux  portraits  3  de  la 
ville,  Tun  destiné  au  roi  et  Tautre  au  duc-gouverncuf  de 
Champagne.  Par  portrait,  il  Faut  entendre  un  plan  indi- 
quant surtout  les  forlificalions. 

Ce  qui  n'arrive,  hélas!  qucî  trop  souvent  pour  les  dé- 
penses de  cette  sorte,  c'est  qu'elles  sont  sans  profit  pouf 
ceux  qui  les  font.  Elles,  obcrenl  los  populations  et  de- 
viennent inutiles.  Les  fortifications  de  Troyes,  portes, 
murailles,  fossés,  ravelins,  plates-formes,  etc.,  sont  pres- 
que entièrement  renouvelées  dans  la  première  moitié  du 
XVIe  siècle.  A  partir  de  1544,  ces  travaux  cessent  pres- 
que complètement.  La  crainte  a  disparu  ;  la  sécurité 
rentre  à  ce  point  dans  Tesprit  des  habitants,  qu*au  prin- 
temps suivant  la  fausso-porto  de  Croncels  est  louée 
moyennant  six  livres  par  an,  et  qu'en  1548  il  est  projeté 
de  bâtir  un  moulin  à  eau  dans  les  fossés,  près  de  la  porte 
du  Beffroi.  Dans  cette  première  moilié  du  XVIe  siècle,  il 
s'est  opéré  une  grande  révolution  dans  Tart  de  la  guerre 
et  dans  celui  des  fortifications.  La  ville  de  Troycs  pré- 
sentait dans  son  ensemble  une  ville  bien  fortifiée  selon 
les  principes  mis  en  pratique  pendant  la  renaissance. 
Alors,  on  démolit  un  grand  nombre  de  tours  édifiées  au 
XlVe  et  au  XVc  siècle;  on  augmente  celles  qui  sont  con- 
servées; les  remparts  sont  élargis;  l'artillerie  y  circule 
librement  et  des  ouvrages  à  Textérieur  et  d'autres  pla- 
cés à  l'intérieur  protègent  et  défendent  les  portes  et  les 
entrées  et  les  issues  des  canaux  de  dérivation.  Cet  effort 
de  la  population  troyenne  et  champenoise  n*est  pas  le 
dernier.  Il  faut  encore  compter  avec  les  guerres  de  reli- 
gion et  la  Ligue.  Mais  les  fortifications  ne  furent  plus 
guère  augmentées,  sous  la  Ligue,  que  du  fort  Chevreuse, 
dont  l'existence  ne  fut  que  de  quelques  années.  Après 
cette  date,  il  ne  fut  rien  édifié  d'important.  Troyes  devint 


I5U  CHAPITRE   XVII.  391 

une  ville  intérieure  et  en  dedans  des  lignes  de  frontières. 
Aussi,  Fart  des  fortiflcations  caractérisé  par  le  génie  de 
Vauban,  n'a-t-il  laissé  aucune  trace  à  Troyes.  Les  tra- 
vaux du  XVIe  siècle  sont  arrivés  jusqu'au  XIXe  et  même 
jusqu'à  nos  jours,  dans  Tétat  où  les  laissèrent  les  ingé- 
nieurs de  Louis  XII  et  de  François  1er. 

La  marche  de  Tarmée  de  Charles-Quint  sur  la  Cham- 
pagne, avait  fait  redoubler  l'activité  donnée  aux  construc- 
tions de  Troyes.  L'empereur,  ayant  rassemblé  son  armée 
à  Spire,  envoie  le  comte  Guillaume  de  Fursteniberg  s'em- 
parer de  Commercy  et  de  Ligny:  cette  dernière  ville 
appartenant  à  Antoine  de  Luxembourg,  comte  de 
Brienne.  N'ayant  osé  attaquer  la  ville  de  Châlons-sur- 
Marne,  Charles-Quint  fait  assiéger  celle  de  Sl-Dizier, 
place  médiocre  par  elle-même,  mais  importante  en  rai- 
son du  passage  de  la  Marne.  Louis  de  Feuil,  comte  de 
Sancerre,  défendit  cette  ville  avec  la  compagnie  d'hom- 
mes d'armes  du  duc  d'Orléans,  dont  il  était  lieutenant,  et 
avec  deux  mille  hommes  commandés  par  le  capitaine 
Lalande  et  le  vicomte  de  la  Rivière.  L'empereur  arriva 
devant  St-Dizier  le  8  juillet  1544.  L'armée  royale  cam- 
pait à  Jalon,  entre  Châlons  et  Epernay,  et  Brissac  occu- 
pait Vitry-en-Perthois,  avec  deux  mille  fantassins  chargés 
d'inquiéter  l'armée  assiégeante.  Mais  Brissac,  obligé  de 
quitter  cette  ville,  se  porta  sur  Châlons.  Le  comte  d'Au- 
male,  qui  était  dans  Stenay,  fatiguait  le  camp  impérial 
et  lui  coupait  les  vivres.  Le  duc  de  Guise  inquiétait  aussi 
l'ennemi  et  s'efforçait  d'entretenir  l'espérance  d'une 
prompte  délivrance,  chez  les  habitants  de  St-Dizier  qui 
se  défendaient  avec  vigueur  et  héroïsme. 

Mais  par  une  intrigue  de  cour,  dans  laquelle  (1)  aurait 
trempé  Diane  de  Poitiers,  duchesse  de  Valentinois,  maî- 
tresse du  roi,  et  par  l'entremise  de  Longueval,  lieutenant 

(i)  Suivant  Belcarius  qui  écrivait  sous  Charles  IX. 


392  HISTOIRE   DK   TROYES.  i5U 

au  gouvernement  de  Champagne,  le  chiffre,  qui  servait  à 
masquer  la  correspondance  du  duc  de  Guise  avec  le 
comte  de  Sancerre,  fui  connu  de  Charles-Quint.  L'empe- 
reur s'en  servit  aussiUM  pour  faire  parvenir  au  comte  de 
Sancerre,  et  au  nom  du  duc  de  Guise,  Tordre  de  se  ren- 
dre promplemont,  ne  pouvant  espérer  de  secours.  La 
garnison  ne  se  décida  pas  sans  réflexion.  Mais,  attendu  le 
défaut  de  vivres  et  Je  munitions,  les  officiers  se  résolu- 
rent à  remettre  la  ville  de  St-Dizicr  aux  mains  de  Gh.arles- 
Quint.  Cette  remise  se  fit  à  des  conditions  honorables. 
Il  fut  permis  à  la  garnison  de  rester  encore  douze  jours 
dans  St-Dizier,  pour  attendre  des  renforts;  si  elle  n'en 
recevait  pas,  elle  devait,  en  plein  midi,  sortir  avec  armes 
et  bagages,  tambours  battants,  enseignes  déployées,  et 
emmener  ses  quatre  meilleures  pièces  de  canon  (1). 

Après  la  soumission  de  Sl-Dizier,  les  soldats  de 
Charles-Quint  allèrent  mettre  le  feu  à  Join ville,  ruiner 
les  jardins  du  duc  de  Guise,  piller  Téglise  de  Notre-Dame, 
dont  ils  emportèrent  les  objets  précieux.  Un  grand  nombre 
de  maisons  furent  brîilées.  Le  duc  contribua,  pour  une 
grande  partie  du  revenu  de  sa  seigneurie  de  Joinville,  à 
la  réédification  de  Téglise  et  des  maisons  particu- 
lières (2). 

L'armée  impériale  no  quitta  pas  les  bords  de  la  Marne, 
pendant  cette  cruelle  expédition  contre  Joinville.  L'autre 
partie  de  Tarmée  se  dirigea  vers  Epernay  et  ChAteau- 
Thierry,  sans  envahir  la  Champagne  méridionale.  La  ville 
de  Troyes  ne  fut  point  attaquée. 

Après  avoir  été  évéque  de  Troyes  pendant  dix-sept 
ans,  Odart  Hennequin  mourut  dans  cette  ville,  à  Tâge  de 

(i)  Le  Parlement  de  Paris  ordonna,  à  cette  occasion,  une  proces- 
sion pour  rendre  grâce  à  Dieu  de  la  brave  résistance  de    St-Dizier. 

0t)  Du  Bellay  ;  Mémoires.  —  H.  Martin.  Bist,  des  Français^ 
t.  vni,  p.  301.  —  RENÉ  DE  Bouille.  Bist.  des  ducs  de  Guise,  t.  i, 
p  147,  148,  149. 


1545  CHAPITRE   XVÎI.  393 

soixante  ans,  le  13  novembre  I54i.  Il  laissa  une  roputa- 
lion  de  générosité  et  de  charité,  facile  à  acquérir  avec  les 
nombreux  et  riches  bénéfices  qu'il  réunissait  aux  pro- 
duits de  son  épiscopat.  Il  entretint  avec  soin  les  édifices 
de  révéché,  fit  travailler  aux  châteaux  d'Aix  et  de  St-Lyé; 
celui-ci,  détruit  pour  la  plus  grande  partie,  ne  conserve 
plus  que  les  communs  et  un  énorme  colombier  orné  des 
armes  de  cet  évêque  ;  quant  à  celui  d*Aix,  une  porte 
d'entrée  reste  encore  debout. 

Le  corps  d'Odard  Hennequin  fut  inhumé  au  milieu  de 
la  nef  de  la  Cathédrale,  sous  un  tombeau  d'airain  sur 
lequel  il  était  représenté  en  habits  pontificaux  (1). 

Odard  Hennequin  eut  pour  successeur  Louis  de  Lor- 
raine, troisième  fils  du  duc  de  Guise,  nommé  au  siège 
de  Troyes  en  juillet  1545.  Louis  de  Lorraine  avait  alors 
dix-huit  ans.  Le  concordat  ne  permettant  pas  foccupa- 
tion,  à  cet  Age,  d'un  siège  épiscopal,  pour  tourner  la 
difficulté,  il  fut  nommé  non  évêque,  mais  administrateur 
(iu  diocèse,  et  eut,  pour  cotte  administration,  un  man- 
dataire nommé  Guillaume  le  Jeune,  ou  Jnvenis^  chanoine 
de  la  (Cathédrale  de  Troyes. 

Louis  de  Lorraine,  né  le  21  octobre  1527,  fut  évêque 
de  Troyes  de  1544  à  1550.  Il  résigna  son  évôchéen  fa- 
veur d'Antoine  Carracciolo,  et  devint  abbé  de  St-Viclor 
de  Paris.  Dans  la  même  année,  il  est  nommé  à  l'évôché 
d'Alby;  cardinal  le  22  décembre  1553,  il  est  archevêque 
de  Sens  en  15GI  et  évêque  de  Metz  en  1568.  Abbé  de 
St-Victor  de  Paris,  il  le  fut  aussi  de  Moissac  et  de  St- 
Pierre  de  Bourgncil. 

Le  nom  de  Louis  de  Lorraine  reparaîtra  dans  ce  récit, 
car  si  ce  prince  quitta  le  siège  de  Troyes,  ses  nombreux 
rapports  avec  la  Champagne,  son  activité  dans  les  affaires 


(1  )  Ce  tombeau  fut  relevé,  au  xviiie  siècle,  lorsque  la  nef  fut  pavée  i 
neuf,  et  placé  dans  le  collatéral  septentrional  d'où  il  dispamt. 


394  HISTOIRE  DE  tftOYES.  1545 

de  la  province  et  dans  celles  de  l'Etat,  donnent  au  cardi- 
nal de  Guise,  jusqu'à  sa  mort,  la  plus  grande  autorité 
dans  les  affaires  religieuses  et  politiques  de  la  contrée. 

Peu  après  la  mort  d'Odard  Hennequin,  le  roi  désigna 
Nicolas  Lepeuvrier,  chanoine  et  théologal  de  St-Pierre, 
docteur  en  théologie,  pour  se  rendre  à  Melun,  afin  d'y 
arrêter,  avec  d'autres  docteurs,  les  propositions  à  sou- 
mettre au  Concile  de  Trente,  au  nom  du  roi.  La  lettre  de 
nomination  fut  lue  au  Chapitre  de  St-Pierre,  le  3  décem- 
bre 1544  (1). 

En  1544,  les  graves  préoccupations  de  la  politique  et 
de  la  guerre  tiennent  en  éveil  la  population  champe- 
noise. La  peste  sévit  en  même  temps.  Elle  est  signalée  à 
Troyes,  à  Paris,  à  Reims,  à  Châlons,  à  Sézanne,  etc. 
A  Troyes,  sont  renouvelées  les  ordonnances  de  1533, 
dans  le  double  but  de  prévenir  cette  funeste  maladie  et 
d'indiquer  les  moyens  préservatifs  et  curatifs.  Des  familles 
sont  expulsées  de  la  ville  à  la  suite  du  décès  de  quelques- 
uns  de  leurs  membres. 

En  1545,  l'organisation  de  l'Aumône  générale  s'amé- 
liore. Le  procureur  des  habitants  s'adresse  au  bailliage, 
afin  d'obtenir  Tautorisation  d'appliquer,  à  Troyes,  le 
règlement  de  Paris,  *  pour  le  gouvernement  des  pauvres 
et  Tassiette  d'un  impôt  sur  tous  les  habitants  de  quelque 
qualité  qu'ils  soient,  pour  subvenir  à  l'entretien  desdits 
pauvres.  -  L'autorisation  obtenue,  sont  désignés,  par 
l'élection,  douze  commissaires,  recteurs  ou  proviseurs. 
Six  appartiennent  au  clergé  et  six  sont  laïques.  A  ces 
commissaires  sont  adjoints  un  receveur,  un  contrôleur  et 
un  greffier.  Ils  sont  chargées  de  s'enquérir,  sans  délai,  des 
règlements  et  statuts  relatifs  aux  pauvres,  et  en  exécu- 
tion à  Paris,  à  Lyon  et  dans  d'autres  villes,  et  surtout  de 
s'inspirer  de  l'arrêt  du  Parlement  de  Paris,  du  2  juillet 

(1)  SÉMILLA.HD,  t.  m,  p.  148 


1545  CHAPITRE   XVH.  SÔS 

1 5A5  (I  ) .  Pans  rassemblée  qui  avait  é!é  tenue  le  20  juin, 
les  assistants  ne  s'étaient  pas  seulement  préoccupés  de 
la  nourriture  à  donner  aux  pauvres,  mais  encore  de  Tins- 
truction  dont  leurs  enfants  avaient  besoin,  ainsi  que  de 
la  nécessité  de  leur  faire  apprendre  un  métier,  afin  de 
les  mettre  en  état  de  gagner  leur  vie.  Les  commissaires 
procèdent  à  un  recensement  de  la  population  à  assister 
Cette  opération  fixe  le  nombre  des  pauvres  à  secourir  à 
1,512,  sans  compter  ceux  de  la  paroisse  de  St-Aventin, 
dont  le  chiffre  n'est  pas  connu.  Les  chapitres  et  les  com- 
munautés religieuses  sont  compris  dans  le  rùle  de  TAu- 
mône  générale,  ainsi  que  tous  les  habitants  imposables. 

Le  30  août,  se  fait  une  grande  procession  des  pau- 
vres. Chacun  d'eux  avait  un  cierge  à  la  main  (2). 

La  recette  de  l'Aumône  se  compose  surtout  du  pro- 
duit des  taxes,  de  quelques  legs,  de  quelques  amendes 
pronoîicces  par  le  bailliage,  l'olTicialité  et  les  proviseurs 
de  l'aumône,  le  produit  des  troncs  établis  dans  les  églises 
ri  aussi  chez  quelques  marchands  (3). 

La  dépense  s'établit  par  paroisse.  Elle  est  causée  par 
des  distributions  en  nature,  par  des  soins  donnés  à  des 
malades,  même  à  ceux  qui  sont  atteints  de  la  syphilis  (4), 
et  parmi  lesquels  se  trouvent  des  hommes  et  des  fennimes 
mariés,  et  m(^nic  des  entants  à  la  mamelle;  à  ceux  qui 
sont  atteints  de  la  malerache;  par  des  frais  d'apprentis- 
sage, par  la  mise  d'enfants  en  service,  et  aussi  par  des 

(1)  L.  2. 

(2)  SÉMiLLARD,  t.  iri,  p.  1,50  et  151. 

(3]  L*évêque  est  imposé  de  2  à  300  liv.  par  an  ;  le  Chapitre  de  St- 
Pierre,  à  5  liv.  ;  celui  de  Si-Etienne  à  505  ;  de  St-Urbain  à  20  sous  ; 
fabbayc  <!e  Monlier-la-Cello,  à  0  liv.  ;  de  Notre-Dame-aux-Non- 
nains  ,  à  25  sous  ;  de  St-Loup  ,  à  40  sous  ;  de  St-Martin-ès-Aires, 
k  30  sous  ;  le  prieuré  de  St-Quentin  et  celui  de  Notre-Dame  en  l'Ile, 
â  chacun  5  sous. 

(i)  On  sait  que  cette  maladie  était  alors  congëniale  et  que  ses 
désastres  étaient  à  cette  époque  plus  grands  qu'aujourd'hui. 


396  HISTOIRE   DE  THOYES.  iSM 

frais  de  pèlerinage  à  Si -Fiacre.    (Etait-ce  pour  la  fis- 
tule?) 

En  1553,  la  recette  s'élève  à  7,624  liv  ,  ou  91,488  fr. 
(valeur  de  1846),  et  la  dépense  à  7,355  liv.  ou  environ 
88,260  fr.  (même  valeur)  (1). 

En  1548,  une  déclaration  de  Henri  II,  rendue  sans 
doute  sous  rinfluence  de  Tévéque,  qui  discuta  pendant 
plusieurs  années  la  taxe  dont  il  était  frappé,  défendit  de 
poursuivre  les  personnes  qui  ne  payaient  pas  la  taxe  des 
pauvres. 

Il  aurait  été  projeté,  en  1546,  un  règlement  sur  les 
établissements  de  bienfaisance  de  Troyes.  Ce  règlement 
fut-il  exécuté?  Nous  ne  le  croyons  pas.  Il  semble  vou- 
loir confondre  en  une  seule  institution  toute  l'adminis- 
tration de  la  bienfaisance  publique.  Il  était  trop  tôt.  Les 
hospices  continuèrent  à  être  régis  à  part  de  TAumône 
générale,  jusqu'à  leur  réunion  qui  eut  lieu  en  1630  (2). 

Si  la  réforme  attaque  les  habitudes  du  clergé  catho- 
lique dans  le  culte  et  dans  ses  mœurs,  Tesprit  de  criti- 
que et  d'examen  amène  la  sécularisation  de  la  bienfai- 


(i)  M.  de  1  à  8.  Comptes  des  recettes  et  dépenses  de  Vaumône 
ffénérale. 

(T)  Ce  document  est  contenu  dans  les  Mém.  histor.  de  Grosley, 
I.  II,  p.  203-221.  Il  a  été  puisé  dans  un  recueil  de  pièces  provenant 
du  fond  de  Pithou.  Il  est  sans  date,  ni  titre,  ni  signatures  et  d'une 
écriture  du  milieu  du  xvF  siècle.  Ce  document  intéressant  sous  plus 
d'un  rapport,  rappelle  qu'à  cette  époque,  les  abbayes  de  la  Hivour, 
Clairvaux,  HoulancourI,  Mores,  MnJesme,  Pontiirny,  le  Prieuré  de 
Clairliea  avaient  des  maisons  à  Troyes.  Il  y  est  dit  :  «  Les  femmes 
w  grosses  prestes  a  gésir  qui  n'auront  logis,  seront  logées,  reçues  et 
D  nourries  en  rilùtel-Dieu-le-Comte,  en  la  cbambre  à  ce  députée  de 
»  toute  ancienneté.  —  Semblablement  seront  reçus  audit  Hostel- 
»  Dieu  tous  les  hommes  et  enfans  masles  invalides,  playez  et  ulcérés, 
9  tant  de  ceste  ville  que  estrangers    » 

Depuis  longtemps  les  femmes  en  couche  n'étaient  plus  reçues  à 
riIôtel-Dieu  et  il  n'y  a  point,  à  Troyes,  d'établissements  destinés  à 
recevoir  les  infirmes,  sinon  la  maison  particulière  des  Petites  Sœurs 
établie  depuis  quelques  années. 


1546  CHAPITRE   XVII.  39^7 

sance  publique.  Cette  lutte  commence  avec  le  XVIe  siècle  ; 
elle  devient  vive  lorsque  les  maîtres  spirituels  et  tempo- 
rels des  hospices  refusent  des  secours  aux  pestiférés,  et 
ce  n'est  qu'à  la  session  jdes  Grands-Jours  de  1535,  que 
la  population  troyenne  obtient  gain  de  cause  contre  ces 
administrateurs-clercs,  et  même  contre  le  grand-aumônier 
de  France,  qui  veut  s'ingérer  dans  la  gestion  de  tous  les 
hospices  et  hôpitaux  du  royaume,  et,  de  1539  à  1546, 
s'organise  séculièrement  le  service  de  la  bienfaisance 
publique,  sous  le  nom  d'Aumône  générale. 

Au  village  de  Payns,  outre  la  commanderie  du  Tem- 
ple, existait  encore,  en  1545,  un  prieuré  relevant  <le 
l'abbaye  de  Montier-la-Celle,  et  où  résidaient  plusieurs 
religieux  (1). 

Vers  cette  époque,  et  en  exécution  d'un  édit  royal 
(1536)  applicable  à  toute  la  France,  la  ville  de  Troyes 
devient  le  siège  d'une  prévôté  des  maréchaux,  dont  la 
juridiction  s'étend  sur  toute  la  Champagne.  Ces  prévôts 
ont  pour  mission  de  réprimer  «  les  voleries,  pilleries  et 
meurtres;  de  diviser  les  troupes  de  voleurs,  larrons, 
aventuriers,  vivant  sur  le  pauvre  peuple,  »  de  punir  les 
crimes  commis  par  les  gens  de  guerre,  les  vols  sur  les 
grands  chemins.  Ces  prévôts,  juges  d'épée,  statuaient 
souverainement  et  sans  appel.  Le  prévôt  des  maréchaux, 
en  résidence  à  Troyes,  a  sous  ses  ordres  six  archers  seu- 
lement. Le  Conseil  de  ville,  reconnaissant  l'insufTisance 
de  ce  nombre  d'auxiliaires  pour  faire  la  police  dans  la 
province,  demande  encore  dix  archers  pour  seconder  ce 
chef  dans  ses  pénibles  fonctions  (2).  C'est  l'origine  de 
notre  gendarmerie  actuelle. 

Le  18  octobre  1546  eut  lieu,  à  Troyes,  la  deuxième 
exécution   capitale  pour   profession  des    doctrines   de 

(1)  D.  TiTox.  Hist,  de  Montier-la-Celle,  déjà  citée. 

(2)  A.  10. 


398  HISTOIRE  DE  TROYES.  i^i^ 

Luther.  Macé  Moreau,  colporteur,  libraire  ou  imprimeur, 
à  Troyes,  fait  le  voyage  do  Genèvo  et  en  rapporte  cer- 
tains ouvrages  favorables  à  la  réforme,  notamment 
Le  Trafic  et  Train  de  marchandises  que  les  Prêtres 
exercent  en  Véglise.  Il  fut  condamné  à  être  brûlé  pour 
crime  d'hérésie.  Sur  son  appel,  le  Parlement  confirma  la 
sentence  du  bailliage,  rendue  le  5  octobre  1546,  et  Macé 
Moreau  subit  sa  peine  avec  le  plus  grand  courage,  sur 
1^  place  St-Pierre  de  Troyes.  L'arrêt  du  Parlement,  outre 
la  confirmation  de  la  sentence,  contient  les  prescriptions 
les  plus  rigoureuses  contre  les  livres,  en  langue  fran- 
çaise, traitant  de  matières  religieuses.  11  enjoint  à  Té- 
vèque  de  veiller  sur  son  diocèse,  do  faire  prêcher  contre 
la  doctrine  nouvelle,  et  à  tous  les  citoyens  de  dénoncer 
ceux  qui  en  font  profession  publiquement  ou  non  (1). 

La  propagande  luthérienne  est  grande  dans  le  diocèse. 
Elle  n'exerce  pas  seulement  son  influence  sur  la  classe 
des  artisans,  mais  bien  aussi  sur  la  bourgeoisie.  Les 
habitants  de  la  contrée  d'Olhc,  surtout  accueillent  les 
idées  nouvelles  avec  faveur. 

François  K*^^  redoutant  toujours  les  attaques  de 
Charles-Quint,  dont  la  bonne  foi  continue  à  lui  être  sus- 
pecte, fait  travailler  aux  fortifications.  11  parcourt,  en 
1546,  les  provinces  de  Picardie,  de  Champagne  et  de 
Bourgogne,  afin  de  se  rendre  compte  de  l'état  de  ces 
travaux  et  en  presser  l'achèvement.  A  la  Toussaint,  le 
roi  arrive  au  château  de  Joinville,  où  le  duc  de  Guise  le 
reçoit  avec  magnificence  (2). 

En  1547,  de  nouveaux  errements  tendent  de  plus  en 
plus  à  effacer  les  traces  de  l'ancienne  administration  po- 
pulaire. Les  comptes  de  la  voirie  ne  se  composent  plus 

(1)  Bibl.  comm.  ninsc.  n©  1291.  --  Dupuy.  Preuves  des  libertés  de 
Véglise  ijaUicane,  t.  il,  p.  HOO.  —  Cohrard  de  Bheban  ;  Recherches 
sur  Vimprimerie  à  Troyes^  2«  édition, 

(2)  R.  DK  Bouille.  Histoire  des  Ducs  de  Guise,  t.  i,  p.  158. 


1^7  CHAPITRE   ?(V|1.  399 

exclusivement  des  matières  relatives  à  cette  branche  des 
intérêts  de  la  cité  (1)  Le  compte  est  rendu  par  Louis 
Guérin,  receveur  de  la  ville,  en  présence  du  voyeur  du 
roi  et  de  celui  des  habitants,  avec  Jean  de  Marisy,  con- 
trôleur de  la  voirie,  et  sous  la  vérification  du  maire  et 
des  échevins  (2).  Le  lieu  de  réunion  n'est  plus  le  beffroi, 
dont  les  galeries  n'ont  point  été  rétablies,  ni  au  palais 
royal,  mais  à  rhôtel-de-ville,  qui,  à  cette  occasion,  est 
enmayée  ^3),  ainsi  que  les  maisons  du  maire  et  des  éche- 
vins, après  avoir  sonné  la  cloche  de  l'église  de  St-Jean. 
A  partir  de  cette  date,  les  délibérations  du  Conseil  sont 
qualifiées  de  consulaires. 

Pendant  les  dernières  années  du  règne  de  François  1er, 
par  suite  de  la  guerre,  sur  les  frontières  de  Picardie  et 
de  Champagne,  les  marchands  fréquentant  les  foires  les 
ont  abandonnées  de  nouveau.  Pour  rappeler  les  fran- 
chises de  ces  grands  marchés,  Téchevinage  ordonne  une 
publication  nouvelle  des  lettres  relatives  à  ces  foires 
dans  toutes  les  villes  de  France,  à  l'étranger  et  partout 
où  besoin  sera. 

Le  31  mars  1547  (v.  st.),  François  1er  mourut,  âgé  de 
cinquante-deux  ans,  laissant  pour  son  héritier  au  trône, 
son  deuxième  fils,  qui  devint  Henri  II,  et  qui  avait 
épousé,  à  Marseille,  en  1533,  Catherine  de  Médicis. 

A  l'occasion  de  la  mort  de  François  I^r^  la  ville  fit  cé- 
lébrer un  service  funèbre  en  son  honneur. 

Peu  de  temps  après  la  mort  de  son  père,  Henri  I, 
accompagné  de  sa  femme  et  d'une  nombreuse  cour,  se 
mit  en  route  pour  la  Champagne.  Il  prit  la  route  de  Sensi 
puis  s'arrêta  au  château  d'Aix-en-Othe.  Le  5  mai  1548, 
il  signe,  à  Aix,  les  lettres-patentes  ordonnant,  au  Puy- 
«n-Velay,  la  tenue  des  Grands-Jours.  Le  roi  fait  son 

(1)  C.  150. 

(2)  C.  159. 

(3)  Garuie  de  mais  ou  de  feuillage. 


400  mSTOIRE   DE   TROYES.  1S48 

entrée  à  Troyes,  le  9.  La  réception  fut  très-somp- 
tueuse. Ce  qui  peut  paraître  bizarre,  nou  d'enthousiasme, 
mais  d'effet,  c'est  que  les  habitants  de  Troyes  se  vêtirent 
aux  couleurs  du  roi,  c'est-à-dire  de  blanc  et  de  noir(l), 
et  les  femmes  de  vert  et  de  blanc,  couleurs  adoptées 
par  la  reine.  Le  séjour  du  roi  et  de  la  cour  se  prolongea 
jusqu'au  11,  jour  où  le  nombreux  et  brillant  cortège 
se  dirigea  surBrienne  (2).  Le  roi  se  rendait  à  Turin. 

Dans  le  cours  de  cette  même  année,  la  duchesse  de 
Ferrare,  Renée  de  France,  seconde  fille  de  Louis  XII, 
femme  du  duc  Hercule  d'Est,  deuxième  du  nom;  le  duc 
de  Guise,  Claude  de  Lorraine,  gouverneur  de  Bourgogne, 
et  Louis  de  Lorraine,  évêque  de  Troyes,  viennent  à 
Troves.  La  ville  leur  rendit  les  honneurs  dûs  à  de  si 
illustres  personnages  (3). 

La  solde  des  50,000  hommes  de  pied  donne  lieu  à  un 
impôt  de  21,820  livres,  levé  sur  les  habitants  de  la  ville 
et  des  faubourgs,  y  compris  les  gens  d'église,  ayant  pa- 
trimoine sur  le  territoire  de  Troyes.  Les  quatre  quartiers 
de  la  ville  sont  divisés  en  seize  gardes  (4). 

En  1548,  disparut  la  porte  Jaulme  ou  Jaune,  placée 
en  face  du  cloître  de  Si-Etienne,  au  bout  de  la  rue  des 
Trois-Pelits-Ecus.  Cette  porte  tenait,  au  levant,  à  la  mai- 
son où  mourut  l'évêque  Henri  de  Poitiers,  dite  Thùtel  de 
la  Montée.  Un  procès  soulevé  entre  les  deux  chapitres 
de  St-Pierre  et  de  St-Etienne  eut  ce  résultat.  On  sait 
que  cette  porte  faisait  partie  des  fortifications  primitives 
ou  gallo-romaines. 

(i)  Ces  deux  couleurs  étaient  aussi  celles  de  Diane  de  Poitiers,  U 
maitresse  du  roi.  H.  Martin.  Uist.  des  fr,,  t.  vni,  p.  501. 

(2)  B.  ;  132,134  -  K.  ;  8.  Re-.  de  151  folios,  contenant  les  dé- 
penses faites  à  l'occasion  de  l'entrée  et  du  séjour,  à  Troyes,  du  roi  et 
de  sa  cour.  —  Semillard,  t.  m,  p.  153. 

(3)  A.  A.  44«  carton  ;  i«c  liasse  ,  94  pièces. 

(4)  Parmi  les  noms  compris  au  rôle  de  cet  impôt  ou  trouve  celui 


i548  CHAPITRE  XVU.  401 

Si,  aujourd'hui  comme  en  1789,  on  recherchait  les 
preuves  établissant  la  tenue  d'Ktats  provinciaux  en 
Champagne,  la  preuve  surabonderait;  car,  aux  assem* 
blées  déjà  citées,  dans  le  cours  des  XIV*,  XV<^  et  XVI^ 
siècles,  il  faut  encore  ajouter  celle  dont  nous  allons 
parler. 

Vers  la  fin  de  février  1548  (avant  ï^àques),  le  roi  écrit 
aux  Troyens  et  les  invite  à  envoyer  à  Reims,  près  de  son 
heutenant-gcnéral,  quatre  députés  choisis  parmi  eux, 
afin  qu'il  leur  soit  donné  connaissance  ce  d'aucunes  choses 
concernant  le  fait  du  gouvernement  de  la  province.  »  Le 
Conseil,  pour  les  habitants,  députe  quatre  de  ses  mem- 
bres :  Claude  Mole,  Nicolas  Coift'art,  Christophe  Menis- 
son  et  Denis  Clérey,  sieur  de  Vaubercey. 

En  mars  suivant,  ces  quatre  députés  se  rendent  à 
Reims,  d'où  MM.  Mole  et  Coiffart  font  savoir,  le  5  avril, 
qu'il  s'agit  de  créer  une  compagnie  de  -400  hommes 
d'armes,  destinée  à  habiter  les  villes  franches  de  Cham- 
pagne^ et  dont  l'entretien  sera  à  la  charge  de  la  pro- 
vince. Peu  après,  les  quatre  députés  reviennent  à  Troyes 
prendre  l'avis  des  habitants.  Le  Conseil  ne  décide  rien 
au  fond,  mais,  par  voie  d'incidence,  il  arrête  que,  <  pour 
avoir  l'amour  de  M.  de  Bourdillon,  lieutenant-général  du 
gouverneur,  on  fera  présent,  à  lui  ou  à  sa  femme,  de 
belle  toile  de  lin  ouvré.  :»  En  même  temps,  le  Conseil 
décide  la  convocation  en  assemblée  générale,  c  des  gens 
les  plus  apparents  de  la  ville  et  des  gens  du  roi.  > 

Le  8,  il  est  arrêté  <  que  les  habitants  sont  les  très 
p  humbles  et  très  obéissants  sujets  du  roi,  mais  qu'ils  le 

>  supplient  très  humblement  que  son  plaisir  soit  de  les 
»  garder  et  maintenir  en  leurs  franchises,  privilèges  et 

>  exemption!;,  selon  qu'ils  ont  été  de  temps  immémorial, 

de  <  M*  Charles  Vacher,  promoteur^  à  Trt^es^  de  l'inquisiteur  de  la 
foi,  »  Il  est  taxé  à  56  8.  t. 

III.  26 


iOâ  ilISTOIHE   U1Ù  TIU)YES.  au» 

*  par  privilèges  à  eux  octroyés  par  lui  et  les  feux  rois 
>  ses  prédécesseurs,  que  Dieu  absolve  3>  (1). 

Tel  est  Tavis  que  les  députés  eurent  mission  de  ^epo^ 
1er  à  rassemblée  des  députés  de  la  province,  tenue, 
quelques  jours  après,  dans  la  ville  de  Châlons.  Tout  fait 
croire  que  cet  avis  fut  celui  de  la  majorité,  car  rien  n'in- 
dique la  création  de  la  compagnie  projetée. 

Vers  le  même  temps,  les  délégués  des  cantons  suisses, 
se  rendant  au  baptême  de  l'un  des  enfants  de  Henri  II, 
traversèrent  la  ville  de  Troyes  (2.) 

En  1548,  la  ville  de  Troyes  compte  trente  maîtres  et 
ouvriers  pâtissiers,  au  moins;  ce  nombre  représente  la 
plus  grande  et  saine  partie  de  la  corporation.  Ces  maîtres 
font  dresser  les  statuts   de  leur  confrérie.  —  Le  chef- 
d'œuvre  est  exigé  ainsi  que  le  serment.  —  Nul  ne  peut 
mettre  en  œuvre  «  chairs  sursemées  ni  puantes,  »  sous 
peine  de  dix  sous  d'amende,  moitié  au  roi  et  moitié  aux 
visiteurs.  —  Même  défense  à  l'égard  des  pâtés  de  pois- 
son. —  Les  flancs  ou  flamets  ne  pourront  être  faits  de 
lait  écrémé,  et  les  tartelettes  seront  faites  de  bons  fro- 
mages. —  Les  rissoles  seront  de  bon  veau,  de  blanc  de 
chapon  ou  d'autres  chairs  blanches,  et  non  de  porc  ;  ce^ 
rissoles  ne  peuvent  être  vendues  que  le  jour  où  elles  sont 
confectionnées  et  non  le  lendemain.  —  Les  objets  fabri — 
qués  avec  de  la   mauvaise  viande   seront  brûlés  et  les?- 
auteurs  punis  d'amende  arbitraire.  —  Les  œufs  seronK-^ 
frais.  —   11  ne  peut  être  exposé  en  vente  de  pâtés  ré — 
chauffes.  —  Les  maîtres  ne  peuvent  avoir  qu'un  apprenti^ — 
—  L'apprentissage  sera  de  trois  ans  et  l'entrée  de  cmc^ 
sous.  -—   Le   nombre  de   valets  est  illimité.  —    Nul  n 
peut  soustraire  a:  les  chalands  de  ses  confrères,  ni  porte 
ni  envoyer  messages  ni  cédules  (adresses  ou  prospee 

(1)  A.  il. 

{"2)  A.  A.  1^  «rarton,  k"  lia?p«\ 


1M8  CHAPITRE  XVII.  403 

tus)  à  cette  fin.  »  —  Les  veuves  pourront  exercer  le  mé- 
tier do  leur  défunt  mari,  en  ayant  un  bon  serviteur.  — 
Deux  jurés,  élus  le  lendemain  de  la  fêle,  sont  chargés  de 
la  visite.  —  Us  sont  renouvelés  de  deux  en  deux  ans,  de 
manière  que  Tun  des  anciens  reste  avec  le  nouveau.  — 
Les  pâtissiers  ne  peuvent  Iravailler  de  leur  métier  aux 
quatre  fêtes  solennelles  et  le  jour  de  la  Trinité,  sans  au- 
torité de  justice,  à  peine  de  vingt  sous  d'amende.  — 
Tout  pâtissier  ne  peut  avoir  qu'un  ouvroir  ou  boutique. 
—  Nul  ne  peut  vendre  de  pâtisserie  en  ville,  s'il  n'est 
reçu  maître  (1) 

Les  eordiers,  au  nombre  de  vingt-six,  revisent  leurs 
statuts  sous  Tautorité  du  prévôt.  Cette  modification  ne 
touche  guère  qu'à  des  détails  et  ne  change  que  bien 
peu  les  statuts  de  149S.  La  fabrique  de  la  corderio,  à 
Troyes,  paraît  avoir  une  grande  extension.  Les  marchan- 
dises sont  destinées  au  service  de  la  marine  (2). 

Le  travail  des  peaux  s'est  divisé.  On  compte,  à  Troyes, 
quatre  gantiers,  qui,  en  1548,  demandent  à  réglementer 
leur  métier.  —  Le  chef-d'œuvre  est  exigé.  —  Nul  ne 
peut  fabriquer  de  gants  s'il  n'est  reçu  maître.  —  Les 
gants  et  mouffles  seront  faits  de  cuir  neuf,  sans  aucune 
vieille  étoffe,  à  peine  de  cinq  sous  d'amende.  —  Nul 
gantier  ne  peut  mettre  en  œuvre  cuir  de  cerf  ou  de  veau 
si  ce  cuir  n'a  été  passé  à  l'alun.  —  Ils  ne  peuvent  les 
*  baudir  »  ni  vendre  pour  autre  cuir  que  celui  dont  les 
gants  sont  fabriqués.  —  La  vente  est  défendue  le  diman- 
che. —  Les  gantiers  sont  libres  de  prendre  leurs  valets 
et  apprentis  au  nombre  qu'ils  voudront.  —  La  corpora- 
tion a  deux  maîtres-jurés  (3). 

(1)  Blq.  coram.  mnsc.  1291. 

(2)  Blq.  comm.  mnsc  1291  —  La  viUe  ne  compte  plus  que  huit 
eordiers  ;  en  1492  elle  en  comptait  21.  —  La  corderie  de  Troyes  est 
tenue  en  grande  réputation. 

(3)  Blq.  comm.  manuscrit  no  1291 . 


iOi  HISTOIRE   DE  TROYES.  isig 

Depuis  un  certain  nombre  d'années,  des  plaintes  nom- 
breuses s'élèvent  contre  les  pratiques  des  clercs,  notaires, 
grefTiers  et  tabellions,  qui,  prétend-on,  n'exécutent  plus 
Tancien  règlement  relatif  à  leurs  honoraires.  Pour  mettre 
un  terme  à  cet  état  de  choses,  le  maire,  les  échevins  et 
les  habitants  de  Troyes  présentent  une  requête  collective 
aûn  de  faire  fixer  le  coût  des  actes,  l'étendue  du  parche- 
min sur  lequel  ils  doivent  être  écrits  et  le  droit  à  payer 
pour  les  expéditions. 

Les  habitants  se  plaignent  de  Télévation  de  la  taxe, 
faite  par  Philippe-le-Bel,  d'un  denier  pour  trois  lignes 
d'écriture;  de  deux  deniers  pour  la  quantité  de  quatre  à 
six  lignes.  Ils  énoncent  que  la  ligne  d'écriture  est  longue 
d'un  épan  de  mairie  Tépan  étant  de  neuf  à  dix  pouces. 
La  peau  doit  avoir  trois  épans  en  carré  ;  les  tabellions 
prennent,  par  chaque  peau,  vingt  sous  au  lieu  de  quinze, 
et  encore  n'écrivent-ils  pas  sarrément.  Les  greffiers, 
pour  un  appointement  qui  ne  vaut  que  douze  deniers, 
exigent  deux,  trois  et  quatre  sous,  et,  à  ce  prix,  la  peau 
se  paie  plus  de  cinquante  sous. 

Ces  plaintes  sont  accueillies  par  le  Parlement,  et,  le 
15  mai  1548,  la  cour  ordonne  qu'il  sera  informé,  sur  ces 
faits,  par  le  lieutenant-général  au  bailliage.  Devant  ce 
magistrat,  l'enquôle  fut  faite  non  par  témoins,  mais 
par  lettres  et  par  titres,  en  présence  de  tous  les  inté- 
ressés. 

Le  magistrat  enquêteur,  assisté  de  Marc  Champy, 
lieutenant  criminel  ;  de  Philippe  Belin,  lieutenant  parti- 
culier; et  de  Jean  Deheurles,  lieutenant  du  prévôt, 
arrête  le  tarif  des  notaires  et  des  greffiers  habitant  la 
ville,  ainsi  qu'il  suit  : 

Pour  les  titres  qui  se  paient  à  la  peau,  la  peau  aura 
trois  épans  à  main,  tant  en  longueur  qu'en  largeur,  el 
l'épan  aura  huit  pouces  de  roi.  La  peau,  ayant  trois  doigts 
<lr  lolo,   conliondrn  r.oix;jnt,^-ciiiq  lignes,  et  au  bout  do 


i548  CHAPITRE  XVII.  405 

chaque  ligne,  il  y  aura,  de  blanc,  un  demi-doigt,  et  les 
mots  seront  sarrément  écrits. 

Le  tabellion  (ou  ses  commis),  pour  acte  de  vente  ou 
reconnaissance  de  dette  de  20  1. 1.  et  au-dessous,  pren- 
dra 3  s.  4^  d.  t.;  si  la  vente  excède  20  liv.,  il  aura  droit  à 
une  obole  par  livre,  jusqu'à  500  liv.,  ce  qui  donne  23  s. 
t  d.  t.;  et  si  la  somme  n'atteint  pas  500  liv.,  il  prendra 
en  proportion  de  la  somme.  Si,  au  contraire,  elle  excède, 
il  ne  lui  sera  rien  payé. 

Pour  acte  de  loyage  (louage)  ou  d'échange,  il  aura 
5  s.  t.;  s'il  est  double,  3  s.  4  d.  par  partie  ;  et,  s'il  y  a 
soulte,  le  tabellion  aura  droit  aux  oboles,  comme  il  vient 
d'èlre  dit. 

Lettre  de  cession  ou  de  transport,  3  s.  4  d.,  lorsque  la 
somme  n'excédera  pas  20  liv.,  et,  si  elle  excède,  les  obo- 
les se  paieront  comme  ci-dessus. 

Pour  donation  de  père  à  fils  et  autres  actes  qui  sont 
gratuits,  5  s.  seulement,  sauf  à  avoir  égard  aux  écritures 
et  à  l'étendue  de  la  peau. 

Procurations  et  substitutions,  3  s.  4  d.;  procurations 
spéciales,  5  s.;  procurations  collectives  d'habitants,  10  s. 

Les  ridimus  et  autres  actes  dans  lesquels  en  sont  in- 
corporés d'autres,  3  s.  4  d.;  —  les  quittances  simples, 
2  s.  6  d.;  —  motivées,  3  s.  4  d.  —  Don  mutuel  simple, 
«  mais  causé  de  plusieurs  points,  >  10  s.  t.;  double,  6  s. 
8  d.;  —  loyage  d'apprentissage,  3  s.  4  d.;  —  accensis- 
sement  (bail)  perpétuel,  de  chaque  partie,  5  s.;  —  bail 
à  une  ou  plusieurs  vies,  5  s.;  —  reconnaissance  faite  par 
des  enfants  en  seconde  ou  troisième  vie,  à  cause  qu'il 
faut  narrer  le  contrat,  5  s.;  —  hypothèque  ou  censive, 
5  s.  —  Approbamvs^  2  s.  6  d.;  —  prise  de  bêtes,  3  s. 
4  d.;  —  partage,  5  s.;  —  inventaire  de  biens  au-dessous 
de  20  liv.»  5  s.;  au-dessus,  en  plus,  obole  par  livre;  —  le 
plus  grand  testament,  10  s.;  un  moyen,  7  s.  6  d.;  le  plus 
petit,  5  s.,  sans  prendre  aucune  obole. 


406  HISTOIfVB  IHB   TJKOYES.  1540 

Dans  tous  le»  greffes,  il  sera  perçu,  pour  toutes  sen-* 
tences  écrites  à  la  peau,  vingt  sou»  par  peao,  -^  par  sen- 
tences simples,  au  bailliage,  5  s.;  —  à  la  prévôté^  3  9.; 
—  par  commissions  simples,  exécutions  de  lettres  obli- 
gatoires, entérinements  de  lettres-royaux  et  autres,  au 
bailliage,  2  s.  6  d.;  à  la  prévôté,  12  d.  —  Délais  ordi- 
naires, élections  de  domicile,  au  bailliage,  12  d.;  à  la 
prévôté,  6  d.  —  Commissions  en  matière  possessoire, 
5  s.;  reliefs  d'appel,  5  s.;  —  commissions  portant  appoin- 
tement  d'enquête,  au  bailliage,  2  s.  6  d.;  à  la  prévôté, 
12  d.;  —  compulsoire,  au  bailliage,  5  s.;  à  la  prévôté, 
2  s.  6  d. 

Quant  aux  greffes  des  foires  et  autres  des  sièges  par- 
ticuliers du  bailliage  de  Troyes  et  des  bailliages  des  com- 
tés, baronnies  et  châtellenies  subalternes,  les  salaires 
sont  arrêtés  sur  les  fixations  faites  pour  le  greffier  du 
bailliage  de  Troyes,  excepté  pour  les  mandements  et 
commissions  des  foires  qui  ne  seront  payés  que  2  s.  t.^ 
suivant  fédit. 

Le  greffier  de  féchevinage  et  ceux  des  prévôtés  et  des 
mairies  subalternes,  prendront  les  salaires  sur  le  taux 
fixé  pour  le  tabellion  de  Troyes. 

Ce  règlement  est  donne  sans  qu'il  soit  dérogé  aux 
styles,  usages  et  coutumes  des  lieux  où  l'on  prend  un 
moindre  salaire. 

La  proposition  formulée  par  le  lieutenant-général,  à 
la  suite  de  son  enquête,  fut  agréée  par  le  Parlement, 
qui  la  convertit  en  règlement  et  celui-ci  devint  loi  pour 
la  ville  et  le  bailliage  de  Troyes  (1). 

Le  taux  du  coût  des  actes,  fixé  en  15i8,  n'est  guère 
que  la  reproduction  de  la  fixation  contenue  dans  «:  le 
taux  et  ordonnance  mis  es  tabellionnage  au  bailliage  de 

(l)Arch.  muiu  Ane.  f.  layette  38»,  3c  partie. 


1^48  CHAPITRE   XVll.  407 

Troyes,  »  qui  date  du  commencement  du  XVIe  siècle  et 
peut-être  même  de  la  fin  du  XVe  (1). 

Malgré  ce  règlement,  les  habitants  de  Troyes  ne  se 
plaignent  pas  moins,  en  1555,  des  notaires  et  des  gref- 
fiers (2).  Trois  ans  après,  les  plaintes  se  renouvellent. 
Il  y  a  même  procès  entre  les  notaires  d'une  part,  et 
d'autre  part,  les  habitants  représentés  par  le  maire  et  les 
échevins.  Le  Conseil  demande  que,  comme  à  Orléans,  la 
ville,  payant  la  moitié  des  dépenses  et  les  notaires  l'au- 
tre moitié,  il  soit  demandé  au  roi  un  édit  général,  pour 
toute  la  France,  ordonnant  la  réunion  des  offices  des  ta- 
bellions à  ceux  des  notaires.  Cette  demande  était  préma- 
turée; elle  ne  devait  être  accueillie  qu'au  moins  un  siècle 
après  qu'elle  s'était  produite  à  Troyes  et  à  Orléans. 

Pour  donner  satisfaction  aux  habitants,  le  Conseil 
propose  de  prendre,  pour  trois  ou  quatre  ans,  la  ferme 
du  tabellionnage,  moyennant  une  somme  supérieure  de 
!^00  livres  à  la  plus  haute  enchère.  La  ville  perdrait  cette 
somme,  c  mais  elle  accomoderait  le  peuple,  d 

Enfin,  en  1564,  un  notaire  ayant  délivré  un  acte  en 
brevet^  le  fermier  du  tabellionnage  se  plaint  de  ce  fait 
qui  lui  porte  préjudice  Le  Conseil  de  ville,  au  contraire, 
profite  de  cette  occasion  pour  présenter  requête  au  Con- 
seil privé,  afin  d'obtenir  l'autorisation  de  faire  délivrer 
par  les  notaires,  aux  parties,  en  brevet  ou  copie,  les 
contrats  qu'ils  recevront  :  le  tout  «  pour  le  soulagement, 
profit  et  utilité  des  habitants.  i>  Le  Conseil  s'engagea 
fournir  aux  frais  de  ce  nouveau  procès  (3). 

Odard  Hennequin,  évêque  de  Troyes,  et  Noël  Coiffart, 
lieutenant-général  au  bailliage,  furent,  en  1542,  en  qua- 
lité de  commissaires  royaux,  chargés  de  vendre  les  droits 
de  jurée  levés  pour  le  roi  dans  la  ville  et  la  prévôté  de 

(1)  Q.  1«r  ^Cariulaire. 

(2)  A.  12. 

(3)  A.  \k. 


408  HISTOUΠ  DR   THOYES.  1549 

Troyes.  CJirislophe  Menisson,  ccuyer,  sieur  de  St-Aven- 
iin,  se  rendit  acquéreur  de  celte  partie  du  domaine  royal. 
Cette  première  aliénation  comprenait  les  droits  levés  sur 
les  lieux  dont  les  noms  suivent  :  Arcis,  les  deux  Torcy, 
Feuges,  Villechétif,  Viélaines,  Laines-Bourreuses  (au- 
jourd'hui Rosières),  Pouilly,  les  Maraulx,  Villebarot,  la 
Charme  de  Pouilly,  et  partie  de  Preize,  en  ce  qui  est  de 
la  justice  du  prieuré  de  St-Jean-en-Chatel;  Argentolles, 
Créney,  Bouranton,  la  Chapelle-St-Luc,  Barberey-Sl- 
Sulpice,  Barberey-aux-Moines,  Mousson,  Culoison  et 
Marnay,  Lavau  et  la  Valotle,  Montgueux,  Macey,  Mesnil- 
Vallon,  Mergey,  St-Sépulcre  (aujourd'hui  Villaceri*), 
Froide-Rive,  Chauchigny,  Souligny,  Doches,  Rosson, 
Assencières,  Ste-Maure,  Charley,  Croncels,  les  grands  et 
petits  Trévois,  la  Saute,  la  Burie,  le  Pont-de-Lart,  Verdun, 
la  Renouillère,  Sancey,  le  petit  Villepart,  Bréviandes,  du 
côté  de  Sancey;  St-André,  la  tuilerie  St-Michau,  en  ce 
qui  est  de  la  mairie  de  Croncels.  Cette  aliénation  opéra 
un  démembrement  considérable  de  la  prévôté  de  Troyes. 
Le  produit  de  la  prévôté  fut  considérablement  dimi- 
nué. 

En  1549,  Henri  H  met  de  nouveau  en  vente  une  autre 
portion  du  domaine  royal. 

Poursuivant  l'application  du  prinei:  c  d'affranchisse- 
ment qui,  di'puis  plus  d'un  demi-siècle,  est  continuelle- 
ment mis  en  prati(|ue  [>ar  les  administrateurs  de  la  citô, 
le  Conseil  de  ville  décide  que  les  droits  de  jurée  seront 
rachetés  dans  leur  entier,  au  nom  de  la  ville,  et  que, 
pour  opérer  complètement  ce  rachat,  la  ville  agira  «If 
concert  avec  Christophe  Menisson  et  la  [>ortion  qu'il 
possède  sera  re|)rise  par  la  ville. 

Christophe  Men.sson,  se  rendant  aux  vœux  du  Con- 
seil, revend  ce  qu'il  a  acheté  du  domaine.  Louis  Guérin, 
receveur  des  habitants,  reprend  pour  la  ville  et  sous 
son  nom,    moyennant   410  liv.    payées  à  Menissun,  et 


1550  CHAPITRE   XVII.  409 

107  liv.  10  s.  t.  payés  au  roi,  les  portions  en  question  (1). 

Ces  aliénations  du  droit  de  jurée  expliquent  Tamoin- 
drissement  du  territoire  et  de  la  juridiction  de  l'ancienne 
prévôté,  qui  n*est  plus  composée,  en  dehors  dé  Tenceinte 
de  Troyes,  que  de  quelques  villages  (2). 

En  1548,  le  roi  créa  quatre  offices  de  conseiller  au 
bailliage  de  Troyes.  Dans  cette  création,  le  Conseil  de 
ville  voit  une  nouvelle  charge  pour  les  habitants.  Aussi 
en  poursuit-il  la  suppression.  Ces  poursuites  sont  cou- 
ronnées de  succès,  car,  en  décembre  de  la  même  année, 
ces  offices  sont  supprimés.  A  la  requête  du  maire  et  des 
échevins,  cet  éditde  suppression  est  enregistré  au  Par- 
lement, «  comme  étant  donné  au  grand  et  évident  profit 
de  la  ré  jmblicq  de  cette  ville  »  (3).  Mais  avant  quatre 
ans,  le  bailliage  s'augmentera  du  personnel  composant 
le  présidial,  et  qui  ensemble  arriveront  jusqu'au  dernier 
jour  de  Tancienne  monarchie,  et  administreront  la  jus- 
tice dans  toute  Tétendue  du  bailliage. 

En  1550,  la  ville  achète  aux  forges  de  Oirey  76,000 
livres  de  fer  fondu,  en  boulets.  Les  forges  de  Vendeuvre 
qui  alimentaient,  trente  ans  auparavant,  son  arsenal, 
sont  éteintes.  La  mine  n'est  pas  épuisée,  mais  les  bois 
sont  détruits. 

On  rebâtit  à  neuf  le  trésor  de  Thôtel-de  ville,  c'est- 
à-dire  la  voxite  sous  laquelle  sont  encore  déposées  et 
conservées  les  archives  municipales  (4). 

(1)  Arch.  mun.  anc.  f.  lay.   16^,  3«  pièce.  —  Nouv.  f.  A.  H. 

{^)  Voir  le  ressort  du  Bailliajj^e  de  Troyes  en  1553.  Coutumes  du 
bailliage,  publiées  par  L.  Legrand  et  Tétat  de  la  prévôté  de  Troyes 
en  4388  que  nous  avons  donné  dans  la  Prévôté  de  Troyes^  i868'i860, 

11  ne  reste  plus,  dans  la  prévôté,  que  Moulins,  Mesnil-Lettre, 
Aniance,  Rhéges,  Nogent-sur-Aube,  Souleaux  et  Souligny  Le  nom 
de  ce  dernier  village  figure  cependant  dans  la  libte  des  lieux  aliénés 
avant  1.')49 

(3)A.  il. 

(4)  B.  137.  Le  conseil  municipal  vient  de  voter  son  agrandisse* 
ment,  novembre  1872. 


410  HISTOIRE   DE  TROYES.  1500 

Les  sergents  des  foires  forment  encore  une  corpora- 
tion spéciale,  représentée  aux  élections  de  la  St-Barnabé 
et  à  celles  des  fériés  de  Pâques.  Mais  bientôt  cette  cor- 
poration, qui  parait  ne  pas  appartenir  à  Tordre  judi- 
ciaire ni  en  relever,  va  disparaître  pour  jamais,  à  quel- 
ques années  de  là. 

Claude  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  mourut  le  12  avril 
1 550,  après  Pâques,  étant  encore  gouverneur  de  Bour- 
gogne. Il  est  enterré  à  Joinville,  dans  Téglise  de  Notre- 
Dame.  Bien  qu'à  Tavènement  de  Henri  II,  ses  fils  Téclip- 
sèrenl,  il  prenait  encore  part  à  fadministration  de  la 
province  de  Champagne,  quoique,  depuis  longtemps  déjà, 
le  duc  de  Nevers  en  fût  le  gouverneur  .1*. 

Claude  de  Lorraine  laissait  douze  enfants,  parmi  les- 
quels nous  citerons  ceux  qui  suivent  et  qui  ont  pris  une 
part  plus  ou  moins  active  aux  affaires  delà  \ille  et  de  la 
pnnince  :  FrofHyis.  deuxième  duc  de  Guise  et  gouver- 
neur de  Champagne:  Charles,  cardinal  de  Lorraine,  ar- 
chevêque de  Reims  ;  Claude,  due  d'Aumale,  qui  forma  la 
branche  de  ce  nom  :  Louis,  cardinal  de  Guise,  qui  fut 
évtSjue  de  Troyes,  puis  d\\lh\.  archevêque  de  Sens. 
êvèquo  d  Mol/.  at'Sr  dt  S:-V  ctor,  et  >uriu*mmé  le  Car- 
i/r»î.;*  ;:V.<  hv::ri!=t<  \^i  :  t^'y  \*is  «:e  Lorraîne,  chevalier 
de  Malîi\  ^rv^îui-pr?ei:r  et  i:êï:er.v  vies  galères  de  France; 
liet.f,  niafijuis.  j'i::>  vii:*.  dK.leur:  M'.irif,  reine  d'Ecosse, 
femme  «îe  Jao  :\:es  Su:a:'  V,  mV.  .  rn  premières  noces, 
a\a;!  e:vi:>o  L,  \  s  ri^riK.;:  s  ::o  vie  L-  i;j:-:e\i'le.  /îe^fi/r, 
abbesso  :o  S;  P  0  :•-  0.  Rt  ts:  A't  ir^ru,  ahr-esse  de 
KariîUHii  er.  i  :  /.%:<?*.  t;:us<\  tv.  :  rviiiit-rts  r.oces,  de 
Rere.  i^T'r.ve  lî  Orar^e.  ti.  ^v.  ■ie.:\  èmes  Dv-ces.  «ie 
Oh,^T*es  de  «^r».  '    rr  lue  ôe  Cr:r.\n-.  inc  d\Vr*sohot.  Une 

m 

seiut  ab-e   î  ,::>:tr     .t:-:o   ravtibvoa,  ;e<jk  coicme  leur 


1560  CHAPlTnK   XVII.  4H 

père,  sur  les  afiîures  de  la  Franco  et  spécialement  sur 
celles  de  la  Champagne,  pendant  tout  le  XVl^  siècle. 
Unis  au  parti  catholique,  ou  plutôt  à  sa  tête,  cinq  des 
fils  du  premier  duc  de  Guise,  par  leur  ardeur  à  la  lutte, 
firent  répandre  une  énorme  quantité  de  sang  français, 
bien  plus  dans  Tintérêt  de  leur  race  que  dans  celui  de  la 
France  ou  du  roi.  Les  guerres  de  religion,  qu'ils  fomen- 
tèrent, étaient  pour  eux  des  luttes  politiques  à  Taide 
desquelles  ils  maintenaient  leur  influence. 

I^armi  les  règlements  de  police,  il  y  a  lieu  de  rappeler 
ceux  qui  sont  diriges  contre  les  cabaretiers  et  les  taver- 
niers.  Les  plaintes  d'alors  sont  encore  celles  d'aujour- 
d'hui. Les  maris  ou  pères  de  famille  mangent,  dans  les 
tavernes  et  en  un  seul  jour,  le  produit  de  leur  travail  de 
la  semaine.  Bientôt  se  joindront  à  des  mesures  dictées 
[>ar  la  morale,  celles  qui  ont  pour  mobile  la  politique  et 
qui,  sous  un  prétexte  fort  plausible,  dérobe  le  véritable 
motif  Ces  mesures  de  sévérité  et  ces  plaintes  se  font 
jour  surtout  alors  que  les  langues  se  délient,  que  l'opi- 
nion publi(|ue  s'émancipe  et  que  les  conversations  pri- 
vées ou  publiques  prennent  une  direction  hostile  à  l'au- 
torité, au  culte,  à  la  religion.  Mais  le  corps  de  Féchevi- 
nage,  doutant  de  refficacité  de  son  pouvoir,  invoque 
rautorité  royale. 

Vers  le  même  temps,  est  publié,  à  Troyes  et  à  son  de 
trompe,  un  édit  s.»mptuaire.  Il  est  défendu  de  porter,  à 
l'avenir,  du  velours,  du  taffetas  et  de  la  soie,  dans  ses 
habits,  à  peine  d'une  amende  de  dix  marcs  d'argent.  Pour 
assurer  Texécution  de  cette  ordonnance,  le  jour  de  la 
St-Barnabé,  dos  notaires  et  des  sergents  épient,  dit-on, 
les  gens  qui  tiennent  les  rues,  afin  de  les  surprendre  en 
état  de  contravention. 

Le  premier  mystère  aurait  été  joué  à  Troyes,  en  1419. 
D'antres  furent  joués  dans  le  cours  du  XVe  siècle,  en 


4i2  HISTOIRE   DE   TROYES.  15SA 

1452,  à  Toccasion  de  la  reddition  de  la  Guyenne  et  dans 
d'autres  réjouissances  publiques. 

Le  mystère  de  la  Passion  fut  joué  en  1482,  probable- 
ment pour  la  première  fois,  puis,  presque  chaque  année, 
pendant  environ  un  demi-siècle,  avec  de  grands  prépara- 
tifs, un  fort  grand  luxe,  et  souvent  après  une  proces- 
sion à  laquelle  prenaient  part  les  nombreux  personnages 
qui  figuraient  dans  la  représentation. 

Les  paroisses  et  l'échevinage  prenaient  souvent  part  à 
la  dépense. 

Le  mystère  de  la  Passion  était  divisé  en  trois  parties 
ou  journées,  représentées,  le  plus  souvent,  trois  diman- 
ches consécutifs;  et,  pendant  le  jeu,  des  mesures  de 
police  fort  sévères  étaient  prises  contre  les  vols  et  les 
incendies  ;  les  portes  de  la  ville  étant  fermées  ou  au 
moins  gardées. 

En  1531,  la  ville  invita  le  roi  et  la  reine  à  la  repré- 
sentation de  la  Passion.  Ils  ne  vinrent  pas,  mais  le  gou- 
verneur de  Champagne  y  assista  avec  un  de  ses  fils  et 
leurs  officiers. 

A  cette  époque,  on  joua  aussi  :  la  Vengeance  de  la 
Pn,ssion,  pièce  à  grand  spectacle;  le  jeu  des  Fraudes  de 
saint  Shnéon,  le  jeu  de  la  Sle-Uoslie,  ceux  de  Saint  Loup, 
de  Sainte  Catherine^  de  Sainte  Jule  et  du  Sage  Salomon; 
ces  représentations  étaient  données,  le  plus  souvent,  sur 
la  place  du  Marché-au-HIé,  quelquefois  dans  les  cloîtres 
ou  couvents,  à  gagne-petit,  c'est-à  dire  que  les  assistants 
payaient  un  douzain. 

Vers  1540,  il  existe,  à  Troyes,  une  confrérie  de  la 
Passion,  et  une  autre  dite  la  Sotte-Bande.  Celle-ci  jouait 
des  sotties  et  des  diableries^  nom  substitué  à  celui  de 
mystères.  F^lle  avait  son  prince.  Cette  dernière  parait 
avoir  pris  fin  vers  1550,  c'est-à-dire  au  commencement 
des  troubles  religieux.  Kn  cette  année  et  pendant  Tété, 
la  Sotte-P»ande  aurait  représenté  le  jeu  de  Sainte  Cathc 


1550  •  CHAPITRE  XVII.  443 

fine,  celui  de  Sainte  Jule  et  celui  du  Sage  Saloman  (1). 

En  1545,  et  sans  doute  dans  les  reconstructions  qui 
suivirent  l'incendie  de  1524,  on  taille  dos  images  saintes. 
On  les  place  sur  les  façades  des  maisons  reconstruites 
ou  réparées.  Mais  la  réforme  en  fit  détruire  un  certain 
nombre. 

L'exhibition  de  ces  images,  placées  sous  les  yeux  de 
tous,  avait  pour  but  d'exciter  la  piété  des  passants,  et, 
au  XVle  siècle,  d'indiquer  la  religion  pratiquée  par  le 
propriétaire  ou  par  les  habitants  et  de  protester  publi- 
quement contre  les  nouvelles  doctrines.  Mais  dès  cette 
époque,  il  est  employé  un  moyen  plus  saisissant  pour 
frapper  l'esprit  des  gens  :  ce  sont  les  processions  géné- 
rales ou  fraternelles,  souvent  répétées.  Dès  1550,  ces 
cérémonies  sont  très  fréquentes.  Elles  le  deviennent 
d'autant  plus  que  la  lutte  devient  plus  vive. 

Louis  de  Lorraine,  Agé  de  vingt-trois  ans,  ambitieux 
comme  son  père,  et  peu  scrupuleux  sur  les  moyens  de 
parvenir,  quitte  le  siège  de  Troyes  pour  devenir  abbé  de 
St- Victor  de  Paris,  et  peu  après  évoque  d'Alby,  siège  où 
il  remplace  son  oncle,  le  cardinal  Jean  de  Lorraine. 
A  l'abbaye  de  St-Victor,  il  succède  à  Antoine  Carracciole, 
fils  de  Jean,  prince  de  Melphe,  maréchal  de  France,  et 
Antoine  Carracciole  vient  occuper  le  siège  épiscopal  de 
Troyes. 

Dès  l'âge  de  dix-huit  ans,  Antoine  Carracciole  s'aban- 
donnait à  tous  les  plaisirs  de  la  jeunesse.  Il  dissipa,  dans 
le  luxe  et  les  excès,  un  riche  patrimoine.  A  bout  de 
ressources,  il  se  réfugia  à  la  Ste-Beaume  de  Marseille, 
puis  se  fit  chartreux  à  Paris.  Regrettant  la  vie  facile  qu'il 
avait  abandonnée  par  contrainte,  il  se  fit,  au  moyen 
d'intrigues,  nommer  abbé  de  St-Victor  de  Paris.  C'était 


(1)    BoL'TiOT.  Recherches  sur  le  théâtre  à  Troyes  auxvsâèle, 
M.  DCCCLIV. 


41-1  mSTOBE.  PC   TKOTES.  ,  §550 

un  ese««tefi^  afti>vr!i  i-r  r^u:*'  .*  m»  attires  finaoeîèrefi  et 

m 

recoaquefir  si  Ibertc  p^f«iue  li  prit  possession  de  cette 
heu  abbaye,  ir  iâ  t^^re?  1544.  Pendant  son  abbaliat, 
ii  eut  de  5<rPieiiif:s  dir^-^uîtr^^  avec  ses  religieux. 

•juaQi   lu  >Ç'-n:uci.  CarrA^:oi«:4e.  étant  abbé  de  Sl- 
Viotor  e:  ivin:  i-^  :j.rc:  zru?  là  chaire,  avança,  comme 
pr«r4iicateu:.  :ue^^ue>  fr:  .-i-îiLiiiris  peu  orthodoxes.  II  en 
fut  reprii;  j-:r<  j   Kicc^^â  de  ^juitter  la  religion  catho- 
lique. Mdis  -i  ;i.\  serjrt  "j:te,  il  c^mvoita  un   évéché 
d^iï<  le   but  de   p^che:  ^vvc  encore  plus   de  liberté, 
n  perîi;.;:^  avec  L:u:>  de  Lorraine  et  fut  sacré  évoqua 
daiiî  L'ibbjve  iiit-aie  de  S:-V;otor.  le  15  novembre  1550. 
Il  portai:  u::e  ..'^'^^  rar>:.  usa^e  contraire  à  celui  qu 
pratiquait  /e^  .se  de  Trcyc-f.  qui  ne  voulut  pas  le  rece 


\oiT  avant  que  sj  barce  i'A  ccupèe.  Une  lettre  écrite  pa^ 
le  r\;»i  au  Cha^::re.  .e  :2T  roveoibre  1551,  leva  rcbstacl^ 


à  l'aide  d'un  su":  :er:Ui>:\  et  •'arracciole  garda  sa  barbe 
Le  Chapitre  se  deoidi  er.t^ri  à  recevoir  son  nouvel  évêque — ^= 
qui  fit  >*:n  entrée  >•: lennelle.  a\cc  le  cérémonial  accou- 
tumé, le  13  décembre  suivant. 

Aux  fêtes  de  N.-rl  qu;  suivirent  son  installation,  Car- 
racoio'e  pi^^o:  i  d.-us   .\y:  s-:   ic   S:-P:erre.  L'assistane» 
aurait  v\k  :e.ic::.:r:  :.:..::-.  js-  et  bru\ante  que  son  ser 
m^:'n  aura::  -::<:    :-v.  t:::e:  :.:   Le   lo  janvier  suivant,  î 
assista  à  ui-e  gr.-.r.i-  r:: oessi.r.  des  pauvres  (ceux- 
etar::  au  ii:::.::e  de  o.*>X^  -::;v.:o:i  .  Le  nouveau  préla 
ne  s  étant   pas  c  :.::::.-    au   Lcrx::noîûal   du  diocèse,  1» 
Châritre  de  S:-l\t::e  ..::  s.^r.:f:a  d'av»:»ir  à  s'v  soumettr» 
à  laveiii:. 

Carraoo.ole  iiêj'.ut  au  c.cr^e  deTroyes  et  à  une  parti»^ 
de  la  population    Sa  cor  :u::e  anît-rieure,  ses  change 
ments  d'ctat  et  «io  f  rotVssio!:.  sa  dssipation,  son  langage*  '^ 
qu.  n'est  p.. in:  ort'r.j.ioxe.  ai-^^stent.  chez  ce  prélat  d'ori 
g:ne  ilalin^-r.i.e,    de>  iiab: :udes  peu  régulières.   Ses  seii     -^ 
sont  éve'!!ê>  par  une  saîisfaoîi  "::  a!  usive  dès  sa  jeunesse    • 


1560  CHAPITRE   XVII.  415 

il  ne  sait  pas,  quoique  prince  de  Té^lise,  les  refréner, 
les  dompter,  ni  même  leS  masquer.  Appartenant  à  la 
classe  la  plus  élevée  de  la  société,  il  en  a  les  habitudes 
et  les  vices.  En  ce  temps  d'excessive  liberté,  il  ne  sait 
imposer  aucune  borne  à  ses  besoins,  comme  à  son  lan- 
gpage,  comme  à  ses  doctrines.  Homme  léger,  inconsé- 
quent dans  ses  actes,  il  passe,  quoique  évéque,  des  doc- 
trines catholiques  aux  idées  de  la  réforme.  Cet  évéque, 
flottant  dans  ses  actes  comme  dans  ses  paroles,  ne  lais- 
sera de  son  passage  sur  le  siège  épiscopal  de  Troyes, 
qu'un  triste  souvenir.  Par  son  caractère  sans  fixité,  par 
sa  conduite  irréfléchie,  il  jette,  à  l'aide  de  son  grand 
talent  d'orateur,  le  trouble  dans  son  diocèse,  où  les 
esprits,  même  les  plus  fermes,  les  plus  convaincus  et  les 
plus  droits,  sont  fortement  agités  par  les  idées  nou- 
velles. 

Le  diocèse  de  Troyes  avait  à  peine  vu  son  évéque, 
Louis  de  Lorraine,  et  il  tombe  entre  les  niains  de  Carrac- 
ciole.  Son  troupeau  est  déjà  fort  divisé,  il  le  deviendra 
bien  plus  encore  sous  son  épiscopat.  Le  doute  a  pénétré 
bien  des  âmes  honnêtes.  La  réforme  en  est  arrivée  à  ce 
point  où  la  scission  n'est  pas  entière.  Des  prêtres  catho- 
liques professent  quelques-unes  des  doctrines  nouvelles, 
tout  en  restant  attachés  à  leurs  fonctions.  Bien  des 
évêques  se  déclarent  partisans  des  idées  réformistes.  Le 
raccommodement  est  sinon  possible,  au  moins  peut-on 
encore  l'espérer.  Les  prêches  ne  sont  pas  encore  ouverts. 
La  masse  du  clergé  ne  veut  pas  abandonner  son  passé. 
11  tient  à  ses  traditions  anciennes,  et,  s'il  a  renoncé  à 
quelques  abus,  il  ne  cède  que  sur  quelques  détails  de  peu 
de  valeur. 

Les  idées  nouvelles  se  développent,  elles  se  répandent 
même  à  la  campagne  et  surtout  dans  la  contrée  d'Othe, 
dont  la  population  possède,  avec  un  esprit  vif  et  actif, 
un  ardent  amour  de  la  nouveauté.  Le  Chapitre  de  St- 


il  6  HISTOIRE   DE  TROYES.  {550 

Pierre  porte  plainte  contre  plusieurs  habitants  de  Ville- 
maur  qui  avaient  adressé  S  un  prédicateur  cordeiier, 
€  des  questions  trop  curieuses,  »  touchant  la  prédesti- 
nation et  le  purgatoire,  et  qui  lisaient  des  livres  condam- 
nés (1).  Il  en  est  de  môme  à  Troyes.  Au  retour  d'une 
procession,  M«  Jean  Lécolier  est  placé  sur  un  petit  écha- 
faud  édifié  devant  le  portail  de  la  Cathédrale,  et  là  il  fait, 
pour  cause  de  ses  doctrines,  amende  honorable,  ayant 
une  torche  de  cire  à  la  main  (2). 

Les  proviseurs  de  l'aumône  générale  prennent  au  sé- 
rieux les  fonctions  qu'ils  exercent.  Ils  sont  autorisés  à 
appliquer  un  nouvel  édit  donné  par  Henri  II,  pour  la 
ville  de  Paris,  et,  peu  après,  le  maire  et  les  échevins 
ont  fait  travailler  les  pauvres  vahdes  à  des  œuvres  pu- 
bliques et  surtout  aux  fortifications. 

La  récolte  de  1550  est  peu  abondante,  et  Tannée  sui- 
vante est  malheureuse.  Les  grains  sont  en  partie  per- 
dus par  les  pluies.  Des  inondations  d'été  causent  des 
ravages  dans  la  vallée  de  la  Seine,  et  les  digues  de  St- 
Julien  sont  emportées  par  les  eaux. 

Des  recherches  exactes  sont  faites  chez  les  habitants, 
pour  reconnaître  les  quantités  de  grains  qui  sont  dispo- 
nibles. Le  duc  de  Nevers  prescrit  des  mesures  fort  sévères 
en  ce  qui  concerne  la  circulation  des  blés  (3).  Il  est 
question  d'édifier  des  moulins  à  vent  sur  les  remparts  et 
sur  les  plates-formes,  et  des  moulins  à  eau  dans  les  fossés 
de  la  ville,  et  pourtant  f  les  vieilles  bandes  »  tiennent  la 
campagne  sous  le  commandement  du  duc  de  Bourbon- 
Montpensier  (4). 

(1)  Semillard,  3  aviil  1551. 

(S)  Mnsc.  de  M.  Millard,  déjà  cité. 

(3)  A.  A.  30«  carton,  2o  et  3«  liesses,  412  pièces,  relatives  aux  dé- 
clarations faites  par  écrit  et  par  chaque  habitant  des  crains  qu*ii  a  en 
sa  possession. 

(i)B    138. 


1561  CHAPITRE  XVIL  il  7 

A  celte  occasion,  un  recensement  de  la  population  est 
opéré.  La  ville  contient  18,^85  personnes,  en  comptant 
cinq  individus  par  ménage,  représenté  par  un  homme 
de  fer  ou  un  homme  de  pourpoint.  A  ce  compte,  la  ville 
aurait  renfermé  environ  3,000  hommes  en  élat  de  porter 
les  armes.  Dans  ce  nombre,  ne  sont  pas  compris  les 
pauvres  valides  et  invalides,  qui  ne  sont  pas  moins  de 
3,057,  si^ns  compter  de  six  à  sept  cents  pauvres  valides 
allant  et  venant  (1). 

En  juillet  1551,  la  reine  d'Ecosse,  Marie  de  Lorraine, 
femme  de  Jacques  Stuart  V,  et  fdie  de  Claude,  premier 
duc  de  Guise,  fait  son  entrée  à  Troyes  (l2). 

En  janvier  1551  (v.  st.),  édit  de  création  des  Prési- 

^1)  Nous  comprenons  peu  ce  chiffre  de  3057  pauvres  valides  et  in- 
valides si,  dans  ce  nombre,  ne  sont  pas  compris  les  enfants  et  les 
femmes,  qui  ne  peuvent  se  livrer  h  aucun  travail  professionnel. 

DETAIL      PAR      PAROISSE.' 

St-Jean 650  feux 

SJ-Panlaléon  et  St-Nicolas 134 

St-Nizier 634 

St-Avenlin    410 

St-Remy  et  St-Frobert 462 

St-Denis 230 

Ste-Madeleine 2H 

St-Jacques-aux-Nonnains 326 

3Ô57 


<% 


On  sait  que  Téglise  cathédrale  et  les  églises  collégiales  n'avaient 
aucune  circonscription  paroissiale,  sinon  le  personnel  qui  leur  était 
attaché. 

La  population  est  donc  ainsi  répartie  : 

Habitants  domiciliés 18,285 

Pauvres  et  invalides 3,057 

Pauvre.s,  allant  et  venant 700 

Population  des  hospices  et  maisons  reli- 
gieuses estimée  à 500 

En  tout 22,542  inv. 

Ane.  f.  Liasses  dites  des  blés. 
(2)  B.  138. 

m.  37 


418  lllSTOmE   DE  TïlOYES.  inM 

diaux,  enregistré  le  15  février  suivant.  Cette  création  fut 
un  bienfait  dans  l'administration  de  la  justice. 

Cette  création  permit  aux  justiciables  d'avoir  justice 
en  dernier  ressort  sur  le  plus  grand  nombre  des  contes- 
tations, sans  avoir  recours  au  Parlement  et  sans  dépla- 
cement ruineux.  Elle  mit  ainsi  la  justice  plus  facilement 
à  la  portée  de  tous. 

Le  présidial  créé  à  Troyes  s'incorpore  au  bailliage,  qui 
conserve  ses  anciennes  attributions,  en  ce  qu'elles  ne 
dérogerit  pas  à  l'édit  de  janvier  1551. 

Une  assemblée  générale  des  habitants  de  Troyes,  est 
tenue,  le  21  mars  1551  (v.  st.).  Là  se  trouvent  réunis 
l'avocat  et  le  procureur  du  roi,  le  maire,  les  écbevins, 
les  conseillers  de  ville  et  les  corporations  des  arts  et 
métiers;  ils  délibèrent  sur  Texécution  de  Tédit  et  sur  les 
moyens  à  employer  pour  subvenir  au  paiement  des  gages 
des  officiers  de  nouvelle  création,  fixés,  par  an,  en  somme 
à  1,500  livres,  et  en  plus  à  100  livres  par  an  à  chacun 
des  conseillers.  Cet  édit,  accueilli  avec  une  grande  fa- 
veur, autorise  la  levée  d'un  subside  sur  le  sel  vendu  aux_ 
greniers  compris  dans  le  ressort  du  nouveau  tribunal, 
qui   n'est  autre  que  celui  du  bailliage;  ce  subside   ful^ 
assis  par  les  habitants  eux-mi^mes.  Si  la  levée  de  cet^ 
impôt  donne  une  somme  supérieure  aux  gages  à  payer^ 
le  surplus  doit  être  appliqué  aux  fortifications. 

Tous  les  assistants,  «  donnant  louange  à  Dieu  de  1  or- 
dre et  bon  voulloir  du  roi,  »  sont  d'avis  d'assigner  la 
somme  nécessaire  sur  les  greniers  à  sel  de  Nogent-sur— 
Seine,  de  Villemaur,  d'Arcis,  de  St-Florentin,  de  Joigny^ 
de  Bar-sur-Seine  et  de  Mussy,  tous  compris  dans  le  res- 
sort du  bailliage,  et,  dans  chacun  desquels  il  sera  levé? 
12  d.  parisis  sur  chaque  minol  do  sel  vendu.  L'assem— 
blée  délègue  ensuite  ses  pouvoirs  à  Philippe  Belin,  lieu— 
tenant  particulier,  ol  à  Denis  Clércy,  sieur  de  Vaubercey» 


lS5t  CHAPITRE  XVII.  419 

afin  d^obtenir  du  roi  Tapprobation  nécessaire  pour  faire 
exécuter  cette  résolution. 

Henri  II,  par  sa  lottrc  du  3  mai  1552,  approuve  cette 
résolution  et  en  ordonne  roxéculion. 

Le 8  juin  sui>ant,  une  coniinission,  composée  démem- 
bres du  Parlement  et  présidée  par  Charles  de  Dormans, 
installe  solennellement  la  nouvelle  juridiction. 

Le  présidial  de  Troycs  est  composé,  à  lorigine,  de 
deux  juges  ou  présidents  et  de  huit  conseillers.  Les  deux 
présidents  sont  :  MM.  Noël  ou  Nicolas  CoifFart  et  Philippe 
Itelin;  MM.  Yves  Feloix,  Claude  de  Villeprouvéo,  Nicolas 
Loclerc,  Jean  DauUruy,  Antoine  Huyart,  Thomas  Bazin, 
Nicolas  de  PIcurres  et  Poî^tel,  sont  les  premiora  con- 
seillers au  baillia^^e  et  siège  présidial  (i). 

François  de  Clùves,  duc  de  Nevers,  gouverneur  de 
Champagne,  obtient,  en  janvier  suivant,  la  distraction  du 
ressort  du  présidial  de  ses  deux  belles  seigneuries  d'En^y 
et  de  St*Florentin.  Les  appels  des  jugements  rendus  par 
les  juges  de  Beaufort  (aujourd'hui  Montmorency),  Larzi- 
court,  Céant-en-0(he  (aujourd'hui  Uérulles),  Dannemoine, 
Ervy  et  St-Florenlin,  continuèrent  à  être  portés  directe- 
roeni  et  sans  moyen  au  Parlement  de  Paris  (â). 

Quoique  Mussy  soit  compris,  à  1  origine,  dans  le  res- 
sort du  présidial  de  Troyes,  il  est  de  suite  réclamé 
comme  faisant  partie  du  bailliage  de  Sens,  où  il  est  tou- 
jours resté.  11  en  fut  de  même  de  Gyé-sur-Seine  et  de 
Vitry  le-Croisé  ;  Saint-Mards  resta  du  baillage  do  Chau- 
mont. 

Les  officiers  royaux  et  ceux  de  la  ville  de  Troyes,  à 
Toccasion  de  la  distraction  de  Tancien  ressort  des  villes 


(i)  L'installation  du  présidial,  par  une  commission  issue  du  Par- 
Itment,  a  fait  croire  à  certains  annalist  s  qu'en  1552,  il  y  avait  eu 
session  des  Grands-Jours.  C'est  une  erreur. 

(2)  Le  P.  Anselme.  Hist.gânéalog.  de  la  maison  de  France^  t. 
lu,  p.  4i8. 


430  HISTOIRE   DE   TUOYES.  1559 

sus-nom  niées,  deman^Ièrcnt  la  suppression  des  bailliages 
de  Sens,  d'Auxerre,  de  Chauniont-en-Bassigny,  de  Vilry, 
de  Provins  et  de  Sézanne,    «  afin  de  décorer  et  rendre 

>  plus  considérable  le  siège  de  Troyes,  ville  principale 

>  et  capitale  de  la  Champagne.  »  Cette  demande,  qui  ne 
tendait  à  rien  moins  qu  à  faire,  du  bailliage  et  siège 
présidial,  un  parlement  au  petit  pied,  demeura  sans 
effet  (1). 

Bien  que  l'impôt  sur  l'entrée  et  la  sortie  des  marchan- 
dises remonte  au  moins  au  XIV^  siècle,  il  n  existait  pas 
de  juridiction  spéciale  connaissant  des  difficultés  qui 
s'élevaient  en  cette  matière.  Henri  H  institua,  en  1551, 
un  tribunal  spécial  dit  les  Traites  foraines,  et  le  plus  sou- 
vent les  Traites,  Cet  impôt  est  aujourd'hui  perçu  par 
l'administration  des  douanes.  Henri  fixa  les  droits  de 
traite  à  deux,  savoir  :  le  domaine  forain  et  la  traite 
foraine.  Le  premier  était  de  huit  deniers  pour  livre,  sur 
toutes  les  marchandises,  et  la  seconde  de  douze  deniers 
pour  livre.  Les  impôts  levés  en  Champagne,  sous  le  nom 
de  hauts-passages,  de  rare,  ravène,  etc.,  étaient  compris 
dans  les  traites  foraines.  La  juridiction  des  Traites  ou  de 
la  Foraine,  fut  inslalée,  à  Troyes,  le  23  mai  1552  lâi. 

En  septembre  1551,  un  sieur  Bourguignat  est  autorisé 
par  Téchevinage  à  élargir,  à  ses  dépens,  le  canal  qui 
commence  en  face  du  moulin  de  la  Pielle  et  porte  ses 
eaux  dans  le  rupt  Cordé  (aujourd'hui  bassin  du  canal  de 
la  Haute-Seine). 

Le  23  août  1551,  Henri  II  demande  à  Téchevinage  un 
moulin  pour  battre  et  fabriquer  de  la  poudre  à  canon. 
Bourdel  s'installa  au  moulin  de  la  Rothière,  qui  prit  les 
noms  de  moulin  Bourdel  ou  moulin  à  poudre  à  canon  (3). 

(4)N.  f.  A.  11  ;  B.  138.  —  a.  f.  layette  45.  —  Courtalon.  Topo- 
graphie,  t.  ii,  p.  3i3,  366. 
r2^  A.  11. 
(3)  A.  A.  8^' carlon,  1»"^'  liasse,  1551-15rî8. 


ibSt  CHAPITRE   XVII.  421 

En  1556,  le  maire  et  les  écheviris  font  rétablir  le 
sureau  de  ce  moulin.  Bourdel  se  fâche  :  il  menace  les 
officiers  de  la  cité  de  les  brûler,  s'ils  viennent  à  son 
usine.  Le  maréchal  d*Estrées,  grand-maître  de  rartillerie, 
interpose  son  autorité,  et  la  fabrication  de  la  poudre  fut 
continuée  à  ce  moulin,  pendant  un  certain  nombre  d'an- 
nées. En  1634,  il  porte  encore  le  nom  de  moulin  à  pou- 
dre à  canon,  et  cette  poudre  y  est  encore  fabriquée  (1). 
Néanmoins,  en  1508,  on  bat  de  la  poudre  à  canon  au 
moulin  de  la  Planche-Clément. 

Vers  le  même  temps,  des  habitants  fabriquent  cette 
sorte  de  poudre  dans  Tintérieur  de  la  ville.  L'un  d'eux  est 
établi  près  de  l'église  de  St-Jean  et  dans  une  maison 
sans  cheminée  (2). 

La  guerre  est  imminente,  vers  la  fm  de  Tannée  1552. 
Le  roi  réunit  une  armée  en  Champagne,  entre  Chàlons 
et  Vitry.  11  donne  la  régence  du  royaume  à  Catherine  de 
Médicis.  L'échevinage  met  la  ville  en  état  de  se  défendre. 
L*artillerie,  les  armes  de  toutes  sortes,  les  munitions 
sont  visitées.  L'cvêque  Carracciole  est  prié  de  donner 
son  avis  sur  les  précautions  à  prendre  et  de  désigner, 
parmi  les  membres  du  clergé,  quatre  personnes  t  de 
bonne  expérience  et  diligence,  >  afin  de  composer  avec 
huit  notables  citoyens  laïques,  une  commission  chargée 
(le  faire  exécuter  une  ordonnance  nouvellement  rendue 
pour  la  garde  de  la  ville  (3).  En  effet,  le  27  octobre,  dans 
une  assemblée  générale  tenue  à  Tévôché,  il  est  pris  d'ur- 
gence des  mesures  pour  la  garde  de  la  ville,  les  travaux 
des  fortifications,  Tapprovisionnement  en  munitions  de 
guerre  et  en  subsistances,  «  à  cause  du  bruit  qui  couroit 
»  que,  dans  trois  jours,  l'empereur  Charles,  qui  lors  as- 

(1)  Ane.  f.  liasse  \%  Pièce  407. 

(2)  A.  il. 

(3)  A.  11-15. 


422  HISTOIRE   DE  TROYES.  i5St 

>  siégenil  Motz,  devoil  ae  saisir  des  fronlières  de  Cham- 

>  pajçne  avec  une  grande  année  (1).  t 

En  novembre,  sur  l'ordre  du  roi,  Tochevinage  fait  pro- 
céder, en  ville,  au  recensement  dos  hommes  âgés  de 
dix-huit  à  quarante  ans,  en  état  de  porter  les  armes.  Le 
roi  demande  Tinvenlaire  des  armes  que  possède  la 
ville  (2).  Il  se  met  en  devoir  de  profiter  du  traité  qui  Tau- 
torisait  à  occuper  «  les  villes  iuipériales  de  langue 
»  welclio.  *  Henri  II  et  son  Conseil  portent  plus  loin 
leurs  espérances.  Ils  comptent  reprendre  €  toutTancien 

•  royaume  d'Austrasic,  héritage  des  Francs,  »  et  ne 
s*arrôler  que  sur  le  l\hin.  La  nation,  sympathique  à  cette 
idée,  alors  comme  aujourd'hui,  répond  avec  enthou- 
siasme, à  rappel  du  gouvernement.  «  Toute  la  jeunesse 

•  des  villes  se  dérobe  de  père  et  mère  pour  se  faire  en- 
»  rôler;  les  boutiques  demeurent  vides  d'artisans,  tant 

>  est  grande  Tardeur,  en  toutes  qualités  de  gens,  de 

•  faire  ce  voyage  et  de  voir  la  rivière  du  Rhin  (3).  • 

A  Toccasion  de  la  crainte  de  celte  guerre,  le  curé  de 
Joinvillc  envoie  au  Chnpitre  de  Sl-Pierre  les  objets  pré- 
cieux de  son  église,  qui  ne  lui  furent  renvoyés  qu'au  mois 
de  février  155^  i  v.  st.- 

Pour  saîisfaire  aux  dépenses  qu'entraînent  ces  prépa- 
ratifs de  ^^uerre,  Henri  11  aliène  une  nouvelle  [)artie  du 
domaine.  Un  édil  royal  du  11  mars  155:2  [\\  st.)  impose 
les  fabriques  paroissiales  et  les  joyaux  des  églises.  Cet 
impôt,  dit  des  clochers,  était  une  taxe  de  !25  livres  par 
église  :  les  joyaux  étant  imposés  à  part.  Les  maladreries 
sont  com[)riscs  dans  le  rôle,  et  celle  de  Troyes  paie  une 
somme  de  5î{  liv.  15  s.  Les  fabriques  délivrèrent  un  état 
des  joyaux  qu'elles  possédaient  (1). 

(l)  SÉMn.LARD,  l.   I. 

^'i)  A.   A.  14c  carton,  2^  liasse. 

3;  H.  Martin.    Hist.  des  Français,   t.   viu,  p.  412;  diaprés    les 
mùmoires  dr  VicHlevillc.  —  H.  i»E  HoriLi.K.  Hist.  des  Ducs  de  Guise, 
{{)  Aroh   d*'»p.  G.  f.  de  Vcvcchc  de  Troyes,  535ctfiuiv. 


lôôi  CHAPlTHt:  xvu.  H3 

A  cette  époque,  Louise  de  Clermont,  duchesse  d'Uzès, 
conilesse  de  Tonnerre,  demande  au  Conseil  de  prêter  le 
nom  de  la  ville  de  Troyes,  afin  d'obtenir  du  roi  rautori- 
sation  nécessaire  pour  rendre  navigable  la  rivière  de 
Laignes  jusqu'à  Bar,  puis  la  Seine,  de  Bar  jusqu'à  Troyes. 
Le  Conseil  de  ville,  en  raison  de  l'avantage  que  la  ville 
peut  espérer,  accède  à  sa  demande  (1).  Le  flottage  sur  là 
Laignes  et  la  Seine,  est  en  pleine  activité.  Les  bois  des 
forêts  de  Maulne,  de  Cruzy,  de  Pimelles,  etc.,  dépendan- 
ces du  comté  de  Tonnerre,  sont  envoyés  à  Paris  par 
cette  voie.  En  1552,  on  craint  que  les  bois  flottés  ne 
démolissent  les  vannes  tranchines. 

La  ville  de  Troyes  est  traversée  par  une  ambassade 
turque  se  rendant  près  de  Henri  H.  La  ville  rend  à  cette 
ambassade  les  honneurs  habituels  et  la  défraie  de  ses 
dépenses  (2). 

L'échevinage  dirige  un  procès  contre  les  bouchers  qui, 
de  leur  propre  autorité,  ont  imposé  une  taxe  sur  tous 
les  bestiaux  tués  à  l'écorcherie  (3). 

Les  processions  sont  fort  à  la  mode  au  XVIc  siècle. 
Ces  solennités  sont  célébrées  pour  implorer  le  ciel  dans 
les  grandes  calamités  publiques,  pour  exciter  à  la  dévo- 
tion pendant  les  querelles  religieuses,  et  aussi  afin  d'ob- 
tenir des  secours  en  faveur  des  pauvres.  A  la  sollicitation 
des  proviseurs  de  l'Aumône  générale,  le  31  janvier  1552 
(v.  st.),  une  procession  a  lieu  ;  les  pauvres  y  assistent 
au  nombre  de  3,072,  portant  sur  l'épaule  une  marque 
particulière.  Leur  réunion  se  fit  à  l'abbaye  de  St-Loup, 
d'où  ils  se  rendirent  à  St-Pierre.  Là,  «  de  peur  qu'ils  ne 
défaillissent,  >  on  leur  donna  à  chacun  une  michette. 
Au  retour,  il  y  eut  sermon,  puis  quôte. 

(1)  A.  11. 

(-2)  B.  139.  CL  Hatton  indique,  en  1562,  le  passage  d'une  autre 
ambassade  turque  à  Troyes  et  à  Nogent. 
(3)  B.  139. 


4S4  HISTOIRE   DK   TROYES.  ^553 

En  1553,  le  lieulcnant-gcnéral,  Noël  Gooifart;  ruvocat 
du  roi,  François  Escarlate,  cl  le  procureur  du  roi,  Nico- 
las Boucher,  dressent,  en  exécution  de  lettres-royaux  du 
29  mai,  un  état  du  ressort  du  bailliage,  comprenant  tous 
les  siégea  royaux,  les  noms  des  villes  où  ils  se  tiennent, 
ceux  des  villes,  villages,  paroisses,  lieux  et  hameaux  qui 
en  dépendent,  les  justices  royales  et  non  royales  assises 
audit  bailliage  et.  ancien  ressort,  dont  les  appellaticms 
sont  portées  au  Parlement  de  Paris,  ainsi  que  les  noms 
des  villes,  villages,  paroisses,  lieux  et  hameaux  qui  relè- 
vent des  justices  non  royales. 

Ce  document  constate  qu'il  existe  à  Troyes  les  juridic- 
tions suivantes  : 

Premièrement,  Comme  juridictions  royales  : 

Le  bailliage  et  siège  présidial  de  Troyes,  tant  civil  que 
criminel; 

La  prévôté  de  Troyes,  qui,  alors,  ne  comprend  plus 
que  les  villages  de  Molins,  Mesnil-Lettre,  dont  les  habi- 
tants sont  bourgeois  du  roi  ;  ceux  d*Amance,  de  Rhèges, 
de  Nogent-sur-Aube,  de  Souleaux  et  de  Souligny  (1)  ; 

La  conservation  des  (bires  ;  —  Téchevinage  ;  —  Télec- 
tion  ;  —  les  eaux  et  forets  ;  —  la  foraine  ou  les  traites  (2)  ; 
—  la  prévôté  de  la  monnaie;  -  le  grenier  à  sel  :  toutes 
juridictions  rovales. 

Deuxièmement.  Comme  justices  seigneuriales,  la  ville 
renferme  les  sièges  tenus  par  le  bailli  de  Tévéque  ;  —  le 
chambrier  aux  causes  de  l'oglise  de  Troyes;  —  la  grande 
mairie  de  celle  môme  église;  —  le  chambrier  aux  causes 
de  l'église  collégiale  do  Sl-Elicnne  ;  —  la  grande  mairie 

(t)  Voir  plus  haut,  en  1549,  l'aliénation  des  droits  de  jurée  de  ]<i. 
Prév(Mé  on  faveur  de  la  vilie  de  Troyes.  Cette  aliénation  eut  i>our 
conséquenco  directe  de  faire  sortir  de  celle  juridiction  les  habi- 
tants des  lieux  y  indiqués  et  par  conséquent  de  les  mettre  en  dehors 
de  ladite  Prévôté.  Pour  rancien  ressort,  voir  :  BouTlOT.  La  Prévôté 
royalr  de  Troyes^  ÎSCiS  ISOÎK  paye  20. 

(•2)  Etablie  seulement  en  mai  1ô52. 


1553  CHAPITRE   XVII.  ^25 

de  celle  collégiale  ;  —  le  bailliage  de  Sl-Jean-en-Châlel  ; 
—  la  grande  mairie  de  Tabbaye  de  St-Loup  ;  —  le  garde 
de  la  justice  de  la  commanderie  du  Temple  ou  de  Sl- 
4ean-de-.Iorusalcm;  -  le  garde  de  la  justice  de  l'abbaye 
de  Monlior-la-Celle;  —  la  grande  mairie  de  Notre-Dame- 
aux-Nonnains  ; —  la  grande  mairie  de  THôtel-Dieu-le- 
Comte. 

Troisièmement.  En  dehors  de  Troves,  onze  mairies 
royales,  savoir  :  celles  des  Noës,  de  la  Grand'Rivière 
(rive  droite  de  la  Seine,  du  Pont-Ste-Marie  à  Sle-Syre), 
de  Chaillouel,  de  Preize,  de  Croncels,  de  la  Barbuise,  de 
Docbes  et  de  la  Croix-do-Doches,  de  I^aubressel,  de 
Lusigny,  d'Onjon  et  de  Bouy,  enfin  d'Aillefol  (aujour- 
d'hui Gérodot). 

Quatrièmement.  Vingt-neuf  châtellenies,  qui  sont 
celles  d1le-Aumont,  de  Chaource,  Villemaur,  Maraye, 
Payns,  St-Phal,  Chappes,  Vendeuvre,  Bligny,  Meurville, 
Spoy,  Fonletle,  Chacenay,  Traînel,  Marigny,  Bourdenay, 
Jully-le-Châlel,  Jaucourt,  la  Grève,  Joigny,  Précy,  Césy, 
la  Forlé-ln-Loupliùro  (ressort  de  Joigny),  et  la  Ferté-la- 
Louptière  Me  Tancicn  manoir  de  la  Coudre),  St-Maurice- 
en-TliirouailIc,  rile-sous-Monlréal  ;  les  chAtellenies  d*Kr- 
vy,  de  St-Florentin,  de  Chaniplost,  de  Sormcry,  deCour- 
san  et  dcMaligny  (du  ressort  de  St-Florentin),  ('éans-en- 
Othe  (aujourd'liui  Uérulles),  cl  Dannemoine. 

Cinquièmement.  Six  sièges  particuliers  où  le  bailli 
de  Trovos  entretenait  on  onvovail  des  lieutenants,  savoir  : 
Ahîry-sur-Seine ,  Viro\ -sous-Bar ,  Rumilly-lès-Vaudes, 
Vauchassis,  Nogont-sur-Scine  et  Pont-sur-Seine  (1). 

(1)  Les  Commentaires  sur  la  coutume  du  baiilage  de  Troyes,  par 
P.  Pilhoti  et  par  Louis  Legrand,  contiennent  cet  état  in  extenso. 
Ce  ilûcumcnl  est  d'une  jrrande  importance  géographique  ;  seulement 
l'orthographe  des  noms  de  lieux  est  loin  d*«5tre  correcte  même  pour 
la  date  à  laquelle  il  appartient. 

Un  ôtat  dos  llefs  et  arriôre-fiefs  du  bailliage  de  Troyes  est  publié 
par  Gourlalon,  dans  sa  Topoyraphie  du  diocèse  de  Troyes,  t.  ii,  p. 


4S6  HISTOIRE  DE  TROYES.  15^ 

Jusqu'alors  et  encore  quelques  années  après,  le  bail- 
liage tint  ses  audiences  en  Tauditoire,  situé  place  de 
l'Etape-au-Vin  (aujourd'hui  :  de  la  Banque),  au  coin  de  la 
rue  Juvcnal-des-Ursins  ou  des  Groisettes,  donnant  rue 
du  Chaperon,  et  qui  servait  aussi  à  la  prévôté.  Le  prési- 
dial  s'installa  dans  Tancien  palais  royal.  En  1555,  Téchc- 
vinage  demanda  que  ce  Iribunf.l,  de  récente  création, 
tint  ses  audiences  au  même  lieu  que  le  bailliage,  ainsi 
que  le  désiraient  les  marchands,  les  bourgeois  et  les  pra- 
ticiens. Ce  fut  le  contraire  qui  arriva  ;  Tancien  auditoire 
fut  abandonne  et  la  justice  bailliagère  alla  prendre  son 
siège,  avec  le  présidial,  au  palais  royal. 

Le  jour  de  la  Pentecôte  1553,  le  Provençal  (sans 
doute  Louis  le  Barlier,  seigneur  de  la  Roche-sous-Bar- 
buisc,  que  Tabbé  Haton  représente  comme  un  pillard  et 
un  despote  détesté  dans  le  pays),  est  assassiné  dans 
Téglise  de  Karbuise,  à  coups  d'arquebuse,  ainsi  que  son 
serviteur.  Des  gentilshommes  qui  raccompagnaient  et 
les  habitants  du  pays,  saisis  d'effroi,  laissent  fuir  les 
meurtriers.  Le  Provençal  expire  après  avoir  reçu  les 
sacrements.  Ce  double  assassinat  se  rattache  aux  événe- 
ments généraux  de  l'époque  (1). 

L'année  1553  parait  dirricile  à  passer  par  suite  des 
mauvaises  recolles.  Kn  août,  on  commence  *  les  cher- 
ches de  grains.  >  Le  maire  estime  que  la  consommation 
des  liabilanls  ost  de  81  muids  de  blé  par  semaine  (2). 

L'échevinage  fiiit   exécuter  certains  travaux  sur  les 


348  et  suiv.  Il  aurait  ité  dressé  on  exécution  de  lettres  de  François 
I^r,  du  17  avril  15i0.  Cet  état,  outre  qu'il  nous  paraît  incomplet,  n'a 
pas  la  clarté  de  celui  de  1553.  Il  nous  semble  erroné  sur  bien  des 
points,  non  du  chef  de  Courtalon,  mais  de  celui  de  copistes  inexpé- 
rimentés. 

(l)  Cl.  Hatton.  l/éi/ioir«,  p.  Ire. 

{^1)  A.  A.  31»  carton,  l'c  liasse. 


1554  CHAPJTRB   XVIÎ.  427 

roules  Ipaversani  le  territoire  de  Pant-Sle-Marie,  afin  de 
faciliter  •  le  passage  des  postes  du  roi  (1).  » 

I^*Fltat  considère  que  les  cens  et  renies  non  racheta- 
bles  sont  des  entraves  qui  grèvent  les  propriétés.  Dans  le 
but  de  rechercher  et  d'étudier  les  moyens  qui  pourraient 
être  employés  à  libérer  les  immeubles  de  ces  charges,  le 
roi  ordonne,  en  août  1553,  de  recevoir,  à  Thôtel-de- ville, 
la  déclaration  des  cens  et  rentes  non  rachetables.  Ces 
déclarations  originales  existent  encore  aux  archives  mu- 
nicipales (^). 

Gérard  Viarre,  peintre  <  fait  un  portrait  »  ou  plan  de 
la  ville,  sur  parchemin.  Ce  plan  est  précieusement  mis 
au  trésor.  On  veut  éviter  qu'il  ne  tombe  aux  mains  d*é-* 
trangers  ou  d*ennemis  (3). 

Le  roi  demande  à  emprunter  aux  habitants  une 
somme  de  25,000  liv.,  et  au  clergé  du  diocèse  celle  de 
13,252  liv.,  remboursables  en  deux  termes,  qui  n'excé- 
deront pas  six  mois.  Semblables  demandes  sont  faites  en 
1555,  pour  10,000  liv.,  et  en  1559,  à  deux  fois,  pour 
54,000  liv.  (4). 

En  1554,  il  y  a  un  demi-siècle  que  la  corporation  des 
bonnetiers  a  pris  rang  dans  l'industrie  Iroyenne  Après 
s'être  constituée,  elle  s'augmente  en  nombre  et  en  im- 
portance. Les  suppùts  de  celte  confrérie  demandent,  en 
155i,  à  modifier  leur  ancien  règlement.  La  discussion  se 
prolonge  jusqu  en  1554.  Le  G  janvier  de  cette  année,  le 
bailliage  arrête  de  nouveaux  statuts,  après  avoir  entendu 
les  observations  des  gens  du  roi. 

Le  chef-d'œuvre  et  le  serment  sont  prescrits.  Ils  ne 
Tétaient  pas  en  1505.  Les  élections  de  deux  maîtres- 
jurés  se  font  le  lendemain  de  la  Nativité  de  la  Vierge.  — 

(1)  A.  A.  22»  carton,  ire  liasse. 

(2)  Â.rch.  mun.  liasse  spéc.  et  Seshllard,  t.  m,  p.  163. 
(3)1^.-141. 

(4)  A.  A.  W*  carton  ;  1«  liasse. 


428  HISTOIRE  DE  TROYBS. 


1554 


Les  élus  prêtent  leur  serment  aux  mains  du  prévôt  et 
reçoivent  un  exemplaire  des  statuts.  —  Les  bonnetiers 
sont  tenus  d'employer  «  de  bonnes  laines  filées  autour, 
»  droite-laine,  pellis,  bêlions  ou  mères-laines.  >  S'ils 
façonne:ît  des  ouvrages  avec  d'autres  laines  «  comme 

>  grattis,  bourres  ou  autres  fausses  ou  mauvaises  mar- 

>  chandises,  >  ces  ouvrages  seront  saisis  et  brûlés  publi- 
quement, et  leur  auteur  condamné  à  20  s.  t.  d'amende. 
—  Les  maîtres-ouvriers  et  suppôts  ne  pourront  t  ren- 

>  traire  ou  faire  rentraire  »  bonnets  et  marchandises,  si 
ce  n'est  de  fil  de  laine  ou  autre  bon  fil  de  la  couleur  du 
bonnet,  à  peine  de  sept  sous  d'amende.  —  Les  maîtres 
bonnetiers  prendront  tel  nombre  d'apprentis  qu'ils  vou- 
dront. —  La  durée  de  l'apprentissage  sera  de  trois  ans, 
et  les  maîtres  devront  instruire  leurs  apprentis  de  tous 
les  détails  du  métier.  —  Nul  lasseur  ou  lasseresse  de 
bonnets  ne  pourra  prendre  bonnets  et  marchandises  i 
lasser  ou  à  brocher  (]ue  des  maîtres  dudit  métier,  i 
peine  do  vingt  sous  d'amende,  afin  d'éviter  les  vols  et 
les  larcins  des  restes  de  laines  de  bonnetiers  ou  de  dra- 
piers. —  Tous  ceux  qui  appareilleront  des  bonnets 
«  effondres  ou  empires  »  (mal  prépares),  seront  con- 
damnes à  cinq  sous  d'amende.  —  Tout  maître  pourra 
teindre  ou  fiiire  teindre  toutes  sortes  de  marchandises 
do  bonneterie  pour  vendre  en  leur  boutique  ou  ailleurs, 
comme  étant  de  leur  façon.  —  Si  la  veuve  d'un  maître 
se  remarie,  elle  ne  pourra  plus  tenir  ouvroir  ni  boutique 
dudit  motier,  ni  faire  faire  aucuns  bonnets,  ni  bas,  ni 
autres  marcliandises  do  laine,  mais  elle  aura  le  délai  d'uQ 
an  pour  vendre  la  marchandise  laissée  par  son  mari.  — 
Les  maîtres-jurés  pourront  faire  visite  pour  connaître 
des  malfaçons.  —  Nulle  marchandise  ne  pourra  être 
vendue  en  ville  sans  avoir  été  visitée  par  les  maîtres- 
jurés.  —  Nul  ne  {«ourra  fabriquer  «  bonnets,  bas  et  autres 
»  marchandises  de  laine,  »  s'il  n'est  reçu  maître,  à  peine 


1554  CHAPJTHE    XVII.  429 

de  40  s.  t.  d'amende.  —  Aucun  bonnet  ni  autres  mar- 
chandises de  bonneterie,  mal  préparés,  ne  seront  mis  en 
vente  sans  que  les  défectuosités  ne  soient  indiquées  par 
la  disposition  même  de  la  marchandise.  —  Les  marchan- 
dises passées  à  h  guelde  et  h  la  garance  seront  mar- 
quées, à  l'intérieur,  au  signe  particulier  du  bonnetier- 
i'abricant.  Celles  qui  seront  au  gros  noir  n'auront  aucune 
marque.  —  En  cas  de  contravention,  l'amende  sera  ar- 
bitraire (1). 

L'aisance  générale  amène  le  bien-être  ;  celui-ci  amène 
le  luxe,  qui  bientôt  dépasse  trop  souvent  les  limites  im- 
posées par  une  sage  économie.  De  nouveaux  besoins  se 
font  sentir;  les  corporations  développent  leur  industrie 
et  souvent  de  nouveaux  corps  de  métiers  sont  créés,  pour 
satisfaire  aux  nouvelles  habitudes.  La  communauté  des 
contre-pointiers  ou  courtepointiers  ne  répond  plus,  par 
ses  productions,  aux  besoins  que  Taisance  de  la  première 
moitié  du  XYI^  siècle  a  répandus  dans  la  population.  Les 
courtes-pointes,  les  lodiers,  les  couvertures  piquées  ne 
sont  plus,  comme  autrefois,  les  seuls  objets  qui  consti- 
tuent les  produits  de  cette  corporation.  Les  lits  sont 
communément  ornés  de  ciels,  de  tentes  ou  de  paviUons. 
On  décore  de  tentures  les  appartements.  Il  faut  régler 
les  conditions  de  ces  objets  de  nouvelle  confection,  que 
la  mode  a  popularisés.  Les  statuts  donnés  par  Guillaume 
Bellier,  bailli  de  Troyes  (de  4434  à  4449),  sont  deve- 
nus insuffisants. 

Sur  la  demande  de  la  corporation,  ces  anciens  statuts 
sont  remplacés  par  les  dispositions  suivantes  :  —  Nul,  à 
Troyes,  ne  pourra  s'ingérer  à  garnir  des  chambres  de 
tapisseries  de  serge  ou  de  toile  ;  faire  ciels,  tentes  et 
pavillans  esprevers  (?);  rentraire  ou  rapareiller  tapis, 
serges  ou  autres  ouvrages  de  cette  sorte,  s'il  n'est  reçu 

(1)  A.  A,  40^  carton  ;  i^o  liasse  et  Bibl.  conim.  de  Troyes. 


430  HISTOIRE  DE  TROYES.  iSS4 

tapissier,  à  peine  de  20  s.  t.  d'amende,  sauf  toutefois  les 
anciens  rapareilleurs,  qui  continueront  à  travailler.  — 
Nul  ne  pourra  être  reçu  dans  la  corporation,  s'il  n  est  de 
bonne  vie  et  bonne  conversation,  s'il  a  été  convaincu  et 
condamné  pour  aucun  vilain  crime  et  pour  larcin.  —  La 
durée  de  Tapprentissage  est  fixée  à  quatre  ans.  —  Le 
chef-d'œuvre  est  prescrit.  —  Un  ouvrier  étranger  ne  peut 
s'établir,  àTroyes,  sans  faire  chef-d'œuvre  ou  sans  avoir 
justifié  de  sa  réception  dans  une  ville  jurée.  —  Le  maître 
ne  peut  avoir  qu*un  apprenti,  mais  en  même  temps,  il 
peut  enseigner  son  métier  à  ses  enfanis.  —  La  veuve 
peut  continuer  le  métier  de  son  mari.  —  Nul  ne  peut,  à 
Troyes  ni  dans  la  banlieue,  faire  de  courtes^ pointes  (1), 
lodiers,  matelas  et  piqueries  en  robes  et  pourpoints  sur  le 
métier  de  contre-pointiers,  s'il  n'est  passé  maître.  — 
Deux  maitres-jurés  sont  élus  le  lende.nain  du  jour  de  la 
fête  de  saint  François.  —  Us  sont  chargés  des  visites 
des  ouvroirs  et  des  marchandises  faites  sur  le  métier, 
mais  non  de  celles  qui  sont  faites  sur  le  genou.  —  Les 
ouvrages  dudit  métier,  faits  à  Troyes  et  dans  la  banlieue, 
seront  marqués  d'un  T,  afin  de  les  distinguer  des  ou* 
vrages  faits  dans  des  villes  de  jurée,  et  le  maître,  au- 
dessous  de  cette  marque,  appliquera  la  sienne.  —  Les 
lodiers  seront  marqués  d'un  R  (2). 

Les  statuts  et  règlements  des  métiers  se  sont  essen- 
tiellement modifiés  dans  leurs  prescriptions.  Avant  1510, 
le  plus  grand  nombre  de  ces  actes  réglementent  moins 
les  faits  relatifs  à  la  pratique  de  la  profession,  qu*ils 
n'imposent  des  obligations  touchant  la  confrérie.  A  partir 


(1)  Ce  nom  est  altéré.  Ce  n'est  ni  coutre^  ni  contre-pointe  qu'il 
fiudrait,  mais  couffc-pointe  ou  Muie-j)oinie  c'est-à-dire  une  conte- 
piquée^  du  lalin  culcita-puncta^  Littrô.  —  Peut-être  faudiniit-il  dire 
pour  être  exact  :  couette-pointe  ou  coucttc-piquée. 

(2)  Statuts  et  règlements  accordés  ))ar  He^iri  11^  Ti-ovcs 
M.  DCCLXIX. 


155i  CHAPITRE   XVll.  -434 

de  cette  même  année,  ces  sortes  de  règlements  ne  tou- 
chent plus  guère  qu'aux  j)raliques  du  métier  et  de  la  con- 
frérie; les  choses  du  culte  ou  du  patronage  religieux 
sont  à  peu  près  abandonnées.  Les  corporations  suivent 
l'esprit  du  siècle  :  Télément  laïque  prédomine. 

Les  idées  de  la  réforme  continuent  leurs  progrès,  qui 
sont  rapides  à  Troyes  et  en  Champagne.  Les  statues 
représentant  la  Vierge  et  les  Saints,  exposés  publique- 
ment, sont  souvent  brisées,  et  ces  faits  sont  imputés  à 
ceux  qui  ont  adopté  les  doctrines  de  Luther  et  de  Calvin. 
Une  Notre-Dame-de-Pitié,  placée  à  l'Hôtel-Dieu-le-Comte, 
sur  la  façade  qui  regardait  Téglise  de  St-Etienne,  est,  le 
9  septembre  1555,  trouvée  avec  la  tôte  brisée.  Cet  évé- 
nement surexcite  la  population  catholique  contre  les 
réformés.  Une  procession  expiatoire  est  faite  en  répara- 
tion de  cet  outrage. 

Les  persécutions  se  continuent  à  Troyes.  On  les 
signale  à  Paris,  à  Lyon,  à  Toulouse,  à  Nîmes,  à  Agen,  à 
Saumur  et  à  Bourges  (4).  A  partir  du  mois  d*aoûtl552, 
jusqu'au  G  janvier  1554  (v.  st.),  la  ville  perd,  par  suite 
d'exil,  peut-être  volontaire,  un  certain  nombre  de  ses 
meilleurs  habitants,  savoir  :  Bernard  de  Bryon,  seigneur 
de  Brantigny,  près  Piney,  et  prévôt  de  Troyes;  Antoine 
Menisson,  seigneur  de  St-Pouange  et  receveur  du  do- 
maine royal  ;  Jean  Riboteau,  Jean  de  Senneton,  Claude 
Leduchat,  Barbe  Nevelet,  veuve  de  Simon  de  Montsau- 
geon  ;  Jean  de  Corberon,  écuyer,  sieur  de  la  Picarde; 
Anne  Saunier,  veuve  de  Jean  Bompart;  Jacques  Juliot, 
le  jeune;  Jacques  de  Vienne,  procureur  fiscal  à  Piney; 
Jean  Regnard,  sieur  du  Chanat  ;  François  Fournel,  avo- 
cat, et  Edmond  Griveau  (2).  La  plupart  de  ces  noms  sont 
précédés   du  qualificatif,   quasi-nobiliaire,  de  c  noble 

(i)  H.  Martin.  Hiat  des  frayiçais,  t.  viit,  p.  443. 
(S)  Arch.  mun.  Déclarations  de  changement  de  domicile  faites  à 
Vèchevinage. 


432  IlISTOIBE  DE  THOYES.  1556 

homme.  »  Tous  ces  noms  doivent  être  considérés  comme 
appartenant  aux  meilleures  iamilles.  L'émigration  se 
continua. 

Vers  cette  époque,  la  famille  Uaguier,  Guillaume,  sei- 
gneur de  Soligny-les-Etangs;  Antoine,  seigneur  d'Eslcr- 
nay  et  de  la  Motte-Tilly;  Fran^^ois,  vidame  de  Châlons  et 
seigneur  de  Villeneuveaux-Richos-llommes,  et  Madame 
Charlotte  de  Dinteville ,  veuve  de  Jean  Raguier, 
leur  mère  (l),  se  rallièrent  aux  idées  de  la  réforme  et 
jouèrent  tous  trois  un  rôle  important  dans  les  luttes  reli- 
gieuses de  la  contrée.  Cette  famille  possédait  les  seigneu- 
ries de  la  Motte-Tilly,  de  Courceroy,  de  St-Mauricc,  de 
Villeneuve-aux-Uichcs-Homnies,de  Bouy-sur-Orvin,  près 
de  Nogent,  et  celle  d'Esternay,  entre  Sézanne  et  Provins. 

En  1555,  un  président  de  la  Cour  des  monnaies  vient 
à  Troyes,  pour  y  procéder  à  une  enquête  relative  à  la 
monnaie  et  au  commerce  des  métaux  fins.  Il  pose  à  Té- 
chevinage  les  questions  suivantes  :  Serait-il  bon  et  au 
profit  du  roi  de  rehausser  ou  de  diminuer  le  poids  de  Ter 
des  monnaies?  De  combien  do  changeurs  la  ville  a-t-elle 
besoin?  Le  nombre  des  orfèvres  est-il  suffisant  ou  exces- 
sif? La  création  de  nouveaux  offices  à  Thôtel  des  Mon- 
naies, peut-elle  être  utile?  —  Le  Conseil  de  ville  répond 
à  ces  questions  :  1^  Il  serait  bon  d'augmenter  la  loi  de 
la  monnaie  en  en  diminuant  le  poids.  2o  II  pourrait  y 
avoir,  à  Troyes,  quatre  changeurs.  3o  Trente  orfèvres 
existent  en  ville,  ce  nombre  suffit.  4°  La  création  de 
nouveaux  offices  à  l'hôtel  des  Monnaies  serait  bonne  (2). 

Toujours  pressé  par  le  besoin  d'argept,  Henri  II  aliène 
de  nouveau  une  partie  du  domaine.  Cette  aliénation  com- 
prend des  rentes,  cens,  domaines^    aides,  gabelles  et 

(i  )  EUe  était  fille  de  Gaucher  de  Dinteville,  bailli  de  Troyes.  L'une 
de  ses  fiUes  épousa  François  de  Béthune,  Baron  de  Rosny,  père  du 
Duc  de  Sully,  ministre  de  Henri  IV. 

(2)  A.  11. 


1555  CHAPITRE  XVIL  433 

feriues,  huitième,  vinglième  et  autres  subsides  levés  sur 
la  ville  de  Troyes.  La  vente  s*élève  à  15,000  liv.  de  rente- 
Cette  aliénation  est  proposée  au  Conseil  de  ville.  Celui-ci 
refuse  l'achat  qui  lui  est  offert  et  niotive  son  refus  sur  le 
versement  fail,  le  mois  précédent  (août  4555),  d'une 
somme  de  10,000  liv.  au  receveur  du  domaine  et  aussi 
t  sur  ce  que  le  tiers-état  qui  compose  la  plus  saine  par- 
>  tie  des  habitants  fait  très  mal  ses  besognes  de  la  ma- 
»  nufacture  de  marchandises  (1).  » 

La  coutume  de  Sens  fut  publiée  en  novembre  1555. 
sous  la  présidence  dé  Christophe  de  Harlay.  A  la  discus- 
sion, figurent  les  représentants  de  nombreux  seigneurs 
ou  de  communautés  d'habitants.  C'est  au  titre  de  sei- 
gneur que  Carracciole,  évêque  de  Troyes,  y  est  repré- 
senté comme  possesseur  des  terres  d'Aix,  deSt-Lyé  et  de 
Premierfait  ;  le  Chapitre  de  St-Pierre,  comme  seigneur 
de  Chigy,  de  Planty,  de  Jonx,  d'Orvilliers,  de  Vallant,  de 
St-Georgcs,  de  Ste-Syre,  des  Grandes  et  Petites-Chapelles, 
de  Trouan-le-Petit  et  autres  lieux  formant  enclave  dans 
le  bailliage  de  Troyes. 

L'évêque  de  Troyes  et  le  Chapitre  de  St-Pierre,  par 
leur  présence  et  par  leurs  dires,  prétendent,  comme  ils 
l'ont  toujours  fait,  qu'ils  sont  justiciables,  non  du  bailli 
de  Troyes,  mais  de  celui  de  Sens.  Us  sont  soutenus  par 
leurs  sujets  habitant  leurs  seigneuries,  qui  veulent  aussi 
être  soumis  à  la  coutume  de  Sens. 

Le  procureur  du  roi  au  bailliage  et  siège  présidial  de 
Troyes,  se  fait  représenter  dans  ce  débat  par  Claude  le 
Virlois,  avocat,  et  Balthazar  Tartel,  procureur.  Ceux-ci 
soutiennent  que  Ste-Syre,  les  Grandes  et  les  Petites- 
Chapelles,  Chausson,  les  Noues  (les  Noës,  près  Troyes), 
Mesnil-Vallon,  Bréviandes,  pour  ce  qui  appartient  au 
Chapitre  de  St-Pierre,  Rilly-Ste-Syre,  Villeloup,  St-Lyé, 

(1)  A.  ii. 

iii.  28 


434  iiisroifuc  i»E  TUûVES.  msù 

Premiert'ait,  Vallant,  [Maiity,  Fourches  et  le  chftteau  de 
Marigny,  ont  toujours  été  du  ressort  du  bailliage  et  sou- 
mis à  la  coutume  de  Troves. 

«r 

Le  procureur  du  roi  au  bailliage  de  Sens  avait  les  pré- 
tentions contraires  (t  ). 

Les  commissaires  royaux  no  vidèrent  point  le  différend 
qui  remontait  déjà  à  une  date  fort  reculée,  ils  le  ren- 
voyèrent au  Parlement,  qui  ne  parait  pas  avoir  statué 
définitivement,  car  co  litige  ne  fut  mis  à  fin  qu'en  4586, 
par  suite  de  transaction  entre  les  intéressés. 

Les  comptes  de  la  ville,  relatifs  aux  fortifications,  sont 
soumis  à  Texamen  de  commissaires  royaux.  En  1555, 
ces  comptes  sont  envoyés  à  Paris,  par  le  chasse-marée. 
Antérieurement,  ces  comptes  étaient  examinés,  sans  dé- 
placement, par  des  commissaires  spéciaux. 

En  1556,  cesse  l'adjudication  de  la  ferme  de  la 
maille  ^2),  et  par  conséquent  la  levée  de  cet  impôt  sur 
chaque  livre  de  pain  blanc.  Elle  avait  remplacé,  à  partir 
de  li59,  un  droit  de  mouture,  dit  le  méreau  et  levé 
dans  les  moulins.  Le  produit  de  ces  deux  impôts,  dont 
l'un  avait  remplacé  Taulre,  avait,  de  tout  temps,  été 
appliqué  à  l'œuvre  des  fortifications  (3). 

La  ville  de  Tonnerre  est  brftlée  le  8  juillet  1556.  Cet 
incendie  est  imputé  à  un  capitaine  de  gens  d'armes  et 
à  un  de  ses  compagnons.  Ces  deux  individus  sont  pour- 
suivis (4j.  Des  arrestations  sont  faites  à  Troyes.  Elles 
sont  suivies  de  condamnations  à  mort  exécutées  dans  la 


(i)  Coutumes  du  bailliage  de  Sens  et  anciens  ressorts  d*iceluy  ré- 
difjces  en  novembre  1555.  —  Sens  ;  CiiUes  Richeboys.  M.  DLVI.  — 
A  la  convocation  des  officiers  de  justice,  on  trouve  ceUe  de  M. 
Le  Crée,  prévôt  de  la  rivière  de  Vanne,  La  Vanne  avait  alors  vo 
syndicat  chargé  de  régler  les  différends  des  intéressés  sur  tout  le 
cours  et  à  l'occasion  de  cette  rivière. 

(2)  Maille,  subdivision  du  denier  qui  en  contenait  vingt-quatre. 

rn)  A.  A.  ;  IGe  carton,  2^  liasse,  108  pièces,  de  l.';r>0  à  1556. 

(/i)  B.  B.  14e  carton  ;  1»*e  liasse,  et  B.  1^5. 


1556  CHAPITRE   XVU.  435 

ville  (i).  Louis  Bailly  et  Maclou  Ragnier,  sont  pendus  et 
brûlés  à  Troyes,  le  30  juillet.  Un  troisième  individu, 
nommé  Jean  Higault,  ditSt-Evrol,  est  poursuivi,  maison 
ne  peut  s'en  saisir.  H  est  considéré  comme  chef  d'une 
bande  d'incendiaires. 

Cet  événement  fait  craindre  pour  la  ville  de  Troyes. 
On  lait  garder  les  portes;  on  surveille  ceux  qui  entrent 
en  ville.  En  août,  le  Conseil  de  ville  arrête  qu'il  ne  sera 
distribué  ni  torches  de  cire,  ni  hypocras,  mais  des  seilles 
fPonères  (paniers  à  feu),  dont  le  prix  sera  acquitté  avec 
les  deniers  affectés  aux  dépenses  d'hypocras  et  de  tor- 
ches (2). 

En  août  1556,  le  dauphin  qui  devint  roi  sous  le  nom 
de  François  II,  le  duc  de  Guise  et  le  duc  de  Longueville 
traversent  la  ville  de  Troyes.  De  Troyes,  ils  se  dirigent 
surNogent  où  ils  couchent.  De  cette  ville,  ils  vont  déjeû- 
ner à  la  Fontaine-au-Bois,  prieuré  situé  à  mi-chemin  de 
Nogcnt  à  Provins,  et  coucher  dans  celle  dernière  ville  (3). 

L'année  4556  fut  excessivement  sèche.  On  fit  de  nom- 
breux pèlerinages.  De  Champagne  on  venait  à  Troyes, 
aux  vierges  Ste-Hélène  et  Sle-Mâthie,  ou  à  Ste-Syre,  ou 
à  la  Belle-Dame  de  Nogent-sur-Seine  (4). 

Il  est  levé  un  impôt  dont  le  produit  est  de  17,818  liv. 
sur  les  habitants  et  le  clergé  de  Troyes  (5). 

Les  principales  mesures  provoquées  par  les  proviseurs 

(1  )  Afinuaire  de  V  Yonne,  1837,  p.  280.  Lemaitre,  Notice  sur  Louise 
de  Clermont'Tonnerre,  duchesse  d'Uzès,  La  Duchesse  d'Uzès  aurait 
été  soupçonnée  d'avoir  fait  mettre  le  feu  à  la  ville  de  Tonnerre,  pour  se 
venger  des  habitants  contre  lesquels  elle  venait  de  perdre  un  procès. 

(2)  A  12.  —  En  1569,  le  conseil  décide  que  les  principaux  habi- 
tants, les  chapitres,  abbayes,  pieurés,  fabriques  et  marguilliers  au- 
ront des  seilles,  dans  leurs  maisons,  même  des  échelles  et  des  cro- 
chets, pour  servir  en  cas  d'incendie.  A.  17. 

(3,  Cl.  Hatton.  Mémoires,  p.  33. 

(4)  Cl.  Hatton.  MéwnivcSf  p.  31. 

(5)  F.  2i5. 


436  mSTOlKK    I)K   TKOYES.  155: 

de  TAumône  générale  sont  soumises  à  Tadoption  des 
habitants,  on  assemblée  générale,  le  27  juin  1557.  Il  est 
décidé  que  les  proviseurs  s'adjoindront,  à  l'avenir,  les 
curés  et  marguillicrs  des  paroisses  et  taxeront  ceux  des 
habilanls  qui  auront  refusé  l'aumône.  Cette  taxe  sera 
exécutoire  pendant  Tannée.  Toute  signification  sera  faite 
par  le  bedeau  de  l'Aumône.  I!  sera  fait  un  nouveau  rôle 
des  pauvres  qui  seront  visités  par  les  proviseurs.  Une 
procession  générale  dos  pauvres  est  ordonnée.  Ceux-ci 
porteront  une  marque  spéciale,  afin  que  «  le  peuple 
»  connaisse  la  nécessité  et  la  quantité  de  personnes  se- 

>  courues.  »  Cette  procession  doit  être  suivie  d'une  dis- 
tribution de  secours  (1). 

Les  processions  solennelles  et  extérieures  deviennent 
de  plus  en  plus  fréquentes.  On  y  assiste  nu-pieds  et  vêtu 
seulement  d'un  linceul.  Elles  donnent  lieu,  selon  les 
réformés,  —  les  mauvaises  langues  de  l'époque,  —  à  des 
scandales  nombreux.  On  cite  des  excès  de  table  et  des 
faits  d'impudicité  et  d'outrages  à  la  morale  publique. 
En  raison  du  costume  si  simple  qu'on  y  portait  et  de  sa 
couleur,  ces  processions  étaient  nommées  processions 
blanches. 

La  religion  réformée  se  développe,  et  *  n'est  quasi 
»  mois  en  l'an  qu'on  ne  brusle  des  hérétiques  à  Paris,  à 
»  Meaux  et  à  Troyes,  deux  ou  trois,  et  aulcun  mois  plus 

>  de  douze  *  (juin  1557)  (2).  En  cette  même  année,  est 
publié,  à  Troyes,  un  édit  portant  condamnation,  contre 
tous  ceux  qui,  secrètement  ou  publiquement,  professent 
une  religion  différente  de  la  religion  catholique  (3). 

Par  arrêt  du  Conseil,  du  29  octobre  1557,  le  décanat 
de  l'église  cathédrale  est  reconnu  et  maintenu  électif  et 
non  à  la  nomination  du  roi.  Cet  arrêt  est  rendu  sur  la 

(i)  A.  12. 

{'2\  CA.  Hatton.  Mémoires,  p.  48. 

(3;  ISAMHEHT.  Aèic.  lois  fratiç.yi.  xiii,  p. .491. 


1557  CHAPITHE   XVlî.  i37 

diflicullé  élevée  eiilre  Messire  Jacques  Guillemet,  élu 
doyen  par  le  Chapitre  contre  Messire  Jean  Gruyer,  dont 
la  nomination  par  le  roi  avait  déjà  été  approuvée  par 
Garafla,  cardinal-légat. 

Les  comptes  des  deniers  communs^  patrimoniatLx  et 
d'octroi  (1557).  sont  examinés,  sous  le  nom  du  prince 
de  la  Roche-sur-Yon,  par  Tun  de  ses  secrétaires,  en  pré- 
sence de  commissaires  représentant  la  ville.  Cet  exa- 
men fut  des  plus  sévères,  car  le  mandataire  du  prince 
sut  faire  sortir  de  ces  comptes  une  somme  de  dix  mille 
livres  au  profit  du  roi.  Et  pourtant,  Téchevinage  avait 
consenti  à  céder,  en  faveur  de  ce  secrétaire  (et  sans 
doute  aussi  de  son  maître),  une  somme  de  mille  livres, 
afin  de  «  se  le  rendre  favorable  et  qu'il  ne  mette  la  ville 
»  en  indignation  près  du  gouverneur,  d  La  caisse  du  re- 
ceveur est  à  sec.  Pour  acquitter  cette  somme,  ce  rece- 
veur n'a  pas  même  cent  écus  Le  Conseil  le  charge 
€  d'emprunter  jusqu'à  six  cents  livres,  pour  fournir  aux 
*•  affaires  urgentes.  » 

Pendant  l'été  de  1557,  la  Champagne  est  menacée 
par  l'armée  de  Philippe  11.  Mais,  au  lieu  de  se  porter  sur 
cette  province,  cette  armée  se  dirige  sur  St-Quentin, 
qu'elle  investit. 

Pendant  cette  opération  qui  eut  un  plein  succès,  le 
roi  convoque,  à  Paris,  une  assemblée  que  les  contempo- 
rains appellent  Etats  du  royaume.  Le  gouvernement,  à 
bout  de  ressources  et  n'osant  plus  augmenter  les  tailles 
et  les  subsides,  déjà  si  excessifs,  projette  un  emprunt  sur 
les  classes  riches,  et,  pour  arriver  à  son  but,  réclame 
Tappui,  non  d'une  assemblée  des  trois  états,  mais  seule- 
ment d'une  assemblée  de  notables.  Le  clergé  est  repré- 
senté, la  noblesse  n'y  assiste  qu'en  petit  nombre  ;  le  corps 
de  la  justice  —  ce  qui  est  une  nouveauté  —  occupe  une 
place  intermédiaire  entre  la  noblesse  et  le  tiers-état  et  y 
ligure  par  les  présidents  des  Parlements.  Le  6  janvier 


438  HISTOIHË  DE  THOYëS.  i»7 

1557  (v.  st.),  le  roi  ouvrit,  en  personne,  cetle  assemblée, 
et  exposa  lui-même  la  situation  du  royaume.  Le  due  de 
Nevers  y  parla  au  nom  de  la  noblesse.  Tous  oflrirent  au 
roi  les  corps  et  les  biens  de  tous  les  ordres.  Le  garde 
des  sceaux,  Bertrandi,  que  la  protection  de  Diane  de 
Poitiers  et  des  Guise  avait  fait  archevêque  de  Sens  ei 
cardinal,  termina  la  séance  d'ouverture,  en  invitant  les 
représentants  des  villes  à  remettre  au  roi  leurs  doléances 
par  écrit. 

Quelques  jours  après,  ces  députés  lurent  appelés  chez 
le  garde  des  sceaux,  où  le  cardinal  de  Lorraine  leur  dé- 
clara que  le  roi  voulait  emprunter  trois  millions  d'écus 
d'or  aux  plus  riches  de  ses  sujels  ;  que  la  noblesse  ayant 
offert  un  million,  il  fallait  que  les  bonnes  villes  four- 
nissent les  deux  autres  millions  d'écus,  dont  Tintérét 
serait  payé  au  denier  douze.  Sur  ces  entrefaites,  arriva 
la  nouvelle  de  la  prise  de  Calais.  Ce  succès  leva  toutes 
les  objections  (1) 

A  cette  assemblée,  la  ville  de  Troyos  fut  représentée 
par  Noiil  Coeflard  et  par  deux  autres  citoyens  dont  les 
noms  ne  paraissent  pas  parvenus  jusqu'à  nous  (2). 

Dès  le  M  janvier,  le  Conseil  de  ville  est  averti  de  la 
taxe  qui  |)èse  sur  les  habitants.  Il  est  d'abord  proposé  do 
lever,  sur  trois  cents  personnes,  une  sonmie  de  douze 
niille  écus.  Mais  le  Conseil  repousse  ce  moyen  11  décide 
que  le  lieutenant-général  sera  prié  d'exposer  «  qu'il  ne 
sait  quels  habitants  ont  moyen  de  payer  la  somme  qui 
leur  est  demandée;  que  la  ville  est  plus  chargée  qu'au- 
cune autre  de  la  taxe  des  50,000  hon)mcs  de  pied  ;  que 
les  riches  et  les  plus  opulents  ont  quitté  la  ville  (ce  qui 

(1)  Delai»lace.  De  Vcstat  de  la  religion  et  république^  p.  9.  Ed. 
du  Panthéon  lilt.  —  G.  Picot.  Ilist  des]  Élats-Créiwraiix,  iS7S. 

(2)  Noël  Coeffarl  y  était,  lui  troisième,  avoc  troi.s  ihevaux  ;  son 
absence  de  la  ville  dura  quinze  jours.  Il  reçut  de  la  ville  cinq  livres 
par  jour  pour  Tindemniser  de  ces  frais.  -^  A.  12. 


1557  CHAPITRE   XVIÏ.  439 

olail  vrai),  pour  aller  denicnrcr  aiix  champs,  ce  qui  fait 
que  de  simples  marchands  sont  taxes  à  deux  ou  trois 
cents  livres,  somme  impossible  à  eux  de  payer  (1).  » 

En  même  temps  qu'il  repousse  ce  moyen  d'emprunt, 
le  Conseil  propose  de  payer  la  somme  de  trente-six  mille 
livres,  à  laquelle  la  ville  est  taxée,  en  livrant  de  la  vais- 
selle et  des  joyaux  d'or  et  d'argent.  Cette  proposition 
prévalut  et  ce  moyen  fut  appliqué. 

La  ville  de  Troyes  contribua  à  l'emprunt  demandé 
par  le  roi  pour  une  somme  de  36,000  livres,  fournie  par 
le  prix  de  la  vaisselle,  des  bijoux  et  joyaux  d'or,  et  par 
l'argent  livré  par  ses  habitants.  Cette  vaisselle,  pesée  et 
vérifiée,  était  acceptée  par  des  commissaires  royaux,  à  la 
condition  de  ne  perdre  que  vingt  sous  par  marc,  selon 
conventions  arrêtées.  Mais  lorsque  ceux-ci  prirent  livrai- 
son, ils  ne  voulurent  accepter  la  vaisselle  et  les  joyaux 
qu'à  un  taux  beaucoup  plus  bas,  ce  qui  causa  aux  pré- 
leurs un  grand  préjudice.  L'emprunt  fut  réalisé  à 
3B,000  livres,  et  le  roi  fut  engagé  à  servir  un  intérêt  de 
3,000  livres  par  an,  ce  qui  est  à  8  fr.  33  pour  cent  et  par 
an  (2) 

Le  Conseil  fait  suivre  ses  observations  de  demandes  et 
de  doléances.  11  réclame  la  liberté  du  commerce.  Il  se 
plaint  des  entraves  apportées  par  les  droits  levés  aux 
hauts-passages  et  des  vexations  pratiquées  dans  la  per- 
ception de  ces  droits.  Il  demande  l'abolition  des  subsides 
établis  à  Lyon,  à  Rouen,  à  Paris  et  ailleurs,  sur  les  mar- 
chandises entrant  dans  ces  villes  ou  en  sortant,  et  le 
rétablissement  des  libertés  et  franchises  des  foires  du 
rovaume.  Le  Conseil  dit  encore  :  «  Si  toutes  ces  mesures 
»  sont  prises,  le  trafic  augmentera  en  importance,  et  les 
»  étrangers  reprendront  le  chemin  de  la  France  pour  y 


(i)  A.  12. 

(2)  A.  12.  -  Séfnillard. 


440  HISTOJRB  DE  TROYES.  1559 

»  coiiiinercer.  »  Joignant  d'autres  phiintes  à  celles  qui 
précèdent,  le  Conseil  ajoute  :  <  La  gendarmerie  excède 
>  les  habitants  du  plat  pays  ;  s'il  n'est  apporte  conireclle 
»  bonne  et  prompte  provision,  les  gens  dn  la  campagne 
»  quitteront  leurs  villages  et  abandonneront  la  culture 
•  de  leurs  héritages.  » 

f^es  V03UX  dos  habitants  de  Troyes  ne  sont  pas  les 
seuls  de  cette  nature  qui  sont  portés  au  pied  du  Irône. 
Ils  sont  à  peu  près  unanimes  et  se  produisent  de  tous 
côtés.  Répondant  au  moins  à  une  partie  de  ces  plaintes, 
un  édit  de  février  1557  (v.  st.),  ordonne  l'abolition  d'im- 
pôts préjudiciables  au  commerce  et  à  l'industrie;  il  pres- 
crit la  suppression  de  droits  nouvellement  établis  et  colle 
de  l'imposition  foraine,  pesant  sur  l'ontrée  et  la  sortie 
des  marchandises  (1). 

En  1558,  un  édit  royal  prescrit  la  réforme  des  poids 
et  mesures  du  bailliage  de  Troyes.  Charles  de  Dormans, 
conseiller  au  Parlement,  est  délégué  à  cette  réforme.  A 
cet  effet,  il  se  rend  à  Troyes,  y  remplit  sa  mission  et  en 
dresse  procès-verbal.  Ce  changement  dans  les  anciennes 
habitudes,  n'est  [)as  goûté  par  le  maire  ni  par  les  éche- 
vins,  et  sans  aucun  doute  par  les  h.'ihitants.  L'autorité 
échevinale  refuse  d'approuver  le  procès-verbal  du  com- 
missaire royal  et  déclare  qu'elle  ne  se  charge  point  de 
tenir  la  main  à  l'cxéculion  de  l'édit  vl  du  procès-verbal 
dressé  pour  en  commencer  Tappliciitioa  (2).  11  est  proba- 
ble que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  reçurent  leur  exécution. 

Déjà,  en  janvier  1552,  on  avait  commencé  à  vendre  la 
viande  à  la  livre  du  i^oi,  ce  qui  fit  murmurer  la  popula- 
tion (3). 

Diane  de  Poitiers,  duchesse  de  Valentinois,  esta  Troyes 

(4)  ISAMBERT.  Ane   loîs  franc. ^  t.  xni,  p.  50G. 
(2)  J.  3. 

(3^  PoNcELET  Meunieii.   Jourixal.  Blq.  nat.  Collection  de  Champ, 
▼ol.  61,  Troyes,  xvi. 


1668  CHAPITRE   XVII.  444 

en  août  1558.  Elle  descend  à  révéché  et  v  dîne.  Le  Con- 
seil  de  ville  lui  fait  présent  de  quatre  douzaines  de  ser- 
viettes de  fin  lin,  de  deux  tabliers  (nappes)  de  huit  aunes 
chacun,  »  ouvrés  de  la  plus  belle  façon.  »  Rien  n'est 
trop  beau  pour  la  belle  duchesse,  toujours  toute-puis- 
sante. Par  ce  présent,  le  Conseil  veut  lui  être  agréable. 
Il  espère  que  c  les  habitants  lui  seront  recommandés  à 
»  regard  des  surtaux  de  l'impôt  des  50,000  hommes  de 
»  pied  qui  pèse  sur  eux  (I).  »  On  connaissait  son  auto- 
rité sur  le  roi  et  sur  les  Guise,  alors  si  puissants. 

il  n'est  pas  de  bonnes  choses,  ni  de  bonnes  institu- 
tions qui  ne  donnent  lieu  à  des  abus.  Il  faut  secourir  les 
malheureux;  mais  lorsque  le  travail  abonde,  les  distri- 
butions de  secours  devraient  se  restreindre  à  ceux  qui 
5onl  dans  une  incapacité  notoire  de  travailler,  et  l'on 
devrait  renvoyer  aux  ateliers  ceux  qui  peuvent  se  livrer 
à  nn  travail  utile,  non-seulement  à  eux-mêmes,  mais  en- 
core à  la  société  tout  entière. 

Ce  reproche,  que  l'on  entend  quelquefois  adresser,  a 
notre  époque,  à  l'occasion  de  distributions  de  secours 
trop  larj^es,  trop  faciles  ou  inconsidérées,  monta,  en 
1558,  jusqu'au  Conseil  de  ville.  Les  tisserands  de  toiles 
et  de  draps,  les  foulons-laneurs,  les  épingliers  et  autres 
corps  de  métiers  se  plaignent,  au  mois  de  septembre,  de 
ce  que  les  ouvriers  ne  veulent  travailler  qu'un  jour  par 
semaine,  TAumône  générale  donnant  des  secours  trop 
abondants  et  les  vivres  étant  à  bas  prix  (2). 

En  1558  commencent  à  se  dessiner  les  rôles  que 
vont  jouer,  dans  les  événements  qui  vont  bientôt  se  dé- 

(1)  A.  12.  —  Dans  le  même  rcj^istre  (mai  1559),  on  trouve  men- 
tionné renvoi  au  duc  de  Nevers,  gouv  de  Champ,  et  à  la  duchesse, 
sa  femme,  de  douze  douzaines  de  serviettes  et  de  vint^t  quatre  aunes 
de  Paris  de  fin  lin  ou^ré.  Le  duc  et  la  duchesse  avaient  informé  le 
conseil  que,  devant  recevoir  le  Prince  de  Piémont  et  autres  grands 
seigneurs,  il  avait  besoin  de  beau  linge  pour  les  festins. 

(2)  A.  12. 


442  HISTOIRE    DE  TKOYES.  45» 

l'ouier,  les  grands  seigneurs  de  la  cour.  Le  parti  catholi- 
que a  à  sa  tête  la  nombreuse  et  puissante  famille  de 
Lorraine,  les  Gi:ise.  Déjà  le  duc  a  reçu  de  ses  ennemis 
le  surnom  do  <  grand  boucher  de  France.  >  Dans  sa 
famille,  on  compto  parmi  les  plus  actifs,  le  cardinal 
Charles  de  Lorraine,  son  oncle,  archevêque  de  Reims; 
Louis,  son  frère,  ancien  évêque  de  Troyes,  puis  arche- 
vêque de  Sens  et  alors  évêque  de  Metz;  Claude,  duc 
d'Aumale,  marié  à  Louise  de  Brézé,  fille  de  Diane  de 
Poitiers;  et,  avec  eux,  marche  Jacques  de  Savoie,  duc  de 
Nemours.  Tous  ont  des  rela lions  suivies  avec  la  Cham- 
pagne. Les  Cuise  possèdent  de  belles  seigneuries  et  de 
beaux  domaines,  notamment  celles  de  Joinville,  de 
Vassy,  d'Kclaron,  etc.,  et  le  duc  de  Nemours  celles  de 
Nogent  et  do  Pont-sur-Seine. 

Le  parti  de  la  réforme  reçoit  ses  ordres  surtout  des 
frères  de  Châtillon,  l'amiral,  le  cardinal  et  d'Andelot.  Ce 
dernier  est  propriétaire  de  la  terre  et  du  château  deTan- 
lay.  Cette  seigneurie  s'étendait  sur  les  rives  de  TArman- 
çon  et  comprenait  un  grand  nombre  de  villages  compris 
aujourd'hui  dans  le  canton  de  Chaource.  Le  cardinal 
était  abbé  de  Molême  et  de  Ouincey,  dont  les  domaines 
sont  en  grande  partir  renfermés,  do  nos  jours,  dans  les 
cantons  d'Ervv  et  de  Chaource,  et  voisins  du  château  de 
Tanlay. 

IVAndelol  rompit  avec  le  roi  sur  la  provocation  du  duc 
do  Cuiso,  jaloux  de  tout  commandement  qui  n'était  pas 
directement  entre  ses  mains,  ou  confié  aux  siens  on  à 
leurs  amis  dévoués.  Cette  rupture  amena  l'incarcération 
de  d'Andelot  nu  château  de  Melun,  et  la  remise  à  Mont- 
luc,  créature  des  Guise,  du  litre  de  colonel  de  l'infanterie 
française,  que  possédait  d'Andelot.  Le  prince  de  Condé 
se  plaça  aussi  à  la  tête  de  la  réforme,  après  s'être  \ix 
refuser  le  commandement  des  chevau-légers,  donné  au 
duc  de  Nemours,  ami  des  Lorrains. 


1558  CHAPITRE   XVII.  443 

La  ppando  seigneurie  d'Isle  (Auinonl),  de  Chaource  et 
de  Villemaur,  érigée  d'abord  en  baronnie,  puis  en  mar- 
quisat, et  qui  enveloppe  la  ville  de  Troyes  à  l'ouest  et  au 
midi,  les  baronnies  d'Krvy  et  de  St-Florentin,  Danne- 
moine,  Céant-en-Othc  et  leurs  dépendances,  la  seigneu- 
rie de  Jaucourt,  enfui  la  belle  seigneurie  de  Beaufort 
laujourd'hui  Montmorency),  appartiennent  à  François  de 
(.lèves,  duc  de  Nevers,  comte  d'Eu,  de  Dreux,  d'Auxerre, 
de  Ilethel  et  de  Beaufbrt,  alors  gouverneur  de  Champa- 
gne, qui  suit  le  parti  catholique.  Par  son  testament  du 
i4  mars  1560,  le  duc  de  Nevers  laisse  le  marquisat 
d'isle  à  son  fils  puîné,  Jacques  de  Glèves,  qui  décéda 
sans  enfants  en  1561.  Après  ce  décès,  ce  marquisat, 
avec  Chaource,  Villemaur,  Beaufort  et  Jaucourt,  échut  à 
Marie  de  Clèves,  sœur  de  Jacques  et  femme  de  Henri  de 
Bourbon,  prince  de  Condé,  qu'elle  épousa  en  juillet 
1572. 

Louis  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  marié,  en  pre- 
mières noces,  avec  Léonor  de  Roye,  qui  mourut  le 
:23  juillet  1564,  et,  en  deuxièmes  noces,  avec  Françoise 
d'Orléans,  marquise  de  Rolhelin,  reçut  de  celle-ci,  en- 
tre autres  domaines,  la  terre,  le  château  et  la  châtellenie 
de  Noyers,  en  Bourgogne,  ainsi  que  la  seigneurie  do 
Valéry,  propriétés  qui  passèrent  à  son  fils,  Henri  W, 
prince  de  Condé,  qui,  du  chef  de  sa  première  femme, 
Marie  do  Clèves,  devint  marquis  d'isle  et  comte  de  Beau- 
Tort,  en  Champagne. 

La  famille  de  Luxembourg  possède,  par  Antoine,  le 
beau  comté  de  Rrienne,  les  seigneuries  de  Ramerupt  et 
de  Piney.  Charles  de  la  Rochefoucault  de  Barbezieux 
tient  la  châtellenie  de  Vendeuvre;  Diane  de  Poitiers, 
celle  d'Arcis  ;  la  famille  de  Dinteville,  celles  de  Polisy 
et  de  Polisot,  sur  la  Seine,  et  celle  de  Thennelières, 
à  la  porte  de  Troyes.  La  famille  d'Aumont,  celles  de 
Chappes  et  de  Clérey. 


4M  HISTOIRE   DE   TROYES.  15U 

Il  siifTit  (te  dire  les  noms  des  grands  seigneurs,  chefs 
des  partis  politiques  ou  religieux,  et  de  rappeler  les 
noms  de  leurs  principales  seigneuries,  pour  indiquer  la 
situation  de  la  ville  de  Troyes  et  celle  de  la  Champagne 
méridionale,  pendant  la  dernière  moitié  du.  XVle  sièle. 
(-e  lait  explique,  sinon  tous,  au  moins  une  partie  des  évé- 
nements de  cette  époque,  si  importants  non-seulement 
pour  rhisloire  de  la  province,  mais  encore  pour  notre 
histoire  nationale.  Dans  la  Champagne  méridionale,  on 
trouve,  en  présence  et  sur  leurs  terres,  les  principaux 
chefs  des  deux  partis  qui  divisent  la  France,  et  la  ville 
lie  Troyes  est  soumise,  avec  la  province,  presque  exclu- 
sivement à  Tautorité  des  Cuise,  devant  laquelle  tout  doit 
plier  ou  rompre.  Il  y  a  lieu  dVxcepler  le  temps  où  gou- 
verna le  due  do  Nevers.  dont  Tadministration  fut  relati- 
vement plus  bienveillante  et  moins  cruelle. 

Lors  lies  of^éralions  préalables  au  siège  de  Thionvilie, 
le  due  de  Cuise  obtint  du  roi  le  retrait  des  mains  c  de 
rhérélique  t  d\Vndt»Iot,  du  titre  de  colonel  de  l'infante- 
rie française,  remis  de  suite  à  Montluc.  homme  dévoué 
aux  Lorrains.  IVnir  les  travaux  de  ce  siège,  il  avait  été 
levé  a  (les  casunlours  et  des  [uonniers.  '  dans  les  Elec- 
tions do  Sons,  ti  Aiixorr» ,  d.'  Nemours  (Nogent,  Pont  et 
leurs  environs,  «Jo^Mviaiont  «lo  celle  dernière  élection», 
d'Orléans,  do  Trovt^s  ol  !o  Chàio:.s  alln  que  cette  levée, 
o|»éréo  li»in  dos  T  muI*  res,  noviilla  pas  fattention  des 
onnoinis. 

Ihins  lo  O'Hïi's  dt*  n..i\oinbre  I55'S.  des  lansquenets 
s«»nt  li^iros  iui  î  :in>o»ir^*  r.ri»nrol>.  Srus  pH'texte  que  leur 
solde  no  loiir  l  st  j»«>i:^î  |»iïyét',  colle  troupe  demande  à 
oin[»ruiilor  sur  i*  s  iiaf»itaïits  do  Troyes  une  somme  de 
oJKH^  iiMOs  1.0  r.ir.seil  do  \irh'  refuse  net.  en  se  plai- 
irnanl  »  do<  piiitr:os.  insidence>  et  désonires,  »  que 
cette  tr»»U[»i»  coinnirl  .ioj»:ii>  ijualro  jours  au  faubourg  de 
«.roncels. 


tS59  CHAPITRE   XVU.  445 

Les  étrangers,  les  vagabonds  et  les  caignardiers  sont 
toujours  redoutés.  On  craint  qu'ils  ne  mettent  le  feu, 
pillent  ou  dérobent  dans  les  bonnes  maisons.  Le  chergiiet 
(ou  escharguet)  est  chargé  de  la  garde  sur  les  remparts^ 
et  le  guet  dormant  est  au  coin  des  rues. 

Après  une  guerre  recommencée  en  1552  et  qui  avait 
subi  des  fortunes  bien  diverses,  une  paix  est  signée,  le 
12  mars  1559  (v.  st.),  par  Henri  H,  Philippe  II,  François 
et  sa  femme,  Marie  Stuart,  roi  et  reine  d'Ecosse  ;  Elisa- 
beth d'Angleterre,  agissant  tant  pour  eux  que  pour  leurs 
vassaux,  sujets  et  serviteurs.  Cette  paix  est  conduite  par 
le  connétable  de  Montmorency  et  le  cardinal  Charles  de 
Lorraine.  Considérée  comme  une  lâcheté,  elle  est  moti- 
vée, pour  les  ardents  catholiques,  par  la  nécessité  de 
sévir  contre  les  fauteurs  de  la  religion  nouvelle,  et,  pour 
les  ennemis  ou  adversaires  des  Lorrains,  par  le  besoin 
d'éloigner  le  duc  de  Guise  des  affaires  de  TEtat.  Cette 
paix,  dite  de  Cateau-Cambrésis,  termine  la  lutte  des 
Valois  contre  la  maison  d'Autriche. 

La  paix  fut  acclamée  avec  joie  à  Troyes.  Le  12  avril, 
après  un  Te  Dcum^  les  gens  du  roi,  ceux  du  bailliage  et 
siège  présidial,  ceux  de  la  ville  et  autres  notables  per- 
sonnages se  réunirent,  à  l'hôtel-de-ville,  à  cheval  et 
ayant  à  leur  tête  trompettes  et  clairons,  proclamèrent  la 
paix  :  le  greffier  de  l'échevinage  faisant  lecture  du  traité. 
Le  lendemain  eut  lieu  une  procession  générale  à  laquelle 
furent  portés  tous  les  corps  saints  et  toutes  les  reliques 
des  paroisses  et  maisons  religieuses. 

• 

Il  y  avait  alors,  comme  aujourd'hui,  les  impôts  de  la 
guerre  et  les  impôts  de  la  paix.  Le  20  avril,  le  trésorier 
général,  Pioche,  est  à  Troyes  dans  le  but  de  lever,  à  titre 
de  prêt,  une  somme  de  16,000  livres.  Les  habitants,  en 
assemblée  générale,  débattent  leurs  intérêts  avec  le  com- 
missaire royal.  Ils  ne  consentent  à  ce  prêt  que  pour  une 


446  HISTOIRE   DE  TROYES.  i55S 

somme  de  12,000  livres,  dont  le  général  Pioche  dut  se 
contenter  (1). 

Les  nouvelles  idées  religieuses  font  de  rapides  pro* 
grès,  et  le  martyrologe  de  la  réforme  s'augmente,  chaque 
année,  de  nouveaux  noms.  D'une  part,  la  ville  deTroyes 
est  abandonnée  par  un  grand  nombre  de  familles  qui  ne 
s'y  croient  plus  en  sûreté.  D'autre  pari,  elle  est  fréquen- 
tée par  des  adeptes  de  la  nouvelle  croyance,  venant  de 
Meaux  ou  de  Genève,  fortifiant  les  tièdcs  et  donnant  du 
courage  à  tous.  C'est  ainsi  qu'arrive  à  Troyes,  iMichel 
Poncelet,  dit  Picard,  cardeur  de  laine,  qui,  quoique  sans 
instruction,  fait  des  conférences  religieuses  et  se  met  en 
rapport  avec  Nicole  Pithou.  Il  se  fixe  à  Troyes  et  y  fait 
des  conversions. 

L'évoque  Carracciole  devient  de  plus  en  plus  hésitant 
sur  sa  doctrine.  Il  adopte  les  nouveaux  préceptes  pour 
les  rejeter  ensuite.  Pressé  des  deux  côtés,  il  repousse  la 
nouvelle  croyance,  devant  un  nombreux  auditoire  réuni 
dans  l'église  de  St-Jean,  pour  y  revenir  quelques  jours 
après,  sous  l'influence  de  Nicole  Pithou,  de  Michel  Pon- 
celet et  d'un  libraire  de  Genève. 

La  famille  Pithou  prend  rang  parmi  les  réformés. 
Pierre  Pithou,  le  père,  mourut  le  17  avril  1554  ;  il  fut 
assisté  dans  ses  derniers  moments  par  Michel  Poncelet. 
Sur  des  provocations  plus  ou  moins  insidieuses,  quelques 
membres  du  clergé  dénoncent  des  réunions  secrètes 
tenues  par  les  réformés  chez  un  sieur  Girardin.  Dans 
une  recherche  faite  chez  celui-ci,  on  trouve  une  liste  de 
noms  de  réformés.  Aussitôt,  des  poursuites  so.nt  dirigées 
contre  ces  individus,  qui  se  dispersent  et  quittent  la 
ville.  La  domestique  de  Girardin  est  mise  à  la  question, 
pour  la  forcer  à  révéler  les  non)s  de  ceux  qui  fréquen- 
taient la  maison  de  son  maître.  Girardin,  qui  s'est  enfui, 

(1)  A.  12. 


1^1  CHAPITRE  XVll.  417 

est  condamné  à  mort  par  défaut;  il  est  brillé  en  efïigie. 
H  se  pourvoit  au  Parlement  qui  renvoie  Taffaire  an  bailli 
de  Vilry,  par  qui  il  fut  acquitté  de  l'inculpation  et  remis 
en  possession  de  ses  biens.  Michel  Poncelet  dut  quitter 
la  ville. 

Des  images  brisées  donnent  lieu  à  de  nouvelles  pour- 
suites contre  ceux  qui  font  profession  de  la  religion  ré- 
formée. 

Des  assemblées  secrètes  se  continuent  néanmoins. 
Il  s'en  tient  au  faubourg  Oonccls,  près  du  couvent  des 
Chartreux. 

Le  pape  Marcel  11  mourut  le  30  avril  1555)  n'ayant 
occupé  le  trône  pontifical  que  pendant  vingt-deux  jours. 
Son  successeur,  Paul  Carracho,  appelé  Paul  IV,  était 
oncle  d'Antoine  Carracciole.  Celui-ci  alla  le  visiter,  espé- 
rant sans  doute  en  obtenir  quelques  honneurs  ou  quel- 
ques profits.  L'accueil  n'aurait  pas  été  ce  que  le  premier 
espérait.  En  revenant  de  Rome,  Carracciole  passa  par 
Genève.  C'était  vers  la  fin  de  juin  1555.  Il  se  mit  en 
rapport  avec  Calvin.  Il  aurait  même  assisté,  en  soutane 
violette  et  en  bonnet  carré,  à  l'une  des  prédications  du 
fougueux  réformateur.  Il  visita  aussi  quelques  notables 
troyens  que  la  liberté  de  conscience  avait  attirés  k 
Genève.  Puis  il  revint  à  Troyes.  Mal  accueilli  à  Rome,  il 
fut  reçu  froidement  à  Genève. 

En  1556,  il  y  eut  une  émigration  de  Troyens  pour 
Genève.  On  cite  comme  expatriés  fuyant  devant  la  per- 
sécution :  Antoine  do  Villemaur,  notaire  et  procureur; 
Jean  André,  marchand  drapier;  Louis  de  Lutel,  courte- 
pointier;  Robert  Huet,  Michel  Peloton,  potier  d'étain, 
et  Pierre  Courtois,  tisserand  de  toiles. 

Au  printemps  1557,  un  gentilhomme  champenois, 
nommé  La  Boudevière,  poursuivi  pour  crime  et  con- 
damné à  mort,  se  convertit  étant  en  prison.  Lors  de  son 
exécution,  il  (it  profession  publique  de  la  nouvelle  reli- 


448  HISTOIRE   DE   TROYES.  i»» 

gion.  L'exécuteur  lui  donna  plusieurs  coups  de  hache 
pour  lui  décoller  la  tète.  Le  peuple,  exaspéré,  injuria  le 
bourreau  et  le  poursuivit  à  coups  de  pierres. 

Le  26  avril   1557,  le  pape  Paul  IV  délivra   un  bref 
portant  institution  do  l'inquisition  en  France,  appelée  à  i 

se  .prononcer  sur  les  cas  d'hérésies.  Charles  de  Lorraine,  ^, 
Charles  de  Pourbon  et  Odel  de  ChAtillon,  tous  trois  car-  — 
dinaux,  furent  institués  inquisiteurs  de  France.  Le  Par-  — •- 
lement  de  Paris  s'opposa  à  la  publication  de  ce  bref.  J^H. 
Mais  le  roi,  pressé  par  les  Guise,  céda  et  fit  publier  cet  #«t 
acte,  qui  devint  loi  de  l'Elat. 

Les  réformés  de  Troyes  se  divisent  de  nouveau.  Leur  *m  ir 
ministre.  Michel  Poncelet,  a  quitté  Troyes.  Certains  indi-  —  i- 
vidus  sont  poursuivis,  soit  en  raison  de  leur  doctrine,  «-  -» 
soit  à  cause  de  la  possession  ou  de  la  lecture  de  livres  ^«s 
condamnés.  Troyes  paraît  être  alors  un  gîte,  une  station  •  *' 
pour  les  réformés  venant  de  Paris  ou  de  Meaux,  et  allant  J  •^ 
à  Genève  et  vice-versa.  On  y  signale  l'introduction  des  ^-^ 
livres  de  la  réforme  par  des  colporteurs,  et  les  pasteurs  ^^'^ 
continuent  leur  œuvre  de  propagande.  Nicole  Pilhou  a 
gardé  le  souvenir  de  Jean  le  Maçon,  dit  la  Rivière,  qui 
travailla  à  la  fondation  de  l'église  protestante  de  Paris, 
prêcha  à  Troyes,  et  que  ses  co  religionnaires  placent 
parmi  les  plus  méritants;  de  Girard  de  Corlieu,  issu  de 
l'une  des  plus  anciennes  et  des  plus  notables  familles 
d'Angoulême.  Celui-ci  est  envoyé  à  Troyes  par  une 
réunion  de  pasteurs  Icnue  à  Paris.  Agé  de  vingt-deux 
ans  seulement  et  fort  instruit,  il  se  rend  à  Troyes,  pour 
y  réorganiser  l'église  réformée. 

Apres  avoir  occupé  un  premier  domicile,  il  serait 
devenu  l'hôte  d'Innocent  de  la  Huproye,  apothicaire, 
membre  de  l'église  réformée. 

En  1559,  Guillaume  de  Marisy,  homme  justement 
honoré,  uohh^  (iiioi(|ue  orfèvre,  r't  dont  !n  famille  comp- 
tait plusieurs  maires  de  Troyes,  avait  accepté  la  réforme. 


Kl 


4559  CHAPITRE   XYII.  JU9 

Un  jour  qu'il  chantait  un  c  psalme  >  en  français,  il  fut 
tué,  d'un  coup  de  doloire,  par  Jean  de  Piney.  Ce  der- 
nier fut  condamné  aux  galères;  mais  à  la  première 
étape,  il  s'échappa  ou  fut  mis  en  liberté.  Il  revint  habi- 
ter Troyes  et  n'aurait  jamais  été  inquiété  pour  l'exécu- 
tion de  sa  peine. 

Au  milieu  des  fêtes  qui  accompagnent  les  mariages 
projetés  et  arrêtés  par  le  traité  de  Cateau-Cambrésis, 
eutre  Elisabeth  de  France,  âgée  de  quatorze  ans,  avec 
Philippe  II,  roi  d'Espagne,  et  entre  Marguerite,  sœur  du 
roi,  âgée  de  trente-six  ans,  avec  Emmanuel  Philibert, 
duc  de  Savoie,  Henri  II,  joutant  dans  un  tournoi  avec  le 
comte  de  Monlgommery,  reçoit,  dans  l'œil,  un  coup  de 
lance  qui  pénètre  jusqu'au  cerveau.  Blessé  le  29  juin 
1559,  le  roi  expire  le  10  juillet,  laissant  le  trône  à  son 
fils  aine,  âgé  de  seize  ans,  qui  prit  le  nom  de  François  II. 


uu  » 


CHAPITRE  XVIII 


I>U     tO    «lMiil<>t     l?srSO    ai    «ranviei*     ISC».*^     (v.     st.) 


SOMMAIRE  : 

Poursuites  contre  les  réformés  ;  De  Gorlieu  et  Paumier,  pasteurs. 
—  Conjuration  d'Amboise  ;  Lettre  du  roi  ;  Assemblée  générale 
des  habitants  ;  Arrestation,  à  Troyes,  de  voyageurs  réformés  ; 
La  rue  Moyenne  dite  la  PeiitenGenèvie ;  Procession,  tumulte, 
meurtre.  -^  î*(icole  Pithou  quitte  Troyes,  Nicolas  Hognault  lui 
succède  comme  avocat  de  la  ville,  tt-  Ourirages  aux  images 
pieuses.  —  Les  réformés  se  réunissent  dans  la  banlieue  ;  Pour- 
suites dirigées  contre  eux  ;  Placards  contre  le  baiUi  Anne  de 
Vaudrey.  —  Edit  de  Romorantin.  —  Noms  de  quelques  princi- 
paux réformés  du  bailliage.  —  Un  prédicant  mis  en  prison,  il 
s'en  échappe  ;  Emotion  .causée  par  cette  évasion .  —  Denis  Glé- 
rey.  sieur  de  Vaubercey,  maire  de  Troyes.  —  Assemblée  géné- 
rale des  habitants  à  Tévéché  ;  Plaintes  contre  certains  prédica- 
teurs catholiques.  —  Elections  de  Téchevinage  faites  au  scrutin 
secret.  —  Convocation  des  Etats-Généraux  ;  Mesures  prises  à 
cette  occasion  ;  Elections  è  deux  degrés  ;  Les  électeur»  votent 
sur  les  candidats  des  trois  ordres;  Réunion,  à  Troyes,  des 
députés  du  bailliage,  pour  tl*élection  des  députés  aux  Etats- 
Généraux  ;  Députés  élus  ;  Cahiers  du  Tiers-Etat  ;  Leur  examen 
par  le  gouverneur  de  Champagne  ;  Observations  sur  quelques 
principales  remontrances  \  Gaïiier  des  trois  Chapitres  de  Troyes  ; 
Indemnité  accordée  aux  députés;  jRefonte  des  cahiers  des  bail- 
liages en  un  seul  ;  Du  Xiers-Ëtat  ,en  Champagne.  —  Etats- 
Généraux  d'Orléans.  —  De  la  Compagnie  frcinçaise  et  de  la 
Compagnie  normande.  *-  Rapport  .de  f^hilippe  £eU|i,  Réputé, 
fait  au  Conseil  de  ville.  —  Etats-Provinciaux.  —  Paix  entre  les 
ohefs  de  parti  ;  Lettres  à  cette  occasion.  —  £tat8  de  Malun.  — 


452  HISTOIRE  DE   TROYES. 

Nouvelles  réunions  primaires  des  bailliages  inférieurs  et  des 
métiers.  —  Le  clergé  reste  en  dehors  de  ces  nouvelles  assem- 
blées, motivées  sur  Tadministration  des  finances.  —  Remon- 
trances collectives  de  la  Noblt^sse  et  du  Tiers-Etat.  -  Assemblée 
de  Pontoise.  —  De  l'instruction  élémentaire  —  Ordonnance 
d'Orléans.  —  Continuation  de  la  grande  école  sous  le  nom  de 
collège  ;  Régents  de  cet  établissement.  —  Craintes  àTégard  des 
réformés  ;  Formation  d'une  compagnie  chargée  de  garder 
ville.  —  Développement  de  la  n^forme  ;  pasteurs,  temples,  pré 
dicateurs.  —  Miracles  à  la  Belle-Croix  ;  ils  durent  trois  semai 
nés  ;  comment  ils  cessent.  —  La  Haquemaque  de  Gpulard; 
maison  est  pillée  ;  condamné  à  mort  et  pendu,  il  est  détaché  d 
la  potence.  —   Emploi  dos  aumônes  faites  à  la  Belle-Croix.  - 


Inventaire  des  armes;  Le  gouverneur  ordonne  le  désarmement:  ^  .dt; 
Refus  du  Conseil  d'exécuter  cet  ordre;  Mesures  de  sûreté.  — ^—  — 
Colloque  de  Poissy  ;  Députés  de  la  réforme  pour  la  Champagne  ^^  Mne. 

—  Ordonnances  de  police.  —  Antoine  de  Menisson,  î-ieur  d^  fc»  de 
St-Pouange.  Le  duc  de  Nevers  résigne  ses  fonctions  erm  ^»  en 
faveur  de  son  fils,  le  comte  d'Eu.  —  Recherches  des  armes 
Fermeture  des  prêches.  —  L'évoque  Caracciole  ;  il  renonce  à  Is 
foi  catholique.  —  Caracciole  veut  se  faire  pasteur;  N.  Pi- 
thou  s'y  oppose.  —  Mort  de  Caracciole;  il  est 
dans  l'église  de  Châteauneuf;   Opinions  sur  lui;  Des  é?éque«^^*'^ 

qui  ont  embrassé  la  réforme.  —  Des  pasteurs  de  Troyes.- *" 

Edit  du  17  janvier  1562.  —  Magistrats  politiques, —  Célébratior*^^^ -"^ 
de  la  Cène  à  Troyes.  —  Massacres  de  Wassy  et  de  Sens;  Le« 
réformés  prennent  les  armes  ;  Evénements  de  Troyes.  —  Elec^ 
lions  de  Pâques  ;  Elles  sont  annulées  ;  Les  catholiques  ne  veu — 
lent  pas  laisser  élire  des  réformés;  Conduite  de  N.  Pithou,  soir"« 
influence  ;   Troupes  catholiques  aux  portes  de  Troyes.  —  Som — 
mation  faite  au  maire  de  mettre  la  ville  en  état  de  silreté. 
Fâcheuse  influence  de  d'Esclavolles  ;  son  mécontement  et  __ 
plaintes.  —   Sage  conduite  de  N.  Pithou,  des  habitants  et  du*-^  ^" 
Conseil.  —  Rapprochement  des  événements  de  Troyes  de  ceux 
de  Sens  et  de  Wassy.  —  Les  habitants  mettent  bas  les  armes. 

—  Le  gouverneur  de  Champagne  se  dirige  sur  Troyes,  s'arrête 
au  château  de  St-Lyé  et  n'entre  en  ville  qu'après  l'apaisement   ^  ^^^ 
des  troubles  —  Diverses  mesures  de  sûreté;  Formation  d'une    ^^  ^ 
compagnie  de  trois  cents  hommes  ;  elle  se  dirige  à  Orléans  ;  sa  dis-     —  ^^ 
persion  près  de  Senan.  —  Recrues  de  soldats  catholiques;  Pro-      — '^ 
cessions  de  la  Fête-Dieu,  soutenues  par  la  compagnie  de  Nevers.       -  '**■ 

—  Expulsion  des  étrangers;  Tavernes  et  hôtelleries.  —  Le  Con- 
seil refuse  de  l'argent  au  duc  de  Nevers.  —  Elections  de  la 
St-Barnabé  ;  Pinette  élu  maire.  —  Persécutions  contre  les  ré- 
formés. —  Le  duc  quitte  Troyes,  y  laisse  Desbordes  et  se  retire 
à  St-Lyé.  —  Saisie  d'armes  ;  Formation  d'une  nouvelle  oompa- 


.«.ies 


n 


es 


8. 

Stc 


CHAPITRE  XVIII.  453 

gnie  de  trois  cents  hommes  ;   elle  se  compose  du  rebut  de  la 
population;  Violences  contre  les  réformés;  Meurtre  du  cuisi- 
nier de  Desbordes.   —  Nouvelles  violences  contre  les  réformés, 
—  Ceux-ci  quittent  la  ville.  —   On   rebaptise   leurs   enfants  ; 
Meurtres,  maisons  pillées,  démolies  ;  Le  commerce  cesse  ;  Le 
clergé  fait  une  profession  de  foi  catholique  ;  Processions  ;  Rôles 
des  suspects  ;  les  correspondances  surveillées  ;  Canons  braqués 
sur  la  ville.  —  Création  d*une  compagnie  armée  dans  chaque 
quartier;  Règlement.  —  Les  protestants  se  retirent  à  Bar-sur- 
Seine.  —  Siège  du  château  et  de  la  ville,  qui  tombent  aux  mains 
des  Troyens.   —   Massacres,  violences,  suites  de  ce  siège.  — 
Profession  de  foi  de  1542  renouvelée.  —  Excès  commis  par  les 
300  et  la  compagnie  de  Nevers  ;   Violences  de  Téchevinage  ; 
Arrêt  du  Parlement  contre  les  réformés  ;  Les  auspicionnés  ou 
suspects  ;  Epuration  du  Conseil  de  ville.  —  Députation  au  roi  ; 
Réponses  du  roi.  —  Répression  contre  les  réformés.  —  La  du- 
chesse d'Uzès  et  M.  de  Barbezieux;  celui-ci  se  rend  en  Alle- 
magne. —  Arrêt  en  faveur  des  protestants.  —  Les  pieds-nus 
de  Sens  attaquent  plusieurs  fois  Céant-en-Othe  (Bérulles),  et  y 
mettent  le  feu. —  Sièges  des  châteaux  de  Villeneuve-aux-Riches- 
Hommeset  de  Soligny.  —  Les  deux  Dierrey  et  Morey;  Supplice 
de  Massicault.  —  Nouvelles  plaintes  contre  les  300;  Epuration 
de  cette  compagnie.  —  Réformés  prisonniers  conduits  à  la  Con- 
ciergerie du  Palais.  —  Garde  donnée  au  maire.  —  Marches  de 
deux  armées  en  Champagne  et  en  Bourgogne  ;  Conseil  de  guerre 
tenu  à  Troyes.  —  Jean  de  Troyes  condamné  à  mort.  —  Bar-sur- 
Seine  attaqué  par  les  réformés.  —  Meurtre  de  Guillaume  Plu- 
mey,  chanoine.  —  Le  duc  de  Nevers,  tué  par  Desbordes.  —  Le 
duc  de  Guise  prend  le  gouvernement  de  la  Champagne.  —  Arresta- 
tion du  domestique  de  M.  de  Mesgrigny,  président  ;  Dorigny  in- 
vité à  quitter  la  ville.  —  Assassinat  du  duc  de  Guise  ;  Son  corps, 
conduit  à  Joinville,  passe  à  Troyes;  Honneurs  funèbres  qui  lui 
sont  rendus.  —  Pillage  des  maisons  de  M.  de  Mesgrigny  et  autres  ; 
Assassinats,  commis  dans  les  prisons,  de  plusieurs  réformés.  — 
Edit  de  pacification  ;  Le  Corps  de  vill*^  s'oppose  à  son  application  ; 
Nouveaux  meurtres  de  réformés.  —  Double  requête  au  roi.  — 
Rôle  des  catholiques  demandant  que  la  religion  nouvelle  ne  soit 
pas  exercée  à  Troyes.  —  Les  reîtres  s'approchent  de  Troyes  ;  ils 
sont  à  Montier-en-Der  (»t  voltigent  dans  la  province.  —  Claude 
de  Beauffremont,  économe  de  révéché,  puis  évêque  de  Troyes  ; 
Son   installation.  —  Le  duc  Henri  do  Guise,   gouvemear  de 
Champagne.   —  \\   est  âgé  de  douze  ans  ;  Son  oncle,  le  duc 
d'Aumale,  gouverneur  de  Bourgogne,  est  son  lieutenant-général 
en  Champagne  ;  Le  duc  d'Aumale  à  Troyes.  —  Coligny  et  d*An- 
delot  prennent  les  armes.  —  Mesures  de  sûreté  prises  en  ville. 
—  Fonds  donnés  au  cardinal  de  Lorraine,  pour  lever  des  trou- 


i54  UISTOIHE   DE   TROVES. 


1559 


peà  à  réti-angev.  ^^  Refus  de  réintégrer,  dans  leiir»  fonctions, 
les  àncieriâ  conseillers  de  ville.  —  Vcfnle  d'une  parito  des  biens 
du  dergé  ;  Montant  de  cette  vente  en  Champagne.  —  Indemnité 
de  logement,  par  la  ville,  à  M.  de  Barbekieux.  -^  Meurtre^  à 
Ramèrupt^  du  duc  de  Ltfnebonrg. 


L'avènement  de  François  II  au  trône  de  France  ne 
changea  rien  à  la  direction  du  gouvernennent.  Seule- 
ment, la  duchesse  de  Valentinois  n*eut  plus  aticutte  part 
aux  affaires.  Celles-ci  passèrent  aux  mains  de  Catherine  ^>ie 
da  Médicis  et  des  Guise,  plus  puissants  que  jamais,  après  ^^s 
avoir  sii  éloigner  du  roi  les  BoUfbohs  de  Navafre,  les 
Montmorency  et  les  Coligny. 

A  Troyes,  la  persécution  contre  les  réformés  continue. 
Ld  pasteur  de  CoHieu  quitte  la  ville.  Il  y  rentre.  Arrêté, 
il  est  mis  à  la  question,  condamné  à  être  tràtiié  sur  la  JS  '^ 
claie,  étranglé  et  livré  au  feu,  pour  cause  d^hérésie.  -^^• 
S'étaftt  pourvu,  il  est  conduit  à  Paris. 

Le  samedi,  15  novembre  1559,  le  convoi  se  trouvant  -*  ^^' 
dans  la  vallée  de  Grosbois,  huit  hommes  masqués,  armés  .^^s 
et  à  cheval,  Tattaquèrent.  La  garde  se  défendit  à  peine.  -  ^• 
Les  assaillants  s'emparèrent  des  pièces  de  la  procédure  ^^*'6 
et  du  pasteur  qu'ils  rendirent  à  la  liberté. 

L'influence  de  ce  pasteur,  à  Troyes,  avait  été  fort  3^t^ 
grande,  et  la  réforme  s'y  était  développée.  Son  séjour  ^^  •'' 
fut  d'à  peu  près  un  an,  et  pendant  ce  temps,  par  des  ^^^^ 
assemblées  tenues  secrètes,  il  augmenta  de  trois  cent-  - — '" 
dix  personnes  le  nombre  des  réformés.  Il  eut  pour  suc-  " — 
cesseur  un  jeune  pasteur  béarnais,  nommé  Paumier.  Les  ^ 
circonstances,  peu  favorables  alors,  éloignèrent  celui-ci  • 

et  lui  firent  différer  de  se  montrer  à  Troyes.  La  conspi- 
ration d'Amboise  venait  d'éclater.  La  condamnation  et 
l'évasion  du  pasteur  de  Corlieu,  amenèrent  de  nouvelles 
rigueurs.  La  déclaration  du  2  mars,  proclamant  l'aboli- 
tion du  passé  <  au  regard  de  la  religion,  »  à  la  condition 
que  les  délinquants  vivraient  à  l'avenir  en  bons  catholi- 


1559  CHAPITRE   XVIII.  455 

ques,  ne  reçut  pas  même  un  commencement  d'exécu- 
tion. 

La  conjuration  d'Amboise,  née  au  sein  des  réformés, 
fut  réprimée  avec  une  rigueur  sans  exemple.  Le  duc  de 
Guise  fit  verser  des  flots  de  sang,  pendant  près  d'un 
mois. 

Après  la  découverte  de  cette  tentative  de  révolte  diri- 
gée contre  le  roi  et  peut-être  plus  encore  contre  les 
Guise  qui  le  dominaient,  François  II  fit  connaître  ce  grave 
événement  par  lettres  adressées  à  ses  officiers  de  la 
province.  Dans  une  de  ces  lettres,  adressée  au  bailli  de 
Troyes,  alors  Anne  de  Vaudrey,  seigneur  de  Sl-Phal,  en 
fonctions  depuis  quelques  mois  seulement  (1),  le  roi 
fait  savoir  que  c  les  damnées  entreprises  inventées  par 
>  tous  les  moyens  que  peuvent  les  malings  esperits,  > 
ont  échoué.  La  conspiration  s'est  faite  avec  certains 
princes  étrangers,  ses  ennemis.  Des  gens  de  guerre  de- 
vaient être  levés  par  aucuns  gentilshommes.  Pour  favo- 
riser leurs  coupables  entreprises,  il  se  tenait  des  assem- 
blées secrètes  dans  plusieurs  villes,  sous  prétexte  de 
religion.  Par  ce  moyen  et  par  toutes  sortes  de  promesses, 
les  habitants  étaient  détachés  de  la  fidélité  qu'ils  lui 
doivent. 

Après  ce  préambule,  le  roi  enjoint  de  faire  convoquer, 
en  la  maison  commune,  ses  officiers,  les  échevins,  gou- 
verneurs et  autres  notables  citoyens,  bourgeois  et  habi- 
tants, afin  de  rendre  grâces  à  Dieu  de  sa  protection,  de 
pourvoir  à  la  sûreté  publique,  d'éviter  toute  sédition  et 
émotion,  de  conserver  le  meilleur  ordre  possible,  de  pu- 
blier ses  lettres  dans  Tétendue  de  la  juridiction,  et  sur- 
tout dans  les  lieux  où  les  auteurs  de  la  conjuration  au- 

(i)  Anne  de  Vaudrey  succédait  à  Guillaume  de  DinteviUe,  mort  le 
16  août  1559.  Nommé  le  28  novembre,  aux  fonctions  de  Bailli,  il  les 
occupa  jusqu*à  sa  mort^  arrivée  en  février  1579.  Il  eut  pour  succès- 
seor,  Georges  de  Vaudrey. 


456  HISTOIRE   DE   TROYES. 


155» 


raient  pu  séduire  certains  particuliers,  lesquels,  dans  la 
huitaine,  devront  venir,  devant  le  bailli,  franchement  et 
de  bonne  foi,  dire  ce  qu'ils  savent  :  le  roi  leur  pardon- 


nant toute  offense  et  remettant  toutes  les  peines  qu*ils.^  Is 
pourraient  avoir  encourues,  <  promectant,  en  foy  de^^  Ae 
t  prince  et  parole  de  roy,  que  jamais  ne  leur  sera  ta\c\M^^d 
»  question  ny  moleste  par  justice  ny  autrement,  en  quel —  M  el- 
>  que  sorte  que  ce  soit,  »  tandis  que  ceux  qui  ne  vien —  Mrm- 
dront  pas  déclarer  ce  qu^ils  savent,  ne  trouveront  près  àm^  K=lu 
roi  ni  pardon,  ni  miséricorde,  et  seront  punis  commet  ^^® 
criminels  de  lèse-majesté  (1  ). 

Cette  lettre,  datée  d*Amboise,  du  16  mars  1559  (v.  st.),^  (  -  -li 
fut  lue  le  5  avril  suivant,  dans  une  assemblée  tenue  à^^  ^ 
rhùtel-de-ville,  et  le  8,  il  fut  fait,  en  actions  de  grâces,  ^  ^  "^ 
une  procession  générale  à  laquelle  on  porta  les  quatre  ^^''^^ 
corps  saints  (2),  puis  il  y  eut  prédication  liors  Saint-  — ^^' 
Pierre  (3). 

Le  jeune  pasteur  Paumier  agit  avec  prudence,  afin  de    ^-^ 
ne  point  éveiller  Tattention  des  officiers  royaux,  qui  se     ^*® 
tenaient  en  garde  contre  les  résidants  et  surtout  contre      ^''^ 
les  voyageurs.  Vers  ce  moment,  furent  arrêtés  à  Troyes,       «  ^* 
un  libraire  du  nom  de  Michel  et  le  conducteur  du  mohi-  " 

lier  de  Chabouillé,  procureur  du  roi  i\  Melun,  gendre  de 
Jacques  Spifame,  ancien  évoque  de  Nevers,  tous  deux 
se  rendant  à  Genève.  Arrêtés,  mis  dans  les  prisons  de 
révôchc,  ils  s'évadèrent  en  .s'aidant  d'outils  laissés  sous 
les  pavés  par  un  précèdent  détenu. 

Les  processions  sont  souvent  Toccasion  de  troubles. 
Les  huguenots  (l'emploi  de  ce  nom  commence  alors  à  se 
répandre)  (i)  les  voient  toujours  avec  peine.  Le  27  avril 

(1)  B.  B.  Carton  14c  ;  liasse  l^e.  Copie  du  temps. 

(2)  Principales  reliques  de  l'église  de  Troyes,  Sainte-Hoîlde,  Stc- 
Hélèue.  etc. 

(3)  Blq.  mun.  mnsc.  Breyer. 

(4)  On  donne  à  ce  nom  plusieurs  étymologies.  On  le  fût  dériver 


i^e 


1560  CIlAPITnK   XVIll.  457 

1560,  celle  de  St-Jean,  passant  dans  la  rue  Moyenne, 
nommée  alors  la  pelUe  Genève^  il  y  a  tumulte,  jets  de 
pierres;  quelques  maisons  sont  assaillies  et  envahies. 
Un  coup  de  feu  est  tiré  par  le  menuisier  Claudin  Collot 
sur  un  individu  armé  d'une  épée,  qui  veut  entrer  dans 
son  habitation  et  qui  est  tué.  Ce  coup  de  feu  disperse  la 
foule.  On  aurait  reconnu  dans  cette  scène  quelques  pro- 
vocations provenant  d'un  membre  trop  zélé  du  clergé. 
La  justice  informa,  mais  TafTaire  n'eut  pas  de  suite. 

Le  4  décembre  1558,  Nicole  Pithou  (Pitou)  est 
nommé,  ù  l'unanimité,  avocat  de  la  ville,  par  le  Conseil. 
Obligé  de  quitter  Troyes,  à  cause  de  ses  opinions  reli- 
gieuses, le  duc  de  Nevers  insiste  pour  le  faire  remplacer 
par  Nicole  Regnault.  Avant  que  le  Conseil  de  ville  n'eût 
délibéré,  la  salle  est  envahie  par  le  peuple,  qui  s'oppose 
à  la  nomination  de  Regnault  et  demande  l'éloignement 
de  quelques  conseillers  qui  lui  sont  favorables.  Le  Con- 
seil, obligé  de  surseoir,  se  décide,  le  3  août  1560,  par 
provision,  à  nommer  le  protégé  du  duc  de  Nevers,  jus- 
qu'à la  St-Barnabé  prochaine  (1). 

Le  20  août  1560,  un  groupe  représentant  la  Vierge, 
fixé  à  une  maison,  sise  ruelle  Chausson  ou  de  la  Vierge, 
ayant  été  couvert  d'ordures,  ce  fait  fut  imputé  aux  réfor- 
niés.  Une  procession,  en  réparation  de  cet  outrage,  est 
faite  dans  cette  rue.  L'évêque  Carracciole  y  assiste.  A  son 
retour,  on  craint  une  attaque  à  main  armée  par  les  ré- 

d'un  certain  Hugues  Besançon,  chef  d'un  parti  religieux  et  politique 
à  Genève.  Les  autres  de  l'allemand  :  Eidgenossen,  associé,  confé- 
déré ;  nous  ajouterons  que  ce  nom  n*était  pas  nouveau.  Nous  Tavons 
trouvé  au  xv*  siècle  nommant  une  femme  serve  appartenant  à  l'é- 
vêque de  Troyes.  {Arch.  déd,,  série  G.,  1404-1405.  )  —  En  1461- 
146!2y  Huguenot,  Huguenotte  sont  employés  à  nommer  des  hommes 
et  des  femmes.  (  Arch.  dép.  f.  de  St-Etienne.  Comptes  de  la  fabri^ 
que  étiqueté  1361-1362,  quoique  ce  compte  soit  de  1461-1462.— 
Mêmes  arch.  —  1513,  G.  137.  On  trouve  :  Jean  Andry  dit  Hugue- 
not, 
(i)  A.  13. 


458  HISTOIRE  DE  TROYES.  iseo 

formés.  La  procession  se  disperse  et  les  assistants  se 
réfugient  où  ils  peuvent. 

Le  pasteur  Paumier  ne  pouvant,  en  ville,  réunir  ses 
co-religionnaires,  les  assemble  dans  un  village  de  la  ban- 
lieue. Là,  ils  sont  découverts  dans  une  maison  où  les 
gens  de  la  justice  ne  rencontrent  aucun  livre  sur  la  reli- 
gion nouvelle.  Mais,  par  suite  d'une  perquisition  dans 
une  vigne  voisine,  les  archers  et  les  sergents  découvrent 
les  Commentaires  de  Calvin  sur  les  Epitres  de  saint  Paul, 
et  d'autres  livres  sur  la  nouvelle  opinion.  Le  bailli,  pré- 
sent à  celte  expédition,  fait  mettre  en  état  d'arrestation 
le  pasteur  et  ses  adhérents.  Paumier  est  mis  dans  un 
cachot.  11  parvint  à  s'échapper  avant  sa  condamnation- 
L'affaire  n'aurait  pas  eu  d'autre  fin,  mais  Paumier  ne 
reparut  plus  à  Troyes. 

Anne  de  Vaudrey,  en  mai  1560,  est  à  la  tête  du  bail- 
liage depuis  quelques  mois  seulement,  et  déjà  il  est 
l'objet  d'attaques  injurieuses.  Des  placards  dirigés  contre 
lui  sont  affichés  en  ville.  Les  officiers  de  ville  s*en 
excusent. 

En  mai  1560,  l'édit  de  Romorantin  est  publié.  Il  laisse 
aux  évoques  la  connaissance  du  crime  d'hérésie.  Après 
la  publication  de  cet  édit,  œuvre  de  paix  et  de  concilia- 
tion due  à  l'influence  de  Michel  de  L'Hôpital,  les  protes- 
tants obtiennent  plus  de  liberté,  et  ceux  qui  se  cachaient 
ne  craignent  pas  de  se  montrer.  Aussi,  sous  cette  légis- 
lation, le  culte  nouveau  prospère  et  se  développe.  La 
famille  Raguier,  qui,  dans  les  environs  de  Nogent-sur- 
Seine,  possède  un  grand  nombre  de  seigneuries,  se  dé- 
clare ouvertement  pour  la  réforme;  on  compte  Madame 
de  la  Motte -Tilly,  le  sieur  d'Eslernay,  sieur  do  Soligny; 
son  frère,  François  Raguier,  vidame  de  Châlons  (1);  une 
de  leurs  sœurs  cordelière  aux  Dames-hors-des-murs  de 

(1)  Il  fut  dépaté  de  la  noblesse  ponr  le  bailliage  de  Sens  en  1560. 


1600  CHAPITRE  XVIII.  ^59 

Provins,  et  qui  fui  prieure  au  monastère  de  Sl-Cyr,  près 
Paris.  Les  sieur  et  dame  de  Sl-Simon,  seigneur  et  dame 
de  Chanlaloë,  paroisse  de  Bouchery,  et  le  sieur  de 
Besancourt,  fils  de  Madame  do  St-Simon,  demeurant  à 
La  Saulsotte,  imitèrent  la  famille  Raguier  (1). 

Dans  la  nuit  du  19  août,  les  prisons  royaux  sont  for- 
cées et  un  prisonnier  prédicant  (peut-être  Paumier)  est 
mis  en  liberté.  Cette  évasion  causa  un  grand  émoi  parmi 
les  autorités.  Le  présidial  invita  le  maire,  les  écbevins 
et  les  conseillers  de  ville,  à  se  rendre,  en  la  chambre  du 
Conseil,  pour  fournir  leurs  explications  sur  cette  évasion. 
Déférant  à  cette  invitation,  il  est  arrêté  entre  les  deux 
corps  constitués  que  Ton  enverra  des  députés  près  du 
roi,  de  Madame  la  duchesse  douairière  de  Guise,  Antoi- 
nette de  Bourbon,  pour  leur  remontrer  et  leur  faire  en- 
tendre, ainsi  qu'au  duc  de  Guise,  au  cardinal  de  Lorraine 
et  à  d'autres  seigneurs,  que  l'évasion  de  ce  prisonnier 
n'était  pas  le  fait  des  officiers  du  roi,  du  maire,  des  écbe- 
vins ou  autres  gouverneurs  de  la  ville.  Cette  évasion 
donne  lieu  à  une  recrudescence  de  sévérité  dans  la  garde 
de  la  ville.  Les  conseillers  reçoivent  la  cbarge  de  com- 
mander le  guet,  et,  ce  qui  est  complètement  bors  d'usage, 
Messieurs  du  présidial  sont  invités,  par  ordre^  à  com- 
mander le  guet  de  trois  jours  l'un  (2). 

Un  conseiller  au  présidial,  M.  Leclerc  et  M.  Jean  de 
Marisy,  sieur  de  Cervet,  écbevin,  sont  envoyés  vers  le 
roi  et  Madame  la  duchesse  douairière  de  Guise,  afin  de 
porter  à  leur  connaissance  les  circonstances  de  cette 
évasion,  ils  rapportent  au  Conseil  deux  lettres,  l'une  du 
duc  de  Nevers  et  l'autre  de  la  duchesse  douairière  de 
Guise,  où  se  traduit  le  mécontentement  de  l'un  et  de 
l'autre  (3).  <  Le  roi,  >  disent  au  Conseil  les  deux  dépu* 

(1)  Cl.  Hatton.  Mém.  p.  127. 

(2)  A.  13. 

(3)  A  13,  où  ces  lettres  sont  transcrites. 


460  HISTOIRE   DE  TROYES.  1560 

téSf  dans  la  séance  du  30  août,  c   est  raalcontent  de 

>  Tévasion  du  prisonnier  prédicant,  faisant  partie  de  ces 

>  méchants  hérétiques.  »  Le  roi  a  annoncé  qu'il  enver- 
rait 500  lances  et  800  hommes  de  pied  en  garnison, 
pour  châtier  la  ville,  si  une  pareille  sédition  et  émotion 
se  renouvelait  (1). 

Celte  lutte,  entre  les  partis,  est  de  tous  les  instants. 
Le  Conseil,  ayant  à  sa  tête,  Denis  Clérey,  seigneur  de 
Vaubercey,  homme  intelligent  et  qui  voudrait  la  paix, 
tend  non  pas  à  rallier,  à  réunir  les  partis,  dès  cette  épo- 
que, la  scission  est  telle  quMl  n*y  a  plus  lieu  d'espérer  de 
rapprochement,  mais  il  s'efforce  de  ramener  te  calme  dans 
la  ville,  011  les  partis  sont  pleins  d'ardeur  et  d'énergie. 

Ainsi,  malgré  le  mécontentement  du  roi,  du  gouver- 
neur, du  duc  et  de  la  duchesse  douairière  de  Guise,  dans 
une  assemblée  générale  des  habitants,  tenue  à  l'évêché, 
et  à  laquelle  assiste  Caracciole,  il  est  dit  que  ^  des  plain- 
tes se  sont  élevées  contre  certains  prédicateurs  catholi- 
ques, qui  ont  usé,  dans  des  entretiens  publics  et  dans 
leurs  sermons,  de  plusieurs  exclamations  et  invectives 
s'adressant  à  certains  états  de  la  ville,  même  aux  offi- 
ciers de  justice.  Ces  invectives  ne  portent,  dit-on,  d'au- 
tres fruits  que  ceux  de  la  dérision  contre  les  ministres 
de  la  justice  et  excitent  le  peuple  à  la  haine  et  à  la  mal- 
veillance contre  ceux  qui  ont  l'autorité  entre  les  mains. 
Sur  cette  plainte,  il  est  arrôté  que  le  gardien  des  Corde- 
liers  et  le  prieur  des  Jacobins  seront  exhortés  et  admo- 
nestés de  cesser  ces  invectives,  et  seront  invités  à 
«  cnhorter,  »  dans  leurs  prédications,  le  peuple  à  révérer 
et  honorer  la  justice  et  ses  ministres,  et  que  ladite  en- 
hortation  se  feroit  tant  de  la  part  du  révérend  évoque 
que  des  officiers  du  roi,  du  maire  et  des  échevins,  avec 
communication  et  autorisation  do  la  justice.  » 

(1)  A.  13. 


1560  CHAPITRE   XVUI.  461 

Dans  cette  assemblée,  presque  solennelle,  les  proces- 
sions sont  interdites,  à  cause  des  émotions  qu'elles  pro- 
voquent et  par  crainte  de  tumulte  et  de  sédition.  —  Le 
guet  est  continué.  —  Huit  hommes,  par  quartier,  veille- 
ront et  avertiront  les  habitants  en  cas  dMncendie  ou  de 
tout  autre  forfait.  —  «  A  chaque  carron,  j>  ou  coin  de 
rue,  il  y  aura  lanterne  allumée.  —  Les  tavernes  et  les 
cabarets  sont  interdits,  et  il  est  ordonné  de  <  faire  nou- 
veau cri  »  de  Tédit  du  roi  à  ce  sujet.  —  Il  est  défendu  à 
tout  habitant  de  porter  des  armes,  sauf  aux  gentilshom- 
mes et  aux  hommes  d'ordonnance.  —  On  expulsera  les 
étrangers,  les  vagabonds  et  les  bélîtres.  —  11  est  expres- 
sénnent  défendu  de  s'injurier  par  les  mots  de  huguenots, 
de  luthériens  et  autres  de  même  sorte,  à  peine  d'amende 
et  de  prison.  —  Les  maîtres  donneront  le  nombre  des 
ouvriers  qu'ils  occupent.  —  Une  compagnie  de  200 
hommes  sera  formée  et  divisée  en  quatre  cinquantaines  ; 
elle  sera  commandée  par  les  échevins  et  conseillers  de 
ville.  Elle  devra  se  porter  au  secours  partout  où  il  sera 
besoin  en  cas  d'émotion  (1). 

Dans  le  but  de  pacifier  les  esprits,  ^e  Conseil  de  ville 
décide  (15  juillet  1560)  que  les  élections  du  maire,  des 
échevins  et  des  conseillers  de  ville  qui  se  font  habituel- 
lement à  haute  voix  (on  verra  bientôt  procéder  ainsi  à 
Télection  des  députés  aux  Etats-Généraux),  se  feront  à 
Tavenir  par  billets  ou  bulletins,  comme  nous  disons  au- 
jourd'hui, «  afin  d'éviter  brigues  ou  faveurs  (2).  » 

Les  excellentes  résolutions,  arrêtées  dans  l'assemblée 
générale  tenue  à  l'évêché,  ne  reçurent  sans  doute  qu'une 
faible  et  timide  exécution.  Les  événements  se  succèdent 
avec  rapidité.  Bientôt,  d'autres  soins  vont  préoccuper  la 
cité,  et,  dans  les  deux  partis,  naissent  la  crainte  et  l'es- 
^)érance.  Le  roi  et  sa  mère  arrêtent,  le  26  août,  que  les 

(1)  A.  i3. 

(2)  A.  13. 


463  HISTOIRE  DB   TROYES.  tW 

Etats-Généraux  se  réuniront  et  que,  si  un  concile  ^néral 
ne  peut  être  convoqué,  il  sera  ouvert  un  concile  natioDal 
avant  le  10  janvier.  Toute  exécution  de  peines  pronon- 
cées  contre  les  protestants  est  suspendue.  Ces  résolu- 
tions sont  prises  dans  une  assemblée  à  laquelle  assis* 
tent  les  princes  du  sang,  les  conseillers  d*Etat,  les  ma- 
réchaux de  France,  les  gouverneurs  des  provinces  et  les 
chevaliers  de  Tordre  du  roi.  Les  partis  opposés  y  sont 
entendus;  les  catholiques,  par  les  Guise;  les  réformés, 
par  le  prince  de  Condé,  le  roi  de  Navarre  et  les  Coligny. 
Celte  première  assemblée  fut  tenue  à  Fontainebleau. 
Chacun  des  princes  s*y  était  rendu  à  la  tête  de  gentils- 
hommes et  de  gens  de  guerre.  Toute  cette  cavalerie  fut 
dispersée  par  toute  la  France.  Le  duc  de  Nevers  se  rendit 
à  Troyes  avec  sa  cornette  ou  compagnie  et  celles  du 
prince  de  Condé,  de  François  d'Esté,  de  la  Rocbe-du- 
Maine  et  de  Beauvais  (1). 

Sous  la  date  du  30  août,  datée  de  Fontainebleau, 
adressée  à  Anne  de  Vaudrey,  une  lettre  du  roi  ordonne 
la  convocation  des  Etals-Généraux,  pour  le  10  décembre, 
à  Meaux.  Cette  lettre  est  apportée  à  Troyes  par  un  che- 
vaucheur  de  Técurie  du  roi. 

Le  roi  expose  dans  cette  lettre  que,  désirant  remettre 
la  religion  en  sa  première  pureté  et  relever  le  peuple  des 
grandes  charges  qui  pèsent  sur  lui,  il  a  été  d'accord, 
avec  les  grands  du  royaume,  de  proposer  la  réformation 
de  TEglise  par  un  concile  général,  s'il  est  possible,  ou 
par  un  concile  national  formé  des  évoques  et  prélats  du 
royaume,  et  de  convoquer  les  trois  ordres  <  qu'on  appelle 
les  Etals-Généraux,  >  pour  entendre  et  examiner  les 
plaintes  de  tous  les  affligés,  et,  sans  acception  de  per- 
sonne, y  donner  tel  remède  que  le  mal  requiert  et  les 
soulager  autant  que  les  affaires  de  TEtat  le  permettent 

(1)  De  Thou.  Hiat.  de  mon  temps,  t.  n,  p.  139.  in-f>. 


1560  CHAPITRE  XVm.  463 

Il  semble,  dit  le  roi,  utile  de  déraciner  toute  corruption 
de  TEglise  et  de  reprendre  Vancienne  forme  de  communi- 
quer y  par  le  moyen  desdits  Etats,  avec  les  peuples  soumis 
à  son  obéissance,  et  leur  faire  connaître  combien  il  désire 
les  favoriser  en  tout  ce  qui  touche  leur  repos  et  soula- 
gement. En  conséquence,  le  roi  convoque  les  Etats,  dans 
la  ville  de  Meaux,  pour  le  40  décembre.  Il  entend  et  dé- 
sire qu'à  cette  assemblée  se  trouvent  les  principaux  per- 
sonnages de  chaque  province,  bien  instruits  des  remon- 
trances qu'ils  auront  à  faire.  Il  ordonne  la  publication  de 
ses  lettres  partout  où  besoin  sera,  et  la  réunion  de  gens 
compétents  pour  dresser  les  cahiers  de  remontrances, 
plaintes  et  doléances  qui  seront  portés  aux  Etats,  aux- 
quels viendra  se  joindre,  de  chacun  des  trois  ordres, 
c  au  moins  un  bon  peirsonnage  choisi  à  cet  effet.  :»  D'ici 
au  jour  de  la  réunion  des  Etats,  les  lieutenants  du  roi  et 
les  gouverneurs  des  provinces  visiteront  les  villes  et 
autres  lieux  confiés  à  leur  gouvernement,  pour  entendre 
par  le  menu  et,  après,  rapporter  au  roi  les  doléances  du 
peuple  et  aviser  ce  qu'il  sera  utile  d'être  ordonné  pour  le 
bien  de  leur  province,  en  faisant  entendre  au  peuple  le 
désir  que  le  roi  a  de  le  soulager  à  l'avenir;  ayant,  à  l'égard 
des  tailles,  commencé  à  les  réduire  à  l'état  où  elles  étaient 
en  temps  de  paix,  avec  espérance  de  faire  plus  encore 
s'il  est  possible. 

Les  évêques,  les  prélats  et  les  autres  membres  de 
l'Eglise,  qui,  sur  l'ordre  reçu  par  eux,  se  sont  retirés  en 
leur  résidence,  sont  invités  à  se  tenir  prêts  à  se  diriger, 
le  20  janvier  prochain,  sur  la  ville  qui  leur  sera  indiquée 
pour  siège  du  concile  national.  D'ici  là,  les  évêques  sont 
autorisés  à  réformer  les  abus  que  la  négligence  des  pré- 
lats ou  la  corruption  du  temps  auront  laissé  introduire 
dans  l'Eglise  <  comme  répugnante  à  la  doctrine  de  Dieu 
et  des  saints  conciles  de  l'Eglise.  »  Puis,  il  est  recom- 
mandé aux  baillis  c  de  tenir  l'csil  ouvert  «t  de  donner 


464  HISTOIRE  DE   TROYES.  iso) 

ordre  que  les  esprits  malins  qui  pourroient  être  compo- 
sés c  des  reliques  >  (des  restes)  de  la  rébellion  et  du 
tumulte  d*Amboise,  ou  autres  gens  studieux  (amis)  de 
nouveauté  et  d*altération  d'états,  s'il  y  en  a,  soient  dé- 
couverts et  retenus  de  manière  à  ne  pouvoir  corrompre 
les  faibles,  encouragés  qu'ils  pourroient  être  par  Timpu- 
nité  dont  ils  ont  joui,  ni  altérer,  par  leur  manœuvre,  la 
tranquillité  des  bons  et  loyaux  sujets  du  roi,  qui  doivent 
attendre  le  bien  que  procureront  les  saintes  assemblées 
convoquées  pour  apaiser  la  colère  de  Dieu  et  retenir  la 
concorde  et  l'union  entre  tous  ceux  qui  ne  reconnaissent 
qu'un  seul  Dieu  et  un  roi  (1).  2> 

Le  duc  de  Nevers,  gouverneur  de  la  province,  et  Charles 
de  la  Uochefoucault,  seigneur  de  Barbezieux  et  de  Ven- 
deuvrc,  se  conforment  aux  ordres  du  roi.  Ils  résident  à 
Troyes  pendant  les  élections  et  le  temps  employé  à  la 
rédaction  des  cahiers  (2). 

Par  lettre  du  roi,  du  9  novembre,  le  lieu  de  la  réunion 
des  Etats  est  changé.  La  ville  d'Orléans  est  choisie  comme 
étant  située  plus  au  centre  du  royaume,  assise  en  pays 
fertile,  abondant  en  toutes  choses  nécessaires  pour  une 
réunion  aussi  considérable,  qui  y  sera  plus  commodé- 
ment logée. 

La  lettre  du  roi,  datée  du  30  août,  est  communiquée, 
en  présence  du  bailli,  aux  officiers  du  roi,  et  le  lieute- 
nant-général délivra  les  commissions  au  maire  et  aux 
échevins  de  Troyes,  aux  baillis,  aux  prévôts  et  aux  juges 
des  châtellenies  assises  dans  le  bailliage  de  Troyes  et 
dans  son  ancien  ressort,  et  des  mairies  royales  comprises 
dans  la  prévôté  de  Troyes,  afin  de  convoquer,  par  devant 
eux  et  dans  le  lieu  principal  de  leur  juridiction,  tous  ceux 
des  Trois  Etats  qui  voudront  comparaître,  afin  de  confé- 

(1)  B.  6.  i5«  carton,  2e  liasse. 

(2)  Ils  reçoivent  des  présents  de  la  ville,  en  linge  ;  le  duc  pour 
300  liv.  et  son  lieutenant,  pour  la  moitié  de  cette  somme.  (A.  13). 


^560  CHAPITRE  XVIII.  465 

rep  ensemble  des  remontrances  à  adresser  au  roi,  choisir 
parmi  eux  au  moins  un  bon  personnage  dans  chacun  des 
ordres,  afin,  par  ces  premiers  élus,  de  comparaître  en- 
suite devant  le  bailli,  au  palais  royal,  le  29  octobre, 
pour  que  tous  les  élus  des  châtellenies  et  des  seigneu- 
ries puissent  traiter  et  conférer  ensemble  des  remontran- 
ces, plaintes  et  doléances  qui  devront  être  portées  aux 
F^lats-Généraux  ;  aviser  aux  propositions  qui  seraient  à 
faire  au  profit  du  bien,  du  repos  et  du  soulagement  du 
peuple;  enfin  élire,  dans  chaque  ordre,  pour  le  moins  un 
député.  Ceux  auxquels  ces  commissions  sont  adressées 
sont  invités  à  faire  connaître,  sous  leur  signature  et 
celle  de  leur  greffier,  les  points  qu'ils  jugeront  propres  à 
être  traités  dans  la  réunion  préparatoire  fixée  à  Troyes. 
Le  42  octobre,  le  maire  de  Troyes,  Denis  Clérey,  avec 
quatre  échevins,  Claude  le  Tartrier,  Jean  Mercier,  Fran- 
çois Bouillerot  et  Nicolas  de  Laffertey,  se  présentent, 
accompagnés  de  Jean  Desrieux,  procureur  de  la  ville, 
devant  le  lieutenant-général,  et  lui  font  connaître  qu'ils 
ont  convoqué,  en  la  chambre  de  l'échevinage,  pour  le 
surlendemain,  lA,  les  Trois  Etats  de  la  ville,  et  le  prient 
et  au  besoin  le  requièrent  de  venir  présider  l'assemblée, 
«  attendu  qu'elle  est  générale,  des  Trois-Etats,  d  et  de 
dresser  le  procès-verbal  de  cette  assemblée. 

Le  même  jour,  le  Conseil  de  ville  décide  que  le  man- 
dement du  roi  sera  remis  à  chacun  des  états  et  métiers 
de  la  ville,  afin  que  tous  les  suppôts  desdits  métiers 
puissent  conférer  ensemble  des  causes  de  ce  mandement 
et  rédiger  €  leurs  plaintifs  et  doléances,  »  qui  seront 
remis  au  greffier  de  l'échevinage  pour  en  faire  procès- 
verbal,  après  les  avoir  revus,  puis  les  porter  à  l'assem- 
blée générale  du  bailliage  du  29  octobre. 

Le  lundi  14,  l'assemblée  primaire,  celle  à  laquelle  se 
rendent  les  Trois  Etals  de  la  ville,  s'ouvre  sous  la  prési- 
dence de  Noël  Coëffarl,  lieutenant-général.  Après  avoir 
II L  80 


466  HISTOIRE    DE   TROYES.  156O 

exposé  les  causes  et  le  but  de  rassemblée,  cet  ofTicier 
royal  collige  les  voix  des  assistants  votant,  à  haute  voix, 
sur  les  délégués  qui  doivent  se  rendre  à  la  réunion  du 
29,  avec  les  autres  états  du  bailliage  et  y  nommer  les 
députés  aux  Etats-Généraux.  Chaque  votant  donne  sa 
voix  pour  deux  délégués  de  chacun  des  trois  ordres,  du 
clergé,  de  la  noblesse  et  du  tiers-état. 

Le  premier  votant  fut  le  lieutenant  particulier;  le 
deuxième  fut  le  maire;  le  troisième,  Guillaume  des 
Meurs,  écuyer,  puis  les  sept  échevins  en  exercice,  Denis 
Lebey,  Nicolas  de  Lalfertey,  François  Bouillerot,  Jacques 
Perricard,  Jean  le  Tartrier,  Jean  Mercier  et  Jean  Paillot; 
puis  Messire  Nicole  le  Tartrier,  archidiacre  de  Margerie 
en  Téglise  de  Troyes  et  officiai  de  Tévêché;  Nicole  Hen- 
nequin,  doyen  de  la  collégiale  de  Sl-Urbain;  Laurent 
Royer,  sous-doyen  de  la  même  église  ;  Guillaume  Millet, 
scolastique  de  la  collégiale  de  St-Etienne  ;  Nicolas  Mer- 
gcy,  curé  de  Notre-Dame-aux-Nonnains  ;  les  conseillers 
de  ville  au  nombre  de  huit;  puis  après  eux  viennent  les 
corporations,  représentées  par  un  ou  par  deux  délégués, 
suivant  le  nombre  de  leurs  membres.  Celles  qui  prennent 
part  au  vote  sont  au  nombre  de  cinquante-huit,  savoir: 

Les  nobles  et  bourgeois,  les  avocats  en  cour  laie,  les 
procureurs  en  cour  laie,  les  notaires  royaux,  les  sergents 
royaux,  les  médecins,  les  avocats  en  cour  d'église,  les 
procureurs  en  cour  d'église,  les  marchands  merciers, 
grossiers  et  ferronniers,  les  drapiers  et  chaussetiers,  les 
teinturiers  de  draps,  lesapothicaires,  les  chirurgiens,  les 
orfèvres,  les  tanneurs  et  corroyeurs,  les  bouchers  et 
écorcheurs,  les  foulons-lanneurs  et  tisserands  de  draps, 
les  fondeurs  et  maignans  (chaudronniers),  les  papetiers, 
les  parcheminiers,  les  imprimeurs,  enlumineurs,  ima- 
giers, peintres- verriers  et  brodeurs,  les  boulangers,  les 
pâtissiers,  les  potiers  d'étain,  les  aiguilletiers,  les  bon- 
netiers, les  chapeliers,  les  tisserands  de  toiles,  les  pelle- 


f500  CHAPITRE   XVIIl.  467 

tiers,  les  charpentiers,  les  menuisiers,  les  tondeurs,  les 
serruriers,  les  maçons,  les  couvreurs,  les  lorcheurs,  les 
armuriers,  fourbisseurs,  couteliers  et  gaîniers,  les  sel- 
liers et  éperonniers,  les  contrepointiers,  les  couturiers, 
les  pourpointiers,  les  bougraniers,  les  cordonniers,  les 
bazaniers,  les  savetiers,  les  tonneliers,  les  vinaigriers,  les 
huiliers,  les  maréchaux,  les  taillandiers,  les  tapissiers, 
les  épingliers,  les  estulliers,  les  royers  (charrons), 
les  collerons,  les  tourneurs,  les  cordiers,  les  aléniers. 

Il  n'est  donné  défaut  que  contre  une  seule  corpora- 
tion, celles  des  lanlerniers. 

Les  corporations,  depuis  1536,  envoyaient  «  leurs 
portants-voix  i^  aux  élections  du  jnaire,  des  échevins  et 
des  conseillers  de  ville.  Ces  portants-voix  étaient  élus  la 
veille  du  jour  de  Télection  à  laquelle  ils  devaient  coopé- 
rer. Les  corporations  comptent  donc  pour  chacune  une 
tète,  tandis  que  certains  personnages,  votant  isolément, 
comptent  eux-mêmes  pour  une  tète. 

Les  votants  donnent  leurs  voix  aux  candidats  choisis 
dans  le  clergé,  la  noblesse  et  le  tiers-état  (1). 

Cette  élection  eut  pour  résultat  d  envoyer,  en  qualité 
de  votants,  à  rassemblée  du  29  octobre  : 

Pour  le  clergé  :  Révérend  père  en  Dieu,  Antoine 
Caracciole,  prince  de  Melphe,  évêque  de  Troyes;  Jacques 
Guillemel,  doyen  de  St-Pierre  de  Troyes;  Yves  leTartrier, 
doyen  de  la  collégiale  de  St-Etienne;  Nicole  Hennequin, 
doyen  de  celle  de  St-Urbain  ;  Maurice  de  Gyé,  grand- 
archidiacre;  Nicole  leTartrier,  officiai;  Antoine  Perri- 
card,  archidiacre  d'Arcis,  chanoine  de  Sl-Pierre  ;  Laurent 
Royer,  sous-doyen  de  St-Etienne  ;  Guillaume  Millet,  sco- 


(1)  Les  votes  sont  ainsi  rapportés  :  t  Denys  Clércy  a  csleu,  pour 
le  clergé,  Me  Jacques  Guillemel  et  Anthoine  Perricard  ;  pour  la  no- 
blesse, Jean  de  Marisy,  sieur  de  Cervet,  et  François  de  Marisy;  et 
pour  le  tirs-estat,  M«?  Philippe*  Belin  et  Christofle  Angenoust,  »  et 
ain»i  des  autres  votes  exprimés. 


468  HISTOIRK   DK   TROYES.  1560 

lastique  de  cette  église,  et  Nicole  Mergey,  curé  de  St- 
Jacques-aux-Nonnains. 

Pour  la  noblesse  :  Jean  de  Marisy,  sieur  de  Cervet; 
Odard  le  Mercier,  le  jeune,  sieur  de  St-Parres  ;  Jacques 
Menisson,  sieur  de  Doches,  et  François  de  Marisy,  secré- 
taire du  duc  de  Guise. 

Pour  le  tiers-état  :  Jean  de  Mesgrigny,  président 
au  présidial;  Philippe  Belin,  lieutenant  particulier  au 
bailliage;  Augustin  Lihoron,  avocat;  Denis  Clérey,  sieur 
de  Vaubercey,  maire  de  Troyes;  Christophe  Angenoust, 
niarchand  et  ancien  maire  de  Troyes;  Jacques  Mauroy, 
Claude  Pinette  et  Louis  Guérin,  conseillers  de  ville. 

Ces  délégués  du  premier  degré  reçoivent  de  ceux  qui 
les  ont  élus,  leurs  remontrances,  afin  de  s'en  inspirer, 
lors  de  la  rédaction  des  cahiers  définitifs,  qu'ils  sont 
chargés  de  dresser  avec  les  envoyés  des  chàtellenies. 

Le  gouverneur  de  Champagne  et  son  lieutenant- 
général  n'assistent  point  à  la  réunion  du  29  octobre, 
€  parce  qu'elle  ne  concernait  que  le  tiers -état.  >  A  cette 
assemblée,  l'élection  des  députés  des  trois  ordres  se  fait 
comme  nous  l'avons  indiqué  pour  celle  qui  eut  Heu 
le  42. 

Après  avoir  reçu  les  votes  des  délégués  des  trois  or- 
dres de  la  ville  de  Troyes,  le  lieutenant-général,  prési- 
dant, recueille  ceux  des  envoyés  par  les  trois  états  des 
chàtellenies.  On  compte  parmi  les  seigneuries,  chûtelle- 
nies  et  justices  représentées  : 

Les  états  de  la  ville  et  du  bailliage  de  Joigny;  ceux 
des  villes  et  des  bailliages  d'Ervy,  de  St-Florentin,  de 
Méry-sur-Seine,  de  l'Isle-sous-Montréal,  de  Nogent-sur- 
Seine,  de  Pont-sur-Seine,  de  Traînel,  de  la  Ferté-Loup- 
tière,  de  Chaource,  de  Virey-sous-Bar,  de  Marigny;  les 
états  des  bailliages  de  Jaucourt,  de  Vendeuvre,  de  Magnant, 
de  Montiéramey  de  Chappes,  de  la  Grève  (près  Pont-su^ 
Seine),  de  Payns,  d'Arcis,  de  Bourdenay,  de  Maligny,  de 


1560  CHAPITRE   XVIIf.  469 

St-Phal;  les  états  des  villes  et  des  bailliages  de  Danne- 
moine,  des  bailliages  de  Saultour,  de  Coursan,  dMsle 
(Aumont),  de  Chacenay,  de  Fontetle,  de  Bligny,  de  Spoy, 
de  Cézy,  d'Esnon,  de  Précy,  de  Garchy;  les  états  de  la 
terre  et  seigneurie  de  Milly,  des  bailliages  de  Sormery,  de 
Jully  (sur  Sarce),  des  mairies  royales  des  Noës,  de 
Preize,  de  Croncels,  de  Rhèges,  d'Aillefol,  de  Chaillouet, 
d'Onjon,  de  Bouy  et  de  Lusigny;  les  états  de  la  prévôté 
de  St-Sépulcre  (1). 

Il  est  donné  défaut  contre  les  états  des  bailliages  de 
Villemaur,  deSt-Maurice-en-Thirouaille,  des  terres  et  sei- 
gneuries de  St-Liébaut(Estissac)  et  de  Flacy  ;  de  ceux  des 
mairies  royales  de  la  Barbuise,  de  Mesnil-Sellières,  de 
Barberey-aux-Moines,  de  Laubressel  et  de  ceux  de  la  pré- 
vôté de  Torvilliers. 

Sont  élus  députés  aux  Etats-Généraux  : 

Î^OUR  LE  CLERGÉ  du  bailliage  :  Yves  le  Tartier,  doyen 
de  la  collégiale  de  St-Etienne,  et  Antoine  Perricard, 
archidiacre  d'Arcis,  chanoine  de  St-Pierre. 

Pour  la  noblesse  :  Anne  de  Vaudrey,  seigneur  de 
St-Phal,  bailli  de  Troyes,  et  Ferry  de  Nicey,  seigneur  de 
Nicey  et  de  Rumilly-lès-Vaudes. 

Pour  le  tiers-état  :  Philippe  Belin,  lieutenant  par- 
ticulier, et  Denis  Clérey,  sieur  de  Vaubercey,  maire  de 
Troves. 

Quoiqu'il  n'y  eût  que  deux  députés  élus  pour  le  tiers- 
état,  il  y  a  lieu  de  comprendre,  en  qualité  de  troisième 
député,  M.  Jean  Paillot,  qui,  comme  tel,  signe  avec  les 
autres  députés  de  la  province,  les  remontrances  du  comté 
de  Champagne. 

M.  Jean  Paillot  est  mis  au  nombre  des  députés  du 

(1)  Cette  liste  comprend  des  noms  de  lieux  dont  les  justices  ne 
i*essortissaient  pas  directement  au  bailliage  et  au  siège  présidial  de 
Troyes,  telles  que  Milly,  Gai'chy,  etc. 


no  IIISTOIHI^.   DK   TROYES.  tSKO 

bailliage  (.1;,  quoiqu'il  n'eût  recueilli  aucune  voix  à  Télec- 
lion  généraie  du  !29  octobre.  Il  prit  rang  parmi  les  dépu- 
tés, ayant  été  désigné  par  le  Conseil  de  ville,  dans 
sa  séance  du  2G  novembre,  afin  d'assister  M.  de 
Vaubercey,  maire  de  Troyes,  élu  député  du  tiers-état. 

Le  lendemain  de  Télection,  les  élus  des  trois  ordres  se 
présentèrent,  au  palais  royal,  devant  le  lieutenant-général, 
l'avocat  et  le  procureur  du  roi,  et  déclarèrent  à  ces  ma- 
gistrats qu'ils  acceptaient  la  charge  qui  leur  était  donnée 
et  s'engagèrent  au  besoin  à  prêter  le  serment  devant  le 
roi  ou  celui  qui  présidera  l'assemblée  des  Etats-Généraux. 

A  la  même  séance,  le  maire,  les  éclievins  et  les  con- 
seillers de  ville  remirent  aux  mains  du  lieutenant-général 
<  et  sous  son  bon  plaisir  et  correction,  »  un  cahier  con- 
tenant leurs  remontrances,  mais  non  celles  du  clei^, 
ni  d'aucune  corporation  des  métiers.  Parmi  ces  corpora-        — 
lions,   celles  des  tisserands  de  toiles,  des  drapiers  et      .:^{ 
chaussetiers,  des  huiliers,  boulangers,  maréchaux,  apo-    —  - 
thicaircs,  peintres  et  esluliers^  seraient  les  seules  qui  au-  —  ^- 
raient  dressé  des  cahitrs  particuliers. 

Tous  les  (Hats  des  châtellenies  ne  remirent  pas  leurs«=:-«^rs 

cahiers;  dix  liront  défaut.  Ce  lurent  les  états  de  Pont,  de^^  l_ile 
Chappes,  de  Payns,  de  Bourdenay,  de  St-Phal,  d'Isk.^  I  -le 
I  Aunionl  I,  de  ('.hacennv,  de  Fonlelle,  do  Précv,  de  iMilIv.  --^  Jv, 
cl  ceux  de  la  plupart  des  mairies  royales. 

Au  moment  de  la   reniiso  des  cahiers,  le  lieulenaiil- J  m.  il- 
général  inibnna  (|ue  le  roi  voulait  (|ue,  dans  les  remoii-  m  «n- 
tranees  *  baillées  aux  députés,  il  ne  soit  nullement  lou  m^  u- 
ché  aux  questions  relatives  à  la  foi  de  la  religion  chré-  -"-^'é- 
tienne,   ni  à   tout    ce   (jui   s'y   rapporte.  •  Les  délégués  -f^  Ci^ 
répondirent  que  les  cahiers  qu'ils  déposaient  ne  conte-  --^u^e- 
naionl  rien  qui  fût  relatif  à  la  foi  et  à  la  religion,  ni  à  U  A    Ai 
doctrine;   (|u'il  n'y  était  (|uestion  que  de  la  vie  et  de  -^3e.v 

(  1  )  Augustin  Thierry.  Histoire  du  Tiers-Etat. 


1568  CHAPITRE   XVIII.  471 

mœurs  des  gens  d'église  et  de  radministration  des  béné- 
fices, dont  la  réformation  soulagerait  le  peuple  et  tour- 
nerait au  profit  du  bien  public,  de  Tinstruction  et  de 
Tédification  du  peuple;  que  ce  qu'ils  disaient  n'était 
point  pour  déplaire  ni  pour  désobéir  au  roi,  mais  pour 
Tavertir  de  ce  qui  existait  et  servir  au  concile  national 
ou  général  annoncé  pour  le  mois  de  janvier. 

Communication  de  ces  dernières  observations  fut 
donnée  au  duc  de  Nevers  par  le  bailli  et  autres  délégués 
co.ximis  à  cet  effet  par  rassemblée.  Le  gouverneur  de 
Champagne  ne  fit  aucune  objection  à  la  rédaction  qui 
lui  fut  présentée. 

Le  30  octobre,  l'assemblée  générale  du  bailliage  dé- 
cida qu'il  serait  fait  lecture  des  remontrances  dressées  par 
le  maire,  les  échevins  et  les  conseillers  de  la  ville  de 
Troyes,  sauf  à  ajouter,  retrancher  ou  corriger  ce  qui 
serait  jugé  utile  et  convenable.  Les  rédacteurs  des  remon- 
trances, dressées  pour  la  ville  de  Troyes,  étaient  MM.  Guil- 
laume le  Mercier,  Robert  et  Christophe  Angenoust,  Guil- 
laume Format,  Claude  Pinette,  Louis  Guérin  et  Jacques 
Mauroy,  membres  de  Téchevinage  et  du  Conseil  de 
ville  (1). 

Les  principales  remontrances  portent  sur  les  points 
suivants  : 

Toutes  les  dignités  et  tous  les  bénéfices  de  l'église 
seront  remis  à  l'élection  de  la  primitive  église.  —  Ces 
dignités  et  bénéfices  seront  donnés,  par  l'élection,  à  des 
prêtres  instruits,  de  sainte  vie,  faisant  résidence,  veillant 
sur  leurs  troupeaux,  administrant  la  parole  de  Dieu, 
assistant  aux  services  divins  et  donnant  le  bon  exemple. 
—  Nul  ne  sera  reçu  abbé  ou  prieur,  sans  avoir  fait  pro- 
fession de  religion.  —  Toute  personne  ne  pourra  jouir 
que  d'un  bénéfice  et  y  résidera.  —  Tout  curé  adminis- 

(i)  A.  13. 


172  HISTOIRE   DE   TROYES.  f56o 

Irera  les  sacrements  sans  rien  recevoir,  sinon  pour  les 
onlerreinenls,  ce  qui  est  fixé  par  arrêt  de  la  cour.  — 
Aucun  prêtre  ne  sera  reçu  avant  Tâgc  de  trente  ans;  il 
sera  docte  et  de  bonnes  vie  et  mœurs,  et  il  lui  sera  assuré 
un  revenu  d'au  moins  50  livres  par  an.  —  Les  bénéfi- 
ciers  ne  pourront  mettre  à  ferme  le  revenu  de  leur  bé- 
néfice tant  spirituel  que  temporel,  mais  ils  le  percevront 
eux-mêmes  :  les  fermiers  spéculant  sur  ce  revenu  en  re- 
tenant les  blés  et  les  vins  en  temps  de  cherté.  —  Le  nom- 
bre dos  prêtres  sera  fixé  pour  chaque  paroisse.  —  Toute 
personne  de  main-morte,  sous  la  juridiction  ecclésiasti- 
que, pourra  se  racheter,  au  dire  de  gens  de  bien.  —  Les 
maîtres  spirituels  des  hôtels-Dieu  pourront  être  cIiaDgés 
sur  la  demande  des  administrateurs  laïques.  —  La  sup- 
pression totale  des  annates  sera  ordonnée,  les  grâces 
expectatives  réservées  aux  évêques  et  la  collation  des 
bénéfices  seront  faites  à  ceux  qui  seront  préseotés  et 
élus  par  le  peuple. 

Le  roi  assistera  souvent  à  son  conseil  privé,  pour  con-       — 

naître  des  affaires  de  son  royaume  et  entendre  les  do- 

léances  de  son  peuple.  —  Il  donnera  audience  publique     ^m^. 

et  à  porte  ouverte  afin  qu'après  avoir  entendu  les  plaiii- 

tes,  il  donne  bonne  et  briùve  justice  à  l'exemple   de  Si-  —  ^- 

Louis  et  autres  rois  ses  successeurs.    -  Aucune  confis -s- 

eation  ne  sera   prononcée   sans  avoir  entendu   la  partit^  ^  ^  i<^ 
accusée. 

La  ifendanneric  île  pied  et  de  cheval  sera  payée,  de  ^— ♦  '^' 

trois  mois  en  trois  mois,  sans  aucune  retenue,  afin  d  em *- 

pêcherie  peuple  (ItHro  molesté.  —  Aucun  capitaine  ne   ^^-^^ 
fera  sonner  le  tambourin   sans   que  ses  g^ens   d'arme.-    -^ 
fussent  payés   suffisaniment  [lour  se   rendre  à  son  pro- 
chain gîte.  —  Les  gens  de  guerre  ne  logeront  pas  dans 
les  maisons  des  curés  ou  vicaires. 

Tons  Ips  oUicos  de  judicalure  seront  soumis  à  l'élec- 
tion, qui  se  fera  par  les  trois  états  des  villes,  ^  Les  élus 


-^,» 


1560  CIIAIMTHK   XVIll  473 

seront  des  gens  doctes,  de  notables  vie  et  conversation, 
cl  bien  expérimentés  en  pratique.  —  Ces  officiers  feront 
bonne  justice.  —  Le  roi  ne  fera  plus  don  de  ces  offices 
qui  sont  revendus  à  bénéfice.  —  Ceux  qui  trafiquent  de 
ces  offices  seront  déclarés  infâmes  et  incapables  de  les 
tenir  à  Tavenir.  —  Ceux  qui  aspirent  aux  offices  dejudi- 
cature  seront  examinés  par  le  Parlement,  selon  qu'il  a 
été  ordonné  par  François  I»r.  —  La  suppression  des 
épices  sera  ordonnée.  —  Elles  seront  remplacées  par  un 
traitement  raisonnable.  —  Les  avocats  et  procureurs  du 
roi  ne  seront  plus  stipendiés  (salariés)  par  les  habitants 
des  bailliages,  ils  recevront  du  roi  gages  raisonnables. 
—  Ils  ne  plaideront  et  ne  consulteront  plus  que  pour  le 
roi  seulement.  —  Le  nombre  des  juges  sera  réduit.  — 
Le  roi  fera  rentrer,  moyennant  rachat,  les  justices 
royales  aliénées,  dans  son  domaine.  —  Le  greffe  des 
insinuations  sera  aboli.  —  La  durée  des  lettres  de  répit 
sera  fixée  à  un  an  et  encore  moyennant  caution. 

Les  prévôts  des  maréchaux  feront  leur  tournée,  de 
mois  en  mois,  dans  toute  retendue  de  leur  juridiction. 

Les  danses  publiques  et  les  chansons  dissolues  seront 
défendues.  —  L*ordonnance  sur  les  cabarets  et  les  ta- 
vernes sera  observée.  —  Nul  n'ouvrira  taverne  ou  ca- 
baret, sans  être  présenté  au  maire  et  aux  échevins  des 
villes. 

Tout  seigneur  péager  réparera  et  entretiendra  les 
ponts  et  les  chaussées  qui  leur  appartiennent,  à  peine 
de  saisie  des  produits  du  péage. 

Le  taux  du  péage  sera  autlientiquement  affiché.  — 
Il  ne  sera  levé  aucun  péage  où  il  n*y  a  ni  pont  ni 
chaussée. 

Les  tailles  et  les  impôts  seront  réduits  au  taux  où  ils 
étaient  du  temps  de  Louis  XII. 

Les  marchandises  circuleront  librement  dans  tout  le 
royaume,  sans  aucun  droit,  en  faveur  des  Compagnies 


474  HISTOIRE  DE  TROYES.  isfio 

française  ci  normande,  et  sans  autres  levées  de  deniers 
que  celle  qui  se  fait  pour  l'entretien  des  chemins  et  des 
chaussées,  c  considéré  que  par  la  liberté  du  commerce, 

•  les  marchands  de  toutes  nations  arrivent,  et  que  par 

•  la  fréquentation  desquelz  les  sujets  du  roi  se  peuvent 
>  enrichir,   en  quoy  faisant   le    roy  est  riche,   fort  et  .^  A 

•  secouru  de  ses  subgectz  à  son  besoin.  »  —  Tous  droits  -^^^ 
de  hauts-passages  seront  supprimés.    —   Les  élections*^^  mïs 
auront  les  mêmes  limites  que  les  bailHages  et  siégess^^^BS 
présidiaux,  afin  de  remédier  au  grand  inconvénient  de  se^^se 
rendre  en  plusieurs  lieux  pour  avoir  justice. 

Les  salaires  des  ofTiciers  de  justice  seront  modifiés  ^^  iés 
selon  la  cherté  des  temps.  —  Trois  sentences  définitives  ^  ^es 
conformes,  et  deux  sentences  interlocutoires,  aussi  cod-  cik  in- 
formes, rendues  par  juges  royaux  ou  non  royaux,  seron  mht  ^ddI 
exécutées  nonobstant  appel,  mais  sans  préjudice  d*iceluii  mlw  iui. 
—  Il  serait  bon  de  supprimer  tant  de  degrés  de  justices  ^>  ce, 
et  de  n*on  conserver  que  trois  au  plus.  -  -  Les  sujets  dis  t^  du 
roi  seront  traités,  au  civil  et  au  criminel,  devant  les^^  '®s 

juges  ordinaires  et  non  par  devant  des  commissaires. ■ —    "~ 

Toutes  évocations  seront  cassées. 


Tous    chefs    d'hôtels  enverront,   en    leur  paroisse  ^^^^i 
leur  famille,  pour  assister  à  la  grande  messe,  à  vêpres  ^^^^^^ 
el  aux  prédications,  sous  peine  d'amende.  —  Ne  seron  c*  ^^^ 
ro(;us,  dans  les  cabarets  et  hôtelleries,  que  les  étrangers  ^'^^^- 
—  Il  ne  pourra  y  être  joué  aux  caries,  aux  dés  ou  autress  ^^'^^ 
jeux  ilélcndus.   —  T(»ul  charretier  ne  pourra  se  mettre:^^^''^ 
en  voyage  le  dinianrlie.  —   Tous  bateleurs  ou  histrionsè:^^  ^^^ 
ne  [)ourront  jouer,  étant  considérés  comme  gens  oisifs^  >^^^ 

détournant  le  peuple  de  ses  travaux  et  de  ses  occupa '  ^" 

tiens. 

Les  frais  de  chancellerie  seront  affichés  aux  portes  de 
toutes  les  chancelleries.  —  Les  actes  seront  signés  par 
les  notaires  et  non  par  les  tabellions,  qui  changent  tous 
les  deux  ans.  —  Les  notaires  pourront  délivrer  en  bre- 


tseo  cfiAPiTiiK  xviii.  475 

vet  certains  de  leurs  actes.  —  Tout  contrat  sera  reçu 
par  deux  notaires  et  non  par  un  notaire  et  par  deux 
ténnoins. 

Le  bailli  du  Louvre,  connaissant  seul  du  fait  des  sal- 
pêtres et- des  salpêtriers,  cette  juridiction  sera  donnée 
au  plus  prochain  juge  royal  de  la  résidence  des  salpê- 
triers. 

Les  Egyptiens  et  autres  vaguants  et  errants  par  le 
pays  de  Franco  seront  expulsés,  pour  éviter  les  vols,  et 
parce  que  près  d'eux  se  retirent  les  bannis  du  royaume. 

A  la  lecture  de  ces  articles,  il  n'y  eut  d'observations 
qu'à  l'égard  des  élections  des  bénéficiers,  évoques  et 
archevêques.  Les  officiers  royaux  prétendirent  que  c'était 
matière  de  concile,  de  même  que  la  demande  relative  à 
la  suppression  des  annates.  Quant  aux  ofTiciers  de  judi- 
caturo  soumis  à  l'élection,  il  fut  dit  aussi  que  le  roi 
avait  déjà  apporté  remède  à  ce  qui  existait,  en  exigeant 
la  présentation  de  trois  personnes,  doctes  et  expérimen- 
tées, de  prud'hommie,  parmi  lesquelles  il  fait  son  choix. 

Celte  analyse  rapide  du  cahier  dressé  par  un  corps 
constitué,  respectable  par  le  nombre  et  par  la  qualité 
des  personnes,  à  la  rédaction  duquel  se  rallient  les  délé- 
gués des  petits  bailliages  pour  le  tiers-état,  mérite  une 
bien  sérieuse  attention.  Ce  document  authentique  éclaire 
d'une  vive  lumière  sur  l'état  des  esprits,  en  Champagne, 
avant  les  guerres  religieuses,  et  sur  les  besoins  sociaux 
et  les  abus  à  réformer.  Ce  document  est  ferme  et  absolu 
dans  la  forme  comme  au  fond,  et  pourtant,  dans  certains 
cas,  il  regrette  le  passé,  en  le  prenant  pour  exemple  ;  il 
regarde  vers  l'avenir,  en  demandant  des  réformes  dont 
aujourd'hui  encore  on  comprend  le  besoin.  Et  pourtant, 
combien  de  ces  réformes  n'ont  trouvé  place  dans  la  légis- 
lation qu'après  plusieurs  siècles!  Combien  ne  reste-t«ii 
pas  encore  de  réformes  inscrites  dans  le  cahier  du  tiers- 
état,  rédigé  en  i560,  à  obtenir  aujourd'hui! 


476  HI8T0IRB   DE  TR0YE8.  t80O 

Le  mal  est  plus  puissant  que  le  bien.  La  réforme  d*un 
abus  est  presque  impossible,  par  suite  de  la  résistance 
de  ceux  qui  en  vivent,  et  cette  réforme  n'est  réalisée,  le 
plus  souvent,  qu^après  la  disparition  de  ceux  qui  en  pro- 
fitent. Aussi  combien  sont  coupables  ceux  qui  les  per- 
mettent ou  seulement  les  tolèrent! 

Ainsi,  à  notre  sens,  qui  ne  blâmerait  donc  ce  scanda- 
leux cumul  des  revenus  ecclésiastiques  plaçant  entre  les 
mains  d*une  même  personne,  plusieurs  abbayes  et  plu- 
sieurs évéchés  !  Qui  donc  ne  se  scandaliserait  pas  de  voir 
absorber  le  revenu  temporel  d*un  évêché  ou  d'une  abbaye, 
et  souvent  de  plusieurs,  par  un  seul  individu,  qui,  pen- 
dant sa  vie,  aura  à  peine  visité  son  évéché  ou  son  abbaye» 
n'y  aura  jamais  résidé  et  aura  laissé  l'administration  spi- 
rituelle à  des  inférieurs  sans  responsabilité!  Qui  donc 
obéirait,  de  nos  jours,  à  un  évéque  de  quinze  ans  ou  à 
un  abbé  de  dix-huit!  Ces  faits  étaient,  alors  comme  au- 
jourd'hui, qualifiés  d'abus.  Les  gens  sages  les  appré- 
ciaient ainsi,  et  pourtant  ces  abus  survécurent  au  tu- 
multe et  à  la  révolution  religieuse,  politique  et  sociale 
du  XVIe  siècle. 

Le  cahier  ci-dessus  analysé,  œuvre  du  Conseil  de  ville, 
éclaire  sur  Tétat  de  la  société  et  sur  celui  de  l'opinion 
publique  en  1560.  11  est  de  la  plus  grande  éloquence 
dans  sa  grande  simplicité.  11  traduit,  avec  énergie,  la 
pensée  purement  laïque  d'hommes  sages,  placés  par 
l'élection  à  la  tête  d'une  cité  active,  instruite,  intelli- 
gente, laborieuse,  économe  et  amie  de  l'ordre. 

Ce  cahier  a  une  valeur  politique  fort  remarquable. 
Il  contient  un  grand  sentiment  du  droit  et  de  l'équité,  de 
l'intérêt  public  et  de  Tamour  de  l'ordre,  une  juste  appré- 
ciation des  faits  qui  sont  du  domaine  du  passé  et  un 
sage  désir  de  voir  s'accomplir  des  réformes  nécessaires. 
Il  renferme,  enfin,  les  principales  observations  comprises 
dans  le  cahier  général  du  tiers- état. , 


1560  CHAPITRE   XVllI.  477 

Mais  voici  un  autre  cahier  qui,  rédigé  et  dressé  dans 
un  tout  autre  centre,  ne  jette  pas  une  lumière  moins  vive 
sur  la  société  française  au  temps  de  la  réforme,  au  mo- 
ment où  va  s'ouvrir  une  gfuerre  homicide,  dans  laquelle 
les  partis,  ayant  des  princes  français  à  leur  tête,  vont 
mettre,  pendant  prés  de  quarante  ans,  la  France  à  feu  et 
à  sang,  où  l'assassinat  ne  sera  plus  qu'un  léger  accident 
parnji  les  grands,  si  on  le  compare  aux  rumes  qui  s'a- 
moncelleront jusqu'à  l'avènement  de  Henri  IV.  Ce  roi, 
homn)e  du  tiers-parti,  sut  ramener,  avec  beaucoup  de 
peine,  le  calme  et  la  paix  au  sein  du  royaume;  nous 
n'osons  dire  ici  la  prospérité  et  la  richesse,  car  c'est  de 
son  époque  et  par  l'application  rigoureuse  des  principes 
(le  son  gouvernement  et  de  son  administration,  que  com- 
mence ta  décadence  de  la  ville  de  Troyes  :  décadence 
qui,  par  ses  successeurs,  fut  conduite  jusqu'à  sa 
ruine. 

Ce  cahier  de  doléances  est  celui  qui  fut  dressé  par  les 
trois  chapitres  de  la  ville  de  Troyes  :  celui  de  la  Cathé- 
drale, celui  de  la  collégiale  de  St-Etienne  et  celui  de  la 
collégiale  de  St-Urbain.  Ecoutons  les  gémissements  et 
les  vœux  jetés  au  pied  du  trône  par  des  compagnies  reli- 
gieuses, contre  lesquelles  s'élevaient  aussi  des  plaintes 
plus  ou  moins  fondées. 

Les  membres  de  ces  trois  chapitres  remontrent  les 
faits  suivants  :  Les  ruines  et  désolations  des  prieurés,  le 
grand  désordre  des  abbés,  des  religieux  et  des  couvents; 
la  négligence  des  chefs;  les  membres  des  églises  ca- 
thédrales et  collégiales  requièrent  que  les  élections,  dans 
le  clergé,  soient  remises  à  qui  elles  appartiennent  de 
droit.  —  Comme  on  a  pourvu  de  ces  bénéfices  gens  ne 
faisant  pas  leur  devoir,  n'ayant  aucune  doctrine  et  ne 
préchant  pas  d'exemple,  les  erreurs  qui  troublent  aujour- 
d'hui l'église  ont  pullulé.  —  Sous  couleur  d'un  placet 
du  roi,  certaines  gens  jouissent  de  bénéfices,  pendant 


478  HISTOIRE   DE   TKOYES.  l&fto 

dix  ans  et  plus,  sans  provision,  du  siège  dont  ils  sont 
favorisés,  en  raison  de  leurs  personnes.  Pendant  ce 
temps,  désespérant  de  pouvoir  obtenir  provision,  ils  ne 
tiennent  conripte  du  spirituel  et  détruisent  le  temporel. 
*—  Que,  pour  obvier  à  cette  ruine,  l'élection  est  le  seul 
moyen  à  employer. 

L'une  des  choses  les  plus  scandaleuses  du  diocèse, 
c'est  la  pénurie  dans  laquelle  les  abbés  laissent  leurs 
religieux,  qui  prétendent  ne  rien  recevoir  pour  se  vêtir, 
prennent  la  licence  de  sortir  de  leurs  couvents  ou  prieu- 
rés, se  répandent  dans  le  diocèse  et  y  quêtent  des  messes, 
afin  de  pouvoir  se  procurer  le  vêtement  avec  le  produit 
qu'ils  en  retirent,  et,  dans  ce  but,  courent  jour  et  nuit. 
—  Que  cet  abus  cesse,  disent  les  chanoines. 

Que  les  abbés  soient  tenus  d'entretenir  un  ou  deux 
religieux,  «  afin  d'instruire  les  enfants  es  lettres 
saintes.  > 

Que  les  inquisiteurs  de  la  foi  soient  rétablis  comme  il 
plaira  aux  cardinaux  (les  cardinaux  de  Guise,  de  Bour- 
bon et  de  Châtillon  )  qui  en  sont  chargés  ;  qu'ils  veuillent 
bien  se  substituer  un  mandataire,  dans  chaque  diocèse, 
selon  leur  pouvoir.  -  Que  tout  prédicateur  soit  approu- 
vé. —  Qu'il  soit  défendu  à  tous  gens  d'église  de  porter 
des  robes  de  soie  et  des  habillements  découpés;  —  que 
le  nombre  de  leurs  serviteurs  soit  limité,  ainsi  que  la 
dépense  de  leur  table,  «  afir\  de  pouvoir  aumôner  les 
pauvres.  > 

Les  curés  résideront  et  veilleront  sur  leur  troupeau. 
Ils  ne  seront  molestés  ni  par  leurs  seigneurs,  ni  par  les 
gens  de  guerre.  —  Tout  curé  recevra  de  quoi  vivre, 
n'aura  qu'un  serviteur  et  une  femme,  hors  de  toute  sus- 
picion d'incontinence.  —  Il  se  gouvernera  selon  les  saints 
canons  ;  ne  paiera  aucune  dîme  papale  ou  royale,  ou 
autre  subside.  —  Chaque  paroissien,  pour  entendre  ce 
qu'il  aura  à  faire  pendant  la  semaine,  ira,  au  moins  de 


1560  CHAPITRE  XVIII.  479 

deux  dimanches  Tun,  à  la  messe.  —  Les  évêques  ne 
donneront  point  les  ordres  par  faveur,  parenté  ou  amitié 
ou  moyennant  argent;  ils  n'exigeront  aucun  argent  des 
oblations,  sous  prétexte  de  droits  de  sceau.  —  Ils  ne 
donneront  de  licence  aux  extrà-diocésains  sans  avoir 
attestation  authentique  «  de  leur  prudhommie.  >  — 
L'incontinence,  Tavarice,  l'ambition  et  autres  vices  ap- 
partiennent non  seulement  aux  ecclésiastiques,  mais  en- 
core à  toutes  les  classes  de  la  société.  11  y  a  nécessité 
t  de  rappeler  les  lois  de  Moïse  et  de  Julles,  3>  contre  les 
adultères.  —  Les  fêtes  étant  en  trop  grand  nombre,  il  y 
a  lieu,  pour  le  peuple,  de  les  réduire.  -  H  y  a  répu- 
gnance à  voir  les  dignitaires  ecclésiastiques  accompa- 
gnés, même  dans  les  églises,  de  serviteurs  armés  de 
dagues,  d'épées  ou  autres  armes.  —  La  nourriture  et 
l'entretien  des  chiens  et  des  oiseaux  destinés  à  la  chasse 
ne  seront  plus  permis  que  dans  le  cas  où  les  revenus 
seront  assis  sur  des  droits  de  chasse,  en  raison  du  grand 
préjudice  causé  aux  récoltes. 

Il  y  a  lieu  de  supprimer  un  grand  nombre  d*officiers 
royaux.  —  Nul  ne  sera  logé  par  fourrier  que  ceux  qui 
font  partie  de  la  suite  du  roi  ou  les  membres  de  son 
conseil.  —  Nul  ne  pourra  obliger  son  hôte  à  le  traiter 
gracieusement,  sans  le  payer,  et  encore  sans  faire  délo- 
ger les  gens  de  la  maison.  —  L'usurpation  de  la  noblesse 
ne  sera  plus  tolérée.  —  Ity  a  lieu  de  refréner  les  gentils- 
hommes qui,  allant  aux  champs,  ne  veulent  payer  les 
dépenses  qu'ils  y  font,  et  d'interdire  aux  gentilshommes, 
nourrissant  chiens  ou  oiseaux  de  chasse,  de  prendre  des 
poules  contre  le  gré  des  propriétaires  et  de  chasser  alors 
que  les  vignes  et  les  champs  sont  chargés  de  récolles. 
—  Il  y  a  lieu  de  régler  les  droits  de  grueries,  de  jurées 
et  de  corvées,  ainsi  que  les  tailles  qui  sont  dues  aux 
seigneurs. 

<  Quant  à  la  justice,  elle  estoit  aussy  bien  adminis* 


480  HISTOIRE   DE   THOYES.  isfiO 

trée  quant  il  n'y  avoit  que  ung  prévost  et  son  lieutenant 
avec  uT)g  bailly  et  ses  lieutenants  civils  et  crintinels, 
comme  elle  est  maintenant  avec  la  multitude  d'ung  pré- 
sident et  des  conseillers  présidiaulx  qui  ne  servent  qu'à 
augmenter  les  fraictz  de  justice,  d'aultant  qu'il  fault 
espices  plus  fort  pour  garder  juatice  de  corruption  et  si 
on  dict  vulgairement  qu'il  fault  à  chascun  sainct  sa  chan- 
delle, aussy  il  y  a  plus  grande  suspicion  d'injustice,  car 
souvent  ung  barbier  raze  Taultre.  » 

«  Est  ung  dict  vulgaire  entre  iceulx  de  Testât  de  jus- 
tice que  les  édictz  et  ordonnances  du  roy  ne  sont  valables 
trois  jours  après,  ce  que  l'efTect  se  vérifie  assez.  —  Les 
cabaretiers  ont  plus  de  liberté  que  jamais  ;  les  bateleurs 
et  joueurs  d'épées  jouissent  d'une  même  liberté  et  qui 
veut  porter  dagues,  cpées  ou  aultres  armes,  le  fait  impu- 
nément, tellement  que,  sur  le  soir,  se  trouvent  des  bat- 
teurs, détrousseurs  et  larrons,  dont  la  justice  prend  peu 
de  soucis.  »  —  En  tous  états,  la  manière  de  vivre  et  de 
se  vêtir  «  est  si  excessive  et  si  désordonnée,  •  que  si 
Sa  Majesté  veut  empêcher  le  peuple  de  tomber  dans  le 
précipice  et  en  grande  pauvreté,  il  est  nécessaire,  «  à 
l'exemple  des  Romains  et  autres  bons  politiques,  de 
mettre  en  avant  lois  soniptuaires  et  à  l'exemple  des  Lacé- 
démoniens  et  des  Athéniens,  il  v  a  lieu  de  rechercher 
comment  beaucoup  de  jeunos  gens,  qui  n'ont  pas  un 
solz  de  revenu  ny  de  gain  ,  vivent  et  dépensent  plus 
qu'on  ne  saurait  estimer.  > 

Toutes  ces  plaintes  ne  furent  pas  portées  directement 
au  roi.  Chaque  ordre  dressa  ses  cahiers  par  bailliage, 
puis  par  province.  Ainsi  <  le  tiers-état  des  comtés  de 
Champagne,  Brie  et  Sens,  »  rédigea  ses  remontrances 
particulières. 

Le  26  novembre,  le  Conseil  de  ville  met  une  somme 
de  500  livres  à  la  disposition  des  députés  du  tiers-étal 
du  bailliage,  et  à  prendre  sur  les  deniers  patrimoniaux 


1560  CHAPITBK    XVIII.  484 

(ou  communs),  sauf  à  se  faire  rembourser  par  les  villes 
closes,  prévôtés  et  châlellenies  du  bailliage  (1). 

Les  députés  du  tiers  se  rendirent  à  Orléans,  en  s*y 
faisant  conduire  par  un  voiturier  spécial,  qui  transporta, 
aux  frais  de  la  ville,  «  les  coffres,  les  lits  de  camp  et  les 
autres  choses  qui  leur  étaient  nécessaires.  > 

Aux  Etats-Généraux,  les  cahiers  provinciaux  sont  fon- 
dus en  un  seul  pour  tout  lo  tiers-état  de  France.  Les 
ordres  du  clergé  et  de  la  noblesse  agirent  de  môme.  Ainsi 
les  gens  du  tiers-état,  «  du  comté  et  pays  de  Champagne, 
Brie  et  Sens,  i>  dressent  à  Orléans,  sous  la  date  du 
20  décembre,  leurs  cahiers  de  c  remontrances,  suppli- 
cations et  requesles,  conférées,  extraites  et  accordées 
des  remonstrances,  apportées  par  les  députés  des  bail- 
liages de  Troyes,  de  Chaumont,  de  Vitry,  de  Meaux,  de 
Provins,  de  Sozanne  et  de  Sens.  >  Ces  cahiers  provin- 
ciaux sont  eux-mêmes  réunis,  classés  et  fondus  en  cinq 
parties,  savoir  :  la  première,  touchant  le  fait  ecclésias- 
tique ;  la  deuxième,  le  fait  de  la  gendarmerie  et  suite 
de  la  cour;  la  troisième,  la  justice;  la  quatrième,  les 
tailles,  impositions,  subsides,  marchandises  et  autres 
choses;  la  cinquième,  la  marchandise  (2). 

Les  cahiers  des  trois  ordres  sont  remis  à  Touverture 
des  Etals  qui  eut  lieu  le  13  décembre,  au  lieu  du  10  :  le 
roi  François  II  étant  mort  le  5. 

Le  30  janvier  suivant,  jour  de  la  clôture  de  l'assem- 
blée, tenue  aux  Carmes  d'Orléans,  le  chancelier  Michel 


(1)  A.  13. 

(2)  Nou8  donnons  ici  le  titre  des  cinq  cahiers  comprenant  <  les 
»  remontrances  des  gens  du  tiers-état  du  royaume,  »  conservées 
aux  archives  municipales  de  Troyes,  et  qui  forment  un  ensemble  de 
156  folios  manuscrits.  Les  cinq  divisions  données  ici^  sont  un  peu 
différentes  de  celles  qui  sont  indiquées  par  M.  Aug.  Thierry,  Essai 
sur  l'Histoire  du  Tiers-Etaty  t.  K';  Etats-Crénéraux  de  i560,  — 
Arch.  mun.  B.B.  15*  carton,  2'  liabse. 

III.  Zl 


482  HISTOIRE   UË   TUOYES.  1S60 

de  L'Hôpital,  le  promoteur  de  la  tenue  des  Etats,  répon- 
dit aux  remontrances. 

Le  tiers-état  joue,  aux  Etats-Généraux  de  1560,  un 
rôle  important.  Il  domine  les  deux  autres  ordres.  Ce  ré- 
sultat est  dû  à  rinteltigence  et  à  Tinstruction  de  ses 
membres.  Cette  classe  se  recrutait  et  se  recrute  encore 
des  gens  actifs  et  intelligents.  Elle  ne  peut  se  former 
qu'avec  des  amis  du  travail  et  de  Tordre.  Elle  se  consti- 
tua surtout  au  XV«  et  au  XVI^  siècle.  Elle  forme,  en 
1560,  rétément  dominant  de  la  nation.  Elle  subvient, 
par  les  impôts  qui  l'ont  toujours  frappée  et  par  des  dons 
patriotiques,  aux  grandes  nécessités  de  l'Etat.  Elle  pos- 
sède rinstruclion.  Elle  a  la  richesse,  fruit  de  ses  labo- 
rieuses économies.  En  Champagne,  à  Troyes,  elle  domine 
l'ancienne  noblesse,  par  le  nombre,  par  la  fortune,  par 
l'activité,  par  ses  connaissances  pratiques  de  l'adminis- 
tration, par  la  possession  du  sol.  C'est  par  ces  diverses 
qualités,  que  la  bourgeoisie  champenoise  arrive  à  la  no- 
blesse et  quelle  prend  une  large  place  dans  les  grands 
corps  de  l'Etat. 

L'assemblée  d'Orléans  fut  close  le  30  janvier.  Les  dé- 
putés retournùrent  dans  leurs  foyers,  après  avoir  déclaré 
qu'ils  étaient  sans  pouvoirs  à  reffet  de  consentir  à  au- 
cune taxe  nouvelle.  lis  furent  chargés  de  faire  connaître, 
dans  les  provinces,  l'étal  des  finances  dressé  par  les 
ministres.  11  leur  fut  en  outre  remis  une  copie  des  ré- 
ponses aux  articles  présentés  au  roi,  faites  le  30  janvier. 
Le  roi  taxa  les  indemnités  dues  aux  députés  (1). 

Le  10  février,  Philippe  Belin  fil  au  Conseil  de  ville  son 

(1)  M.  de  Vaubercey,  étant  à  Orléans,  demanda,  à  Troyes,  l'envoi 
de  la  charte  délivrée  en  faveur  de  la  ville  de  Troyes,  concernant  la 
Compagnie  française  et  la  Compagnie  nonnande^  qui  depuis  long- 
temps percevaient  des  droits  de  navijj-ation  sur  la  Seine.  (A.  13.)  H 
avait  l'intention  de  faire  mentionner  ces  privilèges  dans  le  cahier 
♦général.  Il  s'iJj,'it  des  lettres-patentes  données  par  Charles  VII,  le  19 
novembre  14'iO. 


1501  CHAPITRE   XVIII.  i83 

rapport  sur  ce  qui  s'était  passé  à  l'assemblée  d'Orléans, 
où  les  députés  restèrent  pendant  neuf  semaines  (i). 

Cette  mémorable  assemblée  était  surtout  l'œuvre  de 
Michel  de  L'Hôpital.  Il  eut  le  génie  d'un  législateur,  Tânie 
d'un  philosophe  et  le  cœur  d'un  citoyen.  Il  porta  dans 
le  gouvernement  les  principes  traditionnels  du  tiers- 
état,  l'attachement  au  maintien  de  Tunité  française  et 
aux  libertés  de  Téglise  gallicane.  Il  aimait  la  vieille 
maxime  :  Une  foi,  une  loi,  un  roi.  Mais,  selon  lui,  la  Toi 
doit  être  tolérante,  la  loi  protectrice,  et  le  roi  impartial 
pour  tous  (2).  Combien  de  malheurs  ne  seraient  pas  à 
déplorer,  si  cette  belle  maxime  était  appliquée  comme  la 
comprenait  ce  grand  homme  de  bien  ! 

Le  16  février,  le  roi  ordonna,  pour  le  20  mars  suivant, 
la  réunion  des  Elats  provinciaux  qui,  après  consultation 
dans  leur  sein  et  dans  les  assemblées  électorales,  de- 
vaient élire  trois  députés,  un  pour  chaque  ordre,  dans 
chacun  des  treize  gouvernements  du  royaume.  La  réu- 
nion de  ces  nouveaux  élus  était  fixée  à  Melun,  au 
4er  mai. 

Sur  ces  entrefaites  et  vers  le  20  mars,  Antoine  de 
Bourbon,  roi  de  Navarre;  Anne  de  Montmorency,  conné- 
table; les  Guise  et  autres  princes  du  sang  royal,  se  rap- 
prochent et  font  ensemble  c  paix  et  union.  >  Le  jeune 
Charles  IX  et  le  roi  de  Navarre,  par  lettres  séparées, 
écrites  à  la  date  des  25  et  30  mars  et  adressées  aux 
baillis,  annoncent  cette  paix  qui  malheureusement  n'eut 
aucun  résultat  (3). 

Dans  le  bailliage  de  Troyes,  les  remontrances  relatives 

(i)  A.  13. 

(t)  AuG.  Thierrt.  Essai  sur  l'Histoire  du  Tiers-Etat^  t.  i^r, 
p.  132. 

(3)  B.B.  15o  carton^  îfi  liasse.  Ces  lettres  sont  imprimées  en  lettres 
gothiques  et  en  forme  de  placard,  avec  le  mandement  du  bailli  qui 
en  prescrit  la  publication. 


484  HISTOIRE  DE   TROYES.  iset 

à  Tadministration  des  finances  auraient  été  rédiçées; 
car,  le  13  mars,  les  corporations  se  réunissent  à  Thôtel- 
de-ville  pour  donner  leur  avis;  le  17,  sont  convoqués, 
au  palais  royal,  à  Troyes,  les  envoyés  des  chàtellenies, 
et  le  20,  les  députés  des  trois  ordres  des  bailliages  de  la 
province  et  comté  de  Champagne,  Brie  et  Sens  sont 
réunis  pour  dresser  définitivement  leurs  cahiers  destinés 
à  rassemblée  de  Melun,  qui  devait  encore  alors  se  réunir 
le  i^r  mai.  Le  6  mai,  sous  la  présidence  du  lieutenant- 
général,  il  est  procédé  à  Télection  des  députés  aux  nou- 
veaux Etats-Généraux,  et  là,  sont  arrêtées  les  remon- 
trances des  corporations  sur  le  fait  des  finances. 

Le  clergé,  dans  cette  circonstance,  demeure  en  dehors 
des  deux  autres  ordres.  Il  avait  pris,  séparément,  l'en- 
gagement d^éleindre  avant  dix  ans,  le  tiers  des  dettes  de 

TEtat.  Aussi,  pendant  que  la  noblesse  et  le  tiers-état 
s'occupent  des  finances,  à  Pontoise  au  lieu  de  Melun,  le» 

députés  du  clergé  catholique  et  les  représentants  de  la 

religion   réformée  discutent    les  choses  religieuses  au. 

fameux  colloque  de  Poissy 

Les  remontrances  sur  le  fait  des  finances  ne  font  pas. 
défaut.  Elles  existent  encore  aujourd'hui,  soit  qu'elles 
émanent  du  corps  de  ville,  des  corporations  ou  des  mé- 
tiers, soit  enfin  qu'elles  soient  Tœuvre  de  la  noblesse  et- 
du  tiers-état  do  la  viile  de  Troyes,  sous  les  dates  des^ 
H  mars,  6  et  10  mai  1561. 

La  noblesse  et  le  tiers-étal  de  la  ville  de  Troyes,  agis- 
sant en  commun,  après  avoir  remercié  Dieu  et  le  roi  d(^ 
la  bonne  paix  et  concorde  mise  en  la  maison  royale  et 
de  ce  que  le  roi  a  bien  voulu  leur  communiquer  ses  affai- 
res, supplient  la  reine-mère,   le  roi   de  Navarre  et  les 
princes  du  sang,   «  de  vouloir  entendre  aux  affaires  du 
royaume,  de   continuer  la   bonne  et  soigneuse  volonté 
qu'ils  ont  jus{|u'icy  Taict  apparaître  aux  trois  estats  d'i- 
collnv.  »  Ils  rogrettont  In  nécessite  où  se  trouve  le  roi 


1561  CHAPITRE   XVUl.  485 

en  ce  moment,  «  et  s'esmerveillent  de  Texistence  de  si 
grandes  dettes,  vues  les  grandes  tailles  ;  crues  sur  icelles, 
augmentations  de  gabelles,  emprunts  particuliers,  solde 
de  50,000  hommes  de  pied,  les  20  livres  tournois  levées 
sur  chaque  clocher  du  royaume,  les  8  écus  levés  sur  les 
officiers  royaux,  les  4  écus  levés  sur  les  bourgeois,  mar- 
chands, veuves  et  artisans  ;  les  2  écus  sur  les  avocats, 
praticiens,  notaires  et  sergents;  décimes,  dons  gratuits, 
francs-fiefs  et  nouveaux  acquêts,  deniers  levés,  après  la 
journée  de  St- Laurent  (bataille  de  St-Quentin),  aliéna- 
tions du  domaine,  aides  et  gabelles,  érection  des  bureaux 
de  la  foraine,  finances-  reçues  sur  les  offices,  tant  an- 
ciens que  nouveaux,  et  enfin,  plusieurs  grandes  sommes 
de  deniers  levées  sur  le  peuple  pendant  et  depuis  le  règne 
du  roi  Henri  II.  Les  deux  ordres  sont  d'avis  que  préala- 
blement le  roi  fasse  reviser,  par  des  gens  élus  aux  Etats 
du  royaume,  tous  les  comptes  de  ceux  qui  ont  manié  les 
finances  depuis  l'avènement  de  Henri  H,  de  même  que 
les  comptes  de  ceux  qui  ont  eu  charge  de  lever  des 
finances  extraordinaires.  Ils  demandent,  enfin,  qu'il  soit 
fait  enquête  des  dons  offerts  par  le  roi  à  des  personnes 
qui  ne  le  méritaient  pas. 

Si,  par  cette  révision,  il  n'y  a  pas  somme  suffisante 
pour  acquitter  les  dettes  de  TEtat,  le  roi  disposera  du 
revenu  de  tous  les  bénéfices,  de  quelque  condition  et 
qualité  qu'ils  soient,  qui  ne  sont  desservis  par  les  titu- 
laires et,  après  avoir  pourvu  à  l'entretien  des  charges 
spirituelles  et  temporelles  de  chacun  de  ces  bénéfices , 
le  revenu  de  tous  les  bénéfices  religieux,  de  tous  les 
prieurés  conventuels  et  autres,  dont  les  titulaires  sont 
âgés  de  vingt-cinq  ans  et  qui  ne  sont  pas  engagés  dans 
les  ordres,  enfin,  le  roi  prendra,  par  gradation  et  selon 
leur  importance,  sur  le  revenu  de  tous  les  bénéfices, 
prieurés,  abbayes,  évêchés  et  archevêchés,  primats  et 
cardinaux.  Quant  aux  Chartreux,  Gélestins,  Minimes  et 


486  HISTOIIIE    DE  TROYES.  i^\ 

Mathurins,  le  roi  prélèvora  sur  le  rev»^nu  de  ces  ordres, 
tout  ce  qui  excédera  la  dépense  nécessaire  à  la  nourri- 
ture, aux  vêtenfîents  des  religieux  et  à  Tentretien  des 
bâtiments,  et  cela  jusqu'à  Tacquittement  des  dettes  de 
TEtat  et  de  celles  du  roi. 

Quant  aux  chevaliers  de  StJean-de-Jérusalem,  le  roi 
prendra  et  appliquera  à  son  domaine  les  deux  tiers  de 
tous  leurs  biens,  Tautre  tiers  suffisant  pour  le  service 
divin,  la  nourriture  des  chevaliers  et  l'entretien  des  bâti- 
ments de  Tordre.  Après  le  décès  des  chevaliers,  le  roi 
appliquera  ce  qui  restera  de  leurs  biens,  à  son  domaine, 
sous  la  réserve  du  service  divin  et  des  aumônes,  €  con- 
sidérant que  ces  chevaliers  ne  font  aucuns  services  au 
roi  ni  à  la  république.  » 

Gomme  les  Mathurins,  les  Chartreux,  les  Célestins  et 
les  Minimes  possèdent  des  forêts  de  haute-futaie  qu'ils, 
dégradent  chaque  jour,  que  le  roi  prenne  ces  bois,  afin 
de  les  conserver,  «  le  royaume  s'en  allant  aujourd'hui 
dépopulé  de  bois;  »  où  il  n'y  a  que  taillis,  quil  prenne 
les  ventes  ordinaires;  que  tous  les  biens  d'église  tenus» 
à  bail  emphytéotique,  soient  vendus  au  profit  du  roi. 

Que,  si  toutes  ces  ressources  réunies,  les  dettes  du 
roi  ne  sont  pas  acquittées,  «  qu'il  prenne  les  joyaux  et 
la  vaisselle  d'or  et  d'argent  superflus  et  en  très  grande 
quantité  dans  les  tem[)les  et  maisons  ecclésiastiques,  à 
l'exemple  des  rois  Glovis,  Martel  (Ciiarles  Martel),  Sl- 
Louis,  François  \^^  et  autres  rois,  alin  de  soulager  le 
pauvre  peuple  exténué  par  les  courses  des  gens  de 
guerre.  i>  —  Qu'il  ne  soit  imposé  aucun  droit  sur  les 
vivres  et  marchandises  du  royaume,  qui  sont  très  chers. 

Puis,  reprenant  quelques-unes  des  doléances  soumises 
au  roi,  «  l'assemblée  précédente,  la  noblesse  et  le  tiers- 
état  de  Troyes  insistent  pour  obtenir  la  suppression,  par 
toute  la  France,  des  bureaux  de  la  foraine  et  des  droits 
d'entrée  et  de  sortie  du  royaume  de  toutes  marchandises, 


1561 


CHAPITRE   XVIII.  487 


sans  aucun  subside.  »  Ce  faisant,  le  royaume  qui  est 
aujourd'hui  dénué  de  toute  pécune,  sera  pécunieux.  •  Ils 
demandent  la  réduction  des  impôts  au  temps  de  Louis  XII  ; 
puis  à  la  tenue  d'un  bon,  saint  et  libre  concile,  auquel 
ne  président  ni  l'une  ni  l'autre  des  parties  contondantes, 
pour  obvier  à  la  diversité  des  opinions  qui  pullulent  au- 
jourd'hui en  ce  royaume  et  en  la  religion  chrétienne.  > 
Ils  demandent  que  les  prédicateurs  prêchent  l'Evangile 
sans  se  déborder  en  injures  et  en  invectives,  ce  qui  tend 
à  émotion  et  ï^  sédition  populaire,  plutôt  qu'à  son  édifi- 
cation; —  qu'à  l'avènement  du  roi  il  ne  soit  repris  au- 
cune finance  sur  les  offices  vénaux  ou  non  ;  —  que  les 
réponses  du  Conseil  aux  remontrances  des  Etals-Géné- 
raux d'Orléans  soient  publiées,  afin  que  le  peuple  les 
connaisse;  qu il  soit  donné  réponse  au  71  me  article  du 
Tiers-Etat,  relatif  au  choix  <  d'un  précepteur  (proviseur 
de  collège),  fait  par  les  officiers  du  roi,  le  maire  et  les 
échevins  des  villes,  et  qui,  pour  salaire,  recevra  le  pro- 
duit d'une  prébende  de  cathédrale  ou  de  collégiale;  — 
que  tout  droit  de  péage  soit  saisi  jusqu'à  ce  que  les 
ponts  et  chaussées  soient  rendus  praticables  ;  —  que  les 
dimanches,  les  quatre  grandes  fêles  de  l'année,  celles 
des  Apôtres  et  de  la  Vierge  soient  les  seules  dont  la  cé- 
lébration sera  conservée;  —  que  tout  adultère  soit  puni 
de  la  peine  contenue  au  vieux  testament,  ou  au  moins 
de  toute  peine  rigoureuse  qu'il  plaira  au  roi  d'aviser. 

Cette  rédaction,  dont  on  ne  peut  nier  l'énergie,  appar- 
tient à  MM.  Jean  de  Mesgrigny,  président  au  présidial; 
de  Marisy,  Denis  Clérey  de  Vaubercey  et  RegnauU,  avo- 
cat de  la  ville  de  Troyes  (1). 

Le  1er  août,  les  vingt-six  commissaires,  représentant 
la  noblesse  et  le  tiers-état  des  treize  divisions  territoriales 


(1)  Pour  tout  ce  qui  concerne  les  Etats-Généraux  de  1560.  — 
Arch.  mun.  B.B.  15«  carton,  2©  liasse. 


488  HISTOIRE   DE   TROYES.  «561 

du  rovaume,  se  réunissent  à  Pontoi^e.  Ils  constituent 
rassemblée  dite  :  c  des  Etats  de  Poiitoise.  »  La  refonte 
des  cahiers  et  les  dispositions  manifostées  par  les  deux 
états  laïques  dépassèrent  l'attente  générale.  La  réaction 
contre  les  Guise  Tavait  emporté  dans  les  élections.  A  cette 
occasion,  Télite  de  la  noblesse  et  celle  de  la  bourgeoisie 
avaient  fait  cause  commune,  dans  toute  la  France  comme 
dans  le  bailliage  de  Troyes 

Le  Conseil  de  ville  avait  mis  à  sa  disposition  une  cer- 
taine somme,  destinée  à  subvenir  aux  frais  de  la  députa- 
tion  à  Orléans.  Il  restait  entre  les  mains  de  Philippe 
Belin  une  somme  de  162  livres.  Le  Conseil  réclama  cette 
somme,  par  ce  motif  que  c  les  députés  ne  doivent  pren- 
dre ni  avoir  salaire,  sinon  on  le  poursuivra  (1).  » 

L'assemblée  d'Orléans  demanda  l'affectation  de  cer- 
tains fonds  pour  aider  à  l'instruction,  et  principalement 
le  produit  de  plusieurs  prébendes,  destiné  à  l'entretien 
des  maîtres.   La  réforme  a  sa  part  d'influence  sur  cette- 
propagande  en  faveur  de  l'instruction,  que  l'on  peut  dire- 
publique  et  primaire.  Le  clergé  catholique  comprit  1» 
gravité  de  la  question.  Il  formula  ses  intentions  dans  l'ur». 
des  canons  du  Concile  de  Trente,  en  s'emparanl  de  deuc 
articles  contenus  dans  l'ordonnance  d'Orléans  (45GO) 
et  reproduits  plus  Inrd  dans  colle  de  Hlois  (1579) 

Tout  délenteur,  ayant  charge  d'anies,  est  tenu  cano- 
niqucmenl  de  donner  ou  de  faire  donner  l'instructioiu 
élémentaire  dans  son  village.  Les  deux  grandes  ordon- 
nances de  1560  et  do  1579,  obligent  les  abbayes  et  les 
monaslùres,  comme  les  églises  cathédrales  ou  collégiales, 
à  entretenir  un  maître  chargé  d'enseigner  gratuitement 
les  enfants  pauvres. 

Le  corps  de  ville  n'a  formulé  aucune  demande  rela- 
tive à  l'instruction  élémentaire,  dans  ses  premiers  ca- 

(1)  A.  13. 


1561  CHAPITHË   XVIII.  489 

hiers;  mais  ce  vœu  est  contenu  dans  ceux  dressés  pour 
rassemblée  de  Pontoise,  complémentaire  de  celle  d*Or- 
léans.  Le  mouvement  est  donné  et  les  Etats  formulent 
des  désirs  que  le  jeune  roi,  sous  Tinfluence  du  chance- 
lier L'Hôpital,  traduit  en  affectant,  à  la  ville  de  Tpoyes,le 
produit  de  trois  prébendes  pris  dans  chacun  des  trois 
chapitres  de  St-Pierre,  de  St-Etienne  et  de  St-Urbain, 
et  destiné  à  Tinstruction  primaire  et  gratuite. 

Ce  ne  fut  pas  sans  peine  que  Téchevinage  se  mit  en 
possession  du  produit  de  ces  prébendes. 

L'échevinage  s'empressa,  en  le  remerciant  des  dispo- 
sitions favorables  à  la  ville,  de  demander  au  roi  d'aban- 
donner, pour  y  établir  le  collège,  les  prisons  royales, 
autrefois  château  des  comtes,  et  dont  les  derniers  ves- 
tiges ont  disparu  en  1840  et  en  1862;  à  ce  moment,  les 
prisons  étant  dans  les  dépendances  et  probablement  dans 
le  sous-sol  du  palais  royal.  Le  roi  se  rendit  aux  vœux  des 
Troyc  ns.  Il  abandonna  cet  édifice,  à  la  condition,  par  la 
ville,  d'approprier  les  anciennes  prisons  à  leur  nouvelle 
destination.  Quoiqu'une  somme  de  1,500  livres  fût  offerte 
par  la  ville  pour  ces  travaux,  ce  projet  ne  paraît  pas 
avoir  eu  de  suite. 

Les  trois  Chapitres  ne  s'exéculant  pas,  le  Conseil  de 
ville  requit  l'autorité  judiciaire  de  publier  les  articles  de 
l'ordonnance  de  1560;  cette  publication  eut  lieu  en  oc- 
tobre 1561.  En  1563,  le  Conseil  continue  ses  poursuites 
tant  en  justice  que  près  de  l'évoque,  M.  de  Beauflfremont, 
Dt  la  duchesse-douairière  de  Guise.  Le  Chapitre  de  St- 
Pierre  vend  plusieurs  maisons  situées  à  Troyes,  et  d'au- 
tres héritages  de  sa  seigneurie  de  Ste-Syre  et  des  Grandes- 
Chapelles. 

Le  collège  ne  s'établissant  pas  dans  les  vieilles  pri- 
sons, le  Conseil  veut  faire  l'acquisition  de  la  maison  de 
M.  de  Brantigny,  située  rue  des  Quinze-Vingts  et  habitée 
par  M.  de  Barbezieux.  Enfin,  il  s'établit  dans  Tancienne 


490  HISTOIRE   DE  TROYES.  \^x 

grande  école,  à  laquelle  fut  annexée  Thôtellerie  de  la 
Licorne  (4),  que  la  ville  acheta  de  Noël  Coëffart,  lieute- 
nant-général au  bailliage. 

Le  Conseil  se  niit  en  relation  avec  Me  Format,  docteur 
en  théologie,  résidant  à  Paris  et  sans  doute  originaire  de 
Troyes,  afin  de  lui  donner  la  régence  de  son  collège; 
mais  on  ne  put  s'entendre.  Me  Jean  Regnard,  précepteur 
à  Paris,  traite  en  1564.  Il  reçut  la  prébende  du  Chapitre 
de  St-Pierre,  estimée  240  livres,  et  300  livres  que  la  ville 
lui  paya.  En  1565,  il  intervint,  entre  le  Conseil,  le  Cha- 
pitre et  Me  Jean  Regnard,  une  transaction  par  laquelle 
le  Chapitre  s'engagea,  pour  quatre  ans,  à  payer  240  livres 
par  an,  et,  chaque  jour,  <c  trois  tiers  de  pain  blanc,  re- 
y>  venant  à  la  valeur  d'un  gros  pain  blanc,  distribué  à 
i>  chacun  des  chanoines,  au  lieu  accoutumé  à  faire  la 
^  distribution  des  pains  de  la  prière,  près  de  la  Cathé— 
>  drale.  y> 

Rien  n'indique  que  les  Chapitres  de  St-Etienne  et  d^ 
St-Urbain  aient  contribué  pour  quoi  que  ce  soit  aux  dé- 
penses du  collège  de  Troyes  (2). 

Pendant  que  se  préparent,  dans  toute  la  France,  les. 
éléments  nécessaires  pour  la  discussion  relative  aux. 
finances  de  l'Etal  et  aux  questions  religieuses,  les  esprits 
ne  se  sont  pas  calmés.  Le  29  mars  1561,  la  veille  du 
jour  des  Rameaux,  le  Conseil  de  ville  est  averti  qu'il  se 
prépare  en  ville  des  assemblées  secrètes;  que,  le  lende- 
main, les  processions  et  le  service  divin  devront  être 
troublés  par  ceux  qui  fréquentent  ces  réunions.  Sur  cet 
avis,  le  Conseil  donne  des  ordres  pour  faire  garder  les 
portes  avec  plus  de  soin  qu'à  l'ordinaire  et  faire  recher- 
cher à  quelles  personnes  a  été  distribué  un  baril  de  pou- 

(i)  La  grande  école  donnait  rue  Gambey,  et  l'entrée  de  l'hôtelle- 
rie de  la  Licorne,  était  Grande-Rue,  n"  22. 

(2)  RouTioT.    Hist.   de    Vlnstruction  publique    et  populaire  à 
Troyes.  M.DGCC.LXV. 


1561  GHAPITHE   XVUI.  491 

dre  enlevé  du  magasin  dcBourdel,  canonnier  du  roi  (1). 

L'inquiétude  est  dans  tous  les  esprits;  sur  la  demande 
des  officiers  du  roi,  une  assemblée  composée  du  maire, 
des  échevins,  des  conseillers  et  de  soixante-quatre  nota- 
bles, décide  qu'il  sera  formé  une  compagnie  placée  sous 
le  commandement  du  maire  ou  de  Tun  des  échevins,  et 
qui,  lors  d'émotion,  se  portera  partout  où  il  sera  besoin. 

Les  réformés  de  Troyes,  dans  le  cours  de  1561,  ont 
deux  pasteurs.  Le  premier  est  Jean  Franelle  ou  Fronelle, 
ditDupin,  natif  de  Dreux.  Il  réunit  ses  adhérents  d'abord 
dans  le  voisinage  de  l'église  de  St-Pantaléon,  et,  comme 
alors  il  n'éprouve  aucune  opposition,  ses  partisans  aug- 
mentent avec  rapidité  Un  plus  vaste  emplacement  lui 
est  bientôt  nécessaire.  Il  va  le  prendre  dans  la  rue  du 
Temple.  Des  réunions  se  tiennent  aiftsi  dans  la  Corterie, 
dans  la  rue  du  Bourg  Neuf,  dans  une  maison  dont  l'em- 
placement est  aujourd'hui  occupé  par  le  palais  de  justice, 
paroisse  de  la  Madeleine,  et,  paroisse  St-Remi,  dans  une 
maison  où  pendait  pour  enseigne  :  Moïse.  Ces  maisons  sont 
converties  en  temple,  et  on  y  célèbre  des  baptêmes  et  des 
mariages.  Aux  prêches,  l'assistance  est  nombreuse  (â). 

Dupin  ne  suffisant  plus  aux  besoins  de  la  nouvelle 
église,  les  réformés,  par  l'entremise  de  Calvin,  deman- 
dent un  second  pasteur.  Alors  vient  deNeuchâtel,  Jacques 
Sorel,  originaire  de  Sézanne.  Il  commença  à  prêcher  le 
11  novembre.  Sous  son  impulsion,  l'église  réformée  s'or- 
ganise. Un  consistoire  s'établit  On  dispose  même  des 
jeunes  gens  qui  se  vouent  à  la  prédication,  entre  autres 
le  médecin  Jacques  Douynct;  l'avocat  Claude  Girardin, 
né  à  Krvy;  Jean  Lefèvre  et  Picard,  qui,  plus  tard,  abju- 
rèrent, et  d'autres  encore.  Peu  après,  vient  de  Dijon,  un 
troisième  pasteur,  Pierre  Leroy,  ancien  carme,  qui,  mé* 

iD  A.  13. 

(2)  DuHiOXB.  MéfnoireSy  t.  i«r,  p.  100  et  101. 


1 


492  HISTOIRE  DB  TROYES.  1S61 

contant  de  ses  adhérents  dijonnais,  se  rend  à  Troyes  et 
se  réunit  à  ses  collègues  Sorel  et  Franelle. 

Dans  le  cours  de  Tété  1561,  la  Belle-Croix  joue  un 
grand  rôle  dans  les  événements  religieux,  et  la  place,  où 
elle  est  élevée,  est  Tobjet  de  scènes  scandaleuses.  On  ra- 
conte que,  pendant  trois  semaines,  il  y  a  de  grands  mi- 
racles à  la  Belle-Croix.  Cette  croix  change  de  couleur. 
Tantôt  elle  est  couleur  de  feu,  tantôt  elle  devient  blan- 
che comme  neige,  ou  bien  inde  (  bleue  ),  ou  perse  (vert 
bleuâtre).  Les  piliers  soutenant  l'édicule  sont  soumis  aux 
mêmes  changements.  Souvent  on  entend  ces  piliers 
«  claquer,  >  comme  s'ils  eussent  été  dans  le  feu.  D'autres 
fois,  Peau  suinte  à  grosses  gouttes,  de  manière  à  pouvoir 
la  recueillir.  Des  boiteux,  des  fiévreux  sont  guéris;  des 
sourds  entendent,  des  muets  parlent,  des  aveugles  recou- 
vrent la  vue  il^. 

Sur  cette  place,  habite  un  apothicaire  huguenot,  du 
nom  de  Gaulard.  Il  ne  croit  pas  à  la  bonne  foi  de  ce» 
scènes  prétendues  miraculeuses.  Le  peuple  catholique  et 
sans  doute  les  pèlerins  qui  viennent  de  loin  à  la  Belle* 
Croix,  irrités  de  cette  raillerie,  brisent  ses  vitres,  pénètrent 
dans  sa  innison  et  la  pillent,  l/apothicaire  se  cacha  pour 
sauver  sa  vie.  L'autorité  intervint  et  fit  cesser  Témeute. 

Quelques  jours  après,  certains  auteurs  de  ce  pillage 
de  la  haquemaque  de  Gaulard,  sont  arrêtés,  et  un  jeune 
homme,  originaire  de  Vaudes,  condamné  à  être  pendu. 
Au  moment  de  l'e-xécution,  le  peuple  s'ameute  de  nou- 
veau, mais,  cette  l'ois,  contre  le  lieutenant-criminel  et 
contre  les  sergents  à  qui  il  est  jeté  des  pierres  et  qui  se 
retirent  après  avoir  déchargé  leurs  armes  sur  la  foule. 
Le  peuple  arrache  la  potence  et  frappe  avec  violence 
Texécuteur  des  hautes-œuvres.  Néanmoins  le  patient  est 
pendu  et  bientôt  arraché  de  la  potence  donnant  encore 

(1)  L*ABBÉ  IUtton,  Uém,,  p.  196. 


1561  CHAPITRE  XVIII.  493 

des  signes  dévie.  Le  moribond  est  transporté  dans  Tégliso 
de  St-Remi,  où  il  est  saigné.  Il  mourut  le  lendemain,  et 
son  corps  fut  inhumé  dans  Téglise  (1). 

Quant  aux  miracles,  selon  l'abbé  Hatton,  ils  ne  du- 
pèrent que  trois  semaines.  Si  Ton  en  croit  Nicole  Pithou, 
un  malin,  soupçonnant  de  la  supercherie  dans  toutes  ces 
prétendues  guérisons,  épouvanta,  pendant  la  nuit,  les 
pèlerins  qui  couchaient  sur  la  place,  au  pied  de  la  croix, 
et  qui  y  séjournaient  nuit  et  jour.  Ceux-ci  se  disper- 
sèrent sous  l'influence  de  la  peur,  et  aussitôt  les  mira- 
cles cessèrent. 

D'un  autre  côté,  des  scènes  de  toutes  sortes  prenant 
la  dévotion  à  la  Belle-Croix  pour  prétexte,  appelèrent 
Tattention  de  Tautorité,  à  ce  point  que  le  duc  de  Nevers 
se  fit  rendre  compte  de  tous  ces  faits  peu  édifiants.  Puis 
il  envoya  sur  les  lieux  un  de  ses  agents,  le  sieur  Des- 
paux,  qui  interposa  son  autorité,  afin  de  ramener  la  po- 
pulation au  calme  et  à  la  tranquillité,  et  les  miracles 
discontinuèrent.  Le  15  juin,  il  y  eut  partage  des  produits 
(les  aumônes  versées  dans  le  tronc  de  la  Belle-Croix. 
Le  curé  de  St-Remi  en  prenait  la  moitié,  et  la  ville,  ayant 
Tentretien  de  l'édifice,  conservait  l'autre.  Mais,  cette  fois 
au  moins,  le  maire  appliqua  le  produit  de  ce  tronc  à  la 
boite  des  pauvres  (2).  A  la  suite  de  ces  émotions  popu- 
laires, on  établit  des  gardes  aux  portes  de  Tenceinte  de 
la  Belle-Croix,  afin  d'empêcher  le  peuple  d'y  entrer,  et  le 
Chapitre  de  Sl-Urbain  crut  devoir  faire  garder  son  église 
pendant  la  nuit. 

Ces  événements  passés,  la  ville  reprend  son  calme, 
au  moins  pendant  quelques  semaines.  Le  11  août,  le  duc 
de  Nevers  envoie  aux  maire  et  échevins  Tordre  de  faire 
inventaire  de  toutes  les  armes  possédées  par  les  habi- 

(1)  Court ALON.  Top,  du  diocèse  de  Troyesy  t.  i«r,  p.  i08. 

(2)  A.  13. 


494  HISTOIRE   l)K   TKOYES.  iSM 

lants  et  de  les  déposer  à  IMiôtel-de-ville.  Sur  cet  ordre, 
le  Conseil  n'hésite  pas  à  en  refuser  l'exécution .  Il  dépêche 
au  gouverneur  Tun  de  ses  memhres,  Denis  Le  Bé,  avec 
mission  de  l'informer  que  le  Conseil  éprouve  les  craintes 
les  plus  sérieuses,  si  Ton  procède  à  ce  désarmement,  et 
que  la  moindre  contrainte  pourrait  troubler  la  tranquil- 
lité dans  laquelle  le  sieur  Despaux  a  laissé  la  ville  (1). 

Dans  le  cours  de  Tautomne,  la  ville  paraît  peu  crain- 
dre les  étrangers,  mais  le  trouble  est  à  Tintérieur  du 
royaume;  l'ennemi  est  au  sein  de  la  France.  Les  travaux 
des  fortifications  sont  à  peu  près  abandonnés.  Néan- 
moins, on  modifie  les  ponts  des  portes  de  St-Jacques  et 
de  Çroncels  ;  les  ponts  à  bascules  ou  ponts-levis  sont 
convertis  en  ponts  dormants,  «  attendu,  est-il  dit,  qu'ils 
ne  sont  pas  de  grandes  conséquences  pour  la  fortifica- 
tion de  la  ville.  >» 

Au  colloque  de  Poissy,  les  protestants  de  Troyes  et  de 
la  Champagne  sont  représentés  par  Jean  Battyer  (2),  sui- 
vant l'un,  et,  suivant  l'autre,  par  Jean  Raguier,  sieur 
d'Esternay  (3).  Ces  deux  noms  appartiennent  à  la  ré- 
forme. 

Le  21  novembre,  il  est  défendu  en  ville,  avec  grande 
publicité,  de  faire  usage  des  épithètes  de  papistes  et  de 
huguenots.  L'autorité  menace  de  la  peine  de  la  corde 
ceux  qui  contreviendront  à  celle  ordonnance.  Vers  ce 
temps,  se  répandent  à  Troyes  de  petits  livres  intitulés  : 
De  V aboiissement  de  la  Messe  ii). 

Le  bailli  fait  des  chevauchées,  afin  de  se  rendre  compte 
si  les  édits  du  roi  sont  appliqués.  A  celte  occasion,  l'éche- 
vinage  lui  fait  savoir  que  les  prescriptions  sur  les  hôtel- 

(1)  A.  13. 

(2)  Bibl.  nat'e.  Collectio7i  Dupuy,  vol.  041. 

(3)  Bibl.  nat't.  Même  collection,  vol.  10,331,  d'après  M.  Bourque- 
lot,  éditeur  des  Mém.  de  Gl.  Hatton,  p.  15i  et  155. 

(4)  SÉMiLLARD.  Breyer.  Mémoires. 


1561  CHAPITRE   XVIII.  495 

leries,  les  tavernes  et  les  cabarets,  sont  nnal  exécutées. 
Les  habitants  sont  en  paix,  il  est  vrai,  nnais  Antoine 
Menisson,  soi-disant  sieur  de  St-Pouange  (1),  y  fait  édi- 
fier une  maison-forte,  à  rencontre  des  édits  royaux.  Il  y 
tient  des  assemblées  et  prêches  publics,  quoique  Céant- 
en-Othe  (BéruUes)  (2)  soit  choisi,  selon  la  volonté  du 
roi,  pour  Texercice  de  la  nouvelle  religion. 

François  1er  de  Clèves,  duc  de  Nevers,  pair  de  France, 
comte  d'Auxerre,  d'Eu,  de  Rethel  et  de  Beaufort  (Mont- 
morency en  Champagne),  seigneur  d'Orval,  marquis 
d'Isle  (Aumont),  résigne  ses  fonctions  de  gouverneur  de 
Champagne  en  faveur  de  son  fils  aîné,  François  II. 
François  1er  de  Clèves,  mourut,  à  Nevers,  le  13  février 
suivant. 

Sous  le  nom  et  le  titre  de  comle  d'Eu,  François  II  de 
Clèves  fait  son  entrée  solennelle  dans  la  ville  de  Troyes, 
en  qualité  de  gouverneur,  le  22  novembre  1561.  Il  des- 
cendit et  logea  rue  du  Bourg-Neuf,  chez  Mnae  de  la 
Motte  (3). 

Ce  jeune  gouverneur  marque  son  séjour  à  Troyes  en 
faisant  publier,  le  28  novembre,  une  ordonnance  pres- 
crivant le  dépôt,  entre  les  mains  de  deux  commissaires, 
de  toutes  les  armes  qui  seront  trouvées  chez  les  habi- 
tants. Il  ordonne  à  tous  les  arquebusiers  de  venir  décla- 
rer la  quantité  d'armes  qu'ils  fabriquent  ou  vendent;  il 
défend  à  tous  gentilshommes  et  officiers  du  roi,  de  por- 
ter des  armes,  sous  peine  de  la  vie;  et  à  tous  hôteliers, 
de  loger  gens  armés  d'arquebuses,  de  pistoles  et  de  pis- 
tolets, sous  peine  de  prison  et  de  vingt  livres  d'a- 
mende (4). 

(1  )  A  douze  kilomètres  de  Troyes. 

(2)  A  trente-neuf  kilomètres  de  Troyes,  canton  d'Aix-en-Othe,  à 
l'extrémité  du  bailliage  et  au  milieu  des  bois. 

(3)  Sémiliard.  Breyer.  Duhalle. 

(4)  A.  13. 


496  HISTOIRE   DE   TUOYES.  \^\ 

Bien  que  le  comle  d'Eu  ordonne  la  fermeture  des 
prêches,  aussitôt  après  son  départ,  les  réunions  des  pro- 
testants sont  reprises  comme  auparavant.  Interdits  de 
nouveau,  un  prêche  se  rétablit  à  la  Butte-aux-Archers. 

Pendant  son  séjour,  le  comte  d'Eu  reçut  la  visite  de 
Tévêque  Caracciole,  accompagné  de  plusieurs  des  prin- 
cipaux réformés  (1). 

La  conduite  de  Caracciole  est  décidément  Tobjel  des 
poursuites  des  catholiques.  Pendant  le  séjour  à  Troyes 
du  comte  d'Eu,  Caracciole,  en  sa  présence  et  devant  un 
nombreux  auditoire,  renonce  à  son  ordination  et  à  la  Re- 
ligion catholique.  A  la  suite  de  cette  déclaration  for- 
melle, l'archevêque  de  Sens  adresse,  le  30  novembre  et^ 
de  Joinville,  au  Chapitre  de  St-Pierre,  un  mandement 
prescrivant  une  information  contre  lui,  motivée  sur  sa 
mauvaise  conduite,  ses  blasphèmes  et  son  hérésie  (2). 
Mais,  suivant  Courtalon,  ce  mandement  n'aurait  pas  reçt* 
son  exécution. 

Après  de  cet  acte  de  poursuite,  le  pape  Pie  IV" 
lance  une  bulle  déclarant  son  neveu  tombé  dans  Théré — 
sie,  résignataire  de  ses  fonctions,  et  proclame  évoque  d^ 
Troyes  M.  de  Beauffremont.  Caracciole  ne  cessa  pas  im- 
médiatement ses  fonctions.  Il  continua  à  percevoir  let^ 
revenus  de  révèchc.  M.  de  Beauffremont,  quoique  nommé" 
évoque,  fut  d'abord  économe  de  l'évêché.  Une  lutte  s'é — 
tablit  entre  les  mandataires  de  l'ancien  et  du  nouvel 
évoque.  Puis  ils  arrivèrent  à  n'en  avoir  qu'un  seul  pouf 
eux  deux.  Enfin,  par  transaction,  il  fut  réservé  à  l'ancier» 
une  rente  de  4,500  livres  sur  les  revenus  de  l'évêché,  e^ 
de  cette  rente,  Caracciole  n'aurait  jamais  rien  touché  (3f  - 

Caracciole  voulut  se  faire  recevoir  pasteur,  mais  il  y 
eût  opposition,   surtout  de  la  part  du  pasteur   Leroy  y 

(1)  DUHALLE.    T.  ler,  p.  101. 

(2)  Arch.  dép   Inventaire  de  St-Pievrc.  I.  \,  iro  partie,  p.  297. 

(3)  N.  PiTHOu.  Mémoires  déjà  cités. 


iSes  CHAPITRE  XYlIl.  497 

ancien  carme,  et  de  Nicole  Pilhou.  De  retour  de  Genève 
depuis  peu  de  temps  et  rentré  dans  sa  ville  natale,  celui- 
-ci  relevait  les  inconséquences  de  Tévêque  de  Troyes.  Il 
le  taxait  de  ne  pas  posséder  les  qualités  du  bon  et  véri- 
table pasteur,  de  n'agir  que  par  des  motifs  de  vaine 
gloire  et  de  n'avoir,  sous  son  brillant  et  beau  langage, 
que  légèreté  et  hypocrisie.  Caracciole  fut  jugé  homme 
léger,  sans  conviction,  de  rapports  faciles,  cherchant  à 
plaire  à  tous.  Ainsi  l'apprécièrent  les  deux  par- 
tis qui  lui  refusèrent  leur  confiance.  L'assemblée  des 
réformés  de  Troyes  voulait  en  référer  à  Calvin  sur  le 
pastorat  demandé  par  Caracciole.  Sur  ces  entrefaites 
Pierre  Martyr,  revenant  du  colloque  de  Poissy  et  se  ren- 
dant à  Zurich,  passe  à  Troyes.  11  est  visité  par  Carac- 
ciole .et  reçoit,  sur  lui,  les  observations  des  pasteurs 
troyens.  Pierre  Martyr  décide  les  opposants  à  l'admettre 
parmi  eux,  mais  seulement  après  l'accomplissement  de 
la  promesse,  par  lui  faite,  de  résigner  son  évêché  :  rési- 
gnation qui  n'eut  lieu  que  longtemps  après.  Pierre 
Martyr  aurait  reçu  l'abjuration  de  Caracciole  (1). 

Après  les  nombreuses  tribulations  qui  accompagnè- 
rent sa  retraite  de  l'épiscopat,  Caracciole  se  retira  à  Châ- 
teauneuf,  seigneurie  donnée  par  François  1er  à  son 
père,  le  prince  de  Melphe.  Après  la  bataille  de  Dreux 
(1562),  le  prince  de  Condé  lui  confia  (juelques  missions. 
Il  fut  chargé  de  négociations  entre  ce  prince  et  le  duc 
de  Guise,  négociations  qui  n'aboutirent  pas  (2).  Carac- 
ciole mourut  à  Châteauneuf,  en  1569  ou  1570.  Après 
avoir  professé  les  opinions  religieuses  les  plus  opposées, 
il  serait  sans  doute  revenu  à  des  sentiments  catholiques 
romains,  puisqu'il  fut  enterré  dans  l'église  paroissiale  de 


(1)  Théod.  de  Bèze.  Liv.  v,  p.  767. 

(2)  RENÉ  DE  Bouille.  HisL  de$  ducs  de  Guisey  t.  u,  p.  263 
III.  33 


498  HISTOIRE  DE  TROYES.  iM 

Châteauneuf  (1).  Quoique  enterré  dans  une  église  cathcH 
lique,  il  a  pu  mourir  protestant.  Ce  fait  est  possible,  on 
peut  en  citer  plusieurs  exemples. 

Il  est  difTicile  aujourd'hui  de  se  reporter  à  ces  temps 
orageux  et  de  s'animer  des  passions  de  cette  époque. 
Pour  des  idées  abstraites,  les  uns  donnaient  la  mort  sans 
aucune  crainte,  les  autres  quittaient  la  vie  avec  héroïsme. 
Et  pourtant  le  doute  est  dans  bien  des  âmes.  Combien 
de  catholiques  n'acceptent-ils  la  réforme,  non  pas  pour 
abandonner  les  règles  du  catholicisme,  mais  bien  sou- 
vent à  cause  du  relâchement  dans  lequel  vivent  le  plus 
grand  nombre  de  ceux  qui  prêchent  par  la  parole,  mais 
ne  prêchent  point  par  l'exemple.  Comment  juger  Carac- 
ciole?  Il  est  hésitant  le  plus  souvent.  Sa  doctrine  est 
presque  toujours  celle  de  Lutter  et  de  Calvin,  et  pour- 
tant il  reste,  près  de  douze  ans,  l'un  des  princes  .de 
l'Eglise  catholique.  L'ancienne  doctrine  le  blâme  et  la 
nouvelle  ne  l'accepte  pas.  Homme  d'un  caractère  ardent, 
plutôt  brillant  que  solide,  ami  des  nouveautés  et  de  l'é- 
clat, italien  du  reste,  sa  raison  le  porte  vers  la  réforme; 
ses  habitudes,  ses  relations,  ses  besoins  onéreux  à  satis- 
faire, sa  vie  luxueuse  le  décident  à  conserver  ses  béné- 
fices. Combien  avec  lui  ne  complet-on  pas  d'évêques  en 
France,  qui,  surtout  après  le  colloque  de  Poissy,  aban- 
donnent la  religion  apostolique  et  romaine,  pour  suivre 
la  voie  ouverte  par  les  réformateurs  (2). 

L'Eglise  réformée,  conduite  à  Troyes  par  trois  pas- 
teurs, fait  de  rapides  progrès.  De  Troyes,  l'un  d'eux, 
Frasnelle,  se  rend,  pendant  l'hiver  1561-4562,  au  moins 

(1)  Albert  Maury.  Journal  des  Savants,  mars  1870,  p.  147. 

(2)  On  cite  parmi  ceux-ci  :  l'évoque  de  Séez  ;  St-Romain,  arche- 
vt^que  d'Aix  ;  Montluc,  évéque  de  Valence;  Brabançon  et  Jean 
Guillart,  évoques  de  (  liartres;  Spifame,  évéque  de  Novers,  et  Odet 
de  Châtillon.  Ce  cardinal-évéque,  comte  <îe  Beauvais,  se  maria,  et 
sa  ftMnme  se  faisait  ou  se  laissait  appeler.  Madame  la  Cardinale, 
(Ml  Mddoinc,  la  co)n fesse  de  Beauvais. 


I5e2  CHAPITRE  XYIII.  499 

deux  fois  à  Wassy,  pour  8*y  occuper  des  intérêts  du  nou- 
veau culte.  Cette  vilie,  sise  au  milieu  des  domaines  des 
Guise,  appartenait  à  Marie  Sluart,  à  titre  d'usufruitière, 
et  au  roi  comme  nu-propriétaire.  Dans  cette  ville,  Fras- 
nelle  se  trouve  en  présence  de  Jérôme  Bourgeois  ou  de 
Burges  (Burgensis)^  évêque  de  Chûlons,  diocésain  de 
Wassy.  A  Noël,  il  y  célèbre  la  cène,  puis  revient  à 
Troyes. 

Dans  cette  ville,  l'hiver  se  passe  avec  calme,  et  pour- 
tant le  blé  y  est  cher.  On  y  fait  même  la  recherche  des 
grains.  L'édit  du  17  janvier,  quoique  dit  de  tolérance, 
jette  quelque  trouble  parmi  les  protestants.  Cet  édit  leur 
enjoint  d'évacuer  les  temples  et  de  restituer  les  biens 
des  églises,  dont  ils  se  sont  emparés.  —  Il  leur  défend 
d'édifier  aucun  temple.  —  Il  est  sursis  provisoirement 
à  l'exécution  de  toutes  peines,  <  pour  le  regard  des  as- 
semblées qui  se  font,  de  jour,  hors  des  villes.  »  —  Leurs 
règlements  seront  soumis  à  l'autorité  royale.  —  Il  leur  est 
interdit  de  faire  des  enrôlements,  de  lever  des  imposi- 
tions, de  créer  des  officiers,  de  tenir  synodes  ou  consis- 
toires  sans  autorisation  du  roi.  —  Les  ministres  devront 
prêcher  «  la  pure  parole  de  Dieu,  *  selon  le  vieil  et 
nouveau  Testament  et  le  symbole  de  Nicée,  sans  injures 
contre  la  messe  et  les  cérémonies  catholiques.  —  L*ob- 
servation  des  fêles  et  des  degrés  prohibés  pour  le  ma- 
riage, sont  imposés  aux  réformés.  Un  magistrat  politique 
a  en  niain  une  autorité  suffisante  sur  tous  les  habitants, 
à  l'égard  des  troubles  ou  injures  pour  cause  de  religion. 
Une  capitulation^  devant  la  justice,  a  été  faite  entre  ceux 
de  la  nouvelle  religion  et  les  plus  notables  des  habitants, 
et  il  a  été  décidé  que  tous  vivraient  et  converseraient  en- 
semble, sans  se  reprocher  leur  religion.  Cette  capitula- 
tion fut  approuvée  non  seulement  par  le  gouverneur  de 
Champagne,  mais  encore  par  le  roi. 

Le  jour  de  Pâques,  29  mars  1562,  les  protestants  ce- 


500  HISTOIRE   DE   THOYES.  1562 

lébrèrent  la  cène  avec  solennité.  Il  fut  décidé  que,  pour 
les  gens  de  la  banlieue,  le  prêche  se  ferait  aux  Faux- 
Fossés  Patris,  occupés  parla  Butte -aux- Archers  (1).  A  la 
Pentecôte,  selon  Nicole  Pithou,  on  aurait  compté  de  huit 
à  neuf  noille  auditeurs,  venus  de  toutes  parts.  La  cène 
n'aurait  pu  être  donnée  à  tous  les  communiants,  et,  le 
lendemain,  la  fête  aurait  été  continuée.  On  aurait  même 
dressé  des  tentes  pour  garantir  de  Tardeur  du  soleil  les 
assistants  étrangers. 

Les  protestants  de  Wassy  étaient  aussi  augmentés  en 
rfbmbre.  Frasnelle  s'y  était  rendu  plusieur-s  fois  pour  y 
remplir  les  devoirs  de  son  ministère.  Ces  visites  et  ces 
réunions,  qui  avaient  lieu  sous  la  protection  des  édits 
royaux,  sont  peu  goûtées  par  la  population,  de  même 
que  par  les  officiers  de  Marie  Stuart,  dame  usufruitière 
de  Wassy  et  du  Hassigny,  et  presque  tous  créatures  des 
Guise.  Antoinette  de  Bourbon,  duchesse  douairière  de 
Guise,  voyait  avec  grand'peine  se  former  et  se  dévelop- 
per ce  nouveau  foyer  de  la  réforme.  Elle  reprochait  au 
duc,  son  fils,  sa  trop  grande  patience.  Le  duc  de  Guise 
alla,  le  i***"  mars,  fort  bien  accompagné  (2),  à  Wassy, 
avec  le  cardinal,  son  frère,  La  Brosse  et  son  fils,  avec 
dessein  de  dissiper,  par  sa  présence,  les  conventicules, 
plutôt  que  de  faire  toit  à  personne.  En  approchant  de 
la  ville,  le  duc  entendit  sonner.  Ce  son  des  cloches  appe- 
lait les  réformés  au  proche.  Les  valets  et  autres  gens  de 
cette  sorte,  toujours  en  grand  nombre  à  la  suite  des 
grands,  commencèrent  à  crier,  comme  s'ils  eussent 
voulu  dire  qu'on  les  menait  à  une  expédition  de  guerre 
ou  à  un  butin  assuré.  En  entrant  à  \Vassy,  pour  y  pren- 
dre environ  soi.xante  cavaliers  de  sa  suite  et  continuer  sa 


(1)  Cet  cnijilacoinent  ost  aujourd'hui   celui  de  la  gare  du  chemin 
de  fer  de  Paiis  à  Mulliouse 

(2)  Environ  500  honnnies   bien   armés.  P.   de  Bouillk,  Hist.  de$ 
durs  (Ir  Guise 


154»  CHAPITRE   XVIII.  501 

route  vers  Eclaron,  le  duc  fut  arrêté  par  le  bailli,  le  curé 
et  le  prieur.  Ceux-ci  le  prièrent  de  se  détourner  du  che- 
min d'Eclaron,  où  il  se  rendait,  et  de  passer  devant  le 
lieu  où  se  tenait  rassemblée.  Pendant  le  retard  que  le 
duc  éprouva  dans  sa  marche,  un  grand  nombre  de  ses 
gens  avaient  devancé  leur  maître,  et,  commençant  par 
des  injures,  ils  appelèrent  les  protestants  chiens  et  re- 
belles à  Dieu  et  au  roi.  Ceux-ci  répondirent  des  injures. 
Alors  les  valets  descendirent  de  leurs  chevaux,  jetèrent 
des  pierres,  puis  rompirent  les  portes  du  lieu  de  la  réu- 
nion (c'était  une  grange),  qui  avaient  été  fermées  au  pre- 
mier bruit,  et  y  entrèrent l'épée  à  la  main,  chargeant  de- 
vant eux  ceux  qu'ils  rencontraient,  sans  que  beaucoup  S9 
défendissent.  Aussitôt  de  grands  cris  furent  jetés  par  les 
femmes,  par  les  enfants,  puis  par  toute  l'assemblée,  qui, 
désarmée,  ne  comptait  guère  sur  une  semblable  attaque. 

Le  bruit  devint  si  grand  qu'il  arriva  jusqu'aux  oreilles 
d'Anne  d'Est,  femme  du  duc  de  Guise,  que  l'on  portait 
en  litière  et  qui  avait  déjà  passé  outre.  Or,  cette  prin- 
cesse, <  d'un  esprit  doux,  »  qu'on  croyait  n'être  pas  con- 
traire aux  protestants,  se  douta  de  ce  qui  était  arrivé. 
Elle  envoya  à  son  mari  pour  le  prier  de  faire  épargner 
ces  pauvres  malheureux.  Celui  que  la  duchesse  expédia 
au  duc,  trouva  celui-ci  devant  la  grange,  où  il  était  ac- 
couru pour  faire  cesser  le  tumulte.  Le  duc  reçut  alors  à 
la  figure  une  légère  blessure  qui  saigna.  Ceux  qui  l'ac- 
compagnaient, transportés  de  colère,  malgré  les  ordres 
du  duc  et  peut-être  ayant  trouvé  l'occasion  qu'ils  cher- 
chaient, se  jetèrent  avec  fureur  sur  les  protestants. 

Environ  soixante  hommes  ou  femmes  furent  tués  ou 
étouflTés,  ou  moururent  des  suites  de  leurs  blessures,  et 
il  y  eut  environ  deux  cents  blessés,  sur  une  assistance 
d'envifon  douze  cents  personnes  (1).  Les  bancs  et  la 

(1)  René  de  Bouille  dit  de  5  à  600;    Gastelnau,   de  6  à  700; 


508  HISTOIRB    DE  TAOYES.  fsu 

chaire  furent  brisés  ;  les  bibles  on  langiio  française  furent 
déchirées  et  quelques  maisons  du  voisinage  furent 
pillées.  Le  pasteur  Léonard  Morel,  blessé  dans  la  bagarre, 
fut  emmené  prisonnier  par  les  gens  du  duc  qui  le  con- 
duisirent à  St-Dizier  (1). 

Ce  massacre  fut  un  signal  entendu  par  toute  la  France. 
Ëst-il  arrivé  contre  Tintenlion  et  la  volonté  du  duc  de 
Guise?  «  Et,  dit  toujours  de  Thou,  lorsque  le  bruit 
de  ce  désordre  se  fut  répandu,  comme  la  renommée  fait 
toujours  les  choses  plus  grandes  qu'elles  ne  sont,  les 
esprits  en  furent  touchés  diversement;  les  uns  en  étaient 
indignés  et  se  plaignaient  de  celte  action,  comme  ayant 
été  faite  contre  le  droit  et  la  justice.  Car,  pourquoi  sus- 
pendre par  dos  édits  les  peines  et  les  supplices  à  cause 
de  la  religion,  si  Ton  donne  à  la  haine  toutes  sortes  de 
libertés  et  qu'on  permette  à  chaque  particulier,  ce  qui 
n'est  pas  permis  au  magistrat;  et  les  plus  sages  virent 
que  la  sédition  commença  par  ce  massacre  et  que, 
commo  au  son  de  la  trompette,  les  factieux  avaient  été 
excités  à  prendre  les  armes.  » 

Le  doute  continuera  à  couvrir  le  sentiment  qui  ani- 
mait le  duc  de  Guise  dans  cette  malheureuse  circons- 
tance. H  est  évident  pour  tous  que  sa  mère,  que  son  frère, 
que  le  duc  lui-même  étaient  des  catholiques  trop  ar- 
dents, dos  politiques  trop  intéressés  dans  la  lutte,  pour 
souffrir  patiemment  le  développement  de  la  réforme  au 
milieu  de  leurs  vastes  domaines.  Cette  disposition  géné- 
rale de  leur  esprit,  leur  situation  portent  à  faire  croire 
que  le  duc  de  Guise  amena  l'occasion  ou  en  profita, 
après  l'avoir  fait  préparer  par  des  agents  dévoués.  On  a 

de  Thou,  environ  1,200.  —  Du  cOlé  du  prince  lorrain,  quelques 
hommes  auraient  reçu  des  atteintes  plus  ou  moins  graves  ;  un  seul 
en  mourut.  Papiers  de  Simancas,  B.  15,  d'après  R.  de  Bouille. 

(1)  De  Thou.  Histoire  de  mon  temps.  —  R.  de  Bouille.  Hist, 
des  ducê  de  Guisê^ 


1502  CHAPITRE  XVUI  503 

même  supposé  que  le  duc  avait  personnellement  con- 
duit ses  gens  à  Tattaque  de  la  grange,  ainsi  qu^à  un 
assaut,  Tépée  à  la  main  et  trompettes  sonnant.  D'autres 
Fois,  les  apologies  ne  manquent  pas;  elles  s'élèvent  par- 
fois jusqu'à  rimpudeur  de  Téloge  (l). 

Le  cri  des  victimes  de  Wassy  devint  le  signal  de  la 
plus  terrible  guerre  civile  et  religieuse  qui  fit  verser  le 
sang  des  français  par  des  français.  Tous  les  chefs  de  la 
réforme  se  concertent.  Les  Coligny  et  le  prince  de  Condé 
choisissent  pour  leur  capitale,  la  ville  d'Orléans,  la  seule 
qui,  par  sa  position,  lui  permit  de  lutter  contre  Paris. 
Dès  les  derniers  jours  de  mars,  Orléans  est  aux  mains 
des  réformés.  A  l'arrivée  de  Condé,  de  Coligny  et  de  la 
nombreuse  et  jeune  noblesse  qui  les  suivait,  il  n'y  eut 
qu'à  s'emparer  sans  effusion  de  sang  des  différents  postes 
de  la  ville. 

Un  autre  massacre,  non  moins  déplorable  que  celui 
de  Wassy,  fui  consommé  à  Sens,  cinq  semaines  après. 

La  ville  de  Sens,  siège  d  un  archevêché  occupé  par 
Louis,  cardinal  de  Guise,  ancien  évêque  de  Troyes,  de- 
vient le  théâtre  d'un  nouveau  massacre.  Là  encore,  on 
touche  du  doigt  l'influence  des  Guise,  à  peine  masquée 
par  l'action  des  officiers  royaux,  par  celle  des  adminis- 
trateurs de  la  cité  et  quelques  religieux  prédicateurs. 
A  Sens,  une  procession  détermine  l'attaque  des  catholi- 
ques contre  les  protestants.  Le  mot  d'ordre  paraît  venir 
du  cardinal  de  GuisC;  alors  à  Melun,  près  du  jeune 
Charles  IX.  C'est  Hémard,  qui  cumule  les  fonctions  de 
maire  avec  celles  de  lieutenant-criminel,  accompagné 
d'un  délégué  du  Chapitre  et  d'un  conseiller  au  bailliage, 
qui  se  rend,  dans  cette  dernière  ville,  pour  prendre  les 
ordres  et  les  instructions  du  cardinal.  Si  ces  instructions 


(i)  R.  DE  Bouille.  Hist,  des  ducs  de  Gutse,  t.  ii,  p.  172  et  sui- 
▼antes. 


504  HISTOIRE  DE   TROYES.  15^ 

sont  restées  secrètes,  il  y  a  un  rapprochement  à  faire  : 
c'est  qu'à  Wassy  comme  à  Sens,  ceux  qui  commandent 
sont  des  agents  dévoués  à  la  politique  des  Guises,  et  qui» 
comme  il  n'arrive  que  trop  souvent,  déploient  un  zèle 
immodéré  que  leurs  chefs  tolèrent,  s'ils  n'y  applaudis- 
sent en  cas  de  succès,  qu'ils  désavouent  en  cas  d'échec 
ou  de  revers. 

Ce  nouveau  massacre  dura  plusieurs  jours,  et  le  plus 
grand  nombre  des  victimes  furent  jetées  dans  l'Yonne, 
attachées  à  des  pièces  de  bois  mises  en  radeau.  Plus  de 
cinquante  maisons  furent  pillées  et  b  ûlées  par  les  ca- 
tholiques Le  nombre  des  victimes  égorgées  ou  jetées  à 
la  rivière,  fut  porté  à  une  centaine. 

Le  12  avril,  une  partie  de  ceux  qui  avaient  signalé 
leur  fureur  à  Sens  se  transportèrent  à  Céant-en-Othc 
(aujourd'hui  Dérulles),  où  existait,  hors  des  murs  (1), 
un  proche,  autorisé  par  les  édits  royaux  et  où  résidait  un 
pasteur.  Le  prêche  fut  détruit.  A  ce  fait  se  borna  celte 
première  expédition  contre  Bérulles,  qui,  en  1562,  en 
eut  cinq  à  subir. 

Les  événements  de  Wassy  et  de  Sens  firent  prendre 
les  armes  do  tous  côtés.  Les  deux  partis  continuèrent  les 
hostilités  avec  des  chances  bien  diverses.  Les  catholi<jues 
furent  victorieux  à  Paris,  à  Amiens,  à  Lyon,  à  Meaux, 
(^hâlons,  E|)ernay,  Auxorre,  ctc  ,  tandis  que  les  réformés 
furent  maîtres  h  Blois,  à  Poitiers,  à  Troyes,  à  Tours,  à 
Angers,  à  Rouen,  au  Havre,  à  la  Rochelle,  MAcon,  Chalon- 
sur-Snôno,  Bourg,  Montauban,  Montpellier,  Nîmes,  Agen, 
Lyon,  Grenoble,  Orange,  Valence,  etc.  Ils  tiennent  le 
Vivarais,  le  Comtat-Venaissin  et  les  Cévennes.  Ils  se 
disent  les  maîtres  dans  deux  cents  villes. 

Pendant    (jue    ces  événements  se  consouimaient  et 


(1)  CoUe  petite  ville  était  fortifiée.    Son  enceinte  est  encore  très 
apparente. 


\Si^  CHAPITRE   XVIII.  505 

dans  les  preiniBrs  jours  tVavril,  se  rendit  à  Troyes 
M.  Guesdon,  sieur  d'EsclavolIes,  gentilhomme  ordinaire 
de  la  chambre  du  roi  (1),  venant,  disait-on,  assister  aux 
élections  des  quatre  échevins.  Ces  élections  n'ayant  pas 
été  faites  à  la  deuxième  férié  de  PAques,  31  mars,  elles 
sont  fixées  à  la  huitaine  suivante. 

Sans  aucun  doute,  ce-  élections  avaient  été  préparées 
en  dehors  du  droit.  Le  mardi  de  Pâques,  l'assemblée  or- 
dinaire avait  eu  lieu.  Les  métiers  s'y  étaient  plaints  de 
ce  qu'ils  n'avaient  pas  été  appelés  pour  élire  leurs  délé- 
gués à  l'assemblée  générale. 

Sur  cette  plainte,  il  fut  décidé  que  les  métiers  s'as- 
sembleraient et  appelleraient  tous  les  domiciliés  tenant 
ménage,  sans  aucun  serviteur  ou  compagnon,  avec  dé- 
fense de  s'entré-injurier  et  irriter  par  paroles,  notam- 
ment à  l'occasion  de  la  religion.  Le  pouvoir  des  élus  ou 
délégués  fut  fixé  à  une  année,  et  afin  d'être  avertis  régu- 
lièrement, il  fut  arrêté  qu'il  serait  fait  registre  de  leurs 
noms  par  le  greffier  de  la  ville,  le  tout  suivant  les  pres- 
criptions de  l'arrêt  du  Parlement  de  i538. 

Cet  incident,  —  d'une  certaine  portée,  car  en  n'appe- 
lant pas  les  métiers,  on  portait  atteinte  à  l'organisation 
de  l'administration  échevinale,  —  obligea  de  remettre  les 
élections  des  échevins  au  mardi  7  avril. 

A  ce  jour,  la  séance  ouverte,  M.  d'EsclavolIes,  arrivé 
de  la  veille,  remontre  que,  le  samedi  4?,  il  a  reçu  l'ordre 
du  roi  et  de  la  ^eine,  sa  mère,  de  se  transporter  à  Troyes, 
afin  de  faire  savoir  aux  habitants  que  Leurs  Majestés 
n'entendaient  pas  que  les  échevins  fussent  choisis  parmi 
ceux  qui   professaient  la   nouvelle  religion,   mais  bien 

(1)  Esclavolles,  près  do  la  Seine,  canton  d'Anglure,  arrondisse- 
ment d*Epernay  (Marne). 

Guesdon,  sieur  d'EsclavoHes,  avait  une  sœur  nommée  Jeanne, 
mariée  à  Jacques  de  la  Hoëre,  fils  de  François,  sieur  de  Gbamoy  et 
de  Hilaire  Raguier. 


506  HISTOIRE  DE  TROTES.  I5tt 

parmi  les  gens  de  bonne  vie,  pratiquant  la  religion  catho- 
lique, apostolique  et  romaine. 

Sur  cette  observation  et  comme  il  était  d'usage,  Ta- 
vocat  de  la  ville  exposa  sommairement  la  cause  de  l'as- 
semblée, qui  n'était  autre  que  Télection  de  quatre  éche- 
vins. 

Au  nom  du  procureur  du  roi  au  bailliage,  un  soient 
royal  signifia  et  fit  connaître  à  rassemblée,  comme  déjà 
cela  avait  eu  lieu  à  Taudience  du  bailliage  et  siège  pré- 
sidial,  que,  le  lendemain  de  Pâques,  l^r  avril,  les  habi- 
tants, professant  la  nouvelle  religion,  s'étaient  réunis, 
au  nombre  de  vingt-cinq  à  trente,  au  mont  Calvaire  de 
l'église  St-Nicolas,  et  y  avaient  discuté  la  proposition  de 
faire  élire  quatre  échevins  de  leur  secte,  ce  qui  ne  pou- 
vait se  faire,  d'une  part,  les  officiers  de  l'échevinage 
étant  officiers  royaux,  et  d'autre  part,  cela  étant  inter^ 
dit  par  l'édit  du  30  mars  précédent  et  par  un  autre 
édit  de  juin  1561. 

Nicole  Pithou,  pour  le  collège  des  nobles  et  bourgeois, 
répondit  que  les  faits  avancés  concernaient  le  collège 
qu'il  représentait  et  qui,  chaque  année,  se  réunit  au 
mont  du  Calvaire  pour  y  choisir  ses  délégués  aux  élec- 
tions. Le  procureur  du  roi  avait  été  mal  informé,  la 
réunion  n'ayant  eu  lieu  que  par  le  congé  du  maire, 
dont  Pithou  présentait  la  commission.  Les  délégués, 
continue  Pithou,  sont  des  gens  de  bien  et  de  bonne  con- 
versation; bien  qu'il  y  en  ait  de  ceux  que  le  procureur 
du  roi  nomme  sectateurs  de  la  nouvelle  religion,  ils  sont 
aptes  à  être  nommés  échevins  aux  termes  de  l'édit  pu- 
blié en  janvier  dernier,  et,  en  cette  ville,  aux  fériés  de 
Pâques  récemment  passées  :  cet  édit  autorisant  ceux  de 
la  nouvelle  religion  à  s'assembler.  Il  est,  au  contraire, 
enjoint  au  magistrat  [)olitique  de  veiller  à  ce  qu'il  ne 
soit  apporté  à  ceux-ci  aucun  trouble.  Cette  condition  ré- 
sulte non  seulement  de  cet  édit,  mais  encore  de  In  capi^ 


ifsm  CHAPITRE  xym.  507 

tnlalion  faite  devant  la  justice  entre  ceux  de  la  nouvelle 
religion  et  les  habitants  de  Troyes,  parmi  lesquels  se 
trouvaient  les  plus  notables.  Par  cette  capitulation,  il  a 
été  arrêté,  t  que  tous  les  habitants  vivront  et  converse- 
ront tous  unanimeqnent  et  amiablement  ensemble,  sans 
se  reprocher  leur  religion;  »  et  de  plus,  tous  ceux  que 
Ton  met  en  cause  pour  les  exclure  de  l'administration  de 
la  cité  sont  contribuables  aux  emprunts  du  roi,  font 
partie  du  ban  et  de  Tarrière-ban,  du  guet  et  garde  et 
des  portes  de  la  ville.  Tous  sont  prêts  à  servir  le  roi 
comme  ses  très  humbles  et  très  obéissants  sujets.  Enfin, 
Nicole  Pithou  demanda  acte  des  remontrances  de 
M.  d'ËsclavoUes,  et  déclara  que,  c  bien  qu'il  ait  été  dit 
que  lui  et  ceux  qu'ils  représentent,  soient  de  la  nouvelle 
religion,  ils  étaient  et  sont  de  Tancienne,  qui  est  celle 
que  professaient  les  apôtres.  > 

M'  Augustin  Liboron,  envoyé  et  élu,  avec  M*  Thomas 
Bailly,  comme  lui  avocat,  par  le  collège  des  avocats,  pro- 
cureurs et  notaires,  soutint  la  thèse  contraire  à  celle  de 
Pithou.  La  guerre  est  dans  le  collège  qu'il  représente, 
car  Jean  Ncvelet,  élu  en  l'élection,  et  Nicole  Marguenat, 
garde  des  foires,  se  prétendent  avoir  été  choisis  par  la 
même  corporation.  Mais  cette  prétention  n'est  pas  ad- 
mise; rassemblée  ne  reconnaît  valables  que  les  pouvoirs 
donnés  à  M«  Aug.  Liboron  et  à  M*  Thomas  Bailly. 

Me  Balthazar  Tartel,  se  présentant  comme  procureur 
du  clergé,  veut  faire  admettre  que  les  catholiques  sont 
seuls  éligibies.  Antoine  de  Marisy  fait  rejeter  cette  de- 
mande, par  ce  motif  que  le  clergé,  depuis  longtemps,  ne 
prenant  aucune  part  aux  délibérations  intéressant  la 
communauté  des  habitants,  ne  peut,  dans  aucune  cir- 
constance, intervenir  au  débat. 

Après  cette  discussion  préalable,  le  président,  M.  de 
Vaubercey,  maire,  reçoit  le  serment  des  échevins,  des 
conseillers  de  ville  et  des  délégués  des  métiers,  puis  il 


508  HISTOIRE   DE  TROYES.  1562 

invite  rassemblée  à  élire,  en  qualité  d*échevins,  quatre 
personnes  c  jugées  profitables  pour  le  bien  du  roi  et 
Futilité  de  la  ville.  » 

L'élection  eut  pour  résultat  la  nomination  de 
MM.  Etienne  Gamusat,  Laurent  Chantereau,  Jean  Les- 
cot  et  Benoit  Legras,  qui  appartenaient  au  parti  catho- 
lique modéré. 

La  mission  de  M.  d'Ësclavolles  ne  se  borna  pas  seule- 
ment à  vouloir  diriger  et  influencer  les  élections.  Il  y  a 
tumulte  en  ville.  Sa  présence  cause  un  certain  émoi.  Les 
élections  n'ont  peut-être  pas  répondu  à  l'attente  des 
protestants.  Il  y  a  des  démonstrations  faites  à  l'intérieur 
et  à  l'extérieur  de  la  ville.  Des  troupes  catholiques,  de 
même  que  dos  réformés  en  armes,  sont  dans  la  plus 
proche  banlieue  et  demandent  à  pénétrer  en  ville. 

Pour  arriver  «  à  une  capitulation,  *  une  assemblée, 
où  sont  représentés  les  deux  partis,  est  tenue  le  ven- 
dredi 10.  Les  intérêts  des  catholiques  sont  soutenus  par 
Jean  deMesgrigny,  président  au  présidial;  NoëlCoëffart, 
lieutenant-général;  Nicolas  Jacquinot,  lieutenant-crimi- 
nel; le  maire,  les  échevins  et  les  conseillers  de  ville  ;  la 
religion  réformée  est  représentée  par  Nicole  Pithou, 
Etienne  Boucher,  ancien  procureur  du  roi;  Pierre  Clé- 
ment, Jean  Dorey,  Thibault  de  Meurs,  Jacques  Duchat, 
Claude  Girardin,  Claude  Gaulard  et  Toussaint  Touchet. 

La  discussion  roule  sur  les  questions  suivantes  ; 
1«  Comment  les  portes  seront-elles  gardées?  —  2o  Qui 
doit  avoir  les  clefs  de  la  ville?  —  3o  Quelle  sera  la  capi- 
tulation à  faire  entre  les  membres  du  clergé  et  les  ca- 
tholiques d'une  part,  et,  d'autre  part,  ceux  de  la 
religion  réformée? 

Le  lieutenant-général  émet  l'avis  que  les  portes  seront 
gardées  comme  à  l'ordinaire  ;  que  les  clefs  resteront  aux 
mains  du  maire,  et  que  force  doit  rester  au  roi  et  à  la 
ville.  11  y  a  lieu  de  maintenir  la  capitulation,  puisqu'elle 


1562  CHAPITRE   XVIU.  509 

est  approuvée  par  le  gouverneur  et  même  par  le  roi. 
Mais  il  faut  signifier  aux  principaux  personnages  des 
deux  religions,  l'ordre  de  faire  mettre  bas  les  armes  et 
de  faire  sortir  de  la  ville  les  étrangers  qui  y  sont  entrés 
avec  des  armes,  s'il  en  existe  quelques-uns. 

Les  autres  assistants  sont  d'avis  de  flaire  défense  à 
tous  de  ne  point  s'offenser,  injurier  ni  provoquer  ni  faire 
aucune  recherche  pour  cause  do  religion  ou  pour  toute 
autre  cause,  et  que  si  Ton  fait  aucun  mono/We,  conspi- 
ration ou  conjuration,  Tun  des  deux  partis  avertira  Tau- 
tre,  afin  d*en  prévenir  le  magistrat  qui  y  pourvoira. 

Pour  faire  exécuter  ces  conventions,  il  est  constitué 
un  conseil  composé  de  six  membres  désignés  par  le 
clergé,  douze  par  les  catholiques  laïques,  et  douze  choi- 
sis parmi  les  réformés.  Les  portes  seront  gardées  «  selon 
les  rôles  de  Téchevinage,  »  et,  chaque  jour  et  à  chaque 
porte  ouverte,  il  y  aura  un  échevin  avec  un  des  notables 
personnages  de  la  nouvelle  religion. 

De  huit  jours  en  huit  jours,  douze  notables  person- 
nages de  chaque  religion  se  réuniront  à  rhôlel-de-ville, 
afin  de  pourvoir  aux  plaintes.  Enfin,  défenses  sont  faites 
de  tirer,  dans  la  ville,  des  coups  d*armes  à  feu.  Et,  comme 
le  clergé  n'est  point  représenté  à  celte  assemblée,  il  est 
arrêté  que  ces  dispositions  réglementaires  lui  seront 
communiquées,  afin  d'avoir  son  avis  et  y  donner  son 
consentement,  si  bon  lui  semble. 

Pendant  la  tenue  de  cette  assemblée,  la  garde  de  la 
porte  de  St-Jacques  est  confiée  à  Drouot  et  à  Lescot, 
échevins.  Ces  deux  chefs  de  la  porte  envoient  prévenir 
que,  vers  trois  heures  de  l'après-midi,  se  sont  présentés 
Antoine  Menisson,  sieur  de  St-Pouange,  Nicolas  de  Fay, 
Jean  Blondel ,  Nicolas  de  St-Aubin ,  fils  d'Antoine, 
Me  Claude  Campan,  avocat,  et  d'autres  encore,  au  nom- 
bre de  quinze  à  dix-huit,  tous  à  cheval,  le  corps  couvert 
d'un  corselet,  et  armés.  Ces  réformés  demandent  Tou- 


510  HISTOIRE  DE  THOYES.  4592 

verture  des  portes,  ce  que  Lescot  et  Drouot  refusent 
d'accorder,  quoiqu'ils  soient  reconnus  pour  être  habitants 
de  la  ville.  Comme  ils  ne  veulent  se  séparer  de  leurs 
armes,  la  porte  ne  leur  est  point  ouverte.  Ils  se  retirent 
en  proférant  des  menaces.  L'assemblée  approuve  la  con- 
duite de  ces  dfeux  gardes. 

Le  samedi  \\  avril,  à  midi.  M.  d'Esclavolles  demande 
au  maire  de  cinquante  à  soixante  corselets,  soixante 
arquebuses,  de  vingt  à  vingt-cinq  arquebuses  à  croc,  et 
de  cent  à  cent-vingt  piqUes  avec  des  munitions  ou  de 
l'argent  pour  armer  et  équiper  quelques  soudarts.  Cette 
demande  est  rejetée  par  le  Conseil,  qui  refuse,  en  décla- 
rant que  les  armes  sont  inventoriées,  que  l'autorisation 
du  gouverneur  est  nécessaire  pour  délivrer  des  armes  et 
que  le  congé  du  roi  est  indispensable  pour  fournir  de 
l'argent  et  des  munitions. 

Mais  que  se  passe-t-il  en  ville?  Les  assemblées  se 
succèdent  avec  rapidité.  Le  même  jour,  H,  à  sept 
heures  du  soir,  le  Conseil  décide  que,  le  lendemain,  les 
portes  de  St-Jacques  et  de  Croncels  seront  seules  ou- 
vertes ;  les  gardes  de  ces  portes,  placées  sous  le  com- 
mandement d'un  échevin  et  d'un  conseiller  de  ville, 
seront  doublées,  et  les  perles  une  fois  fermées,  les  clefs 
en  seront  remises  au  maire.  Certainement  il  y  a  eu  émo- 
tion populaire,  et  sans  doute  l'une  des  portes  sera  tom- 
bée aux  mains  des  réformés.  Il  est  aussi  arrêté  qu'une 
capilulation,  qui  n'est  pas  arrêtée,  sera  poursuivie  en 
toute  diligence. 

La  présence  à  Troyes  de  M.  Guedon  d'Esclavolles, 
émissaire  de  Catherine  de  Médicis  et  agissant  peut-être 
en  dehors  du  gouverneur,  est  une  des  causes  de  ce 
tumulte.  Il  est  mis  en  demeure  d'expliquer  sa  mission  et 
sa  conduite,  et  c'est  par  lui  que  l'on  connait  les  événe- 
ments des  journées  d'avril  et  surtout  ceux  qui  sont  re- 
prochés aux  protestants. 


156S  CHAPITRE  XVUI.  511 

Les  environs  ne  paraissent  pas  moins  soumis  à  rémo- 
tion que  la  ville  même.  Le  dimanche  13,  Nicole  Pithou, 
accompagné  de  Claude  Gaulard,  de  Guillaume  Henné* 
quin,  réformés;  de  Me  Claude  Berthier  et  de  Nicolas 
Chaulvy,  ces  deux  derniers  notaires  et  agissant  en  cette 
qualité,  vient  informer  l'assemblée  consulaire  de  la  pré- 
sence, à  Creney  et  autres  villages  voisins,  d'un  grand 
nombre  de  gens  de  guerre,  de  pied  et  de  cheval,  du  parti 
catholique,  qui  attendent  Toccasion  favorable  pour  péné- 
trer en  ville.  La  présence  de  cette  force  armée  cause, 
suivant  lui,  un  grand  désordre.  <  Il  somme  et  interpelle 
le  maire  et  les  échevins,  de  faire  faire  bonne  et  sûre 
garde  sur  les  murailles,  autrement  les  réformés  délibé- 
reront entr'eux  sur  les  moyens  de  garder  la  ville.  »  Sur 
cet  avis,  il  est  pris  de  nouvelles  mesures  pour  la  sûreté 
publique.  Les  portes  sont  gardées  comme  à  l'ordinaire  et 
de  plus  une  dizaine  d'hommes  se  tiennent  entre  chaque 
porte.  La  ronde  se  fait,  chaque  nuit,  avec  deux  notables 
personnages  de  chaque  religion.  Le  maire  donne  seul, 
comme  il  est  d'usage,  le  mot  du  guet  et  le  guet  des 
rues  se  continue. 

Il  est  aussi  arrêté  que  le  gouverneur  sera  averti  des 
émotions  dont  la  ville  est  le  théâtre  depuis  quelques 
jours,  de  la  présence  de  d'Esclavolles  à  Troyes  et  de  ses 
demandes  en  armes,  en  argent  et  en  munitions,  enûn  il 
sera  demandé  conseil  au  gouverneur. 

Les  assemblées  consulaires  se  succèdent  avec  rapi- 
dité pendant  ces  jours  de  troubles.  Les  têtes  s'échauffent 
et  les  catholiques  eux-mêmes  paraissent  regretter,  sinon 
déplorer,  la  présence  de  d'EsclavoUes.  Cet  agent  direct 
de  la  volonté  de  Catherine  de  Médicis  veut  prescrire  des 
mesures  si  rigoureuses,  que  rassemblée  consulaire^ 
craignant  une  révolte  de  la  part  de  ceux  que  Ton  veut 
opprimer,  ne  les  agrée  point.  Il  veut  éloigner  ceux  de  la 
nouvelle  religion  de  la  garde  des  portes;  le  Conseil,  au 


512  HISTOIRE   DE   TROYES.  1502 

contraire,  agissant  avec  sagesse,  ordonne,  le  15  avril, 
f|u'avec  la  garde  ordinaire,  il  sera  mis,  à  chaque  porte, 
dix  honimes  appartenant  à  la  réforme. 

M.  d'EsclavoUes  paraît  peu  content  des  Troyens, 
même  des  catholiques.  Aussi,  à  celle  assemblée  du  45, 
fait-il  connaître  ses  griefs  contre  les  uns  et  les  autres. 
Il  rappelle  qu'il  est  arrivé  en  ville  le  6;  que,  quoiqu*ayant 
communiqué  sa  commission,  il  a  été  informé  du  peu  de 
respect  que  quelques  bourgeois  ont  eu  envers  les  lettres 
du  roi,  de  la  reine-mère  et  du  roi  de  Navarre,  adressées 
à  MM.  de  la  Justice,  au  maire  et  aux  échevins.  Il  se  fût 
volontiers  excusé  de  la  charge  qui  lui  a  été  donnée  sans 
aucune  poursuite  de  sa  part.  Arrivé  à  Troyes,  muni  d'au- 
tres pouvoirs,  il  n'en  use  que  pour  faire  obéir  aux  ordres 
du  roi,  faire  craindre  la  justice  et  préserver  les  bons  de 
Toutrago  des  méchants.  Il  sait  les  menaces  de  quelques- 
uns  qui  ont  été  jusqu'à  mettre  de  six  à  sept  cents 
hommes  sous  les  armes,  à  appeler  quelques  gentils- 
hommes étrangers  pour  les  épauler^  les  conduire  et  les 
forcer  au  pillage,  s'il  eût  élé  en  leur  puissance.  Celte 
chose  est  si  certaine,  dit-il,  que,  le  dimanche  précédent, 
une  assemblée  fui  tenue  dans  ce  but.  Enfin,  *  homme 
vivant  (les  morts  parlent  quelquefois)  ne  peut  dire  qu'il 
ait,  du  moins  depuis  qu'il  est  arrivé  à  Troyes,  donné  à 
aucun  un  seul  mécontentement,  ni  paroles  contre  leurs 
prêches  ou  forme  de  faire,  mais  au  contraire  il  déclare 
qu'il  ne  les  veut  empêcher  s'il  n'y  a  mandement  con- 
traire du  roi. 

»  Quant  aux  réformés,  dit-il,  et  ici  M.  d'Esclavolles 
accumule  certainement  les  charges  les  plus  fortes  contre 
eux,  et  c'est  lui  qui,  par  ses  récriminations,  faites  en 
assemblée  consulaire,  dévoile  les  événements  qui  se 
sont  accomplis  à  Troyes  du  7  au  15  avril;  quant  aux 
réformés,  dit-il,  depuis  dimanche  ils  sont  en  armes  ;  ils 
ont  forcé  la  porte  de  Croncels;  ils   ont  volé  les  clefs  au 


156Î  CHAPITRE  XVIIl.  513 

portier  et  les  ont  remises  à  Thôtelier  ou  tavernier  du 
Porte-enseigne  qui  les  a  gardées  jusqu'au  lendemain.  — 
Ils  ont  supposé  que  ses  lettres  de  commission  étaient 
Fausses  et  ils  ont  dit  qu'on  s'en  procurerait  de  pareilles 
pour  un  liard  ;  c  qu'il  était  envoyé  par  un  boucher  (4) 
»  qui  voulait  faire,  en  cette  ville,  un  carnage  semblable 
>  à  celui  qui  avait  été  fait  à  Wassy.  >  Sans  demander 
vengeance,  il  veut  que  les  gens  de  la  justice  poursuivent 
ceux  qui  ne  veulent  désarmer.  Puis  il  formule  un  réqui- 
sitoire énonçant  une  série  de  griefs,  dont  le  ton  est  bien 
pâle,  si  on  compare  les  faits  qu'il  détaille  aux  massacres 
de  Sens  et  de  Wassy.  —  Les  protestants  se  sont  empa- 
rés des  portes  (suivant  lui,  il  n'y  en  a  eu  qu'une  seulCf 
celle  de  Croncels).  —  Ils  font  émouvoir  le  peuple,  et,  en 
armes,  ils  vont  au  prêche.  —  Ils  ont  fait  venir  en  ville 
des  gentilshommes  et  autres  du  dehors.  —  Ils  ont  en- 
rôlé et  promis  de  payer  des  soudarts.  —  Ils  ont  fourni 
des  armures,  et  notamment  le  fils  ou  le  neveu  de  Fabre, 
armurier,  qui  n'en  a  voulu  vendre  pour  le  service  du  roi. 

—  Ils  se  sont  vantés  de  mettre  la  ville  en  combustion. 

—  Us  ont  tué  Michel  Fourné  et  son  hôte,  pour  qu'il  ne 
rendit  pas  témoignage  contre  ceux  qui  avaient  rompu 
son  tambourin,  sonnant  pour  le  service  du  roi.  —  Ils 
ont  rompu  ledit  tambourin.  —  Ils  ont  tiré  un  coup  de 
pistolet  au  portier  de  l'hospice  de  Si-Bernard,  dont  les 
joues  ont  été  percées  —  Ils  ont  rompu  et  brisé  quelques 
images  au  cimetière  de  St-Remi  et  devant  l'église  de 
St-Jean.  —  Le  fils  d'un  cordonnier  a  blessé  à  mort  le 
serviteur  d'un  pâtissier. 

Dans  ce  document  important,  le  seul  qui  rappelle  les 
faits  d'avril  1562,  et  qui  appartient,  non  à  un  témoin 
impartial,  mais  qui  émane  d'un  homme  ardent  du  parti 


(i)  Le  duc  do  Guise  avait  déjà  reçu  la  sanglante  épithète  do  : 
Boucher  de  France. 

lit*  ZZ 


514  HISTOIRE   DE   TROYES.  IMf 

catholique,  d'un  agent  de  Catherine  de  Médicis,  d'un 
émissaire  des  Guise^  rien  n'établit  que  d'Esclavolles  ait 
été  retenu  prisonnier  par  les  protestants.  Il  est  certain 
qu'il  aurait,  contre  eux,  fait  de  cette  violence  un  des  ar- 
ticles les  plus  colorés  de  ses  griefs. 

Après  avoir  pris  connaissance  de  cette  plainte,  l'as- 
semblée déclare  qu'elle  trouve  bon  et  agrée  le  règlement 
que  propose  M.  d'EscIavoUes,  en  ce  qui  touche  la  police, 
mais  qu'à  l'égard  des  crimes  et  des  délits,  il  n'y  a  lieu  de 
les  renvoyer  à  justice. 

Dans  ces  journées,  Nicole  Pithou  est  l'homme  de  la 
situation.  Il  est  à  la  tête  des  réformés.  Il  agit  avec  une 
rare  prudence,  quoique  avec  énergie,  dans  ce  moment 
de  si  vive  émotion  populaire.  Son  courage,  son  dévoue- 
ment déterminent  la  marche  des  événements.  Il  veille, 
avec  ses  co-rcligionnaires  et  à  côté  de  l'échevinage,  à  la 
sûreté  de  la  ville.  Il  fait  connaître  au  Conseil  les  événe- 
ments du  dehors  qui  peuvent,  en  cas  de  faiblesse,  réagir 
sur  la  ville  et  y  déterminer  une  catastrophe.  C'est  lui 
qui,  dans  rassemblée  du  15,  annonce  <  qu'un  sac  >  s'est 
fait  à  Sens,  le  dimanche  précédent  (le  12);  qu'un  grand 
nombre  de  gens  de  guerre,  de  pied  et  de  cheval,  sont  aux 
environs  de  la  ville,  menaçant  de  la  surprendre  et  d'y 
saccager  ceux  de  la  religion  réformée;  que  le  pillage 
leur  est  promis;  qu'il  se  trouve,  à  Assencières  et  i 
Mesnil-Selliùres,  de  120  à  140  hommes  de  guerre  dis- 
posés à  entrer  en  ville,  a  11  est  expédient,  >  dit-il,  t  de 
mettre  les  fauconneaux,  avec  d'autres  pièces  d'artillerie, 
sur  les  murailles,  d  afin  de  défendre  la  ville;  e  de  quoi 
je  somme  le  maire  et  les  échevins.  »  Il  demande  que 
l'artillerie  soit  gar»lée  par  les  habitants  de  l'une  et  l'au- 
tre religion.  «  La  garde  des  portes  par  ceux  de  la  reli- 
gion réformée,  avec  la  ganle  ordinaire,  est,  >  dit-il,  «  dans 
l'intérêt  du  roi  et  pour  la  tuition  (conservation)  delà 
ville,  j)  el  il  faut  avertir  le  gouverneur  de  ce  qui  se  passe. 


tie^  CHAPITRE  XVIII.  515 

Nicole  Pitbou,  en  son  n&m  et  au  nom  de  ses  adhérents, 
offre  de  donner,  pour  garant  de  ce  qu'il  vient  de  dire,  tel 
nombre  des  leurs  que  le  Conseil  voudra  ordonner.  Enfin, 
il  somme  «  d'abondant  >  le  maire  et  les  échevins  d'ea- 
voyar  vers  le  gouverneur,  afin  de  l'avertir  des  entreprises 
projetées  contre  la  ville,  et  Tinformer  <  de  la  capitula* 
tioQ  faite  entre  les  bourgeois  de  Troyes.  » 

L'assemblée,  par  son  président,  répondant  à  N.  Pithou, 
fait  connaître  qu'il  y  sera  pourvu  par  l'avis  du  Conseil. 

Cette  séance,  dont  les  débats  sont  ici  rapportés 
d'après  un  procès-verbal  rédigé  il  y  a  plus  de  trois 
siècles,  avec  ce  style  calme,  vrai,  simple,  et  que  l'on 
voudrait  animer  pour  mieux  faire  comprendre  la  gravité 
des  événements  dont  il  a  fixé  le  souvenir,  mais  que  ceux 
qui  ont  été  témoins  d'émotions  populaires  peuvent  plus 
faclement  se  représenter  ;  cette  séance  dut  être  belle 
d'émotion,  en  voyant  Nicole  Pithou,  ce  simple  citoyen 
prenant  comme  il  arrive  quelquefois,  dans  ces  moments 
de  suprême  danger,  son  mandat,  non  dans  une  accla- 
mation populaire  et  générale,  mais  après  avoir  consulté 
quelques  amis,  puis  s'armer  de  courage,  venir  exposer 
à  un  corps  constitué  qui  lui  est  hostile,  si  ce  n'est 
ennemî,  la  situation  delà  population  avec  une  éloquence 
qui  entraîne  son  auditoire.  Quand,  après  le  sommaire 
discours  de  Nicole  Pithou,  M.  de  Vaubercey,  blessé  de 
quelques  expressions  vives,  ardentes,  pout-étre  irritantes- 
et  qu'il  qualifie  d'injures,  que  Nicole  Pithou  lui  a  pré- 
sentement imposées  comme  autrefois,  il  déclare  ne  plus 
vouloir  s'immiscer  dans  les  fonctions  de  maire,  ni  se 
mêler  des  affaires  de  la  ville.  Cette  séance  dut  rester 
gravée  dans  le  souvenir  de  ceux  qui  y  assistaient.  Ces 
quelques  mots  en  démontrent  l'animation. 

L'intervention  de  Nicole  Pithou  parait  avoir  produit 
et  maintenu  le  calme  dans  la  cité  et  parmi  la  population 
alors  divisée  en  deux  parties  inégales,  il  est  vrai,  mais 


516  HISTOIRE  DE  TROYES.  i5d2 

ardentes  Tune  contre  Tautre.  te  maire,  le  Conseil  de 
ville,  les  ofïïciers  de  justice,  par  de  sages  mesures  prises 
avec  équité,  dictées  par  un  sentiment  de  conciliation, 
ont  aussi  coopéré  de  tout  leur  pouvoir  a  maintenir  la 
paix  entre  tous  les  habitants,  qui,  dans  Tun  et  l'autre 
camp,  résistent  à  des  suggestions  étrangères,  remontant 
aux  régions  les  plus  proches  du  pouvoir  royal.  La  ville 
se  sauve  elle-même  du  péril  dont  elle  était  sérieusement 
menacée.  Que  serait-il  arrivé?  Quels  malheurs  n'aurail- 
on  pas  eu  à  déplorer,  si  d'Esclavolles,  qui  se  prétend 
porteur  de  pouvoirs  dont  il  ne  fait  pas  usage^  avait  trouvé 
aide  et  assistance,  soit  chez  quelques  notables  citoyensi 
soit  dans  le  Conseil  de  ville?  N'est-il  pas  heureux  que  ce 
corps  constitué,  d'accord  avec  la  justice,  lui  ait  refusé, 
dès  son  arrivée,  des  armes,  des  munitions  et  de  Targent 
pour  armer  et  solder  une  centaine  de  soudarts,  chargés 
d'appuyer,  de  la  force  de  leurs  arquebuses,  sa  politique 
agressive.  N'est-ce  pas  agir  avec  sagesse  que  de  refuser 
l'entrée  de  la  ville  à  un  groupe  de  gentilshommes  réfor- 
més, qui,  armés  se  présentent  aux  portes?  Qu'est-ce  que 
cette  force  armée  catholique  qui  se  tient  pendant  dix 
ou  douze  jours  dans  la  banlieue?  Qu'y  fait-elle,  sinon 
attendre  une  occasion  favorable  pour  surprendre  la  garde 
en  défaut  et  pénétrer  en  ville  Cette  troupe,  placée  sous 
les  ordres  de  M.  de  Rizaucourt,  s'étant  présentée  aux 
portes,  les  huguenots  qui  gardaient  lui  en  refusèrent 
l'ouverture  en  lui  disant  que  s'il  entrait  dans  la  ville, 
lui,  qui  n'a  point  de  nez,  n'aurait  bientôt  point  de 
tête  (1) 

Cette  fois,  la  ville  est  sauvée  du  pillage,  sans  aucun 
doute  du  massacre.  11  est  vrai,  suivant  l'acte  d'accusa- 
tion que  d'Esclavolles  dressa  contre  les  réformés,  trois 
hommes    perdirent  la  vie.   Ces  meurtres  sont  toujours 

(1)  CoiiRTALON.  Topogr.^  t.  i*»",  p.  110. 


IMt  CHAPITRE   XVIII.  517 

déplorables.  Mais  que  sont  les  faits  dont  la  ville  de 
Troyes  a  été  le  théâtre,  si  on  les  rapproche  des  massacres 
de  Sens  et  de  Wassy. 

N'y  a-t-il  pas  des  rapprochements  bien  fondés  à  faire 
entre  les  scènes  qui  se  passent  en  mars  et  avril  dans  ces 
trois  villes  dominées  par  Tinfluence  des  princes  lorrains. 
Ne  doit-on  pas  admettre,  d'après  ses  propres  paroles 
comme  d'après  les  documents  authentiques,  que  d'Escla. 
voiles  est  venu  à  Troyes,  avec  un  ordre  du  roi  et 
de  la  reine-mère,  avec  des  instructions  des  Guise,  et 
sans  Taveu  du  gouverneur,  pour  diriger  et  influencer 
les  élections  des  échevins,  alors  que  déjà,  par  des  menées 
catholiques,  les  gens  des  métiers  avaient  été  écartés  de 
cette  élection  ?  N'est-on  pas  bien  prêt  d'admettre  une 
pravocation  d'en  haut  et  de  reconnaître  que  le  massacre 
de  Wassy,  celui  de  Sens  et  celui  que  Ton  préparait  à 
Troyes  étaient  conduits  par  les  mêmes  gens  et  dirigés 
par  une  même  pensée:  la  destruction  du  calvinisme 
par  la  persécution,  par  la  mort  et  par  la  formidable  inti- 
midation que  le  meurtre  et  le  pillage  amènent  toujours 
avec  eux  et  après  eux. 

Mais,  à  Troyes,  les  deux  partis  demeurent  relative- 
roant  calmes.  Les  catholiques  sont  modérés.  Aux  fêtes 
de  Pâques,  ils  s'abstiennent  de  faire,  comme  de  coutume, 
les  processions  fraternelles.  Les  réformés  n'abusèrent 
point,  si  jamais  ils  le  purent,  de  la  partie  de  pouvoir 
qui  tomba  entre  leurs  mains  pendant  quelques  jours 
seulement. 

D'ËsclavoUes  quitta  la  ville,  peu  après  le  15,  il  se 
retira  peu  satisfait  du  résultat  de  sa  mission. 

Le  20,  les  habitants  mettent  bas  les  armes.  Us  sont 
c  en  bonne  paix  >  et  sur  le  bon  vouloir  du  gouverneur, 
la  garde  de  la  ville  et  des  portes  cesse.  Si  M.  de  Vau- 
bercey  se  souvient  encore  du  langage  énergique  de 
N.  Pithou,il  oublie  promptementla  promesse,  par  lui  faite, 


518  IIISTOmE  DE  THOYES.  tM» 

de  ne  plus  s'occuper  des  affaires  de  lit  cité.  Le  24  avril, 
ii  reparaît  au  conseil,  après  quelques  jours  d'abstention, 
continuant  ses  pénibles  et  laborieuses  fonctions,  jusqu'au 
jour,  où  descendant  du  pouvoir  municipal,  le  choix  des 
électeurs  le  remplace  par  M.  Claude  Pinette  (1). 

Le  comte  d'Eu,  gouverneur  de  Champagne,  devenu  duc 
de  Nevers,  par  la  mort  de  son  père,  arrivée  le  13  février, 
prévenu  des  événements  d'avril,  se  dirige  vers  Troyes 
avec  sa  compagnie  et  celle  de  son  frère  Jacques  de 
Clèves,  seigneur  d'Orval  et  marquis  d'isle  CAumont). 
Il  s'arrête  au  château  de  Saint-Lyé  ou  il  reçoit  les  nou- 
velles de  la  ville  et  d'où  il  donne  des  ordres.  Le  duc- 
gouverneur  n'entre  à  Troyes  qu'après  le  rétablissement 
de  l'ordre  et  alors  que  la  population  a  mis  bas  les  armes. 
Il  est  en  ville  le  24  avril.  Il  y  arrive  avec  sa  compagnie, 
qu'il  y  veut  mettre  en  garnison,  tandis  que  celle  de  son 
frère  serait  répandue  dans  la  banlieue.  Mais,  au  moyen 
de  présents  faits  à  son  secrétaire  et  à  quelques  officiers 
de  sa  suite,  le  Conseil  espère  dispenser  la  ville  de  cette 
charge.  Il  tfen  fut  rien  dans  la  circonstance  et  la  compa- 
gnie fui  logée  par  voie  de  garnison.  Le  jeune  gouverneur, 
quelques  jours  après,  veut  faire  pénétrer  en  ville  une 
compagnie  de  gens  de  pied.  Le  Conseil  fait  valoir  «  les 
privilèges  des  habitants  o  et,  celte  fois,  celte  troupe  ne 
prend  pas  logis  en  ville 

Le  duc  de  Nevers  est  plein  d'ardeur.  Il  n'a  pas  la 
prudence,  ni  la  maturité  d'esprit  de  son  père.  Le  30  avril, 
il  demande  la  remise  entre  ses  mains  des  clefs  de  la 
ville  et  il  veut,  »  pour  aucunes  causes  à  ce  le  mouvant,  p 
que  les  armes,  déposées  à  rHôtel-de-Ville,  soient  portées 
à  riiôlel  épiscopal  où  il  est  logé. 

Le  Conseil  décide  que  les  clefs  lui  seront  présentées, 

(1)  Pour  les  troubles  d'avril,  voir  notamment  :  Arch.  mun.  A.  14 
et  B.B.;  i4«  carton,  Ire  liasse. 


1561  CHAPITRE  XVUI.  519 

mais  en  lui  faisant  observer  que  les  clefs  sont  présen- 
tées au  roi  et  aux  princes,  qui,  de  suite,  les  remettent  au 
maire,  en  raison  de  la  confiance  qu'ils  ont  dans  les 
habitants  et,  «  quant  aux  armes,  qu*il  y  a  place  à  l'Hôtel- 
de-Ville  pour  les  tenir  sûrement.  >  Le  duc,  ayant  ordonné 
l'ouverture  d'une  troisième  |)orte,  celle  du  Beffroi,  le 
Conseil  craint  pour  la  sûreté  de  la  ville.  La  porte  de 
Preize,  s'ouvranl  sur  le  grand  chemin  de  Saint-Lyé,  reste 
murée,  malgré  le  gouverneur,  qui  avait  voulu  la  placer 
sous  la  garde  de  sa  compagnie,  pour  ce  service,  soldée 
par  la  ville.  Le  Conseil  ne  veut  rien  payer.  Le  guet  des 
rues  est  augmenté.  Des  armes  offensives  et  défensives 
sont  remises  aux  mains  de  ceux  qui  en  ont  la  charge. 
Le  duc  fit  déposer  des  armes  à  l'hôtel  épiscopal.  Car, 
c'est  de  là  que  sortent  les  arquebuses  distribuées  aux 
gardes  et  aux  dizaines,  tandis  que  les  hallebardes  et  les 
voulges,  appartenant  à  la  ville,  sortent  de  ses  maga- 
sins (i). 

Le  4  mai,  les  réformés  de  Troyes  dirigent  sur  Orléans, 
une  compagnie  de  trois  cents  hommes,  destinés  à  porter 
secours  au  prince  de  Condé.  Cette  troupe  est  rencontrée, 
le  10,  jour  de  l'Ascension,  par  la  compagnie  de  M.  de 
Barbezieux,  près  de  Senan  (2).  Avec  l'aide  de  paysans, 
cette  compagnie  se  rue  sur  les  réformés.  Plusieurs  de 
ceux-ci  sont  tués,  d'autres  faits  prisonniers  et  conduits  à 
Sens,  à  Joigny  et  ailleurs,  d'autres  enfin  s'échappent  et 
gagnent  Monlargis  et  Orléans  (3). 

Dans  les  mêmes  jours,  «  le  roi  fait  sonner  le  tam- 
bourin »  en  plusieurs  bonnes  villes  du  royaume,  pour 
faire  des  recrues.  Sur  ses  ordres,  le  capitaine  de  Rizau- 
coufl  fait  des  levées  à  Troyes,  et  les  dirige  sur  Orléans. 

(1)  A. A.  14e  carton,  2«  liasse. 

(2)  Canton  d*Aillant,  arrondissement  de  Joigny  (Tonne). 

(3)  DUHALLE.  T.  I«r. 


5S0  HISTOIHE   DE   TKOYES.  (562 

Une  partie  de  cettre  troupe  est  attaquie  vers  Saint-Lyo 
par  les  hug;uenots.  Dans  une  autre  lutte  ayant  eu  lieu 
près  de  la  ville,  un  capitaine,  Michel  Fourey  fui  tué  près  des 
vignes  des  bas  clos  de  Croncels,  Les  duc  de  Guise  et  de 
Montmorency  faisaient  aussi  des  levées,  pour  le  roi,  dans 
leurs  seigneuries  de  Champagne.  Filles  se  faisaient  avec 
peine  et  sans  grand  succès.  Les  huguenots  poursuivaient 
ces  recrues.  Deux  capitaines,  faisant  bt^ltre  le  tambour  à 
Rosnay,  y  furent  tués(l). 

Le  jeune  duc  de  Nevers,  était  fils  de  François  deCIèves, 
et  de  Marguerite  de  Bourbon,  sœur  d'Antoine,  roi  de 
Navarre.  Il  sVUait  attaché  à  son  oncle  le  prince  de  Condé 
et  avait  suivi  le  parti  de  la  réforme.  Plusieurs  fois,  il 
avait  promis  de  suivre  le  prince  de  Condé  à  Orléans  avec 
une  troupe  de  noblesse  d'élite  et  de  gens  de  guerre. 
Celte  promesse  avait  été  renouvelée  par  lui  à  Jacques 
Spifame,  ancien  évêque  de  Meaux  et  de  Nevers,  que 
le  prince  lui  avait  envoyé.  Mais,  le  jeune  duc  changea 
de  sentiments  et  de  conduite,  à  la  persuasion  de  Des- 
bordes, l'un  de  ses  officiers  et  de  Biaise  de  Vigenère, 
son  secrétaire  (2). 

Aussi,  comme  il  arrive  trop  souvent,  le  duc  de  Nevers, 
dominé  |)ar  Desbordes,  déploya  à  Troyes  une  grande 
éneri»ie  contre  les  réformés  donlil  avait  récemment  aban- 
donne les  intérêts.  Aux  fêtes  de  Pâques,  le  clergé  troyeii 
n'avait  point  fait  ses  processions  fraternelles,  mais  à 
celles  de  la  Fête-Dieu  la  procession  fut  célébrée  avec  une 
grande  pompe  et,  comme  dit  un  annaliste  catholique,  il 
la  fit  soutenir  avec  80  ou  100  hommes  delà  compagnie 
de  Nevers. 

.   Le   l*'»juin,  il   ordonne,  en   des  termes    d'une  rare 
énergie,  la  sortie  des  murs  de  la  ville  de  tous  les  étran- 

(1)   DUHM.LE.   T     lor,  p    103. 

(i)  De  Thou.  Hist.  de  mon  temp$y  iiv.  xxxi>  p.  411. 


f5Hâ  GHAPITKË   XVlll.  521 

gors  «  dans  la  journée,  sur  peine  de  lu  vie,  >  et,  sur  la 
ménne  peine,  il  prescrit  à  tous  les  hôtelliers  et  autres 
logeurs  de  gens  passant  et  étrangers  de  venir  déclarer 
par  écrit  ceux  qui  sont  logés  chez  eux,  ce  qui  sera 
continué  chaque  jour  et  sera  t  le  billet  »  remis  au 
gouverneur  ou  au  sieur  Desbordes,  lieutenant  de  sa 
compagnie.  Tout  individu  venant  à  Troyes  n*y  pourra 
séjourner  plus  de  vingt-quatre  heures,  à  moins  de  causes 
légitimes  que  Ton  fera  connaître  au  dit  sieur  Des* 
bordes  (1  ). 

Le  gouverneur  ne  réussit  guère  mieux  à  Troyes  que 
d*Esclavolles.  11  demande  au  conseil  une  somme  de 
600  liv,  pour  solder  sa  compagnie  et  les  maire  et 
échevins  lui  répondent  qu*il  a  autorité  et  commande- 
ment sur  les  receveurs  des  tailles,  qu*il  peut  leur  deman- 
der la  somme  dont  il  a  besoin.  Quant  aux  munitions,  il 
y  a  ordonnance  sur  la  gendarmerie,  prescrivant  que 
le  taillon  levé  sur  le  peuple  doit  être  employé  à  couvrir 
ces  sortes  de  dépenses.  11  est,  de  plus,  fait  observer 
au  gouverneur  que  jamais  le  maire  et  les  échevins 
n'ont  fait  venir  de  munitions  à  Troyes,  que,  du  reste 
et  pour  ce  fait,  ils  n'ont  aucune  autorité  sur  les  habi- 
tants des  villages  (2) 

Le  jour  de  la  saint  Barnabe,  il  est  procédé  aux  élec- 
tions du  maire.  L'élu  est  M.  Claude  Pinette.  Les  protes- 
tants espèrent  en  lui.  11  n'avait,  jusque  là,  montré  aucune 
passion  religieuse,  mais,  soit  par  conviction,  soit  par 
faiblesse,  soit  en  raison  des  circonstances  ou  à  cause  de 
la  présence  des  agents  trop  actifs  du  duc  de  Nevers, 
avec  la  mairie  de  M.  Claude  Pinette,  s'ouvre  une  ère  de 
persécution. 

Le  duc  de  Nevers  gagne  ses  éperons  dans  sa  campagne 


(1)  B  B.  t4*  carton,  U^  liasse.  —  Original, 
(î)  A.  44. 


523  HisToms  de  troybs.  im 

contre  la  ville  de  Troyes,  Il  affirme  sa  conduite  contre 
les  protestants,  en  leur  ôtant,  dès  son  arrivée,  la  faculté 
de  s'assembler,  liberté  qu'ils  tenaient  de  Tédit  de  jan- 
vier 1561  (v»  st.).  Le  plus  i^and  nombre  des  habitants 
et  surtout  le  peuple  murmurent.  Les  protestants  com* 
mencent  à  être  maltraités.  On  s'en  prend  d*abord  aux 
livres  qui,  publiquement,  sont  jetés  au  feu.  Les  enfant» 
sont  arrachés  du  sein  de  leurs  mères.  On  les  conduit 
dans  les  églises,  où,  de  nouveau,  ils  sont  baptisés.  Les 
cérémonies  du  mariage  sont  renouvelées,  alors  qu'elles 
ont  été  célébrées,  suivant  le  mode  protestant.  Bientôt 
commencent  les  proscriptions,  puis  la  vente  à  l'enchère 
des  biens  meubles  de  plus  de  quarante  des  principaux 
habitants.  Plusieurs  personnes  sont  mises  à  mort,  soit 
par  les  excès  d'une  population  fanatique,  soit  par  suite 
de  condamnations.  Les  femmes  ne  sont  pas  épai^nées, 
trois  sont  cruellement  traînées  par  les  rues,  puis  jetées 
à  la  rivière.  Le  maire  et  ses  échevins  contribuent  à  allu- 
mer la  fureur  du  peuple  (1).  Le  28  mai,  un  boucher, 
nommé  de  Sellières,  est  tué  par  les  gens  du  duc  de 
Nevers,  avec  lesquels  des  rixes  sont  fréquentes. 

Le  duc  de  Nevers  quitte  la  ville  dans  le  cours  de 
juin.  II  y  laisse  Desbordos,  Tun  des  offîcieps  de  sa  com- 
pagnie, en  qualité  de  lieutenant,  et  au  moins  une  partie 
de  cette  compagnie. 

La  garde  de  la  ville  se  fait  avec  exactitude.  Le  li  juillet, 
on  saisit  en  ville  des  armes  qui  y  ont  été  achetées  et  qui 
allaient  être  expédiées  à  Toul,  à  Neufchâteau  et  à  Stras- 
bourg. Ces  armes,  déposées  après  la  saisie  à  Thôtel-de- 
ville,  sont  rendues  au  marchand,  originaire  de  Stras- 
bourg, qui  les  avait  achetées. 

Le  même  jour,  14,  le  clergé  se  réunit  et  ensuite  le 
Conseil  do  ville  pour  nommer  des  députés  chargés  d'aller 

(1)  De  Thou.  Liv.  XXXI,  p.  412. 


i562  CHAPITRE   XVIU.  523 

en  cour  porter  plaintes  contre  les  huguenots  et  s'occuper 
de  la  fonnation  d'une  nouvelle  compagnie  de  300  hommes 
de  pied,  chargée  do  la  garde  de  la  ville.  Le  Conseil 
redoute  le  zèle  de  Mauroy,  qui  est  en  cour.  Il  l'informe 
(]u'il  n'ait  pas  à  s* occuper  d'obtenir  arrêt  du  Conseil,  afin 
d'être  autorisé  à  expulser  de  l'échevinage  ceux  qui  pour- 
raient être  de  la  religion  réformée;  qu'il  n'a  aucun  pou- 
voir à  cet  eflet  (I).  Il  était  trop  tard.  Bientôt,  sur  la 
demande  du  maire,  des  échevins  et  de  la  communauté 
des  habitants,  le  Parlement  mettra  l'arme  la  plus  terrible 
aux  mains  de  ces  gens  que  le  zèle  religieux  rend  aveugle, 
et  à  qui  la  foi  catholique  trop  ardente  donne  de  la 
cruauté 

Avant  que  le  Parlement  ne  délivre  cet  arrêt,  la  cour 
en  avait  rendu  un  autre  contre  le  culte  réformé.  Il  était 
ordonné  que  tous  les  prédicants,  ministres  et  autres 
officiers  de  la  nouvelle  secte  seraient  arrêtés  et  faits 
prisonniers  comme  criminels  de  lèse-majesté  divine  et 
humaine,  séditieux  et  perturbateurs  du  repos  et  de  la 
tranquillité  publics,  afin  d'être  procédé  contre  eux, 
comme  il  appartiendrait,  et  que  ceux  qui  pourraient  être 
mis  sous  la  main  dû  la  justice  seraient  ajournés  à  com- 
paraUre  à  la  cour  dans  le  délai  de  trois  jours,  avec  an- 
notation (saisie)  de  leurs  biens. 

Le  21  juillet,  le  cuisinier  du  sieur  Desbordes  ayant 
dit  à  trois  orfèvres  qui,  près  de  la  Belle-Croix,  chantaient 
des  psaumes  en  français,  «  avant  six  jours  on  vous  fera 
chanter  un  autre  chant,  >  fut  tué  par  ces  orfèvres. 

Le  26,  dans  une  assemblée  générale  convoquée  à 
l'instigation  de  la  reine-mère  (2),  il  est  décidé  qu'il  sera 
formé,  dans  la  ville,  une  compagnie  de  trois  cents 
hommes,  €  tous  de  la  religion  observée  par  le  roi  et  ses 

(i)  A.  14. 

(2)  B.  B.  14e  carton,  2«  liasse. 


524  HISTOIRE  DE  TROYES.  IM 

"h  prédécesseurs,  depuis  le  roi  Glovis.  "h  Cette  compa^ie 
aura  pour  chef  un  gentilhomme  catholique,  nommé  par 
le  gouverneur.  Il  ne  prendra  d*autro  titre  que  celui  «  de 
gentilhomme  de  Mgr  le  duc  de  Nivernais,  ayant  charge 
de  300  hommes  de  pied,  ^  et  sans  qu*il  puisse  rien  or- 
donner sans  prendre  Tavis  du  bailli,  de  ses  lieutenants, 
du  maire  el  des  échevins.  Les  malfaiteurs  qu'ils  auront 
arrêtés  seront  remis  à  la  justice  ordinaire.  Un  sieur  d*As- 
signy  (1)  est  désigné  de  suite  comme  capitaine  par  le 
duc  de  Nevers.  La  solde  de  cette  compagnie  doit  être 
prise  sur  les  revenus  des  évêques,  abbés  et  prieurs,  non 
résidant  dans  le  bailliage,  et  le  surplus,  s'il  y  a  lieu,  sera 
acquitté  par  le  clergé,  les  bourgeois,  manants  et  habi- 
tants de  Troyes  (2).  La  solde  des  arquebusiers  est  fixée 
à  6  livres  par  mois,  et  celle  des  autres  gens  d*armes  à 
5  livres. 

Le  3  août,  cette  compagnie  fait  sa  première  montre. 
Tous  ces  soldats,  dès  Torigine,  sont  reconnus  pour  être 
le  rebut  de  la  population  troyenne,  comme  la  compagnie 
de  la  ville  de  Sens,  dite  :  des  Pieds^Nus^  formée  dans  les 
mêmes  circonstances.  Ils  se  jettent  dans  les  maisons  des 
huguenots  et  les  poursuivent  avec  la  plus  grande  rigueur. 
Ils  les  désarment  avec  violence  ;  ils  brûlent  leui^s  livres 
el  font  prisonniers  tous  ceux  dont  ils  peuvent  s'emparer. 
Le  peuple  est  si  animé  contre  la  réforme,  qu'une  vieille 
femme,  venue  de  Genève,  ne  voulant  pas  se  mettre  à 
genou  en  l'église  de  Notre-Dame-aux-Nonnains,  est  jetée 
à  l'eau  dans  le  ru  Cordé,  après  avoir  été  tuée  à  coups 
de  pied  et  à  coups  de  pierres  (3). 

Cette  expédition,  dans  l'intérieur  de  la  ville,  aurait  eu 
un  caractère  juridique  et  elle  aurait  été  faite  sur  Tordre 

(1)  Assigny,    commune    de    Champcevrais,    canto'i    de   Bleneau 
(Yonne). 

(2)  A.  14. 

(3)   DUHALLE.   T.  1er,  p.  104. 


iS(tt  CHAPITRE   XVI II.  525 

de  Desbordes.  Ce  lieutenant  du  duc  de  Nevers  ordonne 
aux  ofliciers  de  justice  d'avoir,  avec  leurs  sergents  et 
leurs  archers,  à  se  trouver  en  sa  demeure  Tun  des  pre- 
miers jours  du  mois  d'août.  Le  maire,  de  son  côté,  aurait 
donné  secrètement  ordre  à  tous  ces  mauvais  garnements 
de  se  joindre  aux  magistrats.  Desbordes,  avec  les  magis- 
trats, leurs  archers  et  sergents,  et  un  grand  nombre  des 
gens  de  la  compagnie  du  duc  de  Nevers,  en  armes,  par- 
courent la  ville  et  visitent  les  maisons  des  réformés.  Leur 
première  visite  est  pour  la  rue  Moyenne.  Ils  entrent  de 
Force  dans  les  maisons  des  protestants,  sous  prétexte  d'y 
saisir  des  armes.  Mais,  de  fait,  les  maisons  sont  pillées  et 
les  bibles,  les  psaumes  et  autres  livres  à  l'usage  des  ré- 
formés sont  pris  et  brûlés. 

Le  pasteur  Jacques  Sorel  et  sa  femme,  sur  l'avis  de 
Nicole  Pithou,  d'Etienne  Brunchié,  avocat,  chez  lequel 
il  est  logé,  et  Christophe  Venel,  se  décident  à  sortir  de 
la  ville.  Ils  sont  aidés  dans  leur  fuite  par  un  domestique 
de  Caracciole.  Sorel  se  retire  à  St-Mards,  où  il  est  reçu 
chez  Odard  Pied-de-Fer,  qui  en  est  seigneur. 

Le  5  août,  l'expédition  judiciaire  continue.  Une  femme, 
dite  la  Maçonne,  est  frappée  de  coups  de  dagues,  traînée 
dans  les  rues,  puis  jetée  dans  le  ru  Cordé.  Le  mâuie 
jour,  des  soldats  forcent  des  maisons,  s'emparent  des 
enfants  protestants  et  les  portent  dans  les  églises,  afin 
de  les  faire  baptiser  suivant  le  rite  romain.  On  cite  no- 
tamment les  enfants  de  Pantaléon  Bon,  menuisier;  de 
Jean  Viot,  menuisier;  de  Simon  d'Arzillières,  verrier;  de 
Honnet;  de  Louis  du  Lutel,  contre-poinlier;  de  Biaise 
Chantefoin  et  aulres.  Cette  bande  armée  se  transporte 
ensuite  aux  Buttes-des-Ârchers,  où  se  fait  le  prêche, 
s'empare  de  la  chaire,  la  porte  au  Marché-à-Blé,  et  après 
y  avoir  attaché  un  hareng  saur  (faisant  ainsi  allusion  au 
pasteur  Sorel  )  et  placé  une  bible  sur  cette  chaire,  le  feu 
dévora  le  tout. 


526  HISTOIRE   DE  TROYES.  |S6t 

Cette  même  bande  conlinue  ses  tristes  exploits.  Martio 
Adam  est  tué  d'un  coup  d'arquebuse;  Gallois  est  jeté  à 
la  rivière  ;  Pantaléon  Gauthey  reste  mort  sur  la  place, 
par  8uite  de  coups;  Nicolas  Henry  est  blessé  à  mort, 
trainé  dans  les  rues,  puis  jeté  à  Teau,  ainsi  que  Robert 
Pinard,  arbalétrier.  Jean  Aubert,  percé  de  coups  d'épée, 
et  sa  femme,  sont  jetés  dans  la  rivière,  au-dessus  du 
moulin  de  la  Tour. 

Un  grand  nombre  de  maisons  sont  abandonnées  par 
leurs  habitants-  Les  portes  en  sont  brisées  par  ces  for- 
cenés qui  s'emparent  des  meubles,  du  vin,  du  blé,  qu'ils 
vendent  à  leur  profit.  Certaines  de  ces  maisons  sont 
occupées  par  ces  soldats;  quelques-unes  sont  démolies. 
On  reproche  à  Desbordes  de  nombreux  et  importants 
achats  dont  il  ne  paie  point  le  prix.  Il  fait  des  emprunts 
qu'il  ne  rembourse  point. 

A  quelques  jours  de  là,  la  maison  de  Christophe  Ludot 
est  pillée  et  saccagée  en  son  absence.  Antoine  Huyart, 
seigneur  de  Presles  et  conseiller  au  bailliage,  s'était 
retiré  à  Orléans.  Arrêté  à  Chaource,  en  revenant  de  cette 
ville,  il  est  a.T^ené  dans  les  prisons  de  Troyes,  où  il  est 
détenu  fort  longtemps  et  d'où  il  est  parvenu  à  s'évader. 

L'une  des  héroïnes  du  protestantisme  à  Troyes  est 
Ambroise  Pilhou,  sœur  de  Nicole,  de  Pierre  et  de  Fran- 
çois, et  femme  de  Claude  de  Marisy,  seigneur  de  Valen- 
tigny.  Cette  femme,  d'un  rare  courage,  est,  en  1562, 
l'objet  d'une  persécution  qu'elle  ne  recherche  point,  mais 
qu'elle  soutient  avec  énergie,  et  qui  se  renouvella  en 
1572  (IK 

Plusieurs  de  ceux  que  les  Trois-Cents  ont  fait  prison- 
niers sont  mis  en  liberté,  parce  qu'ils  n'avaient  été  qu'au 
prêche,  et  que,  depuis,  ils  avaient  fait  profession  de  foi 
de  la  religion  catholique.  Les  soldats  se  plaignent,  avec 

;1)    N.    PiTHOU. 


ISOf  CHAPITRE  XYIII.  527 

aigreur,  de  ces  élargissements.  Courroucés  contre  les 
huguenots,  à  Texcitation  d'habitants  catholiques  et  de 
membres  du  clergé,  ils  se  livrent  à  de  nouvelles  vio- 
lences contre  les  réformés.  Ils  vont  de  nuit  dans  leurs 
maisons,  situées  soit  en  ville,  soit  aux  champs,  les 
pillent  et  en  rançonnent  les  habitants,  vident  ces  mai- 
sons et  emportent  tout  ce  qu'ils  peuvent,  quoiqu'ait  pu 
dire  et  faire  M.  de  Barbezieux  pour  empêcher  ces  excès 
fâcheux.  Les  reproches  du  lieutenant  du  gouverneur  ne 
produisent  aucun  résultat  favorable.  Au  contraire,  il  est 
en  butte  à  leurs  menaces  et  à  leurs  paroles  injurieuses, 
ce  qui  l'indigna  contre  la  ville.  Ces  soldats  ne  voulaient 
obéir  à  justice  (1).  M.  de  Barbezieux  était  débordé,  ses 
ordres  n'étaient  pas  exécutés  :  Desbordes  était  tout-puis» 
sant  à  la  tète  de  cette  horde  de  malfaiteurs. 

Le  47  août,  le  clergé  de  la  ville,  chanoines  et  autres 
bénéficiaires  font  une  profession  de  foi  catholique  (2). 

Pendant  les  troubles  d'avril  les  relations  extérieures 
et  commerciales  de  la  ville  cessent  entièrement.  Les 
marchandises  et  denrées  emballées,  fardelées  et  envais- 
selées,  ne  sortent  pas  des  murs,  à  l'exception  des  armes, 
qui  passent  avec  un  certificat  des  échevins.  Les  intéres- 
sés voient  leur  demande,  tendant  à  recouvrer  la  liberté 
d'expédier,  refusée,  les  15  mai  et  6  juin.  Ce  n'est  que  le 
18  août,  que  ces  marchandises  peuvent  sortir  de  la 
ville,  après  avoir  subi  la  visite  de  Uesbordes  et  de  six 
notables  bourgeois  désignés  par  le  Conseil  (3). 

En  août,  une  procession  extérieure  doit  être  faite  en 
>iU6.  Le  clergé  ne  s'abstient  pas,  comme  aux  fêtes  de 
Pâques,  soutenu  qu'il  est  par  Uesbordes  et  par  le  Con- 
seiL  Pour  être  sur  que  cette  cérémonie  ne  sera  point 

(1)  Duhàlle.  t.  !•',  p.  105. 

(2)  Arch.  dép.  —  Fonds  de  St-Etienne,  Inventaire  des  hénèf,^ 
p.  46,  17  août  156t. 

(3)  A  U. 


588  HISTOIRE  DB  TnOYBS.  «M 

troubléOi  le  Conseil  fait  placer  deux  gardes  à  obaqù 
porte  et  une  garde  à  chacune  des  brèches  qui  sont  aux 
murailles.  Un  corps-de-garde  prend  place  au  Marché* 
à-Blé,  un  autre  à  TEtape-au^Vin  ;  un  k  rentrée  de  la  rue 
Notre-Dame,  et  un  quatrième  près  de  St-Nixier.  Las 
portes  sont  tenues  fermées,  sauf  les  guichets  des  portas 
de  St-Jacques,  du  Beffroi  et  de  Groncels  (1). 

Une  réaction  violente  se  fait  sentir,  Tautorité  est  entre 
les  mains  des  catholiques  zélés  qui  sont  appuyés  par  le 
duc  de  Nevers  et  par  Desbordes,  son  lieutenant.  En  août^ 
on  dresse  un  rôle  des  suspects.  Les  curés,  jes  vicaires  et 
les  marguilliers  sont  chargés  de  ce  soin.  Ce  rôle  est  en- 
suite déposé  aux  mains  du  maire.  Il  donne  lieu  à  de 
nombreuses  réclamations.  Il  est  interdit  aux  étrangers 
d'apporter  des  lettres  en  ville  sans  les  communiquer  aux 
gardes  des  portes,  sous  peine  de  la  hart.  Afln  que  per- 
sonne n'en  ignore,  cette  résolution  est  publiée  au  prOne 
des  églises  paroissiales  de  la  banlieue. 

Le  duc  de  Nevers  ne  séjourne  pas  en  ville,  il  se  tient 
au  château  de  St-Lyé,  dépendant  du  domaine  épisoopal, 
et  y  habite,  alors  que  Caracciole  y  est  encore.  C*est  là 
que  Desbordes  va  prendre  ses  ordres.  Un  jour  que  celui- 
ci  s*y  est  rendu  pour  conférer  avec  le  gouverneur  de 
Texécution  de  Tédit  du  17  juillet,  la  foudre  tombe  sur  le 
château  et  tous  deux  subirent  Tinfluence  de  Télectricité. 
A  la  suite  de  cette  conférence,  et  dès  le  lendemain  de 
son  retour,  Desbordes  fait  placer  des  gardes  sur  les  rem. 
parts  et  fait  braquer  des  pièces  d'artillerie  contre  la  viUci 
comme  si  elle  était  en  état  de  siège.  La  ville  est  ensuite 
sillonnée  par  la  force  armée,  et  le  tambour  bat  comme 
si  elle  était  en  danger.  Cette  démonstration  inquiète  les 
réformés.  Ils  présument,  avec  raison,  qu'elle  est  dirigée 
contre  eux.  Ils  suspendent  leurs  assemblées.  Le  plus 

(i)  A.  14. 


I56!i  GUAiniRË  XYUl.  5:29 

grand  nombre,  étant  alors  au  prêche,  ne  rentre  point  en 
ville  do  même  que  le  ministre  Frasnelle. 

Outre  les  trois  cents  soudards  formant  une  compagnie 
à  la  solde  de  la  ville,  les  habitants  sont  formés  en  com- 
pagnies, par  quartiers.  C'est  une  nouvelle  organisation 
armée  de  la  population  troyenne  ;  elle  remplace  les 
hommes  de  fer  et  les  hommes  de  pourpoint.  Un  règle- 
ment est  proposé  par  le  corps  de  ville,  dans  une  assem- 
blée tenue  le  13  août,  et  à  laquelle  assistent  le  duc- 
gouverneur,  son  lieutenant  Desbordes  et  les  autres  offi- 
ciers du  roi. 

Il  est  arrêté  que  les  capitaines  de  chaque  quartier 
auront  deux  lieutenants,  un  enseigne  et  un  centenier, 
tous  loyaux  catholiques  et  de  Tancienne  religion,  ainsi 
qu'il  sera  certifié  par  les  officiers  du  roi.  —  Les  officiers 
ne  comprendront  dans  leurs  rôles  que  des  gens  dont  la 
loyauté  et  la  catholicité  seront  attestées  par  les  mêmes 
officiers  du  roi.  Tous  les  admis  seront  invités  à  se  mettre 
en  équipage  d'armes,  le  plus  promptement  possible,  et 
prendront  les  armes  auxquelles  ils  seront  le  plus  aptes. 
—  Les  réunions  se  feront  aux  lieux  indiqués  par  les  ca- 
pitaines. —  Les  murailles,  les  portes  et  les  remparts, 
seront  divisés  par  quartiers.  —  Cinquante  charpentiers, 
couvreurs  et  maçons,  seront  retenus  en  ville  et  dans  des 
lieux  fixés  à  l'avance,  pour  porter  secours  en  cas  d'in- 
cendie. —  Ceux-ci  ne  seront  pas  de  la  nouvelle  religion 
et  prêteront  serment.  —  Les  habitants  de  la  banlieue 
seront  armés,  afin  de  pouvoir  rompre  les  courses  des 
ennemis.  —  Ils  s'avertiront  les  uns  et  les  autres,  jus- 
qu'en ville.  —  Ceux  de  la  nouvelle  religion,  ayant  des 
armes,  les  déposeront  à  l'hôtel-de-vîUe.  —  Les  biens  des 
absents  seront  saisis,  mis  sous  la  main  du  roi  et  donnés 
en  garde  aux  parents  et  voisins  reconnus  solvables.  — 
Les  absents  de  la  religion  nouvelle,  qui  ont  porté  les 
armes  contre  le  roi  et  la  ville,  ne  seront  pas  reçus  en 
III*  M 


530  HISTOUIK  De  TKOYKS.  45^^ 

ville,  et  ceux  qui  ne  se  sont  point  absentés  seront  mis 
dehors,  quelque  profession  de  foi  qu'ils  fassent  ou  puis- 
sent avoir  fait,  ainsi  que  ceux  qui  leur  auront  donné 
conseil,  aide  et  confort,  et  ce,  selon  les  édits  du  roi  et 
les  arrêts  du  Parlement.  —  Nul  de  la  nouvelle  religion 
n'assistera  au  Conseil  de  ville  pendant  tout  le  temps  que 
le  roi  arbitrera.  —  Les  trois  cents  hommes  de  pied, 
levés  par  la  commission  du  roi,  garderont  Tartillerie 
placée  sur  les  remparts  et  recevront  les  ordres  du  gou- 
verneur, de  son  lieutenant  et  du  maire.  —  Nul  d'entre 
eux  ne  sortira  de  la  ville  et  ne  se  tiendra  aux  portes,  s'il 
n'y  est  par  ordre,  sous  peine  d'être  pendu  et  étranglé.  — 
Sous  la  même  peine,  ils  ne  pourront,  sans  commande- 
ment, arrêter  aucun  individu,  entrer  dans  aucune  maison 
et  attenter  à  aucun  bien  de  quelque  personne  que  ce 
soit.  —  Nul  ne  sera  exempt  de  la  garde  de  la  ville,  eu 
égard  à  Téminent  péril.  —  Les  portes  du  Beflroi  et  de 
St-Jacques  seront  seules  tenues  ouvertes  (1). 

Cette  nouvelle  organisation  armée  des  habitants  ne 
donne  que  2,500  hommes  (2),  ayant  pour  chef  un 
enseigne-colonel,  qui  est  François  Format,  fils  de  Claude. 
Il  fait  ses  preuve^  de  calholicilé  entre  les  mains  de 
Desbordes. 

Toutes  les  mesures  prises,  avec  tant  de  rigueur, 
contre  les  protestants,  décident  le  plus  grand  nombre  à 
quitter  Troyes.  Cet  abandon  de  la  ville  rend  le  recoux-re- 
ment  des  subsides  et  des  emprunts  royaux  inipossiblc. 
Les  protestants  Iroyens  se  jettent  dans  Bar-sur-Seine, 
dès  les  [)remicrs  jours  d'août,  croyant  y  trouver  asile  et 
protection,  au  milieu  d'une  population  qui  compte  un 
grand  nombre  de  leurs  co-religionnaircs.   Là,  étant  en 

(I)  B.  B.  14''  carlon,  1«c  liasse. 

('2)  Kn  1544,  la  ville  curaple  3,875  hommes  en  rlat  de  porter  les 
aimes.  La  (lirfrrence  entre  ces  deux  rliiffres,  doit  donner  à  i)eu  près 
la  forée  du  parti  de  la  réforme. 


1SM  GHAPITUË  XVIII.  531 

force  et  pour  se  venger  de  la  conduite  des  cathoiiqoes 
troyens,  ils  se  livrent  à  des  excès  qui  en  provoquent 
malheureusement  de  plus  regrettables  encore. 

La  ville  de  Bar-sur*Seine  —  car  Témotion  est  parlent 
et  la  guerre  avec  elle  —  la  ville  de  Bar-sur-Seine  est 
tombée  aux  mains  des  protestants.  Elle  est  placée  sous 
le  commandement  d'un  étranger  nommé  Jean  leSemon*» 
neux,  ancien  valet  de  l'évéque  de  Verdun,  homme  que 
Ton  croyait  ferme  en  ses  opinions  et  bon  capitaine. 
Nicole  Pithou  le  qualifie  en  disant  qu'il  était  plus  propre 
à  débaucher  une  jeune  fille  qu  à  conduire  des  hommes 
de  guerre.  Mais  bientôt  y  arrive  une  troupe  de  huguenots 
commandés  par  le  capitaine  Fréniz,  surnommé  l'Horrible, 
en  relation  avec  le  prince  de  Portion,  et  qui,  plus  capa- 
ble, prend  le  commandement  de  la  ville. 

Les  protestants  troyens  se  sont  retirés  dans  les  villages 
du  voisinage  et  aussi  à  Bar-sur-Seine,  avec  leurs  femmes 
et  leurs  enfants.  En  effet,  la  ville  et  le  château  ne  pré- 
sentent pas  de  sûreté,  en  raison  du  peu  de  force  des  for- 
tifications de  fun  et  de  Tautre;  et,  parmi  la  population, 
il  n*y  a  ni  union,  ni  ordre,  ni  police.  Cette  ville  peut 
craindre  celle  de  Troyes,  bien  garnie  d'hommes  et  de 
munitions,  occupée,  commandée  et  dominée  par  de  zélés 
catholiques.  Il  serait  difficile  aux  habitants  de  résister 
avec  succès  à  une  attaque.  Sans  défiance  et  sans  pré- 
caution, mal  leur  en  advint.  Déjà,  de  concert  avec  Des- 
bordes, Vignier,  seigneur  de  Ricey,  et  le  seigneur  de 
Yille^sur-Arce,  ont  réuni  trois  cents  hommes  qu'ils  tien- 
nent à  Merrey,  distant  de  Bar-sur-Seine  d'environ  trois 
kilomètres. 

Desbordes  rassemble  toutes  les  forces  dont  il  peut  dis- 
poser. Celles-ci,  réunies  aux  gens  d*armes  du  duc  de 
Nevers,  aux  trois  cents  hommes  de  pied  placés  sous  le 
commandement  du  capitaine  d*Assigny,  et  à  environ 
quatre-vingts  gentilshommes,  quittent  la  ville,  enseignes 


/- 


532  HISTOIUK    DE  TUOYES.  !3« 

déployées,  dans  la  nuit  du  23  au  24  août,  suivies  du 
lieutenant  de  robe-eourle  et  de  ses  archers,  spécialement 
chargés  du  soin  de  capturer  les  réformés.  La  ville  de 
Troyes  envoie,  pour  les  opérations  du  siège  de  Bar,  un 
double  canon,  trois  grandes  couleuvrines,  deux  faucon- 
neaux, huit  cenls  livres  de  poudre  à  canon  et  des  bou- 
lets. Cent  vingt  chevaux  sont  occupés  au  charroi  de  ce 
matériel  de  siège,  qui  doit  être  manœuvre  par  quatre- 
vingts  canonniers,  pionniers,  charpentiers,  charrons  et 
maréchaux  (1).  Cette  troupe  se  joint  à  celle  du  seigneur 
de  Ricey,  à  Viroy-sous-Bar. 

Dès  le  lendemain,  le  double  canon  et  les  couleuvrines 
sont  braqués  sur  le  château  de  Bar;  la  ville  no  pouvant 
résister  à  une  attaque,  le  château  étant  pris,  ceux  qui 
occupent  le  château,  veillent  avec  si  peu  de  soin  que 
Tartillerie  est  braquée  et  les  assiégeants  au  pied  de  la 
muraille,  avant  que  l'alarme  ne  soit  donnée.  Le  capi- 
taine Fréniz,  resté  en  ville  avec  quelque  cavalerie,  en 
sort  sans  porter  secours  aux  assiégés  du  château.  Il 
abandonne  ainsi  les  habitants  et  les  gens  de  pied.  Cette 
cavalerie  prend  le  chemin  de  Jaucourt,  où  existe  un 
château-fort  appartenant  à  Jacques  de  Clèves,  frère  du 
gouverneur  de  Champagne.  Les  gens  d'armes  de  la  com- 
pagnie de  Nevers  poursuivent  les  cavaliers  du  capitaine 
Fréniz,  jusqu'au  bois  deSemond.  Pierre  Clément,  sieur 
do  Pouilly  (près  Troyes),  ne  peut  suivre.  Il  tombe  aux 
mains  d'un  sieur  Spances,  écossais,  et  d'un  sieur  de 
Railly  (2).  Ceux-ci  lui  promettent  la  vie  sauve,  moyen- 
nant rançon,  et  le  laissent  en  liberté.  Mais  il  est  presque 
aussitôt  capturé  par  un   inaréchal-des- logis  de  la  com- 

(1)  A.  H.  —  DuiULLE.  T.  i«^r,  p.  106-107.  —  Courtalon.  Topog., 

t.  icr,  p    lli. 

(2)  Spances,  lisez  :  d'Espances.  —  La  famille  de  ce  nom  se  divi- 
sait en  plusieurs  branches.  L'une  HVlles,  cftlle  des  d'Espances  de 
Railly,  s*éleip:nit  à  Ervy,  vers  iS'iô. 


i5C2  CHAPITRE   XVIII.  533 

pagnie  de  Nevers,  de  longue-main  son  ennemi,  et  qui, 
comme  Ton  disait,  «  aboyait  la  confiscation.  >  Il  le  mal- 
traita, lui  cracha  au  visage  et  lui  dit  :  c  Je  mangerai  de 
»  la  fressure  avant  dix  ans.  >  Puis  il  le  ramena  à  Bar- 
sur-Seine.  Clément  avait  en  vain  cherché  refuge  chez  un 
châtelain  du  voisinage,  à  qui  il  avait  rendu  service. 
€  Mais,  dit  Nicole  Pithou,  service  de  seigneur  n*est 
•  point  héritage.  > 

Les  catholiques,  après  la  fuite  des  cavaliers  de  Fréniz, 
se  rendent  sans  peine  maître  de  la  ville.  Sans  commisé- 
ration, ils  exercent  toutes  sortes  de  cruautés,  mettent  à 
mort  tous  ceux  qu'ils  rencontrent,  soit  hommes,  soit 
femmes  ou  enfants.  Les  assiégeants,  la  plupart  troyens 
et  catholiques,  recherchent  les  protestants  leurs  compa- 
triotes, afin  de  les  faire  mourir.  On  cite  plusieurs  meur- 
tres perpétrés  avec  une  cruauté  sans  égale.  Parmi  les 
victimes,  on  nomme  :  Pierre  André,  sa  femme  et  leur 
enfant;  Guillaume  Venel,  Jean  Cousin,  Jean  Baillet, 
Claude  Mérey,  Rémi  Poisson,  Claude  Havart,  GuyotFour- 
nel,  Pierre  de  la  Ilupproye,  Nicolas  Demy,  Jean  Bcnoist, 
Rémi  Cordier,  Germain  Viart,  Jean  Simon,  dit  Martinet; 
Jean  Lambert,  Bernicart,  Martin  Adam,  ditTrumclot,  cl 
d'autres  encore.  Plusieurs  femmes  sont  tuées,  d'autres 
sont  violées.  D'autres  se  rachètent  de  la  mort  en  payant 
rançon.  Le  capitaine  du  château,  Le  Semonneux,  est 
pendu  (2). 

Le  nombre  des  protestants  morts,  tant  hommes  que 
femmes  et  enfants,  est  fixé  à  160  (1).  On  compte  seule- 
ment dix  ou  douze  prisonniers,  parmi  lesquels  se  trouve 
le  sieur  de  Pouilly,  qui  ne  voulut  pas  abjurer,  il  fut  con- 
damné à  être  pendu.  Lors  de  son  exécution,  qui  oui 
lieu  sur  la  place  du  Marché-au-Blé,  le  2  septembre,  le 

f\)  NinoLE  Pithou. 

(2)  CorRTALuN.  Topog.,  t.  icr,  p.  112. 


534  HISTOIRE  DE  THOYES.  ises 

peuple  ameuté  coupa  la  corde,  lui  arracha  les  yeux,  lui 
coupa  le  nez  et  les  parties  sexuelles,  le  traîna  par  la 
ville  jusqu'à  la  Cathédrale,  et,  enfln,.  le  jeta  dans  le  ru 
Cordé.  D'autres  prisonniers  subirent  le  même  sort.  On 
nomme  encore  le  neveu  de  Pierre  Clément,  Nicolas  Beau, 
procureur,  et  Boudeville,  chaussetier.  Le  premier  fut 
traîné  dans  les  rues,  mais  le  second  ayant  demandé  on 
Salve,  son  corps  fut  laissé  en  repos.  Des  trois  enfants  de 
Beau,  le  duc  de  Nevers  en  aurait  pris  deux  à  sa  charge, 
et  Desbordes  le  troisième  (1).  Edme  Botta,  maître  des 
écoles  calvinistes,  fut  fouetté  par  toute  la  ville,  pour 
avoir  conduit  publiquement  les  enfants  au  prêche. 

Le  peuple,  traînant  dans  les  rues  le  corps  de  ce  mal- 
heureux Pierre  Clément^  passa  devant  THôtel  de  M.  Jean 
de  Mesgrigny,  président  au  présidial.  Gomme  il  n'avait 
point  signé  la  profession  de  foi  soumise,  dans  le  cours 
d'août,  au  clergé  et  aux  officiers  royaux,  celle  bande 
furieuse  cria  que  si  elle  le  tenait,  elle  lui  ferait  encore 
pire. 

Au  siège  de  Bar-sur-Seine,  le  conseil  de  ville  avait 
envoyé,  pour  en  suivre  les  opérations,  Jean  Gombaut.  Cet 
cchevin  avait  surtout  mission  de  s'assurer  de  la  remise 
aux  mains  des  troyens  d'un  certain  Blampignon,  dit 
Prélat,  €  Tun  des  plus  séditieux  huguenots  qui  eût  porté 
les  armes,  »  dit  le  registre  *dcs  délibérations  du  conseil. 
Blampignon  avait  quitté  Troycs  et  s'était  réfugié  à  Bar- 
sur-Seine,  alors  que  ses  co-religionnaires  en  étaient 
maîtres.  Dans  une  sortie,  il  tomba  au  pouvoir  de  la 
troupe  du  sieur  de  Ricey.  Il  se  racheta  moyennant  une 
forte  rançon,  ce  qui,  dit  le  même  document,  troubla  le 
peuple  et  la  ville.  Gombault  avait  aussi  mission  de  s'as- 
surer s'il  n  y  avait  pas  à  Bar-sur-Seine  des  pièces  d'ar- 
tillerie fabriquées  par  les  métiers  de  cette  ville.  En  cas 

(i)  Breykr,  Gourtalon,  Duhalle.  Mémoires^  t.  icr,  p.  106-107. 


1563  CHAPITRE  XVIII  535 

d'aflirmative,  Gombault  devait  se  les  faire  remettre  et  les 
ramener  à  Troyes.  Il  avait  encore  la  charge  de  s* emparer 
des  biens  confisqués  sur  les  prisonniers,  afin  d'en 
appliquer  la  valeur  au  paiement  des  frais  du  voyage  et 
du  siège  dont  la  durée  fut  de  six  jours  {i). 

La  réaction  catholique  marche  à  grand  pas.  Les 
violences  sont  excessives  à  Bar-sur-Seine,  à  Troyes  et 
dans  la  banlieue.  Les  groupes  de  protestants,  rencontrés 
dans  les  campagnes,  sont  poursuivis,  chassés  et  mis  à 
mort.  On  compte,  à  Troyes,  sept  processions  générales 
depuis  la  Fête-Dieu  jusqu'aux  premiers  jours  de  septem- 
bre. En  août,  une  profession  de  foi,  en  vingt  six  articles, 
dressée  par  la  faculté,  est  signée  par  les  membres  des 
corps  constitués,  non  sans  résistance  ou  abstention  de 
quelques-uns.  Celte  profession  de  foi  n'est  autre  que  les 
articles  dressés  en  Sorbonne,  en  4542,  contrôles  luthé- 
riens, autorisés  par  François  I^r  et  approuvés  par  Henri  IL 
Le  41  août,  ces  articles  sont  proposés  à  la  signature 
des  membres  du  bailliage  et  siège  présidial.  Deux  mem- 
bres seulement  ne  veulent  pas  signer,  ce  sont:  MM.  Jean 
de  Mesgrigny,  président,  et  Regnault,  avocat.  Le  corps 
de  ville  les  signe  le  même  jour.  Le  17,  le  chapitre  de 
St-Etienne  y  donne  son  approbation.  Le  30,  le  surplus  du 
clergé  les  approuve,  et  le  lendemain  est  le  tour  des 
avocats,  des  procureurs,  des  soi^ents  et  des  marchands 
qui  signent,  chacun  dans  leur  ordre,  ce  premier  acte  de 
la  ligue  (2). 

Les  assassinats  juridiques  se  continuent  pendant  plu- 
sieurs mois.  La  compagnie  des  trois  cents  est  bientôt 
l'objet  de  mesures  sévères  prises  contre  les  hommes 
qui  la  composent.  Le  conseil  do  ville,  quelques  jours 


(1)  A.  14. 

(2)  Sémtllard.  t.  lor.  —  Breyer.    Arch.    dép.,  fonds  de    St- 
Etienne.  Inv,  des  bénéfices,  p.  16. 


536  HISTOIRE  DE   TROYES.  fses 

après  le  siège  de  Bar-sur-Seine,  veut  défaire,  en  partie, 
son  œuvre.  Au  sein  de  ce  conseil,  on  propose  le  renvoi 
de  cent  hommes,  des  plus  séditieux.  Cet  instrument, 
crée  un  mois  auparavant,  est  trouvé  dangereux  pour 
la  cause  qu'il  est  chargé  de  soutenir  et  de  défendre. 
Avant  de  prendre  parti,  le  clergé  est  consulté,  et  la 
compagnie  survit,  dans  son  entier,  à  celte  première 
demande  d'épuration. 

La  compagnie  du  duc  de  Nevers  est  aussi  l'objet  de 
vifs  reproches.  Les  soldats  pillent  les  maisons  de  ceux 
de  la  religion  nouvelle.  Ce  pillage  est  tel  que  les  habi- 
tants craignent  de  ne  pouvoir  fournir  quinze  mille  livres 
demandées  par  le  roi,  ni  satisfaire  au  paiement  de  la 
solde  de  la  compagnie  des  trois  cents  hommes  de  pied. 
Le  maire  et  les  échevins,  dès  le  2  septembre,  avouent 
leur  impuissance  à  faire  cesser  les  vols  et  les  pilleries 
que,  chaque  jour,  commettent  ces  deux  compagnies. 

L'échevinage  a  le  commandement  supérieur  en  main 
dans  ces  malheureuses  circonstances.  <  Cette  commune 
réactionnaire  de  1562  >  commande  avec  audace,  non 
pas  seulement  dans  les  affaires  qui  sont  de  sa  compé- 
tence, mais  encore  à  Tégard  des  faits  qui  touchent  à  la 
religion  et  à  la  justice.  Si  le  lieutenant  criminel  donne 
ordre  au  maire  et  aux  échevins  de  faire  faire  le  guet, 
ceux-ci  lui  répondent  que  «  ni  lui  ni  ses  prédécesseurs 
n'ont  le  droit  de  faire  pareil  commandement  ;  qu  ils  ne 
sont  ni  ses  justiciables  ni  ses  supérieurs  (1er  septem- 
bre). >  Puis,  le  8,  le  conseil  décide,  en  exécution  de 
l'arrêt  du  parlement  du  22  août,  que  les  huguenots  pri- 
sonniers seront  envoyés  à  Paris  pour  y  être  jugés. 

Cet  arrêt  du  parlement,  daté  du  22  août,  a  été  obtenu 
par  le  clergé,  l'échevinage  et  la  communauté  des  habi- 
tants, zélés  catholiques.  Il  va  immédiatement  porté  ses 
fruits.  Cet  arrêt  autorise  et  couvre  de  la  plus  audacieuse 
impunité  tous  les  forfaits  qui  ont  été  ou  pourront  être 


156-  CHAPITUE   XVIII.  537 

commis  sous  le  voile  de  la  religion.  11  est  dirigé  contre 
tous  ceux  de  la  religion  nouvelle  qui  habitent  les  villes 
de  Troyes,  de  Rosnay,  de  Bar-sur-Seine,  de  Céant-en- 
Olhe,  de  Villemaur  et  autres  lieux,  ou  qui  se  trouvent 
dans  ces  lieux,  et  contre  tous  ceux  qui  se  sont  rendus  à 
Orléans,  contre  la  volonté  du  roi.  Cet  édit  prescrit  le 
remplacement  des  offîciers  de  THôtel-de -Ville  professant 
la  religion  réformée,  et  autorise  Tassistance  en  armes 
aux  assemblées  de  Téchevinage.  11  ordonne  Tarrestation 
de  tous  ceux  qui  se  sont  rendus  à  Orléans,  avec 
armes,  contre  la  volonté  du  roi,  leur  mise  en  prison  et 
leur  conduite  à  la  conciergerie  du  Palais,  afm  d'y  être 
jugés  comme  criminels  de  lèse-majesté  divine  et  humaine. 
Il  prononce  la  confiscation  et  la  saisie  de  tous  leurs 
biens.  Ceux  qui  auront  suivi  les  prêches  feront  confes- 
sion de  la  foi  catholique  et  se  confesseront  à  ceux  qui 
ont  le  pouvoir  de  les  absoudre.  Ils  recevront  le  créateur, 
iront  à  la  messe  et  à  vôpres,  les  dimanches  et  les  fêtes, 
sinon  les  suppliants  sont  autorisés  à  les  chasser  et  à  les 
expulser  de  la  ville  ou  de  les  prendre  et  constituer  pri- 
sonniers et  les  envoyer  à  la  conciergerie  du  Palais,  afin 
d'y  faire  leurs  procès.  Au  lieu  des  stispicionués  et  mal 
sentants  la  foi^  il  sera  commis,  pour  la  garde  et  pour  le 
guet  et  à  leurs  frais,  de  bons  catholiques.  —  Les  prédi- 
cants,  ministres  ou  autres  officiers  de  la  secte  nouvelle 
seront  pris  au  corps  et  conduits  à  la  conciergerie  du  palais 
pour  procéder  contre  eux  comme  criminels  de  lèse- 
majesté  divine  et  humaine.  —  Tous  ceux  qui  seront 
trouvés  pillant  et  saccageant  les  églises  et  maisons  seront 
considérés  comme  séditieux,  rebelles  et  criminels  de  lèse- 
majesté  et  ennemis  de  la  couronne  de  France,  ainsi  que 
leurs  fauteurs  et  complices  et,  comme  tels,  la  cour  les 
abandonne  pour  être  défaits,  taillés  et  mis  en  pièces 
par  le  peuple,  sans  que  les  auteurs  puissent  être  tenus, 
repris  et  poursuivis  en  justice  et  ce,  suivant  Tarrêt  de  la 


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le  .ivni>r  ir.»i:  in  un^  ^kiiôl  «&  B»  il  mit  ihli  w  termes  ! 

fjicv^^  K  iir  34&  ^^im  jDinrtt.  Qkea§  le  18  seplembrre, 
.«»  tnnjKïL  Uittistm  ^ïisae4!3&  Sdiwni  le  Xairat,  Jeao  Le 
T^rier.  unofer  IL  «I^aoue  Ld  Ttfcer  :  Pierre  Perricard, 
if^aa  Kifimv  «l  ^rHiii»  L^ht.  ja«i9  ^^KIâeliiers  de  ville  et 
^nvoBïivameaz^  >ie:iuî  SLeyiittiit.  a.7Qcat  de  la  ville  par 
Jà  ^séAX^\ti  isi  huL  hi  Ssvsa.  ^  ^  avait  refusé  sa 
ti^;ioir^  «  ^  «itiOQs&fiJia  îd  l«h.  Eo.  remplacem^nl  des 
UttOfti'Mr^  û^  TÎljit.  îtHic  J-îSMÂsion  avait  été  prononcée 
^  Mk  rn^^^rji^^  'inoi  néme  !iia;iûciié  choisissait  :  Jean  Le 
Tatt^e.  !Di^7r!it»r  :  i^iipu»  Jkaâry.  Isan  Gombault,  Pierre 
^  Amên^utmt.  LsTirau  GLanii^reaft  et  Pierre  Belin  ;  Tavocat 
4e  .d  vi;ti»:  irA  SuA^JA  Ja£*^i»:w  <;il:  plus  tard  devint  prévôt 
4e  lmf&  et  ue  ^«^^ect  Ait  ua  adomé  Maoldier. 

Celte  iéar:*:e  f  *éparati03  se  termina  par  la  prestation 
4e  serment  «  sur  I^  saints  évangiles  de  Dieu,  de  ne 
€  n^pofter  aoeone  chose   délihérée  et  conclue  par  le 

\i,7Kyi  avo.r  âv:::  ortirr^-i  du  r'ariemeni  de  Paris  l'arrêt 
drj  ii  a«/i..  ie  jrr.seu  p-:u:s*j:;  encore  près  du  roi 
1  ohu^ntr-n  •]•:;  .et::es  len-iar.:  à  î'aire  maintenir  exclusive- 
rneril  ie  ;;«'/i..>:r  e.iire  le>  mains  des  catholiques.  Dans 
ce  hul,  il  envoie  au  roi  des  commissaires  porteurs  d'ins- 
tructions ^Jressées  dans  le  but  de  faire  connaître  la 
situation  de  la  ville  et  des  habitants.  Ces  instructions 
reviennent  à  Troyes  émargées  des  réponses  du  roi. 

Ainsi  les  catholiques  se  disent  vingt  fois  plus  nom- 
breux que  ceux  do  la  rnligion  contraire  et  prétendent 
que  ceux-ci  sont  forains  et  étrangers  pour  le  plus  grand 
nombre.  —  A  cette  déclaration,  le  roi  répond  que  c'est 

(1;  A.  14,  à  la  date  du  17  septembre  1562. 


1302  CHAPITRE   XVIII.  539 

avec  grand  plaisir  qu'il  apprend  que   la  ville  Je  Troyes 
renferme  si  peu  tic  gens  de  la  nouvelle  opinion. 

Le  trouble,  apporté  en  ville,  provient  de  rintelliçenco 
des  magistrats,  notamment  du  président  (Jean  de  Mes- 
grigny),  de  Tavocat  du  roi,  de  cinq  conseillers  au  baillago 
et  siège  présidial  et  du  lieutenant  du  prévôt  qui  fréquen- 
tent les  prêches,  les  assemblées  et  les  exercices  de  la 
religion  réformée  et  qui,  par  leur  exemple,  entraînent  le 
peuple,  comme  par  leurs  fonctions  maintiennent  Texer- 
cicc  de  la  nouvelle  religion  ;  que  depuis  les  nouveaux 
arréls  rendus  contre  d'autres  magistrats,  les  juges  ont 
abandonné  la  ville.  —  Le  roi  promet  de  sévir  contre  qui 
il  appartiendra. 

Le  plus  grand  nombre  des  échevins  et  conseillers, 
Tavocat  de  la  ville,  le  receveur  des  deniers  communs 
créés  pendant  les  troubles,  c  par  forces  d'impression,  » 
se  sont  aussi  absentés  et  ont  quitté  la  ville,  ainsi  que 
deux  élus  en  l'élection  qui  sont  de  la  secte  nouvelle.  — 
Le  roi  répond  que  le  plus  grand  bien  pour  la  ville  serait 
de  la  voir  quitter  par  tous  les  réformés. 

La  ville  renferme  au  moins  six  mille  hommes  (1), 
aptes  à  porter  les  armes  et  catholiques  prêts  à  exposer 
leur  vie  et  leurs  biens  pour  l'honneur  de  Dieu,  le  service 
du  roi  et  le  maintien  do  la  ville  en  l'ol^éissance  de  Sa 
Majesté.  —  fn  Le  roi  loue  le  nombre  de  gens  de  bien  qui 
lui  sont  aifectionnés  dans  la  ville  de  Troyes  et  dit  qu'il 
en  aura  bonne  souvenance.  » 

Après  avoir  félicité  le  roi  du  choix  de  M.  Desbordes, 
comme  gouverneur  de  Troyes,  il  consent  à  ce  c  que  les 
soupçonnés  de  la  nouvelle  religion  ne  soient  plus  reçus 
à  Troyes  et  que  la  solde  de  la  compagnie  des  300  hommes 
de  pied  soit  répartie  entre  toutes  les  villes  du  bailliage. 


(i)  On  .1  vu  (fuc  les  habitants  choisis  et  armes  sont,  en  1562,  au 
nombre  do  2,500,  catholiques,  il  est  vrai. 


540  HfiTOfBE  DB  TROTES.  fsfi* 

qui  prenneot  part  i  la  SsAde  des  50,000  hommes  de 
pied  levés  pour  le  roi,  y  compris  tous  les  bénéficiers  du 
même  ressort. 

Le  roi  acei>rde  aussi  la  suppression  de  la  compagnie 
des  trois  cents  hommes  de  pied,  puisque  la  ville  possède 
suffisamment  de  ^ns  dévoués  pour  qu*elle  puisse  se 
frarder  eHe-mème  et  sans  payer  de  gens  d'armes. 

Après  avoir  renouvelé  certaines  demandes  résolues 
déjà  par  Tarrét  du  :^  août,  le  roi  déclare  qu'il  sera 
pourvu  au  remplacement  de  M.  de  Melphe,  évéque  de 
Troyes«  et  que.  déjà.  M.  de  Beauffreroont  est  chargé  de 
réconomat  de  révéché.  Enfin  le  roi  accorde  au  maire, 
aux  échevins  et  aux  conseill*?rs  de  ville  catholiques,  le 
droit  de  porter,  eux  et  leur^  domestiques,  des  armes  pour 
leur  défense.  —  Ut^e  liberté  est  accordée  aux  gens  de 
Téfliso    I . 

Le  conseil  de  ville  eparé«  les  exclus  sont  remplacés  par 
des  habitants  qui  r^'fusent  de  prendre  part  à  ses  travaux. 
Ce  même  conseil  demande  à  M.  de  la  Rochefoucault  de 
Barbeiieux  Texpulsion  de  la  ville  du  baron  de  Plancy, 
'lu  oaD'tJtce  Parue-îe,  îii  iiîarét:hi\l  Re^nani  et  d'autres 
eiTatifers  L«:>  "::.  e.'T?>  'u  P  rte-ir'r.sei^nt  et  ilu  Crois- 
<sin:  >ort  :'erî:>'::j  :i'  :::i5u:e  >.  :o.  oe  ei  t  eu  é^ard  à 
a  reii^on.  •  Ma.^?-  .e<  ;^r<rcu:::n5.  les  pri-ehes,  les 
j-s-fiui-c-es  >-c:':.cs  e:  .^s  c.::.verit!cu  es  e':*nlinueiit.  l^ 
•:onse:l  de^  ie  ;ut  es  rj:c:s:res  :  redicants  seront  arrélés 
Av:-:  le/.r^  v  :-::.:>:>  -:  livres  i  la  justice  et  choisit,  à 
f\-r:s.  un    s:     'te  :-  :  :v.r   :>:    ?as   laisser    laniruir  les 


:x::s  c:--::.  ::    >    :  :v^s  â    ij  .:»:ur   oor.trv   les  j^roles- 
:a!::s- 

M  ôe  Rj::e.-  ^•,:x  Sc  : j::  i  :  :res:uc  îcu  ours  à  Troves, 


f--  f<-    l'z         r  .  .-  ■'p  .'<*  Llz-t.'z^^.  i  ^ï  B:urgf*. 


*  *•   •f 


154»  CHAPITRE   XVlll.  541 

pendant  ces  troubles,  et  n'était  pas  en  sûreté  pour  lui- 
môme.  Louise  de  Glermont<Tonnerre,  duchesse  d*Uzès, 
c  qui  possédait  fort  la  reine-mère,  i>  Vinformait  de  ce 
qui  se  passait  à  la  cour.  Tous  les  officiers  du  roi  devaient, 
en  personne,  justifier  de  leur  foi.  La  duchesse  connaissait 
les  secrets  du  cabinet  et,  chaque  semaine,  elle  faisait  un 
voyage  de  Troyes  à  Orléans  pour  recueillir  les  nouvelles. 
Elle  fit  pressentir  à  M.  de  Barbezieux  qu'il  pourrait  être 
lui-même  interrogé  sur  sa  foi  et  lui  fit  demander  ce  qu'il 
répondrait.  Celui-ci  lui  fit  savoir,  par  Mergey,  son  secré- 
taire, qu'il  dirait  son  credo^  en  latin,  comme  son  pré- 
cepteur le  lui  avait  enseigné.  Elle  lui  observa  qu'il 
faudrait  l'expliquer  en  français,  que  le  plus  sûr  pour  lui 
était  de  fuir  la  cour  ;  ce  qu'il  fit,  avec  Mergey,  Ils  se  ren- 
dirent en  Allemagne,  déguisés  en  marchands,  et  ne 
revinrent  qu'après  l'orage  apaisé  (1). 

Malgré  les  persécutions,  les  réformés  ne  se  laissent 
point  abattre.  Ils  sont  assez  puissants,  à  Troyes,  pour 
obtenir,  en  septembre,  un  arrêt  du  conseil  en  leur  faveur. 
Cet  acte,  après  avoir  rappelé  tous  les  faits  dont  la  ville 
a  été  le  théâtre  depuis  l'édit  du  47  janvier,  la  tenue  des 
prêches,  les  baptêmes  et  les  mariages,  la  cène  et  autres 
exercices  de  la  nouvelle  religion,  à  la  mode  de  Genève, 
la  dispute  avec  les  maîtres,  la  fréquentation  des  maisons 
des  pasteurs,  avec  lesquels  leurs  adhérens  ont  bu  et 
mangé,  le  port  d*armes  contre  le  roi  et  sa  volonté,  la 
prise  des  clefs  de  la  ville,  restées  aux  mains  des  réformés 
pendant  huit  ou  dix  jours,  ainsi  que  la  garde  des  portes  ; 
l'ouverture  des  lettres  et  paquets  venant  du  roi  et  adres- 
sées à  ses  officiers,  le  voyage  à  Orléans  pour  se  joindre 
à  l'armée  du  prince  de  Gondé,  la  prise  de  possession  de 
Bar -sur-Seine;  le  roi,  après   avoir  pris  conseil  de    la 


(1)  MiRGET.  Mémoires,  p.  261.  Ed.  Buchon.  Du  Panthéon  litté^ 
rait*e. 


542  HISTOIRE  DE  TROYES.  lâl» 

reine,  sa  mère,  et  des  gens  du  conseil,  ordonne  le  main- 
tien de  la  paix  et  la  cessation  des  poursuites  contre  ceux 
qui  ont  pris  part  aux  désordres,  en  exceptant  de  ce 
pardon  général  les  chefs  des  séditions,  les  auteurs  des 
vols  et  des  pillages  des  églises  et  maisons  ;  ceux  qui  ont, 
sans  congé  du  roi,  levé  des  deniers  et  fait  des  enrôle* 
ments,  des  achats  d'armes  et  do  munitions  de  guerre. 

Cet  acte,  dit  d'abolition,  fut  donné  au  camp  de  Sou- 
dan (l)en  septembre  1562,  et  obtenu,  sans  aucun  doute, 
par  l'influence  et  le  crédit  de  quelque  haut  solliciteur  de 
la  cour  (2). 

Quelles  que  soient  les  réserves  contenues  dans  cet 
arrêt  du  conseil,  les  protestants  de  Troyes  veulent  en 
faire  usage.  Il  le  font  signifier  aux  officiers  de  la  justice 
royale,  par  Sébastien  Savetier  et  Jean  Clément,  notaires. 
Ces  protestants,  au  nombre  de  vingt-quatre,  sont 
tous  prisonniers  (sauf  les  deux  derniers).  Ce  sont  les 
sieurs  Michel  Marcassin  (sans  doute  de  la  famille 
qui  compte  plusieurs  peintres- verriers),  Ferry  Manssel, 
Guillaume  Boucher,  Pierre  Laudereau,  Jean  Desjar- 
dins, Jean  Martel,  Pierre  Bierre,  Joseph  Lorin,  Jean 
Collot,  Simon  Petit,  Jean  Viart,  Claude  Boissonnot, 
Simon  Febvre,  Jacques  Robelin,  Jean  Amyot,  Pierre 
Lemoyne,  Roger  Havard,  Nicolas  Bourgoing,  Nicolas 
Pullyvat,  Olivier  Mynet,  Urbain  David,  Eutrope  Griveau 
et  Douge.  Mais  les  officiers  royaux  ne  veulent  déférer  à 
cette  signification.  Us  déclarent   c  qu'ils  ont  été  préve- 

>  nus  par  le  Parlement  et  que  ces  lettres  d'abolition  ne 

>  peuvent  recevoir  leur  exécution  qu'après  leur  enregis- 

>  trement  à  la  cour.  >  Sans  aucun  doute,  elles  ne  furent 
pas  appliquées. 


{i)   On  trouve   :   Soudan,   Seine-Inférieuro,    et   Soudan,   Deui- 
Sèvres. 
(*2}  Arch,  mun.  anc.  fonds. 


\5(&i  CHAPITRE   XVIll.  548 

La  contrée  d*Olhe,  —  on  le  sait  déjà,  —  est  peuplée 
de  réformés.  En  avril  précédent,  la  compagnie  dite  des 
Pieds'Nus^  de  Sens,  qui  vaut  la  compagnie  des  Trois- 
Cents  de  la  ville  de  Troyes,  s'est  deux  fois  jetée  sur  la 
ville  de  Géant-en-Othe.  Le  25  juillet,  cette  môme  com- 
pagnie et  les  trop  zélés  catholiques  des  communes  cir* 
convoisines,  ayant  pour  seigneur  le  grand-prieur  de 
Guise,  viennent  de  nouveau,  au  nombre  de  2,000,  atta- 
quer Géant.  Mais  les  habitants  de  celte  petite  ville,  aidés 
de  Oudard  Pied-de-Fer,  seigneur  de  St-Mards,  et  du  sei- 
gneur de  Gourmononcle,  repoussent  Tassant  donné  par 
ces  troupes,  qui  se  dédommagent  en  pillant  les  maisons 
sises  en  dehors  de  Tenceinte  fortifiée.  Le  24  août,  jour 
du  siège  de  Bar-sur-Seine,  les  mêmes  gens,  sous  le 
commandement  du  capitaine  Gayer,  trouvent  le  moyen 
de  pénétrer  dans  la  place.  Us  y  mettent  le  feu  et  tuent 
plusieurs  habitants.  Non  contents  de  cette  surprise,  ces 
forcenés  reviennent  encore  à  Géant,  le  15  octobre,  et  y 
commettent  de  nouveaux  meurtres.  Enfln,  le  31  janvier, 
ils  égorgent  encore  seize  malheureux  qui  jusque-là  s'é- 
taient soustraits  à  leurs  coups.  La  tête  de  Tun  d'eux, 
placée  au  haut  d'une  pique,  fut,  pendant  plusieurs  jours, 
promenée  dans  les  villages  voisins. 

Dans  l'été,  l'une  de  ces  hordes  attaque  le  ch&teau  de 
Villeneuve-aux-Riches-Hommes,  village  dépendant  du 
diocèse  et  du  bailliage  de  Troyes.  Ge  château  appartient 
à  Antoine  Raguier,  seigneur  d'Esternay  et  Tun  des  prin- 
cipaux personnages  du  parti  protestant.  Lors  de  cette 
attaque,  il  ne  se  trouvait  au  château  que  les  dames  de 
la  maison  avec  quelques  serviteurs.  L'une  d'elles,  pre- 
nant avec  énergie  le  commandement,  encourage  et  arme 
ses  domestiques,  combat  à  leur  tête,  manœuvrant  elle- 
même  de  petites  pièces  d'artillerie  qu'elle  dirige  sur  les 
assaillants,  et  ainsi  les  force  à  la  retraite.  Ils  ne  quit- 
tèrent la  place  qu'après  avoir  brûlé  le  moulin  et  les  dé* 


544  HISTOIRE   DE  THOYES.  i^^t 

penilances,  qui,  au  dire  de  Bèze,  étaient  des  plus  belles 
de  France. 

Quelques  jours  après,  une  autre  bande,  forte  de  cent- 
vingt  à  cent-quarante  arquebusiers,  et  conduite  par  Hélie 
et  Tricher  de  Maligny  (!},  s'empare  du  château  de  Soli- 
gny-lès-Etangs,  appartenant  aussi  au  seigneur  d'Esler- 
nay,  et  va  de  nouveau  devant  le  château  voisin  de 
Villeneuve-aux-Rîches-Hommes.  Cette  bande  est  mise  en 
déroute  par  une  petite  troupe  placée  sous  le  commande- 
ment d'un  gentilhomme  protestant,  qui  tue  plusieurs  de 
ces  arquebusiers  et  fait  vingt-cinq  prisonniers  (2). 

Les  deux  Dierrey  et  le  village  de  Morey  (3),  situés  aux 
limites  de  la  contrée  d'Olhe,  dans  la  petite  vallée  du 
Bétro,  étaient  habités  par  des  réformés.  L'un  d*eux, 
nommé  Massicault,  fut,  en  4562,  couché  sur  les  alênes 
d'un  bourrelier,  et  la  tête  fut  tellement  serrée  à  l'aide 
d'une  corde,  qu'il  fut  laissé  pour  mort  (4). 

La  paix  n'est  pas  faite  entre  les  catholiques  et  les 
protestants.  Les  premiers  sont  redevenus  les  maîtres. 
Us  ont  le  pouvoir  en  main.  Ils  se  croient  assez  forts  pour 
maintenir,  à  l'avenir,  leurs  adversaires  amoindris,  dans 
tous  les  cas  pour  les  persécuter.  Le  Conseil  redemande 
à  M.  de  Barbezieux,  le  29  septembre,  le  renvoi  de  la 
compagnie  du  gouverneur,  <r  en  raison  de  la  grande 
foule  qui  pèse  sur  le  peuple,  d  Le  2  octobre,  il  épure  la 
compagnie  des  Trois-Cents,  en  en  renvoyant  cent,  <  des 
plus  mutins,  rebelles  et  séditieux.  »  11  formule  ses  plain- 
tes contre  les  chefs  et  les  soldais,  toujours  au  nom  du 
peuple  qui  souffre,  <  des  pilleries,  meurtres  et  insolences 

(1)  Sans  doute  Maligny,  canton  de  Li^y  (Yonne).  —  Au  hameau 
aujourd'hui  ferme  de  Perthelaine,  commune  de  Soligny,  existait  un 
temple  et  un  cimetière  à  l'usage  des  réformés. 

(2)  Hist.  des  cgi.  réf.,  t.  ii,  p.  170.  —  De  Thou.  Histoire  de  mmi 
temps. 

(3)  Ce  dernier  village  n'existe  plus. 

(4)  GouRTALO.N.  Topog.,  t.  m,  p.  152. 


IMf  CMAPiTKE   XYlll.  545 

commis  dans  la  ville  et  dans  les  villages  voisins.  >  Il  se 
plaint  aussi  des  querelles  fréquentes,  qui  s'élèvent,  au 
guet  et  à  la  garde  des  portes,  entre  les  habitants  et  les 
gens  de  cette  troupe  si  mal  famée  (1). 

Malgré  ces  réformes,  les  poursuites  contre  les  réfor- 
més ne  sont  pas  suspendues.  Les  arrestations  conti- 
nuent. Claude  Lorsignol,  receveur  des  aides;  Jean 
Durieu,  maître  de  la  Monnaie,  et  Urbain  David,  Thôte* 
lier  du  Porc-Epic,  sont  faits  prisonniers  et  conduits, 
sous  bonne  garde,  à  la  conciergerie  du  palais,  c  pour 
fait  de  la  nouvelle  opinion.  >  La  conduite  de  ces  prison- 
niers, mise  à  la  charge  de  la  ville,  fut  taxée  aux  trois 
sergents  qui  la  firent  à  la  somme  de  220  livres  parisis. 

Les  portiers  de  la  ville  arrêtent  un  nommé  Viennois, 
que  le  Conseil  fait  expulser  en  lui  défendant  de  rentrer 
en  ville  avant  trois  mois  et  en  lui  prescrivant  de  s*en  tenir 
éloigné  d'au  moins  dix  lieues.  Il  fait  les  mêmes  défenses 
à  Guillaume  Durieu,  fils  d'un  apothicaire.  Il  prononce  la 
confiscation  des  meubles  d'un  nommé  Massicault.  Ces 
meubles  sont  déposés  à  l'hôtel-de-ville,  jusqu'à  ce  que 
cet  individu  se  présente  en  personne  au  Conseil. 

Dans  le  cours  d'octobre,  la  crainte  contre  les  ennemis 
du  dedans  parait  s'amoindrir.  Mais  elle  reprend  contre 
ceux  du  dehors.  On  tend  les  chaînes  dans  les  rues  ;  on 
établit  une  surveillance  spéciale,  confiée  à  quinze 
hommes  de  guerre  chargés  de  découvrir  les  environs  de 
la  ville  et  de  les  parcourir.  Ils  sont  substantés  et  entre- 
tenus par  vingt-quatre  villages  de  la  banlieue  (S).  M.  de 
Barbezieux  visite  les  dérivations  de  la  Seine  en  bateau. 
Il  constate  l'état  des  vannes  tranchines.  Le  Conseil  s'en- 
tend avec  des  Cùrretiers  aux  chevaux,  afin  d'avoir  des 

(i)  A.i4. 
(2)  A.  14. 

m.  86 


546  UISTOIKE  DE  TKÔYES.  I56t 

chevaux  pour  le  service  de  la  ville,  du  roi  et  des  cour* 
riers  passant  et  repassant  à  Troyes  (1). 

Le  maire,  pour  sa  sûreté  personnelle,  se  fait  donner 
une  garde  de  quatre  arquebusiers  et  de  quatre  hallebar^ 
diers  (2). 

Le  princo  de  Gondé  eut  recours  aux  princes  d'Aile* 
magne  pour  avoir  du  secours.  D'Àndelot  alla  les  recevoir 
et  amena  12  cornetles  de  reîtres,  faisant  2,600  chevaux, 
et  12  enseignes  de  lansquenets,  comprenant  environ 
3,000  hommes,  fournis  par  le  landgrave  de  Hesse. 

Le  duc  de  Nevers,  ayant  su  Tarrivée  de  ces  troupes 
allemandes,  alla  à  Montier-en-Der,  où  il  assembla  des 
troupes  de  pied  et  de  cheval  et  y  forma  un  camp  pour 
empêcher  les  Allemands  de  passer.  Ils  étaient  alors  à 
Montéclaire,  près  d'Andelot.  Mais  ces  Allemands  pas- 
sèrent par  Ghaumont,  Glairvaux,  Ghâteauvillain,  Ghâ- 
lillon,  Tanlay,  Noyers,  Gravant  et  gagnèrent  Orléans,  où 
ils  se  joignirent  au  prince  de  Gondé,  qui  avait  sous  ses 
ordres  un  grand  nombre  de  huguenots,  tant  de  Troyes  que 
d*aulres  lieux. 

Les  réformés  de  Vitry,  de  Wassy,  de  Noyers  et  d'au- 
tres villes  s'étaient  réunis  à  ces  Allemands.  Ils  pillèrent 
à  Ghâteauvillain,  notamment  le  couvent  des  Gordelières, 
firent  des  prisonniers,  comme  le  seigneur  de  Gigny, 
celui  do  Senecey,  et  Jacques  Girardin,  rançonné  à 
500  écus. 

M.  de  Nevers,  n'ayant  pu  empêcher  la  marche  des 
Allemands,  se  relira  à  Mussy,  puis  à  Bar-sur-Seine, 
attendant  le  maréchal  de  St-André,  que  le  roi  envoya  à 
son  secours  avec  sa  compagnie  de  cheval  et  quatre  ou 
cinq  mille  hommes  de  pied. 

Le  maréchal  arriva  à   Troyes,   avec  ses  troupes,   le 

(1)  A.  14. 
(21  A.  IV 


1509  CHAPITRE  XVlll.  547 

25  octobre,  logea  à  Févéché,  elle  lendemain  se  rendit  à 
Bar-sur-Seine.  Mais  les  Allemands  étant  déjà  ay-delà  de 
Chfllillon,  il  revint  avec  M.  de  Nevers,  sur  la  ville  de 
Troyes,  où  ils  sentie  27  (1). 

Un  conseil  de  guerre  est  tenu,  le  29  octobre,  à  Thôtel 
de  M.  de  Barbezieux  (2),  par  le  maréchal  de  St-André, 
le  lieutenant  au  gouvernement  de  Champagne,  et  plu- 
sieurs autres  officiers.  Le  maréchal  aurait  séjourné  plu- 
sieurs jours  à  Troyes  (3).  De  Troyes  il  se  dirigea  sur 
Sens  (4). 

Dans  les  mêmes  jours,  après  la  prise  de  Rouen,  le 
conseil  du  prince  de  Gondé,  qui  se  tient  à  Orléans,  con- 
damne à  la  peine  de  mort  Baptiste  Sapin,  conseiller  de 
Paris,  et  Jean  de  Troyes,  abbé  de  Gastines,  tous  deux 
arrêtés  dans  le  Vendômois,  alors  qu*ils  se  dirigeaient 
sur  Tours,  avec  Odet  de  Selve,  qui,  en  qualité  d'ambas- 
sadeur, se  rendait  en  Espagne. 

Les  lettres,  dites  d^abolition,  accordées  en  septembre, 
ne  mettent  pas  fln  à  la  lutte,  ni  aux  persécutions,  ni  aux 
massacres.  Après  Texpulsion  des  réformés  de  la  ville  de 
Bar-sur-Seine,  ces  derniers,  au  nombre  d'une  quaran- 
taine de  cavaliers  venant  de  la  petite  ville  d'Entrains 
(Nièvre,  arrondissement  de  Glamecy)  (5),  rentrent  dans 
cette  ville  le  26  janvier  suivant  et  y  pendent  le  procureur 
du  roi  catholique,  Ballet,  qui,  pendant  les  luttes  précé- 
dentes, avait  eu  le  courage  inoui  de  faire  mourir  son  fils, 
à  cause  de  ses  opinions  religieuses.  Dans  cette  nouvelle 
attaque,  il  y  eut  encore  à  déplorer  des  meurtres,  des 
actes  de  pillage  et  de  violence. 


(1)  De  Trou.  Bistoire  de  mon  temps,  t.  h,  p.  550.  —  Duiuu.b. 
Mémoires^  t.  i«r,  p.  107  et  108. 
(S)  Cet  hôtel  était  situé  rue  des  Quinse-Vingts. 

(3)  GouRTUX)N.  Topog,^  t.  i«f,  p.  113. 

(4)  De  Tuou.  Histoire  de  mon  temps,  t.  u,  p.  531. 
5J  Même  ouvragey  t.  n,  p.  412. 


54-8  IIISTOIKE  DE   TKOVËS.  1563 

A  TroyeS)  les  catholiques  prennent  de  nouveau  les 
armes.  Ils  envahissent  les  maisons  des  réformés,  tuent 
un  grand  nombre  de  ces  malheureux  persécutés.  Quel- 
ques-uns des  réformés  sont  assez  heureux  de  pouvoir 
quitter  la  ville  Des  actes  réciproques  de  cruauté  s'ac- 
complissent. Le  7  novembre,  Guillaume  Plumey,  cha- 
noine de  St-Pierre  et  chantre  de  St-Etienne,  avait  été 
tué  d'un  coup  de  pistolet,  en  se  rendant  à  Toffice  de 
matines  (1). 

Le  jeune  duc  do  Nevers  ne  conserva  pas  pendant 
longtemps  le  gouvernement  de  Champagne  et  de  Brie. 
Il  ne  devait  pas  garder  ces  hautes  fonctions  jusqu'à  sa 
mort.  Blessé  mortellement  et  par  imprudence  par  Des- 
bordes, Tun  de  ses  gentilshommes,  avant  la  bataille  de 
Dreux,  il  mourut  le  10  janvier  1563  (n.  st.). 

Le  gouvernement  de  Champagne  est  remis  au  duc  de 
Guise,  François,  fils  de  Claude,  dans  le  cours  de  novem- 
bre 1562.  Ce  nouveau  gouverneur  est  à  Troyes,  dans  le 
même  mois.  Par  ses  ordres  et  sur  la  demande  du  Con- 
seil, les  armes  déposées  à  l'évéché  sont,  après  la  levée 
du  camp  d'Orléans,  reportées  à  Thôtel-de-ville,  d'où  elles 
avaient  été  enlevées  selon  la  volonté  du  duc  de  Nevers. 
Le  Conseil  en  a  besoin  pour  défendre  la  ville.  On  craint 
les  gens  d'armes  sortant  du  camp  d'Orléans  et  qui  com- 
mencent à  paraître  aux  environs  de  Troyes.  Le  nouveau 
gouverneur  prend  gîle  à  l'évéché,  alors  sans  maître,  et 
visite  les  domaines  épiscopaux  d'Aix  et  de  St-Lyé. 

Pendant  l'hiver  de  156:2-63,  les  huguenots,  d'un  côté, 
et  les  troupes  royales,  de  l'autre,  sillonnent  en  tous  sens 
la  Champagne  méridionale.  Une  garde  de  vingt  hommes, 
soldée  par  la  ville,  est  donnée  à  M.  de  Barbezieux,  qui 
alors  réside  presque  toujours  à  Troyes. 

Le   président,  M.  Jean  de  Mesgrigny,  est   catholique 

(I)  CoruTM.oN.   'lopixj.,  t.  i<?«',  p.  il!2. 


\:m  CHAPITKK  WIII.  549 

modéré,  blâmant  les  actes  de  violence  de  Tun  et  l'autre 
parti.  Déjà,  on  a  vu  la  mauvaise  disposition  de  la  popu* 
lation  catholique,  zélée  à  son  égard,  le  jour  de  Texécu- 
tion  de  Clément,  sieur  de  Pouilly.  Le  8  février,  son  do- 
mestique vint  en  ville,  le  maître  étant  à  la  campagne. 
Le  maître  de  fer  et  ses  compagnons,  étant  de  garde  à  la 
porte,  se  saisirent  de  son  cheval.  Pour  ce  fait,  appelés 
à  Thôtel-de-ville,  devant  le  maire,  les  échevins  et  le 
Conseil,  afin  de  fournir  leurs  explications  sur  ce  fait  de 
violences,  le  maître  de  fer  et  ses  hommes,  quoique  n'é- 
tant plus  de  service,  se  présentèrent  en  armes.  Le  maître 
de  fer  prétendit  que  le  maître  et  le  domestique  étant 
suspects,  on  ne  devait  point  leur  permettre  d'entrer,  ni 
de  sortir  de  la  ville. 

Le  Conseil  invite  Jacques  Dorigny  à  quitter  la  ville, 
«  autant  pour  éviter  les  murmures,  même  la  fureur  du 
peuple,  que  pour  se  mettre  en  sûreté  (1).  > 

Le  CQup  de  pistolet  de  Poltrot  de  Mérey,  tiré,  le 
18  février,  sur  le  duc  de  Guise,  jette  le  désarroi  dans  le 
parti  catholique.  Ainsi  disparaît  le  principal  chef  du 
parti  catholique,  à  Taide  d'un  moyen  violent  trop  souvent 
mis  en  pratique  à  celte  époque  de  suprême  violence. 
Le  duc  meurt  le  54.  Après  les  cérémonies  funèbres,  qui 
égalèrent  en  magnificence,  si  elles  ne  les  surpassèrent, 
celles  dont  on  honorait  les  rois  de  France,  son  corps  est 
conduit  à  Joinville,  en  passant  par  Paris  et  par  Troyes. 
Il  arrive,  dans  cette  dernière  ville,  le  25  mars,  à  deux 
heures  de  Taprès-midi.  Le  clergé,  le  bailliage  et  le  pré- 
sidial,  le  corps  de  ville,  les  notables  habitants,  la  nouvelle 
milice  bourgeoise  vont  recevoir  les  dépouilles  mortelles 
du  duc-gouverneur,  à  l'église  de  St-Antoine.  Le  cortège 
se  dirigea  sur  la  Cathédrale,  où,  le  lendemain,  fut  célé- 
br«^  un  service  solennel.  L'oraison  funèbre  fut  prononcée 

(i)  A.  U. 


550  mSTOlUB    DE  TROYES.  i563 

par  le  P.  Bistenet,  jacobin.  Après  le  service,  le  clergé 
conduisit  le  corps  du  duc  jusqu'à  rextrémité  du  fau- 
bourg St-Jacques,  et  le  Corps  de  ville  et  les  habitants  ne 
le  quittèrent  qu'au  Pont-Hubert. 

Les  catholiques  ardents  offrirent  aux  mânes  du  duc 
un  holocauste  qui  dut  leur  être  agréable.  A  cet  homme, 
qui,  —  il  y  a  bien  des  motifs  de  le  croire,  —  a  été  l'ins- 
tigateur du  massacre  de  Wassy  et  de  celui  de  Sens,  qui 
avait  pris  ses  mesures  pour  les  renouveler  à  Troyes,  — 
cette  population  lui  offrit  un  holocauste  qui  dut  faire 
tressaillir  son  corps  à  peine  refroidi,  en  pillant  les  mai- 
sons et  en  tuant  les  réformés  alors  placés  sous  les 
verrous. 

Le  25  mars,  jour  de  rAnnonciation,  le  corps  du  duc 
arrive  à  Troyes,  vers  deux  heures  do  l'après-midi,  et,  à 
sept  heures,  une  foule  acharnée  envahit  la  maison  de 
M.  Jean  de  Mesgrigny,  et,  en  son  absence,  la  pille  et  la 
saccage,  puis  dévaste  la  maison  et  rofficine  de  Gaulard, 
apothicaire.  Pendant  ce  pillage,  des  soldats  «  de  conni- 
vence avec  le  maire  et  les  échevins,  >  s'introduisent  dans 
les  prisons  où  sont  détenus  des  catholiques  et  des  pro- 
lestants. Un  nommé  Perrenet,  qui  souvent  allait  les  visi- 
ter, excite  les  premiers  à  se  prendre  de  querelle  avec  les 
seconds,  et  leur  'fait  entendre  que,  par  ce  moyen,  ils 
recouvreront  leur  liberté.  Une  querelle  survient,  la  lu  tic 
s'engage,  et  bientôt,  en  ville,  le  bruit  court  que  les  re- 
formés ont  tenté  de  s'évader. 

Le  maire,  accompagné  des  principaux  chefs  de  la 
bande  armée,  Perrenet,  le  pâtissier  Margoulé,  le  bâtard 
Mergey  et  un  nommé  Gouast  accourent  aux  prisons, 
suivis  d'une  nombreuse  foule.  Le  premier  prisonnier  ré- 
formé qu'ils  rencontrent,  est  Jacques  PuUinard,  qui,  de 
suite,  tombe  sous  leurs  coups.  Jean  Collet  et  Jean  Viard 
ont  la  gorge  coupée,  et  leurs  corps  sont  jetés  sur  un 
fumier.  Ils  recherchent  Antoine    Huyart  avec  ardeur. 


1563  CHAPITRE   XVIlï.  551 

mais  ils  ne  peuvent  le  découvrir.  Le  geôlier  Tavait  fait 
cacher  dans  une  petite  chambre  au-dessus  de  la  porle 
d'entrée.  C*est  ainsi  qu'il  échappa  à  la  mort  (1). 

Celait  dignement  honorer,  à  son  passage,  celui  qui, 
de  son  vivant,  avait  reçu  le  surnom  de  :  Boucher  de  la 
France. 

Le  29  mars,  le  bruit  se  répand  qu'un  édit  de  pacifica- 
tion avait  été,  le  19,  accordé  par  le  roi.  En  toute  dili- 
gence, le  Conseil  de  ville  se  réunit  afin  de  décider  qu'il 
sera  demandé  au  roi  que  cet  édit  ne  soit  pas  exécuté  à 
Troyes.  Requête,  dans  ce  but,  est  rédigée  au  nom  de 
l'évêque,  M.  de  Beauffremont,  du  clergé,  des  gens  de 
justice,  du  maire,  des  échevins,  du  conseil,  du  corps  et 
communauté,  cité  et  faubourgs  de  Troyes.  Il  est  exposé 
dans  celte  requête  que  «  tous  les  habitants  sont  prêts  à 
exposer  leurs  biens  et  leur  vie  pour  le  roi,  ayant  parcy- 
devant  rejetés  tous  moyens  propres  à  rompre  leur  an- 
cienne et  fraternelle  union  en  congnoissans  l'incroyable 
ruyne  que  l'opinion  contraire  à  noslre  religion  anticque, 
saincte,  catholicque  et  romaine,  a  apportée  en  ladicte 
ville,  et  craignant,  par  ce,  de  tomber  en  une  totale  des- 
truction. »  Enfin,  il  est  demandé  au  roi  qu'il  no  soit 
point  établi  de  prêche  aux  environs,  à  moins  de  quatre 
ou  cinq  lieues.  Le  Conseil  fait  exécuter  avec  précipita- 
tion les  ordonnances  antérieures  rendues  contre  les  ré- 
formés. Il  ordonne  de  s'assurer  de  ce  qui  est  dû  par  ceux 
<le  la  nouvelle  opinion,  sur  les  tailles  du  roi  et  sur  celle 
de  la  compagnie  des  trois  cents  hommes  de  pied,  afin 
de  faire  procéder,  sans  délai,  par  voie  de  prise  de  corps 

(1)  Celte  chaïubre  et  cette  porte  ont  été  démolies  en  1862.  — 
Nicole  Pithou.  —  A.  14.  —  Cou  étalon.  Topog,,  t.  i^r,  p.  H3, 
rapporte  ce  fait  en  ces  termes  :  a  II  y  av«iit  alors  plusieurs  calvinistes 
dans  les  prisons.  Les  soldats,  emportés  par  le  fanatisme,  forcèrent 
les  prisons  et  massacrèrent^  à  peu  près  à  la  même  heure  (celle  de 
renvaliissement  de  la  maison  de  M.  de  Mesgrign\  ).  quatre  ou  cinq 
d**  ces  malheureux,  sans  qu'on  ait  pu  en  savoir  le  sujet.  » 


552  HISTOIRB   DE   TROYES.  151(3 

elde  saisie,  à  la  vente  de  leurs  biens.  Il  nomme  ensuite 
trois  conseillers,  pour  estimer  le  dommage  occasionné 
«  par  les  voleries  et  saccagements  >  exercés  en  ville,  le 
jour  de  VÂnnonciation. 

Denis  Clérey,  sieur  de  Vaubercey,  et  Laurent  Chante- 
reau  sont  députés  près  du  roi.  Sur  la  requête  présentée, 
le  roi  ne  Fit  aucun  droit  (1).  Aussitôt  après  la  mort  du 
duc  de  Guise,  il  est  question  de  mettre  bas  les  armes, 
et,  comme  il  arrive  souvent  au  XVI«  siècle,  la  princesse 
de  Condé,  Léonor  de  Roye,  et  la  reine,  Catherine  de 
Médicis,  sont  les  premières  personnes  qui  confèrent  de 
cette  paix  désirée  par  les  deux  partis.  Le  prince  de  Condé 
se  met  on  rapport  avec  les  ministres  calvinistes,  réunis, 
à  Orléans,  au  nombre  de  soixante.  Tous  sont  d'avis  de 
demander  le  rétablissement  de  Tédit  de  janvier.  Le  roi, 
étant  à  Âmboise,  ne  remet  pas  en  vigueur  Tédit  de  jan- 
vier, mais  en  donne  un  nouveau  le  19  mars.  —  Per- 
mission est  donnée  :ux  gentilshommes,  seigneurs,  dans 
leurs  terres,  de  professer  librement  et  publiquement  la 
religion  réformée,  et  aux  gentilshommes  qui  ont  €  quel- 
que sorte  de  seigneurie,  »  môme  permission  pour  leur 
maison  et  pour  leur  famille,  pourvu  qu'ils  ne  demeurent 
pas  dans  des  villages  et  dans  dos  villes  dépendant  d'une 
plus  haute  juridiction,  exceptant  celle  du  roi.  —  Dans 
les  bailliages  d'où  l'on  appelle  directement  aux  cours 
souveraines  (celui  de  Troyes  est  dans  ce  cas),  une  ville 
sera  assignée  pour  exercer  publiquement  la  religion.  — 
Toute  assemblée  de  réformés,  dans  d'autres  villes  ou 
bourgs,  est  interdite.  —  Les  prolestants  sont  autorisés 
à  s'assembler  dans  les  villes,  011,  avant  le  7  mars,  ils 
pouvaient  se  réunir  pour  cause  de  religion.  —  Tout  le 
passé  est  oublié  et  mis  au  néant.  —  Le  prince  de  Condé 
est  déclaré  fidèle  au  roi,  et  il  est  reconnu  que  tous  ceux 

ri)  A.  14. 


1,WÎ  CHAPITRE    XVin.  Ot>.i 

qui  ont  suivi  son  parti,   à  cause  Ho  la  religion,  ont  agi 
avec  bonne  intention  et  pour  le  service  du  roi  (i). 

Par  une  déclaration  du  même  jour,  le  roi,  désignant 
les  villes  où  la  religion  réformée  pouvait  être  exercée, 
indique  les  faubourgs  de  Troyes  pour  Texercice  de  la 
nouvelle  religion  et  la  tenue  des  assemblées  des  ré- 
formés. 

Après  la  publication  de  Tédit  du  19  mars,  les  réfor- 
més expatriés  s'efforcent  de  rentrer  en  ville.  Le  premier 
qui  revient  à  Troyes  est  Nicolas  Muffart,  porteur  deTédit 
protecteur.  Lorsqu'il  se  présente  à  la  porte  du  Beffroi, 
il  est  arrêté,  fouillé  et  reçoit  la  mort  de  la  main  d'un 
orfèvre  nommé  Simonnet-Petit.  Deux  autres  réformés, 
disposés  à  rentrer  en  ville,  instruits  du  meurtre  de  leur 
co-relîgionnaire,  s'arrêtent  à  la  Rivière-de-Corps,  croyant 
éviter  le  sort  de  Mugart.  Mais,  pas  plus  heureux  que  lui, 
pendant  leur  sommeil,  ils  sont  tués  dans  une  grange 
par  le  pâtissier  Margoulé,  l'un  des  envahisseurs  des  pri- 
sons, le  jour  où  passa  à  Troyes  le  corps  du  duc  de  Guise, 
parle  peigncur  de  laines  et  par  Claude  Jaunart.  Déjà  on 
avait  mis  à  mort  plusieurs  huguenots  prisonniers. 

Le  20  avril,  le  Conseil  de  ville  rédige  une  nouvelle 
requête  au  roi.  A  la  prière,  dit-il,  de  40,000  habitants  de 
la  ville,  sans  y  comprendre  10,000  habitants  des  fau- 
bourgs (2',  il  demande  au  roi  de  ne  pas  permettre,  à 
Troyes,  Texécution  du  nouvel  édit  de  pacification.  Trois 
nouveaux  députés  sont  élus  pour  se  rendre  à  la  cour,  y 
présenter  ces  remontrances  au  roi,  à  la  reine  et  au  conseil 
privé.  Les  premiers  envoyés  en  cour  n'étant  pas  de  re- 
tour, il  est  sursis  au  départ  de  ceux-ci.  L'échec,  supporté 
par  les  uns,  fit  que  les  autres  ne  quittèrent  point  la 
ville  où  l'on  attendait  le  duc  d'Aumale,  Claude  de  Guise, 


(i)  De  Tiiou.  Histoire  de  tnon  temps,  t.  n,  p.  51^. 
01)  Ces  chiffres  nons  paraissent  exagérés. 


554  HISTOIRE  DE  TROYES.  1563 

oncle  du  duc  de  Guise  tué  devant  Orléans.  Le  duc  d'Au- 
male  n'arrivant  pas,  Timpatience  prit  le  dessus,  et,  en 
mai,  les  trois  derniers  délégués  se  rendirent  près  du  roi. 
Ils  n'obtinrent  rien  de  lui.  Ils  furent  renvoyés  au  duc. 

Si  le  Conseil  de  ville  envoie  ses  représentants  près  du 
roi,  le  parti  protestant  emploie  les  mêmes  moyens  et 
envoie,  de  son  côté,  le  conseiller  au  bailliage,  Antoine 
Huyart,  sorti  récemment  de  prison,  afin  d'obtenir  am- 
pliation  de  l'édit  du  19  mars  et  de  la  déclaration  royale 
du  même  jour,  ce  qu'il  obtint  sans  peine. 

Le  Conseil  avait  provoqué  une  de  ces  démarches  qui 
ne  se  font  guère  que  dans  les  occasions  de  suprême  dan- 
ger. Pour  motiver  l'envoi  des  commissaires  près  du  roi, 

des  notaires,  <r  députés  du  maire  et  des  échevins,  i  se 
transportent  avec  les  maîtres  de  fer  et  les  dizainiers  de 
tous  les  quartiers  de  la  ville,  dans  chaque  maison,  y 
prennent  les  noms  et  surnoms  des  chefs  d'hôtels  et  de- 
mandent à  chacun  d'eux  <  s'il  entend  et  veut  vivre  selon 
la  vraye  et  ancienne  religion  catholique  et  romaine,  et 
s'il  est  d'avis  que  l'on  présente  requête  au  roi,  à  la  reine 
et  à  MM.  de  son  privé  conseil,  tendante  à  ce  qu'il  leur 
plut  que,  dans  les  faubourgs,  il  ne  se  fasse  prêche  ni 
exercice  do  la  nouvelle  religion  prétendue  réformée  (i).  »• 
L'édit  du  19  mars,  après  leciucl  les  protestants  atten- 
dent avec  tant  d'inipatiencc  et  auquel  les  catholiques 
réservent  un  si  mauvais  nccueil,  parvint  à  l'échevinage 
le  25  avril,  par  M.  de  Barhezioux.  Après  en  avoir  pris 
connaissance,  le  (ionscil  persiste  dans  sa  résolution  de 
ne  point  le  laisser  exécuter  avant  l'arrivée  du  duc  d'Au- 
male;  il  appuie  son  relus  près  du  lieutenant- général  de 
la  province,  sur  l'approche  des  forces  étrangères  qui, 
suivant  lui,  sont  à  dix  ou  douze  lieues  de  la  ville,  et  sur 

(Ti  B.  H.  14^'  r^irton,  Uc  liasse,  cahier  de  \0t  feuilles  comprenant 
les  procès-verbaux  des  visites  faites  dans  le  cjuartier  de  Comporte. 
9VCX  les  réponses  de»  habitants  ;  avril  1563. 


les  menaces,  défit*,  rcir:^  r:  îr"  . .:;  -:!i>  i  •  (:.->e5.  «li- 
venues  depuis  ia  imh'^oaro:.  *îe  iVi:i  ce  ?de  iVation  I  . 

Les  reîtres.  en  eff^'t.  >*ap:»rs>c':-âieT:i:   ie  îa  vî'ie   Ac 
Troyes,  après  leur  renvoi  qui  ava.:  su:\i  de  pr«  îa  pro- 
mulgation du  traité  de  paix,  (juelqurs  jo*jrsapr>è^.  M.  ^ie 
Rarbezieux  veut  placer  aux  pc*rte5  de  la  viilo.  Idissée< 
libres,  deux  gentilshommes  de  >a  CMmp>airiiie.  Le  Conseil 
s*y  oppose,  en  invoquant  les  anciens   jmvilé^s  de  la 
ville,  confirmés  par  le  rc»i  et  par  ie  dernier  édit  de  paci- 
fication.  Les  reitres  s'appn>chent  de  la  ville.  Ils   sont 
signalés  à  quatre  ou  cinq  lieues.  Des  protestants,  aux- 
r]uels  rentrée  de  la  ville  a  été  refusée,  se  seraient  etfor- 
oés  d'y  pénétrer.  A  cette  occasion,  il  y  a  prise  d*armes, 
€Bt  par  suite  des  blessés  i  .  En  mai.  il  n*y  a  que  deux 
f>ortes  ouvertes,  et  le  Conseil    ordonne  exclusivement 
tout  ce  qui  concerne  la  garde  et  la  sûreté  de  la  ville,  qui 
«^  toujours  à  sa    solde  la   compagnie   dos  trois   cents 
tioinmes  de  pied,  réduite  à  deux  cents. 

Les  reîtres,  auxquels  se  groupent  des  huguenots,  cam- 
pent à  CefTonds,  près  de  Monlier-en-Der,  pillent  cette 
^ille  et  sa  riche  abbaye  et  voltigent  par  toute  la  Cham- 
f  lagne  et  jusqu'aux  portes  de  Troyes.  Ils  quittaient 
Orléans  et  étaient  au  nombre  d'environ  six  mille. 

Caracciole  ayant  quitté  le  siège  épiscopal  de  Troyes. 
l'économat  en  est  confié  à  M.  Claude  de  BeautVœmont 
c]ui  devint  ainsi  son  successeur.  (Claude  de  BeautVromont 
^'tait  fils  de  Claude,  seigneur  de  Seey-sur-Saono,  gou- 
verneur de  la  Franche-Comté,  et  d'Anne  de  VitMiiie, 
clame  de  Listenois  et  d'Arc-en-Barrois.  Trésorier  de  la 
collégiale  de  St-Martin  de  Tours,  il  fut  abbé  d'Acey  et 
de  Balernes,  puis  deLongwy.  Il  aurait  été  sacré  évéquc», 
flans  la  Cathédrale  de  Troyes,  le  0  mai   1563,  par  les 

<4)  A.  U. 

(2)  A.  \L 


556  HISTOIRE   DB   TROYES.  1563 

évêqùes  de  Langres  et  de  Poitiers.  Son  entrée  solen- 
nelle aurait  eu  lieu,  suivant  Tancienne  coutume,  le  21 
du  même  mois  (1),  et,  dès  le  2i,  le  nouvel  évêque  aurait 
ouvert  un  concile  ou  synode  diocésain  (2). 

LMnstallation  de  M.  de  Beauffremont  souleva  quelques 
difficultés  entre  lui  et  rarchidiacre  et  deux  chanoines 
assistants  de  la  Cathédrale  de  Sens.  L'archidiacre  et  les 
deux  chanoines  de  Sens  devaient  être  avertis  de  l'entrée 
de  Tévéque,  afm  de  procéder  à  son  installation.  Dans  la 
circonstance,  Tarchidiacre  avait  droit  à  un  marc  d'or,  et 
les  deux  chanoines,  chacun  à  un  marc  d'argent,  plus  les 
frais  de  voyage  et  de  séjour.  N'ayant  point  été  prévenus, 
ces  trois  dignitaires  poursuivirent  M.  de  Beauffremont 
aux  requêtes  du  palais,  et  le  19  août  1564,  celui-ci  fut 
condamné  à  payer  la  rémunération  d'usage.  Celte  sen- 
tence fui  confirmée  par  la  cour,  le  27  février  suivant  (3). 

Comme  le  dit  Guillaume  de  Saulx  :  €  La  paix  fut 
agréée  par  tous,  à  divers  desseins,  »  c'est-à-dire  avec 
divers  sentiments.  La  reine  ne  se  départit  point  de  sa 
résolution  de  tenir  les  deux  partis  dans  la  même  balance. 
Celui  de  Guise  ou  des  catholiques  ardents,  atterré  parla 
mort  de  son  chef,  se  releva  en  voyant  donner  l'ofTice  de 
grand-maîire  de  France  et  de  gouverneur  de  Champagne 
au  fils  aîné  de  ce  duc,  âgé  de  treize  ans,  nommé  Henri, 
et  qui  devint  troisième  duc  de  Guise  par  suite  de  la  mort 
prématurée  do  son  père  (4). 

La  reine-mère  exécuta  un  projet  qu'elle  n'avait  pu 
réaliser  deux  ans  auparavant,  alors  que  François  de  Guise 
ambitionnait  le  gouvernement  de  Champagne.  Anne  de 
Bourbon,    fille    du  duc    de  Montpensier,    fut  rappelée 


(1)  A.  14. 

(2)  SÉMILLIAKD.  —   COURTALON.    TopOfJ.^  t.  10'*,  \).  424. 

(3)  Vallet  de  ViRiviLLE.  Arch.  hist.  de  VAube,  p.  97. 
(i)  Guillaume  de  Saulx.  Mémoires^  p.  297,  édition  du  Panthéon 
littéraire. 


1563  CHAPITHË   XYIU.  557 

d'Espagne,  afin  de  la  marier  à  François  de  Glèves,  comte 
d'Eu,  et  rassurer,  par  ce  mariage,  du  gouvernement  de 
Champagne,  après  le  duc  de  Nevers,  son  père.  Ce  rap- 
pel d'Anne  de  Bourbon  et  son  mariage  avec  François  II 
de  Clèves,  avaient  pour  but  d'empêcher  que  «  ceux  (les 
Guise)  à  qui  le  feu  roi  François  II  avait  tiré  des  poings 
ce  gouvernement,  par  grand  artifice,  afm  de  le  donner 
au  duc  d'Orléans,  son  fils,  en  raison  de  son  importance, 
ne  trouvassent  moyen  d'y  rentrer  (1).  »  Mais  la  reine 
comptait  sans  le  décès  des  deux  ducs  de  Nevers,  arrivé 
à  peu  de  temps  l'un  de  l'autre  (2). 

Le  jeune  duc  de  Guise,  né  le  31  décembre  1550,  n'é- 
tait point  en  état  de  s'occuper  des  affaires  de  son  gou* 
vernement.  Il  fut  placé  sous  la  tutelle  de  son  oncle, 
Claude  de  Lorraine,  duc  d'Aumale,  gouverneur  de  Bour- 
gogne, qui  eut  la  qualité  de  lieutenant  au  gouvernement 
de  Champagne  et  qui  reçut  bien  souvent  le  titre  de  gou- 
verneur de  cette  province. 

Le  duc  d'Aumale  se  rendit  à  Troyes,  vers  le  12  juin 
1563,  porteur  des  instructions  de  la  reine-mère  qui  lui 
avait  renvoyé  les  délégués  du  Conseil  de  ville  deman- 
dant l'inexécution  de  l'édit  de  pacification.  Aussitôt  sou 
arrivée,  le  duc  obtint  du  Conseil  le  licenciement  de  la 
compagnie  des  deux  cents  hommes  de  pied.  Il  interdit  de 
sonner  les  cloches  à  l'ouverture  comme  à  la  fermeture 
des  portes  de  la  ville.  Il  fit  ordonner  la  réparation  des 
ponts,  démolis  à  cause  de  la  présence  des  reitres  qui  ont 
disparu  de  la  contrée  Enfin,  sur  ses  ordres,  les  armes 
furent  emmagasinées  à  l'hôtet-de-ville,  et,  par  mesure 
de  police,  les  jeux  de  quille  sont  interdits  dans  l'intérieur 
de  la  ville. 

{i)  Pierre  de  La  Place,  président  de  la  cour  des  monnaies. 
Commentaires  de  Vestat  de  la  religion  et  respuhlique  $ou$  Henry  11^ 
François  II  et  Charles  IX,  Edition  du  Panthéon  littéraire^  p.  154. 

(V)  François  de  Glèves  était  marquis  d*l8lc  (Aumont). 


558  HISTOIRE   DE   TUOYES.  t5« 

Le  séjour  du  duc  dura  plusieurs  semaines.  Ue  Troyes, 
il  observe  ce  qui  se  passe  en  Bourgogne  et  en  Cham- 
pagne. Il  est  informé  que  d^Andelot  a  renvoyé  de  son 
château  de  Tanlay  tous  les  gens  d'église,  même  les  Cor- 
deliers.  Ce  fait  étant,  suivant  lui,  contraire  à  Tédit,  il  en- 
voie, le  28  juin,  au  comte  de  Tavannes,  son  lieutenant 
en  Bourgogne,  Tordre  d^informer  sur  ce  fait  et  aussi  sur 
la  nature  des  travaux  que  d'Ândelot  fait  exécuter  au  châ- 
teau de  Tanlay.  Trois  jours  après,  il  fit  savoir  au  même 
lieutenant  que  les  deux  frères,  Goligny  et  d'Andelot,  se 
sont  mis  en  campagne.  Us  se  sont  joints  à    quelques 
cavaliers  et  se  réunissent  à  Valéry,  dans  la  maison  du 
prince  de  Condé.  Il  y  a  lieu  de  veiller  sur  eux  (1). 

Le  maire  conserve  sa  garde  particulière,  et  quelle 
qu'ait  été  la  volonté  du  duc  d'Âumale,  Tédit  de  paix  n*est 
pas  exécuté  à  Troyes.  On  cite  encore  de  nouveaux 
meurtres  commis  pour  cause  de  religion.  Les  réformés 
sont  en  partie  rentres  en  ville.  Le  26  juin,  le  maire  et 
les  échevins  ordonnent  aux  dizainiers  et  aux  sous- 
di^ainiers  de  faire  remplacer  au  guet  ceux  qu'ils  trouve- 
ront suspects  (2).  Le  M  juillet,  une  députation  se  rend 
en  cour  pour  obtenir  qu'il  n'y  ait  aucun  prêche  dans  les 

(i)  Blq.  natïe,  coUection  Delamarrc,  9484,  f»  68  et  70.  —  Sur  les 
dépenses  faites  à  Toccasion  du  séjonr  du  duc  d'Aumale   à  Troyes. 
Voir  Ârch.  raun.  A.  A.  44c  carton,  l^c  liasse.  —  Dans  les  comptes 
on  trouve  ce  détail  :  la  ville    envoya  au    duc  d'Aumalc^   alors   à 
Joigny  : 

Vingt  plies 12 1.  j»  s.  »  d. 

Deux  cent-cinquante  huîtres  «  escalées.  »  3  2       6 

Quatre  cents  molles  ( moules) 2  »        ^ 

Trois  douzaines  d'huîtres  en  Tescalle. . .  3  i2       » 

Total 201.14  8.  6  d. 

Ce  prix  fut  réduit    à  16  1.  14  s.  6  d.  Damiens  Gayart     chasse* 
marée  à  Troyes,  avait  apporté  cette  marée. 

(i)  B.  B.  Carton  14e,  iro  liasse. 


156S  CHAPITRE   XYUl.  559 

faubourgs.  De  leur  côté,  les  pi-otesiants  poursuivent 
Texécution  de  Tédit  de  paix  (1). 

Les  Guise  continuent  leurs  actives  menées  pour  acca- 
parer le  roi  et  couvrir  de  son  autorité  Texécution  de  leurs 
volontés.  Ils  demandent  Tintervention  des  armées  étran- 
gères. Ils  comptent  sur  la  protection  du  pape,  sur  celle 
de  la  plupart  des  princes  catholiques,  sur  Tintervention 
directe  du  roi  d'Espagne,  Philippe  II.  Beaucoup  d'argent, 
provenant  des  villes  de  Paris,  de  Reims  et  de  Troyes,  a, 
dit-on,  été  envoyé  au  cardinal  de  Lorraine  pour  ména- 
ger une  levée  de  six  mille  allemands.  Dans  un  semblable 
but,  des  intelligences  se  pratiquent  avec  les  Suisses. 
Tout  se  prépare  pour  la  guerre.  Les  Guise  essaient  en 
vain  de  faire  croire  que  leurs  adversaires  sont  ceux  qui 
en  ont  con^m  le  projet  (2).  Que  de  guerres  sont  ame- 
nées par  des  souverains  ambitieux,  qui  veulent  faire 
croire  qu'ils  ne  se  soumettent  qu'à  la  nécessité!... 

L'éloignement  entre  les  catholiques  et  les  protestants 
continue.  Le  Conseil  de  ville  s'oppose  à  la  réintégration, 
dans  leurs  fonctions  municipales,  de  ceux  qu'il  en  a  éloi- 
gnés pendant  les  troubles.  Jean  Mauroy,  contrôleur  en 
l'élection,  destitué  de  ses  fonctions  de  conseiller  de  ville 
pendant  les  troubles  de  1562,  obtient,  en  septembre  1563, 
l'autorisation  de  les  reprendre.  Le  maire,  les  échevins  et 
le  Conseil  s'opposent  à  Texécution  des  lettres  du  roi. 
Le  lieutenant-général  au  bailliage  intervient.  Nouveau 
refus  des  officiers  de  la  cité.  Mauroy  en  appelle  au  duc 
d'Aumale,  qui  charge  M.  de  Barbezieux  de  le  réintégrer 
dans  sa  charge.  Alors  l'échevinage  y  consent,  mais  à  la 
condition  que  la  réinstallation  de  Mauroy  se  fera  par  le 
lieutenant  du  gouverneur,  dans  une  assemblée  consu- 
laire, où  Mauroy  fera  profession  de  sa  foi  et  prêtera  ser- 

(1)  A.  14. 

(2)  Blq.  natie,  mnsc.  de  Béthune,  vol.  8675,  t^  67,  d'après 
M.  H.  DE  Bouille.  HisU  de$  Ducê  de  Guise, 


560  HiSTOlKE   UË   TROYES.  i;^ 

ment  de  ne  communiquer  avec  aucun  de  ceux  qui  pro- 
fessent ia  nouvelle  religion;  que  M.  de  Barbezieux  lui 
fera  les  remontrances  qu'il  mérite;  que  Mauroy  vivra 
catholiquement. 

Ces  diverses  instances  durèrent  plus  de  trois  mois 
(d'octobre  à  janvier].  Enfln,  le  14  de  ce  dernier  mois, 
M.  de  Barbezieux  réinstalla  Mauroy  dans  ces  fonctions, 
en  faisant  seulement  le  serment  ordinaire  de  ne  rien  ré- 
véler des  délibérations.  11  en  fut  de  même  des  collègues 
de  Mauroy,  éloignés  avec  lui  du  Conseil.  Seulement,  ceux 
qui  les  avaient  remplacés  demeurèrent  au  Conseil  jus- 
qu'à leur  extinction  (1). 

Dans  le  cours  de  novembre  1563,  il  est  mis  en  vente 
une  partie  des  biens  du  clergé  pour  satisfaire  aux  besoins 
de  l'Etat.  11  est  question  de  l'aliénation  du  château  de 
St-Lyé.  Sur  la  prière  de  Nicole  le  Tartier,  grand-vicaire 
de  M.  de  Beauffremont,  le  Conseil  de  ville  demande  que 
ce  château  ne  soit  pas  vendu  et  soit  conservé  dans  le 
domaine  de  Tévéché;  on  pourrait  craindre,  s'il  était 
aliéné,  qu'il  ne  tombât  entre  les  mains  des  ennemis  du 
roi  (2).  C'était  faire  une  gracieuseté,  au  nouvel  évéque. 

La  vente  des  biens  du  clergé  de  Champagne  se  monta, 
en  1563,  à  442,067  livres.  L'évêché  de  Troyes  fut  com- 
pris dans  cette  vente  pour  146,478  livres  (3). 

(1)  A.  44,  et  B.  B.  14«  carton,  i^  liasse. 

(2)  A.  14. 

(3)  En  voici  le  détail  : 

BMLUAGE  DE  VERMAMDOIS 

(Evéchés  de  Laon,  Reims  et  Qiâlons.  ) 

Laon 59,7981.  2  s.  lOd.  t. 

Reims 143,145    12      10 

Châlons 34,255      3        7 

QAILLIAGE  DE  VITRY 

(Archevêché  de  Reims  et  évéché  de  Chilons.) 
Vitry 67,4941.  5  8.    4d.t. 

BAILUAGE8  DB 


1568  GUAPiTRË  XViU.  561 

Peu  après  cette  aliénation,  le  3  mars  1564,  le  roi, 
par  lettres  données  à  Fontainebleau,  autorise  le  rachat 
de  ces  biens,  au  moins  pour  le  diocèse  de  Troyes.  Ce 
rachat  aurait  eu  lieu  moyennant  les  sommes  suivantes  : 
lo  78,225  liv.  tourn.  pour  le  principal;  2o  11,247  liv., 
pour  satisfaire  les  acquéreurs  de  leurs  loyaux  frais; 
3o  3,150  liv  à  payer  au  syndic  général  du  clergé  de 
France;  4o  et  enfin,  à  la  charge  de  payer  3  den.  tourn. 
par  livre,  en  faveur  du  receveur  du  diocèse.  Ce  rachat 
ne  s'opéra  que  lentement,  car  il  n'était  pas  achevé  en 
1567  (1). 

Les  relations  de  la  mairie  et  de  la  ville  avec  M.  de 
Barbezieux  sont  toujours  bonnes.  Aussi  la  ville  lui  paie- 
t-elle,  en  1563,  le  loyer  de  son  hôtel,  qui  s'élève  à 
120  livres  tournois. 

Le  duc  de  Lunebourg,  le  19  novembre  1563,  était  à 
Ramerupt,  se  dirigeant,  avec  dix-huit  hommes,  vers 
Orléans.  Au  camp  d*Amiens,  en  1559,  il  avait  eu  que- 
relle avec  le  duc  de  Guise.  Assailli  dans  la  chambre  de 
son  hôtellerie,  sur  le  consentement  de  Bussy-d*Amboise, 
gouverneur  de  Ghâlons,  on  tua  six  des  hommes  de  sa 
troupe,  et  lui  fut  i^ravement  blessé  de  treize  coups  de 
pistole.  On  le  porta  à  Châlons,  où  il  mourut.  Malfontaine, 

BAILUAGES  DE  TR0TE8,   SENS,  8ÉZANNE  ET  BAR-SUR-SBINE 

(Evéclié  de  Troyes.) 

Troyes 118,0031.15  8.  2d.t. 

Sézanne 11,886      7  1 

Sens 12,793      »  » 

Bar-sur-Seine 3,795      »  » 

BAILUAGE  DE  CHAUMONT 

(Evécbé  de  Langres.) 

Ghaumont....  15,6081.14  8.    4d.  t. 

Somme  totale 442,067    14        3  d.  ob.  t. 

Arch.  dép.  6.  228. 

<1)  Arch.  dép.  G.  228. 

iiL  36 


562  HISTOIRE  DE  TROYES.  1568 

exécuteur  de  Bussy,  apostat  de  la  religion,  fit  porter  en 
triomphe,  devant  lui,  48  manteaux,  18  paires  de  bottes, 
36  pistoles,  et  conduire  18  chevaux.  (Histoire  des  Choses 
mémorables  advenues  en  France  depuis  1547  jmquen 
1597.) 


CHAPITRE  XIX 


De    «Tanvior    1SG3    (v.     st.)    èi    .Tuillot    IfSTO 


SOMMAIRE  : 

Bar-sur-Seinc  surpris  par  les  réfonoés.  —  La  peste  à  Troyes;  les 
hôpitaux  condamnés  à  soulager  les  pestiférés,  dont  une  partie 
est  placée  au  prieuré  de  St-Jean-en-Chûtcl,  et  Tautre  à  la  Maison 
des  Champs.  —  Bureau  de  la  Santé  ;  son  organisation.  —  Ouver- 
ture de  inies  traversières.  —  Construction,  à  rhôtel-de-ville,  de 
galeries  pour  abriter  les  justiciables  de  réchevinage.  —  De  la 
banlieue  de  Troyes  ;  Montgueux  demande  à  en  faire  partie.  — 
Impôt  sur  le  linge.  —  Ferme  de  la  foraine  ;  celle  de  la  maille 
remplacée  par  une  crue  sur  le  sel.  —  Le  commerce  insiste  pour 
obtenir  la  liberté  des  transactions.  —  L'évéque  et  les  bénéfi- 
ciaires soumis  à  la  taxe  au  profit  des  pauvres.  —  Le  Conseil 
veut  racheter  le  droit  de  minage.  —  Création  du  tribunal  con- 
sulaire ;  Christophe  Angenoust,  premier  juge  élu  ;  Jean  Mauroy 
et  Jean  Gombaut,  premiers  consuls;  son  règlement;  Téchevi- 
nage  conservateur  de  cette  juridiction.  —  Extinction  de  la  Cour 
des  foires.  —  Voyage  de  Charles  IX  à  Troyes  ;  détails  ;  entrée 
du  roi  ;  présents  de  la  ville  ;  querelles  religieuses,  audiences 
accordées  aux  réformés  ;  convocation  de  la  noblesse  de  Cham- 
pagne à  Troyes  ;  traité  avec  la  reine  Elisabeth  d'Angleterre.  — 
Licence  de  la  cour,  fêtes  données  au  roi  ;  départ  de  la  cour  pour 
Chàlons.  —  Le  culte  réformé  rétabli  à  Céant-en-Othe.  —  Assem- 
blée de  la  St-Barnabé;  modifications  aux  anciennes  coutumes* 
élection  ;  annulation  ;  continuation  des  anciens  maire  et  éche- 
vins.  —  Denis  Legras  arrêté  à.  Trêves.  —  Interdiction  de  la 
vente  des  vins  étrangers  dans  les  tavernes.  —  Chapeaux  à  la 
Huguenote  ;  chausses  ùl  grosses  bosses.  —  De  la  garde  de  la 


564  HISTOIUE    DE   TROVES. 

ville  et  de  la  province  ;  de  la  maréchaussée  ;  de  la  police  des 
marchés  ;  de  la  circulation  monétaire.  —  Plainte  contre  les  im- 
pôts. —  Projets  de  modification  dans  l'administration  des  jus- 
tices seigneuriales  et  de  rétablissement  d'un  parlement  en 
Champagne.      La  ville  donne  deux  rossignols  au  duc  d'Aumale. 

—  Projet  de  réunion  de  Tadministration  des  hôpitaux.  —  A.cbats 
de  seigneuries  par  Antoine  Menisson,  écuyer  du  prince  de 
Condé;  inquiétude  que  donnent  ces  acquisitions  à  l'autorité.  — 
Réunions  des  protestants  à  Tanlay.  —  Impôt  sur  le  papier; 
émotion  à  ce  sujet,  suppression.  —  Conseils  demandés  par  le 
roi  aux  Troyens,  sur  l'acquit  de  ce  qu'il  doit  à  l'infante  de 
Portugal,  sur  la  fabiique  et  la  vente  du  pastel.  —  Emotion 
populaire;  pillage  des  maisons  des  réformés;  N.  Pithou  se  rend 
près  du  roi  ;  concessions  faites  aux  protestants.  —  Ce  qui  se 
passe  à  Tanlay.  —  Modifications  apportées  à  l'Aumône  générale. 

—  Du  ressort  des  Présidiaux  ;  mauvaises  récoltes  ;  provisions 
envoyées  à  l'armée  royale.  --  Question  de  préséance  entre  les 
anciens  maires.  —  Règlement  intérieur  du  Conseil.  —  Assem- 
blée de  la  St-Bamabé  :  élection  du  maire,  des  échevins  et  autres 
offlciers.  —  Réunions  des  réformés  à  St-Pouange;  elles  sont 
défendues.  —  N.  Pithou  et  Robert  Lebé,  adjoints  aux  membres 
du  Consistoire.  —  Décri  des  monnaies  ;  pilleries.  —  Présents  à 
M.  de  Barbezieux.  —  Emprunt  royal.  -  Mesures-étalons,  en 
pierre,  placées  sur  le  marché  au  blé.  —  Création  des  commis- 
saires de  police  ou  jugea  politiques.  —  Mouvements  réfor- 
mistes. —  Recherches  contre  les  usuriers.  —  Schisme  à  l'égard 
du  culte  de  la  Vierge,  en  Champagne.  —  Prêches  et  conventi- 
cules.  —  Première  assemblée  générale  du  clergé  de  France; 
députés  du  diocèse  ;  remontrances.  —  Reprises  des  hostilités. 

—  Réunions  à  Valéry,  près  Sens,  et  à  Châtillon-sur-Loire.  — 
Organisation  de  postes  à  pied.  —  Projets  des  réformés,  mesures 
prises  par  les  chefs  catholiques.  —  Correspondance  à  ce  sujet. 

—  Nouvel  emprunt  royal  ;  il  est  fourni  en  vaisselle  et  en  bijoui. 

—  Traité  pour  procurer  de  l'argent  au  roi.  —  Pillage  de  la 
maison  Pithou.  —  Compagnie  d'Aspremont  ;  fabrique  de  poudre 
à  canon.   —  La  famille  de  Guise  à  Troyes;  mesures  de  sûreté. 

—  ViM*îs  au  pouvoir  des  protestants.  —  Mouvement  des  armées 
sur  la  Seine,  vers  la  Lorraine,  St-Florentin,  etc.;  pillage  de 
Nogent-sur-Seine  ;  rançon  de  la  ville  de  Pont  et  de  Villenauxe; 
marche  sur  Sézanne  et  vers  l'Allemagne  —  Autre  mouvement 
vers  la  Bourgogne  ;  pillage  de  Mussy,  de  Cravant,  etc.  —  L'armée 
royale  est  ramenée  à  Troyes  ;  conseils  de  guerre  —  Résolutions 
et  mesures  prises  contre  les  huguenots.  —  L'armée  royale  se 
dirige  vers  la  Lorraine,  puis  revient  sur  Troyes.  —  Reîtres  et 
huguenots  sur  la  rivière  de  l'Ardusson.  —  L'armée  royale  mar- 
che vers  Paris.  —  Réduction  de  la  compagnie  d'Aspremont.  — 


CHAPITRE   XIX.  565 

Rentrée  à  Troyes  des  munitions  de  guerre  conduites  à  Méry.  — 
Démolition  des  buttes  des  arbalétriers.  —  Paix  de  Longjumeau . 

—  Cautionnement  donné  par  les  Troyens  à  Charles  IX,  en  faveur 
du  duc  Jean  Casimir.  —  Elections  de  1568.  —  Retour  à  Troyes 
des  protestants  ;  prise  d'armes,  émotion  en  ville  ;  pillages, 
meurtres  ;  processions  de  la  Fête-Dieu.  —  Confrérie  du  Saint- 
Esprit.  —  Premier  serment  de  la  Ligue.  —  Moulin  à  poudre  à 
canon  —  Bruits  publics  sur  les  affaires  du  temps.  —  Rencontre 
de  Raguier  d'Esternay  et  du  capitaine  Foicy.  ~  L'amiral  attaqué 
par  la  garnison  de  Chesley.  —  Officiers  royaux  protestants  rem- 
placés. ~  Mouvements  des  armées  des  deux  partis.  —  Premier 
siège  de  Noyers,  marche  sur  cette  ville  par  Saint-Mards  et  par 
Tanlay  ;  meurtre  de  Sorel  ;  prise  du  château  et  de  la  ville  de 
Tanlay  ;  récit  du  siège  de  Noyers  ;  Barbezieux  demande  en  récom- 
pense les  biens  d'Antoine  Mcnisson.  —  Opérations  militaires  du 
capitaine  Foicy  ;  prise  de  Traînel,  ville  et  château.  —  Mesures  de 
sûreté  prises  en  ville.  —  Le  prince  de  Gondé  est  tué  à  Jamac  ; 
Te  Deum.  ~  D'Aumale  et  de  Nemours  en  Champagne.  —  Moni- 
toire  contre  les  réformés  ;  mesures  de  police.  ~  Second  siège 
de  Noyers  ;  le  château  et  la  ville  repris  par  de  Sansac;  prison- 
niers amenés  à  Troyes  ;  le  plus  grand  nombre  est  tué  dans  les 
rues.  —  Siège  de  Vézelay  ;  la  ville  n'est  pas  prise;  elle  sert  de 
retraite  aux  soldats  huguenots,  qui  viennent  piller  jusqu'aux 
portes  de  la  ville.  —  Levée  de  deniers  ;  craintes  et  mécontente- 
ment. —  Police  industrielle.  —  Les  reîtres  aux  portes  de  Troyes. 

—  Villeneuve-l'Archevèque  prise  par  les  huguenots.  —  L'armée 
royale  s'approche  de  Troyes.  -  Mouvements  des  armées  fran- 
çaise et  allemande.  —  Mansfred  dit  &lâchefer.  —  Coligny  près 
de  Troves.    —   Paix  de  Saint-Germain.  —  Conduite  tenue  à 

m 

Troves  envers  les  réformés. 


Le  chapitre  précédent  contient  le  récit  de  la  lutte  si 
ardente  entre  les  catholiques  et  les  réformés,  connue 
sous  le  nom  de  première  guerre  religieuse,  et  qui  se  ter- 
mina, un  mois  après  le  meurtre  du  duc  de  Guise,  par  le 
traité  de  pacification  du  19  mars  1563,  ou  paix  d'Am- 
boise.  Il  faut  remonter  un  peu  au  delà,  afm  de  reprendre 
le  récit  des  faits  qui  n'appartiennent  pas  à  cet  ordre 
d*idées.  Cependant,  il  y  a  lieu  de  dire  encore  les  faits 
suivants,  avant  d*arriver  au  19  mars. 

Le  26  janvier  1563,  les  huguenots  surprennent  Bar- 
sur-Seine  pour  la  seconde  fois.  Ils  y  tuèrent  quelques 


566  HISTOIRE  DE  TKOYES.  is63 

habitants  el  notamment  Rasiet,  fils  du  procureur  du  roi, 
et  des  réfugiés  troyens.  Ils  enlevèrent  du  butin  qu'ils 
conduisirent  à  Tanlay.  A  la  suite  de  ce  fait,  de  nouveaux 
meurtres  furent  commis  à  Troyes,  sur  des  réformés. 
Plusieurs  de  ceux-ci  quittèrent  la  ville  (1). 

La  peste  envahit  la  ville  de  Troyes,  dans  le  cours  de 
l'été  de  4562.  Le  47  juin,  le  bailliage  condamne  les  hô- 
pitaux à  fournir  un  tiers  de  leurs  revenus  pour  subvenir 
à  Tentretien  des  pestiférés,  et  à  fournir,  chacun,  une  re- 
ligieuse pour  les  panser.  En  septembre  et  octobre,  la 
peste  sévit  avec  force.  La  maison  de  ville  et  celle  des 
champs  ne  peuvent  suffire  à  recueillir  les  malades.  La 
seconde,  dit-on,  est  trop  éloignée,  et  Ton  ne  peut  y  par- 
venir à  cause  des  grandes  eaux.  Le  Conseil  décide  la 
construction  d'une  chaussée  pour  s'y  rendre.  Mais  le 
temps  el  la  maladie  pressent.  Le  Conseil  jette  les  yeux 
sur  le  prieuré  de  St-Jean-en-Châlel,  c  qui  est  en  bel  air 
et  voisin  de  la  maison  de  ville  où  sont  les  pestiférés  :  » 
les  malades  étant  dans  les  anciennes  maisons,  couchent 
à  la  pluie  et  au  vent.  Le  vicaire  ne  veut  point  abandon- 
ner son  prieuré  ;  mais,  sur  l'ordre  de  M.  de  Barbezieux,  la 
ville  en  prend  possession  et  y  place  ses  malades  de  la  peste. 

Le  Bureau  de  la  sanlé  s'organise  en  octobre  4562. 
11  se  compose  de  personnes  laïques  et  ecclésiastiques. 
Son  siège  est  à  la  chapelle  de  la  Passion,  en  l'église  des 
Cordeliers.  Ce  bureau  a  son  receveur,  son  grelfier,  ses 
sergents  ou  bedeaux.  Ses  ressources  particulières  se 
composent  d'une  taxe  levée  sur  les  hôpitaux,  d'une  autre 
payée  par  le  clergé  et  fixée  à  cent  livres  par  mois,  puis 
du  produit  d'aumônes  et  de  quôles. 

Ce  bureau  de  la  sanlé  est  chargé  de  veiller  aux  soins 
à  donner  aux  pestiférés.  Il  dresse  des  règlements  portant 
des  peines  d'amende  et  de  prison. 

(i)  Duuàlle.  Mémoires^  t.  i«r,  p.  109. 


1563  CHAPITRE   XIX.  567 

L'épidémie  règne  en  1562  et  en  1563.  C'est  la  peste 
noire  ou  peste  à  bubons.  Elle  avait  pénétré  en  France 
par  le  midi.  Elle  sévit  de  nouveau  en  1567. 

La  ville  manque,  alors  plus  qu'aujourd'hui,  de  rues 
traversières.  De  1560  à  1562,  l'échevinage  en  fait  ouvrir 
deux  :  celle  qui  prit  le  nom  de  rue  Neuve-des-Boucheries 
et  qui  met  en  communication  la  rue  Moyenne  avec  la 
place  de  l'Hôtel-de-Ville  et  la  rue  des  Cornes  qui  unit 
les  deux  rues  de  la  Tannerie.  Ces  deux  rues  sont  ou- 
vertes afln  de  porter  secours  plus  facilement  en  cas  d'in- 
cendie, et  aussi  la  rue  des  Cornes,  afin  de  pouvoir  met- 
tre les  remparts  de  ce  quartier  en  communication  plus 
rapide. 

Alors,  à  Troyes,  si  l'on  ne  rend  plus  la  justice  sous  un 
chêne,  sur  la  place  publique,  les  justiciables  et  les  assis- 
tants ne  sont  pas  mieux  abrités.  Les  juges  seigneuriaux 
siègent  au  coin  d'une  rue,  sur  un  banc,  dans  une  petite 
tribune,  séparés  des  plaideurs  et  de  l'assistance  par  une 
simple  barrière.  Ceux  qui  rendent  la  justice  au  nom  du 
roi,  ne  sont  guère  plus  à  l'abri  de  l'intempérie  des  sai- 
sons. L'échevinage  tient  ses  audiences  à  l'hôtel-de-ville. 
Les  juges  se  tiennent  à  couvert,  mais  les  plaideurs  n'ont 
aucun  abri.  Cet  état  de  choses  change  en  1561  ;  l'éche- 
vinage fait  édifier  une  galerie,  c  afin  de  retirer  les  per- 
>  sonnes  qui  assistent  à  ses  plaids  ordinaires  et  les  met- 
»  tre  à  couvert  en  temps  de  pluie  »  (l). 

Si  la  banlieue  de  la  ville  a  des  charges,  elle  jouit  aussi 
de  privilèges.  Les  villages  qui  en  dépendent  sont  tenus  à 
des  corvées  appliquées  à  des  travaux  de  fortification. 
Mais  en  échange,  les  habitants  ont  le  droit  de  venir,  en 
ville,  abriter  eux,  leurs  biens  et  leurs  bestiaux,  en  cas  de 
guerre,  et  ils  sont  dispensés  du  logement  des  gens  do 
guerre.  Le  village  de  Montgueux,  situé  à  huit  kilomètres 

(1)  B.  154. 


56S  HISTOIRE    DE  TROYES.  isaS 

de  Troyes  et  compris  dans  la  région  naturelle  de  la  con- 
trée d*Olhe,  ne  faisait  point  partie  de  la  banlieue 
troyenne.  Ce  n'est  qu'en  mai  1562,  que  ce  village  y  fut 
compris,  les  habitants  s'étant  engagés  à  venir  travailler, 
par  corvée,  au  profit  de  la  ville  (1). 

En  1561,  il  est  question  d'établir  un  impôt  sur  le 
linge.  Cet  impôt  fut-il  levé?  Nous  ne  le  croyons  pas. 
Dans  tous  les  cas,  il  Taurait  été  contre  l'avis  du  Conseil 
.et  des  principaux  marchands  de  la  ville. 

Le  commerce  demande  toujours  la  liberté  des  tran- 
sactions. La  ferme  de  la  foraine  existe  et  existera  encore 
longtemps.  Lors  de  l'adjudication  des  produits  de  celte 
ferme,  en  1561,  le  Conseil  de  ville  insiste  de  nouveau, 
afin  qu'elle  ait  lieu  à  la  charge  de  tenir  exonérées  de 
toutes  charges  les  marchandises  amenées  en  ville  pour 
la  foire  franche. 

Depuis  1556,  la  ferme  de  la  maille  a  disparu.  Le  pro- 
duit de  cet  impôt  sur  le  pain  fait  défaut.  Il  est  remplacé 
par  un  autre,  créé  par  un  édit  du  16  février  1561.  C'est 
une  crue  de  deux  sous  six  deniers  par  minot  de  sel 
vendu  au  grenier  de  Troyes,  qui  en  tient  lieu  (2). 

Le  1er  septembre  1563,  un  arrêt  du  Conseil  du  roi 
taxe  Tévêque  de  Troyes  et  les  bénéficiaires  ecclésiasti- 
ques de  ia  ville,  d'une  taxe  du  douzième  de  leur  revenu, 
au  profit  des  pauvres  secourus  par  TAumône  générale. 

Vers  la  fin  de  ce  mois  de  septembre,  le  Conseil  de 
ville  se  met  en  rapport  avec  le  Chapitre  de  St-Elienne, 
afin  de  lui  racheter  le  droit  d'inslituer  les  mesureurs  de 
grain  et  éviter  ainsi  les  malversations  reprochées  aux 
mesureurs  (3). 

Sous  l'influence  d'un  sage  et  vertueux  ministre,  du 
chancelier  de  France,  Michel  de  L'Hospital,  le  roi  crée, 

(1)  A.  14. 

(2)  A.  14. 

(3)  A.  14. 


1564  CHAPITRE   XIX.  569 

en  décembre  1563,  la  juridiction  consulaire  dans  plu- 
sieurs villes  de  France,  à  Paris,  à  Orléans,  à  Troyes,  à 
Reims,  à  Bourges,  à  Châlons,  etc.  Le  Parlement,  d'abord 
opposé  à  renregislrement  de  Tédit,  y  consentit  au  mois 
de  février  suivant. 

Cette  nouvelle  juridiction  connaît,  à  bref  délai,  de  tous 
les  procès  entre  marchands,  pour  raison  de  marchandise, 
et  juge  en  dernier  ressort  jusqu'à  cinq  cents  livres.  Appel 
peut  être  interjeté  au  Parlement,  lorsque  Tobjet  du  pro- 
cès dépasse  cette  somme,  la  sentence  demeurant  exécu- 
toire, mais  sous  caution. 

Le  tribunal  consulaire  se  compose,  à  Troyes,  d'un  juge 
et  de  deux  consuls,  et  sa  juridiction  ne  paraît  pas  s'éten- 
dre au  delà  du  territoire  de  la  ville. 

Le  15  mai  1564,  dans  une  assemblée  présidée  par  le, 
maire,  cinquante  bourgeois  marchands,  —  nombre  fixé 
par  redit  de  création,  —  procèdent  à  Télection  d'un  juge 
marchand  et  de  deux  consuls  marchands,  avant  droit 
d'exercer  ces  fonctions  pendant  un  an.  Les  élus  sont  : 
Christophe  Angenoust,  en  qualité  de  juge,  et  Jean  Mau- 
roy  aîné  et  Jean  Gombault,  comme  consuls.  Ils  prêtèrent 
serment  au  Parlement.  Ceux  de  l'année  suivante  furent  : 
Pierre  Nevelel,  juge,  François  Paillot  et  Jacques  Dori- 
gny,  consuls  (1). 

Cette  nouvelle  institution  fut  installée  en  la  rue 
Moyenne,  dans  une  maison  qu'avait  habité  Jean  Lorin, 
tabellion  en  cour  d'église,  et  où  pendait,  pour  enseigne, 
le  Laz  <r amours  (Petit  registre  de  la  police,  arch.  mun.), 

(1)  Le  serment  est  d'abord  reçu  par  le  Parlement.  En  i573,  les 
anciens  reçoivent  celui  des  nouveaux  élus.  En  1660,  c*est  le  lieute- 
nant-général qui  a  ce  pouvoir.  En  1743,  il  y  a  serment  au  Parlement. 
Puis,  par  arrêt  du  24  mai  1758,  retour  au  serment  devant  les  an- 
ciens, ce  qui  se  pratiqua  jusqu'en  1789.  (Inventaire  des  titres  de  la 
juridiction  consulaire.  Blq.  de  Troyes  )  Aujourd'hui,  ce  serment  est 
prêté  devant  le  tribunal  civil,  par  délégation  spéciale  de  la  cour 
d*appel,  renouvelée  à  chaque  instalUtion  des  magistrats  consulaires. 


570  HISTOIRE   DE  TROYES.  1564 

OU  de  la  Samaritaine  (Inventaire  des  titres  de  la  juridic- 
tion consulaire). 

Le  maire  et  les  échevins  de  Troyes  étaient  considérés 
comme  les  conservateurs  de  la  juridiction  consulaire.  Us 
assistaient  aux  assemblées  qui  avaient  lieu  deux  fois  par 
an.  La  première  se  tenait  le  mardi  des  fériés  de  la  Pente- 
côte, le  jour  du  St-Esprit,  dit  le  journal  de  Dare,  après 
la  célébration  d'une  messe  en  Téglise  St-Jean,  dans 
laquelle  se  faisait  Télection  du  juge  et  des  consuls  (1). 
Le  maire  et  un  échevin,  ou,  le  maire  absent,  deux  éche- 
vins, tenaient  c  le  contrôle  des  suffrages  des  élisans  afin 
de  colliger  les  voix.  >  A  la  seconde  de  ces  assemblées, 
étaient  installés  les  juge  et  consuls  (2).  Elle  se  tenait  le 
premier  mardi  ou  le  premier  vendredi  de  juillet,  jours  de 
plaidoieries.  Ce  jour-là,  comme  à  celui  de  Télection,  le 
juge  et  les  consuls  n'ouvraient  pas  leurs  boutiques  (3). 

Cette  nouvelle  juridiction  rencontra  des  entraves,  aus- 
sitôt après  son  installation,  dans  les  prétentions  du  pré- 
vôt, du  bailliage  et  siège  présidial.  Le  maire,  les  éche- 
vins et  le  Conseil  de  ville  prêtent  aux  juge  et  consuls, 
aide,  assistance  et  confort,  et  font  d'activés  démarches 
près  du  Parlement  pour  assurer  rautorilé  de  la  nouvelle 
institution  et  le  libre  exercice  de  ses  droits. 

L'institution  qui  eut  le  plus  à  souHVir  do  la  création 
nouvelle  fut  la  Conservation  des  foires.  Elle  perdait  la 
plus  grande  partie  de  ses  anciens  droits,  puisque  les  juge 
et  consuls  connaissaient  de  toutes  les  causes  touchant 
au  trafic  des  marchandises.  Le  Garde  des  foires  voyait 
donc  sortir  de  ses  allrihutions  une  partie  importante  des 
faits  de  sa  compétence.  L'appui  du  corps  de  ville  ne 
manqua  pas  aux  magistrats  consulaires.  En  1567,  les 

(1}  Plus  tard,  il  y  eut  un  syndic. 

(2)  Arch.  mun.  Petit  livre  de  la  Police^  f«  7,  recto. 

(3)  Dare.  Journal  manuscrit,  en  la  possession  de  M.  de  Rarberey. 
j'en  dois  la  communication  à  M.  le  baron  René  de  Saint-Mauris. 


^569  CHAP1TI\E   XIX.  571 

inarcliands-notablos  s'assemblent  pour  aviser  s'il  est 
utile  et  profitable  de  racheter  rofflce  du  Garde  et  Conser- 
vateur des  foires,  et  de  lui  rembourser  le  prix  de  son 
office,  afin  de  réunir  celui-ci  à  la  juridiction  consu- 
laire (i).  Ce  rachat  n'a  pas  lieu  à  cette  époque,  car 
M.  Le  M3rguenat  est  encore  titulaire  de  cet  office  en  1579. 
Mais  alors  il  gémit  sur  la  situation  qui  lui  est  faite.  Tout 
porte  à  croire  que  cet  office  tomba  en  désuétude  ou  fut 
supprimé  à  la  mort  de  M.  Le  Ma«*guenat. 

Peu  après  la  création  des  juge  et  consuls,  les  magis- 
trats établis  décident  qu'il  sera  fait  c  un  impôt  de 
3,000  livres  sur  les  marchands  de  la  communauté  de  la 
ville,  »  afin  d'acheter  une  maison  destinée  à  la  tenue 
des  audiences  et  s'y  installer  définitivement.  L'acquisi- 
tion projetée  n'eut  pas  lieu  alors.  Une  levée  de  deniers, 
sur  la  même  communauté  des  marchands,  est,  le  20  dé- 
cembre 1579,  autorisée,  et  le  produit  est  aflecté  à  l'ac- 
quisition proposée.  En  IGU,  une  imposition  de  2,500  iiv. 
frappe  la  même  communauté,  dans  le  but  de  payer  ses 
dettes  et  de  réparer  la  maison  affectée  au  service  des 
magistrats  consulaires  (2). 

L'emplacement  de  cette  maison  fut  cédé,  en  1670, 
à  la  ville,  qui  y  construisit  l'une  des  ailes  du  principal 
corps  de  l'hôtel-de-ville,  à  la  charge  d'accorder  à  la  jus- 
tice consulaire  un  lieu  convenable.  Cette  proposition  du 
maire  et  des  échevins  fut  agréée,  et,  depuis  cette  époque, 
c'est-à-dire  depuis  plus  de  deux  siècles,  le  tribunal  de 
commerce  siège  dans  les  salles  qu'il  occupe  aujourd'hui. 

En  15G9,  la  communauté  des  marchands  décide 
qu'elle  aura,  près  de  la  juridiction  consulaire,  un  procu- 
reur-syndic chargé  de  veiller  à  la  conservation  de  l'édit 
de  création  et  de  faire  toutes  les  réquisitions  nécessaires 


(1)  A.  15. 

(2)  BIq.  de  Troyes.  Inv.  déjà  cité. 


572  HISTOIRE  DE   TROYES.  1561 

pour  assurer  le  bon  ordre.  Cet  officier  fut,  peu  après, 
chargé  de  la  recette  des  amendes,  —  peu  importantes  il 
est  vrai,  —  prononcées,  dans  des  cas  fort  rares,  par  les 
juge  et  consuls.  11  fut  en  outre  créé  quatre  offices  d'huis- 
siers-audienciers,  pour  le  service  de  cette  belle  et  utile 
juridiction  (1). 

Le  roi  venait  d'atteindre  sa  majorité,  et,  depuis  quel- 
que temps,  sa  mère  avait  projeté  pour  lui  un  grand 
voyage  à  travers  la  France.  Les  motifs  allégués  par 
Catherine  étaient  fort  plausibles  :  reconnaître  par  ses 
propres  yeux  Télat  du  royaume  ;  montrer  le  roi  majeur 
aux  provinces;  faire  sentir  partout  la  présence  du  gouver- 
nement; raff^ermirTautorilé  centrale  ébranlée  parTanar- 
chie  et  par  les  tyrannies  locales,  fruits  de  la  guerre  ci- 
vile. La  cour  quitta  Fontainebleau  le  13  mars  1564,  se 
dirigea  sur  Sens,  où  elle  arriva  le  15  et  passa  plusieurs 
jours.  De  Sens,  le  roi  et  sa  nombreuse  suite  se  rendirent 
au  château  de  St-Lyé,  et  de  ce  château  à  Troyes,  où  le 
roi  fit  son  entrée  le  jeudi  23  mars. 

Les  corps  constitués  de  la  ville  et  les  habitants  allèrent 
au-devant  du  roi  au  delà  du  faubourg  St-Martin  Ce  pre- 
mier cortège  avait  à  sa  tôte  les  quatre  compagnies  de  la 
milice  troyenne,  armée  seulement  d'épées  et  de  dagues. 
En  approchant  du  roi,  toute  la  troupe  passa  devant  lui  et 
le  salua,  puis  forma  un  bataillon  carré,  en  attendant 
l'arrivée  des  autres  parties  du  cortège.  Parmi  celles-ci 
se  tenait  un  grand  nombre  a:  de  sauvages  bien  accoutrés.  > 
Leur  capitaine,  couvert  d'une  armure  d'écaillés,  était 
monté  sur  «  une  licorne  >  entièrement  bardée  de  feuilles 
de  lierre,  avec  une  housse  garnie  de  même.  Les  tambours 
battaient  et  les  sauvages  marchaient  en  bon  ordre,  les 
uns  montés  sur  des  ânes,  les  autres  sur  des  boucs  et  sur 
des  chèvres.   Ils  étaient  armés  d'arcs,  dn  flèches  et  de 

(I)  Hlq  de  Troyes.  Inv.  déjà  cité. 


15<U  CHAPITRE   XIX.  573 

massues.  Ils  avaient  à  leur  tête  une  enseig^ne,  et,  en 
avant  de  l'enseigne,  deux  sauvages  portant  un  écusson 
de  taffetas  bleu,  bordé  de  lierre,  sur  lequel  se  lisait  un 
quatrain  en  l'honneur  du  roi  et  resplendissait  un  soleil 
d'or. 

Après  les  sauvages  (déguisement  fort  à  la  mode  à 
cette  époque)  venait  une  troupe  de  satyres,  dont  le 
capitaine,  vêtu  de  velours  orange,  tenait  à  la  main  un 
grand  dard,  et  avait  un  lieutenant  habillé  de  velours  gris. 
L'enseigne  de  cette  bande  repri sentait  une  Diane.  Ces 
satyres  étaient  armés  d'arcs,  de  flèches,  de  massues  et 
de  casse-têtes,  d'où  pendaient  de  petites  boules  garnies 
de  pointes. 

Venait  ensuite  une  compagnie,  richement  vêtue,  ayant 
un  capitaine  à  sa  tête  et  suivie  d'un  grand  nombre  de 
bourgeois  et  de  marchands  portant  la  livrée  du  roi.  Cette 
compagnie  avait  un  guidon  aux  trois  couleurs,  blanc, 
bleu  et  incarnat,  en  usage  dans  la  ville  de  Troyes. 

Le  maire,  les  échevins  et  les  conseillers  de  ville,  tous 
à  cheval,  venaient  ensuite.  Le  maire,  vêtu  d'une  robe  de 
velours,  mi-partie  rouge,  mi-partie  bleue.  Les  échevins 
et  les  conseillers  portaient  des  robes  de  damas  de  soie, 
aux  mêmes  couleurs. 

A  la  rencontre  du  roi  et  de  la  cour,  le  bailli,  Anne  de 
Vaudrey,  présenta  le  corps  de  ville  au  duc  d'Aumale, 
lieutenant  du  jeune  Henri  de  Guise,  son  neveu,  gouver- 
neur de  Champagne,  qui,  à  son  tour,  le  présenta  au  roi. 
Le  maire,  les  échevins  et  les  conseillers  descendirent  de 
cheval,  se  mirent  à  genou  et  conservèrent  cette  humi- 
liante position  pendant  que  le  lieutenant-général  au  bail- 
liage haranguait  le  roi  et  que  le  roi  lui  répondait.  Après 
celte  réponse,  le  corps  de  ville  remonta  à  cheval  et  (it 
diligence  pour  se  disposer  à  recevoir  le  roi  à  la  porte  du 
Beffroi. 

Mais  avant  d'entrer  en  ville,  le  roi  et  sa  suite  s*ar- 


574  HISTOIRE   DE  TROYES.  15M 

Fêtèrent,  suivant  la  coutume,  au  couvent  de  St-Ântoine, 
où  il  y  eut  collation  et  où  le  roi  monta  un  cheval  frais 
pour  faire  son  entrée  en  ville. 

En  dehors  de  la  ville  et  près  de  la  porte  du  Beffroi,  se 
tenaient  les  Cordeliers  et  les  Jacobins.  A  cette  porte,  le 
maire,  accompagné  des  échevins,  présenta  au  roi  les  clefs 
de  la  ville  et  lui  fit  une  harangue  à  laquelle  le  roi  répon- 
dit. Cette  porte  était  décorée  d'un  groupe  représentant 
Charlemagne,  Miner\'e  et  la  Victoire  ;  et,  pour  que  Ton 
ne  puisse  se  tromper  sur  Tintention,  des  vers  disaient 
que  les  vertus  du  jeune  roi  n'étaient  pas  moindres  que 
celles  du  grand  empereur.  L'histoire,  on  le  sait,  ne  rati- 
fia jamais  cette  flatterie. 

Le  cortège  royal  se  remit  en  marche.  Les  sauvages, 
les  satyres,  les  bourgeois  et  marchands,  le  corps  de 
ville,  les  sergents  et  les  bedeaux  de  la  ville,  avec  leurs 
robes  mi- partie  rouge  et  bleue  et  armoriées  aux  armes 
de  la  cité;  les  sergents  royaux,  vêtus  aux  couleurs  du 
roi,  et  portant  sur  la  poitrine  et  sur  le  dos  les  deux  co- 
lonnes entrelacées  avec  la  devise  du  roi  :  Pietate  et 
Jitstitiâ;  les  notaires  royaux,  les  procureurs,  les  avocats 
et  conseillers  au  bailliage,  le  procureur  et  Tavocat  du 
roi,  tous  en  robes  noires;  le  prévôt  des  maréchaux  et  ses 
archers,  le  prévôt  de  la  ville  et  son  lieutenant,  le  lieu- 
tenant-général et  le  lieutenant-particulier  au  bailliage, 
accompagnés  de  René  de  Malain,  seigneur  de  Missery, 
lieutenant  au  gouvernement  do  Champagne,  en  résidence 
à  Troyes. 

Puis  venaient  les  seigneurs  voyageant  avec  le  roi,  le 
seigneur  Strozzi,  accompagné  d'un  grand  nombre  de 
gentilshommes;  —  les  trompettes,  —  les  chevaliers  de 
Tordre  du  roi,  —  le  colonel  des  Suisses,  avec  tambours 
et  fifres,  à  la  tête  de  la  garde  du  roi  ;  —  Imbert  de  la 
Platière,  maréchal  ;  —  de  Bourdillon,  Arthur  de  Cossé, 
seigneur  de  Gonnor,  grand  panetier  de  France  ;  Phih- 


1564  CHAPITRE  XIX.  575 

bert  de  Marcilly,  seigneur  de  Sipierre,  gouverneur  du  roi 
d'Andelot  et  autres  grands  seigneurs  ;  Léonor  de  Chabot» 
comte  de  Charny,  seigneur  de  Boissy,  grand  écuyer  de 
France,  «  sur  un  brave  cheval,  bardé  de  velours  bleu  et 
noir,  semé  de  fleurs  de  lis  d'or;  ^  le  grand  écuyer, 
vêtu  de  velours  à  ces  deux  couleurs  semées  de  fleurs  de 
lis  d*or,  chaussait  des  éperons  dorés  et  avait  plume 
blanche  à  son  chapeau.  Il  portait  en  écharpe  magnifique- 
ment brodée,  Tépée  royale,  dont  le  fourreau  était  cou- 
vert de  fleurs  de  lis  d'or.  Puis  venait  le  roi,  ayant  une 
belle  plume  blanche  à  son  chapeau,  monté  sur  un  cheval 
couvert  d'un  drap  d'argent  et  bleu,  et  placé  sous  un  dais 
porté  par  quatre  bourgeois  vêtus  de  robes  noires.  Ce  dais 
était  de  velours  bleu,  frangé  blanc  et  rouge  avec  de 
petites  crépines  d'or,  le  fond  semé  de  fleurs  de  lis  et 
portant  les  armes  de  France,  la  devise  Pietate  et  Justitiâ, 
les  deux  colonnes  symboliques  entrelacées  et  des  K 
couronnés. 

Après  le  roi,  venaient  :  le  duc  d'Orléans,  son  frère, 
vêtu  entièrement  de  drap  d'or;  le  duc  d'Anjou;  François, 
duc  d'Alençon,  ses  deux  autres  frères  ;  Antoine  de  Bour- 
bon, roi  de  Navarre;  le  connétable  Anne  de  Montmo- 
rency; les  ducs  d'Aumale  et  de  Guise,  Henri  de  Navarre, 
d'Andelot,  le  duc  de  Montpensier,  le  prince  de  la  Roche- 
sur- Yon,  le  duc  d'Uzès,  le  duc  de  Nevers  et  un  grand 
nombre  de  chevaliers,  seigneurs  et  gentilshommes,  com- 
posant la  suite  du  roi.  La  marche  était  fermée  par  des 
troupes  françaises  et  écossaises  à  cheval,  armées  de 
courtes  piques  et  de  zagayes  (1). 

De  la  porte  du  Beffroi,  le  cortège  royal  passa  par  la 
Pue  des  Trois-Têtes.  En  face  de  l'hôtellerie  de  ce  nom, 
était  représentée,  sur  un  échafaud,  la  France  environnée 

(1)  GoDEFROY.  Cérémonial  français,  Sébastien  Gramoisy,  16i9. 
T.  I«r,  p.  894.  —  DuHALLE.  Mémotres^  t.  i«^  p.  394. 


576  HlSTOlilE  DE  TKOYES.  1564 

de  trophées  militaires,  avec  une  inscription  rappelant  les 
victoires  remportées  par  les  Français.  Sur  la  place  du 
Marché-au-Blé,  en  face  de  l'hôtellerie  du  Laboureur^ 
étaient  élevées  deux  colonnes  en  plâtre,  Tune  dorée, 
l'autre  argentée,  surmontées  des  statues  de  la  Justice  et 
de  la  Piété,  avec  la  devise  royale  :  Pietate  et  Justitid, 
Au  bas  de  cette  place,  aux  Quatre-Vents,  était  un  arc  de 
triomphe  où  étaient  représentés  Minerve,  Pallas  et  St- 
Louis.  Devant  l'hôtel-de-ville,  s*élevait  un  autre  arc  de 
triomphe,  surmonté  d'une  pyramide,  c  symbole  de  la 
constante  fidélité  des  habitants  de  Troyes  envers  le  sou- 
verain. j>  Sur  cette  place,  la  fille  du  maire,  montée  sur 
un  char,  présenta  au  roi  un  anneau  et  un  cœur  d'or,  et 
lui  adressa  le  quatrain  suivant,  qui,  comme  dit  Grosley, 
a  le  mérite  de  la  naïveté  : 

En  un  anneau  tout  rond  et  d*or  b»en  éprouvé. 
Je  vous  offre  le  cœur  de  la  cité  troyenne  : 
Quelquefois  le  voyant,  Sire,  qu'il  vous  souvienne 
Que  son  cœur  est  tout  rond  et  tel  sera  trouvé  (1). 

Les  rues  parcourues  par  le  cortège  royal  étaient  en- 
core ornées  d'autres  décorations.  Le  roi  descendit  à 
l'évéché. 

La  reine-mère  et  les  dames  qui  l'accompagnaient 
entrèrent  sans  doute  en  ville  après  le  roi,  comme  il  était 
habituel  à  cette  époque  et  comme  il  avait  été  fait  lors 
de  l'entrée,  à  Troyes,  de  Henri  11,  en  1549. 

Le  surlendemain  de  son  arrivée,  le  samedi,  veille  du 
dimanche  des  Rameaux,  le  roi  toucha,  dans  la  Cathé- 
drale, les  écrouelles  de  deux  cents  malades.  Les  scro- 
fuleux,  à  Troyes,  ne  faisaient  pas  défaut  à  cette  époque. 
On  rappelle  la  cérémonie,  mais  on  ne  signale  pas  de 
guérison.  Le  jeudi  saint,  il  fit  la  cène  à  l'évéché  et  lava 
les  pieds  à  treize  jeunes  enfants  pauvres,  qu'il  servit  à 

(1)  Grosley.  Notice  sur  Passerat. 


t55i  CHAPITRE   XIX.  577 

table.  La  reine-inère  lava  aussi  les  pieds  de  treize  jeunes 
filles  pauvres. 

Le  poi,  sa  mère  et  leur  nombreuse  suite,  séjournèrent 
à  Troyes  pendant  vingt-quatre  jours.  Il  y  eut  tète  presque 
chaque  jour.  La  ville  otfrit  un  grand  festin  au  roi,  à  sa 
mère  et  aux  grands  seigneurs  de  leur  suite,  dans  la 
grande  salle  du  palais  royal,  le  mardi  de  Pâques.  Six 
musiciens  jouèrent  de  leurs  instruments  pendant  le 
repas,  il  y  eut  des  courses  de  bagues,  auxquelles  assis- 
tèrent le  roi  et  sa  cour;  des  assauts  d'armes,  dans  le 
jardin  placé  derrière  le  palais  royal.  Une  terrasse  avait 
été  édifiée  dans  ce  but;  le  3  avril,  elle  lut  attaquée  et 
défendue  avec  ardeur.  Des  pages  et  des  laquais  se  mêlè- 
rent à  cette  lutte  qui  dégénéra  en  rixe;  des  pierres  furent 
lancées  et  il  y  eut  des  blessés.  Un  jeu  de  barres  fut  éta- 
bli au  palais  royal.  Le  jeune  Henri  de  Bourbon  (plus 
tard  Henri  IV)  y  fut  blessé  (i).  On  fit  de  grandes  pro- 
menades sur  l'eau,  dans  le  canal  des  Trévois,  depuis 
Croncels  jusqu'à  Pélal  et  peut  être  au  delà.  On  démolit, 
à  cet  eflet,  le  pont  des  Champs  et  on  décora  de  nom- 
breux bateaux  pour  cette  promenade  royale. 

L'ordonnateur  de  ces  fêtes  et  le  principal  décorateur 
était  Dominique  Florentino  ou  le  Florentin,  peintre  et 
sculpteur.  Avec  lui  travaillaient  le  plus  grand  nombre 
des  artistes  de  la  ville.  François  Gentil,  François  et 
Nicolas  Pothier,  Augustin  Cotelle,  Nicolas  Passot,  Lau- 
rent Gallois,  Pierre  Thays,  Nicolas  Charonnat,  Nicolas 
Cordouannier,  Edme  Huot  et  Genest  Collet.  Dominique, 
Gentil  et  Passot  exécutèrent  les  nombreux  tableaux  allé- 
goriques décorant  les  rues  parcourues  par  le  royal  cor- 
tège. Les  brodeurs  déployèrent  toute  leur  habileté  pour 
broder  notamment  un  St-Louis  et  la  France  victorieuse. 

Les  nombreuses  devises,  vers  et  inscriptions  répandus 

(1)  N.  PiTUOU.  Mémoire  num%têerit, 

III.  S7 


578  HISTOmE   DE   TllOYES.  1554 

dans  toutes  les  décorations  artistiques  sont  l'œuvre  de 
Passerai,  alors  premier  régent,  à  Paris,  du  collège  de 
Beauvais  (1).  Il  est  aussi  Tauleur  du  quatrain  dit  au  roi 
par  Mlle  Pinette,  ainsi  que  d'un  chant  d'allégresse  sur 
l'entrée  du  roi  à  Troyes  (2). 

La  ville  offrit  à  la  reine  un  présent  de  linge  fm;  à 
tous,  les  vins  de  la  ville:  la  quantité  réglée  sur  la 
qualité  du  personnage.  Le  présent  fait  au  roi  fut  un  vase 
d'argent,  pesant  trente-cinq  marcs  et  dont  rorfévrerie  et 
la  ciselure  furent  confiées  à  Nicolas  Boulanger,  orfè\Te 
à  Troyes,  à  qui  fut  remis  le  modèle,  sorti  sans  doute,  des 
mains  de  l'un  des  artistes  de  la  ville.  Ce  vase  était  orné 
de  figures.  Il  avait  c  un  parc  »,  sans  doute  un  socle, 
assez  grand  pour  y  placer  des  personnages  et  des 
plantes  (3). 

En  passant  à  Sens,  le  roi  n'avait  pu  entendre  les 
plaintes  de  Jacques  Pcnon,  son  procureur  dans  cette 
ville,  où  il  venait  de  rentrer  après  une  absence  qui 
remontait  à  la  date  des  massacres.  Le  roi  l'avait  ajourné, 
en  l'invitant  à  se  rendre  à  Troyes,  afin  que  ses  récrirai- 
nations  puissent  être  vérifiées.  Penon  se  rendit  donc  à 
Troyes  et,  le  28  mars,  il  produisit  sa  requête  au  roi,  en 
présence  des  gens  de  son  conseil  et  d'une  vingtaine  de 
personnes  de  la  ville  de  Sens.  Ceux-ci  remirent  au  duc 
d'Aumaleune  requête  au  roi,  tendant  à  faire  interdire  à 
Penon  sa  rentrée  à  Sens.  Celui-ci  se  plaignait  de  malver- 


(1)  A. A.  44c  carton,  2*  liasse.  —  Celte  liasse,  renfermant  toutes 
les  pièces  du  compte  des  dépenses  occasionnées  par  le  passage  du 
roi,  contient  un  grand  nombre  d'autographes  des  artistes  «:i-dessus 
nommés. 

(2)  Cette  composition  et  quelques  inscriptions  en  vers  latins  et 
français,  remplissent  douze  pages  in-4«  imprimées  à  Paris,  chci 
Brion,  1564.  Voir  aussi  le  P.  Lelong,  up  34.300. 

(3)  Marché  entre  le  maire  et  les  échevins,  d'une  part,  et  Nicolas 
Boulanger  d*autre  part  A.  A.  44e  carton,  2«  liasse. 


15C4  CHAPITRE   XIX.  579 

salions  dans  radministration  des  deniers  de  la  ville,  en 
même  temps  que  des  mauvaises  dispositions  des  catholi- 
ques à  regard  des  réformés  (1). 

Aussitôt  que  les  réformés  de  Troyes  surent  que  le  roi 
se  disposait  à  venir  en  Champagne,  ils  dressèrent  un 
état  des  crimes,  meurtres,  spolialions  et  iniquités,  dont 
ils  se  considéraient  les  victimes.  N.  Pithou  se  rendit  à 
Sens  afin  dy  voir  le  roi.  Le  prince  de  Condé,  chef  de  la 
réforme,  le  dissuada  d'insister  pour  avoir  audience  de 
Charles  IX.  Néanmoins,  dans  celte  ville,  Pithou  demanda 
à  voir  le  roi;  dans  ce  but,  il  se  présenta  à  Tévêché  avec 
quelques  réformés.  Le  maire  et  les  échevins  avaient 
vu  le  roi  et  lui  avaient  fait  pressentir  la  visite  des  réfor- 
més. Aussi  Taccueil  fait  à  ces  derniers  fut-il  défavo- 
rable. Le  duc  d'Aumale,  surtout,  aurait  fort  mal  mené 
Pithou  de  Ciiamp-Goberl,  considéré  comme  chef  de 
parti,  à  Troyes,  prétendant  que  les  réformés  n'étant, 
dans  la  ville,  que  de  trente  à  quarante,  le  roi  n'autori- 
serait pas  rétablissement  d'un  prêche  dans  les  faubourgs 
pour  un  si  petit  nombre. 

Le  sieur  de  Champ-Gobert  fit  observer  au  duc  qu'ils 
étaient  au  moins  de  quatre  à  cinq  mille  réformés  quoi- 
qu'ils eussent  perdu  beaucoup  des  leurs.  Le  duc  l'inculpa 
de  mensonge  et,  avec  dignité,  Pithou  soutint  ce  qu'il 
avait  avancé  et  offrit  de  justifier  du  nombre  de  ses  co- 
religionnaires par  le  rôle  d'une  taille  levée  sur  eux 
comprenant  les  noms  de  450  chefs  de  maison,  habitants 
de  la  ville.  La  scène  fut  violente  de  la  part  du  duc 
d'Aumale.  Le  roi,  cependant,  donna  audience  aux  délé- 
gués des  réformés  en  présence  des  oITiciers  du  bailliage 
et  de  ceux  de  la  ville.  Noël  Cocffart,  lieutenant-général, 
aurait  donné  des  explications  fort  embarrassées  et  Philippe 

(i)  A.  Guâlle.  Le  Calvinisme  et  la  Ligue  dans  le  département 
de  VYenne,  t.  l***,  p  ItO,  diaprés  B.  Taveau. 


580  HISTOlIiB   DK   TIVOYES.  \mi 

Belin,  lieutenant  particulier,  aurait  directement  accusé 
les  réformés. 

Le  conseil  royal  aurait  renvoyé  toutes  ces  plaintes  à 
la  reine-mère  et  notamment  la  demande  relative  au 
changement  de  lieu  pour  la  célébration  du  culte  réformé, 
et  Morvilliers,  alors  maître  des  requêtes,  aurait  reçu  la 
mission  de  jug;er  les  questions  touchant  à  la  police  et 
aux  affaires  do  la  religion. 

Le  vendredi-saint,  Pithou  se  présenta  à  la  reine-mère 
pour  obtenir  la  désignation  d'un  lieu  plus  commode  et 
plus  rapproché  de  la  ville  que  Céant-en-Othe,  pour  la 
célébration  de  la  Pûque.  Il  n'obtint  rien. 

Si  le  clergé  consentait  à  donner  au  roi  des  sommes 
d'argent  quelconques,  sous  une  forme  ou  sous  une  autre, 
il  luttait  avec  la  plus  grande  énergie,  quand  il  s'agissait 
de  participer  aux  charges  de  la  ville.  La  solde  à  payer 
aux  300  hommes  de  pied  entretenus  par  les  habitants, 
s'élevait  pour  les  mois  de  mars  à  juin  1563,  à  8,766  liv.  t. 
Les  membres  du  clergé  étaient,  dans  cette  somme, 
compris  pour  3,265  liv.  16  s.  1  d.  t.  Ne  voulant  pas 
payer,  le  maire  et  les  échevins  les  poursuivirent.  Profi- 
tant de  la  présence  du  roi  et  de  son  conseil,  le  corps 
échevinal  assigna  le  clergé  au  conseil  privé  pour  le 
7  avril.  La  cause  n'aurait  pas  clé  appelée  en  raison  d'un 
projet  de  transaction  arrêtée  entre  les  délégués  du  clergé 
et  l'échcvinage.  Mais  ces  pro[)Ositions  d'arrangement 
furent  repousséos  par  quelques  membres  du  corps  ecclé- 
siastique. Nouvelle  citation  fut  donnée  pour  le  15.  Mais 
«  par  la  délibililé  de  M.  le  Chancelier  de  Lho[)ital  i»  il 
n'y  eut  pas  de  conseil.  Le  roi  quitta  la  ville  le  lendemain. 
Les  parties  le  suivirent  t\  Châlons,  à  Vitry,  à  Bar-le- 
Duc  et  à  Dijon,  le  roi  n'ayant  pas  tenu  conseil  dans  ces 
différentes  villes.  Enfin  les  parties,  de  Dijon,  sont  ren- 
voyées à  Lyon,  pour  y  plaider.  Fatiguées,  elles  transi- 
gèrent sur  certains  détails  et  le  clergé  paya  la  somme  à 


15«l  CHAPITRE   XIX.  581 

laquelle  il  avait  été  imposé.  Le  tout  fut  approuvé  par 
une  assemblée  générale  le  18  juillet  1564  (1). 

Avant  de  quitter  Fontainebleau,  le  roi  avait  envoyé  à 
ses  otïiciers  et  à  la  noblesse  de  Champagne  et  de  Brie, 
mandement  de  se  trouver  à  Troyes,  pendant  son  séjour  et 
à  jour  fixe,  afin  d'entendre  l'expression  de  sa  volonté,  tou- 
chant la  justice  et  Texécution  des  édils  de  pacification  et 
<le  les  exhorter  à  vivre  en  paix  pendant'son  voyage.  Aux 
nobles,  le  roi  ordonna  de  garder  la  foi  et  la  loyauté 
qu'ils  lui  devaient,  et,  aux  gens  de  justice,  que,  s'il  sur- 
venait quelques  différends,  ils  s'adressassent  à  M.  le  duc 
d'Aumale  c  garde  du  gouvernement  de  la  province  de 
Champagne  et  de  Brie  pour  M.  de  Guise,  son  neveu,  • 
ou  à  M.  de  Barbezieux,  lieutenant  de  M.  le  duc  d'Aumale, 
auxquels  il  recommanda  d'obéir  comme  à  lui-même  (S). 

L'acte  politique  le  plus  important  réalisé,  à  Treyes, 
pendant  le  séjour  du  roi,  serait  le  traité  qui  y  aurait  été 
passé  entre  le  roi  de  France  et  la  reine  d'Angleterre. 

Le  roi  et  la  reine-mère  ordonnèrent  à  Castelnau  de 
se  rendre  avec  ses  chevaux-légers  sur  le  chemin  de 
Rouen,  à  la  rencontre  des  deux  ambassadeurs  anglais 
se  rendant  près  du  roi,  qui  ne  voulait  pas  les  voir.  L'un 
était  Smith,  ambassadeur  ordinaire,  et  le  second  Trok- 
morton,  son  prédécesseur.  De  Foix,  ambassadeur  fran- 
çais à  Londres,  était  étroitement  observé  et  presque 
prisonnier.  Le  roi  voulait  agir  de  même  façon  à  l'égard 
de  Smith  et  refusait  de  recevoir  Trokmorton  qui  s'était 
efforcé  de  rompre  le  traité  de  Cambray  et  s'était  rendu, 
en  France,  sans  sauf-conduit.  Castelnau,  ayant  ren- 
contré les  deux  envoyés  d'Elisabeth,  les  prévint  qu'il 
avait  mission  de  s'emparer  d'eux,  ne  fût-ce  que  pour 
les  mettre  en  sûreté,  il  envoya  d'abord  Trokmorton  sous 

(i)  Arch.    clép    G.  2Î1.   Compte  du  syndicat  de  fêu  M.  le  soui- 
doyen  de  St^Etiennc^  M®  Laurent  Royer^  1564-1565. 
(2)  Cl.  Hatton.  Mémoires,  p.  376. 


582  HISTOIRE   DB  TROYES.  \yu 

bonne  garde  au  château  de  Saint-Germain  et  conduisit 
Smith  à  Melun,  puis  à  Meulan  et  à  Paris. 

Smith,  ayant  pris  de  nouveaux  ordres  de  la  reine 
Elisabeth  reçut  avis  de  s*employer  avec  Trokmorton,  au 
traité  de  paix  qui  fut  repoussé  d'abord.  C'était  vers  ce 
moment  que  le  roi  se  rendait  à  Truyes.  Le  roi  se  décida 
à  traiter  par  voie  d'ambassadeurs  avec  les  envoyés  de 
la  reine  d'Angleterre,  Le  détenu  du  château  de  Saint- 
Germain  fut  amené  à  Troyes,  par  dix  archers  de  la  garde 
du  roi.  Il  fut  défrayé  le  long  de  la  roule  et  on  voulut  lui 
faire  croire  que  cette  garde  n'avait  d'autre  mission  que 
de  l'accompagner.  Le  traité  fut  signé,  le  11  avril,  à 
Troyes,  el  il  y  fut  publié.  Il  y  eut  de  grandes  réjouis- 
sances et  des  feux  de  joie. 

Casteinau  alla,  en  Angleterre,  porter  le  traité  i  la 
reine,  la  paix  fut  publiée  le  23  avril  (1). 

Ce  traité,  signé  à  Troyes,  amena  la  paix,  entre  les  deux 
nations  rivales,  à  des  conditions  plus  honorables,  pour 
la  France,  que  celui  de  1420. 

L'histoire  de  France  n'a  pas  d'époque  où  la  licence  et 

le  libertinag^o  furent  plus  grands  que  le  règne  des  Valois. 
Portés  par  In  nature  vers  les  plaisirs  sensuels,  ils  étaient 
poussés,  dans  celle  voie  de  jouissance  charnelle  et 
d'épuisement,  par  leurs  relations  avec  l'Italie,  par  les 
courtisans  et  |)ar  les  femmes  qui  peuplaient  leur  cour. 
Parmi  les  fêtes  qui  furent  données  au  jeune  Charles  IX, 
à  son  passage  à  Troyes,  il  en  est  une  à  laquelle  on  ne 
pourrait  croire,  malgré  le  récit  d'un  auteur  qui,  quel- 
quefois, peut  être  passionné,  mais  toujours  véridique, 
Nicole  Pithou,  et  si  un  fait  plus  public  et  plus  scandaleux 
encore  ne  s'élail  passé  à  Blois  à  l'entrée  de  ce  jeune 
roi.  Au  nîomenl  où  Charles  IX,  botté  et  prêt  à  monter 
à  cheval,  on   voulut  l'égayer  par  un  dernier  spectacle, 

(1)  GàstelnaI'.  Mémoires^  liv.  v,  ch.  iv,  vu  et  vni. 


1564  GHAPITHE   XIX.  583 

qui  fut  le  bouquet  de  toutes  les  fêtes  qui  lui  avaient  été 
offertes.  On  le  conduisit,  dans  un  jardin  voisin  de  Tévéché, 
où  des  jeunes  personnes,  d*une  grande  beauté  et  entiè- 
rement nues,  exécutaient  des  danses  !  Et  dans  ce 
cortège  d'un  roi  de  treize  ans  se  trouvaient  sa  mère 
et  deux  cardinaux,  celui  de  Bourbon  et  celui  de  Guise  (1)  ! 

Charles  IX,  sa  mère  et  la  cour  quittèrent  Troyes  le 
16  avril.  Il  allèrent  coucher  au  village  de  Saint-Sépul- 
cre, aujourd'hui  Villacerf  Le  lendemain,  ils  gagnèrent 
Arcis,  puis  Poivre,  Dommartin,  Ecury-sur-Coole  et 
Chalons  ;  six  jours  pour  parcourir  dix-huit  lieues  (2)  !  De 
là,  le  roi  se  rendit  dans  le  Barrois.  Il  fut  Tun  des  par- 
rains du  duc  de  Lorraine. 

Pendant  son  séjour  à  Troyes,  le  roi  accorda  aux  arba- 
létriers les  mêmes  privilèges  que  ceux  dont  usaient  ceux 
de  Paris,  Lyon,  etc.  «  Le  papegault  >  devait  être  tiré 
le  dimanche  de  Quasimodo  et  celui  qui  Tabattait  était 
franc,  pendant  un  an,  de  toutes  tailles,  aides  et  impôts 
quelconques  (3). 

Après  la  paix  d'Âmboise,  les  protestants  de  la  contrée 
auraient  joui  de  quelque  tranquillité.  Le  pasteur  Jacques 
Sorel  revient  d'abord  à  Troyes  avec  un  autre  jeune 
ministre,  nommé  François  Bourgoin.  Us  vont  s'installer 
à  Géant-en-Othe,  où  ils  célèbrent  leur  culte.  Le  30  avril, 
un  consistoire  est  établi  dans  ce  lieu  et  des  diacres  y 
sont  installés  pour  le  service  du  culte.  Afm  de   mettre 

(1)  On  peut  lire,  dans  les  Mémoires  de  Gastelnau,  liv.  v,  ch.  vi  : 
«  Adventure  de  la  tour  enchantée,  entreprise  par  le  roi  et  son  frère, 
k  Fontainebleau.  » 

(2)  CouRTALON.  Topographie,  t.  i^"",  p.  HO  et  ii7.  —  On  peut 
consulter,  si  on  le  trouve,  sur  le  passage  de  Charles  IX  à  Troyes  : 
Les  triomphes,  grans  hravetez  et  magnificences  f aides  pour  Ventrée 
de  très  hault  prince  Charles  9®,  en  la  ville  de  Troyes,  le  jeudi 
23  mars  i564,  av.  Pasqiies,  Lyon,  Pierre  Mérant,  1564,  in-8o  de 
16  f.  (  du  catalogue  Coste,  1854.)  —  Arch.  mun.  série  K.  9. 126  f»  et 
A.  A.  carton  44«. 

(3)  H.  no  1«r,  p.  144  et  suivantes. 


584  HISTOIRE   DE  TROYES.  55^4 

de  Tordre  dans  la  célébration  de  la  cène,  il  est  distribué 
des  mércaux  ou  jetons  à  ceux  qui  doivent  y  prendre 
part.  Ce  méreau,  en  métal,  porte  une  palme  avec  la 
lettre  initiale  T,  indiquant  le  bailliage  de Troyes:  Nicolas 
Pithou  avait  la  garde  do  ces  méreaux. 

A  roccasion  des  élections  des  fériés  de  PAques,  le 
collège  des  bourgeois  ne  se  présenta  pas  en  raison  de 
difficultés,  prenant  leur  source  dans  les  querelles  du 
jour. 

A  rassemblée  de  la  saint  Barnabe  de  cette  même 
année  1564,  le  maire  ancien  remplit  les  fonctions  de 
président:  fonctions  qui  ne  sont  plus  soumises  à  l'élec- 
tion. Le  maire  est  assisté  d'officiers  royaux  qui,  autrefois, 
ne  se  rendaient  à  TAssemblée  qu'en  leur  qualité  d'habi- 
tants de  la  ville.  Cette  fois  y  sont  présents  René  de 
Malain,  soigneur  de  Missery,  lieutenant  pour  le  roi  à 
Troyes,  en  l'absence  do  M.  de  Barbezieux,  le  lieutenant- 
général  et  le  lieutenant  particulier  au  bailliage  et  enfin 
le  prévôt.  C'est  ainsi  que  se  modifient  les  caractères 
primitifs  des  institutions  sous  l'influence  des  troubles 
même  momentanés  et  aussi  sous  le  développement 
toujours  croissant  de  rinllucnce  do  l'autorilé  royale,  qui, 
dès  cette  époque,  se  fait  scntii- dans  l'administration  de 
la  cité  et  ([iii,  dans  cette  voie,  va,  dorénavant,  faire  de 
rapides  progrès. 

En  ellet,  ot  c'est  |)our  la  première  l'ois  depuis  l'institu- 
tion do  récbovinag(^  qu(î  l'autorité  royale  s'immisce 
d'une  manière  directe  et  absolue  dans  l'élection  du 
maire.  Le  maire  et  les  éclievins  avaient  été  élus  le  jour 
de  la  saint  Barnabe,  <i  selon  les  chartes  confirmées  par 
les  rois  de  France.  ï>  Le  parti  de  l'opposition,  c'est-à- 
dire  les  adversaires  du  maire,  Claude  Pinette,  avait 
réussi  au  scrutin,  malgré  la  présence  et  l'influence  des 
oftlciei's  royaux.  Le  1  i  juillet,  l'élection  est  cassée  par  le 
roi.  Le  7  se[)tembre,  une  nouvelle  élection  a  lieu  et  la 


tMU  CHAPITRE  XIX.  585 

seconde  confirme  la  première  en  portant  Robert  Angp- 
noust,  à  la  mairie,  Claude  Huez,  Nicolas  Lemaîlre, 
Pierre  Largentier  et  Nicolas  à  réchevinage,  tous  adver- 
saires de  l'administration  précédcnlo,  et  nommés,  ces 
quatre  derniers,  en  remplacement  de  Remy  Laurent, 
de  Pierre  Morillon,  de  Philippe  Factet  et  de  Jean  de 
Coussy. 

L'ancien  échevinage,  —  instrument  des  catholiques 
ardents,  —  ne  se  tient  pas  pour  vaincu  et,  malgré  la 
double  élection  qui  s'est  faite  contre  lui,  les  officiers 
anciens  no  cèdent  point  la  place  aux  nouveaux  élus. 
Claude  Pinette  remit  au  duc  d'Aumale,  avec  le  procès- 
verbal  de  l'élection,  un  rôle  indiquant  les  noms  des  élus 
et  «  une  humble  demande  au  roi  tendant  à  ordonner  la 
continuation  dans  leurs  fonctions  du  maire  et  des  quatre 
échevins  élus  avec  lui,  sans  que,  par  ce  fait,  il  soit  p(»rté 
atteinte  aux  privilèges  de  la  ville.  ^ 

Le  roi  accueille  cette  demande  avec  faveur  et  l'ancien 
maire  et  les  quatre  échevins  continuent  leurs  fonctions, 
malgré  la  double  élection  faite  en  faveur  du  parti  opposé, 
soutenu  par  l'opinion  publique,  fatiguée  des  violences 
exercées  par  l'administration  de  Claude  Pinette. 

Pendant  les  troubles  de  1563,  un  certain  capitaine 
allemand,  Daniel  de  Schonnenbourg,  avait  été  inquiété 
à  Troyes,  en  raison  de  l'état  général  des  esprits.  Mais, 
bientôt,  il  recouvrit  sa  liberté.  Denis  Legras,  membre  du 
conseil  de  ville,  s'étant  rendu,  pour  ses  affaires,  dans 
rarchevéché  de  Trêves,  eut  le  malheur  de  tomber  entre 
les  mains  de  ce  capitaine,  qui,  dans  le  cours  de 
juillet  156i,  le  fit  son  prisonnier.  Legras  n'obtint  sa 
liberté  qu'en  février  suivant  sur  les  pressantes  démarches 
faites  près  de  l'archevêque  de  Trêves  (1). 

Le  28  août  15H4,  le  conseil  de  ville  eut  à  donner  son 

;1)  A.  15. 


586  HISTOIRE  DE  TROYES.  {5^4 

avis  sur  l'application  de  Tédit  de  janvier  précédent, 
interdisant  la  vente,  dans  les  tavernes  et  dans  les  caba- 
rets, des  vins  étrangers  au  pays.  Cette  mesure  était  un 
moyen  d'éloigner  les  buveurs.  Les  taverniers  étaient 
bien  approvisionnés  de  ces  sortes  de  vins,  car  ils 
demandèrent,  en  août,  Tautorisation  de  les  débiter,  ce 
qui  leur  fut  accordé  (1). 

Cette  mesure  de  police  urbaine  est  un  signe  du  temps. 
En  voici  une  autre  qui  ne  Test  pas  moins.  Alors,  comme 
de  nos  jours,  les  partis  avaient  choisi  une  forme  spéciale 
de  chapeaux  pour  se  distinguer.  Ainsi  les  chanoines  du 
chapitre  de  St-Urbain  défendent,  le  24  avril  1564,  à 
leurs  vicaires  et  aux  prêtres  habitués  de  leur  église,  de 
porter  des  chapeaux  à  la  mode  des  huguenots,  ainsi 
que  les  chausses  à  grosse  bosse.  Il  s'agit  ici  de  faire 
disparaître  un  appendice  du  haut  de  chausses  qui  cons- 
tituerait aujourd'hui  une  indécence  bien  caractérisée. 

En  juillet  1564,  les  bénéficiers  du  diocèse  sont  encore 
taxés  pour  la  solde  de  la  compagnie  chargée  de  la  garde 
de  la  ville  (2).  La  garde  du  gouverneur  et  des  lieute- 
nants-généraux de  Champagne  est  abolie.  Cette  garde 
était  à  la  charge  de  la  province,  y  compris  le  bailliage 
de  Yermandois.  Sa  solde  s'élevait,  par  an,  à  1 1,280  liv,  t. 
et  servait  à  payer  un  capitaine  et  cinquante  hommes 
d'armes  (3).  Malgré  l'édit,  le  duc  d'Aumalc  voulut  con- 

(i)  A.  15. 

(2)  Arch.  dép.  2.  (J.  2 

Ç\)  Suivant  «  un  département  »  du  10  décembre  1503,  cette  somme 
et  les  accessoires  qui  montaient  à  14,0(X)liv.  10  s.  t.,  étaient  ainsi 
répartis  sur  les  habitants  des  villes,  savoir  : 

Bailliage  du  Vermandois. . .  3,226  liv. 

—  de  ïroyes 4,500 

—  de  Vitry 37G 

—  de  Chaumont ....        2i4  liv.  15  s. 

—  de  Langres H3         15 

—  de  Melun 3,043  6  s.  8  d. 

F(aiiliage  de 


i56i  CHAPITKE    XIX.  587 

server  sa  garde  et  demanda  à  la  ville  de  la  solder.  Le 
conseil  s  y  refusa  et  ne  voulut  payer  qu'après  y  avoir  été 
condamné  (1). 

En  août  1564,  deux  généraux  de  la  cour  des  mon- 
naies, se  rendent,  à  Troyes,  pour  informer  sur  des  faits 
relatifs  à  la  circulation  monétaire.  Après  avoir,  comme 
toujours,  protesté  de  son  humilité  et  de  sa  soumission 
aux  ordres  du  roi,  le  conseil  de  ville  adresse  ses 
remontrances.  Il  informi*.  les  commissaires  royaux  que 
depuis  qu'en  1561  il  a  été  défendu  de  forger  des 
douzains,  il  y  avait  grande  pénurie  de  cette  monnaie,  au 
coin  du  roi,  ainsi  que  des  autres  monnaies  royales. 
Celles  qui  circulent  sont  les  carolns  de  Besançon,  de 
Lorraine  et  de  Genève  et  autres  provenant  des  pays 
limitrop.hes.  Les  habitants  redoutent  le  décri  des  mon- 
naies :  mesure  qui  les  appauvrirait,  depuis  deux  ou  trois 
ans  n'ayant  reçu  d'autres  monnaies  que  des  pièces 
étrangères.  Le  conseil  demande  le  maintien  de  la  circu- 
lation de  ses  monnaies,  dizains  de  Besançon,  de  Genève 
et  vieux  carolus  de  Lorraine;  le  titre  étant  supérieur  à 
beaucoup  d'autres  et  le  peuple  refusant  les  autres  mon- 
naies de  Lorraine  et  toutes  celles  qui  sont  nouvellemont 
forgées.  Enfin  il  repousse  avec  force  le  décri  des  mon- 
naies étrangères  avant  que  do  nouveaux  douzains  et  du 
billon,  au  coin  du  roi,  ne  soient  mis  en  circulation  en 
quantité  suffisante.  Peu  après  cette  enquête  monétaire, 
le  même  conseil  demande  qu'il  soit  frappé,  à  Troyes, 
desliardsau  coin  du  roi  c  pour  accomoder  le  peuple  de 
menue-monnaie  (â). 

HaiUiage  de  Sens 1 ,410  »      » 

-      de  Meaux i,066        13      4 

A  cette  époque,  le  bailliage  de  Troyes  renfermait  vingt-quatre 
villes  closes. 

(1)  A.  15. 
W  A.  15. 


588  HISTOIRE   DE   TROYES.  i5*i5 

Le  22  février  1565  (n.  st.),  le  conseil  de  ville  adresse 
de  nouvelles  remontrances.  Il  se  plaint  des  impôts  qui 
frappent  les  marchandises,  et  surtout  d^un  nouveau 
subside  établi  sur  les  vins,  subside  de  «  trente  patars  » 
sur  chaque  tonneau  de  vin  entrant  en  ses  <  pays  bas.  > 
Puis  il  demande  la  suppression  d'autres  impôts  levés 
sur  les  marchandises  appartenant  à  des  négociants 
français  et  entrant  ou  sortant  d'Anvers,  contrairement 
aux  conditions  fixées  par  divers  traités  de  paix.  Et, 
conjointement  avec  Reims  et  d'autre  villes  de  Cham- 
pagne, celle  de  Troyes  demande  que  des  députés,  choisis 
dans  ces  villes,  confèrent  ensemble  «  de  l'abolition  de  la 
Foraine;  i>  ce  droit  d'entrée  en  France  étant  l'objet  de 
la  plus  vive  répulsion  de  la  part  des  commerçants. 

  la  suite  des  ordonnances  d'Orléans  et  de  Moulins, 
renfermant  des  réformes  importantes  dans  l'administra- 
tion de  la  justice,  il  est  bruit  que  les  anciennes  condi- 
tions des  justices  seigneuriales  seront  modifiées.  Il  est 
aussi  question  de  la  création  d'une  cour  de  parlement  en 
Champagne  ;  la  ville  de  Troyes  demande  à  en  devenir  le 
siège,  comme  elle  en  avait  le  droit,  ou  tout  au  moins  la 
conservation  du  siège  de  l'un  des  deux  présidiaux  qui 
doivent  être  mainlcnus  dans  la  province  (1). 

En  passant,  il  faut  signaler  le  don  de  deux  rossignols 
que  la  ville  lait  au  duc  d'Aumale,  en  1564  Ces  deux 
oiseaux  avaient  coûté  cent  sous  tournois  (2). 

A  la  suite  de  l'arrél  des  Grands-Jours  de  1535,  l'admi- 
nistration des  hôpitaux,  (l'hôtel  Dieu  le-Comte,  St-Nicolas, 
St-Esprit  et  St-Abrahaini,  était  confiée  à  des  bourgeois 
et,  par  ce  moyen,  s'était  sécularisée.  Cette  administra- 
tion collective  donna  bientôt  la  pensée  de  constituer  un 
seul  et  même  établissement.  Le  conseil  de  ville,  quoique 

(1)A.  15. 

Cl)  B.  159. 


1565  CHAiMTHË   XlX.  589 

(l'accord  avec  les  gens  du  roi,  ne  put  réaliser  ce  projet, 
car  la  réunion  ne  s'en  fit  qu'en  1630  (1). 

Les  édits  de  paix  sont  exécutés  que  bien  que  mal. 
Depuis  les  troubles,  Antoine  Menisson,  écuyer  du  prince 
de  Condé,  seigneur  de  St-Pouange  et  de  Souleaux,  où 
il  avait  fait  construire  un  château  et  à  qui  les  catholiques 
reprochent  d'y  avoir  employé  des  pierres  venant  de 
Tonnerre  et  destinées  aux  travaux  de  la  cathédrale,  a 
acheté  un  grand  nombre  de  seigneuries  ou  de  parties 
de  seigneuries  ou  encore  des  droits  seigneuriaux,  ce 
qu'il  fait,  sans  doute,  sans  débourser  beaucoup  d'argeiU 
et  peut-être  aussi  avec  l'aide  des  chefs  du  parti  ou  des 
ressources  du  parti  protestant.  Ces  acquisitions  sont 
d'autant  plus  faciles  à  réaliser  que,  vers  cette  époque, 
une  grande  partie  des  droits  royaux  et  seigneuriaux, 
relevant  des  mairies  royales,  comprises  dans  la  prévôté 
de  Troyes,  est  aliénée,  et  des  biens  ecclésiastiques  ont 
été  mis  en  vente  pour  satisfaire  aux  taxes  levées  sur  le 
plergo.  Menisson  s'est  rendu,  dans  l'intérêt  de  la  reli- 
gion réformée,  acquéreur  des  seigneuries  de  la  Motte- 
Puiseaux,  départie  de  celle  de  St-Aventin-sous-Verrières, 
de  partie  de  celle  de  Vendeuvre  (le  château  et  la  ferme 
des  EpoissesJ  ;  les  seigneuries  de  Preize,  des  Tauxelles, 
<le  la  Vacherie,  de  la  Moline,  du  petit  St-Jacques,  du 
Labouras,  du  Pré  l'Evoque,  de  la  moitié  de  la  seigneurie 
de  Lusigny,  de  Montiéramey,  de  Montreuil,  du  Mesnil- 
St-Père,  de  Villy-en-Trodes,  de  Courteranges  et  autres 
«^pendant  de  Lusigny.  Ces  acquisitions  avaient  été  faites 
dans  le  but  d'y  faire  professer  la  religion  réformée  selon 
redit  du  roi.  Afin  que  la  justice  royale  soit  instruite  de 
sa  volonté,  Antoine  Menisson  fait  signifier  au  procureur 
du  roi  les  noms  de  ses  seigneuries  et  ses  intentions 
formelles  d'y  faire  célébrer  le  nouveau  culte. 

(1)A.  15. 


590  HISTOIRF:   DK   TROYES.  1565 

Le  conseil  de  ville,  ayant  toujours  à  sa  tét€  Claude 
Pinette,  s'émeut  de  cette  signification.  Il  députe  quel- 
ques-uns de  ses  membres  à  Antoine  Ménisson,  qui  ne 
tient  aucun  compte  des  observations  qui  lui  sont  faites. 
Alors,  au  nom  de  la  ville  et  par  son  procureur,  le  conseil 
intervient  dans  le  procès  et  s'efforce  d'empêcher  Antoine 
Ménisson  de  faire  pratiquer  la  nouvelle  religion  dans  ses 
seigneuries,  dont  le  plus  grand  nombre  sont  situées  aux 
portes  de  la  ville.  Pondant  ce  débat,  Ménisson  fait  tenir 
un  prêche  à  Souleau  et  y  fait  baptiser  les  enfants  de  ses 
co-religionnaires  :  le  conseil  en  instruit  le  duc  d'Au- 
male  (1). 

Do  nouvelles  ordonnances  politiques  sont  publiées  et 
le  conseil  envoie  son  voyeur  près  du  duc  d'Aumale,  dans 
le  but  de  l'informer  des  assemblées  qui  sont  tenues  à 
Tanlay,  sous  la  protection  des  Coligny. 

Un  édit  de  mars  1565  frappa  le  papier  d'un  impôt. 
Les  maîtres  et  ouvriers  papetiers  s'en  émeuvent.  Ils 
portent  leurs  plaintes  au  conseil  de  ville.  Us  redoutent 
pour  l'avenir  de  leur  industrie,  alors  très  florissante  à 
Troyes;  ils  craignent  sa  ruine  et  que  l'étranger  n*en 
profite.  Le  conseil  s'émeut  à  son  tour.  Le  9  avril,  il 
envoie  des  commissaires  près  du  roi,  afin  de  lui  exprimer 
toutes  ses  craintes  et  lui  exposer  l'état  de  cette  industrie. 
Selon  la  déclaration  des  maîtres  papetiers,  cette  fabri- 
cation fait  vivre  plus  de  dix  mille  personnes,  qui  n'ont 
pour  ressources  que  leur  travail  quotidien.  Les  envoyés 
de  la  ville  ont  mission  de  se  réunir  à  ceux  de  Paris,  de 
Lyon,  de  Rouen,  d'Orléans  et  d'autres  villes  de  fabri- 
cation. 

Malgré  les  plaintes  portées  au  roi,  l'édit  fiscal  n'en 
aurait  pas  moins  été  appliqué.  Le  17  mai,  au  conseil,  se 
présentent  un  grand  nombre  de  pauvres  artisans,  femmes 

(1)  A.  15  et  B.  B.  14  liasse  Ire.  —  Original  de  signification. 


I5II5  CHAPITKE   XIX.  59i 

et  enfants  c  du  métier  de  papier.  >  lU  font  savoir  que 
leurs  maîtres  les  ont  congédiés  et  que,  ne  travaillant 
plus,  ils  n*ont  plus  de  quoi  vivre.  Le  conseil  fait  appeler 
les  maîtres.  Se  rendent  près  de  lui,  Jean  Nivelle,  Tainé, 
Claude  Denise,  Simon  Nivelle,  Edmond  Denise,  Nicolas 
Lebé,  Jean  Nivelle,  le  jeune,  Thomas  Joly,  Claude  Noël 
et  Claude  Denise,  le  jeune.  Ils  déclarent  que,  ne  pouvant 
plus  faire  travailler  leurs  ouvriers,  ils  leur  ont  donné 
congé.  Ils  exposent  aussi  que,  pendant  la  foire  qui  se 
tient,  le  plus  grand  nombre  des  marchands  étrangers 
n'ont  pu  faire  leurs  provisions  de  papier  à  cause  du 
nouveau  subside  et  ont  quitté  la  ville  sans  acheter.  Les 
maîtres  papetiers  ne  peuvent  entretenir  leurs  moulins  et 
les  fermiers  de  ce  nouvel  impôt  ont  fait  saisir  tous  les 
papiers  fabriqés.  Sur  la  prière  du  conseil,  les  maîtres 
consentent  à  reprendre  leurs  ouvriers  et  à  les  faire  tra- 
vailler pendant  quelques  jours,  afin  de  faire  cesser 
Témolion  du  peuple.  Il  est  décidé  que  les  maîtres 
papetiers  accompagneront  les  conseillers  de  la  ville  qui 
doivent  se  rendre  près  du  roi  (i). 

Quelle  que  soit  l'activité  des  démarches  faites  en 
faveur  de  Tindustrie  papetière,  ce  n'est  qu'en  1566  que 
le  subside  mis  sur  le  papier  est  supprimé  et  aboli. 
Ce  résultat  est  dû  aux  efforts  des  députés  de  la  ville 
de  Troyes  réunis  à  ceux  d'un  solliciteur  établi  en  perma- 
nence par  rinduslrie  lyonnaise. 

La  ville  de  Troyes  occupait  une  place  fort  élevée  dans 
la  hiérarchie  des  principales  villeô  de  France.  Elle  avait 

(1)  A.  15.  —  En  1552,  les  papetiers-jurés,  qui  relevaient  de  TUni- 
versité,  furent  réduits  à  douze,  savoir  :  quatre  pour  Paris^  quatre 
pour  Troyes  et  quatre  pour  Essonne.  Ils  étaient  chargés  de  visiter 
les  papiers,  «c  de  les  apprécier  et  de  les  rebuter.  »  Avec  Tautorisa- 
tion  de  Henri  II,  la  ville  mit  alors  un  impôt  sur  le  papier.  Mais  rUnL 
versité  obtint  la  révocation  de  cet  édit,  portant  préjudice  à  ses  droits. 
{Recueil  des  privilèges  de  V Université,  d'après  le  manuscrit  de 
H.  MUlard.) 


5t^  HISTOIRE  DR   TROYES.  tôiC 

de  nombreux  et  anciens  titres  qui  la  plaçaient  parnit  les 
premières  et  les  plus  importantes  villes  de  Iravaii,  illn- 
«lustrie  et  d  activité  commerciale.  Capitale  de  l'anciea 
comté  de  Champagne,  ses  habitants  avaient,  pendant 
cette  belle  période  de  progrès  et  de  liberté  politique  et 
commerciale  de  la  fin  du  XV^  siècle  et  de  la  première 
moitié  du  XVI^.  développé  leurs  relations  dindustrie  et 
de  commerce  et  s  étaient  largement  initiés  et  adonnés 
aux  connaissances  administratives.  C*est  à  cette  considé- 
ration toute  particulière  que  le  conseil  de  ville  était 
quelquefois  consulté  sur  des  affaires  relatives  à  Tadmi- 
nistration  de  l'Etal.  Ainsi,  le  roi  demande,  en  juillet  et 
août  1505,  »  avis  au  conseil  et  à  de  bons  habitants  poor 
donner  expédiant  afin  de  rédimer  et  acquitter  Sa  Majesté 
envers  l'Infante  de  Portugal.  > 

bans  la  même  année,  le  roi  consulte  le  même  conseil 
pour  savoir  s'il  peut  céder  le  privilège  de  la  vente  et  de 
la  fabrique  du  pastel  sans  inconvénient  pour  le  com- 
merce et  rindustrie.  Le  conseil  répond  au  roi  :  c  Cette 
€  cession  causerait  le  plus  grave  préjudice  à  vos  sujets 
c  et  le  plus  grand  tort  à  vos  finances.  La  liberté  du 
€  commerce  est  le  meilleur  moyen  de  le  faire  fleurir  et 

<  augmenter.  >  El,  citant  un  exemple,  il  continue  sa 
réponse  en  disant:  «  Le  privilège,  cédé  à  un  seul,  de  la 
•   vente  de  l'alun  a   causé  un  grave  préjudice,  parce 

<  qu'en  allant  chercher  celle  matière  en  Roraanie,  ainsi 

<  que  le  souffre,  on  y  conduisait  toutes  sortes  de  mar- 

<  chandises  et  notamment    des    harengs   blancs,  des 

<  toiles,  des  canevas  et  d'autres  marchandises.  »  Le 
conseil  termine  ses  observations  c  en  suppliant  très 
humblement  le  roi  de  respecter  et  d'avoir  égard  aux 
grandes  charges,  perles  et  dommages  auxquels  la 
calamité  du  temps  passé  a  réduit  et  précipité  ses  pauvres 
sujets;  de  les  maintenir  en  libre  commerce  et  trafic  de 
marchandises  ;  lesquels,  cessant,  la  fleur  lui   demeu- 


1505  CHAPITRE   XIX.  593 

perdit  inutile  en  son  royaume  et  s'adonneraient  les 
artisans  et  corroyeurs  du  pastel  à  l'étranger  et  autre- 
ment; telle  invention  lui  apporterait  perte  de  six  deniers 
pour  un  et  à  ses  pauvres  sujets  le  double  (1).  i^ 

Le  1er  août,  quelques  huguenots  se  veng-èrent  des 
ourments  dont  ils  étaient  l'objet  sur  un  nommé  Claude 
Linard,  dit  le  Boudinier,  l'un  des  trois  cents  hommes  de 
pied.  Ce  fait  de  vengeance  occasionna  une  grande  émo- 
tion en  ville.  Le  soir  même,  les  soldats  et  le  menu  peu- 
ple assaillirent  les  maisons  des  réformés,  en  rompirent 
les  portes  et  les  vitres.  La  justice  se  transporta  sur  les 
lieux  du  désordre,  mais  il  n'y  eut  aucune  répression. 
Quelques  réformés  furent  blessés.  Un  seul,  nommé 
Rambaut,  fut  tué  le  lendemain  par  des  soldats  catho- 
liques (2).  ^ 

N.  Pithou  se  rendit  à  La  Rochelle,  pour  y  voir  le  roi 
et  lui  demander  la  désignation  d'un  lieu  plus  rapproché 
de  Troyes  que  ne  l'est  Céant-en-Othe.  Il  ne  peut  voir  le 
roi.  Admis  près  de  la  reine-mère,  il  n'en  obtient  rien. 
A  son  retour,  il  se  rend  à  Tanlay,  pour  y  voir  d'Andelot 
et  lui  rendre  compte  de  l'insuccès  de  son  voyage  (3). 
Néanmoins,  les  réformés  obtiennent  de  M.  de  Barbezieux 
quelques  concessions  résultant  de  l'édit  de  pacifica- 
tion (4). 

Vers  la  fin  de  juillet,  les  trois  frères  de  Châtillon  se 
tiennent  à  Tanlay  avec  des  troupes.  Celles-ci  parcourent 
les  environs.  Aussi,  Pierre  Belin  se  rend,  sur  les  ordres 
du  duc  d'Aumale,  dans  les  environs  de  Bar-sur-Seine,  de 
Chaource  et  de  Turgy,  afin  de  s'informer  et  de  découvrir 
les  courses  des  gens  de  guerre  à  la  solde  de  la  famille 

(1)  A.  15. 

(2)  DcHALLE.  T.  1er,  p.  111.  —  GouRTALON.  Topographie^  t.  i«r- 
p.  118. 

(3)  N.  Pithou.  Ouvrage  déjà  cité. 

(4)  A.  15. 

III.  S8 


594  HISTOIKE  DE  TROYBS.  ues 

(le  Goligny,  et  placés  à  Tonnerre,  à  St-Vinneoier,  à  Si- 
Martin-de-Molosme  ot  en  d'autres  lieux,  sur  la  rivière  de 
TArmançon. 

En  octobre,  dans  une  assemblée  tenue  à  Tévêché,  sous 
la  présidence  de  M.  de  Barbezieux,  en  présence  de  dépu- 
tés du  clergé,  des  gens  du  roi,  du  maire  et  du  corps  de 
ville,  de  notables  habitants  et  des  proviseurs  de  TAumùne 
générale,  les  règlements  de  cette  institution  sont  renou- 
velés et  modifiés.  —  Il  est  décidé  que  les  assistés,  les 
pauvres,  demeureront  sous  la  justice  et  la  contrainte  des 
proviseurs  de  l'Aumône.  —  Ceux-ci  peuvent  employer 
différents  moyens  de  coercition  par  leurs  bedeaux,  jus- 
qu'à Tusage  du  fouet,  s'il  en  est  besoin,  contre  les  truands 
et  les  bélitres  trouvés  en  ville  et  rebelles  au  règlement 
de  police.  —  Tous  les  quinze  jours,  rej^herche  sera  faite 
des  artisans  qui  auront  quitté  leur  métier  pour  travailler 
aux  œuvres  publiques.  —  Des  quêtes  seront- faites  en 
faveur  de  TAumône  générale  —  Les  receveurs  rendront 
compte  de  leur  gestion  devant  six  commissaires,  deux 
du  clergé,  deux  de  la  justice  et  deux  du  corps  de  ville. 
—  L'ouverture  d'ateliers  publics  est  décidée  :  il  y  sera 
employé  le  sixième  de  la  recette  (1). 

Il  est  question  de  remanier  les  circonscriptions  des 
sièges  présidiaux.  Les  membres  de  celui  de  Troyes, 
appuyés  par  les  délégués  du  Conseil  de  ville,  demandent 
de  faire  comprendre  dans  son  ressort  les  bailliages  de 
Langres,  de  Chaumont  et  de  Vitry,  le  Barrois  et  les 
comtés  de  Brionne  et  de  Vertus,  ressortissant  alors  i 
d'autres  bailliag:es;  puis  le  bailliage  de  Sozanne,  celui  de 
Mussy  et  les  chùtelleiiies  d'Kr\y,  de  St-Florenti'n,  de 
Dannemoinc  et  de  Céant-en-Othe,  qui,  ci-devant,  avaient 
été  distraits  du  bailliage  comme  du  siège  présidial  de 
Troyes.  Cette  requcMe  n'est  admise  qu'en  ce  qui  concerne 

(i)  M.  4.  et  A.  15. 


156f>  CHAPITRE  XIX  505 

Ie8  châtellenies  d^Krvy,  de  St-Florentin,  de  Dannemoine 
el  de  Géant  (1).  Quant  aux  autres  bailliages,  ils  ne  rele- 
vèrent à  aucune  époque  du  présidial  de  Troyes. 

La  récolte  de  1565  manque.  Les  grains  sont  rares  et 
fort  chers.  Le  Conseil  prend  des  mesures  pour  en  appro-> 
visionner  la  ville,  en  y  employant  les  deniers  dont  ii 
dispose  (2). 

En  décembre,  il  est  demandé  à  la  ville,  pour  les  be- 
soins de  Tarniée  royale,  200,000  pains  et  3,000  paires 
de  souliers  (3). 

Jusqu^en  mai  1566,  il  ne  parait  pas  s'être  élevé  au- 
cune difficulté,  à  Troyes,  à  Toccasion  de  la  préséance. 
Cette  question  aurait  été  soulevée,  — on  peut  croire  pour 
la  première  fois,  —  entre  les  officiers  de  la  ville.  Il  s'agit 
de  savoir  quelle  place  occuperont  les  anciens  maires 
dans  les  cortèges.  Il  fut  arrêté  que  le  plus  ancien  des 
anciens  maires  ou  celui  qui,  présent,  viendra  en  date 
après  lui,  accompagnera  et  marchera  avec  le  maire  en 
exercice,  et  ainsi  pour  les  autres.  Après  les  maires  vien- 
dront les  échevins  et  les  conseillers,  par  ordre  et  chacun 
selon  ses  qualités,  comme  il  est  coutume  dans  ces  sortes 
de  réunion  (4). 

Il  semble  qu'il  y  eut,  à  Troyes,  quelques  troubles,  ou 
qu*au  moins  la  paix  ne  régnait  pas  sans  partage  dans 
les  esprits,  car  le  Conseil  de  ville,  réglementant  la  police 
de  ses  séances,  fait  défense,  <  pour  bonnes  et  justes 
raisons,  >  à  tous  ceux  qui  assistent  aux  assemblées,  de 
ne  point  s'injurier,  de  ne  point  porter  d'armes  offensives, 
à  peine  de  50  livres  d'amende,  au  profit  de  la  boîte  des 
pauvres,  et  d'interdiction  d'assistance  au  Conseil  pen- 
dant trois  mois.  Et  cependant,  il  y  a  évidemment  un 

(1)  A.  15. 

(2)  A.  15. 

(3)  A.  15. 

(4)  A.  15. 


596  HISTOIRE   DR   TROYES.  1&66 

retour  vers  les  idées  de  lolérance,  puisque  le  Conseil 
ayant  obtenu  Texclusion  des  cinq  conseillers  élus  pen- 
dant les  troubles  de  1562,  Pierre  Belin,  Jean  leTartier, 
mercier,  Jacques  Aubry,  Jean  Gombault  et  Laurent  Chan- 
tereau,  et  ceux-ci  s'étant  pour\  us,  le  roi  leur  accorde  des 
lettres  de  réintégrande  (1). 

Le  il  juin  1566,  jour  de  St-Barnabé,  Claude  Jaquot 
remplaça,  comme  avocat  de  la  ville,  Nicolas  Regnault, 
qui  semble  avoir  embrassé  la  réforme.  Cet  avocat,  à  l'ou- 
verture de  la  séance,  expose  le  but  de  la  réunion, 
c  Prévoyant,  <  dit-il,  »  les  comtes  de  Champagne  de  bonne 
et  heureuse  mémoire,  que  la  situation,  fertilité  et  amples 
commoditez  de  la  ville  et  cité  deXroyes,  ne  la  pouvoient 
suffisamment  agrandir  sans  être  policée  et  y  établir 
d^idoines  et  légitimes  administrateurs  publics,  ont  con- 
cédé aux  manans  et  habitans,  eux  assembler  et  convenir 
en  rhôtel  et  maison  de  ville,  le  jour  de  la  St-Barnabé, 
tant  pour  Télection  d'un  maire  biennal  que  pour  résoudre 
d'autres  ailaires  publiques.  »  Puis,  faisant  Féloge  du 
maire  sortant  de  charge,  il  s'exprime  ainsi  :  c  Que  du 
temps  de  M.  le  maire  Pi  nette  qui  a  exercé  si  heureuse- 
ment et  dextrement  sa  charge,  à  Taide  de  Dieu  qu'il  a 
toujours  imploré  en  temps  si  tumultueux  et  si  calamiteux 
pendant  quatre  ans,  temps  pendant  lequel  il  s'est  pré- 
senté toutes  les  calamités  qu'un  peuple  peut  ressentir, 
après  avoir  provoqué  la  colère  de  Dieu,  sans  toutefois 
que,  par  son  induction,  son  labeur  et  ses  diligences,  la 
peste,  la  guerre  et  la  famine  nous  aient  opprimé  ou 
offensé,  et  (jue,  pour  le  remercier,  on  peut  à  bon  droit 
l'appeler  un  Abdias,  intci*[)rète,  serviteur  de  Dieu,  et  dire 
que  si  Cicéron,  pour  avoir  diverti  la  conjuration  catili- 
naire,  a  été  appelé  le  père  du  pays,  à  meilleure  raison 
eejourd'hui  le  maire  Pinette  doit  être  reconnu  et  marqué 

(i)  .\    5. 


t56(i  CHAPITRE   XIX.  597 

de  ce  titre  excellent  >  L'orateur  termine  en  demandant 
^  qu'il  soit  procédé,  consciencieusement,  sincèrement, 
de  dextre  et  candide  conscience,  à  Télection  d'un  maire, 
au  renouvellement  de  certains  officiers  et  à  différents 
actes  d'administration.  »  A  la  mairie,  est  élu  M.  Pierre 
de  Mauroy,  écuyer,  sieur  de  Vauchassis.  L'assemblée 
nomme  ensuite  les  directeurs  des  hôpitaux,  le  receveur 
de  l'Aumône  générale,  le  receveur  et  administrateur  de 
la  maladrerie  des  Deux-Eaux,  et  enfin,  elle  procède  à 
l'adjudication  de  la  ferme  de  la  chaussée  (1). 

Antoine  Menisson  continue  à  réunir  ses  co-rcligion- 
naires  dans  son  château  de  St-Pouange  et  à  y  faire  faire 
des  prédications.  Le  clergé  troyen  s'adresse  au  bailli 
dans  le  but  de  faire  cesser  ces  réunions.  Le  bailli,  Anne 
de  Vaudrey,  diffère  l'exécution  d'une  sentence  du  bail- 
Irage  du  16  mars,  portant  défense  au  sieur  do  St-Pouange 
d'exercer  la  religion  réformée  dans  sa  seigneurie.  A  la 
fin  de  juin,  une  lettre  du  roi  et  une  autre  de  la  reine- 
mère,  du  27,  ordonnent  très  expressément  de  faire 
cesser  l'exercice  du  culte  réformé  à  St-Pouange  et  à 
Lignières  (2)  :  Menisson  et  le  sieur  de  Lignières  n'étant 
point  seigneurs  châtelains  (3). 

Un  jeune  avocat,  partisan  de  la  réforme,  François 
Berton,  se  rend,  en  1566,  près  du  roi,  alors  à  Moulins, 
afin  de  faire  changer  le  lieu  de  réunion  des  protestants 
et  permettre  au  pasteur  de  se  rendre  à  Troyes,  pour  y 
donner  des  soins  et  des  consolations  aux  malades.  Celte 
démarche  demeure  sans  succès.  Ce  dernier  soin  est  dé- 
légué à  des  hommes  instruits,  pieux  et  prudents,  qui 
reçoivent  en  môme  temps  la  mission  do  donner  l'ins- 
truction à  la  jeunesse.  N.  Pithou  et  Robert  Lebey,  négo- 

;l)  A.  15. 

(2)  Canton  de  Chaource. 

(3)  B.  B.  14e  carton,  S**  liasse.  Copies  authentiques. 


598  HISTOIRE   DE   TROYES.  isee 

ciant,  sont  adjoints,  pour  ces  offices,  aux  membres  du 
consistoire  (1). 

En  1566,  dans  les  premiers  mois,  le  roi  ordonne 
«  ie  décri  >  de  certaines  monnaies.  li  est  ordonné  qu'elles 
seront  cisaillées  et  les  morceaux  remis  à  ceux  qui  les 
apporteront. 

Le  42  août,  la  ville  présente  des  remontrances  à 
M.  Dain,  général  des  monnaies,  alors  h  Troyes,  pour 
Texécution  d'un  édit  royal  sur  la  circulation  des  espèces 
étrangères,  venant  de  Lorraine,  d'Allemagne,  de  Bour- 
gogne et  de  Flandres.  Ces  monnaies  sont  tellement 
abondantes  qu'elles  circulent  presque  exclusivement  dans 
toutes  les  campagnes.  Le  Conseil  renouvelle  ses  plaintes 
sur  le  défaut  do  monnaies  au  coin  du  roi,  demande  la 
suspension  de  Teifet  de  Tédit,  et  à  quelque  temps  de  là, 
il  réclame  Tautorisation  do  faire  fabriquer  à  Thôtel  des 
Monnaies,  «  des  douzains,  des  dizains  et  demi-dizains, 
pour  le  soulagement  du  peuple  (2).  » 

Les  routes  ne  sont  point  sûres,  les  bouchers  se  plai* 
gnent  d'être  pillés  en  allant,  à  la  campagne,  chercher  le 
bétail  nécessaire  à  la  nourriture  des  habitants.  Ils  deman- 
dent à  être  autorisés  à  porter  des  armes  (3), 

Le  Conseil  demande  que  les  dîmes  soient  levées  en 
argent,  en  raison  des  exactions  et  des  pilleries  commises 
par  ceux  (jui  les  lèvent  en  nature. 

Uans  le  cours  de  janvier,  la  ville  et  les  faubourgs, 
sous  forme  d'emprunt,  sont  taxés  à  20,000  livres  :  somme 
réduite,  peu  après,  i\  12,000  livres. 

Le  2  février,  l'archevêque  de  Sens,  Nicolas  de  Pellevé, 
vient  à  Troyes  oi  harangue   le  Chapitre  de  St-Pierre. 

(1)  N.  PiTHOU.  Ouvrage  déjà  cité. 

(2)  A.  15. 

(3)  A.  15.  —  Déjà  les  habitants  de  Montrcuil,  venant  vendre  df's 
porcs  en  ville,  avaient  formulé  les  mêmes  plainte.s. 


1566  GHAPITR£   XIX.  599 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  les  affaires  du  temps  ne  sont 
point  étrangères  à  ce  voyage  et  à  cette  harangue  (1). 

On  se  plaint  des  mesures  et  des  mesureurs.  Le  Conseil 
décide  que,  sur  la  place  du  Marché-à-Blé,  seront  dispo- 
sées des  mesures  en  pierre,  afln  de  servir  d*étalon  aux 
autres  (â). 

Voici  une  de  ces  institutions  qui,  nées  pendant  les 
troubles,  survivent  aux  causes  qui  leur  donnent  nais- 
sance. Un  édit  de  1566  ordonne  Félection  de  commis- 
saires de  police,  chargés  de  la  sur\'eillance  de  chaque 
quartier.  La  ville  en  dut  avoir  huit  au  moins,  deux  et 
môme  trois  par  quartier.  Ces  nouveaux  agents  du  pou- 
voir municipal,  relèvent  directement  et  absolument  de 
Téleclion  de  leurs  concitoyens.  Bien  que  le  Conseil  se 
soit,  en  mai  1567,  occupé  de  Tapplication  de  cet  édit  la 
première  élection  des  commissaires  de  police  n'aurait 
eu  lieu  qu'en  1572. 

Ces  commissaires  de  police,  nommés  pendant  long- 
temps €  jyges  politiques^  »  constituent  une  nouvelle  juri- 
diction, dont  les  attributions  sont  prises  sur  celles  du 
maire  et  des  échevins,  et  sur  celles  du  prévôt,  avec  pou- 
voir de  condamner  jusqu'à  soixante  sous  d'amende. 
Quoiqu'un  règlement  fût  dressé  par  le  Parlement,  sur  la 
demande  de  Téchevinage,  des  conflits  de  juridiction  s'é- 
levèrent bientôt.  Le  prévôt  surtout,  voyait,  par  cette  créa- 
tion, perdre  une  partie  des  produits  de  son  office.  Après 
1572,  l'élection  des  juges  politiques  fut  suspendue,  pen- 
dant plusieurs  années.  En  1586,  le  Conseil  de  ville  dé- 
cide que  l'on  demandera  au  roi  le  rétablissement  des 
juges  ou  commissaires  politiques.  L'élection  de  ces  fonc- 


(1)  Sémillàrd.  t.  icr. 

\2)  Dans  un  grand  nombre  de  Tilles  du  Midi,  on  voit  encore  beau- 
coup de  CCS  étalons  en  pierre  sur  les  places  et  dans  les  balles  serrant 
aux  marchés. 


600  HISTOIRE  DE  TROYBS.  i56fi 

tionnaires  se  fit  peu  après  et,  depuis  lors,  sans  inter- 
ruption pendant  les  XVIe  et  XVII*  siècles 

En  1566,  quelques  violences  sont  commises  par  les 
protestants,  dans  les  environs  de  Nogpent.  M.  de  Besan- 
court,  qui  habite  La  Saulsotte,  après  avoir  frappé  le  curé 
de  ce  village  et  d'autres  ecclésiastiques,  les  met  hors  de 
leurs  maisons,  s*empare  de  leurs  revenus  et  de  leurs 
héritages.  Raguier,  seigneur  d*Estemay,  de  la  Motte- 
Tilly,  Courceroy,  Soligny,  etc.,  établit  des  écoles  de  la 
religion  rérormée  dans  les  presbytères  de  ses  seigneu- 
ries. Sa  mère,  Charlotte  de  Dinteville,  qui  avait  embrassé 
la  réforme,  mourut  en  1566  et  fut  enterrée  près  de  son 
mari,  Louis  Raguier,  dans  une  chapelle  par  eux  élevée 
dans  Féglise  de  la  Motte-Tilly  (I). 

Dans  le  cours  de  Thiver  1566-67,  le  roi  ordonna  la 
recherche  des  usuriers.  Un  nommé  Michel  Alexandre,  de 
Villenauxo,  fui  pourvu  d'une  de  ces  commissions  pour 
la  Champagne.  Il  poursuivit  un  certain  nombre  d*indivi- 
dus  habitant  les  villes  de  Provins,  de  Yillenauxe,  de 
Meaux,  de  Reims,  de  Troyes,  etc.,  et  s'enrichit  en  ran- 
çonnant ceux  qu'il  poursuivait  (2) 

Vers  le  nuMne  lemps,  s'éleva  une  sorte  de  schisme,  à 
l'égard  du  culte  de  la  Vierge,  en  Champagne  et  en  Brie, 
et  notamment  dans  les  bailliages  de  Sens,  de  Melun,  <lt^ 
Montereau,  de  Bray,  de  Nogent,  «le  Pont,  de  Troyes,  de 
Meaux,  de  Provins,  etc.  Il  se  répandit  la  croyance  que, 
pour  honorer  la  Vierge,  on  devait  s'abstenir  de  travailler 
aux  champs,  le  samedi,  depuis  l'heure  de  midi,  et  que  ce 
repos  du  samedi  avait  été  formellement  ordonné  [)ar  la 
Vierge  dans  diverses  révélations  et  apparitions.  Une 
jeune  fille  de  Charly-sur-Marne  prétendait  avoir  reçu  ces 
confidences  et  donnait  des  signes  miraculeux  de  sa  mis- 


{,\)  Cl.  Hatton.  Mémoires,  i>.  40t>. 
(2^  Cl.  Hatton.  Mémoires,  p.  411. 


1.S«:  CHAPITRK   XIX.  601 

sion.  Le  cardinal  de  Lorraine,  archevêque  de  Reims,  fil 
arrêter  et  interroger  cette  fille,  qui,  condamnée,  fut  brû- 
lée vive,  comme  vaudoise  et  sorcière.  —  Au  XIX'  siècle, 
on  en  est  quitte  pour  quelques  mois  de  prison.  —  Les 
prêtres  et  les  curés  de  la  Brie  tombèrent  dans  celte  im- 
piété ou  la  laissèrent  propager.  Claude  Hallon,  alors 
vicaire  aux  Ormes,  et  le  vicaire  de  Donncmarie,  seuls, 
refusèrent  de  croire  à  ces  prétendues  révélations,  et  en 
détournèrent  leurs  ouailles  (1). 

Au  printemps  de  1567,  t  des  prêches  et  des  conven- 
ticules  »  se  tiennent  à  Troyes.  On  en  signale  notamment 
chez  un  corroyeur  nommé  Vallon.  Sa  maison  avait  sa 
principale  entrée  rue  de  la  Grande-Tannerie  et  une 
autre  rue  de  Jargondis.  Recherchés  à  cause  de  ces  réu- 
nions, il  est  constaté  judiciairement  qu'une  quarantaine 
de  |»roteslants  les  fréquentent. 

Le  25  septembre  1567,  s'ouvrit,  à  Paris,  la  première 
assemblée  générale  du  clergé  de  France,  assemblées  qui 
se  continuèrent  périodiquement  jusqu'en  1789. 

Le  clergé  du  diocèse  de  Troyes  prit  place  dans  celte 
assemblée.  Le  7  août,  par  devant  des  notaires  au  bail- 
liage, il  faisait  élection  de  six  députés  et  d'un  syndic. 
Pour  rédiger  les  cahiers  de  doléances  à  adresser  au  roi, 
furent  élus  :  Jacques  Guillemet,  doyen  de  Te^glise  calhé- 
drale;  Pierre  le  Tartrier,  doyen  de  Si  Etienne;  Nicole 
Hennequin,  doyen  de  St-Urbain;  Nicole  le  Tartrier,  oUi- 
cial  ;  Edme  Bizet,  prévôt  de  Sl-Ktienne,  et  Jean  Guille- 
met, chanoine  de  la  Cathédrale.  Pour  syndic,  fut  nommé 
Guillaume  de  Taix,  chanoine  de  St-Pierre,  qui,  à  partir 
de  ce  jour,  prend  place  dans  les  affaires  du  clergé  du 
diocèse  jusque  vers  la  fin  du  XVU*  siècle.  A  cette  même 
date  sont  dressés  »  les  articles  et  remontrances  du  clergé 
de  Troyes,  pour  être  présentés  en  rassemblée  générale 

ii  )  Cl.  Hatton.  Méfnoires,  p.  448. 


60S  HISTOIRE   DE  TROYES.  1567 

de  tout  le  clergé  de  France,  qui  se  doit  tenir  à  Paris,  la 
25  septembre.  > 

Ce  cahier  est  signé  de  Nicole  le  Tartrier  (1)  et  de 
G.  de  Taix.  Il  renferme  surtout  des  plaintes  adressées 
contre  les  seigneurs,  même  catholiques,  qui  pillent  les 
églises  et  les  presbytères,  frappent  les  prêtres,  les  mal- 
traitent par  eux-mêmes  et  par  leurs  valets,  enlèvent  leurs 
biens,  leurs  provis'ons,  s'emparent  des  bénéflces  ecclé- 
siastiques en  prétextant  que  ces  biens  sont  ceux  de  leurs 
ancêtres,  établissent  des  gens  de  guerre  dans  les  habi- 
tations des  curés.  Le  clergé  se  plaint  de  la  grande  diffi- 
culté qui  existe  pour  lever  les  dîmes  et  de  ce  que  les 
bénéfices  ecclésiastiques  sont  tenus  par  des  personnes 
laïques.  Les  juges  royaux  absorbent  les  privilèges  de  la 
justice  ecclésiastique,  ne  laissant  pas  même  aux  juges 
d'église  les  causes  qui  leur  appartiennent.  Ce  cahier,  par 
ses  plaintes  directes,  particulières  ou  générales,  ne  mé- 
rite qu'une  attention  limitée,  car  il  ne  s'occupe  guère  que 
des  intérêts  purement  temporels  et  alors  actuels  des 
membres  du  clergé,  sinon  qu'il  demande  que  les  écoles 
publiques  ou  particulières  ne  soient  tenues  que  par  des 
personnes  vues  et  reçues  par  les  évêques  ou  leurs  délé- 
gués (2). 

Les  causes  multiples  qui  amenèrent  la  reprise  des 
hostilités  entre  les  deux  partis,  n'ont  pas  besoin  d'être 
recherchées  ici.  Tous  deux  sont  mécontents.  Les  catho- 
liques croient  perdre  du  terrain  ;  les  protestants  préten- 

(1)  On  trouve  ce  nom  :  ïe  Tartrier  et  le  Tartier. 

(2)  Arch.  dé]).  2.  G.  2.  Ce  cahier  a  été  publié  dans  le  Propagateur 
de  VAube  du  20  mai  1844,  avec  tirage  à  part,  in-8»^.  Les  archives 
départementales  de  l'Aube  j)ossèdent  entre  autres  documents  relatifs 
à  cette  assemblée,  des  copies  authentiques  des  cahiers  des  remon- 
trances, i)Our  les  diocèses  de  Nevers  et  de  Sens.  Le  cahier  de  Sens 
est  intitulé  ;  AHicles  à  remontrer  en  l^Assemblêe  nationale  indicte 
à  Paris  au  2 i"}*^  jour  de  septembre  i,56"7,  jfour  et  au  nom  du  clergé 
du  diocèse  de  Sens. 


156T  CHAPITRE   XIX.  603 

dent  que  la  place  qui  leur  est  faite  dans  les  affaires  n'est 
pas  celle  à  laquelle  ils  ont  droit.  Le  roi  reproche  à  ceux* 
ci  de  vouloir  devenir  les  égaux  des  catholiques.  A  cet 
état  général  des  choses  politiques  et  religieuses,  se  joint 
le  mécontentement  des  chefs  des  deux  partis,  au  point 
de  vue  do  leur  ambition  personnelle. 

Les  chefs  du  parti  protestant  se  sont^  déjà  deux  fois, 
réunis  à  Valéry,  chez  le  prince  de  Condé,  et  à  Châtillon- 
sur-Loire,  chez  Tamiral  Coligny,  sans  pouvoir  se  mettre 
d'accord  sur  la  nécessité  d'une  nouvelle  prise  d'armes 
contre  Tautorité  royale.  Coligny,  autant  qu'il  peut,  arrête 
la  fougue  do  ses  amis  et  partisans;  mais,  une  fois  l'at- 
taque décidée,  il  propose  et  fait  adopter  le  plan  le  plus 
audacieux  :  insurger  en  masse  les  protestants,  attaquer 
et  détruire  les  Suisses  avant  qu'ils  soient  renforcés  des 
troupes  françaises,  arrêter  ou  chasser  de  France  le  car- 
dinal de  Lorraine  et  s'emparer  du  roi,  de  ses  frères  et 
de  la  reine-mère,  et  gouverner  sous  le  nom  de  Charles  IX. 
A  ces  projets  se  bornent  les  pensées  de  Coligny.  Le 
prince  de  Condé  ne  vise  alors  à  rien  moins  qu'à  la 
royauté. 

Un  service  de  «  postes  à  pied,  t>  secrètement  organisé, 
transmet  rapidement,  d'un  bout  Je  la  France  à  l'autre, 
les  instructions  des  chefs  rédigées  «  en  chittres  et  en 
écritures  couvertes.  »  La  noblesse  protestante,  sur  le 
qui-vive  depuis  plusieurs  mois,  doit  être  à  cheval  en 
quelques  jours.  L'attaque  est  fixée  à  la  St-Michel.  Tandis 
que  divers  détachements  surprendront  Toulouse,  Lyon 
Troyes  et  quelques  autres  places  ;  la  noblesse  des 
provinces  du  nord  se  réunira  à  Rosoi-en-Brie,  entre  la 
Seine  et  la  Marne,  et  de  là  elle  ira  s'emparer  du  roi,  la 
cour  devant  s'établir  au  château  de  Monteeaux  vers  la 
mi-septembre.  Châtillon-sur-Loire  est  bientôt  encombré 
(le  gens  armés,  et  la  Brie  se  couvre  de  cavalerie.  La  cour, 
craignant  une  surprise,  se  réfugie  à  Meaux,  le  S5  sep- 


604  HISTOIRE  DE  TROYES.  \f»' 

tembre,  et  les  Suisses  arrivent  en  même  temps  à  Château- 
Thierry.  Le  29,  après  de  longues  discussions,  le  roi  et  la 
cour  rentrent  à  Paris  qui,  bientôt,  est  bloqué  par  Tar- 
rnée  protestante. 

Le  parti  royal  catholique  prend  ses  mesures  contre  les 
attaques  dont  il  peut  être  Tobjet.  Le  27  septembre, 
Charles  IX  écrit  de  Meaux  aux  habitants  de  Troyes,  à 
Toccasion  des  nouveaux  troubles,  et  leur  recommande 
ses  intérêts.  Le  duc  Henri  de  Guise,  resté  en  tutelle  sous 
le  duc  d'Aumale,  son  oncle,  et  ses  oncles  les  cardinaux 
de  Lorraine  et  de  Guise,  alors  à  Reims  avec  M.  de  Bar- 
bezieux,  se  concertant  sur  les  mesures  à  prendre  pour  la 
sûreté  de  la  province,  écrivent  aussi  aux  Troyens,  à  la 
date  du  29.  Puis,  M.  de  Barbezieux,  étant  à  Châlons, 
s^adresse  aux  gens  du  roi  et  aux  habitants  de  Troyes, 
pour  leur  recommander  le  service  et  la  cause  du  roi.  La 
lettre  du  jeune  duc  de  Guise  et  celle  des  cardinaux  sont 
remarquablement  affectueuses  et  pressantes.  Sur  ces 
lettres,  reçues  le  1er  octobre,  le  Conseil  prend  toutes  les 
mesures  usitées  en  pareille  circonstance  pour  maintenir 
la  ville  en  sûreté.  Il  rétablit  une  garde  de  trois  cents 
hommes  de  pied,  et,  peu  de  jours  après,  cette  force  ar- 
mée est  placée  sous  le  commandement  du  capitaine 
d'Aprcmont,  dont  lo  véritable  nom  est  Jean  Brehen.  Il 
était  né  à  Monlley  et  résidait  à  Chessy,  près  d'Krvy  Uno 
^ardo  spéciale  est  organisée,  afin  de  prévenir  la  popula- 
tion en  cas  d'incendie,  et  deux  houimes  veillent  dans  la 
maison  du  maire,  pendant  la  nuit. 

Le  7  octobre,  nouvelle  lettre  du  duc  de  Guise  adressée 
aux  maire  ot  échevias,  engageant  les  troyens  à  persé- 
vérer dans  leur  dévouement  au  roi. 

Le  8,  nouvelle  lettre  de  Charles  IX  à  l'évèque  de 
Troyes.  Il  veut  que  les  ecclésiastiques  se  munissenl 
d'armes  spirituelles  et  temporelles  pour  défendre  l'hon- 
neur de   Dieu  contre  les  huguenots.  Le  lendemain  9,  il 


1507  rJIAPlTRE   XIX.  605 

est  procédé  à  l'inventaire  des  meubles  de  ceux-ci  par 
les  soins  du  bailli,  qui  avait  sommé  le  clergé  d'être 
présent  à  cette  exécution  (1).  Les  huguenots  ont  donc 
quitte  la  ville. 

Le  même  jour,  Charles  IX,  rentré  à  Paris,  écrit  à 
Anne  de  Vaudrey,  bailli.  11  remercie  les  troyens  de  leur 
fidélité.  Il  annonce  que  les  femmes  et  les  enfants  de 
ceux  de  la  religion  réformée,  qui  se  sont  absentés,  peu- 
vent demeurer  en  ville.  Tous  ses  efforts  tendront  à  dis 
siper  ceux  qui  s'assemblent  et  favorisent  la  faction  qui 
s'est  levée  contre  lui.  Dans  ce  but,  il  se  fera  aider  des 
gens  du  plat  pays  et  surtout  de  la  noblesse.  Si  ceux  de  la 
religion  réformée,  qui  sont  restés  en  ville,  exécutent  les 
édits,  ils  peuvent  ne  pas  s'absenter,  «  mais  pour  ne  pas 
«  tomber  en  inconvénient,  ne  leur  seront  laissées  aucunes 
«  armes  ni  moyens  d'exécuter  aucune  mauvaise  vo- 
-   lonté  (2).  - 

Ce  même  jour  le  fils  de  Noël  Coëffart,  lieutenant- 
4(énéral,  est  arrêté  par  des  réformés  (3). 

Le  duc  de  Guise  et  les  cardinaux  de  Guise  et  de 
Lorraine,  alors  A  Chalons,  écrivent  aux  maire,  échevins 
et  habitants  de  Troyes,  le  12,  afin  de  presser  un  emprunt 
à  faire  au  profit  du  roi.  Les  deux  cardinaux  ne  deman- 
dent pas  moins  de  50,000  liv.  t.  et  offrent  leur  garantie 
personnelle.  La  réalisation  de  cet  emprunt  rencontre  de 
-sérieuses  difficultés.  Le  15,  dans  une  assemblée  com- 
posée du  maire,  des  échevins  et  des  conseillers  de  ville, 
du  clergé  et  de  cent  notables  habitants,  l'emprunt  est 
refusé.  Les  motifs  s'appuient  sur  le  défaut  de  commerce, 
la  cherté  des  grains,  les  dépenses  occasionnées  par 
Tentretien  des  fortifications  qui  s'élèvent  par  an,  de  12 
à  15,000  liv.;  celles  occasionnées  par  les  gens  de  pied 

(i)  Breyer.  Annales  manusc.  Bibl.  de  Troyes. 
(i)  A.  16. 
(3;  A.  16. 


606  HISTOIRE    DE  TROYES.  t5ft7 

qui  coûtent  2,500  liv.  par  mois  ;  dépenses  qui  pèsent 
d'autant  plus  que  les  adhérents  de  la  Faction  et  troubles, 
€  se  sont  retirés  et  départis,  après  avoir  enlevé  et  trans- 
porté tous  leurs  biens  meubles  et  avoir  fait  bourse  de 
longue  main.  >  Mais,  pour  continuer  et  maintenir  la 
réputation  des  habitants  et  leur  renommée  de  bons  et 
loyaux  sujets,  ils  s'efforceront  de  trouver  25,000  liv. 
tant  en  deniers,  bagues  d'or,  que  vaisselle  d'argent,  en 
comprenant  le  clergé  et  les  absents,  »  savoir:  un  tiers 
pour  le  clergé,  et  deux  tiers  pour  les  habitants,  présents 
ou  absents. 

Guillaume  de  Meures  est  chargé  de  porter  et  de  faire 
connaître  cette  résolution  aux  cardinaux  qui,  le  21  octo- 
bre, remercient  les  Iroycns  de  leur  offre  de  25,000  liv.; 
le  duc  de  Guise  leur  envoie  aussi  ses  témoignages  de 
satifaction.  Mais  les  deux  cardinaux  demandent  que  ce 
prêt  se  fasse  en  en  exceptant  le  clergé  a  parce 
qu'ils  ont  à  lui  parler  de  plus  grande  chose  dedans 
peu  de  temps,  d  Dès  le  29,  M.  de  Barbezieux  donne 
quittance  de  onze  mille  livres  versées  à  litre  de  prêt.  (1). 

Sans  doute  à  l'occasion  de  cet  emprunt  le  chapitre  de 
St-Pierre  est  taxé  à  2,000  liv.,  et  celui  de  St-Urbain, 
ù  700.  Ce  dernier  chapitre  vend  des  joyaux  de  son  église 
jusqu'à  concurrence  de  trente-huit  marcs  d'argent, 
moyennant  la  somme  de  672  liv.  17  sous  et  verse  au 
receveur  du  cardinal  de  Guise  la  somme  de  600  liv. 
5  s.  (2). 

Déjà  dans  le  mois  précédent,  M.  de  Barbezieux  avait 
passé  certains  contrats  de  constitution  de  rente  au  profit 
de  M.  do  Beauffremont  et  d'autres  ecclésiastiques.  La 
rente  constituée  était  assise  sur  les  droits  du  huitième 
et  du  vingtième,  levés  dans  le  diocèse  (3). 

(i)  A.  16. 

(2)  Almanach  de  Troyes,  1783,  p.  25. 

(3)  Arch.  mun. 


1667  CHAPITRE   XIX.  607 

Les  violences  recommencent  en  ville.  Le  conseil 
décide  que  le  logis  de  Nicole  Pithou  sera  occupé  par  les 
soldats  à  qui  la  garde  de  la  ville  est  confiée.  Déjà  Nicolas 
Maillet,  enseigne  de  cette  compagnie,  et  plusieurs  de 
ses  compagnons  ont  fait  lever  les  serrures  de  la 
maison  de  Christophe  Ludot,  absent,  et,  de  son  autorité. 
Maillet  a  pris  possession  de  la  maison,  sans  faire  inven- 
taire. 

N.  Pithou  a  dû  quitter  la  ville.  Cet  acte  de  prudence 
était  bien  fondé,  car  sa  maison  fut  la  première  livrée  au 
pillage  des  soldats  d'Apremont.  On  espérait  trouver  chez 
lui  des  papiers  intéressants  :  le  prince  de  Condé  Tavait 
nommé  récemment  Tun  de  ses  gentilshommes  ordinaires. 
On  ne  découvrit,  à  une  première  visite,  aucun  papier 
important,  mais  on  se  saisit  du  coin  servant  à  frapper 
les  méreaux  distribues  à  ceux  qui  suivaient  la  nouvelle 
religion.  D'autres  maisons  furent  aussi  désignées  au 
pillage.  Dans  une  orgie  qui  eut  lieu  à  La  Verte  (1),  quel- 
ques soldats  de  d'Apremont  se  donnèrent  mission  de 
piller  la  maison  de  M.  Nevelct,  sieur  de  Dosches,  élu  en 
Téleclion.  Une  nouvelle  perquisition,  dans  la  maison  de 
N.  Pithou,  amena  la  découverte  de  ses  livres,  rares  et 
précieux,  ainsi  que  celle  de  ses  manuscrits,  fruits  d'un 
travail  de  plus  de  vingt  ans  et  qui  furent  brûlés  dans  la 
cour  de  François  Mauroy  Quelques-uns  échappèrent  à 
Tauto-da-fé  et  passèrent,  on  ne  sait  comment,  chez  Anne 
de  Vaudrey,  qui  aurait  profilé  de  quelques  beaux  meubles 
de  môme  origine.  De  ce  départ,  date  Texil  de  N.  Pithou, 
exil  qui  ne  dura  pas  moins  de  dix-huit  ans  (2). 

Le  3  novembre,  le  Conseil  décide  que  la  compagnie  de 
d'Apremont  sera  réduite  à  deux  cents  hommes,  ce  qui 
n'eut  lieu  qu'en  mars  suivant.  Cette  compagnie  a  un  ca- 

(1)  Hôtellerie  située  près  de  la  Cathédrale  et  qui  disparut  vers 
1830. 

(2)  N.  Prraou. 


608  HISTOIRE   DE   TIIOYBS.  lâc; 

pitaine  aux  gages  de  55  livres  par  mois,  un  enseigne  à 
30  livres,  «  quatre  caporalz  »  à  chacun  17  livres  10  sous, 
ilouze  lampsades  (1)  à  chacun  13  livres,  quatre  tabou- 
rins  à  6  livres  chacun,  et  trois  cents  arquebusiers  à 
chacun  6  livres  :  le  tout  par  mois.  Sur  ce  nombre,  huit 
arquebusiers  servent  à  la  garde  du  bailli,  et  quatre  hal- 
lebardiers  sont  attachés  au  service  du  maire  et  aux 
affaires  de  la  ville  \iK 

La  ville  se  fait  délivrer  douze  milliers  de  salpêtre  par 
Uenis  Clérey,  c  garde  des  bâtons  et  munitions  de  guerre 
au  gouvernement  de  Champagne  et  au  magasin  de 
Troyes,  >  afin  de  faire  fabriquer  des  poudres  pour  sa 
défense.  Le  15  novembre,  le  duc  de  Guise  fait  remettre 
au  maire  et  aux  échevins,  dix  mille  livres  de  poudre 
«  des  trois  sortes,  *  prises  dans  le  magasin  de  Châ- 
lons  (3). 

La  ville  est  divisée  en  quatre  quartiers  et  chaque  quar- 
tier en  seize  gardes  et  en  seize  dizaines.  Chaque  garde 
comprend  trente  hommes  de  fer,  et,  chaque  dizaine, 
soixante  et  onze  au  plus.  Les  hommes  de  pourpoints 
d'autrefois  sont  ceux  qui,  à  cette  époque,  composent  les 
dizaines.  Les  capitaines,  lieulenanls,  enseignes,  sergents, 
maîtres  de  ter  et  sous-maitres  de  fer  ne  sont  élus  que 
pour  un  temps  limité  (1). 

Hans  les  premiers  jours  de  novembre,  arrivent  à 
Troyes,  Antoinette  de  Bourbon,  duchesse  douairière  de 
Guise,  le  cardinal  de  Lorraine  et  celui  de  Guise,  puis  le 
duc  de  Guise.  Ils  arrivent  du  nord  de  la  Champagne, 
sans  doute  de  Ghalons,  sauf  le  jeune  duc  qui  venait  de 
Sens.  Ils  séjournent  à  Troyes  environ  quinze  jours,  et  la 

(1)  Ou  laucC'pessadCy  de  Titalien  lancia  spejz<ida  :  lance  rompue. 
C'étaient  alors  des  aides-caporaux. 

(2)  A.  16. 

(3)  A.  16. 

(4)  Jean  Dare.  Jourt^al  manuscrit  déjà  cité. 


1567  CHAPITRE   XIX.  609 

ville  leur  fait  présenter  les  vins  d'honneur.  La  famille  de 
Guise  avait  tenu  toute  la  Champagne,  afin  d'en  réunir 
toutes  les  forces  et  les  joindre  à  celles  de  Bourgogne 
que  le  duc  d'Aumale  avait  rassemblées. 

Les  protestants  ne  peuvent,  comme  ils  Tavaiont  pro- 
jeté, s'emparer  de  Lyon,  de  Troyes,  de  Toulouse  et  de 
Metz.  Mais  ils  prennent  d'autres  villes,  telles  qu'Orléans, 
Dieppe,  Auxerre,  MAcon,  La  Charité,  etc.  Le  10  novem- 
bre, a  lieu  le  combat  de  St-Denis,  dans  lequel  le  conné- 
table de  Montmorency  perdit  la  vip. 

Le  prince  de  Condé  et  les  Coligny  décampent  de  la 
plaine  de  St-l)enis,  le  14r  novembre.  Ils  se  dirigent  vers 
.Montereau  et  traversent  la  Champagne  pour  se  rendre  en 
Lorraine.  Une  partie  de  ces  troupes,  commandées  par  le 
prince  de  Condé  et  par  Tamiral,  assiège  Pont-sur- Yonne 
où  s'était  enfermé  le  duc  de  (luise.  D'autres  parties  de 
cette  armée  traversent,  l'une,  la  Seine,  à  Montereau,  et 
l'Yonne,  au  gué  de  Port-Renard,  et  s'emparent  de  Bray  et 
de  Nogent-sur-Seine,  qui  sont  ravagées  et  rançonnées, 
et  une  autre  traverse  la  contrée  d'Othe,  entre  Sens  et 
Troyes.  Toute  la  vallée  de  la  Seine,  de  Montereau  à 
Romilly,  souffre  du  passage  de  ces  troupes  qui  ravagent 
l'abbaye  de  Scellières,  près  de  cette  dernière  ville  (1). 
D'autres  soldats  huguenots,  stationnés  à  Tanlay,  s'abat- 
tent sur  Chaource  et  ses  environs.  Ils  pillent  plusieurs 
églises,  notamment  celles  de  Metz-Robert,  de  Pont-Belin 
et  de  Cussangy  (2). 

Le  duc  de  Guise  est  contraint  de  sortir  de  Ponl-sur- 
Yonno,  d'où  il  se  porte  sur  Sens  avec  sa  compagnie. 
Il  fait  venir  de  Troyes  douze  cents  chevaux  et  une  com- 
pagnie de  gens  de  pied,  que  le  comte  de  Charny  con- 
duisit à  Sens.  L'amiral  aurait  été   obligé   de  lever  le 

(1)  Desguerrois.  La  Saincieté  chrestienne^  f>  302  vo. 

(2)  CouRTALON.  Topographie ,  t.  v^s  p.  1i8. 

III.  39 


RIO  HISTOIUE   DK   THOYES.  istil 

siège.  Le  duc  de  Guise  vint  alors  à  Troyes,  où  se  trou- 
vaient les  cardinaux  de  Lorraine  el  de  Guise,  et  sa 
grand*mère  Antoinette  de  Bourbon  (1). 

L'armée  royale,  dont  le  chef  apparent  est  le  duc  d'An- 
jou, alors  âgé  de  seize  ans  et  demi,  mais  qui  de  fait  est 
sous  les  ordres  du  maréchal  de  Cossé-Brissac,  est  dirigée 
sur  Sl-Florentin  où  elle  rencontre  un  corps  d'ennemis 
qui,  pour  l'arrêter,  laisse  dans  cette  ville  deux  cents 
hommes  d'armes  et  trois  cents  arquebusiers.  Cette  ville 
est  prise  par  l'armée  royale.  Celle-ci  en  fait  sortir  les 
forces  protestantes,  qui  se  rendent  à  Auxerre  et  renfor- 
cent ainsi  la  garnison  de  cette  ville  (2). 

Le  jour  même  où  la  ville  de  Bray  se  rend  au  seigneur 
de  Genlis,  28  novembre  1567,  d'Andelot  somme,  avec 
son  avant-garde,  les  habitants  de  Nogent  de  se  soumettre. 
En  s'emparant  de  cette  ville,  d'Andelot  veut  faciliter  le 
passage  des  troupes  huguenotes.  11  n'y  avait  pour  garder 
la  ville  que  les  habitants  et  une  compagnie  d'italiens, 
«  gens  assez  mal  en  point.  »  Le  capitaine  de  cette  com- 
pagnie avait  pris,  du  consentement  des  habitants,  le  gou- 
vernement de  la  ville.  Ils  refusent  de  rendre  la  ville  à 
d'Andelot.  Celui-ci  fait  arriver,  sous  les  murs  de  la  ville, 
l'armée  placée  sous  ses  ordres,  avec  l'artillerie  qui  avait 
servi  à  prendre  Bray.  Il  se  loge  au  faubourg  de  la  Cha- 
pelle-de-la-ïrinité  ci  du  Beschercau,  vers  le  Petit-Sainl- 
Laurent.  Les  habilanls  paraissent  vouloir  résister  contre 
d'Andt^lot  qui  ne  s'allend  pas  à  prendre  Nogent  aussi 
facilement  que  Genlis  s'était  rendu  maître  de  Bray,  à 
moins  que  ce  ne  soit  |)ar  Tentremise  du  bailli  Angenoust 

el  de  quelques  autnîs  huguenots.  Mais  bientAt,  v  le  ca^ur 

« 

(!)  DiiHALLE.  —  GoL'RTALON.  Topoijraphie,  t.  K»",  p.  119. 

(2)  A.  CuALi.E.  Lr  Cahnnisïnc  et  la  Li(jnc  dans  le  dcpartcment 
(le  rYinuie.  —  Brantôme.  CÀié  dans  les  additions  aux  Mémoires  de 
Castoinaii,  t.  ii,  p.  4G2.  —  (4L.  IIatton.  Mémoires  et  pièces  ju^tifi- 
cativefi.  p.  \\(M\.  —  Castelnau.  Mémoires,  p.  217. 


mi  CHAPITRE   XIX.  611 

faillit  aux  Nogentins,  et  sans  attendre  le  salut  d'un 
seul  coup  de  canon,  ils  se  rendirent,  le  jour  de  la  St- 
André.  »  Ils  quittèrent  leur  ville  par  le  faubourg  de  la 
Belle-Dame,  et  se  dirigèrent  vers  Provins,  où  ils  arri- 
vèrent à  Touverture  des  portes.  Il  ne  serait  resté  à  Nogent 
qu'une  vingtaine  d'hommes  et  autant  de  femmes  (1) 

L*armée  de  d'Andelot,  entra  dans  Nogent  le  3  décem- 
bre. La  ville  fut  pillée,  les  églises  saccagées  et  brûlées, 
et  «  Dieu  sait  la  chère  i>  quW  firent  les  huguenots.  Les 
dommages  causés  dans  les  églises  s'élevèrent  à  plus  de 
20,000  livres. 

Après  la  prise  de  Nogent,  d'Andelot  eiivoya  une  com- 
pagnie à  Pont-sur-Seine,  afin  d'y  prendre  garnison.  Les 
habitants  la  reçurent  sans  difficulté.  Aussi  la  ville  ne  fut- 
olle  point  pillée,  mais  elle  paya  rançon  au  prince  de 
Condé.  De  Nogent,  d'Andelot  se  rendit  devant  Sens,  où 
étaient  le  prince  et  l'amiral  qui  en  faisaient  le  siège.  Il 
laissa  une  compagnie  à  Nogent,  afin  de  s'assurer  dupas- 
sage  de  la  Seine. 

En  quittant  Sens,  le  prince  de  Condé  vint  camper  à 
Ville-Cendrier,  près  de  Provins.  De  là,  il  vint  à  Ville- 
nauxe-la-Grande  (2),  où  il  entra  sans  difficulté,  les  portes 
lui  ayant  été  ouvertes.  Il  rançonna  les  habitanîs  et  brûla 
les  églises.  Les  habitations  furent  pillées,  malgré  les  pro- 
messes du  sieur  de  Montgcnost  et  du  sieur  Patras,  co.ï)- 
mis  par  le  prince  pour  composer  avec  les  habitants.  Il 
séjourna  deux  jours  à  Villenauxe  et  se  dirigea  sur  Sé- 
zanne  qui,  à  son  tour,  fut  non  seulement  mise  à  rançon 
de  14,000  livres  (3),  mais  encore  pillée  en  grande  partie. 
De  Sézanne,  il  se  rendit  à  Epernay,  qui  subit  le  même 
sort,  puis  se  dirigea  vers  l'Allemagne. 

(i)  Hatton.  Métnoirea, 
{'})  CheMieu  de  canton  (Aube). 

(3)  Arch.  dép.    Compte  du   chantre  de  St-Urbain,  aytidic  du 
clergé.  1572-1573. 


612  HISTOIRE  DE  TROYES.  isfii 

La  vallée  de  la  Seine,  depuis  Montereau  jusqu'à  Méry, 
fut  parcourue  par  les  deux  armées.  Ce  pays  nourrit  les 
gens  de  guerre  pendant  près  d'un  mois  (1).  L'armée 
royale  se  tint  d'abord  aux  portes  de  Nogent  et  de  Pont. 
De  là,  le  due  d'Anjou  demanda  à  la  ville  de  Tpoyes  de 
la  poudre,  des  munitions  de  guerre,  4,000  paires  de  sou- 
liers, 200,000  pains  de  14  onces,  des  bœufs,  des  mou- 
tons et  d'autres  vivres,  ce  qui  fut  envoyé  (2). 

Pendant  le  môme  temps,  une  autre  partie  de  l'armée 
huguenote  passait  par  la  Bourgogne  pour  y  vivre  plus 
facilement  qu'en  Champagne,  c  que  nous  avions  mangée,  > 
dit  Castelnau.  Cette  troupe  força,  prit  et  saccagea  Mussy- 
sur-Seine,  Cravant-sur-Yonne  et  d'autres  villes  dont  les 
habitants  furent  ruinés  (3), 

Pendant  que  les  armées  courent  la  Champagne  et  que 
la  plus  grande  partie  se  dirige  vers  la  Lorraine,  il  est 
décidé  que  l'armée  royale  sera  ramenée  vers  Troyes, 
afin  de  se  procurer  des  vivres  et  mettre  cette  ville  à  l'a- 
bri d'un  coup  de  main.  En  novembre  et  en  décembre, 
outre  la  garde  de  trois  cents  hommes,  la  ville  renferme 
trois  «  enseignes  placées  sous  le  commandement  des 
capitaines  Foicy,  Uizaucourl  et  Rennepont-St-Ouin.  Le 
I)  décembre,  il  y  en  eut  cinq  :  la  quatrième,  sous  le  capi- 
taine Genetlc,  et  la  cinquième  sous  le  marquis  de  Ueynel. 
Ces  trou|)OS  sont  à  la  solde  de  la  ville,  sur  laquelle  est 
levée,  à  cet  ell'et,  une  somme  de  8,800  livres.  Le  capi- 
taine Riznucourt,  ayant  charge  de  deux  cents  hommes  de 
pied,  touche  1,^200  livres  par  mois,  ainsi  que  les  capi- 
taines Genette  et  Rennepont.  Le  capitaine  Foicy  reçoit 
1,500  livres,  étant  à  la  lète  de  deux  cents  arquebusiers 
à  cheval  et  de  quatre  enseignes  de  gens  de  pied,  ainsi 

(l)  Gl.  Uatton.  Mémoires,  \k  475,  478,  493  et  505. 

(2)   DUHALLE.    T.  icr,  p.  114. 

(3)  Castelnau.  Mémoiresy  p.  220. 


1567  CHAPITIVE   XIX.  613 

que  le  marquis  de  Reynel,  qui  commande  cent  arquebu- 
siers à  cheval  (1). 

L'armée  royale,  séjournant  à  Troyes  et  autour  de  cette 
ville,  est  passée  en  revue  par  le  duc  d'Anjou  (2). 

Le  1er  décembre,  il  est  tenu  un  premier  conseil,  en 
rhôlel  de  M.  de  Barbezieux,  où  se  trouvent  le  bailli,  ses 
lieutenants,  le  prévôt,  le  procureur  du  roi,  le  maire,  les 
échevins  et  les  conseillers  de  ville  avec  un  grand  nombre 
de  notables  habitants.  Il  est  arrêté  que  pour  payer  la 
solde  des  compagnies  fixées  à  Troyes,  et  suivant  les  or- 
dres du  cardinal  de  Lorraine  et  du  duc-gouverneur,  les 
meubles  des  huguenots  absents  seront  vendus,  leur  ar- 
gent sera  pris,  par  emprunt,  des  femmes  dont  les  maris 
ont  quitté  Troyes  et  des  huguenots  présents.  Dans  le  cas 
où  ils  ne  voudront  pas  s'exécuter,  leurs  meubles  seront 
vendus  (3).  Le  lendemain,  le  Conseil  arrête  l'acquisition 
de  1,200  hottes,  de  «  1-00  seilles  d'osier  poissé,  »  de 
tOO  pioches,  de  200  piques,  de  400  pelles  et  de  falots, 
pour  les  travaux  des  fortifications  et  les  secours  en  cas 
d'incendie. 

Le  3,  les  mesures  contre  les  huguenots  sont  plus 
sévères.  Le  Conseil  déclare  qu'il  est  ordonné  par  M.  de 
Barbezieux  que,  c  les  hommes  de  la  religion  >  seront 
mis  hors  de  la  ville,  et  que  les  femmes  seront  mises 
dans  la  maison  de  l'élu  de  Dosches  (Nevelet),  sous  la 
garde  de  deux  sergents  royaux.  Les  femmes  qui  voudront 
sortir  de  la  ville  pourront  la  quitter  avant  le  lendemain 
à  midi.  Il  est  enjoint  à  celles  qui  resteront  de  ne  pas 
sortir  de  leurs  maisons,  soit  de  jour,  soit  de  nuit,  sous 
peine  de  la  hart.  11  leur  est  prescrit,  sous  la  môme  |)eine, 
lorsqu'elles  recevront  des   lettres  ou  quelques   avis  de 

(l)  A.  16. 

[î)  GuiLL.  DE  Sauia-Tavannes.  Mémoire*,   p.   439.  1"?  col.  éd. 
du  Panlht'on  liUéraire. 
(3;  A.  1(5. 


614  HISTOIRE   DE  TROYES.  ise: 

leurs  maris,  de  venir  les  déclarer  et  révéler  à  Mw  de  Bar- 
bezieux.  Tout  habitant,  en  état  de  porter  les  armes,  se 
tiendra  prùt  et  armé  chaque  jour.  II.  est  interdit  de  sonner 
les  cloches  pendant  la  nuit,  même  les  horloges,  saut 
celJes  de  St-Pierre  et  de  St-Jean,  qui  servent  au  gueti 
pendant  la  durée  des  troubles  et  sauf  en  cas  d'incendie. 
Le  8,  il  est  interdit  do  mettre  en  mouvement  les  mouliiLs 
à  papier,,  pendant  la  nuit  (1).  La  garde  dos  fortifications 
est  confiée,  par  exception,  aux  officiers  de  la  compagnie 
de  M.  de  Bai*bezieux,  assistés  des  bourgeois  de  la 
ville. 

De  ïroyes,  Tarmée  royale  se  dirige  vers  le  nord  de  la 
CUaiupagne  et  la  Lorraine.  Des  fautes  auraient  été  com- 
mises dans  cette  armée  qui  aurait  pu  battre  celle  du 
prince  do  Condé,  à  Noine-Dame-de-rEpÎDîe,  près  de 
Châlons,  avant  sa  réunion  avec  les  retires  (2). 

La  reine- more  faisait  surveiller  la  conduite  des  Guise 
par  le  sieur  de  Tavannos.  Après  des  marches  inutiles, 
qui  s'étendirent  jusque  près  de  Verdun,  ces  deux  armées 
revinrent,  sans  combat,  sur  la  ville  de  ïroyos.  L'aroiée 
royale  vint  camper  aux  environs,  dans  la  plaine  de  Ste- 
Savinc  et  au  pied  des  coteaux  do  Monlgueux,  où  ello 
demeura  environ  un  mois,  à  partir  du  10  janvier.  Celte 
armée  aurait  compté  100,000  hommes  (3i.  (iO  nombre 
paraît  cxa^ijoré.  Pendant  ce  sojom»  de  Tannée  royale  aux 
portes  de  Troyos,  lequel  dura  environ  un  mois,  de  Saulx- 
Tavannos  la  passa  en  revue.  Il  changea  le  premier  Tordre 
d(is  armes.  Il  composa  les  escadrons  de  deux  cents  pis- 
toliers,  en  plusieurs  rangs,  à  la  manière  mise  en  usage 
parmi  les  reîlres.  Quoi([u'il  jugea  la  lance  inutile,  en  rai- 
son de  sa  vogue,  il  en  conserva  une  file  au  premier  rang 

(1)  A.  16. 

(2^  Gasi'aud  dl  SAi;LX-'rAV.\NNF.j>.  Mcmoivcs. 
^3)  DuiiALLE.  T    i-r,  p    116,   d'après   les  Mémoires  Inanu^c^it«  dfl 
Nicole  Mergey. 


15(>«  GHAPITRK  XIX.  615 

et  au  flanc  droit  des  escadrons.  Il  soumit  aussi  la  gen- 
darmerie à  un  nouvel  ordre  en  bataille. 

Dès  le  mois  de  novembre,  on  avait  réuni  à  Troyes  de 
nombreuses  provisions  pour  l'armée  royale.  Il  semble 
que,  dès  ce  moment,  on  eût  pris  ces  mesures  pour  venir 
passer,  sous  les  murs  de  la  ville,  un  quartier  d'hiver. 

Les  Troyens  redoutent  l'arrivée  de  Tarmée  du  prince 
de  Condé.  Aussi  le  Conseil  arrête-t-il,  le  5  janvier  1568, 
que,  si  cette  armée  arrive  à  quinze  lieues  ou  à  quatre 
journées  de  marche,  on  rompra  tous  les  ponts  de  la 
rivière  d'Aube  et  de  celle  de  la  Seine  (1).  On  resserrera 
en  ville  tous  les  bateaux,  bacs,  nacelles  et  autres  équi- 
pages ;  pour  plus  de  sûreté,  on  les  coulera  à  fond.  Les 
moulins  à  eau  ou  à  vent  seront  démontés  et  leurs  agrès 
amenés  en  ville  (2). 

Ces  prescriptions  ne  sont  pas  exécutées.  L'armée  cal- 
viniste ne  se  présente  pas.  Les  huguenots  au  nombre  de 
iO,000,  se  retirèrent  vers  Vilry  et  Wassy,  puis  vinrent 
sur  l'abbaye  de  Clairvaux  qu'ils  auraient  brûlée  et  pillée 
et  de  là  auraient  pris  la  direction  de  Tonnerre,  ruinant  le 
pays  sur  une  largeur  de  quatre  à  cinq  lieues  (3). 

L'armée  royale  arrive  seule  et  prend  ses  positions. 
Avec  le  duc  d'Anjou,  se  trouvent  le  duc  d'Aumale,  le  duc 
de  Guise,  M.  de  Montpensier,  le  duc  de  Longueville, 
Sébastien  de  Luxembourg,  seigneur  de  Martigues,  le 
comte  de  Cossé-Brissac,  et  Strozzi,  ces  deux  derniers 
commandant  l'infanterie  française,  M.  de  Méreuil,  M.  de 
Xemours,  le  prince  Dauphin,  etc.  Les  Suisses  et  les 
Gascons  se  placent  près  de  St-André  et  d'Echenilly,  où 
ils  établissent  des  retranchements  pour  y  mettre  leur  ar- 

(1)  Sur  l'Aube,  on  cite  ceux  de  Baudement,  de  Viâpres,  d'Arcis, 
de  Ramerupt  et  de  Lesmont  ;  et,  sur  la  Seine,  celui  de  Vallant. 

(2)  A.  10. 

(3)  DuHALi.K    T.   l'«,   p.    116,    d'après    les  Mémoires    de    Nicole 

Meiv'ey. 


616  HISTOIRE   DE   TROYES.  156K 

tillerie  en  sûreté.  D'autres  sont  campés  près  du  Hame- 
let,  lieu  (lit  le  Mont-St-Loup.  Ceux-ci  brûlent  quelques 
maisons.  Des  reîtres  et  des  huguenots  sont  logés  dans  la 
vallée  de  TArdusson;  on  les  signale  surtout  à  Ferreux 

La  banlieue  a  fort  à  souffrir  de  la  présence  de  Vannée 
royale.  Le  13,  le  duc  d'Anjou  donne,  •  étant  au  camp 
de  Troyes,  »  lettres  de  sauvegarde  aux  officiers  de  justice 
et  à  ceux  de  la  ville,  pour  les  exempter  de  tous  loge- 
ments, servitudes  de  guerre,  afin  de  n'avoir  aucun  em- 
pêchement au  service  du  roi  et  à  celui  de  la  ville  (l). 

Le  19,  il  intervient  de  nouveau.  Ses  soldats  ont  brûlé 
dix  ou  douze  maisons,  ils  pillent,  ravagent  et  contrai- 
gnent leurs  hôtes  à  leur  fournir  les  vivres  et  autres  den- 
rées, sans  les  payer.  Le  duc  défend  aux  gens  de  son 
armée  de  prendre  aucun  logement  sans  bulletin  des 
maréchaux-  de-logis. 

Malgré  ces  défenses,  les  violences  continuent.  La  plus 
grande  partie  du  faubourg  StJacques  est  démolie.  Les 
habitants  l'ont  abandonné.  Le  duc  d'Anjou,  le  4  février, 
avait  accordé  à  ces  malheureux  habitants,  lettres  de 
sauvegarde,  on  les  dispensant  du  loj^cment  des  gens  de 
5;uerro  et  de  loules  fournitures,  ('e  renïèdc  est  bien  voi- 
sin de  l'ironie  CÎi. 

La  présence  de  rarmée  a  fait  augmenter  les  denrées 
de  coïisoniiiialion.  Le  duc  d'Anjou,  le  10  février,  en  fixe 
le  prix  Çf)]. 

L'armée  royale  (|uilte  la  plaine  peu  après  le  10  février. 

(I)  A.  16. 

{'!)  A.  10. 

(1^)  Ces  ])rix  sont  ceux  4111  suivent  :  l'avoine,  à  7  s.  6d.  t.  le  bois- 
seau ;  le  foin,  à  (>  don.  le  botteau  de  3  livres  ;  la  rorde  de  gros  bois- 
à  10  liv.;   le   fa^ot,   à  6  den.;   le  sae   de  charbon  de   3  boisseaux,  i* 

3  s.  t.;  le  vin  de  Rour^roj^ne,  à  2i  liv.   la  queue,  ou  18  d.  la  pinte, 
le  vin   du  (M'u,à  16  liv.,  ou  VI  d.  la  pinte;  la  livre  de  lard  à  larder. 

4  s.;  la  journée  d'un  cheval  fourni  de  paille,  de  foin  et  d'un  derai- 
boisseau  d'avoine,  est  tarifée  à  8  s.  (A.  16.) 


1568  CHAPITRE   XIX  617 

Une  partie  prend  la  route  de  Sens,  Vautre  celle  de  Nogent, 
Provins,  Nangis,  BrieComlc-Robert,  et  toutes  deux  se 
réunissent  près  de  Paris  (1). 

Après  le  départ  de  Tarmée  royale,  la  compagnie  d' Apre- 
mont  est  réduite  à  deux  cents  hommes,  et  le  clergé  fait 
enregistrer,  à  la  date  du  l^rrnars,  au  Conseil  de  ville, 
la  confirmation  dos  lettres  de  sauvegarde  accordées  au 
clergé  le  8  juillet  1501.  Ces  lettres  dispensent  le  clergé 
du  logement  des  gens  de  guerre,  excepté  les  cas  d*émi- 
nent  péril  et  de  présence  du  roi  à  Troyes. 

En  avril,  on  fait  rentrer  en  ville  des  pièces  d'artillerie 
et  des  poudres  conduites,  par  eau,  à  Méry  (2),  dans  le 
but  de  garder  ce  passage  de  Ja  Seine. 

Le  Conseil  de  ville,  motivant  sa  décision  sur  ce  que 
les  buttes  des  arquebusiers,  qui  s'élevaient  près  de  Téglise 
de  Si-Gilles,  servent  de  repaires  «  aux  larrons,  à  gens 
lubriques  et  insolents,  »  en  ordonne  la  démolition.  Les 
matériaux  sont  destinés  h  la  construction  d'une  maison 
où  seront  reçus  les  ()n?tiférés  (3). 

Pendant  le  siège  de  Chartres,  L'Hospital  presse  la 
reine-mère  d'accorder  la  paix,  c'est-à-dire  le  maintien 
de  l'édit  d'Amboise,  avec  l'abolition  de  toutes  les  restric- 
tions qui  l'avaient  modifié  de|)uis  15(53.  «  La  liberté 
*  religieuse  serait  ainsi  maintenue  aux  réformés  jusqu'à 
»  ce  qu'il  plut  à  Dieu  que  tous  les  sujets  du  roi  lussent 
»  réunis  en  une  seule  religion,  d  (^etle  paix  fut  signée, 
le  23  mars,  à  Longjumeau. 

Cette  paix  publiée,  les  protestants  du  bailliage,  comme 
après  l'édit  d'Amboise,  se  réunissent  à  Céant-en-Othe  et 
vont  une  école.  Le  G  avril,  le  Conseil  insiste  pour  qu'ils 
ne  puissent  se  réunir  dans  un  lieu  plus  proche  de  la 
ville.  Il  prétend  que  les  réformés  ne  sont  |>as,  à  Troyes, 

(  I  )  Cl.  Hatton.  p.  5*20.  —  Duhalle. 
\2)  A.  A.  8fi  carton,  "2*  liasse,  et  A.  I(>. 
l3)  A.  16. 


618  HISTOIRE   DE   XROYES. 


1568 


plus  de  deux  eents  ;  ce  qui  ne  paraît  pas  exact.  La  paix 
ne  fut  pas  complète,  à  Troyes,  comme  on  le  verra 
bientôt  (1). 

La  paix  de  Longjumcau,  boiteuse  ou  mal  assise,  est 
achetée  par  Charles  IX,  bien  plus  qu'obtenue  par  la  voie 
des  armes.  Le  trésor  royal  ne  peut  suffire  à  acquitter  la 
solde  des  lansquenets  et  des  reîtres.  Le  roi,  la  reine-mère, 
les  frères  du  roi,  les  membres  de  la  famille  royale  et 
ceux  du  Conseil  d'Etat,  s'engagent  personnellement, 
suivant  acte  reçu  par  deux  notaires  au  Châtelet,  le  13 
avril  1568,  à  payer,  pour  cette  solde,  la  somme  de 
1,026,421  liv.  10  s.  t.,  la  moitié  au  mois  de  septembre, 
à  la  foire  de  Francfort,  et  !a  seconde  moitié,  le  l^^r  jan- 
vier, dans  la  ville  de  Strasbourg. 

Cet  engagement  ne  suffit  pas  pour  donner  toutes  ga- 
ranties à  ces  créanciers.  Le  roi  demande  aux  maire, 
échevins  et  habitants  de  Troyes  de  servir  de  caulion  à 
lui,  aux  membres  de  sa  famille  et  de  son  conseil,  ainsi 
qu'il  en  a  pris  l'engagement  dans  l'acte  principal. 

Le  14f  avril,  Charles  IX  invite  les  maire,  échevins  et 
habitants,  à  lui  servir  de  caution.  Il  annonce  que,  déjà, 
il  a  pour  garants  envers  le  duc  Jean  (Casimir,  son  beau- 
frère,  le  duc  de  Lorraine  et  les  sieurs  Israël,  Mintrel  et 
lloorges  Obrelz,  allemands  (sans  doute  banquiers  juifs', 
qui  ont  assignation  suffisante  |)Our  assurer  l'exécution 
(le  ses  engagements. 

Le  21,  dans  une  assemblée  générale  des  habitants, 
les  maire  et  échevins  sont  autorisés,  au  nom  de  toute  la 
communauté  des  habitants,  à  donner  au  roi  la  caution 
qu'il  demande.  A  cet  ellct,  Pierre  Mauroy,  sieur  de  Champ- 
grillet,  maire;  Jean  Ang^enoust,  l'aîné;  Edmond  Maillet. 

(1)  A.  U).  -  C«'  nv'^^'**  coninu'iico  le  l''«*  octobre  1567  et  li'uit  lr 
5  avril  1508,  aussitôt  après  la  publication  delà  paix  de  Lon^uiiiHau. 
Il  est  uu  iirécieux  dorunieut  pour  cette  p»Miode,  aussi  en  avons-nous 
usé  largement. 


1(Î68  CHAPITRE    XIX.  619 

Nioolds  Lebé,  Louis  Lemairai,  Jean  Restample,  Edouard 
Pérault,  Claude  Dorieux,  Nicolas  de  Machicourt,  éche- 
vins.,  souscrivent,  devant  Charpy  et  Breuchié,  notaires, 
Tacle  du  cautionnement  que  le  roi  s'est  engagé  à  four- 
nir, en  plaçant  au  besoin  tous  les  habitants  de  Troyes, 
eux  et  leurs  biens  personnels,  sous  la  contrainte  de  toutes 
justices  et  juridictions  de  l'obéissance  du  roi,  comme  de 
tous  les  princes  et  potentats  de  rMlemagne,  de  la  Lor- 
raine, de  la  Flandre  et  autres  li.eux  :  les  habitants  de 
Troyes  pouvant,  en  cas  de  non  exécution  des  engage- 
ments du  roi,  être  pris  et  arrôtés  et  leurs  biens  saisis  et 
vendus  partout  où  ils  seraient  trouvés. 

Cet  acte  est  adressé  au  roi  sans  aucun  délai.  11  vaut  à 
M.  de  Barbezieux,  qui  Ta  obtenu,  et  aux  Troyens,  des 
lettres  de  félicitation  et  de  remercîments,  datées  de  Paris, 
du  ^28  avril  (1  \ 

La  ville  de  Troyes  jouissait  alors,  comme  aujourd'hui, 
d'une  grande  réputation  commerciale;  ses  négociants, 
riches  et  bien  famés,  fréquentaient  les  grandes  villes  des 
bords  du  Rhin  et  celles  des  Flandres.  Beaucoup  d'entre 
eux  y  étaient  personnellement  connus.  A  ces  causes,  les 
Troyens  eurent  l'honnuur  de  cautionner  le  roi  de  France. 
Si,  dans  cette  circonstance,  ils  furent  caution,  souvent 
déjà  ils  avaient  été  les  ban(|uiers  ou  les  préteurs  de 
François  l^^,  de  Henri  H,  de  François  II  et  aussi  de 
Charles  IX  (2). 

Des  lettres -patentes  du  l<*r  juin  disposent  que,  parmi 
les  (juatre  échcvins  élus,  chaque  année,  un  avocat  trou- 
vera place.  L'échevinage,  composé  surtout  de  négociants, 
se  pourvoit  contre  ces  lettres.  Le  18,  il  obtient  un  arrêt 
du  Conseil  déclarant  que  «  les  officiers  de  justice  et  les 

(I;  AitIi.    iiiun.  aiic.   ï.  lay.   5.   Pièces  originales.   —  Groslkt. 
Af/m.  hisi.^  t.  11,  p.  629. 
(1,  A.  A.  21«  carton,  1'«  liasse. 


B20  mSTOIRB  DB  TROYES.  1558 

l^ns  de  pratique  <  ne  pourront  être  élus  maire,  mais  seu- 
lement échevins  ou  conseillers,  et  sans  qu'ils  puissent 
excéder  le  tiers  des  échevins  et  la  moitié  des  conseillers. 
Los  élections  de  Pâques  1568  avaient  provoqué  cette 
diiTiculté.  Parmi  les  échevins  élus  ne  se-  trouvait  pas 
d*avocat  Le  collège  réclama  et  demanda  Tannulation  de 
l'élection.  La  décision  du  lieutenant-général  fut  favorable 
à  la  prétention  soulevée.  Mais  le  maire  et  les  échevins 
s'étant  pourvus,  la  question  fîit  résolue  par  Tarrét  dn 
18  juin.  Ce  débat  se  renouvela  en  1570.  L'avocat  du  roi, 
à  l'assemblée  de  l'âques,  rappelant  ce  dernier  arrêt,  de- 
manda l'élection,  parmi  les  échevins,  de  deux  personnes 
de  robe  longue  Les  électeurs,  qui,  déjà  alors,  n'accep- 
taient pas  toujours  les  candidats  recommandés,  ne  por- 
tent leur  choix  sur  aucun  membre  de  ce  collège.  Les 
avocats  se  pourvoient  de  nouveau  devant  le  lieutenant- 
général  qui  accueille  favorablement  leur  requête.  Nouveau 
pourvoi  du  maire  et  des  échevins.  Enfin,  un  arrêt  du 
Conseil  privé,  du  15  septembre  1577,  ordonne  que  les 
officiers,  gens  de  justice  et  de  robe  longue,  pourront  être 
élus  aux  fonctions  de  maire,  pour\*u  qu'ils  aient  passe  par 
les  charg:os  d'ôelievin  ot  de  consoiller  de  ville. 

Après  lo  publication  de  la  paix,  un  certain  nombre  de 
protestants  essaient  de  rentrer  en  ville.  D'autres  s'en  rap- 
prochent en  jM'enant  leur  résidence  dans  les  villages  voi- 
sins. Le  80  mai,  quelques-uns  des  soldats  d'Apreniont 
sortent  de  la  ville  et  se  dirigent  vers  Montgueux,  où  est 
venue  se  iixer  une  famille  de  réformés  sortant  de  Saint- 
.Mards.  Dans  la  plaine,  ils  rencontrent  un  grouj)e  d'anjue- 
busiers,  appartenant  à  la  réforme.  Il  y  a  combat  et  ôeux 
des  scidats  d'A[)remont  sont  tués. 

Cette  rencontre,  hientc»t  connue  dans  la  ville,  y  jette  h 
plus  vivp  émotion.  Les  soldats  d'Apremont  parcourent 
les  rues  et  se  saisissent  d'un  eertain  nombre  de  réformés. 
Il  les  cnfernHînt  d'abord  dans  la  balle  aux  cuirs,  qui  leur 


1568  nUAPJTKE   XIX.  651 

sert  de  corps-de-gardo,  puis  ils  les  conduisent  aux  pri- 
sons royales.  Des  maisons  sont  pillées;  des  hommes  et 
des  femmes  sont  tués,  puis  jetés  à  Teau.  Non  contents 
de  ces  meurtres,  ces  soldats,  ivres  de  sang,  se  portent 
aux  prisons,  tentent  de  les  forcer  en  enfonçant  les  portes 
à  l'aide  de  poutres.  Mais  une  pluie  torrentielle  les  dissi- 
pe, et,  grâce  à  cette  circonstance,  les  prisonniers  échap- 
pent à  de  nouvelles  violences  et  sans  doute  à  la  mort. 
Néanmoins,  de  vingt  à  vingt-cinq  hommes  ou  femmes 
auraient  trouvé  la  mort.  N.  Pithou  reproche  aux  officiers 
royaux  la  lenteur  qu'ils  mirent  à  arrêter  ces  actes  de  vio- 
lences et  de  meurtres  (1). 

A  la  même  époque,  se  commettent  de  pareilles  scènes 
de  violences  à  Rouen,  à  Bourges,  à  Issoudun,  à  Entrains 
(Nièvre),  à  St-Léonard,  à  Sens,  à  Orléans,  à  Rlois,  à 
Ligny-en-Barrois,  à  Clermont  en  Auvergne,  etc.  (2). 

Après  ces  événements,  comment  les  catholiques  n'au- 
raient-ils pas  craint?  Aussi,  le  15  juin,  la  Fête-Dieu  est- 
elle  célébrée  |)ar  la  |»rocession  ordinaire,  mais  pour 
t'viler  toute  attaque  on  place  quarante  arquebusiers  ou 
hallebardiers  dans  chacjue  quartier  de  la  ville  (3). 

La  paix  de  Longjumeau  n'a  pas  même  pour  résultat 
de  donner  quelques  instants  de  repos  aux  partis,  qui  res- 
tent en  armes,  et  dont  Tactivité  n'éprouve  aucun  ralen- 
tissement. 

A  Dijon,  en  juin  1568,  se  renouvelle  Tidée  de  fonder 
une  ligue  à  laquelle  on  donne  le  nom  de  Confrérie  du 
Saint-Esprit.  Le  but  de  cette  association  n'est  nutre  que 
tie  rallier  les  ardents  catholiques  de  toutes  les  provinces, 
sous  un  chef  unique  dont  le  nom  serait  connu  plus  tard. 
Patronnée  par  de  SaulxTavannes  et  ses  deux  fils,  cette 

{\)  N.  PiTHOU.  Métnoires.    —  De  Thou.   Hist.    de  mon  temps, 
liv.  XLiv.  —  Breyer.  Sémill\rd.  Duhalle.  t.  ler,  p.  117. 

(2)  De  Thou.  Lieu  cité. 

(3)  A.  15. 


622  HISTOIRE    DV,   TKOYES.  1568 

association  a  pour  promotcilps  principaux,  Jean  B(^gat, 
conseiller  au  Parlement,  et  quelques  autres  membres  de 
celte  compagnie.  Chaque  associé  doit  une  cotisation 
mensuelle  et  prête  serment  d'exécuter  ce  qui  aura  été 
décide  par  le  consistoire,  sans  acception  de  parenté,  soit 
de  père,  de  mère,  frère,  sœur  ou  enfant.  Bien  qu'au  nom 
de  Tavannes,  il  est  dit  que  le  roi  approuve  cette  ligne, 
le  roi  ne  lui  fut  point  favorable  (1). 

De  Dijon,  les  promoteurs  de  cette  association  adres- 
sent à  Troyes,  un  livre  ou  registre^  destiné  à  inscrire  les 
noms  des  membres  adhérents  (2).  Les  Troyens  restent 
sourds  à  cette  provocation.  Le  maire,  Guillaume  Format, 
dit  des  Carreaux  (3),  voit  toujours  avec  peine  les  trou- 
bles et  les  agitations  dont  la  ville  est  le  théâtre.  Comme 
cette  association  n'est  pas  approuvée  par  le  roi,  il  refuse 
de  la  signer  et  avec  lui  le  corps  de  ville  et  les  habitants 
Une  copie  de  cet  acte  curieux  est  arrivée  jusqu'à  nous. 
Il  est  daté  du  25  juin  1568  et  n'est  souscrit  que  par 
vingt-huit  membres  du  clergé,  ayant  à  leur  tête  M.  de 
Beauffremont,  évêque,  et  appartenant  aux  trois  chapitre^ 
de  la  ville  (i). 

(1  )  De  la  3«  guerre  civile  et  occasions  d'icelle,  document  insôré 
dans  VEstat  de  la  France  sous  le  règne  de  Charles  IX,  t.  m. 

(2)  A.  15. 

ÇVj  Du  nom  d'un  hameau  situé  au  territoire  de  Vendeuvre,  et 
dont  il  était  propriétaire  et  peut-être  seigneur. 

(4)  En  voici  la  copie  : 
H  Serment  des  Associez  de  la  Ligue  chrestienne  et  roiale. 

•)  Nous  soubsi^nez  desirons  pour  nostre  debvoir  ot  vocation  chres- 
tienne, maint(;nir  la  vraie  esglise  d«»  Dieu,  catholique  et  romaine,  en 
laquelle  nous  avons  esté  baptisez  selon  les  traditions  anciennes,  de- 
puis les  apostres  jusqu'à  présent  ;  desirons  aussi,  selon  la  fidélité 
que  nou«  avons  à  la  couronne  de  ï'rance,  maintenir  icelle  couronne 
à  la  maison  de  Valois,  [)oui*  li's  obli^racions  que  nous  et  nos  prédé- 
cesseurs avons  et  tenons  de  lad.  maison,  pareillement  qu'en  toute 
scûreté  et  liberté  nous  puissions  faire  et  accomplir  le  deub  de  nos 
charges  en  ce  qui  concerne  le  senice  de  Dieu  et  de  son  esglise  tant 
f^ii  l'ndministration  de  sa  parole,  saluts,  sacrements,  prières  qu'a«tre> 


1568 


<:iiAPiTUE  XIX.  H23 


Les  menées  continuent  dans  les  deux  partis.  Les 
huguenots  sont  inquiets  des  mesures  prises  par  le  roi  et 
par  les  catholiques.  Des  poursuites  se  font  en  cour  de 
Rome  pour  obtenir  des  bulles,  afin  d'autoriser  Taliéna- 
lion,  jusqu'à  50,000  écus  de  rente,  des  biens  de  l'église, 
le  prix  en  provenant  devant  être  employé  à  l'extermina- 
tion des  réformés.  La  ligue,  dite:  du  Saint-Esprit,  a  fait 
de  rapides  progrès  en  Bourgogne.  Les  prédicateurs 
deviennent  de  plus  en  plus  violents  ;  le  bruit  court  que 

fonctions  csquelles  nous  sommes  appeliez  et  tenus  ;  aussi  que  moien- 
nant  ce  qu'il  a  pieu  à  Monseigneur  le  Lieutenant  (le  duc  de  Guise), 
pour  la  majesté  du  roy  en  ses  païs  de  C4hampagne  et  Brie,  nous  asso- 
cier à  la  Société  et  Ligue  roiale  de  la  noblesse  et  estatz  de  ce  gou- 
vcrnomont  cy-dessus  insérée,  pour  en  jouir  selon  sa  forme  et  teneur, 
par  laquelle  ledit  sieur  Lieutenant  avec  mesd.  sieurs  de  la  noblesse 
(le  redit  jîouvernement  et  autres  associez  promettent  eulx  emploier 
leurs  personnes,  vies  et  biens,  pour  la  manutention  de  ladite  esglise 
et  couronne,  tant  et  si  longuement  qu'il  plaira  à  Dieu  que  nous  serons 
par  eux  régis  en  nostred.  religion  apostolique  et  romaine,  de  nous 
secourir  et  ayder  tant  de  conseil,  personnes  que  forces  et  de  leur 
pouvoir  pour  la  conservation  et  manutention  de  nos  vies,  libertez  et 
biens,  contre  toutes  personnes,  sans  nul  excepter,  foi's  les  personnes 
dud.  roy,  nos  seigneurs  ses  enfans  et  frères  et  la  reine  leur  mère,  et 
ce,  sans  acception  d'aucun  parenlage  ou  alliance,  ne  délairons  de 
nous  secourir  et  ayder  contre  les  autres  alliez  et  compris  en  cette 
Société  et  de  quelqu'état  et  condition  qu'ils  soient,  en  toutes  nos 
affaires  et  jdaintes  procédantes  pour  raison  de  lad.  association  ou 
entreprise  qui  pourroit  estre  faicte  sur  nous  et  nos  biens  par  les 
contraires  ennemis  et  adversaires  de  la  présente  société  et  de  nostred. 
religion  catholique  et  romaine,  et  ce  incessamment  et  sans  demeure 
(retard),  nous  avons  juré  et  promis,  jurons  et  promettons  par  le 
saint  et  incompréhensible  nom  de  Dieu,  Père,  Fils  et  Saint-Esprit, 
auquel  nom  nous  avons  esté  bajitisez,  que,  pour  ayder  à  l'entretene- 
ment  et  manutention  de  la  présente  ligue,  société  et  fraternité,  nous 
cottiser  fsicj  chascun  selon  nos  puissances,  pour  ayder  à  lad.  com- 
pagnie et  société  de  nos  biens,  toutes  fois  et  quantes  qu'entreprise 
sera  faicte  pour  la  manutention  de  la  présente  alliance  et  société- 
Kn  ce  faisant,  nous  sera  promise  et  entretenue  la  société,  amitié  et 
fraternité  de  tous  les  dénommez  en  la  sainte  ligue  présente,  tant  de 
la  noblesse  qu'autres  pour  nous  ayder  et  défendre  contre  tous  ceux 
de  party  contraire  qui  nous  voudroient  faire  tort,  à  nous  ou  à  nos 
biens  et  en  tontes  aiTaires  où  nous  pourrions  tomber.  Lequel  aydo  et 


624  HISTOIHK   l)K   TROYES.  156)( 

les  protestants  n'ont  plus  que  trois  mois  à  vivre  :  alors 
on  les  taillera  tous  en  pièces.  Quand  même  le  roi 
voudrait  empêcher  l'exécution  de  ces  desseins,  il  ne  le 
pourrait  pas  et,  s'il  s'y  opposait,  on  le  mettrait  dans  un 
monastère  et  l'on  en  ferait  un  autre  (1).  Les  régiments 
de  Brissac  et  des  enseignes  de  gens  d'armes  s'ache- 
uiinent  en  Bourgogne,  dit-on,  pour  surprendre  le  prince 
de  Condé  dans  son  château  de  Noyers,  et  l'amiral  Coligny 
dans  celui  de  Tanlay.  La  présence  des  suisses  et  des 
troupes  italiennes  sur  les  bords  de  la  Loire  et  de  grands 
mouvements  de  troupes  en  Bourgogne  donnent  les 
craintes  les  plus  vives  aux  huguenots,  dans  les  mois 
d'août  et  de  septembre  1568.  Le  capitaine  Foicy,  de 
Nogent-sur-Seine,  le  20  août,  à   l'occasion  de  plaintes 

secoiu's  se  fera  aux  despens  de  ceux  de  la  j)résenle  société  qui  por- 
tent les  armes  par  ordonnance  et  commandement  dudit  sieur  lieute- 
nant. Le  tout  soubz  le  bon  plaisir  dud.  sieur  roy  nostre  souverain 
seigneur  et  de  Messieurs  ses  lieutenants.   En  foy  de  ce  nous  avon> 
signé  cestes  de  nos  seings  manuels  le  25c  jour  de  juin  1508.  »> 
Signe  :  De  La  Rochette;  C'^l.  de  Beauffremont,  év.  de  Troyes; 
J.  Guillemet,  doyen  de  Troyes;  de  Langhac,  abbé  de 
St-Antoine;    N.  Tartrier,    officiai;    db  Gyé,   ^^rand- 
archidiacre  de   Brie  ;    N.  Hennequin,    doyen   de   St- 
Urbain;    Yves    le  Tartrier,    doj'en  de    St-Etienne. 
(J.  DE  Taix,  ch.  de  Tr.:  C.  IIevra^r,  chantre  de  Troyc»s[ 
d'Amoncourt,    abbé  de  Boulancourt  ;    Royer,    sous- 
doyen  de  St-Etienne;  G.  Miletz,  scholastique  ;  Frotey. 
ohan.     de    St-Etienne  ;    Joly,    archid.    de    Brienne  ; 
F.  Perricard,  id.;  Charles,  cb.  de  Tr.;  Juvenis,  id.; 
ViLLAiN,  prieur  de  Ste-Maure,  G.  Mole,  curé  de  Villy- 
le-Marécbal  ;  J.    Degrand  ;   Guillemet  et  Molero.n, 
eh.   de  Tr.;  Brodart,  prieur  de  Notre-Dame-en-llle  : 
Peliei'x,   trésorier  de  St-Etienne;  Flodey,  chan.  de 
Tr.;  Prieux,   id.;  Le  Mersons,  chan.  de   St-Etienne. 
(Blq.  nat.   Collection  Dupuy,  vol.  86,  p.  186  recto.)  —  M.  R.  de 
Rouillé,  dans  son  Histoire  des  Ducs  de  Guise,  cite  un  fragment  de 
cette  pièce  extrait  du  Portefeuille  de   Fonlanieu,  vol.  316.   —  On 
trouve  aussi  ce  document  au  Journal  de  Heiwi  III,  par  Pierre  de 
i/EsToiLE.  T.  m,  p.  33  (1744V 
(1)  De  Thou.  Histoire  de  mon  temps,  ch.  XMV. 


1568  CHAPITRE  XIX.  625 

portées  contre  lui  par  Raguier  d^Eslernay,  informe 
Charles  IX  d'une  rencontre  qui  eut  lieu  entre  eux.  De 
Bray,  Foicy  se  serait  rendu  à  Nogcnt,  à  Pont  et  à  Méry, 
où  il  aurait  fait  garder  les  ponts,  mettre  les  bateaux  et 
bacs  en  sûreté,  et  rompre  tous  les  gués  jusqu'à  ïroyes, 
afin  d'empêcher  de  traverser  la  Seine,  tandis  que  d'Es- 
ternay  amassait,  en  Champagne,  en  Brie  et  dans  TAuxer- 
rois,  environ  300  chevaux,  qu'il  divisa  en  cinq  ou  six 
troupes  commandées  par  le  capitaine  Archevêque  d'Arles; 
le  capitaine,  abbé  de  Saint-Michel  de  Tonnerre  (un 
Dinteville);  le  capitaine,  abbé  de  Saint-Martin-sous- 
Molosme  (près  Tonnerre),  et  les  sires  de  liéthune,  I  rique- 
mault  et  Besancourt,  placés  à  la  tête  de  50  à  60  che- 
vaux. —  Il  semblait  que  ces  troupes  allaient  à  la  chasse 
au  loup  (1). 

Dans  les  remontrances  adressées  au  roi  par  Tamiral 
Coligny,  au  moment  où  le  prince  de  Condé  envoie  les 
siennes,  il  se  plaint  de  ce  que,  trois  ou  quatre  jours 
auparavant,  se  rendant  à  Tanlay,  sa  demeure  ordinaire, 
et  approchant  du  ch&leau  de  Chesley  (!2),  accompagné  de 
son  train  ordinaire  seulement,  la  garnison  de  ce  chûteau 
sonna  l'alarme  fort  longtemps  avec  le  tambourin  et  il  fut 
tiré  sur  eux  un  grand  non)bre  de  coups  d'arque- 
buses (3). 

En  septembre,  le  roi  publie  deux  édits  dirigés  contre 
les  protestants.  Le  second  retire  leurs  ofTices  à  ceux 
de  ses  officiers  qui  font  profession  de  la  religion  réformée. 

(1)  Cl.  IIatton.  p.  1147. 

(2)  Le  texte  porte  :  Chandelcy.  Il  faut  lire  Chesley.  11  n'y  a  point, 
dans  FYonne  ou  dans  TAube,  de  lieu  connu  sous  ce  nom,  tandis  que 
Chesley  (  canton  de  Chaource  )  avait  un  château-fort  occupé  par  les 
catholiques  en  relation  avec  la  ville  de  Troyes,  qui,  en  mars  1570, 
leur  envoie  des  armes.  —  (B.  B.  14«  carton,  2-  liasse.) 

(3)  De  la  troisième  guerre  civile  et  causes  d'icelle^  liv.  ler,  p.  46. 
Document  insi^ré  dans  le  3«  vol.  de  V Estât  de  la  France  souê 
Charles  IX. 

III.  &0 


issu  Hii-TUBa.  as  ^lu^iai»^. 

ÉamuiÈt  Bm/TL  t^i^iAsiiÈt:  jil  laiiliag^.  -ts  Kmçi^eé  par 

iBLâoi:  de  le^l^  VIST  StnaûnL  ¥sf7Ms  t . 

d»  J  4* 

*w»t  55  :»5  3CmX<0  Vtfmrrrtf^^  H!T_Ti:  3r»  6*  ^itry,  où  il 
fiîîlymii  îT**  «!§  trtiELÎtsE.  crrjria  fix  jgmafiie^:  ▼  fit 
iuitire  t^  i»:'iiJ*?î*  et  df*  «mJterïTiK*  fi*K  -i»  cloches 

T«yi  Je  V*AVj^  ij . 

Le  priK*  de  Cc'iîiê  aprt*  rricr  ïi^rti  Le  rot  des 
meskéef  iirighs  outre  ::;:-  «e  TKiv.  iTet  tcote  sa 
fanijDe-  4Î2i»5  îe  ctilean:  de  Nit-cKw  L>tt  rtl,  atii  balMte 
célvi  ie  TauliT.  va  re^înire  ir  icrz»:»*-  i  Noyers,  avec 
sa  îemmi  ei  sè*  -q^aîft  ci;f*ii&  a^^^lCMs^^-»  de  40  i 
50  cLevainL  Crai^ac!  jh>iît  eax  ïiC-^îv.  jj::  s^te-  ie*  nom- 
breux avis cïiU  ref-oivesl.  I^sqikels  *icc:  «caîraiés  par 
la  prései^ce  d'octe  force  ansîée  <H>s£>dc^>  «îass  cette 
parbe  de  la  Bour^'^e.  Le  prÎLce.  rastlral.  Lecrs  femmes 
et  leurs  ecfanls  quitlest  Noyers  eî  <e  c.rjpèiit  SLr  la 
Rocheî  e  :  3e  cardisal  lîe  Cbaî:I]->r.  ara::  -f^  i  auîtté  la 

«^ft"    ir:  5:1    î-r    :^s    i^ux    ::r.-:  ri-ux   vhe's    lu    rarli 

déré  c:-T.:::r  ::-  : r^.  "jir^ire  i  u:  e  r:  jvr.  e  :  vî<  i'arp^es. 
Les  huiTJ^n.ts  travail:.:  avec  .^^:c-r  ijx  ::::  ::e3:!0DS 
de  Vjve:^  eî  des   i^ysies  du  tîi- n:e  z-iri  se  réunissent 

dans  its  irern:e:>    :u:s  de  se::e::ib:e.  jt  Preov-^e-Seo  3. 

t  *  «  ■ 

—  De  si-r:  •  :!tr,  Guili^sun.e  de  Saulx-Tavinnes  donne 
avis  au  roi  de  ces  îaiîâ  e:  place  Misser\.  i.eu;enant  de 

(1^  N-  PrTHVc. 

,2»  DuHAiiF.  T.  i^^.  p.  î!9. 

(3i  Cinton  «ie  rhie-sar-le-Serein  I  Yonne  \  \iAn<  le  ToUini^  de 
Nover?. 


1568  CHAPITRE  XIX.  627 

M.  (le  Barbezieux,  avec  des  troupes  dans  TAuxcis,  afin 
d'observer  et  de  surveiller  les  menées  des  huguenots. 

De  Saulx-Tavannes  presse  en  même  temps  le  roi  de 
s'emparer  de  la  ville  et  du  château  de  Noyers,  avant  que 
la  garnison  laissée  par  le  prince  de  Condé  ne  soit  ren- 
forcée :  garnison  qui ,  suivant  lui ,  se  compose  de 
150  hommes.  Il  considère  que  M.  de  Barbezieux,  avec 
toute  l'artillerie  dont  il  dispose  à  Troyes,  et  aidé  de 
M.  de  Venteux,  gouverneur  de  TAuxois,  et  de  Prie,  gou- 
verneur de  TAuxerrois,  peut  mener  celle  attaque  à  bonne 
fin.  Tavannes  fait  quelques  tentatives  pour  obtenir  par 
adresse  la  réduction  de  celte  ville.  Ce  fut  en  vain,  le 
capitaine  Noguier,  ayant  la  garde  du  château,  ne  vou- 
lant rien  décider  sans  Tautorisation  du  prince  de  Condé. 

Le  roi  donne  à  Tavannes  l'ordre  d'assembler  les  forces 
dont  il  peut  disposer,  d'y  joindre   celles  que  de  Barbe- 
zieux tient  à  Troyes  et  d'assiéger  Noyers.  Mais  les  troupes 
de  Tavannes  sont  dirigées  sur  Orléans.  Celui-ci  mande 
à  Barbezieux    d'informer    de  Venteux   et   de  Prie,   de 
l'époque  à  laquelle  il  pourra  attaquer  Noyers  ;  de  Barbe- 
zieux n'a,  à  Troyes,  qu'une  trentaine  de  lances  (1)  direc- 
tement sous  ses  ordres.  Mais  il  y  a  en  garnison,   en  ville 
et  dans  les  environs,  des  forces  plus  considérables  (2). 
M.  de  Barbezieux,  prétend  qu'il  ne  peut  faire  quitter  les 
lieux  a  ses  gens  de  guerre,  parce  qu'il  n'a  point  d'argent, 
que  si  la  ville  veut  lui  avancer  mille  livres,  il  dirigera  ses 
gens  et  l'artillerie  du  roi   sur  le  château  de  Noyers.  Le 
maire  et  ses  conseillers  empruntent  celle  somme,  en 
leur  propre  nom,  et  la  remettent  à  M.  de  Barbezieux,  qui, 
peu  après,  marche  sur  Noyers  comme  il  l'avait  promis, 
avec  toutes  les  forces  qu'il  a  sous  la  main  (3). 

(1)  Bibl.  nat.  Mnsc.  de  Béthunc.  n«  8676,  f>«  105  et  132. 

(2)  B.  B.  14*  carton,  2*  liasse. 

(3)  A.  15. 


628  HISTOIRE    DE  TROYES.  1^68 

En  quittant  Troyes,  les  troupes  de  Barbezieux  se 
divisent  en  deux  colonnes,  Tune  se  dirige  sur  Tanlay, 
prend  le  château  et  une  quinzaine  d*homnies  y  est  laissée 
en  garnison.  La  seconde  colonne  passe  par  St-Mards,  où 
se  trouvent  un  grand  nombre  de  réformés  encouragés 
parle  pasteur  Sorel  et  par  Oudart  Pied-de-Fer,  seigneur 
de  ce  lieu.  Les  soldats  catholiques  s'emparent  du 
château  sans  aucune  résistance,  Oudart  Pied-de-Fer 
s'étant  réfugié  chez  un  parent.  Un  soldat,  nommé  Cour- 
celles,  neveu  de  Sorel,  attire  celui-ci  dans  un  lieu 
détourné  et  le  tue  (1).  Un  autre  récit  rapporte  que  Sorel 
fut  massacré  avec  une  étrange  cruauté  par  la  compagnie 
d'un  lieutenant  du  prévôt  des  maréchaux,  nommé  Coquo 
(surnom  sans  doute),  lequel,  dès  le  lendemain,  reçut  son 
salaire  de  la  main  d*un  sien  archer  qui  le  tua  dans  un 
différend  survenu  entre  eux  à  Toccasion  du  partage  de 
quelque  butin  (2j. 

Barbezieux  appelle  près  de  lui  M.  de  Prie,  gouverneur 
d'Auxerre,  et  la  garnison  de  quelques  villes  voisines.  Il 
met  le  siège  devant  la  ville  de  Noyers,  dont  il  se  rend 
bientôt  maître.  Le  capitaine  Noguier  qui  commande  la 
ville  et  le  château,  se  soumet  le  2  octobre.  La  garnison 
a  la  vie  sauve  et  dans  la  population  se  trouve  un  certain 
nombre  de  calvinistes  d'origine  troycnne.  Barbezieux 
s'engage  à  garantir  du  pillage  le  mobilier  du  prince  de 
Condé,  dont  inventaire  doit  être  dressé.  Cette  capitula- 
tion n'est  point  observée.  Un  grand  nombre  de  soldats 
sont  lues  ou  dévalisés.  D'autres  sont  retenus  prisonniers 
et,  comme  tels,  anicîiés  à  Troyes.  Ceux  (jui  écha|)pentse 
réfugient  à  Vézclay,  alors  en  possession  des  calvinistes. 
Le  château  est  saccagé  et  une  partie  des  meubles  est 

(1)  GouRTALON.  Topographie,  t.   icr,   p.   i22,  et   N.   Pithou.  — 

DUIIALLE. 

(2)  De  la  troisirmc  guerre  civile  ....,  p.  265.  Doc.  insère  au  t.  m 
do  VHstai  de  la  Fra)ice  soua  Charles  IX. 


1568  CHAiUTUE    XIX.  6^29 

enlevée  et  transportée  à  Troyes,  au  quartier  général  de 
Barbezicux  (1).  On  croit  qu'il  en  a  ainsi  usé  afin  de  s'ap- 
proprier des  meubles  somptueux  du  chûteau  de  Noyers  (2). 
Barbezicux  se  justifie  du  reproche  qui  lui  est  adressé.  11 
écrit  au  roi  que  ce  mobilier  a  dix  fois  moins  de  valeur  que 
celle  qu'on  lui  donne,  et  que,  pressé  par  les  menaces 
des  soldats,  qui,  faute  de  paiement,  commençaient  à 
l'abandonner  <  il  n'avait  pas  sceu  vaquer  à  faire  l'inven- 
taire de  ces  meubles  (3) .  > 

Après  la  reddition  de  la  ville  et  du  château  de  Noyers 
et  le  3  octobre,  Barbezicux  rer;d  compte  au  roi  des  opé- 
rations du  siège  et  des  circonstances  qui  accompagnèrent 
cette  expédition.  Il  l'informe  qu'il  s'est  conformé  aux 
ordres  qu'il  a  reçus  de  lui  par  M.  d'Aumale,  bien  que  les 
entreprises  par  lui  faites,  dans  l'intérêt  du  roi,  lui  aient 
fait  perdre  au  moins  50,000  livres.  Il  s'est  acheminé  sur 
Noyers  îivec  les  forces  que  lui  avait  données  le  duc 
d'Aumale  et  celles  qu'il  avait  sous  son  commandement. 
Il  mit  le  siège  devant  la  ville.  Après  l'avoir  battue  t;n 
brèche  et  au  moment  de  l'assaut,  les  habitants  se  réfu- 
gièrent dans  le  château  ainsi  (|iic  la  garnison  qui  défen- 
dait la  ville  11  fil  battre  le  château  (ses  constructions 
remontaient,  dit-on,  au  \W  siècle),  et,  l'ajaril  pris,  il  y 
fut  trouvé  deux  cents  soldats,  qui,  disait-on,  voulaient 
mourir  au  lieu  de  se  rendre.  Ils  demandèrent  à  parle- 
menter. Ils  se  contentèrent  d'avoir  la  vie  sauve  et  firent 
serment  de  vivro  calholiqnomont.  M.  de  Barbezicux  plaça 
une  garnison  dans  le  château,  afin  de  le  conserver  au 
roi,  ainsi  que  la  ville  «  qui  estoit  réceptacle  de  ses  enne- 

{i)  De  la  iroisimnr  (juerrc  civile  p.  26i.  Commentaire  de 

^tatii  reipublicœ,  paii.  iir,  lib.  vu,  p.  245, 240.  —  D'aj».  A.  Challe. 
Le  Calvinisme  et  la  Ligue  dans  le  département  de  VYonne^  t.  i*?"", 
p.  224. 

(2)  De  Thou.  nist.  de  mon  temps,  liv.  XLiv,  p.  224. 

(3)  Lettre  de  Barbezicux^  datée  de  Troyes,  le  20  novembre  1568. 
Hlq.  nat.  nmsc.  St-Gerraain-Harlay,  n"  320,  f»  155. 


630  HISTOIRE   DE   TROYES.  15^8 

mis,  »  puis  il  envoya  le  surplus  de  ses  troupes  sur 
Château-Renard  (1),  place  tenue  par  les  rebelles.  En  se 
rendant  de  Troycs  à  Noyers,  il  prit  le  château  de  Tanlay, 
où  il  mit  en  garnison  une  quinzaine  de  soldats.  Recom- 
mandant ensuite  son  intérêt  au  roi,  il  lui  expose  les 
perles  qu'il  a  eu  à  supporter,  les  gages  des  officiers 
qu'il  a  payés,  car  c  ils  n'ont  coutume  de  marcher  sans 
argent,  »  et  la  solde  de  ses  gens  de  pied  et,  bien  que  le 
roi  lui  ait  destiné  6,000  liv.  pour  payer  son  artillerie,  il 
n'a  rien  reçu.  Pour  l'indemniser  de  toutes  ses  avances, 
il  demande  que  le  roi  lui  fasse  don  des  biens  du  sieur  de 
St-Pouangc  (Antoine  Menisson)  et  du  sieur  de  Saicton 
qui  doivent  être  confisqués  et  dont  le  revenu  est  estime 
de  3  à  4,000  livres.  Il  prie  le  roi  de  récompenser  son 
guidon  j  M.  de  Vulaines,  (nommé  plus  habituellement  le 
capitaine  Foicy)  (2).  Il  désire  pour  celui-ci  une  place  de 
gentilhomme  servant  dans  la  maison  du  roi.  Le  roi  peu 
satisfait  de  ce  qu'il  eût  laissé  cinquante  hommes  armés 
à  Troyes,  iM.  de  Barbezicux  lui  fait  observer  que  cette 
garnison  n'est  pas  excessive  «  qu'il  importe  que  les 
habitants  ne  prennent  envie  de  venir  à  sédition,  y  étant 
assez  faciles.  Joint  à  cela  que  ce  sera  le  moyen  de  décou- 
vrir ceux  qui  pourraient  consj)ircr  quelques  mauvais 
dessoins  pour  perturber  le  repos  public,  conjoint  au  bien 
du  service  du  roi.  >  Enfin  il  signale  à  la  bienveillance 
royale  do  Misscry,  son  lioulenont,  Montperrou,  do  Nuy, 
de  Poilly,  de  Villars  et  do  St-Remy  (3). 

Le  sieur  de  Vulaines  (4>,  après  la  prise  de  Noyers,  est 

(1  )  Loiivt.  Possession  des  ('.oli}iny  qui  y  avaient  édifié  nn  château. 

(2)  Vulaines  (Aube)  et  Toicy  (Yonne),  sont  deux  communes  limi- 

tro]dies. 

(3)  ]»lq.  nat.  ninsc.  de  St-(îermain-Harlay,  n^»  320,  f»  121. 

(4)  Il  se  nommait  Ilodoard,  sieur  de  Vulaines  et  de  Foicy.  Il  était 
originaire  de  Sens,  neveu  du  chanoine  Claude  llodoart,  qui,  en  153."), 
fonda  le  colléire  <le  Sens,  et  fivre  d'im  conseiller  au  baillia^'e  de 
celte  ville  qui  suivit  le  parti  de  la  réforme. 


«568  CHAPITRE  XIX  631 

envoyé  par  Barbezieux  sur  Château-Renard.  Après  la 
reddition  de  cette  ville  entre  les  mains  des  catholiques, 
il  revient  en  Champagne  et  se  dirige  surTraînel,  petite 
ville  fortifiée  avec  château-fort,  appartenant  à  la  famille 
Jouvenel  (ou  Juvénal)  des  Ursins,  et  dont  le  seigneur 
<  goûte  la  réforme  »  et  accorde  son  appui  aux  protes- 
tants. Dans  Traînel  sont  réfugiés  plusieurs  huguenots  de 
Troyes,  de  Sens,  de  Nogent  et  d'autres  lieux.  Ils  soutien- 
nent Tallaque  des  troupes  du  sieur  de  Vulaines.  Mais 
celui-ci  c  échelle  le  château  par  dehors  la  ville,  et,  à  la 
diane,  en  prit  les  habitans  et  les  dénicha,  »  de  telle  sorte 
que  la  plupart  se  sauvèrent  en  chemise,  les  uns  du  côté 
de  la  ville,  les  autres  sur  les  champs.  Les  uns  sont  tués, 
d'autres  blessés  et  d'autres  encore  faits  prisonniers.  Tous 
les  biens  des  protestants  sont  pillés;  mais  ceux  de 
M.  des  Ursins  et  de  son  fermier  sont  respectés.  On  en  fait 
inventaire  et  ils  sont  laissés  sous  la  garde  de  la  garnison 
placée  dans  le  château  et  dans  la  ville. 

M.  des  Ursins,  informé  de  la  prise  de  son  château, 
s'achemine,  avec  sa  compagnie  de  cinquante  lances  des 
ordonnances  du  roi,  sur  Traînel.  Sa  troupe  s'arrête  à 
Melz-sur-Seine,  et  de  là  il  fait  sommation  au  sieur  de 
Foicy,  de  se  retirer  en  abandonnant  tout  le  butin  dont  il 
s'était  empare.  Sans  résistance,  de  Foicy  déféra  à  cette 
sommation  (1). 

Pendant  les  troubles  de  1568,  l'ouverture  des  portes 
de  la  ville  ne  se  fait  qu'avec  les  plus  grandes  précautions, 
chaque  matin.  Un  sergent,  nn  maître  de  fer  et  celui  qui, 
pour  la  journée,  prend  la  garde  de  la  porte,  vont  se  join- 
dre avec  la  garde  et  le  tambourin  et  tous  ensemble  se 
rendent  chez  le  maire  pour  y  prendre  les  clefs.  Avant  de 
procédera  leur  ouverture,  un  sergent  et  un  certiiin  nom- 
bre de  gardes  vont,  hors  barrières,  visiter  les  charrettes 

(I)  Cl,  Hatton.  Mémoires,  p.  542. 


632  HISTOIRE  DE  TROYES.  1559 

charg^ées  disposées  à  entrer  en  ville.  Puis,  le  soir,  les 
clefs  sont  déposées  aux  mains  du  maire.  En  ville,  il  y  a 
deux  corpsdo-garde  :  Tun  à  la  halle  aux  draps,  place  de 
l'Etape-au-Vin,  et  Tautre,  en  la  Loge-aux- Maçons^  située 
devant  le  portail  de  St-Pierre  (1). 

En  décembre  1568,  Benjamin  du  Ples^is,  abbé  de 
Monticr-Ia-Celle,  vendit  les  reliquaires  et  vases  sacrés 
de  Tabbaye,  pour  une  somme  de  550  livres  demandées 
par  le  roi  pour  le  cardinal  de  Lorraine  (2). 

L*hiver  de  1568-69  paraît  s'être  passé  à  Troyes  avec 
calme. 

Après  la  bataille  de  Jarnac  (13  mars  1569),  dans  la- 
quelle le  prince  Louis  de  Condé  fut  tué  d'un  coup  de 
pistolet  tiré  à  bout  portant  par  Montesquieu,  il  fut,  à 
Troyes,  le  12  avril,  chanté  un  Te  Deum, 

Au  printemps  1569,  une  partie  de  Tarmée  royale,  pla- 
cée sous  le  commandement  alternatif  des  ducs  de  Ne- 
mours et  d'Aumale,  parcourt  la  province  et  tente  d'em- 
pôcher  Tentrée  en  France  du  duc  des  Deux-Ponts,  qui, 
avec  5,000  reîtres  et  4,000  lansquenets,  vient  au  secours 
des  armées  protestantes.  Le  12  avril,  il  est  demandé 
aux  Troyens  30,000  pains  pour  le  camp  et  Tarniée  de 
Champagne  (3). 

Le  17  juin,  l'Eglise  calliolique  use  contre  les  hugue- 
nots d'une  arme  dont  elle  ne  fait  pas  souvent  usage  à 
cette  épociue.  Elle  lance  un  monitoire  contre  ceux  de  la 
religion  prétendue  réformée  (i).  Il  faut  le  reconnaître, 
les  traits  de  cette  arme  étaient  déjà  bien  émoussés.  La 
police  urbaine  se  borne  à  des  mesures  d'ordre  contre  les 
hôteliers  et  les  cabaretiers  (3).  On  renouvelle  les  ordon- 

(1)  A.  10. 

(2)  Histoire  de  Montier-la-Celîe^  p.  538.  II  n'y  avait  plus  alors  que 
huit  relij^ieux  à  l'abbayo. 

(3)  A.  10. 

(4)  P.  1er. 

(3)  P.  1er. 


f.V(9  CHAPITRE   XIX.  633 

nanccs  de  bùrelé.  Personne  n'entre  en  ville  avec  des 
armes.  Ceux  qui  veulent  y  pénétrer  doivent  les  laisser 
aux  portes.  MM.  de  la  justice  ont  Tœil  sur  les  étrangers, 
les  vagabonds  et  les  smpecls.  Le  prévôt  est  invité  à  faire 
cesser  les  danses  qui  se  font  dans  les  rues,  ainsi  que  les 
brelans  et  jeux  de  hasard  (1). 

La  ville  de  Noyers,  dans  le  cours  de  1569,  retombe  au 
pouvoir  des  protestants.  Louis  Prévôt,  sieur  de  San- 
sac  (2),  ancien  gouverneur  de  François  II  et  gouverneur 
de  TAngoumois,  après  le  siège  de  la  Charité,  qu'il  diri- 
geait, et  après  la  bataille  de  Montcontour  (30  septem- 
bre 1569),  se  tient  sur  les  confins  de  la  Bourgogne,  de 
la  Champagne  et  du  Nivernais.  Par  ordre  du  roi  et  dans 
ces  provinces,  il  lève  une  armée.  11  réunit  huit  cornettes 
de  cavalerie  et  vingt-deux  enseignes  de  gens  de  pied, 
bientôt  placées  sous  le  commandement  de  Ilodoard,  sei- 
gneur de  Foicy,  avec  quatre  pièces  de  batterie  et  deux 
couleuvrines.  Après  avoir  mis  garnison  à  Donzy,  et  ame- 
né, conjointement  avec  Barbezieux,  rarlillerie  de  la  ville 
de  Troyes  (3),  il  se  dirigea  sur  Noyers,  afin  de  reprendre 
cette  ville  et  le  château.  La  garnison  se  rendit  sans  com- 
bat, sous  la  seule  condition  d'avoir  la  vie  s'auve.  De  Bar- 
bezieux laissa  une  garnison  à  Noyers. 

Les  prisonniers  faits  dans  cotte  ville,  au  nombre  de 
soixante-deux,  sont  amenés  à  Troyes,  par  François  Mé- 
pesse,  lieutenant  du  prévôt  des  maréchaux.  A  leur  arri- 
vée, le  18  octobre,  la  foulo  ameutée  se  jette  sur  ces  mal- 
heureux sans  défense.  Elle  les  attaque  à  coups  de  bâtons 
et  à  coups  de  pierres.  Elle  les  poursuit  avec  le  plus  grand 
acharnement,  jusque  vers  Téglise  de  Notre-Dame-aux- 
Nonnains.  Cinquante  sont  tués,  dit  Courtalon   (trente- 

(1)  A.  15. 

(2)  11  a  sans  doute  donné  son  n(»m  à  une  propriété,  sise  à  Barberey, 
qui  le  porte  encore  aujourd'hui. 

(3)  Sémillard.  t.  m,  p.  195. 


634  HISTOIRE  DE  TROYES.  iSflO 

sept,  dit  Breyer),  dans  cette  attaque  féroce  et  inégale. 
Ce  qui  reste  vivant  est  conduit  aux  prisons  royales,  mal- 
gré cette  populace  furieuse  qui  veut  tout  assommer  (i). 
Les  cadavres,  résultat  de  cette  boucherie,  sont  déposés 
au  cimetière  de  THôtel-Dicu-le-Comte,  compris  dans 
celui  de  St-Jacques-aux-Nonnains  (â). 

Le  6  novembre,  le  Conseil  de  ville  délègue  quelques- 
uns  de  SCS  membres  qu'il  charge  d'aller  rendre  compte 
de  ces  faits  au  duc  d*Alençon  et  à  Tarchevêque  de 
Sens  (3). 

De  Sansac,  après  avoir  mis  Noyers  sous  Tautorité 
royale,  se  rend  sous  les  murs  de  Vézelay  et  en  fait  le 
siège  pendant  plus  de  deux  mois,  mais  sans  succès.  Sous 
les  murs  de  cette  ville  est  tué  «  tout  mort,  »  dit  Hatton, 
Hodoard  de  Foicy,  qui  avait  toute  Tinfanterie  de  siège 
sous  ses  ordres. 

Ce  fut  un  jour  de  joie,  dit  le  même  chroniqueur,  pour 
les  gens  de  village  de  vingt  lieues  à  la  ronde  de  Vézelay, 
comme  pour  les  habitants  des  villes  de  Pont,  de  Nogent 
et  de  Bray,  à  cause  des  oppressions  dont  lui  et  ses  gens 
s'étaient  rendus  les  auteurs  (4). 

Au  siège  mémorable  de  Vézelay  se  trouvaient  parmi 
les  assiégés,  notamment,  les  chevaliers  du  Boulet 
(Boulay),  de  Lascngne,  de  Bezancourt,  et  le  gendre  de 
Barbezieux,  François  des  Barres,  seigneur  de  Neufvi- 
Banegon  (5).  Si  Sansac  n'eut  pas  de  ménagements  pour 

(1)  DuHALLE.  T.  i««',  p.  120.  —  CouRTALON.  Topographie,  l.  i", 
\K  123'. 

(2)  Breyer.  Mémoires 

(3)  A.  17. 

(4)  Cl.  IIattox.  P.  560. 

(5)  Neufvi-Hanegon,  à  cinq  kilomètres  de  Moulins  (Ailier).  Dans 
le  vol.  IX,  p.  272,  note  2c  de  V Histoire  de^  Français,  par  Henri 
Martin,  on  lit  :  «  Kien  ne  fit  autant  de  bruit  que  les  exploits  de  la 
chAtelaine  de  Hanej^on,  jeune  veuve,  qui  défendit  intrépidement, 
contre  les  catholiques,  son  manoir  des  montagnes  de  TAuvergnc. 
Les  caUioliques,  contre  leur  ordinaire,  traitèrent  assea  courtoise- 


45G9  CHAPITRE  XIX.  635 

les  protestants,  il  n'en  aurait  pas  été  de  même  de  la  part 
de  Barbezieux  qui  craignait  pour  son  gendre.  Avec  ces 
deux  officiers  supérieurs  de  l'armée  royale,  se  trouvaient 
aussi  du  Chatelet  de  Thaon  et  Anne  de  Yaudrey,  bailli 
de  Troyes,  ayant  titre  de  maréchaux  de  camp  (1). 

Selon  Hatlon,  du  Boulay,  Lascagne,  de  Bezancourt  et 
François  des  Barres,  c  étaient  de  grands  et  insignes  vo- 
leurs de  grands  chemins  et  passages.  >  Us  étendaient 
leurs  brigandages  à  douze  ou  quinze  lieues  de  Vézelay, 
faisaient  des  prisonniers,  les  conduisaient  dans  cette  ville 
et  les  mettaient  à  rançon.  Ils  venaient  jusqu'aux  portes 
de  la  ville,  à  Bréviandes,  où  ils  se  saisirent  de  plusieurs 
riches  marchands  de  Troyes  qu'ili>  mirent  à  rançon. 

Le  revenu  des  biens  des  absents  est  toujours  confis- 
qué. Vers  la  fin  de  novembre,  le  maire,  les  échevins  et  le 
procureur  du  roi,  pressent  le  paiement,  entre  les  mains 
du  receveur  du  donfiaine,  de  la  somme  de  1,300  livres  à 
prendre  sur  les  biens  des  protestants  absents. 

Les  affaires  de  finance  sont  l'objet  de  la  préoccupa- 
tion générale.  Les  catholiques  sont  en  faveur,  par  con- 
séquent le  clergé.  Celui-ci  profite  de  la  circonstance  pour 
se  faire  décharger  de  toutes  levées  de  deniers.  La  ville 
est  frappée  d'une  taxe  de  15,000  livres,  à  titre  de  don, 
en  faveur  du  roi.  Celte  somme  n'a  pu  être  réunie  entière- 
ment. Le  collecteur,  CUiude  Dizy,  est  retenu  prisonnier  à 
Châlons,  parce  qu'il  nianque  à  cette  somme  celle  de 
1,298  livres.  Le  Conseil  adresse  au  roi  des  remontrances 
sur  les  privilèges  excessifs  accordés  au  clergé.  Il  est 
proposé  de  convoquer  une  assemblée  générale  pour  re- 
nient ceUe  héroïne.  {La  PopcUnière,  2e  partie,  f*  150.)  Il  y  a  de 
curieux  détails  sur  cet  épisode  dans  les  Annales  d'Auvergne,  no  de 
septembre  et  octobre  1839,  publiées  à  Clcrmonl-Fcrrand.  —  Cette 
jeune  veuve  n*est  autre  que  Charlotte  de  La  Rochefoucault,  fille  de 
Charles  do  La  Rochefoucault  de  Harbezieux,  lieutenant  au  gouver- 
nement de  Champagne. 

[i)  Lettre  de  Sansac  au  roi,  du  24  décembre  15^. 


636  IlISTOmK    DK   TIIOYKS.  1500 

partir  cette  somme  de  15,000  livres.  Les  lettres  accor- 
dées au  clergé,  sont  considérées  t  comme  subreptices 
et  obtenues  par  imporlunité.  >  Le  Conseil  craint  qu'en 
faisant  une  nouvelle  assemblée  générale,  il  y  ait  danger 
que  <  le  peuple,  qui  se  trouve  grandement  chargé  et  qui 
est  pauvre,  ne  s'émeuve  et  qu'on  ne  puisse  réprimer  ce 
qui  en  pourrait  advenir,  parce  qu'il  y  a  apparence  que 
ceux  du  clergé  soient  exempts  des  charges  publi- 
ques (1).  »  Le  Conseil  appuie  ses  remontrances  au  roi 
sur  ce  que  ce  sont  les  plus  riches  et  les  plus  opulents, 
ceux  qui  n'ont  rien  perdu  par  suilc  des  troubles,  ceux 
dont  les  biens  sont  situés  dans  l'enceinte  de  la  ville  et 
qui  ont  toujours  conservé  leurs  personnes  et  leurs  biens, 
qui  sont  dispensés  de  supporter  les  charges  pu- 
bliques.   » 

Ces  plaintes  sont  d'autant  plus  fondées  que  la  ville 
esl  endeltéc  de  40,000  liv.  t.,  et,  pour  couvrir  cette  dette, 
résultat  des  troubles  et  de  luttes  armées,  le  roi  autorise 
le  Conseil  à  établir  «  taille  et  impôt  de  cette  somme, 
sur  tous  et  un  chacun  des  habitants  de  quelque  qualité  cl 
condition  qu'ils  soient,  et  à  lever  cette  somme,  dans  le 
cours  (le  trois  années,  par  égales  [)ortions,  |)our  éteindre 
cette  grosse  detlo  i2).  » 

Fn  15G9,  Nicolas  Dorigny  établit  une  tannerie  dans 
la  cour  Bouvin  (luudu  Temple).  L'éclievinage  en  or- 
donne la  su[>prcssion  lîV),  on  exécution  des  anciens  rùglo- 
nients. 

L'année  15G!)  se  passa  à  guerroyer  outre  Loire.  Après 
cette  campagne,  l'inniral  de  Coligny  revint  on  Bour- 
gogne et  en  Champagne,  afin  de  se  joindre  aux  nouvelles 
troupes  ({ue  le  prince  d'Orange  et  autres  seigneurs  de- 

(I)  A.  17. 

{2)  F.  "237,  238,  239,  210  ot  2il . 
(3)  A.  A.  41c  carton,  Ire  liasse. 


i5fi5  CHAPITRE   XIX.  637 

vaient  lui  amener  d'Allemagne,  se  porter  ensuite  vers 
Paris  et  y  tenter  de  nouveau  le  sort  des  armes  (1). 

En  février  1570,  les  reîtrcs  sont  aux  portes  de  Troyes. 
Us  sont  logés  dans  les  faubourgs.  Pour  empêcher  le 
pillage,  les  habitants  et  le  clergé  leur  donnent  des  den- 
rées et  môme  de  Targent  (2). 

Les  courses  des  soldats  huguenots  de  Vézelay  conti- 
nuent aux  environs  do  Troyes.  En  mars,  ils  font  prison- 
niers des  laboureurs  et  des  marchands.  Ils  ont  arrêté 
Nicolas  de  Corbcron,  Pantaléon  le  Cornuat  et  Lespinette 
(Pinette),  chefs  de  maison  de  commerce,  revenant  de 
Dijon.  Les  chevaliers  du  Boulay  et  deLascagne  les  con- 
duisent à  Vézelay.  La  ville  s'engage  à  leur  donner  «  aide, 
confort  et  assistance.  ]>  Elle  demande  au  roi  leur  élargis- 
sement. En  mai,  un  autre  commerçant  faillit  être  pris 
dans  le  faubourg  Croncels.  En  ce  moment,  M.  de  Barbe- 
zieux  parait  sourd  aux  plaintes  des  catholiques  et  ne  ré- 
pond point  aux  requêtes  qui  lui  sont  adressées  contre  les 
huguenots.  La  ville  s'adresse  à  M.  de  Guise.  Puis  elle 
prie,  par  son  Conseil,  M.  de  Barbezieux,  afin  de  faire  obs- 
tacles aux  courses  des  huguenots  de  Vézelay,  qui  vien- 
nent piller  jusque  sous  les  murs  de  la  ville,  de  distri- 
buer sa  compagnie  de  cinquante  gentilshommes  dans  les 
places  d'Ervy,  de  St-Florentin  et  autres  lieux  situés  aux 
avenues  de  Vézelay,  de  La  Charité,  d'Auxerre  et  autres 
villes  occupées  par  les  protestants  (3).  De  son  côté,  le 
Conseil  prend  ses  mesures  contre  ces  fourrageurs.  Il 
forme  une  compagnie  avec  les  habitants,  qui,  à  cheval, 
devra  parcourir  les  environs  (4). 

Le  10  juin,  Villeneuve-rArchevêque  est  pris  par  les 
soldats  huguenots  de  Vézelay.   Ils  font  des  prisonniers 

(1)  Castelnau.  êîémoires,  p.  249. 

(2)  Sémillard.  t.  lor. 
(3;  A.  17. 

(4)  SÉMII.rARD. 


638  HISTOIRE  DE  TROYES.  1570 

qu*ils  rançonnent  à  haut  prix.  Sur  ce  fait,  le  Conseil  de 
ville  fait  monter  Tartillerie  sur  les  remparts.  Le  22,  il 
ordonne  que  les  ponts-Ievis  seront  levés  pendant  la 
messe,  les  dimanches  et  jours  de  fêtes,  et  pendant  que 
les  portiers  prendront  leur  repas.  A  partir  du  25,  la 
garde  de  la  ville  devient  encore  plus  sévère  (I).  Quelques 
jours  après,  on  apprend  que  Tarmée  royale  s'approche  (2) . 

Le  règlement  du  25  juin,  dressé  dans  une  assemblée, 
porte  qu'il  sera  fait  recherche  des  personnes  suspectes 
de  la  nouvelle  opinion.  —  Il  est  défendu  aux  huguenots 
de  sortir  de  leurs  maisons,  à  quelque  heure  que  ce  soit. 
—  Ils  seront  servis,  «  domesliquemenl,  »  par  des  servi- 
teurs et  servantes  qui  leur  seront  donnés.  —  Tous 
étrangers,  vagabonds  et  gens  sans  aveu,  sortiront  de  la 
ville,  sans  délai,  t  sur  peine  d'être  pendus  et  étranglés, 
sans  autre  figure  de  procès.  »  —  Recherche  est  ordonnée 
des  blés,  avoines  et  vivres.  —  Chaque  ménage  est  tenu 
de  faire  provision  de  blés  et  de  vivres  pour  trois  mois,  à 
peine  de  prison.  —  Mandement  est  expédié  dans  tout  le 
bailliage  pour  faire  apporter  en  ville  les  blés  et  autres 
vivres,  afin  de  les  mettre  à  l'abri  de  l'ennemi,  et  ce,  sur 
peine  du  feu.  —  Quant  aux  faits  de  guerre,  il  est  ordonné 
que  l'artillerie  et  les  munitions  de  guerre  seront  visitées 
et  inventoriées,  et  qu'il  sera  fait  provision  d'oulils  et 
d'engins  nécessaires  aux  travaux  de  terrassement  et  des 
fortifications. 

Dans  les  premiers  jours  d'août,  les  rcîtres,  comman- 
dés par  Wolrad  de  Mansfred,  qui  a  succédé  au  duc  de 
Deux-Ponts,  sont  dans  les  environs  de  Troyes,  courant 
et  ravageant  la  campagne.  Le  12  août,  dans  une  assem- 
blée, on  essaie  de  prendre  les  moyens  nécessaires  pour 
arrêter  ces  courses  des  reîtres,  aux  environs  de  la  ville. 


(i)  P.  ier. 

(2)    SÉMILLARl». 


1570  CHAPITRE   XIX.  639 

et  des  troupes  royales  dans  d'autres  parties  de  la  contrée. 
Wolrad  de  Mansfred  inspire  la  plus  grande  terreur.  Il  est 
surnommé  Mâchefer,  Il  a  la  réputation  de  manger  tous 
les  jours,  à  son  déjeûner,  une  salade  de  clous  de  char- 
rette. Cette  énorniité  n'a  rien  qui  doive  surprendre, 
quand  on  se  rappelle  celles  qui  circulaient  pendant  la 
guerre  de  1870  et  pendant  des  troubles  beaucoup  plus 
modernes  et  plus  rapprochés  de  nous. 

Les  troupes  royales,  sous  le  commandement  du  maré- 
chal de  Cossé-Brissac,  sont  réunies  près  de  Moret.  C'eût 
été  grande  joie,  si  celte  armée  eût  été  dissoute  dans  ce 
iieu,  car  le  maréchal  n'eût  pas  eu  à  la  conduire  du  côté 
de  Vertus,  et  elle  n'aurait  pas   tait  subir  de   grandes 
pertes  aux  villes  et  pays  de  Montereau,  de  Sens,  Bray, 
Traînel,    Nogent,    Pont,   Provins,    Villenauxe    et   Sê- 
2anne  (1). 

La  gendarmerie,  qui  était  dans  la  ville  de  Sens  et  sur 
la    rivière  de  Seine,   traversa  cette  rivière   à  Bray,   à 
logent  et  à  Pont,  ainsi  que  par  les  ports  et  passages 
situés  entre  ces  villes  et  se  dirigea  vers  la  Brie,  les  6,  7, 
S  et  9  août.  Le  maréchal  se  logea  à  Provins  et  y  sé- 
journa quatre  jours.  Il  y  fut  défrayé  par  les  habitants. 
Puis  il  vint  camper,  avec  ses  troupes,  près  de  Yillenauxe- 
la-Grande,  composa  avec  les  habitants  et  ceux  de  Cha- 
Jautre,  sur  le  prix  d'une  rançon,  et  ces  deux  localités 
évitèrent  ainsi  le  pillage.  Pendant  que  l'armée  était  près 
de  Villenauxe,  les  commissaires  aux  vivres  vinrent   à 
Troyes,  chercher  cent  muids  de    blé  fournis   par  une 
contribution    levée   en   nature    sur   les    habitants  (2). 
D'Hermé,  rartillerie  fut  conduite  en  partie  a  Nogent, 
tandis  qu'une  autre  vint  camper  au  hameau  des  Vi- 
gneaux, commune  de  Barbuise.  Dans  les  mêmes  jours, 

(1)  Cl.  Hatton.  p.  599. 

(2)  A.  il. 


640  HISTOIHB  DE  TKOYES.  1570 

rarniral  de  Goligny  était  campé   proche  de  la  ville  de 
Troyes  (1  ). 

De  Villenauxe,  le  maréchal  de  Cossé-Brissac  conduisit 
ses  troupes  vers  Sézanne,  où  il  séjourna  six  jours,  puis 
il  se  dirigea  sur  Vertus,  et  là  il  la  contjédia.  Les  alle- 
mands, les  reîtres  el  les  suisses  prirent  le  chemin  de 
Châlons,  et  les  français  rentrèrent  dans  leurs  foyers.  Les 
compagnies  entretenues  furent  envoyées  prendre  gar- 
nison dans  les  villes  frontières  de  Picardie  et  de  Lor- 
raine. Le  reste  de  Tartillerie,  ramené  à  Nogent  avec  ce 
qui  s'y  trouvait  déjà,  fut  conduit,  par  eau,  à  Paris  (2). 

Une  nouvelle  paix  est  signée  à  St-Germain-en-Laye, 
le  8  août  1570.  Le  passé  est  oublié,  la  religion  catho- 
lique rétablie  partout  où  elle  a  été  suspendue.  La  liberté 
de  conscience  est  implicitement  accordée  par  tout  le 
royaume.  Le  libre  exercice  de  la  religion  «  dite  reformée» 
est  octroyé  à  toute  personne  ayant  haute  justice  ou  plein 
fief  de  haubert,  savoir  :  dans  le  principal  domicile,  que 
le  maître  fût  présent  ou  absent,  et  dans  les  autres  mai- 
sons, en  sa  présence  seulement;  le  tout,   tant  pour  te 
seigneur  que  pour  sa  famille,  ses  sujets  «  et  autres  qui 
y  voudroient  aller.  »  Les  simples  feudataires  ont  le  môme 
droit  |)our  eux,  leur  faniille  et  dix  de  leurs  amis  au  plus. 
L'exercice  du  cuUe  réformé  est  maintenu  dans  les  villes 
où  il  se  trouvait  établi  le  l^r  août  1570,  et  concédé  Jdds 
les  faubourgs  de  deux  villes  de  chacun  des  grands  gou- 
vernements de  France.  Ne  doit  élre  faite  aucune  distinc- 
tion, |)our  cause  de  religion,  dans  les  universités,  écoles, 
hôpitaux,  maladreries  et  aumùnes  publiques.  *  Ceux  de 
la  religion  »  sont  déclarés  capables  de  remplir  toutes  les 
charges  royales,  seigneuriales  et  municipales,  el  doivent 
élre  remis  en  possession  de  leurs  otïîces. 


(!     A.  17. 
"2    i'.i  .   IIatton.  3/t*m<)!rM,  p.  51)0. 


«571  CHAPITRE  XIX.  Mi 

Cette  paix  donna  satisfaction  à  la  reine-mère  qui  au- 
rait fait  de  plus  larges  concessions,  si  les  protestants 
eussent  été  plus  exigeants.  Coligny,  alors  chef  de  son 
parti,  était  fatigué  de  la  guerre  et  des  désordres  qui  sont 
la  suite  de  ces  luttes  abominables. 

Dans  le  cours  de  Tannée  1570,  le  calme  aurait  à  peu 
près  été  complet  à  Trêves.  Néanmoins,  en  janvier,  Nicolas 
de  St-Aubin  est  nommé  contre-garde  de  la  monnaie  par 
le  maire  et  les  échevins,  en  remplacement  de  Denis  Lebé, 
absent  pour  cause  de  religion  depuis  plus  de  deux 
ans  (1).  En  mai,  on  constate  Tabsence  de  Claude  de 
Marisy,  seigneur  de  Valentigny,  de  sa  femme  Ambroise 
Pithou  (2),  de  Denis,  de  Noël  et  de  Robert  Lebé,  et  de  la 
famille  de  Pierre  Nevelet.  Le  Conseil  de  ville  fait  louer 
leurs  maisons  au  profit  de  la  cause,  par  les  officiers  du 
roi  (3).  Les  Pithou  ne  sont  pas  à  Troyes. 

A  peine  est-il  question  de  paix  que  le  maire,  les  éche- 
vins, le  clergé  et  les  officiers  de  justice  font  de  nouvelles 
démarches  près  des  cardinaux  de  Lorraine  et  de  Guise, 
afin  d'empêcher  rétablissement  d'un  prêche  dans  la  ville 
ou  dans  les  faubourgs. 

Quoique  Tédit  ait  donné  des  libertés  aux  protestants, 
ceux  de  Meaux,  de  Troyes  et  de  Sens  se  décident  diffici- 
lement à  retourner  à  leurs  domiciles.  Les  catholiques 
gardent  toujours  et  avec  soin  leâ  portes  de  leurs  villes. 
Ce  n'est  qu'après  la  déclaration  royale  de  janvier  1571, 
ordonnant  à  tous  les  Français  de  mettre  bas  les  armes, 
que- la  sécurité  renaît  dans  les  esprits  et  que  les  réformés 
rentrent  dans  leurs  anciennes  demeures. 

(1)  A.  17. 

(2)  Ambroise  Pitliou,  femme  de  Claude  de  Marisy.  tient,  dans  les 
biographies  de  La  France  protestante,  une  place  des  (dus  honora- 
bles. Elle  y  est  mentionnée  comme  femme  d'un  caractère  énergicpje 
et  sup|K)rtant  les  pers«*culions  et  l'exil  over  le  plus  {^rand  coura^re. 

(3}  A.  17. 

III.  Ui 


648  HlSTOmB  DK  TROYBS.  1571 

Véaselay  conBerve  l'exercice  du  culte  réformé;  maie 
trop  éloignée  de  la  Brie  et  de  la  Champagne,  les  protes- 
tants de  Provins,  de  Meaux,  Nogent,  Troyes,  Pont, 
Séianne  et  autres  villes  de  ces  deux  provinces,  obtien- 
nent, en  vertu  de  Tarticle  8  de  Tédit  du  8  août,  Tautori- 
sation  d'établir  un  prêche  dans  les  faubourgs  de  Ville- 
nauxe-la-6rande.  Mais,  comme  le  mandement  royal  ne 
porte  que  Villenauxe,  le  bailli  ne  veut  consentir  à  son 
exécution,  objectant  que  ce  lieu  doit  être  ViUenauxe-la- 
Petite  (canton  de  Bray-sur-Seine).  Cette  difTiculté  empé^ 
cha  l'établissement  du  prêche  autorisé. 


TABLE 


i>u 


(inAPîTBE  Xllf  (de  septembre  ^435  nu  22  juillet  4461  ).  i 

Chapitbe  XIV     (de  juillet  4464  à  septembre  4483) 74 

Chapîtbe  XV     (de  septembre  4483  à  janvier  4515) 463 

Chapitre  XVI     (de  janvier  4545  à  4536) 283 

Chapitbe  XVII    (  de  1536  au  40  juillet  4559) .^63 

Chapitbe  XVIII  (du  40  Juillet  4  559  à  janvier  4  563  (v.  st.)  454 

Chahtre  XIX  (de  janvier 4 563  (v.st.)  ùjuillct  4570)  ..  563 


THOYES.  —  TYP.   BCRTn\ND-ilO. 


-  • 


9 


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