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HISTOIRE
DE LA VILLE DE TROYES
ET
DE LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE
HISTOIRE
DE LA VILLE DE TROYES
DE LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE
T. BOUTIOT
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~). TROISIÈME VOLUME
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TROYES
DUFEY-ROBERT, LIBRAIRE
me Notre-Dame, 83
PARIS
AUG. AUBRY. LIBRAIRK
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Et chM touB les Libraires du départeiDent de l'Anbe
1873
53
7
-55i
HISTOIRE
DE LA VILLE DE TROYES
ET
DE LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE
CHAPITRE XIII
I>o Soptonitoro 1435 au 529 Julllot l'iGl
SOMMAIRE :
Continuation do la (ruerre contre les Anglais. — Grande misèro.
— Le connétable de Richemont, lieutenant-^çénéral en Cham-
pagne. — Rôprlement sur la navigation. — Siège de Montereau.
— La ville de Troyes y prend part — Réunion des Trois-Elats
à Bray. — Jean Darc, arpenteur du roi en Champagne. — Mort
de Jean de Gand. — Le Bâlard de Vertus à Troyos. — Courses
des gens de guerre. — Charles VII à Troyes , à Bar-sur-
Aube. — Répression contre les gens de guerre. — Suppression
des droits sur la (jasielleric^ et du droit de pontenage, —
Dispense du ban et de l'arrière-ban. — Garde des pays de la
rivière de Seine confiée à des commissaires royaux. — Voyage
de révéque et de quelques habitants de Troyes, près du roi.
— Le duc et la duchesse de Bourgogne, à Troyes. — Incendie
de la ville de Nogent-sur-Seine. — Nouvelles courses des gens
de guerre. — Ervy au pouvoir du duc de Bourgogne. — Traité
de la ville de Troyes avec M. de Bueil. — Jean-le-Champenois
i St-Lyé. — Le dauphin passe à Troyes, puis le roi. — Seconde
partie du règne de Charles VII ; Réformes dans le clergé ;
Décrets du Concile de Bâle ; Statuts synodaux de Tévôque, Jean
Léguisé. — De la Fôte des Fous ; de celle des Innocents ;
itt. 1
HISTOIRE DE TROTES.
TentatiTes de suppression. — Llnquisiteur de la Foi aa diocèse
de Troyes. — Mœurs du clergé. — Querelle entre TéTêque et
l'abbaye de N -D.-aux-Nonnains. — Excommunication de Tab-
besse et autres. — Causes de cette excommunication. -
Menaces d'interdit contre les paroisses relevant de Tabbaye.
— Ajournement de TaLbessc aux Grands-Jours de Vermandois.
— Excommunication appliquée aux faits civils. — Les Enfants
de la Calamité, — Quêtes et Indulgences ; Quétains et Mira-
cliers; Opinion^ au XV«^ siècle, sur les origines de la cathédrale.
— Grands pardons. — Quêtes. — De rartillerie ; ses progrès;
Jean et Gaspard Bureau ; Canons fabriqués à Vendeuvie. — De
la cavalerie ; Lances fournies en garnison à Troyes. — Impôt levé
pour leur entretien. — Des Finances et des Impôts. — Circons-
criptions financières. - Privilèges en faveur des papetiers ,
parcheminiers et messagers de rUnivei*sité. — L*évèque de
Troyes , Louis Raguier , excommunié par rrniversilé. — De
. quelques levées de deniers à Troyes et dans le diocèse, et de
leur emploi. — Taxes sur les marchandises levées au port du
Pont-Hubert. — Commerce d'épiceries et de drogueries avec le
Levant; des droits d'entrée. — Le Conseil de ville demande la
suppression des droits levés dans l'intérieur du royaume. —
Des monnaies et de leur circulation. — Administration de la
justice. — Réformes. — Concordats entre le roi et Tévéque
de Troyes. — Les Quatemcs de co concordat. — Décisions sur
les attributions de la justice royale et de la justice ecclésiastique.
— De Tadminist ration de la ville. — De son Conseil ; élection ;
Noms des membres élus à T Assemblée de la Saint-Bamabé ;
— Des Francs- Archers: — Des usages ou terrains appartenant
à la communauté des habitants. — Ferme de la Maille levée
sur le pain. — De la voirie et de ses revenus. — De grands
crots se forment dans les rues do Troyes. — Les grands et
les petits ponts. — Droits du Chapitre de Saint-Etienne sur ces
derniers. — Procès et transactions entre la ville et le Chapitre
de Saint-Etienne et le Prieur de Saint-Quentin, Abbé de Mo-
léme, à Toccasion de diverses chaussées. — Procès entre les
Antonins et le Chapitre de Saint-Etienne — Comte de la petite
Egypte en passage à Troyes. — Des écoles. Des foires de Troyes ;
Confrérie des foires, — Marchandises dont l'entrée est interdite
en France. — Statuts des boutonniers; nouveaux statuts des
cordonniers, bananiers et savetiers ; Statuts des charpentiers ;
des contrepointiers. — Développement de l'industrie ; Recons-
truction des moulins à blé ; Règlement relatif à la vanne du
Poucej aux Moulins brûlés et de Saint-Quentin , à ceux de Jail-
lard et de Meldançon , a la Grande-Pointe , au Coulis de la
Planche-Clément ; Sentence arbitrale relative à ladite vanne du
Pouce. — Navigation de la Barsc et de la Seine. — Nouveaux
1488 CHAPITRE XDI. 3
affranchissements intlividuels et de communautés d'habitants. —
Paiiajj'cs de serfs. Décisions relatives à la noblesse utérine.
— De diverses i\tniillcs ; de la famille Bureau ; de Jacques
Cœur. — Moralité à personnages. - Mort de Chai'les VII. —
Résumé de ce chapitre.
Comme il arrive toujours , la guerre a ses dépenses,
la paix a les siennes. Celles-ci ne sont souvent qu'un
arriéré qu'il faut solder. Aussi après la publication de la
paix d'Arras, un nouveau subside frappa-t-il les popu-
lations champenoises.
Bien que la paix fût signée le 21 septembre entre
Charles VII et le duc Philippe , la guerre n en continua
pas moins sur le territoire français. La lutte se main-
tint entre Charles VII et le duc de Bourgogne, d'un
côté, et Henri VII d'Angleterre, de l'autre. Elle eut pour
théâtre d'autres contrées que la Champagne. Elle fut
moins vive^ moins ardente qu'avant le traité. Les An-
glais perdirent chaque jour du terrain.
Dans la Champagne , c'est moins la guerre qui est à
redouter que les troupes de gens de guerre, ne quittant
pas leur rude, mais lucratif métier, conservant leurs
habitudes de maraudage et de pillage. Le moment n'est
pas encore venu où toutes ces bandes se dissoudront.
Ne sachant dans quel parti ils se jetteront, ils parcourent
la campagne à leur profit , ayant à leur tête La Hîre ,
Saintrailles, le comte de Dammartin , Bruzac, Blanche-
fort, Villandras, Guy et Alexandre de Bourbon, Fortépice,
etc. , malgré les poursuites judiciaires dont quelques-
uns sont l'objet. Dans le cours de 1436, une bande de
ces proscrits parcourt la Picardie et la Champagne, puis
se jette en Bourgogne (1).
La ruine est partout, les villages sont abandonnés, les
terres incultes et les revenus sont nuls. Ces bandes de
malfaiteurs sont composées surtout de gens qui n'ont
(1) D. Plancher. Hi$U de Bourg, , t. iv, p. 282.
4 HISTOIRE DB TROYES. 1437
de ressources que dans le pillage. Aussi, en voit-on c se
rendre Bourguignons > avant la paix el, après, « se
rendre Anglais ^ et passer ainsi d'un parti à l'autre ,
selon la bonne fortune qu'ils attendent de ce change-
ment. Aix-en-Otlie passe des mains des Français aux
mains des Anglais pendant plusieurs années et le châ-
teau a garnison. La population en a presque disparu (1).
La misère est telle que la paroisse de Saint-Remy, de
Troyes, vend, en mai 1435, t pour la grande nécessite
de l'église, un calice moyennant huit livres t. »
En février 1437 (n. st.), Charles Vil nomma Arthur de
Richement, déjà connétable, « son lieutenant-général
dans les pays de France (Ile-de-France), Champagne,
Brie, Beauvoisis, Normandie, Picardie et autres sur et
outre les rivières d'Yonne et Seine > (2).
En 1420, les marchands hanses de la ville de Troyes
avaient obtenu le privilège de ne payer aucun droit aux
compagnies française et normande pour descendre ou
remonter la Seine, mais ils devaient acquitter les droits
au passage de certaines villes ou seigneuries, situées
sur les bords de la Seine, telles qu'à Méry, à Pont, à
Nogeht, Noyen, Uray, Marolles, Montereau, Moret, Melun
et Gorbeil.
Lorsque les marchands de Troyes obtinrent leurs
privilèges c touchant le fait de la rivière » il y avait
quatre mois à peine que le pouvoir du roi y avait été
reconnu. Alors Charles VII n'avait pas craint de blesser
ceux des compagnies française et normande : Paris et
Rouen étant alors entre les mains de ses ennemis. Mais,
en 1437, les événements ont marché, Paris vient de se
rendre et Rouen peut se soumettre. Aussi, à cette épo-
(i) Arch. dép. ; G. 368 « quar on ne trouvait à qui louer par
» faute de peuple. » « parce qu'il n'y avoit au lieu, comme per-
» sonne, ne peuple ne bestes. »
(2) Vallkt de Viriville. Hist, de Charles VIJ^ t. 11, p. 346.
1437 CHAI»inŒ XIII. 5
que, lo roi est-il moins généreux, moins libéral. Au lieu
d'élargir ces privilèges, le roi restreint les faveurs accor-
dées précédemment aux Troyens. Ainsi il veut que le
port de Troyes soit franc c sans que la hanse ait lieu,
ni puisse se constituer ; » que les transactions, relatives
au commerce de la navigation, ne soient pas régies par
les coutumes en usage pour les dettes contractées aux
foires de Champagne, — ce qui constitue une exception,
— mais jugées par le bailli de Troyes ou son lieutenant
Il interdit aux habitants de Troyes le commerce du sel,
même sous la réserve de ses droits (1).
Pendant Tété de 1437, Charles VII fait assiéger Châ-
teau-Landon, Nemours et Charny. Ces trois places se
rendent en août, et le roi lui-même vient mettre le siège
devant Montereau. Les communes de Champagne et no-
tamment celles de Troyos, do Uheims, de Langres et de
Châlons y envoyèrent des hommes et un matériel do
siège. La ville de Troyes lève, sur elle-même, trois
tailles et contracte deux emprunts qui , ensemble mon-
tent à environ 5,357 livres (ou environ 220,000 francs
de notre monnaie, valeur do 184(5) (2).
Les fonds nécessaires aux dépenses faites à Toccasion
de ce siège furent octroyés an roi par une assemblée des
Trois-États des pays en-deçà de la Loire, convoquée à
Bray-sur-Scine, A cette assemblée, les Troyens avaient
député Jean Raoulin , abbè de Montier-la-Celle , Jean
Hennequin, Perrot Lobeuf et Laurent Tourier, celui-ci
leur clerc et procureur. La ville est taxée à 600 livres
tournois, mais par un zèle tout patriotique, les habitants
(i) Arch. mun., et Boltiot. Notice sur la navigation de la Seine
et de la Barse. Troyes, 1856.
{^) Monstrelet ne parle pas de Taction des communes dans cette
entreprise , quoiqu'elles eussent une fort grande part dans le
succès.
6 HISTOIRE DE TROYES. 1437
s'imposent pour des sommes beaucoup plus considé-
rable».
La ville contribue à ce siège mémorable par Tenvoi
de canonniers, d'arquobusiers, de maçons cl de manœu-
vres: ceux-ci sont chargés de Tassaut qui eut lieu le 10
octobre; par celui de sa grosse bombarde, dite Vigou-
reuse, de deux voguelaires en cuivre , de huit grosses
arbalètes à tourets, de cinq couleuvrines de cuivre, de
cinq autres en fer, d'une grande provision de boulets de
pierre et de balles de plomb. Ce matériel descendit la
Seine jusqu'à Moniereau ; on le chargea au port de
Fouchy, sauf la grosse bombarde , qui, à cause de sa
pesanteur, ne fut embarquée qu'à Saint-Mosmin (1).
Le prévôt de Troyes, Antoine Guery, eut la direction
des gens et du matériel de la ville, quoique le bailli,
Guillaume Bellier, assistât au siège. Celui-ci étendait
sans doute son autorité sur les troupes fournies par les
communes de Champagne, car la ville de Langres lui
fit don de six tasses d'argent fin , verrées et martelées,
du prix de 54 liv. 10 s. t., afin qu'il prît soin des bom-
bardes envoyées par elle et qu'il n'employât pas, pour
les y conduire, des chevaux de Langres ou des envi-
rons (2).
La prise de la ville et du château de Montercau ouvre
à Charles VU les portes de Paris. 11 y fait son entrée le
12 novembre 1437.
Aussitôt après la réduction de Paris et débarrassé de
l'influence de Georges de la Trimoille, une réaction fa-
vorable à Jeanne Darc s'exerce sur l'esprit du roi. Vers
cette époque, Jean Darc, oncle de Jeanne, est nonnné
arpenteur du roi pour le département de France (lle-de-
(i) Arch. mun.; F. iv> 56. — Bovtiot. Dépci^ses faites par la
ville de Troyes, à Voccasion du aiéffc de Moniereau, par Charles VIL
en i431. — Troyes, 1 855.
(2) Arch. comm. de LangreSi Comptes du Procureur,
1438 CHAPirUE XIII. 7
France) et de Champagne. Il prête serment, en cette
qualité, à la Chambre des comptes avec les premiers
officiers royaux compris dans la réorganisation des pou-
voirs publics (1).
Pendant les années 1437 et 1438 la peste sévit à
Troyes et dans toute la Champagne. L'année 14-37 avait
été fort pluvieuse et les recolles furent perdues. La peste
et les retondeurs et écorcheurs occasionnèrent de grands
maux pendant ces deux années (2).
En 1439, le 29 septembre, mourut à Troyes, en odeur
de sainteté, le bienheureux Jean de Gand, à Thôtel des
Maures, où il habitait le plus souvent. Cet ermite fut
enterré dans l'église des Jacobins. Il fut déposé dans un
cercueil de bois et sous une tombe de pierre (3). A ses
pieds, fut enterré frère Didier, jacobin en renom.
Philippe -Antoine d'Orléans, dit le Bâtard de Vertus
(4), tient le pays entre In Seine et l'Aube, et rôde avec
ses Iroupes jusqu'aux portes de Troyes. En juillet 1438,
il est à Plancy, à St-Lyé, à Mory, où il paraît avoir pris
garnison. Les habitants de Troyes le repoussent dans
une sortie qu'ils font contre lui. Quelques-uns d'entr'eux
sont faits prisonniers et parmi eux se trouve Nicole
Mauroy, élu. La ville rachèle ses prisonniers au prix de
400 saluts d'or. Des difficultés surviennent pour acquitter
cetfe somme, dont une partie est fournie en vaisselle
d'argent portée à Méry . Mais le Bâtard voulut venir à
Troyes pour toucher ce qui lui était encore dû , ce
(1) Vallet de Viriville. Hist, de Charles VU, 1. ii, p. 366.
(2 Les années 1439 et 1440 furent encore fort difficiles à passer.
Car on lit aux Comptes de Tévêché : « Rien du gagnage de Méry,
qui n'a pu trouver de fermier, pour la mortalité qui estoit audJieu
de Méry et au pays d'environ. » (Arch. dép. ; G. 299.)
(3) Desouerrois. La Saincteté chrétienne.
(4) Il était fils naturel de Philippe d'Orléans et petit-fils de
Charles V.
H mSTOOIE DR TBOTES. tim
qu'il tit en se faisan l accompagner «ie six de ses ar-
chers i i ' .
Les .Qfarnisons deMeaux, de Crécy. de Nogrent-rArtaud
et d'autres encore, en avril 1-U^X après Pâques, formant
une bande d'environ deux cents chevaux , passent près
de Méry et se disposent à venir courir les champs devant
la ville de Troves (2; .
Charles VII, en 1440, réside successivement i Bour-
ges, à Orléans, puis à Chartres. De cette dernière ville,
accompagné du jeune dauphin Louis, il se dirige sur la
Champagne et s'arrête d'abord à Sens. Depuis le voyage
du sacre, il n'avait pas revu les pays situés entre l'Yonne
et la Seine, quoique, ralliés à l'unité politique, ils appe-
lassent par leur état de souffrance et de misère toute
sa sollicitude. La guerre, la famine, la peste, une ruine
complète désolent cette contrée. Depuis que le Bâtard
de Vertus a exploité les bords de la Seine , le comte de
Vaudcmont (mai l-liO occupe le château de Doulevent,
et ses gens tiennent la province et se répandent jus-
quaux portes de Troves, tandis qu'Alexandre, Bâtard
de Bourbon, exploite les environs de Bar-sur-Aube.
Ces troupes de misérables s*emparent surtout des
moulins et des fours hannaux; moyen d'affamer le pays
et de le rançonner a\oc plus de succès. Us mettent à
( î ; f^ ville poSfiV.Mie la quittante originale , elle est ainsi conçue :
c i»^ phe Anthoine, Bastart de Vertus, me tiens pour content des
j» hahitans de la Tille de Ti oyes. de la somme de quatre cens escos,
» qu'ils m'avoienl promis pour et a cause de certain desplaisir qu'ilz
9 mavoient voulu faire moy estant logé à Si-Lyê. En tesmoiiig de ce
> j«? scelle ceste présente quistance de mon signet d'armes et signé
* de mon saing: manuelle, vint neuf? jour de juillet mil mi c. xxxviii.i»
t Ainsi si'çTî»* : • Le Rastart de Vertus <* et sondict signet d*annes
* placqii»' en lad. quictanco en cire roujre en droit ce mot mil. »
(Arcb. mim. , série BB. C"*», 8 liasse I*-* . Ce dé|K«t contient encore
des lettres du b;\tard des Vertus, portant les dates des ^ et 97
jiiiUei i43d.)
(i) Ardi. mim.
1440 CHAPITRE XIII. 9
rançon les vannes des moulins. La circulation est alors
presque nulle. La ferme de la Chaussée ne fait aucune
recette, en raison des gens d'armes, « qui (en 144-0 et
1441) estoienl autour de la ville (1) > et qui n'a le plus
souvent que trois portes ouvertes et mémo une seule,
de novembre 1440 à février suivant.
La lutte entre le duc de Lorraine et le comte de Vau-
démont, à Tégard de la succession de la Lorraine, se
rallume et les gens de guerre tiennent les frontières de
Lorraine, de Champagne et de Bourgogne.
Charles VH est à Sens le 14 janvier 1440 (v. st.). Il
arrive à Troyes le 24 et y reste jusqu'au 31. Il demeure
à Bar-eur-Aube du 1er au 9 février, à Langres du 9 au
22. Le 25, il est à Montesclaire (2) et le 28, à Vaucou-
leurs.
A son passage à Troyes, Charles VII demande un em-
prunt de mille livres tournois, qui lui est avancée par
quelques notables. Il vint au secours des cinq hôpitaux,
les affranchit de toutes tailles et subventions, de Taide
de cinq sous pour Tentrée de chaque queue de vin,
du guet et garde de la ville de Troyes et autres lieux,
du droit de moulage, et les dispense de fournir leurs
chevaux de labour et autres aux chevaucheurs du roi ,
sans leur consentement (3).
L'abbé et les religieux de Monlier-la-Celle portent
aussi leurs plaintes au roi. Leur abbaye a été brûlée
pendant les guerres, leur château et forteresse de Ver-
dey (4), qu'ils ont achetés de Jean deLancaslre, ont été
démolis, leurs granges et leurs manoirs de Sompoix,
près de Provins, et de Barberey-aux Moines, près de
(1) Arch. mun., n. f., série C, n» il.
(2) Près d'Ândelot, (Haute-Marne). Ce château est complètement
en ruine.
(3) Arch. dép., f. de rH.-D.-ie-Cie ; lay. 5».
(i) Marne, canton de Sésanne.
10 HISTOIRE DE TROYES. \uo
Troyes, ont été abattus. Ils demandent la pemnission de
couper, dans la forêt domaniale de Vaulenouse (située
dans la forêt d'Othe), pendant six ans , les bois qui leur
sont nécessaires pour reconstruire leurs édifices ruinés.
Les Bourguignons, souffrant aussi des courses des
gens de guerre, se plaignent à Charles VII de Tinexécu-
tion du traité d*Arras. Le 26 janvier , étant à Troyes, il
donne des ordres pour faire cesser ces infractions aux
conventions arrêtées entre lui et le duc de Bour-
gogne (1).
Ce voyage du roi a surtout pour but de réprimer les
désordres et les excès des gens de guerre. A Troyes , il
n'eut pas d'exécution à ordonner ; mais, à Bar-sur-Aubc,
le bâtard Alexandre de Bourbon, étant à la tête d'une
colonne d'écorcheurs, se présente à lui au moment où
des paysans lui portent leur plainte et lui demandent
l'exécution de son ordonnance du 2 novembre 1439,
prescrivant la dissolution des bandes armées et décla-
rant toute infraction à cette loi, crime de lèse-majesté. Le
roi fait arrêter ce chef de bande par Tristan-rErmilo,
prévôt des maréchaux : jugé de suite , le bâtard de
Bourbon est condamné à mort, mis dans un sac et, du
haut du pont do l'Aube, jeté à la rivière. Si les habitants
delà province lui reprochaient ses nombreuses victimes,
le roi l'accusait d'avoir engagé le dauphin Louis à se
révolter contre lui.
Cette sentence, rendue contre l'un des chefs les plus
hardis des écorcheurs et retondeurs, produit un ettct
salutaire. Le roi, continuant son voyage en Lorraine^
soumet Robert de Sarrebruck, l'un des alliés du balard
de Bourbon, à un traité de réparation.
En avril 1440 , les habitants de Troyes envoient le
(1) Arch de Bourgogne, Compte de Vizen, receveur général, d'a-
près VAnn. de l'Yonne, 1865, p. 134, 3« partie*
1440 CHAPITHE XIII. 11
messager Perrinct porter lettres à Bourges, à « MM. les
» Prélats et gens des Tpois-Etats, assemblés pour lo fait
> de Tunion de PEglise et la paix des royaumes de
1 France et d'Angleterre > et aussi pour s'enquérir des
nouvelles du roi, du dauphin , et savoir en quels lieux,
eux et leurs armées se trouvent. Ce voyage dure vingt
jours et le messager fut détroussé en route (1 ).
En celte année, s'éteignit définitivement un droit que
révêque percevait sur les pâtissiers ou sur la pâtisserie,
ou mieux sur la gastellerie de Troyes. Depuis longtemps
déjà ce droit se payait mal ou ne se payait plus. Il se
montait à environ trente sous par an (2).
La ferme du Ponte naige fut aussi supprimée. Cette
ferme n'était autre qu'un droit de péage perçu par la voi-
rie aux Moulins-aux -Monts, sis sur la Vieille-Seine,
près de St-Parres (3).
Depuis longtemps cette ferme n'avait été louée, parce
qu'à la diligence des voyeurs et avec l'aide des habitants
des paroisses intéressées, ceux-ci avaient volontairement
amené des terres et des gravois à corvée pour élever
le terrain. * Le lieu dudit Pontenage a été et est lelle-
» ment haussé, qu'il n'y est plus besoin d'y avoir na-
» celle , mais à la condition que ces travaux seront
» continués et entretenus. >
Cette ferme étant supprimée , l'entretien de cette
chaussée (4) resta à la charge des habitants des paroisses
intéressées. Au XVIlIc siècle, celle chaussée fut rempla-
cée par celle qui, du faubourg St-Jacques conduit à
St-Parres et qui est placée au midi de l'ancienne.
En juin 1441, les habitants de Troyes envoient Lau-
rent Touricr, leur clerc, près do Charles Vil, alors
(1') Arch. mun., n. f.
(2) Ajch. dép. , G., 299.
(3) Voir ci-dessas, t. ii, page
(4) Arch. mun.y n. f., série G., n»
4 HISTOIRE DS TROYES. fm
de ressources que dans le pillage. Aussi, en voit-on t se
rendre Bourguignon^ s avant la paix et, après, c se
rendre Anglais ^ et passer ainsi d'un parti à Tautre,
selon la bonne fortune qu'ils attendent de ce change-
ment. Aix-en-Otlic passe des u:ains îles Français aux
mains des Anglais pendant plusieurs années et le châ-
teau a garnison. La population on a presque disparu (1).
La misère est telle que la paroisse de Saint-Remy, de
Troyes, vend, en mai 1 ISr», t pour la grande nécessité
de Téglise, un ralicc moyennant huit livres t. »
En février M37 (n. st. , Charles VU nomma Arthur de
Richemont, déjà connétable, ^ son lieutenant-général
dans les pays <le France .lle-de-Francei, Champagne,
Brie, Beauvoisis, Normandie, Picardie et autres sur et
outre les rivières d'Yonne et Seine » 2'.
En 1420, les tnarehan«ls hanses de la ville de Troyes
avaient obtenu le privilège de ne payer aucun droit aux
compagnies frani;aise et normande pour descendre ou
remonter la Seine, mais ils devaient acquitter les droits
au passage de eertaines villes ou seigneuries, situées
sur les bords de la Seine, telles qu'à Méry, à Pont, è
Xogent, ^oyen, iîray, iMaroUes, Montereau, Moret, Melun
et Corbeil.
Lorsque les marchands de Troyes obtinrent leurs
privilèges c touchant le fait de la rivière » il y avait
quatre mois à peine que le pouvoir du roi y avait été
reconnu. Alors Charles Vil n'avait pas craint de blesser
ceux des compagnies française et normande : Paris et
Rouen étant alors entre les mains de ses ennemis. Mais,
en 1437, les événements ont marché, Paris vient de se
rendre et Rouen peut se soumettre. Aussi, à celte épo-
(1) Arch. dép. ; G. 368 a qiiar on ne trouvait a qui louer par
» faute de peuple, ù <i parce qu'il n'y avoit au lieu, comme per-
» sonne, ne peuple ne bestes. >>
(2) Vallct de ViRiviLi.E. Hist. de Charles VII^ t. u, p. 346.
j^7 ciiAnrui!: xiii. 5
que, le roi est-il moins gi-néreux, moins libéral. Au lieu
d'élargir ces privilèges, le roi restreint les faveurs accor-
dées précédemment aux Troyens. Ainsi il veut que le
port de Troyes soit franc « sans que la hanse ait lieu,
ni puisse se constituer ; » que les transactions, relatives
au commerce de la navigation, ne soient pas régies par
les coutumes en usage pour les dettes contractées aux
foires de Champagne, — ce qui constitue une exception,
— mais jugées par le bailli de Troyes ou son lieutenant.
Il interdit aux habitants de Troyes le commerce du sel,
même sous la réserve de ses droits (1).
Pendant Tété de 4437, Charles VII fait assiéger Châ-
teau-Landon, Nemours et Charny. Ces trois places se
rendent en août, et le roi lui-même vient mettre le siège
devant Montereau. Les communes de Champagne et no-
tamment celles de Troyr;s, do Uhoiins, do Langres et de
Châlons y envoyèrent des hommes et un matériel do
siège. La ville de Troyes love, sur elle-même, trois
tailles et contracte deux emprunts qui , ensemble mon-
tent à environ 5,357 livres (ou environ 220,000 francs
de noire monnaie, valeur do 1846) (2).
Les fonds nécessaires aux dépenses faites à Toccasion
de ce siège furent octroyés au roi par untî assemblée des
Trois-F^tats des pays en-deçà de la Ivoire, convoquée à
Brav-sur-Scine, A cette assemblée, les Trovens avaient
député Jean Raoulin, abbc de Monlier-la-Celle , Jean
Henneqnin, Perrot Lnbeuf et Laurent Tourier, celui-ci
leur clerc et procureur. La ville est taxée à 600 livres
tournois, mais par un zèle tout patriotique, les habitants
(1) Arch. mun., et Boutiot. Notice sur la navigation de la Seine
et de la Barse. Troyes, 1856.
(2) Monstrelet ne parle pas de l'action des communes dans cette
entreprise , quoiqu'elles eussent une fort grande part dans le
succès.
6 HISTOIRE DE TROYES. 1437
s'imposent pour des sommes beaucoup plus considé-
rables.
La ville contribue à ce siège mémorable par Tenvoi
de canonniers, d'arquolnisiers, de ma(;ons cl de manœu-
vres: ceux-ci sont chargés de Tassant qui eut lieu le 10
octobre; par celui de sa grosse bombarde, dite Vigou-
reuse, de deux voguelaires en cuivre , de huit grosses
arbalètes à tourets, de cinq couleuvrines de cuivre, de
cinq autres en fer, d'une grande provision de boulets de
pierre et de balles de plomb. Ce matériel descendit la
Seine jusqu'à Monlereau ; on le chargea au port de
Fouchy, sauf la grosse bombarde , qui, à cause de sa
pesanteur, ne fut embarquée qu'à Saint-Mesmin (1).
Le prévôt de Troyes, Antoine Guery , eut la direction
des gens et du matériel de la ville, quoique le bailli,
Guillaume Bellier, assistât au siège. Celui-ci étendait
sans doute son autorité sur les troupes fournies par les
communes de Champagne, car la ville de Langres lui
fit don de six tasses d'argent fin , verrces et martelées,
du prix de 54 Hv. 10 s. t., afin qu'il prît soin des bom-
bardes envoyées par elle et qu'il n'employât pas, pour
les y conduire, des chevaux de Langres ou des envi-
rons (2).
La prise de la ville et du château de Montercau ouvre
à Charles VII les portes de Paris. Il y fait son entrée le
12 novembre 1437.
Aussitôt après la réduction de Paris et débarrassé de
l'influence de Georges de la Trimoille, une réaction fa-
vorable à Jeanne Darc s'exerce sur l'esprit du roi. Vers
cette époque, Jean Darc, oncle de Jeanne, est nonnné
arpenteur du roi pour le département de France (Ile-de-
(i) Arch. mun. ; F. n'^ 56. — Boutiot. Dépenses faites par la
ville de TroyeSy à Voccasiun du siège de MontereaUjpar Charles VII.
en USl. -^ Troyes, 1855.
(2) Arcb. comm. de LangreSi Comptes du Procureur.
1438 GilAFlTUE XIII. 7
France) et de Champagne. Il prête serment, en cette
qualité, à la Chambre des comptes avec les premiers
ofllciers royaux compris dans la réorganisation des pou-
voirs publics (1).
Pendant les années 1437 et 1438 la peste sévit à
Troyes et dans toute la Champagne. L'année 1437 avait
été fort pluvieuse et les recolles furent perdues. La peste
et les retondeurs et écorcheurs occasionnèrent de grands
maux pendant ces deux années (2).
En 1439, le 29 septembre, mourut à Troyes, en odeur
de sainteté, le bienheureux Jean de Gand, à Thôtel des
Maures, où il habitait le plus souvent. Cet ermite fut
enterré dans Téglise des Jacobins. Il fut déposé dans un
cercueil de bois et sous une tombe de pierre (3). A ses
pieds, fut enterré frère Didier, jacobin en renom.
Philippe -Antoine d'Orléans, dit le Bâtard de Vertus
(4), tient le pays entre In Seine et l'Aube, et rôde avec
ses troupes jusqu'aux portes de Troyes. En juillet 1438,
il est à Plancy, à St-Lyé, à Mory, oii il paraît avoir pris
garnison. Les habitants de Troyes le repoussent dans
une sortie qu'ils font contre lui. Quelques-uns d'entr'eux
sont faits prisonniers et parmi eux se trouve Nicole
Mauroy, élu. La ville rachète ses prisonniers au prix de
400 saluts d'or. Des difficultés surviennent pour acquitter
cette somme, dont une partie est fournie en vaisselle
d'argent portée à Méry . Mais le Bâtard voulut venir à
Troyes pour toucher ce qui lui était encore dû , ce
(1) Vallet de Viriville. Hist. de Charles VII, 1. ii, p. 366.
(2 Les années 1439 et 1440 furent encore fort difficiles à passer.
Car on lit aux Comptes de l'tîvêché : m Rien du gagnage de Méry,
qui n'a pu trouver de fermier, pour la mortalité qui estoit aud.lieu
de MéiT et au pays d'environ. » (Arch. dép. ; G. 299.)
(3) Desguerrois. La Saincteté chrétienne,
(4) II était fils naturel de Philippe d'Orléans et petit-fils de
Chailes V.
8 HISTOIRE DE TROYES. U4()
qu*il fit en se faisant accompagner de six de ses ar-
chers (i).
Les îjarnisons deMcaux, de Crécy, de Nogent-rArtaud
et d'autres encore, en avril IMO, aprcVs Pâques, formant
une bande d'environ deux cents chevaux , passent près
de Méry et se disposent à venir courir les champs devant
la ville de Troyes (2).
Charles Vil, en 1440, réside successivement à Bour-
ges, à Orléans, puis à Chartres. De cette dernière ville,
accompagné du jeune dauphin Louis, il se dirige sur la
Champagne et s'arrele d'abord à Sens. Depuis le voyage
du sacre, il n'avait pas revu les pays situés entre l'Yonne
et la Seine, quoique, ralliés à l'unité politique, ils appe-
lassent par leur état de souffrance et de misère toute
sa sollicitude. La guerre, la famine, la peste, une ruine
complète désolent cette contrée. Depuis que le Bâtard
de Vertus a exploité les bords de la Seine, le comte de
Vaudémont (mai 1440) occupe le château de Doulevcnt,
et ses gens tiennent la province et se répandent jus-
qu'aux portes de Troyes, tandis qu'Alexandre, Bâtard
de Bourbon, exploite les environs de Bar-sur-Aube.
Ces troupes de misérables s'emparent surtout des
moulins et des fours bannaux; moyen d'affamer le pays
et de le rançonner avec plus de succès. Ils mettent à
(1) La ville possède la quittance originale , elle est ainsi conçue :
« Je phe Anthoine, Bastart de Vertus, me tiens pour content des
» liabitans de la ville de Troyes, de la somme de (juatre cens escus,
}) qu'ils m'avoient promis pour et a cause de certain desplaisir qu*ilz
)) mavoient voulu faire moy estant logé à St-Lyé. En tesmoing de ce
» je scelle ceste présente quistance de mon signet d'armes et signé
» de mon saing manuelle, vint neufc jour de juillet mil un c. xxxviii.»
» Ainsi signé : « Le Bastart de Vertus » et sondict signet d'armes
» placqué en lad. quictancc en cire rouge en droit ce mot mil. »
(Arcb. mun. , série BB. C«", 8 liasse i^^' . Ce dépôt contient encore
des lettres du bâtard des Vertus, portant les dates des 25 et 27
juUlet 1438.)
(2) Arch. mun.
1440 CHAPITRE XIII. 9
rançon les vannes des moulins. La circulation est alors
presque nulle. La ferme de la Chaussée ne fait aucune
recette, en raison des gens d'armes, e qui (en 1440 et
1441) estoienl autour de la ville (1) » et qui n'a le plus
souvent que trois portes ouvertes et même une seule,
de novembre 1440 à février suivant.
La lutte entre le duc de Lorraine et le comte de Vau-
démont, à Tégard de la succession de la Lorraine, se
rallume et les gens de guerre tiennent les frontières de
Lorraine, de Champagne et de Bourgogne.
Charles VII est à Sens le 14 janvier 1440 (v. st.). Il
arrive à Troyos le 24 et y reste jusqu'au 31. Il demeure
à Bar-eur-Aube du 1er au 9 février, à Langres du 9 au
!22. Le 25, il est à Montesclaire (2) et le 28, à Vaucou-
leurs.
A son passage à Troyes, Charles VII demande un em-
prujît (le mille livres tournois, qui lui est avancée par
quelques notables. Il vint au secours des cinq hôpitaux,
les affranchit de toutes tailles et subventions, de Taide
de cinq sous pour rentrée de chaque queue de vin,
du guet et garde de la ville de Troyes et autres lieux,
du droit de moulage, et les dispense de fournir leurs
chevaux de labour et autres aux chevaucheurs du roi ,
5?ans leur consentement (3).
L'abbé et les religieux de Monticr-la-Celle portent
aussi leurs plaintes au roi. Leur abbaye a été brûlée
[)endant les guerres, leur château et forteresse de Ver-
dey (4), qu'ils ont achetés de Jean deLancastre, ont été
démolis, leurs granges et leurs manoirs de Sompoix,
près de Provins , et de Barberey-aux -Moines, près de
(1) Arcl». lîiun., n. f., série C, n« il.
(2) Près d*Andelot, (Haule-Mamo). Ce chiUeau est complètement
en ruine.
(3) Arch. dép., f. de l'H.-D.-le-Gte ; lay. 5».
(4) Marne, canton de Sésanne.
10 HISTOIRE DE TROYES. 1440
Troyes, ont été abattus. Ils demandent la pemnission de
couper, dans la foret domaniale de Vaulencuse (située
dans la forèt d'Othe), pendant six ans, les bois <\m leur
sont nécessaires pour reconstruire leurs édifices ruinés.
Les Bourguignons, souffrant aussi des courses des
gens de guerre, se plaignent à Charles VU de Tinexécu-
tion du traité d'Arras. Le 26 janvier , étant à Troyes, il
donne des ordres pour faire cesser ces infractions aux
conventions arrêtées entre lui et le duc de Bour-
gogne (1).
Ce voyage du roi a surtout pour but de rcprin)er les
désordres et les excès des gens de guerre. A Troyes , il
n'eut pas d'exécution à ordonner ; mais, à Bar-sur-Aube,
le bâtard Alexandre de Bourbon, étant à la tôle d'une
colonne d'écorcheurs, se présente à lui au moment on
dos paysans lui portent leur plainte et lui demandent
Texécution de son ordonnance du 2 novembre 1439,
prescrivant la dissolution des bandes armées et décla-
rant toute infraction à cette loi, crime de lèse-majesté. Le
roi fait arnHer ce chef de bande par Tristan-rErmito,
prévùl des maréchaux : jugé de suite , lo bâtard de
Bourbon est condamné à mort, mis dans un sac et, du
haut du pont do l'Aube, jeté à la rivière. Si les habitants
delà province lui rc|)rochaient ses nombreuses victimes,
le roi l'accusait d'avoir engagé le dauphin Louis à t:c
révolter contre lui.
Cette sentence, rendue contre l'un des chefs les plus
hardis des écoreheurs et retondeurs, produit un effet
salutaire. Le roi, continuant son voyage en Lorraine,
soumet Uobert de Sarrebruck, l'un des alliés du bâtard
de Bourbon, à un traité de réparation.
En avril 1440 , les habitants de Troyes envoient le
(1) Arch de Bourgogne, Compte de Vizen, receveur général, d'a-
près VAnn. de l'Yonne, 1865, p. 134, 3« partie*
1440 CHAPITHE Xlll. 11
messager Perrinet porter lettres à Bourges, à « MM. les
» Prélats et gens des Trois-Etats, assemblés pour lo fait
> de Tunion de TEglise et la paix des royaumes de
1 France et d'Angleterre > et aussi pour s'enquérir des
nouvelles du roi, du dauphin , et savoir en quels lieux,
eux et leurs armées se trouvent. Ce voyage dure vingt
jours et le messager fut détroussé en route (1 ).
En celte année, s'éteignit définitivement un droit que
révêque percevait sur les pâtissiers ou sur la pâtisserie,
ou mieux sur la fjastellerie de Troyes. Depuis longtemps
déjà ce droit se payait mal ou ne se payait plus. Il se
montait à environ trente sous par an (2).
La ferme du Ponfenaige fut aussi supprimée. Cette
ferme n'était autre qu'un droit de péage perçu par la voi-
rie aux Moulins-aux -Monts, sis sur la Vieille-Seine,
près de St-Parres (3).
De|)uis longtemps cette ferme n'avait été louée, parce
qu'à la diligence des voyeurs et avec l'aide des habitants
des paroisses intéressées, ceux-ci avaient volontairement
amené des terres et des gravois à corvée pour élever
le terrain. « Le lieu dudit Pontenage a été et est telle-
» ment haussé, qu'il n'y est plus besoin d'y avoir na-
» celle , mais à la condition que ces travaux seront
ï continués et entretenus. »
Cette ferme étant supprimée , l'entretien de cette
chaussée (4) resta à la charge des habitants des paroisses
intéressées. Au XVIlIe siècle, cette chaussée fut rempla-
cée par celle qui, du faubourg St-Jacques conduit à
St-Parres et qui est placée au midi de l'ancienne.
En juin 1441, les habitants de Troyes envoient Lau-
rent Tourier, leur clerc, près do Charles VII ^ alors
(1 ) Arch. mun., n. f.
(2} Arch. dép. ; G., 299.
(3) Voir ci -dessus, t. ii, page
(4) Arch. mun., u. f., série G., n^
12 HISTOIRE DE TROYES. 4441
occupé du siège de Pontoise. Les Troyens demandent
au roi de dispenser les habitants de la ville et du bail-
liage de so rendre à la convocation qu'il vient de faire
de lous les nobles de Champagne, pour former le ban
et rarrièrc-ban. Laurent Tourier obtient de Charles Vil
Texemption demandée et c les nobles qui coniribuaient
> au paiement de ses tailles, aides et autres subsides
> furent exemptés de non aller servir présentement,
> nonobstant ledit arrière-ban crié et publié > (1).
Le 29 décembre, Tévêque Jean Léguisé, Jacques Vil-
lain, chanoine, Laurent Tourier et cinq autres habitants
se mettent en route, afin de se rendre près du roi alors
en Poitou. Ce voyage était long : aussi ne se passe-t-il
pas sans incident. Ces députés troyens vont se 'plaindre
au roi des impôts dont la ville et le diocèse sont char-
gés, tant à cause des tailles que par suite de la guerre,
surtout pendant les sièges de Creil et de Pontoise, qui
ont motivé de nouvelles levées de deniers. Ils rencon-
trent le roi à Bressuire. Ils lui font connaître Tobjet do
leur mission. Le résultat de cette démarche n*cst pas
connu. Seulement, en mars suivant, le roi nomme
Simon Charles, président des comptes, et Guichard de
Chissé, ses commissaires pour garder les pays de Seine
et de rile-de-France. Il prend les mêmes mesures à re-
gard de la Normandie et d'autres provinces (2).
Dans le cours de ce voyage et près de Bressuire, les
députés troyens sont mis à rançon d'une somme de
soixante livres tournois pBr Populo Alain , Le Loing et
autres de la compagnie de Jean Girard et de Dommar-
ques (3).
Au mois de novembre, le duc Philippe-le-Bon réunit
ses troupes aux environs du Quesnoy, et après avoir fait
(1) Arch. mun., n. f.
(2) Vallet de ViRiviLLE. Hist. de Charles VII, t. 11, p. 434.
^) Arch. iiiun.| n. f.
1443 CHAPITRE XIII. 13
raser le château de Montaigu, près de Laon, sur la de-
mande des villes de Rheims, de Laon et de St-Quentin ,
bien que le sire de Commercy en demandât la remise
entre ses mains, le duc se met en route avec ses troupes
et sa noblesse de Picardie. Il se rend à Troyes, où il
trouve sa noblesse de Bourgogne et là il congédie ceux
qui l'ont accompagné (1).
Le duc poursuivit sa route vers la Bourgogne et,
bientôt après, il se trouve à Nevers, avec les ducs de
Bretagne, d'Orléans, de Bourbon et d'Alençon, les comtes
de Nevers et d'Etampes , où ils apprécient les actes du
gouvernement de Charles VIL
En mars, la duchesse de Bourgogne, venant de Flan-
dres et se rendant près de son mari, arrive à Troyes. La
ville lui offre, comme vin d'honneur, deux queues de vin
rouge. Si l'on rançonne alors les pauvres voyageurs, les
grands personnages, malgré leur nombreuse suite et la
force armée qui les accompagnent, ne sont pas à l'abri
des attaques. La duchesse de Bourgogne, Isabelle de
Portugal, fut arrêtée et son convoi entièrement pillé.
On lui enlève jusqu'aux bouclettes de ses souliers. Cette
attaque est faite par les ordres du sire de Commercy, qui
se vengea ainsi de la démolition du château de Montaigu,
près Laon, ordonnée par le duc de Bourgogne (2).
Le 23 août 1-4-43, la ville de Nogent-sur-Seine fut
brûlée presque entièrement. Le Conseil de ville de Troyes
craint que, sous l'émotion d'un événement aussi désas-
treux, les Anglais, toujours l'œil ouvert , ne s'emparent
de la ville et du château. Aussi le prévôt et le procu-
reur des habitants, avec le bailli, se rendent à Nogent,
accompagnés de plusieurs de leurs concitoyens, afin d*y
porter des secours et des consolations. Les Nogentais
(i) D. Plancher. Hist. de Bourgogne, t. iv, p. 249.
(S) Vallst de YmmixE. Hist de CharleB VJI^ t. m, p. 82.
ii HISTOIRE DE TFiOYES. iU4
en paraissent fort reconnaissants. Quelques jours après,
(les habitants de Nogeni viennent à Troyes dennander de
nouveaux soulagements à leur dénûment. Ils passent en
ville plusieurs jours, on les héberge, puis on leur délivre,
pour résistera une attaque, un millier de traits d'arc et
un cent de poudre à canon (1). Triste aumône faite à des
incendiés !
En 1M5, les gens d'armes sont encore bien souvent
autour de la ville, dont on ne tient ouvertes que les trois
porles principales. En mars 14-43, (v. st.) la ferme des
Chaussées ne fait aucune recette à la porte de St-Jacques
et à celle du Heffroy, a: pour cause de la prise de
Méry (â). » En 1443, Ervy est retombé au pouvoir du
duc de Bourgogne, par la prise qu'en fit Philibert de
Vaudroy, gouverneur du Tonnerrois.
L'année 1444 est encore malheureuse pour la ville de
Troyes et les environs. M. de Bueil, qualifié de capitaine
de gens d'armes et de trait, se tient autour et sous les
murs même de la ville, avec une multitude de gens
d'armes, en mars et avril. On fait entrer en ville les che-
vaux et tout le bétail des environs et l'on eut peme à les
nourrir. On traite avec M. de Bueil, pour une somme de
301) livres, qui devait être payée, à l'aide d'une taille
levée sur c les bêles aumailles, > c'est-à-dire sur les
vaches, mais il fallut v renoncer. La somme fut levée
sur tous les habitants, suivant les vœux d'une assemblée
générale du â9 juillet 1444 (3). Le sire de Bueil, ayant
touché la somme convenue, part vers le Dauphin et, le âG
*^\) Arch. inun., n. f., A A., carton 2U^ 2< liasse.
(t) Arch. mun., n. f., C, vfi^Vl et 13.
(3> Arch. mun., n. f., F., «• 67. — Ce sire de Beuil ou de Bueil
est Jean Y, sire de Bueil, de Monlrésor, comte de Sancerre , con-
seiller et chambellan du roi, amiral en 1451. — Histoire gêticralc de
Fronce, t. vu, p. WT. — Quoique chef de bande, chose rare alors,
le sire de Bueil aurait composé un roman militaire : Le JouvenceL
VàUst ds Vmmujs Hîtl. d$ Chwr^ VU , t« ni, p. 30.
1U4 CHAPITRE Xin. 45
août, il commande les troupes à la fameuse bataille de
St-Jacques, livrée près de Bâle.
En 1444, Jean le Champenois, occupe encore le chû-
teau de St-Lyé avec ses gens. Les habitants d*Aix, qui
avaient quitlé leur ville, commencent à reparaître et
comme un berger recherche ses brebis dispersées, le re-
ceveur du domaine épiscopal recherche, à Auxon, à St-
Florentin et autres lieux des environs, les gens de la
taille duo à Tévèque (1).
Les frontières de Bourgogne, sont toujours occupées
par les gens de guerre. Les relatiims du roi avec le duc
de Bourgogne, deviennent chaque jour plus difficiles et,
ù chaque instant, on craint de voir éclater plus vivement
celte mésintelligence. Le bailli de Monthéliard, a envahi
le pays de Langres, placé sous Tautorité du roi, et le
ravage. En juillet, le Uauphin Louis passe à Troyes,
avec une nombreuse armée. Il se dirige sur Monthéliard
dans un double but: chûtier la hardiesse du bailli, qui
a envahi le territoire royal et se tenir en Alsace, afin
d'intimider le concile, réuni à Bâle, et le presser de pren-
dre parti contre le schisme (2).
D'un autre côté, Charles VII dirige, vers Metz, une
autre armée, placée sous le commandement de Pierre de
Brézé. Le roi, de sa personne, quitte Tours, en juillet,
passe à Orléans, à Montargis, il est à Troyes du 6 au 9
août, puis se dirige sur Nancy, par Bar-sur-Aube, Chau*
mont et Epinal. Il se fixe à Nancy, h proximité des armées
françaises. (3)
La période comprise entre le traité d'Arras et la mort
de Charles VII est une époque de réparation et d'orga-
{i) Arch. dép., G., 378, 382, 439.
(2) D. Plancher. Hist, de Bourgogne, t. iv, p. 259. — Vallet de
ViRiviLLE. Htst. de Charles Vil, t. m, p. 33, — SÉBaLLAUT. Mimé
mnsc, Bibl. de Troyes.
(3) Vallet db Viriville. HtBt de Charîeê VU, t. ni, p. 36.
i6 HISTOIRE DE TROYES. \UA
nisation administrative. Si les documents historiques
sont rares, ceux qui existent constatent des faits de ré-
forme dans toutes les institutions, dans le clergé, dans
la guerre, dans Farmée, dans la justice, dans lesfmances,
dans les mœurs; les réformes partent le plus souvent
d'en haut. Pour le clergé , c'est le concile de Bâie qui
loi édicté, dans l'administration, c'est le roi, c'est son
conseil qui les formulent et les proclament, quelque-
fois cependant sur la provocation des habitansdes villes
principales ou d'assemblées, que l'on peut à bon droit
qualifier d'Ktats généraux ou tout au moins d'Etats pro-
vinciaux.
Il y a lieu d'examiner quelques-uns do ces faits impor-
tants, car, au plus grand nombre, se trouvent mêlés ou
la ville de Troyes, ou ses habitants, et des documents
qui leur appartiennent donnent d'heureux éclaircisse-
ments sur la plupart d'entre eux.
Le concile de Bâle touche à toutes les grandes ques-
tions qui, alors, agitent le monde catholique. Il compte
quarante cinq sessions pendant sa durée, qui n'est pas
moins de douze ans. Dans le première, il pose la base de
ses nombreux travaux. Il veut extirper les hérésies, réunir
tous les peuples chrétiens à l'église catholique, mettre fm
aux guerres entre les princes chrétiens, réformer Téglise,
dans son chef et dans ses membres, enfin rétablir l'an-
cienne discipline de l'église.
Dans sa vingtième session, le concile publie quatre
décrets sur la réforme du clergé. Le premier est dirigé
contre les ecclésiastiques, concubinaires publics. Il les
punit par la privation de leurs bénéfices et en cas de
rechule, il les déclare indignes des fonctions ecclésias-
tiques. Le second touche à la fréquentation des excom-
muniés. Le troisième ordonne que l'interdit ne pourra
ôtre prononcé contre une ville que pour une faute grave
commise par cette ville, ou par ses gouverneurs.
4425 CHAPITRE XlII. 17
Dans ja vingl-unième session, le huitième et dernier
ilccrct interdit, dans les églises, la célébration de la fête
des fous. Il condamne les mascarades des honimes et
des femmes et les ventes qui se faisaient dans les églises
et dans les cimetières.
Le concile de Bâie avait été précédé, dans celte voie
de réforme, par ceux de Nantes et de Paris. Il devait être
imité, au diocèse de Troyes, par Jean Léguisé, dans les
statuts synodaux qu'il publia, en renouvelant ceux de
ses prédécesseurs, Henri de Poitiers et Jean Braque, aux-
quels il ajouta de nouvelles dispositions.
Les mœurs tendaient-elles à une réforme sérieuse ?
On doit le croire, car les faits étaient anciens et s'ils
avaient donné lieu à des observations, le public parais-
sait peu s'en occuper. Ainsi tel doyen de Sl-Pierre vit en
état de concubinage public et reçoit plusieurs injonctions
tendant à faire cesser cet état; plusieurs sentences sont
prononcées à l'occasion des faits de môme nature. Le
scandale existe partout. Uéjà, en 1410, le cardinal de
Bar enjoignait de faire t avertir tant en général qu'en
partieuliertouslesconcubinairesquiluiétaientjusliciables
de cesser leurs désordres. * Le chapitre de St-Pierre
édicté, le 15 juin 14:25, certain règlement et, huit jours
après, il en ordonne la publication, en ce qui concerne
les membres du chapitre, qui, sous peine de perdre, pen-
dant un mois, leurs distributions et autres peines de
droit, devront s'y conformer. (1). Ces ordonnances sont
renouvelées en U26, 1427 et 1436.
En 1422, au moisde juillet, le chapitre doSt-Pierre avait
défendu à ses chantres , en chantant le psaume: Atidite
Cœliy de faire, sur le mot Gomorrhœ^ le cri horrible qu'ils
avaient coutume de pousser et c de n'y plus dire de
sottises. » Le 2 mai 1425, le même chapiire défendait
(1) Séhillart. Mêm, mnac, Blq. de Troyes.
IIL S
48 HISTOIRE DE TROTES. 1435
au peuple de passer, dans les églises, les nuits qui pré-
cèdent les jours des fêtes de Ste-Hélène et de Ste-Ma-
thie (1).
En 14f35, le 10 février, le chapitre de St-Pierre et
Tabbaye de Notre-Uaine-aux-Nonnains transigent sur
une vieille coutume dont on chercherait envainTorigino
et les causes. Le chapitre devait chaque année, le mardi
de Pâques et le jour de TAssoniption, se rendre à Féglise
de Tabbaye, y faire célébrer rotiîce divin par l'un des
chanoines, deux autres y chantaient Tépître et l'évangile.
Après rofllce, Tabbaye devait servir aux chanoines et
aux enfants de chœur, un déjeuner dans lequel entraient,
de rigueur, des rissoles. Cette redevance fut changée en
une somme de l livres, payée au chapitre par Fabbaye,
qui continua à donner le déjeuner aux enfants de
chœur (2).
Dans les statuts synodaux de Jean Léguisé, on remar-
que surtout les dispositions suivantes i3) :
Les fonts baptismaux, le chrême et les saintes huiles
seront mis sous clef, afin d'éviter les sortilèges et Tin-
fluence des sorciers. — Deux ou trois parrains suiTisent
pour lever un enfant au baptême. — Un seul est néces-
saire pour la confirmation. — Les ordres peuvent se
donner à Tàge de sept ans. — On peut marier un gar-
çon à quatorze ans et une fille à douze ans. — Sous
peine d'excommunication et d'amende arbitraire, nul ne
pouvait se marier par paroles de présent li), ailleurs
qu'à la porte de féglise où était donnée la bénédiction
(1 ) Groslet. Mém . , hist. t. il, p. 1 1 1 .
(2) Arch. dép., f., de N.-D.-aux-Nonnains et de St.-Pierre. —
BomoT. Des privilèges sinyuliei's de y.^D.-aitx-Xonnains, i864,
p. 17.
(!S) Bibl. de Troyes, innsc. no 736 du catalogue.
li) Le mariage ^r paroles de futur était la oêrêmonie des fian-
çailles Le mariage ftar paroles de prtstenl était le mariage propre-
m^bt dit.
i435 CHAPITRE XIII. 19
nuptiale. — Comme c'est chose daranable de blâmer les
premiers et les seconds mariages par le jeu Milgairement
appelé clumuarijj (charivari) dans lequel on crie liorri-
Idement et vilainenjent en se dégui?anl,cejeu est interdit.
— Nul prêtre ne peut donner la bénédiction nuptiale à
ceux qui convolent en secondes noces; celle bénédiction
ne pouvant être donnée qu'une seule fois à la même per-
sonne. — lleî>t défendu aux membres du clergé de porter
des vêtemenls de couleur rouge ou verte, des anneaux et
des bagues et de posséderdos chiens et des oiseauxdestinés
à la chasse. — Chaque prêtre, < ayant gouvernement de
peuple » , doit avoir un clerc qui ne soit pas illégitime,
afin de chanter avec lui, hreTépître et les leçons et lenir
Fécole. — il est défendu aux quêteurs de sonner dans
les rues et d'y prêcher, afin de ne pas émouvoir la popu-
lation et la réunir en grand nombre — 11 est défendu
aux curés ou doyens, de délivrer les grosses des testa-
ments, par lesquels le testateur dispose de plus de cent
yous t., les autres testaments devant êlre déposés à Toffi-
cialité. — Enfin il est interdit aux doyens de recevoir
aucun acte de leslament, tutelle ou dons comme aussi
procuration entre gens mariés et faite de l'un à l'autre.
iMalgré les lois les plus sévères, les règlements les plus
sages, les mœurs, les habitudes, les anciennes coutumes
ne se réforment point avec la rapidité que désire le lé-
gislateur. Ainsi, bien que le concile de Baie ail prononcé
Tinterdiction de la célébralion dans les églises de la
fêle des fous en 1435, Tannée suivante, le 5 décembre,
le chapitre de St-Pierre permet à ses vicaires et à ses
enfants de chœur de célébrer cette fête, pourvu toutefois
que ce soit sans moquerie et avec révérence. Le 3 jan-
vier 1437, le même chapitre décide que, si un vicaire de
leur église se retirait de leur service ayant payé aux
autres la bienvenue et après avoir été élu archevêque des
fous, dans le cas où il reprendrait service dans l'église,
20 HISTOIRE DE TROYES. 1439
il ne sera point obligé de payer une nouvelle bienvenue
et pourra se dispenser d'accepter Téleetion au litre
d*archevêque des fous. (1)
En 1>139, le même chapitre autorise ses quatre en-
fants de chœur à faire la fdte des innocenlSy sans dérision ;
mais il intordit à ses bonis et bas vicaires de faire la fétc
des foxiSf dans Téglise. On le voit, il y a deux lotos (2i.
La prohibition du concile de Bàle ne s'applique qu'au
lieu de la fête et non à la fote elle-même. Aussi le 20
novembre 1443, le chapitre de St-Pierre décide-t-il que
la fête se fera selon la coutume; que les compagnons de
Téglise, petits et grands, feront cette bonne et joyeuse
fête, hors de Téglise ; qu'il iront demander leurs rentes
où ils ont coutume, que leur prélat sera vêtu d'une belle
robe longue, aura un beau rochet sur cette robe et, sur
la tête, un beau bonnet fourré; qu'ils choisiront l'hôtel
de l'un des chanomes pour se réunir et célébrer la fête
et non une taverne publique.
Malgré ces sages précautions, un chanoine fut con-
damné par ses pairs à vingt sous d'amende t pour les
grandes sottises et les gestes extravagants qu'il s'était
permis à la fête des fous. >
L'année suivante, le scandale fut plus grand encore.
Chassée de l'église en 1435, 1439 et en 1443, la fête et
tout son joyeux personnel y rentrent en 1444, puis celte
fête est suivie , sur la place publique, d'une représenla-
(1) Sémillard. loco citaio.
(2) Arch. dép., f., de St-Etienne, 6 G. 746. Compte de la Grand*-
Chambre y 1401. a Payé aux enfans de cuer û la feste des Inno-
» cens, V s.
» Aux vicaires à la feste aux fois, xx s.
Môme mention en 1435.
En 1450, 6. (J. 779 , on Ht : a Aux enfans de cuer pour la feste
> des Innocens, néant.
» Aux vicaires pour lo premier jour de Tan, qu'ils souloient faire
» la febtc aux folz : néant. »
lUi CHAPITRE XIII. 21
tion scéniquc, où Ton met en jeu la Pragmatique-Sanc-
tion, sur laquelle le clergé de Troyes était divisé. L*évé-
quc et certains chanoines n'y sont pas épargnés. Si M.
Tartufe n*était pas alors de ce monde, Jean de Meung
avait créé le personnage de Faux^$emhlant^ qui monte
sur les planches en compagnie de Feiniise elàHypocrisie.
Ces noms décoraient trois personnages dans lesquels on
reconnaissait l'évéque et deux chanoines, partisans des
réformes et de la suppression de Tantique fête.
Il y a, à Troyes, deux fêtes : celle des Innocents et
celle des Fous.
La première est céléhrée par les enfants de chœur.
Ceux-ci se réunissent dans Téglise, la veille et le jour de
la fête des Innocents ; Tun d'eux est élu évéque, même
archevêque, et officie pontificalement. La seconde paraît
dominer la première, souvent 8*y confondre. Elle a, pour
acteurs, les diacres, sous-diacres et vicaires, car on voit
agir, dans ce personnel turhulent cl peu réglé, les clercs,
les vicaires et autres gens de la cathédrale et des collé-
giales et aussi les religieux de St-Loup. Ceux-ci doivent
même un droit annuel à rarchevèque des fous de la
cathédrale. — Cette dernière fête se célèbre le jour de
rKpiphanie. Les prêtres et les clercs élisent un arche-
vêque et, tous travestis, le conduisent à Téglise, où ils
entrent en dansant et en chantant. Toute cette folle bande
mange, dans Téglise et jusque sur Tautel, et se livre à
des jeux et des farces de la plus grande indécence.
U.ne lettre de Jean Léguisé, à Louis de Melun, arche-
vêque de Sens, fait connaître ce qu'étaient ces fêtes au
moment où elles disparaissent du rituel du diocèse. (1)
Cette plainte de Tévêque ne fut pas la seule qu'il por-
ta. H s'adressa au roi qui, de Nancy, le 17 avril suivant,
donna des lettres patentes, ordonnant la cessation de ce
fl) Bibl. nat. Collection de Levesque de la Ravalière, vol. xvu.
22 HISTOIRE DE TROYES. ^444
scandale et condamna t la feste aux fols, à cause de
• rirrévérence et dérision qui s'y fait de Dieu et de Tof-
» fice divin, au très-grand vitupère et dilHime de Tétat
» ecclésiastique et aussi des grandes insolciices, déri-
» sions, spectacles publics, déguisennents cl usage d'iia-
> bits indécents, comme vêtements de fous, do gens
» d'armes et de femmes, avec faux visages et de
5 l'apostasie par les chanoines de leur état et pro-
' fcssion. >
Puis, rappelant la lettre du 10 mars précédent, don-
née par l'université, le roi ordonne au Bailli de Troyes,
de prêter aide et main-forte à l'évéque et à l'Inquisiteur
de ta foij pour emptk'licr dorénavant la représentation
de la fête des fous. (1)
Mais, avant que Charles VII eut condamné la léte des
fous et défendu de la célébrer à Tavenir, les trois cha-
pitres avaient fait amende honorable entre les moins de
l'évéque et l'Inquisiteur. Les chanoines, en s'humiliant,
promirent de ne plus faire la fôto des fous, devenue,
dans leurs bouches, superstitieuse etdétestable, de bonne
et joyeuse quelle était deux ans auparavant. Ils décla-
rèrent, en outre, ([u ils ne soulfriraient pas qu'elle lut
célébrée, à l'avenir, « dans leur territoire. »
Klle aurait cependant été faite Tannée sui\anle, car
les comptes du chapitre de St - Urbain constataient le
paiement de quelques sommes donné'^s à l'occasion de
celle célébration : constatation encore reproduite en
1468. Mais, le 21 avril 11-15, le chapitre de St-Pierre
efface de l'ordinaire ( du rituel ) tout ce qui concerne la
fêle des fous, en ce qui est trouvé dérisoire et contre le
service de Dieu. Ledit ordinaire fut, dans ce bul, appor-
té dans la salle capitulaire, et là, le chnpitre assemblé,
(l) Sémillard et Groslky. — Iîoutiot. Recherches sur le théâtre
à Troyes. au XV» siècle. 1854.
1U6 CHAPITRE XIH. 23
fut condamné et rayé tout ce qui était irrespectueux au
service de Dieu, du culte et des gens d'église. (1)
Malgré la suppression de la fête des fous, les droits
utiles, les rentes n'en furent pas moins servis, à l'avenir
et à qui do droit. Ainsi les chapitres de St Etienne et de
Sl-Urbain et l'abbaye de St-Loup payèrent, pendant long-
temps, des redevances aux clercs de leurs églises, à
Tépoque d| cette fête et le domaine royal acquitta tous les
ans, jusquen 1789, la rente de cinq sous, qu'Henri-le-
libéral avait donnée aux clercs de St-Etienne, pour célé-
brer cette fête. (2). Le chapitre de St-Etienne devait à
l'archevêque des fous une rente annuelle de dix sous ou
un jambon et une quarte de vin (deux pintes) payés par
le célérier. Les religieux de St-Loup, en 1415, ayant re-
fusé les quatre pains et les (juatre pintes de vin, dus
au morne personnage, le chapitre de St-Pierre leur in-
tenta un procès et les religieux payèrent. (3)
Le clergé se recrute avec quelque peine. Une bulle
d'Eugène IV (1132), ordonnant que nul ne pourra être
chanoine de St-Pierre, s'il n'est no en légitime mariage
et de parents libres, restreignait encore les choix. Cette
sévérité ne fut pas du goftt du chapitre ; en 1448, il de-
manda la modification de celte bulle. Ce même chapitre
ne réforme qu'en 1446 ses habitudes, quant aux vête-
ments. Il décide que nul chanoine ne se rendra au
chœur ou au chapitre, chaussé de patins, à peine de
confiscation. Il ordonne au sous-chantre d'étudier
mieux son ordinaire, que son ignorance est remarquée
au chœur et enlève de la dignité au service du culte. Le
(l)Arch. dép., f., de St -Pierre. Reg. des délibérations capitu-'
laires.
(2) Bibl. nat. ; Compte du domaine du roi , 1513 - 1514. —
Colicction de Levcsque de la Ravallière , volume Lxv. - Boutiot.
Etat du domaine du roi au bailliage de Troyes en 1596, où on lit :
« Payé à Varchevesque des Saulx de V église St-Estienne. v s. t. »
(3) GouRTALON. Topographie . T. ii, p. 127.
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1U6
GHAPITaE XIH. 23
fut condamné et rayé tout ce qui était irrespectueux au
service de Dieu, du culte et des gens d'église. (1)
Malgré la suppression de la fête des fous, les droits
utiles, les rentes n'en furent pas moins servis, à Tavenir
et à qui do droit. Ainsi les chapitres de St Etienne et de
Sl-Urbain et l'abbaye de St-Loup payèrent, pendant long-
temps, des redevances aux clercs de leurs églises, à
l'époque df cette fête et le domaine royal acquitta tous les
ans, jusquen 1789, la rente de cinq sous, qu'Henri-Ie-
libéral avait donnée aux clercs de St-Etienne, pour célé-
brer cette fête. (2). Le chapitre de St-Etienne devait à
l'archevêque des fous une rente annuelle de dix sous ou
un jambon et une quarte de vin (deux pintes) payés par
le céléricr. Les religieux de St-Loup, en 1415, ayant re-
fusé les quatre pains et les quatre pintes de vin, dus
au même personnage, le chapitre de St-Pierre leur in-
tenta un procès et les religieux payèrent. (3)
Le clergé se recrute avec quelque peine. Une bulle
d'Eugène IV (1432), ordonnant que nul ne pourra être
chanoine de St-Pierre, s'il n'est né en légitime mariage
et de parents libres, restreignait encore les choix. Cette
sévérité ne fut pas du goût du chapitre; en 1448, il de-
manda la modification de cette bulle. Ce même chapitre
ne réforme qu'en 1446 ses habitudes, quant aux vête-
ments. Il décide que nul chanoine ne se rendra au
chœur ou au chapitre, chaussé de patins, à peine de
confiscation. Il ordonne au sous-chantre d'étudier
mieux son ordinaire, que son ignorance est remarquée
au chœur et enlève de la dignité au service du culte. Le
(l)Arch. dép., f., de St-Pierre. Reg. des délibéraiiona capiiu^
l aires.
(2) Bibl. nat. ; Compte du domaine du roi , 1513 - 1514. —
Collection de Levesque de la Ravallière , volume Lxv. ~ BounoT.
Etat du domaine du roi au bailliage de Troyes en 1596, où on lit :
c Payé à Varchevesque des Saulx de Vcglise St-Estienne, v s. t. »
(3) CouRTALON. Topographie T. ii, p. 127.
24 HISTOIRE DE TROYES. UÂS
chanoine, chargé de veiller sur les enfants de chœur,
paraît aussi gravement manquera ses devoirs, les enfants
perdant leur temps au jeu des tables, qui se tient chez
Jaquemart et dont il est un des compagnons de servohe.
En 14-48, le 1er juillet, une décision capitulaire renou-
velle la défense de psalmodier comme les anglais.
Parmi les membres du chapitre sont nommés, à cette
époque, Nicolas Fourny et Jean Bellier, certainement
parents des Baillis de Troyes, qui portent ces noms.
Jean Bellier fut revêtu de la dignité de chantre et tous
deux étaient d'une vie peu exemplaire. Mais alors le
népotisme était plus qu'une faveur, c'était presque un
droit.
Les chanoines, les ecclésiastiques en général, n'ont
point encore rompu avec les habitudes militaires. Quand
ils sont en voyage, ils portent des armes offensives et
défensives. A la mort de Jean Blanche, sous-chantre do
Téglise de St-Pierre, en 1439, il fut trouvé, dans la cha-
pelle de sa maison, un bec de faucon, une paire de sou-
liers en fer, une jambière, un chapeau de Montauban,
( un casque ). Un petit canon en cuivre, enchâssé en
bois, et une grosse couleuvrine de fer font partie du
mobilier de Nicole Bourgoin, décédé en 1431, doyen de
St-Etienne. (1) L'évé(|uea un train de chasse en 1442,
et si les comptes de Tévéché ne rappellent pas les dé-
penses faites pour l'entretien des chiens, ils mentionnent
celles qui sont faites pour les oiseaux de fauconnerie. (2)
Les maisons religieuses ne sont pas non plus à l'abri
de désordres. Celle do Notre-Dame-aux-Nonnains subit
l'influence du siècle. Une religieuse y devint mère. Ce
fait provoqua une série d'actes de procédure, d'informa-
tions et d'excommunications, motivés moins sur le fait
(1) Arch. dcp., 3. G. 13.
(2) Arch. dép., Comptes de Vévêché, G. 301.
1i48 CHAPITRE XUl. 25
principal qu'on raison do la lutte qui s'clablit entre Té-
vèque et l'abbesse, à Tégard du droit de visite.
La faute de Marguerite de Grevant faillit compromet-
tre les immunités et les privilèges de Tabbaye. Il est
établi, même par les pouillés de révèclié, que Tabbaye
nï'tait pas soumise à la visite et à la procuration de
révèque, mais seulement à celles du Pape. L'évi^que
n'avait droit de visite (|ue lors de son entrée solennelle
et de son intronisation. Mais, à l'occasion du fait repro-
ché à Marguerite et pour en prévenir le retour, l'évoque
prétendit exercer ce droit de visite. De là, une lutte dont
les péripéties mirent en émoi non seulement l'abbaye,
mais encore la ville de Troyes. Le fait principal fut ou-
blié et la querelle entre l'évéque et l'abbesse fit couler
des flols d'encre.
L'abl)esse refusa d'abord l'ouverture des portes de son
abbaye, toujours considérée de fondation royale, à l'évé-
quc, qui se pourvut devant l'archevêque de Sens, et
prononça l'excommunication contre l'abbesse, Isabelle
de Neuville, et Catherine de Coursan, chantre, et mit
toute la maison en interdit. L'opposition continuant,
cette dernière peine fut appliquées l'église paroissiale de
St-Jacques et au cimetière.
La cérémonie de l'excommunication, par les cloches
et par les cierges allumés, puis éteints, fut, tous les
jours, répétée à la messe et aux vêpres pendant six
semaines. L'évoque prononça en outre une amende de
40 sous contre ceux (|ui communiqueraient avec les
religieuses excommuniées et défendit aux enfants de
suivre l'école de l'abbaye. La célébration de la messe
quoli<lienne fut interdite, dans la double église de Notre-
Dame et de St-Jacques, quoique, dans la première, il
existât < une notable confrérie , appelée confrérie des
foires de Champagne, dont étaient membres la plupart
des riches bourgeois de la ville, > Toute commu-
26 HISTOIRE DE TROYES. 1448
nication étant inlenlile avec les excommuniées, elles
no pouvaient prendre conseil de qui que ce soit. L'évé-
(|ue menaça enfin de prononcer l'interdit des trois égli-
ses paroissiales relevant de l'abbaye, celles de St-Jean,
de St-Nicolas et de Sl-Pantaléon.
Le métropolitain leva l'interdit , mais à la charge do
justifier des droits do l'abbaye contre ceux que l'évèquc
opposait. Le Procureur du roi, — l'abbaye étant de fon-
dation royale, — se pourvut au Parlement contre la
décision de l'évéque. En effet, le 27 août 1448, à la
requête du Procureur du roi, l'évéque de Troyes ou son
officiai est ajourné d'urgence an.x grands jours de Ver-
mandais au Parlement^ qui doivent bientôt se tenir,
quoique les parties ne soient point de ce ressort et parce
que les ajournés avaient excommunié l'abbesso et les
religieuses de Notre-Dame aux Nonnains , interdit leur
église et leur cimetière, malgré knirs droits et privilèges,
qui les autorisent à refuser la visite et la procuration de
révoque. Cotte commission est donnée afin de mettre
ordre à ces interdits et à ces excommunications et em-
pêcher qu'il en fAt prononcé à l'avenir.
.Malgré ces peines si rigoureuses, fabbesse et les reli-
gieuses persistent à maintenir l'exercice de leurs droits.
L'évéque et l'offieial appuient leurs prétentions sur le
fait de scandale, l'abbesso leur répond qu'elle informait,
* mais que, pardessus elle, l'évéque ne doit en entre-
» prendre congnoissance; que, s'il avait des informations,
» elle le priait de les lui bailler ou copie d'icellcs, à ses
» dépens ; qu'elle ferait ce qu'il appartiendrait. »
Le 30 décembre suivant, l'abbesso et les religieuses
ajournent, de nouveau , l'évéque et son officiai auœ pro-
chains jours de Setis et de Cliajnpayne du Parlement du
roi à Paris, afin de voir, sous peine de saisie de leur
temporel, lever l'interdit prononcé contre l'abbaye, son
église et son cimetière. Sur cette instance , le temporel
1449 CHAPITRE XIII. 27
de l'évéque fut saisi, quoique Tcvèque so prévalût de
l*appcl porté devant la juridiction métropolitaine. (I)
Après cette discussion, Tévêque maintint Texcommu-
nication contre Huguette de Bessy et Marguerite de Gre-
vant, mais il leva l'interdit dont Tabbaye, Féglise et le
cimetière avaient été frappés et Texcommunication pro-
noncée contre Tabbesse et les autres religieuses.
Un compulsoire a lieu en la Cour des foires, le 2-4
juin 1449, dans un livre appelé t le livre des Serment
de Céglise de Troyes. * Ce livre était produit par Tab-
besse. Ces recberches établirent que l'abbaye n'était
point soumise au droit de visite et de procuration par
révoque, (âi
La peine de l'exconïmunication et celle de Tinterdit
n'inspiraient plus , à cette époque , la terreur qu'elles
faisaient éprouver dans les sircles précédents. Elles
étaient encore dans la bouche des membres du clergé,
qui les appliquait non seulement contre les infractions
aux lois de l'Eglise, mais encore dans des cas qui, en
rien, ne touchaient à ces lois. Ainsi, en 1431, celte
()cine est prononcée contre le concierge du palais royal,
pour une dette purement civile. En 1446, Henry Pillart,
de Gyé, est frappé de cette peine par le Chapitre de St-
Pierre, à (jui il doit seize livres. Déjà, en 1437 , le Par-
lement de Paris avait fait défense à 1 evéque de Troyes
de j)rocéder, contre les officiers du roi, par voie de cen-
sure et d'excommunication, sous peine d une amende de
cent marcs d'argent. (3)
(i) xVrch. dép., f., de l'Evôché, 2. G. 4.
ii) Un beau pouillé du diocèse de Troyes, ninsc. 54 , parchemin
du XV' Biêcle, a étt'; acheté pour la bibliothèque de Troyes, en no-
vembre 1805. H appartenait à l'abbaye de N -1). — Cette abbaye
u*est pas comprime parmi les maisons soumises à la visite épis-
copale.
(3) Trasse DE MoNTMUSAKD. Mêm. musc. Blq . de Troyes, t. i,
p. 480.
28 HISTOIRE DE TROYES. ^45^
Le zèle religieux s^est considérablement refroidi. Les
dons aux églises, aux maisons religieuses ou hospita-
lières deviennent rares. Néanmoins des legs de peu de
valeur sont toujours faits aux églises. Il y a lieu de rap-
peler ici celui de deux plats, de douze écuelles, de trois
pois et de quatre gobelets de fin étain, par le clianoiniî
de St-Pierre, Jean Blanche, et d'autres legs en argent
faits par les chanoines Guillaume Maubert et Chevriat,
aux Enfanls de la Calamité (1 ).
Pour suppléer aux dons volontaires qui ne se font
plus, le clergé a recours aux indulgences et aux quêtes.
Ainsi , vers cette époque, quinze cardinaux (le siège de
Rome étant alors vacant) accordent des indulgences en
faveur de Téghse St-Pierre de Troyes « en considération
de ce qu'elle est Tune des plus belles cathédrales de
France et même de Fuiiivers, après Rome et Antioche.
Elle a été miraculeusement bîitie par saint Potentien,
l'un des soixante douze disciples du Seigneur, quarante-
un ans après l'Ascension de J.-C. Par ces motifs, les
cardinaux accordent cent jours d'indulgences à ceux
qui contribueront à l'augmentation et au [>arachè-
vement de cet édifice. Une autre bulle de Paul V , de
1452, porte rémission pleine et entière de leurs i)échés
à ceux qui visiteront dévotement l'église de St-Pierro ,
le jour de Pâques, et à ceux qui contribueront de leurs
biens à l'achèvement de cette église (2).
(1) Arch. dép. : Testaments. Les Enfants de la calamitr. sont les
enfants trouvés, ou abandonnes et entretenus a Thospicc de Saint-
Nicolas, fondé et administré par le Chapitre de Saint-Pierre. —
L*évéque Jean Léj^uisé, en 1433, faisait nourrir un enfant, pour l'a-
mour de Dieu, et. en -1415-46, il faisait délivrer deux septiers de
froment à la Damoiselle d'Avreuil, femme d'Etienne des Eaux a pour
le gouvernement des pauvres qu'elle gouverne en son hostel. » (Arch.
dép., Comptes de Vévêché, G. 30'*.)
(2) Les indulgences ne profitaient pas seulement aux établisse-
ments religieux. Il y avait des pardons et des indulgences attribués à
ceux qui fréquentaient les foires de Champagne et de Brie, celles du
1458 CHAPITRE XIII. 29
Il se tient, à Troyes, en cette année, le premier ^mnd
pardon. Il est obtenu par les chanoines Colin et Yillain,
qui, à cet effet, se sont rendus à Rome. Il est publié en
France , dans les Flandres , en Bourgogne et dans le
comté de Nevers, dans le Barrois, en Lorraine ot dans
le Luxembourg. Il rapporte 1155 liv. t. Le Pape lève le
quart de la recette et il reste à TEglise 870 liv. Cette
recette servit à reprendre les constriiclions de l'église de
St-Pierre('i).Lesétrangersarriventenfouleà ces réunions
religieuses. En 1466, on place des citoyens aux portes
de la ville , pour les garder, la veillo et le jour du
pardon (2).
Les quêtes, au XVc siècle, prennent une grande acti-
vité en faveur des établissements religieux. Elles se
font pour les églises, les couvents, les hospices et cons-
tituent , par leur régularité , des revenus à peu près
assurés. La profession de quêtain, comme elle était alors
pratiquée, serait patentée aujourd'hui, comme aurait
aussi pu l'être celle de miraclier ou marchand de mira-
cles Alors elle prenait rang parmi les métiers. En 1453,
Jean le Diablat (bizarre nom pour un montreurde reliques),
loua à ferme les reliques de St-Gond , pour les porter et
exhiber dans les provinces. Ces quêtes no se faisaient
qu'en vertu d'autorisations de supérieurs ecclésiastiques
et de révêque, et aussi de celle de l'évêque dans le diocèse
duquel on quêtait. L'Hôtel-Dieu le-Comte fait alors quêter
par toute la France , en faisant exhiber les reliques de
saint Barthélémy et celles de sainte Marguerite ; les Tri-
nitaires t sans y ajouter aucune autre circonstance » (3);
les religieux de Montiéramey, en disant : • Bonnes
Landit à Si-Denis, et celles de St-Roraain i Rouen. ^La Roque.
Traité de la noblesse^ p. 160.)
(1) Arch. dép., 1'., de St-Pierre. 3. G. 348.
(2) Arch. mun., B. Comptes des deniers communs.
(3) Sémillard t. m, p. 79.
9fl HfOTome fie trotes, u^
ffenn^ a' il y a aaeun qui doive quelque ehose a la Con-
fr/ffie rf^; SuVicU/f, voici un des relij^eux de Monliéra-
rney qui eM cornmift pour le recevoir, et qui a la pré-
cieux; r^rlique du kr;is dudit saint, pour que chacun
fH%%4'. %f)U devoir à sa dé\'otion 1 . »
CcH qu/îfes «*e confinucrrnl au moins jusqu'au milfeu
du XVI'' siccle, Klle» furent Tune des sources les plus
productivcH qui fournirent â la construction des princi-
paux /fdificefi relijfieux de la fin du XV' et du commen-
cement du XVI« siècle.
ï'endant les dernières années de la guerre des An-
(çlais, rarlilleric fait de rapides progrès. Ses engins, ses
canons, couleuvrines ou voguelaires reçoivent des amé-
liorîilions, dues à deux Champenois, nés dans le diocèse
dcTroyes, h Semoine (Auhe), mieux à Thaas, (2) deux
frères, Jean et (laspard Bureau, mais surtout à Jean,
l'un d(?s hommes qui se sont le plus distingués par leurs
bons services h Charles Vil, cl qui devint grand-maître
do rnrlillerie de France. (^)
(Vest aux sièges de Creil et de Pontoise , où Jean
Bureau commandait rartillerie, que ces améliorations
sont surtout appréciées. Elles acquièrent une prépon-
dérance décisive et changent la tactique militaire. En
14-01, on fabrique, à Vendcuvre, des voguelaires en fer
fondu, garnis de trois chambres. (4)
^ordonnance de 1439, sur l'organisation de la cava-
U)rie, posa les principes d'une réforme dans l'armée. Les
événements sont une entrave momentanée à son appli-
cation inunédialc. La Praguerie, cette nouvelle ligue des
(I Mt^me rccuoil, p. v'i.
{i) Manu\ cAuton do F^ro-Chaïuponoiso.
ÇA) Uk I\ Anski.mk. Hiêt, gènéal , t. vu. — La Roque. Traité de
la nobh$9e.
{A) Arch. muiL, n. t
iU5 CHAPITRE XHI. 3i
princes contre le roi, les guerres en Lorraine et en Al-
sace empêchent la prompte amélioration projetée.
A Troyes, la première taille levée pour Tentretien des
lances fournies, au nombre de sept, en résidence dans
celte ville, fut levée pour le trimestre de juillet à septembre
1445. Les lettres, qui accompagnent ce premier compte,
énoncent que, *. pour faire cesser la pillerie et autres
maux que paravant les gens de guerre avoient accous-
tumé faire et que, doresnavant, chacun puisse aler et
venir sûrement, sans danger, par tous les pays du roi,
^ faire son labour ou mestier et vivre selon son estât,
il sera levé sur les habitans de la ville et des fau-
bourgs de Troyes, les sommes et les vivres ou valeur
d'iceulx ci-après, pour un quart d'an, fini au dernier
septembre, savoir: 17 septiers et mine de froment,
» 21 queues de vin, '44 moulons, 10 boeufs et demi, et
7 lards^ 28 charrettes de foin, 14 voitures de paille,
157 sextiers et mine d'avoine, et 60 livres en argent. »
Le trimestre suivant donne lieu à la levée d*un impôt
à peu près de même importance (1).
Cet impôt est levé, dans la ville de Troyes, isolément
de tout autre, jusqu'en 1474. De 1445 à 1447, pour sept
lances ; de 1448 à 1451 , pour six lances; à partir de
1451, pour 21, 23, 24 et môme jusqu'à 26 lances et
demie et demi-quart de lance, au prix de 31 liv. t., par
mois et pour chaque lance.
Les gens de guerre, ainsi organisés, commettent moins
à^eœcès et de désordre ; la surveillance est plus exacte.
Certains commissaires royaux , aidés des officiers de
justice, veillent au maintien et à Texécution des règle-
ments et des ordonnances. L'intérieur du royaume est plus
sûr. Les habitants des campagnes, les commerçants
peuvent se livrer à leurs travaux et à leurs voyages.
(1) Arch. mon., n. f.; série F, no 73 et suiv.
3S HlSTOIiŒ lA JlkûYES. 144&
lç*\rifi *-: ii b->i-t îii-li. :«c»î^ ô-- L..:'j"ve:ie> hase* i ia
(■■.•uj;'iai':.:> G . i*.':i;b.:jç et jf> F liôLl-^-s rx;r3ori3inaires
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leur ïjjij: le- ^if . .* jTjrij: ôiors 0^5 ofciers rox'aux.
(;oiJ*-îj-..iii.: 0-- V- ^ j'.îijx "e {'T-fiLiriv ^^sti^nc-e. pour les
*^J*-K*|..Il^ î>-.î; !\-e+ ;-jT. fc'drr. ci'jx ta:]"e> eî aïiX srabelles,
qui, -er i}.':»*--. T-ei*'\fT': -Jr ia C-ur des A^îes. Le Domaine
ïvvc! re^tf de--:!*- ■f'■^ ittr-i-ut^-MiS rî I.1 coaî:»êîence des
lr^<firj*'rt» Jf Fiôjj'.ve o'j OtriitTraui de> Finances. Il esl
lit^-rdit i I''.»ute jur.dîcllorj e^-clésiasîique ou laïque de
t* 'rjjTjjîK-fr '1aj> 'eç- ^'ff'a'îes îv'aîives aux înipùts, et aux
InLuriaux de UirUir ••l'Jre. dr rtroDOEcer conlre les oflfî-
cent def FinaDceè- de^^ ex( ommuiiications , lorsque
ce!!ef-cj s'adreS'^eriî à de^ ^oïLine? engagés dans la clé-
ricâture. Sont exemples de iaiiîes, en dehors du clei^é,
les écoliers des cTjiversités, les nobles < suivant les
armes. » les arhalétriers et canonniers de> bonnes villes,
les oHiciers ordinaires et commençaux du roi, enfin les
pauvres, dont Tindifence esl constatée, ferment cette liste
de privilégiés.
Sous rinfluence des mêmes idées d amélioration, vers
1450, le« grandes circonscriptions financières ou géné^-
ralités furent modifiées et, de trois, furent portées à
quatre, savoir: la généralité dOutre-Seine et Yonne,
comprenant Troyes et la Champagne, et dont Jean Bu-
reau est le trésorier général, et celles de Languedoïl,
tie Languedoc et de Normandie.
Les levées de deniers s'opéraient dans des limites ter-
ritoriales très-variées, soit sur la ville et une certaine
banlieue, soit sur la prévoté, le bailliage ou le diocèse
de Troyes. L'élection de Troyes comprend tout le dio-
cèse, sauf les doyennés de Pont et de Sécanne , qui,
1443 CHAPITRE XUI. 33
renfermés dans le duché-pairie de Nemours, constitue-
ront des élections séparées. Dans tous les cas, on 1479,
Télection de Troyes est constituée, ainsi que nous venons
de le dire.
Dans la ville de Troyes, avaient en vain tenté de s'é-
tablir certains privilèges en dehors de ceux dénommés
dans les ordonnances, tels que ceux auxquels préten-
daient les officiers des monnaies. Il n'en fut pas de
même pour les étudiants et suppôts de l'université. En
1M3, Jean Berthier, t pampeleur » (papetier), et Simon
Charrey, parcheminier de l'Université, sont compris dans
les rôles, ma s ne paient point l'impôt. Il on est de même
en faveur de Jean Richart, savetier, messager de l'Uni-
versité. Ces privilèges ne sont que tolérés, car il est dit
que les sergents royaux, en 1446, « n'osent exécuter ces
» suppôts de l'Université, pour doubte d'être excommu-
• niés. > (1) Pourtant, le vent des réformes soufflait sur
l'ancienne Université, comme sur les autres parties de
l'administration du royaume. Le roi marche vers la cen-
tralisation, qui commence à exercer son influence. Elle
n'est pas un abus. Elle veut unifier le royaume; elle est
en voie de formation. Déjà, une ordonnance de 1445
renvoie les suppôts de l'Université et leurs affaires à la
juridiction du Chatelet, comme les affaires des bourgeois
de Paris. .Mais l'Université ne cède pas. Elle a encore la
mémoire de l'exercice do ses anciens privilèges. En
4461), elle excommunie certains officiers de la Chambre
des Aides , et notamment Louis Raguier , évéque de
Troyes et président de celle Chambre. Charles VII lève
lui-même Texcommunication , en ordonnant à l'Univer-
sité de mettre fin à ces sortes de sentences , prononcées
contre les officiers des Aides (2).
.1) Arch. mun., n. f., n» 83. — Parmi les privilégiés se trouve
Félix Maréchal, écossais, exempté par don du roi.
(2) Recueil de$ ord. de$ Rois de France. T. XIV, p. 497.
nu 8
M nisTomt: de troyes. 1444
Après la fin de la {^nerro en Champagne et, en dehors
de la taille dite des lances Iburnies, on lève à Troves et
à plusieurs fois, dos subsides pour aider au siège de
Montereauen 1437. En 1439, 1,900 liv. l.,« pour le soi-
doiement de rannée du roy estant au pays de Norman-
die et rcnlreleiiement garde et déflence de Tlle de
France et pour les frais naguùres faicts par le bastard
d'Orléans pour la vidange des gens de guerre estans
derrenièrement à Esparnay. » Kn janvier 1440 (v. st.),
1,000 liv. t., sont prêtées au roi se rendant en Lorraine, t
En août, 800 liv. sont levés « pour résister aux anglais
et descharger le pays des gens d'armes et de trait, res-
tans et vivans sur les habitans ; 1,500 liv., pour l'en-
tretien des arm^'^es de Normandie et des sièges de Creil
et de Pontoise, et la vidange des gens d'armes et gar-
nisons de Champagne ; on 1442, 1,200 liv., levés à
Troyes, pour sa part dans l'impôt assis t es païs de pardeçà
les rivières de Seine et d* Yonne, tant pour l'entretene-
ment et rafrescliissement des frontières establyes esdits
païs que pour la provision de la ville de Dieppe. • En
1443, fut levé un impôt de 240,000 liv. t., « sur les pays
de Languedoïl, pour la conduicte de sa Seignorye, Ten-
tretenement de ses frontières, pourvoir à la ville de
Dieppe, assiégée par les anglois, et faire >vider les gens
d'armes de sur ses païs. » Dans cet impôt, Télection de
Troyes fut chargée de 1,500 liv. t. Dans la même an-
née, autre impôt de 706 liv., pour « Tenlrelien des gens
d*armes et de trait étant sur les frontières de Normandie,
France, (Ile-de-France), et Picardie que aultre part
d'outre les rivières de Seine et Yonne et ad ce qu'ils ne
retournent pas sur ses païs et subgiez. » En 1444, 300
liv., sont levés au profit de M. de Uucil, c lors alans es
parties d'Alemaignc soubz monsieur le Daulphin. » En
1450, le 17 seplonibrc, Chai les, duc d'Orléans, est auto-
risé à lever pour payer sa rançon la somme de 12,000
1445 CHAPITRE XUI. 35
liv., sur ses domaines entre Seine et Yonne et sur Té-
leclion crOrléans. non compris la ville, les faubourgs et
l'élection de Blois (i).
En 1445, 4450 liv. t., sont imposées sur la ville de
Troyes, pour portion dans Taide mis par le roi € pour
la convention qui se doit faire à la saison nouvelle
pour traicter de la paix final ( sic ) d'entre les deux
royaumes de France et d'Angleterre. » En 1450, on
lève 630 liv. t , pour le recouvrement des pais et duché
de Guyenne. Ces deux aides paraissent être les seules
qui furent levées dans la ville de Troyes pendant ces
cinq années, sauf les droits sur le sel dont le produit,
pour la ville, est appliqué à l'entretien des fortifications.
Vers la même époque, pèse une taxe sur les marchan-
dises qui descendent la Seine ou qui sont déchargées au
port du Pont-Hubert. La ville, par son Conseil, demande
la suppression de cette taxe, notamment de celle qui
frappe sur les vins. Elle s'appuie sur le préjudice que
cause cet impôt au commerce qui se déplace et change
de direction. Les marchands s'éloignent de la ville, ils font
passer leur vins par Bar-sur-Seine, Chappes, Fouchères
et autres lieux placés sur la Seine et sur TAube. « Ils
font chambre et descente de vins à Bar-sur-Aube, à
Brienne, àRameruptet autres lieux éloignés de Troyes. »
En 1445, Charles VII adresse mandement aux gens de
ses finances, tant des pays de langue d'oc que de langue
d'oïl et notamment aux baillis et sénéchaux de Lyon, de
Vermandois, de Troyes, de Sens, de Chaumont et de
Vitry-en-Perthois, ainsi qu'aux maîtres des ports, faisant
savoir que son procureur lui a remontré qu'au temps
passé, il se faisait en France un grand commerce d'é-
picerie et de droguerie venant d'Alexandrie, de Bérulh
(Beyrouth) et d'autres contrées du levant j;ai- le port
(1) Aich. imp , K. 69, n» 23, 231 original et de â3* à 23».
36 HISTOIUE DE TROYES. iU5
d'Aigues-niortes, le plus beau, le plus profitable et le
plus sûr du pays de Languedoc. Le roi ordonne que les
épiceries et les drogueries, excepté le safran, qui entre-
ront en France, jiar un autre port, soit parterre, soit par
mer, que par ceux d'Aigues-mortes, de la Rochelle et
ceux du pays de Flandres, il sera levé t un treu » (droit),
de dix pour cent sur les marchandises centrant en fran-
chise par ces ports. Les épiceries et les drogueries venant
de Catalogne, no sont frappées que d'un droit de
sept pour cent, parce qu elles sont déjà chargées d'un
autre droit de trois pour cent (1).
Cette ordonnance est critiquée parle Conseil de ville,
qui objecte le grand préjudice qu'elle porte au com-
merce ; les droits n'étant payés que dans Tintérieur du
royaume et non aux ports ou lieux d'entrée. Cette ob-
servation est des plus judicieuses. LUe résulte de la con-
naissance parfaite des nécessités commerciales. Le Con-
seil demande • si c'est le plaisir du roi, que cette
ordonnance soit exécutée, mais qu'il y a charité d'y
faire aucune modération, c'est asçavoir que l'on paiast
la dicte somme (le droit d'entrée) quant les denrées en-
trent dans le royaume ou en sortent, mais non quand
elles sont dedans et au fonds d*icelui et supplient, les
habitants de Troyes, le roy et messieurs de son Con-
seil, qu*ils leur plaisent y mettre provision. »
Les monnaies ont aussi leur part dans la réforme gé-
nérale. Un édit du 12 novembre li43, supprime le cours
de toute autre monnaie que les écus d'or, les « deniers
grands blancs » valant dix deniers tournois, les petits
blancs de la valeur de cinq derniers et les « doubles de-
niers noirs. » Bien des intérêts sont lésés par cette mo-
dification. Cet édit n'arrête pas, à Troyes, le cours des
(i) Arch. mun. , LeUres orij^nales , avec mention de publication ,
par un sergent de la j)rôvoté, à Sens, à Cliaumont, à Vilry, à Chû-
lons, à Reims et â Laon.
U46 CHAPITRE XIH. 37
monnaies étrangères. Si les monnaies anglaises dispa-
raissent en partie, le voisinage si proche de la Bourgo-
gne et de la Lorraine permet et nécessite la circulation des
monnaies de ces provinces.
Le 23 décembre 1M6, Charles VII défend le cours
des monnaies dites: « mailles au chat > , surtout en
usage dans TIle-de-France, la Hrie, la Champagne, le
Vermandois et la Picardie. Deux mois après, le roi or-
donne la fabrication de petits blancs jusqu'à la quantité
de dix mille marcs d'argent : rhôtel des monnaies de
Troyes en fabrique pour une valeur de mille marcs (1).
L'administration de la justice fut aussi l'objet de ré-
formes, tant au parlement que dans les bailliages. Les
fonctions et les attributions des baillis sont l'objet de
profondes modifications. Après le règlement de 1453, il
restait encore beaucoup à faire.
Les justices seigneuriales se virent dépouiller de cer-
tains de leurs droits. Mais le fait qui, à Troyes, a laissé
dos souvenirs dans nos divers dépôts d'archives, c'est
la lutte entre la justice royale et la justice ecclésiastique.
L officiai avait fait mettre en prison pour faux témoignage
un individu qui, en justice, avait déclaré bourgeois du
roi un serf de Tévêque. L'oflicial excommunie le pro-
cureur du roi qui détient un clerc en prison. Cet ofTicier
royal, avec trente ou quarante sergents ot notaires royaux,
se transporte dans l'auditoire de Tofficialité, où se trou-
vaient révoque et ses officiers de justice. Sur la résis-
tance de révoque, Jean Léguisé, le procureur du roi fit
arrêter Nicolas Huvard, clerc de Vofficialité» et le tint sous
les verrous pendant douze jours (2).
De nouvelles difficultés survinrent et les parties firent
régler leurs droits par des concordats.
(1) Ord, des rois de France^ t. xiii, p. 48i. 497.
(2) Arch. dép. ; f. de rËvéché. 6. S96.
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ti58 CHAPITRE XIII. 39
ecclésiastiques était une mesure indispensable, avant la
rédaction dos coutumes (i).
Le Conseil de ville a pris sa source dans le danger que
la ville courait à certaines époques. On Ta vu actif et
vigilant. Sous la domination anglaise, il semble dispa-
raîtn? et la ville n'aurait eu, à cette époque, pour en tenir
lieu, qu'un clerc-procureur, à enté du voyeur et des
maîtres des œuvres, relevant de l'assemblée populaire de
la St-Barnabo. Au lendemain de la remise de la ville à
Charles Vif, un nouveau Conseil, élu chaque année, se
reconstitue cl fonctionne jusqu'à la paix d'Arras en 1435.
L'année suivante, l'assemblée de la St-Barnabé décide
que, le lundi de chaque semaine, a l'heure où les maîtres
des œuvres se réunissent « pour faire le compte des mé-
reaux et des bol(»ltcs > , on apportera les boîtes conte-
nant les deniers de la chaussée, et là, elle seront ouvertes
par les voyeurs et les maîtres des œuvres, qui ensemble
communi(|ueront dorénavant Tun avec l'autre des af-
faires comnujnes et sur leurs délibérations, seront exécu-
tés les différents travaux de la ville \ii,y
En li37, les auditeurs des comptes se réunissent à
ri!utel-nieu-Le Comte ainsi qu'en 1138, et paient à cet
établissement un lover annuel de six livres. Les maîtres
des (euvres ont « leur chambre » dans la maison de
Laurent Tourier, tandis que les maîtres des comptes
sont logés, moyennant cinq livres, dans une maison ap-
partenant au chapilre de St-Ktienne. Dans celle-ci sont
déposées les archives communes. Kn 1445 et en 1448,
(1 ) î .«» sujet nous a paru d'un intérêt assez puissant pour Tétudior
avec plus 4le dcveloppemenl que nous ne pouvons le faire dans cet
ouvrage. Aussi lui avons-nous donne place dans nos: Recherches sto*
lajuridictiOii royale et laJKridictiot ecclésiastique dans la vilU et
le bailliage de Troyes et sur les coutumes de ce bailliage, Troycs,
1872.
(fl) Arch. mun., n. f. ; C. 6.
40 HISTOIRE DE TROYES. 1458
l'existence d'un nouveau Conseil esl eonslalée, mais ce
Conseil laisse peu d'actes de son administration (1).
En 1 458, le Conseil se constitue d'après un règlement
nouveau. Il est composé de vingt-cinq membres élus,
dont six sont choisis dans le clergé. L'élection n'a plus
lieu, comme de 1429 à 1135, d'année à autre au premier
octobre, mais le jour de la St-Barnabé. Dans la résolu-
tion prise par cette assemblée de 1458, en présence de
Louis Raguier, évéque, il est dit : «à cette assemblée
ont été élus au Conseil pour délibérer des besognes et
affaires de cette ville, jusques au nombre de vingt-cinq,
dont six sont d'église et les autres laïcs. Ils s'assemble-
ront de quinze jours en quinze jours en la salle du roi,
le mercredi depuis Pâques, à huit heures. Il sera distri-
bué à chaque réunion, douze sous six d., par le receveur
des deniers communs. Neuf des dits élus, pourront dé-
libérer comme si les vingt-cinq étaient présents. Les neuf
comparants et au-dessus, supposé que les vingt-cinq n'y
soient, toucheront la dile somme de douze sous six den. •
Des jetons de présence remplaceni, en faveur des présens,
l'amende prononcée précédemment contre les absenis.
Le fait principal de cette assemblée; c'est l'éleclion des
vingt-cinq nouveaux membres du Conseil et la constitu-
tion de ce Conseil. La convocation a lieu par un sergent
royal et non, comme à l'ordinaire, au son de la cloche.
Soixante-un habitans présents sont nommés, d'autres ne
le sont pas, puis il est donné défaut contre soixante-un
habitants convoqués et non comparants. Il y a tendance
à un nouvel état de choses, les habitudes pratiquées à
la St-Barnahé vont se niodifier et ce changement con-
duira promptemcnt à Torganisation d'un échevinage par
lettres royales.
(1) En 1458, *l ordonne la roupc do. noyers existant dans le clos
de TEvèque, situé près de la porte Si -Jacques. On craint une attaque
contre la ville. TArch. dép., Comptes de Vévéché. G. 307., 1448-49. >
1458 CHAPITRE XIII. 41
L*élection porta au CoDscit les personnes dont les
noms suivent.
Pour le clergé :
M. le doyen de Troyes.
Celui de Si-Etienne.
Celui deSt-Urbain.
Messire Guillaume Léguisé.
Messire Noël.
Jacques Leschevin.
Et pour les laïcs ;
M« Antoine Guéry,Prévdt.
M«Jean de Grève, procureur du roi.
Me Nicolas Mauroy.
François de la Carmoise.
Simon Hennequin.
Jacquinot Mauroy.
Jean de Cellières.
Simon Dorigny.
Jean Breer.
Colin Fajot.
Pierre Truchot.
Jacquinot Benoist.
Etienne Formé.
Jean Dorigny, l'aîné.
Huet Léguisé.
Pierre le Boucheratet Pierre le Tartrier d).
Il est encore décidé que les fortifications seront visi-
tées conjointement par les membres du Conseil et les
maîtres des œuvres. Le voyeur reroit des ordres pour
faire réparer les chaussées. Le receveur et les maîtres
des œuvres s'assembleront dorénavant le dimanche matin,
(i; il n'y a que 23 noms, quoiqu'il ^oit décidé que le Conseil suia
composé de 25 personnes.
A2 HISTOIRE DE TROYES. am
à rhôtelde Jean de Vitel, pour s'informer cl connaître ce
qui aura été fait des travaux de ville pendant la sennaine
ot les voyeurs pourront aussi se réunir « pour le fait de
leur voirie. >
Cette dernière constitution du Conseil de la ville est
celle qui précéda l;i création de l'échevinage de 1470.
Les anciens Conseils ne se sont jamais réunis au Beffroi
ou dans ses galeries, mais dans différents lieux. On
dirait qu'ils semblent craindre de se réunir plusieurs fois
de suite au môme lieu. A partir de 1458, le Conseil se fixe
et loue, en 1464, dans Thôtel de Jean de Vitol, une salle
pour y mettre « les besognes de la ville et y délibé-
rer (l). » On est à la veille d'une organisation plus déve-
loppée, plus solide, mieux assise que celle qui a fonc-
tionné jusqu'alors. La paix a déjà porté ses fruits et,
comme la guerre, elle a ses besoins.
Le calme est revenu à Troyes et, si pendant le dan-
ger, chaque habitant était un homme d'armes et, toute la
maison, un arsenal, à partir de 1460, les Troyens se
reposent de leurs fatigues d'autrefois, ot les armes sont
mises au croc. La ville arme et salarie dix francs-
archers, chargés de maintenir l'ordre à l'intérieur et de
veiller à la sûreté générale de la ville II y eut, à cette
époque, une profonde sécurité. Ces périodes sont rares
dans l'histoire de ces temps (2).
Los ressources linancières de la ville sont toujours les
mêmes. Le Conseil a ses deniers communs. La commu-
(l)Cethôt€l, qui fut une hôtellerie, reçut plus tiird la grande
•M'ole entretenue par la ville. C'est aujourd'hui la maison, qui naguère
était auberjre, et porte, dans la rue de l'Ilotel-de-Ville, le n« 22 et
s'étend jusqu'à l'impasse de lu Grande-Ecole, rue Gambey. Celte
hôtellerie eut {wur enseigne : La Licorne, puis l'Autruche.
(2) Il est délivré à chacun des fi ancs-archers, un jaque en toile et
futaine, au prix de 5 1. ; une épée de 2 1. 5 s. ; une dague de 14 s. ;
une salade (casque) de ^ 1. ; un arc et une trousse de 4 1. ; un ho-
queton et un chaperon. {Arch, mun , B. 17.)
tieO CHAPITRE XIII. 43
naoté des habitants possède des terrains, dits usages,
près du moulin de Pétai (1) et des Charmes j près de la
Moline La contrée, comprise entre le moulin de ce nom
jusqu'à la Vieille Seine, sont des terrains vagues, soumis
aux inondations et sans revenus apparents.
Le droit de moulage ou de mouture est remplacé, par
la volonté des habitants et malgré Ténergique opposi-
tion du clergé, par le droit de la maille, levé sur chaque
livre de pain blanc ou pain de provende ou de prébende^
vendu chez les boulangers. Le produit de ce nouvel impôt
est appliqué, comme celui qu'il remplaçait, aux travaux
des fortifications La levée de ce droit fut affermée, en
1457, moyennant 600 liv.; puis 660 et plus (2).
Les fortifications absoi^bent aussi , par leurs travaux
neufs et d'entretien, le produit de la vente du sel faite
au profit de la ville, sauf les droits du roi. A une com-
pagnie concessionnaire, constituée en 1 i50, et composée
de Jean Hennequin , Guillaume Mole, François de la
Garmoise, succède, en 1459, a un commis designé par
le Conseil. > Il doit des comptes au Conseil de ville et
aux officiers du roi. (3; Les lettres ont été obtenues ,
en 1459, par Tenlremise de Pierre de Refuge , général
des flnances, qui reçoit des habitants 54 pots de vin de
Beaune, du poisson, une fine pièce de lin et quatre dou-
zaines de fines serviettes. En 1463, la ville paie le sel
12 liv. t. le muids , mesure de Paris , à Guillaume (iO-
lombel, commis par le roi à donner le sel aux marchands
fournissant les greniers du royaume, excepté le Langue-
doc. 1 Sur ce prix de 42 liv. t., sont déduites 4 liv., au
profit du roi.
Le commis à la vente du sel acquitte directement
certaines dépenses faites dans rinlérél de la ville La
(1) Arch. inun., anc. f., liasse l'I
(2) Anc. f., liasse 51; u. f , B. 14, 17 et 18.
(3) N. f., G. de 1 à M. — B. U. — Anc. f., Uasse 51.
4i HISTOIRE DE TROYES. 141^1
;er)le du .^el constitue une quatrième caisse, indépen-
dante de cellr; dos deniers communs, do celle delà
\u;rie éîtd»; celle des maîtres fies œuvres. Elle sert à cou-
\rip d'abord les dépenses des rortitications. puis diverses
dépenses. Lo comptaMo rend ses comptes à des auditeurs
rlus à cet effet.
\'eri Ii50, disparaissent les lettres dt» commission
données aux olViciers royaux pour l'audition et la clôture
des comptes des denit^rs communs, dette tutelle dispa-
rait. Jusqu'en 140:2, le voyeur du roi, dans les comptes
de la voirie, occu|>e la première place. A partir de cette
date, c'est le voyeur de la ville, alors Jacques Mauroy.
Depuis, ce ran;^ a toujours été ainsi gardé entre les deux
voyeurs, (iette double modification peut-elle faire croire
à une prépondérance, prise par les habitants de Troycs
sur les officiers rovaux, dans les affaires de la cité, et à
une plus ffrande indépendance? On ne saurait le dire.
Les revenus de la voirie se composent surtout du pro-
duit de la ferme de la chaussée, et sont un reflet fort
exact du mouvement de la circulation. Les guerres abais-
sent ou annulent môme les receltes ; la paix , faisant
rouvrir l(îs |»orles, rétablit ces produits, et la sécurité les
augmente. Kn 1435, ces n?ccltcs sont de 17 liv. 15 s.
2 d. La ferme n'est reconstituée qu'en 1147, elle rap-
porte alors 257 liv. Kn 1459, elle est de 252 liv. , et la
voirie touche, pour tout revenu, 283 liv. Kn 1461 , la
ferme des Chaussées rapporte 442 liv. U s. t.
Le voyeur enirelient de nombreux ponts à sa charge,
et qui sont situés tant dans la ville (|ue dans la banlieue,
notamment ciMix de llreban et de Lin(;on, sur la roule
d'Auxerre et celui de l'Hozain, sur celle de Bourgogne.
Il fait arracher les pierres d'un vieux pont près des mou-
lins-au-Mont (1) et paver la chaussée de ce moulin.
(1)N. f., C.IO, i5et2i.
1462 CHAPITRE XIII. 45
Cette chaussée est la route d'Allemag^no. Il fait réparer
de grands dommages occasionnés, le 10 juin 1460, par
une inondation. Il fait éparer — question importante à
notre époque, — en 1461-62 a les grands crots > qui
s'ouvrent dans les rues delà ville, — qui, aujourd'hui en-
core, s'etfondrent, surtout ù la suite des pluies, ('e lait
est même constaté des l'année 1416 (1).
La ville de Troyes — on peut encore s'en rendre
compte aujourd'hui , quoiqu'ils soient moins nombreux
— avait, au moyen-Age, un grand nombre de ponts : les
uns, à la charge exclusive des habitants, d'autres, à la
charge d'un quartier, d'autres enfin, entretenus parle
voisinage ou par la communauté des habitants. On dis
tingue les grands cl les petits ponts. Les grands ponts
sont ceux qui servent à trav rsor la Seine et les cours
d'eau voisins et quelques-unes des dérivations princi-
pales, coupant les grandes rues et les grands chemins
Les petits ponts sont jetés sur les canaux d'un ordre
inférieur, et ont été édifiés selon les besoins causés par
le développement de la population. Le Chapitre de St-
Etienne , seigneur haut-justicier des dérivations de la
Seine, perçoit des droits sur les petits ponts, et ces droits
sont sans doute acquittés par la communauté des habi-
tants, car le 12 novembre 1429, le Chapitre de St-
Etienne obtient sentence contre Pierre d'Arrentières,
clerc et procureur des habitants, touchant le droit des
petits ponts établis sur la Seine (2).
En 1448, les habitants de Troyes transigent avec le
même Chapitre, à l'occasion de deux ponts dépendant
de la chaussée du Pont-Hubert, et pour lesquels les habi-
tants doivent la couverture, et le Chapitre le surplus (3).
(i)N. f., C. ir.
(2} Ârch. dép., f. de St-Eticnne. Inv. des privilèges^ page 77. Hist.
de la ville de Troyes, i. 1, p. 212.
(3) Arch. dép., G. 17.
46 HISTOIRE DE THOYES. i4m
Une transaction intervient aussi avec Tabbé de Mo-
léine, représenté parle Prieur de Sl-Quentin, d'une part,
et les habitants de Troyes, d'autre part, à Toccasion de
la chaussée du moulin de St-Quentin. Les habitants de
Preize se plaignent surtout des inondations provoquées
parle mauvais entretien de cette chaussée et d'un saulvour
à poisson que Jean Le Bey^ pampeleur, fermier du moulin,
a creusé près de cette chaussée. Le Prieur reconnait que
la cause du dommage est le mauvais entretien de la
chaussée, qui commence aux fossés de la ville et se
poursuit jusqu'à la Berlauclie de Soucin de Lusigny. Il
demande l'abandon de la chaussée, à la charge de l'en-
Iretenir. Cette proposition fut acceptée par les habitants
et le Prieuré de St-Qucntin devint propriétaire de cette
chaussée, à la condition « de l'entretenir et de la tenir
« déclose, afln que l'on puisse aler et venir, passer et
» repasser et avoir ses aisances, à pied, à cheval et à
» harnais (1). >
Les habitants de Troyes se joignent aux religieux de St-
Antoine contre le Chapitre de St-Etienne, afin d'obtenir la
conservation, dans leur maison et pour les gens qui
l'habitent, d'étuves et de poêles, dont le Chapitre deman-
dait la démolition, en raison des privilèges qu'il tenait
du comte Henry. L'arrêt du Parlement est du 20 mars
1450, (2) il porte échec aux privilèges du Chapitre.
Parmi les aumônes que le Conseil de ville commence
à faire, on trouve , dans les comptes de 4442, mention
d'un don fait, pour l'amour de Dieu, d'une somme de
cent sous tournois < à noble homme Thomas^ conte de la
{^) Arch. inun., anc. f., lay. 28. — Celte transaction fait encore
aujourd'hui la- base des droits de la ville et du propriétaire du mou-
lin. La Bertauche est la propriété comprise entre Je moulin et la
grande rue de Taaxelles, et se termine en pointe du c6té de la
ville.
(2) Ghosley. Môm. hist., t. i, p. 43. VoirTarrôt.
14J0 CnAPITRE XHL 47
> petite Egypte, par auniôno caritalive, pour lui aider à
> coDiluirc la dépense de lui et de plusieurs autres per-
» sonnes, tant honnnes que femmes et enfans, étant en
» sa compagnie, vivant et marchant piteusement par ces
• marches (i). »
Dans les premières années du XV^ siècle, on trouve
à Troyes Michau de Loches, recteur des écoles, une cer-
taine dame Jeanne , maîtresse d'école au quartier de
Croncels; en 1415, M^ Jean de Bèze est maître d'école
au quartier de la Madeleine, et il est dispensé de payer
certaine taxe < en laveur de Tétude et afin qu'il ait
cause de résider à Troyes. » En 1419, on trouve Jean
de Pothières; en 14^24, Pierre Denizet , ancien recteur,
et en 1435, Girart, maître d'école. Thierry Robichon,
chanoine de St-Etienne, était Técolâtre du Chapitre.
Après le traité d'Arrns, la ville rouvre ses écoles.
En 143G Je 7 novembre, fut publié par Nicolas Huyarl,
promoteur en cour d'église, un règlement arrêté dans
une nombreuse assemblée où se trouvaient 1 evéque, des
chanoines, Jean Blanche, chantre de St-Pierre et recteur
ou grand-maître des écoles, les officiers royaux, un
grand nombre de bourgeois , marchands et habi-
tants de Troyes. Ce règlement, en cinquante-six ar-
ticles et divisé par chapitre , fixe les devoirs des
élèves, ceux du grand-maitrc , du portier, du prévôt et
ceux des primitifs. Il se termine par la formule des ser-
ments que le recteur doit au chantre de St-Pierre et au
scolastique de St-Etienne , et celles du serment que les
maîtres ou bacheliers doivent prêter, lorsqu'ils sont admis
à enseigner.
(\) Arch. wun., n. f., A. A., carton 22e; 2e liasse. — Bulletin
de la Société des antiqttaires de France, ier trim. 1868, p. 48 Men-
tion 1» d'an premier passage, à Colmar , le 27 mai 1442, jour de la
Trinité, de bohémiens, à qui la ville fait aumône ; 2* d'un deuxième
passage, lo 28 juin 1444, et d'un 3" le l^-'r mars 1450, sous le com-
mandement du noble Seigneur Philippe, comte de la petite Egypte,
sLT ] i'rf^z^^z^c^ i&i cCi:*-?s- jraa^te* et p<etite$« t'ordre
t^ it- tl-M ie* «rtîi'ie*. LcCiC'.vt 'fa •coi"-*: le* noms des
bLlPurt jic: ^e:f .:.avri«\» **rr^ira: ixi rCnJe* t sont in-
ciçL^rî* Liï> ^"in-iir::» «nM .-»* >:c: j^t-^-^es" 54:'*-i5 la direction
c fn-.r-cii:i.i^. ri: Cijcr.'t t iiTiirfts ie:^ foaclioas de
ï ii»**.^. v-M:ie Jii Lua.:::^ •••*, •i-r^i^e le-* ebi^Dtriiis aux
"twî* i.i i,Ltiti* r.aiJi»»rEie é: I: jai. : ^~.^:'Li^- h pounoit
kL ii*i!j*f!i*i aettessaire ik .1 .-^iiïi* e'; ± i&nir^ÏÀea de
- -»«:i:*i*. [\ Dert;;.H: i.i r»rCr!:'^:.oz 5.:-:'.j ^. t\.^ pour les
itHii ie^i» .à *ài î4)uâ -or xn. cC. ir f.as. 53 deniers
jiaffnij*:* pajea à N.'ih eC i L^ Ni.a:-J^d:i S:îp celle der-
« pK2L.ti& et ie portn*r ?«:at cr.•:■:^:^ rircii îe* élèves.
ebar;^ de* soLQi«ie prt.'kpiv:e e: l■i:7^:■:^ vV?T-re5. et, pour
oe* jernoe*. lU >:r,c rieiv.::< ie i^i Cixe Mr^laife. Le
portier. ouu>t^ b ^ar^te ie '-^ •: ::e. ivnac ie vvafé après
U nK'«$e el Jiprè> vik^nt\> I. Àva.vr .e :o^ae: : :3 ea^l fouet-
ItMir en ohot* \rî, 4^ .
LVUhiodu Utia e5>t rx^:e; iMrîrj-^: ôc* reeomuian-
«étions : el jHUirtJint ^uei ]iî:ri Le* c:o". efs. entr'eux«
doivent (Varier oelte i^npie : < ni^ui «u:, ii:l le nèfle-
* monU un bun 0\m|nrtî qu^ïîvvr p^:. in:eu\ vaut encore
» un lâlin inoon|mi que !e frân{jL;5 >
l/inx<tmotion e$l doniuw *îjiv.> u** pr*î:hk^ «vvies, à des
élèves lîbn^î^, ^lo h v»Uo ou Je i exti re^ur, \i«nl sous la
*ljftHM»on \\\^ Unir f^nnUlo l.o> c,?^e<\ ,- 7 ; rv^nnenl récrî-
Um\ U\ looUnx\ U Un^ue ijir.r.o Li> iiuàes scienli-
lUjues so hoinoni A «)uo)quo> < ',* ,r4on:> 3e calcul.
1.0* lixivs rwoninuimies so-.t io Ikmss. Je Calho^
'0 fWhfx o| \ii Thf\\^i\}m. et *Vjiv*:Tf > ?.;:îinrs dont les
nouu n«» ^\\\\\ p«!i eon>er\V3^« uu)S ie p4us en \ogue est
1449 CHAPITRE XIII. 49
le Doctrinal de sapience de Guy de Roye, mort archevê-
que de Sens, en 4409 (1).
Ce beau règlement fut-il exéculc? On peut s'adresser
cette question. En 1442 et en 1445, les écoles ne sont
pas ouvertes ou sont refermées. En cette dernière, le
Conseil de ville en demande la réouverture. En 1447,
la ville traite avec Me Jean Breton, licencié ès-lois, né à
Troyes et y demeurant, pour y tenir école de grammaire
et enseigner toute autre science aux enfants. La ville lui
paie une rétribution de 20 liv. t. par an, et les enfants,
un salaire raisonnable. Me Jean s'acquitte de ses fonc-
tions avec honneur. En 1454, il est grand-maître et
fermier de la grande maîtrise des écoles de Troyes.
L'abbaye de Nolre-Dame-aux-Nonnains tient école
pour les filles. Dans la lutte entre Tabbesse et Tévôquc,
celui-ci défend aux bourgeois d*y envoyer leurs filles. Les
Frères-Prêcheurs ou Jacobins tiennent aussi école dans
leur maison. En outre, Jean Gaucher est maître d'école,
à Troyes, en 1455. Il y a, en 1449, école tenue au pres-
bytère de St-André. A Courteranges, dépendant de la
seigneurie de Tabbaye de Montiéramey, le curé, ayant
ouvert une école, est condanmé par Toffîcial à la fermer,
parce qu'il ne s'est pas pourvu du consentement de
l'abbé (2).
Dès la première moitié du XVe siècle , les foires de
Champagne et de Brie perdent leur importance. Les
guerres les font disparaître complètement (3) , la circu-
(i) Ce livre fui imprimé à Troyes, au XVI* siècle, par Jean
Lecoq.
(2)Vallet deViriville. Arch, hist, du dép. de VAttbe, p. 108 et
156. — BouTiOT. Uist, de V Instruction publique et populaire à
TroyeSy pendant les quatre denners siècles. Cette étude renferme des
développements dans lesquels nous ne pouvons entrer ici.
(3) Les comptes de la collégiale de St-Etienne, qui prélevait, sur
le produit des foires, une partie importante de ses revenus, établis-
sant Tabsence de toute recette de cette nature, pendant de nombreuses
III. 4
50 HISTOIRE DE TROYES. 1U5
lation des hommes et des marchandises sur les grands
chemins étant devenue à peu près impossible.
Après la paix d'Arras, il est fait quelques efforts pour
les reconstituer et en relever Timportance; mais de
nouveaux coups sont portés à ces grands marchés. En
1443, Charles VII institue trois nouvelles foires, à Lyon,
avec jouissance des privilèges, accordés jadis à celles de
Champagne.
Toute la province et notamment les villes de Troyes,
de Lagny , de Provins et de Bar-sur-Aube , s'émeuvent
de cette création, de môme que Lubin Raguier, garde
et chancelier des foires, promoteur des causes d'office
et maître des défauts de ces foires; Thibaut-Arnout,
garde des registres , les quarante notaires et les cent
sergents de cette juridiction et encore Tabbaye de Mon-
tier-la-Celle, celle de Saint-Martin-ès- Aires , le Chapitre
de St-Etienne , tous intéressés , s'efforcent d'empêcher
l'établissement des foires de Lyon. Une seconde sup-
plique, ayant pour but d'empêcher l'enregistrement des
lettres à la Chambre des Comptes , est adressée par les
mêmes , et à eux se sont réunis d'autres intéressés :
l'abbaye de St-Denis, celle de Lagny, les gens d'église de
Troyes et le prévôt des marchands de Paris. De nou-
velles instances près du roi ont pour résultat, le 19 juin
1445, la confirmation des privilèges des foires, avec
exemption de tous impôts pendant les dix premiers jours
de chaque foire. Ce remède fut insuffisant (1).
Ces lettres ne confirment point les six anciennes
foires ; maïs rétablissent les deux foires de Troyes , en
leur accordant les privilèges attachés aux anciennes. A
années, soit avant, soit après la reconstitution de ces marchés. En
1456, les halles sont louées à d'autres qu'à des marchands forains ou
inoccupées, {Arch. dép., f, de Saint- Etienne, G., de 370 à 384.)
(i) BouRQiiEiAïT. Mé7n, 9tir les foires de Champagne et Brie^ II*
partie, p. 315.
ill5 CHAPITRE XIIT. 51
cette occasion , il est rappelé que les foires de Cham-
pagne et de Brie ont été établies par les précédcsseurs
du roi, que plusieurs prinees, barons, et seigneurs chré-
tieM et in/créans se sont soumis à leur juridiction. Puis
il est donné à tous, liberté et franchise, afln d'en faciliter
la fréquentation, donner secours aux marchands et
assurer la eenservation des marchandises. Ces foires
sont teaues principalement à Troyes, e qui est chief et
ytUc capital du comté de Champagne, » deux fois Ysn ;
Tune est nommée : la foire chaude ou de Si-Jean ; elle corn*
mence le mardi après la quinzame de laSt-Jean-Baptis(e,
Tautre est ta foire froide ou de ShRemif. Elle commence
le lendemain de la Toussaint et se tient jusqu'au lende-
main de la Circoncision.
Par yhnQnence de ces foires, continue Tordonnance,
la ville de Troyes était c bien populce > et habitée |)ar
6e notables marchands et par d'autres gens en grand
nombre. > Mais ces foires sont tombées c tant en raison
> des charges dont elles ont été frappées que par suite
• des guerres, des mortalités, pestilences, stérilités de
» terop& et cherté de vivres, « de telle sorte que la ville
de Troyes et le comté de Champagne sont dépopulés et
appauvris, et les habitants ont quitté le pays et sont
allés demeurer aux pays de TEmpiro et autres parts.
Aussi la ville, c qui est de grande garde et circuité, est
petitement populée etles habitans sont chargés de grands
travaux pour la tenir en sûreté. > Les habitants deman-
daient au roi que les quinze premiers jours de chacune
des deux foire& fussent francs et quittes et exempts de
tous droits. Le roi, en confirmant les privilèges anciens,
en plaçant marchands et marchandises sous sa sauve-
garde, accorde à ces foires les dix premiers jours de
franchise (1). Déjà, le 21 juillet 1444, le roi avait con-
(i) Arch. mun., anc. f., hy, 77. — Ord, des rois de France^ l. xin,
p. 431.
53 HISTOIRE DE TROYES. lieS
firme les foires de Champagne et de Brie, en même
temps que celles de Lyon, en annulant et suppri-
mant les péages indûment établis par les seigneurs sur
les rivières de Champagne, de Brie et de Tlle-de-
France (Ij.
En réglise de St-Jacques-aux-Nonnains existait, à
cette époque c une notable confrérie > dite des Foires
de Champagne, et dont étaient membres la plupart des
riches bourgeois de la ville. Chaque jour, cette confrérie
faisait célébrer une messe.
En 1443, le 28 décembre, en raison des guerres qui
continuent sur quelques points du royaume, le roi dé-
fend r introduction, dans les lieux de son obéissance ,
des draps de Normandie , du Bordelais et de l'Angle-
terre , et ordonne la confiscation de ces marchandises
dans les bailliages de Champagne c et dans les pays
d'outre les rivières de Seine et d'Yonne. » Ce commerce,
alors, est fait surtout avec les marchands de Flandres
et d'Allemagne (2).
Enfin, Charles VU, après avoir frappé, en 1446, d'un
droit les épiceries et autres marchandises (3), exempte,
en 1455, de l'imposition de 12 d. t. par livre, les mar-
chandises apportées aux foires de Champagne (4). Trois
ans après, il supprime les foires de Genève et confirme
les quatre foires de Lyon f5).
En 1436, il existe, à Troyes, une vingtaine de bou-
tonniers ou fabricants de boutons. Ils n'ont d'autre règle
que celle de faire de bons boutons de laiton, bien sou-
dés et bien travaillés, sous peine de cinq sous d'amende.
Il y a confrérie sous le patronage de la Conception de la
(1) Ord. des rois de France^ t. xiii, préf. p. xxxiv et page 40f».
(2) Ord. des rois de France, t. xni, p. 389.
(3) Arch. nmn., anc. f., lay. 72.
(4) Ord. des rois de France, t . xiv, p. 359,
(5) Même recueil, t. xvn, p. 83.
Ii45 CHAPITRE XHI. 53
Vierge. Ces artisans tiennent à former une corporation.
Le lieutenant du bailli, sur leur demande, les autorise à
former une confrérie en Thonneur de Dieu, de la Vierge
Marie, de tous les Saints et Saintes du Paradis — Ils
feront chanter chaque semaine une messe pour le
roi, les princes de son sang, ses officiers à Troyes, et les
confrères et consœurs. — Chaque maître paiera , par
mois, une cotisation de cinq deniers t. — Les réunions
se feront en présence d'un sergent royal. — L'appren-
tissage sera de quatre ans. ^— Tout récipiendaire est
tenu au chef-d'œuvre. — Tous les boulons, fabriqués,
dans la ville, les faubourgs et la prévôté de Troyes, se-
ront on laiton jaune, à peine de 5 s. t — Les femmes
ou filles pourront lever ouvroir. — Chaque maître ne
pourra avoir plus de trois apprentis. — Le droit d'en-
trée est fixé à âO s. t., avec dîner aux maîtres : cette
dernière dépense est limitée à 20 sous. — Les fils de
maître, exemptés de Tapprentissage, mais non de la jus-
tification de leur capacité, ne doivent que le dîner. —
Toute marchandise, mise en vente, est soumise à la vi-
site des gardes, à peine de 60 s. t. d'amende. — Nul
ne peut être reçu maître s'il n'a travaillé, à Troyes, dans
un ouvroir public. — Nul ne peut travailler le jour des
fêtes d'Apôtres, ou autres jours fériés, en ville, à peine
de 5 d. t. d'amende, et, en cas de récidive, de confisca-
tion de l'ouvrage (1).
Entre les cordonniers, les basaniers et les savetiers,
il intervint une décision du 25 septembre 1442 , qui
apaisa leurs difficultés. Les limites assez délicates de
ces professions s'étaient confondues depuis la publica-
tion du règlement de 1419. Les cordonniers et les ba-
saniers travaillaient le vieux cuir et les savetiers usaient
de cuir neuf, d'où résultait la confusion. jUne longue
(1) Ârcb. man«, n. f., Q., no i«r.
n^fuirc^C'^ fi:l ÀJ*^.r:fie. Lf I^Ninarpiir ào rm 9cmù»lk tes
»r-*.'.w: rK^.- /:'i:^'?\ l^'^ ti^^n £>fi::r*-. of 3f* «i^. «4
- .jv x^\r^î»i*^ •v'^p..n,>i*rin r uîs'irrf «s îmiif^ finir»
t » * ^^ * * • •*
iiSi CHAPITRE XIII. 55
fession, mais bien constituer une confrérie. Ils exposent
que , de tout temps , les charpentiers font une belle et
dévote confrérie, le jour de Notre-Dame de septembre (1),
en Téglise des Jacobins, où chaque semaine ils font
chanter c plusieurs notables messes pour la bonne santé
et prospérité du roi et des confrères. » Les nouveaux sta-
tuts portent que, — chaque année, les charpentiers de
la ville et des faubourgs pourront s'assembler en pré-
sence d*un sergent royal pour fair^ leur confrérie et
porter leurs cierges bien dévotement en Téglise des Ja-
cobins ou autres. — Les cierges seront payés 45 den.
pour rhomme et sa femme, soit: 30 den. pour Tun et 15
pour Tautre. Les valets et les femmes doivent chacun
15 den. pour même cause. — Tout charpentier, habitant
la ville ou les faubourgs, doit être de la confrérie. — Le
droit d'entrée, payé au bâtonnier ou gouverneur, est de
cinq sous et une livre de cire. — Tous les confrères doi-
vent assister à la messe des Trépassés, célébrée le len-
demain de la fête. — La dépense des ménétriers se paie,
moitié par le bâtonnier et moitié par les charpentiers,
qui sont tenus du surplus des dépenses de la fête et des
frais de nourriture du sergent et des ménétriers. —
Les apprentis doivent deux sous 6 d. à la confrérie. —
Les étrangers , venant travailler à Troyes , doivent la
même somme à la confrérie. — L'assistance à Tenter-
rement d'un défunt confrère est recommandée, et, au
besoin , punie d'une amende de 12 d. t. — Chaque
chef d'hôtel doit léguer une livre de cire à la confrérie,
sinon le gouverneur a le droit de la prendre sur les biens
du défunt, afin delà faire brûler aux obsèques du décédé.
— Chaque année , deux confrères sont élus pour gou-
verner la confrérie avec le bâtonnier. — Les maînes
(i) Les charpentiers , en général, et ceux de Troyes, en parti-
culier, ont maintenant saint Joseph pour patron.
56 HISTOIRE DE TROYES. a^
sortants doivent leurs comptes à ceux qui leur succè-
dent et à deux autres charpentiers élus à cet effet. —
Les maîtres doivent |)rôter serment à la Cour du bail-
liag;c ou à la Prévôté (1).
Le lieutenant général, à la môme époque, règle les
conditions du travail des coutrepoinlicrs ou contrepoin-
tiers, afin d'éviter la fraude qui se commet dans la con-
fection des conlrepointes. Ce règlement fixe les longueurs
et les largeurs des pièces, si peu variées de cette fabri-
cation, confiée généralement aux femmes et particuliè-
rement à des femmes veuves (2).
La même autorité et d'office, dressa les ordonnances
sur les métiers de la lingerie vendue en détail. Le repro-
che fait aux gens de ce métier, est de réparer de vieilles
njarchandisesetde les vendre pour des neuves. Ce règle-
ment fait, des lingers et lingères, une corporation. Cha-
cun doit faire son chof-d\puvre, avoir un étal et un ou-
vroir public; les marchandises sont soumises à la visite
du gouverneur de la corporation. — L'apprentissage est
de quatre ans. — Le droit d'entrée est fixé à quarante
sous et les amendes pour malfaçons à cinq sous. Chaque
membre doit un cierge à la confrérie le jour de la fête
patronale (3).
On le sait déjà, les moulins situés hors ville ont eu
beaucoup à souffrir. Le chapitre de St-Etienne, dès 1436,
relève ceux duPont-Ilul)ert(4); en 1 i46, le Moulin-le-roi
est en mouvement, ainsi que celui de Fouchy, où il y
a moulin à blé et moulin à papier (5).
Les moulins de Chaillouet, autrefois mouhns deMaître-
Andriau et aujourd'hui Moulins-Brûlés, ont été détruits
(1) Arch. mun., n. f., série Q, n"1.
(5) Mi>mc cartulaire.
{^) MAnie cartulaire.
(i) Arch. (Icp., G, G. *S1±
(5) Arch. inun.^ A. A., 10c carton^ lr« liasse.
1460 CHAPITRE XIII. 57
par le feu pendant la guerre des anglais. Ces moulins
appartiennent à la chapelle du roi ou chapelle des
Saints- Michel et Maurice en Téglise de St-Etienne. Le
18 août 1457, la place où étaient assis deux moulins,
l'un à blé et l'autre à papier, est accensée moyennant
quatorze livres par an fl). Peu de temps après, les mou-
lins sont reconstruits et leurs détenteurs font régler avec
le fermier de St-Quentin Jean Lebey ou Lebcr, la distri-
Iribution des eaux qui se réunissent dans deux biefs
supérieurs, dépendant des fossés de la ville et qui sont
établis à des niveaux différents. Ce règlement qui dura,
de 1460 €^ 1473, régla ces niveaux et alors fut édifiée
la vanne dite du pouce, le bief des moulins brûlés devant
à celui de St-Quentin, un pouce d'eau dans des condi-
tions déterminées. Les Moulins-Brûlés , occupés par
Pierre Truchot, font de la farine et du papier.
Le chapitre de St-Pierre, propriétaire du moulin de
Jaillard et les chanoines de Notre-Dame de derrière de la
collégiale de St-Etienne, propriétaires de celui deMeldan-
çon, règlent leurs droits sur les eaux du bief commun à
ces deux usines. Le premier de ces moulins n'avait que
trois tournants, ce nombre est porté à quatre et Mel-
dançon, qui n'en a qu'un, est autorisé à en établir deux
et, si l'un ou l'autre moulin n'a pas de travail, il devra
tenir ses vannes baissées, sous peine de vingt cinq sous
d'amende.
L'industrie se développe et les usines ont besoin
d'être réglées dans leurs droits sur les cours d'eau qui
les alimentent. Les travaux d'art utiles à tous ou au plus
grand nombre sont réparés et la part conlributoire de
chacun est tlxée. Le partage des eaux à la grande pointe
de Sl-Julien a été régularisé. L'entretien des vannes
tranchines a été fixé à vingt sous par an et par roue,
établie depuis ce lieu jusqu'aux moulins de Fouchy.
(1) Arch. dép., /. de SUEtienne. Inv. des'prUriléges, p. 63.
58 HISTOIHE DE TROYES. a^
Le 8 août 1463, le bailliage fixe la part des usines
jouissant do Tenu pénétrant en ville par le canal de la
Planche - Clénnent, dans les réparations du déversoir et
du travail d*art qui nivelle celte dérivation. La ville en
supporte un tiers ; le chapitre de Sl-Pierre, pour les mou-
lins de la Pielle et de Jaillard, le second tiers ; le cha-
pitre de St-Etienne, seigneur de cette partie de la ri-
vière, les moulins de la Tour et de Meldançon, pour le
troisième tiers ; le chapitre de St-Pierre se trouva trop
chargé, mais le bailliage maintint sa résolution.
Bien que le l^*r septembre 1467, il y eût un nouveau
règlement entre les Moulins-Brûlés et ceux de St- Quen-
tin sur le partage des eaux de leurs biefs en partie com-
muns, le 10 septembre 1473, une sentence arbitrale
rendue par Nicolas Mauroy , lieutenant général, Jean
Mauroy , avocat du roi ; Nicolas Lemuet , Guillaume
Huyart, Simon Liboron , Licencié-ès-lois, Simon Maret,
receveur du domaine et Pierre Drouot, praticien en cour
laie « arbitres arbitrateurs et amiables appaisanteurs »
choisis par c Jean Leber » papetier et Claude de Bour-
mont, Prieur de St-Quentin, d'une part, et Pierre Truchot,
papetier, fermier des moulins de Chaillouet, d'autre part.
Les arbitres constatent qu'en exécution c de lettres
royaux > et par appointement au bailliage du 27 mars
1463, avant Pâques, il a été construit une éclusû et
c liveau d*eau > là où autrefois il y avait écluse c defago-
tis > pour diviser les eaux entre les deux moulins et,
dans récluse, une tanne pour passer les bateaux et les
nacelles; que par sentence bailliagère du 16 octobre
1 467, ces écluses et vannes avaient été abaissées de trois
doigts.
Les arbitres décident que, depuis le jour de la Madeleine
jusqu'à la St- Martin d'hiver, le moulin de St-Quentin
aura droit à un pouce d'eau sur ladite vanne et tout le
long d'icelle qui a onze pieds et demi et deux doigts,
XV 8. CHAPITilE XIU. 59
au pied de roi entre les deux poteaux ou aiguilles, cha-
cun pouce faisant la onzième partie d'un pied, au pied
du roi, à la mesure de Troyes et dont les onze font le
tout, pardessous la dite vanne et sur le sureau desdites
vanne et écluse : ce sureau, demeurant dans son état
alors actuel et sans que Tune ou l'autre des parties puisse
le hausser ou abaisser (1).
La navigation de la Seine et de la Barse est toujours
en activité. En 1446, les bateaux fréquentent le Canal
ou fossé de la ville près du t bourg St-Jacques (2). > En
1449, le Prieur de St-Abrahani de Troyes, est condamné
à laisser libre une ouverture, dans les vannes du moulin
de ia Brosse, à Montaulin, affectée au passage des ba •
teaux. En 1457, la Barse a son port au-delà c du bourg
St-Jacques. t La ville fait mettre en état les vannages des
moulins de Baire et de la Brosse, pour faire passer les
bateaux et, t cette année, la rivière de Barse a porté
bateaux qui ont amené grande quantité de bois (3). >
L'art de la métallurgie était pratiqué, au XY^ siècle,
aux environs de Troves. On le trouve en exercice à Yen-
deuvre et dans la contrée d'Othe.
Le procédé dit catalan dut cesser d'être mis en usage,
dans cette contrée, vers le milieu ou dans la dernière
moitié du XYc siècle. Les comptes du domaine d'Aix-en-
Othe ne mentionnent plus les revenus àxxviineroy. Les
éléments primitifs ne font pas défaut, ce sont les méthodes
nouvelles qui tuent les anciennes, ce sont les forges à
l'eau qui tuent les forges à pied.
On connaît, dans les cantons d'Aix et d'Estissac, qua-
Ires forges à l'eau, deux dans chaque canton ; au canton
d'Aix, 1" à Cosdon, commune de Paisy, sur la Yanne;
(1) Arch. mun., n. f., A. A., carton 29 et anc. f. — Arch. de
Bourgogne. Abbaye de Molên^ey Prieuré de St-Quentin de Troyes.
(2) Arch. dép., G. 305.
(3) Arch. mun., B., Comptes des deniers communs.
60 USTOniE DE TBO^'BS. xr*&
cette usine parait iMre en activité en 1 480 ; son emplace-
ment sur la Vanne est marqué par les nombreuses
scories laissées sur place, en face de la ferme de Cosdon;
— â<» au moulin de Chéseau . commune de Sainl-Mards.
Celle-ci est mentionnée en 15:20. sous le nom de /m-
doirt ou fondoirit.
Elle est assise sur le ruisseau de la Nosle.
Dans le canton d'Estissac , la première était celle de
Vollecon , aujourd'hui ferme de Volcon , située sur le
ruisseau de TAncre , entre Chennecr et Thuisv ; la se-
conde était au-dessous de ré^rlise de Saint-Liébaull (au-
jourd'hui Estissac}. Elle serait remplacée par un moulin.
Cette contrée, ou plutôt ce quartier du Tilla|;e. esl nom*
mée la Fin^f-à-CEam,
Ces quitre foi^s à Teau parais^nt avoir cessé d'exis-
ter dans le premier quart du XVk siècle , comme celle
de Vendeuvre,
D'anciens dè|HMs de laitiers ou scories existent sur les
territoires d\\ix-en-Othe. de l^int-ilards, de Villemoifon,
de Paisy-Cosdo:\ de Xo^nt-en-Olhe, de Maraye, d'Es-
tissac . de Chenne^* . de Bervvnay . de Vauchassis , de
Voscon. de Chamoy, de Sdint-PhaK de )loat|rueux, de
l^ni^v , des l>TerTe\, de Pou\ . de ilarciitv4e-Haver et
des nombreux hameaux de ces communes. Si ces dépMs
tvnt er.nent les résidus d'exploitations du moyen ige,
lis rem.^n:eni aussi aux temps les plus reculés (I).
Les ar^s coninienoent i reraniîîrv à Troyes. Léglise
•îr Sî-Perre. en HôO. rvprend ><^s ^nds travaux de
ruj^v r.nere. On c\-r.î:!u:e îa nef. Il ne s<ra travaillé aux
a -5rï> e^îses de Tn>\es ^ue beiiuvuj^ p!u> tard, et ceux
<ie îj ca-htdrjiie furent întem>îupus ;^&danw une partie
i=i >-ÇT:e de Lci:î> \K alor? qu'il i^^îaùie sur les confins
ie ia Chjkmpague et de la Bourçv^e.
XV s. CHAPITRE XIII. 61
A travers les péripéties que la guerre amène avec et
après elle, la société continue sa noarche vers la liberté,
ou tout au moins vers une servitude de moins en moins
oppressive. Chaque jour, tombent des liens qui attachent
les serfs aux lieux qui les ont vu naître. Les affranchis-
sements se continuent et les anoblissements se multi-
plient. La coutume de Champagne, favorable à la no-
blesse utérine et à la noblesse marchande, se fortifie
A quelques lieues de Troyes existe le groupe des vil-
lages de Chausson, des Grandes et des Petites-Chapelles,
colonie, fondée au point de partage des vallées de la
Seine et de la Barbuise, et favorisée par le Chapitre de
St-Pierre de Troyes et Tabbaye de Montier-la-Celle, qui,
indivisément, possèdent leurs seigneuries. Les droits de
ces deux corporations ecclésiastiques sont limités. En
1454, ceux de Tabbaye sont assis sur les habitants de
Chausson. Plusieurs hommes ou femmes de cette mairie
se sont réfugiés à Feuges , à Vailly, à Luyères et autres
villages voisins. Ces gens n'en sont pas moins main-
mortables en faveur de Tabbaye, comme ceux qui ont
conservé leur demeure à Chausson , pour leurs meubles
seulement, mais ils deviennent mainmortables pour leurs
immeubles, s'ils habitent Troyes. En 1454 , Tabbaye
accorde aux gens de la seigneurie de Chausson de ne
payer, pendant huit ans, que la moitié d'un boisseau de
grain, au lieu du boisseau dA auparavant.
Avant 1425, les habitants de la t ville de Montier-la-
Celle » ne pouvaient avoir de four pour cuire tartes,
pâtés et gâteaux. Cette permission leur est accordée
moyennant 2 s. 6 d. t. de rente annuelle et avec dé-
fense de pouvoir y faire cuire du pain ou toute autre
pâte levée.
Le Chapitre de St-Pierre ne pouvait recevoir, parmi
ses membres, des gens de serve condition. En 1431, le
Pape Eugène IV adresse à Févôque de Troyes une bulle
62 HISTOfllE DE TROYES, XV»S.
par laquelle il le ppie, ainsi que le Chapitre, de recevoir
Jacques Vitlain au canonicat, quoiqu'il soit de condition
serve. L*évêque ne fit aucune difficulté , mais le doyen,
Jean Pougeoise, s'y opposa. Néanmoins, la bulle du Pape
reçut son exécution. En 1435, sur la demande de Vé*
vêque, le Chapitre de St-Pierre accorda la franchise à
Jean le Roucherat et à toute sa famille. Il fui sans doute
la tige de la famille troyenne de ce nom, alliée à celle
de Mole et qui devait donner un chancelier de France à
Louis XIV. L'évéque, Etienne de Givry, avait affranchi
les familles Bareton et Pougeoise, qui, toutes deux,
alliées à celle do Léguisé, furent, comme celle-ci, ano-
blies par Charles Vil (1).
Le roi et Tévêque possèdent, à Troyes et dans le dio-
cèse, un certain nombre de familles serves, qui s'allient
entre elles. Le partage des enfants, même mariés, avait
eu lieu en 4375 et en 1404. Sans doute, en raison des
guerres^ ces partages furent suspendus pendant longues
années. Ils furent repris vers 1460 et durèrent plus
de six ans, et ce ne fut pas sans difficultés. Le roi a on
agent spécial, Jean Leroi , qualifié de commissaire sur le
fait des partages des hommes et des femmes entre le roi et
Vévêque de Troyes, Après de nombreuses enquêtes , le
Parlement statua sur les différends soulevés (2).
(1) Voir Généalogie de la famille Hennequin, déjà citée.
(2) Arch. dép., f., de TEvéché, G. 480. — Vallet de Viriville.
Areh. hist. de VAube, p. 192, 493.
Le commissaire royal établit que ces partages s*opéraieiit de la
manière suivante :
« C'est assavoir que quant ung homme tout le roy se conjoint par
mariage avec une femme toute de la condition ou servitude de Té-
vesque vel è contra Thomme de condicion ou servitute fout Téve»-
que avec la femme tout le roy, la lignée ou postérité qui descend de
telz mariages est commune ot partable par moitié entre le roy et
l'évesque et subjectes aux jurées du roy et aux tailles et autres
servitutes Tévesque a chascuo pour telle pdrcion comme la personne
lai appartient ; lesquelles jurées et tailles sont d'une mesm« limita-
tion c'est assavoir de 2 d. t. pour livre du vaillant du meuble et de
XV* s. CHAPITRE XHl. 69
En 1447, le Chapitre de St-Pierre et Tabbaye de Mon-
tier-la-Gelle avaient procédé à ur> même triage dans
leur seigneurie indivise du village des Noës, près Troyes.
D'après les nombreux documents qui attestent Texis-
tence, en Champagne, de la noblesse utérine, on peut
être étonné de la voir, depuis quelques années, assez
maltraitée. Il y a lieu de dire quelques mots sur cette
noblesse, nous réservant de nous en occuper encore
lors de la rédaction et de la publication de la coutume
du bailliage de Troyes. La discussion s'étant établie sur
le principe lui-même et non à l'occasion de quelques
familles.
En 1431, la question fut soulevée entre le procureur
du roi, dans l'intérêt du Trésor, contre François do la
Garmoise , Henriette de Lintelles, sa femme ; Jacquinot
Philippe et Catherine de la Garmoise, femme de celui-ci.
Une sentence du bailliage de Troyes, rendue le l^r avril,
déclare François de la Garmoise et sa sœur Catherine,
nobles à cause de Jeanne, leur mère, tille de François^
Jacques et veuve de Pierre de la Garmoise, et , comme
teb, tous les quatre exempts du droit de jurée.
En 1440, une sentence du bailli de Troyes, agissant
en qualité de commissaire royal, est encore plus expli-
cite en faveur d'Oudinot de Dijon. Après plusieurs ea-
quètes, dans lesquelles sont entendus conseillers, avo-
4 d« I. pour IWrc do vaillant de rimmeuble et se perd et eataint la
dite condition ou aervitute Tévesque» par continuation de telz ma-
riages par descente de cinq degrés, c'est assavoir du tout en la
moitié, de la moitié au quart, du quart au demi-quart, du demi-
quart au seizième, et du seizième au trente-deuxième , et, aud.
trente-deuxième, prend fin ladite condicion ou servitute Tévesque et
deTient I*bomme ou femme descendant du XXXII^, tôt ou toute le
roy. Comme si Tomme tout le roy prent femme demye Tévesque, )a
lignée est pour trois quarts le roy et un quart levesque
et finalement si Tomme tout le roy prent femme pour un trente-
deuxième Tévesque, la lignée qui en descend est toute le roy^ et
prend fin ladiU senritude aad. XXXII«. • (G. 48(K)
6i HISTOIRE DE TROYES. xv S.
cals cl prolicicns, il est jugé que « le fruit et les enfants
» issus d'homme non noble et de femme noble, ensui-
» vent et doivent ensuivre le noble côté, et jouissent et
> doivent jouir du privilège de noblesse, supposé que le
> père ne soit noble. » Puis le bailli, allant au delà de
la contestation, décide par voie de règlement que • do-
» rénavant par le procureur du roi , ni par ses succès-
» seurs, ne serait plus nyée icelle coutume, et ainsy le
» défendit-on audit procureur » (1).
Dans la mt^me année, la question soumise de nouveau
au même commissaire royal, est, pour Colinet de Bury,
résolue dans le même sens (2).
Ëntr'autres anoblissements dont certaines familles
furent honorées par Charles VU, et notamment celles
des Léguisé, des Pougeoise, des Bareton, etc., il en est
un qui honore, non la ville, mais le bailliage et Tancien
diocèse de Troyes.
Au XVtî siècle, vivait à Thaas, et dans une certaine
aisance, une famille Bureau, originaire de Semoine , vil-
lage voisin. Son dégagement des liens de la servitude
n'avait rien de certain. Le doyen de Gaye prétendait que
Jean Bureau, placé dans Tadministration de Charles VII
à côté de Jacques Cœur, chef alors de sa famille , était
son homme de corps.
Après que Jean et Gaspard eurent rendu, dans Tar-
tillerie, d'éminents services à Charles VU, le roi voulut
les anoblir. Tous deux prétendaient à des' droits anciens
et contraires à ceux du doyen de Gaye. Celui-ci soutint
(1) En 1469, ceUe sentence fut déposée^ par copie authentique,
entre les mains du Procureur de la ville, afin d*y avoir recours au
besoin. Cette copie fut payée par la ville. (Voir Arch. mnn., n. f.,
série B, n*-' 25, la mention de paiement où est rapporté le passage
de la sentence ci-dessus cité.)
(2) PiTifou. Coutumes du hailliaye de Troyes. — Lk Roque.
Traité de la noblesse. — 6rosley. Recherches sur la nohleêse u(é-
rine de Champagne.
\U1 CHAPITRE XIII. 65
que Jean Bureau était homme de corps et de serve
condition de son église, à cause de sa mère Pour prou-
ver le contraire et établir que leur race n était pas seu-
lement franche, mais noble , Jean Bureau allégua deux
motifs : le premier, sur ce que son père, Jean Bureau, de
Thaas, était communément vêtu de robes à lambeaux
ou en échiquier et en habit de gentilhomme ; le second,
sur ce que Jean Bureau , père , eût quatre fils et une
fille; celle-ci, nommée Perrette et mariée à Jean Legros.
A son mariage, Perrette avait été portée, sur une civière
et un fagot d'épines et de genièvre, au moutier(5réglise),
comme genlillefemme ; que le jour de son mariage, elle
parut en chef (en voile), et qu'elle fut épousée devant le
crucifix en Téglise de Semoine. Le lendemain de ses
noces, elle fut de nouveau portée sur la civière avec
fagots d'épines et de genièvre, coiîime on a coutume de
le faire d'ancienneté pour les gentilshommes et gentilles-
femmes du pays; ce qui ne se fait point pour ceux qui
ne sont pas nobles , encore qu'ils soient franches per-
sonnes. Les épousées, non nobles du pays, sont menées,
le jour de leurs noces, avec leurs chaperons, sans être
en chef ou munies de voile ; on les épouse à la porte de
l'église, et, le lendemain, elles ne sont point portées sur
la civière (Ij.
L'enquête prouva en faveur de la famille Bureau. En
octobre 1447, Charles VU reconnut la noblesse de cette
famille t comme étant venue et attraite de noble lignée
et être noble (2). » Jean et Gaspard Bureau furent donc
reconnus nobles et de noble hgnée (3).
(1) La Roque. Traité de la noblesse ^ p. 165.
(2) Voir ces lettres dans M. A. de Barthélémy. Recherches sur
la noblesse maternelle, 1861, A. Aubry.
(3) Jean Bureau est commissaire au Ghfttelet de Paris, en 1425;
maître de TartiHerie, en 1439; trésorier de France, en 1443; re-
connu noble, en 1447; en 1450, trésorier-général de la généralité
d'Outre-beinej et Yonne; maire perpétuel de Bordeaux , en 1451;
tti. 5
i
66 IIISTOIKË DE TKOYES. fUI
Une autre illustration de cette époque appartient
eocore au bailliage de Troyes : c'est Jacques Coeur,
Tarçentier de Charles VU. Parmi les nombreuses sei-
gneuries qu'il possédait, se trouvaient celles de SU
Maurice-en-Thirouaille et celle de l'ancien manoir de
la Coudre, comprises dans celle de La Ferté-Loup*
tière fl).
Geoffroy Cœur, frère de Jacques, de quatre enfants ne
conserva que deux filles, qui eurent postérité. Marie
épousa Eustache Luillier, et Germaine, Louis de Harlay,
qui, tous deux, devinrent seigneurs dans le bailliage de
Troyes (2). — Geoffroy Cœur , fils de Jacques , épousa
Isabeau Bureau (3).
Uepuis plusieurs années, la guerre n'a, en Champagne,
que de lointains échos. La guerre , portée jusqu'en
Guyenne, ne trouve dé souvenirs, à Troyes, que par les
processions et les actions de grâces dont le succès sur
les Anglais est la cause. Le Bordelais, puis Bordeaux se
rendent et, bientôt après, se répand le bruit de la mort
de sire Talbot et do son fils et de la détrousse de leurs
chambellan de Louis XI, et fait chevalier le 48 août i46i , ausntAt
après le sacre de Louis XL 11 mourut en 1463. — Ses armes étaient
d'azur au chevron, potence et contrepotencé d'or; rempli de sable ,
accompagné de trois buires d'or : 2 en chef et 1 en pointe. — On
sait que les potences contrepotencées sont les pièces principales de
Técu de Champagne.
Gaspard Bureau fut aussi maître de Tartillerie. En 1469, il jouis-
sait encore de sa charge. II n'aurait pris la qualité de chevalier
qu'en 1464. — P. Anselme. Hiat, généal. de la Maison de France,
Grands-Maîtres de Vartillerie,
(1) De cette dernière relevaient 19 ûefs ou hameaux. Elles faisaient
partie de l'ancien bailliage de Troyes, dont elles furent distraites, en
1638, pour les placer dans le ressort de celui de Montargis.
(i) Mémoire sur Jacques Cœur , et actes de son procèe. Ëd. da
Panthéon littéraire, p. 576.
(^; GoDEFROY. Hist. de Charles Vlly p. 872. La statue dlsabetu
Bureau provenant de son tombeau figiu*e dans les galeries de Ver
Bailles
1111 CHAPITRE xni. 67
compagnons d'armes (1) en juin et juillet li53. Déjà, en
1451, la première soumission de celte province avait
donné lieu à des fêles, pendant lesquelles on représenta
une moralité à personnages (2).
Pendant la période de 1435 à 1461, du traité de paix
signé à Arras à la mort de Charles VII, arrivée le 22 juillet
1461, les fortunes particulières commencent à se rétablir,
le calme se fait dans les esprits. L'administralion s'orga*
niae sur de nouvelles bases, dans toutes ses parties. L'art
de la guerre, la police militaire, Torganisation de Tarmée,
les finances, la justice se modifient. Ce changement
heureux, qui s'opère pendant la paix, n'est pas limité à
Tadministration royale. Le clergé lui-môme cède au
courant et, avec sagesse, il abandonne des coutumes
surannées, des usages devenus ridicules. Il réforme ses
mœurs. L'administration de la cité suit la même voie.
Son Conseil devient permanent, bientôt il va changer de
base, devenir une institution royale sous le nom d'Eche-
vinage, et perdre une partie de son indépendance. Les
habitants de Troyes ne sont plus, comme autrefois,
chaque jour, sur les remparts. Ils restent dans leurs
ateliers ou dans leurs magasins, se livrent aux travaux
de leurs métiers ou de leur négoce. La garde de la ville
est confiée à dix francs-archers, soldés sur les deniers
communs; les écoles reçoivent de nouveaux règlements
et sont plus fréquentées que par le passé, et, si les tra^
vaux des fortifications ne sont pas entièrement suspen-
dus, ils n'ont plus cette activité, que de fréquents et
éminents périls leur donnaient autrefois.
De cette époque date la Renaissance, non que les bril-
lants travaux qui la caractérisent de nos jours comment
(1) Arch. dép., /*. de St-Eiienne, 6., G. 381, 882.
(t) Arch. mun., n. f., B. 15. ^ A Coxnpiègne, on joua : La Des* .
fihire de TalboU
68 IlISTOilli: DE TROYBS. 146I
cent à s'exécuter. Non, la ville de Troyes n'est pas encore
arrivée à celte époque florissante pour elle comme pour
toute la France, quoiqu'à partir de 4450, les travaux de
la cathédrale soient repris. Avant vingt ans, elle touchera
à cette belle époque de Thistoire de Thumanité. Aupa-
ravant, il faut effacer les dernières traces de la guerre
de cent ans et laisser s'accomplir, par les armes et la
politique, la réunion de la Bourgogne à la France :
époque fort douloureuse encore pour la Champagne. Il
faut que chacun répare ses pertes, se crée des ressour-
ces, par cette économie, native chez l'homme, et dont
les produits ne sont que la juste récompense du travail
et de l'ordre. Celte économie constitue les ressources
dont l'ensemble donne ce bien-être, cet excès de bien-
être qui, avec le calme, avec le repos de l'esprit, précède
toutes les époques où les arts, les sciences et les lettres
occupent une large place dans l'activité humaine: chose
impossible , quelle que soit la volonté d'un souverain ,
d'un chef, d'un maître, si cette économie de tous ne
vient satisfaire h^s besoins matériels de tous, au moins
du plus grand nombre. Pour arriver à la renaissance
dans les arts et dans les lettres, il a fallu passer par une
sage réforme apportée dans les relations sociales, élai^ir
aussi les liens de Tancienno servitude , développer le
travail et augmenter les rapports commerciaux et les
porter au loin, par de nouveaux procédés, par de nou-
veaux moyens. Pour voir apparaître l'influence bienfai-
sante des arts , pour constater l'emploi de l'ingénieuse
invention de Gutlemberg, à Troyes, il faut qu'il s'accom-
plisse encore environ un quart de siècle, et ces années
seront remplies de vicissitudes, d'inquiétudes et de tour-
ments. Louis XI ne laissera qu'à peine respirer la popu-
lation champenoise , et bientôt il s'en servira et usera
les ressources de cette population pour conquérir les
frontières do la Bourgogne, et faire disparaître les limites
1461 CHAPITRE XIII. 69
féodales qui la séparent de la Champagne. Il arrivera à ce
résultat, mais que de peines et que de soucis pour les
habitants de Troyes, qui porteront leur influence depuis
le Nivernais jusque dans la Comté. Si les Troyens furent
dévoués à Fidée de réunion de la Bourgogne à la France,
on peut croire qu'en faisant tomber les barrières de cette
grande province, si proches de leurs remparts, ils agis-
saient aussi dans leur intérêt personnel et dans celui de
leurs relations commerciales, si souvent troublées, avec
les Bourguignons : relations qui allaient s'étendre et se
développer avec plus de liberté et d'indépendance.
Les œuvres de la Renaissance ne commenceront à se
faire voir, en Champagne, qu'après la mort de Louis XL
Alors commencera à se faire sentir l'influence des études
de l'antiquité. L'Italie nous enverra, aussitôt après les
premières guerres, ses modèles, qui se refléteront par-
tout, dans les beaux-arts, dans les lettres, qui passeront
dans le langage, et dont les souvenirs se conserveront
jusqu'à nous et dans les siècles futurs , avec la plupart
de DOS monuments de la fin du XV^ et du commence-
ment du XVIe siècle.
CHAPITRE XIV
De «Juillet llOl h @epteiiil>re 141S3
SOMMAIRE :
Avènement de Louis XI. — Relations du /oi avec les Troyens. —
Délimitation de Télection de Troyes et du comté de Bar-sur-
Seine. — Cloche du Beffroi ; elle pèse 30,000 livres. — Con-
vocation, à Troyes , des gens des Trois-Etats d'Outre-Seine et
Yonne. — Des droits de chasse appartenant aux Troyens. —
24 lances fournies en garnison à Troyes. — On se prépare à la
guerre ; on fabrique des armes. — Reconstruction de la porte de
St-Jacques, dite Porte dorée. — Ligue du Bien public. —
Pierre de Dinteville, envoyé à Troyes. — Bataille de Mont-
Ihéry ; Lettre du roi à ce sujet. — L'armée du duc d^Calabre
à RameiTipt et dans les environs de Troyes. — Seconde lettre
du roi sur la bataille de Montlhéry. — Menées , à Troyes ,
contre Louis XL — La noblesse du bailliage dispensée du ser-
vice. — M. de Chatillon, gouverneur de Champagne, à Troyes.
— Apaisement des h(»stilités, traité de St-Maur. — Lettre de
Louis XL — Louis de Luxembourg, gouverneur de Champagne.
— Rétablissement de la Cour des Aides ; réintégration de Louis
Raguier dans ses fonctions de Président. — Privilèges du clergé
pour la vente de son vin. — L*évéque de Troyes, ambassadeur
à Liège. — Réorganisation de la compagnie des arbalétriers ;
reconstruction de leurs buttes. — Puits publics. — Lettre de
Louis XI, concernant les réformes dans l'administration. —
Assemblée des Trois-Etats à Tours ; la ville y envoie des dépu-
tés. — Modifications aux statuts des bazaniers. — Statuts des
barbiers. — Le barbier du roi doit un armenac aux barbiers
du royaume. — De la grande école. — De la peste. — Cou-
tume binure ; Procession du dergè de St-Pierre à l'église de
73 HISTOIRE DR TROYES. 1451
M-Martin-ès-\iî:nes. — Le roi donne, en apana{:e, à son frère,
la i hampagne et la Drie, puis la Guyenne, en échange des deux
premières provinces. - Lettre <Ui roi à Toccasion de la paix
faite avec son frère. — Commissaires royaux envoyés à Troyeâ.
— Travaux aux fortifications. — Les comptes du receveur de la
ville envoyés à Cliàlons pour être examinés — Création de l\Sche-
vinage. — Lettres royaux de mai UTO; les assemblées générales des
liabitants sont maintenues. — Les douze échevins nomment un
président. — Par ftrme d'empinint, le roi demande i,ôOO
éi-us d'or aux Trovens. — Convocation, à Tours , de notables
bourgeois. — Le duc de Bourgogne fait saisir^ en Flandres,
des marchandises appartenant à des négociants français. —
Mesures prescrites par le roi. — La guerre est déclarée. —
Troyes, centre des opiVations militaires. — Travaux des fortifi-
cations. — M. de Chatillon , gouverneur de Champagne , com-
mande l'armée roj-ale. — La Bourgogne attaquée du côté de
Lan^rres ; les gens de la commune de Liège réunis à Tarméc
ri»>ale. — Succès sur les Bourguignons. — Troyes approvi-
sionne l'armée ro^•ale. — Menaces contre Bar-sur-Seine , atta-
que peu après. — Siège et prise du château et de la ville de
Jonvelle. — Attaques contre la Picardie. — Reprise des boûsti-
lités contre le Tonnerrois et le Chatillonnais. — Montiéramev
m
pris, au nom du roi, par le bailli de Ferette. ~ Suppression de
l'échevinage de Troyes : Robert d'Estouteville et Jean Dijoine à
Troves. — Lettre du roi. — Menées a Troves, contre lui. —
Arbalétriers , refona ition de leur compagnie. — Inventaire
d'armes chez les habit rmls. — La guerre recommence ; nou-
veaux succès de l'arm'';^ rovale, sur les fr-intières voisines de
Troves ; prise de Bar-sur-Seine, etc. — Le château de Ven-
deuvre résiste aux Bourguignons. — Le duc de Bourgogne et le
duc de Calabre à JuUy. — Coopération des Troyens aux faits de
la guerre. — Nouvelles trêves. — Arre^tation de Louis de
Luxembourg. - Confiscation de son comté de Brienne, donné
â Charles 1 d'Amboise. fait gouverneur de (.hampagne. - Pour-
îuile contre le due de Nemours; confiscation de ses biens,
donnés, partie au petit bailli d'Allemagne . partie à un sieur
Vendange. — Restitution de ces biens aux familles dépossédées.
— Batailles de Grançon et de Morat. — Madame de Savoie
passe à Troyes. — Aides levées à Troyes. — Commissions .
Lettre d'Olirier-le-Daim. — Mort de Charies-le-Téméraire. —
La Bourgogne remise au roi. — Guerre en Picardie et sur la
frontière de la Comté. — Mort du gouverneur de Champagne,
Charles de Cliaumont d'An^boise. — Travaux des fortifications.
— On démolit les châteaux des frontières de Boui^ogne. —
Pié!ons dits Roi'iers. — Passade de Louis XI à Méry ; il n'entre
pn à Troyes, à cause de la peste. — Passage à Troyes da dac
ti61 CHAPITRE XIV. 73
d'Albanie. — Suisses en garnison à Troyes. — Circulation des
monnaies étrangères. — Repeuplement de la ville de Fran-
chise (Arras) ; Détails nombreux et inédits sur ce fait impor-
tant : 1479-1487 — Projet de formation d'une Société maritime
entre les principales villes du royaume, proposé par Louis XI. —
Dévotion superstitieuse du roi, il dispose d'une partie du domaine
du bailliage en faveur de maisons religieuses , du collège de
Champagne ou de Navarre. - Dévotion de Louis XI à Jea'i de
Gand , dont il poursuit la canonisation. — Dernière lettre de
Louis XI aux Troyens. — Inhumations aux Cordeliers. — In-
dustrie : Son développement. Reconstruction des moulins et
papeteries; Tanneries. — Police industrielle. — Imprimerie;
Culture du lin. Huilier:^, Bourreliers, Chapeliers ; leurs Statuts.
— Première rédaction et impression des Coutumes de Troyes,
1481. Traité entre le roi et le duc Maximilien , approuvé,
devant notaire, par les Trois-Etats du bailliage. — Pestes,
Mendiants, Recensement de la population de la ville. - Les
Pardessus — Réparation des ponts; Procès. — Nouvelles
Lettres d'échevinage. — Opposition à l'exécution de ces Lettres.
Mort de Louis XI. — Résumé sur le XVe siècle; Noms des
principales familles de Troyes, au XVe siècle.
Lo fait dominant de ce chapitre sera la lutte de
Louis X! contre les ducs Phillppe-le-Bon et Chaples-le-
Téméraire , lutte dont le résultat fut la réunion de la
Bourgogne au royaume de France. Pendant cette guerre,
la ville de Troyes sera le siège principal des opérations
dirigées contre Théritage des fils du roi Jean et le quar-
tier-général des forces royales, sur les frontières septen-
trionales de la Bourgogne. Enoncer ce fait , c'est dire
que ce chapitre contiendra encore le récit de guerres,
de batailles et de sièges. Ce sera le dernier, au moins
pour longtemps, en Champagne.
Le roi Louis XI sera souvent en scène. Ce roi de la
bourgeoisie se sert peu d'intermédiaires pour correspon-
dre avec ses sujets, les Troyens. L'expression de ses
volontés est contenue dans ses lettres missives, dont, en
original, il est resté vingt et une au Trésor de l'Hôtel-de-
Yille, et aussi dans les instructions verbales données à
ses commissaires spéciaux.
Loai$ Kl paraît avoir trouvé, à Trores. une grande
d«.^ilitê dans rexêculioQ de ses volimtés. La ville est en
effet e$$entiei<ement i^mrftoisf. et ia bouffeoîsie absorbe
ia noblesse qui luî doit son origine et souvent ses ri-
chesses. La noblesse In^yenne ne peut s*alarmer de cet
êtat« pas plus que la haute noblesse du royaume, quand
îi est admis que < le cheval du roi porte avec lui tout
son Conseil. > Louis re\N>il tous les avis, fou qu*ik vien-
nent H prend même souvent conseil « de ses bons amis
les habitans de Troyes. > Il écoute tout le monde , puis
décide a lui seul. L'utile est sa seule rèfle. Il ne semble
pas comprendre quelle est la puissance de la justice, il
prêlêre la ruse à la force. Tadresse au coura^. il détruit
les idées du moyea-d^ et se dresse contre sa morale.
Sa dévotion est superstitieuse. Il abaisse la Religion
dans tout ce qu^eiie a de frrand. Il représente, en
France, la politique des tyrans italiens, formulée par
Machiavel.
A peine Louis \l a4-îl pns p<»ssessten du tn>ne. que
ses veuv et sa c*>nvoitise se tournent vers la Bour^oene.
Par le traité dWms, Bar^s^ir-S^ioe et s*>a comté étaient
laissés au ^ï\ic de Boup^x^ie. Les officiers royaux des
éieetions de Mussv et de Trotes se seratent edorcés de
distraire de ce oo:nté ditfereates .-ar^^sses qui, comme
Vîlh-en-Tn?des . Berti^nolle. Thretfrain I . Mai^nant.
F'aii^nes. MinMes. Bemon et Lîfîières étaient placées
;itn c^jQdos de ce comte et étaient • du tîef . |ruet et
^ir»ie ec «ia 7>?tri:t de Bar-sur-Seine. * Le ro? d*>nDe
m.àa«iemeat aux baiiLis de Sens et de Tro\es d*encuérir
«ir ces faits et de faire droit. >*:l v a lieu, juv réeiama-
•m
14ef CHAPITRE XIV. 75
tions du Duc fl). Cette contestation n'était pas encore
mise à fin en 4468.
En 1462, la ville de Troyes fit fondre une grosse
cloche pour le beffroi. Elle pesait plus de 30,000 livres^
elle en remplaçait une dont le poids était de 15,000,
et qui avait été cassée Tannée précédente. Cette cloche
fut coulée dans Tarsenal de la ville, situé entre Téglise
de St-Nicolas et le Beff^roi (2;.
En 1463, révoque, duc de Langres, Guy Bernard, dit
Moreau , Guillaume Juvénal des Ursins, seigneur de
Traînel, M* Mathieu Beauvarlet, receveur général , et
Anlhoine Dijoine , secrétaire du roi , sont envoyés à
Troyes, par Louis XI. Ces quatre commissaires annon-
cent leur mission par une lettre datée du 20 novembre.
Cette lettre, qu'accompagnait un mandement de Louis XI,
informe la ville qu'une < réunion des Trois-Etats des
> pays de sur et par deçà les rivières de Seine et
» Yonne aura lieu • et que, pour cette assemblée, « sur
» Tavis pris de quelques anciens , > la ville de Troyes
est la plus convenable, par rapport aux autres villes et
cités dont les députés seront appelés. Aussi choisissent-
ils la ville de Troyes, en fixant la réunion au 15 décem-
bre. Suivant l'exemple et la discrétion du maître , ils se
réservent de dire et d'exposer les causes de cette assem-
blée et de c faire connaître les choses qu'ils sont chargés
de remontrer de par le roi {S). » Il s'agissait d'obtenir
quelque impôt des députés réunis à Troyes. Ces com-
missaires royaux étaient porteurs de pouvoirs s'étendant
sur plusieurs diocèses du royaume Que résulta-t-il de
celte réunion ? C'est ce que nous ne saurions dire.
La vente et le transport du gibier sont entièrement
libres à Troyes. L'hiver de 1463-64 est très-rude. Un
(i) Ord. des roia de France^ t. xvn, p. 454 et suiv.
(2) Yoir : Boutiot. Marie, ou la grosse cloche du Beffray,
(3) Arch. mun., n. f. Eimti généraux, B. B., ib* 0>b ; if liasse.
76 HISTOIRE DE TROYES. 11^4
grand nombre de lièvres sont pris pendant que la neige
couvre la terre. Le Maître des-eaux-et-forêts du bailliage
fait défense de |)ortcr en ville plus de deux lièvres à la
fois, sous peine d'amende et de saisie du gibier. Le Con-
seil de ville résiste à cette injonction. A cette occasion il
est établi que la ville de Troyes n'était ni en gpuerie ni
en grairie, aucun officier ni sergent n'y avaient droit de
saisie sur les lièvres (1).
A cette même époque, Louis XI essaie, mais en vain,
de faire de la chasse un droit domanial. Il fait saisir et
détruire tous les engins de chasse. Il veut faire dispa-
raître le droit de chasse des coutumes féodales.
En 1464, des ferments de discorde apparaissent entre
le roi , les princes et les grands vassaux. L'explosion
semble prochaine. Louis XI se met en mesure, soit pour
attaquer, soit pour se défendre. En 1465, la ville de
Troyes sert de garnison, outre les 24 lances fournies, à
trente cinq lances écossaises , placées sous le comman-
dement de Robert de Konigan. La ville fait fabriquer des
bâtons à feu, voguelaires, ribaudequins, barbacanes et
des vêtements de guerre, tels que bassinets à bannière
et à camail Le travail des fortifications est repris avec
activité. En 1461 et 1462, on reconstruit la porte de
St-Jacques, non les deux grosses et grandes tours pla-
cées à l'intérieur (2), mais cet édifice si élégant qui leur
servit d'avant-corps et qui resta debout jusqu'en 1831.
Cette porte était ornée de tourelles, couvertes en ar-
doises, et dont les sommets étaient garnis de neuf ban-
nières d'airain, tournant sur elles-mêmes ; des fleurons en
plomb se dessinaient sur les portes et formaient les épis
du toit. L'azur, le vermillon, le sinople et Tor faisaient,
(1) Arch. mun., A. A. Cart. 32e, Liasse 5^. — Voir aussi tome i, p.
386 : Concession^ par Thibaut V, de la garenne aux lapins, en faveur
des Troyens.
(2) Celles-ci furent construites vers 1510.
1465 CHAPITRE XIV. 77
de cette porte, un édifice admirablement décoré. Une
Annonciation de la Sainle-Vierge , un grand Saint-
Jacques, les armes de France et celles de Champagne,
peintes par Jacques le Cordouannier, complétaient cette
riche décoration (1), qui valut à cette porte le nom de
Porte-Dorée. Vers le môme temps, le même peintre or-'
nait la porte du Beffroi, des figures d'une Notre-Dame et
d'un ange.
Bientôt commence la guerre civile , connue sous le
nom de ligue du Bien-Public , formée des grands vas-
saux et dirigée contre le pouvoir royal.
En juin 1465, Louis XI envoie < à ses chers et bien
amez » les habitants de Troyes, son pannelier, Pierre de
Ointeville. Il est chargé de leur donner dos nouvelles du
du roi , qui * les prie de croire cet envoyé dans toutes
» les affaires , qui surviendront et auxquelles il faudra
]> apporter remèdes et provisions pour le bien du roi et
> du pays. » Le roi ajoute : « et comme nous avons en
» vous parfaite et entière confiance, avertissez-nous
> souvent de tout ce qui surviendra au pays > (2).
A l'arrivée de Pierre de Dinteville à Troyes, les princes
avaient déjà pris les armes. Le 16 juillet, se livre la
bataille de Montlhéiy, où le roi se trouve en personne.
Dans aucun combat, suivant Philippe de Comines, « plus
» grande fuite ne fut vue des deux parts. :» Louis XI
publia le bulletin de cette bataille. Il est apporté à
Troyes, par fun de ses chevaucheurs. Voici ce bulletin,
signé du roi, dont nous avons modifié quelque peu le
langage un peu trop archaïque :
(i) Arch. mun., série D, n» 3.
(2) Arch. mun., n. f., original A. A., 48® carton, 4o liasse. —
Datée du 2 juin 1465, elle est adressée « à nos chers et bien amez
9 les gens d*esglise, bourgeois, manans et habitans de nostre
à bonne ville et cité de Troyes. » Elle fût présentée par Pierre de
Dinteville, le 15 juin < dans une grande assemblée falote à la Sale »
(PalaU-Royal).
78 HISTOIRE DE TROYBS. 14^5
* De par le Roi,
« Chers et bien aniés. Hier, à environ deux heures de
Taprès-midi, le comte de Charolois, le comte de Saint-
Paul iLouis de Luxembourg, comte de Brienne), Adolphe
de Clèves, le BAtani de Boulogne et tous ses gens étant
en bataille près de Montlhéry, Tortifiés de leurs harnais,
charrettes, fossés et ribaudequins, et autre grosse artil-
lerie, reçûmes le conseil de les assaillir et de les com-
battre. Ce que nous fîmes, grâce à Dieu. Nous fîmes
bien, et la victoire fut pour nous. Par deux ou trois fois,
s'enfuit le comte de Charolois, la plus grande partie de
ses gens et le comte de St-Paul. Ils s enfuirent au nombre
de plus de i,000, et les uns furent tués, et les autres
faits prisonniers: entr autres le sieur Desmeries et le
sieur de Haplincourt. D'autres sont encore poursuivis
el, ;\ chaque instant, on amène des prisonniers à Cor-
beil. Kn ce qui touche la bataille, il y a eu dix contre
un des ni^tres qui sont restés sur le champ de bataille,
ihi compte de 14 à l,5(H) morts du cMé de rennemi, et
deux ou trv^is cents prisonniers, parmi lesquels se trou-
vent beaucoup de gens de bien et de bonne maison. Le
Biplan! de Itoui^ogne a éto tué, et on rapporte que le
i ouite de Charolois et celui de St-Paul ont été griève-
ntent blesses. Nous demeurâmes sur le champ de ba-
taille jusqu'au soleil couchant, puis nous vînmes i Cor-
beil avec notre armt>?. excepté ceux de nos soldats qui,
crtwant le rt^^^ultat tout autn:\ se retirèrent en différents
lieux, lesquelles choses nous voulons bien vous signifier,
alîn que \ous puîssiex rendre grâce à IKeu t^l . »
IVndant que lartwtv rvA aie est aux prises , dans les
envirxMis de Paris. a\eo ceKe du comte de CJiandIois,
1466 CHAPITRE XIV. 79
Jean, duc de Galabre, fils unique du roi René, marche
sur Paris avec une armée composée d'environ neuf cents
hommes. Cette armée compte des Bourguignons , des
Italiens et des Suisses. Parmi les chefs, on nomme Jac-
ques Galiot de Genouillac, plus tard grand-maître de
rartillerie de France, le Napolitain Nicolas de Montfort-
TAmaury, comte de Gampo-Basso (Gampobache). Gette
année suit la rivière d'Aube; vers le 15 juillet, sa
présence est signalée à Ramerupt. Les Troyens en ins-
truisent le roi. De Ramerupt, cette armée se serait rap-
prochée de Troyes, où se trouve le sire de Torcy, maître
des arbalétriers. Le roi recommande de veiller avec soin
sur la ville et sur les environs. 11 annonce que l'armée des
Bretons et du comte de Charolois se dirige vers Troyes ,
allant à la rencontre de celle du duc de Calabre (i).
Le roi ne manque point de remercier les Troyens de
leur diligence : c Au plaisir de Dieu et de Nostre-Dame,
> écrit-il, nous mettrons si bonnes gardes aux passages
» que nous les garderons bien de approucher si près, et
» de vostre part, faites-y tout au mieulx de votre pouvoir,
» ainsi que nous en avons fiance. Et nous escripvez
> souvent de vos nouvelles. >
Des menées contre le roi sont découvertes à Troyes.
Un nommé Gollin MuUet est arrêté. Louis XI recom-
mande de faire bonne information et d'y donner telle
solution que la raison voudra. Il termine sa lettre, en
donnant de nouveaux détails sur la bataille de Montléry,
et en informant les Troyens que, de Gorbeil , il s'est
rendu à Paris, où il concentre toutes ses forces, prêtes,
f aidant le benoist Fils de Dieu, à prendre les champs,
> aussi bien que feismes oncques > (S).
(i) Même liasse. Lettre de Louis XI, datée de Paris, du i«r août,
et adressée au sire de Torcy. (Copie du temps).
(2) Même liasse. Lettre datée de Paris, du 26 Juillet, et lue le 90,
dans une grande assemblée.
80 HISTOIRE DE TROYES. 1465
Le roi convoque la noblesse du bailliage et toute per-
sonne disposée et apte à porter les armes, ainsi que tous
les francs archers, qui peuvent se trouver dans le bail-
liage, afin de venir le servir t à rencontre de ses rebelles
» et désobéissants sujets. > Les habitants de Troyes ré-
clament contre Texécution de cet acte. Dès le il août,
le roi fait droit à cette protestation. Il entend même que
nulles gens, de quelque état et condition qu'ils soient,
habitant Troyes ou autres lieux nécessaires à la garde
de la ville, se rendent à son armée. A cette occasion, le
roi envoie à Troyes « son beau cousin le sire de Cha-
tillon, gouverneur de Champagne, pour s'entendre avec
les habitans sur la garde et la sûreté de la ville et des
environs (1). »
La ville est surtout incommodée par les troupes du
comte d'Armagnac et du duc de Nemours (2). Les
Troyens envoient au roi un messager, afin de l'assurer
de leur dévouement et lui faire connaître les dommages
que ces soldats occasionnent dans le pays. Le roi les
remercie chaleureusement de leur obéissance, de leur
loyauté et de leur attachement. Il les invite à s'entendre
avec le gouverneur, M de Chatillon, pour résister, à
main armée, aux troupes des princes mécontents II
promet qu'aussitôt qu'il le pourra, il enverra de ses gens
pour faire vider le pays. A sa réception, cette lettre, datée
du 19 septembre, fut lue dans une nombreuse assem-
blée, qui décida l'envoi, à M. de Chatillon, de deux
messagers « ayant enseigne de la ville > afin de l'in-
former du contenu des lettres du roi.
Le 4 'r octobre, une trêve est conclue entre le roi et
les princes. On travaille sérieusement à la paix. Mais,
quelle paix ! Le traité do St-Maur est à l'égard des
(1) Mémo liasse. Copie coUationnêo
(;>} On sait que les chateUenies de Nogent et de Pont-sar-Seine
dépendent du duché-pairie de Nemours.
U65 CHAPITRE XIV. 81
princes, ce qu'avaient été ceux de Brétigny et de Troyes,
pour TAngleteiTe. Le roi consent à un partage du ter-
ritoire français en faveur de son frère, Charles de France,
et des grands vassaux de la couronne. Chacun obtient son
lot de terre, d'argent, de titres et d'honneurs. Le rusé
Louis XI ne consent à un pareil traité qu'avec Tarrière-
pensée de reprendre en détail ce qu'il donne à tous , et
son ambition ne s'arrêtera pas là.
Il va sans dire que les princes étaient largement in-
demnisés. Le Bien pxihlic est à peu près oublié. Il est
néanmoins décidé que le roi constit^uera une commission
de trente-six notables : douze prélats, douze chevaliers
et écuyers , et douze du Conseil et de Justice , afin de
s'enquérir des fautes et des abus touchant le bien public
du royaume, avec pouvoir d'y remédier.
Le 5 novembre, Louis XI informe les Troyens de la
fin des hostilités et de l'apaisement , c grâces à Dieu ,
des questions et différences » qui existaient entre lui
et certains seigneurs, leurs adjoints et adhérents. U re-
mercie de nouveau , avec effusion , les habitants de
Troyes, de leurs bons et loyaux services, attestés près de
lui par le sire de Torcy (1).
A la suite du traité de Conflans, Louis de Luxembourg,
comte de St-Paul et de Brienno, est nommé connétable
de France. Le roi lui assigne 24,000 liv. l. de gages,
tant pour cette charge que pour celle de gouverneur de
Champagne, de l'Ile-de-France, du pays charlrain et de
tous les pays de deçà la Loire, et à prendre sur les pro-
duits annuels de la recette générale des rivières de Seine
el d'Yonne (2).
Louis XI, dans la première année de son règne, avait
supprimé la Cour des Aides. Le 9 juillet 1465, il la ré-
(1) Il s'agit d'un seigneur originaire de Torcy, en Normandie, *»t
non de Torcy (Aube). — Mémo fonds. Lettre du roi Ori;rinal.
{i) Ord. des vois de France^ t. xvi, p, 305. Note,
tii. 6
82 HISTOIRE DE THOYES. ^1465
tablit et replace Louis Ra^uier, évéque de Troyes, en
son office de président de celte Cour (1).
Le clergé de Troyes, et notamment les Chapitres de
St-Pierre , de St-Etienne et de St-Urbain , les abbés et
les prieurs de la ville avaient le privilège de vendre le
vin de leurs récoltes, sans payer aucun droit au (isc. Les
gens du roi s'opposent à Texercice de ce privilège. Le
clergé réclame et s'adresse directement à Tévêque de
Troyes, président de la Cour des Aides, qui, sans doute,
les aida à conserver ce privilège.
Louis XI paraît tenir Tévôque de Troyes en considé-
ration. Il en fit un de ses ambassadeurs près de la com-
mune de Liège, en 1466. La négociation dont il fut
chargé fut couronnée de succès.
Bien qu'il existât à Troyes , une compagnie d'arbalé-
triers et môme une compagnie d'archers , dès le XIV^
siècle, il en est peu fait mention dans la première moitié
du XVe; ces compagnies semblent avoir disparu. Tous
les habitants sont sous les armes, sous les noms si ca-
ractéristiques d'hommes de fer et d'hommes de pour-
point. En 1465,1a compagnie des arbalétriers se reforme.
Sur une requête adressée à t Messieurs les clergie,
bourgeois et habitaus » il est accordé aux nouveaux
compagnons, la somme de cent sous tourn. t pour réé-
difier les buttes et édifices des arbalétriers qui, naguère,
pour les guerres qui ont été dans ce royaume, ont été
démolis et abattus (2). *
Vers le même temps, la ville fait creuser un certain
nombre de puits et notamment le beau puits du Marché-
aux-Oignons , fermé il y a environ vingt ans et dont la
belle armature en fer parait remonter à cette époque.
(1) Ord, dcê rois de France^ t. xvi, p. 332 et t. xv, p. 467 et 468.
— LoiiU Raguicr avait succédé à Jean Léguisé^ en 1450, sur le siège
ôpiscopal de Troyes.
<2) Arch. mun., série B. i8.
iM5 CHAPITRE XIV. 83
Ces puits , monuments publics d'une certaine élégance,
et qui viennent de disparaître pour le plus grand nombre,
étaient ouverts et édifiés surtout pour se procurer plus
facilement de Teau en cas d'incendies, toujours fort i*e-
doutés à Troyes, ville alors construite et même couverle
en bois (1).
Par suite de la commission, donnée on exécution du
traité de Gontlans (octobre 1465), le roi, en juillet 1466,
fait savoir à Tévêque et aux habitants de Troyes , qu'il
a donné mission à de notables gens, alors réunis à
Paris, de recueillir et de reconnaître les faules et les
abus qui sont au royaume, et d'aviser à leur réforme. Il
est nécessaire de les en instruire. Le roi veut qu'on
appelle à cet effet des hommes notables tant d'église,
nobles, qu'au 1res du pays, afm d'aviser aux fautes, abus
et entreprises , commis dans l'administration de la jus-
tice et dans les finances royales, tant du domaine, que
des aides et des tailles , et aussi dans le gouvernement
des gens de guerre. Le roi demande enfin que, loyale-
ment et en conscience, tous ces abus soient recueillis
par écrit et envoyés t clos et scellés, » avec diligence,
aux commissaires royaux (2).
Cette réunion de commissaires royaux ou de notables
ne parait avoir donné aucun résultat. L'année suivante,
Louis Xl provoque une véritable assemblée dos Etats-
Généraux dans la ville de Tours.
En effet, en mars 1467 (v. style), le clergé, les bour-
geois et les habitants de Troyes sont invités par le roi à
eoToyer aux Etats de Tours, dont l'ouverture est fixée au
1er avril suivant, trois députés, l'un du clergé et les
{{) Pour les dessins de quelques-uns de ces puits, voir: Mhn, de
la Soc acad. de VAuhe, t. xviii , p. 412. Communication de M.
Fléchey.
(2) Lett. du roi, du 25 juillet 1466, apportée à Trojes et lue dans
«ne grande assemblée tenue en la Salle royale. Même liasse que ]e%
j»récédentes.
deux autres laces. M. «ie Ch;KtiH«>£i. foirnenieiir de Cham-
pagne, est alors à Troyes . l \ Dans une assemblée gé-
nérale y les habitants de Ta^y^ élurent . en qualité de
députés. Jacques Guyon. iiceaoïe en décret, chantre et
chanoine de Té^îse de TrvAes : Actotne Guérv des Es-
saris. Ucenoîê-ês-iois e: pïvv.>t de Tr*>yes: et Pierre
Perricari. marchand. Aucun cahier, aucune instruction
ne paraissent avoir été donnes à ces députes. Les lettres
royales portent que ces députes s*:»at appelés pour 4 ouïr,
vaquer et beso^er avec les autres Etats des villes du
royaume, pour ce , mandés touchant aucunes besognes
et affaires qui doivent leur être dites et remontrées par
le roi i\ »
Ces trois députés se rendent à Tours et leurs dépenses
sont acquittées par la vilie, qui fournit un cheval à mes-
sire Jacques Guyon. et à Antoine Guéry, un valet et un
habillement suffisant pour le mettre en état de faire le
voyage.
Cette assemblée a surtout pour but de donner son
avis sur les différends soulevés entre le roi et son frère,
Charles de France, duc de Berr>-. à l'occasion de la Nor-
mandie. Il s*agit de Tunité nationale. Lasserablée fut
d'avis de ne pas séparer la Normandie du surplus du
royaume. Elle fut dissoute au bout de huit jours, mais
les députés ne se séparèrent point sans remontrer au
roi que les impôts avaient doublé depuis la mort de
Charles VU, que les abus des gens de justice devenaient
de plus en plus nombreux, que Tor et Targent s'écou-
laient hors de France, soit en Cour de Rome pour Tabo-
rl) Le ChapiU^ de St -Pierre lui k\t, pétulant ce séjour, présent du
roman de la /toje. Séxillard .
(ij B. 23. A Tn>yes. comaie à Tours , comme à Ltoo, etc. les
Lettres royales sont adressées au derçé, aux bourj^eoi? et aux habi-
tans et non point â la nobl^^se. Aussi, parmi les députés de ces ^lles,
ne fi^nre-t-il aucun noble.
1467 CHAPITRE XIV. 85
lition de la Pragmatique, soit aux mains des marchands
étrangers , par le commerce de luxe et < les excessives
> pensions payées aux sires du sang royal et aux oili-
> ciers du roi, tous engraissés du sang du peuple (1). »
Le roi rejeta le mal sur les princes et la ligue du Bien-
public, et les Etats nommèrent une commission chargée
de réformer les abus. Elle se montra peu exigeante dans
celle réforme.
On a vu plus haut que les cordonniers et les savetiers
avaient été relevés de Tinterdiclion qui leur était faite
de travailler pendant la nuit. En 4464, les ouvriers en
bazane se pourvoient devant la justice et obtiennent
Vabrogation de cette interdiction. Leur requête est mo-
tivée : lo sur la permission déjà accordée aux cordon-
niers de travailler pendant la nuit; 2o sur la difliculté
de fournir à la consommation ; 3o et sur la difTiculté
d'attirer à Troyes , les ouvriers étrangers , en raison
de la défense faite de travailler la nuit. Il est accordé
aux bazaniers de modifier leurs statuts de la manière
suivante: Les cotisations sont élevées; — Le droit
d'entrée en maîtrise est fixé à deux livres de cire, celui
des apprentis à une livre, et la cotisation hebdoma-
daire à un denier parisis , pour les maîtres ; et à un
denier tournois, pour les valets gagnant argent. La com-
pagnie est déchargée , pour ses assemblées , de la pré-
sence du procureur du roi, qui, dans ces occasions, est
remplacé par un sergent (2).
En 1427, Charles VU avait accordé à Nicolas ou Co-
linet Gaudillon, son premier barbier, et à ses succes-
(i) Discours de l*archevôque de Rheims, Jean Jouvenel des Ur-
sins, dans les Preuves de Duclos, p. 238 et autres, d'après H.
Martin, Hist des Français^ t. vu, p. 31. Jean Jouvenel expose les
souffrances publiques avec beaucoup de liberté, tout en débutant par
des maximes d'obéissance passive.
(2) Arch, mun., Q. Iw.
80 HISTOIKB DB TROYES. 1464
seurs, certains privilèges et autorité sur tous les barbiers
du royaume. A cette époque, Troyes n'était point sous
le pouvoir de Charles Yll, et son premier barbier, pas
plus que son maître, n'avait pu appliquer les dispositions
contenues dans ces lettres. Les barbiers et chirurgiens,
en 14-29, avaient arrêté certain règlement concernant le
travail pendant les jour.s fériés. L'évéque s'étant plaint
de ce désordre, modifia les anciennes habitudes de cette
corporation, en obligeant les seize barbiers el la barbier e,
alors en exercice, à chômer certaines fôtes.
Olivier-le-Daim , le Diable ou le Mauvais, en 1464,
alors premier barbier de Louis XI, et qui devint plus tard
comte de Meulan, fait renouveler, en sa faveur, les pri-
vilèges accordés par Charles Yll, à son barbier Caudil-
lon. Il en fait rap|)licalion, dans toutes les bonnes villes
de France, et c'est à ce titre que les lettres qu'il obtint
se trouvent iuscriles an Cartulaire des Arts et Métiers.
Après avoir énoncé qu'en raison des guerres et du dé-
faut de sécurité des chemins, les lettres de Chartes VH
n'ont pu être appliquées, le roi^ sur l'avis tant des con-
seillers de son Grand-Conseil que do son Parlement, et
sur l'humble supplication de son bieii-aimé valet do
chambre et premier barbier, Olivier-le-Mauvais , il ins-
titue celui-ci « Maîtni et Garde des métier et artince
de barberie > avec pouvoir d'instituer des lieutenants
dans toutes les bonnes villes de France, ayant droit de
visite chez tous h?s barbiers des bonnes villes , de leur
banlieue et villages voisins, et auquel tous les barbiers
devront obéir comme au premier barbier du roi. Dans
toutes les bonnes villes, trois ou quatre barbiers, avec
serment entre les mains du barbier du roi ou de son
lieutenant, sont constitués maîtres et gardes de la com-
pagnie. - Aucun barbier, de quelque état et condition
qu'il soit, ne peut exercer sans avoir été reçu maître
après examen. — Aucun barbier ou femme de barbier,
i46i CHAPITRE XIV. 87
de quelque autorité et condition quil soit, ne peut faire le
métier, s*il n*est réputé de bonne et honnête vie ; s'ils
sont notoirement diffamés , ou s'ils tiennent a hôtel
diffamé comme bordellerye ou maquerellage, > ou qu*il
y ait contre leur hôtel quelque vilain blasme ou quelque
mauvais cas, et cela à peine de saisie et de conflsca-
tion(l). > — Aucune personne, faisant métier de barbier,
ne peut raser ou peigner aucun lépreux. — Ceux qui lèvent
ouvroir et passent maitre-barbier c aux châteaux, ponts,
ports, bourgs et villages, > subissent leur examen dans
les villes les plus voisines des lieux où ils veulent se
fixer. — Les maîtres-barbiers peuvent faire une confrérie
en rhonneur de Dieu et des saints Gosme et Damien,
dans les bonnes villes du royaume. — Ils peuvent se
réunir, mais en présence d'officiers royaux, du premier
barbier du roi ou de son lieutenant et de deux jurés du
métier de barberie. — Le droit d'entrée est fixé à cent
sous, « afin que, les entrants puissent plus sûrement
ouvrer es corps humains. » — Aucun valet barbier ne
peut ouvrer de son métier en aucun lieu, sans avoir été
reçu maître, à peine de cent sous d'amende, de confisca-
tion et même d'emprisonnement. — Les barbiers ne peu-
vent saigner ni peigner les dimanches, aux fêtes de la
Vierge, à la Toussaint, à Noël, à Pâques, à la Pentecôte,
à la Circoncision, à l'Epiphanie, à l'Ascencion, à la Fête-
Dieu, aux fêtes de saint Jean-Baptiste, de saint Cosme
etde saint Damien, et à celles des Apôtres, ni ces mêmes
jours mettre leurs bassins à leur porte , à peine d'une
amende de cinq sous. — Il leur est défendu de conserver
le sang des saignées en leur ouvroir passé midi, ni hors
le seuil de leur porte, sous la même peine. — Si, après
midi, quelqu'un, par nécessité, c se faisait saigner du
(1) Les Figaros ne datent pas seulement du temps de Beaumar-
chais.
88 HISTOIRE DE TROYES. \u»
pied, cil Teaiie ou autremenl, » 1p sang doit être jeté
deux heures apn»s la saignée. — Tout apprenti, passé
maître, doit |»rendre « lettre » du premier barbier du
roi, payée cinq sous. — Tout maître ne peut avoir qu'un
;!pppenti. -- Tous les maîtres et maîtresses sont tenus
d'assister à renlerrement d'un confrère. — Tout maître
doit cin(| sous parisis au premier barbier du roi. — S'il
y a procès à soutenir dans l'intérêt de la corporation,
chaque confrère est tenu de contribuer au paiement des
frais. — Tout barbier ou valet de barbier doit obéissance
au premier barbier du roi ou à son lieutenant. Enfin,
pour le bien de la chose publique et pour pourvoir à la
santé du cor[»s humain, le premier barbier du roi est
tenu de délivrer à tout maître barbier du royaume la
copie de \armen(u\ fait pour Tannée, et ce, moyennant
deux sous six deniers parisis \ l ■.
Kn juillet 14-68, le Chapitre de St-Pierre décide que
>oij î^rand-chambrier empruntera, sur un calice ou autre
joyau, somme suKisante pour acquitter le prix de répa-
parations faites à ses moulins de Vannes et de Valant.
Vn calice et une croix d'argent doré sont engagés à cette
occasion (2).
Par l'assemblée de la St-Barnabé de cette même année,
U est accordé quarante sous, alin de * aider les maîtres
de la Grande-Ecole à payer le loyer * de la grange » où
se tient l'école. 1/annce précédente , les leçons avaient
cessé, et Técole avait été fermée, pendant plusieurs mois,
à cause de la peste , qui sévissait en automne et en
hiver et avait occasionné une grande mortalité .La popu-
lation en aurait été sensiblement amoindrie.
Après la peste, les écoles paraissent peu fréquentées.
Le Chapitre de St-Pierre lait remise au recteur de ce
{{) Aivh. muii., g. l«^^. — Almati(u:h.
(2) Arch. dép., f. de St-Pierre et Skmilulrd.
1468 CHAPITRE XIV. 89
qu'il doit et invite son sous-chantre d'agir de même pour
une partie de l'année et pour la suivante, « afin d'em-
pêcher la ruine des écoles. » Ce même Chapitre invite
Thierrj' Robichon , scholastique de St-Etienne, à obliger
les maîtres des écoles à garder les statuts , règlements
et immunités des écoles et à obéir au recteur (1).
Les récoltes de 1468 sont mauvaises et, par ce motif,
le Chapitre de St-Pierre, qui lève des dîmes au Pont-
Hubert, suspend, en avril 1460, et jusqu'après la mois-
son, la peine de Texcommunication, prononcée en 1461,
contre certains débiteurs (2).
Encore un usage qui paraît bizarre, surtout parce que
les causes et Torigine échappent aux recherches. Un acte
du 18 juillet 1469, maintenu par sentence du bailliage
de Sens, du 13 mai 1595, réformé par le Parlement, au
XVIIe siècle, et, peu après celte dernière décision, entiè-
rement abandonné, Tusage étant tombé en désuétude ,
constate que le Chapitre de St-Pierre a le droit, la veille
de la fête patronale, de se transporter, en Téglise de St-
Martin-ès-Vignes , processionnellement, pour y chanter
les Vêpres. L'Olïice terminé, le curé est tenu de faire
allumer du feu dans sa maison et de servir aux assistants
trois sortes de vin, d'abord du vin vermeil (rouge), du vin
blanc, ensuite et enfin du bon vin vermeil. A chaque
chanoine, célébrant au grand autel de l'église de St-
Pierre, le curé doit six chandelles de cire, de trente-six
à la livre, et aux enfants de chœur, les jours gras, du
rôti avec des oignons, du pain et du vin, servis sur une
table placée au milieu delà salle, et, les jours maigres,
des harengs et de la moutarde (3).
Les événements de Péronne, du mois d'octobre 1468,
il) Sémillakd, t. iH, p. t)5 à 96.
(2) Sémillard, p. 90.
(3) Arch. dép., Inventaire du Chap. de St-Pierre, , l. v, 1««?
partie, p. 520.
90 HISTOIRE DE TROYES. 1400
qui mirent la liberté de Louis XI en si grand danger,
sont en dehors du cadre que nous nous somm^'s imposé.
Il suffit de savoir que le roi est alors hors d'état de re-
fuser son approbation aux conditions proposées par le
duc de Bourgogne. A la suite de Tacte principal ,
Louis XI, sur la demande du duc, abandonne au duc
de Berry, à tilre d'apanage, la Champagne et la Brie, en
remplacement de la Normandie. Le duc de Bourgogne,
le cas échéant, peut plus facilement que la Normandie
défendre ces deux provinces contre le roi. Sa domina-
tion, directe ou indirecte , sur ces provinces, qui unis-
saient la Bourgogne à la Flandres et à la Picardie, était
un avantage considérable donné à la puissance de l'ad-
versaire de Louis XI.
Le roi cédait à la force.
Après la terrible expédition de Liège, le roi, en quit-
tant le duc, sonde ses dispositions à l'égard du traité de
Péronne, en ce qui touche la Champagne et la Brie. Le
roi dit au duc : * Si, d'aventure, mon frère ne se conten-
tait du partage que je lui baille pour l'amour de vous,
que voudriez-vous que je fisse? — S'il ne veut le pren-
dre, » répondit le duc. < Faites qu'il soit content, je
m'en rapporte à vous deux. » Il n'en fallut pas davan-
tage, Louis XI , dégagé de sa parole , libre de changer
l'apanage destiné à son frère, gagna le sire de Lescun
etd^autres courtisans, ayant la confiance de celui-ci, lui
fit accepter la Guyenne, et le roi conserva la Champagne
et la Brie, à son grand contentement (1).
Aussitôt que la paix fut faite entre le roi et son frère,
depuis peu duc de Guyenne, Louis XI écrit aux habitants
de Troyes, et leur annonce cette bonne nouvelle (2).
(1)D. Plancher, Hist. de Bourg. , t. iv, p. 371, 375 et «uiv. —
H. Mabtin, Hist. des Franc., t. vu, p. 41.
(i) Ârch. moD., B. 25.
14i9 CHAPfTBË XIV. 94
Cette lettre est datée de Coulonges la-Royale (1), du 14
septembre 1469. Déjà le roi avait écrit à Tévêque, Louis
Raguier, et aux Troyens, le 28 mai précédent, une lettre
dont lecture fut faite en assemblée publique et dont le
contenu demeure ignoré (2). Enfin, vers le même temps,
le roi demande aux Troyens, s'il est vrai que les parents
de Tévêque de Verdun font fortifier quelques châteaux,
ainsi qu'on Ten a informé.
Dans le cours de Tannée, Etienne de Piseul, panne-
tier du roi , et Guillaume Thoreau , secrétaire du roi ,
viennent à Troyes, en qualité de commissaires royaux,
afin d'y procéder « à certaines réformations sur aucunes
personnes demeurant dans la ville. > S'agit-il de quel-
ques malintentionnés, de quelques partisans connus du
duc de Bourgogne? Qui pourrait répondre aujourdliui,
en Tabsenco de documents
De Tannée 1465 à 1470, on travaille aux fortifications,
on répare les portes, les barrières , les chaînes tendues
dans les rues, et leurs poteaux, ainsi qu' < aux avenues
des portes, aux ponts, planches et planchettes » (3).
Pour Louis XI, la ville de Troyes est trop proche de
la Bourgogne, et malgré les bons rapports existant entre
le roi et les habitants, il y a tendance déjà à vouloir dé-
placer le siège de Tadministration royale de la province.
Ainsi, en 1469, on signale, à ChAlons-sur-Marne, la pré-
sence de Me Jean Hébert, * général de France, ^ et on
lui envoie les comptes du receveur de la ville de Troyes.
On ne peut douter que ce ne soit à Toccasion d'une véri-
fication oflicielle (4).
La ville de Troyes, suivant Timpulsion donnée à cette
(1) Sans (loule Coulonges-Thouavsais (Deux-Sèvres)^ où il existii
un château bâti sous Louis XI, peuKôtre par lui-même.
(2) B. 25.
(3) D. 4, 7.
(4) B. 25.
92 HISTOIRE DE TROYES. 4470
époque, encouragée, dans une certaine mesure, par
Louis XI, et après avoir envoyé * à Lyon sur le Rhône,
à Orléans et à Tours, quérir la manière de procéder au
fait des échevinages esdites villes, » obtient de cette
majesté bourgeoise ses premières lettres d'échevinage,
datées d'Âmboise et de mai 1470(1).
Ces lettres rappellent les titres que la ville de Troyes
invoque pour obtenir la faveur qu'elle sollicite , la
bonne loyauté et Tobéissance que les habitants ont tou-
jours eues envers le roi et ses prédécesseurs. Le roi
place au premier rang les travaux exécutés pour fortifier
et défendre la ville contre les ennemis des rois de France,
et « la loyauté montrée à Charles VU, alors qu'il allait à
Reims s'y faire sacrer, lequel bailla et délaissa aux ha-
bitans la garde de la ville. >
Louis XI accorde aux Troyens « la faculté de jouir
et d'user perpétuellement d'échevinage et loi privilégiée,
et, « pour ce taire, « dit la charte, f ils peuvent s'assem-
bler à son de cloche, le bailli ou son lieutenant appelé,
seulement pour la première fois, et élire trente-six
hommes, aimant l'utilité et le profit de la ville et de la
chose publique, olViciers royaux ou non, et dont douze
seront du clergé. *
Ct^s trente-six élus doivent choisir douze d'entr'eux,
dont quatre du clergé, pour être éehevins, * régir et gou-
verner les besognes, charges et affaires communs de la
ville, « à partir du jour de Télection jusqu'à la St-Bar-
nabé l-lTi. Les vingt-quatre autres élus, demeurant
conseillers pendant toute leur vie, ont charge d'assister
les éehevins dans les grandes et principales affaires de
la ville, et de se rendre au Conseil toutes les fois qu'ils y
seront mandés.
^I^Vors II» nit^me ti^m|vs. Poilifrs, Tour^, Niort. FoDten«y-le-
Comt^« An^r«, etc., oblienneut la crvatioD d*éciieTiiiag«s.
mO CHAPITRE XIV. 93
A la mort de Tun des conseillers, il doit être, dans la
plus prochaine assemblée, procédé à son remplacement
par la voie de l'élection, à laquelle prennent part
soixante-quatre notables habitants.
Pour maintenir le bon ordre, les échevins sont auto^
risés à choisir parmi eux (l un chef et président, auquel
appartiennent la faculté et la prérogative de proposer et
mettre en avant les matières , besognes et communs
affaires de la ville » et de recueillir les voix des éche-
vins et des conseillers.
Les échevins sont autorisés à nommer un ou deux
agents appelés € serviteurs-sergents d'échevins. »
Ils ont le gouvernement, l'administration des affaires
de la ville, Tordonnance et la distribution des deniers
communs et d'octrois, tant pour les fortifications et autres
ouvrages, que pour les gages des officiers, ouvriers,
voyages, etc.
Avec les conseillers, les échevins commettent un re-
ceveur, un collecteur à la recette des deniers communs
et tous autres officiers « en nombre compétent. »
Les échevins seuls ne peuvent obliger la ville ni Ten-
semble des habitants. Ils ne peuvent vendre ou engager
les héritages, rentes et revenus, appartenant à la ville,
que, par Tavis et rassemblée commune du clergé , des
bourgeois et habitants de Troyes: le bailli ou son lieute-
nant étant appelé. Cet engagement ne peut être con-
tracté que pour le plus grand profil de la ville.
Le jour de la St-Barnabé « finit le pouvoir de Téche-
vinage des douze échevins. > Pour reconstituer cette
compagnie, les échevins sortants convoquent les vingt
quatre conseillers et, avec eux, soixante-quatre notables
habitants, en tout cent personnes, élus et choisis dans
les quatre quartiers de la ville par les sixainiers ou
maîtres de fer, et élisent douze nouveaux échevins, dont
l'exercice est d'une durée de deux ans.
94 HISTOIRE DE TROYES. UIO
Avant de procéder à celle élection, les échevins, con-
seillers et notables prêtent serment de « selon Dieu et
leur conscience , élire douze échevins des meilleurs et
des plus discrets, féables au roi, utiles et profitables à
la chose publique de la ville. »
Les nouveaux doivent serment aux vingt- quatre con*
seillers de bien administrer les affaires de la ville.
Les échevins, bourgeois et habitants sont autorisés à
acheter une maison ou une place propre à bâtir c pour
mieux et plus sûrement conserver les besognes de la
ville et tenir les assemblées de Téchevinage. >
Kn cas de décès d'un échevin , il n'est pas procédé
immédiatement à son remplacement.
Si rimportance des affaires Texige, les échevins et
conseillers en avertissent le bailli ou son lieutenant ,
qui peuvent autoriser une assemblée générale des ha-
bitants.
La police de la ville, en tout ce qui touche la propreté
des rues, Tenlretien des rivières et ruisseaux, les incen*
dies, est donnée aux échevins.
Enfin, le roi prend sous sa sauvegarde, les échevins,
conseillers, receveurs, sergents et autres ofTiciers de la
ville, pour tous les dommages et les injures qu'ils pour-
raient souffrir, par suite de leurs fonctions, dans l'intérêt
delà ville (1).
La charte d'échevinage donne une grande autorité,
non à un maire ou président, mais aux douze échevins,
espèce d'étroit conseil conservant le pouvoir exécutif. Le
conseil a une action étendue, comme compagnie consul-
tative, et les assemblées populaires et générales sont
encore nécessaires pour engager les finances de la ville.
Mais, de cette charte, date la formation de deux classas
(1) Arch. mun., anc. f. , original; layette 3«, n» 3^ ire liasse. —
Cariulaire^ n« i®»", f^ 142. — Ordonnance des roit de Francêy t.
XVII, p. 426.
1470 CHAPITRE XIV. 95
parmi les habitants : les cent notables, électeurs et éli-
gibles, d'une part, et , d'autre part, ceux, et ce sont les
plus nombreux, qui ne sont pas compris dans cette liste.
Aussi, bientôt verra-t-on se former un parti, qui se bles-
sera de ces distinctions. Telle qu'elle est , cette charte
est encore bien loin d'enlever à tous les citoyens les
droits dont ils Turent privés dans les siècles suivants.
Louis XI semble profiter de toutes les circonstances
pour féliciter et remercier les habitants de Troyes de
leur attachement à sa personne et de leurs bons services-
Le jour où il signe la charte d'échevinage, il adresse t à
ses chers et bien amés > une lettre close, où il leur dé-
clare c qu'il les tient et répute pour ses bons, vrais et
> loyaux sujets , écartant d'eux tous sinistres rapports
> qui leur sont faits sur sa conduite à U\xv égard , ce
> dont il est content, autant que de ville et communauté
> de son royaume. » Il les en remercie, en les priant de
continuer et persévérer dans cette voie. Il les invite à
croire leurs députés « sur sa plus ample réponse qu'il a
faite à leurs remontrances > et, sur ce qu'ils pourront
leur rapporter sur ses propres affaires. Il les prie enfin
de continuer à s'y employer libéralement « en quoi fai-
sant il aura leurs affaires de plus en plus en bonne re*
commandation > (i).
Encore ici, Louis XI ne confie point au papier ses
projets, ses pensées ou ses instructions. Le secrétaire
Plameng, au bas de cette lettre, place un poit-acriplum ^
rappelant les lettres relatives à I ecbevinage.
Toutes les gracieusetés de Louis XI et celles de son
secrétaire ne sont pas gratuites. Par d'autres lettres, du
même jour, 18 mai, le roi demande c par forme d'em*
prunt > aux habitants de Troyes , de lui avancer 4,500
(i) Arch. mun , A. A., 48« carton, 4» liasse. Ck>pie collaitionnée.
CeUe lettre fut lue, en grande assemblée, le 28 mai 1470*
96 HISTOIRE DE TROYES. U70
écusd^or.Ou conuail les habitudes de la chancellerie du
XV* siècle.
L'étabhssenient de cette nouvelle institution fut pour-
suivi surtout par Odard Hennequin , alors archidiacre
de Téghse de Troyes; Jean Lequeu, chanoine du même
Chapitre ; M^ Guillaume Huyart, licencié es-lois ; Pierre
Angignart, marchand ; et Jean du Lutel, clerc et procu-
reur des habitans, qui, tous, dans ce but, se rendirent
près du roi, alors à Tours et à Amboise.
Dans une assemblée générale, tenue le 31 juillet, il
est procédé à rétablissement de Téchevinage, les con-
seillers et les échevins sont élus et installés, et procès-
verbal est dressé sous le sceau de la prévôté. La nouvelle
administration prend son siège, « avec ses besognes, >
dans la maison de feu messire Jean Closiertl). L^éche-
xinagecrée de suite deux oflices de sergent pour Taxé-
cation de ses décisions et un ofllee de trompette , dont
le titulaire a autorité « pour faire cri au nom et de par
messieurs les échevins. » Le costume de ces bas-
officiers, comme celui des voveurs, est de deux couleurs,
bleue et violette. Sur ce costume sont brodées en or de
Chypre, les armes de Champagne et celles de la ville, et
croies d*un rameau de rosier. — Le trompette portait,
brodées de même, deux trompettes sur le dos et sur la
poitrine. — Outre leurs salaires, on leur acquittait un
dnoit dit : de Caréme-prenani.
Vers le même temps , les relations de Louis }ÎI et Je
Cbaries, duc de Boui^rogne â^, deviennent de plus en
plus difficiles. Le roi, qui protège le comte de Warvîck,
VenpLfe à faire* dans les Flandres, une descente année»
mise peu après «^ exécution. Louis XI trouve le moment
ot^portun pour réaliser les prv^jets par lui médités depuis
i Arch. man.. B. iS.
i Le isc nûiippé-le-Bou mourut, à Bnig«ft« le 15 juin 1467.
Ii71 CHAPITRE XIV. 97
lon^emps contre le duc de Bourgogne. Il veut Tempê-
cher « de faire le roi dans, le royaume, »
Louis XI fait écrire aux bonnes villes d'envoyer cha-
cune deux de leurs plus notables bourgeois et des mieux
instruits au fait du commerce, pour aviser, avec son
conseil, à ce qu'il y a à faire au sujet des donmiages que
la marchandise de France a soufferts dans les Flandres.
II est annoncé à ces députés, réunis à Tours, le 23 sep-
tembre, que , ce prince a fait saisir les marchandises,
appartenant aux Français, qui se trouvaient dans ses
Etals. Toutes celles qui ont été conduites à la grande
foire d'Anvers ont été perdues. Le duc de Bourgogne
avait donné, pour motifs, a cette violaiion du droit des
gens, les prises que le comte de Warvick avait faites sur
ses sujets flamands. Cet événement s'est accompli avec
la plus grande promptitude. Il n'y a donc plus de sûreté
à commercer avec les pays du duc de Bourgogne. Le roi,
pour le bien du négoce, sans lequel aucun royaume ni
province ne peut, . dit-il , s'entretenir et pourvoir à ses
besoins, doit donc obvier à ces grands inconvénients.
Dans ces conjonctures, et dès le 1er juillet, le roi
adresse aux Troyens une lettre close, datée d'Amboise,
et dans laquelle on lit :
« De par le Roi. y>
« Chiers et bien amez
« En vous mandant et commandant très expressé-
ment que ausdicts marchans et marchandises ostans du
pays de nostredict beau cousin de Bourgogne , vous ne
donniez aucun arrest ou empeschement. Et si jà y avoit
esté donné, mectez incontinent tout ce qui auroit esté
arresté à plaine délivrance et jusques à ung denier. Et
ce^ pour certaines causes que dit est que présentement ne
vous pavons escripre » (Il
^I) Ardi. inun., Â. A., 48'' carton, A^ liasse. — * Cette lettre, ap.
iiu 7
98 H1ST01BE L»K TROYES. uH
Cette modéralioD artificieuse de Louis \I ne fut pas de
longue durée. Le roi, après avoir entendu son conseil et
les {rens notables des bonnos villes, fait défense absolue
à tout marchand, sous peine de contiseation de corps et
de biens, de nép>cier avec les sujets et dans les pays et
seigneuries du duo de Bourgoi^ne. La même défense est
faite aux marchands bourguignons de trafiquer en
France. Le duo publia de pareilles défenses dans ses
Etats. Pou aprt^s, pour romplaeer les foires d'Anvers et
continuer le commerce avec lAnglelerre. le roi établit
deux grandes foires à Caon I .
L'assemblée de Tours est ensuite saisie de tous les
griefs que le roi a ou peut avoir contre le duc de Bour-
gogne. On y formule nettement les causes de méconten-
tement du roi contre c son beau cousin de Bourgogne *
et, peu après, la gtierre est déclarée.
La ville de Troyes devient le centre des opérations de
gcerre contre le duc de Bourgogne, sur la frontière sep-
tentrionale de la Comté et du duché . depuis Verdun-
sur-Sa^ne jusque dans le Nivernais Le roi y tlt réunir
des munitions de guerre et des vi\Tes. On y constate
souvent la présence des conseillers et principaux offi-
ciers de Louis XI. Tanti>t c'est Guillaume Cousinot. sieur
de Montreuil, qui vient présider à ravitaillement de Tar-
mée rovale, en faisant fonctions de commissaire des
guerres ou d'intendant, qui modère les impositions dont
les habitants sont frappés et qui . de sa bienveillance,
est récompensé par le paiement de toutes ses dépenses
faites en ville. C'est M** Jean Berthelet . conseiller au
portas par an chê^aocheur du roi. fut lae en assembla, tenue en
U Litfe «la PnJT't.
' Il Oni. des nj-j de France, t. xvix, p. 33± — D. Pl^nchkii.
Hvit. ie B»iufy^*jtie^ t. n. p, 3iM , et Prv«ce», p. ccLXXXvn. où est
reproilnit 1«» oiandement a'in*5S4> au bailli de Trove«. — De Bik-
uni CHAPITRE XIV. 99
Parlement, et Etienne de Piseul, pannetier du roi, des-
cendus au Chapeau-Rouge , et qui viennent faire
« aucunes informacions (1). » Enfin, c'est M. de Cha-
tillon (2J, qui, porteur d'une lellre close du roi , vient
au siège de son gouvernement, pour donner ordre à tout
ce qui est nécessaire pour la guerre. M. de Chatillon
prend ensuite le commandement de Tarmée royale, en-
voyée dans le pays de Langres. Avant de quitter Troyes,
Te 25 février 1471 (n. st.), il fait demander au Chapitre
de St-Pierre de prêter au roi 200 écus d'or (3).
En décembre, le roi avait provoqué la levée du ban et
de l*arrière-ban de la noblesse de Champagne, ainsi que
des francs archers en garnison dans les villes du bail-
liage. Les échevins s'émeuvent de cette convocation et
demandent que la noblesse de Troyes et tous ceux de la
ville qui y tiennent fief soient dispensés de servir. Le
sife de Chatillon, qui a pris congé du roi pour se rendre
en Champagne, rassure les Troyens. 11 leur promet que
f s'il y a € vue > [A] de la noblesse , il aura lieu d'y
assister et, comme il a le commandement dans son gou-
vernement, il l'excusera près du roi, et agira de telle
sorte que le roi soit satisfait et que la noblesse demeure
à Troyes, afin de mettre la ville en sûreté (5).
Les travaux des fortifications continuent. On met en
état de défense la porte aux Cailles, qui s'élevait dans
{i) Arch. mun., B. 26.
(2) H. de Chatillon est Louis de Laval^ seigneur de Chatillon et
de Gaêl, grand-raaître et réformateur général des eaux et forêts de
France , lieutenant-général du roi et gouverneur de Champagne,
Sens et Langres.
(3) SÉMiLiARD. T. ui, p. 90. — Arch. mun. , A. A., carton 4?»;
4« liasse.
(4) JRevu^.
(5) Arch. mun., A. A., carton 48^^ 4« liasse. Lettre datée de Paris.
da 22 décembre.
!0(J II stjirï: de ti;oyes. liTi
rintérieur de la ville , m deçà de la porte de Saint-
Jacques (1 .
En mars 1471 n. st.*, la Bourgogne est attaquée, du
côté du pays de Langres, par les troupes placées sous les
ordres du gouverneur de Champagne. A cette force
armée, se joignent les mécontents du pays de Liège,
qui se vengent de la destruction de leur ville par
rharles-le-Tém«;raire ; les Lorrains, le duc Nicolas, qui
est à la cour de Franco, s(î croient autorisés à aller pilier
les Bourguignons et les Suisses, alliés du roi de France;
ils se répandent jusqu'aux portes de Besançon. Enfin, du
côté du Maçonnais , d'autres troupes royales attaquent
les provinces du duc.
Le sire de Chatillon est accompagné de Jean , sire
d'Argueil, fils du Prince d'Orange, et de Guillaume Cou-
sinot , qui remplit les fonctions de commissaire des
guerres. Le gouverneur de Champagne informe les
Troyens des succès qu'il obtient sur les Bourguignons.
Avec le sire d'Argueil, il a mis, en l'obéissance du roi,
ilaasl (i) puis l^reugcij (3), une très-forte place du du-
ché de Bourgogne, prise après deux jours de combat.
En bon ordre et en grande compagnie, il a ramené ses
troupes à Montsaujon, et il espère continuer à guerroyer
au profit du roi. Il fait savoir que, du côté du Maçonnais,
les Bourguignons ont été battus et déconfits, ses plus
grands chefs ont été pris et mis à mort et les autres
ont été mis en fuite, selon ce qui lui a été rapporté. Le
sieur do Thalame a été blessé à l'aHaire <le Percey. Ap-
porté à Champlitte, il y mourut peu après. L'artillerie de
la ville de Dijon a été prise par les Français. Quant aux
habitants de Mussy et leurs voisins, placés sous l'obéis-
(1) Arch. mun., D., 5.
(2) Aujourd'hui Maasl, canton de Prauthoy (Haute-Marne)
(3) Aujourd'hui Percey-le- Petit, niérae canton. — 11 y existe
encore un ch&teau-fort, entouré de fossés très profonds.
1471 CHAPITRE XIV. 101
sance du roi , le sire de Ghatillon prie les Troyens de
leur donner secours et assistance, s'ils le requièrent.
Par une seconde lettre du même jour, 22 mars, le
sire de Chalillon et Guillaume Cousinot accordent aux
habitants de Troyes, un délai de deux mois, pour fournir
à Tarmée royale des vivres et approvisionnements de
guerre, imposés sur eux et une banlieue de deux lieues
de rayon. Il les invite, par Guillaume Léguisé, qui était
allé demander sursis, à en conserver le secret et à lui
expédier seulement, quant à présent, 500 liv. de poudre
à canon, 500 liv. de plomb, une casse de traits de cra-
nequins et 50 liv. de lil d'œuvre (chanvre). Toutes ces
matières lui sont expédiées sans retard. Par une lettre
du 3 avril, remerciant les Troyens de leur prompt envoi,
le sire de Ghatillon les engage à approvisionner la ville
de toutes les matières dont il peut avoir besoin pour
soutenir la guerre. Les échevins s*étant plaints des cour-
ses et des pilleries des gens de Bar-sur-Seine et autres
places voisines, il leur répond :
€ J*ay bien espérance , après avoir exploicté aucunes
entreprises par deçà lesquelles convient nécessairement
mettre à fin pour me tirer en vos marches à (avec) toute
la compaignie, et y faire un si bon et grant exploict
que vous en demeurerez en paix et joyeulx (1). :p
Le lendemain , 3 avril, le sire de Ghatillon, prévenu
par les Troyens de demandes de provisions d'artillerie
et de munitions de guerre , qui leur ont été faites par
M. de Fontetle-Marbury et le capitaine de Mussy, afin
de guerroyer dans l'intérêt du roi ; il leur répond qu'il a
confiance dans la conduite de ces capitaines, auxquels
se joindra sans doute M. de Plancy (le seigneur de Cha-
cenay), et qu'il peut leur être délivré de l'artillerie légère.
(1) Lettres des 22 mars et 2 avril 1470-71. A. A. , 48e carton »
i* liasse.
102 HISTOIRE DE TROYES. uii
Il s*apl sans doute d'une attaque contre Bar-sur-Seine,
rar M. do Chatillon onj^age les combattants, en cas
d'insuocùs, < à se retirer à Jully, qui est auprès. » Il pro-
met do nouveau de se rendre dans la contrée, après
avoir mis fin à Tentreprise qu'il a commencée (1).
II y ouif dans le cours de mars, une attaque contre le
ohAloan de JuUy-snr-Sarce. La ville rachète des prison-
niors faits à ce siège.
Kilo expédie, au commencement d'avril, des farines
sur I-angros, Montioramey et autres places fortes, confi-
nant avec la Bourj^ogne (:2\
l/ontropriso annoncée par le sire de Chatillon est celle
qu*il dirige contre la ville et le château de Jonvelle (3i,
do la 5^oignourie do la branche des La Trimoille atta-
chée a\ix duos do Bourgogne, et qui ouvraient les débou-
ohôs do la Comté ot du duoho dv Bourgogne. Il s'est
dirig\^ vers Bourhonno !es-Bains . Là il est rejoint par
mossirt^ lUose de Lintros, chevalier, c capitaine des Lié-
gtvis, do par lo roi, > qui marche sur la Bourgogne.
ApptNMiAnl que les IV^ur^uignons ont e:o dêconlUs dans
lo M,\oo:m*ti$, oo capitaine roun:t st>s troupes à celle du
jvMucnunir do C.h,tmp;i^no. IV lV>urb:»!^ne, celte armée
XA mottrx^lo s:C|^* do\,t: : Ki \iaî;^ de Jc^nveile, qu'ils bat-
tonî ik Cv^i .^s do c*rs \< , io \ir.ir>tsîi 5 eî ie >3medi 6
4\r;), jas^jv/À or.ro hov:?i> c;: îv.il-ri. heure à laquelle
r^î^^A;:î vV :'iir.u ; c Ji L,^, \:y,o o>î 7r]>t\ rjv'*:q;ie bù^a for-
r.îîxV l c:> l lOiN :> N cr.irvr.î >5 r-^^n^iers et v font
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l.0> mx* «rr jT^ - « >'■» > »*'•• > * •r,*,.»r — 4. «Truclià «ous
■N
U7? CHAPITRE XIV. 403
est en grand nombre, perd tous ses biens. Remis en pos-
session de ses immeubles, il fait serment d'être fidèle au
roi et lui paie trois mille francs. La^ville renferme beau-
coup de biens. Lo sire de Ghatillon espère encore donner
de bonnes nouvelles de ses exploits, et bientôt c prendre
le chemin des marches de Troyes, pour meltre les ha«-
bitans en sûreté de ce mauvais Bar-sur-Seine et autres
places rebelles et en nettoyer le pays, principalement
pour Tamour des habitans et de la ville de Troyes, % la-
quelle il voudrait faire tout le bien qui est en son pou-
voir » (1).
M. de Chatillon annonce que les Liégeois sont au
nombre d'environ 4,000; qu'ils quittent Jonvelle le len-
demain , que les gens du Rarrois doivent se joindre à
eux , afin de faire un bon exploit dont on entendra
parler.
Pendant que la Bourgogne est si vivement attaquée
sur les confins de la Comté , une autre armée royale
s*empare de plusieurs villes de Picardie, d'Amiens, de
St-Quentin, etc. Aussi, le duc de Bourgogne, ainsi que
Louis XI l'annonce à Jean, sire d'Argueil (2), propose-t-il
de suspendre les hostilités pendant trois mois c afin de
se mettre en tel devoir que le roi devra estre content. >
La trêve fut signée à Amiens, le i avril.
Le roi ordonne au sire d'Argueil de conserver en son
pouvoir les villes mises sous son obéissance royale, de
congédier la noblesse, ainsi que les francs-archers , en
leur donnant Tordre de revenir à l'expiration des trêves,
et de faire que l'armée royale vécut sur le pays con-
quis < le plus gracieusement que faire se pourra. »
Ces trêves se prolongèrent jusqu'au 15 juin 1472.
(1) Même liasse que les précédentes. Lettre datée du 10 avril
1470 (av. Pâques). Cette fête tombait le 14 avril. Elle est adressée
aux échevins, qui la reçurent le jeudi i 1 .
(2) Lett. orig. Même liasse que les précédentes.
i04 HISTOIRE DE TROTES. 147^
A cette époque, les hostilités recommencent. Le due
de Bourgogne entre en France, avec une armée, par les
bords de la Somme. Sur les confins du Tonnerrois, de la
Champagne et du Langrois, le comte Antoine de Luxem-
bourg, gouverneur de Bourgogne, reprend dans celte
campagne , sur Tarmée royale , les places suivantes :
Rougemont, Ravières, Ancy-le-Franc, Ancy-le-Ser\eux,
Argenteuil, Pacy , Lésines, St-Martin, Molùme, Thorey,
Cruzy, Gigny, du Tonnerrois; Laignes, Molémes , Ba-
gneux', Gyé, Gertjey (sans doute Ricey) , Jully, Mussy,
l^othières, Montigny, Vanvey, Rouvres, Grancey, Villiers
et Montiéramey il v du Chatillonnais et de la vallée de la
Seine et de ses afiluents.
Pendant cette guerre de bouttes-leu, certains Alle-
mands se sont joints aux Boui^uignons. Une troupe
allemande, sous le commandement de Pierre dWrcham-
bault, bailli de Ferretle, s'empare de Montiéramey et de
certains villages voisins, et menace de brûler Téglise et
Tabbaye, si on ne paie rançon. L*abbé et les religieux
ne consentent à un arrangement qu'avec le concours du
gouverneur de Champagne. Celui-ci, étant à Troyes, le
13 novembre 1472, donne son consentement à un traité,
sauf à l'abbé et aux religieux à obtenir les conditions les
plus avantageuses. A celle époque , le village de Mon-
treuil est onlièrcmenl brûlé, sauf une seule maison i2K
Los faits, qui se rapportent aux campagnes de 1471 et
do 1472, démontrent que les habitants de Troyes ont
rempli leur devoir envers le roi et lui ont donné tous les
iiccours en leur pouvoir. Do son côté, le roi ne leur mé-
nage pas les remercîments ni les témoignages aflTeclueux.
Par quelles causes et par quels événements, Louis XI
est-il amené à supprimer Téchevinage, institué moins de
(1) 1). Plancher. Hist, de Bourgogne^ t. iv, p. -ii2.
2) Enquête pour les abbé et religieux de Montiéramey ^ contre
Us habitfmê de MontreuU^ conununiquée par M. Prosper Adnot.
1474 CHAPITRE XIV. 105
trois ans auparavant, et, si Ton peut dire, payé au roi à
beaux deniers comptants I
Celle suppression est prononcée par lui , et , pour
mettre à exécution sa volonté, il envoyé à Troyes,
Robert d'Kstouteville , prévôt de Paris, et maître Jean
Dijoine. La charte qui, en 1483, rétablit Téchevinage,
n est pas plus explicite que les commissaires royaux,
qui ne laissent trace que de leur passage , inais non de
Texécution de leur mission.
Le dimanche, 20 février 1474 (n. st.), les deux confi-
dents de la discrète politique de Louis XI font connaître
aux Troyens la volonté du roi et la dissolution de leur
échevinage « jusqu'à ce que par le roi autrement en soit
» ordonné. ^
Le 26, Louis XI écrit aux Troyens une lettre lue, en
assemblée générale, le 4 mars, en Thôtel des Frères mi-
neurs, Louis XI les assure « qu'il les lient et les répute
ses bons et loyaux sujets, et que, comme tels il les a,
tant en général qu'en particulier, pour recommander,
et qu*il les traictera aussi bien ou mieux que sujets de
son royaume. >
Le 2 mars , Robert d'Estouleville , dont le séjour se
prolonge pendant plus d'un mois, commet au gouver-
nement de la ville le bailli on son lieutenant, plusieurs
oifiôiers royaux et certains habitants désignés par lui,
e'est-à=^iiîe, remet l'administration de la cité aux mains
d'une commission spéciale. Le 8 mars, celle-ci entre en
fonctions.
Le 4 , les deux commissaires reçoivent du roi , la
lettre suivante, datée de Sentis, du 26 février.
f Monsieur le Prévost et vous maistre Anthoine. J'av
esté adverty que aucuns ont mis peine, par cy-devant,
de donner à entendre à ceulx de ma ville de Troyes, que
j'ay imaginacion sur eulx autre que bonne, vous savez
que entre aullres choses je vous ay chargé de leur en
106 HISTOiHE DE TUOYES. 1474
df^clarer le contraire et de leur remonstrer la confiance
que j'ay en oulx. A ceste fin , pour les en rendre plus
certains, je leur en escrips. Si leur présentez mes lec-
tres et leur raffeschissez de rechef mon vouloir et inten-
cion sur ce et les priez, de par moy, que s*il y a aucuns
par delà sur qui ils Facenl doubte, qu^ils vous en ad-
vertissent et sachiez qui sont ceulx qui les ont mis en
telle crainte et principalement depuis que estes par
delà. Kt , si vous en trouvez, envoyez-les moi, afin que
je sache d'eux qui les a mis à ce faire. Et, de ce , faites
diligence et de ma part. Je m'informerai près de ceux
que j'ai mandé de venir à moi de tout ce que dit est et
des autres affaires de la ville, afin que sur tout je puisse
y donner pour le temps à venir telle et si bonne provi-
sion que ladite ville demeure en sûreté et repos. Au
pardessus, pourvoyez aux affaires qui surviendront en
ladite ville , chascun en son endroit et en suivant la
charge que a chascun en particulier je vous ai baillée,
en attendant ma venue par delà, et veux que, en tout ce
qu'il conviendra faire en icelle ville , ils vous obéissent
comme à moy mesnie. Donné à Senlis, le xxvi^ jour de
février > Signé : » Loys i> Et plus bas tThilhart. > (1).
Celte lettre donne à penser qu'il y aurait eu à Troyes
quelques menées contraires aux intérêts du roi. Il y a
eu des arrestations. Le roi aurait lui-môme interrogé
les gens qu'il a mandés près de lui pour s'informer des
causes de leur conduite, de ses affaires et de celles de la
ville. On peut croire que cette suppression de l'échevi-
nage est une punition encourue par les habitants ou
quelques-uns d'eux. Les élections des échevins et des
conseillers de ville ont pu ne pas lui donner une entière
satisfaction. Il y a des mécontents, mais en petit nombre.
La mesure prise par Louis XI parait être de celles que
(1} Arch. mun. Inv. Delion. -^ Dossier relatif à la suppression
de l'échevinage.
1474 CHAPITRE XIV. 107
Ton appelle de salut public. La position de la ville de
Troyes , sa proximité avec la Bourgogne , la présence,
pendant plus d*un mois, de Robert d'Estouteville, in-
duisent à penser que les affaires de Charles-le-Témé-
faire préoccupent le roi, qui, certes, n*aurait jamais pensé
à venir à Troyes, s'il ne se fut agi que de mettre ordre
aux affaires de la ville.
En effet, la ville se met en mesure de résister à toute
attaque de la part des Bourguignons. La commission
échevinale fait travailler aux fortifications entre la porte
de Comporté et le Saut périlleux (1). L'assemblée de la
St-Barnabé encourage la compagnie des arbalétriers.
Elle lui donne soixante livres pour rétablir ses buttes,
l'ancien emplacement étant occupé par les fossés. Deux
ans après, elle fonde un prix , celui du Papegay , en
accordant annuellement cinq liv. t. à celui qui abatToi-
seau (2).
Dans le cours de cette même année 1474, l'adminis-
tration urbaine , sans doute par les ordres du roi, fait
opérer la recherche ou le recensement des armes pos-
sédées par chacun des habitants. La ville avait ses
armes, ses canons, voguelaires, serpentines, arbalètes,
etc., renfermés dans son arsenal. Le résultat de cette
recherche ne manque pas d'intérêt, même de nos jours.
On trouve , en ville et au domicile des habitants , en
armes offensives : 287 arbalètes ou cranequins , 547
couleuvrines, 4 canons de fer à chambre, 2 serpentines,
468 vouges, 727 haches d'armes et becs à faucon, 1047
épieux, 172 javelines, juzarmes , pertuisanes, piques et
demi-piques, 657 maillets de plomb, de cuivre ou de
fer, 37 arcs avec leurs trousses; en tout: 3,948 pièces,
sans comprendre plusieurs centaines d'épées, à une et
(1) D., 6. Partie comprise entre la porte de Preize et Ghaillouet.
(2) G., 39, 48.
108 HISTOIRE DE TKOYES. 1474
à deux mains, mains de plomb ou de cuivre , faisant
maillet, et dans lesquelles est fixée une broche en fer.
Parmi les couleuvrines , on en trouve en fer et en
cuivre ; les unes à main, d^aulres à crochet , et pesant
de huit à trente livres, même jusqu'à soixante. On peut
remarquer que, dans cetle nomenclature, ne figure pas
une arquebuse, et, cependant, douze ans après , la ville
possède une compagnie volontaire d'arquebusiers.
Les armes défensives se composent de : 278 brigan-
dines, 57 harnais de guerre complets, 125 cuirasses et
corsets, 204 aubergeons et jazerons de mailles, 73
Jacques , 63 écrevisses et tonnelets , 895 salades et bi-
coquets, 152 heaumes, bacinets, chapeaux d'acier ou de
Montauban, etc., en tout 1,847 pièces.
Chacun peut résister dans sa maison, et si rensemble
des habitants oppose des canons braqués sur les rem-
parts et sur les ravelins, un certain nombre de maisons
peuvent soutenir une attaque à main armée, et les ha-
bitants s*y défendre, car chaque habitation a son arsenal.
On trouve des armes chez les habitants de toutes les
classes, chez les ecclésiastiques, chez les bourgeois et
chez les artisans.
Ainsi l'évoque, Louis Raguier, possède une brigandine,
couverte de velours noir, à son usage, un harnais blanc
complet, deux brigandines, deux salades, une lance et
une demi-lance , cinq grosses couleuvrines de cuivre ,
deux autres en fer, trois arbalètes d'acier, six bacinets
à bannière, un bec de faucon, une vouge et un jazeron.
Noël Coëffart, chanoine, Guillaume Léguisé , archi-
diacre, l'abbé de St-Loup et beaucoup d'autres gens du
clergé ne sont pas moins approvisionnés d'armes que
révoque. Il en est de même dans la bourgeoisie : chez
la veuve Guillaume Mole, Guyot le Pelé, Guillaume et
Jean Mole, chez la veuve de Jacques Mauroy, drapier,
Jean de Mesgrigny , écuyer , receveur des aides , chez
Uil CHAPITRE XIV. 109
l'hôtelier dos Mores , Jacquinot de Pouan , et chez un
barbier et un grand nombre d'habitants, on trouve pro-
vision d'armes suffisante à Tarmement de plusieurs
hommes. La ville pouvait armer alors au moins de 5 à
6,000 combattants.
La guerre recommence sur les marches de Bourgogne.
En juin 1 474, Tarmée royale s'empare du château de
Thorey, situe dans les montagnes du Tonnerrois (1).
Celui de Chacenay, le 5 février suivant, est pris, pour
le roij par M. de Dinteville, qui demande aux Troyens de
Tartillerie et des provisions de guerre, afin de le mettre
en état de se défendre (2). Ricey, Chatillon, Mussy, Po-
lisy, Polisot , Balnot , Avirey et Lingey , et sans doute
d'autres villages de la même contrée, tombent sous les
coups de l'armée royale, commandée par M. de Chatil-
lon, et au pouvoir de Louis XI. La ville de Bar-sur-Seine
est prise d'assaut, le 7 juin, par les Troyens, et, peu
après, le château tombe entre leurs mains, par suite de
trahison. Il aurait été livré par un nommé de Bournon-
ville (3). En revenant de ce siège, les habitants de 1 royes,
mettant sans doute la Seine entre eux et les forces bour-
guignonnes, ou suivant la route autrefois pratiquée par
les ducs de Bourgogne , revenant de Flandre , passent
sur la rive droite de la Seine, et la bombarde effondre,
par son poids, le pont jeté sur la Barse et tombe dans la
rivière.
Le château de Vendeuvre est occupé par des Alle-
mands pour le compte de Charles-le-Téméraire, puis pris
par les troupes royales; celles-ci repoussent, avec les
habitants , les entreprises des Bourguignons. Le capi-
taine du château est en relation avec les habitants de
(1) B., 26. — Canton de Cnizy, arr. de Tonnerre.
(2) Arch. mun. Lettre de Af. de Dinteville,
(3) Lucien Coûtant. Hist. de la ville et du comté de Bctr-êur-
Setne,p. 133et220.
no HISTOIRE DE TROYES. Uli
Troyes. Le 6 juin , il leur annonce ses succès sur les
ennemis. Il demande de Tartillerie ; celle du château et
toutes les armes de trait ayant été détruites par les Alle-
mands , avant d'abandonner le château. Il informe les
Troyens que les Bourguignons , réunis vers Châtillon ,
font des préparatifs pour venir reprendre la forteresse
de Vendeuvre. La ville envoie des secours à ce capi-
taine (1).
Peu après , le roi , voulant commencer à mettre à
exécution des projets qu'il réalisa plus tard, expédie, à
Troyes, un huissier d'armes portant l'ordre de faire dé-
molir « la place et forteresse de Vendeuvre. > Mais,
après avoir séjourné à Troyes, cet agent quitta la ville,
sans que cet ordre fût exécuté (2).
Le 21 juillet, le duc de Bourgogne et le duc de Ga-
labre sont à Jully-sur-Sarce , avec leur armée. De ce
lieu , les deux ducs envoient aux Troyens des hérauts
d'armes, porteurs de lettres qui sont refusées (3).
Les habitants do Troyes prennent une part active à
la lutte. Us coopèrent, avec les troupes royales, aux
prises de Ricey, de Mussy, de Gyé, de Châtillon, et des
autres villes et forteresses, situées sur la Seine. Ils
prennent Bar-sur-Seine, où Remy Hatot fut blessé d'un
;50up de couleuvrine, et le troyen, Guillemin Bonnet, fait
prisonnier; celui-ci fut pendu à Châtillon (4). Ils agis-
sent de même dans le Langrois. Ils sont aux affaires de
Jonvelle, de Cuisy , de Selongey , de Percey, de Cham-
plitte, de Jussey, etc. Ils fournissent des chevaux pour
conduire de l'artillerie jusqu'en Hainaut, et des fonds
(i ) Arch. niun. Cette lettre a été publiée m extenso dans ma No*
tice hintoriquc sur Vendeuvre, 1858-1861.
(2) Ce chûteau et la seigneurie qui en relevait, ainsi que celles de
nii«ny , Spoy, Vitry , etc. , étaient en possession de la famille de
Mello, de St-Bris, qui suivait le parti de Charles-le-Téméraire.
(3; Arch. mun.
(i)F.,158
<
1475 CHAPITRE XIV. 11*
dans une laille, dite : de Pontoise (1). Le Chapitre de
St-Pierre, animé du même esprit, prête son concours à
Louis XI, en livrant ses grainâ aux troupes et en en
payant le transport jusqu'au camp (2).
Après une lutte de plusieurs années qui eut surtout
pour théâtre les pays frontières de la Bourgogne, depuis
le Nivernais jusqu'à l'Alsace, des trêves, d'une durée
fixée à neuf ans, furent signées entre Louis XI et
Charles-le-Téméraire, le 13 septembre 1475. Par ce
traité, généralement favorable au duc, celui-ci s'engage
à livrer au roi et à son impitoyable vengeance, le con-
nétable de St-Pol , Louis de Luxembourg , comte de
Brienne.
Le connétable est livré à l'amiral de France , le 24
novembre 1475. Amené à Paris, il est enfermé à la
Bastille et le Parlement lui fait son procès. Le 19 dé-
cembre, il est condamné à mort, décapité, le même
jour, sur la place de Grève, et ses biens sont confisqués.
Il avait 57 ans.
Le connétable n'obtint, en raison de ses trahisons et
do sa cruauté, ni la pitié des uns, ni le regret des autres.
Il partageait, avec le duc de Bourgogne, l'animadversion
générale. Le peuple le regardait comme le principal
perturbateur de la paix et comme traître au roi et au
royaume. Par sa conduite, il entretenait la guerre. Ce
fut une bien grande nouveauté que l'exécution juridique
d'un si puissant seigneur, veuf d'une sœur de la reine,
allié à tous les souverains de la Chrétienté et issu d'une
maison qui avait donné trois empereurs à l'Allemagne.
Mais sa fortune, à la cour de France, était entachée de
mal : Jean de Luxembourg, son oncle, avait livré Jeanne
d'Arc aux Anglais.
il) F., 160.
(2) SÉSnLLARD.
H2 HISTOIRE DE TR0YE5.
U75
Louis de Luxembourg possédait le comté de Briennef
comme héritier de son père, Pierre, comte de Brienne,
qui Tavait reçu de la succession de sa mère, Marguerite
d'Enghien, descendante de Gauthier IV, comte de Brienne
et duc d*Athènes, et mariée à Jean I de Luxembourg,
seigneur de Beaurevoir.
La famille d'Amboise obtint la faveur de Louis XI ,
dès les premières années de son règne. Louis donna à
Charles I d'Amboise, seigneur de Chaumont, de Cha-
renton, etc., le gouvernement de TIle-de-France , de la
Champagne et de la Bourgogne. Charles d'Amboise, sous
le nom de M. de Chaumont, ou du sire de Charenton,
commande sur les frontières de ces deux provinces,
après la retraite du sire de Châtillon. Déjà, pour le récom-
penser de ses services, le l^r décembre 1473, Louis XI
lui avait donné les seigneuries de Sompuis (1) et de
Dampierre (2) confisquées sur Waleran de Châtillon. Le
1er janvier 1475 (v. st.) , il lui fit don du comté de
Brienne, confisqué sur le connétable de St-Pol , con-
damné à mort douze jours auparavant. Charles d'Am-
boise était mort le 16 mars 1480, avec la réputation,
selon Comines, d'être très-vaillant, sage et diligent.
On sait quelle fut Texcellente renommée de Georges
d'Amboise (3), chancelier de France et de Charles II,
maréchal et amiral de France (4).
Le gouvernement de la Champagne attira la famille
d*Amboise dans la province et la donation des seigneu-
ries de Dampierre, Sompuis, Brienne, et Tacquisition de
celle de Vendeuvre y fixèrent cette famille pendant long-
temps.
(1) Marne.
(2) Aubo, canton de Ramenipt.
(3) P. Anselme. Uist. gâiêaL de France, \ vu.
(i) Celui-ci acheta le ch&teau et la seigneurie de VendeoTre, en
iMO. de Charles de Mello.
1476 CHAPITRE XIV. ii3
Le règne de Louis XI fut le beau temps des confisca-
tions.
Après un long procès contre l*un des membres de la
famille d'Arniagnac, nom si fatal à la France, contre
Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, l'accusé fut con-
damné et tous ses biens confisqués. Dans le duché de
Nemours, étaient comprises les terres et seigneuries de
Pont, de Nogent-sur-Seine, d'Ervy et de St-Florentin.
Ces deux dernières passèrent, en septembre 1477, aux
mains de Jean Wisse, de Gerbeviller, dit le Petit-Bailli
d'Allemagne (1). Vers la même date, les seigneuries de
Nogent et de Pont furent données à un sieur Vendange
qui, comme le Petit-Bailli d'Allemagne (2), était un des
serviteurs dévoués de Louis XI, serviteurs dont les noms
sont restés profondément inconnus dans l'histoire.
Ces confiscations cessèrent par la volonté de Charles
VllI, qui, en 1484-1485, fit rentrer la famille de Luxem-
bourg, par Marie et Françoise, filles de Pierre, et petites-
filles du connétable, en possession du comté de Brienne,
qui passa de suite entre les mains d'Antoine, oncle de
Marie et de Françoise, et qui continuait la ligne mascu-
line de la famille de Luxembourg. En 1491, Charles VIIl
agit de même en faveur de Jean et de Louis d'Armagnac,
enfants du duc de Nemours (3).
Charles-le-Téméraire continue la guerre contre les
Suisses. Mis en déroule à Crançon, il le fut de nouveau
à Morat, le 25 juin 1476. Cette double défaite avance
d'autant les afiaires de Louis XI, entraînant avec elle la
perte d'un matériel de guerre considérable, la mort d'un
grand nombre de seigneurs et de soldats, et le plus grand
trouble dans l'esprit de son armée. Aussi, le sire d'Am-
(1) Ord. des rois de France, t. xviii, p. 578.
(2) Môme recueil, p. 579.
(3) De Jaligny. Hist. de Charles VIII , publiée par Godkfroy. —
OUenralionB, p. 4d9 et 614. Cramaisy^ 1684, in-f».
lit. 8
m HISTOIRE DE TROYES. ui6
boise, gouverneur de Champagne, s'empresçe-tril d'écrire
à Tévêque de Troyes une lettre pour lui faire part de sa
joie, en même temps qu'il demande des prières pour les
succès du roi (1).
Madame de Savoie, Yolande de France , veuve de
Amé IX, duc de Savoie, sœur de Louis XI, passe à
Troyes, en 1476. Les Troyens la défraient de ses dé-
penses pendant son séjour. Le duc Charles-le-Téméraire,
l'ayant fait arrêter, la retenait prisonnière, d'abord au
château de Salins, puis dans celui de Rouvre, près de
Dijon. Sur la demande de Louis XI, le sire d'Amboise fut
chargé de la délivrer de sa prison. Celui-ci réussit dans
son entreprise, enleva madame Yolande et la conduisit à
son frère, qui, malgré un passé plein de mésintelligence,
lui fît bon accueil.
En 1475, deux aides furent levées sur les habitants
(1) Voici cette lettre : a Monsieur mon compère , je me recom-
» mande à vous tant de bon cœur comme je peux. Présentement
» ay receu des lettres du roy par lesquelles il me fait scavoir que le
» jour de la feste de monsieur saint Jean-Bapliste, luy vinrent nou-
» velles comme M. de Bourgogne avoit esté, le sainedy devant, au
» point du jour, combattu des Suisses et qu'il avoit perdu un bien
9 grand nombre de gens et tout son camp et son artillerie et qu'il
» s'en esloit fuy jusqu'à Joinfre {Mor^jes, suiv;int M. de Barante,
Jlist, des dtns de Bourgogne, t. vu. p. 180), à tant (avec) six che-
» vaux, qui sont bien grandes nouvelles. Lesquelles, pour ceste
» cause, je vous fais scavoir et me semble (jue ce sont choses de
V quoy vous devez faire et faire faire processions générales et que
» chascun en doit rendre grAces à Dieu, et faire les feux de joie, en
» priant Dieu, monsieur mon compère, qu'il vous ait en sa sainte
» garde. Escript de Brienne, le derni^-r jour de juing. Votre com-
» père. » Signé : a Damboyse. »>
<( A monsieur mon compère, »
« Monsieur de Troyes. » (Sémiijj^rt.)
On peut n marquer que les communications sont plus rapides,
les correspondances plus promptes depuis quelques années. Ainsi, le
30 juin, le gouverneur de Champagne écrit à l'évêque de Troyes,
après avoir reçu la lettre du roi, averti de la bataille de Morat,
livrée le 25.
U^ CHAPITRE XIV. 115
de Tfoyes. La première, afin de couvrir une partie de»
frais occasionnés par la prise des places de Bar-sur-
Seine, Ricey, Gyé, Mussy, Ghâtillon el autres villes et
ohâteaux des environs, et, la seconde, se moulanl à
700 1. t. , pour la portion à sa charge, dans la somme
payée aux Anglais « pour départir du royaume (1). »
Avec Louis XI, étaient revenues les aides et levées de
deniers de toutes sortes , pratiquées sous le nom de
commissions. Comme il arrive trop souvent sous Tautorité
d*un souverain , abusant du pouvoir absolu , la faveur
n'est que Texcmption opposée à une règle que Ton dit
générale. En 1476, Louis XI avait donné commission sur
la ville de Troyes. Blessée dans ses intérêts, la ville lui
envoie Jacques delaRoëre, notaire et secrétaire du roi, et
Nicolas Dorigny, pour en être déchargée. La démarche
parait avoir été couronnée de succès , grâce à l'inter-
vention du tout-puissant Olivier-le-Daim. Sans faire
aucun tort à sa délicatesse, il y a lieu de croire que son
intervention ne fut pas gratuite (2).
La guerre est toujours la préoccupation du moment.
Le terrible duc de Bourgogne est toujours redouté, mais
son étoile pâlit, elle est à son déclin. Bientôt il va suc-
comber et trouver la mort sous les murs de Nancy. Cette
mort amène, comme l'on sait, la réunion de la Bour-
gogne à la couronne de France. La fille de Charles-le-
Témérairc, la princesse Marie de Bourgogne, défendra
son héritage avec vigueur. L'astucieux Louis XI ne tarda
pas à vaincre son armée et à se faire reconnaître , par
les Etats de Bourgogne , leur souverain seigneur. Les
comtés de Maçonnais , Charolais et d'Auxerrois, et les
(1)F, 158.
(2) Lettres de Louis XI et (VOlivier^le^Daimy A. A., \%^ carton,
A« liasse. — Ce dernier, quoique fait comte de Meulan , signe : Le
Tout Vo8trc,0, Le Daim — D'origine flamande, son nom était Neckcr,
Esprit des eaux, Ondtn, mal traduit par Le Diabie, Kfrvyn vf. Let-
Tfi2fH0V£, t. IV) p. â04.
116 HISTOIRE DE TROYES. 1477
seigneuries de Bar-sup-Seine et de Ghâteau-Chinoo
supplièrent seulement le roi de garder à Mademoiselle
de Bourgogne son droit ainsi qu'il Tavait promis. Les
Etats remettent entre les mains du sire de Graon et du
sire de Ghaumont-d'Amboise, le duché et toutes ses dé-
pendances. Gette remise eut lieu le 29 janvier 1477
(n. st.), moyennant certaines conditions approuvées par
Louis XI. Le 18 mars suivant, quoique la guerre cesse
sur les confins de la Bourgogne et de la Champagne, le
roi demande néanmoins aux Trovens de lui faire fabri-
quer un canon semblable à ceux que le sire de Chau-
mont a fait fabriquer à Dijon. Il leur annonce que,
avec Vaide de Di«u, de Notre-Dame et de ses bons et
loyaux sujets, « il remettra en son obéissance les pays
occupés par ses ennemis , dans les duché et comté de
Bourgogne » (1).
Du côté des Flandres et de la Picardie, Louis XI tra-
vaille à dépouiller la princesse Marie, femme de Maxi-
milien, duc d'Autriche. Il s'efforce de s'approprier de
tout ce qui dépend de l'ancien royaume de France et de
mettre la main sur les anciennes provinces wallonnes de
TEmpire, partie pour les conserver, partie pour les dis-
tribuer à ses serviteurs dévoués.
Pendant ces événements, le 8 mars Lt77 (n. st.), la
ville de Troyes envoie , sous ses panonceaux et sous la
conduite de Massey des Prés, écuyer, sieur de Viélaines,
la plus grande partie de son artillerie à l'armée royale,
alors en France iIle-de-Francei et en Picardie. Elle prend,
sans doute , part aux travaux du siège d'Arras, qui eut
lieu en mai. Vers le même temps, Dorey et Pierre de
Valières conduisent à Arras , soixante chevaux pour le
service de l'armée royale. Ils sont autorisés par leurs
(1^ Arch. mun , A A , rarton, 4^ liasso. 48-' lMb*e dv roi, du i i
avril.
Ii77
CHAPITRE xrv. H 7
concitoyens à traiter aux meilleures conditions avec les
officiers du roi, pour ramener tous ces chevaux à Troyes.
« Les gracieusetés > faites aux officiers royaux ont du
succès. Deux lots de vin envoyés à M. le général de Nor-
mandie, autant à M. de La Choletièrc, ainsi qu'à deux
autres officiers des finances, puis à Antoine Dijoine et à
Pierre Chérot, maitre-d'hôlel du roi, appuyèrent si favo-
rablement leiir requête qu'ils ramenèrent leur convoi de
chevaux à Troyes, et la ville fut déchargée de cette four-
niture (1).
En juin, le gouverneur de Champagne dispense les
Troyens de fournir le canon demandé par le roi. Il devait
peser 3,000 livres. En échange, il demande 2,000 liv.
de salpêtre. Gomme il travaille à soumettre les villes de
la Bourgogne qui résistent à la volonté du roi, il est alors
en Franche-Comté. Il annonce la prise de Verdun-sur-
Saône (2), où, dit-il, il y avait bien quinze cents combat-
tants, qui tous ont été tués ou pris, et, parmi ces der-
niers, se trouvait Simon de Quingey , qui, peu après,
devint bailli de Troyes, et un grand nombre de gens de
bien du comte et du duc d'Autriche. Revenu à Dijon,
Charles d'Amboise se dispose à repartir dans deux jours
t avec l'armée pour dépescher et nectoyer les places
estans au duché que les traictres avoient rendues > (3).
De Dijon, le sire de Chaumont se dirige sur Beaune,
puis sur Chalon et Semur. Pour éviter le pillage , ces
villes subirent des taxes considérables, dont profitèrent
largement les sires de Craon et de Chaumont, ce dernier
devenu gouverneur de Bourgogne. Ce fut lui qui soumit
au roi la province ducale, mais la Comté restait Bour-
(1) Arch. mun.,D.,6.
. (2) Aujourd'hui Verdun-sur-le-Doubs, chef-lieu do canton, an*, de
Màcon (Saône-et- Loire). Cette petite ville est placée au confluent du
Doubs et de la Saône.
(3) A. A., 44e caxion, 4» liasse.
118 niSTorBK de tkoyrs. i^g
gyifpioinie. Ce bon serviteur de Louis M mourut,, à Tours,
on février 14.81 [n. st.) et, le 27, la ville de Troyes faisait
célébrer un service funèbre en son honneur.
Kn mai et juin 1479 sont levés, en manière de sub-
side, dans la villo^ et réioclion do Troves, cent muids de
blé, cent queu*î> de vin, trente muids d'avoine, 36
bœufs, 180 moutons, 180 bandes de lard, 36 douzaines
de fromages, et !V!0 liv. l., Les commissaires royaux
sont: Monseigneur de Belleville, M^ Jacques de Mesme
et Jacques Coictior (1).
Pondant que le gouverneur de Champagne et de Bour-
gogne se tient dans cette dernière province, des partis
armés parcourent les environs de Troyes. L*abbayc de
Monliéramey a besoin de secours pour se défendre contre
les ennemis du roi qui veulent s'en emparer. La ville
envoie des secours à Tabbé, en faisant savoir qu'elle
veut que l'abbé, en fonctions depuis plus de vingt ans,
soit conservé.
La ville fait travailler à ses fortifications , elle n'ap-
[it'lle plus seuleniont les habitants de sa banlieue. En
1478, elle convoque les gens du comté de Brienne, ap-
partenant au gouverneur de Champagne, mais Jacques
llelle, gouverneur de ce comté, demande que ses sujets
soient déchargés de contribuer à ces travaux (2).
Vers le même temps, la ville de Troyes, sous la con-
duite de Guillaume de la Rothière, envoie des maçons,
des charpentiers et des pionniers en Bourgogne, afin de
démolir, par les ordres du roi, les châteaux de Bar-sur-
Seine, de Ricey, de Mussy, de Gyé et de Châtillon (3;.
(1) Le rôle (Je cet impôt est dressé pour Télection de Troyes, di-
\iscr on doycnnôs. Klle comprend rêvôché de Troyes, sauf le doyenné
do Sézanne et celui de Pont : ce dernier comprenant les seii^ieuries
de Nogent et de Pont.
{i) Arch. mun., A. A., 9< carton, l^c liasse.
(3) Arch. mun.
U79 CHAPITRE XIV. H9
Dans ces différentes courses , Jean de la Coste, troyen,
conduit un certain nombre de piétons, appelés les Ro^
siers^ fournis par la ville, sur Tordre du gouverneur, et
envoyés d'abord à Langres, puis devant Arc-en-Barrois,
où La Coste fut blessé, enfin devant le château de Jully,
ou il perdit son équipement. En 1488, rassemblée de la
St-Barnabé lui accorde des secours motivés sur les ser-
vices qu'il a rendus et les blessures qu'il a reçues (1).
Dans les premiers jours de juillet 1479 , Louis XI se
rend en Bourgogne. Il est à Méry le 4. Il s'arrête au châ-
teau de St-Lyé ; puis, son médecin, Coictier, se rend à
Troyes , afin de s'assurer de l'état sanitaire de la ville,
qu'il trouve trop peu sûr pour y laisser pénétrer le^roi.
II y avait alors quelque grain de peste. La ville envoie
au roi, alors à Méry, six bœufs gras , cent moutons , 25
muids de vin blanc et rouge, 25 septiers d'avoine, et de
plus, six muids de vin, en présent au duc d'Albanie; le
tout envoyé tant par eau que par terre (2). Louis XI
arrive à Dijon vers la fin de juillet. Il y est encore en
décembre. De cette ville, il ordonne la construction du
château de Dijon , avec des sommes levées sur toute la
Bourgogne, y compris le comté de Bar-sur-Seine (3).
Dans le cours de l'année 1480, Louis XI, mécontent
et irrité de findiscipline de ses gens , prend ce motif
pour modifier les institutions militaires du royaume.
Dans cette mesure, il y a peut-être encore plus de dé-
fiance que de mécontentement. Par ces réformes, la no-
blesse est autorisée à se racheter du service féodal , à
prix d'argent. Les francs-archers sont supprimés. Les
paroisses ne fourniront plus d'hommes, mais elles seront
taxées en argent. Le noyau de la nouvelle milice se
(1) Arch. mun. — Ass. de la St Barnabe.
(!2) Arch. mun.
(3) Ord, dts rais de France, t. xvm, p. 521.
ISO HISTOIRE DE TROYES. tifK)
coiupose de six niilîc Suisses. Le roi, alor^ à Corbeii ,
hii réunir, le 16 mai, tous les capitaines des Suisses à
sa solde. Il leur annonce qu*il les divise en six grandes
compagnies, ayant chacune un capitaine ; qu*il les en-
verra loger en différents lieux, afln de faire tenir t ordre
» et justice, et qu'il ne soit fait aucune piller.e dans ces
1 lieux, ni dans les villages circonvoisins. » La ville de
Troycs est désignée pour recevoir deux mille Suisses en
garnison. C'est en vain que les habitants réclament contre
une pareille charge , quoique leur requête soit appuyée
par le gouverneur de la province. M. du Bouchage, alors
tout-puissant, dut venir à Troyes, en juin, pour passer
en revue les Suisses qui y sont en garnison (1). Quoique
les Suisses soient chargés de maintenir Tordre et la paix
dans les villes où ils sont en résidence, ils n*en commet-
tent pas moins de graves désordres et de grands dégâts
dans les maisons où ils sont logés (2).
Une autre réforme, provoquée par Louis XI, (>eut-être
autant par sa haine contre les Bourguignons que pour le
bon ordre et la police du royaume , est proposée à une
assemblée de notables des bonnes villes. Le roi veut faire
retirer de la circulation les monnaies étrangères, c'est-
à-dire celles de Bourgogne et de Lorraine. Après avoir
donné , le 8 mai 1480, ses lettres-patentes, il écrit aux
bonnes villes (Troyes est du nombre). H demande * à
> ses chiers et bien amés les bourgeois, manans et ha*
» bitans de Troyes , d'envoyer deux des plus notables
» gens, congnoissans et expers touchant la matière des
» monnoies, et qui aiment le bien de la chose publique
» du royaume, » qu'ils aviseront entre eux près des
généraux des monnaies de la ville de Paris, le 25 juin,
afm de donner telles provisions qu'il y aura lieu, pour
(1) Arch. rauii., A. A , carton 48^*, 4» liasse. — Lettre écrite par
le chef des Suisses, de Corbcil, le 17 mai iiSO. — Original.
(3) Arch. dép., f. de St.-Pierre. — SÉmuuuiT. T. m, p. 119.
1180 CHAPITRE XIV. t21
inelire les monnaies étrangères hors do la circulation et
empêcher les monnaies de France de sortir du royau-
me (1).
A Toccasion du projet de retrait des monnaies étran-
gères, surtout des Maximiliens et des targes d'Orange, les
Trovens s'émeuvent vivement. Ils écrivent à M. de Beau-
jeu, alors en faveur, au chancelier et à Tamiral de France,
afin d'intervenir près du roi. Ils demandent que le décri
de ces monnaies, les seules qui circulent dans la con-
trée, en raison de sa proximité avec la Bourgogne et la
Lorraine, la rareté de la monnaie frappée au coin de
France, la stérilité de Tannée, la grande misère du peuple,
ils demandent que le décri de ces monnaies soit différé
jusqu'après les récoltes.
Dans les mêmes jours, les Troyens informent les gé-
néraux des monnaies qu'une assemblée de commerçants
et autres, des mieux connaissants sur la circulation des
monnaies, a arrêté : o: qu'en raison du voisinage de la
> Bourgogne et du Barrois, les monnaies de ces provinces
» ont cours, à Troyes, plus qu'aucune autre, que, si la
1 circulation on est interdite, le peuple et la marchandise
» ne pourront s'entretenir; il faudrait même que le roi,
» dans l'intérêt de la chose publique, permît à ses rece-
> veurs de les prendre en paiement (2). >
Après la réduction de la ville et de la cité d'Arras,
Louis XI, par ses promesses et par ses bonnes grâces,
croyait avoir conquis raffection des habitants. Il n'en
était rien. Une cruelle exécution, ordonnée par le prévôt
Tristan l'Ermite , de plusieurs commissaires envoyés par
(1) Arch. mun., A. A., 48*' carton, liasse 4«. Lettre datée du 9
mai 14*79, si^ée de Louis XI et contresign^ée : Picot. Ce secrétaire
est membre de la famille Picot, dont est descendue la famille Picot,
de Dampierre de TAube et qui vient de s'éteindre en la personne
de M. le marquis de Dampierre.
(2) Arch. mun., n. f.
HISTOIRE DE TROYES. 1^79
les habitants d'Arras près de Marie , duchesse de Bour-
gogne, effraya et jeta dans la consternation la population
d'Arras.
Mais Louis XI étant sorti d'Arras, le parti bourguignon
reprit le dessus. Les Arrageois secoururent leurs voisins
et amis , les Douaisiens . Le roi , en apprenant Téchec
éprouvé par ses soldats, entra dans la plus grande colère
et décida qu'il ferait chasser tous les habitants de la ville
et de la cité d'Arras . Ces derniers faits s'accomplirent
en mai 1479.
Aujourd'hui le doute n'est plus permis. Un intervalle
de deux années sépare le siège d'Arras du jour où
Louis XI ordonna l'expulsion des habitants de la v'ile et
de la cité d'Arras (1). Ces deux années sont supprimées
par le plus grand nombre des historiens. Ce fait, si
longtemps laissé dans robscurité, est maintenant acquis
à l'histoire.
Les lettres d'expulsion sont du 2 juin 1479. On y lit
notamment : t Ordonnons faire wider et mectre hors de
1 la ville d'Arras les habitants en icelle et y faire habi-
3 ter et demeurer de ses autres bons et loyaux sujets
> des villes de son royaume à lui loyales et obéissans,
» tant marchans de marchandises que gens de toutestatz,
1 mcstiers et vacations. >
Louis XI ordonne ensuite que dans une assemblée qui
géra tenue à Paris, le douze juin, il sera pris par Phi-
lippe Luillior, capitaine de la Bastille de Saint^Antoine,
et par Henry de Livres, prévôt des marchands de Paris,
toute» les mesures nécessaires pour mettre à exécution
ses volontés.
L'assemblée ordonnée par Louis XI se tint au jour
indiqué.
(1) Noijft (JiftonH : vinc et cité d'Arras, chacun sait que cette
4Ut:'n*uïîti capitale de l'Artois se divisait en deux parties : la cité et
la ville.
1479 CHAPITRE XIV. 123
Dans un mandement adressé aux otliciers royaux et à
des bourgeois de Troyes, les commissaires généraux
Luillier et de Livres, rappelant les volontés du roi con-
tenues dans ses lettres, données à Chfiteau-Landon le
deux juin et l'assemblée tenue à Paris le 12, disent que
le roi a voulu et ordonné quo trois cents bons ména-
gers (1) marchands et ouvriers de plusieurs métiers, y
compris vingt bons et notables marchands, soient élus,
tant dans la ville de Troyes que dans plusieurs autres
villes, pour être envoyés à Arras, afin d'y habiter et de-
meurer avec ceux des autres villes et pays loyaux, sûrs
et obéissants.
Il est prescrit aux bourgeois de Troyes, de trouver,
tant dans leur ville quo dans celles de St-Florentin, de
Bar-sur-Aube, de Joigny, de Nogent-sur-Seine, d*Ervy-
le-Châtel, do Pont-sur-Seino, de Mussy-rÉvtque et de
Chaumont-en-Baasigny, quatre-vingt-quatorze ménagers,
marchands et gens de métier, y compris six bons et no-
tables marchands choisis, trois dans la ville de Troyes,
et un dans chacune des villes de Bar-sur-Auhe, de Joi-
gny et de Nogent. Puis, précisant le nombre ot la profes-
sion de chacun d'eux, ces commissaires ordonnent l'envoi
à Arras de deux merciers, d'un orfèvre « en gros et
menuiserie d de quatre boursiers, d'un boutimnier, de
deux aiguilleliers, d'un ccinturier, de quatre marchands
drappiers et chaussetiers.
Les mêmes commissaires ordonnent en outre qu'il
sera formé une bourse commune de dix mille écus au
moins, afin de faire le commerce à Arras. Cette somme
doit être fournie par les marchands des villes sus -dési-
gnées, ne se rendant pas à Arras.
Louis XI avait décidé la ruine complète de la ville et
^1) Il doil y avoir en'eur dans le oidiinu$. Ce doit être trois mille
et non trois cents.
124- HISTOIRE DE TROYES. 4479
de la cité cl*Arras, l'expulsion de tous les habitants, bour-
geois et artisans, hommes, femmes, enfants, prêtres et
religieux, Il fit raser, du moins en partie, les murailles et
les forlifications. Il voulut supprimer jusqu'au nom d'Ar-
ras. Il défendit, sous peine de punition exemplaire, que
cette villo fût à l'avenir désignée sous son ancien nom.
c Franchise, fut celui qu'il imposa à l'ancienne capitale
des Atrébates. * Et, par un abus de langage, LfOuis XI
choisit ce nom afîn que l'on se souvint à jamais des
grandes franchises et libertés qu'il accordait aux nou-
veaux habitants. Quelle cruelle ironie!
Louis XI , se rendant à Dijon, s'est arrêté à Méry-sur-
Seine 1^ A juillet 1^79. Là, il signe divers actes inté-
resi»ant la ville de Franchise. Le premier est un mande-
fnerii donné aux baillis de Troyes etChaumont. Rappelant
lefc me^iures d/'jà ordonnées par lui, le roi mentionne
€ e^rtainex journées y conventions et assemblées {\) » en plu-
sieurs bonnes villes du royaume, et dans lesquelles les
bailliages de Troyes et de Chaumont furent désignés pour
fournir, au contingent prescrit, quatre- vint-huit ména-
gers et six gros marchands, dont quarante-huit des pre-
miers et trois des seconds par la seule ville de Troyes :
le surplus devant être fourni par les autres villes des
deux bailliages de Troyes et de Chaumont.
Le deuxième acte est un mandement conçu à peu
près dans les mêmes termes que le premier. Il est adressé
à Jean Pellieu, juge de Touraine, aux élus, au Maire et
aux échevins de la ville de Tours, taxée a cinquante
(1) Il est fort remarquable de trouver ici le mot c convention »
appliqué dans le sens du mot : assemblée. Et si le nom de Fron-
^iêe peut être rapproché de : commune affranchie, appliqué â
Lyon en 1793, on peut aussi rapprocher ce mot de convention ,
donné par Louis XI aux assemblées dont il parle , de celui qui
sert à désigner la troisième de nos assemblées de la fin du 8iè<àe
dernier.
1479 CHAPITRE XIV. 125
ménagers. (1) Sans aucun doute, des mandements de
môme autorité auront été expédiés de Méry-sur-Seine,
dans les autres capitales des provinces de France.
Enfin le troisième acte, accorde aux marchands et aux
ménagers, envoyés à Franchise, un répit de cinq ans
pour le paiement de leurs anciennes dettes.
Le nombre des ménagers destinés à aller habiter Fran-
chise fut fixé à trois mille. Le contingent fut fourni par
la Normandie, le Languedoc, Paris, la Touraine, le Berry,
la Picardie, laBeauce, le Maçonnais, TAuvergne, la Cham-
pagne, la Brie, le Poitou, la Guyenne, la Saintonge, le
Périgord, TAnjou, le Limousin, le Quercy, la Provence,
le Lyonnais et le pays de Rodez. On ne voit guère d'ex-
ception que pour le duché et la comté de Bourgogne et
le Dauphiné.
Les habitants de Troyes élurent, parmi eux, quarante-
huit ménagers, artisans de diverses professions et trois
bons marchands. Ceux-ci furent: Guillaume Mole, Pierre
Drouot, le jeune, et Pierre Bruyer. Pierre Drouot se fit
décharger de son élection par les commissaires royaux,
et Jean de Chatonru t homme de belle corpulence »
remplaça Pierre Bruyer qui, selon les mauvaises langues
de son temps, aurait profité de son élection pour faire
payer ses dettes.
Le onze juillet, la ville de Nogent-sur-Seine élisait à
haute voix le bon marchand qu'elle envoya à Franchise.
L'élu fut un nommé Chaumart.
Le douze juillet, Henry de Thaon élu, Jean Perricarl,
Colinet de Montebbis et Bar-sur-Seine, poursuivant d'ar-
mes du roi, se mirent en route avec les ménagers de
Troyes, emmenant avec eux tous les meubles, tous les
(1) Une Vengeance de Louiê XI, par M. A. Laroche,- page 103,
et Mém. de TAcad. d'Arras, 1865; Arch. de la Mairie de Tours,
liasse 323.
126 HISTOIRE DE TBO^ES. U%%
outils et ustensiles nécessaires à Texercice des diverses
professions de ces Iroyens, exilés de leur ville natale et
qu'un grand nombre ne devait plus revoir. Ce convoi
était accompagné de Suisses, de gens d'armes ou d'ar-
chers t qui se renouvelaient d'étape en étape . Le voyage
dura douze jours. On craignait les Bourguignons ou le^
Autrichois, Les dépenses de ce voyage, ne s'élevèrent
pas à moins de 2,436 livres 6 sous i deniers t.
Les quatre commissaires de la ville de Troycs « sur le
fait de Franchise » présentèrent, le li août, aux commis^
saires généraux, les quarante-huit ménagers ou familles
fournis par cette ville. Tous furent vus et examinés les
uns après les autres, et il y eut information sur l'état d^
leur fortune. Quarante-cinq furent reçus et acceptés,
après avoir été reconnus « suffisants, puissants et in-
dustrieux. » Les trois refusés furent renvoyés comme
« inexperts et inutiles. > Chaque chef de famille reçut,
par mois 50 s. t. ; la femme 40 ; chaque enfant ou ser-
viteur, 20. Les troyens prirent à leur charge, pendant
un an, la nourriture et l'entretien des enfants placés en
nourrice.
La misère et le mécontentement régnent sans partage
à Franchise. Les nouveaux habitants se plaignent. Ils
disent qu'on leur a manqué de parole. Ils vendent leurs
meubles pour satisfaire à leurs besoins les plus impérieux
et les plus urgents. Ils font arrêter Bar-sur-Seine, saisir
son cheval. Ils n'ont pas même de nourriture, et le plus
grand nombre ne sait et ne peut gagner un denier. La
misère est partout. Les ménagers de Troyes veulent
aller trouver le roi pour lui faire connaître leur état si
malheureux et l'informer de ce qu'ils n'ont encore
rien touché sur la somme de cent sous par mois et celle
de cent écus que, selon ses ordres, la ville de Rouen
doit leur payer. Par l'intermédiaire de Bar-sur-Seine, ils
demandent de prompts secours et des armes, afin de
liao CHAPITRE XIV. 127
pouvoir se rendre au ^uet, car c ia moitié » des g^ens
d*Arras a quitté la ville (1).
La ville répondit à cette communication par Tenvoi
d'une somme de cent vingt livres.
Guillaume Choisy informe les Troyens que le roi
n'est pas content de la manière dont les villes de France
ont généralement exécuté ses commandements. Les mé-
nagers sont prêts à mourir de faim. Le roi lient k con-
naître les noms des villes d*où sont venus € les pauvres
• et les riches, les bons et les mauvais, et celles qui
> Tont bien ou mal servi. > Il presse Fenvoi de nouveaux
c ménagers puissants, industrieux et bien conditionnés.
Il demande Tenvoi, à Franchise, pour en armer les ha-
bitants, de voulges, de salades, et de hoquetons pour les
vêtir. On procède à l'élection de sept nouveaux ména-
gers. Jean Hennequin, en qualité de bon marchand, fui
désigné par ses concitoyens pour se rendre à Franchise
et y résider. Mais il se prévalut, afin de se dispenser de
<"e pénible exil, de sa double qualité de maître particu-
lier de la monnaie et de monnayer du serment de France.
Il aurait été remplacé peu après par Jean Lopin.
Ces nouveaux expatriés font leur voyage par eau, ils
débarquent avec leur mobilier et leurs marchandises à
Ijaint-Leu (2). Tout ce matériel subil de sérieuses avaries.
La colonie Iroyenne établie à Franchise est toujours
loin d'être prospère. Dans le courant de mars 1479 (v.
st.), la ville de Troyes fait de nouveaux efforts afin d'être
débarrassée d'un nouveau contingent qui pèse sur elle.
Les habitants de Troyes se préoccupent du sort de
leurs compatriotes. Dans une assemblée générale des
habitants, tenue le 2 juillet 1480, au couvent des Cor-
deliers, il est décidé que Jean de Marisy et Etienne de
[1) n s'a^t ici des nouveaux habitants.
(2) Oiseï canton de Creil.
iâ8 HISTOIRE DE TROYES. t480
Baussancourt se rendront dans cette ville pour s'infor-
mer de Tétat véritable des habitants sortis de Troyes, à
qui Ton enverra de quoi vivre, des armes et des habille-
ments de guerre.
Sans plus tarder, et dès le lendemain, 3 juillet, Jean
de Marisv et Etienne de Baussancourt se mettent en
route et se dirigent sur Franchise, malgré la crainte de
la peste et des gens de guerre. A dause de Texistenc^ de
ce double danger, ilstraitent avec les habitants de Troyes,
moyennant cent livres chacun, pour exécuter ce voyage
à leurs risques et périls.
Ce voyage paraît aussi provoqué par une nouvelle
revue que les commissaires généraux veulent faire. En
effet, le 21 août suivant, le sire de Lude, le sire de Bau-
dricourt, Guillaume de Cerisay et Guillaume Choisy pas-
sèrent ceite revue, en présence de Jean de Marisy et
d*Etienne de Baussancourt . Les plaintes des ménagers
furent entendues et recueillies,, comme celles que for-
mulèrent les deux députés troyens, après avoir c les uns
» et les autres, prêté serment sur le saint canon de là
f messe et sur les évangiles du roi. ^
Le procès-verbal d'enquête sur la vie, la renommée,
l'état et le bon ou mauvais gouvernement des ménagers,
est arrivé jusqu'à nous. Lors de cette visite exacte et
scrupuleuse, on fixa les sommes dont chacun d'eux serait
aidé par la ville de Troyes. Ces secours furent générale-
ment fixés de 20 à 100 liv. t. par ménager. Par excep-
tion, ils s'élevèrent même à deux cents livres pour l'un
d'enlr'eux.
Les commissaires statuèrent ensuite sur le sort de
chacun de ces artisans. Ainsi Brulefer, qui avait fait
Toflice de messager, est renvoyé, à Troyes, à cause de
sa misère; — Rogier-Loe-Dieu ( Rogier-Loue-Dieu ) ,
c reconnu de bon gouvernement i> sera aidé de cinquante
livres; — Huguenin Velaine c est bon compagnon pei*
1480
GHAPITEE XIV. 129
» gneur de draps, mais il ne veut, poui* puissance qui
» vive, ouvrer de ^•on métier à Franchise, dût-on le
^ tuer ; » afin que sa conduitenc jette le découragement
parmi les autres, il est décidé qu'on fera venir sa (emme
et son enfant, et qu'il lui sera donné 50 liv. ; que s'il
n'accepte pas, il sera puni exemplairement. — Jean
Bouquart est renvoyé en raison de • son mauvais gou-
» vernement. » - - Les aiguillctiers, les orfèvres, les
boursiers, les corroyeurs, les teinturiers de peaux, sont
déclarés inutiles; les boursiers, les gantiers, les aiguiU
letiers, arrivant des villes autres que Troyes, sachant
teindre les peaux, et les orfèvres n'ayant rien à faire ni
à gagner parmi une population si misérable. — Félix
Collart ne saurait vivre de son métier (quel métier?) *
parce qu'il ne saurait trouver le charbon qui lui est né-
j cessaire; » — Girard de Viâpres est un jeune coni-
> pagnon non marié, * de mauvais langage et de bien
• petit gouvernement, qui n'a coutume de fouler qu'au
» moulin et ne saurait vivre de son métier, ce qu'on
» lui donnerait serait perdu, » aussi n'est-il pas accep-
té. — Watclet, menuisier, est refuse, son état étant re-
connu inutile. --^ Il en est de môme des torcheurs. —
On renvoie Nicolas Orry, boucher, parce qu'il est pauvre,
et qu'à Franchise, les bouchers sont de qrand chaieL L'on
demande à sa place « l'un des plus puissants bouchers d
de Troyes. — Simon Chérot, parcheminier, qui est pau-
vre et ne peut faire venir sa femme, « une bigote qui
» ne bouge des églises et religions » (maisons reli-
gieuses) de Troyes, est renvoyé. — Guillaunie Jolyot,
épicier et mercier, est un honnête homme, il se plaint de
ses confrères, il a fort mauvaise tète, il peut émouvoir
une grande quantité de peuple, mais comme il n'a en-
couru aucun reproche, il sera aidé de deux cents livres.
Tous les ménagers troyens lurent ainsi passés en revue
jusqu'au dernier.
ixi. ^ 9
4^ HisToiBte m ymns. Ma
La ville de Troyes eut le choix de pajFer les wmmec
allouées à chacun des ménagers qui furent envoyés par
elle à Franchise, ou de remplacer ceux-ci par des ména-
gers < bons et sufTisants. » Les commissaires généraux
ne reçurent, cette seconde fois, que vingt-quatre iMéna-
gerssur les quarante qui furent examinés. Le nombre de
quarante-huit ménagers devait être continuellement en-
tretenu.
Un nouvel envoi de ménagers, originaires de Troyes,
fut donc la conséquence de cette revue passée avee tme
si exacte sévérité.
Dans le cours de ce même mois d*août 1480, les ae-
sures prescrites à Tégard des Troyens, devenus habitants
de Franchise, furent prises, par ordre du roi. à Fiégaod
de tous les nouveaux habitants de cette ville, amvés de
tous les points de la France.
Du MonceU facteur de Guillaume Mole, en écrivant, le
6 seiptémbre, à Etienne de Baussancourt, rengagea sur^
seoifr à Venvoi de cette nouvelle recrue. A cette (oeoasîon,
il peint, avec de bien sombres couleurs, l'état de la
malheureuse colonie et le pitoyable état de ses compa-
triotes. La peste règne toujours à Franchise. Dans cette
lettre, il est question des < cinq assemblées du royaume,
tenues dans les capitales des principales provinces, *
afin d'aviser sur ce qu'il y avait à faire dans riatérôt de
cette colonie et de constituer « des bourses » ou socié-
tés commerciales.
A la réception de la lettre de Josse du Moncel, les lia-
bitants de Troyes demandent aux commissaires-généraux
d'être moins sévères à leur égard et de les décharger de
cette nouvelle taxe en hommes et en marchandises.
Mais loin d'obtenir une décharge de cette doubletaxe,
Louis XI prescrit une nouvelle levée de deniers, s*élevant
à 2,500 livres sur la ville de Paris, les villes et faubourgs
de Corbeil et de Lagny qui, sans doute, jusque-là avaient
Mil «IU«>i'l«U& KW- iSi
pf)P ou ppMit contribué au rapeuplQrpent4e Franchise.
L^ yilie de Troyes continua ses envois 4^;$iôQovkrs j^n
âi^^nt, pi^n^ant Tamiiée 1480.
Les revues des ménagers de Franchise conlipM^ut. ,4
cjbiacuoe de ces inspection^s, on constate de nouveaux
vides produits par des absences ou par des décès.
En juin 1481, la population de Franchise s'est encojre
amoindrie. Louis XI ordonne qu*il sera envoyé à Fran-
chis.e trois cent cinquante bons ménagers par les viUes
de France, sous de grandes peines pécuniaires. Le roi
V^ut ^n 0;ulre qu'il ^pit levé certains subsi,des pçur for-
ïWT quatre bourses de 5,000 écus chacune, afin d'établir
jBt ^e laire valoir m le métier et Tartiilce de dr.apçrje, »
f^kT qiuatre marchands ou facteurs, résidant à Franchise.
Les draps, fabriqués à Franchise, doivent circuler, par
tout le royaume, francs de tous droits. Les drappiers eit
les foulons soAt appelés à jouir des mêmes priviié|;e^
^ue ceux de Rouen. Nul ne peut vendre, à Franchi^,
d'i^Mtres draps quec^ux qui y étaient fabriqués.
Un a^utre mandement, daté du ^5 juin et adr^^ssé ^u
|)9illi de Troyes, ordonne que les villes fie Troye.s, de
Chaumont, de Joigny, de St-Florentin, d'Eryy et de Bar-
/9ur-Aube, qui n'ont point fo,urni leur nouveau conliijijgent,
présenteront de nouveaux méaagers dont \e noi;nbre est
aÂosi réparti : Xroyçis, quinze ; St-Floraatin, .4€iux ; JBar-
^lUr-Aube, cinq ; Jpigny, trois ; Ervy, deux ; etC.havipipjiiJ,
trois. Par ce mandement, celte levée d'hommps fqt çç^p--
di^ée. Troyes qe dut .plus fourii^ir q\ie ^ey;)t fnén^gf rs,
pMRiî lesquels se trouveraieiLt deux tisserands de drap§,
un i^aitre drappier < puissçgat et riche > et quatre foM-
Jo^^ peigneurs elca^de^urs; Bar-^ur-Âube, yn ti3^ej;^pd
4edj?QPiS jBt (leux.fouloJi^s, peigneurs ou cMeurs ; Joi-
gny, deux ouvriers en draperie ; Ervy, un seul ouvrijer 4^
la même profession ; Ghaumont, les deux tanneurs « .au-
trefois élus. > Mais si .le nombre des ménagers est réduit,
432 HISTOIRE DE TROYES. iigi
il n'en fut pas de même de la finance. Les mômes villes
de Champagne furent désignées pour fournir entr' elles
la somme nécessaire à la formation de quatre bourses de
cinq mille écus chacune.
En exécution de ces derniers ordres, il y eut à Troyes,
en juillet lASl, une assemblée composée de députés et
de marchands envoyés par les villes imposées à cette
énorme taxe, dans le but de fixer la portion pour laquelle
chacune d'elles contribuerait à la constitution des bour-
ses.
Le 20 août, se réunissaient à Troyes, avec ceux de
cette ville, les députés de Rheims, de Châlons, de Meaux,
de Provins, de Château-Thierry et de Bar-sur-Aube. Ces
députés s'engagèrent, pour leurs villes, à fournir somme
suffisante, afin de constituer une bourse commune qui
devait être employée au commerce, à Franchise. Us dési-
gnèrent Josse du Moncel, * afin d'exercer, de par eux,
cette bourse commune. » Il l'ut arrêté que ce facteur
prélèverait à son profit tous les bénéfices qu'il pourrait
réaliser ; que, si le roi faisait « cesser la bourse corn-
> mune, du Moncel en rendrait le montant après un
> délai de trois ans, et il serait quitte de sa dette, si
» tout était perdu par fortune de guerre, de feu ou
» d*eau et sans qu'il y eût faute de sa part. »
Du Moncel ratifia les conventions qui lui furent impo-
sées et s'engagea à les exécuter « de son corps et à tenir
prison fermée. »
Cette Bourse commune, ou société formée avec des
fonds fournis par les principales villes de Champagne,
se constitue sous le patronage et la raison sociale de
Jean Mole, frère de Guillaume, et de Guillaume Bouche-
rat, de Châlons - sur-Marne, beau-frère de Guillaume
Mole.
La constitution de cette société commerciale se fit
sans les brillantes illusions qui décorent si vivement le
1481 CHAPITRE XIV. 133
commencement des entreprises commerciales de notre
époque, où il n'est, à Torigine, question que de gros inté-
rêts, de bénéfices et do dividendes ; illusions spiendides
qui sont suivies des plus amères, des plus cruelles et
des plus coûteuses déceptions! Alors, sous Tinspiration
de Louis XI, les négociants champenois, toujours pru-
dents et sages, ne supputent point les bénéfices qu'ils
pourraient réaliser: ils les abandonnent à leur agent. Ils
ne calculent que les chances défavorables. Ils dressent,
si Ton peut dire, leur acte de société en vue de pertes
et ne paraissent pas même soupçonner les chances heu-
reuses ou les bénéfices à réaliser pour eux-mêmes. Ils
ne voyaient que trop la vérité ! L'expérience de plus de
deux années leur avait appris à ne pas compter sur Ta-
venir commercial de Franchise, sous la main de fer et
la tyrannique volonté de Louis XI.
De semblables associations commerciales par province
s'établirent, sous la même force, dans les villes de Tours,
d'Orléans, de Soissons, de Harfleur.
Dans le cours de septembre 1481, la ville de Troyes
emprunta dix-huit cents écus sur les habitants les plus
aisés ; cinq cents étaient destinés à la bourse commune
et le surplus fut appliqué aux besoins des ménagers de
Franchise. Le 5 octobre, du Moncel avait reçu la somme
qui lui avait été promise.
Le vendredi 21 septembre, un nouveau convoi de mé-
nagers se dirigeait de Troyes sur Franchise. Il était
composé des hommes, des femmes et des enfans, des
marchandises et du mobilier des ménagers récemment
élus pour l'exil.
Les habitants de Troyes, en tous points, satisfirent aux
ordres du roi. D'une part, les commissaires royaux
attestent ce fait par leur lettre dvi 30 octobre 1481, d'au-
tre part du Moncel avait fait la même déclaration le cinq
dn même mois et, peu après, les ménagers eux-méoies
134 HISTOIRE DB TROYES. \m
réeônnarsseiii qu'ils sont pBfyés intégralement et s'dngK-
gërit à ne rien foclamer et à demeurer à Franchise. M«V9^
0^1 éngagerafént rie fut qu'illusoire, car, pëtt après, mt*
cèi^tain noriibre de ménagera abandonnèrent la malheti*
ritasé colonie.
QUd^e ^éduis^nt que fût le langage de Louis XI, il
n'àvyit pu convaincre les pauvres exilés de toutes' les
vrffes pt^iHfcipalcs dé France, à Tégard de la fabriquid des
à^A^^. Celte fabiric^ue, malgré des faveurs à nrolle autre
pët^itfe, nef jouit, môme momentanément, d'aucune
plttSjlérité. Parmi ceâ laveurs, nous citeron5 celle-cr : à
Tours, fë's habitants avaient été c de par le roy i» obiigéy
(fàt^hétér des draps fabriqués à Franchise, à eiiM{4iaiité
pôi/r dent an! dessus du cours.
Le roi constitua urie administration commuilalé pour
toute cette population hétérogène, en créant un échiifti-
lia^ë éovnposé de douze membre^ non élus, mais choisis
par l^oi €ft parmi lesquels se trouve Jean du Lys, dit la
pucelle, parent de Jeanne d'Arc. Louis XI donne à cet
échévinàjje connaissance et droit de juridiction sur tous
lès faits civile et criminels. H orée dou^e officienra ayatVt
tifrè de sergens royaux et charge de faire exécuter les
mandenients de l'écheNnnage. Cette institution avait
dont le pouvoir d'administrer et de régler des intérêts
publics, particuliers, civils ou criminels. Les échevins
soi^f , par le fait de leur nomination, anoblis saris payer
(Iriance, et, s*ils sont nobles, ils peuvent se livret à
l'exercice du commerce» sans déroger. Ix^uisXImaintiemt,
en faveur des nouveaux habitants de Franchise, les lettres
de répit qu*il leur a accordées le 4 juillet 1479, étant à
Méry-sur-Seine. Ces lettres d'échevinage constatent qu'un
grand nombre d*élus se sont dispensés du voyage en se
rachetant moyennant finance, tandis que d'autres, tel que
Hèursin ou Oursin, de Tours, faisaient le recrutement et
des méDagers à Franchise, à beaux deniers
im CHAPITRE XIV. 135
oomptants. — On pratiquait, sous la protection royale,
toutoft sortes de commerce.
Eb juillet 1482, certaines villes n'ont point encore
exécuté les ordres du roi, elles n'ont point acquitté
laur& engagements envers les ménagers envoyés par elles.
Telle est la position des villes de Bar -sur -Aube, de
Joigny, de Provins, Moret, St- Florentin , Nogent -^sur-
Seine, Rheims, etc.
Toutes ces villes ont encore à fournir de un à cinq
méns^ers, et, pour chacun, une aide fixée à une somme
de dix-huit à trente-cinq livres. La ville de Troyes est
encore imposée à dix-huit ménagers, et au profit de
chacun d'eux, à des sommes qui varient de dix-huit à
quarante livres. Il s'agit sans doute d'une nouvelle taxe
imposée sur toutes ces villes dans le cours de l'année
1482(1).
Peur fournir aux besoins de la malheureuse colonie,
des lettres royales, du 17 octobre suivant, ordonnent
que, sur le prix de chaque muids de sel vendu, pendant
cinq ans, dans les greniers du Languedoc, de la Nor-
mandie et des. lieux situés le long des rivières de Seine
et d'Yonne, il sera prélevé soixante sous tournois.
A Franchise, depuis le commencement de la mise à
wéoution des lettres royales données à Ghâteau-Landon
le 2 juin 1479, jusqu'à la mort de Louis XI, 31 août 1483,
tout marcha à la dérive.
Les confidents, les agents du roi paraissent là, comnoe
dans toutes les parties de son administration, beaucoup
trop sensibles c aux gracieusetés > qui leur sont faites.
L'intérêt seul les attache au roi qui, n'ayant point d'affeo-
tion pour ceux qui l'approchent, ne reçoit d'eux que des
services de mercenaires. Serviles sous les yeux du roi»
(i) Si l'on additionne les différents nombres de ménagers qaé
la "ville de Troyes dut fournir , ils s'élèveraient ememMe au moîMi
«1W.
136 lilSTOIHR DE THOYES. tWi
ils sont îiccctjsibk's aux dons do loiilcs sortes. Lr crime
(le concussion, inséré dans nos lois pénalos modernes,
u'élait pas encore puni. Ktait-il connu ? on peut en dou-
Ici', quoiqu'il fùthîrgement pratiqué.
Louis XI, toujours inflexible, mourut sans regarder en
arrière, sans pardonner. Il laissa à son jeune fils, à Char-
les Vin, le soin d'a!)i*oger ses lois et ses ordres si absolus,
si lyranniques
Le 13 janvier liSl (n. st.) c'est-à-dire quatre mois et
demi après la mort de son pore, Charles VIII permit aux
anciens habitants d'Arras de revenir dans leur ville, d'v
réclamer et d'y reprendre leurs maisons et de se re-
mettre en possession de leurs immeubles, dans l'étal où
ils les trouveront. Il laisse t aux marchands et artisans
* français » le choix de quitter Arras ou d'y rester, mais
sans que, dans ce dernier cas, ils puissent retenir les
maisons qu'ils occupent, contre la volonté des anciens et
légitimes propriétaires.
Du Moncel paraît avoir continué sa résidence à Arras,
ainsi que l'exercice du commerce. La prospérité ne régna
pas dans ses affaires. En septecnbre 1 487, lui et sa femme
sont morts < pauvres et mendiants. » Ils ont consommé
sans profit pour eux-mêmes, et, par conséquent, sans
bénéfices pour les commanditaires, les sommes qui leur
avaient été confiées.
A cette dernière date, Charles VIII autorise la ville de
Troyes a faire un emprunt j)our acquitter les sommes
dues aux préteurs de 1481.
Ainsi finit, pour les faits qui intéressent la ville dr
Troyes, cette cruelle tragédie sortie du cerveau du vin-
rlicatif Louis XI, et dont la durée fut d'environ cinq ans.
(>t acte de vio' -nce politique du sombre Louis XI
touche à la folie. Il [)ronve, jusqu'à l'évidence, c|ue le
pouvoir le plus absolu, quand il n'a pas la raison pour
limite et, pour appui moral, l'aveu de la nation, ne peut
\m CHAPITRE XIV. 137
donner à ses œuvres le caraclère de durée auquel tout
souverain doit prétendre dans ses actes et dans ses fon-
dations (1 ).
On reconnait à bon droit à Louis XI une initiative peu
connmune. Ce roi, qu'on a dit le roi de la bourgeoisie,
fait pesor sur elle les plus lourds impôts et les charges
les plus grandes. Roi essentiellement révolutionnaire
dans ses idées et dans leur application, quoique souve-
rain légitime par la naissance , Louis XI est d'une acti-
vité peu commune, usant de violents moyens pour réa-
liser ses projets ; différant en cela de son père, Charles
VII, qui, lui aussi, modifia profondément l'administration,
après avoir reconquis son royaume. Mais l'un obtint le
surnom de bien-aiiné , et l'autre laissa un souvenir
détesté.
A Arras, il veut établir des sociétés commerciales qui
n'ont aucun succès. C'est un homme de progrès, dirions-
nous aujourd'hui. Ses idées précèdent son siècle. Ainsi,
en lASI, il veut, chose inouïe jusqu'à lui, faire consti-
tuer une société commerciale formée dans le but de né-
gocier (/a/i^ les mers du Levant et partout ailleurs. Y a-t-il
(1) Nous avons donné quelque développement à cet épisode his-
torique, dont les détails et même la date étaient demeurés inconnus.
.\rras ne possède aucun document sur ce fait si important de son
histoire et i^îe la vie politique de Louis XI. Ceux qui ont été décou-
verts, à 'l'ours, à Orléans , à Compi«''gne , n'ont vu le jour qu'en
1865 et, on 1857, nous n'avons fait que signaler ceux que possède la
ville do Troyes. Ceux-ci sont les plus nombreux, les plus intéres-
sants et les plus complets de tous ceux qui ont été indiqués jusqu'à
présent. Mémoires de rAcadcmie d*An*as, t. xxxvii, 1865, p. 238
i\ 855. — i')U' Vaufcaucc de Louis X/, par M. Laroche, ancien ma-
iiristrat. - Ord. des rois de France, t. xviii, p» 60^1, 643. — Les
Archives des villes de Tours, liasse 323, d'Orléans et de C-ompiègne-
- noniOT. Louis Xr et la nlle <l\irras, dans les Méin. de l'Aca-
«It'iiiie d'Arras, I8t)7, et tirage À \.i\v\. Ce travail est suivi de la copie
dt'> priiiii pales pii'ces renfermées dans les Archives municipales de
Troyes. — Knlin, Arch. mun. de Troyes, anc. f., layette 59, 3 pièces,
et aouv. f., B. B., carton 20, 5« liasse, 48 pièces.
t38 HISTOIRE DB TROYES. \4g/i
déjàf à cette date, un pressentiment vague des décou-*
vertes qui s accompliront avant la fin du siècle? Au
moins y a-t*il dans ce projet la pensée de faire coneur-*
rence aux. navigateurs italien», (fui tiennent entre leurs
mains le commerce de la mer Méditerranée , la seule qjui
sait fréquentée alors.
Loois XI Corme donc le projet dé réunir, en société-
emnmercisde et maritime , un certain nombre de né^t-
ciants originaires» non de villes possédant dee ports< ou
pouvant en créer, mab des principales citéa de rintérieor
di» pojBinme. Il convoque» dans ee but, à Tours, les dé*
pûtes: de Paris: et de Tovkmse dont les noms aonik in-
eennœ. La ville de Lyon y est représentée par Jean Bn-
ronnet et Antoine Villars.
Montpellier, par Girault-Buisson et Etienne Sezellr;
Boutées , par Jacques Aroussart et Petit-Jean , de
Montpellier;
Troyes , par Jean de Marisy et Jean Hennequin , le
jeune;
Orléans, par Pierre Gempaing et Jean Railbrt ;
Tours, par Jean Briçonnet le patron (1) et Louis de
Lumezière, maire ;
Angers» par Guîllatime Leroy et Jean Le Seure ;
Poitiers, par Guillaume Macé et Pierre Roux ;
Limoges^ par Jean Douet et Jean Petiot.
Dans cette assemblée , M« Maillard, maître-d*hôtel dxx
roi, expose bien au long les intentions du roi. Il annonee
qne le plaisir de son maître est de faire que , par les
marchands du royaume et par les villes représentées
dans rassemblée , il soit constitué une compagnie c de
grande somme de deniers comme de cent mille livres (2)
(1) n tA eonunissaire de cette ville à Franchise.
(3> Environ 3,000,000 fr. de notre moaniie, valeur antérieur» i
«iSi CHKPVVHR XIV. *8©'
elplusj pour marchander sm h mer du Lev«inl et aiUeuc»;
(^'il feut oommencer Topéralioii en faisant construire on
gmd nombre de galères, de naves et autres- navires^
afin que la marchandise, el le commerce aient cours
dan» le royaume, de Façoo qiue les étrangers n'en aiiënt
plus connaissance. M^ Maillard développe ce tbème, et
fait, sur oe sujet, plusieurs t grandes remontrance», v
Après cette exposition, l'es dépntés demandent à en
coitférer. Il y a lieu de croire que le» débats furent
loégs, Jean de Marisy, à cette- cocasion, ayant séjourné
à Tours pendant environ 50 jours.
Après discussion, les députés font conaaître au oom-
DMssaire du roi, \& résultat de leur délibération. Ils dé-
clarent qu'aprèiâ av6ir longuenvent débattu ,. entre tous ,
le sujet de leur convocation, le but leur paraib difficile
à atteindre par plusieurs raisons. D'abord , parce que
plusieurs des villes représentées sont pauvres et n'oat
pa» l'habitude de naviguer ; que jamais leurs habitants
n'ont vu la mer; qu'il serait bien difficile de trouver
somme suffisante pour constituer une société ; que la
misère règne partout ; que, de toutes parts, les blés font
défaut ; < qu il y a une famine que c'est {Mtié, et que le
t pauvre peuple ne peut trouver de qooi se nourrir, si
• cela ne vient de la grâce de Dieu. »
Les députés, tous marchand», sont d'avi» que l'on
éprouverait la plu» grande peine à faire tomber d'accord
ent/fllcs les ville» désignées pour l'association, surtout
en raison de ce qu'elles sont placées loin de la mer et
que leurs habitants ignorent entièrement fart de la na-
vigation.
Le besoin de construire un grand nombre de galères
ne se fait pas sentir ; U^ Maillart, maître -d'hôtel du roi,
efi a trois bonnes, et Jean Moreau (4) en fait réparer
(l> Ren Mm figure déjà daM raffair« d*Am».
140 HISTOIRE DE TROYES. MS\
deux ou trois, que possédait le roi de Sicile (1), lors de
son décès. On trouverait, dans Tétat du commerce , à
bien grande peine, de quoi charger ces bâliments, ainsi
que ceux qui se font chaque jour.
Il serait, selon l'avis des députés, plus à propos, sous
le bon plaisir du roi, d'écrire aux nations de Gènes , de
Florence, de Naples, de Sicile et de Venise , afin de les
engager à commercer avec le royaume do France, en
facilitant leurs relations, au moyen de rabaissement des
droits d'entrée et de sortie et autres impôts levés en fa-
veur du domaine.
Enftn , le meilleur moyen pour augmenter le com-
merce extérieur, serait de donner toute liberté aux sujets
du roi « de naviguer et de marchander dans la mer du
i& Levant et ailleurs , tant pour le Languedoc que la
i> Provence. » En faisant ainsi, il se trouverait assez de
marchands qui trafiqueraient dans ces contrées loin-
taines, en toute liberté et à leurs risques et périls, et avec
plus d'avantages que ne pourrait le pratiquer une com-
pagnie.
Les députés terminent leurs réponses en disant :
<r qu'en rien qui ne soit ils ne veulent aller contre le
* vouloir et le plaisir du roi; qu'ils sont toujours, en
i> cette matière et en toutes autres, prêts à faire tout ce
» que par lui leur sera enjoint et commandé (2). »
C'est en ces termes que des marchands envoyés par
les principales villes de France répondent au maître-
(1) Le bon roi René, mort en 1480.
(*2) Ce document, d'une grande importance historique, fait con-
naître rétat du commerce maritime avant la découverte de l'Amé-
rique. Il est authentique. Chaque députation retourna dans ses foyers,
munie de ce procès-verbal. Celui que nous avons sous les yeux se
termine ainsi : a Ceste présente responce et remontrance m'a esté
» présentée par les notables gens des bonnes villes devant décla-
» rées, laquelle j'ay receue pour icelle faire rapport au roi nostre
0 sieur, ad ce qu'il ordonne sur ce que dit est et de toutes autreF
1481 CHAPITRE XIV. 141
d'hôtel du roi, qui parait être le principal armateur de
Tépoque. Ces marchands, qui ne veulent pas de compa-
gnie, demandent la liberté du commerce , et , avec la
liberté , ils auront un commerce considérable , et la
France une marine florissante. Quant à la formule d'hu-
milité qui termine leurs réponses, elle était presque ba-
nale. Elle clôt presque toujours les déclarations faites au
roi et contraires à sa volonté. Ces réponses, rapportées
à Troyes, furent lues par Jean de Marisy et Jean Hen-
nequiu le jeune, aux habitants, dans une assemblée gé-
nérale tenue dans la loge du prévôt.
Les motifs vrais du refus de former une société de
commerce maritime ne peuvent, pour quelques villes,
être Téloignement de la mer. La ville de ïroyes renferme
des négociants , qui font alors •. de grandes marchan-
dises par terre et par mer. > Le procureur du roi au
bailliage le déclare dans son mémoire fourni , la même
année, contre le rétablissement de l'échevinage.
Si la levée et Tassiette des impôts reçoivent sous
Charles VII une régularité qu'elles n'ont point encore
eues, Louis XI jette, dans cette partie du service de l'ad-
ministration royale, la plus grande perturbation. Ache-
tant le dévouement à ses intérêts, à beaux deniers comp-
lants, il se procure de l'argent par tous les moyens en
son pouvoir, et sa délicatesse, comme celle de ses agents,
est peu scrupuleuse. Il donne à certains de ses officiers
des € commissions ]> sur les villes ou paroisses, et
> choses son bon plaisir et à ceste cause les ay expédiez pour en aller
» chascun devers les bonnes villes pour lesquelles ils sont icy en-
f voyez pour leur dire...
mil un c. im xx i. »
Signé : Maillart.
Cette pièce, écrite sur papier, est en partie détruite, il manque
tout le premier paragraphe et plusieurs lignes dans le texte.
Arch» mun,^ n. fondi^ carton i liasse
lAfi HisTiNK «S laorss. im
•Boi-ci Im exécutent au mieux de leure intérêts : eam
du roi n'étant pas ceux qui les préoccupcdot le plw.
Dans les premiers mois de 4482, la ville de Troyes est
soumise à lune de ces commissions. Ausskdt infonnés,
les habitants députent de suite Jean Goiffart près d'An-
toîne Dijoine et de Jacques de la Roôre , afin que ces
deux personnages leur viennent en aide près d« trésO'-
mr Radier , et obtenir , par Tentremise de oekii^i, la
déebarife, au moins partielle, de la taxe dont la ville est
frappée. Raguier s'entremet en eftet -€ pour Tamour de
la ville. > 11 tâchera que la ville ne soit contrainte à
payer qu'une somme inférieure à cioq cents livnes ou
300 écus, un pareil accomnM)dement n'ayant jamai^ lieu
avaat que les coaunissaires royaux ne se soic^ tendw
daos la ville. > Il y a à craindre, dit il encore, qièe Coio-
iÀer 4iui a droit i la moitié de toutes les amendes et 40-
niars résultant de cette commission , ne s'oppose .à un
arrangement. Le trésorier Raguier, pour tenter de Téussir,
recommande de se cendre près du roi , sans se faire
assister de Coictier (1), et de réclamer de suite à Trouas
somme suffisante pour acquitter celle sur laqpelle on
sera tombé d'accord.
Sur ces reconunandations, Jean Coiffarl expédie 4fi
suite à Troyes c son compère Ploton, bien accompagné »
afm de.rapporter la somin^ de cent écus, i laquelle il (era
ajouter celle >de •cteat liMses «pour Raguier, ^ qui on Jea a
promis , afm d'obtenir son concours let qui fait enc^tfe
difficulté. Jean GoifTart n'est pas la dupe de ce vilain
trafic administratif. 11 écrit à son compère £tiisnne de
Bauasaocourt, procufeur des habitants, qu'il poesacd^iW-
voyer la somme demandée, c Je vous pronoets, mon
compère, que c'est pitié d'estre par deçà pour telles ma«
tiéres, et, fiwr l'amour do Dieu, que l'on s'en boutte
(1) On Mit qu*U sit i^ uickcin du roi.
tut CHIVITilE 3HV. I4S
(q«e Voa «n sorte) ; qu'il «i^ tak Atolte ^et ie {jtkis jiKU^
gemmcmft «que faire «e pourra. > Coâffart ajoute eDooro
dans cette ourîeuee lettre : c Si les eoimnissaipesise ma^
dent à Tr»yes , ne vous acoordez pas avec eux , mais
entretenez-les le mieux qiae vous pourrez. M demeure
par deçà jusques au paieioesit de V argent, «t afin > que Je
puisse tout rapporter, c il demande aussi que Dijoine et
de la Roëre soient récompensés de leurs peines. Puis,
oomme un cri d'alarme, il termine en ^disant : € Pour
Dieu, «non compère, faites ài%enoe. •• Etienme de Baus-
sancourt ne perd pas de temps-, le 41 mars, iean Heu-
iiei|uin <et Thii»auH Berthier délivrent 600 Jiwes ^à
Jean Ploton, héraut du roi, qui les porte à Jean Ooiftail,
pour les verser à qui>de droit ^(i).
Louis XI, cet adorateur de madones de plomb, voyant
les maladies et les infirmités s'attacher à lui , devient
^néreux des produits du domaine à Tégard des établis-
sements religieux. 11 y a moins chez lui Tidée charitable
que la pensée que Targent donné par lui doit soulager sa
précoce caducité et prolonger ses jours. En même temps
qu'il assure au Chapitre de N.-D. de Cléry une rejile
annuelle et perpétuelle de i,000 )iv. sur le domaine de
Normandie , il dote Tabbaye de Pontigny (Yonne), de
1,200 1. t de rente assise sur .celui de Champagne (S).
Sur le même dooiaine, et c pour le recouvrement et la
conservation de sa santé > il assigne, à Tabb^ye d^s
Trois*1\ois de Cologne, l,iit) liv. de rente annueiles^u*
la recette de Troyes , dont les fermes judiciaires sont
déjà chai^gées en faveur de cette maison , d'une somme
de 320 liv. par an
Jeanne de Champagne , femme de PbUippa-le-JSel ,
(1) Arch. mun., n. f., carton 48», liasse i; original.
(2) CM. dm roi» de Frmee^ t. xvui, p. 364 ; note.
141 KiSTOIRE DE TROYES. figtf
avait doté le collège de Champagne, dit de Satarre (1),
de deux mille livres de rente eoDuelle à prendre sur le
domaine de Champagne, des prejniers et des plus clairs
deniers. Mais Louis \I a disposé de telle façon <le ce
domaine que la dotation de Jeanne n'est plus entière. Il
n'y a plus que 878 II., applicables à son collège, et à
prélever sur les recettes de Troyes, de Vitry et de Chau-
mont. Le surplus, soit 1,122 I., autrefois levé sur les
recettes de Meaux et de Coulommiers . sur le domaine
de Crécy, sur le tabellionnage et la prévolé de Meaux,
sur la recetle ordinaire de Troves, sur celles d'Ervv et
de Dannemoine, seigneuries aliénées par Louis \I, qui
en a fait don à Pierre de Courcelles , seigneur de St-
Liébault Esliisau , sur Julîy-le-Châtel , Bar-sur-Seine ,
Villeneuve, Avirey-le-Bois et Landreville , donnés à Jac-
ques de Dinteville; sur le domaine de Nogent et de
Pont-sur-Seine, que Vendange tient au même litre ; sur
St-Florentin , donné au petit bailli d'Allemagne, Jean
Wisse, de Gerbeviller; sur le tabellionnage de Troyes,
dont une partie du produit a été donnée à Marc Senesme;
sur le portage des vins, donné pour une portion à Pierre
Dubois de la Salle; sur la seigneurie de Bar-sur-Aube,
donnée par le roi au sire de Gyé, et sur d'autres revenus
du domaine de Champagne. Voulant asseoir pour l'avenir
et assurer au collège de Champagne ses anciens revenus,
Louis XI décide que, sur la recelte de Meaux, il sera tou-
ché 152 1. 1. ; sur les membres aliénés de cette recette ,
324 1. t. ; sur la recette ordinaire de Troyes, 551 I., et
sur les parties aliénées, 538 1.; sur la recette ordinaire
de Vitry, 100 1.. et sur les parties aliénées 152 1. ; sur
la recette ordinaire de Chaumont , 75 liv., et sur les
aliénations, 108 liv., i2).
(i) C'est ainsi que ce collège est désigné dans les lettres-patentes
de Louis XI.
(2) Ord, de$ rois de France, t. xvm» p. 578. ^ 16 février 148(X
1183 CHAPITRE XIV. 145
Le couvent des Jacobins de Troyes reçut , en 1439,
les restes mortels de Termite Jean de Gaud (1). Ces dé-
pouilles étaient honorées à régal de celles d'un bienheu-
reux , et la renommée de l'ermite était arrivée jusqu'à
Louis XI, qui invoqua son intercession à Toccasion d'une
maladie. Sans doute satisfait du résultat de ses prières,
en février 1482, Louis XI donne au couvent une rente
annuelle de 500 1. t., à prendre sur le domaine royal à
Troyes. Ce don est ainsi motivé : « Pour la grande, sin-
gulière et fervente dévotion que avons toujours eue et
avons à Dieu, notre créateur , à la glorieuse Marie , sa
mère, et l'église et couvent des a Jacobins de Troies, »
en laquelle a une singulière et dévotieuse chapelle com-
mencée , intitulée : la Chapelle de Nolre-Dame-des-
Orphelins, au devant de laquelle gît et repose le corps
d'un saint hermile, nommé « frère Jean de Guan, >
en son vivant hermitc de Thermitage de monsieur saint
Claude ; nous, étant assuré et informé de la bonne hon-
nête, saincle et salutaire vie qu'il a en son vivant menée
et conduite, ayant, par ce rnotif, en ferme propos et dé-
libération, qu'il soit sanctifié et exaucé avec les bcnoits
saints et saintes du Paradis, nous sommes voué et avons
eu recours en certaine maladie à nous naguères surve-
nue, de laquelle incontinent après notre vœu, par son
moyen, aide et intercession, comme croyons, sommes
venu à convalescence. Voulons etc. > (2)
A ce bienfait ne se borne pas la reconnaissance de
Louis XI. 11 fait d'activés démarches pour arriver à la
canonisation du bienheureux ermite. La mort le surprit
(t. st.). Cet acte est important au point de vue des aliénations du
Domaine^ faites par Louis XI, et Tétat de ce Domaine dans la pro-
Tince.
(i) Voir ci-dessus, page 7.
(2) Arch. dép., f. du Couvent des Jacobins, original, avec sceau,
signé du roi, daté du Plessis-les -Tours, de février 1482. — Gamusat^
Desouerrois, f> 394, vo, et 395, r», et suiv.
lit. 10
146 HISTOIRE DE TROYES. im
avant d'arriver à ses fins , et les poursuites, en cour de
Rome, cessèrent avec la vie du roi. Il avait écrit au Pape,
et déjà il avait Tait procéder à de nombreuses enquêtes
dans le but de faire constater les miracles attribués à
rinfliience du bienheureux Jean de Gand. L*exhumalion
du corps eut lieu. Il ftit placé sous un drap d'or donné
par Louis XI (i).
La dernière lettre-missive que les Troyens reçurent
de Louis XI, porte la date du 0 avril 44-83. Il leur an-
nonce que Simon de Quincey succède, à Troyes, au sieur
de Mareuil, en qualité de bailli. Ce Simon de Quincey
avait repris du service sous Louis XI, après avoir servi
avec ardeur la cause de Charles-le-Téméraire et de sa
fille, Marie de Bourgogne (2).
Les cordeliers sont à Troyes fort populaires et aimés
par les habitants. Beaucoup de ceux-ci font choix de leur
église et de leur cloître pour y être enterrés. Le curé de
l'église St-Jean se pourvoit contre cet usage. Les frères
mineurs résistent. Par sentence , les habitants furent
autorisés à se faire enterrer chez les cordeliers, soit
avec, soit sans Thabit de St-François (3).
Par un ancien usage , le chapitre de St-Ëtienne est
obligé de donner la sépulture aux corps des ecclésias-
tiques et des laïques décédés dans les prisons de Tévê-
(1) Desguerrois. La Saincteié chrétienne , loco ciiato. Il donne
copie de trois lettres de Louis XI et de Tenquéte poursuivie à
Troyes, en présence des commissaires royaux. Cette enquête révèle
le nom de l'Inquisiteur do la Foi, dans le diocèse de Troyes, en
1483. — C'est Pierre Frézet, docteur en théologie, jacobin. Il fit le
voyage de Rome pour obtenir la canonisation de Jean de Gand.
(â) Arch. mun., n. f., carton 48, 4« liasse. — La dernière lettre
que Louis XI adressa à Troyes, fut lue, le 23 mai, à la chapeUe de
St-Pierre. Le roi demandait un service pour le repos de rame d'E-
douard VIII, roi d'Angleterre, décédé le 4 avril précédent.
(3) Arch. dép.y /. du ConUli^n,
14S3 CHAPITRE XIV. 147
ché. Cel usage prit fin en 1475, par suite d'un échange
Fait de deux jardins entre Tévôque et le chapitre il).
Malgré les guerres de Louis XI, le commerce et Tin-»
dustrie continuent à se développer. Kn 1476, le com-
mandeur de St-Jean-de-Jérusalem, seigneur de Sencey,
aujourd'hui St-Julien, uni à Jean Leber (ou Le Bé) , son
fermier, demande rautorisalion de rcédifier les moulions
de Sencey, détruits, avec tant d'outrés, pendant la guerre
des Anglais. Une longue information eut lieu. Le bailliage
autorise, le i^^ aofil 1 477, les constructions projetées par
le commandeur. Le vannage des nioulins a cent pieds de
longueur (2). Dans ce barrage s'ouvrent deux grandes
vannes de dix pieds d'ouverlurc « tant pour monter et
> avaler les bateaux, que pour faire passer les glaces et
» les bois, et aussi pour mieux dégorger les grandes
» eaux. ^ Puis un coulis de 25 pieds de longueur doit
être établi , pour faire passer * les butins , glaces et
grandes eaux ^ Kn cas de réparation, le ferniier est tenu
de laisser couler, sans interruption, l'eau nécessaire pour
faire tourner trois ou quatre roues en temps de basses
eaux « alin que les moulins estans au dcssoubz et la ville
de Troyes n'aient cause d'eulx douloir, (se [)laindre.) »
La construction et l'entretien des dignes, en amont des
moulins, sont mis à la charge du propriétaire et du fer-
mier. Celte autorisation de construire n'est accordée qu'à
la condition que, s'il est un jour reconnu que les moulins
portent préjudice au roi, à la chose publique et au pays,
ils seront mis en tel état que, par justice, il sera ordonné
et même de les démolir, si le cas le requiei t, ainsi que du
reste il a été offert par le connuandeur et son fermier (3).
(1) Si3aLLART. T. ni, p. 105. Le jardin donné par Tévéque était
situé dans la rue qui mène à la Planche-Clément. II se nommait le
Jardin-aux -Clercs.
(2) En cet endroit, la Seine a aujourd'hui 31'" do largeur.
^3) Arch. muo., n.> A. A., t^<^ carton, 4e liasse.
148 HISTOIRE DE TROYES. i4S3
La construction des moulins de Sencev est achevée en
U79. — En 1486, le 29 mai, Charles Vlll , étant à
Troyes, autorise le fermier à percevoir dix deniers t. sur
«haque bateau ou nacelle, montant ou descendant, par
le vannag^e de ses moulins. Celte concession fut attaquée
par les Troyens, en raison du préjudice qu'elle portait à
la navigation.
Vers le même temps, le chapitre de St-Pierre, seigneur
de Vannes et propriétaire des moulins de ce village, tran-
sige avec son fermier, qui s'engage à établir un moulin à
papier et à rentretenir en bon état. A cette date remon-
terait la création des papeteries de Vannes, tenues plus
tard par la famille Le Bé.
L'industrie est, à cette époque, soumise à une police
fort exacte et les blanchisseries , les teintureries et les
tanneries sont, depuis leur origine sans doute, échelon-
nées sur le cours d'eau de Pétai ou des Trévois, puis
en ville dans les quartiers où nous les voyons encore
généralement , malgré les exceptions qui s'introduisent
et troublent l'ordre ancien, ce qui est regrettable. Ainsi,
un sieur Levcrt, voulant construire un moulin sur la
rivière de St-Jean-du-Temple ou Grand-Rupt, en est em-
pêché, comme lorsqu'il voulut élever un sureau placé
sur le rupt Cordé, aujourd'hui canal de la Haute- Seine.
Un autre industriel, voulant établir des ateliers de tein-
ture sur ce dernier rupt, près du pont de la Salle c des
lettres royaux > y mirent obstacle (1).
La ville de Troyes, déjà en réputation pour la qualité
de ses papiers, possède une imprimerie en 1483. En celle
année, sortit des presses de Pierre Lerouge le Bréviaire
de Troyes, qui porte la date de 1483 et le lieu de sa pu-
blication. Troyes est donc une des premières villes de
France qui posséda une imprimerie. Sans prétendre, avec
(d) Arch. d»>p., f. de St-Ktienne. Inv, des priviléyesy i474.
1483 CHAPITRE XIV. 149
Grosley, que l'imprimerie troyenne ait produit, dès 1464,
un règlement sur les foires de Champagne (dans ce der-
nier cas, les villes de Mayence et de Bamberg seules
auraientdevancé celle de Troyes) (1), notre ville précède,
sous ce rapport, Nantes, Orléans, Dijon, Reims, Rennes,
Heidelberg, Munich, Copenhague, Lisbonne, Hambourg,
etc. Les bibliophiles citent encore parmi les incunables
sortis des presses troycnnes : Les Postilles et exposilions
des cspistres et euvangiles dominicales.,, 1492. Puis, en
1496 : Les Privilèges et indulgences des Frères Mineurs
et PrcscheurSy en latin : le premier de ces livres sort des
presses de Guillaume Lerouge (2).
La culture du lin fut répandue à Troyes et dans les
environs, auXVe siècle. La preuve, c'est quon 1481, se
forme à Troyes, pour la première fois, la confrérie des
huiliers Ces confrères sont alors au nombre de 33 (3).
Cette confrérie choisit pour patron saint Jean l'évangé-
\\ ) Un exemplaire de ce tarif des foires de Champagne existe à la
Bibliothèque nationale : Champagne , n» 9852. — t% 2 : indication
de M. Ilarmand.
(2) La bibliothèque de Troyes possède un exemplaire des PostilleSy
qui lui a été donné par M. Corrard de Breban, en 1865. Un second
exemplaire du môme ouvrage est en la possession de M. le prince
de Lucinge, qui Ta acquis à Paris. — Recherches sur Vimprimerie^
à Troyes, par M. Corrard de Breban ; 2*^ éd., 1851. — 11 est pro-
bable qu'en 1481, on imprima à Troyes les Coutumes du Bailliage'
(Voir infrày page 152) , et, en 1487, les Lettres-Patentes de Charles,
VIII, portant établissement de deux nouvelles foires à Troyes. En
4486, révoque de Troyes, Jacques Raguier, achète» des emprimeurs
de Troyes, » les Décrétales, la Sixième ou la Scxte,l es Clémentines,
Perse, Térence, Juvénal, le Catholicon, la Bible, le Ilacionalc divi-
norum officiorum, Ratio et Modus, tous les Bartho, tous les Panory
et tous les Saly^ les Répertoires de Briniense et de Bartha , et
Texposition du Psaltier, et les fait enluminer par Jean Thierry, dit
de Brienne, régleur de livres d'impression, avec de l'azur, du ver-
millon, et du safran. (Arch. dép. - Evêché de Troyes, G., 3i7, re-
gistre). Troyes comptait donc, en 1486, plusieurs imprimeurs.
(3; Troyes ne possède aujourd'hui que onze maîtres huiliers, dans
la ville et les faubourgs.
150 HISTOIRE DE TROYES. \^\
liste, et célèbre sa fête dans ie couvent des iacohiii:^. —
Tout maître doit à la confrérie i d. t. [»ar s^^inaine. —
Tous les confrères soril lenus d'assister au senicc ci à
l'enterrement des maîtres décèdes, à peine de â s. t.
d'amende. — Le droit d^enlrée est tîxé à 00 s. t. , donl
iO, pour la confrérie et £0, pour boire ; les fils de mîu'lre
ne devant que cette dernière Sinanio. — L'élection dos
prudhommes se fait le lendemain ile la fête, en présence
d'un officier royal ; après rélection. ils doivent serment
en justice. — Les maîtres huiliers doivent obéissance
aux prud'hommes en ce qui touche le métier. — Ces
prud'hommes ont droit de visite chez Ions les confrères.
— Les huiliers doivent bon et loyal compte des huiles
fabriquées pour autrui. — Il leur est interdit de les mé-
langer. — La vente de l'huile ne doit se faire que dans
des vaisseaux d'une contenance déterminée et él.tloiuiée,
savoir: le quart de (jneue ou dcmi-muids doit contenir
six septiers ; la deini-(iueue ou niuids, vinj^l sepliers, et
la queue, quarante septiers, à peine d'ameinîe. — Les
huiles mises en vente doivent être bonnes, lovales et
marchandes. — Tout ouvrier ou serviteur, gagnant
argent, lève son cierge et paie pour ce cierge 20 d. t.
— Chaque confrère doit prendre le bâton à son tour.
Il n est |>as question <le chef-d'œuvre.
Les collerons ou lourrcliers, au nombre de onze, se
forment aussi en cori-oralion en 1-182. Cette corporation
existait depuis longlomps, car il est dit dans le proto-
cole : * Les originiinx des ordonnances ont esté et sont
perJuz et a<]iroz et ne les saroit-on recouvrer... » Dans
celte compagnie , le chef-d'œuvre est exigé, il se com-
pose d'un travail exécuté avec une ou deux peaux de
vache tannée et selon les ordres de deux maîtres, mais
qui, de préférence, doit être un harnais complet de che-
val de limon — Ce chef-d'œuvre doit être soumis à
justice. — Le droit d'entrée est fixé à 60 sous, destinés
1482 CHAPITRE XIV. 151
à Tentretien des quatre gros cierges de la confrérie qui,
de toute ancienneté, se fait à Téglise de St-Pantaléon,
le jour du Saint-Sacrement. — Tout apprenti, pour droit
d'apprentissage, doit 5 s. — Le droit d'entrée des fils de
maître est de 20 s. t. — Toutes les pièces du chef-
d'œuvre sont marquées d'un fleur de lys, placée au mi-
lieu d'un collier. — Le lendemain de la fête , se fait
l'élection des prud'hommes en présence de justice. —
Les élus prêtent serment. — L'assistance au service d'un
confrère trépassé est de rigueur.
En 4499, il fut ajouté à ce règlement : c Tout maître
et compagnon doit payer, chaque semaine, cinq deniers
pour acquitter une messe hebdomadaire, célébrée pour
la confrérie, et chaque maître doit faire chanter une
messe de Requiem pour l'âme d'un confrère trépassé (1).
Dans le cours de la même année 1482, les chapeliers,
au nombre de douze, font dresser leurs statuts au bail-
liage. — Un droit de deux dcn. t., par semaine, est dû
par chaque maître, et un denier, par chaque valet ga-
gnant argent. Le produit sert à faire célébrer, chaque
semaine, une messe au couvent des Jacobins. — La con-
frérie prend saint Jacques pour patron. — Tout ouvrier
ou valet doit, en commençant à travailler à Troyes, payer
2 s. 6 d. t., pour la confrérie. — Tout apprenti doit 5 s.
t. d'entrée. — L'apprentissage dure quatre ans. — Les
maîtres ne peuvent prendre qu'un seul apprenti. — L'en-
trée en maîtrise est de 60 s. t. — L'assistance au ser-
vice funèbre des confrères ou de leurs femmes est obli-
gatoire , et chaque maître doit faire célébrer un autre
service pour le défunt et autres trépassés. — L'élection
de deux maîtres se fait le lendemain de la fête de St-
Jacques. — Tous les confrères ou leurs femmes sont, à
peine de 12 d. t. d'amende , tenus d'assister aux vêpres
(i) Arch. mun., n. f., série Q., n« !«■.
152 HISTOIRE DE TROYES. im
lie la veille ol aux ofllces du jour de la fête. — Nul ne
peut faire chapeaux do poil de chèvre, do veau, de bœuf,
ni inellre bourre sur ses chapeaux, ni mettre en vente
chapeaux rompus, cassés ou percés, à peine de 20 s. t.
d'amende. — Toute chapellerie vendue à Troyes , fabri-
quée dedans ou hors la ville, est soumise à la visite des
prud'hommes, — La levée du cierge est de 15 d. t, —
En 1501, à ces statuts furent ajoutés quelques règles sur
la fabrication des chapeaux et l'obligation de faire chef-
d'œuvre, celle de ne recevoir que 20 sous pour les vins
de l'entrée en maîtrise, afin de prévenir les abus, ce-
pendant celui qui voulait payer plus, le pouvait (1).
En 1481, on s'occupe de la rédaction des coutumes
du bailliage, en exécution de leltres-palentes de Louis XI,
données dans la même année. Celte rédaction n'est pas
arrivée jusqu'à nous. Cependant elles ont été « rédigées
et imprimées en plusieurs et divers lieux et vendues pu-
bliquement, tant à Paris qu'en la ville de Troyes » (2).
Depuis longtemps , les rois de France ont abandonné
une pratique qui, si on en demandait aujourd'hui l'appli-
cation, paraîtrait bien exigeante ! Que penser, en effet,
de nos jours, de traités passés entre des souverains, et
soumis, non pas à une assemblée des Trois-Etats, mais
directement à l'approbation de leurs sujets. Il en fut ce-
pendant ainsi pour le traité du 23 décembre 1482, passé
entre le roi Louis XI, le dauphin, le royaume, leurs
pays, seigneuries et sujets, d une part, et d'autre part,
le duc Maximilien d'Autriche, ses enfants, leurs pays,
seigneuries et sujets. Ce traité contient cette phrase :
c S'il advenait, que Dieu ne doînt! que le roi ou mon-
> seigneur le dauphin, ou leurs successeurs, rois de
> France, y contrariassent en ce cas, lesdits Etats ne
(1) Même recueil que ci -dessus.
(2j Leghand. C4ontumes de Troyes^ Procès-verbal de compulêtnre,
3« édition, p. xxiii, tre colonne. — Avis à MM. les bibliophiles.
1482 CHAPITRE XIV. 153
» les aideront et favoriseront, ainçois (mais) au contraire,
» porteront tout aide, faveur et assistance à Mgr le duc
» (Maximilien), à son fils et à ses pays, pour l'entrete-
» nement dudit traité. (H. Martin, Hisloire des Français^
tome Vil, page 50). » Ce traite , fut en effet soumis à
Troyes, le 6 janvier 1482 (v. st.), à Tapprobation des
habitants du bailliage, gens d'église, nobles et outres du
tiers-état, t représentant les Trois-Etats au pays et au
» bailliage. ^ L'acte en fut dressé , sous le sceau du
bailliage, par Claudin et Savin , notaires de la cour et
juridiction de la prévôté de Troyes (1).
Pendant Tété de 14.81 , il se fit de grandes inonda-
tions, qui causèrent des dommages considérables aux
récoltes. Les prés furent sous Teau pendant tout le mois
de juillet. Les pluies continuèrent jusqu'en septembre.
Il y eut manque de récoltes à peu près complet. L'année
suivante fut Irùs-malheureuse. Une grande famine se fit
sentir dans toute la Champagne. Les mendiants devien-
nent si nombreux, à Troyes, qu'ils couchent sur les
places publiques et principalement sur celle des Changes,
La ville donne des secours à 2,800 pauvres. Il ne s'agit
pas, comme en 1477, de « quelques Egyptiens » qui
mendient aux portes des églises. Le conseil arrête que
les marchands ayant des blés, sur la rivière de Seine,
seront contraints de les amener en ville pour les besoins
de la population, qui manque de pain. La peste est si-
gnalée à Troyes, dès 1479. Elle dure encore en 1482.
Une partie de la population est frappée de mort, une
autre partie quitte la ville et se retire en Bourgogne et
en Lorraine, où les impôts sont moins lourds que dans le
royaume.
Dans ces pénibles circonstances , on fait à Troyes le
(i) Blq. nat^"»; Collection de Champagne, vol. 62, entre les folios
115 et i3i.
fi'îi HISTOIBE DE rnOYES. fiaf
.'p<^ns»>nii*nL te la oopaLibon. L* but est de s'assurer du
nnmbr'^ îe hoinMies ;i a.iurrii*, ec alors il y a intérêt à
sr^'i^^ir ie numbre «ier* iiabïtaiLt:*. Déjà, en 1478^ «lans un
mémo'pf^ ^itresdt» an roi, ii etjt liil: : c E v a an an , il v
a^ait «^n ville lie arL^-^e;)!; à vin^-hoit cents teux (ne),
payant taille. ta.ilU 'j'i'.l a y ea a pitis cette anuée que
I,M0*) eaviron, soitiaas an cas, H.*»X et dans lèse-
(iiitiii, t>,»») h.^bitaati Dans an receasemeat provoqué
p.* b tamiae de li8£, il est eoastaté offieiellement qu'il
y ^, à Troye^, I5,3*)t> pers*3naes, aon compris les men-
di;*nU. ^n nombre d'environ 3,000 fl).
Ijï Ville, à cette époqae. a plusieurs gardiens» de nuit
H d^'ionr. placée au beffroi et aux p«3rtes de la \-ilIe. Ils
vjftf. nornm»^ les Ptjrdes^sujt, et re«;oivent 21 L L de gages
^rintjel.^. Le voyeur du roi et celui de la ville reçoivent
chaque année * une robe de livrée à deux couleurs ibleu
f!i violet , à la charge de porter ces n^bes. On construit
à neuf le pont de Planche-Quenat, et le chapitre de St-
Mierre et les habitants de Troves sont en contestation
pour la réparation de celui de Jaillart. Par suite de tran-
saction, passée entre le chapitre de St-Pierre et les éche-
vins, en 1472, on arrête la démolition des étaux à pain,
placés rue de la Cité, au pied de la cathédrale. Leur em-
placement sera plus tard occupé par les logelles des
maçons, qui disparurent vers 1850.
Apres une suspension d'environ huit ans dans Texé-
cution de la charte d'cchevinage du 18 mai 1470, Louis
XI motive celle qu'il délivre en mars 1481 (v. st.), aux
Troycns, sur leurs bons et loyaux services, en confirma-
(1) Arch. rnun., n. f., A. A., carton , liasse . Délibération
(lii 10 rri;ii 1 iH'I (Ir* rocciisement est du 17 avril.) — Reims qui avait
alorn VI |iaroi»iH*îS « ne nornbra, à cette époque, que 10,678 habi-
l«fit*, HiiriN 1«'K p.'iuvn:H, rherchant leur vie, et qui étaient plus de
*2,000, vi HMris U'H tîfiiK des villages voisins, en plus prrand nombre que
luN Imbitiinh. n TkUhf:. liccherches sur Vhisioire du langage et
du patoia champenoiêy p. 79.
liSi CHAPITRE XIV. 155
tion des premières. Dans cet intervalle d'à peu près huit
ans, rexercicc des Ibnclions d'échevins lui suspendu.
Mais les intérêts de la ville sont confiés à une commis-
sion spéciale. Au mois de novembre 1-476, les habitants
nomment douze d'enlr'eux pour recevoir les comptes des
collecteurs. * Les douze élus , oti des douze les huit, i
entendront (orront) et aflineront tous les comptes des
receveurs et collecteurs de tout ce qui en reste à oyr
juscjucs au 12 aoCit dernier, qui est la date des hîllres-
patentes, octroyées par le roi aux habitants, et par les-
quelles il a pour agréable la distribution des deniers
communs d'icelle de tout le temps passé jusques à la
date desdites lettres. »
Il est en outre arrêté (|ue » Jean du Lutel et Etienne
«le Baussancourt signeront ♦ tous les mandements des
deniers de la ville, qui, par ey-devant, ont esté distri-
bués et ceulx qui doresnavant se distribueront, et ou, à
deflault de l'un d'eulx, ung notaire avec l'autre et que,
par vertu desdils mandements, ainsi signez, les receveurs
et collecteurs distribueront et délivreront lesdits deniers,
et l(Mir seront allouez en leurs comptes par les auditeurs
d'iceulx. :p
Ces auditeurs aux comptes, plutôt que conseillers de
ville, s'assemblent en la loge du prévcM, au couvent des
Frères-Mineurs, ou < en riiôtel-de-ville » pour délibérer
sur les intérêts qui leur sont confiés. A partir de 1479,
jusqu'à l'acquisition de Thôtel de Mesgrigny, qui devint
riiùtel-de-ville, ce conseil se réunit dans une maison
louée moyennant 7 1. t. par an du chapitre de St-
Urbain et située près de la collégiale de ce nom. Cette
maison fut désignée sous le nom de Chambre de l-Eche"
vinaffc et aussi à' Hâiel- de-Ville. On y plaça une cloche
pour appeler aux assemblées.
Louis XI, reconnaissant que les c besongnes, charges
et affaires communs de la ville demeurent en souffrance,»
156 HISTOIRE DE TROYES. I4n
que ses officiers sont occupés par ses affaires, et que
ceux qui ont été commis par ledit feu prévôt , Robert
d'EstouteviUe, sont occupés de leurs affaires, tandis que
d'autres sont passés de vie à trépas, il y a lieu de remettre
à exécution les lettres de 1470. Mais celles-ci reçoivent
des modifications importantes. Elles sont signées par le
roi et par « M« Jacques Le Coytier, président des
» comptes. »
Un maire et huit échevins sont donnés à la ville de
Troyes. Cinq peuvent conclure sur les faits de police. —
Le maire est élu dans l'assemblée générale et publique
de la St-Barnabé. — La durée de ses fonctions est fixée
à deux ans, sans pouvoir être continuée, sinon une fois
seulement, si les habitants jugent utile celte continua-
tion.
Les échevins sont élus, chaque année, le mardi ou
le mercredi de Pâques, par les échevins en fonc-
tions, les vingt-quatre conseillers de ville et soixante-
quatre notables, pour la première fois seulement ;
les années à venir, ils seront renouvelés quatre chaque
année.
La totale juridiction etconnaissance, en première ins-
tance de la police, conduite et gouvernement de la ville
et des habitants, et de toutes questions et procès, du fait
de la police, est accordée au maire et aux échevins. La
propreté des rues, le pavage , l'entretien des rognU des
rupts, ruisseaux et rivières, tant pour ceux qui sont au
dessus et au dessous de la ville que pour ceux de Tinté-
rieur; le soin à donner aux cheminées pour éviter le feu;
• faire faire retraiz et privez es bonnes maisons et à
ceulx qui auront de quoy le faire ; » faire réparer les
ponts, chemins et avenues de la ville ; fixer les prix et
donner provision sur les vivres ; la police des marchés ;
défendre aux rcgratiers d'acheter ailleurs qu'au marché.,
et aux heures fixées ; entretenir le cours des rivières et
i4g2 CHAPITRE XIV. 157
ruisseaux des prairies et pâtures de la ville, et faciliter
le cours des rivières et ruisseaux.
Les appels des sentences de Téchevinage sont portés
au bailli, et du bailli au Parlement de Paris.
Le maire et les échevins peuvent contraindre les con-
damnés par amende arbitraire, et les faire mettre aux
prisons royales, d'où les détenus ne sortiront que par
Tordonnance du maire et des échevins.
Les amendes profiteront aux fortifications.
Le maire et les échevins ont le droit d'instituer des
sergents pour Texercice de leur juridiction.
Ils ont pleine puissance et autorité pour entendre,
examiner, clore et terminer les comptes de la ville,
contraindre les comptables par prise de corps, et défen-
dre aux officiers royaux de connaître de ces comptes,
sauf la clôture du compte général des deniers communs,
qui se fera en présence du bailli ou de son lieutenant.
Ils ont des conseillers, procureurs, clerc et greffier,
voyeur, contrôleur, maître de la maladrerie des deux
eaux, maître des œuvres et édifices de la ville, concierge,
sergents et autres officiers, dont les gages sont fixés par
rassemblée de la Saint-Barnabe. Si cette assemblée dé-
cide qu'aucun gage ne sera accordé à ces officiers, ils
ne devront en toucher aucun. Les greffier, sergents et
concierge ne peuvent prendre d'autres salaires que ceux
qui sont fixés par le maire, lesquels sont affichés en lieu
public, en l'hôtel commun de la ville.
Un hôtel doit être acheté ou construit pour servir
d'hôtel-de-ville.
Les maire et échevins peuvent assembler la commu-
nauté des habitans de Troyes, pour avoir leur avis et
conseil, en faisant appeler les officiers du roi.
Dans le cas où < aucuns meus de bonne charité et
aymans le bien public de la ville, > donnaient quelques
fiefs ou biens nobles , ou si le maire et les échevins
(58 HISTOIRE DE TROYES. f4âS
achetaient fiefs ou maisons, les finances dues au roi se-
ront em[»loyéL> aux fortifications.
l'es nouvelles lettres ne Sî"*nt pns appliijuées sans
soulever d't'-nergiques protestations chez les offîcieps
rovaus.
Au Gran 1 Conseil, leur [lubîication ne soulève aucune
difficulté. Elle eut lieu le :20 février 1182 [\ st.).
A la Chamhiv «les oonijites, le proeui'eur du roi, à
Troyes, s\»ppo>e avec force à renregistrenienl. Il prétend
qu'elles impliquent ralii'»nalion «l'une partie du domaine
du n"'i, la crration d'une judicature nouvelle, dont les
habitants n'ont jamais joui ».c- qui était vrai , et que les
Iftlres n'étant pas revélues de la signalui-e du roi, ni de
celle irun secrétaire des linanoes. les Itahitanls de Troves
•
ne peuvent en fiuro usage. * Si ces lettres sont enre-
gistrées, ' dit-il, i elles porteront un préjudice de plus
de trois millo livres, par an, r.u domaine royal. » Le
procureur du roi prétendait encor»^ que les notables ha-
bitants de Troyes n'approuvaient pas la restauration île
l'échevinage, poursuivie seulemont par le procureur de
la ville » pour cuiiîv^r fiiViir !a vrpande et damnable
entreprise nouvidle que selforçaient de faire quelques
particuliers. > (>ux qui poursuivent rétahlissenienl de
réchevinajrc, < font jrraiules marchandises par terre et
par ni*^r, > ils ne pourront faire les afiaires du roi ni
celles de la chose publique de la ville. En àonnaot au-
torité et juri«liction à la communauté des habitants, ce
sera ôter et diminuer l'autorité et la juridiction du roi,
et taire de sa ville de Trovos, liiie tk C'Wmnnf. Néan-
moins, il paraît y avoir une parfaite union dans la com-
munauté des habitants. On ne voit d'opposants dans
lenquéte faite par Pierre Hennequin , conseiller en la
Chambre du Trésor, que les ollîciers, serjcents et fer-
miers royaux, qui craipient de voir amoindrir leurs droils
et leurs revenus.
1483 CHAPITRE XIV. 160
Néanmoins cette nouvelle charte, par Tordonnance de
Me Pierre Hennequin, fut publiée en la cour du bailliage,
le 3 juin 1483, après une longue et minutieuse enquête,
qui ne contenait pas moins de cent vingt feuillets, y
compris le procès-verbal et la sentence.
Peu après cette date, Téchevinage faisait exécuter son
scel et contrescel en argent: signe visible et matériel de
sa juridiction.
Le Parlement n'accueillit sans doule pas favorable-
ment rétablissement de la mairie et de Téchevinage de
Troyes. Car, peu après la mort de son père, Charles VIII,
en octobre 1483, confirme les lettres de Louis XI et en
ordonne Tcnregistrement à la Cour des comptes et au
Parlement. Il motive son injonction sur ce que les habi-
tants de Troyes peuvent croire que les lettres de 1481
sont surannées, que ni les unes ni les autres ne sont
signées par un secrétaire des finances et que son procu-
reur et ses autres officiers contredisent et empêchent
leur exécution « sous couleur desdites choses. >
Malgré ces nouvelles lettres , renregistrement au
Parlement se fit attendre pendant environ dix ans.
Un conseil composé do douze échevins administra les
affaires communes. Il n'y eut pas de maire en titre, mais
UD président élu par ce conseil « afin de mettre en avant
> les matières et affaires communes et recueillir les
» voix. > Néanmoins, pendant cet intervalle, «lean de
Marisy se qualifie de maire.
Louis XI mourut au Plessis-lès-Tours , le 30 août
1483. Cet événement fut annoncé aux Troyens par deux
lettres écrites d'Âmboise. L'une, du 31 août, par son
fils, qui fut roi sous le nom de Charles VIII, et l'autre, du
l^r septembre, signée de Pierre de Bourbon, sire de
Beaujeu et comte de La Marche, gendre de Louis XI. Ces
lettres, apportées par un chevaucheur de récurie du roi,
160 HISTOIRE DE TROYES. 1483
n'arrivèrent à Troyes que le 14 septembre. CharleR VIII
demande des prières pour son père (1).
Le chapitre que nous terminons sert de trait d'u-
nion au moyen- âge qui s'éteint et à la renaissance
qui apparaît. Pendant le règne de Louis XI, la France
est encore agitée par des guerres qui aboutissent à la
réunion à la couronne des grands fiefs créés sous le
règne du roi Jean et sous celui de son fils Charles V. A
cette date, commence en réalité la centralisation admi-
nistrative, qui conduisit à la monarchie absolue. Les
guerres de Louis XI ne sont ni aussi cruelles ni aussi
longues que les guerres des trois Charles. Sous la der-
nière moitié du règne de Charles Yll, la France a cica-
trisé en partie ses anciennes et profondes blessures,
celles que lui firent les guerres de Louis XI sont moins
vives et moins profondes. Il y a, du reste, dans la lutte
contre le duc de Bourgognes, une idée nationale : celle
de la réunion de ses vastes domaines à ceux du roi de
France, pensée qui animait déjà les Champenois dans
leurs conquêtes, de 14:29 à 1435, et dans leurs pour-
suites contre les Anglais.
Ces guerres terminées, la paix reparaît dans la Cham-
pagne méridionale, et, avec la paix, la sécurité, le tra-
vail, l'industrie, le commerce, puis les arts, qui, pour se
développer, ont besoin d'une grande tranquillité et de la
prospérité privée, qui mène à la prospérité publique.
La bourgeoisie prend une place dans les affaires pu-
bliques, qu'elle n'a point encore occupée et qu'elle con-
servera pendant tout le XVl»- siècle. Son développement,
à Troyes, sera tel, qu'un grand nombre de ses membres
parviendront à la noblesse, soit par la voie des armes,
soit par l'acquisition de fiefs, achetés de nobles appau-
(1) Arch. mun., A. A., 48« carton, 4» liasse.
XV 8. CHAPITRE XIV. 161
vpis, OU de fiefs, créés dans de grandes seigneuries, à la
suite de défrichement et de mise en culture de terres
abandonnées, soit par les offices de judicature. La car-
rière de la magistrature est surtout celle qui obtient la
préférence dans la population enrichie de la ville de
Troyes (1). Celle des armes la captive moins. Elle a plus
de goût pour la législation et l'application des lois. Elle
aime le travail et Tétude, — L'éclat n'est pas ce qu'elle
ambitionne. Son aspiration ne tend point à une grande
fortune, mais à une aisance, qui lui assure la salisfaction
de ses besoins matériels et lui donne cette indépendance,
où les individus comme les nations trouvent leur plus
grande force. L*ancienne noblesse, suivant les guerres
d'Italie, laisse à la bourgeoisie le champ libre au déve-
loppement de ses goûts et de ses penchants. La bour-
geoisie domine dans la Champagne méridionale. Elle
occupe, à Troyes, la première place.
A partir des règnes de Charles Vil et de Louis XI, se
forme ce groupe compacte dont l'élévation aux aff*aires de
l'Etat et à la noblesse est due à son travail, à son amour
de l'ordre, à son aptitude au commerce et à l'adminis-
tration. Ce groupe se compose principalement des fa-
milles Jouvenel des Ursins, Hennequin , Mole, de Mes-
grigny, deMauroy, de Baussancourt , Le Bouchcrat ,
Coëffart, Largentier, Huyart, Corrart, Angenoust, Dori-
gny, de Corberon, Bareton, Perricart, Lepevrier, Le
Tartrier, Léguisé, Le Mairat, Le Gras do Vaubercey,
Marisy, Bazin, Paillot, etc., qui prennent date dans les
affaires publiques, pendant le XVe siècle. Do ces familles
sortiront une foule de magistrats, qui peupleront le
bailliage de Troyes et atteindront les hautes Cours de
(1) Du xve au xvu« siècle, nous avons pu compter plus de cent
membres issus de famiUes troyennes et appartenant surtout au
Parlement de Paris, comme Conseillers , Présidents et Premiers-
Présidents.
IIS. 11
163 HISTOIRE DR TROIiTS. xv«&
J:;st;o^. U Pèf.^iienl, la Cour de> Aides, celles des
Cixripto*. iltr> Monnaies, etc. L'û grand nombre de ces
farûi.leà s^jut encore représentées à Troyes, à Paris et
ddos DOS contrées.
CHAPITRE XV
l>o Scptexnbro 1^183 à Jaii-vioT» irîtrs
SOMMAIRE :
Charles VIII informe les Troyens de la mort de son père. — Les
Troyens assurent le roi de leur obéissance. — Leur serment de
fidélité. — Exemption d'impôts. — Garnison , à Troyes , de
lances écossaises. — Jacques Raguier, évéque de Troyes;
Festin donné lors de son installation ; de la famille Raguier. —
Le duc d'Orléans , gouverneur de Champagne. — Réaction
contre le gouvernement de Louis XI. — Etats généraux de
1484. — Députés du bailliage ; instructions qui leur sont don-
nées; indemnités qu'ils reçoivent; remontrances au roi. —
Impôt levé sur l'élection : répartition par quartier. — Mésintel-
ligence du roi avec le duc d'Orléans. — Guillaume Huyard et
Etienne de Baussancourt, députés vers le roi. — Nouvelle lettre
du roi aux Troyens. — Nouvelle députation au roi. — Garnison
refusée par la ville, qui lui ferme ses portes. — Charles VIII,
à Troyes; son entrée; fêtes. — Les Troyens déchargés des
tailles. — Création de deux nouvelles foires. — Privilèges rela-
tifs au ban et à l'arrière-ban. — Nouveaux statuts de la cor-
donnerie , bazanerie et savaterie ; des gipponniers ; des épin-
gliers, des selliers. — Banlieue de Troyes ; moyens employés
pour sa délimitation. — Rachat dé certains droits royaux ; Mise
ferme des droits de la vicomte et autres. — Secours contre
les incendies. — M. d'Âlbret d'Orval^ gouverneur de Champa-
gne. — Les Enfanta de la Calamité secourus par la ville. —
Travaux en faveur de la navigation. — Guerre en Bretagne ;
succès de l'armée royale. — Privilèges des maîtres des mines et
forges ; des papetiers de Troyes. — Statuis des boulangers. —
404 IllSTOIllE DE TROYES.
Arrestation, à Valoncicnnes, de liiijjuenin Lepevrier. — Secours
accordés au roi, à roccasion de la guerre. — Pesage des hydro-
piques. — Procès entre le prieuré de St-Quentiii de Troyes et
le chapitre de la ville do Sl-Quentin. — Rachat du poids du roi.
— Des lépreux ; règlement intérieur ; mesures de police ; noms
de quelques maîtres de la Léproserie. - On craint une attaque
des Allemands ; mesures de sûreté ; le ban et Tarrière-ban con-
voqués aux Grandes-Chapelles. — Recensement à Troyes et par
toute la France — Aumônes à des prédicateurs. — Des ar-
chers, des arbalétriers et des arqu«»busiers. — Visite de la
Barse et de la Seine, dans l'intérêt de la navigation. — Le prévôt
des marchands de Paris fait exécuU^r des travaux sur les rives
de la Barse. — Du port de Croncels. — Nouveaux impôts. —
Envoi d*armes , à Troyes, par le roi. - Des écoles; état de
Tinstraction. — Enregistrement au Parlement des lettres de
l'échevinage. — Installation de Téchevinage par M. Angenoust,
conseiller au Parlement. — Attributions des maire et écbevins.
— Mesures de police. — De la peste ; des remèdes employés ;
de la syphilis ; mesures prises à l'occasion de cette double épi-
démie. La marée fraîche arrive à Troyes. — Statuts des
tonneliers; jauge des futailles. — Acquisition de l'hôtel de Mes-
grigny pour y établir l'Hôtel-de-Ville ; Trésor ou chartrier. —
Etudes ayant pour but de faire arriver à Troyes l'eau de la fon-
taine de Nuisement ou de Nago. — Postes établis à Troyes , au
Pont-Huberl. — Aides ; à celte occasion^ réunion, à Troyes, des
députés de Champagne. — Aumônes faites par l'échevinage à
rCÈuvre de la cathédrale. — Achèvement da la Belle-Croix ;
artistes qui y ont travaillé. — Pèlerinages à la Belle-Croix. —
Juridiction de l'évoque et du chapitre de St-Pierre. — Transac-
tion à cet égard. - Servitude résultant du voisinage des fortifi-
cations. — La Tour-au-Mître réparée. — Police industrielle. —
Produits de la ferme des Chaussées. — Nombre de roues de
moulin dans les eaux de Troyes, en activité en 1493. — Nais-
sance du 2c fils de Charles VIII ; réjouissances à cette occasion.
— Mort du roi. — Serment d'obéissance prêté par les Troyens.
— Des troupes sont dirigées sur la Bourgogne ; l'arrivée de
Louis XII est annoncée à Troyes. — Le roi ne vient pas. — ÎOO
gentilshommes et 200 arbalétriers en garnison à Troyes. —
Envoi d'armes sur Langres. — Les archives de la ville mises
dans des coffres. — Les ducs de Gueldres et de Juliers , à
Troyes ; puis la reine Anne de Bretagne. — Cession de biens
refusée pour dettes de foire. — Règlement sur la vente des
denrées de consommation. — Office de perceur de vin. — Sin-
gulier usage pratiqué aux Rogations, à l'abbaye du Paraclet. —
Lous XII, (le nouveau attendu à Troyes ; bizarre ordonnance de
police à cette occasion. — Grands travaux aux poriesy
CHAPITRE XIV. 165
et autres ouvrages de fortification. — Enceinte fortifiée ; son
étendue; noms des portes, tours et plateformes. — Description
de tous ces ouvrages au premier quart du XVJe siècle. — Res-
sources avec lesquelles s'exécutent ces travaux. — Aspect général
de la ville de Troyes. — Population , son développement par
quartiers. — Mesures de police à Toccasion des pèlerinages à
la Belle-Croix. — Le roi doit venir à Troyes recevoir les ambas-
sadeurs du roi des Romains et ceux de TEinpire. -- Marguerite
d'Autriche vient à Troyes. — Navigation de la Seine et de la
Barse. — De la dîme des laines. — Procès de presse fait à un
iroprim&ur de Troyes. — Cherté des grains. — Arbalétriers :
leurs buttes. — Statuts des bonnetiers. — Crieurs de nuit. —
Etats généraux, à Tours, en 1506. — Détails sur cette assem-
blée et sur le retour des députés à Troyes. — Leur vote
approuvé par acte notarié et par plus de 1,200 habitants. —
Demande de suppression d'impôts, qui seraient remplacés par
des droits levés sur des marchandises. — DifOcultés, sur les
prérogatives de l'échevinage, avec les gens du roi. — Fondation
de la tour St-Pierre , à la cathédrale , en 1506 ; on exécute les
plans de Martin Gambiche. — Suppression du jeu de la Pe-
lotte à St-Elienne ; de la scène des Trois-Maries, de la Descente
du St-Esprit. — Procès contre les Urebecs. — De la vicomte,
de ses droits utiles. — Rachat, par les Troyens, de ces droits et
d'autres coutumes féodales — Réglementation du boisseau de
Troyes. — Adjudication de la ferme de la Maille. — Procès avec
la Compagnie française, à Toccasion du transport du sel par la
Seine. — Destruction des cheminées en bois et murots. — Ad-
ministration de la léproserie par l'échevinage. — Dîners de
l'échevinage; distribution de toiches de cire et d'hypocras. —
Bandes d'aventuriers aux portes de la ville. — Discussion et
rédaction de la Coutume de Troyes; ses principes libéraux; de
la noblesse ; de la bourgeoisie ; de l'adage : Nul seigneur sans
titre^ (1481-1509). - Des Hoirs -Musnier ; du Bancelinage. —
Entrée de Louis XII à Troyes ; son séjour. Statuts des dra-
piers et foulons-tanneurs ; des tondeurs de draps ; des aiguille-
tiers ou lormiers. — Confrérie de Sl-Louis et de St-Yves, ou
de la Justice. — Portage des vins ; droit du Méreau sur le vin,
fixé selon les pays de production. — Ordonnance sur les ali-
gnements des rues. — Jury d'expropriation. — Couvertures
d'étrain et d'aissis interdites à Troyes. - Impôts royaux pris à
ferme par les habitants de Troyes, et répartis sur différentes
corporations. — Liberté des transactions commerciales. —
Hauts-Passages affermés par les Troyens. — Largeur des toiles.
— Indulgences en faveur de la cathédrale ; fondation de la tour
St-Paul ; noms des architectes ou maçons. — Mesures de sû-
reté piises à l'occasion de la guerre. — Des arquebusiers. —
166 HISTOmE OR TROYES. I4g3
Projet (!o construction d'un Hôlel-de-Ville ; réparations à Tancien
Hôtel. — On craint les Anglais; Dons patriotiques gracieux
levés par les Troyens sur eux-mêmes, de 15 en 15 jours. - Les
Suisses (levant Dijon ; Traité. Le duc de Bourbon à Troyes.
— Lettre de Louis XII, nouvelles mesures prises à l'occasion de
la jruerre ; Emprunts ; la cloche de Beffroi convertie en canons.
— Le domaine royal au bailliage de Troyes. — Primes payées
pour la destruction des aigles. — Nouvelles craintes de la guerre.
— Emeutes à Toccasion de la levée d'un impôt. — Projet dé
modification de la charte d'échevinage. — Mort de la reine
Anne; 2» mariage de Louis XII; sa mort; regrets* universels.
— Correspondance de Louis XII avec les Troyens.
Charles VIII, en annonçant la mort de son père, in-
vite les Troyens à rester unis et soumis à son obéissance,
et de manière que chacun vive en sûreté, repos et tran-
quillité. Vivant ainsi, il les aura t en spéciale et singu-
lière recommandation, comme ses bons, vrais et loyaulx
subgectz. * Le jeune roi , par une lettre aux élus , dé-
charge les habitants de Troyes du paiement des tailles
pour le quatrième quartier de Tannée.
Le 24 septembre 1483, les Troyens répondent au roi.
Ils le remercient de la remise qu il leur a accordée sur les
tailles. Ils rinformenl de la célébration d'un service fu-
nèbre pour le repos de Tâme de son père. Ils ont pour\'u
à la garde de la ville, avant la signification du décès du
feu roi et aussitôt qu'ils en ont eu la nouvelle certaine.
Des députés seraient déjà en route, si ce n'était c un
peu de peste qui a cuurs en ville, mais qui s'appaise. »
Ils lui envoient leur procureur pour prendre ses ordres
et l'assurer de leur obéissance en toutes choses (1).
En môme temps, les habitants de Troyes écrivent à
Pierre de Bourbon , sire de Beaujeu, et l'assurent de
leur fidélité au roi. Ils enverront bientôt leurs députés
pour prêter, en leur nom, serment d'obéissance. Enfin,
une troisième lettre est adressée à Simon Hennequin,
(1) Arch. mon., n. f., A. A., carton 48«, 5« liasse.
ilê3 CHAPITRE XV. 167
conseiller au Parlement, afin de savoir à quelle époque
les 4)onnes villes prêteront serment d'obéissance au roi,
et quand les députés de Troyes pourront être reçus.
La ville fait, peu après, par ses députés, son serment
d'obéissance au jeune roi. Elle obtient une exemption
â*impôts sur les menus vivres et sur la boucherie. Elle
parvient à faire désister le sieur de Montagu-le-Blanc de
sa charge de capitaine de la ville, office qu'à toutes les
époques, les habitants repoussent avec énergie. Elle fait
confirmer ses privilèges d'arrêt ainsi que ceux des
foires (\). Ses envoyés s'informeront si on pourrait ren-
trer en possession des registres de l'échevinage, produits
au Parlement dans l'instance relative à l'entérinement
des lettres de Louis XI sur l'échevinage.
Quoique la ville soit dispensée du logement des gens
de guerre, il lui est envoyé une garnison de soixante-dix
lances écossaises. Une assemblée générale des habitants,
du 5 janvier 1483 (\. st.j, refuse de recevoir cette gar-
nison. Elle fait dresser acte de sa résistance par deux
notaires royaux.
Dans le cours de 1483, Louis Raguier, devenu vieux,
eut, de par le Pape, un coadjuleur nommé Jean Verne,
et peu après, il fait passer l'évêché de Troyes sur la tête
de son neveu Jacques Raguier , fils d'Antoine , seigneur
de Poussey. Cette famille de financiers, originaire de
Bavière, était arrivée en France avec la reine Isabeau.
Elle fit une rapide fortune, et sous les règnes de Charles
VI, Charles VÎI et Louis XI, elle jouit d'un grand crédit.
Louis Raguier, d'abord conseiller-clerc au Parlement,
fut, étant évêque de Troyes , président de la cour des
aides et abbé de Montier-la-Cellc , et Jacques le devint
de l'abbaye de Montiéramey, ou, comme on disait alors,
(1) D*octobre à décembre 1483. — Arch. mun., a. f,, — lay. 2».
Liasses 7 et 10. Gartolaire, f>« 89, dS, 99 et 101 .
IflS IMSTOinF PR TROYES. 1488
a'IininislrateiM- de ces abbayes. Ce chemin fut celui que
Toti suivit jusqu'au concordat, pour mettre les abbdyes
en commande ou les séculariser.
La lamille Raguit^r élait fixée dans le diocèse de
Troyes. Kilo possédai l, près de Méry , la seigneurie de
Poussoy, Tune des quatre baronnies de la Crosse. Au
temps de la réforme cl des guerres de religion, elle prit
une part active, dans le camp des réformés, qu'elle aida
do sa fortune et de son crédit, restés fort puissants dans
la contrée.
Les Raguier étaient riches de patrimoine et d'abbayes,
placées en économat entre leur mains. Louis fêla son
élévation au trône épiscopal, par un banquet digne de
Pantagruel. On y consomma 349 lapins, 42 cabris ou
chevreaux, 4 sepliers de crème, 24 livres de sang, 500
poires, 29 pintes de vinaigre, 315 tartelettes; sans
compter le vin pris dans les caves de Tévèché, le pain et
autres provisions accompagnant nécessairement un pa-
reil menu. Ce repas fut préparé par 17 cuisiniers , et
113 individus étaient chargés de tourner les rôtis: le
tournebroche n'était pas encore inventé (1).
La réaction contre le gouvernement de Louis XI ne
se fait pas attendre. Ce gouvernement de violences , de
cruautés, de concussions, d'abaissement des caractères,
de violation de toutes les règles financières et adminis-
(1) Arch. dép., f. de ri^:v»?ché, G. 315.
Selon Tune des histoires manuscrites de Montier-la-Celle, de Don
Titon, Prieur de cette abbaye, les abbés coinmandataires étaient peu
respectés des religieux. L'auteur dit, de Louis Raguier, qu'il fut
abbé de Monlier-la-Gelle, on ne sait par queUe voie. Ce fut le pre •
raier abbé commandatair*^, et il lit en sorte que son neveu lui suc-
céda. D Titon exprime ce fait dans ce distiche latin :
Cum Deus oynnipotens privaret semine clerum,
Ad Satanœ votum successit turba nepotum.
Distique qu'il traduit par ces vers laoniens :
Dieu a jadis d'enfants délivré le clergé,
Que Satan, puis après, a de neveux chargé.
1183 CHAPITRE XV. 169
tratives, est attaqué par les enfants du feu roi , Charles
VIII et sa sœur, Madame de Beaujeu. Dès le 22 septem-
bre, les aliénations si considérables du Domaine royal
sont révoquées ; Olivier-le-Daim , comte de Meulan, est
pendu à Monlfaucon; le médecin Coictier, qui, de mé-
decin, était devenu vice-président de la Chambre des
comptes, conserve la vie, mais il est contraint d'aban-
donner toute sa fortune. Toutes les mesures prises contre
les anciens habitants d'Arras sont rapportées ; ils peuvent
rentrer dans leurs foyers, et les ménagers < de France >
qui n*ont pas succombé à la faim ou à la maladie, sont
libres de retourner dans leur patrie.
Bien que dans le gouvernement, il y eût le parti de
Madame Anne et celui du duc d'Orléans, tous deux
furent d'accord sur la convocation des Etats généraux.
En effet, dès le 24 octobre 1483, les Trois-Étals du
royaume sont convoqués pour le l«r janvier, d'abord à
Orléans, ensuite à Tours, et l'ouverture en est faite le 5
janvier.
Les convocations no paraissent pas adressées seule-
ment aux habitants des bonnes villes et de quelques
autres. Pour le bailliage de Troyes, le bailli fait publier
son mandement dans toutes les châtellenies de son an-
cien ressort, composé des onze mairies royales, com-
prises de la prévôté de Troyes , et des seigneuries de
Montiéramey, Arcis, Nogent et Pont-sur Seine, St-Flo-
rentin, Ervy, Méry, Joigny, Traînel, Marigny, Praslain,
Villemaur, St-Liébault (Estissac) , l'Ile-sous-Montréal ,
Tabbaye de More, Chaource, Vendeuvre, Fontette, Islc
(Aumont), St-Phal, Coursan, Maligny et Chacenay. Une
première élection a lieu dans les mairies et châtellenies,
aiin de désigner les citoyens chargés de procéder au
chef-lieu du bailliage à Télection des députés aux Etats,
et d'apporter les doléances et les remontrances qui doi-
vent servir à composer le cahier du bailliage de Troyes.
170 HISTOIRE DE TROYES. U83
Avant le 15 décembre, les élections sont faites et le
cahier du bailliage est rédigé.
Pour le bailliage de Troyes, Télu de la noblesse est
Philippe de Poitiers, de la maison de Valentinois, sei-
gneur d'Arcis. Le clergé est représenté par Nicolas de la
Place, doyen de St-Pierre, abbé de Montier-la-Celle, et
neveu de Louis Raguier (1). Les élus du Tiers sont Jean
Hennequin aine, marchand, et M<* Guillaume Huyart, li-
cencié ès-lois et avocat du roi au bailliage.
Les instructions données aux députés méritent-elles le
nom de cahiers? nous ne saurions le dire. Toujours
est-il que les députés emportent avec eux des instruc-
tions ou procurations qui en tiennent lieu. Ces procura-
tions sont dressées en assemblée générale. Celles du
bailliage de Troyes ne sont point parvenues jusqu'à
nous. Mais leur existence ne laisse pas de doute. Le 15
décembre 1483, le maire et les échevim ^vrèieni que :
€ Outre les articles faits et délibérés par les Trois-Etats
» du bailliage tenus et auxquels furent élues trois per-
j» sonnes pour aller aux Trois Etats que le roi a ordonné
» être tenus à Orléans, au mois de janvier prochain, il
» sera requis que Timposition foraine soit levée aux ex-
• trémités du royaume et non par les élections, qui sont
» lointaines des extrémités dudit royaume, pour éviter le
» grand dommage que souffrent les marchands , an
» moyen de ce qu'elle se lève par chaque élection. —
» Item, sera en outre remontré la charge des tailles qui
» pèse sur la ville et sur le pays, laquelle est plus grande
(1) L'historien de Montier-la-Celle est plein de (lel contre les abbés
commandataires. Sur Nicole de La Place, il dit que l'habit ne fait
pas le moine, et que la mitre et la crosse ne firent pas de lui un
abbé ; puis encore qu'il n'avait ni bec ni on<rles pour défendre la
manse des religieux, et qu'il n'en avait que pour retenir et manger
ce qu'il pouvait prendre sur les biens de l'abbaye
DoM TiTON, Ilist. manusc. de Monticr-la-Celle , écrite vers
ItTTO.
1183 CHAPITOB XV. iTi
» qu'en aucun autre du royaume , afin d'en avoir la
» plus grande diminution que faire se pourra > (1).
L'assemblée bailliagère fixa la somme qui fut levée
pour subvenir aux frais de voyage et de séjour des
députés La ville de Troyes fournil à elle seule 260
liv. t., inscrites aux dépenses des comptes du grenier à
sel.
La répartition de la somme, levée pour indemniser les
députés du tiers-état, n'aurait pas été faite dans d'égales
proportions. Ils auraient été payés selon leur qualité, cl
môme selon leur train habituel de maison. L'un d'eux a
six chevaux pour lui et sa suite. Dans un mémoire judi-
ciaire du temps, on lit : t Quant aux députés du bail-
liage de Troyes, ils cheurrent et accordèrent avec les
gens des chastellcnies et les habitans de Troyes, de leurs
salaires et despens, à telles sommes que bon leur sembla,
c'est à savoir : à l'un plus et l'autre moins, à icelles
sommes prendre sur les impôts qui s'en feraient, dont
les habitans de Troyes payèrent leur quolte, et n'y eut
aucune autre taxation. A la vérité, il est \Tai que quelque
accord qui ait esté faict avec eux touchant ledit voyage,
ils n'en seront jamais payés à la moitié, au moyen de
plusieurs des imposés qui ne veulent s'exécuter. »
La question de rémunération des députés du Tiers
aux Etals de 1484, né fut pas seulement soulevée dans
l'assemblée du bailliage de Troyes. Elle fut, d'une part,
vivement débattue à l'assemblée des Etats par deux dé-
putés appartenant à Troyes, celui de la noblesse, Phi-
lippe de Poitiers et un avocat de Troyes, et cet avocat
n'est autre que Guillaume Huyart, et, d'autre part, les
députés du Tiers-Etat et celui du clergé de Troyes de-
mandèrent une indemnité dont ils avaient, disaient-ils,
le plus pressant besoin.
(1) Arch. mun.
172 HISTOIRE DE TROYES. 1433
Le 25 janvier, De la Place, Hennequin et Huyart c font
savoir que nécessité est de les pourvoir d'argent, pour
subvenir à leurs dépenses, ou sinon qu'ils seront con-
traints de requérir congé et do quitter Tours. » Dans une
assemblée générale, tenue par les Trois-Etats de la ville,
il est arrêté qu'attendu qu'il est notoire que, dans la plu-
part des bonnes villes, les gens d'église et les nobles font
chacun en droit soi et fournissent aux frais des députés
par eux élus et envoyés aux Etats, il n'y a lieu, par les
habitans, de les rétribuer ; qu'il en est autrement pour
Jean Hennequin et Guillaume Huyart, et que c pour M.
De la Place, c'est aux gens d'église à lui envoyer de
l'argent » (t).
La question fut débattue aux Etats. Les orateurs de la
noblesse et du tiers furent Philippe de Poitiers et Guil-
laume Huyart. Cette discussion est curieuse à plus d'un
titre.
La discussion tend à se continuer entre nobles et
ecclésiastiques, mais le chancelier commande le silence
et déclare que les députés seront rémunérés de manière
que personne ne pourra dire avoir servi sans indemnité
et à ses frais.
Les députés auraient en outre été taxés et payés sur
le Trésor royal (2).
A ces Etats, le comté de Champagne et de Brie com-
prend les bailliages de Troyes, de Sens, de Meaux, de
Chaumont et de Vitry, représentés par sept députés du
Tiers-Etat; Bar-sur-Seine en a un spécial.
Des remontrances au roi demandent généralement la
(1) Arch. mun., n. f.
(2) Masselin. Journal des Etats généraux de France tenue à
Tours^ en i48A^ et publié par Bernier. Paris, imprim. royale,
M.DCccxxxv. Doc. inédits sur Thist. de France. On trouve dans ce
journal le discours de Guillaume Huyard et celui de Philippe de
Poitiers.
1183 CHAPITRE XV. 171
• qu'en aucun autre du royaume , afin d'en avoir la
» plus grande diminution que faire se pourra »> (1).
L'assemblée bailliagère fixa la somme qui fut levée
pour subvenir aux frais de voyage et de séjour des
députés La ville de Troyes fournit à elle seule 260
liv. t., inscriles aux dépenses des comptes du grenier à
sel.
La répartition de la somme, levée pour indemniser les
députés du tiers-état, n'aurait pas élé faite dans d'égales
proportions. Ils auraient été payés selon leur qualité, et
môme selon leur train habituel de maison. L'un d'eux a
six chevaux pour lui et sa suite. Dans un mémoire judi-
ciaire du temps, on lit : t Quant aux députés du bail-
liage de Troyes, ils cheurrent et accordèrent avec les
gens des chastellcnies et les habitans de Troyes, de leurs
salaires et despens, à telles sommes que bon leur sembla,
c'est à savoir : à l'un plus et l'autre moins, à icelles
sommes prendre sur les impôts qui s'en feraient, dont
les habitans de Troyes payèrent leur quotte, et n'y eut
aucune autre taxation. A la vérité, il est \Tai que quelque
accord qui ail esté faict avec eux touchant ledit voyage,
ils n'en seront jamais payés à la moitié, au moyen de
plusieurs des imposés qui ne veulent s'exécuter. »
La question do rémunération des députés du Tiers
aux Etats de 14-84, né fut pas seulement soulevée dans
l'assemblée du bailliage de Troyes. Elle fut, d'une part,
vivement débattue à l'assemblée des Etats par deux dé-
putés appartenant à Troyes, celui de la noblesse, Phi-
lippe de Poitiers et un avocat de Troyes, et cet avocat
n'est autre que Guillaume Huyart, et, d'autre part, les
députés du Tiers-Etat et celui du clergé de Troyes de-
mandèrent une indemnité dont ils avaient, disaient-ils,
le plus pressant besoin.
(1) Arch. mun.
m HISTOIRE DE ThOYES. Uèk
Elals, prononcée le 5 mars, le duc d'Orléans quitte la
cour pendant Taulomne de 1484. A Toccasion de la lutte
du duc d'Orléans, Charles Vlll, de Montargis, le 18 jan-
vier suivant, informe les habitants de Troyes de la divi-
sion survenue entre lui et le duc d'Orléans. Il joint à sa
lettre copie de celle que lui a adressée son beau-frère,
et de celle qui lui servit de réponse, en date du 20. Le
roi invite les Troyens à demeurer unis et fidèles à la
Couronne, et à lui envoyer deux députés, afin de Tins-
truire de ce qui se passe à Troyes. Guillaume Huyart et
Etienne de Baussancourt sont élus pour se rendre près du
roi. Il est décidé que la ville demeurerait ferme dans
son obéissance au roi, et que les lettres qui lui seraient
adressées, seraient communiquées au prédicateur, qui
prêchait le lendemain t afin d'exhorter le peuple à prier
Dieu pour la prospérité et la santé du roi, et pour la paix
et union du royaume. »
Le 28 janvier, le roi écrit de nouveau à Troyes. La
celui qui a été octroyé au roi par les Etats de Tours.
Quartier du St-Esprit ou de
Croncels 575 Feux.
Les Trévois 52
Taxe... 546 I. 9 s. 5 d.
— de St-Jacques 605
— La Vacherie 48
— Le Pré-rEvôque. . . 8
Taxe... 262 1. 6 s. 9 d. t.
— du Beffroy 689
Taxe... 660 1.7 8. 9 d. t.
— de Comporté ^^
La Charme ^
PouUly 35
Les Marots ^^
le Bourg St- Antoine. ô
Taxe . . . 458 1. 5 s. 4 d. t.
Totaux. i9i7 1. 9 s. 3 d. t. 2887 Feux.
Parmi les imposés se trouve Jean Souchet, arracheur de dont
i48i CHAPITRE XV. 175
lettre est adressée à Tévêque, au bailli, aux gens d'é-
glise, officiers, bourgeois, manans et habitans. La ré-
ception de cette lettre provoque une nouvelle assemblée
à laquelle Tévôque, les officiers royaux et les habitants
de toutes les classes s*empresscnt de se rendre, et qui
se tient le 2 février. Après avoir renouvelé rengagement
de demeurer fidèles et obéissants au roi, et de le servir
jusqu'à la mort, envers et contre tous, il est procédé à
l'élection de Tévéque Jacques Raguier , de Guillaume
Huyart et de Jacques de la Roëre, sieur de Ghamoy et
lieutenant du bailli , pour se rendre près du roi et lui
porter les lettres écrites par les soins du conseil de
ville, dans le sens de Tavis émis par rassemblée (1).
Le receveur du grenier à sel remit à Tévêque 80 liv. t.,
et, à do la Roëre, 20 liv. Ils se mirent en route et se
dirigèrent sur Montargis, où se trouvait alors Charles
VIII, afin de savoir de lui-môme la conduite à tenir en-
vers le duc d'Orléans et son parti f2).
Malhurin Brachet, sire de Montagu-le-Blanc , qui
avait résigné son office de capitaine de la ville, est
nommé en 1484, bailli de Troyes. Il succède à Jean de
Soissons, sieur de Mareuil. Il fait son entrée à Troyes,
le 29 juin U85 (3).
En décembre suivant, le roi annonce qu'il envoie à
Troyes une garnison de lansquenets. Persistant dans
l'exécution de ses lettres de privilège, le conseil s'ex-
cuse, près du roi, de ne la point recevoir, et demande
une exemption de logement de gens de guerre, tant à
cause des privilèges , qu'en raison des charges qui
pèsent sur les habitants. De suite, le conseil fait fermer
les portes de la Madeleine, de Comporté et de la Tan-
(1) Arch. mun., n. f., A. A., carton 48*, 5» liasse. Originaux et
copies du temps.
(2) Arch. mun., n. f., série G, n® 6.
(d) Arcb. mun., n. f. Délibérations.
176 HISTOIRE DE THOYES. i486
nerie, afin de compter plus facilement aux autres portes,
les gens de guerre entrant en ville.
En 1486, Charles VIII fait àTroyes un séjour de plus
d'un mois. Le roi, accompagné d'une nombreuse suite
de seigneurs, des gens de son conseil et d'une compa-
gnie de ses gardes, quitte Paris dans les premiers jours
de mai. Parmi les seigneurs se trouvent le duc d'Or-
léans, le sire de Beaujeu, le comte de Bresse, le comte
de Vendôme, le chancelier , les évéques de Verdun , de
Périgueux et de Montauban, le comte de la Roche, grand
bâtard de Bourgogne, le sir^j de Gyé, maréchal de
France, les sires de Curton, de Graville, de la Trimoille,
etc. Le 11, le roi arrive à St-Lyé, et passe la nuit au
château. Le lendemain, au matin, il se met en route
pour Troyes. L'évoque, accompagné du clergé, le lieute-
nant général au bailliage et tous les officiers de justice,
les conseillers, praticiens, notaires et avocats, ainsi que
le prévôt < revêtu d'écarlate, » les sergents royaux, en
belle livrée, les échevins, tous à cheval et portant des
robes rouges, suivis des nobles, bourgeois et marchands,
tous à cheval, vont au devant du roi jusqu'à Pouilly, où
se fait la rencontre. L'évèquo harangue le roi, l'assure
de Tobéissance et de la fidélité des habitants et lui pré-
sente les clefs de la ville, en l'absence de maire, même
de président du conseil. Puis le cortège se met en
marche et arrive au prieuré de St-Antoine , où il est de
nouveau harangué par le plus ancien d'entre les reli-
gieux. Le roi et les principaux personnages de sa suite
dînent à St-Antoine.
Après le dîner, l'évèque et tous les gens d'église, en
surplis et en chappes, portant les croix et les reliques,
avec les habitants et les officiers royaux, vont recevoir
le roi à la porte du Beffroi. Les rues, qui doivent être
parcourues par le cortège royal, sont parées de tapisse-
ries et de draps de soie , couvertes de mais et jonchées
1496 CHAPITRE XV. 177
de verdure. Sur ces riches étofles sont « affichées plu-
sieurs histoires en Thonneur et à la louange du roi. >
Différents t mystères et personnages » sont représen-
tés pendant la marche du cortège. Celui qui est joué < à
la porte de Paris, > représente le petit David terrassant
d'un coup de fronde le géant Goliath, auquel il tranche
la tête. Cette scène démontre que le roi, quoique jeune,
terrassera ses ennemis. Elle se passe dans < un beau
verger, rempli d'herbe verte et parsemé de fleurs. >
Dans t des mais » nombreux, sont placées des cages
remplies d'oiseaux chantant. Tout près de là sont de
belles jeunes filles, faisant des bouquets, qu'elles offrent
au roi et aux seigneurs de sa suite, et qui, accompagnées
par une orgue, t chantent belles chansons en l'honneur
du roi. ]» Une de ces jeunes filles tient un tableau où se
lisent huit vers exprimant la joie des filles de Sion à la
venue de David. Voici ces vers :
« Réjouissons-nous, Pucelettes,
Vecy la fin de nos douleurs ;
Faisons bouquets en violettes,
Pour les présenter aux seigneurs ;
Dieu leur acroisse leurs honneurs,
Et, après la fin. Paradis.
S'ils sont de Troyes amateurs ,
Il y aura un bon taudis. >
Ce groupe de jeunes et jolies filles démontre que
Troyes est ornée de plusieurs corps de saintes Vierges,
patronnes et protectrices de la ville. L'allusion avait
besoin d'explication.
A la même porte, est aussi représenté le mystère de
la Trinité, sur un échafaud, d'où descendit, vers le roi,
un ange, qui lui présenta une croix d'argent. Ceci rap-
pelait qu'un ange apparut à Constantin, auquel il remit
une croix, en lui annonçant qu'à ce signe il âerait vain-
III. la
1?S HISTOIAE DETROYES. I4g6
queur. Cette trinité sigpnifie encone que Troyes est une
cité unie, dont l'origine remonte à Texistence de trois
châteaux et que , par comparaison , elle est appelée :
Totim Trinilatis nobile Trielinium. Au dessus du mys-
tère d^ la Trinité est arboré un étendard char|g;é d*un
écu aux armes de France.
De la porte de Paris, le cortège se met en marche.
Les gens d*église tenant la tête ; après eux, les bourgeois
et les marchands, le prévôt et les sergents € Monsieur
de Troyes > (révéque) « monté sur une mule bien
dressée. » Le lieutenant général, les officiers de justice,
notaires et praticiens, les gardes du roi, vêtus de bri-
gantines, de beaux hoquetons à mailles argentées, armés
d'arcs et de flèches et aussi d'épées ou braquemards, et
eoiffés de salades ou capelines, marchent ensuite; l'é-
tendard du capitaine de la garde écossaise, long d'une
toise et aux trois couleurs : rouge, blanc et vert, et qui
porte, dans le champ, un saint Michel, et au-dessus un
soleil d*or, puis les trompettes et les clairons. En avant
du roi, marchent vingt-quatre sauvages, dont les habits
sont faits et couverts de toile et de chanvre mâle, et je-
tant des fleurs devant le roi ; le roi, monté sur un ma-
gnifique cheval noir , quatre échevins , vêtus de leurs
robes < d'écarlate (1) et de satin » portent un dais au
dessus du roi ; ce dais est de fin drap d*or luisant, et les
lambrequins sont entremêlés d'or et d'azur. Le cortège
royal passe par la rue des Trois-Têtes , et , en face de
rhôtellerie des Trois- Visages , sont réunis deux cents
enftints, âgés d'environ six ans, vêtus de rouge, coifTés
d'un chapeau blanc, et assis sur un échaPaud. Ils crient:
« Woël ! Noèl ! » Sur la place du Marché-au-Bié, est
€ la fontaine des Trois-Pocelles > jetant, par les seins,
du vin de trois couleurs, où chacun peut boire. Au-
(1) Ecarlate, étoffe de laine fine, et de couleur rouge.
use CHAPITRB XV 179
dessus de la fontaine est une estrade où se tiennent
c ménestriers et trompettes, jo Sur Totâpe au vin, un
échafaud est chargé d'entants, vêtus en violet, criant:
t Vive le Roi ! » En face de la Serene (Syrène) dans la
Grande -Rue (no 4 de la place de THôtel-de- Ville) s'élève
un échafaud sur lequel est représentée une Fleur de
Lys au naturel i de laquelle sort un fort beau roi, vêtu
de drap d*or et paraissant âgé d'environ dix ans. ^ Une
jeune fille, vêtue de damas blanc, du même âge que le
roi, présente son cœur à celui-ci, tandis qu une autre
joue des orgues et qu'une troisième jeune fille « admi-
nistre les vents à sa compagne ii> Plus loin, est placé
Tarbredes rois, parmi lesquels est représenté saint Louis^
en chappe de drap d'or. En face de l'hôtel du Cigne est
un groupe d'enfants criant : c Vive le Roi ï » Près du
puîts de la Hache, voisin de la place de St-Pierre, se
trouvent Tévêque et le clergé. Au-dessus de la porte de
la cathédrale, est un pavillon fort riche , semé de fleurs
de lys < en forme de tente de guerre. > Sous ce pavil-
lon, est placé un roi, accompagné de sept géants < ce
qui signifie le pavillon de la paix. » Charles VIII, arrivé
près de l'église, met pied à terre. Il est reçu par l'évêque,
entre dans l'église, y fait sa prière, au pied du grand
autel. Après le Te Deum^ chanté au son des cloches et
avec l'accompagnement des orgues, le roi remonte à
ebeval, puis il est conduit au Palais-Royal < édifice spa-
cieux, fort ample et de grande noblesse, touchant à quatre
égUses : St^Etienne, Notre-Dame, les Jacobins ut THôtel-*
Dieu (1). »
Charles VIH s'installe au Palais-Royal, et sa suite est
(i)GoDEPROY. Hist de Charles VIII, 1684. Cramofey, 1684, p.
517. — Le même, Cérémonial français^ t. i, p. 675. — Grosley.
Mém. histor,, t. u. p. 600. — Arch. mun., n. f., K, n«« 1 et 2, reg.
eomprenant les eompies de recettes et de dépenses faites à Toccasion
de rentrée de Charles Vin à Troyes.
180 HISTOIRE DE ThOYES. ii86
logée chez les habitants. La ville fut éclairée, pendant
les huit premières nuits du séjour du roi, et, dans la
soirée où il revint de Torvilliers^ où il avait été chasser.
Il assiste, chaque jour, aux offices à la collégiale de St-
Etienne, chapelle royale. Un oratoire est élevé dans le
chœur pour le roi et l'église est décorée, tous les jours,
de mais et de joncs. Le 25 mai, il assiste aux cérémo-
nies de la Fête-Dieu, et il est encore à Troyes le 45
juin (1).
La ville de Troyes obtient d'abord la suppression de
Tune des charges qui pesait le plus lourdement sur ses
habitants : Texemption et raifranchissement de toutes
les tailles et de tous les impôts qui, à Tavenir, pourraient
être levés, soit pour Tentretien des gens de guerre, soit
pour toute autre cause. Cette faveur est motivée sur la
conduite des Troyens en 1429 et en raison de ce que
depuis la rivière de Loire , après les sièges d'Orléans et
de Montargis, la ville de Troyes fut la première qui, sans
contrainte ni difficulté, reçut Charles VU, Taïeul du roi,
et Taccueillit comme son droiturier et souverain sei-
gneur : cette soumission, ayant amené la réduction des
autres bonnes villes de Champagne et d'autres du
royaume , et Charles VII ayant pu se rendre à Reims et
s'y faire sacrer. L'enregistrement des lettres n'eut lieu à
la Cour des Comptes que le 16 mars 1488 (v. st.) et,
peu après, la ville et ses habitants ne furent pas moins
frappés d'impôts que parle passé (2).
Charles VIII établit, à Troyes, deux nouvelles foires,
outre celles qui existaient anciennement. L'une est la
foire chaude et l'autre la foire froide. Ces foires sont fort
déchues de leur ancienne importance. Charles Vil a
contribué à cette ruine en établissant trois foires à Lyon,
(1) Arch. dép., f. de St- Etienne, 6, G. 413.
(2) Arch. raun., anr f , Carfulaire n« 1©^ f» 108, et origitial;
layette. n<' 55.
i486 CHAPITHE XV. 181
et Louis XI, en en créant une quatrième, consomma
cette ruine. Charles VIII a déjà transporté, à Bourges,
deux des foires de Lyon, et les deux autres le furent à
Troyes, dans le but de porter remède à la pauvreté du
pays de Champagne et y continuer la tenue des ancien-
nes foires.
Charles VIII crée donc, à Troyes , deux foires : Tune
commençant le lendemain de l'Apparition de N.-S., pour
durer quinze jours ouvrables, et, la seconde, le 2 août,
pour être tenue pendant le même temps. Ces foires sont
franches de tous droits et même pendant la quinzaine
suivante. Nuls marchands, comme nulles marchandises
ne peuvent être arrêtés ni saisis. Tout marchand , fré-
quentant les foires, peut faire, sans fraude, sortir de la
ville toutes marchandises par lui entrées. La succession
de tout marchand , venant aux foires , revient à ses en-
fants ou autres héritiers. Tous ceux qui fréquentent les
nouvelles foires sont justiciables du garde-chancelier
des foires, en première instance. Enfin, tout individu
fréquentant les foires, et ses marchandises, sont placés
sous la sauvegarde du roi.
La Cour des comptes, en enregistrant, le 16 juin
1487, les lettres-patentes, en modifie quelques dispo-
sitions. Les deux anciennes foires étaient affermées en-
semble au profit du roi, année commune, 140 liv. t.;
les nouvelles ne sont pas mises à ferme, mais les habi-
tants de Troyes paient au domaine, dix livres pour cha-
cune (1). Celles-ci sont franches des impositions et du
vingtième du vin vendu en gros, pendant douze jours,
comme les anciennes, mais les droits de hauts passages
et l'imposition foraine se lèveront comme à l'ordinaire
sur toutes les marchandises venant aux foires. — Le
(i) Blq. nati«. ColL de Champagney vol. 65. Compte du domaine
royal, 1513-1514.
182 HISTOIRE DE TROYES. {490
chancolier-garde des foires connaîtra de toutes obliga-
tions contractées en foires ou payables en temps de
foires. — Pour décider les différends, il appellera avec
lui les officiers du roi et deux notables marchands ex-
perts , et connaissant les marchandises dont il sera
question. — Les appels seront vidés par deux membres
du conseil du roi et doux membres du Parlement. — Le
greffe des nouvelles foires sera donné à ferme, de deux
ans (.^n deux ans, au plus offrant. — Les notaires des
anciennes foires exerceront pendant les nouvelles et fe-
ront connailre, à l'issue do chacune, co qu'ils auront
fait, afin de donner le compte de chacun des ofliciers ,
tant pour les foires do Troyes que pour celles de Pro-
vins, de Lagny et de Bar-sur-Aube. — Les sergents
seront institués par le garde-chancelier (4).
Ces foires furent publiées en France et en Allemagne,
cle... Pour faciliter celle publication, les lettres-patentes
furent translatées de français en latin et imprimées à
cinq cents exemplaires par un imprimeur dont le nom
n*est pas connu (2).
Déjà, les habitants de Troyes avaient été souvent dis-
pensés de répondre ix la convocation du ban et de Tar-
rière-ban. Charles VIII confirma le privilège accorde
antérieurement à tous les nobles et autres roturiers
lenans iwblemenl^ sujets au ban et à rarrière-ban , de
demeurer au dedans do la ville de Troyes, de avec les
autres habitants, a pour la tuicion, défense et garde
d'icelle » \3|.
Pendant le séjour du roi, le clergé se fait exempter du
(1) Arch. mun., anc. f. LayeUe des foires.
(2) Arch. mun., Compte de Jean Bennequin; d'après M. Atsiar,
Comptes de FŒuvre de l'église de Troyes. m.d.ccclv, p. 70. — Ce
compte de Jean Ileniiequin est celui de la vente du sel. Série G.,
no 6.
(3) Arch. mun., auc. f. Ces lettres sont du 21 juin 1486.
1488 CHAPITRE XV. 183
logement des gens de guerre, sauf les cas d'urgente né*
cessité.
Les mélicrs profitent aussi de la présence du roi et
de celle de son conseil, à Troyes, pour faire régler cer*
taines de leurs affaires.
La confrérie de saint Crépin. et de saint Grépinies» qui
avait, encore au siècle derrfier, la prétention de tenir ses
premiers règlements de Gharles-le-Chauve ^ obtient la
modification des statuts en cours d'exercice. La confré-
rie pose en fait que < cordouannerie, basanerie et aav^
terie sont trois divers métiers, » Ce qui limite la première
de ces professions, la plus élevée dans la hiérarchie des
trois métiers c ayant le privilège de chausser le corps
humain, c c*est de ne travailler que le cuir de oordouan,
de vache et de veau. > Les nouveaux règlements ne
contiennent que des articles relatifs à la répression de
la fraude dans le travail ot la valeur des cuirs. Us main-
tiennent la faculté de travailler à la lumière c pour
fournir et servir d'ouvrage la seigneurie et le peuple de
la ville. 3
Les cordonniers ont Thonneur de posséder des
« lettres royaux i délivrées par le conseil du roi dont
faisaient partie le comte de Glermont, sire de BeaujeUi
les sieurs de la Trimoille, deTIsle, etc. (1)
Les couturiers ou tailleurs, qui sont les successeurs
des gipponniers et des pourpointiers, font modifier leurs
anciens statuts. La confrérie est toujours sous le patron^
(i) n y a lieu de supposer que la légende relative à la coneession
faite par Charles-le-Ghauve aux savetiers, de faire célébrer leur
fête dans l'église de Tabbaye de St- Loup, prend sa source dans l'acte
émané du conseil de Charles VIII. Gourtalon rapporte que « le titre
de cette permission est dans le cofhre de la communauté des save-
tiers, qui le conserve précieusement comme un de ses plus l^eao^
titres. B Nous regrettons qu'il ne se soit pas assuré de l'existence de
ce document si important par sa date. {Top, du dioc. de Troyes^
t. n, p. Î86.)
18i HISTOIRE de: TROYES. i486
nage de saint Jean-Décolacc, et les services religieux se
font à rHôtel-Dieu St-Esprit. — Le Dlgnua est intrare
est payé huit livres et un dîner offert à tous les maîtres ;
ils sont alors plus de soixante. — Les fils de maîtres no
sont tonus que du dîner. • La cotisation annuelle est
de cinq sous. — Les maîtres et ouvriers doivent, à la
St-Jean, lever leur cierge, moyennant 2 s. 6 d. t. , au
profit de la confrérie. — Tous les pourpoints mis on
vente doivent être composés d'étoffes neuves. — Si les
couturiers en font avec de vieilles étoffes, ils doivent en
avertir les acheteurs. — Ils peuvent travailler au demi*
cile des habitants, et, là, suivre les ordres qui leur sont
donnés et mettre en œuvre telles marchandises qu'il
plaira aux habitants, pourvu que ces vêtements soient à
l'usage de ces derniers. — Les membres de la confrérie
sont obligés d'assister aux honneurs des confrères. —
Au jour des noces d'un suppôt, les membres doivent être
avec lui et aller à l'cgliso, et aux d mortailles -t accom-
pagner le corps du défunt et à Téglise et au cimetière,
quand ils sont régulièrement convoqués. — Ce règlement
porte la date du 16 novembre 1486.
Quinze jours après, les épingliers, au nombre de dix-
neuf maîtres, demandent à se constituer en confrérie
« pour honneur et révérence de Dieu et de monsieur
saint Eloi * et afin d'éviter les abus qui, chaque jour, se
commettent. La confrérie est placée sous le patronage
du saint évèque de Noyon, et la fête célébrée le lende-
main de la saint Jean-Baptiste. — A la messe du patron,
les maîtres ou leurs femmes assistent avec un cierge
payé 15 d. t. — Toutes les semaines une messe est dite
pour la santé du roi, et, pour cette cause, chaque maître
paie deux deniers par semaine, et les valets et serviteurs,
gagnant argent, un denier. — La corporation a deux
maîtres jurés et un sergent. — Les comptes sont rendus
le jour de la saint Eloi. — Les assemblées se foat en
i486 CHAPITRE XV. 185
présence d'un sergent royal. — L^apprentissage dure
quatre ans — II y a chef-d'œuvre. — Le droit d'entrée
est de 60 s. t., et, pour les vins au dîner, le récipiendaire
paie aux ouvriers jurés 100 s. t. et non plus ; — les fils
de maître, 20 s., et autant t pour les buveries » avec
dispense du chef-d'œuvre. — Le chef-d'œuvre est payé
iO s. aux maîtres et 40 s. à la confrérie. — Nul maître
ne peut avoir plus de deux apprentis. — Les veuves de
maître peuvent exercer la profession de leur mari. — Il
y a obligation d'assister aux funérailles des confrères
décédés. — L'entrée et la sortie d'apprentissage sont
payés cinq sous. - Les amendes sont partagées par
moitié entre le roi et la confrérie
Ces statuts furent modifiés en 4494. — Une messe de
saint Eloi doit être célébrée le le décembre. — Le
droit d'entrée est élevé à 100 sous. — Le métier d'épin-
gher donne droit à fabriquer des épingles, les anneaux
ronds ou carrés, les crochets et les agraffes, les hame-
çons à pocher, les bouclettos de souliers et les chaînettes
de fer et de laiton (1).
Le même jour, une autre confrérie, qui prend aussi
pour patron le digne conseiller du roi Dagobert , se
constitue à Troyes ; cette confrérie est celle des selliers.
Après les prescriptions détaillées sur le choix et l'em-
ploi de bonnes fournitures, il est dit qu'un chef-d'œuvre
sera nécessaire pour passer maître. — Ce chef-d'œuvre
est une selle d'arme, bordée de fer ou de laiton, et, de
plus, un harnais de cheval complet; puis vient la des-
cription des selles à hacquenée, selles de mule, à rou-
leau, etc. — Le droit d'entrée est fixé à 60 s., plus 20 s.
pour faire boire les suppôts dudit métier. — La veuve
peut exercer le métier de son mari, et si, en secondes
(1) La fabrication des épingles a complètement disparu de Troyes,
vers le commencement du XIX« siècle.
186 HISTOIRE DE TROYES. i486
noces, elle épouse un compagnon, elle l'affranchit du
chef-d'œuvre. — Le droit d'apprentissage est de 5 s. t.
— I^ cotisation hebdomaire des maîtres est d'un den.
t. — Les maîtres ne peuvent avoir deux ouvroirs dans la
ville ou dans les faubourgs. — L'assistance aux enterre-
ments des confrères est prescrit soiis peine d'amende.
Ces deux derniers règlements portent la date du 30 no-
vembre 1486. (1).
L'exemption des tailles et des impôts accordée par
Charles VIII, s'appliquant aux habitants de Troyes, tant
à ceux qui demeurent dans Tenceinte des fortifications,
qu'à ceux qui sont fixés en dehors des murs , il fallut
déterminer les limites de cette banlieue. Pour arriver à
ce but, le bailli ordonne que , du côté de la porte du
Beffroi, en se dirigeant vers Sens et en suivant le grand
chemin, au delà de la voie qui traverse ce grand chemin,
et appelée la voie Réau (voie Riot) , à environ un trait
d*arc du lieu dit rOrme-au*Loup, on élèvera une croix
sur laquelle seront inscrits ces mots : c C'est la banlieue
de Troyes. » Ce point avait été trouvé par le mesurage,
fait depuis la fausse porte du faubourg de la ville (â),
au moyeu de mille tours de roue pour lieue; chaque
tour de roue étant de six aunes de Troves. Tous les
habitants, dont la demeure était comprise dans ce rayon,
jouissaient des mômes privilèges que ceux qui habi-
taient dans Tenceinte fortifiée , mais à la condition de
faire le guet autour de la ville (3).
Bien que Téchevinage ne soit pas régulièrement cons-
titué, il n en fonctionne pas moins comme conseil de la
i\) Arch. iiiuii., n. f., série Q, n** 1.
<2) C'était la porte aux Bœufs^ qai sVlexait près des fiux-fossés,
sur la route de Sens.
• 3» Note innsc. do IViomplairo de la Coututncdc TroyeSy possédé
l»ar la Blq. de la ville. Edition de 1009. — 61q. nat.. Collection de
Champagne.
1187 CHAPITRE XV. 187
ville. Après la création âe nouvelles foires, il s'occupe
avec activité de les faire prospérer. En 4487, il rachète
du fermier du domaine les droits dus au roi sur la halle
de la cordonnerie et les supprime. Il fait de même à
regard du droit de portage des vins, qu'il rachète 155
liv. t. € pour méliorer les foires. » I^ afTerme, pour douze
années, les droits de la vicomte appartenant au sous-
chantre de St-Etienne, levés à la porte de Croncels , et
les abolit. Déjà il s'était fait transporter d'autres droits,
dans le même but, par le chapitre de St-Etienne. L'année
suivante (le 14 juillet 1488), il afferme d'autres droits
dépendant de la vicomte, le péage dit des Ursins, celui
de ta foire du Clos , celui du Suzain ou du Snran, de
VEscrisse^ le lanney ou tonné de la laine et autres
fermes, appartenant au chapitre de St-Etienne, dans le
but t de tenir francs les marchands et marchandises qui
viendront aux foires (1).
Le inénie conseil prend des mesures pour prévenir
les incendies. Depuis 1419, la ville possède des seaux de
cuir, déposés dans tous les quartiers ; il fait disposer
douze crochets, dits crochets de ville, pour jeter à bas
les pièces de bois en feu, et on dépose des fallots dans
plusieurs maisons, afm d'éclairer, pendant la nuit, en cas
d'accident.
En 1487, la ville attend M. d'Albret, sire d'Orval, gou-
verneur de Champagne. On dispose des lils et des meu-
bles au Palais-Royal, où il doit descendre. Si la con-
ciergerie du palais avait quelque soin, les habitudes des
gens qui fréquentaient le palais n'en avaient guère , car
on dispose, sur les lits, certains châssis en bois, afin
d*empécher d'y coucher les gens et les chiens (!
fi) Arch. mun.^ n. f. Reg. A., n© 2 — Arch. dép , f, de St-
Etienne. Inv. desprhnléges, p. if.
(2) Arch. mun., n. f., B. 3i. On lit dans ce registre : < Payé à la
▼eave Michel Format, Huchière, pour avoir livré et assis le cfaalit
188 HISTOIRE DE TROTES. 1497
Les hôpitaux ont des règlements dont les maîtres ne
se départent pas. Aussi, certaines misères, certaines
souffrances ne sont point secourues. Les enfants de la
calamité reçoivent rhospitalité à THôtel-Uieu St-Nicolas.
Le conseil de ville leur donne des nourrices salariées
des deniers de la ville (1).
Ce même conseil s'occupe de la navigation de la
Seine. Dans une assemblée générale des habitants, tenue
dans Féglise de St-Etienne, il est décidé qu'il y a avan-
tage pour la ville de faire porter bateau à cette rivière,
jusqu'à Châtillon. Des commissaires sont chargés de
s'entendre avec l'évêque de Langres, seigneur de Mussy,
pour la traversée de sa seigneurie. On visite la Seine
jusqu'à Bar, et on demande au roi d'accorder, à la ville
de Troyes, le droit levé au grenier à sel, au profit de
l'église de Reims, et dont la concession va expirer, afin
d'en appliquer le produit à favoriser la navigation.
Mais le roi est en guerre du côté de la Bretagne, et
bientôt il commencera ces campagnes d'Italie, qui coû-
teront si cher à la France et décimeront la noblesse
française. Si, en juillet et août, Charles VIII informe les
Troyens de la prise de la ville de Fougères et autres
places de Bretagne, s'il annonce l'arrestation du duc
d'Orléans et des seigneurs de son parti , la reddition de
Dinan, de St-Malo, etc., et la conclusion de la paix avec
neuf d'une couchette^ en la chambre de la salle du palais, pour le
loîris de M. d'Orval, avec une marche pour la ruelle du grand lit du
dit sieur, et deux châssis de bois pour mettre sur lesdits lits c aOn
de garder d'y coucher les gens et les chiens, 26 s. t » — Dans un
cérémonial rédigé par ordre de Henri VIII, roi d'Angleterre, il est
dit : dû» Le gentilhomme de la chambre défendra que quiconque
pose un ])lat, sur le lit du roi, de peur de tacher la riche courte-
pointe qui le couvre ; défense sera aussi faite de s'essuyer les mains
aux tapisseries de cette chambre, où le roi se tient principalement.
(Bibl. du duc de Norfolk , manuscrit, d'après le Mag, pitt.^ 1857,
p. 319.)
(1) A. no 2.
1488 CHAPITRE XV. 489
le duc de Bretagne (1), bientôt après, de Pontremoli, en
Italie, il écrit à l'évÊque, pour qu'il lui facilite, à Troyes,
un emprunt de 1,500 écus d'or couronnés, remboursa-
ble dans un an. Six mois après, il lui renouvelle sa
demande en Tappuyant sur les causes de la guerre,
entreprise dans l'intérêt de Téglise gallicane (2i.
Un règlement sur l'imposition foraine ordonne que ce
droit sera levé, connue par le passé, sur les limites de
chacune des neuf élections de Champagne, qui, alors,
sont celles de Reims, de Châlons, de Noyon, de Soissons,
de Laon, de Langres, de Troyes, de Tonnerre et de Ve-
zelay (3).
En janvier 1488 (v. style), Charles VIII confirme les
privilèges des maîtres des mines et forges du royaume.
Dans ces lettres le roi rappelle celles de Louis XI, don-
nées en décembre 1461 et le 26 septembre 1467.
Celles-ci étaient adressées à certains baillis et notam-
ment à celui de Sens : celui de Troyes n*y est pas
nommé. Celles de Charles VIII sont adressées aux baillis
de Sens, de Vitry, de Chaumont et de Troyes. Dans re-
tendue de ces bailliages existent des forges. Si le baiUi
de Sens est seul nommé dans les actes de Louis XI, c*est
qu'alors l'exploitation du minerai de fer n'avait d'impor-
tance, aux environs de Troyes, que dans la partie de la
forêt d'Othc , comprise dans le bailliage de Sens. Les
lettres de 1467 n'énoncent pas les conditions imposées
aux concessionnaires des mines, seulement il est dit :
* Au moyen de l'affranchissement accordé aux maîtres,
ils sont tenus d'entretenir les francs-archers, qui devront
toujours être prêts et en bon habillement, selon le nom-
(1) A. n« 2.
(2) Ord. des rois de France^ t . xx, p. 455.
(8) Même recueil, t. xx, p. 107 1
190 HISTOiRE DE TROYES. un
bre qu'ils seront pour servir la roi en la |^erre et quand
métier sera (1). »
Charles VIIl, en mars suivant, confirme les privilèges
(le rUniversité de Paris. Parmi les privilégiés, on men-
tionne c sept ouvriers ayant moulins et faiseurs de pa-
pier, > demeurant à Troyes, à Gorbeil et à Essonne.
Trois sont de la première de ces villes (2).
Les échevins, en 1489, élisent, entr'eux, un président
c pour mettre en avant les matières communes de Ja
ville et recueillir les voix. » M© Simon Liboron, licencié
ès-lois, est élu président (3). Jean de Marisis est son
successeur en 1494.
Dans le cours de cette année commencent les débats
relatifs au péage dû à Tévêque pour Tetîtrée du fer par
le pont ferré. Le conseil est d'avis que si les marchands
de la ville achètent le fer < fait et forgé » aux forges ou
le font amener à leurs frais, ils ne doivent rien à Té-
véque, tandis que, dans le cas contraire, ils lui doivent
des droits^ suivant l'usage.
Les boulangers, le 19 octobre 1489, font modifier
quelques points de leurs règlements. — Tout aspirant à
la maîtrise doit justifier, outre des meubles et ustensiles
nécessaires à l'exercice de son métier, de la propriété
d'un muids de froment ou de la somme de vingt liv. t,
afin d*assurer la solvabilité des maîtres , le paiement du
grain qu'ils achèteront et celui de la maille levée sur le
pain blanc et en raison c du pauvre et petit ch&tei » de
quelques boulangers. — Tout récipiendaire doit travailler
pendant quatre jours en l'hôtel de chacun des quatre
maîtres-jurés, pour prouver sa capacité. — La cotisation
mensuelle, pour le service du culte et de la confrérie,
(i) Ord, des roU de France, t. xx, p. H1, 112 et 143.
(2) Même vol., p. 119. Ces lettres confirment celles de Gharies VI,
du 11 janvier 1383.
(8) A., no S.
I48f CHAPITRE XV. 191
est fixée à 20 d. t. par mois. — Chaque maître est tenu
de faire célébrer, le jour du trépas et dans Téglise où se
fera le service, une messe pour les confrères ou leurs
femmes décédés. — Le prix du cierge levé, à la Pente-
côte, jour de la confrérie, est payé 15 d. t. — L'entrée
en apprentissage est fixée à 5 s. — Le pain mal fait
ou mal cuit est vendu publiquement devant l'église St-
Jean-au-Marché, comme de coutume et d'ancienneté et
moyennant une maille de moins que le taux de justice,
à moins qu'il n'y ait saisie dudit pain par l'autorité. —
Aucun boulanger ne peut vendre son pain à moindre
prix que le taux fixé par justice , si ce n'est devant l'é-
glise St-Jean, à peine de cinq sous d'amende. En 1500,
il y eut encore quelques modifications apportées à
l'exercice de la profession de boulanger (1).
La guerre est encore l'objet de la préoccupation gé-
nérale; mais le théâtre n'est pas en Champagne. Elle
n'en reçoit que les échos. En 1400, Huguenin Lepev-
rier, bourgeoise Troyes, est arrêté, près de Valenciennes,
par les ennemis du roi. Les échevins écrivent à leurs
collègues de cette ville, afin de s'employer pour obtenir
la délivrance du prisonnier qui , lors de son arrestation,
se rendait en Hainaqt.
Sur la demande du roi, alors en guerre avec le duc de
Bretagne, lesTroyens lui accordent cent vingt chevaux.
Le bienheureux saint Quentin était invoqué pour la
guérison de l'enflure ou de l'hydropisie. Le prieuré de
ce nom, à Troyes, avait, au XVe siècle, et sans doute
auparavant, la faveur de peser les hydropiques. On met-
tait les malades sur l'un des plateaux de la balance, et,
sur l'autre, on plaçait en poids égal, de la cire, du
chanvre, de la toile, etc. , et ces denrées appartenaient
au prieuré. Le chapitre de la ville <le St-Quentin se plai-
(1) Arch. mun., n. f., Q ; n* l«r et A. A., carton 40, liuM !*•.
192 HISTOIRE DE TROYES. U90
gnit d'un pareil usagée qui lui portait préjudice et qui
était pratiqué, tant au prieuré de Troyes que dans d'au-
tres maisons de Rouen, d'Arras et de Cambrai. En 1490,
Innocent VIII défendit le pesage des hydropiques partout
ailleurs qu'au chapitre de St-Quenlin,qui , selon lui,
possédait seul des reliques de ce saint, considéré à bon
droit, comme un bienfaiteur, car, s'il ne guérissait pas
les malades, il rapportait au chapitre, et partout où l'on
pesait les hydropiques, de beaux bénéfices (1).
Le poids du roi, c'est-à-dire le droit de peser les den-
rées vendues et livrées à Troyes et de percevoir une
redevance en argent, pour cette peine, avait été donné à
Tabbaye deSt-Pierre-le-Vifde Sens, parle comte Hugues,
en 1103. Le conseil de ville, continuant son œuvre
d'affranchissement, transige avec le délégué de cette
abbaye. Le traité fut conclu, moyennant une rente an-
nuelle de 25 liv. rachetablo au capital de 700, dans le
délai de dix ans. Ce rachat n'eut jamais lieu. La ville
jusqu'en 1789, paya, soit à l'abbaye de St-Pierre-le-Vif,
soit ensuite au chapitre de St-Louis , de Versailles, la'
redevance fixée par la transaction du 9 septembre
U91 (2).
En juin, le conseil décide qu'il sera demandé aux offi-
ciers du roi l'autorisation de faire démolir t les bordes
de mesel habitées par les lépreux dans les banlieues de
la ville et de renvoyer les malades au lieu de leur nais-
sance, oc Dans le XVe siècle, la léproserie de Troyes ne
reçut qu'un petit nombre de malades. On n'en compte.
(1) CouRTiaoN. Top., t. n, p. 289. — Corrard de Brbban, Ru€$
de Troyes, p. 121. — Sémillard, Màm.
(2) Arch. mun., anc. f., lay. 10, liasse unique. — Le poids du roi
était établi dans la rue du portail principal de St-Jean, qui fut long-
temps désignée sous le nom de rue du Poids du Roi. Plus tard, U fût
transporté à THôtel-de-Ville , où s'est maintenu jusqu'à ce jour le
bureau de vérification.
U9i CHAPITRE XV 193
guère, en même temps, que de deux à cinq; quelquefois
il n'y en a qu'un seul. Aussi les revenus de celte maison
sont-ils employés au profit des habitants. En 1411, on
compta jusqu'à onze lépreux.
Le règlement de 1411 sur la maladrerie et son régime
intérieur est exécuté pendant tout le XVe siècle, sans
notable changement. La ration de pain est toujours fixée
au poids du pain de prébende, plus le poids d'un œuf;
trois chopines de vin par jour; la pitance est de 16 s.
8 d. t. par mois et de 5 s., par an, pour le barbier. Tous
les deux ans, chaque lépreux a droit à une robe et à un
chaperon. Une chambrière soigne un ou deux malades
au plus, et chacune reçoit huit livres tournois de gage
annuel.
Les maîtres de la léproserie sont toujours élus parmi
les meilleurs bourgeois. Aussi compte-t-on parmi eux,
au XVc siècle, Pierre Le Tarlrier, Jean Bareton, Jean de
Vitel. Jean Dorigny, Jacquinol Benoit, Henri de Premier-
fait, Innocent Corrard, Huet Leguisé, etc. (1)
La ville de Troyes eut, en août 1491 , une sérieuse
alerte causée par la guerre de Charles VIII, contre Anne
do lîrelngne, aidée et secondée par Maximilien, roi des
Romains, qui l'épousa par ambassadeur. Les Allemands
sont sur les champs. Les habitants de Troyes visitent et
mettent en état de service rartilleric et toutes les armes
dont la ville dispose. L'artillerie est montée sur les rem-
parts et placée dans les tours. On s'assure de la solidité
des portes, sur lesquelles on place des couleuvrines avec
poudre et boulets en pierre. On ferme les poternes de la
Tannerie et de la Madeleine. On s'assure de l'état des
chaînes des rues, afin de les tendre au besoin. Le guet,
qui est augmenté, est armé « de bâtons à feu, de salades
et d'armes couvenables. » Les portiers et les maîtres de
(i) Arch. mun.| série E.
494 HISTOIRE DE TROYES. 1491
fer s'assurent des gens qui entrent en ville et sont au-
torisés à les interroger à discrétion.
Le gouverneur de Champagne, M. d*Albret d'Orval,
informe les Troyens que deux hommes du pays de Cham-
pagne sont près du roi des Romains. Ils lui ont assuré
que la ville pouvait être prise par Tendroit où les bateaux
chargés de boi3 abordent la ville sous les remparts, c'est
au port de Croncels, par l'arche Maury. Les Allemands
sont dans la comté de Bourgogne et prêts à entrer dans
les pays du roi. Le ban et l'arrière-ban sont convoqués
pour la fin d'août, aux Grandes-Chapelles (1).
Vers la fin de ce mois, l'alerte a cessé. Les Allemands
se retirent. Le guet est diminué et toutes les portes de ia
ville sont ouvertes (2).
En novembre, M. de l'Esparre et son frère, le gouver-
neur de Champagne, viennent à Troyes. La ville leur fait
les présents d'honneur et les fournit de meubles et d'us-
tenciles de ménage.
Une mesure importante fut prise le? mars 1491 (v. st.),
en matière d'administration financière. Jusqu'alors le
pouvoir royal ne paraît avoir eu que des données fort
vagues sur la population et les ressources des provinces.
La recherch(», du nombre de feux dans le rovaume est
ordonnée (3). La population troyenne s'émeut d'une pa-
reille recherche. Elle craint, non sans cause, l'élévation
des impôts de toutes sortes.
On recherche le nombre de feux existant dans les pays
de Langue-d*Oïl, d'Outre-Seine, de Normandie et de
Languo-d'Oc. Sur cet avis, il est procédé, dans chaque
doyenné de Télection de Troyes, à la nomination de
commissaires, qui, réunis dans la loge du prévôt, nom-
(1) Commune du canton de Méry, à 23 k. de Troyes.
(2: A., n» 2.
(3) Bibl. de TEcole des Chartes, 1860, p. 455. Mandement de
Charles VIII, pour connaître le nombre deê feux du royaume.
1491 CHAPITRE XV. 195
ment deux députés ayant mission de se rendre à Paris,
près des généraux des finances, ayant mission de choi-
sir les personnes chargées de faire la recherche. L'as-
semblée de Troyes donne ses pouvoirs à Guillaume
Huvart et à Etienne de Baussancourt. 11 leur est recom-
mandé « de dire, remontrer, écrire et articuler les gran-
des charges et povretés du povro pays do Télection de
Troyes et de répondre aux remontrances, quérimonies,
povretés et doléances que ceux des aultres pays et
élections pourront dire et proposer contre ceulx de l'é-
lection de Troyes i> (1).
Après le carême; la ville donne (l en aumône » à
deux docteurs religieux qui ont prêché en ville > et
grandement remontré les vices de chacun » une somme
de dix livres. Dans la même séance, le conseil accorde
15 1. t. aux arbalétriers, afin de les aider à réparer une
muraille ser\ant à clore leurs buttes du côté de la rue
de la Pierre (2). Le jour des Saintes-Fontaines (quatrième
dimanche de carême) est celui qui est choisi par les
arbalétriers pour tirer l'oiseau.
Les arquebusiers on\, à cette époque, leurs buttes près
de St-Etienne,sans doute aux Prés aux driels, ancienne
lice des champions, appelés en combat judiciaire (3).
Les buttes des archers sont aux fossés Patris (i).
La création de la compagnie des arquebusiers date de
l'année U83 (5).
Les trois compagnies des archers, des arbalétriers et
1) Arch. mun., B., 49. Titre du compte de Vimpôt de 2 d, t, de
la livre, levés tant pour la solde des gens de guerre que pour le
voyage de Guillaume Huyard et d'Etienne de Baussancourt,
(2) A., 2.
(3) GoDEFBOY. Bist, de Cluxrles VIIL Entrée du roi, à Troyes, le
12 mai i486.
(4) B., 53.
(5) Arcb. mon.i anc. f., lay. 40.
496 HISTOIRE DE TROYES. 1493
des arquebusiers existent simultanément à partir de cette
date. Elles continuent à vivre pendant tout leXVI« siècle
et la plus grande partie du XVIIe. Les arquebusiers sur-
vécurent aux deux premières en date. Cette compagnie
expira avec Tancienne monarchie. Il peut même y avoir
eu interruption, elle a pu ne pas toujours exister. Vers la
fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, on trouve
aux archives municipales, chaque année, mention des
dons faits au roi des archers et à celui des arbalétriers,
tandis que ce n'est que vers le milieu du XVI* siècle,
que ce don au roi des arquebusiers est inscrit aux
comptes de la ville. Le roi des arbalétriers reçoit cent
sous et celui des archers soixante.
Dans le cours du XV^ siècle , l'administration de la
cité s'efforce de retenir à Troyes des médecins, en leur
payant pension. En 1442, elle paie à Jean, fils de Jean
Bouquin, trente écus d'or pour l'aider à faire ses études
médicales. En 1479, elle retient Jean Barras, docteur en
médecine à Paris, ainsi qu'un autre médecin de Langres,
aux gages de 60 liv. t. par an, et sauf aux malades à
les payer raisonnablement. En 1482, Jean Ramerel, chi
rurgien, réclame une pension. 11 appuie sa demande sur
ce, qu'avec l'aide de Dieu, des benoits saint Cosnie et
saint Damien, ensemble son art et industrie et le remède
qu'il sait contre la peste, il a guéri plus de trente pes-
tiférés. — En 148(5, le conseil accorde soixante livres,
par an, à Me Etienne de Villiers, afin de se faire rece-
voir docteur en médecine.
En 1492, le conseil s'occupe de la navigation de la
Seine et de la Barse Les gens du roi à Troyes, Jean de
Marisis, président de l'échevinage , et quatre commis-
saires se rendent à Montiéramey, afin de se rendre
compte s'il y a possibilité de faire porter bateau à la Barse
au delà de l'abbaye. L'abbé et le couvent s'opposent au
passage des bateaux au-dessus de leur maison. Lusiguy
149t
CHAPITRE XY. 197
a un port nommé le port des Vignes , où l*on charge et
décharge blé, bois, tuiles, etc.
La même commission se rend aux moulins de Gour-
celles, où Jean de Vilel fait construire « tout à travers la
rivière, > afin de s'assurer les moyens délaisser passer les
bateaux. Le procureur de la ville s'est opposé à la cons-
truction de ces moulins dans l'intérêt de la navigation.
Jean de Vitel, s'étanl engagé à se conformer aux pres-
criptions qui lui sont données , continue ses construc-
tions.
L'année suivante, le prévôt des marchands et les
échevins de Paris envoient, à Troyes, un de leurs clercs
et un sergent, et, de cette ville, dans chacun des villages
assis sur la Barse, de la Rivour à Vendeuvre, où ils
passent douze jours, faisant commandement d'ôter, dé-
molir et arracher tous les encombrements qui se trou-
vent sur le cours de cette rivière. Tous les riverains
s'exécutent. L'abbaye de la Rivour veut résister, mais
elle est obligée de céder. En 1495, la ville de Troyes
fait creuser, à ses frais, c une rivièro neuve » dans les
prés de cette abbaye, pour faire monter les bateaux vers
Monliéramey. Elle traite avec le meunier de Lusigny,
pour l'exécution de certains travaux, notamment c pour
le tour des bateaux au moulin d'Amancières (1) au
dessous et au plus près de l'abbaye de Montiéra-
mey » (2).
La ville traite avec le commandeur de Saint-Jean-de-
Jérusalem, pour le passage des bateaux dans les van-
nages de ses moulins de Verrières et de Sencey. Dès
1484, Pierre Largentier, maître teinturier, a fait don aux
habitants de tous les droits qu'il avait sur une place
(1) Disparu au XYIe siècle. Il occupait à peu près Templacemeiil
du pont du chemin de fer sur la Barse, près de Montiéramey.
(2) Arch. mun.^ B , 42. — Boutiot. Notice sur la navigation de
la Seine et de la Barse, 1856.
198 HISTOIRE DE TKOYES. uff
appelée lo port de Croncels, afin d*y descendre toutes les
marchandises amemVs à Troyes, et, en 1500, la ville
achète de Jean Henncquin son jardin de Croncels, et le
convertit en port au hois.
Il n'y a pas encore six ans que les habitants de Troyes
sont affranchis de la laille et de toutes sortes d'impôts,
lorsqu'en 1 191 , on levé sur eux de nouvelles imposi-
tions. En 1492, le roi a des besoins d'argent. De Nantes,
où il est arrivé le l avril, il écrit à Troves et demande
une somme de 7,500 liv. t., à titre d'impôt. Des commis-
saires spéciaux vieiment en opérer !a levée. Ceux-ci
arrivent le 15 mai. Lo con.^oil leur fait bon accueil. Il
décide même que, des deniers de la ville, on leur fera
faire bonne chore et (ju'on leur exposera et la pauvreté
vt les charges considérables de la villo, afin qu'elle de-
meure quitte dt* cette aide, ou au moins qu'elle en sup-
porte le moins possible. Le conseil offre de traiter avec
les envoyés du roi, il propose d'abord 3.000 liv., mais
on s'accorde sur 5,000. Il décide en miMiie temps que
pour obtenir cette somm?, la ville contractera un em-
prunt de :2,000 liv. t. i Troyes. et un autre de 3,000 à
Paris. Les choses conclues , le conseil trouva que les
commissaires « s'étoiont conduits on toute douceur. •
Aussi hailla-t-il à mos'îoinoisolles leurs Ifinines cl à cha-
cune d'elles, du linge ilo table pour oO l'v. t. (I\
Ku août 1 I9i, y a-I-il crainte de ;ruorre, ou, au con-
traire, le roi fait-il emmai::asiner ses munitions de guerre
u Troyes, pour s'en servir au besoin : ia [>aix paraît ré-
gner partout. Toujours est-il que le roi aimonce l'envoi,
à Troyes, d'une gran le provision d'armes de toutes
sortes, halecrots,cervelières (casques), piques, hallebar-
des, vouges, arcs, triasses, arbalètes, traits, tentes, pa-
{{) Arch. mun., u. t'.
XV s. CHAPITRE XV. 199
vîllons, etc. Il demande, en outre, de faire préparer six
mille traits d'arbalètes (1).
Avant de nous occuper de rétablissement déflnitif
de Téchevinage, faisons connaître Tétat des écoles depuis
1479.
En celte année, Me Pierre Picart régente les écoles de
la ville, qu'il a prises à sa charge ou qu'il encourage.
Ses services ne répondent sans doute plus aux besoins
du jour. Le conseil appelle de Paris Me François Cousi-
Dot, maitre-ès-arts , afin de Tadjoindre à son ancien
régent, mais il ne peut s'entendre avec lui.
En 1481, Me Pierre, dit Chrétien, prêtre, est recteur
des écoles. Pendant plusieurs années il reçoit une pen-
sion annuelle de seize livres.
En dehors de la grande école , tenue dans la maison
de Jean de Yitel, la ville renferme plusieurs petites
écoles. Simon Maçon, prêtre, a cinq élèves, suivant ses
leçons de grammaire ; messire Pierre Lacaille a le même
nombre d'élèves ; messire Jean Bonnin en a vingt-cinq
sou» sa férule; Me Pierre Savine est aussi maître d'é-
cole , Jacques Guillemin et Jean Pissot régentent en-
semble. Troyes a donc trois clercs et cinq laïques tenant
école. Les deux derniers sont invités à élever la force
des études ; à l'avenir , leurs élèves liront les grandes
leçons.
De nouveaux embarras surviennent en 4488. La
grande école a été fermée par suite de difficultés tou-
chant la maîtrise. Ces embarras , s'ils sont levés en
1488, reparaissent en 1491. L'assemblée de la Saint-
Barnabe est saisie d'une requête du chapitre de St-Pierre
et de messire Gras, son sous-chantre^ à l'occasion de la
collation et de la provision des écoles de grammaire.
Cette assemblée, qui entre dans une nouvelle voie, ne
(4) A., 2.
200 HISTOIRE DE TROVES. xvS.
ri^sout pas la question, mais renvoie son examen à MM.
les onîciers du roi et à ceux de la ville, quelques membres
du clergé étant appelés, afin d'ordonner le rétablisse-
ment des grandes écoles • comme elleà étoient autre-
fois. » En 1489, le conseil ouvre une sorte de souscrip-
tion volontaire pour subvenir aux besoins des écoles.
Les écoles ouvertes sont de nouveau fermées; la
peste, la syphilis même, alors dans toute sa force épi-
démique , obligent à prendre cette mesure.
Quels sont les résultats obtenus à la fin du XVe siècle?
Quelle est Tinstruction en dehors des cloîtres et du
clergé? Enfin, quel est Tétat général de Tinstruction
publique et populaire parmi les habitants de Troyes?
Ces questions sont difficiles à résoudre.
Si Ton en juge par les documents écrits émanés des
laïques, on doit croire, quoique l'écriture, vers la fin du
XVe siècle, soit belle, claire, parfaitement lisible, d'une
netteté et d'une rectitude de traits qui en font une des
belles époques de la calligraphie; quoique ces documents
soient d'un style facile, j'allais dire agréable et piquant,
l'écriture ne paraît oncore pratiquée que par le petit
nombre. La bourgeoisie écrit et écrit bien. Les bour-
geois signent leur nom avec griffe et |)araphe ; le tout
tracé avec élégance. Ces signatures décèlent une grande
habitude de récriture. La bourgeoisie a abandonné les
sceaux, par elle mis en usage au XlVe siècle. Les artisans
ne savent encore rien ou presque rien de l'art d'écrire.
A cette époque, cet ait, rempli d'élégance, nous a laissé
des chefs-d'œuvre, et au-dessous do ces chefs-d'œuvre,
des pièces d'écriture admirablement tracées par des gens
qui n'étaient pas des artistes Les relations commer-
ciales, fort développées, obligent la bourgeoisie à ne
négliger aucun moyen pour satisfaire à des besoins de
plus en plus impérieux.
U<9B CHAPITRE XV. 201
Il est impossible d'apprécier sur d'autres éléments,
rinstruction populaire au XV« siècle (1).
L'enregistrement à la Cour des comptes des lettres
d'échcvinage de 1481, est séparé par un intervalle de
neuf années de celui du Parlement. Cette dernière Cour
entérine ces lettres le 20 juillet 1493. Elle délègue l'un
de ses membres, M^ Jean Angenoust, pour la publication
de ces lettres et de l'arrêt d'enregistrement, et l'instal-
lation du maire, des échevins et des conseillers de
ville.
La plus grande partie des dispositions renfermées dans
les lettres-patentes de Louis XI, de mars 1481 (v. st.),
sont maintenues par la Cour souveraine, qui n'y ajoute
que quelques prescriptions nouvelles. Le maire fera ser-
ment entre les mains du bailli ou de son lieutenant. —
En cas de décès d'un ou de plusieurs conseillers, les
survivants les remplaceront par la voie de l'élection. —
En cas de décès du maire ou des échevins, les survivants
et les conseillers pourront en nommer d'autres chargés,
jusqu'aux nouvelles élections, des fonctions des décédés.
— La police sur le pain et l'exercice de la boulangerie
est remise aux njains du maire et des échevins. — Le
pain, de mal-façon et de petit poids, est saisi par les
sergents <le l'échevinage et porté en l'auditoire du prévôt,
et cet officier prononce l'amende au profit du roi. - Le
maire et les échevins peuvent édicter des ordonnances
sur la boulangerie, après avoir appelé le bailli ou son
lieutenant, et en faisant les publications au nom du roi.
— * L'émolument » de la juridiction accordée au maire
et aux échevins profite au roi, et la juridiction s'exerce
aux frais de la ville. — Les maire et échevins peuvent
faire assembler la communauté des habitants, mais à la
(1) BouTioT. Histoire de Vlusiruction publique et populaire^ à
Troyeê^ pendant les quatre demien sièelea^ 1865.
202 HISTOIRE DE TliOYES. 1488
charge de prévenir le bailli ou son lieutenant, et de lui
faire connaître les causes de cette convocation, t sauf le
» jour de la St-Barnabé auquel, d'ancienneté, les habi-
» tants de Troyes ont coutume de s'assembler au son de
» la cloche, et où ils sont tenus d'élire leur maire et
» autres officiers. » Les habitants de Troyes sont auto-
risés à accepter les legs faits en leur faveur , sauf les
droits du roi.
En septembre 1493 , pendant le séjour de M® Jean
Angenoust, il est procédé aux élections du maire, des
échevins et des conseillers. Le maire est Edmond Bou-
cherai ou Le Boucherat, marchand, élu le 26 septembre,
au réfectoire des cordeliers (1)% M^ Jean Angenoust ins-
talle les élus et dresse procès-verbal des faits auxquels
il préside. Les lettres de 1481 et le procès-verbal qui
constate sa première application régirent pendant deux
siècles l'administration de la ville de Troyes, sauf quel-
ques modifications apportées par le temps, surtout à
l'égard des élections. Encore de nos jours, le maire de la
ville de Troyes vise les lettres de Louis XI, de 1481,
lorsqu'il ordonne le curage des rivières et ruisseaux qui
sillonnent le territoire et la ville de Troyes (2).
En dehors des attributions données au corps de l'éche-
vinage par les lettres de 1470 et de 1481 , larrét de la
Cour des comptes de 1484, celui du Parlement du 20
juillet 1493, et le procès-verbal de septembre suivant, le
njaire et les échevins exercèrent certaines attributions
spéciales, notamment celle de nommer et ensuite de pré-
(1) Edmond Boucherai est bien légalement le premier maire de
Troyes, depuis 1470; mais on no peut oublier, dans celte liste des
premiers magistrats «le la ville de Troyes , Jean de Marisy, qui prit
plusieurs fois la qualilô do maire, et notamment en 1471, 1484, 1488
et 1491, et qui était président de réchevinagc. 11 prit aussi cette
dernière qualité, ainsi que Simon Liboron, plus tard avocat du roi au
bailliage.
(2) Arch. mun., anc. f., iay. n»» 3 et 4, et cartulaire.
14»3 CHAPITRE XV. 203
8enler au roi les officiers de THôtel des Monnaies, et de
veiller à la garde et à la sûreté de la ville. L'ancien con-
seil jouissait de ces deux prérogatives , et les officiers
nouvellement institués et leurs successeurs les exercè-
rent pendant le XVI* siècle et une partie du XVIIc. La
garde de la ville ne sortait des mains du magistrat de la
cité que dans de rares circonstances, en temps de guerre
ou de troubles, pour passer on celles du gouverneur do
la province ou de son lieutenant. On voit aussi quelque-
fois l'échevinage donner son avis sur Topportunité de
construction de certaines forteresses ou châteaux-forts,
comme celui de liosières , en 1520, et celui de Mont-
gueux , construit par Etienne Format , vers la môme
époque, et dont le plan est encore gravé sur le sol par les
fossés dont il fut entouré.
L'échevinage eut toute l'énergie d'une nouvelle insti-
tution. Le mairo, les échevins et les conseillers de ville
s'occupent, avec la plus vive et la plus active sollicitude,
des intérêts qui leur sont confiés. Us s'efforcent de ré-
pondre aux besoins de leur époque et ils arrivent à leur
but. Ils portent leur attention sur toutes les parties de
l'administration. Ils publient des règlements de police
sur la propreté des rues, l'entretien des ruisseaux et
rivières. Ils l'ont réparer les grands chemins et autres
avenues de la ville. Us achètent l'hôtel de Mcsgrignv,
pour y établir riiôtel-de-ville. Us font étudier, s'il y a
possibilité d'amener en ville l'eau delà fontaine de Nui-
sement, près de Torvilliers. Les travaux sont abandon-
nés, non par les craintes d'une dépense trop considéra-
ble, mais par crainte d'insuffisance d'eau. Us font des
règlements à l'occasion des maladies contagieuses et
épidémiques, sur la circulation publique des lépreux,
la nouvelle maladie, nommée par les uns, le mal de
Naples , par les autres, le mal espagnol, et qui n'est
autre que la syphilis ; contre les vagabonds , maraulx ,
204 HlSTOfRE DE TROYES. 1497
bélîtres et autres gens sans aveu, encombrant la ville.
Ils prennent soin des titres et renseignements constituant
les archives de la ville. Us édifient < la voûte > ou
Trésor pour y déposer ces titres, qu'ils trouvent encore
à rHôtel-I)ieu-le-Comte, où ils sont en dépôt depuis près
d'un siècle. Ils provoquent la suppression ou le rachat
des anciens droits féodaux entravant la liberté commer-
ciale et, en cette partie, continue avec efficacité et
succès, l'œuvre commencée par Tancien conseil. Cette
activité répond au vif besoin d'améliorations matérielles,
provoqué par l'aisance et la richesse des particuliers, les
relations sociales et commerciales des habitants , dont
quelques-uns au moins commercent € sur terre et sur
mer. » Cette époque, sous ce rapport et toute proportion
gardée entre les moyens mis à leur portée, a beaucoup
d'analogie avec celle où nous vivons.
En 1497 , les lettres de l'échevinage sont affichées
aux portes de la ville, dans un tableau spécial , afin que
personne n'ignore la loi qui régit la cité. L'année précé-
dente, Charles VIII dispense les maire et échevins de
comparaître en personne aux assises du bailliage, mais
ils doivent s'y faire représenter par procureur, et si, le
24 mai 1500, Louis XII ordonne la comparution à ces
assises, du maire de deux échevins et du procureur de
la ville, cet acte de la volonté royale ne reçut pas d'exé-
cution (1).
En 1498, le roi autorise févéque de Troyes à aj^sisler
au conseil toutes les fois qu'il y sera discuté des affaires
touchant à fintérôt du roi.
A peine l'échevinage est-il installé définitivement que
Charles VIII fait publier des lettres prescrivant la ré-
daction des coutumes des diverses provinces ou bailliages
du royaume. Charles VII, en 1453, el Louis XI, en 1481,
(i; Arch. mun.^ anc. f., lay. 2«, i3« liasse.
XV s. CHAPITRE XV. 205
avaient déjà prescrit cette rédaction, et, à cette dernière
date, celles de Troyes avaient fait Tobjet d'une première
rédaction.
La peste apparaît à Troyes en 1478 et frappe la popu-
lation de la ville et de la province pendant plusieurs
années. Elle est de nouveau signalée en 1491 et prend
possession de la ville jusqu'en 1499. Aucun secours pu*
blic ne paraît organisé. Un habitant de la rue Moyenne
remplit, pour sa femme, les tristes fonctions de fos-
soyeur. Il porta son cadavre sur ses épaules et le mit en
terre au cimetière de Notre-Dame. Une mère de famille
reste seule après avoir vu mourir son mari et ses six
enfants. On démolit sa maison en partie, aHn de la forcer
àh quitter, on brûle ses meubles et ses vêtements. En
1495, Téchevinage fait brûler une maison près de la
fausse porte de St-Antoine : un père et ses quatre en-
fants y ont rendu le dernier soupir. Les hospices et
lîôpitaux ne contribuent, ni par leur personnel, ni par
leurs revenus, au soulagement des malades. La ville
fait distribuer des secours aux malades et leur fait
donner des soins. Les vagabonds et les bélîtres rem-
plissent rofRcc de fossoyeurs.
La maladie se fait voir € par des bosses » aux aines
et aux aisselles. A ce caractère, on reconnaît la peste noire
de 540 et de 1345. Le traitement estrincision et Tappli-
cation locale d'onguent dont la composition est restée
inconnue. La maladie frappe surtout les enfants. Il y a
presque toujours plusieurs victimes dans la même famille.
Au XVe siècle, Tédilitc troycnne comprend que la
conjonction des astres n'est pas la cause des épidémies.
Rejetant l'opinion formulée par le corps médical de
France au siècle précédent, elle n'attribue pas à la ren-
contre de Jupiter et de Saturne dans le Verseau les
épidémies dont l'humanité est frappée. Le secours des
médecins et des chirurgiens est invoqué. Des mesures
206 HISTOIRE DK TROYES. 1497
hygiéniques sont prises pour combattre la marche de la
maladie. Les grandes chaleurs et la malpropreté sont
considérées comme des causes qui agissent sur le déve-
loppement des influences pestilentielles. Aussi ordonne-t-
on le nettoyage des rues et Tenlèvement des fumiers qui
y séjournent. On défend l'entretien en ville des porcs,
des lapins et des volailles. On expulse les vagabonds et
les bélîtres qui encombrent la ville, et il est interdit aux
hôpitaux et aux hôt ?licrs de les loger. Les lépreux doi-
vent se retirer en leurs bordes. Il est en outre défendu
aux bouchers, aux boulangers et aux pâtissiers de laisser
toucher les vivres qu'ils débitent, avant qu'ils ne soient
vendus.
Petit-Jean , le franc-archer , soigne les pestiférés aux
frais de la ville, qui entretient à ses portes des gardes
spéciaux pour empêcher d'entrer les gens venant des
pays où règne la contagion. Le péageur du pont de Sen-
cey répare l'une des maisons élevées au dessous des
vannes tranchines, dans des terrains vagues, afin d'y
loger les personnes qui ont vécu avec des pestiférés
« les essorer et leur faire reprendre du bon air. » La
ville donne des secours en argent à certains habitants
pour leur permettre d'aller vivre aux champs (1).
Pendant cette période de contagion pestilentielle, le
mal de Naples fait son apparition à Troyes. Le bailliage
rend des ordonnances pour l'expulsion des malades, le
7 mars 1497 (nouveau style), c'est-à-dire le lendemain
du jour où le Parlement de Paris prend ses mesures
pour en sauvegarder la population parisienne , en or-
donnant à tous les étrangers de sortir de Paris , aux
habitants aisés de ne pas quitter leurs maisons , et aux
habitants pauvres de se retirer dans un lieu de refuge...
qu'on allait bâtir pour les recevoir.
(i) B., 66.
ii97 CHAPITRE XV. 207
De son côté le bailliage, pour obvier aux grands dan-
gers et inconvénients qui sont survenus, surviennent et
peuvent survenir pendant Tété, en raison du nombre
excessif des nialades de la lèpre et de la syphilis , qui
sont ou viennent demeurer à Troyes , ordonne à tous
étrangers atteints de ces maladies de quitter la ville, et,
aux lépreux, de n'y rentrer avant la St-Remy, à peine
d'avoir les oreilles coupées et d'être chassés de la ville
par l'exécuteur de la haute justice. Quant aux malades
de la grosse v , nés à Troyes, il leur est défendu,
sous les mômes peines, de sortir de leurs maisons avant
leur guérison. — L'année suivante, l'autorité expulse de
la ville des jeunes filles c de vie >, atteintes de celte
maladie (1).
Cette maladie est à Troyes, dès l'origine, désignée par
son véritable nom indiquant son lieu d'origine : le mal
eJe Naples. Kn effet , c'est avec l'armée de Charles VIII
cque cette maladie fait son entrée en France , à son re-
tour d'Italie, avec une violence ignorée de nos jours.
Cette maladie se communiquait et se propageait, comme
toutes les maladies contagieuses, par le toucher, même
par les exhalaisons. Ulrich de Hutem préconise l'emploi
tlu bois de Gayac contre la syphilis. Ce n'est pas, selon
lui, rAmérique qui dota l'Europe do cette maladie, mais
ce fut cette région qui envoya le remède , le bois de
Gayac (2).
Par les soins du nouvel échevinage, la ville est appro-
visionnée de marée fraîche, expédiée d'Âbbeville. En
1494, le conseil, pour décider le marchand a continuer
sou commerce , lui accorde < une robe de livrée. »
11) A., 2.
(2) L'expérience et approbation de Ulrich de Hutem , notable
chevalier, touchant la médecine du bois dit Gaiacum , pour cir-
convenir et déchiuser la malcuiie induement appelée la Maladie
franfoyêê. — Tsghbmsr. Bull, du BibliophUe^ octobre et noT» 1863.
208 HISTOIRE DE TROYES. 1494
L'hiver suivant, Jean Castelan < chassemarée » continue
à amener à Troyes, du poisson de mer frais. Pour Ten-
coupager, — car il est en perte et on attend le roi , —
le conseil lui prête dix livres à deux fois. L'année sui-
vante, il ne revint plus (1).
En 1494, les tonneliers, au nombre de quatre-vingt-
quatre (i) demandent leur loi à Tautorité royale. Ils se
constituent en collège et communauté sous le patronage
de saint Jean l'Evangéliste. — Chaque tonnelier est bâ-
tonnier, à commencer par le plus ancien. — Les ofTices
religieux se célèbrent < en Thôpital monseigneur saint
Antoine, » comme il est d'usage. — Les cierges sont pris
par chaque confrère, le jour de la fête, sous peine d'a-
mende. — Les élections des maîtres-jurés se font tous
les deux ans. — Le just ou contenanct^ ou ajustage des
vaisseaux est fixé ainsi qu'il suit , tant pour ceux qui
sont fabriqués à Troyes que pour ceux qui y sont vendus,
savoir : la queue à quarante-cinq septiers et au dessus ;
muids et demi-muids t à Téquipolent ; » la queue, pour
mettre de Thuile, à quarante- un septiers; le muids et
le demi-muids t à l'équipolent, » sous peine de confis-
cation et de cinq sous d'amende, moitié au roi ou haut-
justicier et moitié à la confrérie. — Il est interdit de faire
usage, dans le bailliage de Troyes, de tonneaux d'une
autre contenance. — La réparation de vaisseaux d'une
autre jauge est même interdite. — De même, tout pro-
priétaire, pour son usage, faisant fabriquer des tonneaux,
ne pourra le faire qu'en se conformant à l'ordonnance.
— Le droit d'entrée dans la corporation est fixé à 60
sous pour les apprentis de la ville, moitié pour la con-
frérie et moitié pour payer à boire aux compagnons. —
Les fils de maître sont dispensés du chef-d'œuvre et ne
(1) A., 2.
(â) On ne compte à Troyes, en i87S, que 27 tonneliers patentés.
ii96 CHAPITRE XV. 209
paient que quinze sous pour leur entrée en maîtrise. —
Les compagnons étrangers , venant travailler à Troyes,
doivent cinq sous à la confrérie et s'ils veulent passer
maîtres, ils paient cent sous. — Tout ouvrage de ton-
nellerie sera marqué au nom du fabricant. — Il est
permis de fabriquer des vaisseaux appelés caques ; ils
doivent être d'une contenance fixe de douze septiers, —
L'assistance aux funérailles des confrères est obliga-
toire. — Les veuves peuvent exercer le métier do leur
mari, pendant leur veuvage (1).
En 1495, le maire et les échevins achètent Thôtel de
Jeanne de Mesgrigny, veuve de feu Jean Mole, et d'Ed-
monne de Mesgrigny, femme de Simon Griveaux : Jeanne
et Edmonne, filles de Jean de Mesgrigny, en son vivant
receveur des Aides à Troyes. L'acquisition se fit moyen-
nant 2,700 liv. t., pour y établir l'Hôtel-de-Ville. Cet
Hôtel occupait l'emplacement à peu près complet de
celui qui existe aujourd'hui. Il était déjà alors la réunion
de plusieurs propriétés. Des censives étaient dues, pour
différentes parties, à l'abbaye de Montier-la-Celle, et à
celle de N.-I).-aux-Nonnains, nu roi, à l'église de St-
Pierro, à celle de St-Remy, au chapitre de St-Urbain, à
celui de St-Etienne et au prieuré de Notre-Dame-en-
risle (2).
Uans l'année de cette acquisition, l'échevinage fait
construire le chartrier ou trésor, qui existe encore
aujourd'hui. Il est décidé, pour éviter les incendies, qu'il
sera construit en pierres dures et en craie (3).
Le là janvier 1497, on enlève de la chapelle de
(^)Q.,l«^
(2) Ane. f., layeUe 26. N. f., A. A., 15« carton, 9© liasse.
(3) Le Trésor actuel est, en effet, construit en pierres dures et en
craie, et, de plus^ il est voûté en briques. — Les comptes, bien
qu'assez complets à cette époque, ne mentionnent l'acquisition d'au-
cun meuble pour Th^tel-de-vinc, sauf un miroir payô 2! s. 6 d, ; il
iùt placé dans la chambre de réchevinage.
^iô HISTOIRE DC TROYES. i||9
rHôt^jl-Dieu-le-Comto, les letUes, chartes et titres de
la ville contenus dans des armoires, et le (out est déposé
dans le nouveau Trésor. 11 est décidé que, de ces chartes,
il sera fait un cartulaire ■ 1 1.
L*été de li95 est consacré à étudier les moyens de
faire venir en ville Teau de la fontaine de Nuisementoa
de la Malniaison, près de Torvilliers. Un fontainier de
Paris vient prêter son concours à cette étude. Le 13
août, la quantité d*eau est reconnue suflisantc; mais, à
la fin de septeuïhre, les produits de cette fontaine ont
tellement diminué que Ton craint de faire une dépense
considérable sans utilité pour la ville. Deux ans après,
Jean Guaide (2), Tarchitecte du jubé de Téglise de la
Madeleine, visite, avec Jean Mauroy, la même fontaine,
afin de s'assurer si ses produits peuvent alimenter suffi-
samment la ville d'une eau pure (3).
Jusqu'à ce jour, rieu ne nous a révélé, à Troye»,
Texistence des postes, qui auraient été créées par Louis
XI, par son ordonnance datée de Luxies, près Dourlen8(4),
du 19 juin 1464 ^5). La ville avait ses messagers, portant
3CS armoiries sur leur hoqueton, depuis le premier quart
du XV»* siècle. Les t premiers postes » dont l'existence
soit révélée, n'appartiennent qu'au règne de Charles YFIL
Kn 1405, le roi a • un poste > (postillon ou maître de
(1) Ce .*aitulaire fut fait. 11 est porte en l'inventaire de 1767. 11
est perdu aujourd'hui, mais les originaux subsistent.
(2) On trouve aux comptes de TépUse de la Madeleine, arch. dép.,
16, G., 41, 1495-96. Jean Gafiel, Gahiel, Gaûetle, G. 42; Gmhidê,
G., 48., Guailde. — En 1496, il signe Jehan GahieL — Cet archi-
tecte est peul-Olrc Italien. On peut recon«;aître son nom dans celui
de la villo de Gaële.
(3) B., de 50 à 55.
(4) Auj. Doulens (Somme).
(5) Nous avons pris soin de signaler par quelle voie les lettres
missives de I^uis XI arrivaient à Troyes. Quoique la correspondance
fut norabrenso, nous n'avon< jamais trouv*^ aucune, apportée par lei»
postent.
1197 CHAPITRE XV. 211*
poste), lixé à Troyes. 11 se lient à riiôlel de la Piolée
(du Prieuré). En 1497, le comte de Flandres établit « des
postes > non à Troyes , niais à ses portes , au Pont-
Hubert. En septembre 1498, Louis XII écrit aux maire
et échevins pour tenir disponibles, à Toccasion de la
réunion de Tarmée , en Bourgogne , de bons chevaux
prêts pour le service des gentilshommes. Les ordres du
roi sont exécutés et Pierre Chaussée est établi t poste »
à Troyes (1).
Si la guerre n'est plus en Champagne, les habitants
n'en paient pas moins les frais. Dans le cours de 1495,
le diocèse de Troyes est frappé d'une taille de 32,000
liv. t. L'échevinage, mettant en pratique certains usages
de l'époque, donne à chacun des élus vingt livres, et
aux lieutenants et greffiers, chacun, trois écus d'or, afin
de les porter < à soulager, est-il dit, le pauvre peuple et
qu'il soit moins foulé. >
Peu après, le roi demande aux Troyens, à leur em-
prunter 3,000 écus d'or. Par délibération , prise en
grande assemblée, la population s'adresse à Tévêque
pour qu'il obtienne une diminution. Elle invoque, pour
être dispensée de ce nouveau prêt, celui qu'elle a fait
l'année précédente et qui n'est pas remboursé
Outre cet emprunt, demandé en mai, en juillet suivant,
le roi demande, sous la même forme, à emprunter 8,000
liv. t. aux villes du bailliage et à celles de Bray, Monte^^
reau, Sézanne, Chaumont, Bar-sur- Aube, Joigny , Ervy
St-Florentin et Nogent. Ces villes envoient à Troyes leurs
députés , afin de se concerter sur les remontrances à
(i) B , 46, 51,56, — 1495, 1497, U98. Voir Delamarre. Traité
de la police^ t. v. Chérfel. Dict. hist des Institutioi^s de la
France^ voir Postes, et Bouillet. Dictionn. univ. des Sciences^ des
Lettres et des Arts ; môme mot. — Ces auteurs citent les lettres de
Dourlens, de 1464, mais aucun fait cVexécution.
212 insTOiRt: de tkoyes. 1497
adresser au roi. Celles-ci sont Faites, mais elles sont sans
résultai (i).
La ville, avec les secours qu*elle accorde à certaines
misères, avec les impôts qu'elle paie et les prêts qu'elle
fait au roi, dispose encore de Tonds, soit en faveur des
Frères-Prêcheurs, sous prétexte de prédications de ca-
rême ou pour subvenir aux frais d'un chapitre général
de rOrdre, tenu en juillet 1497, soit en faveur d'enfants
abandonnés qu'elle fait nourrir à ses frais. Elle donne,
pendant plusieurs années, de cent à cent ving^ liv. t. par
an, afin d'aider le chapitre de St-Pierre à achever les
voûtes de l'église « qui est la mère-église de Troyes, »
ou pour aider à payer les verrières de la nef, qui furent
terminées en 1499.
L'échevinage prend à cœur l'achèvement d'une autre
œuvre d'art, la Belle-Croix. Cette croix, dont l'édification
remontait au XIIl** siècle, avait disparu avec le temps.
En 1474, le conseil avait décidé sa reconstruction ; en
1480, il avait stipulé que Claude Pougeoise, marchand
à Nogent -sur-Seine, qui prenait à bail le cellier rouge
appartenant à la léproserie , pour sa vie, celle de ses
enfants , celle de ses petits enfants et cinquante-neuf
ans au delà, moyennant certaines conditions et notam-
ment celle de payer cent livres pour aider à construire
la belle croix de la Grande-Hue (2). En 1489, le conseil
décide de nouveau cette réédification , mais ce n'est
qu'après 1494 que le travail s'exécute, et en 1497 qu'il
est mis à fin.
Cette croix était tout un grand édifice , composé de
trois gros piliers avec arcs-boutants , de neuf petits
piliers, d'une couverture en plomb , sous laquelle était
un plafond, composé de six caissons et de six bellantSi
(i)A., 2, B., 48.
(2) Arch. mun , — Harmand. Lî^prosene de la ville de Troyes-
Documents.
U97 CHAPITRE XV. 213
ornés de moulures et douze culs-de-lampe. Ce plafond
avait une surface totale de 120 pieds et, au-dessous du
plafond se trouvait un sous-ciel. Dans les six carrés ou
caissons étaient placés six miroirs enrichis d'anUques.
Dans Tun , était peint un Jésus, et, dans l'autre , une
Maria , alternativement ; le tout refondu de laque de
Venise. Quant aux six Bellants, ils étaient aussi enrichis
d'antiques, dorés de fln or, et tout le fond de ces parquets
était peint de fin azur.
Ce monument, espèce de Palladium de la cité, com-
portait un grand nombre de statues. La croix était
chargée d'un crucifix. On voyait les statues de Simon
3fagus ou le Magicien , de Mahomet avec le Serpent»
^'otre-Dame, saint Jean, saint Pierre, la Madeleine, les
neti/* Prophètes, saint Loup avec sa crosse, saint Louis.
£lle était ornée de plusieurs écussons , entr'autres de
oeux de la reine et du roi, et, sans doute, de ceux de la
ville et de la province. Les statues étaient ou en plomb
ou en bronze.
Toute la croix et le crucifix furent peints à Thuile, les
ohairs < de carnation au plus près du vif que faire a été
m possible, et vernis d^un bon vernis bien séquatif et les
» envers furent faits d^azur. • Toute cette peinture fut
• *œuvre de Louis Pothier (1), à qui il fut payé 90 liv. t.
Les travaux furent reçus par Téchevinage , le 15 mai
1495, et la couverture achevée le 5 décembre 1497.
{\) Marché passé entre Véchevinaga et Louis Pothier, Arch. mun.,
n. f., A., 1 Carton 34, 3^ liasse. B. 52. U97.
Le Voyage archéologique de M. Arnault contient des renseigne-
ments sur la Belle-Croix et la représentation d'une belle croix. Cette
croix n'est point celle de 4495, mais celle qui fut rétablie après 1585.
— C'est la reproduction de celle qui se voit aux vitraux de TArque-
buse, à la Bibliothèque publique, représentant rentrée de Henri IV
à Tioyes^ en 1596. — M. Arnault donne aussi des détails sur la
croix qui avait précédé celle de 149 j. Nous avons lieu de les mettre
en doute, aiusi que certaines dates relevées d'après Grosley.
k
814 HISTOIRE DE TROTES. ||«7
L^édîficatioo de la Belle-Croix o'est pas due à la con*
frérie de la Croix . établie à St-Remi , mais bien à i*é*
chevioage , qui passe les marchés et solde les travaux
des deniers de la ville. Y travaillent comme artistes :
Jacques Bachot, tailleur d'images (sculpteur), Nicolas le
Cordouanier, sculpteur et peintre, comme un grand
nombre de membres de sa famille ; Pierre Camus, enlu-
mineur, et Jean Copin , peintre. Toute la fonderie fut
préparée dans un atelier établi au chevet de la cathédrale.
Certaines parties de Tédifice renfermaient des reli-
ques. Nous nous bornons à citer celle-ci : c Du champ
Damacène, où Adam fut formé. » Les autres paraissent
avoir un égal degré de certitude.
Les pèlerins , fort nombreux à lorigine , faisaient des
offrandes, tant en argent quen cire. Elles appartenaient
au curé de St-Remi. Ainsi Taurait jugé, le â3mars 1500,
le bailliage contre le procureur du roi. Cette sentence,
en conséquence, mit lentretien de cet édifice à la cha^e
du curé de cette paroisse J)
Depuis longtemps une question litigieuse est pendante
entre Tévéquo et le chapitre de St-Pierre, à Toccasion
de leur juridiolion rtHMj»roque. Le 15 avril 1496, inter-
vient entrt^ eux une tn^nsaclion qui met fm à ce long
débaL 11 ost arrêté que les curés , chapelains et clercs
des paroiîîscs do St-lWmi, de St-Nizier, de St Denis et
de Sl-Avcntin do Tnnos, ot ceux des églises de Bar*
bonne, tlo Crt^noy , Fayot, Ramerupt , St-Pierre de Bos-
senav , Moussov , VilK-le-Marochal , avec ses secours,
qui sont à la collation du chapitre, seront exempts de
Tordiniiirv^ ou do la juridiction de Tévéque, et ces curés
et chapelains no rocovronl do lui qne la permission de
de^^enir ces euros et cha|>ellos. Les marfruilliers de ces
églises dèpond^>nt do la justice de Tévéque. Les curés
\i9'i
CHANTRE XV. * 215
seront tenus de comparaître au synode, tous les ans, en
l'église de St-Pierre. A Tégard des crimes commis dans
Téglise de St-Pierre , le droit de justice sera commun
entre les parties, que le procès soit instruit par Tune ou
par l'autre juridiction. — Les Frères et Sœurs de Thô-
pital St-Nicolas sont justiciables du chapitre. — L'évéque
n'aura aucun droit de justice dans le lieu où se réunit le
chapitre, ni sur les places adjacentes. - Les droits de
justice de Tévéque s'étendront seulement sur son palais
épiscopal. — M. le doyen, officiant, sera revêtu d'habits
sacerdotaux et il aura à sa suite un ecclésiastique (1).
L'année suivante, le procureur du roi reconnait au
chapitre de St-Pierre son droit de haute, moyenne et
basse justice sur le bourg St-Denis, et, peu après, ce
même chapitre est autorisé à vendre, à poty le vin pro-
venant de ses récoltes, sans rien payer au domaine royal,
mais sous la condition qu'il ne sera fourni aux buveurs
ni bancs ni assiettes, comme il est d'habitude chez les
cabaretiers (2).
La servitude qu'entraîne le voisinage des fortifications
est maintenue dans toute sa rigueur. Le bailliage , en
1497, défend de construire, au faubourg St-Antoine (St-
Martin), ou autres aux environs de Troyes, aucun édifice
pouvant servir d'habitation, à peine contre les contreve-
nants d'une amende de cent marcs d'argent fin , de dé-
molition des édifices construits et de telle punition qu'il
appartiendra. Cette ordonnance est exécutée, car peu
après, les voyeurs font démolir deux maisons nouvelle-
ment construites entre la porte de la Trinité (en Preizej
et la porte de Comporté. On travaille aux fortifications
et l'étage supérieur de la Tour^au-Mitrôj étant encore en
(1) Arch. dép., f. de St-Pierre. Inventaire^ t. v, ire partie, p. 310
et 311.
(2) Arch. dép., f. de St-Pierre. Inventaire^ t. v, l» partie^ pages
321 et 430.
216 HISTOIRE DE TROYES. 149e
charpente, on le refait en maçonnerie , avec les pierres
provenant du château de Jully sur-Sarce, amenées en
bateau, du port de Ch:ippos en celui de Croncels (i).
La police sur les métiers et sur les cours d'eau qui
veut, avec raison, que certaiiles industries restent dans
les quartiers qui leur sont affectés , est rigpoureusement
maintenue. Des tanneurs ayant ouvert des fosses dans
la rue de Notre-Dame , en face des Boucheries , sont
poursuivis. En 1490 et en 1493, Jean de la Rolhière,
qui occupe le Moulin-aux-Toiles, est condamné à dé-
truire un moulin à foulon, élevé au préjudice des habi-
tants et en infraction aux règlements généraux sur les
cours d*eau.
L'industrie a prospéré depuis les guerres. Les pro-
duits de la ferme de la Chaussée établissent le mouve-
ment qui s'opère dans la ville de Troyes. Ils sont en
progression à peu près constante. La reconstruction des
moulins, détruits pendant la guerre des Anglais, accuse
de nouveaux besoins. Ainsi , les moulins de Van-
nes, deSencey, de ('haillouet , de Courcelles (Clérey),
sont réédifiés. Les moulins à blé se modifient : on en
fait des usines affectées à l'industrie. Les cours d'eau
de la dérivation sont réglés sur le territoire de Troyes
et la contribution aux réparations des vannes tranchines
est fixée à vingt sous, par an et par chaque roue do
moulin. En 1493, s'ouvre, à la mairie, une comptabilité
spéciale pour la recette de cette contribution. Elle se
continuera jusqu'en 1728. Vers 14-98, on construit les
deux ponts î\ voiture de St-Quentin et de Ghaillouet (2\,
et celui de Sencey, avec des deniers levés sur les pa-
roisses situées sur les bords de la Seine et entre Lusi-
gny , Marolles , Fralignes , Villemoyenne jusqu'aux ha-
(i) B. 52. 1497.
(2] B. 54.
\m
CHAPITRE XY.
217
meaux de la petite banlieue de Troyes. A ce dernier
pont, on perçoit un péa^e.
A cette époque, on compte quinze moulins sur le ter-
ritoire de Troyes, depuis et y compris ceux de Sencey
et ceux de Fouchy (alors nommés de Foicy). Ces moulins
contiennent quarante-une roues, dont la destination est
indiquée au tableau ci-dessous (!2).
(2) Nous donnons ici : i* les recettes de la ferme de la Chaussée,
de 1480 à 1499 , 2» le tableau des moulins existant à Troyes en 1493,
STec le nombre de leurs roues et leur destination industrielle.
Aimée»
Ferme la Chaussée.
Krcctlet Anoëes
Recette»
1480
399 1. t.
1490
448 1. t
1481
j»
1491
479
1482
453
1492
484
1483
384
1493
587
1484
277
1494
550
1485
406
1495
>
1486
608
1596
579
1487
437
1497
1,013
1488
459
1498
632
1489
426
1499
505
MOULINS EXISTANT A TROYES EN 1493.
.Noms
Nombre de roues employées.
à la à 1.1 à la
mouture fabriration fabriratioti
du
Ifrain
Moulins de Sencey 3
— de Pétai i>
— le Roi •
— de la Rave, Har-
douin, Hardy ou
Hardel
— de la Moline »
— de Notre-Dame 1
— de la Pielle *
— du Préauxtoiles, de
la Rothiëre,aus8i de
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les
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»
n
am
toilen
»
2
218 HISTOIRE DE TBOYES. léw
A la naissance du second flls de Charles VIII, que
quelques auteurs appellent Louis , d^autres Charles ,
arrivée en septembre 1496, il y eut à Troyes des ré-
jouissances. Une procession eut lieu, un mystère fut joué
sur la place de l'Ëtape-au-Vin, et la ville contribua aux
frais faits par les compagnons de la Passion (1).
Charles VIII mourut à Amboise, le 7 avril 1498, âgé
de 27 ans. Louis XII lui succède, répudie sa femme,
Jeanne, fille de Louis XI, et épouse Anne de Bretagne,
veuve de Charles VIII.
Comme il était d'usage , la ville envoya des députés
au nouveau roi, pour lui jurer obéissance et fidélité, et
en même temps obtenir la confirmation des privilèges
accordés par ses prédécesseurs.
Louis XII, en août et septembre 1498, dirige des
troupes sur la Bourgogne, qui lui inspire des craintes.
Pour accélérer le service, il demande à la ville de tenir
toujours prêts de bons chevaux pour les gentilshommes.
La ville se rend aux ordres du roi, dont la venue est an-
noncée depuis le mois de mai. On fait de nombreux
préparatifs pour le recevoir, t Les joueurs de tabourins,
de harpes, de luths et autres doux instruments > sont
invités à se tenir prêts pour jouer sur les échafauds, à
Report 5 9 2 2 1
— Neufs 2 9 » B »
— de la Tour 3 » » n »
— de Meldançon 1 » » » »
— de Jaillart 4 » » » »
— de Chaillouet,de M.
Andriau. ou mou-
lins brûlés 2 2 » » j»
— de St-Quentin i i » 1 »
— de Fouchy ou de
Foicy 2 2 » 1 ^
Totaux.. ""20 Ï4 2 4 î
~ 41
(1)B., 49.
14^1 CHAPITRE XV. 319
peine d^amende et de prison (i). M^ Jean Hoyer, prêtre,
dispose c les tuyaux destinés à jeter du vin par les plaies
d*un Dieu i dans un mystère qui doit être représenté (S).
L*église collégiale de St-Ëtienne lait aussi ses prépara*
tifs pour Tarrivée du roi, comme chapelle royale (3).
Mais le roi ne vint pas.
Le conseil de ville accepte la garnison de 200 gentils-
hommes et de 200 arbalétriers envoyés à Troyes, avec
la recommandation que ce soit c à la moindre charge
pour les habitants :» (4) . Troyes est un véritable arse-
nal de l'armée royale. Charles VIII y avait envoyé des
armes et un matériel de guerre. En septembre 1498, on
expédie vers Langres des fers de hallebardes, des vouges,
des bottes de fil d'Anvers, des fers de piques, des traits
d'arbalètes « peimés de bois et ferrés , » des fûts de
piques et des halecrets (5).
Dans la crainte de la guerre , les chartes et titres de
ia ville sont mis dans un coffre portatif, afln de les en-
lever du Trésor, s'il y a lieu (6).
Le 23 août 1499, les ducs de Gueldres, de Juliers et
de Clèves font, à Troyes, une entrée solennelle. Ils sont
harangués en latin et la ville leur fait offrir les vins
d'honneur, en un muids de vin blanc, deux de vin
clairet (rouge), accompagnés de six moutons, d'un bœuf,
de douze torches de cire de deux livres chacune , douze
grands septiers d'avoine, douze chapons, trois douzaines
de poulets, douze lapereaux, vingt-quatre pigeons et, à
chaque repas, deux pots d*hypocras (7).
(1) A., 2.
(2) Arch. mun., âssier. Comptes de l'Œuvre de VégliâedeTrcyes^
p. 70.
(3) Arch. dép., 6., G. 437.
(4) A., 2.
(5) B., 5ii.
(6)B.,56.
(7) Arch. mun.
220 HISTOIRE DETROYES. 1499
En janvier suivant, la reine Anne passe à Troyes ;
elle loge, avec sa suite, dans un hôtel situé au devant
de celui de la Couronne. A cette occasion sont démolis
certains étaux situés sur la place de TEtape-au-Vin, où
Ton vendait du sel, et qui ne furent jamais recons-
truits (1).
L'échevinage veille, comme Tancien conseil, avec sol-
licitude, à la conservation des coutumes ou privilèges
des foires. Certains individus, incarcérés pour dettes de
foire, ont obtenu de la chancellerie royale, des lettres
les autorisant à faire cession do leurs biens et, par ce
moyen, à sortir de prison, ce qui est contraire aux cou-
tumes L'échevinage s'oppose à Texécution de cet acte
et veut que les débiteurs gardent la prison. C'est Texer-
cice de la contrainte par corps. Sur son pourvoi au Par-
lement, Téchevinage gagne son procès et obtient arrêt
le 22 mars 1499 (v. st.).
Une ordonnance bailliagère règle la vente du bois de
chauffage et du charbon. Le prix de la corde de bois à
brûler, dont la plus grande partie est de chêne, de
charme, de poirier ou de pommier, est fixé à vingt sous
t en la ville, banlieue et port de Troyes. » L'autre bois
se paie 18 s. t. — Le prix du cent de fagots de fournier
est fixé à 16 s. 8 d. t. — Le charbon est vendu en bâche
ou banne, et non en sac. Deux mesures sont établies
de même contenance pour la vente du charbon , qui
sera mesuré par les charbonniers jurés, à la charbon-
nerie, près des Changes, devant Téglise de Notre-Dame-
aux-Nonnains, et sur la place de Sl-Pierre (2). En 1488,
le conseil avait permis aux portiers de prendre une
bûche de bois ou un fagot sur chaque charrette ou char
chargé de bois entrant en ville. — En même temps,
(l)Blq. iiatJ<ï. Collection de Champ. <, vol 65. Compte du Domaine
royal. 1513-1514.
(î) P., 1er.
1499 CHAPITRE XV. 331
le bailliage iiiterdil aux boulangers, taverniers et regral-
tiers (l'acheter du blé, amené à Troyes , depuis le ven-
dredi à midi jusqu'au samedi à la même heure (i), et,
deux ans après, il règle les prix dûs aux meuniers pour
la mouture des grains (3).
A cette époque, apparaît à Troyes un nouvel office,
celui de gourmet ou perceur de vins. Il y a deux titu-
laires, Tun institué c de par le roi, > et Tautre « de par
les habitants. > ils ont serment en justice, reçu par le
bailli ou son lieutenant.
Voici encore, au XV© siècle , un de ces usages con-
traires aux convenances et à la décence demandées de
nos jours à ceux qui se vouent à la vie du cloître.
La veille de TAscension, troisième jour des Roga-
tions, les religieuses du Paraclel et les habitants de St-
Aubin , d'Avant et de Mâcon faisaient station à la
Croix-au-Maitre. L'assistance y chantait des répons,
puis commençait une danse à laquelle les religieuses
prenaient part , en chantant des chansons en langue
française, et qui, suivant l'évéque de Troyes , qui cons-
tate le fait, étaient quelquefois malhonnêtes. Sur la dé-
fense faite par l'évoque aux religieuses, celles-ci préten-
dirent que , suivant titres , elles étaient obligées d'y
assister comme de donner des bourses aux filles qui
dansaient , et qu'à Taccomplissament de cette condition
était subordonné leur droit aux dîmes. L'évèquc fit assi-
gner les religieuses devant l'Official, pour les faire con-
damner à rompre avec cet ancien usage (3).
Dans le cours de l'été de l'année 1500, Louis XU est
de nouveau attendu à Troyes. Il revient de Lyon, d'où
(1) Q., 4«. Pièce 26, fo 74.
(2)Â. Â., carton 4àe, ire liasse.
(3) 4499. — Arch. dép. , G, 1344 ; reg. Chap, de St-Pierre. —
Revue lies Sociétés savantes, 5«^ série, t. m, janv. el fév. 1872. —
Commun, de M. d'Ârbois de Jubainville.
322 HISTOIRE D£ THOYES. 1499
il avait, le 13 juillet, annoncé son départ. La ville fait
ses préparatifs et, cette fois encore, elle n'eut pas Thon-
neur de le recevoir. Elle avait fait fabriquer une coupe
en or, qui devait lui être offerte. Cette coupe fut vendue
et le prix appliqué aux travaux de la porte c de Bel-
froi > (i). Le bailli défend, à l'occasion du passage du
roi, € à toutes femmes et filles de Troyes, d'être doréna-
vant en ville avec aucun bonnet ni calle, sans être cou-
vertes de couvre-chefs, chaperons ou coiffes, à peine de
cinq sous d*amende et de confiscation desdits bonnets
et oalles, qui leur seront ôtés par le bourreau (2). >
En 1499, Tartillerie a fait des progrès. Les fortifica-
tions sont mises en état de résister aux projectiles de-
venus plus puissants. Une assemblée générale des habi-
tants décide que la porte et les tours des portes c du
Beuffroy et de Comporté » seront démolies, puis re-
construites sur un autre plan. Ces travaux sont de suite
commencés et poursuivis sous la direction de Jean
Guailde, rarchitecte du jubé de la Madeleine, qui en fait
c plusieurs portret9 et figures » avec les conseils du
maître maçon du château de Dijon. On commence ces
travaux par les grosses tours jumelles qui constituaient
la porte du Beffroi , abattues jusqu*au niveau du sol
vers 1820, et dont les restes ont disparu, soit par la
démolition, soit par le comblement du fossé, vers 1856.
Ces deux tours étaient placées des deux côtés du fusse
et étaient jointes par un double pont, dont Tun était
dans le fossé (3), et l'autre, au niveau du sol, servait à
(1) K., 3 et 4. C'est la première fois que cette porte est nommé«
porte de Belfroi, qui dominera à Tavenir.
(2) Arch. mun.
(3) La tradition voulait que, par ce pont, on pût communiquer de
l'intérieur à l'extérieur de la ville et qu'il y eût un débouché sur le
faubourg. — Lors des travaux de remblai, je visitai les tours avec M.
Gréao. — Par le pont inférieur, on communiquait de l'une à l'autre
tour, mais non au delà du côté du faubourg. De ce côté, le terrain
rm fiTiAPiTiiB XV 223
la cifculation publique. Ces travaux durèrent plusieurs
années. En 1507-1510, on travaille à la porte de Com-
porté, ainsi qu'au boulevard qui en garantissait et gar-
dait rentrée. La porte de Croncels fut commencée en
1511 et celle de St-Jacques, que Ton nommait alors la
Porte-Dorée, fut augmentée de deux grosses tours re-
liées par une galerie du côté de la ville, le tout adossé à
l'œuvre si gracieuse de 1463. Un maçon fut envoyé à Mou-
zon, afln d'en étudier les fortifications. L'évéque, le maire,
leséchevins, des notables visitèrent les murailles et déci-
dèrent que deux tours, qui n'excéderaient pas la hauteur
des murailles, seraient édifiées à la porte de Croncels (1).
En même temps , on édifie le ravelin de St-Jacques,
qui s'étendait sur tout l'hémycicle limité par les an-
ciens remparts et le cours d'eau aujourd'hui existant
entre la ville et le faubourg. Ce cours d'eau fut sans
doute creusé alors , nonobstant l'existence du canal
placé au pied de la porte et rempli en 1831. L'entrée
dans ce ravelin ne faisait point face au faubourg, elle
fut établie à l'angle du côté de Gournay , où Ton voit
encore une culée de l'ancien pont, entrée qui fut conser-
vée jusqu'à la construction du pont actuel, c'est-à-dire
jusqu'en 1 756.
Les fortifications furent aussi augmentées. On donna
plus de force aux remparts. On y établit des canonnières.
On approfondit les fossés , depuis les arches de la
Planche-Clément jusqu'à la porte de St-Jacques; puis
de l'arche de Chaillouet, dans la direction de la porte de
Comporté, jusqu'à la tour nommée Yéchippe Salomon
et la vigne de la Trinité. Ces derniers travaux furent
exécutés à partir de 1513 (2), sur l'avis du capitaine
était au vif;, «n face du pont, et la tour n'avait souterraindmenl aueuna
issue de ce côté.
(1)A. ^.
(â) D., de \t A 50. dm^tm dm forli(ication9. De Tan 1500 à
224 HISTOIRE DE TROYES. i$00
Damyen. On augmente rartillerie, on refait les ponts-
levis. — L'enceinte fortifiée avait un développement de
1,963 toises, de huit pieds chaque toise (1).
1513, on ne compte pas moins, dans cette série, de 38 registres,
quoique bien des dépendes soient comprises dans d*autres services.
(1) Ce qui donne 2,617 t.. de six pieds ou de 2"», soit une longueur
de 5,000n». 533.
A cette époque, on compte autour de la ville cinquante-quatre tours
construites en demi-lune et appliquées aux murailles. En voici les
noms avec celui des portes, des plates-formes et boulevards édifiés,
le plus grand nombre, dans le premier quart du XVIe siècle.
Le Beffroi. 15. Tour St-Quentiu, démolie.
Porte du Beffroi. G- Boulevard de Chmllouet.
1. Tour du Sagittaire. '16. Tour David, qu'il faut dé-
2. — de St-Antoine, qui fut molir.
comprise dans le boulevard de t7. Tour St-Loup, id.
Chevreuse. ^^- Tour St-Matbieu.
A. Boulevard de Chevreuse. 19. Tour Josué.
3. Tour des Rats. Porte de St-Jacques.
Boulevard de la Madeleine, H. Boulevard St - Jacquet , en
B. Plateforme. avant de la porte.
4. Tour des Violettes. 20. Tour Titus, Il faut
Porte de Comporté. 21. Tour St-Nizier, les
G. Plateforme. 22. Tour St-Martin. ^ abattre.
5. Tour du Bastion ou Tour dan- 23. Tour Hector, t Sont
gereuse. 24. Tour Augustin, S démolies.
D. Plateforme des Cordeliers. 25. Tour St-Aventin.
6. Tour du Roi Artus. I. Plateforme de Montaigu ou
7. — du Roi Alexandre. de la Rioteuse.
E. Plateforme. K. jBoul«vay*d portant les mêmes
8. Tour Godefroy de Bouillon ou noms.
Tour aux Pourceaux. 26. Tour de Jargondis.
9. Tour St-Paul, démolie. 27. Tour Ste-Anne.
F. Boulevard St'Paul. L. Boulevard deVIsle.
10. Tour St-Pierre, démolie. 28. Tour Gicéron.
11 . Tour Gharlemagne, dite plus 29. Tour de Gordance.
tard de St-Lambert. 30. Tour Pompée.
12. Tour du Gomte Thibault ou 31. Tour Encas.
du Saut périlleux. M. Boulevard de la Planche-
Plateforme. Clément,
13. Tour de Ghaillouet. 32. Tour St-Dominique.
li. Tour Barbazan. 33. Tour Hercule.
f500 CHAPITRE XV. 225
L*état des travaux do défense de la ville de Troyes se
résume ainsi : Dans le premier quart du XYI<* siècle, les
portes de la ville sont considérablement aug:mentées, en
conservant les anciennes constructions. — La porte du
Beffroi est prolongée à Textérieur, un double pont cou-
vert est jeté sur le fossé, alors très-profond, et ayant à
34. Tour Ste-Barbe. 43. Tour Sl-Jean.
N. Platefomte de la Planche- 44. Tour Scipion.
Clément. 45. Tour St-Elov.
35. Tour Si-Denis. 46. Tour Constantin.
36. Tour St-Etienne. 47. Tour St-Michel.
O. Platcfoj^yie St-Dominique. 48. Tour des Moulins-Neufs.
3*7. Tour St-Dominique. Porte de Croncels.
38. Tour St-Thomas. 49. Tour
39. Tour Annibal. r»0. Tour Fernaudin.
P. Plateforme. 51 . Tour Boilcau.
40. Tour St-Louis. H. Boulevard de Guise ou de la
41. Tour Troylus. TourBoileau.
Poterne de la Tayincrie. 52. Tour Jazon, démolie.
42. Tourdes 4FilsAymon, cora- 53. Tour St-Pantalcon, démolie.
prise dans lo boulevard de la 54. Tour St-Nicolas, démolie.
Tannerie. S. Boulevard du Beffroi.
Q. Boulevard de la Tayinerie. T. Plateforme du Beffroi,
En deliors de ces noms nous avons trouve ceuv-ci : Tour Dai^ius,
Tour Montauban, Tour des Chambres^ Tour Dijon, Tour Gaupin,
Tour Brûlée. Les trois premières étaient dans le quartier de Cron-
cels ; la tour Dijon, du côté du saut périlleux. La Tour-au-Mitre
est sans doute indiquée ici sous le nom de Tour^ St-Nicolas.
Nous reproduisons le plan des foi tifications. C'est la copie réduite
d'un plan sans date, sur parcbemin et d'environ deux mètres de dé-
veloppement. Il porte en lettres capitales : VILLE DE TROYES.
Les légendes sont certainement de deux époques, de même que les
indications topojrraphiques. — L'examen de ce plan fait connaître
que l'enceinte et les tours constituent l'œuvre primitive. Il indique,
dans cette partie, l'état des fortifications avant les premières années
du XVJp siècle. Le dessin des portes du Beffroi , de Comporté, de
St-Jacques et de Croncels , indique avec certitude que ces quatre
portes n'étaient pas reconstruites. Quant aux bastions , plateformes,
boulevards, le dessin ne rappelle que des projets. C'est un des pre-
miers exemples des ouvrages d\is à come«, ne présentant à l'attaque
que des plans inclinés. Le boulevard de Chevreuse. celui de Guise,
celui de la Planche -Clément et celui de St-Jacques furent seuls
tIL 16
S36 HISTOIK» DB TAOYES. xvi»S.
sa tète et faisant face au faubourg Ste-Saviiie^ deux
grosses tours pomles avec meurtrières. — Celte porte est
arrivée jusqu'en 18:20, époque de i^a démolition, dans
Tétat où elle fut laissée par les architectes du WI© sièole,.
avec herse : le pont<levis fut seulement remplacé par un
pont en bois. On voyait encore , au commencement du
siècle, à travers les refends, le cylindre et les chaînes qui
servaient à la manœuvre du pont-levis. — Au dessus du
corps principal de la porte existait anciennement une
chambre bâtie en bois et en saillie, où se tenait le guet.
— Comme ouvrage avancé, en dehors et en face de la
porte, avait été élevée une grande terrasse ou plate*
forme, flanquée de deux tourelles et munie d'un large
escalier. Ce travail fut détruit , il y a longtemps, pour
dégager Tentrée du faubourg Ste-Savine.
Quoique considérée comme simple poterne, la porte
de la Madeleine était garnie d'un pont-levis et d'un pool
dormant, avec un grand pavillon carré en charpente,
servant de corps-de-garde. — En 1576, cette porte fut
augmentée du fort Belin. Ce fort était couvert en avant
par une porte placée à la tête du pont jeté sur le fossé.
— Ce travail fut démoli en 1737, en raison de Tobs-
tacle qu'il opposait à une libre et commode circu-
lation.
construiU. Tous les autres indiquas au plan restèrent à Tétat de
projet- L'ancienne enceinte, dans son entier, n'indiquait point que
le boulevard de St-Paol, ceux de Chaillouet, de Rioteuse, de Tlsle,
de la Tannerie et du Beffroi eussent été commencés.
Quant aux portes, les quatre piincipales sont celles du Beffroi, de
Comporté ou de Preize , de St-Jacques et de Croncels. Il y a deux
poternes : celles de la Madeleine et de la Tannerie ; la garde de cette
dernière était conAée aux habitants du quartier. Alors sont fermées
les poternes de Chaillouet ou de St-Quentin, de la Planche-Clément,
la porte, devenue à la un du XV« siècle Tout^au-'Mitre ^ près de
St*Nicolas, celle de St-Antoine, en fsice le faubourg de St-Martin.
Celle de St-Quentin, fermée pendant un temps assez long, fut livrée
de nouveau à la circulation en 1504. (A. 4.)
xy,.S. CHAPITRE XV. 227
La porte de Preize ou de Comporte était construite
aussi en pierres dures , accompagnée , en dehors du
fossé, des deux grosses tours dont les plans modernes
de la ville donnent en partie le pourtour. Au dessus de
la porte, était un corps de bâtiment en bois, en avant un
pont-levis. Plusieurs corps-dc-garde défendaient cette
entrée. La porte la plus rap[)rochée de la ville était cou-
verte par un cavalier revêtu de pierres dures. Un peu
au dessus se trouvait une écluse barrant les eaux du
fossé. — A cftié de cette porte, existait une espèce de
retrait avec meurtrières. Réparée en 174-0, on supprima
les grosses tours. La porte eut la forme d'un bastion , et
celui-ci tomba sous le feu du canon en 4814. — La
porte St-Jacques, au lieu d'être [)rolongée extérieurement,
comme celles de Paris et de Croncels , fut seulement
augnjonlée de doux grosses tours en demi-lune, réunies
par un corps de bâtiment, et le tout adossé à la jolie
Porte-Dorée élevée en 1K)3. Celte nouvelle construction
n'avait pas moins do 17^ d'élévation. En avant, étaient
différentes constructions élevées pour défendre la porte
principale. Il y avait |)ont-lcvis et bascule. Un pavillon
était construit entre la porte et le boulevard dans la
direction de Gournay, où se trouvait un pont de bois
servant à traverser les fossés de la ville. — Ce pont fut
réparé en septembre 1681, ainsi que l'indique l'inscrip-
tion que l'on voit encore sur une pierre du mur soute-
nant les terres du côté de la ville. En dehors de ce pont,
il y avait des constructions formant tête de pont, et de-
puis longtemps disparues.
La porte ou poterne de la Tannerie avait aussi un
pont-levis et un corps-de-garde : un accident en fit dé-
cider la démolition, dans le premier quart du siècle der-
nier.
La porte de Croncels, comme «îcUes du Beffroi et de
St-Jacques, datait de deux époques. Les travaux du
228 HISTOIRE DB TROYES. xvi«S.
moyen-âge furent conservés et on y ajouta, vers 1540,
un prolongement vers le faubourg. La partie ancienne
se coniposait de plusieurs arcades ogivales, avec cou-
lisse pour la herse. La chambre du guet était au dessus
et, aux deux côtés , étaient établis deux corps-de-garde.
La construction de 1510 était à plein ceintre et flanquée
de deux grosses demi-tours circulaires, répondant aux
deux, salles de garde. Elles étaient percées de meur-
trières. — Il y avait, comme aux autres portes, pont-levis
et pont dormant. En avant, était comme à St-Jacques et
à la porte du Beffroi, un boulevard pour la protéger. —
Ces travaux extérieurs ont disparu depuis longtemps et
la porte de Croncels fut démolie en 1808. La ville avait
aussi des travaux considérables à l'entrée et à la sortie
des canaux de dérivation de la Seine. Ainsi le canal de
Jaillard ou de la Planche-Clément avait deux boulevards
adroite et à gauche. L'un, dit de la Planche-Clément,
et Tautre, du Gouffre , et au dessus du pont était un
corps-de-garde avec mâchicoulis, et, de plus, de chaque
côté, deux tourelles à Taplomb des piles. — Le pont de
Rioteuse, aujourd'hui du Grand-Séminaire, avait, pour
se défendre, un corps-de-garde faisant saillie et garni
de mâchicoulis, le boulevard de Montaigu et la plate-
forme de Rioteuse. Des constructions analogues étaient
établies en face des Moulins-Brôlés, soit au pont du
Noyer-aux-Enfants , soit au pont du Joli-Saut. Puis, à
Tangle formé par l'enceinte de la ville , près des Cop-
deliers, s'élevait la plate-forme dite des Cordeliers et ia
Tour du Bassin.
C'est en cet état que la ville deTroyes dut être fortifiée
dans le premier quart du XVI»* siècle. Cependant les
plateformes datent surtout de 15W; le fort de Guise,
de 1530 à 1540; le fort de Belin, de 1576; le fort
Chevreuse, et le Ravelin, placé en face, de l'autre côté
du fossé, de 1590.
XVI» s. CHAPITRE XV. 229
Tout cet ensemble ne fut guère modifié sous les rè-
gnes de Louis XIIF, de Louis XIV, de Louis XV et de
Louis XVI. il était réservé à notre génération de faire dis-
paraître tout cet appareil de défense militaire, édifié à
grands frais d'abord par les seuls habitants de Troyes,
puis, au XVl*" siècle, avec certains droits prélevés sur les
greniers à sel de la Champagne méridionale.
Depuis 1458, la vente du sel au grenier de Troyes se
fait par un commissaire délégué du conseil ou de Té-
chevinage, et le profit, sauf les droits du roi, s'applique
aux travaux des fortifications, ainsi que le produit du
droit de la maille^ levée sur le pain blanc. En 1500, le
droit est fixé au profit de la ville à 2 s. 6 d. par minot
de sel. A ce droit il en est ajouté un autre de dix livres
par muids. Pendant près de vingt ans, Jean|Dorigny
remplit les foiictions de commissaire à cette vente. A
partir de 1520, les greniers à sel d*Arcis et de Beaufort
versent dans la caisse de la ville i liv. t. par muids.
L'année suivante et jusqu'en 1536, au moins, sur chaque
minot de sel vendu aux greniers de Nogent-sur-Seine. de
Joigny, de Tonnerre, de Bar-sur-Aube, de St-Dizier, Vil-
lemaur, Mussy , Sézanne et St-Florentin , il fut levé la
même somme ayant la même destination. A partir de
cette dernière date, le seul grenier à sel de Troyes
fournit des sommes employées aux fortifications. Cela
aurait duré au moins jusqu'en 1593 (1).
Bien que les rues soient pavées, pour le plus grand
nombre, celles qui entourent Tév^ché et la cathédrale
ne le sont pas; la rue Vieille-Rome « par où Ton va à
la Tour-du-I\oi, où sont ses prisons et où il est néces-
saire d'aller très-souvent faire les procès des criminels, >
n'est point pavée (2).
(1) D., de 1 à 61. — La comptabilité du grenier à sel s'arrête &
cette date. — Le grenier à sel de Vezelay fournit aussi aux frais des
fortifications. — (2) C, 76^ 80.
280 HISTOIRE DE THOYES. xvi«S.
La rénovation ne se fait pas moins sentir dans les habi-
tations que dans le connmerce, Tindustrie, les arts, etc.
La ville prospère et la population augmente. Le quartier
du commerce, celui des Changes, la paroisse deSt-Jean-
au-Marché convertissent leurs anciens étaux, leurs
vieilles halles, en habitations. Ainsi l'on voit disparaître
trente-deux étaux à pain joignant la place de la Char-
bonnerie à celle du Pilori , la halle aux cordonniers ,
abandonnée depuis 1479, les ouvroirs et les étaux de
la place des Changes. Des constructions s'élèvent autour
de la Prévôté, sur une place t en la Gharbonnerie près
du Château du Pilori, » sur l'emplacement d'anciens
étaux à vendre le sel, le pain et autres marchan-
dises (1).
L'imagination, aidant un peu à Tesprit, on peut, en
visitant quelques-uns de nos anciens quartiers, se repré-
senter la ville de Troves avec ses maisons à double et
triple ligiiot, surplombant, avec leurs pignons largement
développés, dos rues doja fort étroites, souvent inondées
par le jet abondant de longues gargouilles projetant des
torrents d'eau au m lieu de mes fangeuses et mal
pavées, avec sos maisons cuirassées d'ardoises ou d'ais-
sis, comme il on reste encore quelques rares échantil-
lons ; avec ses nonibrouses églises , datant presque
toutes dos di^uziomo ol treizième siècles, ses cimetières,
ses innombral)los oouvents; ses places de St-Pierre, de
la Belle-Croix, et (juolques-unes de ses rues bordées
iïalloiirSy connut» nous en avons vu naguère dans la rue
do la Corlerio et, do plus, pour égayer la ville, reposer
la conscience des uns, elIVayer les autres, les signes do
la haulo juslice, sous forme do pil(>ris, de carcans, de
fourches patibulaires, de potences, de billots, au nombre
^l) Blq. ualJ'. (Collection de Champagne^ vol. 65. Comptes du
Domaine royal. 1513-1514.
\soo
CHAPITRE XV.
âdl
de quinze, appartenant au roi et aux seigneurs qui 8e
divisent le territoire de la ville (1).
La population augmente dans une proportion relati-
vement considérable, puisque de 4482 à Tan 1500, de
15,309 habitants, elle s*élève à 23,670, selon un recen-
sement fait en celte dernière année, contradictoirement
entre Tavocat du roi et le maire de la ville, et, avec les
habitants de Saint-Martin, de la Vacherie, du Pré-
rÉvêque et des Trévois, à 26,689 habitants (2).
Aussitôt achevée , la Belle-Croix obtient une réputa-
tion de miracles, qui se répand promptement au loin.
Les pèlerins affluent bientôt en si grand nombre, pour
demander et obtenir la guérison de leurs maladies ou
tout autre bienfait, qu'il fallut modérer leur entraîne-
ment. Le 9 juin 1500, le lieutenant-général et Tavocat
du roi remontrent à rautorité échevinalc , de la part du
gouverneur de Champagne, en ce moment à Troyes,
€ que la grande affluence de peuple qui se tient surtout
depuis trois semaines autour de la Belle-Croix, de jour
et de nuit, pour avoir santé et guérison, est en si grand
nombre que Ton ne peut passer ni circuler sur la place.
(i) BoirnoT. Inventaire des chaînes. Annuaire de TÂube, 1863.
{î) Nous rapportons ce dénombrement tel qu'il est renfermé dans
le vol. Î27, de la collection Dupuy. Blq. natu*.
Quartier du Beffroi.
— de Groncels
— de Comporte
— de St-Jacques
Total pour la ville.
St-Martin,U Vache-
rie, Le Pré-l*Evéque
et les Trévois
Totaux
Feux
1009
H27
1296
1265
539
Geni
fU
for.
tn
260
269
239
ï>
Gens
d«
pcmrpoint.
563
610
706
653
4697 4039 2532
Exempt!
du gvml
et garde.
475
234
32i
373
Total
ycMiprb
les
tnftuitt.
5307
6150
641 i
6099
1400 23670
3019
5236 4039 2532 4400 26689
232 HISTOIUE DE TEOYES. i5(M
Celte assistance y fait ses ordures et immondices, tel-
lement qu il s'y engendre si grande punaisie et infection
qu'on n'y peult plus durer; plusieurs filles et femmes
sont en danger d'y être déflorées, perdues et gâtées;
divers vols ont été commis, de grands inconvénients
surviennent par mauvais garçons, qui, nuitamment,
hantent et fréquentent la place de la Belle-Croix. Enfin
Tavocat du roi demande que sur ces faits il soit baillé
provision et avisé. »
Sur celte plainte, Téchevinage décide qu'il sera dé-
fendu, par cri public, à tous pèlerins, malades, pauvres
mendiants et autres personnes venant à la Belle-Croix,
qu'à dix heures du soir tous quillont la place et aillent
loger dans leurs maisons, logis ou hôpitaux, et n'y re-
viennent avant trois heures du malin , et qu'aucune
personne ne passe plus d'une demi-heure près de la
Belle-Croix, pour y faire ses dévolions; le tout à peine
d*amcnile arbitraire ot de prison (1). Que penser de
l'efficacité d'un tel pèlerinage 1
Louis XII, étant à Lyon, informe, le 13 juillet 1500,
qu'il doit se rendre à Troycs pour y recevoir les ambas-
sadeurs du roi des Romains ot des princes et électeurs
de l'Empire. Par un • autre lettre, datée de Dosne , du
dernier jour de juillet, il annonce qu'il sera à Troyes
dans dix ou douze jours. Mais , le 7 septembre, le roi
fait savoir que, les ambassadeurs d'Allemagne ne devant
pas se rendre près de lui, il ne viendra pas à Troyes (2).
En octobre 1501, Marguerite d'Autriche, fille du duc
Maximilien et de Mario de Bourgogne , passe à Troyes
pour se rendre en Savoie. Louis XII écrit aux Troyens
de lui faire bon accueil. Il a donné à cette princesse le
pouvoir de délivrer des prisonniers dans les villes qu'elle
(1)A., 2.
(1)A., 2.
(2) Â. Â., carton 48, liasse 7*^.
1504 CHAPITRE XV. 233
traverse. Elle use à Troyes de la prérogative dont le roi
Ta honorée. La ville l'accueille avec honneur, les rues
sont tapissées lors de son entrée. La présentation des
clefs de la ville fut mise en question au conseil, qui
décida qu*au souverain seul appartenait cet honneur.
Comme présent de ville , on offrit à la princesse Mar-
guerite , six muids de vin, quatre douzaines de lapins,
autant de chapons, dix-huit torches de cire pesant trente-
six livres, treize livres et demie de dragées , en huit
boîtes, trente-sept pintes d'hypocras et 850 poires de
plusieurs aires (espèces) (1).
La navigation sur la Seine et sur la Barse est toujours
active. D'une part, les meuniers établis sur cette seconde
rivière veulent percevoir des droits sur les bois de
chauffage passant dans les vannages de leurs moulins.
Le port de cette rivière est près du grand pont tirant vers
Foicy. Kl, d'autre part, les héritiers de Jean Le Bé « qui
a fait construire les sept ou huit moulins à roues de
Sencey , » veulent exiger un droit de dix deniers par
bateau, nacelle ou autre vaisseau, « des nautonniers ou
marronniers d demeurant à Troyes et dans la banlieue,
passant dans les vannages de ces moulins. Mais ceux-ci
prétendent avec raison qu'ils sont en droit de naviguer
franchemenl et ne sont tenus de payer aucun droit pour
le passage do leurs bateaux vides ou chargés, en mon-
tant ou en descendant. La concession d(î construire,
faite à Jean Le Bé, avait eu lieu à cette condition, main-
tenue par sentence des requêtes du Palais, en date du 24
mars 1504 (v. st.).
L'évêque veut exiger la dîme des laines. Les habitants
de Troyes la refusent. Une assemblée générale décide
qu'il sera fait des propositions à l'éveque, tendant à
revenir à l'exécution d'un traité naguères fait avec lui,
(1) Arch. mun., Petit livre de la VoiriBy f^ 69, ro.
234 HISTOIRE DE TBOYES. 1504
et dans le but * d'éviter d'avoir noise et question avec
lui, > prélat et pasteur de la ville. L'évêque, n*acceptant
pas CCS propositions , Téchevinage continue ses pour-
suites et les habitants de Troyes sont dispensés du
paiement des dîmes de la laine. Les statuts synodaux
sont datés de 1502, et l'arrêt du Parlement , qui les
réforme, est du 7 septembre 1503.
Cette discussion donne lieu , si ce n'est au premier
procès de presse, au moins à Tun des premiers procès de
cette espèce. Un imprimeur de Troyes , Macé Panthouli
imprima ces statuts. Sur la poursuite du procureur gé-
néral au Parlement, prenant fait et cause pour les habi-
tants de Troyes, la Cour ordonne la suppression de
quelques mots. Les exemplaires étant saisis , leur déli-
vrance à révoque n'eut lieu qu'après avoir fait les chan-
gements ordonnés par la Cour, sous la. surveillance du
bailli et du prévôt (1).
En 1504, les blés sont rares et chers. L'échevinage
prend des mesures pour assurer l'approvisionnement de
la ville. Le pain est taxé (2).
Le chapitre général des cordeliers est lenu à Troyes,
en 1504, le jour de la Penlecôle. Le Père Delphini, gé-
néral de l'Ordre , en est le président. Le Pape avait
attaché à cette réunion des pardons et des indulgences.
Ce chapitre aurait été l'un des plus considérables de
l'Ordre.
La compagnie des arbalétriers est si nombreuse que
les buttes situées « vers St-Nicolas » sont devenues in-
suffisantes. Les arbalétriers demandent à l'assemblée de
la St-Barnabé, qu'une place « en Comporté, le long des
murs qui font la fermeté de la ville, » leur soit accordée.
Cette demande ne fut sans doute pas agréée, car en
(i) Arch. dép., f. de VEvêché, 2, G. 2.
(2) Blq. de Troyes, mnsc. n» 1291.
1505 CHAPITRK XV. 235
1506, la ville leur accorde 25 1. t. « |)oup les aidera
refaire certain mur ruiné de leur buttes, placées près
de l'église St-Nicolas (1).
fin 1505, les bonnetiers de Troyes, au nombre de
huit nommés, et de plusieurs autres, présentent requête
à justice pour se constituer en conlVérieet corporation,
« inclinant du tout à dévotion et avant recordation et
un singulier désir et affection à la Nativité de la Haute
et Très-Excellente Trésorière de grâce , la Henoiste
Vierge Marie, Mère de Dieu, notre Créateur. »
Les statuts donnés aux bonnetiers portent érection
d'une confrérie, sous le patronage de la Vierge, dont
la fête est célébrée le 8 septembre, jour de la Nativité.
— La confrérie sera entretenue dans Tune des églises
de Troyes, choisie par eux. — Ils s'assembleront, chaque
année, requis un sergent royal, et iront ensemble « con-
voyer, conduire , mener et ramener le bâtonnier, la
veille, le jour et le lendemain de la fête, pour aller aux
offices et en revenir. — Le lendemain de la fcte, il v
aura service pour les âmes des confrères trépassés. —
Un ou deux gardes seront choisis, chaque année, et
auront serment en justice. — L'ne messe basse sera
célébrée tous les dimanches, en Thonneurde la Vierge
et pour le salut des âmes dos confrères trépassés. « —
(chaque maître, tenant ouvroir, devra trois deniers par
semaine à la confrérie. — L'entrée en apprentissage est
fixée à 5 s., payables de suite à la confrérie, excepté les
jeunes pauvres enfiinls ou orphelins, auxquels les maî-
tres montreront leur métier plus par pitié et aumône
qu'autrement, et, dans ce cas, les cinq sous ne sont
payables qu'après la première année d'apprentissage. —
Tout valet étranger , venant travailler à Troyes, devra
2 s. t. à la confrérie, après un mois de travail. — L'as-
(1)G.,82. — G.15.
HISTOIRE DE TROYKS. i^fg.
*:isl::ijce aij]( fuiicrailles des confrères esl obligaloire. —
La iev^e de Touvroir ou boutique est payée dii s^ous i la
corjfn';rie.
lie cette rdodcdtt' corporation, peut-être la moins im-
portante à Troyes, dans les premières années du XVI«
siècle, sortit, après plus de trois cents ans. la plus consi-
dérable que la ville eût jamais renfermée , car aujour-
d'hui Tindustrie de la bonneterie dépasse en importance,
en richesse, en produits et en nombre, toutes les cor-
porations qui se sont succédé depuis le moyen-â^
ju8qu*à nos jours.
On peut se demander quelle était, au XVIe siècle,
Tindustrie des bonnetiers , et par quels procédés elle
s'exerçait. On est d'accord pour reconnaître que le tricot,
la maille n étaient pas inventés comme tissu , dans le
milieu du XVI** siècle. Henri II aurait porté, en 1559,
la première paire de bas de soie tricotés, au mariage de
sa fille, Elisabeth de France, avec Philippe II, roi d'Es-
pagne.
Nous doutons que ce fait constate avec certitude la
«late de l'invention du tricot à l'aiguille, car le tricot au
métier ne daterait que de 1650. Les bonnetiers, faiseurs
de bonri(îts, étaKUit, à Paris, appelés aulmulciers, miton-
aicM's, c'est-à-dire fabricants d'auniusses, de mitons. Le
cher-d'o.'uvre consistait en un bonnet de laine, appelé
aumusse ou deux bonnets, à usage d'homme, qu'on nom-
mail cri^minlm. Il lallait aussi faire un bonnet carré de
drap fin, le taill(?r, encofiner , et presser; confectionner
une toque do velours et brocher un bas d'étame ou de
soie. Les bonnetiers en tricot ou maîtres-ouvriers en bas
et autres ouvrages en tricot, tricotaient ou brochaient à
raiguille des bas , des bonnets ou des camisoles. Cette
Jernière industrie est celle qu'exerçaient, à Troyes, les
bonntUiers qui se constituent en corporation. Ceux de
Paris , exerçant l'industrie similaire , ne sont érigés en
i
1505 CHAPITRE XV. 237
communauté qu'en 1527. — 11 est évident que Tinven-
tion du tricot est antérieure à la formation de la corpo-
ration. Il a dû être mis en usage longtemps avant que
ceux qui l'exerçaient se fussent constitués en confrérie.
Les bonnetiers de Troyes, des premières années du
XVle siècle, fabriquaient donc des bonnets, des bas et
autres ouvrages tricotés à Taiguille. Us sont les ancêtres
directs des bonnetiers du XIX^, car, comme eux, ils avaient
la Vierge pour patronne et célébraient sa fête le 8 sep-
tembre.
La ville de Troyes a des guetteurs de nuit au Beffroi
et à la porte de St-Jacques. On les trouve établis pen-
dant tout le XVe siècle. On trouve de plus un crieur qui,
pendant la nuit du dimanche au lundi, parcourt la ville
entre minuit et deux heures, réveille les habitants parle
l)ruit de sa clochette et crie: t Réveillez- vous, réveillez^
^'oiis^ vous tous qui dormez, priez Dieu pour les trépassés^
^ qui Dieu veuille pardonner ! » Cet usage, dont Tori-
ine daterait, selon les comptes de la ville , de l'année
1505, aurait été mis en pratique jusqu'en 1579, si Ton
n croit les mêmes comptes où , chaque année , est ins-
rite une somme de six francs au profit de ce crieur de
riste et funèbre mémoire.
En 1505, le cardinal-légal, Georges d'Amboise, sé-
<iurne à Troyes (1).
Les faits qui décidèrent Tavènement de François I au
rône de France n'ont été, jusqu'à ces derniers temps,
Indiés que fort superficiellement et rapportés si suc-
inctement que le récit de M. H. Martin fut presque une
ovclalion, et cependant ce récit est loin d'être complet,
-•"ar s'il rapporte les actes qui se sont accomplis à Tours
l au Plessis-lès-Tours et près du roi, il ne s'étend pas
ux faits dont les bonnes villes furent témoins. Ces faits
^4^ A. A , 44 carton, 1*^ liasfto.
238 HISTOIRE DE TROYES. 1506
qui décidèrent du sort de la couronne de France et du
mariage du comte d'Angoulênic avec Madame Claude,
fille de Louis XII, méritent d'être connus dans leurs dé-
tails, par le temps de suffrage universel qui court.
Dans les derniers jours d'avril 1506, arrive à Troyes,
le gouverneur de Champagne, le seigneur d'Orval, d'Ile
(Aumont) et de Villemaur , etc. Le 25, deux sergents
royaux convoquent « de post en post et d'hostel en
hostel, » les habitants de Troyes à une assemblée qui,
le surlendemain, doit se tenir, à deux heures, au cou-
vent des Frères-Mineurs. A cette assemblée se rendent
environ 480 habitants, dont les noms sont conservés,
i et plusieurs autres en grant nombre. > On y compte
l'évoque, Jacques Raguier, Nicolas Forgeot, abbé de St-
Loup;Erard, abbé de St-Martin-ès-Aires ; Guillaume
Huyart, licencié ès-lois ; Simon Liboron , procureur du
roi ; Antoine Huyart, avocat du roi ; Maret , receveur du
domaine; Simon Saulnier, élu; Huguenin le Pevrier,
maire; Jean le Tartrier; Nicolas Barrât, Jacques Char-
roy , échevins ; Charles de Villeprouvée , chanoine ;
Claude do Salves, écuycr; Jean Menisson , marchand;
Krardot le Marguenat , maître-garde de la boucherie de
Troyes, etc., etc.
M. Jean Bazin, lieutenant-général du bailli, préside
l'assemblée. Il expose qu'il est venu à sa connaissance
que plusieurs et des plus grandes bonnes villes et cités
du royaume comme Paris, Rouen, Bourges, Amiens et
autres, ont élu et député de grands personnages pris
parmi leurs habitants, pour « de par elles, corps et
communautés d'icellcs, > se rendre, dans le courant du
(uois prochain , près du roi, à Tours , afin de lui faire
a certaines grandes prières et requêtes pour le bien et
l'union du royaume, et de tous les sujets du roi. Afin
que la ville et cité de Troyes, ville capitale du comté de
Champagne, ne soit point omise dans cette réunion de
t506 CHAPITRE XV. 239
Tours, il a fait convoquer les habitants do la ville à cette
assemblée, sur Tavis que lui en a donné M. d'Orval,
{{gouverneur de la province.
M. Jean Bazin, après cetle exposition, demande à cha-
cun des assislans leurs voix et opinions pour savoir d'a-
bord si la ville enverra près du roi et ensuite quels per-
sonnages y seront envoyés.
L'assemblée paraît unanime pour adresser conjointe-
ment avec les autres bonnes villes, une députation au
roi, et lui faire « très-humbles prières qu'ils trouveront
par conseil lui être à faire et requérir pour le bien, union,
paix et tranquillité do ce royaume et sujets d'icclui. >
Les élus sont : MiM. Simon Liboron, écuyer, procu-
cureur du roi au bailliage, noble homme Hennequin
Lepevricr, maire, et honorable homme Jean de St-Aubin,
procureur des habitans. Ces trois députés reçoivent des
habitants une procuration passée devant deux notaires
royaux et leur voyage est aux frais des habitants.
La ville accueille ce projet de députation avec faveur.
VA\e donne au secrétaire du gouverneur deux aunes de
velours achetées chez la Veuve de Jean Mole « en con-
> sidération de ce qu'il avait apporté à la dite ville
» lettres pour envoyer aucuns personnages à Tours, de-
• dans le 10« jour de may pour oyr ce que par le Roy
> sera dit. >
Les trois députés se rendent à Tours, le premier y
passe vingt neuf jours et les deux autres quarante qua-
tre. Ils sont de retour à Troyes le 30 juin.
Ce jour-là, à deux heures ils sont au couvent des frè-
res mineurs, où ils rendent un compte iidèle de Tusage
qu'ils ont fait de la procuration de leurs concitoyens.
Cette assemblée ne comprend pas moins de douze cents
habitants dont les noms sont conservés et le procès-ver-
bal indique qu'il y assiste un très-grand nombre d'autres
habitans. Il est rapporté par l'un des députés que, s'é-
2i0 HISTOIRE DE TROYES. igjfc
tant trans|)ortés à Tours, où ils ont trouvé M. le gouver-
neur et plusieurs grands personnages élus députés et
envoyés par les villes de Paris, Rouen, Bordeaux, Bour-
ges, Dijon, Blieims, Amiens, Abbeville, Toulouse, Lyon,
Orléans et Tours, tous les députés , par un bon conseil,
ont très-huniblemenl fait prier le roi que, pour le bien
de son royaume et de ses sujets, son plaisir soit de trai-
ter le mariage de Madame Claude de France, sa fille,
avec Monsieur le duc de Valois, Seigneur dWngoulême.
Cette prière fut accueillie avec faveur par le roi et elle
fut accordée en présence et de Tavis des princes, gens
du conseil et barons du roi. En leur présence, le lende-
demain, jour de TAscension, le roi fit fiancer Madame
Claude et le duc de Valois par le cardinal Légat,
Georges d'Amboise. Alors les députés de Troyes et ceux
des aulrcs villes promirent de tenir et de faire ratifier
par les habitans dont ils avaient les pouvoirs, le serment
qui suit :
• NousSymon Liboron, licencié- es-loix, procureur du
roY noslre sire au bailliage de Troyes, Huguenin Les-
pruvier, ésouier, maire et jelian de Sainct-Aubin, pro-
cureurde la oommunaulté dudicl Troyes, commis et dep-
pulez do la bonne \ille et cité dudict Troyes, jurons et
promeclons sur les périls et danmations de nos âmes et
les saintes évanjcilos do Dieu, pour ce par nous corpo-
rellement touchées, que nous et ceulx de ladilte bonne
ville et cité auxquels nous promectons faire ratiffier le
contenu en ces présentes et on bailler sur ce lectres au
roy nostre souverain Seignour dedans la fesle de la Mag>
deleinv prochainement venant, ferons et procurerons par
efTect de tous nos pouvoirs que le mariage de très haulte
et trt-s excellente princesse. Madame Claude de France
et de très hault et très puissant prince Monseigneur le
duc do Valois, lequel il a pieu au roy à la supplicacion
et requeste de ladicte ville et des autres principales du
1506 CHAPITRE XV. 244
royaulme, par Tadvis des princes et seigneurs de son
sang, ceulx du conseil et des barons et seigneurs dudict
royaulme, présentement conclure etaccorder et faire, soit
entièrement entretenu aeomply el consommé inconti-
nant qu'ils seront parvenus à Taage pour iceluy consom-
mer (I). Et que si le roy, que Dieu ne veuille, va de vye
à trespas sans délaisser enfant masle, nous tiendrons et
rcputerons mondict Seigneur de Valois pour nostrc roy
et souverain Seigneur et comme tel lui obéirons. Tes-
moing noz seings njanuelz cy mis le XLV jour de may
Tan mil cinq cens et six. * Signé : » Liboron, Lepevrier
et Sl-Aubin. »
Sur ce récit, les assistants remercient le roi de son
consentement au mariage de sa fille, avec le duc de Va-
lois, ratifient « les fois, jurements et promesses » faits
par leurs députés pour le corps et communauté de la
ville et promettent de tenir, faire entretenir et accom-
plir ce qu'ils ont promis. Ualification fut dressée, sous le
sceau de la prévôté par deux notaires, et approuvée par
l'assemblée tout entière. L'original fut envoyé au roi et
copie en fut conservée à Troyes par les soins de Téche-
vinage. Cet acte fait connaître les dilTérens détails qui
accompagnèrent le séjour des députés à Tours, leurs re-
lations avec le roi et les fêtes qui leur furent don-
nées (2).
Le moyen employé pour faire arriver sans troubles
le duc de Valois, comte d'Angoulême, à la couronne de
France, était habilement choisi. 11 en était de même à
l'égard du mariage de Madame Claude, promise par des
traités entre Louis XII, Maximilien et IMiilippe le Beau, à
un prince autrichien : alliance contraire à l'opinion |)u-
hlique. Il était habile de faire détruire par la nation, —
ii) Madaime Claude avait sept ans, et le duc do Valois douze,
fi) A. 3, à la date, et lî, .V». — II. Martin. Uint. des Fr , t. vu,
p 355. '
in. iù
£42 HlSTOltŒ DB TROYES. fSOê
car les bonnes villes en étaient la représentation, — des
traités souscrits par des souverains.
Dans Tune des assemblées tenues à Tours, Torateur
des députés, Thomas Bricot, chanoine de Notre-Dame
de Paris et député de cette ville, décerna à Louis XII le
très glorieux titre de : Pèue du Peupliî:, que Thistoire lui
a conservé à si juste titre.
Le 9 juillet, pour demander au roi une faveur en lui
Faisant remettre la ratification, donnée par les hahitans
de Troyes aux faits accomplis à Tours, le Maire et les
Echevins provoquent une réunion dans laquelle est exa-
minée la question de savoir si, pour avoir franchise et
libertéy il serait bon de demander au roi d'enlever les
impositions qui se lèvent sur la ville et à quatre lieues à
la ronde et de les remplacer par un autre impôt levé
sur quelque marchandise qui serait désignée.
A cet effet, Téchevinage, pour s'éclairer et avoir l'avis
de quelques notables habitans, réunit à lui, pour le col-
lège des bouchers, Erardot le Marguenat, maître-garde
de la boucherie, et Jean Doublet, pour celui des tan-
neurs, Nicolas Bouillerot et Guillaume Format, pour les
foulons-lanneurs, Nicolas Largentier et Guillaume de
Bargues pour les drapiers, Guillaume Mole et Jean de
Mesgrigny (1). Ce projet ne paraît pas avoir eu de résul-
tat, si la demande a été soumise au roi. Car, en 1510,
les habitans de Troyes, pour atteindre le même but, de-
mandent à prendre à ferme les impositions levées pour
le roi dans la ville. Ce qui eut lieu.
Dans le cours de cette même année, le curé et les
marguilliers de St-Jean demandent que Thorloge du clo-
cher de leur église soit réparé et placé à une plus
grande élévation et dans ce but, ils demandent des se-
cours à l'échevinage, que devint la question du fond ?
(1) A., 3, à sa date.
1906 CHAPITRE XV. 243
nous ne cherchons pas à le savoir. A cette occasion, le
lieulenant-général au bailliage, sur la requête du procu-
reur du roi, s'oppose, à peine de 500 liv. d'amende, à
ce qu'un accord intervienne avant que les gens du roi
soient entendus. L'échevinage répondit à cette défense
€ que ces observations sont inutiles et déraisonnables,
qu'aux affaires de la ville, il n'est pas coutume d'appeler
les oITiciers du roi, sinon pour la reddition des comptes
ainsi que le Parlement l'a décidé ; les affaires et les des
niers de la cité sont administrés par les officiers de la
ville sans le concours de ceux du roi et, dans le cas
actuel, l'éclievinage décidera ce qui! jugera convenable. »
Ces défenses sont renouvelées par les gens du roi et le
procureur des habitants s'en porte appelant. Deux moi»
après, tout est mis à néant (1). L'échevinage passe outre.
Les fondations de la tour St-Pierre de la cathédrale
sont jetées en mars 150B|v. st.). Le chapitre demande
à l'échevinage l'autorisation de lever les pavés pour
commencer les travaux lii. L'emplacement est visité par
Mp Michel, maître maçon à St-Nicolas en Lorraine (3),
et par un autre maçon au service du duc de Lorraine.
L'on commença les travaux do maçonnerie sur les
plans dressés par M^* Martin Cambiche, maçon de Beau-
vais (4).
Les pratiques bizarres étaient fort communes au
moyen-âge. L'année 1506 on vit supprimer une dans la
collégiale de St-Etionne, qui se pratiquait le jour de
Pâques. Ce jeu, dit de la Pelotle, était pratiqué dans un
grand nombre d'églises et des plus considérables, à Troyes,
à la cathédrale et à la collégiale deSt-Klienne, à Auxerre
â Rheims, à Amiens, etc.
Le jour de Pâques, après Noue, le chapitre allait
chercher Tévêque processionnellemenl pour chanter les
<0, (2), (3) A., 3, A sa date.
(4) Arch. dép., 3. G., 362.
UA HISTOIRE DE TKOYES. isos
Vêpres. Le cortège se rendait dans la salle capitulaire.
Chacun y prenait rang comme au chœur; on y admet-
tait les notables et bourgeois. Toute l'assistance placée,
le doyen apportait une balle et une toupie , avec une
thiare , aux armes de Tévéque. Le cloilrier plaçait la
toupie sur une bancelle, au milieu de l'assemblée, pré-
sentait la balle à révéque qui, trois fois , la lançait sur
la toupie. Cette balle passait ensuite aux assistants qui,
chacun trois fois, jetaient la pelotte sur la toupie.
Le jeu fini, les gens de Tcvêque présentaient à Tas-
sistance du vin rouge, du vin blanc, des oublies et des
pom.iies qui étaient distribués à tous les assistants,
après bénédiction. Le cloîtrier présentait le verre au
doyen, buvait après lui et le verre lui appartenait. A St-
Etienne, Tévêquti était remplacé par Tun des dignitaires
du chapitre. Le jeu , dans cette église , fut supprimé le
23 mars 1500. A St-Pierre, selon Grosley, il aurait per-
sisté jusqu'en 1564.
Le jour de Pâques, à la cathédrale, à rofTice de Matines,
on représentait aussi la scène des Trois Marie au tom-
beau de J.-C,
A la Pentecôte, dans toutes les églises de Troyes, on
pratiquait la représentation en action de la descente du
St-Esprit dans le chœur de Téglise A Tierce, des en-
fants de chœur montaient dans les voûtes et en faisaient
descendre le * coulomb » ou pigeon blanc orné d'une
couronne de fleurs (1). Pendant la Messe, ils donnaient,
dans Téglise, la liberté à des oiseaux, puis jetaient des
fleurs et surtout des pétales de pivoines, afin de repré-
senter les langues de feu (2).
Les procès contre les animaux étaient communs au
moyen-âge. Vers 1385, le juge du duc de Bourgogne,
(1) Arch. (1<'|)., Comptes des /'(/lises paroissiales.
('2) Skmiu.ahd. t. I. Grosley. Mém. hiai.t t. n.
i5U6 CHAPITRE XV. 24-5
séant dans la chatellenie de Jaucourt, fît pendre un
taureau qui avait tué un habitant du village d'Argançon.
Cet animal fut traîné par des chevaux jusqu'aux four-
ches patibulaires (i). En 1401, la même justice con-
damna à mort une truie, qui avait étranglé un enfant
au village du Puits, dépendant do la chatellenie de Jau-
court (2).
L'official deTévéché dcTroyes, Jean Millon, en 1506,
rend une sentence contre les bruches^ érnches^ hurebets
ou urebecs, La sentence porte : a Au nom et en vertu
de la toute-puissance de Dieu, du Père, du Fils et du
Saint-Esprit, de la Bienheureuse Marie, Mère de N.-S.-
.I.-C, du Tautorité des saints Apôtres, Pierre et Paul et
et de la nôtre propre , dont nous sommes investi en
cette aflTaire, nous enjoignons aux susdits animaux bru-
rhes^ éruches, ou de quelque autre nom qu'ils soient
appelés (3), d'avoir, sous peine de malédiction et d'a-
nalhéme, dans les six jours, à se retirer des vignes et du
territoire de Villenauxe, et à ne plus causer aucun dom-
mage en quelque autre endroit du diocèse de Troyes ;
que si, les six jours expirés, lesdits animaux n'ont point
obéi pleinement à notre injonction, le septième jour,
nous prononçons contre eux, par cet écrit, anathéme et
malédiction. • (4).
(1) Arch. de Bourgogne^ Dépenses de Jean Foissy^ bailli de la
montagne et de Jaucourt, 1380-1385, n« 4947.
:% Mêmes arch , Comptes de 1401-1402. m 4964.
(3^ Cet animal destructeur est nommé dansFAube , dans la Marne
et dans la Côte-d'Or, uberiot, tirebec, ulber, urbec, ullebar^ elulber,
cunche^ urebve. Il appartient à la famille des charançons ; son nom
scientifique est le rhynchites betuleti, de Fabricius. (Mém. de la Soc.
de TAube, t. xxni, 1859. Note de M. Gustave Legrand.)
(4) Ce document, en latin, est contenu dans un recueil manuscrit
(ie protocoles et de formules, ayant appartenu à Tabbaye de Montier-
la-Celle. Il fut composé, pour cette abbaye, de 1526 à 1531, par N.
de la Hupperoye. (Arch, hist. de VAube, par Vallet de Viriville^
1841, p. 88 et 89. — Arch. dép., Collège de Troyes, D., 97. Collée-
2i6 HÎSTOIP.E DE TI\OVES. x>tS.
l.os mesures financières intcrossant la communautr
(les habitants sont toujours prises, non par réchevinagc
seul, mais pnr les habitanis eux-mêmes, réunis à cet
effet en assemblée {générale. 416 habitants, dont les
noms sont donnés et plusieurs autres en grand nombre
approuvent la levée de l'aide, octroyée par le roi, de dix
livres t. par muids de sol vendu au grenier de Troyes.
Des le XII*' siècle, la vicomte de Troyes, en tant que
dignité et office de la Cour des Comtes, disparaît de la
hiérarchie féodale. Véritable fief doté par les comtes, il
est divisé à l'infini entre les héritiers et les ayants-droit
des titulaires, qui le possédaient dans son intégrité. Le
roi en recouvre une partie, un douzième. La famille de
Mesgrigny en acquit un(^ autre portion qui devint, en
dernier lieu, la plus importante et qui, jusqu'au dernier
jour de l'ancienne monarchie, conserva, pour ses mem*
bres le titre de vicomie de Troyes. La famille Jouvenel
des Ursins en posséda une portion, ainsi que celles des
Lenharé , des Dampierre-Bourbon , de Conflans , de
Cray, etc. ^l). Ceux qui pos.^édaient les droits les plus
lion des Inventaires sommaires des areh. dép. anlér. à i790,pour
le département de l'Aube !'♦■ partie: Archives civiles, publiées par
M. d'Arbois de Jubainville, ISGO. Cette sentence a été reproduit*»
par Rochette, dans la preniit're moitié du xvii«- siècle; puis, par
Chèvre de la Channotte , curé de Villeiuaur. Gro.-ley l'a publiée et
Conrtalon ^7\>;). dti Dioe. de Troyes, t. 1. p. 302,) la mentionne.
Tnùtée de facétie et de pochade par M. dWrbois, en 1800, à la So-
ciété acailémique de l'Aube, M. G»'lée n^fuîa (T. xxix des Mé-
Uioires). avec esprit ot solidité, le travail de M. d'Arbois, qui a re-
connu depuis l'authenticité de ce curieux document.
M^rr Mallier O0ll-l(iT8^ donne commission au Doyen de la Chré-
tienté de Sézanni» pour exorciser les insectes, dits urbès. Arch.
dép , f. de i'Evécbé, 0. r/,>, publié par M. d'.Arbois. arch. de
r.\ub»^ Voir : M. p'Arpois. Lr< rxc:'mm\'niev.tifms d*animaujr
Revue dos questions hi>tonques, 'J' liv., p. ^2T5), où il ne discute
pîus que la valeur de> mots : anuthème et excommuiiication et re-
connais la valeur d*^ ces sortes de sentences.
(1^ Nous ne suivrons pas Grosiey dans les tïUbdiTÎsions infimes
1508 CHAPITRE XV. 347
productifs étaient les chanoines de l'église de St-Etienne,
dont les titres remontaient à la fondation de leur église.
Kn dernier lieu, suivant Grosley, le roi possédait un
quart dans un tiers, soit un douzième ; le maire et les
échevins de Troyes, une portion égale à celle du roi; le
Chapitre de St-Fltienne, un tiers ou quatre douzièmes, et
la famille de Mesgrigny, la moitié ou six douzièmes.
Grosley a donné un tableau des droits de la vicomte»
qu'il date de 1390. En voici un autre beaucoup plus
développé. Il pose d autres bases, dans le partage des
droits utiles, que celles données par Fauteur des Ephé-
mérides. Ainsi, il est dit que le roi possède la tierce par-
tie des revenus de la vicomte et non le douzième.
La vicomte a la seigneurie et les vicomtes ont le droit
de minage ou de mesurage sur tous les grains mesurés,
en la ville de Troyes, par gens étrangers ou forains. Les
habitants de Troyes ne peuvent, sans payer le minage,
mesurer que les grains et les noix provenant de leurs
récoltes ou de leurs revenus.
Les vicomtes ont droit de minage sur les blés, avoi-
nes, pois, fèves et autres grains vendus à Troyes. Il leuf
est payé, de trois septiers.un bichet parles personnes et
les villes soumises à ce droit. Si Ton ne paie en nature,
il est dû 12 d. obole tournois. Ceux qui ne doivent pas
le minage paient un denier par seplier, hors de Troyes,
et à Troyes, deux deniers. Il n'y a d'exempts de ce der-
nier droit que les habitants de Troyes et les monnayers,
survenues dans le partage de cet office-rieffé. Voir: ses Mém. hist,,
t. I, p. i'28.
Nous croyons erroné le partage quMl fait des revenus de la vicomte.
Ainsi, en 1514, (Compte du Domaine royal) , le roi perçoit son dou-
zième, et, de plus, celui de Pierre de Gray, décédé sans enfants.
Puis, les revenus sont très-divers ; ils ont mt^me perdu leur nom
d^origine pour en prendre un nouveau, tiré soit de la chose soumise
aux droits, soil du nom du possesseur.
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!•• t';ri:.v ti' > ; > => iri'ie. ir.* viruil lové sur les vins ven-
dus dciii> I iiiiti.rur t\r la \iile. tanl sur les vius du grand
/
1508 CHAPITRE XV. 249
que (hf petit péage^ et celui qui se lève sur les laines.
Les vicomles lèvent, aux portes de St-Jacques et de
Cronceîs, pour la foraine (/br^.s5/;/e, foreisme?)^ certains
droits sur les vins entrant et sortant, et sur d'autres
niarcliandiscs. Et si ce sont des matières dites : a avoir
du poids^ ^ {i) c'est-à-dire qui se vendent au poids, de
20 sous, ils reçoivent 4 deniers ; sur une tonne de ha-
longs sortant, 4 deniers; sur une brouette, l denier;
sur un faix de bêle de somme, 1 denier; un faix à col,
une obole. — A la porte de t^roncels, les vicomtes ont
le tiers de tout ce qui se lève de la foressine, et le sur-
plus ap|)artienl au sous-chantre de St-Etienne.
Tels sont, un somme, les droits de la vicomtr perçus
vivant et jusqu'au moment de leur suppression. Leur
«<ssiette et leur |)erception |)résentent les entraves et les
embarras les plus grands à la liberté de commerce, et
pèsent lourdement sur les relations sociales de Tintérieur
il Textéiieur de la ville. Si ces droits eussent ^té perçus
sur toutes marchandises et sur toutes personnes, les dif-
lîcultés eussent été moindres. D'autres entraves résul-
taient encore de la qualité et de la demeure des per-
sonnes.
Les droits ci-dessus sont dus par les habitants des
ohatellenies dont les noms suivent, s'ils n'ont exemption
cle franchise, et cette franchise est sans valeur, s'ils sont
marchands ou fernjiers, et sans compter les contesta-
lions. Ainsi les vicomtes réclament aux habitants de la
chàtellenie d'isie (Aumont), mais ceux-ci prétendent
qu'ils ne doivent rien parce qu'ils paient à la gerbe. La
ville d'Isle se prétend exempte de tous droits. La chà-
tellenie d'Ervy doit le minage. Celle de Villemaur doit
le tonné et le minage. Il en est de même des villes et
chalellenies de .Méry, de Saint-Just, de Plancy, d'Arcis,
{{) Cette expression est toujours en usage en Angleterre.
250 mSTOIRB DB TROYES. isOR
rie la chatellenie de Uaiiierupt et de tout le pays de la
rivière d'Aube, la ville de Brienne et toute la chatellenie,
« excepté les hommes qui sont du don du roi Jean. »
Tous autres pays et villes doivent minage, ventes et
tonné s'ils n*ont franchise, et s'ils sont marchands ou
fermiers, leur franchise ne leur profite pas, quoique no-
bles, clercs ou prêtres.
Tous nobles, prêtres ou clercs, qui sont marchands,
serviteurs et fermiers de curés ou d'autres fermes ou
marchés doivent minage, vente et tonné, quand même
ils résident en villes franches.
La ville de Vendeuvre et toutes les villes de cette
chatellenie, la ville de Montiéramey et toutes celles qui
en dépendent doivent le minage, la vente et le tonné.
11 en est de môme de la ville et de toute la chatellenie
de Bar-sur-Seine, de toutes les villes, situées sur la Bar-
buise, ainsi que toute la ville de Pouan, quoiqu'elle soit
au roi et à l'évêque de Troyes (4).
Le doyen et les chanoines de Saint-F^tienne traitent
avec les habitants de Troyes de leurs droits dans la vi-
comte. Ils cèdent aux Troyens tout ce qu'ils ont et pos-
sèdent du tonné de la laine, des fermes du suran (super
annnm )y de Xcficorcc on de Vescrisse, de la foire du clos,
du péage des ursins \% lU do la tierce partie de la ferme
du pied fourchu et tons autres droits, auxquels ils pour-
raient prétendre, tant à l'entrée qu'à la sortie de la ville
(1) u Le dénombreinrnt dos droits de la vicomte de Troyes » dont
Tanalyse vient d'être faite n'a jamais été publié, croyons- nous. La
copie appartient à la dernière moitié du XV^ siècle. 11 n pu être
dressé au XIV*'. Il résume les droits utiles delà vicomte au moment
de leur rachat el de leur extinction. Ce rachat fut de la plus pramle
utilité pour arriver à la liberté du commerce. ( Blq. nat'»^^. Collection
de Champ, t. 68, de la collection; Troyes, XVllL )
(2) Ce pi'ape ne serait pas celui auquel la famille Juvonel des
Ursins aurait attaclié son nom, mais celui qui, levé d'abord à la
porte des oursiers, Mr.s«r»'ori<m, par corruption des ur&ins, puis en-
suite à la porte de S t- Jacques.
fCOB CHAPITRE XV. 251
SUT les passants et repassants, avec denrées et niar-
chandises, et consentent à la suppression de tous ces
droits, qui ne pourront plus èlre perçus. Le (Chapitre ne
se réserve que ses droits sur le rouage des vins et la dis-
position, à son profit, des « offices de mesureurs et me-
sureresses » des grains, et ceux que le sous-chantre de
leur église dit avoir à la porte de Croncels, ainsi que la
partie de minage levé, à Troyes, par les chapelains de
Sainte-Hélène et de Sainte-Hoïlde, fondée dans la même
église : droits sur lesquels on traita peu après. Les habi-
tants de Troyes, de leur côté, abandonnent au Chapitre
tous les droits que possède la léproserie des Deux-Kaux
sur les étuves et qui constituent, en faveur du Chapitre, une
rente annuelle do 25 I., rachelable au capital de cmq
cents livres. Celle importante transaction porte la date
du 4 février 1508 (v. si.) (l).
La ville traite ensuite avec le sous-chantre do Saint-
Ktienne chargé alors du service de la chapelle royale (2).
Il demande une rente annuelle de soixante livres pour
donner toute liberté et franchise do laisser circuler en
ville les marclhmdises soumises aux droits. La ville
oflre de Iraiiî; porter à ce dignitaire du (chapitre le dixième
des droils revenant h la léproserie et do lui constituer
vingt livres de renie annuelle, rachelable au prix de
tOO liv. t. i3). Le traité fut réalisé le 30 avril 1510,
moyennant six écus d'or, et une rente annuelle de 14- I.
10 's. t.
Celte rente et celle de vingt-cinq livres, accordée au
Chapitre, sont rachetées le 27 août 1528. La première
moyennant 500 liv. et la seconde au prix de 290 I. t.
i 1; Artli. dé|)., /*. de St-Elicnne, Liv. delà Grand'Chambir..
.Nrch. inun. anc. f. ii'>26. Péafjcf^ et dvoils féodaux,
(2) A celte cliapeUe avaient t^té réunis les profits d'une antre cha-
pelle royale, colle de Vaucemain, aujourd'hui ferme de ce nom, com-
mune tii: oommcval, où existe encore une chapelle.
(3) A., 3.
252 HISTOIRE DE TROYES. igos
Les chapelains de Sainte-Hoïldc et de Sainte-Hélène
traitent avec les Troyens le 22 septembre, de leur part
de minage et de la vicomte, moyennant la somme de
120 I. t. et l'abandon d'un muid de blé, qu'ils devaient
à la léproserie (1).
Cette partie des droits utiles de la vicomte demeurent
donc à Tavenir à jamais supprimés. A la suite de ces
transactions, on 15 H, la contenance du boisseau fut
réglée et fixée à 12 pintes. Plus tard, cette contenance
fut portée à 16 (2).
Continuant la mise en pratique de ce principe d'af-
franchissement, Téchevinage adjuge la ferme delà maille,
levée sur le pain blanc, à la communauté des boulangers,
moyennant H50 1. t , pour éviter toute vexation.
A cette époque, la ville de Troyes s'approvisionne de
sel au port de Rouen. Le prévôt des marchands et les
échevins de la ville de Paris s'opposent au passage de
leur ville, sans péage, des bateaux portant cette mar-
chandise de Rouen à Troyes. La mairie de Troyes sou-
tint un procès contre le prévôt des marchands, invoquant
les lettres de Charles Vil de 1429 et de 14-37; les Troyens
sont maintenus dans leurs anciens privilèges.
Tandis que d'un côté la nouvelle administration de la
cité travaille avec ardeur à l'aifranchissement des rela-
tions commerciales, au maintien des principes libéraux
de la coutume, elle ordonne, sous peine d'amende arbi-
traire la démolition des cheminées et mureaux(ou mu-
rets) (3) construits en bois, (^es poursuites se continuent
(1 ) Arch. muii. anc. f. lay. 2i^.
(2) Arch. dép f. do St-Etienne. luv. de la grand Chambre^
p. G8. Bien qu'il y eût renvoi au reg. de rilûtel de viHe, nous ne con-
naissons pas l'acte original, qui, en 1511, régla alors la contenance
du boisseau.
(3). Espèce «le fourneau ou poêle, ou autre appareil de chauf-
fage.
1506 CHAPITRE XV. 253
pendant plus de trente-cinq ans, jusqu'à ce que cette
cause de fréquents incendies disparaisse. En 1508, par
une seule ordonnance, elle prescrit la démolition de
vingt de ces cheminées et murots (Ij.
L'administration de la léproserie passe, vers ce temps,
entre les mains de l'échevinage. Le maire, les échevins
et le Conseil règlent la police intérieure de la maison.
En 1501, cinq lépreux habitent la maladreric. Ils s'adres-
sent au Conseil pour obtenir la somme nécessaire c pour
acquérir le pardon et payer leur confesseur. » Le Conseil
accorde à chacun trente sous, qui sont mis au tronc du
pardon et dix sous sont payés, pour chacun, aux confes-
seurs. Le Conseil refuse aux lépreux la permission de se
rendre au pèlerinage de saint Edme, sous peine de sup-
pression de la pitance. L'admission à la léproserie est
prononcée par le Conseil, qui n'admet que les malades
du chrême de Troyes; mais il accorde aux autres
lépreux, une logette à la porte Saint-Antoine (2), ou une
chambre, à la maladrerie de Sainte-Savine, avec 20 s.
par mois, du bois et une robe : le tout pour Tamour de
Dieu (3).
Le Conseil de ville, puis l'échevinage avaient coutume
de dîner et de dîner souvent au compte de la commu-
nauté des habitants. Au XVe siècle, presque toutes les
réunions donnaient lieu à des dépenses de bouche.
C'était du reste une habitude reçue dans toutes les cor-
porations. L'échevinage faisait aussi distribuer de l'hy-
pocras aux officiers du roi et à tous les membres du
corps de ville, dans certaines occasions, surtout au pre-
mier jour de l'an. Depuis longtemps, un repas terminait
(1). A. 3. Ces cheminées en bois existent encore dans le Jura.
(S) Fausse porte sise à la hauteur de la rue Deme, au faubourg
de St-Martin.
(3) A. 3. Cette dernière maison existait s»ns doute sur la route
(le Sens , contrée de la Maladière.
^54 HISTOIRE DE THOYES. fSft
rassemblée de la Saint-Barnabé, el le XVie et le XVII^
siècles verront continuer ces anciennes habitudes, mais
toutefois en s'affaiblissant. En 1509, le Conseil supprime
momentanément le dîner de la Saint-Barnjibé, à cause
des dettes dont la ville est alors chargée. Il est vrai que
toute réforn:e entraîne avec elle des dépenses. Le crédit
n*avait pas le développement qu'il a pris de nos jours.
Kn administration, nous faisons des dettes, nous char-
geons nos enfants et nos neveux de les acquitter. Nous
escomptons, le plus souvent, l'avenir à leur détriment.
En rompant avec une vieille habitude, Tcchevinage fait
œuvre de patriotisme et de bonne administration.
En 1508, les affaires ne sont point à la guerre, en
Champagne. Néanmoins, les environs de Troyes sont
parcourus par une bande iV aventuriers, à qui la ville
distribue certaine somme pour les faire décamper.
On le sait déjà, les coutumes du bailliage de Troyes
furent discutées, rédigées et imprimées en 1481. La
discussion fut reprise en 1493, en vertu de lettres de
Charles VHl, en dale du 28 janvier précédent. L'enquête
fut longue. Elle eut lieu à Troyes, sous la présidence de
Jean de Uotfev, lieutenant- wnéral. Elle se fit dans les
chatcllenies d'Arcis, Pont, Nogent, Traînel el Méry, el
Ton rédigea les usages et coutumes de chacune d'elles (1).
Un commissaire royal se rendit à Troyes, en raison sans
doute des difficultés qu'amena le débat existant entre la
bourgeoisie et certains nobles qui ne voulaient pas recon-
naître la noblesse utérine ni le franc-aleu
La noblesse avait, dans une assemblée convoquée irré-
gulièrement, introduit certaine rédaction sur ces deux
points, que les notaires ne voulurent pas approuver par
leurs signatures. Il s'agissait des articles I, II, XVIII,
( 1 ) Le cahier des coutumes du Méry, fait partie de la Collection
de Champagne. Blq. nai«., no 671.
iS09 CHAPITRE XY. 255
XXXIII et LXII. La discussion continua et Téchevinage
prit parti pour la noblesse utérine et pour les nobles
vivant marchandcinent. Cette discussion, assoupie pen-
dant quelques années, fut reprise en 1507 et mise à fin
en octobre 1509, en niainlenent les principes de libéra-
lité spéciale aux coutumes de Champagne.
Rassemblée de 1509, dans laquelle tous les intérêts
sont représentés, ainsi que dans celle de 1481 et de 1496,
maintient :
lo La noblesse utérine ou de mère, en ces termes :
i Art. 1er.) c Les aucuns sont nobles, les antres non
> nobles. Ceux sont nobles qui sont issus en mariage
• de père ou de mère noble : et suffit que le père ou
» la mère soit noble, posé que l'autre desdits conjoints
• soit non noble ou de serve condition ; » sous des ré-
serves dont la noblesse n'a jamais usé, ni fait juger.
2o (Art. 2.) c La franchise de toutes personnes non
> nobles, s'il n'est fait preuve du contraire. »
3° (Art. 9 et 10.) « Les bourgeoisies royales, sur
simple aveu, à l'exception du comté de Joigny, où ces
bourgeoisies doivent être prouvées par écrit »
4o (Art. 7.) « L'option laissée aux enfants nés de
franches personnes, mariées à des personnes de con-
dition servile, entre la rivière de Seine et Aube et de
Seine et Yonne, de choisir celle des deux conditions
qui leur plaît; de même que l'obligation, t qu'ils
veuillent ou non i par les enfants nés dans la prévôté
de Troyes, de suivre la condition franche et d'aban-
donner la condition serve. >
6© (Art. 8.) • Qu'entre la rivière d'Aube et celle de
Marne, l'enfant suit la condition de la mère. Cepen-
dant si l'un des conjoints est noble, l'enfant devient
noble, s'il le veut. »
7" (Art. M.) « L'existence de nobles vivant noble-
> ment et de nobles vivant roturiôrement. >
256 HISTOIRE DE TROYES. 1509
8" (Art. 51.) « Que tout héritage est franc et réputé
» de franc-aleu, qui ne le montre serf. •
9" ( Art. 53 et 54.) c Qu*il y a deux sortes de franc-
• aleu ; le franc-aleu noble et le franc- aleu roturier.
» Le premier est celui qui a seigneurie et haute-justice,
» et dont le détenteur n'est pas tenu de rendre foi et
> hommage. Le second est une terre sans justice et pour
» laquelle le détenteur ne doit ni cens, ni rentes, lods
» ot ventes, ni autres redevances. * (1)
Le principe favorable à la noblesse utérine fut main-
tenu dans tous les bailliages de la province. La coutume
de Châlons y apporte quelque restriction. Sur les réser-
ves faites en faveur de la noblesse, celle-ci garda le
silence et «l Tusance et la coutume ancienne 1^ eurent
Tautorité qu'elles avaient avant la rédaction de 1509.
L'ancienne coutume de Troyes sortit donc victorieuse
d'un débat qui ne dura pas moins de vingt -neuf ans, et
qui fut soutenu, de part et d'autre, avec la plus grande
énergie. Elle conserva son caractère libéral, à l'égard des
personnes comme à l'égard des propriétés. Ainsi fut à
jamais consacré l'ancien adage de la province de Cham-
pagne : « Nul SKiGNEUii SANS TiTHK, » opposé à cclui de
la France presque entière : Nlllk tkube sans sei-
gneur (2i.
A cette époque de notre histoire, on discute toutes les
institutions; on scrute jusqu'aux bases des relations
0) Vol.lcr^p. 404,où nous avons donné les noms d'un certain nom-
bre de francs- aïeux nobles.
(2) Les preuves de ce qui vient d*ôtre dit sur la coutume de
Troyes se trouvent développées dans mes Recherches sur les juri-
dictions royales et ecclésiastiques dans le bailliage de Troyes^ et
sur les coutumes de ce bailliage, i812, — En 1645, sur 301 ména-
ges existant à Honiilly-sur-Seine, on en trouvait 224 qui se préten-
daient nobles ; 38 ménages roturiers et 39 mixtes. Ces derniers
étaient ceux où le pt're était roturier et la mère noble, ainsi que
les enfantS) suivant Tadagc champenois : a le ventre anoblit. » (d*ah-
Bois DE JUBAINVILLE. Voyoçe paléographiquc, p, iôi. )
1510 CHAPITRE XV. S57
sociales ; on met en question, à Troyes, les droits aceor-
«lés par le comte Henri-le-Libéral, à Girard de Langres,
à Humbert Sauquerel, à leurs femmes, à leurs héritiers
niAles et femelles et à leurs alliés. Anne Musnier vi-
vait à la fîn du XII^ siècle. Ces lignées se sont dévelop-
pées d'une manière presqu'incommensurable. Elles peu-
plent le diocèse de Troyes, et cent vingt-six villages
du diocèse de Troyes, de Chûlons, de Langres et de Sens.
On trouve au XV^ siècle des noms encore aujourd'hui
fort répandus à Troyes et dans sa banlieue : à Laubres-
sel, à St-Benoît-sur-Seine, à Mesnil-Sellières, aux Noës,
à Fontaine près Lusigny, à Villeloup, à Linçon, à Aille-
fol (Gérosdot) etc. (1)
En 1526, le trésorier de St-Etienne n'est plus auto-
risé à percevoir cinq sols, par an, sur chacun d'eux,
maisseulementdeuxsous (2). En 1510, il intervient entre
Martin Hennequin, trésorier de St-Eticnne et se portant
fort c des venus et issus de la ligne des hoirs Musnier ]>
d'une part, et le procureur des habitftils de Troyes, une
transaction relative aux droits de voirie (3).
Les hoirs Musnier ne pouvaient se prévaloir des droits
accordés à la noblesse ût), comme l'a prétendu La
Roque.
Avec l'échevinage, en 1510, il est arrêté que les hoirs
Musnier seront francs des droits de chaussée, lorsqu'ils
feront les charrois, avec leurs voilures, des produits de
leurs héritages, tandis que le droit sera dû lorsque leurs
charrois auront lieu pour d'autres causes. Et pour attes-
ter leur lignée, ils devront produire cette preuve par té-
moins, en présence du collecteur des jurées du roi, du
(1} Arch. dép. Hoirs Mutnier^ f. de St-Etionne.
(2) Q. ier. 25.Î pièce.
(3) Suprà. T. I. p. 222 et suiv.
(4) La redevance fixée d'abord à 20 s. fut réduite, en 1198^ à 5 s.
et déclarée applicable aux cierges de l'église de St-Etienne.
îii. 17
258 HISTOIRE DE TROYES. iSIO
procureur des habitants de Troyes et de celui du tréso-
rier de St-Etienne (\),
Deux fois déjà les habitants de Troyes avaient eu l'es-
poir de recevoir le bon roi Louis XII, et deux fois cet
espoir a été déçu. En avril 1510, cet espoir fut enfin
réalisé. Louis XII, le père du peuple, séjourna parmi eux
pendant quinze jours. Tous les corps constitués se ren
dirent au devant de lui « très gorgiasement. i^ Il y avait
de 60 à 80 jeunes bourgeois vêtus de soie, et montés
comme des gentilshommes de grande maison. Sur plu-
sieurs échafaud,s placés dans les rues que le cortège
royal doit parcourir, sont placés plusieurs centaines
d'enfants, garçons et filles, vêtus aux couleurs du roi,
chantant et criant : Noël ! Vive le Roi! L'entrée fut ma-
gnifique. Le roi descendit au palais royal. L'enthou-
siasme fut grand ; toutes les fois que Louis XII se mon-
trait, c'était toujours « feux nouveaux et tables rondes. •
Souvent la foule était si grande autour du palais qu'il ne
pouvait sortir, et cette foule raccompagnait partout où
il allait : « Je crois, dit le narrateur, pour vérité, qu'onc-
le ques seigneur ne fust si volontiers veu de ses su-
j jets. 1^ (2)
Comme il arrive souvent, les rois marquent leur pas-
sage dans les villes qu'ils traversent, par des actes de
libéralité et de concessions de privilèges. Les habitants
de Troyes obtiennent la création d'une nouvelle foire de
quinze jours, commençant le 8 mai . Plusieurs corpora-
tions font régler leurs statuts, notamment les drapiers,
les tondeurs de draps, les aiguilletiors, les éperonniers
(4) Arch. mun. P. icr.; Arch. dép. f. de St-Etienne, Hoirs Iftw-
nier, Blq. de Troyes. mnsc ; n» lâ90. Sur le Bancelinage ou les pri-
vilèges de Pierre et de Bancelin de Vert, voir: T. I. p. 361. —
BOUTIOT. Rcchei^chea sur les juridictions,., où se trouve rhistorique
des Hoirs Musnier et du Bancelinage
(2) Godefroy. Cérémonial françaiSy T. I. p. 730.
4510 CHAPITRE XV. 259
et le corps de la justice royale placé sous le double pa->
tronage de saint Louis, roi de France, et de saint Yves.
La fabrique de draps fut à Troyes, pendant les XlVe,
XV^ et XVIc siècles, l'industrie dominante. Elle était
localisée dans le quartier de Croncels, où naguère nous
avons vu la dernière fabrique aujourd'hui disparue. Jus-
qu'en 1510, tout ce qui se rattachait à la fabrique des
draps était réglé par les mêmes statuts. Cette année-là,
deux corporations se forment : Tune comprend les dra-
piers ou tisserands de draps et les foulons-lanneurs,
plus nombreuse et plus riche que la seconde qui n'est
formée que par les tondeurs de draps. Le règlement est
ici technique et pratique. La corporation est composée
de patrons et d'ouvriers, les derniers loués par les pre-
miers, à la journée ou à la tâche. Lorsque les ouvriers
n ont point de travaux, ils se tiennent sur une place en
attendant que les maîtres viennent les louer, à prix dé-
battu et sans que les ouvriers aient pu <e faire conve-
nance > entre eux sur le prix. — Les mesures des pièces
de drap sont fixées en largeur et en longueur. La lon-
gueur ne peut excéder quarante aunes. — La teinture
ne peut se faire qu'avec guesde, alun, garance, gaude ou
devise, sans les mixtionner de matière détendue comme
molée (suie ou noir de cheminée), noix de galle, cou-
perose, écorce ou racine do noyer, écorce d'aulne ou
€ écalle de noix. i» Les draps défectueux sont marqués
par l'enlèvement de la lisière. — Les draps mis en vente
sont visités; s'ils sont reconnus bons, ils sont scellés
avec un plomb portant d'un côté les armes de France et
de Champagne, et de l'autre : Tuoyes. — Les maîtres,
faisant visite, reçoivent, pour chaque pièce marquée,
deux deniers obole t. — Un ouvrier tisserand ne peut
fouler le drap, comme un fouleur ne peut le tisser. —
Les draps des marchands sont distingués de ceux qui
sont fabriqués pour le compte et l'usage des particulierSi
â60 HISTOIRE DE TROYES. istO
au moyen des lisières : ceux-ci ont leurs lisières de la
même couleur que la pièce. — Il ne peut être vendu, à
la hjalle de Troyes, que des draps de fabrique tpoyenne.
— Toute personne peut, pour son usage, faire fabriquer
du drap à sa guise, mais la vente de ce drap n'est pas
permise. — Le foulage et la lannage des draps se font
« tout à mol, » c'est-à-dire mouillé. — On ne peut lan-
ner à sec sous peine d'une amende de quatre livres t. —
Les draps de Troyes ont un pli déterminé qui ne doit
pas être imité pour la mise en vente de draps fabriqués
ailleurs. — Les marchands de draps sont obligés de se
conformer aux statuts des tisserands et foulons-lanneurs,
en ce qui les concerne. — Tout individu peut dénoncer
les contraventions aux statuts de la draperie. — Ces
statuts, en soixante-dix articles, sont donnés sous le
nom de Louis XII, étant à Troyes, au mois d'avril
15d0.
Les tondeurs de draps, dits tondeurs de grandes for-
ces, se séparent de la grande corporation des drapiers-
teinturiers, foulons et tanneurs. Au nombre de vingt, ils
se réunissent en communauté ou confrérie, dont les sta-
tuts sont arrêtes, sous le nom de Louis XII, et par
lettres-patentes données à son passage à Troyes.
Ces artisans sont autorisés à continuer leur confrérie
accoutumée en l'église de l'Hôtel-Dieu-St-Esprit, en
présence d'un sergent de la prévôté. — Ils ont un maî-
tre, un sergent et six prud'hommes. — L'entrée en ap-
prentissage est de vingt sous t. — La durée de cet ap-
prentissage est iixée à deux ans. — L'entrée en maî-
trise est de 4 liv. 10 s. t. — Tout ouvrier voulant, à
Troyes, s'établir maître, paie 15 1. t., après avoir justifié
de sa capacité. Les fils de maître, passant à la maîtrise,
ne paient que AO sous. — La cotisation hebdomadaire
est de 6 d. t. — L'assistance aux funérailles des con-
frères est obligatoire. -- iNul tondeur ne peut travailler
4510 CHAPITRE XV. 261
de son métier, dans les maisons ou boutiques des mar-
chands de draps.
Les éperonniers ou lormiers sont, à Troyes, en assez
grand nombre pour se former en corporation. Sans plus
de peines, ils prennent pour loi les statuts de leurs con-
frères de Meaux, liberté que Louis XII leur accorde. —
Le temps de travail de chaque jour est limité par les
coups de matines et ceux du couvre-feu. — Nul ne peut
étamer que de lin étain, ni hanter collet d'éperon. —
Tout objet de lormerie, fabriqué à Troyes, est soumis à
la visite des gardes. — Les selliers ne peuvent vendre ou
réparer aucun objet de lormerie, ni en introduire en
ville. — Nul ne peut lever ouvroir sans avoir fait son
chef-d'œuvre, qui sera un frein de mule, un mors de
cheval ou de gennet (1). — Le chef-d'œuvre, reconnu
suffisant, le récipiendaire est admis en payant 24 s. t.
pour le dîner, i s. pour le cierge de la confrérie et au-
tant pour les gardes. — Les fils de maître sont reçus
sans chef-d'œuvre, paient 4 sous pour leur marteau et
entrée en apprentissage, et le surplus comme les autres.
— Tout apprenti doit 5 s. d'entrée et 4 s. pour son
marteau. — Nul maître-ouvrier ne peut vendre que clés
objets de sa fabrication. — Le travail est interdit pendant
les nuits des quatre fêtes solennelles, les cinq nuits des
fêtes de Notre-Dame, les nuits des samedis, l'heure du
couvre-feu étant passée, sous peine de 13 s. 1 d. t.
d'amende.
Les aiguilletiers ont pour patron saint Julien, et le
lendemain de sa fêle ils procèdent à l'élection de deux
maîtres-gardes. Les <k latz > et aiguillettes fabriqués
doivent être de chevrotins, et aucun ne pourra être fait
de peaux d'agneaux. La profession est un métier c de
petit gain, » aussi les entrées en apprentissage ou en
(i) Genêt. Cheval d'Espagne.
362 HISTOfRB DE TFiOYBS. 151O
maîtrise sont-elles fort modiques. Ces statuts sont datés
de mai 1510 et de Dijon, où Louis XII se rendait en
quittant Troyes (2).
Los statuts des éperonniers et des aiguilletiers furent
attaqués, au nom du Conseil de ville, c comme fort dé-
raisonnables et mal iinpétrés. » Dans quelles disposi-
tions ces statuts blessaient-ils Tintérêt public? Il serait
difficile de le découvrir.
La confrérie nouvelle de St-Louis et de St-Yves com-
prend tous les officiers de justice, depuis le bailli, jus-
qu'aux sergents de la ville de Troyes. — Chaque jour, il
y a, à la Madeleine, une messe avec collecte pour le roi,
et chaque lundi une messe sèche pour les trépassés, après
la célébration de la messe du jour. — Chaque confrère,
jusqu'aux procureurs, paie un droit annuel de dix sous
tournois, et les autres, un quart de livre de cire à la
confrérie. — Au décès de chaque confrère, sa famille
doit 35 s. t. à la confrérie, qui touche la même somme à
la mort des veuves des membres de la corporation. —
— Le droit de bienvenue ou d'entrée est fixé, pour le
bailli, à six écus d'or; pour le lieutenant-général, à
quatre écus; le lieutenant particulier, le prévôt, les
avocat et procureur du roi, le receveur ordinaire et extra-
ordinaire, les élus, les grenetiers, les contrôleurs, le
voyeur du roi, le collecteur des jurées, chacun trois écus;
le lieutenant de la prévôté, les avocats et notaires, cha-
cun deux écus; tout praticien qui n'est pas notaire, un
écu, et, s'il est notaire et praticien, il paie un écu d or,
« au lieu du dîner, banquet et proficiat que Ton avait
j coutume de faire à l'institution et qui montaient à
T> grandes sommes de deniers. i> Et pour entretenir la
fraternité, amour et dileclion desdits officiers et con-
frères, le procureur de la corporation est tenu de faire
(2) Q. l^"^ et 2.
tSiO CHAPITRE XV. 263
c un convive > (banquet), au lieu le plus convenable»
choisi huit jours auparavant au siège du bailliage. Cha-
que confrère, tant présenv qu'absent, paie 3 s. 4 d. pour
ce banquet, préparé par les soins du procureur de la
confrérie qui y prend place sans en rien payer. — Les
comptes de la confrérie sont rendus le lendemain de la
Saint-Louis, premier patron (1).
Cette corporation comprend tous les officiers de la
justice royale résidant à Troyes. Le bailliage n'a pas
encore de conseillers en titre, quoique les audiences du
bailliage se tiennent au palais loyal. L'église de la Made-
leine est celle des officiers royaux. La confrérie y a sa
chapelle, celle de saint Louis (2).
En cette année 1510, la ferme du méreau ou du por-
tage des vins (droits d'entrée levés aux portes), est
donnée à bail, moyennant 1400 1. t. Ce droit se com-
pose : 1** l)*un denier tournois levé sur chaque vaisseau
de vin récolté au dedans de la banlieue de Troyes,
amené et descendu dans la ville (et s'il n'y est pas des-
cendu « vente fait descente i> ), que le vaisseau soit grand
ou petit; 2** de trois sous, sur chaque queue de vin
amené et descendu à Troyes, * comme dit est, » récolté
au dedans de quatre lieues à la ronde par delà ladite
banlieue, et des autres vaisseaux à « Téquipolent; >
3"* de six sous tournois, sur chaque queue de vin récolté
(1) Blq. natie. Collection de Champagne. Vol. 50. Troyes, V. —
Blq. mun. de Troyes. Statuts des corporations, - - Arch. dép., Leti.
pat. de Louis XII ; — réj:. du siège présidial de Troyes, — à la
date du 4 septembre 1576.
{'i) Celle chapelle, dès coite époque, fut ornée d'une magnifique
verrière représentant la vie de St-Louis. Elle est encore Tune des
mieux conservées de cette église qui en posèdent de fort remarqua-
bles. Cette verrière a été donnée par Simon Liboron, procureur du
roi, et par sa femme Henriette Mauroy. Ces donateurs sont repré-
sentés avec trois fils et quatre fdles. Simon Liboron, est représenté
en rouge avec sautoir ou écharpe noire : son costume ofûciel sans
doute.
264 HISTOIRE DETROYES. i.MO
au-delà desdites quatre lieues, en quelque pays que ce
soit, et descendu ou vendu en ville, et des autres vais-
seaux dans la môme proportion.
Louis XII, le 19 avril 1510, après Pâques et pendant
son séjour à Troyes, donne à la ville une ordonnance sur
Talignement des rues.
Au mois de juin suivant, le 14, après son arrivée à
Lyon, Louis XII donne des lettres qui, on peut le croire,
constituent Tune des plus anciennes applications du prin-
cipe de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et
même du jury chargé de fixer souverainement l'indem-
nité due aux propriétaires expropriés. Le roi ordonne
que si, pour la commodité, comme pour Télargissement
des rues et places communes des villes du royaume, il
est nécessaire d'abattre des maisons ou des édifices, sur
Tavis des maires, des ochevins et des habitants, les gens
du roi appelés et entendus, ces maisons et édifices seront
abattus. — Si, sur ce fait, s'élève aucun difTérend ou
procès, (L trois ou cinq notables personnages de la ville,
» selon la qualité de la matière, d seront élus pour vider
ce différend ou ce procès, nonobstant opposition ou ap-
pellation quelconque (1).
L'année suivante, le corps de ville provoque d'autres
lettres-patentes du roi, alors à Grenoble. Ces lettres
ordonnent que, pour faciliter la circulation dans les rues
de la ville de Troyes, pour la décorer et embellir, tous
ceux qui voudront élever des maisons devront les cons-
truire avec un seul ligneau, sans allours, ni saillies de
plus d'un pied et demi.
Ces dispositions nouvelles sur la voirie sont de suite
exécutées. En 1511, l'échevinage provoque des démoli-
lions de constructions de différents âges (:2).
(i) Q. 1er. fb 104.
(«) B. 74.
1511 CHAPITRE XV. 265
A Toccasion de Tapplication de ces nouvelles disposi-
tions législatives, on conslate, à Troyes, la présence de
MM. de Marseille, Sallat, Dalégre et de la Vernade, à qui
il est offert, comme présent de ville, c une tête de sau-
mon frais, deux soles, deux tronçons de marsouin, une
raie et deux lamproies. > (1).
Par autre mesure de police, Téchevinage interdit de
couvrir les constructions avec de Tétrain (paille) ou
autre matière inflammable, c'est-à-dire avec des pla-
quettes de chêne, dites aissis.
On a vu, plus haut, lo maire demander au roi la sup-
pression des impositions levées sur la ville et sur les pays
situés à quatre lieues à la ronde, « pour avoir franchise
et liberté, à la charge de lever un autre impôt sur cer-
taines marchandises. ^ Cette demande, faite sans succès
en 1506, se renouvelle en 1510, sous une autre forme
et dans le même but. Le maire et les échevins deman-
dent au roi de prendre à ferme certaines impositions
levées sur les habitants {i).
Cette fois, cette requête est accueillie. Le 15 janvier
1511 (V. st.) le Conseil fixe la répartition d'une somme
de mille livres levétî pour le roi sur certains métiers,
pour Tannée commencée le 1er octobre ]5H et finie au
même jour 1512, et afin de tenir lieu d'impositions
levées sur une autre base. Ainsi, les merciers et les épi-
ciers t avec leurs dépendances anciennes, » sont taxés
à 200 liv.; les drapiers», comprenant les drapiers forains
et les foulonniers, et parmi eux, François Lepevrier et
Jacques Perricart, à 100 liv.; les tanneurs, à 00 liv.; les
bouchers, non compris les forains, à 50 liv.; la cartelle-
rie, à 12 liv.; la poterie d'étain, à 20 liv.; les graisses^ à
15 liv.; la poissonnerie du dehors, à 6 liv.; les chevaux,
(1) B. 74.
(î) A. 3.
266 HISTOIRE DE TROYES. isio
à 20 liv.; la pelleterie, à 48 liv.; les toiles, à401iv.; la
boucherie du dehors, 44 liv.;. la ferronnerie, à 40 liv.;
les teinturiers, à 30 sous; les cordonniers, à 25 liv.; le
vieux linge, à 66 sous; la mégisserie, à 20 liv.; la
hucherie (menuiserie), à 41 liv.; le verjus, à 2 liv. et le
vingtième (droit sur les vins), à 320 liv.
Le commerce se fait avec plus de liberté, déjà bien des
entraves ont disparu. La vente ne se fait plus avec
rigueur dans des halles spéciales, celles-ci sont même
démolies en très grande partie et sont remplacées par des
habitations. Les marchands étalent dans les rues. Les
drapiers, dans celle de la Draperie; les épiciers, dans
celle de TEpicerie; la pelleterie est vendue rue du Tem-
ple; la guinauderiCy dans la Grande-Rue. Les marchan-
dises ne sont plus visitées en foire que sur plaintes faites
à Tautorité. Le fermier de la chaussée ne perçoit rien de
sa ferme en temps de foire. Le droit de l'évêque sur le
Pont-Ferré n^est point levé et la ville indemnise le fer-
mier. Il en est de même au péage du Pont-Hubert. El
pour assurer la franchise aux marchandises non ven-
dues aux foires, Nicolas de Bossancourt est chargé de'
leur appliquer une marque particulière, afin de les faire
passer en franchise.
Le garde des foires de Champagne rend, en 1510,
une ordonnance par laquelle il veut que les actes dres-
sés pendant la foire franche de mai, soient sans valeur,
si, dans les deux mois, ces actes ne sont passés sous le
sceau dos foires. Dans celte prétention, Téchevinage voit
une atteinte portée à la franchise de cette foire. Il se
pourvoit par ap|)el contre cette ordonnance. Le droit de
sceau est alors ainsi fixé : les obligations de 20 liv. et
au-dessous qui ne sont « aterminés > (sans terme fixe
pour le remboursement) 15 d t.; pour plus forte somme,
le droit s'élève d'un(; maille par livre; les obligations de
20 liv. avec termes, 27 d. t., et au-dessus de 20 liv., le
droit s'élève d*un denier tournois par livre.
UiO CHAPITRB XV 267
L*échevinage, pour conserver la franchise de sa nou-
velle foire, lutte de tous côtés. Deux sergents ont par-
couru la France pour faire connaître au commerce ce
nouvel établissement.
Les fermiers des impositions foraines et des hauts
passages levés aux confins de la province et dans les
principales villes, s*émeuvent de celte publication et
craignent de voir diminuer leurs recettes. Ceux de Reims
ne s'opposent point à l'exécution des lettres qui établis-
sent les foires et h leur franchise, mais ils exigent une
indemnité. Le procureur du roi, en personne, se rend
dans le nord de la Champagne, pour assister à la publi-
cation des lettres royales et s'entendre de suite avec les
fermiers opposants, à Laon, à Reims, à Chulons et à
Vitrv-en-Perlhois.
Les maîtres des comptes prennent fait et cause pour
les fermiers de Timposilion foraine, qui accusent une
perte de 887 liv. 10 s. 9 d. t. causée par la franchise de
la foire de mai.
L'échevinage s'efforce de régulariser la position de la
ville avec les fermiers du dom?.ine. Huguenin Lepevrier
et Pierre Mauroy sont envoyés à Paris, afin de traiter
avec les trésoriers de France de Timposition foraine et
des hauls passages de Viti^, de Reims, de Laon et du
Vermandois. Ils sont chargés de demander la mise à
bail de ces impôts, à la charge de laisser pénétrer en
franchise les marchandises destinées aux foires de Troyes.
Ces deux commissaires arrivent à leur but pour l'impo-
sition foraine. Quant à la forme des hauls passages,
Lepevrier s'en rend adjudicataire, pour trois ans, moyen-
nant 3,006 liv. t. par an, avec le droit de franchise
poursuivi par la ville, qui prend tous ces faits à sa
charge.
Huguenin Lepevrier reste chargé du service de cette
ferme. Il va lui-môme dans le Vermandois et en Gham-
268 HISTOIRE DE TROYES. istl
pagne, à St-Quentin, à Laon, à Reims, à Châlons, y pla-
cer des commis chargés de la recette. Le bailli de Ver-
mandois s'oppose à Texécution de Tadjudication ; le
Parlement annule cet acte de résistance.
Ue nouvelles plaintes des anciens fermiers des hauts
passages de Yermandois se produisent. Ils prétendent
avoir supporté une perte de 3,000 liv. t. Le trésorier de
France demande sur cette plainte une indemnité à la
ville. Celle-ci, < pour entretenir la paix avec les fermiers
et ne point encourir Tindignation du trésorier, » paie
aux fermiers une indemnité de 165 liv. 10 d t.
Kn février 151a, par les soins du même Hu^enin
Lepevrier, la ville est adjudicataire de rimposition fo-
raine, moyennant 24,400 liv. t. pour trois ans, et
moyennant 10,800 liv., des hauts passages de Yerman-
dois, de Vitry, de Châlons, de Reims et d*aulres villes
des frontières de Champagne, toujours dans le même
but de laisser pénétrer en franchise les marchandises
venant aux foires de Troyes. Ces adjudications ne com-
prennent pas toutes les villes « de hauts et bas passa-
ges, » la ville traite séparément avec les fermiers de ces
droits, pour les bailliages de Sens et de Chaumont il i.
Lo Conseil de ville se préoccupe do la police générale
«les métiers, en raison t des grandes buveries et man-
geri(»s » qui se font à la réception des maîtres. Il veut
réprimer ces abus, il propose certaine réforme, avec
l'assistance des officiers du roi, et adresse ses projets au
chancelier de France, afin d'en obtenir Thomologation.
Le Conseil propose aussi de fixer la largeur des toiles
écrues à une aune et demie de Troyes et que le blan-
chissage ne s'en fasse « ni à moulin ni à pillon, » de
manière que, blanchies, la largeur de ces toiles soit
égale à l'aune de Paris.
(1) A. 3 et 4.
1512 CHAPITRE XV. 269
L'œuvre de la cathédrale se continue ; les ressources
pécuniaires proviennent des quôlcs. des dons de la ville
et du produit des indulgences. En 1514, l'évêque Jacques
Kaguier et le Chapitre de St-Pierre interdisent toute
quête dans le diocèse et s'en conservent le monopole en
faveur de la cathédrale (1). Peu après son arrivée au
pontificat, Léon X accorde des indulgences à ceux qui,
après s'être confessés, visiteront l'église de St-Pierre le
jour des Hameaux et à la fête de la Toussaint, ainsi que
pendant le Carême. Le pape invile à mettre vingt deniers
par ménage, dix deniers par domestique, et par les no-
bles et les ecclésiastiques ce qu'ils jugeront à propos et
selon leur dévotion, dans le tronc destiné à cet effet, en
raison de la permission qu'il accorde pendant le Carême,
de faire usage de beurre, de fromage et de laitage (2).
En 1511, s'agite la question de savoir s'il esta pro-
pos de jeter les fondations de la seconde tour, dite de
St-Paul, avant que la première « qui est sur le pavé
royal ï> ne soit achevée, ou au moins arrivée à une cer-
taine élévation. Pour résoudre cette importante question,
on tint une assemblée composée de l'évêque, des mem-
bres du chapitre et de plusieurs notables, marchands,
bourgeois et officiers de la ville, et dans laquelle furent
entendus les quatre maçons de l'église : Martin Cambi-
che, de Beauvais; Jean de Damas, dit Jean de Soissons,
son gendre; Jeançon Garnache, Jean Bailly et Jean
Honnet, maftre charpentier, et enfin Jacques Bachot,
sculpteur ou tailleur d'images. Cette assemblée eut lieu
le jour des quatre-temps, après la Ste-Croix. Elle décida
que Ton commencerait immédiatement la seconde tour,
ce qui eut lieu en mai 1512. La première pierre en fut
(1) Les antoBins de Troyes se pourvurent contre cette mesure ri-
goureuse et obtinrent gain de cause. Dupuy. Preuves de$ libertés de
Véglise. gallicane^ p, i290.
(i) Arch. dép* Inv, de SUPierre^ t. v. ; lr« partie p. 424.
270 HISTOIRE DE TROYES. |i||
posée par M« Jean Baillet, évèque d*Âuxerre, le 41 de
ce mois (1).
En 1511, on se bat en Italie. On craint que le théâtre
de la guerre ne change de place, qu'il se rapproche de la
Champagne. Le 3 mai, la ville fait marché avec Cotteret,
le Fondeur, pour fabriquer dos couleuvrines au prix de
cent dix sous le cent de matière, et sur les mesures qui
lui seront données. On fait fondre des boules pour les
bâtons à feu. On répare les acquebiites et les arbalètes de
Tarsenal. On visite les armes défensives, les fortifications,
les tours, canonnières et murailles. On s'informe dans
les villages de la banlieue, de ceux qui savent tirer de
Tare et de l'arbalète, et quel nombre d'hommes chaque
village pourrait fournir au besoin. On s'assure de la
quantité de blé que la ville renferme. Les maîtres de fer
veillent aux nombreuses chaînes de fer à tendre à l'en-
trée et en travers des rues et servant surtout à entraver
la marche de la cavalerie (2). On tue les chiens (3), on
expulse les maraulx et les étrangers, on se rend compte
de l'état des vannes tranchines, afin de s'assurer que
l'eau ne manquera pas à la ville. On s'assure de la quan •
tité d'artillerie renfermée dans les châteaux-forts du voi-
sinage. Les habitants des villages situés à quatre lieues,
puis à sept, sont requis de venir travailler aux fortifica-
tions de la ville (4).
Les Suisses font des menaces. On craint qu'ils n'en-
vahissent le territoire français du côté de Langres, et,
(i) Arch. dép. f. de St-Pierre 3. G. 367 — 1511-1512.
(2) Bûutiot. Inventaire des chaînes de fer gut\ au XVI« êiéeU^
sef^'aient à la défefise de la ville de Troyes. Ânn. de l'Aube 1863.
Ile partie.
(3) Dans cette môme ordonnance on prescrit aux pâtissiers et aux
boulangers de n*en point avoir et de se faire abattre les cheveux.
(4) A. 4.
tjlf CHAPITRE XV. 271
pour être promptement avertis, les Troyens établissent
des postes jusqu'à cette ville (1).
A rassemblée de la St-Barnabé, la population troyenne
décide la reconstitution de la compagnie de Tarque-
buse. Cette résolution est prise sous Timpression des
besoins du jour. L'assemblée invite ceux qui voudront
faire partie de cette compagnie à se présenter à la cham-
bre de Téchevinage, a(in de s'y faire inscrire. 11 est pro-
mis à cette compagnie nouvelle une place pour Texercice
et il sera c élevé une confrérie de la hacquebutte » (2).
Cet appel est entendu. Les besoins ne se faisant plus
sentir, l'organisation définitive de cette compagnie est de
nouveau ajournée.
Malgré ces préoccupations et les travaux considéra-
bles qu'elles entraînent après elles, le Conseil résolut de
faire reconstruire à neuf l'hôtel de ville. Cette résolution
ne fut suivie que d'une restauration de l'ancien hôtel de
Mesgrigny. La façade, alors en bois, est revêtue « d'une
peincture honneste, » et les armoiries de la ville, pla-
cées au pignon, sont remises à neuf Sur cette façade et
selon le goût de l'époque, on inscrivit cette belle devise :
PaX HLIC DOMUl ET OMNIBUS HABITANTIBUS IN EA. Les
Troyens ne prodiguent point leurs ressources pour la
satisfaction d'un sentiment de vanité. Us les réservent
pour les employer à des travaux moins brillants, mais
plus utiles; ils les emploient à construire leurs remparts
et à mettre leur ville en sûreté.
Au printemps de 1512, les bruits de guerre se renou-
vellent et prennent une plus grande force. Le 29 avril,
on s'entretient de l'entrée des Anglais en France, et, le
2 mai, on annonce, à Troyes, l'arrivée des Allemands en
Bourgogne. Ils étaient déjà, disait-on, dans les environs
(1) D. 33.
(2) G. 97.
272 HISTOIRE DE TROYES. 1511
de Langres et de Dijon. Ces nouvelles préoccupent vive-
ment. On recherche les armes chez les habitants. On
expédie des courriers du côté de Langres pour obtenir
des nouvelles sur la marche des Suisses. Les métiers
sont imposés d'urgence el les produits de cette levée de
deniers S(mt employés à acheter des canons. Il est pro-
posé que chaque principal corps de métier aura, comme
à Paris, une pièce de canon. Cette proposilion est accep-
tée et les gens de justice, les grossiers, les merciers et
les drapiers, achètent quatre pièces de canon pesant
chacune 1,700 livres. Ces pièces existaient encore en
1543; l'une était à l'image de St-Julien, la seconde, à
celle de la Porte-Dorée, la troisième à celles de St-Louis
et de St-Nicolas, et la quatrième à Timage de la Made-
leine. Il y a en ce moment, à Troyes, un grand mouve-
ment patriotique ; les uns font remise à la ville de leurs
gages, les autres donnent leur vaisselle d'argent, et la
ville, à l'aide de ces dons et avec ses ressources, fait
établir deux canons-pierriers qui cofitent plus de mille
livres chacun.
Les portes sont des édifices de défense fort considéra-
bles. Placées sous la garde directe des maîtres de fer,
chefs de quartier et de connétablie, il est remis entre
leurs mains, treize clefs pour la porte de la Tannerie,
huit pour celle de Comporté, seize pour celle du BeflTpoi
et quinze pour celle de St-Jacqucs, (1) On donne plus
de force aux remparts en plaçant des terres en dedans
des murailles, et des chemins sont établis entre celles-ci
et les habitations ou les jardins placés à l'intérieur ; on
répare les râteaux ou herses des arches de la Planche-
Clément ou de la tour de Chappes, du Noyer-aux-Enfants
et du rupt Cordé (2).
{\) Celle de Croncels est en construction. A. 4.
(2) D. 36.
1513 CHAPITRE XV. 273
La garde de la ville esl en Ire les mains du maire, alors
Jean Richer. Il devait en être encore longtemps ainsi.
Les officiers du roi réclament, sans succès, contre cet
ancien usage (1).
L'année suivante, la ville de Troyes achète de Jean
Auger, receveur de la seigneurie de Vendeuvre, 4,000 liv.
pesant de boules de fer, de deux calibres, moyennant
trente sous t. le cent de matière.
Les assemblées générales des habitants sont fré-
quentes. Dans Tune d'elles, on lit une lettre de Louis XII
annonçant que la ville de Tournay a composé avec les
.\nglais et qu'il est bruit que ceux-ci vont marcher sur
Reims. Le roi invite les Troyens à continuer les travaux
dos fortifications, qui sont poussés avec la plus grande
activité. Les ressources pécuniaires faisant défaut, le roi
autorise à employer la recette du grenier à sel au paie-
ment de ces travaux. Troyes est toujours approvisionné,
pour le roi, de munitions de guerre. L'activité des tra-
vaux ne se ralentit point, el, pour la communiquer aux
gens de la banlieue, le Conseil fait emprisonner deux
habitants de Dierrey et un de Jeugny, pour ne pas avoir
exécuté les tâches à eux imposées. Ces corvées sont oné-
reuses, car les villages distant de quatre, puis de sept
lieues, fournissent un certain nombre d'habitants, pen-
dant plusieurs semaines et la ville ne leur fournit que le
pain (2).
En juillet 1513, dans une assemblée générale tenue
en l'abbaye de St-Loup, les deniers communs étant re
connus insuffisants pour solder les travaux des fortifica-
tions, d'un commun accord, les habitants décident « qu'un
(1) A. 4.
(2) Ainsi les villages fournissent : Briel, 35 hommes ; ViUy-en-
Trode 25 ; Thieffrain 20 ; Magnant 40 ; Beurey 30 ; Vendeuvre 40 ;
La Vincneuve-au-Ghéne 25 : Montiéramey 40 ; Le Mesnil-St-Père
25 ; LusiQpiy 40 etc.
III. 18
974 HISTOmE DE ThOYES. 1513
l^cieux impost > sera levé, de quinze en quinze jours,
pendant un an, c sur les habitants lais, tant sur les nom-
més gpens de fer que autres moindres gens nommez de
pourpoint, > pour en appliquer le produit aux travaux
de défense. Dans cette assemblée, Tévéque Jacques Ra-
guier et les membres du clergé présents déclarent qu*ils
contribueront à ce don patriotique pour la somme de
500 liv. t. (1).
En 1512, le roi avait imposé la ville à une somme de
6,000 liv. t. réduite à 4,000; et en août 1513, il de-
mande aux Troyens un don de 4,000 liv. qui lui est ac-
cordé, et le gouverneur demande en outre la levée de
100 queues de vin, 10,000 liv. de lard, autant de suif
et 50 caques d'huile (2).
Ce n'était pas sous Timpression d'une vaine crainte
que se poursuivaient les travaux des fortifications. Les
Suisses, réunis à la noblesse franc-comtoise et à des
troupes allemandes, se présentent devant Dijon, le 7
septembre. Le 13, un traité règle les intérêts généraux
de la France, d'une part, et d'autre ceux de la coalition
formée contre Louis XII. Peu après ce traité, les troupes
abandonnent la Bourgogne ducale.
Les nécessités de la guerre amènent sans doute M. le
duc de Bourbon à Troyes, le 7 novembre. Il y fait un sé-
jour de quatre jours.
Le 2 i du même mois, une lettre de Louis XII adressée
aux Troyens, leur fut lue en assemblée générale. Le roi
les encourage dans leurs efforts et ils lui répondent
c qu'ils emploient leurs corps, leurs gens et leurs biens
à la défense de la ville, • qu'ils continuent leurs travaux
des fortifications ; qu'ils ont fait provision de blé, de vin,
d'avoine, de farine, de riz, de pois, de fèves, de poisson
(4) F. 214.
(2) A. 4.
151 s CHAPITRE XV. 275
salé, d*huile, de suif, de graisse, de i'roinages, de beurre,
de bestiaux pour la boucherie, de fourrage, de bois, de
charbon et de cordages (4). Une grande partie de ces
provisions est expédiée à Langres.
On dresse un rôle des charpentiers de la ville, parce
qu'ils peuvent servir de pionniers. De peur que les en-
nemis ne fassent logis pour prendre et tenir siège devant
la ville, Téchevinagc concède, à rente et à cens, les faux-
fossés, à la condition qu'ils seront remplis et mis hors
d'état de protéger les assiégeants (2). On rétablit des
postes, de Langres à Troyes, sur les ordres de M. de
St-Liébault, lieutenant du gouverneur de Champagne,
afin d'avoir des nouvelles de la guerre et ne pas être
surpris par les ennemis (3).
Les assemblées générales sont fréquentes. On y voit
souvent le gouverneur de la province et l'évoque de
Troyes. On y compte de cent à cent cinquante habitants.
A l'une de ces réunions, tenue le 1<>ï* décembre, il est
décidé qu'il sera fait un emprunt de 10,000 liv. t. sur
deux cents ou deux cent quarante habitants. Les ennemis
alors redoutés sont les Anglais, les Flamands, les Hen-
nuyers, les Brabançons, les Hollandais, les Suisses et
les Allemands (4), nations avec lesquelles le commerce
est interdit (5).
Dans ces circonstances, la ville se servit du métal de
la grosse cloche du beffroi pour fabriquer des canons.
Il s'agit ici de la cloche nommée Marie, fondue en 1463.
Presque tout ce métal est converti en artillerie. Une
partie, 4,000 livres, servit à en fondre une nouvelle qui
(1) Q. 3. Compte de JeanDorigny.
(3) A. 4.
(3) D. 36.
(4) A. 4.
(5) Compte du domaine royal. Blq. natie. Collection de Champa^
gney l. 65, Troyes XX».
276 HISTOIRE DE TROYES. 1513
est suspendue au beffroi, en 1517 (1). Celle-ci fut fon-
due dans rincendie de 1524. En 1509, Téchevinage avait
ordonné des quêtes dans les églises. Il écrit aux curés
des paroisses de la ville afin de faire, par eux, inviter
leurs paroissiens à contribuer à cette œuvre. On lit dans
cette lettre : « Désirant que la grosse cloche du beffroi,
qui partout le royaume de France et hors icelui est tant
renommée qu'il n*est rien plus, et laquelle a esté long-
temps cassée et ne sert d'aucune chose, soit remise en
état, il a esté décidé de la faire beaucoup plus grosse
pour continuer sa grande renommée » (2). Cette inten-
tion de refondre la grosse cloche du beffroi, donne lieu
à la publication de la Complainte sur la grosse Cloche^
par Nicolas Mauroy, clerc de la ville de Troyes, œuvre
littéraire d'un véritable mérite.
Le domaine royal au bailliage de Troyes rapporte
(année commencée à la Madeleine 1513 et finissant à
pareil jour i514\ pour la partie non muable, 583 liv.
•i s. 6 d. ob., et la partie muable 4,652 1. 7 d. pite, soit
en tout 5,235 liv. 5 s. 1 d., et la dépense est de 3,601 I.
9 s. 10 d.
Dans le domaine non muable se trouvent certains re-
venus immobiliers, en grains ou en numéraire, et assis
en différents lieux du bailliage, sur des étaux, sur une
maison près de la porte aux Cailles, une autre derrière la
tour dos prisons, la place où étaient les halles du roi,
près d\in jeu de paume et du tabellionnage ; sur la mai-
son du roi, on Dourboroau ; sur les maisons des tours de
Luoques» près do St-Joan-au-Marehé, appartenant au roi
et mouvant on fief du roi à cause de sa grosse tour de
^â> A. 3. — Sur U gn>s*^ cloche. — Complainte de S icoltu Mau-
n>y» plusieurs fv^is publiée — Nicou\s PiTHor — Bist, sêcuUaire et
fxxl^iastique d^ Tnyes. musc HU|. iKit>. — RornoT. Marie ou la
^513 CHAPITRE XV. 277
Troyes, sur la terre étant au pourpris de la forteresse de
Montaigu-en-Othe, appartenant au roi (5 sous de rente
annuelle et perpétuelle, et 1 d. de censive,dès Tan 4i75);
sur 60 arpents de terre, sis à St-Pouange, et la maison
appartenant au roi, qui sont aux mains de Jean Menis-
son, marchand à Troyes.
Aux recettes du domaine muable on trouve : celle de
la justice et des mairies royales, les droits sur les foires,
le revenu d'autres maisons que celles du domaine non
muable, notamment celui de la maison des Angoiselles,
rue du Temple, au coin de celle de la Charbonnerie, dite
aussi le Petit-Hôpital (4); celui de Thôtel du Pilori et du
Cellier-Rouge, en la rue de TEpicerie; du tourage et
geôlage des prisons royales de Troyes (25 1. t.); delà
ferme de la pierre aux toiles^ sur laquelle on a coutume
de plier les toiles, anciennement rue de la Pierre et alors
à rhôtel de la Monnaie (2) ; celui du douzième du poids
du roi et de la douzième partie du minage ; le courtage
des vins (80 1. t.); (Thôlel de la Monnaie est sans pro-
duit) ; du revenu de différents étaux et la recette de me-
nus droits que le roi lève sur chaque boutique de ton-
deurs de grandes forces; celui des aveux ou renoncia-
tions de bourgeoisie; celui de la chancellerie et de la
clergie du bailliage et de la prévôté; ceux du tabellion-
nage, ensemble 1,536 liv. t., le revenu de différentes
forêts de la contrée d'Othe; enfin, les droits de brassage,
dûs par les brasseurs de bière et de cervoise, fixés à
10 liv. t. par an (mais néant pour cette année parce
qu'aucun n'a brassé.) La cour des foires n'a rapporté au
roi que 58 1. 6 s. 3 d. t.).
(4 ) C'est la grosse maison faisant le coin de la rue du Temple et
de la Montée-des-Ghanges.
(2) Dans ce document on trouve mention, près des prisons royales,
de la pierre de St-Jean du châteaUy et près du même lieu, de la
pien'e de rOrme le tout fort proche du bois où Von va aux prison8%
278 HISTOIRE DE TROYES. isis
Quant aux dépenses, elles se composent surtout de
sommes annuelles payées, à titre d'aumônes, à diffé-
rentes maisons ou fondations religieuses : à Tarchevéque
des fous de Téglise de St-Etienne (5 sous) ; au collège
de Champagne ou de Navarre, pour la partie mise à la
charge de la recette de Troyes (1,000 1. 1.); les gages
des ofTiciers royaux, le bailli (20 sous par jour); son
lieutenant-général, 60 liv. par an; le receveur des do-
maines, 100 liv.; le procureur du roi, AO liv.; le prévôt
de Troyes, 100 liv.; la garde des châteaux, néant; le
chancelier des foires, 200 liv.; Tavocat du roi, 20 liv.;
les agents des forêts, depuis le maitre des eaux et forêts
de rile-de-France, de Champagne et Brie (400 liv.), jus-
qu'aux sergents à cheval ou à pied de la garenne aux
lapins (le 1er à 15 d. et le 2e à 9 d. par jour). Le gruyer
de Champagne reçoit 100 liv. par an. La recelte des
droits de jurée occupe encore deux clercs, deux jurés,
quinze connétables et d'autres agents. Le roi entretient
un avocat en cour d'église aux gages annuels de 60 sous
par an; il paie l'exécuteur des hautes-œuvres qui, cette
année, « n'a battu ou fustigé qu'un petit nombre de cri-
minels. i> Le domaine paie au charpentier du roi, au
bailliage, 100 s. de gages, et au serrurier, iO s.; il donne
des primes à ceux qui ont tué des aigles. Pendant la
durée du compte, il en a été tué neuf, à 5 sous par
tête. (L'un a été mis à bas d'un coup d'arbalète.) Enfin,
le maître écrivain de Champagne, prend sur les prévôts-
fermiers établis dans les quatre bailliages de la province,
six sous par an (1).
L'année 1514 se passe encore dans la crainte de la
guerre. Au mois de mai, le Conseil décide que des mou-
lins à bras seront établis dans des maisons particulières,
(1) liibl. iiatl»'. CoUcctioii de ^a C/ittm/>af/»it>, vol. 65, "Troyes XX.
Compte du dom. du roi.
IMi CHAPITRE XY. 279
dans les chapitres, abbayes et maisons religieuses et
hôpitaux. Toutes ces maisons s'engagent à mettre ces
moulins à bras en état de servir avant la Saint-Jean-
Baptiste (1).
S'il y a enthousiasme et dévouement d'un côté, il y a
aussi résistance et mécontentement de l'autre. Â l'occa-
sion de la levée d'un impôt dont tous les habitants sont
frappés, eo proportion de leur fortune, en août 1514, il
y eut < plusieurs damnables assemblées, monopoles et
voies de fait par aucuns petits ménagers mécaniques de
la ville. » Ils se plaignent de la levée de trois à huit
deniers par mois, imposés sur eux par les dizainiers et
sous-dizainiers des quartiers, pour l'œuvre des remparts.
Le 15 août, ces gens se portent en foule dans les mai-
sons de Michel Angenoust et de Jacquet Uorey, chargés
de cette levée. Ces maisons souffrent de leur envahisse-
ment. Celle de Jacquet Dorey fut pillée, les meubles em-
portés ou brisés ; les portes, les fenêtres et les verrières
furent rompues. La ville répara, à ses frais, ce dommage
matériel, et les fauteurs de ces désordres furent empri-
sonnés. M. de la Vernade, maître des requêtes, vint à
Troyes pour instruire et faire ce procès (2).
Louis XII, ayant perdu la reine Anne, le 9 janvier
1514 (v. st.), se remaria le 13 août suivant, avec Marie
d*Angleterre. Il était âgé de 53 ans, et depuis longtemps
il était soumis, pour cause de santé, à un régime sévère.
Il mourut le 1er janvier 1515. (V. st.)
Sa mort fut un deuil universel. Aussi criait-on en
l'annonçant : « Le bon roy Loys, père du peuple, est
mort! > On n'entendait dans Paris que pleurs, cris et
lamentations ; la douleur s'étendait sur toute la France,
elle était partagée par toutes les classes de la société.
(i):A. 4.
(2)D. 48.
280 HISTOIRE DE TROYES. 1514
Louis Xn relisait sans cesse le Traité des Devoirs fde
officiis) de Cicéron, trait caractéristique pour un bon
roi de la Renaissance. Pour Louis XII, comme pour
Louis IX, les regrets de la nation le suivirent bien au
delà du tombeau. Tant que la voix du peuple fut enten-
due dans les affaires de TEtat, il invoqua son nom ; dans
ses moments de souffrance, il rappelait son règne comme
une époque de paix, de tranquillité et de bonheur, et la
nation ne se trompait point. Souvent son souvenir fut
invoqué pour obtenir la réduction des impôts, que le
Tiers- Etat voulait ramener au temps du bon roi
Louis XU.
Louis XII, par ses lettres-missives (1), entretenait une
correspondance directe avec les Troyens. C'est sous sa
signature qu'arrive à Troyes la nouvelle de la mort de
Charles VIII (19 avril 1498, après Pâques). C'est lui-
même qui leur recommande de faire bon accueil aux
ducs de Gueidres, de Juliers et de Clèves (5 août 1499).
Il annonce, en août et septembre, les succès de l'armée
française, en Italie, et la prise de la ville d'Alexandrie et
de celle de Novarre. Il demande aux Troyens (le 6 avril
1499, après Pâques), un emprunt de 5,000 liv. qu'il
consent peu après à réduire à ^,000. Il leur ordonne de
visiter les greniers pour y constater les quantités de blés
qui s'y trouvent et prescrire la vente et la distribution de
ce blé au peuple de la ville et du bailliage de Troyes.
Il ne croit pas son honneur compromis en demandant
aux Troyens de surseoir à des poursuites commencées
pour obtenir le remboursement de la somme de î2,000 liv.
qu'ils lui ont prêtée. L'emprunt n'était pas pour lui une
fiction, comme on le verra plus tard, sous ses succes-
seurs. Il autorise les .Troyens à laisser l'archiduc d'Au-
(1) Ces lettres toutes orij^^iiiales et au nombre de dix-huit forment
la 7 c liasse du 43» carton du nouv. fond des arch. mun.
iMi CHAPITRE XV. 284
triche, « son très cher et très amé cousin, poser postes
» et courriers dans la ville et le pays tel que bon lui
> semblera. ^ (Lelt. de Blois du 6 février 1502.) C/est
lui-même qui ordonne Tarrestation des courriers espa-
gnols allant en Italie ou en Allemagne, et vice-versâ.
(De Milan, 3 août 1502.) Enfin, de Lyon (le 4 avril
1502, avant Pâques), il annonce aux Troyens le traité de
paix qu'il vient de signer avec le roi et la reine d'Espagne,
à Toccasion du partage du royaume de Naples.
On ne peut le nier, ces rapports directs rapprochaient
le souverain de ses sujets. Il n'y a pas encore autour de
lui cette armée de courtisans dont le grand nombre ne
sert qu'à l'éloigner de la nation. 11 n'y a nul intermé-
diaire. Si les peuples se plaignent, leurs voix arrivent au
roi. Si le roi a besoin de ses sujets, ceux-ci sont heureux
de lui obéir et de le servir. Tel est le caractère des rela-
tions entre le roi et la nation, avant l'établissement de la
monarchie absolue et sous les règnes de Charles Vil,
Louis XI, Charles Vlll et Louis XII. Le règne de Louis XII,
comme la dernière moitié de celui de Charles Vil, peut
servir d'exemple aux souverains qui veulent rendre leurs
peuples heureux. Ni l'un ni l'autre ne mettent en usage
les sombres rigueurs de Louis XI, ce roi violent et révo-
lutionnaire, dans la mauvaise acception du mot, ni les
prodigalités de François le»^, toujours ruineuses pour le
pays et qui n'ont pour résultat, à quelque époque qu'on
les mette en pratique, que la satisfaction de la vanité.
CHAPITRE XVI
Ou 1" «Janvier IfSlfS èi l»3li
SOMMAIRE :
Contrôleur des deniers communs. — Communication par terre et
par eau desservant la ville de Troyes. — Amélioration de la
navigation. — Transaction sur procès entre la ville et le cha
pitre de St-Pierre. — Consultation de N. Charmolue, M. Char-
tier et A. de Thou. — Plaintes contre le moulin aux Toiles,
(Paresse). — Visite de la Barse, travaux, moulins. — Indem-
nités préalables aux propriétaires expropriés. — Les ambassa-
deurs de Maximilien à Troyes. — Hôtel des monnaies à Troyes.
— Réformes sur les monnaies ; députés envoyés au roi, Jean
Menisson et Claude Mole. - Articles envoyés aux villes de
France ; réponses. — Distributions faites, au nom de la ville,
aux officiers du roi, etc. — Honneurs rendus aux maires et à
leurs femmes, après leur mort. — Secours contre les incen-
dies. — L'Hôpital de St- Abraham converti en maison de re-
penties. — Mort de Jacques Raguier, évêque de Troyes ; son
successeur Guillaume Petit ou Parvi ; difficultés entre le roi et
le chapitre à l'occasion de cette nomination. — Guillaume
Petit, inquisiteur de la foi. — Dons au roi. — Aliénation d'une
partie du domaine royal. — Rachat par la ville d'une por/ion
de la vicomte. — Droits de francs-fiefs et nouveaux acquets-
— De la ferme de la chaussée. — Du porteur de vin et du
trompette de* la ville. -^ Session des grands jours projetée,
mais non tenue. — Les mauvais garçons et les lansquenets en
Champagne. — Bruits de guerre, projets d'un camp royal aux
portes de Troyes; la ville mise en état de défense ; visite des for*
tificaUoiis par rambassadeur de Venise, Antoine Hennequin ;
284 HISTOIRE DE THOYES.
portrait de la ville ; mouvement militaires — nouvelle aliénation
du domaine royal ; la ville rachète certains droits. — Greniers à
sel fournissant aux fortifîcations. — Mesures de police ; autres
contre les livres de Luther. — François 1er passe à Troyes
avec la reine^ sa mère et sa sœur ; la ville lui offre une statue,
en argent doré, représentant : a Hector de Troyes, » — Nou-
velle foire franche. — Le roi organise, à Troyes, Tarmée (ju'il veut
faire marcher contre l'Empereur ; il se dirige sur Lyon,
par Dijon. — L'armée de Champagne est commandée parle duc
d'Alençon. — Le roi est à Troyes en septembre 1521 ; il auto-
rise de fortifier la motte de Rosières. — Elections, comme
maires, de François, puis de Claude de Marisy. — La ville entre,
tient 200 hommes de pied. — Don au roi de 3,600 Uv. — Ap-
provisionnements de guerre. — Guerre entre François I, Char-
les-Quint et Henri VIIL — Mesures prises à cette occasion. —
Murmures, à Troyes, contre le roi. — Le clergé se retire du
conseil de ville. — Les mauvais garçons sont poursuivis. — La
Champagne envahie ; les lanquenets défaits à Montéclaire, près
Ândelot. — Organisation de la Compagnie des arquebusiers. —
Incendie de 1524 ; détails nombreux et inédits sur Tincendie,
les dommages, les mesures de police et de sûreté générale, le
guet dortnant; la reconstruction des maisons; les secours accordés
par le roi, la résistance apportée aux reconstructions. Mort
de M. d'Albert d'Orval, gouverneur de Champagne ; le comte
Claude de Guise lui succède ; son entrée solennelle à Troyes ;
dons de la ville. — Le guet et l'escharguet. — Réédification de
l'arsenal. — Les Luthériens battus avant d'entrer en Champa-
gne. — François l^r^ prisonnier en Italie ; dons de la ville pour
son rachat. — Bandes italiennes aux portes de Troyes, repous-
sées jusqu'à Dijon — Permutation de l'évêché de Troyes entre
Guillaume Parvi et Odard Hennequin. — Entrée à Troyes du
nouvel évéque. — Ses statuts synodaux. — Maison fortifiée à
Montgueux. — Etat de l'administration des hospices. — Règle-
ment sur la fabrication des tuiles et de la brique. — Courses
des gens de guerre réprimées par le Duc de Guise et le Cardinal
de Lorraine. — Des privilèges, des dettes de foires, détails. —
Rachat et adjudication des fermes des Hauts-passages. — Des
droits féodaux ; de ceux de martelage et de charbonnerie^ de la vi-
comte. — Police sur les cours d'eau, sur les alignements, sur
la voirie, sur l'éclairage des rues ; chambres du roi. — Péage
perçu à la chaussée de Courteranges. — Emotion populaire pro-
voquée par la mauvaise récolte ; mesures prises à cette occa-
sion. — Pestes. - Ventes de marée fraîche. — Incendie de
1529. — ThéiUre, mystères, détails. — Le duc de Norfoltk doit
passer à Tioyes. — Le roi, sa famille et sa cour, à Troye*. —
Réforme dans les abbayes. — Charles de Lorraine, Agé de 9
1515 CHAPITRE XVI. 285
ans, abbé de Montier-la-Gelle. — Antoinette de Bourbon, du-
chesse de Guise, à Troyes.-- Session des Grands-jours de 1535;
ses actes, arrêts et règlements, concernant les corporations, les
hôpitaux, les péages^ les élections de la mairie et de Téche-
vinage. — Plaintes du clergé sur l'administration de la ville. —
Fondation d'une messe par le sieur de Vaubercey. — De Tins-
truction publique. — Du guet et garde. — Des actes de
baptême, mariages et sépultures.
En 1515, apparaît, pour la première fois, un officier
de commission royale dans Tadministration de la ville.
Cet officier est le contrôleur des deniers communs. Il
est autorisé à prélever 6 d. t. par livre ; par composition,
ses gages sont fixés à 30 liv. par an, puis peu de temps
après l'office est racheté moyennant 300 liv. Louise de
Savoie, régente, le rétablit en 1525. Le Conseil veut de
nouveau le faire supprimer, mais le titulaire ne veut
point y consentir.
Les voies de communication par eau et par terre ap-
pellent toujours la sollicitude de Téchevinage. La route
d'Allemagne, par Vendeuvre, Bar-sur- Aube, etc., trouve
un obstacle considérable dans la vallée de la Barse, à
Courteranges et à Montiéramey. La ville de Troyes veut
faire contribuer à Tédification des ponts et des chaus-
sées de ces deux passages, les populations voisines. Elle
intente un procès au seigneur de Vendeuvre qui n'est
autre que Charles d'Amboise, grand-maître de France,
qui veut faire exonérer de cette dépense les habitants de
sa seigneurie. L'évêque de Troyes provoque la construc-
tion d*un pont au passage de Courteranges (1516), et
les habitants de Montreuil et de Montiéramey députent
au Conseil de ville, dans le but d'obtenir la construction
d'un pont sur la Barse (1521). Le Conseil prend cette
demande en considération. A quelques années de là, la
ville fait exécuter des travaux importants à la chaussée
de Courteranges. Ce sont les premiers travaux faits pour
286 HISTOIRE DE TOOYES. 15l«
amélioier notablement les communications par terre, du
côté de TÂllemagne et de la Lorraine.
L'amélioration de la navigation de la Seine et de la
Barse continue. On travaille à Bourguignons, à Virey-
sous-Bar, à Chappes, à Fouchères, afin de faire porter
bateau à la Seine jusqu'à Bar (1516). Le bailli de
Troyes, Gaucher de Dinteville, fait disposer les vannages
de ses moulins de Bourguignons. La duchesse de Nevers,
dame d'Isle (Aumont), donne à la ville un arpent de bois
pour en employer le produit aux travaux à faire sur la
Seine (1516) (1). On démolit un pont au moulin du Châ-
telier et la ville indemnise le meunier et traite avec le
seigneur du lieu, le Chapitre du bois de Vincennes (2).
La ville s'accorde avec Jean d'Aumont, seigneur de
Chappes. A Chappes était le port où, de toute ancienneté,
on chargeait les bois et toutes les marchandises de la
contrée transportées à Troyes par eau, ce qui donnait
un grand profit au tabellionnage, en raison des contrats
reçus par les notaires du lieu. La ville paie à Jean d*Au-
mont une indemnité fixée à 500 liv. Ce seigneur s'engage
à construire et entretenir, à l'avenir, les vannes et van-
nages nécessaires pour assurer la navigation, et leur
largeur êst fixée de 100 à 120 pieds (3).
La ville paie au prieur de Fouchères une indemnité
de 140 liv. motivée sur des dommages supportés par les
moulins pendant les travaux exécutés aux vannages pour
le passage des bateaux (4). Elle fait exécuter des travaux
au pont de pierre de ce Heu, pour permettre aux bateaux
d'y passer. Le prieur y fait travailler par corvée. Elle
traite aussi pour le passage des moulins de Gourcelles (5),
(1) D. 53.
(2) B. 84.
(3) C. 106. — D. 56.
(4) B. 84.
(5) B. ii2.
1516 GHAPmus m. 287
et pour celui des moulins de Verrières (1). Par tous ces
travaux, la navigation de la Seine est poussée jusqu'à
Bar, au lieu dit les Buttes, sans doute les buttes des
arbalétriers.
L'échevinage trouve dans le Chapitre de St-Pierre des
adversaires s'opposant à Tamélioration du canal de Pétai,
qui sert à la navigation. En 1504, il est constaté qu'à la
Grande-Pointe il a existé un grand sureau, que le canal
de Pétai a été élargi de six à sept pieds, et que si, au
moulin de ce nom, on établit une seconde roue, ce fait
portera préjudice à la navigation (2). Celui-ci se défend
en disant que le canal de la Moline a soixante pieds de
largeur à son ouverture, et que celui de Pétai n'en avait
que sept ; qu'un sureau avait autrefois réglé la profon-
deur des deux canaux; que, du côté de Pétai, le canal
s'est élargi à ce point qu'il y passe un tiers de Teau. Dans
la circonstance, l'échevinage invoque le secours de trois
habiles avocats : MM. Charmolue, Chartier et A. de
Thou. Ces trois avocats sont d'avis : c Que les maire et
échevins doivent démontrer que le bras de la rivière du
Chapitre ne doit avoir les deux parts du cours d'icelle
rivière, mais qu'il est plus expédient et nécessaire et le
profit de la chose publique et navigation de la marchan-
dise de l'eau que l'autre bras d'icelle rivière ait plus
grand cours, supposé qu'il ne l'ait d'ancienneté, entendu
mesme que les moulins desdicts du Chapitre par là ne
seront reoduz inutiles, mais demeureront toujours en tel
estât, nature et valeur qu'ils sont à présent (3). >
Le maire et les échevins soutiennent que, par le
canal de Pétai, arrivent toutes marchandises, vivres,
bois, pierres, mérain, etc., provenant des villes de Polisy,
Polisot, Bar-sur-Seine, etc.; qu'il y aurait préjudice,
(1) B. 109.
(t) Arch. dép. fond de St-Pierre.
(3) Arch. mnn. anc. fondB. Consultation originaie.
t *
1
J
* i
' p
5'
\ HISTORIE. DE TROYES. 1516
la ville de Troyes même pour celle de Paris, si on
nâv laissait à ce canal sa largeur de 35 pieds et si Ton y
mettait un sureau qui, suivant eux, n*a pas existé; —
qu'avec peu de frais on peut traverser la ville et diriger,
sur Paris, tels bateaux venant de Bar-sur-Seine; qu*au
besoin les bateaux pourraient suivre le canal de la Moline
et arriver au port de St-Jacques, où arrêtent les bateaux
venant de Paris, de Nogent, etc. Il y a lieu de croire que
les choses restèrent à peu près dans Tétat où elles fu-
rent trouvées, quant aux>l3rgeur9. . Des sureaux furent
posés ainsi que des (iches et tous les ferrements furent
frappés d'une, fleur de lys.j II y eut sentence au bailliage
m ht décembre 1520 (1).
-Gé résultat fut maintenu par la transaction dju 2 juillet
1552, qui fit et fait encore loi entre les parties, intéres-
sées.
En 1515, Tassemblée-de la St-Barnabé est saisie d'une
plainte formulée paroles collèges des drapiers, foulons,
teinturiers, tannéurs,'Bouchers^''patcheminiers et autres
habitants. Tous se plaignent que* rlia^ moulin aux toiles
(ancien moulin de la Tannerie, aujourd'hui dôNParoRsé)
soit établi dans dos conditions qui occasionncîtt fré-
quemment un défaut d'eau dans les canaux de la ville.
L'assemblée décide d par appointementde police, » qu'il
sera établi « un liveau et glacis » à ce moulin, et qu'au
bhonchis.de Croncels il sera édifié deux vannes pour dé-
charger l!eau eji temps d'hiver. Ces travaux, peu après,
itic^t exécutés (2).
En 1526, une commission, choisie au sein de l'éche-
vinage avec un maçon et un voiturier par eau, visite la
Rarse depuis Baire jusqu'à Montiéramey, constate les
travaux qui sont à exécuter aux vannages des moulins,
(1) Arch. dép. f. de St-Pierre.
(2) A. A., «9e carton, 4« liasse - C. 103. 104 et 105.
\Jf
1515 CHAPITRE XVI. 289
pour rendre facile le passage des bateaux qui n'auraient
jamais dépassé le moulin des Amancières (1).
Celte commission complète ses travaux en constatant
que le pont de Gachebouton, situé au-dessus de Montié-
ramey, est inutile; qu'étant en ruine, il n*y a lieu de le
réparer; mais qu'un autre pont, placé à deux jets d'arba-
lète, au lieu dit le Gué-Chabin, serait plus utile, parce
que, dans ce lieu, passent les marchands lorrains, ainsi
que les habitants des villages voisins; que le chemin se
dirige sur Montrcuil, situé sur le gros chemin de Troyes.
Cette commission s'occu[)e en même temps du pont et
de la chaussée de Courteranges (2),
A la suite de cette visite, des travaux sont exécutés
par la ville à la chaussée de Courteranges, dite la Haute-
Levée, avec Taide de contributions imposées sur les pa-
roisses situées entre Bar-sur-Aube, Bar-sur-Scine et
Troyes.
Les communications ainsi établies par eau, Troyes a
ses ports : celui de la Barse, dans la vieille Seine, au-
dessous de Foicy; celui de la Seine, en amont, près de
la porte de Croncels ; et son port d'aval près de la porte
de St-Jacques. En 1532, on dispose le pont à bascule
de la porte de Croncels, afin de pouvoir déposer à pied
d'œuvre les matériaux employés aux fortifications que
l'on élève près de la a Tour Boilleaue » (3).
Tous ces travaux sur la Seine, ont été exécutés en
(1) Ces moulins appartenaient : ceux de Baire, de Lusîgny et de
Ghanteloup, àTabbaye de St-Loup, de Troyes ; — celui de la Brosse, à
l'hospice de St-Abraham ; — ceux de Courteranges et d' Amancières,
à Tabbaye de Montiéramey ; — ceux du Rasle et de la Rivour , à
Tabbayc de la Rivour. — Ont disparu les moulins de la Brosse, du
Rasle, de Chanteloup et d*Amancières. Le moulin de Ruvigny fut
construit de 1526 à 1531.
(2) BoOTiOT. Notice $ur la navigation de la Seine et de la Bar$e
1856.
(3) D. 104 et suiv.
III. lu
290 HISTOIRK DE TROYES. f515
verlu de lettres-palenles de Louise de Savoie, régente
de France, données à Lyon en 1515, rappelant celles de
Louis XII, délivrées à Grenoble le 17 juin 1511.
Ces lettres posent le principe de l'indemnité préalable
à payer aux propriétaires dépossédés, comme il est posé
dans les lettres relatives à Talignement des rues(l). Elles
prévoient le cas où les propriétaires ne voudraient pas
accepter l'indemnité allouée. Alors la somme offerte doit
être déposée et consignée aux mains d'un bon marchand
qui en devra compte. Le bailli commet Jean Pradel, sei-
gneur de Montaulin, et Edmond Boucherai, pour, agis-
sant ensemble ou séparément, fixer Vindemnilé due aux
propriétaires dépossédés -i^'.
A la mort de Ferdinand le Catholique, roi d'Espagne,
des diflicultés s'élevèrent entre François I<*r, Henri VIII
d'Angleterre et Tarchiduc d'Autriche. Les ambassadeurs
de Maximilien étaient à Troyes. lorsqu'ils furent invités,
par François h*r, à se rendre à Noyon, où le roi de France
enverra ses ambassadeurs (3).
En 1515, le roi réduit les hôtels des monnaies à
quatre, et maintient seulement ceux de Paris, de Rouen,
de Lvon et de Bavonne. L'hôtel des monnaies de Trêves
• • •
aurait donc été supprimé. Mais si cette suppression eut
lieu, la restauration aurait suivi peu après, car des mon-
naies auraionî été frappi es à Troyes sous les règnes de
François b « tl de Ih nri II. Lo roi institue à Paris, à Or-
léans, lunir^os, l.yoïi. Tours, r'oitiers, Bordeaux, Amiens,
Abbovillo. IMjon et Troyos. un nrhllier. L'échevinage de
Trovrs îovi'l t n coite qualité J;u ques Gredin, arbalé-
tr:or. qui, .!o;niis lon^rîivi.ps, se livrait, dans cette ville,
à la fabrioalion dos arcs, des traits et des arbalètes.
{\^ Voir ci>ilo»$us, p. .:i4
i«^ p, :>3.
V? J.i^nxal iVun bcur^-t^-is de Paris, sous le rtçnt de Frofiçou
/•»„ publié p^r Lua, l A'4u;n<', |vur !,t Soc. de ITurt. de
^5ie CHAPITRE XVI. 291
Par lettres datées de Bléré (1), du 10 septembre 1516,
François 1er demande aux habitants de Troyes d'élire un
ou deux d'entr*eux, des plus expérimentés sur le fait des
monnaies. Ces élus devront se rendre près de lui, à
Paris, le 15 octobre suivant (2). Cette convocation
a-t-elle été suivie d'effet? Le fait paraît douteux, car,
peu après, le roi « voulant aviser au moyen d'enrichir le
royaume et de soulager son peuple, s'éclairer et prendre
quelques bonnes résolutions à ce sujet, se décide à faire
venir, de tous les lieux de son royaume, gens idoines et
experts, pour avoir, sur ce, leur avis et conseil, et afin
qu'après les avoir entendus, il prenne le meilleur parti
pour arriver au but qu'il se propose. > Il adresse aux
bonnes villes de Franco, à la date du 29 décembre 1516,
une lettre missive, afin de les engager à envoyer un cer-
tain nombre de députés qui se trouveront réunis, à Paris,
le 15 mars suivant.
Pour se conformer aux désirs du roi, il y eut, le
19 février, en l'écriloire (groffe) du bailliage de Troyes,
une réunion présidée par M. Jean Clément, lieutenant-
général, et à laquelle assistèrei-tles officiers de la justice
royale, le maire, les échevins, les conseillers do ville et
un petit nombre des principaux citoyens. Sur la lecture
de la lettre royale invitant les habitants de Troyes à en-
voyer à Paris c deux bons personnages bien instruits
1 des biens et commodités qui pourraient se faire en
1 leur quartier. » L'assemblée délégua Me Antoine
Huyard, avocat du roi à Troyes, François de Marisy,
sieur de Cervets, et Nicolas Gouault, procureur des ha-
bitants, avec charge do s^informer des besoins de
la ville et d*en dresser un mémoire. Le gouverneur
sera informé de ce choix et il sera consulté sur ce qu'il
y aura à faire dans cette occurrence.
(i) Canton de Tours, (Indre-et-Loire).
(S) A A. , 48« carton, 9e liasse.
292 IIISTOIUE 1)K TKOYES. isie
Au retour de son voyage près de M. d'Albret d'Or-
val, gouverneur, Jean Perrin fait savoir que le chancelier
de France avait déclaré qu'il fallait envoyer aux Etats
non des avocats, mais des marchands, et que le gouver-
neur était d'avis que Jean Ménisson et Claude Mole fus-
sent délégués, c parce qu'il ne connaissait gens pour
» mieux parler. > Sur ce rapport, l'assemblée donna ses
pouvoirs à Jean Ménisson et à Claude Mole.
Dans une nouvelle réunion, il est décidé que les deux
députés s'efforceront d'obtenir la tenue des Grands-Jours ;
s'assureront, s'il est possible, d'obtenir une nouvelle
foire et s'informeront s'il y a moyen de faire affranchir
toutes les foires de Troyes des droits payés aux hauts-
passages et des impositions foraines.
Quels ont été les actes de cette assemblée? On parait
les ignorer. On peut croire que cette nouvelle convoca-
tion fût sans effet. En avril 1517, le maire et les
échevins de Troyes reçoivent c des articles baillés aux
> villes du royaume par M. le Chancelier et par l'ordon-
nance du roi. > Dans une assemblée tenue le 20 avril
1517, après Pâques, les habitants de Troyes répondent
à chaque article, et leurs réponses sont, sans délai, en-
voyées à la cliancellerie.
Les deux députés, Jean Ménisson et Claude Mole,
remplissent alors leur mandat. Le premier reçoit, le
26 août suivant, une somme de vingt écus soleil c pour
ses peines, salaires et vacations d'avoir vacqué, à Paris,
pour les affaires de la ville avec Claude Mole (1). >
Au XVe et au XVI^ siècle, tout travail comme toute
réunion dans l'intérêt de la communauté des habitants,
donne lieu à des dépenses de bouche soldées par la
ville. L'assemblée de la St-Barnabé et celle des fériés de
PAques se terminent par des repas auxquels prennent
pari les officiers royaux, le corps de ville et quelques-
y\) N. f A., n«5.
4517 CHAPITIIK XVI. 293
uns des principaux habitants. Il y a aussi des (listnliu*-
lions d'hypocras, de torches et de sel, auxquelles parti-
cipent les offîciers du roi et ceux de la ville. Le 20 avril
1517, après Pâques, le Conseil décide que, la veille de
Noël, une quarte d*hypocras sera envoyée au bailli, à ses
deux lieutenants, à Tavocat, au procureur et an receveur
du roi, au maire, aux huit échevins, aux avocat, procu-
reur, receveur et greffier de la ville, au maître de la ma-
ladrerie des Deux-Eaux, au prévôt, aux dix élus en l'é-
lection, au grenetier et au voyeur, * qui sont les anciens
auxquels on donne les étrennes, 9 et aux vingt-quatre
conseillers de ville. Les torches sont données à la charge
de les allumer « toutes et quantcs fois il advient incon-
> vénient de Teu ou autres nécessités. i> Knfm, il est
arrêté que les conseillers défaillants n'auront aucun
droit à cette distribution, faite afm que c chacun soit
> plus enclin aux affaires de la ville et à venir au
9 Conseil > (1).
Le maire d'abord, les échevins ensuite et les officiers
jouirent du bénéfice de la distribution du sel. La quan-
tité diminuait, pour chacun, depuis huit minots, accor-
dés au bailli, jusqu'à un demi-menot, donné au substitut
du procureur du roi au grenier à sel et au grelfier de la
ville.
A leur décès, les maires, les échevins, conseillers et
officiers de la ville, avaient droit à certains honneurs
rendus aux dépens de la ville. Leurs veuves, lorsque ces
offîciers décédaient en exercice, avaient droit à une part
de la gratification annuelle.
Les mesures de police prises pour prévenir les incen-
dies sont souvent renouvelées. Elles ont surtout pour
but de prescrire la démolition des cheminées en bois,
chauffoirs et murots, qui disparaissent à peu près corn-
ai) Voir êuprà, p. 2()9.
294 lllSTOiRE UE TUOY£S. isti
plélement vers 1530 (1). En 1516, Taulorité échevinale
fait préparer des échelles, des seilles ou seaux en cuir,
des roguets et des crochets pour porter secours.
Dans le cours d;e juillet 1517, les gens de la compa-
gnie de Robert de la Marck, seigneur de Sedan, tiennent
les environs de la ville. Ils demandent une contribution
qui leur est refusée (2).
Le Conseil de ville exempte les habitants de la ville et
de la banlieue et leurs fermiers, conduisant leurs récol-
tes, du droit de chaussée (1517-1518).
En 1517, rhôpital de St-Abraham, placé rue de la
Rouairie (aujourd'hui rue Jaillani-Deschainets), fut con-
verti en une communauté religieuse, dite des Filles pé-
nitentes ou repenties. Une bulle de Léon X autorise ce
changement, et François 1er se déclare le protecteur de
cet établissement. Guillaume Parvi, récemment nommé
évéque de Troyes, donne à ces femmes la règle de saint
Augustin. L'évéque se conserve la nomination des supé-
rieures, et Tadministration est indépendante de celle de
rH6tel-Dieu-le-Comte(3).
L'évoque de Troyes, Jacques Raguier, mourut le 14
novembre 1518, après avoir gouverné le diocèse pendant
trente-cinq ans. II fut inhumé dans le sanctuaire de la
Cathédrale, près de son oncle et prédécesseur, Louis
Raguier. Les statues en pierre de ces deux évêques se
voyaient encore aux doux premiers piliers du sanctuaire,
près de Tautcl, peu avant 1780. Les corps de ces deux
évoques étaient déposés dans deux caveaux rapprochés
Tun de Tautre et tous deux couverts de tombes en bronze
qui disparurent en 1778 (i).
(1) On trouve encore de ces sortes de cheminées dans les Vosges,
dans le Jura, etc.
(2) A. 5.
(:i) CiOniT.M.oN. Topog., t. II, p. 243.
(4) L*ADRâ GoFFiNET. Rapport sur les fouilles faites dans U chœur
• «/a 1
CIJAPiTilK XVI. 295
Jacques Raguier usa largement de ses revenus. Il aida
aux travaux de la Cathédrale par ses lihéralilés. Il eut
pour successeur Guillaunne Parvi ou Guillaume Petit, né
à Montiviliiers, près du Havre. Guillaume Parvi prit la
robe de dominicain dans la maison des Jacobins de
Rouen, fut reçu docteur en Sorbonne, en 1502. Il s'ap-
pliqua à l'étude des lettres, devint confesseur de Louis XII,
fit Toraison funèbre du roi et celle de sa femme, Anne de
Bretagne.
Son élévation au siège épiscopal de Troyes n'eut pas
lieu sans didiculté. Guillaume Parvi, selon le concordat,
fut présenté au pape par François 1er, dont il était le
confesseur. Les chanoines de St*Pierre députèrent au
roi deux d'entre eux, afin de faire maintenir leur droit
ancien d'élire l'évêque. Cette protestation fui sans résul-
tat. Parvi, choisi par le roi, fut agréé par le pape Léon X.
Le Chapitre persista pendant plusieurs mois dans sa ré-
solution de procéder à l'élection. Mais les provisions du
pape étant arrivées en France, le roi les fit signifier au
Chapitre par Pierre de Martigny, évéque de Castres; le
sieur de Chilin, grand maréchnl-des logis; Jean Salât,
maître des requêtes de l'hôtel, et de Sauteur, lieutenant
de M. d'Orval, gouverneur de Champagne (1).
Guillaume Parvi aimait les savants. Il aurait engagé
François I^r à faire venir Erasme è la cour. Jacobin, il
fîit général de son ordre et inquisiteur de la foi. Eclairé
comme il parait l'être et partisan d'Erasme, on doit croire
qu*il ne fit pas allumer souvent les bûchers de l'Inquisi-
tion.
de la Cathédrale^ au mois de Juin i 56^. Tirage à part «t Mém.
de la Soc. acad. de l'Aube. 3« série t. II. 1866.
(1) DuiiALi.E. Mém, hisi. et chron. t. II., Irv partie, donne quatre
lettres du roi au chapitre, en date des 20 novembre, 7 septembre,
10 février et 4 mars 1S18 (v. st.) Par la dernière, le roi remercie le
chapitre de sa soumission à ses volontés. Duhalle dit que ces lettres
sont conservées dans les archives du chapitre.
296 HISTOIRE DE THOYES. |519
Les finances de l'Etat, comme Tavait pressenti le sage
Louis XII, furent magnifiquement administrées par
François I", dont les besoins d'argent étaient toujours si
grands. Dès Tannée 1515, ce roi généreux et libéral de-
mande aux Troyens un don de ii,000 liv. t. En 1518, il
renouvelle sa demande pour une même somme. La peste
règne dans la ville, elle y sévit avec force; par ce motif
et avec Tappui de son nouvel évèquc, cette somme de
4,000 liv. est réduite à 1,500. Pour récompenser
Guillaume Parvi de ses bons olTices, la ville lui fait pré-
sent, à son entrée, de vaisselle d*argent pour une somme
de 500 liv. Quelle que soit la misère en Champagne, la
ville de Troyes, en 1520, accorde au roi la somme de
14,500 liv. t. Malheureux dans sa compétition à la cou-
ronne de Tempire d'Allemagne, François l'"^ ne reconnaît
pas de suite le résultat de Télection. Le 1er juin 1530, il
demande aux Trovens une somme de 4,000 liv. destinée
à repousser les entreprises de c Télu empereur (1). »
En 1519, François l^r fait aliéner une partie du do-
maine royal dans les bailliages de Meaux, de Sens et de
Troves. Les habitants de cette dernière ville, mettant à
profil cette circonslance, rachètent, le 10 juin, les deux
douzièmes que le roi de France possédait dans la vicomte,
au prix de 13:2 liv. t., à la charge d'acquitter iO livres
de rente annuelle due au Chapitre de St-Urbain, sur Tun
de ces deux douzièmes.
En 15:20, un édit taxe d'un droit les francs-fiefs et
nouveaux acquêts. Des commissaires royaux sont chargés
de Texécution de Tédil. Ils veulent imposer les nobles
vivant roturicremcnt et les biens de franc-aleu. Dans
une assemblée générale des habitants, il est décidé :
lo que la ville soutiendra son droit contre les commis-
saires royaux en se joignant aux intéressés, dans Tinté-
^1; Original. A. A., 48« carton, 9« liasse.
1520 CHAPlTUli XVI. 297
rèt de la chose publique ; S'' qu*ii ne sera rien payé pour
les biens de la maladrerie des Deux -Eaux, dont, au be-
soin, on laissera saisir les revenus. Il y a lieu de croire
que la ville Tut maintenue, ainsi que ses habitants, dans
leurs anciens privilèges.
Ala Saint-Barnabe 1520, la ferme delà chaussée fut
louée aux diverses portes de la ville ; à celle de Saint-
Jacques, moyennant S80 liv ; à celles de Groncels et de
la Tannerie, 300 liv.; à celles du Beffroi, de Comporté
et de la Madeleine, moyennant 190 liv. Ces chiffres per-
mettent de se rendre compte de la circulation existant
entre la Champagne et la Bourgogne. Elle est, en 1520,
dans une proportion relativement égale à celle qui exis-
tait lors de rétablissement des chemins de fer, tandis
que le mouvement entre Troyes et Paris (la porte du
Beffroi), n*avait pas alors l'activité qu'il eut depuis, et
surtout pendant la première moitié du XIXe siècle.
Le Conseil de ville abolit la charge de « porteur de
vin pour les présents de ville » et ordonne que le trom-
pette sera, à Tavcnir, vêtu d'une jaquette de drap bleu et
violet, brodé d'or et d'argent, sur les manches et sur la
poitrine. Ces broderies, sur les manches, représenteront
les armoiries de la ville, supportés par deux rinceaux de
rosier et celles de la poitrine, deux trompettes en sautoir.
Il est bruit de faire tenir les Grands Jours en Cham-
pagne. Le Conseil de ville s'informe du lieu où la cour
doit tenir ses solennelles assises. Il est question de la
ville de Sens. Aussi députe-t-il (29 avril 1520) près du
Chancelier et du Gouverneur, Hennequin-Acarie, Claude
Mole et Nicolas Gouault, afin de faire représenter ^ la
grosse injure et le grand dommage > que l'on ferait à la
ville de Troyes, capitale de la Champagne, si la cour se
tenait à Sens (\). Il s'agissait surtout à celte époque de
sévir contre certains c mauvais garyons > et contre les
(1) A. 5.
298 HISTOIRE DE TROYES. 1590
officiers royaux abusant de leur autorité. Déjà, en 1518,
le roi avait donné commission à Raoul Hurault de Chi-
verny de se rendre à Troyes, afin d'y informer contre les
officiers du roi (1).
Le roi informe le parlement de Paris qu'il a décidé
que les Grands Jours se tiendraient à Troyes, dans le
cours de Tannée, comme ils avaient été tenues à Cler-
mont peu de temps auparavant. Il demande à connaître
Tancien ressort de la cour et les noms des membres du
Parlement qui peuvent le plus convenablement en faire
partie. L*aumonier du roi, alors Odard Hennequin, aver-
tit le Maire de la décision royale. Il les invite à désigner
les conseillers que la ville désirerait voir parmi les mem-
bres do la cour. Le Conseil désigne MM. Etienne Morise,
d'Origny, Ilennequin et tous autres que le roi voudra
bien commettre (2). Mais il n'y eut pas de session. Elle
devait s'ouvrir le 12 Juillet.
Des bandes de malfaiteurs armés parcourent la pro-
vince, sous le nom de piétons et se tiennent surtout aux
environs de Troyes. M. de Chateauvillain, lieutenant-gé-
néral au Gouvernement de Champagne, envoie le sieur de
Bréviande et le Baron de Bauffry, pour les chasser et les
faire déloger. On signale ces malfaiteurs dès le mois
d'avril. € Ces mauvais garçons >» sont encore autour de
Troyes vers la fin d*août. Au mois de juillet les lansque-
nets sont'aiissi en Champagne. Par Tordre du Gouver-
neur, la ville leur fait conduire trente pièces de vin à
Rosnay. Le 19 août, dans une assemblée générale des
habitants, il est décidé, sur la demande de grands appro-
visionnements motivés sur les projets d'établissement
d'un camp royal aux environs de Troyes, que les dépenses
ne pourront s'en faire en raison de la misère qui pèse
(i) Lctt. orig, de François /er, datée du 17 août 1518, de BUyn
ch. 1. de canton (Loire-Inférieure).
(2) A. 5.
i5to cuaimtul: xvi 299
sur le pays. Pondant toute cette saison, il règne de grands
bruits de guerre, à cause de la querelle soulevée entre
Robert de la Marck, duc de Bouillon et Charles-Quint.
François I, ayant pris parti pour le duc, ouvrit la lutte.
Le 1-4 août, le Conseil de ville décide que les portes et
les murailles seront mises dans un état complet de dé-
fense. La garde des portes est confiée aux plus notables
habitants. Tous les harnais de guerre, Tartillerie grosse
et menue et toutes les munitions sont mis en état de
service. Toutes les provisions recueillies dans TElection
sont réunis à THôtel-de-Ville. Il est défendu de circuler
sur les portes, murailles, remparts et boulevards, sinon
pour le service et la sûreté de la ville. Les fortifications
sont visitées par Vambassadeur de Vem>e, Antoine Henoe-
quin, Seigneur de Charment, personnage fort influent.
C'est sans doute lors de celte visite que, sur Tordre
d'Antoine Hennequin et sur la demande du roi, un por-
trait ou plan de la ville fut fait par Nicolas le Cordouan-
nier, peintre. Ce plan dressé sur un parchemin fut en-
voyé au roi (1).
La ville a une garnison de troupes royales faisant des
sorties dans les environs. Le comte de Montrevel, lieu-
tenant au gouvernement de Champagne et logé au
Temple, fait envoyer cinquante muids de vin et de la
farine pour faire 10,000 pains aux Suisses qui sont à
Bar-sur-Seino. Cette troupe se rend à Maizières en pas-
sant par Saint-Parres-lcs-Vaudes, Sainte-Maure, Arcis,
Mailly, Lestrée, etc. La ville expédie des provisions à
Mouzon.
Le guet et la garde se font par les habitants seuls; les
sonneurs et c les maîtres do latin > sont exempts de ce
service, et, après un long procès, les chanoines des divers
chapitres en sont aussi dispensés, sauf le cas où l'ennemi
(i)D.68.
300 HISTOIRE D£ TilOYES. iSSl
est à moins de quinze lieues de la \nlle, alors qu*il y a
imminent péril. Par un règlement du 9 Septembre
1521, les veuves pauvres sont tenues de payer deux de-
niers destinés à acheter les chandelles dont le guet a
besoin. Les dizainiers ne peuvent faire c aucune buve.
rie » avec le produit de cette contribution, à moins qu^ils
ne soient pourvus de chandelles pour deux guets. Les
autres veuves et les femmes, dont les maris sont hors
de la ville, doivent cinq sous, qui reçoivent le même
emploi. Défense est faite aux compagnons du guet de
faire des dépenses, par écot, aux portes de la ville. Ils
se feront apporter leur nourriture ou iront prendre leur
repas à leur domicile. Tout individu qui ne se rend pas
au guet devra une amende de 2 s. 6 d. et aux portes, 5 s.
Les échevins et les garde-chefs des portes sont exempts
du guet.
G*est sans doute dans ces vives préoccupations provo-
quées par la guerre, qu'il faut trouver la cause qui em-
pêcha la tenue des Grands-Jours en 1521.
Les 6 et 7 août, le roi, aliénant une nouvelle partie
du domaine et des aides, une assemblée générale des ha-
bitants, parmi lesquels ils s'en trouvent des plus notables
et à laquelle sont représentées vingt-huit corporations
ou confréries des arts et métiers, décide, à l'unani-
mité, le rachat de toutes les impositions, pourvu toutefois
que ce rachat soit à titre perpétuel. Toutes les imposi-
tions ne furent pas achetées, mais seulement le droit du
vingtième, levé sur les draps de soie et de laine, la bon-
neterie, les chevaux etc., ainsi que sur le vin vendu en
gros. Cette acquisition se fit moyennant 15,000 liv. t.
que la ville emprunta.
Le samedi 3 août 1521, fut publié, dans Paris et le
ressort du Parlement, que tous les libraires, imprimeurs
et autres gens qui avaient en leur possession des livres
de Lutheries apporteraient à la cour, dans la huitaine,
1521 CHAPITRE XVI. 301
SOUS peine de cent livres d'amende et de prison (1). Le
1er août, la même cour rendit son premier arrêt contre
la réforme. Sur la requête du doyen et des maîtres de la
Faculté do théologie de l'Université de Paris, le Parle-
ment défend l'impression de la Déterminacion de Luther
et d'un autre livre intitulé : Aycameya Germanorum^
dont le dépôt est ordonné au greffe de la cour (2). C'est
sans doute cet arrêt qui fut crié le 3 août dans Paris.
Pendant Thiver de 1521-1522, la ville est encombrée
de mendiants et de bélitres. Dans des assemblées géné-
rales tenues les 29, 30 et 31 janvier, il est résolu que
les dizainiers prêteront leur concours au maire et aux
échcvins, aOn de les aider à reconnaître quels sont les
indigents et les mendiants qui habitent la rue confiée à
leur garde. 11 sera avisé au moyen de nourrir ces pau-
vres, dans leurs maisons, sans qu'il leur soit permis de
mendier. Quant aux pauvres et impotents, difformes et
dépliés, n'ayant pas de domicile, mais originaires de
Troyes, ils seront logés et entretenus dans les hôpitaux
et la mendicité leur sera interdite. — « Les gros bélitres
et bélistrières étrangers % pouvant travailler, quitteront la
ville et retourneront en leur pays. — Quant à ceux de
la ville, ils travailleront pour gagner leur vie, sinon ils
seront bannis et expulsés, de la main du bourreau ; s'ils
n'obéissent point, ils seront enchaînés deux à deux et
contraints à travailler aux fortifications. Pendant leur
travail, ils seront nourris, mais ne recevront aucun sa-
laire.
Et, comme les environs de la ville sont parcourus
i par de mauvais garçons mangeant la poule et pillant
le bonhomme, > il est arrêté qu'il sera bon de choisir
cinquante ou soixante compagnons, aux gages de la
(1 ) Journal d'un bourgeois de Parxê^ p. 104.
(2) Aeiêi du Parlement de Parie, Préfiice de M. le comte de La-
borde, 1. 1, p. XL.
302 HISTOIRE DE ThOYES.. 1581
ville, toujours prêts et en aruics, pour porter secours,
où il y aura lieu et arrêter ces mauvais garçons.
Dans cette assemblée , les jeux publics sont défendus dans
la ville et les faubourgs de même que de porter la nuit
» momerons el habit déguisé et de se masquer (1). »
Le 21 avril 1521, François 1er, se rendant au camp de
Mouzon, on Lorraine, arrive à Troyes avec la reine,
Madame Claude; sa mère, Louise de Savoie et sa sœur,
Marguerite de Valois, duchesse d'Alençon. La venue du
roi et de la reine n'avait élé annoncée que peu de jours
auparavant. Le roi fit son entrée seul ; un quart d'heure
après, la reine, la mère du roi et la duchesse d'Alen-
çon entrèrent en ville avec leur cortège spécial (2).
La ville fait de grandes dépenses pour recevoir si no-
ble et si illustre compagnie. Le temps ayant manqué
pour exécuter un présent digne du roi, la ville lui députe,
en mai suivant et pendant son séjour à Dijon, Jacques
Ménisson et Jean Acarie, charges de lui offrir une statue
équestre représentant « Hector de Troyes f3). Cet Hector
était armé el monté sur un cheval bardé de toutes pièces,
le tout d'argent fin et doré de fin or. La statue, le che-
val et la terrasse pesaient environ 50 marcs et avaient
ensemble une hauteur d'une aune de Troyes (i). Ce pré-
[\) A. 5.
(2) Journal de Louise de Savoie, — Arch. mun. K. 5. Comptée
des dépenses faites pour Ventrôc de François I^r, de la Reine et Ma-
dame Louise de Savoie,
(3) Nous n'aurions pas besoin de dire qu'il faut lire : de Troie,
mais nous devons rappeler, qu'à cette époque, Torigine de la tUIc de
Troyes était attribuée à Claudius Maivellus, qui lui donna le nom de
son fils, Trojanus ; les habitants étaient fiers d'une origfine plus ou
moins hellénique. Aussi Hector de Troie était un personnage alors
fort considéré à Troyes. C'était dans la circonstance, un gracieux
présent à faire au Roi-CheYalier que de lui offrir la statue de i*UB
des plus vaiUants héros de l'antiquité.
(4) L'aune de Troyes avait dO pouces de longueur ou 0,815^".
15S1 CHAPITRE XVÏ. 303
sent fut trouvé par le roi el par la cour ^ fort gorgias
et très-beau. • Il devait être Tœuvre d*orfèvre troyen.
La reine, la reine-noère et la sœur du roi reçurent en
présent du beau linge de lin, de fabrication troyenne.
A ce voyage, MM. Ménisson et Acarie obtinrent du roi
l'autorisation d'établir à Troyes une nouvelle foire fran-
che de quinze jours, et de plus l'autorisation de lever,
pendant trois ans, au profit de la ville et pour être em-
ployés aux travaux des fortifications, 20 deniers par
minot de sel vendu aux greniers de Bar-sur-Aube, et au-
tres que nous avons nommés plus haut.
Le roi venait de Sancerre et avait passé par Dijon, où
il avait mis ordre aux frontières de Bourgogne. De cette
ville il se rendit à grandes journées, dans la ville de
Troyes, « où il n'y avait nulle armée tant petite fut-elle. »
Il avait envoyé André de Foix, seigneur de l'Esparre,
faire la guerre aux Espagnols dans le royaume de Na-
varre qu il conquit rapidement, mais reperdit de même.
A la suite de cette perte, le roi renvoie six mille hommes
en Navarre, sous le commandement de l'amiral de Bon-
nivet. Il donne ensuite l'ordre au connétable de lever
800 chevaux et 6,000 hommes de pied, et au duc Charles
de Vendôme, il confie le soin de lever le même nombre
«rhommes et de chevaux. Il distribue le commandement
de ces recrues à différents seigneurs et capitaines, parmi
lesquels se trouvent le comte de Brienne, de la maison
de Luxembourg, et Charles de Reffuge, appelé l'écuyer
Boucal ou Boucar. Les Français sont placés sous les or-
dres du seigneur de Villiers et de François de Tavannes;
Claude, comte et futur duc de Guise, commande les
Allemands.
Toute cette armée, réunie et dirigée contre l'empe-
reur d'Allemagne, est organisée par le roi pendant son
séjour à Troyes.
Le 27 avril, le roi et sa cour quittent la ville. Ils sor-
30i HISTOIBE DE TROYES. ISSI
tent par la porte de Sl-Jacques (1) et se dirigent sur
Tabbaye de Montiéramey, où ils font un nouveau séjour
qui dura jusqu'au 2 mai. A Montiéraniey, le roi envoie
Olivier de la Vernade vers Henri VIII, afin de le prévenir
de la guerre qu'il entreprenait contre Charles-liuint,
qui Tavait provoquée, et le prier de ne pas blâmer sa con-
duite.
Peu de temps après, le roi est à Argilly-le-Duc , puis
à Dijon, qu'il quitte pour se rendre à Lyon. Il divise son
armée en quatre grands gouvernements. Il donne au duc
d'Alençon le commandement de l'armée de Champagne.
Dans cette province, comme en Picardie, se font de
grands préparatifs en munitions, en artillerie et en ar-
gent pour subvenir à la guerre. Le duc d*Alençon se di-
rige vers Mouzon. Les impériaux, contre son attente, ne
s'étant point présentés, il se retire sur Rheims (2).
Le roi est de nouveau à Troyes en septembre 1521.
Etant dans cette ville, il accorde à Pierre de Provins,
écuyer, sieur de Viâpres, de Rosières et de Laines-bou-
reuses, la permission d'établir, c en chacune de ces
» deux dernières seigneuries, où il y a une grosse motte,
» close et environnée de grands fossés à eau vive avec
» bondes, » et après avoir pris l'avis du conseil de ville,
des ponts-levis avec chaînes de fer à l'entrée et à Tissue
desdites mottes : le roi se réservant le droit de les faire
démolir, s'il y a préjudice pour lui et la chose publi-
que (3).
Le jour de saint Barnabe 1521 , François de Marisy,
(1) A cette porte, il leur fut offert par la ville do yin, du pain et
des pommes.
(2; Journal de Louise de Savoie. Mém, de du Bellay, p. 3iS et
343. — Arch. mun. K. 5
f3) Titres de la propriété de Rosières, communiqués par M. Ar-
ton, originaux. Ce document est le seul que nous connaissons attes-
tant la présence à Troyes, de François I«r en septembre i5îl.
La terre de Rosières, de franc-aleu noble, a été acquise par Pierre
15Î2 CHAPITRE XVI. 305
sieur de Juzanvigny, est élu maire de Troyes. Il mourut
le jour de son élection (1). Il eut pour successeur Claude
de Marisy, écuyer, sieur de Cervet et grenetier au gre-
nier à sel.
Les finances de la France sont épuisées. Pressé par
des besoins d'argent, François 1 se rend à Troyes, comme
il s*est rendu à Rouen (2). Il demande aux habitants de
ces villes, comme à ceux de Paris, de Taider à suppor-
ter les dépenses nécessitées par la guerre. La ville de
Rouen offre de pourvoir à Tentretien de mille hommes
de pied. La ville de Paris, peu enthousiaste de la politi-
que et de la conduite du roi, lui avait oflert de subvenir
à Tentretien de 500 hommes seulement. Ne pouvant
moins faire que Rouen, elle élève sa contribution à Ten-
tretiende mille hommes. Le 12 mars 1522, le roi vient
à Troyes. La population et les officiers du roi et de la
ville ne vont pas au devant de lui et il n*y a point d'en-
trée solennelle Sur sa demande, la ville lui propose de
subvenir à Tentretien de 200 hommes de pied. Mais le
roi préfère de Targent. Cédant à ce désir, il lui est ac-
cordé 3,600 liv. t. Malgré Topposilion des membres du
clergé, il est décidé, dans une assemblée générale, tenue
au Temple, que cette somme sera levée au moyen d'une
contribution assisesur les maisons. L'opposition du clergé
s'explique : les chapitres, les communautés religieuses
et même les églises paroissiales étaient alors les princi-
paux détenteurs, des propriétés construites (3).
Cette somme fut payée au roi et la ville subventionne
•
de Provins, maire de Troyes, de 1538 à 1542, de Robert de Chanta-
loè, écuyer, sieur de Baire et de Laines -bourreuses et de Katherine
d*Origny, sa femme. Un fragment de la tombe, en marbre noir et
avec armoiries, de ces deux époux, est déposé au musée de Troye^^
depuis 1866.
(t) B. 92.
(2) II. Martin, Hiat des français, t. VIII. p 22.
(3) A. 4.
m. 20
306 3:fT»>at£ :•£ fr-j^es.
ttéancn^^în*. j^' Ijn: <r^T;é> anG-ée*. 300 hommes de
pî«5ii. Li vT.e. jOu? .>:uv7:r octte ^i^pease. impose de
5 5*:a5 ':hi-jr Tu-e-e I-r -*::: rntrane en ville el, de
deux 5-: 15. :.r.-'5 ij. ri ^-:::ei: I . Ptus tard elle sub-
Yi^Qî i o^rtre :■?:-;" s-r :ir liiir^ aiiveas, ootammeot
es f;ra::aL* iur^ f:-::; '/•er-^fë^ eî -a >:.pfce des denrées
•îecoi>:ci:iLît::'*. ic/.-rs ir^ nli^:'lar:•î•5^s. des bestiaux.
•ia 5^1, Itî niitir^rs OTï^T-^rir? servaat à riadostrie lo-
ealé i .
m
Vers ît- m-rme :esr>. .5 ^:.> s'appK'Tisionne de blés
et de mur.iîioiî? lie- |:urT?e. Ele achète du soufre, fait
fabriquer «ir îû ; :ui:'r à c^r.ja ; rairaîohit celle qui est
anciecrie: dchvie. î Lâ-^res, à Charimciit et dans d'au-
tres villes. oCm) r -'î'----
FrinÇ'>îs '. ê:^r.w à Ly; !i. fjcî savoir aox Troyens par
sa lettre du £ ^u n Ihii. aôressr- au taiili. que Charles-
QuJDt et Heari VIU lu: ont 'ie»:iar»r la guerre. Il ordonne
rarrestation iuimeôiaie de tous *.es sujets de ces deux
souverains se t^:*uva&l d^ns le bailliage 3 .
Les prr:o:*j:3t;.:r.s ie l- : . : îiq-je et de la guerre mo-
tivea: 1 .5.:::\::c ::: :v:e aux ".rjvaux des fortitlcations.
m
En loi^, le :r ::::: .!*.:?. r.;uve'. :rîi[-'î. levé sur les
maisons, est a^ili^je i ces .îv^enses et 1 on travaille au
bouîevari. :!.::i- o-.::>^ le couls Je ia Pianche-dlêraent
et le pont ie R.::euso . .n i.r.ne r:U5 de profondeur aux
fossés J'»pu:s îi j'jrle .!o C::ii:or> jusqu'à celle de Si-
Antoine ' l : la \ l.e :lt : c. !is:ni.re des moulins à bras,
afui Je siïpf'l.er ai:\ n.o/i ::> à t\iu. en cas de guerre.
EUeenachrîe s.\ :V C.i::*J^ J'.J,.s. J'Ausunne, inoven-
^1) F, :ilo, ^i:.ilS,iî;>.
1523 CHAPITRE XVI. 307
naiit seize liv. chacun, deux livres de pourboire et une
paire de chausses (1).
En mai, la ville n*a pas satisfait à ses engagements
pour la solde des deux cents hommes de pied. Le roi
s'en plaint et demande le paiement des quatre quartiers
qui sont dus. Mais ce qui donne aux plaintes du roi un
caraclère très prononcé d'amertume, c'est qu'il a su
« qu'il a été usé, à Troyes, de grosses paroles et mur-
» mures envers lui au mépris et irrévérence de lui et de
1 son autorité (2) ». Les murmures des parisiens sont
bien autrement vifs.
Le clergé s'éloigne des fonctions et des charges de
l'échevinage. L'opinion publique lui est défavorable ; le
vent de la réforme a déjà soufflé. Il n'a pas encore amené
de querelles en matière religieuse, mais il y a déjà dé-
saffection. Sous l'influence d'ordres supérieurs, de con-
cert entre les chanoines des divers chapitres et sous
peine d'excommunication dont l'évéque menace les in-
fracteurs, sept ecclésiastiques, membres de l'échevinage
et du conseil, se démettent de leurs fonctions en juillet
1523, et, le 24. août suivant, les échevins et les conseil-
lers remplacent, par la voie de l'élection, les nrienibres
démissionnaires par sept conseillers laïques. C'est à cette
date qu'il faut fixer le premier fait de sécularisation des
fonctions échevinales, des ecclésiastiques reparaîtront
encore au conseil de ville, mais seulement à certaines
époques et pendant des périodes fort limitées.
Au printemps 1523, * les mauvais garçons », compa-
gnies de pillards et de malfaiteurs, parcourent la Cham-
pagne et la Brie. Le comte de Montrevel, lieutenant au
gouvernement de la province, vient à Troyes , dans le
but de rompre ces bandes d'aventuriers. Ses efforts étant
(1) A. 6.
(2) A. 6.
308 HISTOIHE DE THOYES. 15)3
impuissants, le connétable de Bourbon, à la tête de
troupes royales, se joint à lui et lui prête main-forte pour
détruire ces bandes qui désolent les campagnes (1).
Dans le cours de Télé, la France est envahie par les
Espagnols, au Midi ; par les Anglais et les Néerlandais,
au Nord-Ouest, et à TEsl, par dix ou douze mille Lans-
quenets, commandés par les comtes Guillaume et Félix
de Furslembcrg, qui entrent en Champagne par le dio-
cèse de Langres. En octobre, ils sont signalés dans les
environs de Chaumont-en-Bassigny. On craint qu'ils n'ar-
rivent jusqu'aux portes de Troyes. Aussi prend-on, en
ville, toutes les mesures nécessaires pour se défendre
contre leur atlaque. On décide la construction de vingt
à trente .noulins à bras et toutes les maisons conven-
tuelles, les Chapitres, les Hôtels-Dieu et autres grosses
maisons sont contraints de s'en procurer. On fait fabri-
quer des c hacquebuttes à crochet > avec de \neilles cou-
leurines ; dix chambres de cuivre, une grosse chambre
de canon^ et une plaque de cuivre qui a servi de cadran
sont fondus pour confectionner ces hacquebuttes. On en
affôte 80. Le conseil de ville passe différents marchés
avec le prévôt deVendeuvrepour la livraison de plusieurs
milliers de boules et de boulets^ eu fonte, de différents
calibres, pour hacquebuttes et meurtrières (i2).
En octobre, on fait recherche, à domicile, de tous
les gens qui peuvent servir, avec bâtons à feu et autres
armes qu'ils possèdent (3).
Les Lansquenets ont prisCoiffy (4) et, après avoir tra-
versé Neufchàteau, ils s'emparent de la forteresse de
(i) A. 6.
(2) A. 6. ; D. 78.
(3) A. A. 2o carton, 1^» liasse. Reg, constatant ces recherches
dans le quartier de Cronceîs,
(4) Coiffy-lc-lI.Mit(Hte-Mamc), qui possède encore les ruinesd'on
vieux château.
152i CHAPlTaE XVI. 309
Montéclaire, située à la porte d'Andelot. De là, ils me-
nacent la Champagne et la Bourgogne. Mais le comte
de Guise, ayant réuni ses forces à celles du duc d'AIen-
çon et à celles du Gouverneur, M. d'Orval, les lansque-
nets, délogés de Montéclaire, sont mis en déroute sous
les murs de Neufchâteau.
L*Echevinage s'occupe au printemps de 1524 de Tor-
ganisation de la nouvelle foire franche concédée par
François 1. Cette foire, de quinze jours, est fixée au mois
d'octobre. La charte de concession est imprimée à 700
exemplaires par Nicolas Lerouge. Le Conseil rachète la
ferme des hauts passages de Sens et de Chaumont,
moyennant cinquante écus soleil, et, au prix decentliv.,
les droits qui doivent être levés sur les marchandises des-
tinées à cette foire.
Cette foire franche fut solennellement publiée en ville
par le notaire des foires, Gossement, faisant partie d*un
nombreux cortège, composé de tout le corps de ville, du
garde et chancelier, des notaires et des sergents des foi-
res, de notables marchands et de nombreux jeunes gens,
tous richement vêtus et bien montés. Puis, dans toutes
les villes de France, en Flandres, en Allemagne, en Ita-
lie, etc., par des sergents envoyés à cet effet. Le 6 mars
1524 (n. st.), le Gouverneur de la province écrit au
Maire et aux Echevins de faire bonne garde dans la ville
sur Tordre de la régente. Sur cet ordre < les gros béli-
tres • et mendiants étrangers sont expulsés.
En 15H, une tentative de réorganisation d'une com-
pagnie d'arquebusiers, avait eu lieu. Elle ne parait pas
avoir eu de résultat. Au printemps de 1524- le projet fut
repris et une organisation s'en suivit sous le titre : « de
compagnie des hacquebuttiers. >
Une requête présentée au Conseil de ville « par plu-
sieurs gens de bien », demande qu'il soit mis à la dis-
position de ces bons citoyens, un lieu propre à établir une
310 HISTOUIE DE TROYES. 1514
butte disposée pour ce jeu. Ce document rappelle que
c ce jeu > fait défaut à Troyes, quoique la ville soit bien
fournie ce de bâtons à feu >. Les exposants deniandenl
qu'une somme d'argent, pour leur joyau, leur soit accor-
dée comme aux archers et aux arbalétriers. Le Consc^il
décide que le Maire, les échevins et les ofTiciers du roi
visiteront la butte des archers, située sous les remparts,
près de la porte du Beffroi, afin de s'assurer s'il y a pos-
sibilité d'y placer le jeu de la nouvelle compagnie, avec
celle de Tare. En cas de possibilité, le Conseil, alloue aux
hacquebuttiers, pour leur joyau, une somme égale à celle
qu'il donne, chaque année, aux archers et aux arbalé-
triers. Le lieu reconnu convenable , la carrière des ar-
chers est divisée en deux parties et la compagnie de la
hacquebutte prend place à côté de sa sœur aînée. Jean
Mole, sieur de Villy-le-Maréchal, fut le premier capitaine
de cette compagnie, qui, à travers mille vicissitudes, ar-
riva jusqu'en 1789, époque où elle disparut avec l'an-
cienne monarchie.
Un jour néfaste pour la ville de Troyes est le mardi
24 mai 1524. Entre dix et onze heures du soir, le feu
prit dans la maison, sise au coin de la rue de l'Epicerie,
près de la commanderie du Temple et de l'hôtellerie de
l'Homme Sauvage (1). Cette maison était habitée par un
apothicaire, nommé Moussé. Le feu se répandit dans tout
le quartier haut avec une rapidité inouïe : toutes les mai-
sons étant construites en bois, couvertes et revêtues en
aissis.
L'incendie a consumé toute la partie de la ville, limi-
tée, à Test, par une ligne partant de la rue du Temple,
se dirigeant sur l'église St-Jean, la rue du Domino, jus-
qu'à la rue des Lorgnes ou Charbonnet, la rue du Boui^-
neuf ou du Palais de Justice, la rue des Filles ou Jaillant-
(i) Aujourd'hui oiaison de la rue Notre-Dame, n» 77.
1584 CI1AI4TRK XYI. 3H
Des GhainetS) jusqu au rempart, pour, de là, revenir à la
porte du Beffroi, au Beffroi, à régliso St-Nicolas, la tour
Boileau, la porte de Gronccls, le quartier àe cette porte,
celui du Temple et de la rue de la Pie, pour revenir à
son point de départ vers la Gommanderie (1). Dans ce
grand espace comprenant environ le quart de la super-
flcie de la ville et étant le quartier le plus populeux et
le plus riche, les églises de St-Jean, de St-Nicolas et de
St-Pantaléon subirent de grands dommages; la Gom-
manderie de St-Jean du Temple, les hospices de St-Ber-
nard et de St-Abraham, Tarsenal placé entre Téglise St-
Nicolas et le Beffroi, le Beffroi furent détruits; la porte
de ce nom et celle de Groncels, les couvertures des rem-
parts et les murailles même furent fortement endomma-
gées ; un nombre de maisons qu^il est impossible de fixer,
les uns, l'ayant porté à 300, les autres à 1,500, d'autres
à 3,000 frestes de maisons, ou encore ce qui serait
plus près de la vérité à 3,000 ménages. Ges chiffres ne
présentent en réalité aucune certitude. Dans ce désas-
tre si considérable, Nicolas Hennequin, de la branche
des Hennequin dite de Lantages, n'eut pas moins de
soixante maisons détruites par le feu (2).
Les trois églises de St-Jean, de St-Nicolas et de St-
Pantaléon souffrirent à des degrés différents. Gelle de
St-Jean est en réparation dès le 5 juin. Des maçons, des
charpentiers et des couvreurs y travaillent sous la con-
duite de M. Martin de Vaulx, maçon (architecte). Le culte
ne paraît pas y avoir été suspendu (3). Les cloches fondi-
rent; elles sont coulées à nouveau on novembre sui-
vant. L'église de St-Jean était alors en grande réparation.
On travaillait à la reconstruction du chœur sous la di-
(1) A. 6.
(t) Eloge» des Présidents du Parlement de Paris. Généalogie
de la famille Hennequin.
(3) Arch. dép. Comptes de la fabrique de St^ean, 14. G. 37.
31 â HISTOIRE DE THOYES. 15^4
rcction de Martin de Ynulx. Les patrons ou plans de Vé-
glise sont brûlés et Martin de Vaulx les refait. En 1527,
la fabrique achète deux maisons dont remplacement est
occupé par le chevet do Téglise (1).
L'église de St-Pantaléon était en construction. Cette
église, originairement en bois , mesurait, au nord, de
il3 à 114 pieds de long, au midi 34, au levant 44 et
au couchant se terminait presqu^en pointe et là était la
tour du clocher. Depuis plusieurs années, au moins de-
puis 1517, des travaux importants s'y exécutaient en
maçonnerie et en pierres de taille sous la direction de
Jean Bailly, maître maçon de Téglise de St-Pierre, de
Maurice, maçon de celle de St-Pantaléon et aussi avec
les conseils de Martin de Vaulx. Une partie de l'ancienne
église fut réservée pour l'exercice du culte; Téglise était
à jour en plusieurs endroits à cause des travaux. Des
verrières avaient été posées en 1521. On y voyait les
chapelles des d'Origny, des Marguenat et celle du Dauphin.
Un pignon de Téglise donnait sur la rue du Dauphin. En
1523, on dore un petit coq t en fer noir » qui le sur-
monte. Les verriers, Jean Soudain, Jean Lyévin, Verrat,
Ruot ou Ruet Fagot, avaient posé des vitraux dans plu-
sieurs chapelles. C'est en cet état que Téglise se trouvait
le 24 mai. L'incendie causa des dommages à l'œuvre
principale ; l'aigle du chœur fut brisé, mais les reliques ne
lurent pas détruites. Les cloches furent fondues. On en
baptise une, le jour de la Madeleine, on en remplace
deux autres en 1525 et le môme nombre, enl529. Le ser-
vice du culte fut sus|)endu, dans cette église, jusqu'au
12 juillet 1524. La fabrique ne paraît pas avoir fait
quêter pourréparer ses pertes (2). Le vaisseau estagrandi
(i) Arch. dép. f, deSt-Jean, 15 G. 37, 41, 42.
(2) Arch. dép. Comptes de la fabrique de St-Pantaléon, 19 G. 4,
5, 6, 7 et 8, de 1517 à 1524. Il n\v a plus de comptes qu'à partir de
1536.
15îi CHAPITRE XVI. 313
du cAté du portail. Avant l'incendie, Téglise avait une
entrée dans la rue du Dauphin. Après, elle fut élargie du
cMé do M. Mole, et allongée vers ThAlel de Vauluisant dont
les étables furent démolies et remplacement en partie
cédé à Jacques Mauroy, qui céda, de son cAté, du terrain
pour y asseoir une partie de l'église.
L'église do St-Nicolas fut plus endommagée que celle
de St-Pantaléon. Les comptes de la fabrique commen-
cent au 24 mai 1524, c qui est le jour que ladite église
a été brûlée. » Les comptes précédents ont donc été dé-
truits. Ce compte de 1524 rapporte que < ladite église,
9 ensemblo les ornements et tous les autres biens d'icelle,
» ont été brûlés par le feu, mis en cette ville de Troyes,
> le mercredi XXIVc jour de mai, veille de la Fête-Dieu
> do Tan 1524 9. Les Marguilliers, afin de trouver moyen
de subvenir à la réparation de leur église, obtiennent
de Tévêque « une bulle d'indulgence portant puissance
> de pouvoir quêter par les églises du diocèse jusqu'au
» jour du grand Saine ou synode. » Ces quêtes se con-
tinuèrent pendant plusieurs années. On consolide ce qui
reste de l'église. Le culte est rétabli en août 1524, trois
cloches sont baptisées le 5 février suivant. Mais la re-
construction de l'église est indispensable. La charpente
de l'édifice est détruite, ainsi que tout le mobilier, et la
maçonnerie a beaucoup souffert. En 1524 «t en 1525,
on répare et on consolide la couverture et, à l'intérieur,
Jacques et Yvôn Bachet taillent des images que Nicolas
le Cordouannier met en couleur. Plusieurs écrivains re-
font les livres et Petit-Jean Robert les enlumine. En
1525, Girard Faulchot, maçon, et Nicolas le Cordouan-
nier, peintre, font des t portraits » ou plans pour réédi-
fier l'église. On abat une partie des voûtes. Jean Faul-
chot devient le maître-maçon de l'œuvre avec Girard
Faulchot. Les iabriciens obtiennent une bulle du pape
et les quêtes continuent. En 1530, la dédicace de Té-
314 HISTOIRE DE TROYES. iSfU
glise est célébrée entre la fête de TAscension et celle de
la Pentecôte, quoique Tédifice soit loin d^être achevé (1).
Les cloches des églises de St-Jean, de St-Nicolas et
de St-Panlaléon Fondirent dans cet incendie et le métal,
qui servit à la fonte de celles qui les remplacèrent, pro-
vint en grande partie de la cloche du beffroi, dont le
métal coula dans les ruisseaux.
La cause de ce vaste incendie est demeurée incertaine.
L'opinion dominante a toujours cru à un incendie volon-
taire et dont les causes remontaient à l'inimitié de Char-
les-Quint et surtout à celle du connétable de Bourbon
contre François l^r. La justice fit de nombreuses arresta-
tions en ville, à Paris et ailleurs. Elle mit sous sa main
surtout des étrangers inconnus. Le lendemain, 25 mai,
on rencontra de jeunes enfants, essayant de mettre le feu
dans les quartiers non incendiés et qui déclarèrent qu'ils
étaient payés dans ce but coupable.
On craignit que le feu ne fût mis dans les grandes
villes par des c boute-feux » qui y étaient répandus. A
Troyes, on signala quatre ou six hommes qui, chaque
jour, changeaient de vêtements ; tantôt ils étaient vêtus
en marchands, tantôt en aventuriers ; d'autres fois en
paysans ; quelquefois ils avaient des cheveux, d'autres
fois ils n'en avaient pas. Six jeunes garçons furent pen-
dus et d'autres brûlés. Tous n'étaient pas Agés de plus
de quatorze ans. Ils déclarèrent que des gens inconnus
les avaient poussé à mettre le feu et que leur projet était
de briller toute la ville. On prétendit que les matières
inflammables avaient été préparées à Naples. L'un des
hommes, qui tombèrent sous la main de la justice, con-
fessa que la ville de Troyes était vendue ainsi que celle
de Paris (c et que c'était à un qui se disait monsieur de
(i) Arch. dép., 17, G. 2, 3 et 4. Comptes de la fabrique de Végl.
St'Nicoloâ,
\Hi CHAPITRE XVI. 315
• Bourbon. • Les pères des enfants, qui avaient subi le
supplice du feu, furent gardés en prison pendant un cer-
tain temps, puis la même peine leur fut infligée.
Le 5 juin, le parlement fit amener de Troyes à Paris,
le père de deux enfants accusés d'avoir mis le feu. Ils
furent brûlés devant lui et ce père subit le même sort
que ses enfants, après avoir dénoncé a beaucoup de
gens qui furent pris. »
De nombreuses arrestations se firent à Troyes et à
Paris. Ceux qui furent arrêtés dans cette dernière ville
furent enchaînés deux à deux et employés au curage des
fossés de la porte St-Honoré (1).
Nicole Pithou (2) semble croire que le feu a été mis à
(1) Journal d*un bourgeois de Paris sous le règne de François 7'r.
(2) Histoire séculière et ecclésiastique de la ville de Troyes en
Champagne^ mnsc, Bibl. nat. Collection de M. Dupuy, vol. 698.
Pithou s'exprime ainsi : « on se tourmente fort à rechercher la sour-
ce et la cause de cet accident, et en parloit-on diversement. Les uns
tenoient que ce feu estoit tombé du ciel, les autres qu'il avoit été mits
de main d'homme et par boute-feux ; que les Hannuyers et Espagnols,
avoient envoyez en habits dissimulez partout le royaume de Fran-
ce , « avec chart,^o et mandement de mettre le feu es meilleures vil-
les ; leur ayant baillé matière pour composer ledict feu qui estoit si
aspre qu'il brusloit et consumoit tout ce à quoy il s'attachoit, foust
pierre ou autre matière. Et ayant esté prins pour tel, un pauvre hom-
me estrangé qui passoit par Troyes, le langage duquel pas un seul
du lieu n'entendoit, fust pendu et estranglé , après luy avoir donné
la torture sans qu'on peust en tirer de luy parolle qu'on peut enten-
dre que celle-ci : Kyrie Eleyson, qu'il répéta souvent, comme il es-
toit au lieu du supplice. Geste opinion f à scavoir que c'estoit un feu
mits par lesennetnys du royaume ) estoit la plus commune, et s'im-
prima si fort en l'esprit de tous, qu'elle dure encore à présent. Mais
je vous diroy ce que j'en ay autrefois apprins d'un personnage d'au-
thorité et digne de foy, qui en pouvoit bien sçavoir quelque chose, le
dire duquel m'a esté depuis peu de temps confirmé par un mar-
chant de Troyes, nommé Claude Gombault. Ce personnage racompta
que la maison en laquelle ce feu se print premièrement^ ayant estée
un long temps querellée, tant en la Cour du bailliage de Troyes
qu'en celle du Parlement de Paris, par deux personnes prétendans
respectivement à la propriété d'icelle, intervint un arrest de ladite
Cour par lequel ceste maison feust adjugée à l'une des parties. Pour
346 HISTOIRE DE TllOYES. i5i4
la maison de Tapothicaire par un plaideur évincé de cette
propriété en exécution d'un récent arrêt. L'opinion con-
traire se fait jour au lendemain de Tincendie. Une déli-
bération prise dans une assemblée générale des habi-
tans énonce que « le feu a été mis par aulcuns mauvais
et dampnez esprits, ennemys du roy, de cette ville et de
tout le bien et la chose publique. > Cette opinion se dé-
veloppe rapidement, et se maintient dans tous les es-
prits et par toute la France. Le 15 juin, le Maire et les
échevins, écrivant à leurs collègues de Bourges afin de
les informer du désastre immense que la ville de Troyes
venait de souffrir, leur font savoir les causes présumées
afin de se prémunir contre un semblable et si malheu-
reux événement. Quelque temps auparavant, un incendie
fort considérable avait dévoré une partie de la ville de
Bourges. Le roi était venu à son secours. La ville de
Troyes s'informa, dans cette ville, de ce qui s'était passé
à cette occasion (1).
Odard Hennequin fut chargé de porter au roi une de-
mande de secours.
Après avoir raconté les principales circonstances de
l'événement, Nicole Pithou ajoute : <i Si ceste désolation
estait si triste et pitoyable cet horrible spectacle le fut
exécuter ledit arrest et mettre en possession celluy qui avoil obtenu
gain de cause, la cour députa le lieutenant Bazin. Le jour assigné
pour ce fayre escheu, les parties se trouvant à leur assignation, ce-
luy au profit duquel l'arrest avoit esté rendu fut menacé, en Taureil-
le, que jamais il ne jouirait de cette maison. Si advint que la nuit de
ce mesme jour elle se veittout en feu et jugeoit que c'estoit la vr.*ye
cause et source de ce piteux accident. »
(1) Lettre du Maire et des Echevins de Troyes du 15 Juin 1524,
adressée à « leurs très chers frères et amys, les Maire et Echevins
de la ville et cité de Bourges » communiquée à la Soc. acad. de
TAubeparM. le baron de Girardot et pubUée : Annuaire de VAube^
1858, p. 60. — Les arch. mun. de Troyes renferment un ordon-
nanc.» de police de la mairie de Bourges, rendue après rincendie
de cette ville. A. A. 30** Carton, Ire liasse.
15Si GHAPITRB XVI. 311
plus encore à cause de plusieurs pauvres personnes de
tout sexe et de tout âge, étrangers ou non, saisis avec
furie et jetés, comme boutefeux, sans jugement ni avis au
milieu des flammes par un populaire forcené et rendant
Tâme en jetant des cris et des hurlements horribles. Ces
pauvres savoyards, porteurs de pÂtonôtres et de fluteaux
de St-Claude, trouvés en ville, reçurent de bien mauvais
traitements. ]>
Quels que soient les auteurs de ce sinistre et malheu-
reux événement, il faut reconnaître que la ville présen-
tait tous les éléments propres à alimenter cet énorme
foyer. Maisons et couvertures en bois avec revêtements
de même matière favorisaient prodigieusement le déve-
loppement et l'activité de Tincendie. Si on a constaté que
le feu prenait continuellement et en plusieurs endroits à
la fois, on peut croire mieux à Tenlèvement par le vent
de brandons enflammés qu'à Tincendie porté volontai-
rement par des mains coupables. La direction des flammes
indique que le vent soufflait du Nord. Ce vent est toujours
sec. Si Ton suppose, avant le 24 mai, quelques jours de
sécheresse, on comprendra sans peine qu'avec de tels
éléments le feu se propagea avec la plus prodigieuse ra-
pidité. Les rues alors étaient encombrées d'auvents et
la circulation était entravée dans tous les quartiers po-
puleux et marchands. En 1523, on prévoyait que ces
obstacles à la libre circulation, dans les rues voisines de
l'église de St-Jean-au-Marché, empêcheraient la facile
distribution des secours en cas d'incendie (1).
En présence de cet événement, qui, quoique local,
prit dans l'opinion publique, l'importance d'un fait po-
litique, l'échevinage de Troyes ne resta pas au-dessous
de sa mission.
Dès le 27 mai, dans une assemblée générale il est dé
(i) A 6.
318 HISTOIRE DE TROYES. \^/u
cidé qu*en rdison des craintes venant de l'extérieur, les
portes et les murailles seront immédiatement réparées
au moyen de travaux exécutés de jour et de nuit. Dans le
cas où le marché ne serait pas suffisamment approvi-
sionné de blé, les membres du clergé étaient invités à y
suppléer.
En raison des bruits de guerre, la même assemblée
décide la formation d'une compagnie de 600 hommes,
armés de manière à défendre la ville et à se mettre en
campagne.
La ville demande une levée de deniers sur les greniers
à sel du royaume et sur la gabelle. On châsse les vaga-
bonds ; on défend aux habitants de sortir « avec bâtons
à feu > soit de jour, soit de nuit : Thôtel de ville est gardé
par deux postes.
Le 2 juin, il est créé un étroit conseilj composé de neuf
personnes : six laïques et trois ecclésiastiques. Ce conseil
est en permanence et décide de tous faits et ordonnances
de police, de défense, de guet et de garde. Les membres
de ce conseil sont : Claude Mole, de Marisy, Jean Rou-
cherat, Pierre Mauroy, Jacques Perricard et Claude le
Tartier. Le clergé refuse avec persistance à désigner des
membres devant faire partie de ce conseil. Des poursuites
sont autorisées contre lui, à cause de ce refus.
Les portes de la Tannerie, de Comporté et de la Made*
leine sont fermées, afin de surveiller plus facilement les
étrangers entrant en ville ou en sortant. Celles de Cron-
cels, du Beffroi et de St-Jacques gardées avec soin, res-
tent seules ouvertes. Ordre est donné de ne laisser en-
trer en ville aucun étranger inconnu.
Les déblais de Tincendie sont conduits dans les faux-
fossés pour les combler.
Les six membres laïques, sur le refus du clergé, se
constituèrent en étroit conseil, le 3 juin. Ce conseil con-
firme les mesures de police et de sûreté arrêtées pendant
15Si CHAPITRE XVI. 349
les jours précédents, puis il ordonne que les maîtres de
fer assisteront à la garde des portes et aussi qu'un hom-
me de bien aura la superintendance sur les portiers. Les
vagabonds seront visités et fouillés, puis renvoyés sans
leur permettre d'entrer en ville.
Le 5 juin, il est prescrit de faire le guet dormant. Cette
sorte de guet se compose d'un poste de deux ou trois
hommes, placés au coin des rues et dans les carrefours,
à des distances qui permettent à ces postes de commu-
niquer entr'eux sans déplacement. Défense est faite de
porter des bâtons à feu, dans la ville, après dix heures
du soir, sous peine de la hart et d'être assommé comme
ennemi du roi et de la chose publique.
Le beffroi est complètement détruit avec ses galeries
servant aux assemblées de la St-Barnabé, et le métal li-
quéfié de sa belle cloche a coulé dans le ruisseau. Cet
édifice, symbole des anciennes franchises communales,
ne sera pas réédiflé et sa cloche , objet d'orgueil pour
les iroyens, sera remplacée par une cloche d'une infime
dimension. L'assemblée de la St-Barnabé est proche et
le peuple est convoqué, dès cinq heures du matin, par la
grosse cloche de N.-D. aux Nonnains, pour se rendre au
Palais royal.
Le 8, le maire et les échevins ordonnent la démolition
des ponts jetés sur les canaux de dérivation, au-dessous
et à l'extérieur des remparts, afin de mieux se rendre
compte de la circulation, qui se fait par et autour de la
ville et cette résolution est exécutée. Ces ponts ne furent
rétablis que plusieurs années après.
Le 9, malgré les préoccupations du moment, le Con-
seil de ville n'en récompense pas moins les bons services
que les citoyens rendent à la ville. Jacques Angenoust,
contrôleur des ouvrages de la voirie, a rendu, c de grands
» services et fait extrêmes diligences, ce qu'il s'efforce
> de faire chaque jour et s'y emploie vertueusement »,
320 HISTOIRE DE TBOYES. 1S2I
pour ces causes, il lui est donné une robe de drap à la
livrée de la ville.
Mais bientôt les travaux de reconstruction vont com-
mencer. Dans cette prévision, le 9 juin, le Conseil décide
qu'il sera demandé au roi qu'il veuille bien ordonner que
les rues des quartiers détruits par l'incendie soient élar-
gies et que toutes constructions soient éloignées des mu-
railles d'au moins quarante pieds. L'assemblée de la
St-Barnabé, après s'être ralliée à ces deux demandes,
va au-delà; elle exprime le vœu qu'il ne soit plus toléré
qu'un seul ligneau à chaque maison, et qu'il soit fait
murs mitoyens entre les nouvelles constructions, autant
qu'il sera possible (1).
Cette assemblée porte à la présidence provisoire,
M* Antoine Huyard, avocat du roi, et, comme président
définitif, noble homme et sage maître Claude de Marisy,
S' de Cervets, maire sortant de charge. L'assemblée
maintient dans leurs fonctions les offîciers de la ville,
c parce qu'ils se sont bien et loyalement conduits dans
leurs états, > excepté l'avocat pensionnaire de la ville.
L'année précédente, il avait été remplacé par Etienne
de Montsaugcon, qui n'est pas entré en charge. Le gou-
verneur avait demandé la place pour Jean Richard;
l'assemblée surseoit à l'élection jusqu'à l'arrivée du gou-
verneur, afin d^agir t selon son bon plaisir pour le bien
de la ville et celui de la chose publique » (2).
L'assemblée renvoie différentes afi*aires à l'examen et
à la décision du maire et des échevins. Elle décide que
pour Ploton, ancien et bon serviteur de la ville, gardien
(1) Alors le mur mitoyen n'était pas de droit commun à Troyes. La
coutume ( art. 63, ) porte : Si d'adventure il y a un mur^ cloison
ou closture metoyenne entre deux voisins.. Donc alors comme au-
jourd'hui la mitoyenneté n'étiiit pas de droit coutumier à Troyes.
(S) Les assemblées de la St-6arnabé sont toujours très-nombreuses.
En 1527, il est constaté qu'il y assiste plus de 3,000 personnes c des
plus suffisans et gens de bien. »
15«i CHAPITRE XVI. 32i
du beffroi et qui a rendu de grands services pendant la
peste, il lui sera construit une petite maison, sur la place
même du beffroi, encore chaude de Tincendie, afin que
ce loyal serviteur puisse « y faire sa demeurance, eu
égard à sa vieillesse. » L'examen des comptes du voyeur
est renvoyé .à trois semaines : tous les documents de
comptabilité ayant été brûlés.
Jean Daniel, maître bouclier ou garde de la confrérie
des bouchers, remet à l'assemblée les douze tasses d'ar-
gent que les bouchers doivent à la maladrcrie dos Deux-
Eaux ; puis neuf nouveaux bouchers sont admis h prêter
le serment accoutumé.
L'assemblée procède ensuite à l'adjudication de la
ferme de la chaussée et de la maille sur le pain blanc.
La première ferme est louée, mais comme il n'est offert
que 700 liv. pour la seconde, elle n'est point délivrée.
Beaufumey, boulanger, la prit quelques jours après pour
800 liv. (1)
S'occupant des autres affaires de la cité, l'assemblée
décide :
lo Qu'il sera demandé au roi, pour l'année 1525, la
réunion, à Troyes, de la cour des Grands-Jours, en sup-
pliant le roi de rétribuer Messieurs de la cour;
2o Qu'il sera demandé au roi, sur les tailles de l'Elec-
tion, dix mille livres à employer aux réparations de la
ville;
3o Qu'il soit pris les bois nécessaires aux reconstruc-
tions, dans la forêt de Veineuse (contrée d'Othe), dépen-
dant du domaine ;
i"" Qu'il soit achetée t une navée » ou bateau de
sel;
S'' Que le roi soit supplié de rendre un édit, afin de
1) Cetlft ferme remonte, en 1555, à 1250 1 ; en 152G, a 1500, en
1527, elle descend à 1400 et en 1530, à 1100.
III. SI
822 HISTOIRE DR ThOYES. MU
faire venir les blés do tous pays pour rapprovisionne-
rnent de la ville et donner lettres pour autoriser la ville
à fournir elle-même le sel à ses habitants ;
6' Que le produit du droit du huitième, levé sur les
vins, soit appliqué aux besoins actuels de la ville;
?• Le maintien, à Troyes, de Jean Marchant, en qua-
lité de canonnier.
Enfin, rassemblée approuve et confirme les mesures
de police ordonnées les jours précédents par le Conseil
de ville et l'étroit Conseil, prescrit Téclairage des rues
t avec lanternes et chandelles ardentes placées à deux
pieds de distance des maisons; > la mise en état des
puits, qui seront garnis de chaînes ou de bonnes cordes.
Elle décide que des tonneaux remplis d*eau seront pla-
cés devant les maisons ; que personne ne circulera sur
les remparts sous peine de la hart, et que tout habitant,
ayant des armes appartenant à la ville, les rapportera à
Thôtel-de-ville, sous peine d'amende et de punition cor-
porelle.
Le 13, le maire et les échevins, faisant en compa^ie
d'arbalétriers une tournée de police hors de la vjHe,
arrêtent « un mauvais gai^'on nommé Le Souffleur, i
Quelques jours après, cet individu est pendu et étranglé
à cause de ses démérites.
Le 20, le Conseil, qui a fait changer les gardes des
serrures de la porte de Sl-Jacques, ordonne le change-
ment de celles des portes de Croncels et du Beffroi. Il
prescrit encore la démolition des cheminées en bois et
ordonne aux voyeurs de la ville et du roi de faire cons-
truire « des retraits > dans les maisons, où il n'en existe
pas.
Le 22, maintenant ses précédentes ordonnances , l'au-
torité urbaine fait défense t de porter barbes longues,
habits difformes et chiquetés > sous peine d'être banni
et expulsé de la ville. Cette défense fut souvent renou-
i52i CHAPITRE XVI. 323
velée depuis cette époque. Dans quel but cette défense
est-elle faite ?
Le 24 juillet, une assemblée générale des habitants
nomme des commissaires chargés de donner les niveaux
et d'asseoir les seuils et poteaux des constructions. Il est
prescrit à des commissaires de ne permettre Touverlure
d'aucune baie de cave, de larmiers ni de trappes sur les
grandes rues. Il est défendu de couvrir aucun bâtiment
en aissis ou aichclie^ pour éviter les inconvénients du feu.
La destruction de ces sortes de couvertures est prescrite.
Elles seront remplacées par des tuiles ou des ardoises.
On ordonne le déblaiement des maisons incendiées. Ce
travail se fait avec une grande lenteur. Il n'est pas com-
plet en 1530.
La ville ne paraît avoir reçu du roi qu'une somme de
dix mille livres, destinée aux réparations des portes,
tours, murailles, boulevards, j)onts et fortifications (1).
L'évêque, en novembre, supplie le parlement de ne point
le contraindre à accordera personne la faculté de quêter
dans le diocèse en raison de Tincendie (2). On fit donc
des quêtes en faveur des habitans comme en faveur do
l'église de St-Nicolas.
Dans le cours de 1524 et après l'incendie, l'échevi-
nage fait faire sommation aux riverains d'élargir l'an-
cienne Vienne ou grand rupt, allant des moulins neufs à
N.-D.-aux-Nonnains et de porter cette largeur à dix ou
onze pieds (3).
En octobre, les marguilliers des églises incendiées de-
mandent à acheter le métal de la cloche du Beffroi. Le
Conseil consent à cette vente, moyennant un prix payé
comptant ou, ce qui peut nous étonner aujourd'hui, pay-
(1) D. 84.
(2) P PiTHOU. Preuves de Véglise tjallicaney t. n, p. 1294.
(3) .\. A. S6« carton, Ire liasse.
324 îiiSTOiUE dp: troyes. \^i
abic à la Chandeleur c en donnant bonne caution de
gens de bien de la ville. »
Enfin, comme mesures propres à secourir prompte-
ment, en cas de nouvel incendie, le Conseil fait fabriquer
un grand nombre de « seilles, y> déposées dans quarante
maisons de différents quartiers, à THôtel-de- Ville et aux
Cordeliers. Les charpentiers, couvreurs et lonnelliers^
devront, avec leurs instruments, se transporter sur le
lieu de Tincendie, aussitôt qu'ils entendront sonner le
tocsin, et ce, sous peine de la hart. Les médailles de
sauvetage n'étaient pas encore inventées : la coercition
et non la récompense est mise en usage pour exciter à
Taccomplissement du devoir.
L'incendie du 24 mai 1524 jette Teffroi par toute la
France, surtout en raison des causes que Topinion pu-
blique donne à ce sinistre événement. La ville de Dijon
s'en émeut, et, le 2 juin, t les viconte, Mayeur et esche-
vins de Dijon s'inquiètent, avec intérêt pour leur ville,
des causes de l'incendie de Troyes > (1).
Le 2 juillet 1524, le bailli édicté des ordonnances de
police motivées sur les meurtres, homicides, navrures,
(i) Voici la lettre qu'ils adressent aux Maire et Echevins de cette
ville à celte occasion.
« Très chers frères et amis, de bons cueur nous recommandons
ï> à vous. Nous avons sceu l'inconvénient de feug et perte inestima-
» ble qu'est survenu puis naugères en vostre ville dont il nous des-
» plait grandement et on summes fort marris et des plaisans ; et
» pour ce que tous summes en ce dangier a quoy désirons obvier et y
» pourveoir de sorte que nous puissions garder et préserver de tels
» et semblables inconvéniens et prandre et pugnir les malfaiteurs
» qui usent de tels et semblables meffaitz si aucuns en sont trouvex
» en ceste ville. Nous vous prions nous faire scavoir à la vérité par
» ce présent pourteur dont vient la cause et nous advertir s'il est
» possible avoir congnoissance deceulx qui l'ont (mis) et qui font tels
» outiages, affin que sy aucuns d'eux se rctiroient par deçà de les
s> prenire pour en faire la justice et pugnition telle qu'il appartient,
» qui sera le bien de justice et de tout le royaume. Voo& advertissons
» que s'il est chose en quoy vous puissions faire service de bon cnear
1581 CHAPiraK XVI. 325
ports d'armes, assemblées, séditions, monopoles, qui se
commettent et dont se rendent auteurs de soi-disants
aventuriers et gens de guerre, qui portent en ville poi-
gnards, épées, rapières, estocs, verduns, piques, jave-
lines, hallebardes, voulges, arbalètes, arcs, halecrets,
» le ferons. Aydant le Créateur qui vous doinl ce que vous luy seau-
» rez bien demander. Escript à Dijon le 2«î jour de juing (1524).
« Les vicomte, majeur et eschevins de Dijon, tous vôtres. A nos
» frères et amis, les Mayeur et Eschevins de la ville de Troyes.»
A cette lettre, les Maire et Echevins de Troyes répondent :
<( Très chers Seigneurs, frères et amys. A vous tant et de si bon
» cueur que faire povons nous recommandons. Messieurs, par ce
» porteur avons receu les missives qu'il vous a pieu nous rescripre
« et pour vous y faire responsc par les responces de ceulx qui ont
4 esté exécutez par deçà, nous avons cognu que ceulz qui sont cause
» d'avoir fait mettre le feu en ceste ville sont gens envoyez par les
» ennemys du roy et du royaulme habillez en divers estais, les au-
» cuns comme auvergnats, savoisiens et porteurs de tablettes ; les-
y* quels quand ils n'ont peu exécuter leurs mauvaises et dampnées
M entreprinses, l'ont fait exécuter par jeunes enfants, bélistres, men-
» dians et autres gens tant du pays que d'autre part, par promesse
•> et argent qui leur ont donné. Et ancor de présent sont, comme
• l'on dit, en si tn*'s gros nombre de ladite entreprinse que le pays en
« est chatiue jour eu danger. A celte cause, nous semble que pour
n vous garder de rinconvénienl auquel nous sommes tumbey, qui
» est in<»stimable, est bon que faciez expulser tous belistre, ostrangiers
« et gens incogiiuz qui sont en votre ville et que faciez doresnavant
0 porté à ce qu'il n'entre personne en votre ville que n'ayez cognais-
ï> sancc de luy. Aussi faictes guet, la nuit, pour le danger des fusées
y que l'on dit qu'ils jectent.
» Messieurs nous vous advertissons que s'il est chose à quoy nous
» puissions faire service que le ferons de très bon cœur àl'ayde du
» créateur luqucl nous prions qu'il vous eust en sa garde.
D De Troyes, ce neufviesme jour de Juing, (1524).
t> Vos frères et amys, les maire et eschevins de Troyes.
0 A nos très ch<MS frères et amys. Messieurs les Vicomte, Mayeur
» ei Eschevins de la ville de Dijon » (Arch. de Bourgogne).
C^s deux lettres ont été récemment publiées par M. Garnier, con-
servateur des arch de Bourgogne, dans un recueil intitulé. Ana-
Iccta D'vioncnsia. Correspondance de la mairie de Dijon. T. i. n'»»
201 et 202. Lesîivant M. (iarnier avait eu l'obligeance de nous com-
muniquer ces deux documents avant la publication de son recueil .
Sur cet événement on [)eut consulter les nombreuses délibérations
326 HISTOIRE DE TUOYES. 1515
cuirasses, brigandines, etc. Cette défense est faite sous
peine de punition corporelle cl d'amende arbitraire,
mais sont exceptées de ces prohibitions les personnes
privilégiées, gentilshommes, gens des ordonnances du
roi, les chefs dMifttels de la ville, leurs gens et serviteurs
bien famés et non oisifs. A qui s'appliquait donc l'or-
donnance?
Tous artisans du bàtimenl, on raison des circonstan-
ces, sont dispensés de faire chef-d'œuvre, de payer leur
bienvenue et le droit de confrérie lorsqu'ils passent maî-
tres. — Défense est faite de vendre du vin dans plusieurs
petites tavernes, où se retirent tous gens menant une vie
dissolue. — Nouvelle défense est faite de porter des vole-
ments difformes, étranges et échiquelés, ainsi que de lon-
gues barbes. — Tous les citoyens sont autorisés à mettre
en état d'arrestation, sans autorisation de justice, tous
malfaiteurs en flagrant délit. — Les jeux de dés, de cartes,
de quilles et autres sont interdits, et l'expulsion de la
ville des vagabonds, caïmans, caignardiers, etc., est
maintenue (1).
Le 18 février 15:25 (v. st.), le roi donne mandement
contre les trois Chapitres, les abbayes de St-Loup, de
St-Martin-os-Aires, do Montier-la-Cellc, de Nolre-Dame-
aux-Nonnains, de rHolel-Dicu-lc-Gomto, les hospices de
St-Nicolas et du St-Esprit, les. prieurés de Notre-Damc-
des-Prés, de Notre-Dame-en-rile et de Foicy, afin de les
contraindre à reconstruire, sans délai, de nouveaux bâti-
du Conseil de ville. A. G. — N. Pithou. Hist. séculicre et ecclcsias-
iiquc de la ville de Troijes en Champagnt'.j mnsc. Blq. nat. ; — CoU
Dupuy, vol. 508. — Grosley. Mcm. hist, ; t. i., p. 318-3'20. La note
l>araît s'appliquer à la ville de Meaux. mais il faut lire Méance pour
Mayence. Les dessins ne sont pas lidèlcment reproduits. — Cour-
talon, Topoy. t. I., p. 99. — Ann. de rAube,i858, ne partie. Notice
sur l'incendie de Truyes en 152A, par M. Léon Pigeotle, à qui j*ai
fourni des notes.
(1) Arch. mun.
15Î5 CHAPITRE XVI. 327
ments en remplacement <les maisons brûlées qui leur
appartenaient. Cette contrainte est motivée sur la situa-
tion de la ville, près des frontières, et sur ce que, dans
les ruines, se cachent t les mauvais garçons, les larrons
et insidiateurs, » que Ton n*y peut saisir ni arrêter.
Après de nombreux avertissements, quelques-uns d'entre
ces établissements se sont exécutés en tout ou en partie;
quelques-uns résistent. Alors, le procureur du roi de-
mande condamnation contre ceux-ci, afin de faire recons-
truire leurs maisons incendiées ou de faire vendre les
terrains avec obligation, par les acquéreurs, de recons-
truire, sinon à payer 3,000 livres d'amende à employer
à ces reconstructions et à voir adjuger, au plus offrant,
les places à bâtir. Les Chapitres de St- Pierre et de
St-Etienne, et l'Hôtel-Dieu-St-Bernard, résistent aux
prescriptions royales. Ils prétendent que la ville n'est
point assise sur la frontière ; que le procureur du roi,
par le temps qu'il a mis à présenter les lettres du roi à
l'entérinement du bailliage, reconnaît que ces lettres sont
obreptices, subreptices, inciviles ; qu'elles n'ont été pro-
voquées que par aucuns ayant haine de la liberté et du
profit de leur mère église, et que la ville n'a jamais été
plus habitée, plus fréquentée, ni mieux bâtie. Malgré
celte résistance, le bailliage entérine les lettres du roi
et en ordonne Texécution contre les Chapitres de St-
Pierre et de St-Etienne et contre l'Hôtel-Dieu-St-Ber-
nard (1).
En mai 1524, mourut, à Blois, âgé de 76 ans,
M. d'Albret d'Orval, gouverneur de Champagne et Brie.
€ Très homme de bien et bon français, > il jouit d'une
très grande autorité sous les règnes de Charles VlH, de
Louis XII et de François 1er. Peu après sa mort, Claude,
(1) Arcb. dép. f. de St-Etienne et de Montier-la-CelU.
328 HISTOIRE DE TROYBS. 1835
comte et bientôt duc de Guiso, fut nommé son succes-
seur (1).
Claude de Lorraine était déjà gouverneur de Bourgo-
gne. Il était fils de René II, duc de Lorraine et de Phi-
lippe de Gueldres. Il était marié à Antoinette de Bour-
bon, fille de François de Bourbon, comte de Vendôme et
de Marie de Luxembourg. De ce mariage sortit la nom-
breuse lignée des Guise, qui joua un rôle si considérable
dans les affaires du royaume, au XVIc siècle. Le gouver-
nement de Champagne entre dans cette famille par le
comte Claude, et elle le conserve, presqu'exclusivement,
jusqu*à l'avènement de Henri IV. Ce commandement,
dans la province, donne aux Guise une autorité, exercée
avec une telle rigueur, que des luttes sanglantes s'en-
suivirent, comme rétablira trop souvent le récit des évé-
nements qui, bientôt, se dérouleront. Trop souvent, par
ses membres tout-puissants, cette famille, d*un caractère
hautain et altier, impose son autorité et sa volonté aux
Troyens et aux Champenois, qui ne les subissent qu'à
regret et qui souvent y résistent avec fermeté et énergie.
Le 23 juillet 1524, le comte de Guise fait son entrée
dans la capitale de son gouvernement. L'artillerie, grosse
cl mcnuo, est mise hors de la ville. Les officiers du roi,
ceux de la ville, les arbalétriers, les arquebusiers et tous
les jeunes gens pouvant porter pique ou hallebarde, vont
à la rencontre de M. le Gouverneur. La ville lui fail pré-
sent d'un cœur d'or semé de larmes, s'ouvrant et lais-
sant voir un saint Claude et un saint Antoine, en argent,
et pesant, le tout, plus de quarante marcs. La harangue
de circonstance est prononcée par l'avocat du roi : le
lieutenant-général au bailliage étant malade. Le gouver-
neur loge au [)alais royal, meublé, pour la circonstance,
aux frais de la ville et où Ton conservait encore la
(1) Journal d'un bourgeois de Paris, p. 203.
I5S5 CHAPITRE XVL 329
chambre au roi et celle de la reine. La ville le Fournil de
vaisselle et prit à sa charge toutes les dépenses de bou-
che Faites par lui et sa suite, pendant son séjour, qui
dura quatre jours (1). Le langage de Téchevinage au
comte de Guise est empreint de rinflucnce sous laquelle
se trouve la population. Le maire lui expose la grande
pauvreté de la ville et de la population suburbaine. Cette
plainte, en ce moment, n'était point banale, car, outre
l'incendie, le pays était <t chaque jour pillé et mangé des
gens de guerre » (2).
Le guet et Tescharguet continue, sur les remparts,
pendant toute Tannée. Des visites de police et de sur-
veillance sont Faites à Textérieur de la ville. Des gens de
guerre, d'origine italienne, ont pris garnison à Rouilly-
St-Loup, à Rouillerot, et la garde de la ville les oblige à
déloger.
Au printemps 1525, le Conseil de ville ordonne la
réédification de Tarsenal, placé entre l'église de St-
Nicolas et le beffroi et détruit Tannée précédente. Le
besoin s'en Fait sentir, afin d y Fondre et d y préparer
Tartilleric, détruite avec l'ancien édifice.
Une horde considérable de luthériens allemands, par-
tisans Fanatiques de l'égalité absolue, a pris les armes.
Elle tente de Franchir les Vosges et de se ruer sur la
France, pour y détruire les églises et les chAteaux.
Après avoir parcouru l'Allemagne, celte bande insurgée
se dispose à ravager la Lorraine, la Bourgogne et la
Champagne, comptant sur la ruine de ces provinces
l^our s'en emparer. Le comte de Guise, après de grands
efforts pour réunir des Forces militaires suffisantes, les
l)altit et les dispersa au bourg de Lupstein (3), j)rès de
la roule do Saverne à Haguenau.
(1 A. G. ;n. 100.
(2) A. 0.
(3) Canton et arron. de Saveme (Bas-Rhin.)
330 HISTOIRE DE TKOYES. 15^5
De Doulevant et le 3 mai, le gouverneur de Cham-
pagne rappelle qu'il a donné ordre au clergé de Troyes
de veiller avec les habitants à la sûreté de la ville, à
cause du bruit de l'enlrcprise des luthériens et boute-
feux. Comme ces bruits ont cessé, le clergé est relevé
de cette charge, mais les habitants sont tenus de conti-
nuer € le guet et porte > (1). La garde devient de plus
en plus sévère. On craint toujours m les mendians, ma-
rots, bélitres et pèlerins. » Le guet dormant est rétabli.
Les rues sont éclairées pendant la nuit de quatre en
quatre maisons (2).
La guerre d'Italie se continue. Le 22 février 1525
(v. st.) se donne la malheureuse bataille de Pavie, dans
laquelle François 1er perd tout, sauf Thonneur et la vie.
Par sa lettre du jeudi 9 mars, Madame Louise de Savoie,
régente, annonce aux habitants de Troyes que son fils
est prisonnier. Elle les exhorte à prendre à cœur les
affaires du roi et celles du royaume. Bientôt après, elle
envoie à Troyes un commissaire spécial pour les infor-
mer de ce qu'il est utile de faire en celte malheureuse
circonstance.
Après ce pénible aveu de l'infortune du roi, le Conseil
de ville se déclare en pernianenco et délègue une partie
de ses pouvoirs à quelques-uns de ses membres chargés
d'nviser, par voie d'urgence, aux mesures à prendre <lans
rinterètde la ville et de la chose publique. Puis, comme
1 evéque (iuillaume Petit est à Sens, le Conseil lui écrit
et lui demande con&eil.
Ce malheureux événement donne lieu à de nouveaux
sacrifices d'argent. En 1527, le président d'Origny, ori-
ginaire de Troyes, et Gaucher de Dinteville, seigneur de
Polisy, bailli, viennent à Troyes demander aux habitants,
{\) H. B. \Af carton. Ire liasse.
(2) A. 8.
18t8 CHAPITRE XYl. 331
on forme de don, une somme de AjOOO livres. Dans une
assemblée générale, tenue au palais royal, le maire fait
savoir aux commissaires royaux que tous les habitants,
leurs corps et leurs biens, sont au commandement du
roi. Après cet exorde, il invoque la misère du temps
pour obtenir le retrait de la demande formulée par
MM. d'Origny et de Dinteville. Quelques jours après, le
chancelier de France fait connaître aux maire et éche-
vins que si la ville avait 3,000 livres « en une bourse, »
le roi tiendrait quittes les habitants, moyennant cette
somme. Sur cet avis, la ville délivra cette somme au
roi.
Les corporations religieuses, chapitres et couvents
contribuèrent à la rançon du roi et des enfants de
France. Le Chapitre de St-Pierre vendit à cette occasion
des joyaux et des reliquaires et celui de St-Urbain donna
Tingt écus soleil (1).
Celte demande d'argent ne fut pas la seule. En avril
1528, (ap. Plaques) Odard Ilennequin et Gaucher de Din-
teville sont députés aux Troyens pour obtenir, toujours
^ titre de don, la somme de dix mille liv. t. destinée à
servir à la rançon du roi et à la rédemption de ses en-
fants, le duc d'Orléans et le dauphin de Viennois, en
• "»tage, en Espagne. Dans une assemblée générale, Panta-
I éon le I^elelrat représente aux commissaires royaux la
j>aiivreté de la ville. Les amples remontrances, qui sont
ï^oinises entre ses mains, tendent à obtenir la réduction de
WTioitié sur la somme demandée. Il fit appuyer son élo-
c:|uence du crédit du Couvcrneur, près de Madame Louise,
« Ju chancelier Duprat et de M. le Cardinal de Lorraine ;
• juclle qu'ait été la valeur des moyens invoqués par le
« léputé troyen, il fallut se décider à payer les dix mille
livres. Cette somme fut lovée, à Troyes comme à Paris,
(1) GouRTÂLON. Topog, t. I, p. 100, et t. u, p. 120.
332 HISTOIRE DE TROYBS. f»
sur les maisons. Celle forme de conlribulion fut décidée
dans une assemblée générale où toules les corporations
étaient représentées.
Si la ville et la campagne ne sonl pas inquiétées par
les ennemis du roi cl du royaume, ce sont ceux qui sont
chargés de les défendre qui, aulour de Troyes, commet-
tent les plus grands abus. En 1525, la ville est entou-
rée de gens de guerre italiens, placés en garnison à
Bouilly, à Souligny, à Fontvannes, puis sur la rive droite
de la Seine, depuis le Pont-Hubert jusqu'à Chauchigny
et sur la rive gauche au Pavillon, à St-Mesmin etc. Le
Conseil de ville s'oppose, en raison de rapproche des ven-
danges, à un plus long séjour des troupes à Bouilly,
Souligny, etc. Il obtient du Gouverneur que ces garni-
sons seront reportées à quatre lieues de la ville.
Les gens de guerre, établis sur la rive droite et placés
sous le commandement du capitaine Bellejoyeuse, se
livrent au pillage et rançonnent les paysans, font des
prisonniers au Pont-Hubert qu'ils ont dévasté. Pour-
chassés, ces italiens se dirigent sur Dijon. Les troyens
les poursuivent. Arrêtés en Bourgogne, ils sonl contraints
de restituer ce qu'ils ont pillé ol de mettre en liberté
leurs prisonniers.
De Tannéo 1523 paraît dater l'apparition, à Troyes,
des premières mesures prises pour arrêter les idées de
la réforme». D'un ccMé l'évèque Guillaume Petit fait ses
eflbrls pour entraver la propagation des idées et des li-
vres luthériens; en mai, il écrit h tous les curés de sa
juridiction pour leur enjoindre de défendre à leurs parois-
siens de lire ou de soutenir aucune des opinions do
Luther et de conserver à leur domicile les livres du ré-
formateur. D'un autre cùté, l'échevinage veut contrain-
dre le clergé à reprendre part à la garde de la ville et à
donner secours t en cas d'entreprise de la part des luthé-
i527 CHAPITRE XVI. 333
riens el des gens de guerre dont le pays est plein fl). »
Le clergé résiste. En 1527, des lettres adressées
en ville font savoir que « les luthériens ont entrepris de
bouter le feu dans le royaume et dans la Lorraine. > Les
membres du clergé sont de nouveau convoqués à faire le
guet et s*ils font défaut, il en est pris note « pour les
muicter. > Dans les mêmes jours, il est signifié défense
aux cordcliers et aux jacobins de ne recevoir aucunes
|>ersonnes, munie de leur ordre, sans les connaître, à
peine d'ôlre réputés rebelles et désobéissants au roi et à
justice.
En 1527, Guillaume Petit permute avec Odard Henne-
quin, récemment nommé évoque de Senlis, celui-ci vient
à Troyes, sa ville natale, et Guillaume Petit prend pos-
session du siège de Senlis (2).
Odard Hennequin est né à Troyes en 1485. Il était fils
do Jean, seigneur de Lantages, et de Jeanne Baillet (3).
il fut d'abord chanoine de la cathédrale, aumônier de
François \^^^ qui le dota de l'abbaye de Vertus, de celles
de Saint-Loup et de St-Martn-ès-aires de Troyes et des
deux prieurés de St-Sépulcre et de la Celle-sous-Chante-
merlo. Nommé à Tévèché de Senlis en 1526, le 28 mars
1527, il faisait à Troyes son entrée solennelle
L'ancien cérémonial pratiqué à Tabbaye de Notre-
Dame-aux-Nonnains, lors de l'entrée solennelle de Té-
véque à Troyes, subit à celle d'Odard Hennequin, des
modifications. Les religieuses, suivant une réforme nou-
velle, étaient cloitrées. Elles ne purent, abbesse et reli-
{fieuses, sortir de leur maison pour aller au-devant du
(1) A. 6.
(2) Alors qu'il était évoque de Senlis el confesseur du roi, il tra-
duisit, |>our Marguerite de Valois, {es Heures en langue française^
aW>gi^cs de tout ce qu on arguait de superstition, (H. Martin. Hist,
des frança's^ t. viii, p. 181.)
(3) Généalogie île la famille Hennequin — mnsc. possédé par la
famille de M* Gorrard de Breban, déjà cité.
334 HISTOIRE DE TROYES. \w
nouvel évoque. Elles se firent rcmpiacerparles chanoi-
nes attachés au couvent. Le lendemain, Tabbesse députa
en sa place Tabbé de Clairvaux, pour faire la présenta-
tion de l'évêque au cierge de Troyes, ce qu'elle ne pou-
vait plus Faire, ainsi que de coutume et, après la lecture
de la formule relative au maintien des privilèges du cou-
vent, le nouveau prélat prela le serment accoutumé (1).
La première année de son épiscopat à Troyes, Odard
Hennequin assista à une assemblée du clergé, tenue à
Paris et dirigée contre Luther. L'année suivante et dans
la même ville, au concile réuni dans le même but, il pu-
bha des statuts synodaux qui furent dressés par son of-
ficiai, Jean Collet. Ceux ci renouvellent en grande partie
les règlements de ses prédécesseurs, Henry de Poitiers,
Jean Braque, etc.
Etienne Format, ayant fait sa fortune dans le com-
merce et citoyen de la ville de Troyes, obtient du roi l'au-
torisation d'élever à Montgueux, dont il est le seigneur,
(et on il est enterré dans l'une des chapelles de Téglise),
forteresse, pont-levis, tours et tourelles. iMais cette auto-
risation fut subordonnée à la visite des officiers du roi et
de ceux de la ville.
Le Conseil de ville s'émeut de l'état de l'adminis-
tration des hospices et maisons-Dien, surtout en ce
qui touche la principale de ces maisons, l'Hôtel-Dieu-le-
Comte Les deniers en sont mal employés ; le service
divin n'y est plus célébré ; les pauvres ne sont pas se-
courus ; les malades ne sont ni pansés, ni soignés, les
volontés des bienfaiteurs ne sont pas exécutées. Ces faits
ne sont que trop exacts. Néanmoins le comte de Guise,
gouverneur de Champagne, invite Téchevinage à laisser
en paix les maître, frères et sœurs de l'HôteL Dieu-ie-
(1) Camusàt. Promptuarium, f" 225. Procès-verbal de la cérémo-
nio.
1^ CHAPITRE XVI. 335
Comte. Le temps de la réronno dans cette maison est
proche, mais en 1526, Theure n*a pas encore sonné (l).
La consommation de la tuile, de la brique et des car-
reaux de craie se développe à Troyes, après Tincendie de
1524. Le Conseil s'émeut des fraudes qui s'exercent,
parait-il, dans leur fabrication. Il décide qu'il sera fait
€ un calibre moulé et un patron. » L'abbé de Montiéra-
mey, sur le territoire do qui se trouvent la plupart des
tuileries et briqueteries fournissant la ville de Troyes, est
prié de veiller à Texécution de ce nouveau règlement, ce
que Tabbé promet de faire. Après avoir recueilli les avis
des praticiens, couvreurs et maçons, le Conseil arrête
les dimensions des tuiles, des briques et des carreaux de
craie de la manière suivante : la tuile aura un pied et
un doigt de main en longueur, demi-pied de largeur, un
bon doigt d*épaisseur ; — la brique, un pied de roi de
longueur, demi-pied de largeur, demi-quart de pied d'é-
paisseur; — le carreau de craie, un pied et demi-quart
de longueur, trois quarts de pied d'épaisseur, un pied de
Jargeur. On trouve encore à Troyes, formant des dessins
"\'ariés,le mélange, en construction, de briques et de car-
x*eaux de craie (2).
L'existence des forges de Vendeuvre est encore cons-
tatée en 1531. On doit croire que la cessation de leurs
ffeux date à peu près de 1540.
Il sortait des usines de Vendeuvre des canons et
s boulets, des voguelaires et des bombardes, de la
bnte, du fer et de l'acier.
Ce n'est certainement pas l'épuisement du minerai, le
marasme ou le défaut d'industrie, l'absence de besoins,
(i) A. 8.
(2) Didron, dans ses Annales archéologiques, a reproduit plu-
sieurs de ces dessins. Le moyen-àgc nous a laisse quelques échantil-
lons de tuiles d'un grand modèle. On les connaît encore sous le nom
^e : Tuiles du comte Henri,
336 HISTOIRE DE TROYES. |S8g
qui firent cesser Tcxploi talion des forges de Vendeuvre
et éteindre leurs feux, mnis bien Tépuisenient et le défri-
chement des forêts, amenés, d'une part, parles abus des
usagers, d'autre part, par la ruine de Louis de Luxem-
bourg et d'Antoinette d'Amboise, alors seigneur et dame
de Vendeuvre, qui aliénèrent une grande partie de leur
seigneurie, notamment les forêts entourant les for-
ges de toutes parts; et ces forges s'éteignirent, par suite
des défrichements qui s'opérèrent alors. L'aliénation des
forets ou de leur emplacement, — fait à signaler, — eut
lieu surtout au profit des habitants de Troyes, enrichis
dans le commerce et qui se créèrent, par ces acquisitions
(*i les concessions dont elles étaient accompagnées, de
nombreux fiefs. Devenus simples fermes, celles-ci furent
abandonnées au commencement du siècle, et aujourd'hui
leurs vastes terrains sont de nouveau couverts par de
belles et grandes forets de chênes.
En novembre et décembre 1528, les courses des gens
de guerre et mauvais garçons paraissent continuelles.
Le duc-gouverneur (1) et son frère, le cardinal de Lor-
raine, sont en Champagne. Ils tiennent la province et
poursuivent ces pillards. De Bar-sur-Aube, le duc écrit
aux maire et échevins de Troyes de tenir prêts de bons
compagnons. Les deux frères sont à Troyes vers la fin
de novembre et y séjournent jusqu'au commencement
du mois suivant (2).
Kn janvier 152i, le roi ordonne que les lettres et
contrats reçus par les gardes et notaires des foires, se-
ront conservés par le tabellion. Le Conseil de ville
décide que la ville se joindra aux officiers des foires
pour cnipêchcr l'exécution des lettres royales. Dans la
même année, un débiteur obtient du roi lettres de répit
(i) Claude, comte de Guise, fut fait duc de Guise en 1527.
(^) A. 8. ;B. 107.
1529
CHAPITRE XVI. 337
pour un délai de deux ans. Ces lettres, soumises 5 Ten-
térinemenl du bailliage, sont .combattues parles créan-
cieps, soit à cause des dettes de foires, soit à cause de
dettes d'autre origine. Ceux-ci prétendent, avec le garde
des foires et le Conseil de ville, que ces lettres sont dé-
livrées contre le bien, le profit, l'honneur et Futilité de
la ville et de la chose publique; que jamais pareille de-
mande n'a été accordée : les dettes de foires étant privi-
légiées et non susceptibles de répit. En 1529, sur la
proposition de Pierre Lebé et de Guillaume Hennequin,
échevins, le Conseil de ville s*oppose encore à Tenregis-
trement au bailliage d'une lettre royale autorisant, par
un débiteur, la cession de ses biens à ses créanciers,
pour dettes de foires. Tout fait croire que les privilèges
des foires sont maintenus et que les débiteurs sont mis
en prison. La cession de biens pour dettes de foires
ne paraît admise qu*à partir du 16 mars 154i(v. st.)(l).
Le Conseil de ville a déjà poursuivi, soit l'annulation,
soit le dégrèvement des droits dits : des Hauts- Passages,
de la Foraine^ de la Rave ou de la Ravenne^ droits de
douane ou de péage levés aux limites de la province, à
Chaumont, à Dijon, à Sens, à Vitry, à Chàlons, à Reims,
à Laon, etc. La ville rachète les droits, dans certains
lieux, s*en rend adjudicataire dans d'autres; dans d'au-
tres encore, elle subit certains procès, soutenant la fran-
chise de ses foires. Ainsi, en octobre lOS^, la ville de
Troyes demande que les marchandises dirigées sur
Troyes, pour la foire que François 1er lui a accordé, soient
franches des droits des hauls-portset passages du bailliage
de Chaumont, tandis qu'elle traite avec les fermiers des
hauts-passages de Vitry-en-Perthois, moyennant 1 25 liv. t.
Elle se rend adjudicataire, en janvier 1526 ( v. st.), des
hauts-passages du Vermandois, moyennant 3,340 livres,
(1) Arch. mun. anc. fond. Lay. 77. 7« dossier.
ni. 22
388 HISTOIRE DE TROYES. i»»
pour deux années. Elle installe des agents qui lui ren-
dent compte des recettes et ont mission de laisser passer
en franchise les marchandises dirigées sur les foires de
Troyes. En juin suivant, Nicolas le Tartrier se rend, pour
la ville, adjudicataire de la ferme de la Rave, au bail-
liage <le Sens, moyennant 120 livres, et les marchan-
dises, venant aux foires d'octobre et de mai, passent en
franchise dans ces détroits. La Chambre des Comptes de
Bourgogne, en août 1528, parait se contenter de la com-
munication des lettres de concession des foires, pour
accorder la franchise réclamée par les Troyens. Dans la
même année, la ville traite avec le fermier de la Rave et
de rimposition foraine du bailliage de Chaumont, — et
ce fermier n*est autre que Tévêque de Béziers, — en lui
offrant 50 écus d'or c en six tabliers (nappes) et dix
douzaines de serviettes bonnes et honnêtes. >
Les envoyés troyens reviennent après avoir fait ac-
cepter le don de la ville et avec rengagement de Té-
vêque de Béziers de laisser passer les marchandises en
franchise. Enfin, en 1521, la ville, n'ayant pu se rendre
adjudicataire de la ferme de la Rave, à Sens, paie au rece-
veur 50 liv. pour deux ans et pour le même motif. Par ces
indications on peut remarquer que les Flandres et le Nord
de l'Europe sont les contrées dont leshabitans fréquentent
alors le plus souvent les foires de Troyes.
Les habilans de Troyes s'efforcent de secouer les
vieilles entraves qui gênent la liberté commerciale. Déjà,
de 1500 à 1510, la ville a fait de nombreux traités dans
ce but. Elle a transigé avec Tévêque, à l'occasion du droit
levé sur les fers entrant par la porte du pont ferré,
moyennant une rente ; en décembre 1530, la ville ra-
chète cette rente moyennant 600 liv et, à partir de ce
jour, les fers entrent en ville francs de droits (1).
(1) Ârch. mun. anc f. liasse 26^.
1589 GHAPfTBE XVI. 389
Le Chapitre de St-Pierre prétend, en 1529, avoir
droit de noinage (inesurage) sur le blé vendu sur la
place du marché le jeudi absolu ou Jeudi-Saint. Le Con-
seil, sur cette prétention, fait savoir aux chanoines qu'il
ne les empêche pas de faire la levée de ce droit, s'ils le
peuvent. Le Chapitre a-t-il essayé de percevoir le droit
qu'il réclame ? c'est possible. Toujours est-il que, peu
après, le Conseil s'oppose à sa levée. Les titres n'avaient
sans doute rien de bien certain, ou la levée de ce droit
était tombée en désuétude.
Nicolas CoifTart est titulaire d-un droit dit : de marte^
loge et de eharhonnerie dû par les maréchaux, serruriers,
aiguilletiers et autres artisans besognant au marteau et
usant du charbon. Le Conseil de ville provoque les tri-
butaires à participer à son rachat. Le 18 avril 1536, ce
droit est racheté par la ville moyennant 160 liv. et il de-
meure à jamais éteint (1).
Tous les droits perçus sous la dénomination de droits
de la vicomte ne sont pas encore complètement rache-
tés et supprimés. Le 30 avril 1510, la ville avait consti-
tué une rente annelle et perpétuelle de 25 liv. au Cha-
pitre de St-Etienne pour la portion qui lui appartenait.
Le 27 août 1528, la ville rachète cette rente moyennant
la somme de 500 liv. Elle rachète aussi définitivement les
droits du sous-chantre de ce Chapitre moyennant 200
liv. et ceux des chapelains de Ste-Hélène et de Sainte-
Hoïlde moyennant la somme principale de 120 liv. et
l'abandon des droits appartenant à la Maladrerie des
Deux-Eaux.
Le 12 octobre de la même année, le Chapitre de St-
Urbain qui jouissait d'un rente annuelle de 8 liv. pour
deux parts dans la ferme, dite du pied fourchu, ails et
oignons, et de 20 liv. aussi de rente sur le minage des
(i) Arch. mun. anc. f. liasse 26c, etn. f. A. 9.
340 HISTOIRE DE TROYES. 1531
grains vendus au marché, cède ces rentes à la ville, la
première moyennant 160 liv. et la seconde, au prix de
240 liv., à la condition expresse que les anciens droits
ne seront plus perçus et demeureront à jamais éteints et
supprimés. Par le traité, le Maire et les Echevins remet-
tent à ce Chapitre la rente d*un septier de froment que
Téglise de St-Urbain devait à la Léproserie (1).
Le 4 janvier 1526, la ville rachète d'Edmond Griveau
la portion qu'il détient de la Vicomte, soit un douzième,
moyennant la somme de 300 liv. et le premier juillet
1531, de Philibert de Beaujeu, Baron de Lignières, la
tierce partie de la Vicomte dont il est titulaire, moyen-
nant 350 écus d'or au soleil. Sa femme, Catherine d'Am-
boise, ratifie ce traité le 6 du même mois (2). Ce rachat
a lieu, comme le dit le Conseil, < afin d'affranchir de
plus en plus la ville de Troyes. >
Le domaine royal prend part dans les droits perçus
sous le nom de Vicomte pour deux douzièmes. Cette
portion est encore rachetée dans le même but par l'é-
chevinage (3).
En 1531, la ville est encore en instance près du Cha-
pitre de St-Etienne pour se faire céder certain droit de
rouage levé à son profit aux portes de la ville, sur les
vins entrant en ville et la levée de ce droit cesse vers
cette époque. Enfin, quelques années auparavant ("1526),
les habitans et les marchands de Troyes sont reconnus
francs du péage du Pont-Hubert, appartenant aux véné-
rables chanoines de St-Etienne (4).
Le maire, en vertu des pouvoirs, résultant des char-
tes de création de Téchevinage, sur les cours d'eau de la
(1) Arch. mun. anc. f. liasse 26. L'acte capitutaire est encore
scellé du sceau du Chapitre en bon état de conservation.
(2) Môme liasse.
(3) B. 112.
(4) A. 8.
1584 CHAPITRE XVI. 341
ville et sur celui de la Seine, déclare en 1534 que les
moulins à papier et les autres établissements industriels
ne marcheront pas, en temps de basses eaux. Ces établisse-
ments sont subordonnés aux besoins généraux de la ville
et à ceux des moulins à blé. Ce principe, appliqué au
moins dès cette époque, ne perdra ni desa force, ni de sa
valeur pendant plusieurs siècles.
L'administration urbaine se préoccupe toujours de la
voirie. L'édit du 19 avril 1510 a défendu Télévation
d'aucune construction avec plus d'un ligneau et a con-
damné les allours sur les rues. Cette règle est maintenue
en droit et le plus souvent en fait. Les alignements des
rues sont aussi prescrits, mais nous sommes encore té-
moin des nombreuses exceptions apportées dans l'ap-
plication rigoureuse du règlement, même après l'incen-
die de 1524. Les Maire et Ëchevins semblent se réserver
pour eux-mêmes, cette partie des anciennes prérogatives
des voyeurs qui donnaient les alignements sous leur
responsabilité. Le nivellement des rues est ordonné. Un
grand nombre de rues sont pavées, notamment celle du
faubourg de Preize et le gros chemin de Paris ou chemin
de Lyon, qui n'est autre que la chaussée établie pour
traverser la contrée marécageuse des Marots. Le Conseil
de ville veut affermer les boues de la ville, si ceux qui
quêtent les fumiers ne les enlèvent pas régulièrement (1).
Sous peine d'amende et de prison, il est interdit aux
maçons de ne plus dresser dorénavant aucune maison
avec mureaux pour y faire du feu dans la crainte des in-
cendies (2). La démolition des mureaux et des chemi-
nées en bois est toujours ordonnée (3).
Eu 1534, les maisons brûlées en 1524 et en 1530, ne
(i) L'hôpital de St-Âbraham comptait, dans ses revenus, la ferme
des fumiers levé5 sur la place du marché au blé.
(t) J. 2 septembre 1534.
(3) B. 118.
34â HISTOIRE De TllOYES. fat|
sont pas toutes reconstruites et le comblement des caves,
puits et pertuis est ordonné jusqu'au niveau des rues.
La ville, éclairée en cas d*émotion populaire ou do
crainte de g^ens de g^uerre, Test aussi en temps de foire (1 )
L*édilité troyenne Tait établir des retraits publies dans
plusieurs endroits. Ce qui peut étonner, c'est de voir ces
réduits appelés chambres du roi (2).
A partir de 1527, la ville se fait un revenu des faux-
fossés, elle les aliène à titre de cens et à la charge de les
combler, aOn que Tennemi ne puisse pas s'en servir con-
tre la ville ni s'y abriter (3).
Les travaux exécutés par la ville et diligentes par ses
soins au passage de Courterange, ont mis la traversée de
la vallée de la Barse en état d'être facilement pratiquée.
Les troycns considèrent ce passage comme étant dans
\euv détroit. Ils demandent au roi, l'autorisation, qui leur
est accordée le 9 décembre 1535, de lever à ce pas-
sage 3 s. 4 s. par queue do vin et 5 sous par muids tran-
tain (4). Celte levée d'un droit de péage dura pendant
au moins la plus grande partie du XVI« siècle.
Le manque de récoltes fait enchérir les blés et les
autres substances alimentaires. Les règlements relatifs
à la peste, que l'on a vu reparaître à plusieurs fois de
1508 àl538, défendent l'entrée en ville des laines et du
vieux linge. Aussi y a-t-il « émotion cl mutinerie popu-
laire. > Les ouvriers drappicrs et les papetiers manquent
d'ouvrage ; ils mendient de porte en porte. > Ils mena-
cent les habitans aisés et disent « qu'il est temps de
(1) B. 107.
(2) Il existe pncorc, à l'angle de la rue de la Pie et de celle des
Trois Groclu'ts, une maison portant, à son principal poteau, un écus-
son roval, «iont le dessin remonte au xvi" siècle. Là, il veut des re-
traits publics. Est-ce de ce fait que provient ceUe appeUation aa
moins bizarn^ V
.:^ A. îS. ft (), 3, t, 5, i; ri 7 ; do 15:>7 à ïbl^K
(: h. i:.:.
1584 CHAPITRE XVI. 343
» rompre les greniers de Troyes et autres paroles sédi-
tieuses et scandaleuses, i Le Conseil s'efforce de calmer
ces clameurs inquiétantes, en autorisant la rentrée en
ville des matières premières, prohibées momenta-
nément.
Toujours dans la crainte delà peste, en 153i,rentrée
des vagabonds et des mendiants est interdite en ville.
Les portiers veillent à ne laisser passer aucuns draps de
lit, plumes, robes, cotillons, pourpoints, peaux en poil ou
en laine et vieux chiffons venant de Langres, de Ghau-
mont, de Brienne, Vitry-en-Perthois, Châlons, Auxerre,
St-Mards et des environs de la Seine, de Troyes à Bar-
sur-Seine. La peste étant à St-Mards, des habitans, étant
venus à Troyes vendre de vieux habits, furent d'abord in-
carcérés dans les tours Gharlemagne et Barbazan, puis,
attachés à une charrette, fouettés dans la ville par le
fermier des menues amendes et par Texécuteur des hau*
tes-œuvres, libéralement récompensés des deniers de la
ville pour les avoir bien fouettés. Cet interdit prononcé
en juin, n*est levé qu'en novembre.
Les tumeurs qui caractérisent la maladie de 1518 à
1524, ne se font pas voir pendant l'épidémie de 1529 et
de 1531. Cette épidémie était connue sous le nom de
Trousse-Galant.
«
Les grains manquent jusqu'à la récolte de 1532 (1).
(1) BouTioT. Recherches sur les anciennes pestes de Troyes^ 1857.
56 pages.
Un édit royal défend de vendre le blé ailleurs qu*au marché. Du-
rant les deux premières heures, la vente doit se faire exclusivement
« au populaire » et ensuite aux boulangers et regratiers. Ces pres-
criptions sévères sa reflètent dans les ordonnances locales. Des pour-
suites sont ordonnées contre a les monopoleurs » achetant les grains
en grange et sur pied. Toutes ces mesures essentiellement transi-
toires se modifient selon Tabondance ou la faiblesse des récoltes. En
lo35, le commerce et l'exportation des blés de province à province
«* - r- - -r-ii -._- L^iS^-r^ to-tcoii 10^^30111?» et de
. • -* -r. .. ij^.. ^, ^ iTSii- ,pirrjiigt «ftîiiicf «Tœuvre,
''-"■? .. -rr:.-ïs.ï_-^ i! .tàI s «^iTS naûTC». — Les
:-- -. -.. -î=-=r_ r-' lU^ lif iif'x:! *>o trois
':—.:. - - - :._- .-:•-• '-Tc^ t^it ik 3ia«» publi-
-r-. — ' j - -:-^ - V r -= iîirr-- 3iil»*rjî* aa mar-
- ... -- ::>•:: .*'j: :— l:r»=-* -. 111:1 béLstrières
- ?- -: .:' X-: '^r.^ - - :^ ^f^ne tu «intîc — Défense
--• •..':• :- - ' -r j— :Tit-^ - a? s-inr &t ia «ietneure
1^ .-'•' I * [.-- :-riL"^-* î»a' tfî- it'!!aii:«**î% loin d'être
xi;:-ît .in. -i' Lrt^ii'r L c'y-'îiû*. tf '.Vckseîi de tîHc
!î« -f.::- • - :•- "-»-•'::.- v'^w n h:ti\uDUif -k ^f%jAuii k la
iiUiî-^-.^'r ^ i:; - -L i4'eiltRi' Lers- JlilLj.teiKtn I). Le
.•'i.iT ?. ..:•: :- -.1 — "--i.: a. T•i^-â' prêter son con-
:«:.'î t . r: :.- ■ .: i^r i:::i l KitfOfr i» ^iins dont on
ci: /' ; : • : '^t^l' :-sj i 2. 1 -it:*!.?*- ::iap& ayant levé
'.'t : ••—.'• " . 'r -} '^ll: .t jt.t: Aif^-r.-r- chacun peul
,- -- ï • :: i'" tt •■: rir.anoe de Louis
• : : : . ■ * i- : t'.f .' :--> Mes en verl.
• - - .• ■? . ~..se< collégiales et
. .-. f • ^ f >-> r"ii : f-r '5 et aumônes
■ . : ' l'.Tf : .r. : :: ' - :i peut cri»ire
\ -
^ •
• -.'P*
■< * ;;-'■». •
.'.-^r .1 •:-:r >: Î3 marée traîchc.
. r-ri.r.i"^"^ :■» YJherf-Coterets pres-
■f r- .'-.- ::> :r.\ i« W«, vins et four-
:-•. r r. t-va]*. iVesl dans cet acte
• :: !i :ri^rvuni!e ••fticielle. ISAMBEKT.
-1' ■•.* ? ' •/•■! ; -T. : . ■..;.
1581 CHAPITRE XVI. 345
II donne, pendant plusieurs années et dans ce but, une
somme d'argent au chasse-marée. Voulant offrir du pois-
son au due de Guise et au duc de Luxembourg, il envoie
chercher des saumons à Bassou (canton de Joigny,
Yonne). En 1532, deux de ces beaux poissons sont
payés six livres.
Le 3 janvier 1529 (v. st.), François I^r et sa mère
viennent à Troyes, où ils ont été précédés par le cardi-
nal-légat (1).
Le 4 mai suivant, un incendie éclate chez un tanneur
de la rue de la Grande-Tannerie. Soixante maisons de
cette rue et de la rue Notre-Dame sont la proie des
flammes (2).
Le jeu de la Passion et d'autres mystères sont sou-
vent représentés à Troyes. Ces représentations scéniques
excitent une vive curiosité, et la population troyenne y
assiste presque entière. On jouait les mystères de la
Sainte-Hostie, de Saint Jacques, de Saint Loup^ etc., et
la représentation de chacune de ces œuvres durait plu-
sieurs jours (3).
En 1531, la ville de Troyes est en joie, la peste a dis-
paru et la misère a moins de rigueurs. Les confrères de
la Passion se proposent de jouer le mystère de la Passion.
Il est bruit que le roi et la reine doivent se rendre à
Troyes et assister à la représentation. L'échevinage en-
voie, à Fontainebleau, Nicolas Largentier et Christophe
Menisson, s'informer des intentions et des projets du roi.
Mais le duc de (juise, gouverneur de Champagne, son
fils et les gentilshommes de sa maison, passèrent deux
jours en ville et assistèrent à la représentation d'une
partie de ce speclacle. Les confrères déployèrent un
(1 ) A. AuFAUVRE. Tablettes historiques,
(2) 1). lOi. Desouerrois. Promptuarium,
(3) BoiTiOT. — Recherches sur le théâtre de Troyes au xv« siè-
cle. 1854.
346 HISTOIRE DE TROYES. 1S33
^ndluxe efils firent la montre ou promenade de tout
le personnel du mystère, en ^ands costumes. Les rues
que parcourut ce magnifique cortège furent grevées.
L'organisation du cortège se fit au faubourg St-Jacquesi
et rentrée par la porte de ce faubourg. Le cortège suivit
les rues d'Entre-deux-Portes et du Faucheur, celles de
la Cité, la Grande-Rue et de la Draperie, la place de
TEtape-au-Vin, la rue de la Monnaie, le Marchè-au-Blé,
la rue du Dauphin, celle du Temple en partie, la rue des
Pains- à-Broyer (de la Trinité), celles de TEpicerie, la
rue Notre-Dame jusqu'au Cloître-St-Etienne, où s'arrêta
ce splendide cortège, dans lequel figuraient les person-
nages de TAncien et du Nouveau-Testament. Le théâtre
fut dressé au palais royal. La représentation ne dura pas
moins de cinq jours. Pendant ce temps, le guet parcou-
rait la ville, veillant à la sûreté publique et dépistant les
voleurs (1).
En 1533, les habitants sont informés de Tarrivée pro-
chaine du duc de Norfolk à Troyes. Il doit venir par
Sens. Pour rhonorer, on conduit Tartillerie de la ville
au-delà du hameau de Ste-Savine. Mais Tambassadeur
du roi d'Angleterre prit une autre route pour se rendre
à Marseille, à l'entrevue du pape Clément VII avec
François h*r.
Le 31 janvier suivant, François ler, la reine Eléonore,
le dauphin, Henri duc d'Orléans et le duc d'Angoulême,
leurs fils leurs deux filles, Madeleine et Marguerite de
France, Georges d'Amboise, cardinal-légat; le duc de
(îuise, Duprat, chancelier, et un grand nombre de sei-
gneurs de la cour arrivent à Troyes (2), revenant de
Marseille, où le roi s'était rendu avec sa famille et une
nombreuse suite, pour recevoir, en octobre précédent, le
(1) H. 112.
(2) H. ilO; KJ\\ et A. A. 44e carton, Iro liasse, 90 pièces.
1534 CHAPITRE XVI. 347
pape Clément VU, de la maison de Médicis, et marier son
ftls Henri, duc d*Orléans, à Catherine de Médicis. Cette
entrée fut très somptueuse.
Peu de temps après son passage à Troyes, le roi visita
les provinces de Normandie, de Picardie et de. Champa-
gne, et oi^anisa la force armée en légions provinciales,
et se rendit compte de l'état des fortifications de ces
trois provinces (1).
Le vent de la réforme souffle sur la France II pénètre
dans les abbayes, quoique bien fermées. Si les élections
des abbés avaient donné lieu, au XVe siècle, à des scan-
dales, les commendes, dès leur origine, apportèrent avec
elles des scandales non moins grands. Déjà auparavant,
on avait remplacé les abbés par des administrateurs tem-
porels ou économes, percevant les revenus à leur profit
et donnant aux religieux une nourriture à peine suffl-
sante. L'abbaye de Montier-la-Celle, après avoir eu pour
économes ou administrateurs perpétuels, Louis Raguier,
évoque de Troyes ; son neveu, Nicolas de la Place, eut
Antoine Girard pour abbé élu ou régulier, élevé à celte
dignité en 1517, et qui mourut en 1534. A cette dernière
date, Tabbaye est mise en commende et passe sur la tête
du jeune Charles de Lorraine, fils du duc de Guise, dont
le crédit s'augmente chaque jour. Ce nouvel abbé est
âgé de neuf ans. Ces nouveaux abbés ne sont plus choi-
sis que parmi les grands seigneurs. Ils ne s'occupent
plus du sort, du bien-être ni de l'administration spiri-
tuelle du troupeau qui leur est confié. Leur intérêt est
opposé à celui de la communauté. Il prennent tous les
revenus et n'abandonnent aux religieux qu'une portion
infiniment réduite et limitée à leur nourriture, à leur
vêtement.
Le 2 mars 1534 (v. st ), Charles de Lorraine, abbé à
(1) Dr Bellay. Mémoires, p. 501.
348 HISTOIRE DE TROYES. isu
neuf ans, archevêque-duc de Reims à vingt-cinq ans, car-
dinal à trente ans, traite par mandataire, — il le fallait
bien, — avec les religieux de la riche abbaye de Mon-
tier-la-Celle. Ce jeune abbé s'oblige à livrer à ses moines
huit muids de froment, huit muids de seigle, mesure de
Troyes; quatre-vingt-dix muids de vin, clairet ou ver-
meil, dix muids de vin blmc du cru de Tabbaye. A cha-
que religieux, il doit 35 sous par an, pour la pitance;
4 livres pour le vestiaire ; le grand prieur reçoit 8 livres.
L'abbé doit fournir les herbages, comme choux, poi-
reaux, etc., pour mettre au potage des religieux, et h
paille pour leur lit. L'abbé fournit à la dépense occa-
sionnée par le dîner de la veille de la St-Pierre, jour diKi.^
chapitre général, le dîner et le souper de la fête et 1^^ .e
dîner du lendemain ; de même, la veille du jour où ror:i^ n
chante 0 Sapieniiay Tabbé doit le souper, et, le jour, 1^ e
dîner. La veille de St-Frobert, jour du petit chapi
Tabbé doit le souper, et, le jour, à dîner et à souper, t^nar-if
pour les religieux que pour les maires de Tabbaye ; il doE~ it
les gages des maîtres d'école, du boulanger, du cuisi
nier, du barbier et du charretier de l'abbaye; le boi:
pour le four et la cuisine; la nourriture des chevaux
l'entretien des harnais ; la nourriture des maîtres d'écol
du boulanger, du cuisinier et du charretier étant à
charge des religieux (1).
Ce traité dit assez ce que sont devenues les maisocms
religieuses. L'abbé, grand seigneur, use et abuse d^^s
biens; ne laisse aux religieux que la portion la plus ii
dispensable ; ne visite jamais, ou presque jamais, s(
abbaye, et laisse au prieur le soin de diriger le spiritu
comme il l'entend. Bientôt, sous la double influence
la commende et de la réforme, on verra l'état auqu
cette belle et riche abbaye fut réduite.
(1) DonTiton. Hist. nxtisc. de Vabhaye de lfontter-{a-CeZIe. f^'
515. — Arch. dép. f. de Montier-la-GeUe. Carton 1. Invw. fr 131.
1535 CHAPITRE XVI. 349
La duchesse de Guise, Antoinette de Bourbon, femme
du gouverneur de Champagne et mère du nouvel abbé
de Montiep-la-Celle, vint à Troyes en 1534.
Les troubles civils, la présence des gens de guerre, la
fermentation dans les idées religieuses, le trouble dans
les idées, les besoins de réforme font naître dans l'esprit
des Troyens le désir de voir siéger dans leurs murs la
Cour des Grands-Jours, que François 1er envoya souvent
porter la justice en province.
La session de 1535 fut tenue par M. François de Mon-
tholon, président, qui devint garde des sceaux en 1542;
M. Adam Faure, sieur des Roches, maître des requêtes;
Pierre de TEtoile, président aux enquêtes ; Jean Maigret,
Michel Gilbert, Queslin, Jean Ruzé, Louis Rouillart.
Martin Fumée, Nicole Hurault, Charles de Louviers,
Robert Dauvet, Nicole Mole, Guillaume Bourgoing, Jean
de Longueil, conseillers. Me Pierre Rémond, maître des
requêtes, fut avocat du roi ; Jean du Tillet, greffier
civil ; Nicole Avrillot, greffier des présentations ; Pierre
Berruyer, secrétaire du roi, Tun des quarante notaires de
la Cour ; Claude Guyot, secrétaire du roi, contrôleur de
Taudience; Jacques deMailly, premier huissier, et enfin,
Pierre Richer, huissier (1).
La Cour fit une entrée solennelle. Les officiers du roi,
le corps de ville et la population troyenne se rendirent
au devant de la docte Compagnie, dont le président avait
déjà une grande réputation de science et de probité.
La session s'ouvrit le 28 août et ne se termina que
dans les derniers jours de décembre. Le domaine royal
dépensa 1,650 1. t., afin de mettre le palais royal en état
d*y installer le service de la Cour.
La ville fit faire, chaque jour, aux membres, une dis-
(1) A. 9. On trouye une liste un peu différente de celle-ci, mais
moins complète.
850 HISTOmE PB TROYRS. \^
tribution de vin, et leur fit présent, pour tout leur sé-
jour et à chacun, d'un minot de sel ; puis des dons de
confitures, parmi lesquelles sont nommés : « le canel-
lat, le giroflat en boite, les noix conGtes, le cotignat,
les conserves de roses, le carbassat, puis des fruits, des
oranges, etc.
Les actes de la Cour manquent pour la session de
1535, comme pour celle de i583. On peut regretter
la perte de ces documents importants. Ils diraient, par
les travaux dont ils garderaient le souvenir, le caractère
de la session qui s'imprégna des idées de la réforme.
Il ne reste plus, au civil, que des actes épars recueillis
dans différents dépôts. Ils règlent certains faits de voirie,
de police des corporations; les honoraires dûs aux curés
pour le service du culte ; ils modifient l'administration
des hôpitaux de la ville, en y introduisant Télémeot
laïque, en obligeant les maîtres spirituels à se dessaisir
de la gestion du temporel, qui, il faut bien le dire,
profitait peu aux pauvres et aux malades. Enfin, la Cour
rend un arrêt qui modifie dans ses principes la base de
l'élection du maire, des échevins et des conseillers de
ville.
La Cour modifia l'arrêt de 1409, fixant les droits cu-
rieux et paroissiaux dans la ville de Troyes (2). — Elle
maintient les ordonnances de voirie en ce qui touche la
destruction des saillies, avant-toits, étaux, auvents, bancs
et barrières. — Sur la requête collective du maire, des
échevins, des marchands bourgeois de Troyes et des
maîtres et compagnons tonneliers, ceux-ci sont autori-
sés à visiter tous les tonneaux vides ou pleins, et, s'ils
sont trouvés d'une contenance inférieure à celle qui est
fixée par les règlements, les tonneaux seront saisis et les
{%) Sémuxard. Blq. commun. Voir , dans cette collection, l'airét
imprimé de 1535.
i835 CHAPITRE XVI. 351
propriétaires détenteurs condamnés à 20 s. par. d'a-
mende (1). — Les mesureurs-jurés sont obligés d'exer-»
cer leur métier par eux-mêmes. — Les deux corpora-
tions des maçons et des charpentiers sont dissoutes, jus-
qu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, en raison des
fautes et abus commis par les suppôts de ces deux corps
de métiers, et qui paraissent résulter des coalitions faites
entre les membres de ces deux corporations. Il leur est
prescrit de continuer les travaux par eux commencés,
> nonobstant la confédération et entreprise faite entre
j» eux de ne pas achever la besogne commencée par
> d'autres. » Il est en outre défendu aux charpentiers
d'enlever aucuns bois ou copeaux des chantiers où ils
travaillent, sans le consentement des propriétaires et
nonobstant Tifeage existant : usage que Tarrét de la
Cour a pu suspendre, mais n'a pu faire cesser, car il
persiste encore aujourd'hui (2).
Sur la requête du Maire et des Echevins, la Cour ré-
forme l'administration des hospices en ordonnant l'exé-
cution d'un édit royal du 13 juin i534, donné contre
les maîtres et administrateurs des Maisons-Dieu ou Hos-
pices de l'Hôtel-Dieu-Ie-Comte, de St-Nicolas et de St-
Bernard, contre l'évéque de Troyes, le Chapitre de Saint-
Pierre et l'évéque de Lisieux, Grand Aumônier de France.
La Cour décida — et son arrêt ftt loi — que le temporel
de ces hospices serait administré par quatre notables
bourgeois, élus par les habitans en assemblée générale
et après que les élisants auront prêté serment, entre les
mains du bailli ou de son lieutenant, « d'élire en leur
» conscience, les habitants les plus idoines, capables et
» utiles. » — Les élus se feront remettre tout le mobi*
lier et tous les titres des étabhssements sur inventaire.
(1) SUtQts des Tonneliers, 149i.
(î) Voir 068 arrêts, aroh. mtin. do Troyes.
352 HISTOIRE DE TROYES. iœ
— Ces litres seront déposés en un coffre fermant à
quatre clefs dont une sera remise à chacun des adminis-
trateurs. — Ceux-ci demeurent chargés de pourvoir à la
nourriture, à Tentretien et aux médicaments à donner
aux gens de la maison et aux malades ; de veiller et de
pourvoir au service divin. — Ces administrateurs laïques
rendront compte de leur administration devant le bailli
ou son lieutenant, Tévêque ou son vicaire, les doyen et
chanoines de St-Pierre ( devant ces derniers seulement
pour l'hospice Si-Nicolas, fondation de ce chapitre ) , le
substitut du procureur du roi au bailliage et le procureur
des habilans. — Il est interdit aux administrateurs et à
ceux qui reçoivent leurs comptes chaque année de pren-
dre aucun salaire ni toucher aucune pension, taxe ou
vacation. — C'est de cet édit de 1534, dont Texécution est
prescrite par l'arrêt de la Cour, que date la sécularisation
de l'administration temporelle des hôpitaux de Troyes.
Ce changement ne s'opéra pas sans de grandes diffi-
cultés. Les premiers élus à cette administration si hono-
rable, MM. Claude de Marisy, sieur de Cervet ; Jacques
Menisson, sieur de Trémilly ; Nicolas Coiffart, sieur de
St-Benoist- sur -Seine et Jean Desrieulx, bourgeois,
eurent à lutter avec vigueur pour l'obtention des titres
et du mobilier, et pour faire exécuter leurs ordres relatifs
au service intérieur. Charles de Villemaur, maître spiri-
tuel de l'Hôtel-Dieu-le-Comte, résista et fut aidé, dans
cette résistance, par le personnel qu*il avait sous ses
ordres : frères et sœurs lui prêtèrent leur concours. De ce
refus, résultèrent plusieurs instances, les unes civiles,
les autres criminelles pour outrages et injures envers
les nouveaux administrateurs et surtout envers leurs
femmes, qui croyaient bon et utile de s*ingérer dans la
surveillance des soins donnés aux malades (1).
(i) Arcb. mun. A. A., S6» carton, 3e liasse. ~ L'instance en se-
i535 CHAPITRE XVI. 353
Y a-t-il eu arrôt isolé pour Tadministration de l'Hôtel-
Dieu-St-Esprit ? Gela doit être. Car bien que cette maison
ne soit pas comprise dans Tarrêt de la Cour, l'adminis-
tration n*en est pas moins remise entre des mains
laïques, puisque Tannée suivante, les quatre administra-
teurs, dont les noms précédent, rendent compte de
la gestion de cette maison dans les formes prescrites par
Tarrét du 28 septembre 1535 (1).
Déjà sans doute, à la suite de querelles entre les ha-
bitants et les maîtres spirituels des Maisons-Dieu de
Troyes, des inventaires et des états des revenus de ces
quatre maisons avaient été dressés, de 1514 à 1518 et
sont encore conservés dans les archives municipales (2).
Toujours dans un but d'affranchissement, les habitans
de Troyes présentent supplique à la Cour tendante à
Texamen: lo Des titres et pancartes du Chapitre de St-
Etienne, à Tégard du péage du Pont-Hubert, dont les
troyens se prétendent exempts. 2o Des titres et pancartes
établissant les droits de péage que, sous la tutelle de
Jean de Laval, les enfants d'Odet de Foix, Seigneurs
d'Isle ( Aumont ) , Saint-Florentin , Ervy , les Maisons-
Blanches , Pont-Blin et Arcis-sur-Aube , prétendaient
avoir, avec les marguilliers d'Isle, sur le passage de la
Mogne, au moulin de Roche, près d'Isle. 3^ Des titres re-
latifs aux mêmes droits levés à Pont-Belin et dont les
habitans de Troyes étaient reconnus exempts. 4o Ceux
concernant les droits de péage réclamés à Vendeuvre,
par Louis de la Rochefoucault et sa femme, Antoinette
d'Amboise.
calarisation des hospices de Troyes, commencée en 1530, ne parait
prendre fin qu'en 1541.
(1) Ârch. dép. f. des hôpitaux.
(2) L'inventaire de l'HôteUDieu-le-comte constate l'existence, en
1515, dans Tune de ses galeiies, d'une peinture repi*ésentant la
doMe macabre, — Arch. mun. 36^ carton, l'^et 2< liasses.
m. 28
354 msTOiuE de tuoyes. 1585
Tout fait croire que Texamen de ces titres tourna à
Tavantagre de la liberté de circulation. Car, à partirde cette
date, rien n*établit que les droits de péage, sans doute
perçus jusqu'à cette époque, aient été levés dans ces
différents lieux (1).
Le péage du Pont-Hubert appartenait au Chapitre de
St-Etienne. Vers 1524, les troyens s'en firent reconnaître
exempts. Mais ils demandèrent, par la Cour, communica-
tion des titres du chapitre. Ceux-ci ne laissèrent sans
doute aucune prise à la critique. Voulant exempter
de ces droits, les marchands et les marchandises venant
en ville, quatre ans après, les troyens construisirent à
leurs frais avec Taide et le consentement d'Odard Henne-
quin, qui contribua à ce travail par un don de 200 liv-
t. (2), la chaussée de Villechélif. Cette chaussée ouvrit un
passage nouveau avec la Lorraine et TAUemagne et le
péage du Pont-Hubert perdit, par cette création, la plus
grande partie de ses produits.
La Cour des Grands-Jours fut saisie par Noël CoifTard,
maire, et par les échevins d'une requête tendant à modi-
fier les sources de l'élection des maire, échevins et con-
seillers de ville. Depuis 1494, les électeurs étaient seize
notables, choisis dans chacun des quatre quartiers, en
tout soixante quatre, plus les maire, échevins et conseil-
lers en charge. La Cour, acceptant la demande qui lui
est soumise, ordonne que lors des assemblées générales
tenues soit pour l'élection du maire, des échevins et con-
seillers de ville, soit pour les affaires du roi et celles de
la ville, les maîtres, procureurs ou bâtonniers de chaque
métier feront réunir, le jour qui précédera cette assem-
blée, tous les membres de leur corporation afin d'élire
trois d'entre eux dans chaque communauté, chargés des
(M A. A. 42e carton, 3c liasse.
(•2) A. 9.
1535 CHAPITRE XVI. 355
pouvoirs des métiers. Ceux-ci se présenteront à rassem-
blée générale et y traiteront, en commun avec les repré*
sentants des autres corporations, des matières qui y se-
ront débattues. La Cour enjoint aux gens et officiers du
roi et aux élus des métiers de se rendre aux assemblées
générales, à moins de maladie ou d'autres excuses légi-
times et confie Texécution de son arrêt au bailli, au
prévôt ou à leurs lieutenants.
Cet arrêt ne reçut pas son exécution aux élections
suivantes. li y eut opposition.
En 1536 la Torme ancienne est encore mise en usage.
Le Conseil de ville prétend que Tarrêt du 31 octobre 1535
a été surpris par Noël CoifTard et que son application
aurait pour résultat < d'éloigner les gens de bien, de
> savoir et d'expérience du gouvernement de la ville ; que
> le nombre des élisants monterait à 226 habitans, qui
> pourraient faire des maires, des échevins et des con-
> seillers de toutes sortes de gens, tels que savetiers,
9 cordonniers, maçons, etc. ; qu'ils auraient le gouverne-
> ment de la ville , des deniers communs et des fortifi-
> cations, iraient tout boire et dépenser et n'auraient pas
> de quoi le rendre. >
Dans une assemblée générale tenue le 14 mars 1537
^v. st.) et composée des membres de l'échevinage, du Con-
seil de ville et de notables marchands et bourgeois, il
«st déclaré que, sans avoir égard à l'arrêt de Téchevi-
mage de li94, ni à l'arrêt des Grands- Jours du 31 oc-
tobre 1535, ni à l'édit de Crémieux du 5 août 1534, il y
^ nécessité de demander au roi que, pour composer et
constituer les assemblées générales du jour de la St-
fiarnabé ou de tout autre jour, les maîtres de fer et les
«lixainiers de chaque garde, alors au nombre de quatorze
<3ans chacun des quatre quartiers de la ville feraient assem-
bler leurs gardes pour élire c jusques à trois des plus
apparens et notables personnages, savans et de bonne
356 nisTOiuE de tkoyes. is»-,
expérience de chacune des gardes de fer et un de la
garde du dixainier (1) > afin de comparaître aux assem-
blées générales avec le maître de fer et le dixainier, le
maire, les échevins et les vingt-quatre conseillers de
ville ; que ce qui serait délibéré à h pluralité des voix
des assistants, dont le nombre pourrait par ce moyen 8*é*
lever à 400 personnes, vaudrait comme si tous les habi-
tans de la ville assistaient à cette assemblée. Cette dis-
position nouvelle fut approuvée peu après par François
!•'■, pour éviter, est-il dit dans les lettres patentes, t les
monopoles et les brigues (2). > Mais ce nouvel acte de la
volonté royale ne reçut pas d'exécution.
Cette assemblée avait aussi décidé qu'il serait de-
mandé au roi que Trlection des administrateurs des hos-
pices et hôpitaux de l'Hôtel-Dieu-le-Comte, de Saint-Ni-
colas, de St-Bcrnard et de St-Abraham se Rt à rassem-
blée de la St-Barnabé (3).
Le 9 avril suivant, le parlement ordonne que les trois
principaux états de la ville, les bourgeois, les marchands
drapiers et les marchands merciers éliront à part chacun
six < des plus ydoines > do leur compagnie et les au-
tres métiers chacun deux de leur corporation. Tous se-
ront appelés >' « au son de la campane(dela cloche) * ou
en telle autre forme et manière que Ton a coutume et,
avec les huit anciens échevins et les vingt-quatre con-
seillers, s'assembleront en la maison de la ville pour
procéder aux élections. — Sur ces entrefaites Tun des
partis qui se divisaient la population troyenne fit dresser
une consultation sur la contestation. Elle est signée: N.
Chartier;N. Brulart; Séguier et J. Chomedey (4).
(1) CeUe dernière garde était composée des hommes de pour-
point pris parmi les artisans.
(2) Ane. f. Inventaire, t. i, fo 51.
(3) Arch. mun. ; anc. fonds. Iny. 3P pièce 19.
i4i A. A. l-r (arton, 'i'' liasse.
1538 CHAPITRE XVI. 357
Les hommes de Tancien parti n*acceptent pas la nou-
velle forme donnée aux assemblées, surtout à Tégard de
celle de la St-Barnabé. Us disent — ce qui était vrai —
que de temps immémorial et de toute ancienneté et
avant Tarrét de Téchevinage, les habitans de Troyes
avaient coutume de s'assembler au son de la cloche pu-
blique une fois Tan, d'élire leurs officiers, de recevoir
les comptes de la voirie et de s'occuper des autres affai-
res communes; qu'à cette assemblée générale se réunis-
saient tous ceux des habitans qui voulaient s'y rendre,
soit clercs, prêtres, nobles, marchands ou autres^ sans
aucune autre semonce que le son de la cloche publique.
Dès quatre heures du matin, un officier ou député siégeait,
on procédait à Télection du Président, après l'exposition
par le procureur des habitants des causes de l'assem-
blée. Ce président avait mission de conclure et de rece-
voir les voix. Il était un notable personnage non suspect
ni favorable et il était élu à la pluralité des voix. Le
lieutenant du bailli et le prévôt furent quelquefois élus
à cet honneur. D'autres fois, ils n'assistaient pas à cette
assemblée, qui le plus souvent durait jusqu'à cinq
heures du soir. Cette assemblée se tenait sans le congé
ou la permission des gens du roi et les affaires soumises
aux délibérations ne leur étaient point communiquées,
quoiqu'ils pussent tous y assister comme particuliers
et y avoir voix comme tout habitant. Seulement il leur
était fait honneur d'un siège suivant leur état (1).
A l'assemblée du 11 juin 1538, malgré l'opposition
de Nicolas de St-Aubin, procureur des habitans, celle du
maire, Nicolas Drouot, qui prétendait que cet arrêt n'avait
qu'un caractère provisoire, on procéda à l'élection du
maire et à l'examen des autres affaires communes. Bien
que ce dernier arrêt soit revêtu de la formule banale,
(i) Âne. f. layette, 3* liasse, Ire
358 HISTOIRE DE TROYES. i5S6
mais qui avait Tavantage ou Tinconvénient de réserver
I^avenir, que cet arrêt serait exécuté jusqu'à ce qu'il en
soit autrement ordonné, ce règlement de la Cour souve-
raine posa un nouveau principe, qui fut maintenu pen-
dant plus d un siècle et demi, c'est-à-dire jusqu'au jour
où l'élection du maire fut supprimée, jusqu'au moment
où ce représentant direct dans la cité devint un oflicier
du roi, ne relevant plus du choix de ses concitoyens.
En 4536, le lieutenant-général du bailli prétendit en
vain à la présidence de l'assemblée de la Barnabe : cette
présidence lui fut refusée par les assistants. En 4539,
le voyeur du roi demanda, dans la même circonstance,
à occuper la première place après le président, le pro-
cureur des habitans protesta et fit rejeter cette préten-
tion, non moins nouvelle que celle du lieutenant-gé-
néral.
La réforme opérée entre 1535 et 15i0, dans le mode
de choisir les électeurs chargés de nommer les maires,
échevins, conseillers et officiers de la ville, constitue une
véritable révolution municipale. L'assemblée de la Sanit-
Barnabé perd son ancien caractère d'assemblée popu-
laire et, à Tavenir, le président sera le maire ancien et le
procès-verbal relatant les actes de rassemblée, au lieu
d'être rédigé par deux notaires et joints aux comptes de
la voirie, devient un acte de l'autorité échevinale, dressé
par le greffier ou clerc de la ville. Dans cette assemblée,
on ne procédera qu'à des élections, à des nominations
des officiers de la ville, des administrateurs des hospices,
du maître de la léproserie, un peu plus tard des com-
missaires de police ; mais les affaires < communes > et
les comptes de la voirie passent exclusivement dans le
domaine et les attributions de Téchevinagedont, la source
devient un peu plus populaire par Textension donnée au
choix des électeurs ou portants-voix.
En irKl6, il avait été arrêté que le maire et les éche-
1535 CHAPITRE XVI. 359
viD9 seraient remplacés le lendemain de leur décès et
même sans attendre que les derniers devoirs leur fussent
rendus.
L'évèque et les chanoines de St-Pierre veulent re-
prendre part aux affaires de la cité, surtout en ce qui
concerne Tadministration des finances. Ils se plaignent
de remploi donné aux deniers communs et à ceux d'oc-
troi. Ils adressent leurs plaintes au roi. Mais Tétat de
chosas, créé par la retraite des membres du clergé
opérée en 1522, resta le même. Le clei^é ne reparait
guère dans Tadministration des affaires de la ville que
lorsque s'ag:itent quelques questions religieuses et que
des discordes les accompagnent
Vers 1325, le voyeur Boutiffart avait fondé un senice
religieux qui, jusqu en 1692, fut célébré le dimanche
4{ui précédait la St-Bamabé. Denis Clérey, sieur de Vau-
Jbercyet conseiller de ville, fonda une messe qui devait
^tre célébrée en l'honneur de Dieu, pour le salut des
^mes du fondateur et des habitans de Troyes, perpétuel-
lement et, chaque année, le jour de la St-Bamabé, en
'^lise de St-Etienne ou dans Téglise la plus proche du
ieu de rassemblée, avec mémoire pour les trépassés,
our faire face à cette dépense, Denis Clérey constitua
0 faveur de la ville par contrat du 11 janvier 1535
v.sL ) une rente 9 I. 9 sous 5 d. t., à prendre sur des
*Sgnes, situées sur le territoire de la ville, lieudit la pointe
la Graisse. Ce service fut célébré jusqu'à la suppres-
ion des élections des maires en 1692. Les dépenses
uxquelles il donnait lieu ne sont inscrites aux comptes
les deniers communs qu'à partir de 1558 il>.
Vers 1535, Tinstruction semble entièrement libre,
, si d*un cdté les documents sont infiniment rares,
Y n'est pas douteux que des établissements scolaires
\i> B. 147.
360 HISTOIRE DE ThOYES. 1535
et libres existent ; qu*une instruction développée, com-
prenant Tétude de la langue latine et de la langue
grecque, est donnée à Troyes à des élèves qui ont laissé
leurs noms parmi les littérateurs du XVI'' siècle. C*est à
Troyes qu'est né Jacques Toussaint, dit Tusantu ou Thu-
sanus. C'est à Troyes, que Nicolas Bourbon reçoit des
leçons avec Louis de Dinteville, avant que Toussaint
fût appelé par François 1er, lors de la fondation du
collège de France, pour y professer les langues latine et
grecque (1). En 1534, Denis Ludot demande au Conseil
de fondre en une ou deux écoles de grammaire et sous
un seul régent toutes les écoles de la ville. Le Conseil
repousse cette proposition (2).
La garde et le guet delà ville,vers 1535, sont réformés.
Pour chaque porte et dans chaque quartier, il est formé
quatorze gardes, composées chacune de dix-huit à vingt
personnes et soumises à un chef qui conserve la vieille
qualification de maître de fer. Sous le maître de fer, il y a
un dixainier, ayant sous son commandement c quelques
gens du menu peuple, » autrefois gens de pourpoint.
Les dixaines ne sont chargées que du guet. Les maîtres
de fer et les dixainiers sont commis par le maire et les
échevins, qui ont c la garde et la capitainerie de la
ville. »
L'ordonnance sur le fait de la justice, datée de 1539,
veut qu'il soit dressé des actes constatant le décès des
bénéficiaires et des actes de baptêmes, afin de prouver
la majorité d'âge de ceux qu'ils intéressent. La collection
de ces sortes de registres commence, à Troyes, dans la
paroisse de St-Jacques-aux-Nonnains, en 1535, et dans
celle de St-Jean et de la Madeleine en 1539. Les actes
de mariage ne sont obligatoires qu à partir de 1536 et
{{) N. Bourbon. Nu^a-, 1. i., Carmen 4 15-1 40. L. i\ Carmen 39.
(2) A 9.
I5SS CHAPITRE XVI 864
ceux de baptêmes, pour tous les catholiques, qu'après
Tordonnance de 1579 et d'après le vœu du concile de
Trente. (Boutiot. Notes sur les actes et Us registres de
létal civil dans F arrondissement de Troyes, 1850.)
CHAPITRE XVII
no 1836 au lO Jaillet ItSBO
SOMMAIRE :
e rAdministration des hospices. — De TAumône générale ; son rè-
glement ; ses bienfaiteurs. — Emprunta royaux ; avances sur
les impôts. — Rencontre, à Arles, d'un régiment italien et d'un
régiment champenois. — Des lansquenets, à Rigny-le-Ferron,
demandent des vivres à Troyes. — Soldats champenois dirigés sur
ta Picardie. — Troyes, arsenal général de la province ; refus par
le duc de Guise d'artillerie demandée par le duc d'Orlans, pour
l'armée de Picardie ; mécontentement du roi. — Suppression
de la halle à la cordonnerie. — Charles de Parenti, ermite. —
Les cigognes nichent à Troyes et aux environs. — Jacques de
Brienne et Poncelet Musnier, les deux plus anciens chroni-
queurs troyens. — Statuts des aputhcaires. — François 1er sé-
journe à Troyes pendant deux moi"?. — Chapitre général des
Jacobins. - Villes fermées du bailliage ; Montiéramey compris
parmi ces villes. — Plaintes du clergé contre l'administration
échevinale. ^ Le dauphin et la dauphine passent à Troyes. —
La réforme. — Les Inthéristes. — Le clergé de Troyes. — Fa-
milles troyennes embrassant la réforme. — La famille Pithou ;
le pasteur Sticler ; poursuites judiciaires contre les réformistes ;
les pasteurs Dubec et Morel. — Le duc de Guise et son fils, le
comte d'Aumale, séjournent à Troyes. — François I«r, à Troyes,
puis à la Rivour. — La France divisée en dix-sept trésoreries ;
Troyes comprise dans celle d'Outre-Seine et Yonne. — Nou-
veaux travaux aux fortifications. — Guerre. — Impôts nou-
veaux ; emprunts royaux ; don gratuit du clergé ; aliénation du
dom^finc royal ; vente des mairies royales. — Don à M. de Lon-
364 HISTOIRE DE TROYES.
{^ueval, lieutenant-général du roi en Champagne. — Du bin et
de Tarrièrc-ban. — Le duc de Guise, nommé gouverneur de
Bourgogne ; le duc de Nevers lui succède en Champagne. —
Entrée solennelle à Troyes de ce dernier. — Continuation des
travaux aux fortifications ; démolition de la fausse porte de St-
Antoine. — Inventaire des armes appartenant à la ville. -> Le
duc de Montpensier et le prince de Melphe, commissaires
royaux chargés de Tœuvre des fortifications de Troyes. — Dé-
molition d'un grand nombre de maisons et de trente des ancien-
nes tours. — On craint un siège ; mesures prises à cette occa-
sion. — Travaux faits, par corvée, par les habitans du bailliage.
— On fond les cloches de certaines églises et l'on en fait des
canons. — On démonte les moulins de la banlieue. — Les re-
liques de St-Piorre sont envoyées à Sens. — La population
troyenne est passée en revue par le duc d'Orléans. — On
compte à Troyes 3,875 habitants armés. — Les couleurs des éten-
darts sont Tincarnat, le blanc et le bleu. — On place devant
l*hôtel-de-ville quatre doubles canons et deux potences sont
élevées^ Tune au marché an blé, l'autre au pont de St-Jacques.
— Girard Viarre fait « deux portraits » de la ville pour le ser-
vice du roi. — Siège de St-Dizier ; destruction et pillage de la
ville et du château de Joinville ; l'armée de Charles-Quint des-
cend la Marne jusqu'à Château-Thierry. — Mort d'Odard Hen-
nequin. — Louis de Lorraine, âgé de 18 ans, fils du duc de
Guise, lui succède. — Nicolas Lepeuvier, théologal de la cathé-
drale, chargé de l'examen des propositions à soumettre au con-
cile de Trente. — La peste en Champagne . — Nouvelle organi-
sation de l'aumône générale ; son bureau ; les recettes et dé-
penses ; procession des pauvres. — Projet de règlement
général de l'assistance publique à Troyes. — Commanderie du
Temple à Payas. — Prévoté des maréchaux de Troyes. — Con-
damnation de Macé-Moreau, imprimeur, favorisant la réforme ;
propagande luthérienne. — François 1er, en Champagne. —
Comptes de la voirie ; assemblées consulaires. — Nouvelle pu-
blication des foires. - Mort de François lor. ; Henri II succède
à son père. - Voyage du roi et de la reine à Turin ; ils se.
journent à Troyes. — La duchesse de Ferrarc passe à Troyes.
— Solde des 50,000 hommes de guerre. — Démolition de la
porte Jaulme ou Jaune*. — Etats provinciaux tenus à Reims. —
Assemblées générales des habitants de Troyes à cette occasion.
— Les délégués des cantons suisses passent à Troyes. — Statuts
des pâtissiers, des cordiers, des gantiers. — Règlement relatif
aux honoraires dus aux notaires, greffiers et tabellions. — Les
troycns demandent la réunion des offices de tabellion à ceux des
notaires. — Nouvelles aliénations du domaine royal. — Sup-
pression des droits de jurée. — Création d'offices de conseiller
CHAPITRE XYIl. 365
an bailliage de Troyes. — Boulets achetés i Girey. — Recous-
truction du trésor de Thôtel-de -ville. — Corporation des ser-
gents des foires. — Mort de Claude, duc de Guise. — Ses en-
fants. — Règlement contre les taverniers et cabaretiers. —
Edit somptuaire. — Mystères, sotties, diableries, la sotte bande.
— Décoration des maisons. — Images pieus 'S. — Antoine Garac-
ciole succède à Louis de Lorraine, comme évéque de Troyes ;
son portrait ; son caractère ; difficultés entre lui et le chapitre
de St-Pierre. — Progrès des idées nouvelles - Inondation ;
cherté de^ grains ; projets de construction de moulins à vent et à
eau ~ Recensement de la population. — Marie de Lorraine,
femme de Jacques Stuart V, fait son entrée à Troyes. — Créa-
tion du présidial -, assemblée des habitants à cette occasion. —
Juridiction des traites foraines. — Etablissement d'un moulin i
poudre à canon. — Formation d'une armée en Champagne. —
Recensement des hommes âgés de 18 à 40 ans. — Henri II
veut pousser ses conquêtes jusqu'au Rhin ; enthousiasme
national. — Impôt dit des clochers — Projet de rendre la Laigne
navigable. ~ Ambassade turque de passage à Troyes — Proces-
sion des pauvres. — Etat du ressort du bailliage de Troyes, —
Le bailliage et le présidial installés au palais royal. — Assassi-
nat dans l'église de Barbuise. — Mauvaises récoltes. — Décla-
ration de cens et rentes non rachetables à Troyes. — Girard
Viarre fait un nouveau plan de la ville. — Emprunts royaux. —
Nouveaux statuts des bonnetiers, des contrepointiers. — Outra-
ges aux images pieuses. — De la circulation monétaire ; du
commerce des métaux fins. — Nouvelle aliénation du domaine.
— Comptes des fortifications soumis à des commissaires royaux.
— Publication de la coutume de Sens ; débats entre l'évèque et
le chapitre de Si-Pierre et le Procureur du roi. — Dernière ad-
judication de la ferme de la Maille. - Incendie de la ville de
Tonnerre ; exécutions à Troyes de deux des auteurs. — Pas-
sage à Troyes, du dauphin, du duc de Guise, etc. - Grande sé-
cheresse ; pèlerinage. — Impôts ; taxe sur les habitans en fa-
veur des pauvres. — Processions générales ; poursuites contre
les réformés. — .Le décanat du chapitre de St-Pierre maintenu
électif. — Comptes des deniers communs, patrimoniaux et
d'octroi. — La Champagne menacée par les espagnols ; siège de
St-Quentin. — Etats tenus à Paris. — Taxe imposée sur les ha-
bitans de Troyes, opposition. — Demande de la liberté du com-
merce f-t de la suppression des impôts ; dons patriotiques. —
Réfoime des poids et mesures dans le bailliage. — Diane de
Poitiers à Troyes. — Plaintes contre les aumônes. — Des partis
et leurs piincipaux chefs da.MS la contrée. — Des ciutadourêy
des lansquenets logés en Croncels. — Le guet dormant et Tea-
rharifuet — Réforme ; détails ; émigrations de Troyes à Qe*
366 HISTOIRE DE TROYES.
nù^e ; meurtre de Guiliauiue de MarUy, réformé. — Mort d^
Hemn II.
DaDs le chapitre précédent, on a vu radministratioi
temporelle des hospices et hôpitaux de THôtel-Dieu-le—
Comte, de St-Nicolas, de St-Bernard et de St^Esprit^^ A,
passer aux mains de personnes laïques, élues et remplis <^^ ^s-
sant des fonctions identiques à celles des commission: .^zans
hospitalières du XIX^ siècle. Ces anciens établissement^^ mïU
de bienfaisance ne suffisent plus. Il y a d'autres misère^^'-^ei
à secourir que celles des malades et des pèlerins, et touc^ <ui
les malades n'ont pas, de droit, place dans les hôpitaux^ .cjai
les pestiférés entr'autres. Pour ceux-ci, les habitants onrs^Dn
élevé deux maisons : Tune aux champs, l'autre en vill^ t lie
Les pèlerins sont déjà — et non sans raison — consid^ fidé
rés comme mendiants et gens sans aveu. 11 y a encom. ^oûn
les gens sans ouvrage, et, par diverses causes, les cïi(^M^Ù'
mages sont fréquents ; les gens de la campagne, ruin^ ^^éî
par les guerres, se réfugient en ville, et cette populatiorrv ^3n,
fixe ou nomade, ne peut être secourue par les hospices ^^^s-
Et puis, — il faut bien le dire, — depuis longtemps ^i^s»
bien longtemps déjà, les hospices manquent au but dE::» ^^
leurs fondateurs et de leurs bienfaiteurs.
Le personnel vil sur les revenus, et un bien petit nonr:^:^'*^*
bre de malheureux sont assistés. Dans les quelque^^ ^^^
comptes qui nous restent, on ne voit que de bien faible^i^ ^^^
dépenses appliquées aux secours. En 1379, Thospic^-^ -^^
St-Nicolas ne dépense rien pour les assistés, et cepei*^ ^"
dant Tannée n'est pas heureuse. L'année suivante, o: ^^^^'^
trouve 19 deniers (env. 3 fr.) ayant cette destinatioir^ ^^^
tandis que les maîtres, frères, familiers, ouvriers et sur** ^^'
venants, dépensent 28 liv. 3 s. ou environ 1,550 fr., €^^ ^*
les sœurs 15 liv. 15 sous (ou env. 825 fr.), et 2 liv. (or ^rmu
env. 110 fr.) en épices, pignolal et mendiants^ pou*-^^'
étrennes données à quelques seigneurs. En 1412 et e». ^^
1419, il n'y a aucun émargement de bienfaisance. E» ^-^
1536 CHAPITRE XYII. 367
15i0, la dépense du personnel servant et du personnel
servi s'élève à 102 1. 15 s. 5 d. t. ( ou 2,775 fr.) En 1530,
cette dépense est de 1,250 liv., et les revenus en numé-
raire et en nature sont vingt fois plus considérables.
A rHôtel-Dieu-le-Comte, la recette, en 1546, et alors
que l'administration s'est sécularisée, est de 1,450 liv.
5 s. 6 d. en numéraire, et, en nature, de 11 muids de
blé, 2 muids de seigle, 15 septiers d'orge et 9 muids
d'avoine. La dépense s'élève, en numéraire, à 1,544 liv.
Il a été consommé, pour les religieuses et les pauvres
(les chiffres sont réunis), 12,940 pitances ou portions,
dont la valeur est inscrite pour 272 liv. 16 s. Le maître
spirituel, les religieux et le receveur ont dépensé ensem-
ble 228 liv. (i ).
L'administration des hospices avait besoin de ré-
formes. Des abus nombreux s'y étaient introduits. Les
maîtres, religieux et religieuses s'étaient inféodés dans
ces divers patrimoines, à ce point que plusieurs d'entre
eux prétendaient que les hospices étaient des prieurés
ou bénéfices, et que conséquemment ils ne devaient de
compte qu'à eux-mêmes, puisque les fondations ne rele-
vaient pas de communautés autres que celles de chacune
des maisons hospitalières. Les maîtres et les religieux se
fondaient, surtout, sur le texte d'une loi des premiers
temps de l'Eglise, qui dispensait les économes hospita-
liers de rendre compte de leur gestion à d'autres qu'à
eux-mêmes ou à leur conscience.
Dès le commencement du XVIe siècle, surgirent des
difficultés entre les habitants de Troyes et les adminis-
trateurs spirituels chargés de la gestion des biens des
hôpitaux. La ville créa, en 1518, un service spécial pour
(i) Arch. dép. f, de Vhospicê St-NiooUu et de rHôtH-de-Dieu-^e-
Comte, "- Arch. mua. fond de» hospices de Troyes. A. A. 36* car-
ton, ir« liasse. — Le registre de dépense de TH. D.-le-Gomte de
1546 est le plas ancien du dépôt.
368 HISTOIRE DE TROYES.
secourir les pestiférés, et, vers 1530, coiuiue ou recon —
nut qu'il ne suffisait pas de chasser hors de la ville 1
mendiants et les vagabonds, on songea à leur donner & à
manger, à les secourir utilement. Dans ce but, Téchevi- M bi-
nage fonda une institution de bienfaisance, qui prit I» M le
nom d'Aumône générait.
Cette institution, d'origine laïque, commença, er^^en
1529, par des quêtes dans les églises et à domicile. &^^Bd
1536, elle constitua une institution de bienfaisance qu SL^^ui,
se développant rapidement, eut ses proviseurs, ses res^ '^aes-
sources et ses comptes. Elle reçut des dons. Plus tarc^'^v jrdi
elle encaissera certaines amendes prononcées en sa f^sT^ fa-
veur par la juridiction consulaire. Elle est l'origine dC:> du
Bureau de bienfaisance, émanation de l'administratioc^ «^ion
municipale, selon nos lois modernes. Elle a juridictioo iioo
sur les pauvres mendiants. Elle les dirige, elle les sue m^mxt-
veille et corrige, les fait au besoin emprisonner; el K ^'^
dresse les rôles de ceux qu'elle secourt, taxe les hab^iS bi-
tants pour subvenir à ses dépenses; comprend, dans s^^^sses
imposés, l'évoque, les chapitres et communautés. Elle ^^^ ^
le droit de placer et d'ouvrir des troncs dans les église^^ ''^'
Elle va même jusqu'à ordonner que des quêtes seroK ^==30Dt
faites par les marguilliers, au domicile des paroissien;, ^rv^-
Henri II Tautorise à contraindre au paiement de la taiK ^^^
fixée par les proviseurs, à l'aide de bedeaux, qui ont d^ M^^
pouvoirs égaux, à cet effet, à ceux des sergents royau: «-^*-
L'Aumône générale comprend, sous son patronage, 1^ "^'
enfants trouvés. Par les soins de ses proviseurs, des
fants pauvres sont instruits gratuitement dans les école;
Dès l'origine, le bureau de l'Aumône générale se tien ^^^^
chaque dimanche, à une heure de l'après-midi, au pie^^ ^
de l'autel de la Pitié, au couvent des Cordeliers, au b^^ ^^
de l'une des œuvres sculpturales les plus remarquable^ ^
de la fin du XVe siècle.
L'Aumùne générale eut ses bienfaiteurs. Elle
D'
1536 CHAPITRE XVII. 369
compta six, au XVIe siéclo. qui ne se bornèrent pas à des
dons mobiliers. Nous nommerons Antoine Ludol (1568);
Jean Nervost et Catherine Le Tartier, sa femme (1581);
Claude Jaquot, prévôt de Troyes, seigneur de Ste-Maure
et de Charley (1585); Marguerite Lenoble, veuve de
Jean de Bossancourt (1588) et Perronnelle Chauveau,
veuve de Jean Deheurles (1595) (1).
La magnificence de François l''' et la guerre vident
toujours le trésor royal. Kn 1530, le roi demande aux
habitants de Troyes 25,000 liv. à litre d'emprunt, afin
de Taider à continuer sa lutte contre Charles-Quint.
Il écrit aux Troyens et invoque Taide du gouverneur et
l'influence de Tévéque, Odard llennequin. Les Troyens
ne se rendirent pas d'abord aux désirs du roi, mais il
fallut céder. Le clergé lui-même fut mis à contribulion.
I^eu de temps après, le roi demanda un nouveau prêt de
50,000 liv. et des avances sur les impôts ordinaires.
Il réclama encore li,iOO liv. pour solder, pendant qua-
tre mois, une bande de six cents hommes de guerre.
Celte dernière somme dut être remboursée par le pro-
duit d'une levée do 20 d. t. sur cha([ue muid ou demi-
qncue de vin enîrant en ville ou en sortant (2).
Kn 1530, Jean d'Anglure, seigneur de Jour, avait sous
sou commandement un millier do Champenois, tandis
<jue Jean Carracciole, prince de Melphe, était, pour le
roi, à la tête d'une compagnie dTtaliens Ces deux bandes
ou régiments étaient en résidence dans la ville d'Arles.
Le prince de Melphe fut envoyé au camp établi devant
Avignon. Pendant cette absence, et, sans aucun doute,
animé par le souvenir des souffrances que des soldats
italiens avaient fait supporter à la population champe-
noise, un soldat de Jean d'Anglure se prit de querelle
(1) Arch. tnun. A. A, 35»-' carton^ icr lîMse. — Arch. ilép. f. de
V aumône générale,
1^2) F. 223,231.
III. 3/i
370 HISTOmE DB TROYES. 1^1
avec un Italien. Une lutle s'ensuivit. Les deux troupes
en vinrent aux mains, et la mêlée fut telle qu'il resta sur
le terrain de soixante à quatre-vingts de ceux qui y
avaient pris part. En rentrant à Arles, les Champenois
s'emparèrent de pièces d'artillerie et continuèrent « cette
mutinerie, > qui ne s'apaisa qu'avec la plus grande peine
et par l'intervention des chefs (l).
Le 11 janvier 1537 (v. st.), dix mille lansquenets
sont à Rigny-le-Ferron. Ils viennent de la Bourgogne et
se dirigent vers la Picardie, sous la conduite d'Olivier de
Lenoncourt. Ils demandent aux habitants de Troyes,
< cent poinçons de vin, vingt mille pains et autres grosses
> et excessives munitions. > En mai suivant, celte même
bande reparait dans la même contrée et ne demande pas
moins de cinq cents muids de vin, quarante bœufs,
quatre cents moulons et trente muids de froment (2).
Le roi voulait alors recouvrer quelques places de
Picardie et de Flandres. Il avait réuni un millier de
Champenois sous le seigneur de Quincy. Les travaux de
mine et de pionnerie étaient conduits par le comte de
Melphe et par de La Rochefoucault de Barbezieux, sei-
gneur de Vendeuvre. Le sieur de Villiers-aux-Corneilles,
remplissait les fonctions de maître de l'artillerie (3).
La ville de Troyes est une place de guerre toujours
bien approvisionnée. Le duc de Guise y concentre une
grande quantité d'armes et de munitions. Il fait de la
capitale de son gouvernement l'arsenal général de la
province. Il ne veut rien laisser sortir de la ville, en
armes et en munitions, sans les ordres formels du roi.
lie 1534 à 1537, il rési.ste à des demandes de cette
nature, ménie à celles du duc d'Orléans, fils du roi, ainsi
qu'à celles des gouverneur et gens du Conseil de la ville
(i) Du Bellay, Mémoires Ed. do Panthéon litt. p. 629.
(2) A. 9.
(3) Du Bellay. Mémoires^ p. 661.
IfiSt CHAPITRE XYU. 37i
de Cliâlons, et Claude d'Anglure, sieur de Jour, n'ob-
lienl, de l'arsenal de Troyes, des piques et d'autres
armes qu'avec Tautorisalion du duc-gouverneur (1). Celte
résistance étonne môme le roi, qui, le 23 juin 1537,
témoigne au duc son mécontentement à l'occasion du
refus éprouvé par un commissaire envoyé, à Troyes, par
son fils, afin de faire sortir do la ville dix-huit pièces
d'artillerie destinées à l'armée de Picardie. Il faut voir
dans ces faits au moins autant l'influence de la person-
nalité du duc, qui la fait sontir dans toutes les occasions,
que 1; mour de Tordre ou l'intérêt du service du roi.
Les cordonniers et les basaniers possédaient, de temps
immémorial, une salle dépendant de la grande boucherie,
où ils vendaient le produit de leur industrie. Celte salle
est, en 1538, vendue au roi. Depuis lors, ils sont auto-
risés à exposer leur marchandise sur leurs étaux, sur le
pavé royal, devant et hors de leurs maisons, à la charge^
par chaque cordoimier ou basanier, de payer au roi treize
sous tournois, par an, en deux termes, à la Chandeleur
et à la St-Remy (2). Ainsi disparut la halle à la cordon-
nerie.
La ville de Troyes, en mars 1539 ( v. st.), eut la visite
d'un saint personnage, frère Charles de Parenli, prètre-
crmite de Besanijon, désigné généralement sous la qua-
lification : du Saint-Homme. Il avait un certain équi*
page. Sa suite était composée de quatre personnes, qui,
comme lui, voyageaient à cheval. Sa réputation l'avait
précédé à Troyes, où il fut accueilli avec une certaine
(1) A. A. 8e carton, ire liasse, René de Bouille. Hist, des ducs
de Guiêe. Vol. I. p. 117, — mnsc. de Béthune, vol. 8540, folOO.— Il
est regrettable que M R. de Bouille n'ait pas connu la correspon-
dance des dues de Guise et de la maison de Lorraine conservée dans
les arcli mun. de Troyes. Il n'eût manqué d'en tirer parti pour son
excellente liisloire de cctic illustre maison.
(2) J. S.
372 HISTOIRE DE TROYES. 1538
bienveillance par de notables habitants, et réchevinage
le défraya pendant son séjour (1).
Depuis longtemps, les cigognes paraissent avoir aban-
donné nos contrées. Elles n'y séjournent plus. En 1538,
on constate Texistence d'un nid de ces intéressants oi-
seaux, à Tévôché, au haut de la tour Chapitre, et le
5 mai 1540, le Chapitre de St-Pierre ordonne qu'un nid
de cigognes, placé au haut d'un arbre, au territoire de
Villiers, près Ste-Syre, sera abattu afin d'ôter tout sujet
de querelle (2).
Vers ce temps, vivaient à Troyes deux bourgeois, et
Ton peut dire d'eux ce que Déranger a dit du roi d'Yve-
tôt, € peu connus dans l'histoire, d Ces deux bourgeois
sont les deux premiers chroniqueurs ou annalistes de la
ville. Leurs annales ne sont pas volumineuses, elles ren-
ferment seulement quelques pages et ne font guère men-
tion que de quelques faits. Leurs notes commencent en
1539 et prennent fin vers 1562. Leurs noms sont de-
meurés à peu près inconnus. L'un se nomme : Jacques
de Brienne, son père portait le double surnom de Bour-
sier et de Chancelier; l'autre, Poncelet Musnier. Jacques
de Brienne fut reçu marguillier à l'église St-Jean, le
8 octobre 1536, et, le 2 septembre 1539, il fut admis
dans la compagnie des arbalétriers ou confrérie de Ste-
Croix. Il prêta son serinent entre les mains de frère Jean
Marchand, alors roi. (^elte confrérie se réunissait au cou-
vent des Jacobins, où elle faisait célébrer une messe
basse tous les dimanches et une grande messe le jour de
la fùte, avec procession autour du cloître, et le lendemain
un anniversaire.
Jacques de Brienne fut aussi confrère de la Passion
(1)B. 125.
(2) Sémillard. Mémoires. BI. comra. do Troyes Ces notes sont
extraites des anc. arch. du chap. de Sl-Pierre.
1539 CIIAPITUE XVII. 373
OU lie la sotte bamlc. Il fui reçu dans celle cunipagnie,
le fi aoùl 1512^ au couvent des Charlreux, où s'assem-
blait celle confrérie. Ces faits paraissent avoir tenu une
certaine place dans sa vie, car c'est lui surtout qui a
garde le souvenir de la sotte bande qui, de 1532 à 1550,
joua à Troyes des mystères et des sotties (1).
Poncelet Musnier recueillit aussi quelques notes sur
les événements contemporains. Il s'arrêta vers 1562.
il mourut le 12 juillet 1609, et le 14 il fut inhumé dans
Téglise St-Remy (2).
Par leurs statuts de 1431, les apothicaires faisaient
corps et communauté avec les épiciers et les ciriers.
En 1539, ils forment une corporation à part et laissent
derrière eux les uns et les autres. Ils ne sont plus de
simples marchands, ils tiennent, au moins par un côté,
à Texercice de la médecine. Aussi, leurs statuts de 1539
en font-ils des gens qui doivent savoir parler latin. Le
négoce est rejeté sur le second plan. La composition des
médicaments est en première ligne. Leur bonne confec-
tion est prescrite sous les peines les plus sévères.
L'apothicairerie est élevée à l'état de science et d*art.
Les statuts de novembre 1539, sont établis sur ceux
de Paris.
Tout individu, voulant obtenir une maîtrise d'apothi-
caire, doit savoir de la langue latine assez pour com-
prendre les livres latins en usage dans l'art d'apolhicai-
rerie, comme Mesue et autres semblables. — Pour cela
faire, les élèves entendront, pendant un an, deux lectures
par semaine, « sur l'art et la science d'apothicairerie, »
faites par un médecin de Troyes, docteur de la Faculté
de Paris ou de celle de Montpellier, élu par les méde-
cins et les apothicaires.
(i) Bibl. nal. Collection de Champagne ^vo\, 61, Troyes, xvi.
(2) Semillard, t. m, p. 224.
374 HISTOIRE DE TROYES. fm
L'examen des aspirants se fera par deux notables et
un docteur-médecin, bon, notable et expépimento. L'exa-
men portera sur la langue latine, les drogues simples et
les drogues composées, la manière do les préparer, et
sur le choF-d'œuvre. Les examinateurs feront leur rap-
port au lieutenant-général, à Taudience et à jour de
plaid, sur la suffisance de Taspirant, et rodicier de jus-
tice recevra ou rejettera la demande.
Les valets employés par les veuves d'apothicaires se-
ront examinés, et, sur le rapport du médecin et des apo-
thicaires, le lieutenant-généril prononcera sur leur
capacité.
Tout aspirant doit avoir demeuré pendant quatre ans
chez un maître apothicaire, d*oii il ne peut sortir sans
son congé, sinon il encourt une amende de dix livres.
Les enfants des apothicaires no sont pas tenus au chef-
d'œuvre.
La visite de toutes les matières, vendues ou préparées
dans les officines des apothicaires, aura lieu deux fois par
an, par un médecin et deux apothicaires. — Les visites
devront déclarer, sous la foi du serment, qu'ils soumet-
tent ù rcxanien tout ec qu'ils [)Ossèdent de malièros su-
jettes nux visites, et ce, sous peine d'une amende de
cent marcs (rargont, do prison et de peine corporelle. —
Sur rapport fait à l'audience du bailliage, s'il y a cas, les
matières trouvées mauvaises seront publiquement jetées
au fou et dolruites. — Sous peine de la même amende,
les apothicaires, leurs valets ou serviteurs ne pourront
employer d'autres médecines que celles ordonnées par
les médecins, ci ne mollre en usage que des matières
bonnes et loyales. — Sous peine d'une amende de cent
marcs d'argent, les apothicaires ne pourront en rien
modiller l(»s ortiniinancos i\o^ nn'docins. — Les méde-
cins et les apothicaires devront, une Ibis Tan, s'assem-
bler afin de décider le temps le plus opportun pour faire
1539 CHAPITUK XVll. 375
les drogues coiiiposéjîs. — Lcsnpothicaircîs, <|iii voudront
préparer de ces drogues, incllront chacun en leur mai-
son, sur une table, les nnalîèpes qui devront entrer dans
ces compositions. — Les médecins et les apothicaires
députés en feront visite, depuis six heures du matin jus-
qu'à six heures du soir. — Si les matières sont mau-
vaises, elles seront jetées publiquement au feu, et les
délinquants condamnés à une amende de cent marcs
d'argent, de punition corporelle et même de la hart. —
Et, parce que les médecins usent en médecine d'un qui
prn quo, il est ordonné qu'ils se réuniront, pour le bien
de la chose publique, conservation et réparation de la
santé du corps humain, au moins une fois l'an, pour
rédiger par écrit « les dispensaires de ces qui pro quo^ >
pour l'usage des apothicaires. — Les apothicaires ne
|)Ourront faire aucune composition si elle n'est ordonnée
par les médecins de la Faculté de Paris ou de Mont-
pellier, ou les médecins du roi ou du sang royal (1). —
Nul empirique ne pourra, à Troyes, exercer la médecine
— Tout médecin devra être docteur de la Faculté de
Paris ou de Montpellier, et avoir la permission du bailli
ou de son lieutenant.
(^uand un mcdecin connaît « la maladie d'un patient, >
il lui est interdit d'abandonner ce patient, jusqu'à gué-
rison, € ou que Dieu en ait fait son plaisir, » ou qu'il se
soit substitué un médecin capable.
Les médecins et apothicaires éliront certains d'entre
eux, chaque année, pour visiter, dans les vingt-quatre
heures de leur arrivée à Troyes, « toutes les marchan-
» dises, apothicaireries et épiceries. » — Tous forains et
étrangers, vendant des drogues et médecines, seront
soumis à ces visites, et les hôteliers seront tenus de les
(1) n y eut A Troyes des médecins du roi ; sans doute ces méde-
cins privih'^^iés étaient ceux qui sont nommés aigourd'hui m^dect»»-
iuréê près les tribunaux.
376 HISTOIRE DE TROYES. 15»
avertir de ces disposilions réglementaires, sous peine
d'amende arbitraire.
Aucun marcliand, apothicaire, épicier ou autre ne
pourra vendre aucune drogue simple ou composée qu'a-
près avoir été visitée.
Les médecins seront tenus de donner par écrit aux
apothicaires les drogues à employer pour la composition
dos cotignats et autres mixtions que les apothicaires
font ordinairement sans l'avis du médecin. — Toutes les
visites des médecins et apothicaires n'entraîneront d'au-
tres salaires que ceux prescrits par l'ancienne ordon-
nance, soit vingt sous pour ch;.cun d'eux (l).
En 1539, François 1er, aurait parcouru la Champagne
et aurait séjourné à Troyos pendant deux mois. La pré-
sencc du roi et de sa suite aurait fait augmenter le prix
des subsistances (2).
En juin 1540, les Frères prêcheurs ou Jacobins tien-
nent à ïroyes le chapitre général de leur ordre. Ce cha-
pitre aurait été composé d'au moins cinq cents religieux
et aurait duré de sept à huit jours. La ville, à cette occa-
sion, gratifia l'ordre d'un don de 25 écus soleil (3).
(1) Ces statuts sont bien différents de ceux qui furent publiés en
1431. ï.a raison a déjà ]>ris la place de Tempirisme ; les statuts de
4539 servirent de rè^îlenients jusqu'aux derniers jours des mailiises
et quelques unes des dispositions arrclées alors sont encore en pra-
tique aujourd'hui Approuvés ])ar Henri III en juin 1587, ils furent
confirmés par Henri lY en mai 1595. Ils le furent de nouveau le !Î0
mai 465G et, le ^9 septembre 1752, l'impression en fut permise.
Statuts et règlements pour lacovnnnnauté des maîtres apoticai'
res de la ville de Troyes. MDCCLHI, Troyes, chez Louis-Gabriel
Michelin, imp. du roi, Grande nie.
(2) CouRTALON. Top. T. 1. p. 102. — Nous n'avons trouvé aux
arch. raun. aucune indication du passaj;;» du roi à Troyes en 1539.
11 était en avril à Romilly-sur-Seine. 11 y signe des lettres-patentes
en faveur d'Anloine de Lorraine, duc de Bar. — Bibl. nat. ; Collec-
tion Dupuy : vol. 200, ^207 et 208.
(3) A. 9.
t540 CHAPITRE XVll. 377
Le roi enlrelcnant 50,000 hommes de pied, la solde
en était fournie au moyen d'un subside levé sur les villes
closes ou fermées. Le bailliage de Troyes en comptait
alors quatorze, panni lesquelles se trouvait celle de
Montiéramey, qui résistait et refusait l'impôt. L*échevi-
nage voulut la maintenir parmi les villes de cette classe,
€ attendu que Montiéramey est clos, fermé de murs, de
fossés, de portes, de remparts et d'une belle clôture,
dans lesquels ne pouvaient pénétrer les gens de guerre;
que, dans Montiéramey, il y avait foires, marchés et abon-
dance de riches marchands et d'habitants qui ne faisaient
point leur demeure en lieux champêtres; que la clôture
de la ville était en dehors de celle de l'abbaye; qu'il y
avait hôtelleries et tavernes; que les clôtures étaient si
fortes qu'elles résistaient avec succès aux attaques d'a-
venturiers et gens de guerre. » Toutes ses raisons firent
maintenir Montiéramey parmi les villes closes, et celte
ville paya sa quote-part dans la solde des 50,000 hommes
de pied (li.
Depuis 15:23, le clergé s'est éloigné des affaires de la
cité. Kn raison de certaines charges qui pesaient sur lui
comme sur les autres classes des citoyens, les ecclésias-
tiques abandonnèrent leurs places dans l'échevinage.
Vers 15t0, le Chapitre de St- Pierre, ayant à sa tcHe l'o-
véque de Troyes, Odiird Hcnnequin, veut reprendre, en
partie seulement, la position qu'il a perdue. Il se borne,
en critiquant l'emploi des deniers communs et des de-
niers d'octroi, à demander l'assistance à la reddition des
comptes. Ses plaintes s'adressent au roi, qu'il supplie de
(4) Montiéramey ne conserve que de bien faibles traces de sa gran-
deur passée. Ses clôtures, ses remparts et ses i)ortes ont disparu,
son abbaye a bien encore quelques vastes bâtiments dont la plus
grande partie est en ruine. Elle n'a plus que des noms, comme ceux
de rue des FossrSy place de la HalU, rue des Tanneries, etc., qui
peuvent, avec son église, on grande partie romane, et les anciens
bâtiments de son abbaye, rappeler son importance passée.
378 HISTOIRE DE TRQYBS. isio
metlre la paix entre lui el réchevinagc. Le maire et les
éclievins s'émeuvent d'une semblable démarche, « et
des choses mal sonnantes, injurieuses el scandaleuses,
sont dites au roi contre le bien et Thonneur de la ville et
des habitants, de M. le Gouverneur el de son lieute-
nant. >
Les habitants de Troyes, par leurs représentants lé-
gaux, le maire et les échevins, avaient été assignés au
Conseil afin d'assister à la délivrance des lettres deman-
dées par révoque et par le chapitre. Le Conseil, appelé
à délibérer, décide que les plaignants n'ont point dit la
vérité; qu'il y a lieu de s'opposer à la délivrance des
lettres demandées au roi, » comme étant inciviles et
déraisonnables. » Le Conseil délègue, à cet effet, Chris-
tophe Menisson el Nicolas Coeffart; mais préalablement,
le maire el les échevins se rendirent près de Tévêque.
Celui-ci convint que le clergé avait présenté requête
au roi, demandant des modifications dans le gouverne-
ment de la ville. Il déclara qu'il retirerait sa plainte, si
le Conseil le dispensait de payer le droit d'entrée el
d'issue des vins, dont il se prétendait exempt. Le ('onseil
rejeta celte double demande et fit observer au premier
qu'il n'y avait aucun intérêt, puisque la ville payait pour
lui les droits d'entrée, et que souvent il faisait sortir des
vins sans payer les droits.
L'affaire tut continuée au (iOnsoil privé. Christophe
Menisson ot Vincent Nevelct se rendirent à Paris, et là,
ils apprirent (|u'i] avait été déclaré (ju'il y avait de nom-
breuses malversations dans l'administration de la ville;
que, pour l'honneur de la ville, ils engageaient à faire
poursuivie sur la dénonciation du clergé. Le Conseil de
ville persista dans ses poursuites, en raison de l'inculpa-
tion qui pesait sur le gouverneur ou son délégué à la
vérification des comptes. iMais celle affaire fui sans doute
assoupie. Aucune décision ne parait être intervenue.
1511 CIIAPITHE XVlî. 379
Le dauphin ri la dauphine passent à Troyc», le
16 novenr)bre 1541. Ils quittent la ville le lendemain (1).
ComnTie en toutes matières, avant que la lutte entre la
religion catholique et la réforme se formule par des actes
de résistance, la discussion s'établit et les limites qui
séparent les deux partis ne sont pas toujours faciles à
établir. Ainsi, Tévêque de Troyes, puis de Senlis, Guil-
laume Petit, confesseur du roi, dominicain, inquisiteur
de la foi, est lié avec Erasme qu'il tente de faire venir à
la cour de France, avec Faber (ou Fèvre) d'Etaples, qui
Tun des premiers, accepta les idées de la réforme, avec
ses amis, avant leur rupture avec Rome.
Vers 1520, commencent à se faire sentir les premiers
actes de répression contre la réforme. L'incendie de 1524
est mis sur le compte des idées nouvelles autant qu'il
est attribué aux amis de Tempereur et aux partisans du
connétable do Bourbon. Si de mauvaises nouvelles, si des
menaces (rincendie sont répandues, on attribue ces sinis-
tres projets aux ennemis de l'église catholique. Kn 1523,
un premier concile est tenu à Mcaux, sous la présidence
de Guillaume Briçonnet et dirigé contre Luther; d'autres
sont tenus à Lyon, à Rouen (1527), h Bourges, à Paris
(1528), |)our combattre « les luthéristes. > ('es conciles
formulent des règlements tendant à la réformation des
mœurs et des cérémonies religieuses. Ils décident que
l'administration des sacrements aura lieu sans exiger
d'argent; que les prédicateurs se renfermeront dans les
textes sacrés sans citer, dans leurs sermons, les poètes
ou les auteurs jirofanes. Ils ferment les églises aux as-
semblées profanes et aux fêtes des fous. Ils enjoignent
aux curés l'explication, au prône, de l'évangile du jour.
Ils veulent mettre un frein aux abus de l'excommunica-
tion. Us interdisent la publication de tout livre, traitant
(1) CoURTALON ; Topogr., 1. 1, p. 402.
380 HISTOIRE DE TilOYES. «539
de la religion, sans la permission des évoques diocé-
sains.
Le Chapitre de St-Pierre veut entrer en même temps
dans la voie des réformes. Il interdit la vente de toutes
marchandises aux approches de Féglise, dans retendue
de sa justice, les jours des fêtes de sainte Hélène et de
sainte Mathie. Il veut supprimer la cérémonie des trois
Maries cherchant Jésus-Christ dans le tombeau, à cause
du tumulte et du scandale occasionnés par cette scène
représentée par des hommes. Mais un chanoine ayant
offert au Chapitre une somme de 50 livres pour conti-
nuer cette représentation, il fut décidé qu'à Tavenir elle
serait jouée par des enfants de chœur (1).
Troyes renferme alors des hommes éclairés. Guillaume
Budé y a des relations suivies, et quelques membres de
celte famille font partie des chapitres de la ville. Celle-ci
est alliée à collé des Raguier, dont deux membres ont
occupé le siège épiscopal pendant près de soixante-dix
ans, et cette famille, qui accepta la réforme, fixée dans
la province, joua un rôle important dans les guerres de
religion. La famille Pithou, représentée alors par le chef,
f^ierre Pithou, avocat à Troyes, jouissant d'une grande
considération, est en rapport avec les réformateurs et
surtout avec Faber d'Elc-iples, l'un des critiques les plus
sévères des abus introduits dans le clergé catholique.
En 15îi9, arrive à Troyes, en qualité de professeur de
la grande écolo ou du collège, un jeune flamand nommé
Sticler, apportant, dans son bagage do professeur, quel-
ques ouvrages sur la réforme. Ce jeune honmie est choisi
par Pierre Pithou pour donner des leçons à Jean et à
Nicole ou Nicolas, frères jumeaux alors âgés de quinze
ans. Il s'établit dans ce groupe, composé d'un petit
nombre <le personnes, un échange de pensées sur les
(1) Almanach de Troyes, 1783, p. 13.
1542 CHAPITRE XVII. 384
idées nouvelles. Le clergé s'en émeut. Des poursuites
sont dirigées contre un autre jeune homme, originaire
des Grandes-Chapelles, dépendant de la seigneurie du
Chapitre de St-Pierre, et partisan des doctrines réfor-
mistes. Dans le cours du procès, ce jeune homme se
rétracte, fait amende honorable et est rendu à la liberté.
Mais Sticler, averti et ne se croyant plus en siirelé à
Troyes» se rend à Paris.
Deux ans après, un jeune clerc, Dubec, natif des
Essarts, dé|iendant du diocèse de Troyes, jette le froc
aux orties, se dirige d'abord sur Strasbourg, puis sur
Montbéliard, où il séjourne et se lie avec des réformés
que Ton peut croire originaires de nos contrées. II revient
ensuite à Sézanne, y est arrêté et poursuivi. Sa dégrada-
tion, comme ecclésiastique, eut lieu le 29 octobre 1544.
Tondu et habillé en fou, il fut livré au bras séculier. Son
exécution eut lieu à Troyes, le 18 juillet 4542. Son
corps fut livré au feu après avoir été étranglé. Son exé-
cution aurait eu lieu sur la place de TEtape-au-Vin. Les
uns prétendeut qu'il se convertit et mourut saintement.
Selon d'autres et Nicole Pithou entr'autres, l'exécution
de Dubec n'aurait eu lieu qu'en juin 4543, au champ
Harlot, situé entre la route de Sens et la grande ruelle
des Noës, emplacement aujourd'hui couvert d'habita-
tions.
En qualité de pasteur, à Dubec, succède Morel, né à
Troyes. Son père était bourrelier. Religieux cordelier, il
quitte le couvent en 4544 et prêche les idées nouvelles,
puis revient à la foi catholique.
Tels furent les débuts de la réforme, à Troyes. Bientôt
les idées de Luther et de Calvin prendront un grand dé-
veloppement, surtout parmi les classes éclairées et les
plus notables familles.
Le duc de Guise et son fils, le comte d'Aumale, habi-
tent souvent la ville de Troyes. Us y sont en avril et en
383 HISTOIBE DE TROYES. VM
mai 1542. Pour ramusement du jeune comte, la ville
fait disposer, entre le ruisseau de la Vienne et le cime-
tière de Téglise St-Gilles, près de la Butte des arbalé-
triers, une carrière pour courir la bague. Le 22 mai, le
comte d'Aumale, logé, à ce voyage, dans rhôtellerie du
Laboureur^ y tira Tanneau avec les gentilshommes de sa
suite. Chaque joueur tint quatre fois la carrière. Le prix
était douze aunes de velours verl (1).
François 1er vint sans doute à Troyes en mai 1542.
Sa présence est constatée à La Rivour, le 15 mai. La
ville lui députe des commissaires chargés de lui deman-
der le rétablissement de la franchise des foires, naguère
supprimées, et la confirmation de ses privilèges et notam-
n)ent celui qui lui accordait le titre de ville d'arrêt (2).
Vers cette époque le roi divise la France en dix-sept
receltes générales ou bureaux des finances. La ville de
Chàlons, située au milieu de la province, est choisie
pour siège de la recette dite de Champagne. Jusqu'à
cette date et depuis la fin du XV^ siècle, Troyes était
comprise dans la trésorerie ou généralité i'ontre -Seine
et Yonne, dont le siège était à Paris f3). Cette trésorerie
d'outre-Seine et Yonne comprenait, outre les villes situées
sur la Seine, de Paris à Troyes, tout le Valois, le Beau-
voisis, le Vermandois, la Brie, la Champagne, la Beauce
cl une partie de l'Orléanais.
La guerre est toujours l'objet le plus sérieux des pré-
occupations de la France. Elle est au Nord, elle est au
Midi. La ville de Troves continue l'œuvre de ses fortifi-
calions avec une ardeur toujours croissante, surtout en
(1 ) Sêmillahd, t. m, p. 139.
(2) Voir l. IK p. 420.
(3) Arch. liép. 3 G. 38i bis, el aivh. muu. D. 85. État des villes
com}»ns(s dans cette trcsoret^ie dressé ihms le Compte v'i* de Guil-
laume de Bcaifhaniais aux Doijen et Chapitre de Saint-Pien^e des
recettes d*un denier pite t. levé par minot de Mi... .
I
ifUt CHAPITRE XVU. 383
4542, 1543 et 1544. Si,' en 154â, on se bat en Flan-
dres, si la Champagne est menacée par Tannée de
Charles-Quint, et ses frontières dégarnies de troupes, à
ce point que la ville de Troyes craint d'ôtre attaquée et
qu*elle monte sur ses remparts tous ses bâtons ù feui
ses canons simples conduits en place par neuf chevaux,
et ses canons doubles par dix-sept chevaux (1), et si le
roi met le siège devant Perpignan, en 1543, on se bal
dans le Luxembourg, dans le Brabant, en Picardie.
A Troyes, on redoute les boutefeux; on signale des mai-
sous marquées d'une croix de St-Ândré, faite avec de la
craie rouge (2). En 1544, François 1er est toujours en
guerre avec Henri VIU et avec Charics-Quint. Le premier
entre avec une armée dans la Picardie, et le second en-
vahit la Champagne, s'avance jusqu'à St-l)izier, et, sui-
vant les bords de la Marne, descend jusqu'à Château-
Thierry,
La guerre entraîne et le royaume et toutes les villes
de France dans des dépenses qui excèdent leurs ressour-
ces ordinaires. On s'ingénie à établir des impôts do
toutes sortes pour se procurer les sommes néces-
saires. En 1512, le roi demande à faire un emprunt de
30,000 livres sur la ville, et chaque maison est taxée à
('inq écus au moins (3). L'année suivante, une assem-
blée générale des habitants décide que toutes les mar-
chandises et toutes les substances alimentaires seront
taxées. Mais revenant sur cette décision, il est arrêté que
in taxe ne portera que sur les denrées alimentaires et de
consommation journalière, telles que le pain, le vin, la
viande, le sel, les salines, le savon, le poisson, l'huile et
le lard. Celte taxe fut approuvée par le roi, vérifiée au
bailliage et levée au profit de la ville. Le clergé est lui-
f1) SÉMILI.ARD, l. III, p. i39.
(^) I). B. i4c carton, Irc liasse.
(3) SÉUILLARD, t. ni, p. 130.
384 HISTOIRE DE TUOYES. fUI
même chargé d'un don gratuit de 6,676 livreà. La ville
contribue, en outre, pour 26,040 livres à la solde des
50,000 hommes de pied (i).
Le roi aliéna, sur ces entrefaites, une partie du do*
uîaine. Il fit vendre les mairies royales du ressort de la
prévôté de Troyes et d'autres revenus dépendant du bail-
liage, par commission dont furent chargés Odard Henne-
quin, évoque de Troyes, et Noiil Coiffart, lieutenant-
général au bailliage.
Alors, entre la volonté du roi et ses peuples, se pla-
cent celles de ses officiers. Pour se les rendre agréables
et adoucir autant qu'il est possible cette exécution, le
Conseil décide qu'il sera fait présent de cent écus d'or à
M. de Longueval (2), lieutenant-général au gouverne-
ment de Champagne, en six tabliers^ douze douzaines de
serviettes et six banquetiers de toile de fin lin. Ce même
olficier, trois ans après, refuse deux vases d'argent que
lui offre la ville. Il demande du linge au lieu et place de
ces deux vases (3).
Le duc de Guise fut investi du gouvernement de Bour-
gogne, le 3 juin 1543. Il tenait là conserver celui de
Champagne. François W^ se défiant de l'insatiable am-
bition dij duc de Guise, lui refusa cette faveur.
Le duc de Ncvers, Investi du gouvernement de Cham-
pagne, fit à Troyes < sa nouvelle et joyeuse entrée, > le
27 mars suivant. Les habitants, en armes, se rendirent
au devant de lui. « L'artillerie sonna )) lorsqu'il aborda
la ville. Les clefs de la ville lui furent présentées. Il fut
placé * sous un ciel do velours armorié et franche à ses
» couleurs. >
Le Conseil voulait lui faire prendre gîte au palais
(1) CoTîRTALON ; Topographie, t. i, p. 103,
(2) Nicolas de nossut.
i3) A. 10.
i5i3 CHAPITRE XVII. 385
royal, mais il descendit et logea à révêché, où la ville
lui fit les présents d'usage (1).
Le roi, par sa lettre missive du 15 mars 1543 (v. st.),
recommande aux Troyens de faire provision de boulets
de pierre dure (2).
Un commissaire royal vient visiter Télat des fortifica-
tions, des boulevards et de rartillerie appartenant tant
au roi qu'à la ville. Il demande le parachèvement des
remparts, l'exhaussement des boulevards ou plates-
formes, notamment ceux de l'Ile. Il ordonne la confec-
tion de deux mille hottes; la refonto de la grosse artille-
rie, dont on ferait quatre grosses pièces. Le Conseil
donne des ordres pour qu'il soit confectionné mille hottes,
et décide que les anciennes pièces de canon seront
essayées avant de décider leur refonte.
On fait inventaire des munitions, armes et provisions
de guerre appartenant à la ville. On constate l'existence
de 4 pièces de canon, montées et données, en 1513, par
les gens de justice, les grossiers, merciers et drapiers ;
8 fauconneaux de cuivre, montés sur leurs affûts et pe-
sant chacun 700 livres; 45 autres meurtrières, dont
dix-huit ont été données par les métiers ; 20 arquebuses,
(i) Â. 10, B. i33, K. 7. Reg. composé de 14 folios, comprenant les
dépenses faites par la ville à l'occasion de l'entrée du duc de Ne-
vers à Troyes.
Ce nouveau gouverneur de Champagne et de Brie était François
de Clëves, duc deNevers, depuis le 17 février 1538, Pair de France,
Comte d'Auzerre, d'Eu, deRethel et de Beaufort,auj. Montmorency,
(Aube.) ; marquis d'Isle (Auroont) près Troyes, seigneur d'Orval, de
Lesparre et autres lieux. Il épousa Marguerite de Bourbon, fille de
Charles de Bourbon, duc de Vendôme et de Françoise d'Alençon .
(Histoire généalog. de la maison royale de France.) François, duc de
Nevers, fit ériger par Henri II, en 1547, la seigneurie d'Isle ( Au-
mont ), en marquisat. Il était le principal propriétaire terrien de la
Champagne méridionale.
(2) L'usage des boulets de pierre s'est continué, alors que depuis
plus de trente ans, on usait, à Troyes, de boulets de fonte de fer.
3S6 HISTOIKE DE TROYES. «543
aussi données par les métiers, 228 arquebuses, 16 aile-
crets et autres menus engins d'arlillerie, 88 voulges.
70 hallebardes, 43 arbalètes , un muid et demi de vire-
tons, un fardeau de toile pour tente ou pavillon,
2,700 chausse-trappes, 400 piques (1), 3,300 fûts de
piques , 5,660 gros boulets, 6,550 moyens boulets,
31,900 boulets à tourillons, 31,750 boulets à meur-
trières, 59,000 boulets à arquebuses, 63,240 traits à
arbalètes , une grande quantité d'armes défensives,
1,700 boulets de plomb, à l'usage des meurtrières: le
tout déposé à Thôtel-de-ville.
Dans la tour du Beffroi et dans la tour au Mitre, il est
trouvé dix caques do poudre à canon. Dans la porte de
Croncels, 6,000 livres de salpêtre, 1,500 livres de sou-
fre, 600 grands tonneaux de sapin renfermant du char-
bon de saule, 16 caques de poudre et 3 barils de poudre
grenée (2).
Par les soins de Guillaume le Mercier et de Nicolas
Riglet, maires, le premier en 1542-43, et le second en
1544-45, la ville est mise dans un état de défense qui
ne s'était pas encore vu. Les travaux des fortifications
sont ordonnes et surveillés par deux commissaires
royaux, Louis de Bourbon, duc de Montpensier, et Jean
Garracciole, prince do Melphe, ayant titre de lieutenants-
généraux du roi, en la ville de Troyes, et M. de Villiers
est spécialement chargé de veiller, à Troyes, à l'approvi-
sionnement de l'armée royale (3) En 1542, pour établir
une plate-forme, on démolit la bretaucheou fausse-porle
(1) Peu auparavant, la ville avait livré à M. d'Ângluie 300 piques
et 160 avaient été envoyées à la ville d'Auxerre.
(2) Bibl. communale, mnsc. l!291. — Inventaire de VartillertM^
armes et munitions de guerre de la ville de Troyes, — Ce manaa-
crit est un recueil de documents, la plupart originaux^ recueillis
par Pierre Pithou.
(3) B!q. comm. manuscrit 1291.
11^ CHAPITRE XVII. 387
de St^Ântoine. La vente des matériaux en Tut annoncée
aux prônes des paroisses.
Les connmissaires royaux ordonnent la destruction im-
médiate de tous les jardins et do toutes les plantations
existant aux environs de la ville, sur un rayon d*un quart
de lieue, soit environ un kilomètre. — Les maisons com-
prises dans ce périmètre sont détruites, et Texécution de
ces ordres occasionne une perte fixée officiellement à
200,000 livres, soit environ 3 millions (valeur de 1846).
Dans rinlérieur, au quartier du Beffroi, près et le long
des remparts, on démolit quinze maisons; dans celui de
Croncels, dix; en Comporté, six, et sur remplacement de
celles-ci, on édifie la plate-forme du Joli-Saut. Les fossés
sont élargis ; deux grands boulevards sont établis près de
Xotre-Dame-en-rile et de la porte de St-Jacques, avec
canonnières en pierre. On élève six grandes plates-
formes casematéos. — La tour Boileau ou fort de Guise
esl surélevée; on y établit de grandes canonnières, comme
aux plates-formes de la Planche-Clément, de Rioteuse
ou de Notre-Dame-en-rile, du Joli-Saut, des Cordeliers
et de St-Antoine (1). Toutes ces plates-formes sont gar-
nies de gabions. — On fait provision de terre et de bois
pour établir, au besoin, des retenues d'eau en amont et
en aval et en cas de siège. Trente des anciennes tours
sont abattues. Douze autres sont renforcées c pour battre
> en flanc. > La poterne de la Tannerie est voûtée. —
Six grands ponts sont jetés près des portes, pour mettre
les remparts directement en communication les uns avec
les autres. — Quatre grands barrages sont établis dans
les fossés. — Seize moulins à cheval et à bras sont cons-
truits ; ceux qui sont mis en mouvement par les chevaux
(1) Cette dernière plateforme est le ravelin^ dont l'emplacement
est aujourd'hui occupé par le réservoir du service des eaux de la
ville. -*- Cette plateforme couvrait de son artillerie la porte du bef-
froi et celle de la Madeleine.
388 HISTOIRE DE TROYES. tSIS
sont placés à Notre-Dame-en-rile, aux Jacobins, en la
Corderie, près de Téglise de St-Denis, à Sl-Martin-è«-
AireSy et deux à la halle aux cuirs, en face de la bou-
cherie. — On fabrique des artifices à feu. — On tente
de porter le terre-plein des remparts à trente pieds de
largeur. On fait provision d'outils de toutes sortes, pio-
ches, pics, pelles, brouettes, etc. — 11 sort de la ville
des munitions de guerre en quantité considérable; elles
sont dirigées sur St-Dizier, Montéclaire, prrs Andelot, et
Monligny-le-Uui. — Ces dépenses, outre les pertes oc-
casionnées par les démolitions, s'élèvent à 147,944 livres
(environ 1,766,000 fr.).
D'autres constructions sont projetées, soit de nouveaux
boulevards, soit de nouveaux ravelins ou plates-formes.
L'ensemble des dépenses faites et à faire est estimé à
200,000 livres, soit environ 3,000,000 de francs (1).
Toute la population troyenne est appelée aux travaux
de terrassements ; les domestiques des deux sexes y sont
mandes et doivent s'y rendre sous peine d'amende et de
prison. Les travaux de pionneries et de terrassements
sont exécutés par les habitants de la ville et du bailliage.
La taxe de chaque paroisse est établie sur la population
et aussi sur le montant de la taille royale. Les villages
sont d'abord imposés pour un mois, puis pour deux, et
enfin jusqu'à quatre mois. S'ils ne fournissent pas
d'hommes, ils paient cinq livres par mois, pour chacun
des corvéables auxquels ils sont imposés. Parmi ces
villages, il en est quelques-uns qui, par la faveur de leur
seigneur, ne sont pas imposés (2).
(1) Blq. miîn. de Troycs, mnsc. no 1291 et Grosley. Mêm, hiêt,
t. II, p Î^S. Proci'S'Verhal dressé par le Maire et les éc?ievin8 et
adresse à M. de Marcillac^ )naiire des requêtes.
(12) D. 136,1.51. — Ces taxo.s sont fort onéreuses. Ainsi Lusigny,
Ma^^iant, Monliôramcy et Vendeuvre doivent chacun iO hommes,
Briel, r^5, Beuivv 30, le Mesnil-St-Père et Villy-en-Trodes, chacun
25 liouinips ofr. - La journée pour un tombereau est payée, de 5 à
<5U CHAPITRE XVII. 389
Le 44 juillet 1544, les cloches des églises de St-Martin,
de la Trinité, de St-Antoine, de Ste-Savine et de Montier-
la-Celle sont, par les ordres du duc de Montpensier,
descendues de leurs clochers pour être converties en
pièces d'artillerie. — Les moulins situés hors de la ville
sont démontés (1).
La crainte est telle et l'ennemi est si près que le Cha-
pitre de St-Pierre, — et peut-être les autres, — envoie,
à Sens, le 6 juillet, pour les mettre en sûreté, ses reli-
ques, son trésor et ses titres. Ces objets ne furent rame-
nés à Troyes que le 48 septembre.
La population troyenne est passée en revue par le duc
d'Orléans, (ils du roi. Chaque quartier forme une com-
pagnie armée, commandée par un capitaine. L'on ne
compte pas moins de 3,875 hommes sous les armes. Les
capitaines sont Claude Mole, le Tartrier, François Adam
et Antoine Gombault (2). Chaque compagnie est subdivi-
sée en trois enseignes, et chacune a son étendard trico-
lore, réunissant les couleurs incarnat (rouge), blanc et
bleu (3) : couleurs qui, après deux siècles et demi, de-
vinrent les couleurs nationales de la France.
Les Troyens voient-ils avec peine et mauvaise humeur,
une semblable démonstration guerrière? Le méconten-
tement se traduit-il dans la population troyeime? Fait-
elle résistance dans une certaine mesure aux volontés du
roi, mise en demeure de se défendre contre les attaques
de Charles-Quint et de Henri VIU? Toujours est-il que
quatre doubles canons sont placés devant Thôtel-de-ville,
par ordre des commissaires royaux (4), et deux potences
6 sous. Celle d'un manouvrier 2 s. t.; le mois nt3 donne que vingt jours
de travail.
(i)D. 149.
{%) SÉMILLARD, t. ni, p. 145.
(3) Arch. mun.
(4) D. 149.
390 HISTOIHR DR TIlOYES. ifiu
sont f^lovée*, Tune au Marcho*aii-Blé et Tanlro au grand
pont de St-Jacques.
Girard Viarre, peintre, fait « deux portraits 3 de la
ville, Tun destiné au roi et Tautre au duc-gouverncuf de
Champagne. Par portrait, il Faut entendre un plan indi-
quant surtout les forlificalions.
Ce qui n'arrive, hélas! qucî trop souvent pour les dé-
penses de cette sorte, c'est qu'elles sont sans profit pouf
ceux qui les font. Elles, obcrenl los populations et de-
viennent inutiles. Les fortifications de Troyes, portes,
murailles, fossés, ravelins, plates-formes, etc., sont pres-
que entièrement renouvelées dans la première moitié du
XVIe siècle. A partir de 1544, ces travaux cessent pres-
que complètement. La crainte a disparu ; la sécurité
rentre à ce point dans Tesprit des habitants, qu*au prin-
temps suivant la fausso-porto de Croncels est louée
moyennant six livres par an, et qu'en 1548 il est projeté
de bâtir un moulin à eau dans les fossés, près de la porte
du Beffroi. Dans cette première moilié du XVIe siècle, il
s'est opéré une grande révolution dans Tart de la guerre
et dans celui des fortifications. La ville de Troycs pré-
sentait dans son ensemble une ville bien fortifiée selon
les principes mis en pratique pendant la renaissance.
Alors, on démolit un grand nombre de tours édifiées au
XlVe et au XVc siècle; on augmente celles qui sont con-
servées; les remparts sont élargis; l'artillerie y circule
librement et des ouvrages à Textérieur et d'autres pla-
cés à l'intérieur protègent et défendent les portes et les
entrées et les issues des canaux de dérivation. Cet effort
de la population troyenne et champenoise n*est pas le
dernier. Il faut encore compter avec les guerres de reli-
gion et la Ligue. Mais les fortifications ne furent plus
guère augmentées, sous la Ligue, que du fort Chevreuse,
dont l'existence ne fut que de quelques années. Après
cette date, il ne fut rien édifié d'important. Troyes devint
I5U CHAPITRE XVII. 391
une ville intérieure et en dedans des lignes de frontières.
Aussi, Fart des fortiflcations caractérisé par le génie de
Vauban, n'a-t-il laissé aucune trace à Troyes. Les tra-
vaux du XVIe siècle sont arrivés jusqu'au XIXe et même
jusqu'à nos jours, dans Tétat où les laissèrent les ingé-
nieurs de Louis XII et de François 1er.
La marche de Tarmée de Charles-Quint sur la Cham-
pagne, avait fait redoubler l'activité donnée aux construc-
tions de Troyes. L'empereur, ayant rassemblé son armée
à Spire, envoie le comte Guillaume de Fursteniberg s'em-
parer de Commercy et de Ligny: cette dernière ville
appartenant à Antoine de Luxembourg, comte de
Brienne. N'ayant osé attaquer la ville de Châlons-sur-
Marne, Charles-Quint fait assiéger celle de Sl-Dizier,
place médiocre par elle-même, mais importante en rai-
son du passage de la Marne. Louis de Feuil, comte de
Sancerre, défendit cette ville avec la compagnie d'hom-
mes d'armes du duc d'Orléans, dont il était lieutenant, et
avec deux mille hommes commandés par le capitaine
Lalande et le vicomte de la Rivière. L'empereur arriva
devant St-Dizier le 8 juillet 1544. L'armée royale cam-
pait à Jalon, entre Châlons et Epernay, et Brissac occu-
pait Vitry-en-Perthois, avec deux mille fantassins chargés
d'inquiéter l'armée assiégeante. Mais Brissac, obligé de
quitter cette ville, se porta sur Châlons. Le comte d'Au-
male, qui était dans Stenay, fatiguait le camp impérial
et lui coupait les vivres. Le duc de Guise inquiétait aussi
l'ennemi et s'efforçait d'entretenir l'espérance d'une
prompte délivrance, chez les habitants de St-Dizier qui
se défendaient avec vigueur et héroïsme.
Mais par une intrigue de cour, dans laquelle (1) aurait
trempé Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, maî-
tresse du roi, et par l'entremise de Longueval, lieutenant
(i) Suivant Belcarius qui écrivait sous Charles IX.
392 HISTOIRE DK TROYES. i5U
au gouvernement de Champagne, le chiffre, qui servait à
masquer la correspondance du duc de Guise avec le
comte de Sancerre, fui connu de Charles-Quint. L'empe-
reur s'en servit aussiUM pour faire parvenir au comte de
Sancerre, et au nom du duc de Guise, Tordre de se ren-
dre promplemont, ne pouvant espérer de secours. La
garnison ne se décida pas sans réflexion. Mais, attendu le
défaut de vivres et Je munitions, les officiers se résolu-
rent à remettre la ville de St-Dizicr aux mains de Gh.arles-
Quint. Cette remise se fit à des conditions honorables.
Il fut permis à la garnison de rester encore douze jours
dans St-Dizier, pour attendre des renforts; si elle n'en
recevait pas, elle devait, en plein midi, sortir avec armes
et bagages, tambours battants, enseignes déployées, et
emmener ses quatre meilleures pièces de canon (1).
Après la soumission de Sl-Dizier, les soldats de
Charles-Quint allèrent mettre le feu à Join ville, ruiner
les jardins du duc de Guise, piller Téglise de Notre-Dame,
dont ils emportèrent les objets précieux. Un grand nombre
de maisons furent brîilées. Le duc contribua, pour une
grande partie du revenu de sa seigneurie de Joinville, à
la réédification de Téglise et des maisons particu-
lières (2).
L'armée impériale no quitta pas les bords de la Marne,
pendant cette cruelle expédition contre Joinville. L'autre
partie de Tarmée se dirigea vers Epernay et ChAteau-
Thierry, sans envahir la Champagne méridionale. La ville
de Troyes ne fut point attaquée.
Après avoir été évéque de Troyes pendant dix-sept
ans, Odart Hennequin mourut dans cette ville, à Tâge de
(i) Le Parlement de Paris ordonna, à cette occasion, une proces-
sion pour rendre grâce à Dieu de la brave résistance de St-Dizier.
0t) Du Bellay ; Mémoires. — H. Martin. Bist, des Français^
t. vni, p. 301. — RENÉ DE Bouille. Bist. des ducs de Guise, t. i,
p 147, 148, 149.
1545 CHAPITRE XVÎI. 393
soixante ans, le 13 novembre I54i. Il laissa une roputa-
lion de générosité et de charité, facile à acquérir avec les
nombreux et riches bénéfices qu'il réunissait aux pro-
duits de son épiscopat. Il entretint avec soin les édifices
de révéché, fit travailler aux châteaux d'Aix et de St-Lyé;
celui-ci, détruit pour la plus grande partie, ne conserve
plus que les communs et un énorme colombier orné des
armes de cet évêque ; quant à celui d*Aix, une porte
d'entrée reste encore debout.
Le corps d'Odard Hennequin fut inhumé au milieu de
la nef de la Cathédrale, sous un tombeau d'airain sur
lequel il était représenté en habits pontificaux (1).
Odard Hennequin eut pour successeur Louis de Lor-
raine, troisième fils du duc de Guise, nommé au siège
de Troyes en juillet 1545. Louis de Lorraine avait alors
dix-huit ans. Le concordat ne permettant pas foccupa-
tion, à cet Age, d'un siège épiscopal, pour tourner la
difficulté, il fut nommé non évêque, mais administrateur
(iu diocèse, et eut, pour cotte administration, un man-
dataire nommé Guillaume le Jeune, ou Jnvenis^ chanoine
de la (Cathédrale de Troyes.
Louis de Lorraine, né le 21 octobre 1527, fut évêque
de Troyes de 1544 à 1550. Il résigna son évôchéen fa-
veur d'Antoine Carracciolo, et devint abbé de St-Viclor
de Paris. Dans la même année, il est nommé à l'évôché
d'Alby; cardinal le 22 décembre 1553, il est archevêque
de Sens en 15GI et évêque de Metz en 1568. Abbé de
St-Victor de Paris, il le fut aussi de Moissac et de St-
Pierre de Bourgncil.
Le nom de Louis de Lorraine reparaîtra dans ce récit,
car si ce prince quitta le siège de Troyes, ses nombreux
rapports avec la Champagne, son activité dans les affaires
(1 ) Ce tombeau fut relevé, au xviiie siècle, lorsque la nef fut pavée i
neuf, et placé dans le collatéral septentrional d'où il dispamt.
394 HISTOIRE DE tftOYES. 1545
de la province et dans celles de l'Etat, donnent au cardi-
nal de Guise, jusqu'à sa mort, la plus grande autorité
dans les affaires religieuses et politiques de la contrée.
Peu après la mort d'Odard Hennequin, le roi désigna
Nicolas Lepeuvrier, chanoine et théologal de St-Pierre,
docteur en théologie, pour se rendre à Melun, afin d'y
arrêter, avec d'autres docteurs, les propositions à sou-
mettre au Concile de Trente, au nom du roi. La lettre de
nomination fut lue au Chapitre de St-Pierre, le 3 décem-
bre 1544 (1).
En 1544, les graves préoccupations de la politique et
de la guerre tiennent en éveil la population champe-
noise. La peste sévit en même temps. Elle est signalée à
Troyes, à Paris, à Reims, à Châlons, à Sézanne, etc.
A Troyes, sont renouvelées les ordonnances de 1533,
dans le double but de prévenir cette funeste maladie et
d'indiquer les moyens préservatifs et curatifs. Des familles
sont expulsées de la ville à la suite du décès de quelques-
uns de leurs membres.
En 1545, l'organisation de l'Aumône générale s'amé-
liore. Le procureur des habitants s'adresse au bailliage,
afin d'obtenir Tautorisation d'appliquer, à Troyes, le
règlement de Paris, * pour le gouvernement des pauvres
et Tassiette d'un impôt sur tous les habitants de quelque
qualité qu'ils soient, pour subvenir à l'entretien desdits
pauvres. - L'autorisation obtenue, sont désignés, par
l'élection, douze commissaires, recteurs ou proviseurs.
Six appartiennent au clergé et six sont laïques. A ces
commissaires sont adjoints un receveur, un contrôleur et
un greffier. Ils sont chargées de s'enquérir, sans délai, des
règlements et statuts relatifs aux pauvres, et en exécu-
tion à Paris, à Lyon et dans d'autres villes, et surtout de
s'inspirer de l'arrêt du Parlement de Paris, du 2 juillet
(1) SÉMILLA.HD, t. m, p. 148
1545 CHAPITRE XVH. SÔS
1 5A5 (I ) . Pans rassemblée qui avait é!é tenue le 20 juin,
les assistants ne s'étaient pas seulement préoccupés de
la nourriture à donner aux pauvres, mais encore de Tins-
truction dont leurs enfants avaient besoin, ainsi que de
la nécessité de leur faire apprendre un métier, afin de
les mettre en état de gagner leur vie. Les commissaires
procèdent à un recensement de la population à assister
Cette opération fixe le nombre des pauvres à secourir à
1,512, sans compter ceux de la paroisse de St-Aventin,
dont le chiffre n'est pas connu. Les chapitres et les com-
munautés religieuses sont compris dans le rùle de TAu-
mône générale, ainsi que tous les habitants imposables.
Le 30 août, se fait une grande procession des pau-
vres. Chacun d'eux avait un cierge à la main (2).
La recette de l'Aumône se compose surtout du pro-
duit des taxes, de quelques legs, de quelques amendes
pronoîicces par le bailliage, l'olTicialité et les proviseurs
de l'aumône, le produit des troncs établis dans les églises
ri aussi chez quelques marchands (3).
La dépense s'établit par paroisse. Elle est causée par
des distributions en nature, par des soins donnés à des
malades, même à ceux qui sont atteints de la syphilis (4),
et parmi lesquels se trouvent des hommes et des fennimes
mariés, et m(^nic des entants à la mamelle; à ceux qui
sont atteints de la malerache; par des frais d'apprentis-
sage, par la mise d'enfants en service, et aussi par des
(1) L. 2.
(2) SÉMiLLARD, t. iri, p. 1,50 et 151.
(3] L*évêque est imposé de 2 à 300 liv. par an ; le Chapitre de St-
Pierre, à 5 liv. ; celui de Si-Etienne à 505 ; de St-Urbain à 20 sous ;
fabbayc <!e Monlier-la-Cello, à 0 liv. ; de Notre-Dame-aux-Non-
nains , à 25 sous ; de St-Loup , à 40 sous ; de St-Martin-ès-Aires,
k 30 sous ; le prieuré de St-Quentin et celui de Notre-Dame en l'Ile,
â chacun 5 sous.
(i) On sait que cette maladie était alors congëniale et que ses
désastres étaient à cette époque plus grands qu'aujourd'hui.
396 HISTOIRE DE THOYES. iSM
frais de pèlerinage à Si -Fiacre. (Etait-ce pour la fis-
tule?)
En 1553, la recette s'élève à 7,624 liv , ou 91,488 fr.
(valeur de 1846), et la dépense à 7,355 liv. ou environ
88,260 fr. (même valeur) (1).
En 1548, une déclaration de Henri II, rendue sans
doute sous rinfluence de Tévéque, qui discuta pendant
plusieurs années la taxe dont il était frappé, défendit de
poursuivre les personnes qui ne payaient pas la taxe des
pauvres.
Il aurait été projeté, en 1546, un règlement sur les
établissements de bienfaisance de Troyes. Ce règlement
fut-il exécuté? Nous ne le croyons pas. Il semble vou-
loir confondre en une seule institution toute l'adminis-
tration de la bienfaisance publique. Il était trop tôt. Les
hospices continuèrent à être régis à part de TAumône
générale, jusqu'à leur réunion qui eut lieu en 1630 (2).
Si la réforme attaque les habitudes du clergé catho-
lique dans le culte et dans ses mœurs, Tesprit de criti-
que et d'examen amène la sécularisation de la bienfai-
(i) M. de 1 à 8. Comptes des recettes et dépenses de Vaumône
ffénérale.
(T) Ce document est contenu dans les Mém. histor. de Grosley,
I. II, p. 203-221. Il a été puisé dans un recueil de pièces provenant
du fond de Pithou. Il est sans date, ni titre, ni signatures et d'une
écriture du milieu du xvF siècle. Ce document intéressant sous plus
d'un rapport, rappelle qu'à cette époque, les abbayes de la Hivour,
Clairvaux, HoulancourI, Mores, MnJesme, Pontiirny, le Prieuré de
Clairliea avaient des maisons à Troyes. Il y est dit : « Les femmes
w grosses prestes a gésir qui n'auront logis, seront logées, reçues et
D nourries en rilùtel-Dieu-le-Comte, en la cbambre à ce députée de
» toute ancienneté. — Semblablement seront reçus audit Hostel-
» Dieu tous les hommes et enfans masles invalides, playez et ulcérés,
9 tant de ceste ville que estrangers »
Depuis longtemps les femmes en couche n'étaient plus reçues à
riIôtel-Dieu et il n'y a point, à Troyes, d'établissements destinés à
recevoir les infirmes, sinon la maison particulière des Petites Sœurs
établie depuis quelques années.
1546 CHAPITRE XVII. 39^7
sance publique. Cette lutte commence avec le XVIe siècle ;
elle devient vive lorsque les maîtres spirituels et tempo-
rels des hospices refusent des secours aux pestiférés, et
ce n'est qu'à la session jdes Grands-Jours de 1535, que
la population troyenne obtient gain de cause contre ces
administrateurs-clercs, et même contre le grand-aumônier
de France, qui veut s'ingérer dans la gestion de tous les
hospices et hôpitaux du royaume, et, de 1539 à 1546,
s'organise séculièrement le service de la bienfaisance
publique, sous le nom d'Aumône générale.
Au village de Payns, outre la commanderie du Tem-
ple, existait encore, en 1545, un prieuré relevant <le
l'abbaye de Montier-la-Celle, et où résidaient plusieurs
religieux (1).
Vers cette époque, et en exécution d'un édit royal
(1536) applicable à toute la France, la ville de Troyes
devient le siège d'une prévôté des maréchaux, dont la
juridiction s'étend sur toute la Champagne. Ces prévôts
ont pour mission de réprimer « les voleries, pilleries et
meurtres; de diviser les troupes de voleurs, larrons,
aventuriers, vivant sur le pauvre peuple, » de punir les
crimes commis par les gens de guerre, les vols sur les
grands chemins. Ces prévôts, juges d'épée, statuaient
souverainement et sans appel. Le prévôt des maréchaux,
en résidence à Troyes, a sous ses ordres six archers seu-
lement. Le Conseil de ville, reconnaissant l'insufTisance
de ce nombre d'auxiliaires pour faire la police dans la
province, demande encore dix archers pour seconder ce
chef dans ses pénibles fonctions (2). C'est l'origine de
notre gendarmerie actuelle.
Le 18 octobre 1546 eut lieu, à Troyes, la deuxième
exécution capitale pour profession des doctrines de
(1) D. TiTox. Hist, de Montier-la-Celle, déjà citée.
(2) A. 10.
398 HISTOIRE DE TROYES. i^i^
Luther. Macé Moreau, colporteur, libraire ou imprimeur,
à Troyes, fait le voyage do Genèvo et en rapporte cer-
tains ouvrages favorables à la réforme, notamment
Le Trafic et Train de marchandises que les Prêtres
exercent en Véglise. Il fut condamné à être brûlé pour
crime d'hérésie. Sur son appel, le Parlement confirma la
sentence du bailliage, rendue le 5 octobre 1546, et Macé
Moreau subit sa peine avec le plus grand courage, sur
1^ place St-Pierre de Troyes. L'arrêt du Parlement, outre
la confirmation de la sentence, contient les prescriptions
les plus rigoureuses contre les livres, en langue fran-
çaise, traitant de matières religieuses. 11 enjoint à Té-
vèque de veiller sur son diocèse, do faire prêcher contre
la doctrine nouvelle, et à tous les citoyens de dénoncer
ceux qui en font profession publiquement ou non (1).
La propagande luthérienne est grande dans le diocèse.
Elle n'exerce pas seulement son influence sur la classe
des artisans, mais bien aussi sur la bourgeoisie. Les
habitants de la contrée d'Olhc, surtout accueillent les
idées nouvelles avec faveur.
François K*^^ redoutant toujours les attaques de
Charles-Quint, dont la bonne foi continue à lui être sus-
pecte, fait travailler aux fortifications. 11 parcourt, en
1546, les provinces de Picardie, de Champagne et de
Bourgogne, afin de se rendre compte de l'état de ces
travaux et en presser l'achèvement. A la Toussaint, le
roi arrive au château de Joinville, où le duc de Guise le
reçoit avec magnificence (2).
En 1547, de nouveaux errements tendent de plus en
plus à effacer les traces de l'ancienne administration po-
pulaire. Les comptes de la voirie ne se composent plus
(1) Bibl. comm. ninsc. n© 1291. -- Dupuy. Preuves des libertés de
Véglise ijaUicane, t. il, p. HOO. — Cohrard de Bheban ; Recherches
sur Vimprimerie à Troyes^ 2« édition,
(2) R. DK Bouille. Histoire des Ducs de Guise, t. i, p. 158.
1^7 CHAPITRE ?(V|1. 399
exclusivement des matières relatives à cette branche des
intérêts de la cité (1) Le compte est rendu par Louis
Guérin, receveur de la ville, en présence du voyeur du
roi et de celui des habitants, avec Jean de Marisy, con-
trôleur de la voirie, et sous la vérification du maire et
des échevins (2). Le lieu de réunion n'est plus le beffroi,
dont les galeries n'ont point été rétablies, ni au palais
royal, mais à rhôtel-de-ville, qui, à cette occasion, est
enmayée ^3), ainsi que les maisons du maire et des éche-
vins, après avoir sonné la cloche de l'église de St-Jean.
A partir de cette date, les délibérations du Conseil sont
qualifiées de consulaires.
Pendant les dernières années du règne de François 1er,
par suite de la guerre, sur les frontières de Picardie et
de Champagne, les marchands fréquentant les foires les
ont abandonnées de nouveau. Pour rappeler les fran-
chises de ces grands marchés, Téchevinage ordonne une
publication nouvelle des lettres relatives à ces foires
dans toutes les villes de France, à l'étranger et partout
où besoin sera.
Le 31 mars 1547 (v. st.), François 1er mourut, âgé de
cinquante-deux ans, laissant pour son héritier au trône,
son deuxième fils, qui devint Henri II, et qui avait
épousé, à Marseille, en 1533, Catherine de Médicis.
A l'occasion de la mort de François I^r^ la ville fit cé-
lébrer un service funèbre en son honneur.
Peu de temps après la mort de son père, Henri I,
accompagné de sa femme et d'une nombreuse cour, se
mit en route pour la Champagne. Il prit la route de Sensi
puis s'arrêta au château d'Aix-en-Othe. Le 5 mai 1548,
il signe, à Aix, les lettres-patentes ordonnant, au Puy-
«n-Velay, la tenue des Grands-Jours. Le roi fait son
(1) C. 150.
(2) C. 159.
(3) Garuie de mais ou de feuillage.
400 mSTOIRE DE TROYES. 1S48
entrée à Troyes, le 9. La réception fut très-somp-
tueuse. Ce qui peut paraître bizarre, nou d'enthousiasme,
mais d'effet, c'est que les habitants de Troyes se vêtirent
aux couleurs du roi, c'est-à-dire de blanc et de noir(l),
et les femmes de vert et de blanc, couleurs adoptées
par la reine. Le séjour du roi et de la cour se prolongea
jusqu'au 11, jour où le nombreux et brillant cortège
se dirigea surBrienne (2). Le roi se rendait à Turin.
Dans le cours de cette même année, la duchesse de
Ferrare, Renée de France, seconde fille de Louis XII,
femme du duc Hercule d'Est, deuxième du nom; le duc
de Guise, Claude de Lorraine, gouverneur de Bourgogne,
et Louis de Lorraine, évêque de Troyes, viennent à
Troves. La ville leur rendit les honneurs dûs à de si
illustres personnages (3).
La solde des 50,000 hommes de pied donne lieu à un
impôt de 21,820 livres, levé sur les habitants de la ville
et des faubourgs, y compris les gens d'église, ayant pa-
trimoine sur le territoire de Troyes. Les quatre quartiers
de la ville sont divisés en seize gardes (4).
En 1548, disparut la porte Jaulme ou Jaune, placée
en face du cloître de Si-Etienne, au bout de la rue des
Trois-Pelits-Ecus. Cette porte tenait, au levant, à la mai-
son où mourut l'évêque Henri de Poitiers, dite Thùtel de
la Montée. Un procès soulevé entre les deux chapitres
de St-Pierre et de St-Etienne eut ce résultat. On sait
que cette porte faisait partie des fortifications primitives
ou gallo-romaines.
(i) Ces deux couleurs étaient aussi celles de Diane de Poitiers, U
maitresse du roi. H. Martin. Uist. des fr,, t. vni, p. 501.
(2) B. ; 132,134 - K. ; 8. Re-. de 151 folios, contenant les dé-
penses faites à l'occasion de l'entrée et du séjour, à Troyes, du roi et
de sa cour. — Semillard, t. m, p. 153.
(3) A. A. 44« carton ; i«c liasse , 94 pièces.
(4) Parmi les noms compris au rôle de cet impôt ou trouve celui
i548 CHAPITRE XVU. 401
Si, aujourd'hui comme en 1789, on recherchait les
preuves établissant la tenue d'Ktats provinciaux en
Champagne, la preuve surabonderait; car, aux assem*
blées déjà citées, dans le cours des XIV*, XV<^ et XVI^
siècles, il faut encore ajouter celle dont nous allons
parler.
Vers la fin de février 1548 (avant ï^àques), le roi écrit
aux Troyens et les invite à envoyer à Reims, près de son
heutenant-gcnéral, quatre députés choisis parmi eux,
afin qu'il leur soit donné connaissance ce d'aucunes choses
concernant le fait du gouvernement de la province. » Le
Conseil, pour les habitants, députe quatre de ses mem-
bres : Claude Mole, Nicolas Coift'art, Christophe Menis-
son et Denis Clérey, sieur de Vaubercey.
En mars suivant, ces quatre députés se rendent à
Reims, d'où MM. Mole et Coiffart font savoir, le 5 avril,
qu'il s'agit de créer une compagnie de -400 hommes
d'armes, destinée à habiter les villes franches de Cham-
pagne^ et dont l'entretien sera à la charge de la pro-
vince. Peu après, les quatre députés reviennent à Troyes
prendre l'avis des habitants. Le Conseil ne décide rien
au fond, mais, par voie d'incidence, il arrête que, < pour
avoir l'amour de M. de Bourdillon, lieutenant-général du
gouverneur, on fera présent, à lui ou à sa femme, de
belle toile de lin ouvré. :» En même temps, le Conseil
décide la convocation en assemblée générale, c des gens
les plus apparents de la ville et des gens du roi. >
Le 8, il est arrêté < que les habitants sont les très
p humbles et très obéissants sujets du roi, mais qu'ils le
> supplient très humblement que son plaisir soit de les
» garder et maintenir en leurs franchises, privilèges et
> exemption!;, selon qu'ils ont été de temps immémorial,
de < M* Charles Vacher, promoteur^ à Trt^es^ de l'inquisiteur de la
foi, » Il est taxé à 56 8. t.
III. 26
iOâ ilISTOIHE U1Ù TIU)YES. au»
* par privilèges à eux octroyés par lui et les feux rois
> ses prédécesseurs, que Dieu absolve 3> (1).
Tel est Tavis que les députés eurent mission de ^epo^
1er à rassemblée des députés de la province, tenue,
quelques jours après, dans la ville de Châlons. Tout fait
croire que cet avis fut celui de la majorité, car rien n'in-
dique la création de la compagnie projetée.
Vers le même temps, les délégués des cantons suisses,
se rendant au baptême de l'un des enfants de Henri II,
traversèrent la ville de Troyes (2.)
En 1548, la ville de Troyes compte trente maîtres et
ouvriers pâtissiers, au moins; ce nombre représente la
plus grande et saine partie de la corporation. Ces maîtres
font dresser les statuts de leur confrérie. — Le chef-
d'œuvre est exigé ainsi que le serment. — Nul ne peut
mettre en œuvre « chairs sursemées ni puantes, » sous
peine de dix sous d'amende, moitié au roi et moitié aux
visiteurs. — Même défense à l'égard des pâtés de pois-
son. — Les flancs ou flamets ne pourront être faits de
lait écrémé, et les tartelettes seront faites de bons fro-
mages. — Les rissoles seront de bon veau, de blanc de
chapon ou d'autres chairs blanches, et non de porc ; ce^
rissoles ne peuvent être vendues que le jour où elles sont
confectionnées et non le lendemain. — Les objets fabri —
qués avec de la mauvaise viande seront brûlés et les?-
auteurs punis d'amende arbitraire. — Les œufs seronK-^
frais. — 11 ne peut être exposé en vente de pâtés ré —
chauffes. — Les maîtres ne peuvent avoir qu'un apprenti^ —
— L'apprentissage sera de trois ans et l'entrée de cmc^
sous. -— Le nombre de valets est illimité. — Nul n
peut soustraire a: les chalands de ses confrères, ni porte
ni envoyer messages ni cédules (adresses ou prospee
(1) A. il.
{"2) A. A. 1^ «rarton, k" lia?p«\
1M8 CHAPITRE XVII. 403
tus) à cette fin. » — Les veuves pourront exercer le mé-
tier do leur défunt mari, en ayant un bon serviteur. —
Deux jurés, élus le lendemain de la fêle, sont chargés de
la visite. — Us sont renouvelés de deux en deux ans, de
manière que Tun des anciens reste avec le nouveau. —
Les pâtissiers ne peuvent Iravailler de leur métier aux
quatre fêtes solennelles et le jour de la Trinité, sans au-
torité de justice, à peine de vingt sous d'amende. —
Tout pâtissier ne peut avoir qu'un ouvroir ou boutique.
— Nul ne peut vendre de pâtisserie en ville, s'il n'est
reçu maître (1)
Les eordiers, au nombre de vingt-six, revisent leurs
statuts sous Tautorité du prévôt. Cette modification ne
touche guère qu'à des détails et ne change que bien
peu les statuts de 149S. La fabrique de la corderio, à
Troyes, paraît avoir une grande extension. Les marchan-
dises sont destinées au service de la marine (2).
Le travail des peaux s'est divisé. On compte, à Troyes,
quatre gantiers, qui, en 1548, demandent à réglementer
leur métier. — Le chef-d'œuvre est exigé. — Nul ne
peut fabriquer de gants s'il n'est reçu maître. — Les
gants et mouffles seront faits de cuir neuf, sans aucune
vieille étoffe, à peine de cinq sous d'amende. — Nul
gantier ne peut mettre en œuvre cuir de cerf ou de veau
si ce cuir n'a été passé à l'alun. — Ils ne peuvent les
* baudir » ni vendre pour autre cuir que celui dont les
gants sont fabriqués. — La vente est défendue le diman-
che. — Les gantiers sont libres de prendre leurs valets
et apprentis au nombre qu'ils voudront. — La corpora-
tion a deux maîtres-jurés (3).
(1) Blq. coram. mnsc. 1291.
(2) Blq. comm. mnsc 1291 — La viUe ne compte plus que huit
eordiers ; en 1492 elle en comptait 21. — La corderie de Troyes est
tenue en grande réputation.
(3) Blq. comm. manuscrit no 1291 .
iOi HISTOIRE DE TROYES. isig
Depuis un certain nombre d'années, des plaintes nom-
breuses s'élèvent contre les pratiques des clercs, notaires,
grefTiers et tabellions, qui, prétend-on, n'exécutent plus
Tancien règlement relatif à leurs honoraires. Pour mettre
un terme à cet état de choses, le maire, les échevins et
les habitants de Troyes présentent une requête collective
aûn de faire fixer le coût des actes, l'étendue du parche-
min sur lequel ils doivent être écrits et le droit à payer
pour les expéditions.
Les habitants se plaignent de Télévation de la taxe,
faite par Philippe-le-Bel, d'un denier pour trois lignes
d'écriture; de deux deniers pour la quantité de quatre à
six lignes. Ils énoncent que la ligne d'écriture est longue
d'un épan de mairie Tépan étant de neuf à dix pouces.
La peau doit avoir trois épans en carré ; les tabellions
prennent, par chaque peau, vingt sous au lieu de quinze,
et encore n'écrivent-ils pas sarrément. Les greffiers,
pour un appointement qui ne vaut que douze deniers,
exigent deux, trois et quatre sous, et, à ce prix, la peau
se paie plus de cinquante sous.
Ces plaintes sont accueillies par le Parlement, et, le
15 mai 1548, la cour ordonne qu'il sera informé, sur ces
faits, par le lieutenant-général au bailliage. Devant ce
magistrat, l'enquôle fut faite non par témoins, mais
par lettres et par titres, en présence de tous les inté-
ressés.
Le magistrat enquêteur, assisté de Marc Champy,
lieutenant criminel ; de Philippe Belin, lieutenant parti-
culier; et de Jean Deheurles, lieutenant du prévôt,
arrête le tarif des notaires et des greffiers habitant la
ville, ainsi qu'il suit :
Pour les titres qui se paient à la peau, la peau aura
trois épans à main, tant en longueur qu'en largeur, el
l'épan aura huit pouces de roi. La peau, ayant trois doigts
<lr lolo, conliondrn r.oix;jnt,^-ciiiq lignes, et au bout do
i548 CHAPITRE XVII. 405
chaque ligne, il y aura, de blanc, un demi-doigt, et les
mots seront sarrément écrits.
Le tabellion (ou ses commis), pour acte de vente ou
reconnaissance de dette de 20 1. 1. et au-dessous, pren-
dra 3 s. 4^ d. t.; si la vente excède 20 liv., il aura droit à
une obole par livre, jusqu'à 500 liv., ce qui donne 23 s.
t d. t.; et si la somme n'atteint pas 500 liv., il prendra
en proportion de la somme. Si, au contraire, elle excède,
il ne lui sera rien payé.
Pour acte de loyage (louage) ou d'échange, il aura
5 s. t.; s'il est double, 3 s. 4 d. par partie ; et, s'il y a
soulte, le tabellion aura droit aux oboles, comme il vient
d'èlre dit.
Lettre de cession ou de transport, 3 s. 4 d., lorsque la
somme n'excédera pas 20 liv., et, si elle excède, les obo-
les se paieront comme ci-dessus.
Pour donation de père à fils et autres actes qui sont
gratuits, 5 s. seulement, sauf à avoir égard aux écritures
et à l'étendue de la peau.
Procurations et substitutions, 3 s. 4 d.; procurations
spéciales, 5 s.; procurations collectives d'habitants, 10 s.
Les ridimus et autres actes dans lesquels en sont in-
corporés d'autres, 3 s. 4 d.; — les quittances simples,
2 s. 6 d.; — motivées, 3 s. 4 d. — Don mutuel simple,
« mais causé de plusieurs points, > 10 s. t.; double, 6 s.
8 d.; — loyage d'apprentissage, 3 s. 4 d.; — accensis-
sement (bail) perpétuel, de chaque partie, 5 s.; — bail
à une ou plusieurs vies, 5 s.; — reconnaissance faite par
des enfants en seconde ou troisième vie, à cause qu'il
faut narrer le contrat, 5 s.; — hypothèque ou censive,
5 s. — Approbamvs^ 2 s. 6 d.; — prise de bêtes, 3 s.
4 d.; — partage, 5 s.; — inventaire de biens au-dessous
de 20 liv.» 5 s.; au-dessus, en plus, obole par livre; — le
plus grand testament, 10 s.; un moyen, 7 s. 6 d.; le plus
petit, 5 s., sans prendre aucune obole.
406 HISTOIfVB IHB TJKOYES. 1540
Dans tous le» greffes, il sera perçu, pour toutes sen-*
tences écrites à la peau, vingt sou» par peao, -^ par sen-
tences simples, au bailliage, 5 s.; — à la prévôté^ 3 9.;
— par commissions simples, exécutions de lettres obli-
gatoires, entérinements de lettres-royaux et autres, au
bailliage, 2 s. 6 d.; à la prévôté, 12 d. — Délais ordi-
naires, élections de domicile, au bailliage, 12 d.; à la
prévôté, 6 d. — Commissions en matière possessoire,
5 s.; reliefs d'appel, 5 s.; — commissions portant appoin-
tement d'enquête, au bailliage, 2 s. 6 d.; à la prévôté,
12 d.; — compulsoire, au bailliage, 5 s.; à la prévôté,
2 s. 6 d.
Quant aux greffes des foires et autres des sièges par-
ticuliers du bailliage de Troyes et des bailliages des com-
tés, baronnies et châtellenies subalternes, les salaires
sont arrêtés sur les fixations faites pour le greffier du
bailliage de Troyes, excepté pour les mandements et
commissions des foires qui ne seront payés que 2 s. t.^
suivant fédit.
Le greffier de féchevinage et ceux des prévôtés et des
mairies subalternes, prendront les salaires sur le taux
fixé pour le tabellion de Troyes.
Ce règlement est donne sans qu'il soit dérogé aux
styles, usages et coutumes des lieux où l'on prend un
moindre salaire.
La proposition formulée par le lieutenant-général, à
la suite de son enquête, fut agréée par le Parlement,
qui la convertit en règlement et celui-ci devint loi pour
la ville et le bailliage de Troyes (1).
Le taux du coût des actes, fixé en 15i8, n'est guère
que la reproduction de la fixation contenue dans «: le
taux et ordonnance mis es tabellionnage au bailliage de
(l)Arch. muiu Ane. f. layette 38», 3c partie.
1^48 CHAPITRE XVll. 407
Troyes, » qui date du commencement du XVIe siècle et
peut-être même de la fin du XVe (1).
Malgré ce règlement, les habitants de Troyes ne se
plaignent pas moins, en 1555, des notaires et des gref-
fiers (2). Trois ans après, les plaintes se renouvellent.
Il y a même procès entre les notaires d'une part, et
d'autre part, les habitants représentés par le maire et les
échevins. Le Conseil demande que, comme à Orléans, la
ville, payant la moitié des dépenses et les notaires l'au-
tre moitié, il soit demandé au roi un édit général, pour
toute la France, ordonnant la réunion des offices des ta-
bellions à ceux des notaires. Cette demande était préma-
turée; elle ne devait être accueillie qu'au moins un siècle
après qu'elle s'était produite à Troyes et à Orléans.
Pour donner satisfaction aux habitants, le Conseil
propose de prendre, pour trois ou quatre ans, la ferme
du tabellionnage, moyennant une somme supérieure de
!^00 livres à la plus haute enchère. La ville perdrait cette
somme, c mais elle accomoderait le peuple, d
Enfin, en 1564, un notaire ayant délivré un acte en
brevet^ le fermier du tabellionnage se plaint de ce fait
qui lui porte préjudice Le Conseil de ville, au contraire,
profite de cette occasion pour présenter requête au Con-
seil privé, afin d'obtenir l'autorisation de faire délivrer
par les notaires, aux parties, en brevet ou copie, les
contrats qu'ils recevront : le tout « pour le soulagement,
profit et utilité des habitants. i> Le Conseil s'engagea
fournir aux frais de ce nouveau procès (3).
Odard Hennequin, évêque de Troyes, et Noël Coiffart,
lieutenant-général au bailliage, furent, en 1542, en qua-
lité de commissaires royaux, chargés de vendre les droits
de jurée levés pour le roi dans la ville et la prévôté de
(1) Q. 1«r ^Cariulaire.
(2) A. 12.
(3) A. \k.
408 HISTOUŒ DR THOYES. 1549
Troyes. CJirislophe Menisson, ccuyer, sieur de St-Aven-
iin, se rendit acquéreur de celte partie du domaine royal.
Cette première aliénation comprenait les droits levés sur
les lieux dont les noms suivent : Arcis, les deux Torcy,
Feuges, Villechétif, Viélaines, Laines-Bourreuses (au-
jourd'hui Rosières), Pouilly, les Maraulx, Villebarot, la
Charme de Pouilly, et partie de Preize, en ce qui est de
la justice du prieuré de St-Jean-en-Chatel; Argentolles,
Créney, Bouranton, la Chapelle-St-Luc, Barberey-Sl-
Sulpice, Barberey-aux-Moines, Mousson, Culoison et
Marnay, Lavau et la Valotle, Montgueux, Macey, Mesnil-
Vallon, Mergey, St-Sépulcre (aujourd'hui Villaceri*),
Froide-Rive, Chauchigny, Souligny, Doches, Rosson,
Assencières, Ste-Maure, Charley, Croncels, les grands et
petits Trévois, la Saute, la Burie, le Pont-de-Lart, Verdun,
la Renouillère, Sancey, le petit Villepart, Bréviandes, du
côté de Sancey; St-André, la tuilerie St-Michau, en ce
qui est de la mairie de Croncels. Cette aliénation opéra
un démembrement considérable de la prévôté de Troyes.
Le produit de la prévôté fut considérablement dimi-
nué.
En 1549, Henri H met de nouveau en vente une autre
portion du domaine royal.
Poursuivant l'application du prinei: c d'affranchisse-
ment qui, di'puis plus d'un demi-siècle, est continuelle-
ment mis en prati(|ue [>ar les administrateurs de la citô,
le Conseil de ville décide que les droits de jurée seront
rachetés dans leur entier, au nom de la ville, et que,
pour opérer complètement ce rachat, la ville agira «If
concert avec Christophe Menisson et la [>ortion qu'il
possède sera re|)rise par la ville.
Christophe Men.sson, se rendant aux vœux du Con-
seil, revend ce qu'il a acheté du domaine. Louis Guérin,
receveur des habitants, reprend pour la ville et sous
son nom, moyennant 410 liv. payées à Menissun, et
1550 CHAPITRE XVII. 409
107 liv. 10 s. t. payés au roi, les portions en question (1).
Ces aliénations du droit de jurée expliquent Tamoin-
drissement du territoire et de la juridiction de l'ancienne
prévôté, qui n*est plus composée, en dehors dé Tenceinte
de Troyes, que de quelques villages (2).
En 1548, le roi créa quatre offices de conseiller au
bailliage de Troyes. Dans cette création, le Conseil de
ville voit une nouvelle charge pour les habitants. Aussi
en poursuit-il la suppression. Ces poursuites sont cou-
ronnées de succès, car, en décembre de la même année,
ces offices sont supprimés. A la requête du maire et des
échevins, cet éditde suppression est enregistré au Par-
lement, « comme étant donné au grand et évident profit
de la ré jmblicq de cette ville » (3). Mais avant quatre
ans, le bailliage s'augmentera du personnel composant
le présidial, et qui ensemble arriveront jusqu'au dernier
jour de Tancienne monarchie, et administreront la jus-
tice dans toute Tétendue du bailliage.
En 1550, la ville achète aux forges de Oirey 76,000
livres de fer fondu, en boulets. Les forges de Vendeuvre
qui alimentaient, trente ans auparavant, son arsenal,
sont éteintes. La mine n'est pas épuisée, mais les bois
sont détruits.
On rebâtit à neuf le trésor de Thôtel-de ville, c'est-
à-dire la voxite sous laquelle sont encore déposées et
conservées les archives municipales (4).
(1) Arch. mun. anc. f. lay. 16^, 3« pièce. — Nouv. f. A. H.
{^) Voir le ressort du Bailliajj^e de Troyes en 1553. Coutumes du
bailliage, publiées par L. Legrand et Tétat de la prévôté de Troyes
en 4388 que nous avons donné dans la Prévôté de Troyes^ i868'i860,
11 ne reste plus, dans la prévôté, que Moulins, Mesnil-Lettre,
Aniance, Rhéges, Nogent-sur-Aube, Souleaux et Souligny Le nom
de ce dernier village figure cependant dans la libte des lieux aliénés
avant 1.')49
(3)A. il.
(4) B. 137. Le conseil municipal vient de voter son agrandisse*
ment, novembre 1872.
410 HISTOIRE DE TROYES. 1500
Les sergents des foires forment encore une corpora-
tion spéciale, représentée aux élections de la St-Barnabé
et à celles des fériés de Pâques. Mais bientôt cette cor-
poration, qui parait ne pas appartenir à Tordre judi-
ciaire ni en relever, va disparaître pour jamais, à quel-
ques années de là.
Claude de Lorraine, duc de Guise, mourut le 12 avril
1 550, après Pâques, étant encore gouverneur de Bour-
gogne. Il est enterré à Joinville, dans Téglise de Notre-
Dame. Bien qu'à Tavènement de Henri II, ses fils Téclip-
sèrenl, il prenait encore part à fadministration de la
province de Champagne, quoique, depuis longtemps déjà,
le duc de Nevers en fût le gouverneur .1*.
Claude de Lorraine laissait douze enfants, parmi les-
quels nous citerons ceux qui suivent et qui ont pris une
part plus ou moins active aux affaires delà \ille et de la
pnnince : FrofHyis. deuxième duc de Guise et gouver-
neur de Champagne: Charles, cardinal de Lorraine, ar-
chevêque de Reims ; Claude, due d'Aumale, qui forma la
branche de ce nom : Louis, cardinal de Guise, qui fut
évtSjue de Troyes, puis d\\lh\. archevêque de Sens.
êvèquo d Mol/. at'Sr dt S:-V ctor, et >uriu*mmé le Car-
i/r»î.;* ;:V.< hv::ri!=t< \^i : t^'y \*is «:e Lorraîne, chevalier
de Malîi\ ^rv^îui-pr?ei:r et i:êï:er.v vies galères de France;
liet.f, niafijuis. j'i::> vii:*. dK.leur: M'.irif, reine d'Ecosse,
femme «îe Jao :\:es Su:a:' V, mV. . rn premières noces,
a\a;! e:vi:>o L, \ s ri^riK.;: s ::o vie L- i;j:-:e\i'le. /îe^fi/r,
abbesso :o S; P 0 :•- 0. Rt ts: A't ir^ru, ahr-esse de
KariîUHii er. i : /.%:<?*. t;:us<\ tv. : rviiiit-rts r.oces, de
Rere. i^T'r.ve lî Orar^e. ti. ^v. ■ie.:\ èmes Dv-ces. «ie
Oh,^T*es de «^r». ' rr lue ôe Cr:r.\n-. inc d\Vr*sohot. Une
m
seiut ab-e î ,::>:tr .t:-:o ravtibvoa, ;e<jk coicme leur
1560 CHAPlTnK XVII. 4H
père, sur les afiîures de la Franco et spécialement sur
celles de la Champagne, pendant tout le XVl^ siècle.
Unis au parti catholique, ou plutôt à sa tête, cinq des
fils du premier duc de Guise, par leur ardeur à la lutte,
firent répandre une énorme quantité de sang français,
bien plus dans Tintérêt de leur race que dans celui de la
France ou du roi. Les guerres de religion, qu'ils fomen-
tèrent, étaient pour eux des luttes politiques à Taide
desquelles ils maintenaient leur influence.
I^armi les règlements de police, il y a lieu de rappeler
ceux qui sont diriges contre les cabaretiers et les taver-
niers. Les plaintes d'alors sont encore celles d'aujour-
d'hui. Les maris ou pères de famille mangent, dans les
tavernes et en un seul jour, le produit de leur travail de
la semaine. Bientôt se joindront à des mesures dictées
[>ar la morale, celles qui ont pour mobile la politique et
qui, sous un prétexte fort plausible, dérobe le véritable
motif Ces mesures de sévérité et ces plaintes se font
jour surtout alors que les langues se délient, que l'opi-
nion publi(|ue s'émancipe et que les conversations pri-
vées ou publiques prennent une direction hostile à l'au-
torité, au culte, à la religion. Mais le corps de Féchevi-
nage, doutant de refficacité de son pouvoir, invoque
rautorité royale.
Vers le même temps, est publié, à Troyes et à son de
trompe, un édit s.»mptuaire. Il est défendu de porter, à
l'avenir, du velours, du taffetas et de la soie, dans ses
habits, à peine d'une amende de dix marcs d'argent. Pour
assurer Texécution de cette ordonnance, le jour de la
St-Barnabé, dos notaires et des sergents épient, dit-on,
les gens qui tiennent les rues, afin de les surprendre en
état de contravention.
Le premier mystère aurait été joué à Troyes, en 1419.
D'antres furent joués dans le cours du XVe siècle, en
4i2 HISTOIRE DE TROYES. 15SA
1452, à Toccasion de la reddition de la Guyenne et dans
d'autres réjouissances publiques.
Le mystère de la Passion fut joué en 1482, probable-
ment pour la première fois, puis, presque chaque année,
pendant environ un demi-siècle, avec de grands prépara-
tifs, un fort grand luxe, et souvent après une proces-
sion à laquelle prenaient part les nombreux personnages
qui figuraient dans la représentation.
Les paroisses et l'échevinage prenaient souvent part à
la dépense.
Le mystère de la Passion était divisé en trois parties
ou journées, représentées, le plus souvent, trois diman-
ches consécutifs; et, pendant le jeu, des mesures de
police fort sévères étaient prises contre les vols et les
incendies ; les portes de la ville étant fermées ou au
moins gardées.
En 1531, la ville invita le roi et la reine à la repré-
sentation de la Passion. Ils ne vinrent pas, mais le gou-
verneur de Champagne y assista avec un de ses fils et
leurs officiers.
A cette époque, on joua aussi : la Vengeance de la
Pn,ssion, pièce à grand spectacle; le jeu des Fraudes de
saint Shnéon, le jeu de la Sle-Uoslie, ceux de Saint Loup,
de Sainte Catherine^ de Sainte Jule et du Sage Salomon;
ces représentations étaient données, le plus souvent, sur
la place du Marché-au-HIé, quelquefois dans les cloîtres
ou couvents, à gagne-petit, c'est-à dire que les assistants
payaient un douzain.
Vers 1540, il existe, à Troyes, une confrérie de la
Passion, et une autre dite la Sotte-Bande. Celle-ci jouait
des sotties et des diableries^ nom substitué à celui de
mystères. F^lle avait son prince. Cette dernière parait
avoir pris fin vers 1550, c'est-à-dire au commencement
des troubles religieux. Kn cette année et pendant Tété,
la Sotte-P»ande aurait représenté le jeu de Sainte Cathc
1550 • CHAPITRE XVII. 443
fine, celui de Sainte Jule et celui du Sage Saloman (1).
En 1545, et sans doute dans les reconstructions qui
suivirent l'incendie de 1524, on taille dos images saintes.
On les place sur les façades des maisons reconstruites
ou réparées. Mais la réforme en fit détruire un certain
nombre.
L'exhibition de ces images, placées sous les yeux de
tous, avait pour but d'exciter la piété des passants, et,
au XVle siècle, d'indiquer la religion pratiquée par le
propriétaire ou par les habitants et de protester publi-
quement contre les nouvelles doctrines. Mais dès cette
époque, il est employé un moyen plus saisissant pour
frapper l'esprit des gens : ce sont les processions géné-
rales ou fraternelles, souvent répétées. Dès 1550, ces
cérémonies sont très fréquentes. Elles le deviennent
d'autant plus que la lutte devient plus vive.
Louis de Lorraine, Agé de vingt-trois ans, ambitieux
comme son père, et peu scrupuleux sur les moyens de
parvenir, quitte le siège de Troyes pour devenir abbé de
St- Victor de Paris, et peu après évoque d'Alby, siège où
il remplace son oncle, le cardinal Jean de Lorraine.
A l'abbaye de St-Victor, il succède à Antoine Carracciole,
fils de Jean, prince de Melphe, maréchal de France, et
Antoine Carracciole vient occuper le siège épiscopal de
Troyes.
Dès l'âge de dix-huit ans, Antoine Carracciole s'aban-
donnait à tous les plaisirs de la jeunesse. Il dissipa, dans
le luxe et les excès, un riche patrimoine. A bout de
ressources, il se réfugia à la Ste-Beaume de Marseille,
puis se fit chartreux à Paris. Regrettant la vie facile qu'il
avait abandonnée par contrainte, il se fit, au moyen
d'intrigues, nommer abbé de St-Victor de Paris. C'était
(1) BoL'TiOT. Recherches sur le théâtre à Troyes auxvsâèle,
M. DCCCLIV.
41-1 mSTOBE. PC TKOTES. , §550
un ese««tefi^ afti>vr!i i-r r^u:*' .* m» attires finaoeîèrefi et
m
recoaquefir si Ibertc p^f«iue li prit possession de cette
heu abbaye, ir iâ t^^re? 1544. Pendant son abbaliat,
ii eut de 5<rPieiiif:s dir^-^uîtr^^ avec ses religieux.
•juaQi lu >Ç'-n:uci. CarrA^:oi«:4e. étant abbé de Sl-
Viotor e: ivin: i-^ :j.rc: zru? là chaire, avança, comme
pr«r4iicateu:. :ue^^ue> fr: .-i-îiLiiiris peu orthodoxes. II en
fut reprii; j-:r< j Kicc^^â de ^juitter la religion catho-
lique. Mdis -i ;i.\ serjrt "j:te, il c^mvoita un évéché
d^iï< le but de p^che: ^vvc encore plus de liberté,
n perîi;.;:^ avec L:u:> de Lorraine et fut sacré évoqua
daiiî L'ibbjve iiit-aie de S:-V;otor. le 15 novembre 1550.
Il portai: u::e ..'^'^^ rar>:. usa^e contraire à celui qu
pratiquait /e^ .se de Trcyc-f. qui ne voulut pas le rece
\oiT avant que sj barce i'A ccupèe. Une lettre écrite pa^
le r\;»i au Cha^::re. .e :2T roveoibre 1551, leva rcbstacl^
à l'aide d'un su": :er:Ui>:\ et •'arracciole garda sa barbe
Le Chapitre se deoidi er.t^ri à recevoir son nouvel évêque — ^=
qui fit >*:n entrée >•: lennelle. a\cc le cérémonial accou-
tumé, le 13 décembre suivant.
Aux fêtes de N.-rl qu; suivirent son installation, Car-
racoio'e pi^^o: i d.-us .\y: s-: ic S:-P:erre. L'assistane»
aurait v\k :e.ic::.:r: :.:..::-. js- et bru\ante que son ser
m^:'n aura:: -::<: :-v. t:::e: :.: Le lo janvier suivant, î
assista à ui-e gr.-.r.i- r:: oessi.r. des pauvres (ceux-
etar:: au ii:::.::e de o.*>X^ -::;v.:o:i . Le nouveau préla
ne s étant pas c :.::::.- au Lcrx::noîûal du diocèse, 1»
Châritre de S:-l\t::e ..:: s.^r.:f:a d'av»:»ir à s'v soumettr»
à laveiii:.
Carraoo.ole iiêj'.ut au c.cr^e deTroyes et à une parti»^
de la population Sa cor :u::e anît-rieure, ses change
ments d'ctat et «io f rotVssio!:. sa dssipation, son langage* '^
qu. n'est p.. in: ort'r.j.ioxe. ai-^^stent. chez ce prélat d'ori
g:ne ilalin^-r.i.e, de> iiab: :udes peu régulières. Ses seii -^
sont éve'!!ê> par une saîisfaoîi ":: a! usive dès sa jeunesse •
1560 CHAPITRE XVII. 415
il ne sait pas, quoique prince de Té^lise, les refréner,
les dompter, ni même leS masquer. Appartenant à la
classe la plus élevée de la société, il en a les habitudes
et les vices. En ce temps d'excessive liberté, il ne sait
imposer aucune borne à ses besoins, comme à son lan-
gpage, comme à ses doctrines. Homme léger, inconsé-
quent dans ses actes, il passe, quoique évéque, des doc-
trines catholiques aux idées de la réforme. Cet évéque,
flottant dans ses actes comme dans ses paroles, ne lais-
sera de son passage sur le siège épiscopal de Troyes,
qu'un triste souvenir. Par son caractère sans fixité, par
sa conduite irréfléchie, il jette, à l'aide de son grand
talent d'orateur, le trouble dans son diocèse, où les
esprits, même les plus fermes, les plus convaincus et les
plus droits, sont fortement agités par les idées nou-
velles.
Le diocèse de Troyes avait à peine vu son évéque,
Louis de Lorraine, et il tombe entre les niains de Carrac-
ciole. Son troupeau est déjà fort divisé, il le deviendra
bien plus encore sous son épiscopat. Le doute a pénétré
bien des âmes honnêtes. La réforme en est arrivée à ce
point où la scission n'est pas entière. Des prêtres catho-
liques professent quelques-unes des doctrines nouvelles,
tout en restant attachés à leurs fonctions. Bien des
évêques se déclarent partisans des idées réformistes. Le
raccommodement est sinon possible, au moins peut-on
encore l'espérer. Les prêches ne sont pas encore ouverts.
La masse du clergé ne veut pas abandonner son passé.
11 tient à ses traditions anciennes, et, s'il a renoncé à
quelques abus, il ne cède que sur quelques détails de peu
de valeur.
Les idées nouvelles se développent, elles se répandent
même à la campagne et surtout dans la contrée d'Othe,
dont la population possède, avec un esprit vif et actif,
un ardent amour de la nouveauté. Le Chapitre de St-
il 6 HISTOIRE DE TROYES. {550
Pierre porte plainte contre plusieurs habitants de Ville-
maur qui avaient adressé S un prédicateur cordeiier,
€ des questions trop curieuses, » touchant la prédesti-
nation et le purgatoire, et qui lisaient des livres condam-
nés (1). Il en est de môme à Troyes. Au retour d'une
procession, M« Jean Lécolier est placé sur un petit écha-
faud édifié devant le portail de la Cathédrale, et là il fait,
pour cause de ses doctrines, amende honorable, ayant
une torche de cire à la main (2).
Les proviseurs de l'aumône générale prennent au sé-
rieux les fonctions qu'ils exercent. Ils sont autorisés à
appliquer un nouvel édit donné par Henri II, pour la
ville de Paris, et, peu après, le maire et les échevins
ont fait travailler les pauvres vahdes à des œuvres pu-
bliques et surtout aux fortifications.
La récolte de 1550 est peu abondante, et Tannée sui-
vante est malheureuse. Les grains sont en partie per-
dus par les pluies. Des inondations d'été causent des
ravages dans la vallée de la Seine, et les digues de St-
Julien sont emportées par les eaux.
Des recherches exactes sont faites chez les habitants,
pour reconnaître les quantités de grains qui sont dispo-
nibles. Le duc de Nevers prescrit des mesures fort sévères
en ce qui concerne la circulation des blés (3). Il est
question d'édifier des moulins à vent sur les remparts et
sur les plates-formes, et des moulins à eau dans les fossés
de la ville, et pourtant f les vieilles bandes » tiennent la
campagne sous le commandement du duc de Bourbon-
Montpensier (4).
(1) Semillard, 3 aviil 1551.
(S) Mnsc. de M. Millard, déjà cité.
(3) A. A. 30« carton, 2o et 3« liesses, 412 pièces, relatives aux dé-
clarations faites par écrit et par chaque habitant des crains qu*ii a en
sa possession.
(i)B 138.
1561 CHAPITRE XVIL il 7
A celte occasion, un recensement de la population est
opéré. La ville contient 18,^85 personnes, en comptant
cinq individus par ménage, représenté par un homme
de fer ou un homme de pourpoint. A ce compte, la ville
aurait renfermé environ 3,000 hommes en élat de porter
les armes. Dans ce nombre, ne sont pas compris les
pauvres valides et invalides, qui ne sont pas moins de
3,057, si^ns compter de six à sept cents pauvres valides
allant et venant (1).
En juillet 1551, la reine d'Ecosse, Marie de Lorraine,
femme de Jacques Stuart V, et fdie de Claude, premier
duc de Guise, fait son entrée à Troyes (l2).
En janvier 1551 (v. st.), édit de création des Prési-
^1) Nous comprenons peu ce chiffre de 3057 pauvres valides et in-
valides si, dans ce nombre, ne sont pas compris les enfants et les
femmes, qui ne peuvent se livrer h aucun travail professionnel.
DETAIL PAR PAROISSE.'
St-Jean 650 feux
SJ-Panlaléon et St-Nicolas 134
St-Nizier 634
St-Avenlin 410
St-Remy et St-Frobert 462
St-Denis 230
Ste-Madeleine 2H
St-Jacques-aux-Nonnains 326
3Ô57
<%
On sait que Téglise cathédrale et les églises collégiales n'avaient
aucune circonscription paroissiale, sinon le personnel qui leur était
attaché.
La population est donc ainsi répartie :
Habitants domiciliés 18,285
Pauvres et invalides 3,057
Pauvre.s, allant et venant 700
Population des hospices et maisons reli-
gieuses estimée à 500
En tout 22,542 inv.
Ane. f. Liasses dites des blés.
(2) B. 138.
m. 37
418 lllSTOmE DE TïlOYES. inM
diaux, enregistré le 15 février suivant. Cette création fut
un bienfait dans l'administration de la justice.
Cette création permit aux justiciables d'avoir justice
en dernier ressort sur le plus grand nombre des contes-
tations, sans avoir recours au Parlement et sans dépla-
cement ruineux. Elle mit ainsi la justice plus facilement
à la portée de tous.
Le présidial créé à Troyes s'incorpore au bailliage, qui
conserve ses anciennes attributions, en ce qu'elles ne
dérogerit pas à l'édit de janvier 1551.
Une assemblée générale des habitants de Troyes, est
tenue, le 21 mars 1551 (v. st.). Là se trouvent réunis
l'avocat et le procureur du roi, le maire, les écbevins,
les conseillers de ville et les corporations des arts et
métiers; ils délibèrent sur Texécution de Tédit et sur les
moyens à employer pour subvenir au paiement des gages
des officiers de nouvelle création, fixés, par an, en somme
à 1,500 livres, et en plus à 100 livres par an à chacun
des conseillers. Cet édit, accueilli avec une grande fa-
veur, autorise la levée d'un subside sur le sel vendu aux_
greniers compris dans le ressort du nouveau tribunal,
qui n'est autre que celui du bailliage; ce subside ful^
assis par les habitants eux-mi^mes. Si la levée de cet^
impôt donne une somme supérieure aux gages à payer^
le surplus doit être appliqué aux fortifications.
Tous les assistants, « donnant louange à Dieu de 1 or-
dre et bon voulloir du roi, » sont d'avis d'assigner la
somme nécessaire sur les greniers à sel de Nogent-sur—
Seine, de Villemaur, d'Arcis, de St-Florentin, de Joigny^
de Bar-sur-Seine et de Mussy, tous compris dans le res-
sort du bailliage, et, dans chacun desquels il sera levé?
12 d. parisis sur chaque minol do sel vendu. L'assem—
blée délègue ensuite ses pouvoirs à Philippe Belin, lieu—
tenant particulier, ol à Denis Clércy, sieur de Vaubercey»
lS5t CHAPITRE XVII. 419
afin d^obtenir du roi Tapprobation nécessaire pour faire
exécuter cette résolution.
Henri II, par sa lottrc du 3 mai 1552, approuve cette
résolution et en ordonne roxéculion.
Le 8 juin sui>ant, une coniinission, composée démem-
bres du Parlement et présidée par Charles de Dormans,
installe solennellement la nouvelle juridiction.
Le présidial de Troycs est composé, à lorigine, de
deux juges ou présidents et de huit conseillers. Les deux
présidents sont : MM. Noël ou Nicolas CoifFart et Philippe
Itelin; MM. Yves Feloix, Claude de Villeprouvéo, Nicolas
Loclerc, Jean DauUruy, Antoine Huyart, Thomas Bazin,
Nicolas de PIcurres et Poî^tel, sont les premiora con-
seillers au baillia^^e et siège présidial (i).
François de Clùves, duc de Nevers, gouverneur de
Champagne, obtient, en janvier suivant, la distraction du
ressort du présidial de ses deux belles seigneuries d'En^y
et de St*Florentin. Les appels des jugements rendus par
les juges de Beaufort (aujourd'hui Montmorency), Larzi-
court, Céant-en-0(he (aujourd'hui Uérulles), Dannemoine,
Ervy et St-Florenlin, continuèrent à être portés directe-
roeni et sans moyen au Parlement de Paris (â).
Quoique Mussy soit compris, à 1 origine, dans le res-
sort du présidial de Troyes, il est de suite réclamé
comme faisant partie du bailliage de Sens, où il est tou-
jours resté. 11 en fut de même de Gyé-sur-Seine et de
Vitry le-Croisé ; Saint-Mards resta du baillage do Chau-
mont.
Les officiers royaux et ceux de la ville de Troyes, à
Toccasion de la distraction de Tancien ressort des villes
(i) L'installation du présidial, par une commission issue du Par-
Itment, a fait croire à certains annalist s qu'en 1552, il y avait eu
session des Grands-Jours. C'est une erreur.
(2) Le P. Anselme. Hist.gânéalog. de la maison de France^ t.
lu, p. 4i8.
430 HISTOIRE DE TUOYES. 1559
sus-nom niées, deman^Ièrcnt la suppression des bailliages
de Sens, d'Auxerre, de Chauniont-en-Bassigny, de Vilry,
de Provins et de Sézanne, « afin de décorer et rendre
> plus considérable le siège de Troyes, ville principale
> et capitale de la Champagne. » Cette demande, qui ne
tendait à rien moins qu à faire, du bailliage et siège
présidial, un parlement au petit pied, demeura sans
effet (1).
Bien que l'impôt sur l'entrée et la sortie des marchan-
dises remonte au moins au XIV^ siècle, il n existait pas
de juridiction spéciale connaissant des difficultés qui
s'élevaient en cette matière. Henri H institua, en 1551,
un tribunal spécial dit les Traites foraines, et le plus sou-
vent les Traites, Cet impôt est aujourd'hui perçu par
l'administration des douanes. Henri fixa les droits de
traite à deux, savoir : le domaine forain et la traite
foraine. Le premier était de huit deniers pour livre, sur
toutes les marchandises, et la seconde de douze deniers
pour livre. Les impôts levés en Champagne, sous le nom
de hauts-passages, de rare, ravène, etc., étaient compris
dans les traites foraines. La juridiction des Traites ou de
la Foraine, fut inslalée, à Troyes, le 23 mai 1552 lâi.
En septembre 1551, un sieur Bourguignat est autorisé
par Téchevinage à élargir, à ses dépens, le canal qui
commence en face du moulin de la Pielle et porte ses
eaux dans le rupt Cordé (aujourd'hui bassin du canal de
la Haute-Seine).
Le 23 août 1551, Henri II demande à Téchevinage un
moulin pour battre et fabriquer de la poudre à canon.
Bourdel s'installa au moulin de la Rothière, qui prit les
noms de moulin Bourdel ou moulin à poudre à canon (3).
(4)N. f. A. 11 ; B. 138. — a. f. layette 45. — Courtalon. Topo-
graphie, t. ii, p. 3i3, 366.
r2^ A. 11.
(3) A. A. 8^' carlon, 1»"^' liasse, 1551-15rî8.
ibSt CHAPITRE XVII. 421
En 1556, le maire et les écheviris font rétablir le
sureau de ce moulin. Bourdel se fâche : il menace les
officiers de la cité de les brûler, s'ils viennent à son
usine. Le maréchal d*Estrées, grand-maître de rartillerie,
interpose son autorité, et la fabrication de la poudre fut
continuée à ce moulin, pendant un certain nombre d'an-
nées. En 1634, il porte encore le nom de moulin à pou-
dre à canon, et cette poudre y est encore fabriquée (1).
Néanmoins, en 1508, on bat de la poudre à canon au
moulin de la Planche-Clément.
Vers le même temps, des habitants fabriquent cette
sorte de poudre dans Tintérieur de la ville. L'un d'eux est
établi près de l'église de St-Jean et dans une maison
sans cheminée (2).
La guerre est imminente, vers la fm de Tannée 1552.
Le roi réunit une armée en Champagne, entre Chàlons
et Vitry. 11 donne la régence du royaume à Catherine de
Médicis. L'échevinage met la ville en état de se défendre.
L*artillerie, les armes de toutes sortes, les munitions
sont visitées. L'cvêque Carracciole est prié de donner
son avis sur les précautions à prendre et de désigner,
parmi les membres du clergé, quatre personnes t de
bonne expérience et diligence, > afin de composer avec
huit notables citoyens laïques, une commission chargée
(le faire exécuter une ordonnance nouvellement rendue
pour la garde de la ville (3). En effet, le 27 octobre, dans
une assemblée générale tenue à Tévôché, il est pris d'ur-
gence des mesures pour la garde de la ville, les travaux
des fortifications, Tapprovisionnement en munitions de
guerre et en subsistances, « à cause du bruit qui couroit
» que, dans trois jours, l'empereur Charles, qui lors as-
(1) Ane. f. liasse \% Pièce 407.
(2) A. il.
(3) A. 11-15.
422 HISTOIRE DE TROYES. i5St
> siégenil Motz, devoil ae saisir des fronlières de Cham-
> pajçne avec une grande année (1). t
En novembre, sur l'ordre du roi, Tochevinage fait pro-
céder, en ville, au recensement dos hommes âgés de
dix-huit à quarante ans, en état de porter les armes. Le
roi demande Tinvenlaire des armes que possède la
ville (2). Il se met en devoir de profiter du traité qui Tau-
torisait à occuper « les villes iuipériales de langue
» welclio. * Henri II et son Conseil portent plus loin
leurs espérances. Ils comptent reprendre € toutTancien
• royaume d'Austrasic, héritage des Francs, » et ne
s*arrôler que sur le l\hin. La nation, sympathique à cette
idée, alors comme aujourd'hui, répond avec enthou-
siasme, à rappel du gouvernement. « Toute la jeunesse
• des villes se dérobe de père et mère pour se faire en-
» rôler; les boutiques demeurent vides d'artisans, tant
> est grande Tardeur, en toutes qualités de gens, de
• faire ce voyage et de voir la rivière du Rhin (3). •
A Toccasion de la crainte de celte guerre, le curé de
Joinvillc envoie au Chnpitre de Sl-Pierre les objets pré-
cieux de son église, qui ne lui furent renvoyés qu'au mois
de février 155^ i v. st.-
Pour saîisfaire aux dépenses qu'entraînent ces prépa-
ratifs de ^^uerre, Henri 11 aliène une nouvelle [)artie du
domaine. Un édil royal du 11 mars 155:2 [\\ st.) impose
les fabriques paroissiales et les joyaux des églises. Cet
impôt, dit des clochers, était une taxe de !25 livres par
église : les joyaux étant imposés à part. Les maladreries
sont com[)riscs dans le rôle, et celle de Troyes paie une
somme de 5î{ liv. 15 s. Les fabriques délivrèrent un état
des joyaux qu'elles possédaient (1).
(l) SÉMn.LARD, l. I.
^'i) A. A. 14c carton, 2^ liasse.
3; H. Martin. Hist. des Français, t. viu, p. 412; diaprés les
mùmoires dr VicHlevillc. — H. i»E HoriLi.K. Hist. des Ducs de Guise,
{{) Aroh d*'»p. G. f. de Vcvcchc de Troyes, 535ctfiuiv.
lôôi CHAPlTHt: xvu. H3
A cette époque, Louise de Clermont, duchesse d'Uzès,
conilesse de Tonnerre, demande au Conseil de prêter le
nom de la ville de Troyes, afin d'obtenir du roi rautori-
sation nécessaire pour rendre navigable la rivière de
Laignes jusqu'à Bar, puis la Seine, de Bar jusqu'à Troyes.
Le Conseil de ville, en raison de l'avantage que la ville
peut espérer, accède à sa demande (1). Le flottage sur là
Laignes et la Seine, est en pleine activité. Les bois des
forêts de Maulne, de Cruzy, de Pimelles, etc., dépendan-
ces du comté de Tonnerre, sont envoyés à Paris par
cette voie. En 1552, on craint que les bois flottés ne
démolissent les vannes tranchines.
La ville de Troyes est traversée par une ambassade
turque se rendant près de Henri H. La ville rend à cette
ambassade les honneurs habituels et la défraie de ses
dépenses (2).
L'échevinage dirige un procès contre les bouchers qui,
de leur propre autorité, ont imposé une taxe sur tous
les bestiaux tués à l'écorcherie (3).
Les processions sont fort à la mode au XVIc siècle.
Ces solennités sont célébrées pour implorer le ciel dans
les grandes calamités publiques, pour exciter à la dévo-
tion pendant les querelles religieuses, et aussi afin d'ob-
tenir des secours en faveur des pauvres. A la sollicitation
des proviseurs de l'Aumône générale, le 31 janvier 1552
(v. st.), une procession a lieu ; les pauvres y assistent
au nombre de 3,072, portant sur l'épaule une marque
particulière. Leur réunion se fit à l'abbaye de St-Loup,
d'où ils se rendirent à St-Pierre. Là, « de peur qu'ils ne
défaillissent, > on leur donna à chacun une michette.
Au retour, il y eut sermon, puis quôte.
(1) A. 11.
(-2) B. 139. CL Hatton indique, en 1562, le passage d'une autre
ambassade turque à Troyes et à Nogent.
(3) B. 139.
4S4 HISTOIRE DK TROYES. ^553
En 1553, le lieulcnant-gcnéral, Noël Gooifart; ruvocat
du roi, François Escarlate, cl le procureur du roi, Nico-
las Boucher, dressent, en exécution de lettres-royaux du
29 mai, un état du ressort du bailliage, comprenant tous
les siégea royaux, les noms des villes où ils se tiennent,
ceux des villes, villages, paroisses, lieux et hameaux qui
en dépendent, les justices royales et non royales assises
audit bailliage et. ancien ressort, dont les appellaticms
sont portées au Parlement de Paris, ainsi que les noms
des villes, villages, paroisses, lieux et hameaux qui relè-
vent des justices non royales.
Ce document constate qu'il existe à Troyes les juridic-
tions suivantes :
Premièrement, Comme juridictions royales :
Le bailliage et siège présidial de Troyes, tant civil que
criminel;
La prévôté de Troyes, qui, alors, ne comprend plus
que les villages de Molins, Mesnil-Lettre, dont les habi-
tants sont bourgeois du roi ; ceux d*Amance, de Rhèges,
de Nogent-sur-Aube, de Souleaux et de Souligny (1) ;
La conservation des (bires ; — Téchevinage ; — Télec-
tion ; — les eaux et forets ; — la foraine ou les traites (2) ;
— la prévôté de la monnaie; - le grenier à sel : toutes
juridictions rovales.
Deuxièmement. Comme justices seigneuriales, la ville
renferme les sièges tenus par le bailli de Tévéque ; — le
chambrier aux causes de l'oglise de Troyes; — la grande
mairie de celle môme église; — le chambrier aux causes
de l'église collégiale do Sl-Elicnne ; — la grande mairie
(t) Voir plus haut, en 1549, l'aliénation des droits de jurée de ]<i.
Prév(Mé on faveur de la vilie de Troyes. Cette aliénation eut i>our
conséquenco directe de faire sortir de celle juridiction les habi-
tants des lieux y indiqués et par conséquent de les mettre en dehors
de ladite Prévôté. Pour rancien ressort, voir : BouTlOT. La Prévôté
royalr de Troyes^ ÎSCiS ISOÎK paye 20.
(•2) Etablie seulement en mai 1ô52.
1553 CHAPITRE XVII. ^25
de celle collégiale ; — le bailliage de Sl-Jean-en-Châlel ;
— la grande mairie de Tabbaye de St-Loup ; — le garde
de la justice de la commanderie du Temple ou de Sl-
4ean-de-.Iorusalcm; - le garde de la justice de l'abbaye
de Monlior-la-Celle; — la grande mairie de Notre-Dame-
aux-Nonnains ; — la grande mairie de THôtel-Dieu-le-
Comte.
Troisièmement. En dehors de Troves, onze mairies
royales, savoir : celles des Noës, de la Grand'Rivière
(rive droite de la Seine, du Pont-Ste-Marie à Sle-Syre),
de Chaillouel, de Preize, de Croncels, de la Barbuise, de
Docbes et de la Croix-do-Doches, de I^aubressel, de
Lusigny, d'Onjon et de Bouy, enfin d'Aillefol (aujour-
d'hui Gérodot).
Quatrièmement. Vingt-neuf châtellenies, qui sont
celles d1le-Aumont, de Chaource, Villemaur, Maraye,
Payns, St-Phal, Chappes, Vendeuvre, Bligny, Meurville,
Spoy, Fonletle, Chacenay, Traînel, Marigny, Bourdenay,
Jully-le-Châlel, Jaucourt, la Grève, Joigny, Précy, Césy,
la Forlé-ln-Loupliùro (ressort de Joigny), et la Ferté-la-
Louptière Me Tancicn manoir de la Coudre), St-Maurice-
en-TliirouailIc, rile-sous-Monlréal ; les chAtellenies d*Kr-
vy, de St-Florentin, de Chaniplost, de Sormcry, deCour-
san et dcMaligny (du ressort de St-Florentin), ('éans-en-
Othe (aujourd'liui Uérulles), cl Dannemoine.
Cinquièmement. Six sièges particuliers où le bailli
de Trovos entretenait on onvovail des lieutenants, savoir :
Ahîry-sur-Seine , Viro\ -sous-Bar , Rumilly-lès-Vaudes,
Vauchassis, Nogont-sur-Scine et Pont-sur-Seine (1).
(1) Les Commentaires sur la coutume du baiilage de Troyes, par
P. Pilhoti et par Louis Legrand, contiennent cet état in extenso.
Ce ilûcumcnl est d'une jrrande importance géographique ; seulement
l'orthographe des noms de lieux est loin d*«5tre correcte même pour
la date à laquelle il appartient.
Un ôtat dos llefs et arriôre-fiefs du bailliage de Troyes est publié
par Gourlalon, dans sa Topoyraphie du diocèse de Troyes, t. ii, p.
4S6 HISTOIRE DE TROYES. 15^
Jusqu'alors et encore quelques années après, le bail-
liage tint ses audiences en Tauditoire, situé place de
l'Etape-au-Vin (aujourd'hui : de la Banque), au coin de la
rue Juvcnal-des-Ursins ou des Groisettes, donnant rue
du Chaperon, et qui servait aussi à la prévôté. Le prési-
dial s'installa dans Tancien palais royal. En 1555, Téchc-
vinage demanda que ce Iribunf.l, de récente création,
tint ses audiences au même lieu que le bailliage, ainsi
que le désiraient les marchands, les bourgeois et les pra-
ticiens. Ce fut le contraire qui arriva ; Tancien auditoire
fut abandonne et la justice bailliagère alla prendre son
siège, avec le présidial, au palais royal.
Le jour de la Pentecôte 1553, le Provençal (sans
doute Louis le Barlier, seigneur de la Roche-sous-Bar-
buisc, que Tabbé Haton représente comme un pillard et
un despote détesté dans le pays), est assassiné dans
Téglise de Karbuise, à coups d'arquebuse, ainsi que son
serviteur. Des gentilshommes qui raccompagnaient et
les habitants du pays, saisis d'effroi, laissent fuir les
meurtriers. Le Provençal expire après avoir reçu les
sacrements. Ce double assassinat se rattache aux événe-
ments généraux de l'époque (1).
L'année 1553 parait dirricile à passer par suite des
mauvaises recolles. Kn août, on commence * les cher-
ches de grains. > Le maire estime que la consommation
des liabilanls ost de 81 muids de blé par semaine (2).
L'échevinage fiiit exécuter certains travaux sur les
348 et suiv. Il aurait ité dressé on exécution de lettres de François
I^r, du 17 avril 15i0. Cet état, outre qu'il nous paraît incomplet, n'a
pas la clarté de celui de 1553. Il nous semble erroné sur bien des
points, non du chef de Courtalon, mais de celui de copistes inexpé-
rimentés.
(l) Cl. Hatton. l/éi/ioir«, p. Ire.
{^1) A. A. 31» carton, l'c liasse.
1554 CHAPJTRB XVIÎ. 427
roules Ipaversani le territoire de Pant-Sle-Marie, afin de
faciliter • le passage des postes du roi (1). »
I^*Fltat considère que les cens et renies non racheta-
bles sont des entraves qui grèvent les propriétés. Dans le
but de rechercher et d'étudier les moyens qui pourraient
être employés à libérer les immeubles de ces charges, le
roi ordonne, en août 1553, de recevoir, à Thôtel-de- ville,
la déclaration des cens et rentes non rachetables. Ces
déclarations originales existent encore aux archives mu-
nicipales (^).
Gérard Viarre, peintre < fait un portrait » ou plan de
la ville, sur parchemin. Ce plan est précieusement mis
au trésor. On veut éviter qu'il ne tombe aux mains d*é-*
trangers ou d*ennemis (3).
Le roi demande à emprunter aux habitants une
somme de 25,000 liv., et au clergé du diocèse celle de
13,252 liv., remboursables en deux termes, qui n'excé-
deront pas six mois. Semblables demandes sont faites en
1555, pour 10,000 liv., et en 1559, à deux fois, pour
54,000 liv. (4).
En 1554, il y a un demi-siècle que la corporation des
bonnetiers a pris rang dans l'industrie Iroyenne Après
s'être constituée, elle s'augmente en nombre et en im-
portance. Les suppùts de celte confrérie demandent, en
155i, à modifier leur ancien règlement. La discussion se
prolonge jusqu en 1554. Le G janvier de cette année, le
bailliage arrête de nouveaux statuts, après avoir entendu
les observations des gens du roi.
Le chef-d'œuvre et le serment sont prescrits. Ils ne
Tétaient pas en 1505. Les élections de deux maîtres-
jurés se font le lendemain de la Nativité de la Vierge. —
(1) A. A. 22» carton, ire liasse.
(2) Â.rch. mun. liasse spéc. et Seshllard, t. m, p. 163.
(3)1^.-141.
(4) A. A. W* carton ; 1« liasse.
428 HISTOIRE DE TROYBS.
1554
Les élus prêtent leur serment aux mains du prévôt et
reçoivent un exemplaire des statuts. — Les bonnetiers
sont tenus d'employer « de bonnes laines filées autour,
» droite-laine, pellis, bêlions ou mères-laines. > S'ils
façonne:ît des ouvrages avec d'autres laines « comme
> grattis, bourres ou autres fausses ou mauvaises mar-
> chandises, > ces ouvrages seront saisis et brûlés publi-
quement, et leur auteur condamné à 20 s. t. d'amende.
— Les maîtres-ouvriers et suppôts ne pourront t ren-
> traire ou faire rentraire » bonnets et marchandises, si
ce n'est de fil de laine ou autre bon fil de la couleur du
bonnet, à peine de sept sous d'amende. — Les maîtres
bonnetiers prendront tel nombre d'apprentis qu'ils vou-
dront. — La durée de l'apprentissage sera de trois ans,
et les maîtres devront instruire leurs apprentis de tous
les détails du métier. — Nul lasseur ou lasseresse de
bonnets ne pourra prendre bonnets et marchandises i
lasser ou à brocher (]ue des maîtres dudit métier, i
peine do vingt sous d'amende, afin d'éviter les vols et
les larcins des restes de laines de bonnetiers ou de dra-
piers. — Tous ceux qui appareilleront des bonnets
« effondres ou empires » (mal prépares), seront con-
damnes à cinq sous d'amende. — Tout maître pourra
teindre ou fiiire teindre toutes sortes de marchandises
do bonneterie pour vendre en leur boutique ou ailleurs,
comme étant de leur façon. — Si la veuve d'un maître
se remarie, elle ne pourra plus tenir ouvroir ni boutique
dudit motier, ni faire faire aucuns bonnets, ni bas, ni
autres marcliandises do laine, mais elle aura le délai d'uQ
an pour vendre la marchandise laissée par son mari. —
Les maîtres-jurés pourront faire visite pour connaître
des malfaçons. — Nulle marchandise ne pourra être
vendue en ville sans avoir été visitée par les maîtres-
jurés. — Nul ne {«ourra fabriquer « bonnets, bas et autres
» marchandises de laine, » s'il n'est reçu maître, à peine
1554 CHAPJTHE XVII. 429
de 40 s. t. d'amende. — Aucun bonnet ni autres mar-
chandises de bonneterie, mal préparés, ne seront mis en
vente sans que les défectuosités ne soient indiquées par
la disposition même de la marchandise. — Les marchan-
dises passées à h guelde et h la garance seront mar-
quées, à l'intérieur, au signe particulier du bonnetier-
i'abricant. Celles qui seront au gros noir n'auront aucune
marque. — En cas de contravention, l'amende sera ar-
bitraire (1).
L'aisance générale amène le bien-être ; celui-ci amène
le luxe, qui bientôt dépasse trop souvent les limites im-
posées par une sage économie. De nouveaux besoins se
font sentir; les corporations développent leur industrie
et souvent de nouveaux corps de métiers sont créés, pour
satisfaire aux nouvelles habitudes. La communauté des
contre-pointiers ou courtepointiers ne répond plus, par
ses productions, aux besoins que Taisance de la première
moitié du XYI^ siècle a répandus dans la population. Les
courtes-pointes, les lodiers, les couvertures piquées ne
sont plus, comme autrefois, les seuls objets qui consti-
tuent les produits de cette corporation. Les lits sont
communément ornés de ciels, de tentes ou de paviUons.
On décore de tentures les appartements. Il faut régler
les conditions de ces objets de nouvelle confection, que
la mode a popularisés. Les statuts donnés par Guillaume
Bellier, bailli de Troyes (de 4434 à 4449), sont deve-
nus insuffisants.
Sur la demande de la corporation, ces anciens statuts
sont remplacés par les dispositions suivantes : — Nul, à
Troyes, ne pourra s'ingérer à garnir des chambres de
tapisseries de serge ou de toile ; faire ciels, tentes et
pavillans esprevers (?); rentraire ou rapareiller tapis,
serges ou autres ouvrages de cette sorte, s'il n'est reçu
(1) A. A, 40^ carton ; i^o liasse et Bibl. conim. de Troyes.
430 HISTOIRE DE TROYES. iSS4
tapissier, à peine de 20 s. t. d'amende, sauf toutefois les
anciens rapareilleurs, qui continueront à travailler. —
Nul ne pourra être reçu dans la corporation, s'il n est de
bonne vie et bonne conversation, s'il a été convaincu et
condamné pour aucun vilain crime et pour larcin. — La
durée de Tapprentissage est fixée à quatre ans. — Le
chef-d'œuvre est prescrit. — Un ouvrier étranger ne peut
s'établir, àTroyes, sans faire chef-d'œuvre ou sans avoir
justifié de sa réception dans une ville jurée. — Le maître
ne peut avoir qu*un apprenti, mais en même temps, il
peut enseigner son métier à ses enfanis. — La veuve
peut continuer le métier de son mari. — Nul ne peut, à
Troyes ni dans la banlieue, faire de courtes^ pointes (1),
lodiers, matelas et piqueries en robes et pourpoints sur le
métier de contre-pointiers, s'il n'est passé maître. —
Deux maitres-jurés sont élus le lende.nain du jour de la
fête de saint François. — Us sont chargés des visites
des ouvroirs et des marchandises faites sur le métier,
mais non de celles qui sont faites sur le genou. — Les
ouvrages dudit métier, faits à Troyes et dans la banlieue,
seront marqués d'un T, afin de les distinguer des ou*
vrages faits dans des villes de jurée, et le maître, au-
dessous de cette marque, appliquera la sienne. — Les
lodiers seront marqués d'un R (2).
Les statuts et règlements des métiers se sont essen-
tiellement modifiés dans leurs prescriptions. Avant 1510,
le plus grand nombre de ces actes réglementent moins
les faits relatifs à la pratique de la profession, qu*ils
n'imposent des obligations touchant la confrérie. A partir
(1) Ce nom est altéré. Ce n'est ni coutre^ ni contre-pointe qu'il
fiudrait, mais couffc-pointe ou Muie-j)oinie c'est-à-dire une conte-
piquée^ du lalin culcita-puncta^ Littrô. — Peut-être faudiniit-il dire
pour être exact : couette-pointe ou coucttc-piquée.
(2) Statuts et règlements accordés ))ar He^iri 11^ Ti-ovcs
M. DCCLXIX.
155i CHAPITRE XVll. -434
de cette même année, ces sortes de règlements ne tou-
chent plus guère qu'aux j)raliques du métier et de la con-
frérie; les choses du culte ou du patronage religieux
sont à peu près abandonnées. Les corporations suivent
l'esprit du siècle : Télément laïque prédomine.
Les idées de la réforme continuent leurs progrès, qui
sont rapides à Troyes et en Champagne. Les statues
représentant la Vierge et les Saints, exposés publique-
ment, sont souvent brisées, et ces faits sont imputés à
ceux qui ont adopté les doctrines de Luther et de Calvin.
Une Notre-Dame-de-Pitié, placée à l'Hôtel-Dieu-le-Comte,
sur la façade qui regardait Téglise de St-Etienne, est, le
9 septembre 1555, trouvée avec la tôte brisée. Cet évé-
nement surexcite la population catholique contre les
réformés. Une procession expiatoire est faite en répara-
tion de cet outrage.
Les persécutions se continuent à Troyes. On les
signale à Paris, à Lyon, à Toulouse, à Nîmes, à Agen, à
Saumur et à Bourges (4). A partir du mois d*aoûtl552,
jusqu'au G janvier 1554 (v. st.), la ville perd, par suite
d'exil, peut-être volontaire, un certain nombre de ses
meilleurs habitants, savoir : Bernard de Bryon, seigneur
de Brantigny, près Piney, et prévôt de Troyes; Antoine
Menisson, seigneur de St-Pouange et receveur du do-
maine royal ; Jean Riboteau, Jean de Senneton, Claude
Leduchat, Barbe Nevelet, veuve de Simon de Montsau-
geon ; Jean de Corberon, écuyer, sieur de la Picarde;
Anne Saunier, veuve de Jean Bompart; Jacques Juliot,
le jeune; Jacques de Vienne, procureur fiscal à Piney;
Jean Regnard, sieur du Chanat ; François Fournel, avo-
cat, et Edmond Griveau (2). La plupart de ces noms sont
précédés du qualificatif, quasi-nobiliaire, de c noble
(i) H. Martin. Hiat des frayiçais, t. viit, p. 443.
(S) Arch. mun. Déclarations de changement de domicile faites à
Vèchevinage.
432 IlISTOIBE DE THOYES. 1556
homme. » Tous ces noms doivent être considérés comme
appartenant aux meilleures iamilles. L'émigration se
continua.
Vers cette époque, la famille Uaguier, Guillaume, sei-
gneur de Soligny-les-Etangs; Antoine, seigneur d'Eslcr-
nay et de la Motte-Tilly; Fran^^ois, vidame de Châlons et
seigneur de Villeneuveaux-Richos-llommes, et Madame
Charlotte de Dinteville , veuve de Jean Raguier,
leur mère (l), se rallièrent aux idées de la réforme et
jouèrent tous trois un rôle important dans les luttes reli-
gieuses de la contrée. Cette famille possédait les seigneu-
ries de la Motte-Tilly, de Courceroy, de St-Mauricc, de
Villeneuve-aux-Uichcs-Homnies,de Bouy-sur-Orvin, près
de Nogent, et celle d'Esternay, entre Sézanne et Provins.
En 1555, un président de la Cour des monnaies vient
à Troyes, pour y procéder à une enquête relative à la
monnaie et au commerce des métaux fins. Il pose à Té-
chevinage les questions suivantes : Serait-il bon et au
profit du roi de rehausser ou de diminuer le poids de Ter
des monnaies? De combien do changeurs la ville a-t-elle
besoin? Le nombre des orfèvres est-il suffisant ou exces-
sif? La création de nouveaux offices à Thôtel des Mon-
naies, peut-elle être utile? — Le Conseil de ville répond
à ces questions : 1^ Il serait bon d'augmenter la loi de
la monnaie en en diminuant le poids. 2o II pourrait y
avoir, à Troyes, quatre changeurs. 3o Trente orfèvres
existent en ville, ce nombre suffit. 4° La création de
nouveaux offices à l'hôtel des Monnaies serait bonne (2).
Toujours pressé par le besoin d'argept, Henri II aliène
de nouveau une partie du domaine. Cette aliénation com-
prend des rentes, cens, domaines^ aides, gabelles et
(i ) EUe était fille de Gaucher de Dinteville, bailli de Troyes. L'une
de ses fiUes épousa François de Béthune, Baron de Rosny, père du
Duc de Sully, ministre de Henri IV.
(2) A. 11.
1555 CHAPITRE XVIL 433
feriues, huitième, vinglième et autres subsides levés sur
la ville de Troyes. La vente s*élève à 15,000 liv. de rente-
Cette aliénation est proposée au Conseil de ville. Celui-ci
refuse l'achat qui lui est offert et niotive son refus sur le
versement fail, le mois précédent (août 4555), d'une
somme de 10,000 liv. au receveur du domaine et aussi
t sur ce que le tiers-état qui compose la plus saine par-
> tie des habitants fait très mal ses besognes de la ma-
» nufacture de marchandises (1). »
La coutume de Sens fut publiée en novembre 1555.
sous la présidence dé Christophe de Harlay. A la discus-
sion, figurent les représentants de nombreux seigneurs
ou de communautés d'habitants. C'est au titre de sei-
gneur que Carracciole, évêque de Troyes, y est repré-
senté comme possesseur des terres d'Aix, deSt-Lyé et de
Premierfait ; le Chapitre de St-Pierre, comme seigneur
de Chigy, de Planty, de Jonx, d'Orvilliers, de Vallant, de
St-Georgcs, de Ste-Syre, des Grandes et Petites-Chapelles,
de Trouan-le-Petit et autres lieux formant enclave dans
le bailliage de Troyes.
L'évêque de Troyes et le Chapitre de St-Pierre, par
leur présence et par leurs dires, prétendent, comme ils
l'ont toujours fait, qu'ils sont justiciables, non du bailli
de Troyes, mais de celui de Sens. Us sont soutenus par
leurs sujets habitant leurs seigneuries, qui veulent aussi
être soumis à la coutume de Sens.
Le procureur du roi au bailliage et siège présidial de
Troyes, se fait représenter dans ce débat par Claude le
Virlois, avocat, et Balthazar Tartel, procureur. Ceux-ci
soutiennent que Ste-Syre, les Grandes et les Petites-
Chapelles, Chausson, les Noues (les Noës, près Troyes),
Mesnil-Vallon, Bréviandes, pour ce qui appartient au
Chapitre de St-Pierre, Rilly-Ste-Syre, Villeloup, St-Lyé,
(1) A. ii.
iii. 28
434 iiisroifuc i»E TUûVES. msù
Premiert'ait, Vallant, [Maiity, Fourches et le chftteau de
Marigny, ont toujours été du ressort du bailliage et sou-
mis à la coutume de Troves.
«r
Le procureur du roi au bailliage de Sens avait les pré-
tentions contraires (t ).
Les commissaires royaux no vidèrent point le différend
qui remontait déjà à une date fort reculée, ils le ren-
voyèrent au Parlement, qui ne parait pas avoir statué
définitivement, car co litige ne fut mis à fin qu'en 4586,
par suite de transaction entre les intéressés.
Les comptes de la ville, relatifs aux fortifications, sont
soumis à Texamen de commissaires royaux. En 1555,
ces comptes sont envoyés à Paris, par le chasse-marée.
Antérieurement, ces comptes étaient examinés, sans dé-
placement, par des commissaires spéciaux.
En 1556, cesse l'adjudication de la ferme de la
maille ^2), et par conséquent la levée de cet impôt sur
chaque livre de pain blanc. Elle avait remplacé, à partir
de li59, un droit de mouture, dit le méreau et levé
dans les moulins. Le produit de ces deux impôts, dont
l'un avait remplacé Taulre, avait, de tout temps, été
appliqué à l'œuvre des fortifications (3).
La ville de Tonnerre est brftlée le 8 juillet 1556. Cet
incendie est imputé à un capitaine de gens d'armes et
à un de ses compagnons. Ces deux individus sont pour-
suivis (4j. Des arrestations sont faites à Troyes. Elles
sont suivies de condamnations à mort exécutées dans la
(i) Coutumes du bailliage de Sens et anciens ressorts d*iceluy ré-
difjces en novembre 1555. — Sens ; CiiUes Richeboys. M. DLVI. —
A la convocation des officiers de justice, on trouve ceUe de M.
Le Crée, prévôt de la rivière de Vanne, La Vanne avait alors vo
syndicat chargé de régler les différends des intéressés sur tout le
cours et à l'occasion de cette rivière.
(2) Maille, subdivision du denier qui en contenait vingt-quatre.
rn) A. A. ; IGe carton, 2^ liasse, 108 pièces, de l.';r>0 à 1556.
(/i) B. B. 14e carton ; 1»*e liasse, et B. 1^5.
1556 CHAPITRE XVU. 435
ville (i). Louis Bailly et Maclou Ragnier, sont pendus et
brûlés à Troyes, le 30 juillet. Un troisième individu,
nommé Jean Higault, ditSt-Evrol, est poursuivi, maison
ne peut s'en saisir. H est considéré comme chef d'une
bande d'incendiaires.
Cet événement fait craindre pour la ville de Troyes.
On lait garder les portes; on surveille ceux qui entrent
en ville. En août, le Conseil de ville arrête qu'il ne sera
distribué ni torches de cire, ni hypocras, mais des seilles
fPonères (paniers à feu), dont le prix sera acquitté avec
les deniers affectés aux dépenses d'hypocras et de tor-
ches (2).
En août 1556, le dauphin qui devint roi sous le nom
de François II, le duc de Guise et le duc de Longueville
traversent la ville de Troyes. De Troyes, ils se dirigent
surNogent où ils couchent. De cette ville, ils vont déjeû-
ner à la Fontaine-au-Bois, prieuré situé à mi-chemin de
Nogcnt à Provins, et coucher dans celle dernière ville (3).
L'année 4556 fut excessivement sèche. On fit de nom-
breux pèlerinages. De Champagne on venait à Troyes,
aux vierges Ste-Hélène et Sle-Mâthie, ou à Ste-Syre, ou
à la Belle-Dame de Nogent-sur-Seine (4).
Il est levé un impôt dont le produit est de 17,818 liv.
sur les habitants et le clergé de Troyes (5).
Les principales mesures provoquées par les proviseurs
(1 ) Afinuaire de V Yonne, 1837, p. 280. Lemaitre, Notice sur Louise
de Clermont'Tonnerre, duchesse d'Uzès, La Duchesse d'Uzès aurait
été soupçonnée d'avoir fait mettre le feu à la ville de Tonnerre, pour se
venger des habitants contre lesquels elle venait de perdre un procès.
(2) A 12. — En 1569, le conseil décide que les principaux habi-
tants, les chapitres, abbayes, pieurés, fabriques et marguilliers au-
ront des seilles, dans leurs maisons, même des échelles et des cro-
chets, pour servir en cas d'incendie. A. 17.
(3, Cl. Hatton. Mémoires, p. 33.
(4) Cl. Hatton. MéwnivcSf p. 31.
(5) F. 2i5.
436 mSTOlKK I)K TKOYES. 155:
de TAumône générale sont soumises à Tadoption des
habitants, on assemblée générale, le 27 juin 1557. Il est
décidé que les proviseurs s'adjoindront, à l'avenir, les
curés et marguillicrs des paroisses et taxeront ceux des
habilanls qui auront refusé l'aumône. Cette taxe sera
exécutoire pendant Tannée. Toute signification sera faite
par le bedeau de l'Aumône. I! sera fait un nouveau rôle
des pauvres qui seront visités par les proviseurs. Une
procession générale dos pauvres est ordonnée. Ceux-ci
porteront une marque spéciale, afin que « le peuple
» connaisse la nécessité et la quantité de personnes se-
> courues. » Cette procession doit être suivie d'une dis-
tribution de secours (1).
Les processions solennelles et extérieures deviennent
de plus en plus fréquentes. On y assiste nu-pieds et vêtu
seulement d'un linceul. Elles donnent lieu, selon les
réformés, — les mauvaises langues de l'époque, — à des
scandales nombreux. On cite des excès de table et des
faits d'impudicité et d'outrages à la morale publique.
En raison du costume si simple qu'on y portait et de sa
couleur, ces processions étaient nommées processions
blanches.
La religion réformée se développe, et * n'est quasi
» mois en l'an qu'on ne brusle des hérétiques à Paris, à
» Meaux et à Troyes, deux ou trois, et aulcun mois plus
> de douze * (juin 1557) (2). En cette même année, est
publié, à Troyes, un édit portant condamnation, contre
tous ceux qui, secrètement ou publiquement, professent
une religion différente de la religion catholique (3).
Par arrêt du Conseil, du 29 octobre 1557, le décanat
de l'église cathédrale est reconnu et maintenu électif et
non à la nomination du roi. Cet arrêt est rendu sur la
(i) A. 12.
{'2\ CA. Hatton. Mémoires, p. 48.
(3; ISAMHEHT. Aèic. lois fratiç.yi. xiii, p. .491.
1557 CHAPITHE XVlî. i37
diflicullé élevée eiilre Messire Jacques Guillemet, élu
doyen par le Chapitre contre Messire Jean Gruyer, dont
la nomination par le roi avait déjà été approuvée par
Garafla, cardinal-légat.
Les comptes des deniers communs^ patrimoniatLx et
d'octroi (1557). sont examinés, sous le nom du prince
de la Roche-sur-Yon, par Tun de ses secrétaires, en pré-
sence de commissaires représentant la ville. Cet exa-
men fut des plus sévères, car le mandataire du prince
sut faire sortir de ces comptes une somme de dix mille
livres au profit du roi. Et pourtant, Téchevinage avait
consenti à céder, en faveur de ce secrétaire (et sans
doute aussi de son maître), une somme de mille livres,
afin de « se le rendre favorable et qu'il ne mette la ville
» en indignation près du gouverneur, d La caisse du re-
ceveur est à sec. Pour acquitter cette somme, ce rece-
veur n'a pas même cent écus Le Conseil le charge
€ d'emprunter jusqu'à six cents livres, pour fournir aux
*• affaires urgentes. »
Pendant l'été de 1557, la Champagne est menacée
par l'armée de Philippe 11. Mais, au lieu de se porter sur
cette province, cette armée se dirige sur St-Quentin,
qu'elle investit.
Pendant cette opération qui eut un plein succès, le
roi convoque, à Paris, une assemblée que les contempo-
rains appellent Etats du royaume. Le gouvernement, à
bout de ressources et n'osant plus augmenter les tailles
et les subsides, déjà si excessifs, projette un emprunt sur
les classes riches, et, pour arriver à son but, réclame
Tappui, non d'une assemblée des trois états, mais seule-
ment d'une assemblée de notables. Le clergé est repré-
senté, la noblesse n'y assiste qu'en petit nombre ; le corps
de la justice — ce qui est une nouveauté — occupe une
place intermédiaire entre la noblesse et le tiers-état et y
ligure par les présidents des Parlements. Le 6 janvier
438 HISTOIHË DE THOYëS. i»7
1557 (v. st.), le roi ouvrit, en personne, cetle assemblée,
et exposa lui-même la situation du royaume. Le due de
Nevers y parla au nom de la noblesse. Tous oflrirent au
roi les corps et les biens de tous les ordres. Le garde
des sceaux, Bertrandi, que la protection de Diane de
Poitiers et des Guise avait fait archevêque de Sens ei
cardinal, termina la séance d'ouverture, en invitant les
représentants des villes à remettre au roi leurs doléances
par écrit.
Quelques jours après, ces députés lurent appelés chez
le garde des sceaux, où le cardinal de Lorraine leur dé-
clara que le roi voulait emprunter trois millions d'écus
d'or aux plus riches de ses sujels ; que la noblesse ayant
offert un million, il fallait que les bonnes villes four-
nissent les deux autres millions d'écus, dont Tintérét
serait payé au denier douze. Sur ces entrefaites, arriva
la nouvelle de la prise de Calais. Ce succès leva toutes
les objections (1)
A cette assemblée, la ville de Troyos fut représentée
par Noiil Coeflard et par deux autres citoyens dont les
noms ne paraissent pas parvenus jusqu'à nous (2).
Dès le M janvier, le Conseil de ville est averti de la
taxe qui |)èse sur les habitants. Il est d'abord proposé do
lever, sur trois cents personnes, une sonmie de douze
niille écus. Mais le Conseil repousse ce moyen 11 décide
que le lieutenant-général sera prié d'exposer « qu'il ne
sait quels habitants ont moyen de payer la somme qui
leur est demandée; que la ville est plus chargée qu'au-
cune autre de la taxe des 50,000 hon)mcs de pied ; que
les riches et les plus opulents ont quitté la ville (ce qui
(1) Delai»lace. De Vcstat de la religion et république^ p. 9. Ed.
du Panthéon lilt. — G. Picot. Ilist des] Élats-Créiwraiix, iS7S.
(2) Noël Coeffarl y était, lui troisième, avoc troi.s ihevaux ; son
absence de la ville dura quinze jours. Il reçut de la ville cinq livres
par jour pour Tindemniser de ces frais. -^ A. 12.
1557 CHAPITRE XVIÏ. 439
olail vrai), pour aller denicnrcr aiix champs, ce qui fait
que de simples marchands sont taxes à deux ou trois
cents livres, somme impossible à eux de payer (1). »
En même temps qu'il repousse ce moyen d'emprunt,
le Conseil propose de payer la somme de trente-six mille
livres, à laquelle la ville est taxée, en livrant de la vais-
selle et des joyaux d'or et d'argent. Cette proposition
prévalut et ce moyen fut appliqué.
La ville de Troyes contribua à l'emprunt demandé
par le roi pour une somme de 36,000 livres, fournie par
le prix de la vaisselle, des bijoux et joyaux d'or, et par
l'argent livré par ses habitants. Cette vaisselle, pesée et
vérifiée, était acceptée par des commissaires royaux, à la
condition de ne perdre que vingt sous par marc, selon
conventions arrêtées. Mais lorsque ceux-ci prirent livrai-
son, ils ne voulurent accepter la vaisselle et les joyaux
qu'à un taux beaucoup plus bas, ce qui causa aux pré-
leurs un grand préjudice. L'emprunt fut réalisé à
3B,000 livres, et le roi fut engagé à servir un intérêt de
3,000 livres par an, ce qui est à 8 fr. 33 pour cent et par
an (2)
Le Conseil fait suivre ses observations de demandes et
de doléances. 11 réclame la liberté du commerce. Il se
plaint des entraves apportées par les droits levés aux
hauts-passages et des vexations pratiquées dans la per-
ception de ces droits. Il demande l'abolition des subsides
établis à Lyon, à Rouen, à Paris et ailleurs, sur les mar-
chandises entrant dans ces villes ou en sortant, et le
rétablissement des libertés et franchises des foires du
rovaume. Le Conseil dit encore : « Si toutes ces mesures
» sont prises, le trafic augmentera en importance, et les
» étrangers reprendront le chemin de la France pour y
(i) A. 12.
(2) A. 12. - Séfnillard.
440 HISTOJRB DE TROYES. 1559
» coiiiinercer. » Joignant d'autres phiintes à celles qui
précèdent, le Conseil ajoute : < La gendarmerie excède
> les habitants du plat pays ; s'il n'est apporte conireclle
» bonne et prompte provision, les gens dn la campagne
» quitteront leurs villages et abandonneront la culture
• de leurs héritages. »
f^es V03UX dos habitants de Troyes ne sont pas les
seuls de cette nature qui sont portés au pied du Irône.
Ils sont à peu près unanimes et se produisent de tous
côtés. Répondant au moins à une partie de ces plaintes,
un édit de février 1557 (v. st.), ordonne l'abolition d'im-
pôts préjudiciables au commerce et à l'industrie; il pres-
crit la suppression de droits nouvellement établis et colle
de l'imposition foraine, pesant sur l'ontrée et la sortie
des marchandises (1).
En 1558, un édit royal prescrit la réforme des poids
et mesures du bailliage de Troyes. Charles de Dormans,
conseiller au Parlement, est délégué à cette réforme. A
cet effet, il se rend à Troyes, y remplit sa mission et en
dresse procès-verbal. Ce changement dans les anciennes
habitudes, n'est [)as goûté par le maire ni par les éche-
vins, et sans aucun doute par les h.'ihitants. L'autorité
échevinale refuse d'approuver le procès-verbal du com-
missaire royal et déclare qu'elle ne se charge point de
tenir la main à l'cxéculion de l'édit vl du procès-verbal
dressé pour en commencer Tappliciitioa (2). 11 est proba-
ble que ni l'un ni l'autre ne reçurent leur exécution.
Déjà, en janvier 1552, on avait commencé à vendre la
viande à la livre du i^oi, ce qui fit murmurer la popula-
tion (3).
Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, esta Troyes
(4) ISAMBERT. Ane loîs franc. ^ t. xni, p. 50G.
(2) J. 3.
(3^ PoNcELET Meunieii. Jourixal. Blq. nat. Collection de Champ,
▼ol. 61, Troyes, xvi.
1668 CHAPITRE XVII. 444
en août 1558. Elle descend à révéché et v dîne. Le Con-
seil de ville lui fait présent de quatre douzaines de ser-
viettes de fin lin, de deux tabliers (nappes) de huit aunes
chacun, » ouvrés de la plus belle façon. » Rien n'est
trop beau pour la belle duchesse, toujours toute-puis-
sante. Par ce présent, le Conseil veut lui être agréable.
Il espère que c les habitants lui seront recommandés à
» regard des surtaux de l'impôt des 50,000 hommes de
» pied qui pèse sur eux (I). » On connaissait son auto-
rité sur le roi et sur les Guise, alors si puissants.
il n'est pas de bonnes choses, ni de bonnes institu-
tions qui ne donnent lieu à des abus. Il faut secourir les
malheureux; mais lorsque le travail abonde, les distri-
butions de secours devraient se restreindre à ceux qui
5onl dans une incapacité notoire de travailler, et l'on
devrait renvoyer aux ateliers ceux qui peuvent se livrer
à nn travail utile, non-seulement à eux-mêmes, mais en-
core à la société tout entière.
Ce reproche, que l'on entend quelquefois adresser, a
notre époque, à l'occasion de distributions de secours
trop larj^es, trop faciles ou inconsidérées, monta, en
1558, jusqu'au Conseil de ville. Les tisserands de toiles
et de draps, les foulons-laneurs, les épingliers et autres
corps de métiers se plaignent, au mois de septembre, de
ce que les ouvriers ne veulent travailler qu'un jour par
semaine, TAumône générale donnant des secours trop
abondants et les vivres étant à bas prix (2).
En 1558 commencent à se dessiner les rôles que
vont jouer, dans les événements qui vont bientôt se dé-
(1) A. 12. — Dans le même rcj^istre (mai 1559), on trouve men-
tionné renvoi au duc de Nevers, gouv de Champ, et à la duchesse,
sa femme, de douze douzaines de serviettes et de vint^t quatre aunes
de Paris de fin lin ou^ré. Le duc et la duchesse avaient informé le
conseil que, devant recevoir le Prince de Piémont et autres grands
seigneurs, il avait besoin de beau linge pour les festins.
(2) A. 12.
442 HISTOIRE DE TKOYES. 45»
l'ouier, les grands seigneurs de la cour. Le parti catholi-
que a à sa tête la nombreuse et puissante famille de
Lorraine, les Gi:ise. Déjà le duc a reçu de ses ennemis
le surnom do < grand boucher de France. > Dans sa
famille, on compto parmi les plus actifs, le cardinal
Charles de Lorraine, son oncle, archevêque de Reims;
Louis, son frère, ancien évêque de Troyes, puis arche-
vêque de Sens et alors évêque de Metz; Claude, duc
d'Aumale, marié à Louise de Brézé, fille de Diane de
Poitiers; et, avec eux, marche Jacques de Savoie, duc de
Nemours. Tous ont des rela lions suivies avec la Cham-
pagne. Les Cuise possèdent de belles seigneuries et de
beaux domaines, notamment celles de Joinville, de
Vassy, d'Kclaron, etc., et le duc de Nemours celles de
Nogent et do Pont-sur-Seine.
Le parti de la réforme reçoit ses ordres surtout des
frères de Châtillon, l'amiral, le cardinal et d'Andelot. Ce
dernier est propriétaire de la terre et du château deTan-
lay. Cette seigneurie s'étendait sur les rives de TArman-
çon et comprenait un grand nombre de villages compris
aujourd'hui dans le canton de Chaource. Le cardinal
était abbé de Molême et de Ouincey, dont les domaines
sont en grande partir renfermés, do nos jours, dans les
cantons d'Ervv et de Chaource, et voisins du château de
Tanlay.
IVAndelol rompit avec le roi sur la provocation du duc
do Cuiso, jaloux de tout commandement qui n'était pas
directement entre ses mains, ou confié aux siens on à
leurs amis dévoués. Cette rupture amena l'incarcération
de d'Andelot nu château de Melun, et la remise à Mont-
luc, créature des Guise, du litre de colonel de l'infanterie
française, que possédait d'Andelot. Le prince de Condé
se plaça aussi à la tête de la réforme, après s'être \ix
refuser le commandement des chevau-légers, donné au
duc de Nemours, ami des Lorrains.
1558 CHAPITRE XVII. 443
La ppando seigneurie d'Isle (Auinonl), de Chaource et
de Villemaur, érigée d'abord en baronnie, puis en mar-
quisat, et qui enveloppe la ville de Troyes à l'ouest et au
midi, les baronnies d'Krvy et de St-Florentin, Danne-
moine, Céant-en-Othc et leurs dépendances, la seigneu-
rie de Jaucourt, enfui la belle seigneurie de Beaufort
laujourd'hui Montmorency), appartiennent à François de
(.lèves, duc de Nevers, comte d'Eu, de Dreux, d'Auxerre,
de Ilethel et de Beaufbrt, alors gouverneur de Champa-
gne, qui suit le parti catholique. Par son testament du
i4 mars 1560, le duc de Nevers laisse le marquisat
d'isle à son fils puîné, Jacques de Glèves, qui décéda
sans enfants en 1561. Après ce décès, ce marquisat,
avec Chaource, Villemaur, Beaufort et Jaucourt, échut à
Marie de Clèves, sœur de Jacques et femme de Henri de
Bourbon, prince de Condé, qu'elle épousa en juillet
1572.
Louis de Bourbon, prince de Condé, marié, en pre-
mières noces, avec Léonor de Roye, qui mourut le
:23 juillet 1564, et, en deuxièmes noces, avec Françoise
d'Orléans, marquise de Rolhelin, reçut de celle-ci, en-
tre autres domaines, la terre, le château et la châtellenie
de Noyers, en Bourgogne, ainsi que la seigneurie do
Valéry, propriétés qui passèrent à son fils, Henri W,
prince de Condé, qui, du chef de sa première femme,
Marie do Clèves, devint marquis d'isle et comte de Beau-
Tort, en Champagne.
La famille de Luxembourg possède, par Antoine, le
beau comté de Rrienne, les seigneuries de Ramerupt et
de Piney. Charles de la Rochefoucault de Barbezieux
tient la châtellenie de Vendeuvre; Diane de Poitiers,
celle d'Arcis ; la famille de Dinteville, celles de Polisy
et de Polisot, sur la Seine, et celle de Thennelières,
à la porte de Troyes. La famille d'Aumont, celles de
Chappes et de Clérey.
4M HISTOIRE DE TROYES. 15U
Il siifTit (te dire les noms des grands seigneurs, chefs
des partis politiques ou religieux, et de rappeler les
noms de leurs principales seigneuries, pour indiquer la
situation de la ville de Troyes et celle de la Champagne
méridionale, pendant la dernière moitié du. XVle sièle.
(-e lait explique, sinon tous, au moins une partie des évé-
nements de cette époque, si importants non-seulement
pour rhisloire de la province, mais encore pour notre
histoire nationale. Dans la Champagne méridionale, on
trouve, en présence et sur leurs terres, les principaux
chefs des deux partis qui divisent la France, et la ville
lie Troyes est soumise, avec la province, presque exclu-
sivement à Tautorité des Cuise, devant laquelle tout doit
plier ou rompre. Il y a lieu dVxcepler le temps où gou-
verna le due do Nevers. dont Tadministration fut relati-
vement plus bienveillante et moins cruelle.
Lors lies of^éralions préalables au siège de Thionvilie,
le due de Cuise obtint du roi le retrait des mains c de
rhérélique t d\Vndt»Iot, du titre de colonel de l'infante-
rie française, remis de suite à Montluc. homme dévoué
aux Lorrains. IVnir les travaux de ce siège, il avait été
levé a (les casunlours et des [uonniers. ' dans les Elec-
tions do Sons, ti Aiixorr» , d.' Nemours (Nogent, Pont et
leurs environs, «Jo^Mviaiont «lo celle dernière élection»,
d'Orléans, do Trovt^s ol !o Chàio:.s alln que cette levée,
o|»éréo li»in dos T muI* res, noviilla pas fattention des
onnoinis.
Ihins lo O'Hïi's dt* n..i\oinbre I55'S. des lansquenets
s«»nt li^iros iui î :in>o»ir^* r.ri»nrol>. Srus pH'texte que leur
solde no loiir l st j»«>i:^î |»iïyét', colle troupe demande à
oin[»ruiilor sur i* s iiaf»itaïits do Troyes une somme de
oJKH^ iiMOs 1.0 r.ir.seil do \irh' refuse net. en se plai-
irnanl » do< piiitr:os. insidence> et désonires, » que
cette tr»»U[»i» coinnirl .ioj»:ii> ijualro jours au faubourg de
«.roncels.
tS59 CHAPITRE XVU. 445
Les étrangers, les vagabonds et les caignardiers sont
toujours redoutés. On craint qu'ils ne mettent le feu,
pillent ou dérobent dans les bonnes maisons. Le chergiiet
(ou escharguet) est chargé de la garde sur les remparts^
et le guet dormant est au coin des rues.
Après une guerre recommencée en 1552 et qui avait
subi des fortunes bien diverses, une paix est signée, le
12 mars 1559 (v. st.), par Henri H, Philippe II, François
et sa femme, Marie Stuart, roi et reine d'Ecosse ; Elisa-
beth d'Angleterre, agissant tant pour eux que pour leurs
vassaux, sujets et serviteurs. Cette paix est conduite par
le connétable de Montmorency et le cardinal Charles de
Lorraine. Considérée comme une lâcheté, elle est moti-
vée, pour les ardents catholiques, par la nécessité de
sévir contre les fauteurs de la religion nouvelle, et, pour
les ennemis ou adversaires des Lorrains, par le besoin
d'éloigner le duc de Guise des affaires de TEtat. Cette
paix, dite de Cateau-Cambrésis, termine la lutte des
Valois contre la maison d'Autriche.
La paix fut acclamée avec joie à Troyes. Le 12 avril,
après un Te Dcum^ les gens du roi, ceux du bailliage et
siège présidial, ceux de la ville et autres notables per-
sonnages se réunirent, à l'hôtel-de-ville, à cheval et
ayant à leur tête trompettes et clairons, proclamèrent la
paix : le greffier de l'échevinage faisant lecture du traité.
Le lendemain eut lieu une procession générale à laquelle
furent portés tous les corps saints et toutes les reliques
des paroisses et maisons religieuses.
•
Il y avait alors, comme aujourd'hui, les impôts de la
guerre et les impôts de la paix. Le 20 avril, le trésorier
général, Pioche, est à Troyes dans le but de lever, à titre
de prêt, une somme de 16,000 livres. Les habitants, en
assemblée générale, débattent leurs intérêts avec le com-
missaire royal. Ils ne consentent à ce prêt que pour une
446 HISTOIRE DE TROYES. i55S
somme de 12,000 livres, dont le général Pioche dut se
contenter (1).
Les nouvelles idées religieuses font de rapides pro*
grès, et le martyrologe de la réforme s'augmente, chaque
année, de nouveaux noms. D'une part, la ville deTroyes
est abandonnée par un grand nombre de familles qui ne
s'y croient plus en sûreté. D'autre pari, elle est fréquen-
tée par des adeptes de la nouvelle croyance, venant de
Meaux ou de Genève, fortifiant les tièdcs et donnant du
courage à tous. C'est ainsi qu'arrive à Troyes, iMichel
Poncelet, dit Picard, cardeur de laine, qui, quoique sans
instruction, fait des conférences religieuses et se met en
rapport avec Nicole Pithou. Il se fixe à Troyes et y fait
des conversions.
L'évoque Carracciole devient de plus en plus hésitant
sur sa doctrine. Il adopte les nouveaux préceptes pour
les rejeter ensuite. Pressé des deux côtés, il repousse la
nouvelle croyance, devant un nombreux auditoire réuni
dans l'église de St-Jean, pour y revenir quelques jours
après, sous l'influence de Nicole Pithou, de Michel Pon-
celet et d'un libraire de Genève.
La famille Pithou prend rang parmi les réformés.
Pierre Pithou, le père, mourut le 17 avril 1554 ; il fut
assisté dans ses derniers moments par Michel Poncelet.
Sur des provocations plus ou moins insidieuses, quelques
membres du clergé dénoncent des réunions secrètes
tenues par les réformés chez un sieur Girardin. Dans
une recherche faite chez celui-ci, on trouve une liste de
noms de réformés. Aussitôt, des poursuites so.nt dirigées
contre ces individus, qui se dispersent et quittent la
ville. La domestique de Girardin est mise à la question,
pour la forcer à révéler les non)s de ceux qui fréquen-
taient la maison de son maître. Girardin, qui s'est enfui,
(1) A. 12.
1^1 CHAPITRE XVll. 417
est condamné à mort par défaut; il est brillé en efïigie.
H se pourvoit au Parlement qui renvoie Taffaire an bailli
de Vilry, par qui il fut acquitté de l'inculpation et remis
en possession de ses biens. Michel Poncelet dut quitter
la ville.
Des images brisées donnent lieu à de nouvelles pour-
suites contre ceux qui font profession de la religion ré-
formée.
Des assemblées secrètes se continuent néanmoins.
Il s'en tient au faubourg Oonccls, près du couvent des
Chartreux.
Le pape Marcel 11 mourut le 30 avril 1555) n'ayant
occupé le trône pontifical que pendant vingt-deux jours.
Son successeur, Paul Carracho, appelé Paul IV, était
oncle d'Antoine Carracciole. Celui-ci alla le visiter, espé-
rant sans doute en obtenir quelques honneurs ou quel-
ques profits. L'accueil n'aurait pas été ce que le premier
espérait. En revenant de Rome, Carracciole passa par
Genève. C'était vers la fin de juin 1555. Il se mit en
rapport avec Calvin. Il aurait même assisté, en soutane
violette et en bonnet carré, à l'une des prédications du
fougueux réformateur. Il visita aussi quelques notables
troyens que la liberté de conscience avait attirés k
Genève. Puis il revint à Troyes. Mal accueilli à Rome, il
fut reçu froidement à Genève.
En 1556, il y eut une émigration de Troyens pour
Genève. On cite comme expatriés fuyant devant la per-
sécution : Antoine do Villemaur, notaire et procureur;
Jean André, marchand drapier; Louis de Lutel, courte-
pointier; Robert Huet, Michel Peloton, potier d'étain,
et Pierre Courtois, tisserand de toiles.
Au printemps 1557, un gentilhomme champenois,
nommé La Boudevière, poursuivi pour crime et con-
damné à mort, se convertit étant en prison. Lors de son
exécution, il (it profession publique de la nouvelle reli-
448 HISTOIRE DE TROYES. i»»
gion. L'exécuteur lui donna plusieurs coups de hache
pour lui décoller la tète. Le peuple, exaspéré, injuria le
bourreau et le poursuivit à coups de pierres.
Le 26 avril 1557, le pape Paul IV délivra un bref
portant institution do l'inquisition en France, appelée à i
se .prononcer sur les cas d'hérésies. Charles de Lorraine, ^,
Charles de Pourbon et Odel de ChAtillon, tous trois car- —
dinaux, furent institués inquisiteurs de France. Le Par- — •-
lement de Paris s'opposa à la publication de ce bref. J^H.
Mais le roi, pressé par les Guise, céda et fit publier cet #«t
acte, qui devint loi de l'Elat.
Les réformés de Troyes se divisent de nouveau. Leur *m ir
ministre. Michel Poncelet, a quitté Troyes. Certains indi- — i-
vidus sont poursuivis, soit en raison de leur doctrine, «- -»
soit à cause de la possession ou de la lecture de livres ^«s
condamnés. Troyes paraît être alors un gîte, une station • *'
pour les réformés venant de Paris ou de Meaux, et allant J •^
à Genève et vice-versa. On y signale l'introduction des ^-^
livres de la réforme par des colporteurs, et les pasteurs ^^'^
continuent leur œuvre de propagande. Nicole Pilhou a
gardé le souvenir de Jean le Maçon, dit la Rivière, qui
travailla à la fondation de l'église protestante de Paris,
prêcha à Troyes, et que ses co religionnaires placent
parmi les plus méritants; de Girard de Corlieu, issu de
l'une des plus anciennes et des plus notables familles
d'Angoulême. Celui-ci est envoyé à Troyes par une
réunion de pasteurs Icnue à Paris. Agé de vingt-deux
ans seulement et fort instruit, il se rend à Troyes, pour
y réorganiser l'église réformée.
Apres avoir occupé un premier domicile, il serait
devenu l'hôte d'Innocent de la Huproye, apothicaire,
membre de l'église réformée.
En 1559, Guillaume de Marisy, homme justement
honoré, uohh^ (iiioi(|ue orfèvre, r't dont !n famille comp-
tait plusieurs maires de Troyes, avait accepté la réforme.
Kl
4559 CHAPITRE XYII. JU9
Un jour qu'il chantait un c psalme > en français, il fut
tué, d'un coup de doloire, par Jean de Piney. Ce der-
nier fut condamné aux galères; mais à la première
étape, il s'échappa ou fut mis en liberté. Il revint habi-
ter Troyes et n'aurait jamais été inquiété pour l'exécu-
tion de sa peine.
Au milieu des fêtes qui accompagnent les mariages
projetés et arrêtés par le traité de Cateau-Cambrésis,
eutre Elisabeth de France, âgée de quatorze ans, avec
Philippe II, roi d'Espagne, et entre Marguerite, sœur du
roi, âgée de trente-six ans, avec Emmanuel Philibert,
duc de Savoie, Henri II, joutant dans un tournoi avec le
comte de Monlgommery, reçoit, dans l'œil, un coup de
lance qui pénètre jusqu'au cerveau. Blessé le 29 juin
1559, le roi expire le 10 juillet, laissant le trône à son
fils aine, âgé de seize ans, qui prit le nom de François II.
uu »
CHAPITRE XVIII
I>U tO «lMiil<>t l?srSO ai «ranviei* ISC».*^ (v. st.)
SOMMAIRE :
Poursuites contre les réformés ; De Gorlieu et Paumier, pasteurs.
— Conjuration d'Amboise ; Lettre du roi ; Assemblée générale
des habitants ; Arrestation, à Troyes, de voyageurs réformés ;
La rue Moyenne dite la PeiitenGenèvie ; Procession, tumulte,
meurtre. -^ î*(icole Pithou quitte Troyes, Nicolas Hognault lui
succède comme avocat de la ville, tt- Ourirages aux images
pieuses. — Les réformés se réunissent dans la banlieue ; Pour-
suites dirigées contre eux ; Placards contre le baiUi Anne de
Vaudrey. — Edit de Romorantin. — Noms de quelques princi-
paux réformés du bailliage. — Un prédicant mis en prison, il
s'en échappe ; Emotion .causée par cette évasion . — Denis Glé-
rey. sieur de Vaubercey, maire de Troyes. — Assemblée géné-
rale des habitants à Tévéché ; Plaintes contre certains prédica-
teurs catholiques. — Elections de Téchevinage faites au scrutin
secret. — Convocation des Etats-Généraux ; Mesures prises à
cette occasion ; Elections è deux degrés ; Les électeur» votent
sur les candidats des trois ordres; Réunion, à Troyes, des
députés du bailliage, pour tl*élection des députés aux Etats-
Généraux ; Députés élus ; Cahiers du Tiers-Etat ; Leur examen
par le gouverneur de Champagne ; Observations sur quelques
principales remontrances \ Gaïiier des trois Chapitres de Troyes ;
Indemnité accordée aux députés; jRefonte des cahiers des bail-
liages en un seul ; Du Xiers-Ëtat ,en Champagne. — Etats-
Généraux d'Orléans. — De la Compagnie frcinçaise et de la
Compagnie normande. *- Rapport .de f^hilippe £eU|i, Réputé,
fait au Conseil de ville. — Etats-Provinciaux. — Paix entre les
ohefs de parti ; Lettres à cette occasion. — £tat8 de Malun. —
452 HISTOIRE DE TROYES.
Nouvelles réunions primaires des bailliages inférieurs et des
métiers. — Le clergé reste en dehors de ces nouvelles assem-
blées, motivées sur Tadministration des finances. — Remon-
trances collectives de la Noblt^sse et du Tiers-Etat. - Assemblée
de Pontoise. — De l'instruction élémentaire — Ordonnance
d'Orléans. — Continuation de la grande école sous le nom de
collège ; Régents de cet établissement. — Craintes àTégard des
réformés ; Formation d'une compagnie chargée de garder
ville. — Développement de la n^forme ; pasteurs, temples, pré
dicateurs. — Miracles à la Belle-Croix ; ils durent trois semai
nés ; comment ils cessent. — La Haquemaque de Gpulard;
maison est pillée ; condamné à mort et pendu, il est détaché d
la potence. — Emploi dos aumônes faites à la Belle-Croix. -
Inventaire des armes; Le gouverneur ordonne le désarmement: ^ .dt;
Refus du Conseil d'exécuter cet ordre; Mesures de sûreté. — ^— —
Colloque de Poissy ; Députés de la réforme pour la Champagne ^^ Mne.
— Ordonnances de police. — Antoine de Menisson, î-ieur d^ fc» de
St-Pouange. Le duc de Nevers résigne ses fonctions erm ^» en
faveur de son fils, le comte d'Eu. — Recherches des armes
Fermeture des prêches. — L'évoque Caracciole ; il renonce à Is
foi catholique. — Caracciole veut se faire pasteur; N. Pi-
thou s'y oppose. — Mort de Caracciole; il est
dans l'église de Châteauneuf; Opinions sur lui; Des é?éque«^^*'^
qui ont embrassé la réforme. — Des pasteurs de Troyes.- *"
Edit du 17 janvier 1562. — Magistrats politiques, — Célébratior*^^^ -"^
de la Cène à Troyes. — Massacres de Wassy et de Sens; Le«
réformés prennent les armes ; Evénements de Troyes. — Elec^
lions de Pâques ; Elles sont annulées ; Les catholiques ne veu —
lent pas laisser élire des réformés; Conduite de N. Pithou, soir"«
influence ; Troupes catholiques aux portes de Troyes. — Som —
mation faite au maire de mettre la ville en état de silreté.
Fâcheuse influence de d'Esclavolles ; son mécontement et __
plaintes. — Sage conduite de N. Pithou, des habitants et du*-^ ^"
Conseil. — Rapprochement des événements de Troyes de ceux
de Sens et de Wassy. — Les habitants mettent bas les armes.
— Le gouverneur de Champagne se dirige sur Troyes, s'arrête
au château de St-Lyé et n'entre en ville qu'après l'apaisement ^ ^^^
des troubles — Diverses mesures de sûreté; Formation d'une ^^ ^
compagnie de trois cents hommes ; elle se dirige à Orléans ; sa dis- — ^^
persion près de Senan. — Recrues de soldats catholiques; Pro- — '^
cessions de la Fête-Dieu, soutenues par la compagnie de Nevers. - '**■
— Expulsion des étrangers; Tavernes et hôtelleries. — Le Con-
seil refuse de l'argent au duc de Nevers. — Elections de la
St-Barnabé ; Pinette élu maire. — Persécutions contre les ré-
formés. — Le duc quitte Troyes, y laisse Desbordes et se retire
à St-Lyé. — Saisie d'armes ; Formation d'une nouvelle oompa-
.«.ies
n
es
8.
Stc
CHAPITRE XVIII. 453
gnie de trois cents hommes ; elle se compose du rebut de la
population; Violences contre les réformés; Meurtre du cuisi-
nier de Desbordes. — Nouvelles violences contre les réformés,
— Ceux-ci quittent la ville. — On rebaptise leurs enfants ;
Meurtres, maisons pillées, démolies ; Le commerce cesse ; Le
clergé fait une profession de foi catholique ; Processions ; Rôles
des suspects ; les correspondances surveillées ; Canons braqués
sur la ville. — Création d*une compagnie armée dans chaque
quartier; Règlement. — Les protestants se retirent à Bar-sur-
Seine. — Siège du château et de la ville, qui tombent aux mains
des Troyens. — Massacres, violences, suites de ce siège. —
Profession de foi de 1542 renouvelée. — Excès commis par les
300 et la compagnie de Nevers ; Violences de Téchevinage ;
Arrêt du Parlement contre les réformés ; Les auspicionnés ou
suspects ; Epuration du Conseil de ville. — Députation au roi ;
Réponses du roi. — Répression contre les réformés. — La du-
chesse d'Uzès et M. de Barbezieux; celui-ci se rend en Alle-
magne. — Arrêt en faveur des protestants. — Les pieds-nus
de Sens attaquent plusieurs fois Céant-en-Othe (Bérulles), et y
mettent le feu. — Sièges des châteaux de Villeneuve-aux-Riches-
Hommeset de Soligny. — Les deux Dierrey et Morey; Supplice
de Massicault. — Nouvelles plaintes contre les 300; Epuration
de cette compagnie. — Réformés prisonniers conduits à la Con-
ciergerie du Palais. — Garde donnée au maire. — Marches de
deux armées en Champagne et en Bourgogne ; Conseil de guerre
tenu à Troyes. — Jean de Troyes condamné à mort. — Bar-sur-
Seine attaqué par les réformés. — Meurtre de Guillaume Plu-
mey, chanoine. — Le duc de Nevers, tué par Desbordes. — Le
duc de Guise prend le gouvernement de la Champagne. — Arresta-
tion du domestique de M. de Mesgrigny, président ; Dorigny in-
vité à quitter la ville. — Assassinat du duc de Guise ; Son corps,
conduit à Joinville, passe à Troyes; Honneurs funèbres qui lui
sont rendus. — Pillage des maisons de M. de Mesgrigny et autres ;
Assassinats, commis dans les prisons, de plusieurs réformés. —
Edit de pacification ; Le Corps de vill*^ s'oppose à son application ;
Nouveaux meurtres de réformés. — Double requête au roi. —
Rôle des catholiques demandant que la religion nouvelle ne soit
pas exercée à Troyes. — Les reîtres s'approchent de Troyes ; ils
sont à Montier-en-Der (»t voltigent dans la province. — Claude
de Beauffremont, économe de révéché, puis évêque de Troyes ;
Son installation. — Le duc Henri do Guise, gouvemear de
Champagne. — \\ est âgé de douze ans ; Son oncle, le duc
d'Aumale, gouverneur de Bourgogne, est son lieutenant-général
en Champagne ; Le duc d'Aumale à Troyes. — Coligny et d*An-
delot prennent les armes. — Mesures de sûreté prises en ville.
— Fonds donnés au cardinal de Lorraine, pour lever des trou-
i54 UISTOIHE DE TROVES.
1559
peà à réti-angev. ^^ Refus de réintégrer, dans leiir» fonctions,
les àncieriâ conseillers de ville. — Vcfnle d'une parito des biens
du dergé ; Montant de cette vente en Champagne. — Indemnité
de logement, par la ville, à M. de Barbekieux. -^ Meurtre^ à
Ramèrupt^ du duc de Ltfnebonrg.
L'avènement de François II au trône de France ne
changea rien à la direction du gouvernennent. Seule-
ment, la duchesse de Valentinois n*eut plus aticutte part
aux affaires. Celles-ci passèrent aux mains de Catherine ^>ie
da Médicis et des Guise, plus puissants que jamais, après ^^s
avoir sii éloigner du roi les BoUfbohs de Navafre, les
Montmorency et les Coligny.
A Troyes, la persécution contre les réformés continue.
Ld pasteur de CoHieu quitte la ville. Il y rentre. Arrêté,
il est mis à la question, condamné à être tràtiié sur la JS '^
claie, étranglé et livré au feu, pour cause d^hérésie. -^^•
S'étaftt pourvu, il est conduit à Paris.
Le samedi, 15 novembre 1559, le convoi se trouvant -* ^^'
dans la vallée de Grosbois, huit hommes masqués, armés .^^s
et à cheval, Tattaquèrent. La garde se défendit à peine. - ^•
Les assaillants s'emparèrent des pièces de la procédure ^^*'6
et du pasteur qu'ils rendirent à la liberté.
L'influence de ce pasteur, à Troyes, avait été fort 3^t^
grande, et la réforme s'y était développée. Son séjour ^^ •''
fut d'à peu près un an, et pendant ce temps, par des ^^^^
assemblées tenues secrètes, il augmenta de trois cent- - — '"
dix personnes le nombre des réformés. Il eut pour suc- " —
cesseur un jeune pasteur béarnais, nommé Paumier. Les ^
circonstances, peu favorables alors, éloignèrent celui-ci •
et lui firent différer de se montrer à Troyes. La conspi-
ration d'Amboise venait d'éclater. La condamnation et
l'évasion du pasteur de Corlieu, amenèrent de nouvelles
rigueurs. La déclaration du 2 mars, proclamant l'aboli-
tion du passé < au regard de la religion, » à la condition
que les délinquants vivraient à l'avenir en bons catholi-
1559 CHAPITRE XVIII. 455
ques, ne reçut pas même un commencement d'exécu-
tion.
La conjuration d'Amboise, née au sein des réformés,
fut réprimée avec une rigueur sans exemple. Le duc de
Guise fit verser des flots de sang, pendant près d'un
mois.
Après la découverte de cette tentative de révolte diri-
gée contre le roi et peut-être plus encore contre les
Guise qui le dominaient, François II fit connaître ce grave
événement par lettres adressées à ses officiers de la
province. Dans une de ces lettres, adressée au bailli de
Troyes, alors Anne de Vaudrey, seigneur de Sl-Phal, en
fonctions depuis quelques mois seulement (1), le roi
fait savoir que c les damnées entreprises inventées par
> tous les moyens que peuvent les malings esperits, >
ont échoué. La conspiration s'est faite avec certains
princes étrangers, ses ennemis. Des gens de guerre de-
vaient être levés par aucuns gentilshommes. Pour favo-
riser leurs coupables entreprises, il se tenait des assem-
blées secrètes dans plusieurs villes, sous prétexte de
religion. Par ce moyen et par toutes sortes de promesses,
les habitants étaient détachés de la fidélité qu'ils lui
doivent.
Après ce préambule, le roi enjoint de faire convoquer,
en la maison commune, ses officiers, les échevins, gou-
verneurs et autres notables citoyens, bourgeois et habi-
tants, afin de rendre grâces à Dieu de sa protection, de
pourvoir à la sûreté publique, d'éviter toute sédition et
émotion, de conserver le meilleur ordre possible, de pu-
blier ses lettres dans Tétendue de la juridiction, et sur-
tout dans les lieux où les auteurs de la conjuration au-
(i) Anne de Vaudrey succédait à Guillaume de DinteviUe, mort le
16 août 1559. Nommé le 28 novembre, aux fonctions de Bailli, il les
occupa jusqu*à sa mort^ arrivée en février 1579. Il eut pour succès-
seor, Georges de Vaudrey.
456 HISTOIRE DE TROYES.
155»
raient pu séduire certains particuliers, lesquels, dans la
huitaine, devront venir, devant le bailli, franchement et
de bonne foi, dire ce qu'ils savent : le roi leur pardon-
nant toute offense et remettant toutes les peines qu*ils.^ Is
pourraient avoir encourues, < promectant, en foy de^^ Ae
t prince et parole de roy, que jamais ne leur sera ta\c\M^^d
» question ny moleste par justice ny autrement, en quel — M el-
> que sorte que ce soit, » tandis que ceux qui ne vien — Mrm-
dront pas déclarer ce qu^ils savent, ne trouveront près àm^ K=lu
roi ni pardon, ni miséricorde, et seront punis commet ^^®
criminels de lèse-majesté (1 ).
Cette lettre, datée d*Amboise, du 16 mars 1559 (v. st.),^ ( - -li
fut lue le 5 avril suivant, dans une assemblée tenue à^^ ^
rhùtel-de-ville, et le 8, il fut fait, en actions de grâces, ^ ^ "^
une procession générale à laquelle on porta les quatre ^^''^^
corps saints (2), puis il y eut prédication liors Saint- — ^^'
Pierre (3).
Le jeune pasteur Paumier agit avec prudence, afin de ^-^
ne point éveiller Tattention des officiers royaux, qui se ^*®
tenaient en garde contre les résidants et surtout contre ^''^
les voyageurs. Vers ce moment, furent arrêtés à Troyes, « ^*
un libraire du nom de Michel et le conducteur du mohi- "
lier de Chabouillé, procureur du roi i\ Melun, gendre de
Jacques Spifame, ancien évoque de Nevers, tous deux
se rendant à Genève. Arrêtés, mis dans les prisons de
révôchc, ils s'évadèrent en .s'aidant d'outils laissés sous
les pavés par un précèdent détenu.
Les processions sont souvent Toccasion de troubles.
Les huguenots (l'emploi de ce nom commence alors à se
répandre) (i) les voient toujours avec peine. Le 27 avril
(1) B. B. Carton 14c ; liasse l^e. Copie du temps.
(2) Principales reliques de l'église de Troyes, Sainte-Hoîlde, Stc-
Hélèue. etc.
(3) Blq. mun. mnsc. Breyer.
(4) On donne à ce nom plusieurs étymologies. On le fût dériver
i^e
1560 CIlAPITnK XVIll. 457
1560, celle de St-Jean, passant dans la rue Moyenne,
nommée alors la pelUe Genève^ il y a tumulte, jets de
pierres; quelques maisons sont assaillies et envahies.
Un coup de feu est tiré par le menuisier Claudin Collot
sur un individu armé d'une épée, qui veut entrer dans
son habitation et qui est tué. Ce coup de feu disperse la
foule. On aurait reconnu dans cette scène quelques pro-
vocations provenant d'un membre trop zélé du clergé.
La justice informa, mais TafTaire n'eut pas de suite.
Le 4 décembre 1558, Nicole Pithou (Pitou) est
nommé, ù l'unanimité, avocat de la ville, par le Conseil.
Obligé de quitter Troyes, à cause de ses opinions reli-
gieuses, le duc de Nevers insiste pour le faire remplacer
par Nicole Regnault. Avant que le Conseil de ville n'eût
délibéré, la salle est envahie par le peuple, qui s'oppose
à la nomination de Regnault et demande l'éloignement
de quelques conseillers qui lui sont favorables. Le Con-
seil, obligé de surseoir, se décide, le 3 août 1560, par
provision, à nommer le protégé du duc de Nevers, jus-
qu'à la St-Barnabé prochaine (1).
Le 20 août 1560, un groupe représentant la Vierge,
fixé à une maison, sise ruelle Chausson ou de la Vierge,
ayant été couvert d'ordures, ce fait fut imputé aux réfor-
niés. Une procession, en réparation de cet outrage, est
faite dans cette rue. L'évêque Carracciole y assiste. A son
retour, on craint une attaque à main armée par les ré-
d'un certain Hugues Besançon, chef d'un parti religieux et politique
à Genève. Les autres de l'allemand : Eidgenossen, associé, confé-
déré ; nous ajouterons que ce nom n*était pas nouveau. Nous Tavons
trouvé au xv* siècle nommant une femme serve appartenant à l'é-
vêque de Troyes. {Arch. déd,, série G., 1404-1405. ) — En 1461-
146!2y Huguenot, Huguenotte sont employés à nommer des hommes
et des femmes. ( Arch. dép. f. de St-Etienne. Comptes de la fabri^
que étiqueté 1361-1362, quoique ce compte soit de 1461-1462.—
Mêmes arch. — 1513, G. 137. On trouve : Jean Andry dit Hugue-
not,
(i) A. 13.
458 HISTOIRE DE TROYES. iseo
formés. La procession se disperse et les assistants se
réfugient où ils peuvent.
Le pasteur Paumier ne pouvant, en ville, réunir ses
co-religionnaires, les assemble dans un village de la ban-
lieue. Là, ils sont découverts dans une maison où les
gens de la justice ne rencontrent aucun livre sur la reli-
gion nouvelle. Mais, par suite d'une perquisition dans
une vigne voisine, les archers et les sergents découvrent
les Commentaires de Calvin sur les Epitres de saint Paul,
et d'autres livres sur la nouvelle opinion. Le bailli, pré-
sent à celte expédition, fait mettre en état d'arrestation
le pasteur et ses adhérents. Paumier est mis dans un
cachot. 11 parvint à s'échapper avant sa condamnation-
L'affaire n'aurait pas eu d'autre fin, mais Paumier ne
reparut plus à Troyes.
Anne de Vaudrey, en mai 1560, est à la tête du bail-
liage depuis quelques mois seulement, et déjà il est
l'objet d'attaques injurieuses. Des placards dirigés contre
lui sont affichés en ville. Les officiers de ville s*en
excusent.
En mai 1560, l'édit de Romorantin est publié. Il laisse
aux évoques la connaissance du crime d'hérésie. Après
la publication de cet édit, œuvre de paix et de concilia-
tion due à l'influence de Michel de L'Hôpital, les protes-
tants obtiennent plus de liberté, et ceux qui se cachaient
ne craignent pas de se montrer. Aussi, sous cette légis-
lation, le culte nouveau prospère et se développe. La
famille Raguier, qui, dans les environs de Nogent-sur-
Seine, possède un grand nombre de seigneuries, se dé-
clare ouvertement pour la réforme; on compte Madame
de la Motte -Tilly, le sieur d'Eslernay, sieur do Soligny;
son frère, François Raguier, vidame de Châlons (1); une
de leurs sœurs cordelière aux Dames-hors-des-murs de
(1) Il fut dépaté de la noblesse ponr le bailliage de Sens en 1560.
1600 CHAPITRE XVIII. ^59
Provins, et qui fui prieure au monastère de Sl-Cyr, près
Paris. Les sieur et dame de Sl-Simon, seigneur et dame
de Chanlaloë, paroisse de Bouchery, et le sieur de
Besancourt, fils de Madame do St-Simon, demeurant à
La Saulsotte, imitèrent la famille Raguier (1).
Dans la nuit du 19 août, les prisons royaux sont for-
cées et un prisonnier prédicant (peut-être Paumier) est
mis en liberté. Cette évasion causa un grand émoi parmi
les autorités. Le présidial invita le maire, les écbevins
et les conseillers de ville, à se rendre, en la chambre du
Conseil, pour fournir leurs explications sur cette évasion.
Déférant à cette invitation, il est arrêté entre les deux
corps constitués que Ton enverra des députés près du
roi, de Madame la duchesse douairière de Guise, Antoi-
nette de Bourbon, pour leur remontrer et leur faire en-
tendre, ainsi qu'au duc de Guise, au cardinal de Lorraine
et à d'autres seigneurs, que l'évasion de ce prisonnier
n'était pas le fait des officiers du roi, du maire, des écbe-
vins ou autres gouverneurs de la ville. Cette évasion
donne lieu à une recrudescence de sévérité dans la garde
de la ville. Les conseillers reçoivent la cbarge de com-
mander le guet, et, ce qui est complètement bors d'usage,
Messieurs du présidial sont invités, par ordre^ à com-
mander le guet de trois jours l'un (2).
Un conseiller au présidial, M. Leclerc et M. Jean de
Marisy, sieur de Cervet, écbevin, sont envoyés vers le
roi et Madame la duchesse douairière de Guise, afin de
porter à leur connaissance les circonstances de cette
évasion, ils rapportent au Conseil deux lettres, l'une du
duc de Nevers et l'autre de la duchesse douairière de
Guise, où se traduit le mécontentement de l'un et de
l'autre (3). < Le roi, > disent au Conseil les deux dépu*
(1) Cl. Hatton. Mém. p. 127.
(2) A. 13.
(3) A 13, où ces lettres sont transcrites.
460 HISTOIRE DE TROYES. 1560
téSf dans la séance du 30 août, c est raalcontent de
> Tévasion du prisonnier prédicant, faisant partie de ces
> méchants hérétiques. » Le roi a annoncé qu'il enver-
rait 500 lances et 800 hommes de pied en garnison,
pour châtier la ville, si une pareille sédition et émotion
se renouvelait (1).
Celte lutte, entre les partis, est de tous les instants.
Le Conseil, ayant à sa tête, Denis Clérey, seigneur de
Vaubercey, homme intelligent et qui voudrait la paix,
tend non pas à rallier, à réunir les partis, dès cette épo-
que, la scission est telle quMl n*y a plus lieu d'espérer de
rapprochement, mais il s'efforce de ramener te calme dans
la ville, 011 les partis sont pleins d'ardeur et d'énergie.
Ainsi, malgré le mécontentement du roi, du gouver-
neur, du duc et de la duchesse douairière de Guise, dans
une assemblée générale des habitants, tenue à l'évêché,
et à laquelle assiste Caracciole, il est dit que ^ des plain-
tes se sont élevées contre certains prédicateurs catholi-
ques, qui ont usé, dans des entretiens publics et dans
leurs sermons, de plusieurs exclamations et invectives
s'adressant à certains états de la ville, même aux offi-
ciers de justice. Ces invectives ne portent, dit-on, d'au-
tres fruits que ceux de la dérision contre les ministres
de la justice et excitent le peuple à la haine et à la mal-
veillance contre ceux qui ont l'autorité entre les mains.
Sur cette plainte, il est arrôté que le gardien des Corde-
liers et le prieur des Jacobins seront exhortés et admo-
nestés de cesser ces invectives, et seront invités à
« cnhorter, » dans leurs prédications, le peuple à révérer
et honorer la justice et ses ministres, et que ladite en-
hortation se feroit tant de la part du révérend évoque
que des officiers du roi, du maire et des échevins, avec
communication et autorisation do la justice. »
(1) A. 13.
1560 CHAPITRE XVUI. 461
Dans cette assemblée, presque solennelle, les proces-
sions sont interdites, à cause des émotions qu'elles pro-
voquent et par crainte de tumulte et de sédition. — Le
guet est continué. — Huit hommes, par quartier, veille-
ront et avertiront les habitants en cas dMncendie ou de
tout autre forfait. — « A chaque carron, j> ou coin de
rue, il y aura lanterne allumée. — Les tavernes et les
cabarets sont interdits, et il est ordonné de < faire nou-
veau cri » de Tédit du roi à ce sujet. — Il est défendu à
tout habitant de porter des armes, sauf aux gentilshom-
mes et aux hommes d'ordonnance. — On expulsera les
étrangers, les vagabonds et les bélîtres. — 11 est expres-
sénnent défendu de s'injurier par les mots de huguenots,
de luthériens et autres de même sorte, à peine d'amende
et de prison. — Les maîtres donneront le nombre des
ouvriers qu'ils occupent. — Une compagnie de 200
hommes sera formée et divisée en quatre cinquantaines ;
elle sera commandée par les échevins et conseillers de
ville. Elle devra se porter au secours partout où il sera
besoin en cas d'émotion (1).
Dans le but de pacifier les esprits, ^e Conseil de ville
décide (15 juillet 1560) que les élections du maire, des
échevins et des conseillers de ville qui se font habituel-
lement à haute voix (on verra bientôt procéder ainsi à
Télection des députés aux Etats-Généraux), se feront à
Tavenir par billets ou bulletins, comme nous disons au-
jourd'hui, « afin d'éviter brigues ou faveurs (2). »
Les excellentes résolutions, arrêtées dans l'assemblée
générale tenue à l'évêché, ne reçurent sans doute qu'une
faible et timide exécution. Les événements se succèdent
avec rapidité. Bientôt, d'autres soins vont préoccuper la
cité, et, dans les deux partis, naissent la crainte et l'es-
^)érance. Le roi et sa mère arrêtent, le 26 août, que les
(1) A. i3.
(2) A. 13.
463 HISTOIRE DB TROYES. tW
Etats-Généraux se réuniront et que, si un concile ^néral
ne peut être convoqué, il sera ouvert un concile natioDal
avant le 10 janvier. Toute exécution de peines pronon-
cées contre les protestants est suspendue. Ces résolu-
tions sont prises dans une assemblée à laquelle assis*
tent les princes du sang, les conseillers d*Etat, les ma-
réchaux de France, les gouverneurs des provinces et les
chevaliers de Tordre du roi. Les partis opposés y sont
entendus; les catholiques, par les Guise; les réformés,
par le prince de Condé, le roi de Navarre et les Coligny.
Celte première assemblée fut tenue à Fontainebleau.
Chacun des princes s*y était rendu à la tête de gentils-
hommes et de gens de guerre. Toute cette cavalerie fut
dispersée par toute la France. Le duc de Nevers se rendit
à Troyes avec sa cornette ou compagnie et celles du
prince de Condé, de François d'Esté, de la Rocbe-du-
Maine et de Beauvais (1).
Sous la date du 30 août, datée de Fontainebleau,
adressée à Anne de Vaudrey, une lettre du roi ordonne
la convocation des Etals-Généraux, pour le 10 décembre,
à Meaux. Cette lettre est apportée à Troyes par un che-
vaucheur de Técurie du roi.
Le roi expose dans cette lettre que, désirant remettre
la religion en sa première pureté et relever le peuple des
grandes charges qui pèsent sur lui, il a été d'accord,
avec les grands du royaume, de proposer la réformation
de TEglise par un concile général, s'il est possible, ou
par un concile national formé des évoques et prélats du
royaume, et de convoquer les trois ordres < qu'on appelle
les Etals-Généraux, > pour entendre et examiner les
plaintes de tous les affligés, et, sans acception de per-
sonne, y donner tel remède que le mal requiert et les
soulager autant que les affaires de TEtat le permettent
(1) De Thou. Hiat. de mon temps, t. n, p. 139. in-f>.
1560 CHAPITRE XVm. 463
Il semble, dit le roi, utile de déraciner toute corruption
de TEglise et de reprendre Vancienne forme de communi-
quer y par le moyen desdits Etats, avec les peuples soumis
à son obéissance, et leur faire connaître combien il désire
les favoriser en tout ce qui touche leur repos et soula-
gement. En conséquence, le roi convoque les Etats, dans
la ville de Meaux, pour le 40 décembre. Il entend et dé-
sire qu'à cette assemblée se trouvent les principaux per-
sonnages de chaque province, bien instruits des remon-
trances qu'ils auront à faire. Il ordonne la publication de
ses lettres partout où besoin sera, et la réunion de gens
compétents pour dresser les cahiers de remontrances,
plaintes et doléances qui seront portés aux Etats, aux-
quels viendra se joindre, de chacun des trois ordres,
c au moins un bon peirsonnage choisi à cet effet. :» D'ici
au jour de la réunion des Etats, les lieutenants du roi et
les gouverneurs des provinces visiteront les villes et
autres lieux confiés à leur gouvernement, pour entendre
par le menu et, après, rapporter au roi les doléances du
peuple et aviser ce qu'il sera utile d'être ordonné pour le
bien de leur province, en faisant entendre au peuple le
désir que le roi a de le soulager à l'avenir; ayant, à l'égard
des tailles, commencé à les réduire à l'état où elles étaient
en temps de paix, avec espérance de faire plus encore
s'il est possible.
Les évêques, les prélats et les autres membres de
l'Eglise, qui, sur l'ordre reçu par eux, se sont retirés en
leur résidence, sont invités à se tenir prêts à se diriger,
le 20 janvier prochain, sur la ville qui leur sera indiquée
pour siège du concile national. D'ici là, les évêques sont
autorisés à réformer les abus que la négligence des pré-
lats ou la corruption du temps auront laissé introduire
dans l'Eglise < comme répugnante à la doctrine de Dieu
et des saints conciles de l'Eglise. » Puis, il est recom-
mandé aux baillis c de tenir l'csil ouvert «t de donner
464 HISTOIRE DE TROYES. iso)
ordre que les esprits malins qui pourroient être compo-
sés c des reliques > (des restes) de la rébellion et du
tumulte d*Amboise, ou autres gens studieux (amis) de
nouveauté et d*altération d'états, s'il y en a, soient dé-
couverts et retenus de manière à ne pouvoir corrompre
les faibles, encouragés qu'ils pourroient être par Timpu-
nité dont ils ont joui, ni altérer, par leur manœuvre, la
tranquillité des bons et loyaux sujets du roi, qui doivent
attendre le bien que procureront les saintes assemblées
convoquées pour apaiser la colère de Dieu et retenir la
concorde et l'union entre tous ceux qui ne reconnaissent
qu'un seul Dieu et un roi (1). 2>
Le duc de Nevers, gouverneur de la province, et Charles
de la Uochefoucault, seigneur de Barbezieux et de Ven-
deuvrc, se conforment aux ordres du roi. Ils résident à
Troyes pendant les élections et le temps employé à la
rédaction des cahiers (2).
Par lettre du roi, du 9 novembre, le lieu de la réunion
des Etats est changé. La ville d'Orléans est choisie comme
étant située plus au centre du royaume, assise en pays
fertile, abondant en toutes choses nécessaires pour une
réunion aussi considérable, qui y sera plus commodé-
ment logée.
La lettre du roi, datée du 30 août, est communiquée,
en présence du bailli, aux officiers du roi, et le lieute-
nant-général délivra les commissions au maire et aux
échevins de Troyes, aux baillis, aux prévôts et aux juges
des châtellenies assises dans le bailliage de Troyes et
dans son ancien ressort, et des mairies royales comprises
dans la prévôté de Troyes, afin de convoquer, par devant
eux et dans le lieu principal de leur juridiction, tous ceux
des Trois Etats qui voudront comparaître, afin de confé-
(1) B. 6. i5« carton, 2e liasse.
(2) Ils reçoivent des présents de la ville, en linge ; le duc pour
300 liv. et son lieutenant, pour la moitié de cette somme. (A. 13).
^560 CHAPITRE XVIII. 465
rep ensemble des remontrances à adresser au roi, choisir
parmi eux au moins un bon personnage dans chacun des
ordres, afin, par ces premiers élus, de comparaître en-
suite devant le bailli, au palais royal, le 29 octobre,
pour que tous les élus des châtellenies et des seigneu-
ries puissent traiter et conférer ensemble des remontran-
ces, plaintes et doléances qui devront être portées aux
F^lats-Généraux ; aviser aux propositions qui seraient à
faire au profit du bien, du repos et du soulagement du
peuple; enfin élire, dans chaque ordre, pour le moins un
député. Ceux auxquels ces commissions sont adressées
sont invités à faire connaître, sous leur signature et
celle de leur greffier, les points qu'ils jugeront propres à
être traités dans la réunion préparatoire fixée à Troyes.
Le 42 octobre, le maire de Troyes, Denis Clérey, avec
quatre échevins, Claude le Tartrier, Jean Mercier, Fran-
çois Bouillerot et Nicolas de Laffertey, se présentent,
accompagnés de Jean Desrieux, procureur de la ville,
devant le lieutenant-général, et lui font connaître qu'ils
ont convoqué, en la chambre de l'échevinage, pour le
surlendemain, lA, les Trois Etats de la ville, et le prient
et au besoin le requièrent de venir présider l'assemblée,
« attendu qu'elle est générale, des Trois-Etats, d et de
dresser le procès-verbal de cette assemblée.
Le même jour, le Conseil de ville décide que le man-
dement du roi sera remis à chacun des états et métiers
de la ville, afin que tous les suppôts desdits métiers
puissent conférer ensemble des causes de ce mandement
et rédiger € leurs plaintifs et doléances, » qui seront
remis au greffier de l'échevinage pour en faire procès-
verbal, après les avoir revus, puis les porter à l'assem-
blée générale du bailliage du 29 octobre.
Le lundi 14, l'assemblée primaire, celle à laquelle se
rendent les Trois Etals de la ville, s'ouvre sous la prési-
dence de Noël Coëffarl, lieutenant-général. Après avoir
II L 80
466 HISTOIRE DE TROYES. 156O
exposé les causes et le but de rassemblée, cet ofTicier
royal collige les voix des assistants votant, à haute voix,
sur les délégués qui doivent se rendre à la réunion du
29, avec les autres états du bailliage et y nommer les
députés aux Etats-Généraux. Chaque votant donne sa
voix pour deux délégués de chacun des trois ordres, du
clergé, de la noblesse et du tiers-état.
Le premier votant fut le lieutenant particulier; le
deuxième fut le maire; le troisième, Guillaume des
Meurs, écuyer, puis les sept échevins en exercice, Denis
Lebey, Nicolas de Lalfertey, François Bouillerot, Jacques
Perricard, Jean le Tartrier, Jean Mercier et Jean Paillot;
puis Messire Nicole le Tartrier, archidiacre de Margerie
en Téglise de Troyes et officiai de Tévêché; Nicole Hen-
nequin, doyen de la collégiale de Sl-Urbain; Laurent
Royer, sous-doyen de la même église ; Guillaume Millet,
scolastique de la collégiale de St-Etienne ; Nicolas Mer-
gcy, curé de Notre-Dame-aux-Nonnains ; les conseillers
de ville au nombre de huit; puis après eux viennent les
corporations, représentées par un ou par deux délégués,
suivant le nombre de leurs membres. Celles qui prennent
part au vote sont au nombre de cinquante-huit, savoir:
Les nobles et bourgeois, les avocats en cour laie, les
procureurs en cour laie, les notaires royaux, les sergents
royaux, les médecins, les avocats en cour d'église, les
procureurs en cour d'église, les marchands merciers,
grossiers et ferronniers, les drapiers et chaussetiers, les
teinturiers de draps, lesapothicaires, les chirurgiens, les
orfèvres, les tanneurs et corroyeurs, les bouchers et
écorcheurs, les foulons-lanneurs et tisserands de draps,
les fondeurs et maignans (chaudronniers), les papetiers,
les parcheminiers, les imprimeurs, enlumineurs, ima-
giers, peintres- verriers et brodeurs, les boulangers, les
pâtissiers, les potiers d'étain, les aiguilletiers, les bon-
netiers, les chapeliers, les tisserands de toiles, les pelle-
f500 CHAPITRE XVIIl. 467
tiers, les charpentiers, les menuisiers, les tondeurs, les
serruriers, les maçons, les couvreurs, les lorcheurs, les
armuriers, fourbisseurs, couteliers et gaîniers, les sel-
liers et éperonniers, les contrepointiers, les couturiers,
les pourpointiers, les bougraniers, les cordonniers, les
bazaniers, les savetiers, les tonneliers, les vinaigriers, les
huiliers, les maréchaux, les taillandiers, les tapissiers,
les épingliers, les estulliers, les royers (charrons),
les collerons, les tourneurs, les cordiers, les aléniers.
Il n'est donné défaut que contre une seule corpora-
tion, celles des lanlerniers.
Les corporations, depuis 1536, envoyaient « leurs
portants-voix i^ aux élections du jnaire, des échevins et
des conseillers de ville. Ces portants-voix étaient élus la
veille du jour de Télection à laquelle ils devaient coopé-
rer. Les corporations comptent donc pour chacune une
tète, tandis que certains personnages, votant isolément,
comptent eux-mêmes pour une tète.
Les votants donnent leurs voix aux candidats choisis
dans le clergé, la noblesse et le tiers-état (1).
Cette élection eut pour résultat d envoyer, en qualité
de votants, à rassemblée du 29 octobre :
Pour le clergé : Révérend père en Dieu, Antoine
Caracciole, prince de Melphe, évêque de Troyes; Jacques
Guillemel, doyen de St-Pierre de Troyes; Yves leTartrier,
doyen de la collégiale de St-Etienne; Nicole Hennequin,
doyen de celle de St-Urbain ; Maurice de Gyé, grand-
archidiacre; Nicole leTartrier, officiai; Antoine Perri-
card, archidiacre d'Arcis, chanoine de Sl-Pierre ; Laurent
Royer, sous-doyen de St-Etienne ; Guillaume Millet, sco-
(1) Les votes sont ainsi rapportés : t Denys Clércy a csleu, pour
le clergé, Me Jacques Guillemel et Anthoine Perricard ; pour la no-
blesse, Jean de Marisy, sieur de Cervet, et François de Marisy; et
pour le tirs-estat, M«? Philippe* Belin et Christofle Angenoust, » et
ain»i des autres votes exprimés.
468 HISTOIRK DK TROYES. 1560
lastique de cette église, et Nicole Mergey, curé de St-
Jacques-aux-Nonnains.
Pour la noblesse : Jean de Marisy, sieur de Cervet;
Odard le Mercier, le jeune, sieur de St-Parres ; Jacques
Menisson, sieur de Doches, et François de Marisy, secré-
taire du duc de Guise.
Pour le tiers-état : Jean de Mesgrigny, président
au présidial; Philippe Belin, lieutenant particulier au
bailliage; Augustin Lihoron, avocat; Denis Clérey, sieur
de Vaubercey, maire de Troyes; Christophe Angenoust,
niarchand et ancien maire de Troyes; Jacques Mauroy,
Claude Pinette et Louis Guérin, conseillers de ville.
Ces délégués du premier degré reçoivent de ceux qui
les ont élus, leurs remontrances, afin de s'en inspirer,
lors de la rédaction des cahiers définitifs, qu'ils sont
chargés de dresser avec les envoyés des chàtellenies.
Le gouverneur de Champagne et son lieutenant-
général n'assistent point à la réunion du 29 octobre,
€ parce qu'elle ne concernait que le tiers -état. > A cette
assemblée, l'élection des députés des trois ordres se fait
comme nous l'avons indiqué pour celle qui eut Heu
le 42.
Après avoir reçu les votes des délégués des trois or-
dres de la ville de Troyes, le lieutenant-général, prési-
dant, recueille ceux des envoyés par les trois états des
chàtellenies. On compte parmi les seigneuries, chûtelle-
nies et justices représentées :
Les états de la ville et du bailliage de Joigny; ceux
des villes et des bailliages d'Ervy, de St-Florentin, de
Méry-sur-Seine, de l'Isle-sous-Montréal, de Nogent-sur-
Seine, de Pont-sur-Seine, de Traînel, de la Ferté-Loup-
tière, de Chaource, de Virey-sous-Bar, de Marigny; les
états des bailliages de Jaucourt, de Vendeuvre, de Magnant,
de Montiéramey de Chappes, de la Grève (près Pont-su^
Seine), de Payns, d'Arcis, de Bourdenay, de Maligny, de
1560 CHAPITRE XVIIf. 469
St-Phal; les états des villes et des bailliages de Danne-
moine, des bailliages de Saultour, de Coursan, dMsle
(Aumont), de Chacenay, de Fontetle, de Bligny, de Spoy,
de Cézy, d'Esnon, de Précy, de Garchy; les états de la
terre et seigneurie de Milly, des bailliages de Sormery, de
Jully (sur Sarce), des mairies royales des Noës, de
Preize, de Croncels, de Rhèges, d'Aillefol, de Chaillouet,
d'Onjon, de Bouy et de Lusigny; les états de la prévôté
de St-Sépulcre (1).
Il est donné défaut contre les états des bailliages de
Villemaur, deSt-Maurice-en-Thirouaille, des terres et sei-
gneuries de St-Liébaut(Estissac) et de Flacy ; de ceux des
mairies royales de la Barbuise, de Mesnil-Sellières, de
Barberey-aux-Moines, de Laubressel et de ceux de la pré-
vôté de Torvilliers.
Sont élus députés aux Etats-Généraux :
Î^OUR LE CLERGÉ du bailliage : Yves le Tartier, doyen
de la collégiale de St-Etienne, et Antoine Perricard,
archidiacre d'Arcis, chanoine de St-Pierre.
Pour la noblesse : Anne de Vaudrey, seigneur de
St-Phal, bailli de Troyes, et Ferry de Nicey, seigneur de
Nicey et de Rumilly-lès-Vaudes.
Pour le tiers-état : Philippe Belin, lieutenant par-
ticulier, et Denis Clérey, sieur de Vaubercey, maire de
Troves.
Quoiqu'il n'y eût que deux députés élus pour le tiers-
état, il y a lieu de comprendre, en qualité de troisième
député, M. Jean Paillot, qui, comme tel, signe avec les
autres députés de la province, les remontrances du comté
de Champagne.
M. Jean Paillot est mis au nombre des députés du
(1) Cette liste comprend des noms de lieux dont les justices ne
i*essortissaient pas directement au bailliage et au siège présidial de
Troyes, telles que Milly, Gai'chy, etc.
no IIISTOIHI^. DK TROYES. tSKO
bailliage (.1;, quoiqu'il n'eût recueilli aucune voix à Télec-
lion généraie du !29 octobre. Il prit rang parmi les dépu-
tés, ayant été désigné par le Conseil de ville, dans
sa séance du 2G novembre, afin d'assister M. de
Vaubercey, maire de Troyes, élu député du tiers-état.
Le lendemain de Télection, les élus des trois ordres se
présentèrent, au palais royal, devant le lieutenant-général,
l'avocat et le procureur du roi, et déclarèrent à ces ma-
gistrats qu'ils acceptaient la charge qui leur était donnée
et s'engagèrent au besoin à prêter le serment devant le
roi ou celui qui présidera l'assemblée des Etats-Généraux.
A la même séance, le maire, les éclievins et les con-
seillers de ville remirent aux mains du lieutenant-général
< et sous son bon plaisir et correction, » un cahier con-
tenant leurs remontrances, mais non celles du clei^,
ni d'aucune corporation des métiers. Parmi ces corpora- —
lions, celles des tisserands de toiles, des drapiers et .:^{
chaussetiers, des huiliers, boulangers, maréchaux, apo- — -
thicaircs, peintres et esluliers^ seraient les seules qui au- — ^-
raient dressé des cahitrs particuliers.
Tous les (Hats des châtellenies ne remirent pas leurs«=:-«^rs
cahiers; dix liront défaut. Ce lurent les états de Pont, de^^ l_ile
Chappes, de Payns, de Bourdenay, de St-Phal, d'Isk.^ I -le
I Aunionl I, de ('.hacennv, de Fonlelle, do Précv, de iMilIv. --^ Jv,
cl ceux de la plupart des mairies royales.
Au moment de la reniiso des cahiers, le lieulenaiil- J m. il-
général inibnna (|ue le roi voulait (|ue, dans les remoii- m «n-
tranees * baillées aux députés, il ne soit nullement lou m^ u-
ché aux questions relatives à la foi de la religion chré- -"-^'é-
tienne, ni à tout ce (jui s'y rapporte. • Les délégués -f^ Ci^
répondirent que les cahiers qu'ils déposaient ne conte- --^u^e-
naionl rien qui fût relatif à la foi et à la religion, ni à U A Ai
doctrine; (|u'il n'y était (|uestion que de la vie et de -^3e.v
( 1 ) Augustin Thierry. Histoire du Tiers-Etat.
1568 CHAPITRE XVIII. 471
mœurs des gens d'église et de radministration des béné-
fices, dont la réformation soulagerait le peuple et tour-
nerait au profit du bien public, de Tinstruction et de
Tédification du peuple; que ce qu'ils disaient n'était
point pour déplaire ni pour désobéir au roi, mais pour
Tavertir de ce qui existait et servir au concile national
ou général annoncé pour le mois de janvier.
Communication de ces dernières observations fut
donnée au duc de Nevers par le bailli et autres délégués
co.ximis à cet effet par rassemblée. Le gouverneur de
Champagne ne fit aucune objection à la rédaction qui
lui fut présentée.
Le 30 octobre, l'assemblée générale du bailliage dé-
cida qu'il serait fait lecture des remontrances dressées par
le maire, les échevins et les conseillers de la ville de
Troyes, sauf à ajouter, retrancher ou corriger ce qui
serait jugé utile et convenable. Les rédacteurs des remon-
trances, dressées pour la ville de Troyes, étaient MM. Guil-
laume le Mercier, Robert et Christophe Angenoust, Guil-
laume Format, Claude Pinette, Louis Guérin et Jacques
Mauroy, membres de Téchevinage et du Conseil de
ville (1).
Les principales remontrances portent sur les points
suivants :
Toutes les dignités et tous les bénéfices de l'église
seront remis à l'élection de la primitive église. — Ces
dignités et bénéfices seront donnés, par l'élection, à des
prêtres instruits, de sainte vie, faisant résidence, veillant
sur leurs troupeaux, administrant la parole de Dieu,
assistant aux services divins et donnant le bon exemple.
— Nul ne sera reçu abbé ou prieur, sans avoir fait pro-
fession de religion. — Toute personne ne pourra jouir
que d'un bénéfice et y résidera. — Tout curé adminis-
(i) A. 13.
172 HISTOIRE DE TROYES. f56o
Irera les sacrements sans rien recevoir, sinon pour les
onlerreinenls, ce qui est fixé par arrêt de la cour. —
Aucun prêtre ne sera reçu avant Tâgc de trente ans; il
sera docte et de bonnes vie et mœurs, et il lui sera assuré
un revenu d'au moins 50 livres par an. — Les bénéfi-
ciers ne pourront mettre à ferme le revenu de leur bé-
néfice tant spirituel que temporel, mais ils le percevront
eux-mêmes : les fermiers spéculant sur ce revenu en re-
tenant les blés et les vins en temps de cherté. — Le nom-
bre dos prêtres sera fixé pour chaque paroisse. — Toute
personne de main-morte, sous la juridiction ecclésiasti-
que, pourra se racheter, au dire de gens de bien. — Les
maîtres spirituels des hôtels-Dieu pourront être cIiaDgés
sur la demande des administrateurs laïques. — La sup-
pression totale des annates sera ordonnée, les grâces
expectatives réservées aux évêques et la collation des
bénéfices seront faites à ceux qui seront préseotés et
élus par le peuple.
Le roi assistera souvent à son conseil privé, pour con- —
naître des affaires de son royaume et entendre les do-
léances de son peuple. — Il donnera audience publique ^m^.
et à porte ouverte afin qu'après avoir entendu les plaiii-
tes, il donne bonne et briùve justice à l'exemple de Si- — ^-
Louis et autres rois ses successeurs. - Aucune confis -s-
eation ne sera prononcée sans avoir entendu la partit^ ^ ^ i<^
accusée.
La ifendanneric île pied et de cheval sera payée, de ^— ♦ '^'
trois mois en trois mois, sans aucune retenue, afin d em *-
pêcherie peuple (ItHro molesté. — Aucun capitaine ne ^^-^^
fera sonner le tambourin sans que ses g^ens d'arme.- -^
fussent payés suffisaniment [lour se rendre à son pro-
chain gîte. — Les gens de guerre ne logeront pas dans
les maisons des curés ou vicaires.
Tons Ips oUicos de judicalure seront soumis à l'élec-
tion, qui se fera par les trois états des villes, ^ Les élus
-^,»
1560 CIIAIMTHK XVIll 473
seront des gens doctes, de notables vie et conversation,
cl bien expérimentés en pratique. — Ces officiers feront
bonne justice. — Le roi ne fera plus don de ces offices
qui sont revendus à bénéfice. — Ceux qui trafiquent de
ces offices seront déclarés infâmes et incapables de les
tenir à Tavenir. — Ceux qui aspirent aux offices dejudi-
cature seront examinés par le Parlement, selon qu'il a
été ordonné par François I»r. — La suppression des
épices sera ordonnée. — Elles seront remplacées par un
traitement raisonnable. — Les avocats et procureurs du
roi ne seront plus stipendiés (salariés) par les habitants
des bailliages, ils recevront du roi gages raisonnables.
— Ils ne plaideront et ne consulteront plus que pour le
roi seulement. — Le nombre des juges sera réduit. —
Le roi fera rentrer, moyennant rachat, les justices
royales aliénées, dans son domaine. — Le greffe des
insinuations sera aboli. — La durée des lettres de répit
sera fixée à un an et encore moyennant caution.
Les prévôts des maréchaux feront leur tournée, de
mois en mois, dans toute retendue de leur juridiction.
Les danses publiques et les chansons dissolues seront
défendues. — L*ordonnance sur les cabarets et les ta-
vernes sera observée. — Nul n'ouvrira taverne ou ca-
baret, sans être présenté au maire et aux échevins des
villes.
Tout seigneur péager réparera et entretiendra les
ponts et les chaussées qui leur appartiennent, à peine
de saisie des produits du péage.
Le taux du péage sera autlientiquement affiché. —
Il ne sera levé aucun péage où il n*y a ni pont ni
chaussée.
Les tailles et les impôts seront réduits au taux où ils
étaient du temps de Louis XII.
Les marchandises circuleront librement dans tout le
royaume, sans aucun droit, en faveur des Compagnies
474 HISTOIRE DE TROYES. isfio
française ci normande, et sans autres levées de deniers
que celle qui se fait pour l'entretien des chemins et des
chaussées, c considéré que par la liberté du commerce,
• les marchands de toutes nations arrivent, et que par
• la fréquentation desquelz les sujets du roi se peuvent
> enrichir, en quoy faisant le roy est riche, fort et .^ A
• secouru de ses subgectz à son besoin. » — Tous droits -^^^
de hauts-passages seront supprimés. — Les élections*^^ mïs
auront les mêmes limites que les bailHages et siégess^^^BS
présidiaux, afin de remédier au grand inconvénient de se^^se
rendre en plusieurs lieux pour avoir justice.
Les salaires des ofTiciers de justice seront modifiés ^^ iés
selon la cherté des temps. — Trois sentences définitives ^ ^es
conformes, et deux sentences interlocutoires, aussi cod- cik in-
formes, rendues par juges royaux ou non royaux, seron mht ^ddI
exécutées nonobstant appel, mais sans préjudice d*iceluii mlw iui.
— Il serait bon de supprimer tant de degrés de justices ^> ce,
et de n*on conserver que trois au plus. - - Les sujets dis t^ du
roi seront traités, au civil et au criminel, devant les^^ '®s
juges ordinaires et non par devant des commissaires. ■ — "~
Toutes évocations seront cassées.
Tous chefs d'hôtels enverront, en leur paroisse ^^^^i
leur famille, pour assister à la grande messe, à vêpres ^^^^^^
el aux prédications, sous peine d'amende. — Ne seron c* ^^^
ro(;us, dans les cabarets et hôtelleries, que les étrangers ^'^^^-
— Il ne pourra y être joué aux caries, aux dés ou autress ^^'^^
jeux ilélcndus. — T(»ul charretier ne pourra se mettre:^^^''^
en voyage le dinianrlie. — Tous bateleurs ou histrionsè:^^ ^^^
ne [)ourront jouer, étant considérés comme gens oisifs^ >^^^
détournant le peuple de ses travaux et de ses occupa ' ^"
tiens.
Les frais de chancellerie seront affichés aux portes de
toutes les chancelleries. — Les actes seront signés par
les notaires et non par les tabellions, qui changent tous
les deux ans. — Les notaires pourront délivrer en bre-
tseo cfiAPiTiiK xviii. 475
vet certains de leurs actes. — Tout contrat sera reçu
par deux notaires et non par un notaire et par deux
ténnoins.
Le bailli du Louvre, connaissant seul du fait des sal-
pêtres et- des salpêtriers, cette juridiction sera donnée
au plus prochain juge royal de la résidence des salpê-
triers.
Les Egyptiens et autres vaguants et errants par le
pays de Franco seront expulsés, pour éviter les vols, et
parce que près d'eux se retirent les bannis du royaume.
A la lecture de ces articles, il n'y eut d'observations
qu'à l'égard des élections des bénéficiers, évoques et
archevêques. Les officiers royaux prétendirent que c'était
matière de concile, de même que la demande relative à
la suppression des annates. Quant aux ofTiciers de judi-
caturo soumis à l'élection, il fut dit aussi que le roi
avait déjà apporté remède à ce qui existait, en exigeant
la présentation de trois personnes, doctes et expérimen-
tées, de prud'hommie, parmi lesquelles il fait son choix.
Celte analyse rapide du cahier dressé par un corps
constitué, respectable par le nombre et par la qualité
des personnes, à la rédaction duquel se rallient les délé-
gués des petits bailliages pour le tiers-état, mérite une
bien sérieuse attention. Ce document authentique éclaire
d'une vive lumière sur l'état des esprits, en Champagne,
avant les guerres religieuses, et sur les besoins sociaux
et les abus à réformer. Ce document est ferme et absolu
dans la forme comme au fond, et pourtant, dans certains
cas, il regrette le passé, en le prenant pour exemple ; il
regarde vers l'avenir, en demandant des réformes dont
aujourd'hui encore on comprend le besoin. Et pourtant,
combien de ces réformes n'ont trouvé place dans la légis-
lation qu'après plusieurs siècles! Combien ne reste-t«ii
pas encore de réformes inscrites dans le cahier du tiers-
état, rédigé en i560, à obtenir aujourd'hui!
476 HI8T0IRB DE TR0YE8. t80O
Le mal est plus puissant que le bien. La réforme d*un
abus est presque impossible, par suite de la résistance
de ceux qui en vivent, et cette réforme n'est réalisée, le
plus souvent, qu^après la disparition de ceux qui en pro-
fitent. Aussi combien sont coupables ceux qui les per-
mettent ou seulement les tolèrent!
Ainsi, à notre sens, qui ne blâmerait donc ce scanda-
leux cumul des revenus ecclésiastiques plaçant entre les
mains d*une même personne, plusieurs abbayes et plu-
sieurs évéchés ! Qui donc ne se scandaliserait pas de voir
absorber le revenu temporel d*un évêché ou d'une abbaye,
et souvent de plusieurs, par un seul individu, qui, pen-
dant sa vie, aura à peine visité son évéché ou son abbaye»
n'y aura jamais résidé et aura laissé l'administration spi-
rituelle à des inférieurs sans responsabilité! Qui donc
obéirait, de nos jours, à un évéque de quinze ans ou à
un abbé de dix-huit! Ces faits étaient, alors comme au-
jourd'hui, qualifiés d'abus. Les gens sages les appré-
ciaient ainsi, et pourtant ces abus survécurent au tu-
multe et à la révolution religieuse, politique et sociale
du XVIe siècle.
Le cahier ci-dessus analysé, œuvre du Conseil de ville,
éclaire sur Tétat de la société et sur celui de l'opinion
publique en 1560. 11 est de la plus grande éloquence
dans sa grande simplicité. 11 traduit, avec énergie, la
pensée purement laïque d'hommes sages, placés par
l'élection à la tête d'une cité active, instruite, intelli-
gente, laborieuse, économe et amie de l'ordre.
Ce cahier a une valeur politique fort remarquable.
Il contient un grand sentiment du droit et de l'équité, de
l'intérêt public et de Tamour de l'ordre, une juste appré-
ciation des faits qui sont du domaine du passé et un
sage désir de voir s'accomplir des réformes nécessaires.
Il renferme, enfin, les principales observations comprises
dans le cahier général du tiers- état. ,
1560 CHAPITRE XVllI. 477
Mais voici un autre cahier qui, rédigé et dressé dans
un tout autre centre, ne jette pas une lumière moins vive
sur la société française au temps de la réforme, au mo-
ment où va s'ouvrir une gfuerre homicide, dans laquelle
les partis, ayant des princes français à leur tête, vont
mettre, pendant prés de quarante ans, la France à feu et
à sang, où l'assassinat ne sera plus qu'un léger accident
parnji les grands, si on le compare aux rumes qui s'a-
moncelleront jusqu'à l'avènement de Henri IV. Ce roi,
homn)e du tiers-parti, sut ramener, avec beaucoup de
peine, le calme et la paix au sein du royaume; nous
n'osons dire ici la prospérité et la richesse, car c'est de
son époque et par l'application rigoureuse des principes
(le son gouvernement et de son administration, que com-
mence ta décadence de la ville de Troyes : décadence
qui, par ses successeurs, fut conduite jusqu'à sa
ruine.
Ce cahier de doléances est celui qui fut dressé par les
trois chapitres de la ville de Troyes : celui de la Cathé-
drale, celui de la collégiale de St-Etienne et celui de la
collégiale de St-Urbain. Ecoutons les gémissements et
les vœux jetés au pied du trône par des compagnies reli-
gieuses, contre lesquelles s'élevaient aussi des plaintes
plus ou moins fondées.
Les membres de ces trois chapitres remontrent les
faits suivants : Les ruines et désolations des prieurés, le
grand désordre des abbés, des religieux et des couvents;
la négligence des chefs; les membres des églises ca-
thédrales et collégiales requièrent que les élections, dans
le clergé, soient remises à qui elles appartiennent de
droit. — Comme on a pourvu de ces bénéfices gens ne
faisant pas leur devoir, n'ayant aucune doctrine et ne
préchant pas d'exemple, les erreurs qui troublent aujour-
d'hui l'église ont pullulé. — Sous couleur d'un placet
du roi, certaines gens jouissent de bénéfices, pendant
478 HISTOIRE DE TKOYES. l&fto
dix ans et plus, sans provision, du siège dont ils sont
favorisés, en raison de leurs personnes. Pendant ce
temps, désespérant de pouvoir obtenir provision, ils ne
tiennent conripte du spirituel et détruisent le temporel.
*— Que, pour obvier à cette ruine, l'élection est le seul
moyen à employer.
L'une des choses les plus scandaleuses du diocèse,
c'est la pénurie dans laquelle les abbés laissent leurs
religieux, qui prétendent ne rien recevoir pour se vêtir,
prennent la licence de sortir de leurs couvents ou prieu-
rés, se répandent dans le diocèse et y quêtent des messes,
afin de pouvoir se procurer le vêtement avec le produit
qu'ils en retirent, et, dans ce but, courent jour et nuit.
— Que cet abus cesse, disent les chanoines.
Que les abbés soient tenus d'entretenir un ou deux
religieux, « afin d'instruire les enfants es lettres
saintes. >
Que les inquisiteurs de la foi soient rétablis comme il
plaira aux cardinaux (les cardinaux de Guise, de Bour-
bon et de Châtillon ) qui en sont chargés ; qu'ils veuillent
bien se substituer un mandataire, dans chaque diocèse,
selon leur pouvoir. - Que tout prédicateur soit approu-
vé. — Qu'il soit défendu à tous gens d'église de porter
des robes de soie et des habillements découpés; — que
le nombre de leurs serviteurs soit limité, ainsi que la
dépense de leur table, « afir\ de pouvoir aumôner les
pauvres. >
Les curés résideront et veilleront sur leur troupeau.
Ils ne seront molestés ni par leurs seigneurs, ni par les
gens de guerre. — Tout curé recevra de quoi vivre,
n'aura qu'un serviteur et une femme, hors de toute sus-
picion d'incontinence. — Il se gouvernera selon les saints
canons ; ne paiera aucune dîme papale ou royale, ou
autre subside. — Chaque paroissien, pour entendre ce
qu'il aura à faire pendant la semaine, ira, au moins de
1560 CHAPITRE XVIII. 479
deux dimanches Tun, à la messe. — Les évêques ne
donneront point les ordres par faveur, parenté ou amitié
ou moyennant argent; ils n'exigeront aucun argent des
oblations, sous prétexte de droits de sceau. — Ils ne
donneront de licence aux extrà-diocésains sans avoir
attestation authentique « de leur prudhommie. > —
L'incontinence, Tavarice, l'ambition et autres vices ap-
partiennent non seulement aux ecclésiastiques, mais en-
core à toutes les classes de la société. 11 y a nécessité
t de rappeler les lois de Moïse et de Julles, 3> contre les
adultères. — Les fêtes étant en trop grand nombre, il y
a lieu, pour le peuple, de les réduire. - H y a répu-
gnance à voir les dignitaires ecclésiastiques accompa-
gnés, même dans les églises, de serviteurs armés de
dagues, d'épées ou autres armes. — La nourriture et
l'entretien des chiens et des oiseaux destinés à la chasse
ne seront plus permis que dans le cas où les revenus
seront assis sur des droits de chasse, en raison du grand
préjudice causé aux récoltes.
Il y a lieu de supprimer un grand nombre d*officiers
royaux. — Nul ne sera logé par fourrier que ceux qui
font partie de la suite du roi ou les membres de son
conseil. — Nul ne pourra obliger son hôte à le traiter
gracieusement, sans le payer, et encore sans faire délo-
ger les gens de la maison. — L'usurpation de la noblesse
ne sera plus tolérée. — Ity a lieu de refréner les gentils-
hommes qui, allant aux champs, ne veulent payer les
dépenses qu'ils y font, et d'interdire aux gentilshommes,
nourrissant chiens ou oiseaux de chasse, de prendre des
poules contre le gré des propriétaires et de chasser alors
que les vignes et les champs sont chargés de récolles.
— Il y a lieu de régler les droits de grueries, de jurées
et de corvées, ainsi que les tailles qui sont dues aux
seigneurs.
< Quant à la justice, elle estoit aussy bien adminis*
480 HISTOIRE DE THOYES. isfiO
trée quant il n'y avoit que ung prévost et son lieutenant
avec uT)g bailly et ses lieutenants civils et crintinels,
comme elle est maintenant avec la multitude d'ung pré-
sident et des conseillers présidiaulx qui ne servent qu'à
augmenter les fraictz de justice, d'aultant qu'il fault
espices plus fort pour garder juatice de corruption et si
on dict vulgairement qu'il fault à chascun sainct sa chan-
delle, aussy il y a plus grande suspicion d'injustice, car
souvent ung barbier raze Taultre. »
« Est ung dict vulgaire entre iceulx de Testât de jus-
tice que les édictz et ordonnances du roy ne sont valables
trois jours après, ce que l'efTect se vérifie assez. — Les
cabaretiers ont plus de liberté que jamais ; les bateleurs
et joueurs d'épées jouissent d'une même liberté et qui
veut porter dagues, cpées ou aultres armes, le fait impu-
nément, tellement que, sur le soir, se trouvent des bat-
teurs, détrousseurs et larrons, dont la justice prend peu
de soucis. » — En tous états, la manière de vivre et de
se vêtir « est si excessive et si désordonnée, • que si
Sa Majesté veut empêcher le peuple de tomber dans le
précipice et en grande pauvreté, il est nécessaire, « à
l'exemple des Romains et autres bons politiques, de
mettre en avant lois soniptuaires et à l'exemple des Lacé-
démoniens et des Athéniens, il v a lieu de rechercher
comment beaucoup de jeunos gens, qui n'ont pas un
solz de revenu ny de gain , vivent et dépensent plus
qu'on ne saurait estimer. >
Toutes ces plaintes ne furent pas portées directement
au roi. Chaque ordre dressa ses cahiers par bailliage,
puis par province. Ainsi < le tiers-état des comtés de
Champagne, Brie et Sens, » rédigea ses remontrances
particulières.
Le 26 novembre, le Conseil de ville met une somme
de 500 livres à la disposition des députés du tiers-étal
du bailliage, et à prendre sur les deniers patrimoniaux
1560 CHAPITBK XVIII. 484
(ou communs), sauf à se faire rembourser par les villes
closes, prévôtés et châlellenies du bailliage (1).
Les députés du tiers se rendirent à Orléans, en s*y
faisant conduire par un voiturier spécial, qui transporta,
aux frais de la ville, « les coffres, les lits de camp et les
autres choses qui leur étaient nécessaires. >
Aux Etats-Généraux, les cahiers provinciaux sont fon-
dus en un seul pour tout lo tiers-état de France. Les
ordres du clergé et de la noblesse agirent de môme. Ainsi
les gens du tiers-état, « du comté et pays de Champagne,
Brie et Sens, i> dressent à Orléans, sous la date du
20 décembre, leurs cahiers de c remontrances, suppli-
cations et requesles, conférées, extraites et accordées
des remonstrances, apportées par les députés des bail-
liages de Troyes, de Chaumont, de Vitry, de Meaux, de
Provins, de Sozanne et de Sens. > Ces cahiers provin-
ciaux sont eux-mêmes réunis, classés et fondus en cinq
parties, savoir : la première, touchant le fait ecclésias-
tique ; la deuxième, le fait de la gendarmerie et suite
de la cour; la troisième, la justice; la quatrième, les
tailles, impositions, subsides, marchandises et autres
choses; la cinquième, la marchandise (2).
Les cahiers des trois ordres sont remis à Touverture
des Etals qui eut lieu le 13 décembre, au lieu du 10 : le
roi François II étant mort le 5.
Le 30 janvier suivant, jour de la clôture de l'assem-
blée, tenue aux Carmes d'Orléans, le chancelier Michel
(1) A. 13.
(2) Nou8 donnons ici le titre des cinq cahiers comprenant < les
» remontrances des gens du tiers-état du royaume, » conservées
aux archives municipales de Troyes, et qui forment un ensemble de
156 folios manuscrits. Les cinq divisions données ici^ sont un peu
différentes de celles qui sont indiquées par M. Aug. Thierry, Essai
sur l'Histoire du Tiers-Etaty t. K'; Etats-Crénéraux de i560, —
Arch. mun. B.B. 15* carton, 2' liabse.
III. Zl
482 HISTOIRE UË TUOYES. 1S60
de L'Hôpital, le promoteur de la tenue des Etats, répon-
dit aux remontrances.
Le tiers-état joue, aux Etats-Généraux de 1560, un
rôle important. Il domine les deux autres ordres. Ce ré-
sultat est dû à rinteltigence et à Tinstruction de ses
membres. Cette classe se recrutait et se recrute encore
des gens actifs et intelligents. Elle ne peut se former
qu'avec des amis du travail et de Tordre. Elle se consti-
tua surtout au XV« et au XVI^ siècle. Elle forme, en
1560, rétément dominant de la nation. Elle subvient,
par les impôts qui l'ont toujours frappée et par des dons
patriotiques, aux grandes nécessités de l'Etat. Elle pos-
sède rinstruclion. Elle a la richesse, fruit de ses labo-
rieuses économies. En Champagne, à Troyes, elle domine
l'ancienne noblesse, par le nombre, par la fortune, par
l'activité, par ses connaissances pratiques de l'adminis-
tration, par la possession du sol. C'est par ces diverses
qualités, que la bourgeoisie champenoise arrive à la no-
blesse et quelle prend une large place dans les grands
corps de l'Etat.
L'assemblée d'Orléans fut close le 30 janvier. Les dé-
putés retournùrent dans leurs foyers, après avoir déclaré
qu'ils étaient sans pouvoirs à reffet de consentir à au-
cune taxe nouvelle. lis furent chargés de faire connaître,
dans les provinces, l'étal des finances dressé par les
ministres. 11 leur fut en outre remis une copie des ré-
ponses aux articles présentés au roi, faites le 30 janvier.
Le roi taxa les indemnités dues aux députés (1).
Le 10 février, Philippe Belin fil au Conseil de ville son
(1) M. de Vaubercey, étant à Orléans, demanda, à Troyes, l'envoi
de la charte délivrée en faveur de la ville de Troyes, concernant la
Compagnie française et la Compagnie nonnande^ qui depuis long-
temps percevaient des droits de navijj-ation sur la Seine. (A. 13.) H
avait l'intention de faire mentionner ces privilèges dans le cahier
♦général. Il s'iJj,'it des lettres-patentes données par Charles VII, le 19
novembre 14'iO.
1501 CHAPITRE XVIII. i83
rapport sur ce qui s'était passé à l'assemblée d'Orléans,
où les députés restèrent pendant neuf semaines (i).
Cette mémorable assemblée était surtout l'œuvre de
Michel de L'Hôpital. Il eut le génie d'un législateur, Tânie
d'un philosophe et le cœur d'un citoyen. Il porta dans
le gouvernement les principes traditionnels du tiers-
état, l'attachement au maintien de Tunité française et
aux libertés de Téglise gallicane. Il aimait la vieille
maxime : Une foi, une loi, un roi. Mais, selon lui, la Toi
doit être tolérante, la loi protectrice, et le roi impartial
pour tous (2). Combien de malheurs ne seraient pas à
déplorer, si cette belle maxime était appliquée comme la
comprenait ce grand homme de bien !
Le 16 février, le roi ordonna, pour le 20 mars suivant,
la réunion des Elats provinciaux qui, après consultation
dans leur sein et dans les assemblées électorales, de-
vaient élire trois députés, un pour chaque ordre, dans
chacun des treize gouvernements du royaume. La réu-
nion de ces nouveaux élus était fixée à Melun, au
4er mai.
Sur ces entrefaites et vers le 20 mars, Antoine de
Bourbon, roi de Navarre; Anne de Montmorency, conné-
table; les Guise et autres princes du sang royal, se rap-
prochent et font ensemble c paix et union. > Le jeune
Charles IX et le roi de Navarre, par lettres séparées,
écrites à la date des 25 et 30 mars et adressées aux
baillis, annoncent cette paix qui malheureusement n'eut
aucun résultat (3).
Dans le bailliage de Troyes, les remontrances relatives
(i) A. 13.
(t) AuG. Thierrt. Essai sur l'Histoire du Tiers-Etat^ t. i^r,
p. 132.
(3) B.B. 15o carton^ îfi liasse. Ces lettres sont imprimées en lettres
gothiques et en forme de placard, avec le mandement du bailli qui
en prescrit la publication.
484 HISTOIRE DE TROYES. iset
à Tadministration des finances auraient été rédiçées;
car, le 13 mars, les corporations se réunissent à Thôtel-
de-ville pour donner leur avis; le 17, sont convoqués,
au palais royal, à Troyes, les envoyés des chàtellenies,
et le 20, les députés des trois ordres des bailliages de la
province et comté de Champagne, Brie et Sens sont
réunis pour dresser définitivement leurs cahiers destinés
à rassemblée de Melun, qui devait encore alors se réunir
le i^r mai. Le 6 mai, sous la présidence du lieutenant-
général, il est procédé à Télection des députés aux nou-
veaux Etats-Généraux, et là, sont arrêtées les remon-
trances des corporations sur le fait des finances.
Le clergé, dans cette circonstance, demeure en dehors
des deux autres ordres. Il avait pris, séparément, l'en-
gagement d^éleindre avant dix ans, le tiers des dettes de
TEtat. Aussi, pendant que la noblesse et le tiers-état
s'occupent des finances, à Pontoise au lieu de Melun, le»
députés du clergé catholique et les représentants de la
religion réformée discutent les choses religieuses au.
fameux colloque de Poissy
Les remontrances sur le fait des finances ne font pas.
défaut. Elles existent encore aujourd'hui, soit qu'elles
émanent du corps de ville, des corporations ou des mé-
tiers, soit enfin qu'elles soient Tœuvre de la noblesse et-
du tiers-état do la viile de Troyes, sous les dates des^
H mars, 6 et 10 mai 1561.
La noblesse et le tiers-étal de la ville de Troyes, agis-
sant en commun, après avoir remercié Dieu et le roi d(^
la bonne paix et concorde mise en la maison royale et
de ce que le roi a bien voulu leur communiquer ses affai-
res, supplient la reine-mère, le roi de Navarre et les
princes du sang, « de vouloir entendre aux affaires du
royaume, de continuer la bonne et soigneuse volonté
qu'ils ont jus{|u'icy Taict apparaître aux trois estats d'i-
collnv. » Ils rogrettont In nécessite où se trouve le roi
1561 CHAPITRE XVUl. 485
en ce moment, « et s'esmerveillent de Texistence de si
grandes dettes, vues les grandes tailles ; crues sur icelles,
augmentations de gabelles, emprunts particuliers, solde
de 50,000 hommes de pied, les 20 livres tournois levées
sur chaque clocher du royaume, les 8 écus levés sur les
officiers royaux, les 4 écus levés sur les bourgeois, mar-
chands, veuves et artisans ; les 2 écus sur les avocats,
praticiens, notaires et sergents; décimes, dons gratuits,
francs-fiefs et nouveaux acquêts, deniers levés, après la
journée de St- Laurent (bataille de St-Quentin), aliéna-
tions du domaine, aides et gabelles, érection des bureaux
de la foraine, finances- reçues sur les offices, tant an-
ciens que nouveaux, et enfin, plusieurs grandes sommes
de deniers levées sur le peuple pendant et depuis le règne
du roi Henri II. Les deux ordres sont d'avis que préala-
blement le roi fasse reviser, par des gens élus aux Etats
du royaume, tous les comptes de ceux qui ont manié les
finances depuis l'avènement de Henri H, de même que
les comptes de ceux qui ont eu charge de lever des
finances extraordinaires. Ils demandent, enfin, qu'il soit
fait enquête des dons offerts par le roi à des personnes
qui ne le méritaient pas.
Si, par cette révision, il n'y a pas somme suffisante
pour acquitter les dettes de TEtat, le roi disposera du
revenu de tous les bénéfices, de quelque condition et
qualité qu'ils soient, qui ne sont desservis par les titu-
laires et, après avoir pourvu à l'entretien des charges
spirituelles et temporelles de chacun de ces bénéfices ,
le revenu de tous les bénéfices religieux, de tous les
prieurés conventuels et autres, dont les titulaires sont
âgés de vingt-cinq ans et qui ne sont pas engagés dans
les ordres, enfin, le roi prendra, par gradation et selon
leur importance, sur le revenu de tous les bénéfices,
prieurés, abbayes, évêchés et archevêchés, primats et
cardinaux. Quant aux Chartreux, Gélestins, Minimes et
486 HISTOIIIE DE TROYES. i^\
Mathurins, le roi prélèvora sur le rev»^nu de ces ordres,
tout ce qui excédera la dépense nécessaire à la nourri-
ture, aux vêtenfîents des religieux et à Tentretien des
bâtiments, et cela jusqu'à Tacquittement des dettes de
TEtat et de celles du roi.
Quant aux chevaliers de StJean-de-Jérusalem, le roi
prendra et appliquera à son domaine les deux tiers de
tous leurs biens, Tautre tiers suffisant pour le service
divin, la nourriture des chevaliers et l'entretien des bâti-
ments de Tordre. Après le décès des chevaliers, le roi
appliquera ce qui restera de leurs biens, à son domaine,
sous la réserve du service divin et des aumônes, € con-
sidérant que ces chevaliers ne font aucuns services au
roi ni à la république. »
Gomme les Mathurins, les Chartreux, les Célestins et
les Minimes possèdent des forêts de haute-futaie qu'ils,
dégradent chaque jour, que le roi prenne ces bois, afin
de les conserver, « le royaume s'en allant aujourd'hui
dépopulé de bois; » où il n'y a que taillis, quil prenne
les ventes ordinaires; que tous les biens d'église tenus»
à bail emphytéotique, soient vendus au profit du roi.
Que, si toutes ces ressources réunies, les dettes du
roi ne sont pas acquittées, « qu'il prenne les joyaux et
la vaisselle d'or et d'argent superflus et en très grande
quantité dans les tem[)les et maisons ecclésiastiques, à
l'exemple des rois Glovis, Martel (Ciiarles Martel), Sl-
Louis, François \^^ et autres rois, alin de soulager le
pauvre peuple exténué par les courses des gens de
guerre. i> — Qu'il ne soit imposé aucun droit sur les
vivres et marchandises du royaume, qui sont très chers.
Puis, reprenant quelques-unes des doléances soumises
au roi, « l'assemblée précédente, la noblesse et le tiers-
état de Troyes insistent pour obtenir la suppression, par
toute la France, des bureaux de la foraine et des droits
d'entrée et de sortie du royaume de toutes marchandises,
1561
CHAPITRE XVIII. 487
sans aucun subside. » Ce faisant, le royaume qui est
aujourd'hui dénué de toute pécune, sera pécunieux. • Ils
demandent la réduction des impôts au temps de Louis XII ;
puis à la tenue d'un bon, saint et libre concile, auquel
ne président ni l'une ni l'autre des parties contondantes,
pour obvier à la diversité des opinions qui pullulent au-
jourd'hui en ce royaume et en la religion chrétienne. >
Ils demandent que les prédicateurs prêchent l'Evangile
sans se déborder en injures et en invectives, ce qui tend
à émotion et ï^ sédition populaire, plutôt qu'à son édifi-
cation; — qu'à l'avènement du roi il ne soit repris au-
cune finance sur les offices vénaux ou non ; — que les
réponses du Conseil aux remontrances des Etals-Géné-
raux d'Orléans soient publiées, afin que le peuple les
connaisse; qu il soit donné réponse au 71 me article du
Tiers-Etat, relatif au choix < d'un précepteur (proviseur
de collège), fait par les officiers du roi, le maire et les
échevins des villes, et qui, pour salaire, recevra le pro-
duit d'une prébende de cathédrale ou de collégiale; —
que tout droit de péage soit saisi jusqu'à ce que les
ponts et chaussées soient rendus praticables ; — que les
dimanches, les quatre grandes fêles de l'année, celles
des Apôtres et de la Vierge soient les seules dont la cé-
lébration sera conservée; — que tout adultère soit puni
de la peine contenue au vieux testament, ou au moins
de toute peine rigoureuse qu'il plaira au roi d'aviser.
Cette rédaction, dont on ne peut nier l'énergie, appar-
tient à MM. Jean de Mesgrigny, président au présidial;
de Marisy, Denis Clérey de Vaubercey et RegnauU, avo-
cat de la ville de Troyes (1).
Le 1er août, les vingt-six commissaires, représentant
la noblesse et le tiers-état des treize divisions territoriales
(1) Pour tout ce qui concerne les Etats-Généraux de 1560. —
Arch. mun. B.B. 15« carton, 2© liasse.
488 HISTOIRE DE TROYES. «561
du rovaume, se réunissent à Pontoi^e. Ils constituent
rassemblée dite : c des Etats de Poiitoise. » La refonte
des cahiers et les dispositions manifostées par les deux
états laïques dépassèrent l'attente générale. La réaction
contre les Guise Tavait emporté dans les élections. A cette
occasion, Télite de la noblesse et celle de la bourgeoisie
avaient fait cause commune, dans toute la France comme
dans le bailliage de Troyes
Le Conseil de ville avait mis à sa disposition une cer-
taine somme, destinée à subvenir aux frais de la députa-
tion à Orléans. Il restait entre les mains de Philippe
Belin une somme de 162 livres. Le Conseil réclama cette
somme, par ce motif que c les députés ne doivent pren-
dre ni avoir salaire, sinon on le poursuivra (1). »
L'assemblée d'Orléans demanda l'affectation de cer-
tains fonds pour aider à l'instruction, et principalement
le produit de plusieurs prébendes, destiné à l'entretien
des maîtres. La réforme a sa part d'influence sur cette-
propagande en faveur de l'instruction, que l'on peut dire-
publique et primaire. Le clergé catholique comprit 1»
gravité de la question. Il formula ses intentions dans l'ur».
des canons du Concile de Trente, en s'emparanl de deuc
articles contenus dans l'ordonnance d'Orléans (45GO)
et reproduits plus Inrd dans colle de Hlois (1579)
Tout délenteur, ayant charge d'anies, est tenu cano-
niqucmenl de donner ou de faire donner l'instructioiu
élémentaire dans son village. Les deux grandes ordon-
nances de 1560 et do 1579, obligent les abbayes et les
monaslùres, comme les églises cathédrales ou collégiales,
à entretenir un maître chargé d'enseigner gratuitement
les enfants pauvres.
Le corps de ville n'a formulé aucune demande rela-
tive à l'instruction élémentaire, dans ses premiers ca-
(1) A. 13.
1561 CHAPITHË XVIII. 489
hiers; mais ce vœu est contenu dans ceux dressés pour
rassemblée de Pontoise, complémentaire de celle d*Or-
léans. Le mouvement est donné et les Etats formulent
des désirs que le jeune roi, sous Tinfluence du chance-
lier L'Hôpital, traduit en affectant, à la ville de Tpoyes,le
produit de trois prébendes pris dans chacun des trois
chapitres de St-Pierre, de St-Etienne et de St-Urbain,
et destiné à Tinstruction primaire et gratuite.
Ce ne fut pas sans peine que Téchevinage se mit en
possession du produit de ces prébendes.
L'échevinage s'empressa, en le remerciant des dispo-
sitions favorables à la ville, de demander au roi d'aban-
donner, pour y établir le collège, les prisons royales,
autrefois château des comtes, et dont les derniers ves-
tiges ont disparu en 1840 et en 1862; à ce moment, les
prisons étant dans les dépendances et probablement dans
le sous-sol du palais royal. Le roi se rendit aux vœux des
Troyc ns. Il abandonna cet édifice, à la condition, par la
ville, d'approprier les anciennes prisons à leur nouvelle
destination. Quoiqu'une somme de 1,500 livres fût offerte
par la ville pour ces travaux, ce projet ne paraît pas
avoir eu de suite.
Les trois Chapitres ne s'exéculant pas, le Conseil de
ville requit l'autorité judiciaire de publier les articles de
l'ordonnance de 1560; cette publication eut lieu en oc-
tobre 1561. En 1563, le Conseil continue ses poursuites
tant en justice que près de l'évoque, M. de Beauflfremont,
Dt la duchesse-douairière de Guise. Le Chapitre de St-
Pierre vend plusieurs maisons situées à Troyes, et d'au-
tres héritages de sa seigneurie de Ste-Syre et des Grandes-
Chapelles.
Le collège ne s'établissant pas dans les vieilles pri-
sons, le Conseil veut faire l'acquisition de la maison de
M. de Brantigny, située rue des Quinze-Vingts et habitée
par M. de Barbezieux. Enfin, il s'établit dans Tancienne
490 HISTOIRE DE TROYES. \^x
grande école, à laquelle fut annexée Thôtellerie de la
Licorne (4), que la ville acheta de Noël Coëffart, lieute-
nant-général au bailliage.
Le Conseil se niit en relation avec Me Format, docteur
en théologie, résidant à Paris et sans doute originaire de
Troyes, afin de lui donner la régence de son collège;
mais on ne put s'entendre. Me Jean Regnard, précepteur
à Paris, traite en 1564. Il reçut la prébende du Chapitre
de St-Pierre, estimée 240 livres, et 300 livres que la ville
lui paya. En 1565, il intervint, entre le Conseil, le Cha-
pitre et Me Jean Regnard, une transaction par laquelle
le Chapitre s'engagea, pour quatre ans, à payer 240 livres
par an, et, chaque jour, <c trois tiers de pain blanc, re-
y> venant à la valeur d'un gros pain blanc, distribué à
i> chacun des chanoines, au lieu accoutumé à faire la
^ distribution des pains de la prière, près de la Cathé—
> drale. y>
Rien n'indique que les Chapitres de St-Etienne et d^
St-Urbain aient contribué pour quoi que ce soit aux dé-
penses du collège de Troyes (2).
Pendant que se préparent, dans toute la France, les.
éléments nécessaires pour la discussion relative aux.
finances de l'Etal et aux questions religieuses, les esprits
ne se sont pas calmés. Le 29 mars 1561, la veille du
jour des Rameaux, le Conseil de ville est averti qu'il se
prépare en ville des assemblées secrètes; que, le lende-
main, les processions et le service divin devront être
troublés par ceux qui fréquentent ces réunions. Sur cet
avis, le Conseil donne des ordres pour faire garder les
portes avec plus de soin qu'à l'ordinaire et faire recher-
cher à quelles personnes a été distribué un baril de pou-
(i) La grande école donnait rue Gambey, et l'entrée de l'hôtelle-
rie de la Licorne, était Grande-Rue, n" 22.
(2) RouTioT. Hist. de Vlnstruction publique et populaire à
Troyes. M.DGCC.LXV.
1561 GHAPITHE XVUI. 491
dre enlevé du magasin dcBourdel, canonnier du roi (1).
L'inquiétude est dans tous les esprits; sur la demande
des officiers du roi, une assemblée composée du maire,
des échevins, des conseillers et de soixante-quatre nota-
bles, décide qu'il sera formé une compagnie placée sous
le commandement du maire ou de Tun des échevins, et
qui, lors d'émotion, se portera partout où il sera besoin.
Les réformés de Troyes, dans le cours de 1561, ont
deux pasteurs. Le premier est Jean Franelle ou Fronelle,
ditDupin, natif de Dreux. Il réunit ses adhérents d'abord
dans le voisinage de l'église de St-Pantaléon, et, comme
alors il n'éprouve aucune opposition, ses partisans aug-
mentent avec rapidité Un plus vaste emplacement lui
est bientôt nécessaire. Il va le prendre dans la rue du
Temple. Des réunions se tiennent aiftsi dans la Corterie,
dans la rue du Bourg Neuf, dans une maison dont l'em-
placement est aujourd'hui occupé par le palais de justice,
paroisse de la Madeleine, et, paroisse St-Remi, dans une
maison où pendait pour enseigne : Moïse. Ces maisons sont
converties en temple, et on y célèbre des baptêmes et des
mariages. Aux prêches, l'assistance est nombreuse (â).
Dupin ne suffisant plus aux besoins de la nouvelle
église, les réformés, par l'entremise de Calvin, deman-
dent un second pasteur. Alors vient deNeuchâtel, Jacques
Sorel, originaire de Sézanne. Il commença à prêcher le
11 novembre. Sous son impulsion, l'église réformée s'or-
ganise. Un consistoire s'établit On dispose même des
jeunes gens qui se vouent à la prédication, entre autres
le médecin Jacques Douynct; l'avocat Claude Girardin,
né à Krvy; Jean Lefèvre et Picard, qui, plus tard, abju-
rèrent, et d'autres encore. Peu après, vient de Dijon, un
troisième pasteur, Pierre Leroy, ancien carme, qui, mé*
iD A. 13.
(2) DuHiOXB. MéfnoireSy t. i«r, p. 100 et 101.
1
492 HISTOIRE DB TROYES. 1S61
contant de ses adhérents dijonnais, se rend à Troyes et
se réunit à ses collègues Sorel et Franelle.
Dans le cours de Tété 1561, la Belle-Croix joue un
grand rôle dans les événements religieux, et la place, où
elle est élevée, est Tobjet de scènes scandaleuses. On ra-
conte que, pendant trois semaines, il y a de grands mi-
racles à la Belle-Croix. Cette croix change de couleur.
Tantôt elle est couleur de feu, tantôt elle devient blan-
che comme neige, ou bien inde ( bleue ), ou perse (vert
bleuâtre). Les piliers soutenant l'édicule sont soumis aux
mêmes changements. Souvent on entend ces piliers
« claquer, > comme s'ils eussent été dans le feu. D'autres
fois, Peau suinte à grosses gouttes, de manière à pouvoir
la recueillir. Des boiteux, des fiévreux sont guéris; des
sourds entendent, des muets parlent, des aveugles recou-
vrent la vue il^.
Sur cette place, habite un apothicaire huguenot, du
nom de Gaulard. Il ne croit pas à la bonne foi de ce»
scènes prétendues miraculeuses. Le peuple catholique et
sans doute les pèlerins qui viennent de loin à la Belle*
Croix, irrités de cette raillerie, brisent ses vitres, pénètrent
dans sa innison et la pillent, l/apothicaire se cacha pour
sauver sa vie. L'autorité intervint et fit cesser Témeute.
Quelques jours après, certains auteurs de ce pillage
de la haquemaque de Gaulard, sont arrêtés, et un jeune
homme, originaire de Vaudes, condamné à être pendu.
Au moment de l'e-xécution, le peuple s'ameute de nou-
veau, mais, cette l'ois, contre le lieutenant-criminel et
contre les sergents à qui il est jeté des pierres et qui se
retirent après avoir déchargé leurs armes sur la foule.
Le peuple arrache la potence et frappe avec violence
Texécuteur des hautes-œuvres. Néanmoins le patient est
pendu et bientôt arraché de la potence donnant encore
(1) L*ABBÉ IUtton, Uém,, p. 196.
1561 CHAPITRE XVIII. 493
des signes dévie. Le moribond est transporté dans Tégliso
de St-Remi, où il est saigné. Il mourut le lendemain, et
son corps fut inhumé dans Téglise (1).
Quant aux miracles, selon l'abbé Hatton, ils ne du-
pèrent que trois semaines. Si Ton en croit Nicole Pithou,
un malin, soupçonnant de la supercherie dans toutes ces
prétendues guérisons, épouvanta, pendant la nuit, les
pèlerins qui couchaient sur la place, au pied de la croix,
et qui y séjournaient nuit et jour. Ceux-ci se disper-
sèrent sous l'influence de la peur, et aussitôt les mira-
cles cessèrent.
D'un autre côté, des scènes de toutes sortes prenant
la dévotion à la Belle-Croix pour prétexte, appelèrent
Tattention de Tautorité, à ce point que le duc de Nevers
se fit rendre compte de tous ces faits peu édifiants. Puis
il envoya sur les lieux un de ses agents, le sieur Des-
paux, qui interposa son autorité, afin de ramener la po-
pulation au calme et à la tranquillité, et les miracles
discontinuèrent. Le 15 juin, il y eut partage des produits
(les aumônes versées dans le tronc de la Belle-Croix.
Le curé de St-Remi en prenait la moitié, et la ville, ayant
Tentretien de l'édifice, conservait l'autre. Mais, cette fois
au moins, le maire appliqua le produit de ce tronc à la
boite des pauvres (2). A la suite de ces émotions popu-
laires, on établit des gardes aux portes de Tenceinte de
la Belle-Croix, afin d'empêcher le peuple d'y entrer, et le
Chapitre de Sl-Urbain crut devoir faire garder son église
pendant la nuit.
Ces événements passés, la ville reprend son calme,
au moins pendant quelques semaines. Le 11 août, le duc
de Nevers envoie aux maire et échevins Tordre de faire
inventaire de toutes les armes possédées par les habi-
(1) Court ALON. Top, du diocèse de Troyesy t. i«r, p. i08.
(2) A. 13.
494 HISTOIRE l)K TKOYES. iSM
lants et de les déposer à IMiôtel-de-ville. Sur cet ordre,
le Conseil n'hésite pas à en refuser l'exécution . Il dépêche
au gouverneur Tun de ses memhres, Denis Le Bé, avec
mission de l'informer que le Conseil éprouve les craintes
les plus sérieuses, si Ton procède à ce désarmement, et
que la moindre contrainte pourrait troubler la tranquil-
lité dans laquelle le sieur Despaux a laissé la ville (1).
Dans le cours de Tautomne, la ville paraît peu crain-
dre les étrangers, mais le trouble est à Tintérieur du
royaume; l'ennemi est au sein de la France. Les travaux
des fortifications sont à peu près abandonnés. Néan-
moins, on modifie les ponts des portes de St-Jacques et
de Çroncels ; les ponts à bascules ou ponts-levis sont
convertis en ponts dormants, « attendu, est-il dit, qu'ils
ne sont pas de grandes conséquences pour la fortifica-
tion de la ville. >»
Au colloque de Poissy, les protestants de Troyes et de
la Champagne sont représentés par Jean Battyer (2), sui-
vant l'un, et, suivant l'autre, par Jean Raguier, sieur
d'Esternay (3). Ces deux noms appartiennent à la ré-
forme.
Le 21 novembre, il est défendu en ville, avec grande
publicité, de faire usage des épithètes de papistes et de
huguenots. L'autorité menace de la peine de la corde
ceux qui contreviendront à celle ordonnance. Vers ce
temps, se répandent à Troyes de petits livres intitulés :
De V aboiissement de la Messe ii).
Le bailli fait des chevauchées, afin de se rendre compte
si les édits du roi sont appliqués. A celte occasion, l'éche-
vinage lui fait savoir que les prescriptions sur les hôtel-
(1) A. 13.
(2) Bibl. nat'e. Collectio7i Dupuy, vol. 041.
(3) Bibl. nat't. Même collection, vol. 10,331, d'après M. Bourque-
lot, éditeur des Mém. de Gl. Hatton, p. 15i et 155.
(4) SÉMiLLARD. Breyer. Mémoires.
1561 CHAPITRE XVIII. 495
leries, les tavernes et les cabarets, sont nnal exécutées.
Les habitants sont en paix, il est vrai, nnais Antoine
Menisson, soi-disant sieur de St-Pouange (1), y fait édi-
fier une maison-forte, à rencontre des édits royaux. Il y
tient des assemblées et prêches publics, quoique Céant-
en-Othe (BéruUes) (2) soit choisi, selon la volonté du
roi, pour Texercice de la nouvelle religion.
François 1er de Clèves, duc de Nevers, pair de France,
comte d'Auxerre, d'Eu, de Rethel et de Beaufort (Mont-
morency en Champagne), seigneur d'Orval, marquis
d'Isle (Aumont), résigne ses fonctions de gouverneur de
Champagne en faveur de son fils aîné, François II.
François 1er de Clèves, mourut, à Nevers, le 13 février
suivant.
Sous le nom et le titre de comle d'Eu, François II de
Clèves fait son entrée solennelle dans la ville de Troyes,
en qualité de gouverneur, le 22 novembre 1561. Il des-
cendit et logea rue du Bourg-Neuf, chez Mnae de la
Motte (3).
Ce jeune gouverneur marque son séjour à Troyes en
faisant publier, le 28 novembre, une ordonnance pres-
crivant le dépôt, entre les mains de deux commissaires,
de toutes les armes qui seront trouvées chez les habi-
tants. Il ordonne à tous les arquebusiers de venir décla-
rer la quantité d'armes qu'ils fabriquent ou vendent; il
défend à tous gentilshommes et officiers du roi, de por-
ter des armes, sous peine de la vie; et à tous hôteliers,
de loger gens armés d'arquebuses, de pistoles et de pis-
tolets, sous peine de prison et de vingt livres d'a-
mende (4).
(1 ) A douze kilomètres de Troyes.
(2) A trente-neuf kilomètres de Troyes, canton d'Aix-en-Othe, à
l'extrémité du bailliage et au milieu des bois.
(3) Sémiliard. Breyer. Duhalle.
(4) A. 13.
496 HISTOIRE DE TUOYES. \^\
Bien que le comle d'Eu ordonne la fermeture des
prêches, aussitôt après son départ, les réunions des pro-
testants sont reprises comme auparavant. Interdits de
nouveau, un prêche se rétablit à la Butte-aux-Archers.
Pendant son séjour, le comte d'Eu reçut la visite de
Tévêque Caracciole, accompagné de plusieurs des prin-
cipaux réformés (1).
La conduite de Caracciole est décidément Tobjel des
poursuites des catholiques. Pendant le séjour à Troyes
du comte d'Eu, Caracciole, en sa présence et devant un
nombreux auditoire, renonce à son ordination et à la Re-
ligion catholique. A la suite de cette déclaration for-
melle, l'archevêque de Sens adresse, le 30 novembre et^
de Joinville, au Chapitre de St-Pierre, un mandement
prescrivant une information contre lui, motivée sur sa
mauvaise conduite, ses blasphèmes et son hérésie (2).
Mais, suivant Courtalon, ce mandement n'aurait pas reçt*
son exécution.
Après de cet acte de poursuite, le pape Pie IV"
lance une bulle déclarant son neveu tombé dans Théré —
sie, résignataire de ses fonctions, et proclame évoque d^
Troyes M. de Beauffremont. Caracciole ne cessa pas im-
médiatement ses fonctions. Il continua à percevoir let^
revenus de révèchc. M. de Beauffremont, quoique nommé"
évoque, fut d'abord économe de l'évêché. Une lutte s'é —
tablit entre les mandataires de l'ancien et du nouvel
évoque. Puis ils arrivèrent à n'en avoir qu'un seul pouf
eux deux. Enfin, par transaction, il fut réservé à l'ancier»
une rente de 4,500 livres sur les revenus de l'évêché, e^
de cette rente, Caracciole n'aurait jamais rien touché (3f -
Caracciole voulut se faire recevoir pasteur, mais il y
eût opposition, surtout de la part du pasteur Leroy y
(1) DUHALLE. T. ler, p. 101.
(2) Arch. dép Inventaire de St-Pievrc. I. \, iro partie, p. 297.
(3) N. PiTHOu. Mémoires déjà cités.
iSes CHAPITRE XYlIl. 497
ancien carme, et de Nicole Pilhou. De retour de Genève
depuis peu de temps et rentré dans sa ville natale, celui-
-ci relevait les inconséquences de Tévêque de Troyes. Il
le taxait de ne pas posséder les qualités du bon et véri-
table pasteur, de n'agir que par des motifs de vaine
gloire et de n'avoir, sous son brillant et beau langage,
que légèreté et hypocrisie. Caracciole fut jugé homme
léger, sans conviction, de rapports faciles, cherchant à
plaire à tous. Ainsi l'apprécièrent les deux par-
tis qui lui refusèrent leur confiance. L'assemblée des
réformés de Troyes voulait en référer à Calvin sur le
pastorat demandé par Caracciole. Sur ces entrefaites
Pierre Martyr, revenant du colloque de Poissy et se ren-
dant à Zurich, passe à Troyes. 11 est visité par Carac-
ciole .et reçoit, sur lui, les observations des pasteurs
troyens. Pierre Martyr décide les opposants à l'admettre
parmi eux, mais seulement après l'accomplissement de
la promesse, par lui faite, de résigner son évêché : rési-
gnation qui n'eut lieu que longtemps après. Pierre
Martyr aurait reçu l'abjuration de Caracciole (1).
Après les nombreuses tribulations qui accompagnè-
rent sa retraite de l'épiscopat, Caracciole se retira à Châ-
teauneuf, seigneurie donnée par François 1er à son
père, le prince de Melphe. Après la bataille de Dreux
(1562), le prince de Condé lui confia (juelques missions.
Il fut chargé de négociations entre ce prince et le duc
de Guise, négociations qui n'aboutirent pas (2). Carac-
ciole mourut à Châteauneuf, en 1569 ou 1570. Après
avoir professé les opinions religieuses les plus opposées,
il serait sans doute revenu à des sentiments catholiques
romains, puisqu'il fut enterré dans l'église paroissiale de
(1) Théod. de Bèze. Liv. v, p. 767.
(2) RENÉ DE Bouille. HisL de$ ducs de Guisey t. u, p. 263
III. 33
498 HISTOIRE DE TROYES. iM
Châteauneuf (1). Quoique enterré dans une église cathcH
lique, il a pu mourir protestant. Ce fait est possible, on
peut en citer plusieurs exemples.
Il est difTicile aujourd'hui de se reporter à ces temps
orageux et de s'animer des passions de cette époque.
Pour des idées abstraites, les uns donnaient la mort sans
aucune crainte, les autres quittaient la vie avec héroïsme.
Et pourtant le doute est dans bien des âmes. Combien
de catholiques n'acceptent-ils la réforme, non pas pour
abandonner les règles du catholicisme, mais bien sou-
vent à cause du relâchement dans lequel vivent le plus
grand nombre de ceux qui prêchent par la parole, mais
ne prêchent point par l'exemple. Comment juger Carac-
ciole? Il est hésitant le plus souvent. Sa doctrine est
presque toujours celle de Lutter et de Calvin, et pour-
tant il reste, près de douze ans, l'un des princes .de
l'Eglise catholique. L'ancienne doctrine le blâme et la
nouvelle ne l'accepte pas. Homme d'un caractère ardent,
plutôt brillant que solide, ami des nouveautés et de l'é-
clat, italien du reste, sa raison le porte vers la réforme;
ses habitudes, ses relations, ses besoins onéreux à satis-
faire, sa vie luxueuse le décident à conserver ses béné-
fices. Combien avec lui ne complet-on pas d'évêques en
France, qui, surtout après le colloque de Poissy, aban-
donnent la religion apostolique et romaine, pour suivre
la voie ouverte par les réformateurs (2).
L'Eglise réformée, conduite à Troyes par trois pas-
teurs, fait de rapides progrès. De Troyes, l'un d'eux,
Frasnelle, se rend, pendant l'hiver 1561-4562, au moins
(1) Albert Maury. Journal des Savants, mars 1870, p. 147.
(2) On cite parmi ceux-ci : l'évoque de Séez ; St-Romain, arche-
vt^que d'Aix ; Montluc, évéque de Valence; Brabançon et Jean
Guillart, évoques de ( liartres; Spifame, évéque de Novers, et Odet
de Châtillon. Ce cardinal-évéque, comte <îe Beauvais, se maria, et
sa ftMnme se faisait ou se laissait appeler. Madame la Cardinale,
(Ml Mddoinc, la co)n fesse de Beauvais.
I5e2 CHAPITRE XYIII. 499
deux fois à Wassy, pour 8*y occuper des intérêts du nou-
veau culte. Cette vilie, sise au milieu des domaines des
Guise, appartenait à Marie Sluart, à titre d'usufruitière,
et au roi comme nu-propriétaire. Dans cette ville, Fras-
nelle se trouve en présence de Jérôme Bourgeois ou de
Burges (Burgensis)^ évêque de Chûlons, diocésain de
Wassy. A Noël, il y célèbre la cène, puis revient à
Troyes.
Dans cette ville, l'hiver se passe avec calme, et pour-
tant le blé y est cher. On y fait même la recherche des
grains. L'édit du 17 janvier, quoique dit de tolérance,
jette quelque trouble parmi les protestants. Cet édit leur
enjoint d'évacuer les temples et de restituer les biens
des églises, dont ils se sont emparés. — Il leur défend
d'édifier aucun temple. — Il est sursis provisoirement
à l'exécution de toutes peines, < pour le regard des as-
semblées qui se font, de jour, hors des villes. » — Leurs
règlements seront soumis à l'autorité royale. — Il leur est
interdit de faire des enrôlements, de lever des imposi-
tions, de créer des officiers, de tenir synodes ou consis-
toires sans autorisation du roi. — Les ministres devront
prêcher « la pure parole de Dieu, * selon le vieil et
nouveau Testament et le symbole de Nicée, sans injures
contre la messe et les cérémonies catholiques. — L*ob-
servation des fêles et des degrés prohibés pour le ma-
riage, sont imposés aux réformés. Un magistrat politique
a en niain une autorité suffisante sur tous les habitants,
à l'égard des troubles ou injures pour cause de religion.
Une capitulation^ devant la justice, a été faite entre ceux
de la nouvelle religion et les plus notables des habitants,
et il a été décidé que tous vivraient et converseraient en-
semble, sans se reprocher leur religion. Cette capitula-
tion fut approuvée non seulement par le gouverneur de
Champagne, mais encore par le roi.
Le jour de Pâques, 29 mars 1562, les protestants ce-
500 HISTOIRE DE THOYES. 1562
lébrèrent la cène avec solennité. Il fut décidé que, pour
les gens de la banlieue, le prêche se ferait aux Faux-
Fossés Patris, occupés parla Butte -aux- Archers (1). A la
Pentecôte, selon Nicole Pithou, on aurait compté de huit
à neuf noille auditeurs, venus de toutes parts. La cène
n'aurait pu être donnée à tous les communiants, et, le
lendemain, la fête aurait été continuée. On aurait même
dressé des tentes pour garantir de Tardeur du soleil les
assistants étrangers.
Les protestants de Wassy étaient aussi augmentés en
rfbmbre. Frasnelle s'y était rendu plusieur-s fois pour y
remplir les devoirs de son ministère. Ces visites et ces
réunions, qui avaient lieu sous la protection des édits
royaux, sont peu goûtées par la population, de même
que par les officiers de Marie Stuart, dame usufruitière
de Wassy et du Hassigny, et presque tous créatures des
Guise. Antoinette de Bourbon, duchesse douairière de
Guise, voyait avec grand'peine se former et se dévelop-
per ce nouveau foyer de la réforme. Elle reprochait au
duc, son fils, sa trop grande patience. Le duc de Guise
alla, le i***" mars, fort bien accompagné (2), à Wassy,
avec le cardinal, son frère, La Brosse et son fils, avec
dessein de dissiper, par sa présence, les conventicules,
plutôt que de faire toit à personne. En approchant de
la ville, le duc entendit sonner. Ce son des cloches appe-
lait les réformés au proche. Les valets et autres gens de
cette sorte, toujours en grand nombre à la suite des
grands, commencèrent à crier, comme s'ils eussent
voulu dire qu'on les menait à une expédition de guerre
ou à un butin assuré. En entrant à \Vassy, pour y pren-
dre environ soi.xante cavaliers de sa suite et continuer sa
(1) Cet cnijilacoinent ost aujourd'hui celui de la gare du chemin
de fer de Paiis à Mulliouse
(2) Environ 500 honnnies bien armés. P. de Bouillk, Hist. de$
durs (Ir Guise
154» CHAPITRE XVIII. 501
route vers Eclaron, le duc fut arrêté par le bailli, le curé
et le prieur. Ceux-ci le prièrent de se détourner du che-
min d'Eclaron, où il se rendait, et de passer devant le
lieu où se tenait rassemblée. Pendant le retard que le
duc éprouva dans sa marche, un grand nombre de ses
gens avaient devancé leur maître, et, commençant par
des injures, ils appelèrent les protestants chiens et re-
belles à Dieu et au roi. Ceux-ci répondirent des injures.
Alors les valets descendirent de leurs chevaux, jetèrent
des pierres, puis rompirent les portes du lieu de la réu-
nion (c'était une grange), qui avaient été fermées au pre-
mier bruit, et y entrèrent l'épée à la main, chargeant de-
vant eux ceux qu'ils rencontraient, sans que beaucoup S9
défendissent. Aussitôt de grands cris furent jetés par les
femmes, par les enfants, puis par toute l'assemblée, qui,
désarmée, ne comptait guère sur une semblable attaque.
Le bruit devint si grand qu'il arriva jusqu'aux oreilles
d'Anne d'Est, femme du duc de Guise, que l'on portait
en litière et qui avait déjà passé outre. Or, cette prin-
cesse, < d'un esprit doux, » qu'on croyait n'être pas con-
traire aux protestants, se douta de ce qui était arrivé.
Elle envoya à son mari pour le prier de faire épargner
ces pauvres malheureux. Celui que la duchesse expédia
au duc, trouva celui-ci devant la grange, où il était ac-
couru pour faire cesser le tumulte. Le duc reçut alors à
la figure une légère blessure qui saigna. Ceux qui l'ac-
compagnaient, transportés de colère, malgré les ordres
du duc et peut-être ayant trouvé l'occasion qu'ils cher-
chaient, se jetèrent avec fureur sur les protestants.
Environ soixante hommes ou femmes furent tués ou
étouflTés, ou moururent des suites de leurs blessures, et
il y eut environ deux cents blessés, sur une assistance
d'envifon douze cents personnes (1). Les bancs et la
(1) René de Bouille dit de 5 à 600; Gastelnau, de 6 à 700;
508 HISTOIRB DE TAOYES. fsu
chaire furent brisés ; les bibles on langiio française furent
déchirées et quelques maisons du voisinage furent
pillées. Le pasteur Léonard Morel, blessé dans la bagarre,
fut emmené prisonnier par les gens du duc qui le con-
duisirent à St-Dizier (1).
Ce massacre fut un signal entendu par toute la France.
Ëst-il arrivé contre Tintenlion et la volonté du duc de
Guise? « Et, dit toujours de Thou, lorsque le bruit
de ce désordre se fut répandu, comme la renommée fait
toujours les choses plus grandes qu'elles ne sont, les
esprits en furent touchés diversement; les uns en étaient
indignés et se plaignaient de celte action, comme ayant
été faite contre le droit et la justice. Car, pourquoi sus-
pendre par dos édits les peines et les supplices à cause
de la religion, si Ton donne à la haine toutes sortes de
libertés et qu'on permette à chaque particulier, ce qui
n'est pas permis au magistrat; et les plus sages virent
que la sédition commença par ce massacre et que,
commo au son de la trompette, les factieux avaient été
excités à prendre les armes. »
Le doute continuera à couvrir le sentiment qui ani-
mait le duc de Guise dans cette malheureuse circons-
tance. H est évident pour tous que sa mère, que son frère,
que le duc lui-même étaient des catholiques trop ar-
dents, dos politiques trop intéressés dans la lutte, pour
souffrir patiemment le développement de la réforme au
milieu de leurs vastes domaines. Cette disposition géné-
rale de leur esprit, leur situation portent à faire croire
que le duc de Guise amena l'occasion ou en profita,
après l'avoir fait préparer par des agents dévoués. On a
de Thou, environ 1,200. — Du cOlé du prince lorrain, quelques
hommes auraient reçu des atteintes plus ou moins graves ; un seul
en mourut. Papiers de Simancas, B. 15, d'après R. de Bouille.
(1) De Thou. Histoire de mon temps. — R. de Bouille. Hist,
des ducê de Guisê^
1502 CHAPITRE XVUI 503
même supposé que le duc avait personnellement con-
duit ses gens à Tattaque de la grange, ainsi qu^à un
assaut, Tépée à la main et trompettes sonnant. D'autres
Fois, les apologies ne manquent pas; elles s'élèvent par-
fois jusqu'à rimpudeur de Téloge (l).
Le cri des victimes de Wassy devint le signal de la
plus terrible guerre civile et religieuse qui fit verser le
sang des français par des français. Tous les chefs de la
réforme se concertent. Les Coligny et le prince de Condé
choisissent pour leur capitale, la ville d'Orléans, la seule
qui, par sa position, lui permit de lutter contre Paris.
Dès les derniers jours de mars, Orléans est aux mains
des réformés. A l'arrivée de Condé, de Coligny et de la
nombreuse et jeune noblesse qui les suivait, il n'y eut
qu'à s'emparer sans effusion de sang des différents postes
de la ville.
Un autre massacre, non moins déplorable que celui
de Wassy, fui consommé à Sens, cinq semaines après.
La ville de Sens, siège d un archevêché occupé par
Louis, cardinal de Guise, ancien évêque de Troyes, de-
vient le théâtre d'un nouveau massacre. Là encore, on
touche du doigt l'influence des Guise, à peine masquée
par l'action des officiers royaux, par celle des adminis-
trateurs de la cité et quelques religieux prédicateurs.
A Sens, une procession détermine l'attaque des catholi-
ques contre les protestants. Le mot d'ordre paraît venir
du cardinal de GuisC; alors à Melun, près du jeune
Charles IX. C'est Hémard, qui cumule les fonctions de
maire avec celles de lieutenant-criminel, accompagné
d'un délégué du Chapitre et d'un conseiller au bailliage,
qui se rend, dans cette dernière ville, pour prendre les
ordres et les instructions du cardinal. Si ces instructions
(i) R. DE Bouille. Hist, des ducs de Gutse, t. ii, p. 172 et sui-
▼antes.
504 HISTOIRE DE TROYES. 15^
sont restées secrètes, il y a un rapprochement à faire :
c'est qu'à Wassy comme à Sens, ceux qui commandent
sont des agents dévoués à la politique des Guises, et qui»
comme il n'arrive que trop souvent, déploient un zèle
immodéré que leurs chefs tolèrent, s'ils n'y applaudis-
sent en cas de succès, qu'ils désavouent en cas d'échec
ou de revers.
Ce nouveau massacre dura plusieurs jours, et le plus
grand nombre des victimes furent jetées dans l'Yonne,
attachées à des pièces de bois mises en radeau. Plus de
cinquante maisons furent pillées et b ûlées par les ca-
tholiques Le nombre des victimes égorgées ou jetées à
la rivière, fut porté à une centaine.
Le 12 avril, une partie de ceux qui avaient signalé
leur fureur à Sens se transportèrent à Céant-en-Othc
(aujourd'hui Dérulles), où existait, hors des murs (1),
un proche, autorisé par les édits royaux et où résidait un
pasteur. Le prêche fut détruit. A ce fait se borna celte
première expédition contre Bérulles, qui, en 1562, en
eut cinq à subir.
Les événements de Wassy et de Sens firent prendre
les armes do tous côtés. Les deux partis continuèrent les
hostilités avec des chances bien diverses. Les catholi<jues
furent victorieux à Paris, à Amiens, à Lyon, à Meaux,
(^hâlons, E|)ernay, Auxorre, ctc , tandis que les réformés
furent maîtres h Blois, à Poitiers, à Troyes, à Tours, à
Angers, à Rouen, au Havre, à la Rochelle, MAcon, Chalon-
sur-Snôno, Bourg, Montauban, Montpellier, Nîmes, Agen,
Lyon, Grenoble, Orange, Valence, etc. Ils tiennent le
Vivarais, le Comtat-Venaissin et les Cévennes. Ils se
disent les maîtres dans deux cents villes.
Pendant (jue ces événements se consouimaient et
(1) CoUe petite ville était fortifiée. Son enceinte est encore très
apparente.
\Si^ CHAPITRE XVIII. 505
dans les preiniBrs jours tVavril, se rendit à Troyes
M. Guesdon, sieur d'EsclavolIes, gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi (1), venant, disait-on, assister aux
élections des quatre échevins. Ces élections n'ayant pas
été faites à la deuxième férié de PAques, 31 mars, elles
sont fixées à la huitaine suivante.
Sans aucun doute, ce- élections avaient été préparées
en dehors du droit. Le mardi de Pâques, l'assemblée or-
dinaire avait eu lieu. Les métiers s'y étaient plaints de
ce qu'ils n'avaient pas été appelés pour élire leurs délé-
gués à l'assemblée générale.
Sur cette plainte, il fut décidé que les métiers s'as-
sembleraient et appelleraient tous les domiciliés tenant
ménage, sans aucun serviteur ou compagnon, avec dé-
fense de s'entré-injurier et irriter par paroles, notam-
ment à l'occasion de la religion. Le pouvoir des élus ou
délégués fut fixé à une année, et afin d'être avertis régu-
lièrement, il fut arrêté qu'il serait fait registre de leurs
noms par le greffier de la ville, le tout suivant les pres-
criptions de l'arrêt du Parlement de i538.
Cet incident, — d'une certaine portée, car en n'appe-
lant pas les métiers, on portait atteinte à l'organisation
de l'administration échevinale, — obligea de remettre les
élections des échevins au mardi 7 avril.
A ce jour, la séance ouverte, M. d'EsclavolIes, arrivé
de la veille, remontre que, le samedi 4?, il a reçu l'ordre
du roi et de la ^eine, sa mère, de se transporter à Troyes,
afin de faire savoir aux habitants que Leurs Majestés
n'entendaient pas que les échevins fussent choisis parmi
ceux qui professaient la nouvelle religion, mais bien
(1) Esclavolles, près do la Seine, canton d'Anglure, arrondisse-
ment d*Epernay (Marne).
Guesdon, sieur d'EsclavoHes, avait une sœur nommée Jeanne,
mariée à Jacques de la Hoëre, fils de François, sieur de Gbamoy et
de Hilaire Raguier.
506 HISTOIRE DE TROTES. I5tt
parmi les gens de bonne vie, pratiquant la religion catho-
lique, apostolique et romaine.
Sur cette observation et comme il était d'usage, Ta-
vocat de la ville exposa sommairement la cause de l'as-
semblée, qui n'était autre que Télection de quatre éche-
vins.
Au nom du procureur du roi au bailliage, un soient
royal signifia et fit connaître à rassemblée, comme déjà
cela avait eu lieu à Taudience du bailliage et siège pré-
sidial, que, le lendemain de Pâques, l^r avril, les habi-
tants, professant la nouvelle religion, s'étaient réunis,
au nombre de vingt-cinq à trente, au mont Calvaire de
l'église St-Nicolas, et y avaient discuté la proposition de
faire élire quatre échevins de leur secte, ce qui ne pou-
vait se faire, d'une part, les officiers de l'échevinage
étant officiers royaux, et d'autre part, cela étant inter^
dit par l'édit du 30 mars précédent et par un autre
édit de juin 1561.
Nicole Pithou, pour le collège des nobles et bourgeois,
répondit que les faits avancés concernaient le collège
qu'il représentait et qui, chaque année, se réunit au
mont du Calvaire pour y choisir ses délégués aux élec-
tions. Le procureur du roi avait été mal informé, la
réunion n'ayant eu lieu que par le congé du maire,
dont Pithou présentait la commission. Les délégués,
continue Pithou, sont des gens de bien et de bonne con-
versation; bien qu'il y en ait de ceux que le procureur
du roi nomme sectateurs de la nouvelle religion, ils sont
aptes à être nommés échevins aux termes de l'édit pu-
blié en janvier dernier, et, en cette ville, aux fériés de
Pâques récemment passées : cet édit autorisant ceux de
la nouvelle religion à s'assembler. Il est, au contraire,
enjoint au magistrat [)olitique de veiller à ce qu'il ne
soit apporté à ceux-ci aucun trouble. Cette condition ré-
sulte non seulement de cet édit, mais encore de In capi^
ifsm CHAPITRE xym. 507
tnlalion faite devant la justice entre ceux de la nouvelle
religion et les habitants de Troyes, parmi lesquels se
trouvaient les plus notables. Par cette capitulation, il a
été arrêté, t que tous les habitants vivront et converse-
ront tous unanimeqnent et amiablement ensemble, sans
se reprocher leur religion; » et de plus, tous ceux que
Ton met en cause pour les exclure de l'administration de
la cité sont contribuables aux emprunts du roi, font
partie du ban et de Tarrière-ban, du guet et garde et
des portes de la ville. Tous sont prêts à servir le roi
comme ses très humbles et très obéissants sujets. Enfin,
Nicole Pithou demanda acte des remontrances de
M. d'ËsclavoUes, et déclara que, c bien qu'il ait été dit
que lui et ceux qu'ils représentent, soient de la nouvelle
religion, ils étaient et sont de Tancienne, qui est celle
que professaient les apôtres. >
M' Augustin Liboron, envoyé et élu, avec M* Thomas
Bailly, comme lui avocat, par le collège des avocats, pro-
cureurs et notaires, soutint la thèse contraire à celle de
Pithou. La guerre est dans le collège qu'il représente,
car Jean Ncvelet, élu en l'élection, et Nicole Marguenat,
garde des foires, se prétendent avoir été choisis par la
même corporation. Mais cette prétention n'est pas ad-
mise; rassemblée ne reconnaît valables que les pouvoirs
donnés à M« Aug. Liboron et à M* Thomas Bailly.
Me Balthazar Tartel, se présentant comme procureur
du clergé, veut faire admettre que les catholiques sont
seuls éligibies. Antoine de Marisy fait rejeter cette de-
mande, par ce motif que le clergé, depuis longtemps, ne
prenant aucune part aux délibérations intéressant la
communauté des habitants, ne peut, dans aucune cir-
constance, intervenir au débat.
Après cette discussion préalable, le président, M. de
Vaubercey, maire, reçoit le serment des échevins, des
conseillers de ville et des délégués des métiers, puis il
508 HISTOIRE DE TROYES. 1562
invite rassemblée à élire, en qualité d*échevins, quatre
personnes c jugées profitables pour le bien du roi et
Futilité de la ville. »
L'élection eut pour résultat la nomination de
MM. Etienne Gamusat, Laurent Chantereau, Jean Les-
cot et Benoit Legras, qui appartenaient au parti catho-
lique modéré.
La mission de M. d'Ësclavolles ne se borna pas seule-
ment à vouloir diriger et influencer les élections. Il y a
tumulte en ville. Sa présence cause un certain émoi. Les
élections n'ont peut-être pas répondu à l'attente des
protestants. Il y a des démonstrations faites à l'intérieur
et à l'extérieur de la ville. Des troupes catholiques, de
même que dos réformés en armes, sont dans la plus
proche banlieue et demandent à pénétrer en ville.
Pour arriver « à une capitulation, * une assemblée,
où sont représentés les deux partis, est tenue le ven-
dredi 10. Les intérêts des catholiques sont soutenus par
Jean deMesgrigny, président au présidial; NoëlCoëffart,
lieutenant-général; Nicolas Jacquinot, lieutenant-crimi-
nel; le maire, les échevins et les conseillers de ville ; la
religion réformée est représentée par Nicole Pithou,
Etienne Boucher, ancien procureur du roi; Pierre Clé-
ment, Jean Dorey, Thibault de Meurs, Jacques Duchat,
Claude Girardin, Claude Gaulard et Toussaint Touchet.
La discussion roule sur les questions suivantes ;
1« Comment les portes seront-elles gardées? — 2o Qui
doit avoir les clefs de la ville? — 3o Quelle sera la capi-
tulation à faire entre les membres du clergé et les ca-
tholiques d'une part, et, d'autre part, ceux de la
religion réformée?
Le lieutenant-général émet l'avis que les portes seront
gardées comme à l'ordinaire ; que les clefs resteront aux
mains du maire, et que force doit rester au roi et à la
ville. 11 y a lieu de maintenir la capitulation, puisqu'elle
1562 CHAPITRE XVIU. 509
est approuvée par le gouverneur et même par le roi.
Mais il faut signifier aux principaux personnages des
deux religions, l'ordre de faire mettre bas les armes et
de faire sortir de la ville les étrangers qui y sont entrés
avec des armes, s'il en existe quelques-uns.
Les autres assistants sont d'avis de flaire défense à
tous de ne point s'offenser, injurier ni provoquer ni faire
aucune recherche pour cause do religion ou pour toute
autre cause, et que si Ton fait aucun mono/We, conspi-
ration ou conjuration, Tun des deux partis avertira Tau-
tre, afin d*en prévenir le magistrat qui y pourvoira.
Pour faire exécuter ces conventions, il est constitué
un conseil composé de six membres désignés par le
clergé, douze par les catholiques laïques, et douze choi-
sis parmi les réformés. Les portes seront gardées « selon
les rôles de Téchevinage, » et, chaque jour et à chaque
porte ouverte, il y aura un échevin avec un des notables
personnages de la nouvelle religion.
De huit jours en huit jours, douze notables person-
nages de chaque religion se réuniront à rhôlel-de-ville,
afin de pourvoir aux plaintes. Enfin, défenses sont faites
de tirer, dans la ville, des coups d*armes à feu. Et, comme
le clergé n'est point représenté à celte assemblée, il est
arrêté que ces dispositions réglementaires lui seront
communiquées, afin d'avoir son avis et y donner son
consentement, si bon lui semble.
Pendant la tenue de cette assemblée, la garde de la
porte de St-Jacques est confiée à Drouot et à Lescot,
échevins. Ces deux chefs de la porte envoient prévenir
que, vers trois heures de l'après-midi, se sont présentés
Antoine Menisson, sieur de St-Pouange, Nicolas de Fay,
Jean Blondel , Nicolas de St-Aubin , fils d'Antoine,
Me Claude Campan, avocat, et d'autres encore, au nom-
bre de quinze à dix-huit, tous à cheval, le corps couvert
d'un corselet, et armés. Ces réformés demandent Tou-
510 HISTOIRE DE THOYES. 4592
verture des portes, ce que Lescot et Drouot refusent
d'accorder, quoiqu'ils soient reconnus pour être habitants
de la ville. Comme ils ne veulent se séparer de leurs
armes, la porte ne leur est point ouverte. Ils se retirent
en proférant des menaces. L'assemblée approuve la con-
duite de ces dfeux gardes.
Le samedi \\ avril, à midi. M. d'Esclavolles demande
au maire de cinquante à soixante corselets, soixante
arquebuses, de vingt à vingt-cinq arquebuses à croc, et
de cent à cent-vingt piqUes avec des munitions ou de
l'argent pour armer et équiper quelques soudarts. Cette
demande est rejetée par le Conseil, qui refuse, en décla-
rant que les armes sont inventoriées, que l'autorisation
du gouverneur est nécessaire pour délivrer des armes et
que le congé du roi est indispensable pour fournir de
l'argent et des munitions.
Mais que se passe-t-il en ville? Les assemblées se
succèdent avec rapidité. Le même jour, H, à sept
heures du soir, le Conseil décide que, le lendemain, les
portes de St-Jacques et de Croncels seront seules ou-
vertes ; les gardes de ces portes, placées sous le com-
mandement d'un échevin et d'un conseiller de ville,
seront doublées, et les perles une fois fermées, les clefs
en seront remises au maire. Certainement il y a eu émo-
tion populaire, et sans doute l'une des portes sera tom-
bée aux mains des réformés. Il est aussi arrêté qu'une
capilulation, qui n'est pas arrêtée, sera poursuivie en
toute diligence.
La présence à Troyes de M. Guedon d'Esclavolles,
émissaire de Catherine de Médicis et agissant peut-être
en dehors du gouverneur, est une des causes de ce
tumulte. Il est mis en demeure d'expliquer sa mission et
sa conduite, et c'est par lui que l'on connait les événe-
ments des journées d'avril et surtout ceux qui sont re-
prochés aux protestants.
156S CHAPITRE XVUI. 511
Les environs ne paraissent pas moins soumis à rémo-
tion que la ville même. Le dimanche 13, Nicole Pithou,
accompagné de Claude Gaulard, de Guillaume Henné*
quin, réformés; de Me Claude Berthier et de Nicolas
Chaulvy, ces deux derniers notaires et agissant en cette
qualité, vient informer l'assemblée consulaire de la pré-
sence, à Creney et autres villages voisins, d'un grand
nombre de gens de guerre, de pied et de cheval, du parti
catholique, qui attendent Toccasion favorable pour péné-
trer en ville. La présence de cette force armée cause,
suivant lui, un grand désordre. < Il somme et interpelle
le maire et les échevins, de faire faire bonne et sûre
garde sur les murailles, autrement les réformés délibé-
reront entr'eux sur les moyens de garder la ville. » Sur
cet avis, il est pris de nouvelles mesures pour la sûreté
publique. Les portes sont gardées comme à l'ordinaire et
de plus une dizaine d'hommes se tiennent entre chaque
porte. La ronde se fait, chaque nuit, avec deux notables
personnages de chaque religion. Le maire donne seul,
comme il est d'usage, le mot du guet et le guet des
rues se continue.
Il est aussi arrêté que le gouverneur sera averti des
émotions dont la ville est le théâtre depuis quelques
jours, de la présence de d'Esclavolles à Troyes et de ses
demandes en armes, en argent et en munitions, enûn il
sera demandé conseil au gouverneur.
Les assemblées consulaires se succèdent avec rapi-
dité pendant ces jours de troubles. Les têtes s'échauffent
et les catholiques eux-mêmes paraissent regretter, sinon
déplorer, la présence de d'EsclavoUes. Cet agent direct
de la volonté de Catherine de Médicis veut prescrire des
mesures si rigoureuses, que rassemblée consulaire^
craignant une révolte de la part de ceux que Ton veut
opprimer, ne les agrée point. Il veut éloigner ceux de la
nouvelle religion de la garde des portes; le Conseil, au
512 HISTOIRE DE TROYES. 1502
contraire, agissant avec sagesse, ordonne, le 15 avril,
f|u'avec la garde ordinaire, il sera mis, à chaque porte,
dix honimes appartenant à la réforme.
M. d'EsclavoUes paraît peu content des Troyens,
même des catholiques. Aussi, à celle assemblée du 45,
fait-il connaître ses griefs contre les uns et les autres.
Il rappelle qu'il est arrivé en ville le 6; que, quoiqu*ayant
communiqué sa commission, il a été informé du peu de
respect que quelques bourgeois ont eu envers les lettres
du roi, de la reine-mère et du roi de Navarre, adressées
à MM. de la Justice, au maire et aux échevins. Il se fût
volontiers excusé de la charge qui lui a été donnée sans
aucune poursuite de sa part. Arrivé à Troyes, muni d'au-
tres pouvoirs, il n'en use que pour faire obéir aux ordres
du roi, faire craindre la justice et préserver les bons de
Toutrago des méchants. Il sait les menaces de quelques-
uns qui ont été jusqu'à mettre de six à sept cents
hommes sous les armes, à appeler quelques gentils-
hommes étrangers pour les épauler^ les conduire et les
forcer au pillage, s'il eût élé en leur puissance. Celte
chose est si certaine, dit-il, que, le dimanche précédent,
une assemblée fui tenue dans ce but. Enfin, * homme
vivant (les morts parlent quelquefois) ne peut dire qu'il
ait, du moins depuis qu'il est arrivé à Troyes, donné à
aucun un seul mécontentement, ni paroles contre leurs
prêches ou forme de faire, mais au contraire il déclare
qu'il ne les veut empêcher s'il n'y a mandement con-
traire du roi.
» Quant aux réformés, dit-il, et ici M. d'Esclavolles
accumule certainement les charges les plus fortes contre
eux, et c'est lui qui, par ses récriminations, faites en
assemblée consulaire, dévoile les événements qui se
sont accomplis à Troyes du 7 au 15 avril; quant aux
réformés, dit-il, depuis dimanche ils sont en armes ; ils
ont forcé la porte de Croncels; ils ont volé les clefs au
156Î CHAPITRE XVIIl. 513
portier et les ont remises à Thôtelier ou tavernier du
Porte-enseigne qui les a gardées jusqu'au lendemain. —
Ils ont supposé que ses lettres de commission étaient
Fausses et ils ont dit qu'on s'en procurerait de pareilles
pour un liard ; c qu'il était envoyé par un boucher (4)
» qui voulait faire, en cette ville, un carnage semblable
> à celui qui avait été fait à Wassy. > Sans demander
vengeance, il veut que les gens de la justice poursuivent
ceux qui ne veulent désarmer. Puis il formule un réqui-
sitoire énonçant une série de griefs, dont le ton est bien
pâle, si on compare les faits qu'il détaille aux massacres
de Sens et de Wassy. — Les protestants se sont empa-
rés des portes (suivant lui, il n'y en a eu qu'une seulCf
celle de Croncels). — Ils font émouvoir le peuple, et, en
armes, ils vont au prêche. — Ils ont fait venir en ville
des gentilshommes et autres du dehors. — Ils ont en-
rôlé et promis de payer des soudarts. — Ils ont fourni
des armures, et notamment le fils ou le neveu de Fabre,
armurier, qui n'en a voulu vendre pour le service du roi.
— Ils se sont vantés de mettre la ville en combustion.
— Us ont tué Michel Fourné et son hôte, pour qu'il ne
rendit pas témoignage contre ceux qui avaient rompu
son tambourin, sonnant pour le service du roi. — Ils
ont rompu ledit tambourin. — Ils ont tiré un coup de
pistolet au portier de l'hospice de Si-Bernard, dont les
joues ont été percées — Ils ont rompu et brisé quelques
images au cimetière de St-Remi et devant l'église de
St-Jean. — Le fils d'un cordonnier a blessé à mort le
serviteur d'un pâtissier.
Dans ce document important, le seul qui rappelle les
faits d'avril 1562, et qui appartient, non à un témoin
impartial, mais qui émane d'un homme ardent du parti
(i) Le duc do Guise avait déjà reçu la sanglante épithète do :
Boucher de France.
lit* ZZ
514 HISTOIRE DE TROYES. IMf
catholique, d'un agent de Catherine de Médicis, d'un
émissaire des Guise^ rien n'établit que d'Esclavolles ait
été retenu prisonnier par les protestants. Il est certain
qu'il aurait, contre eux, fait de cette violence un des ar-
ticles les plus colorés de ses griefs.
Après avoir pris connaissance de cette plainte, l'as-
semblée déclare qu'elle trouve bon et agrée le règlement
que propose M. d'EscIavoUes, en ce qui touche la police,
mais qu'à l'égard des crimes et des délits, il n'y a lieu de
les renvoyer à justice.
Dans ces journées, Nicole Pithou est l'homme de la
situation. Il est à la tête des réformés. Il agit avec une
rare prudence, quoique avec énergie, dans ce moment
de si vive émotion populaire. Son courage, son dévoue-
ment déterminent la marche des événements. Il veille,
avec ses co-rcligionnaires et à côté de l'échevinage, à la
sûreté de la ville. Il fait connaître au Conseil les événe-
ments du dehors qui peuvent, en cas de faiblesse, réagir
sur la ville et y déterminer une catastrophe. C'est lui
qui, dans rassemblée du 15, annonce < qu'un sac > s'est
fait à Sens, le dimanche précédent (le 12); qu'un grand
nombre de gens de guerre, de pied et de cheval, sont aux
environs de la ville, menaçant de la surprendre et d'y
saccager ceux de la religion réformée; que le pillage
leur est promis; qu'il se trouve, à Assencières et i
Mesnil-Selliùres, de 120 à 140 hommes de guerre dis-
posés à entrer en ville, a 11 est expédient, > dit-il, t de
mettre les fauconneaux, avec d'autres pièces d'artillerie,
sur les murailles, d afin de défendre la ville; e de quoi
je somme le maire et les échevins. » Il demande que
l'artillerie soit gar»lée par les habitants de l'une et l'au-
tre religion. « La garde des portes par ceux de la reli-
gion réformée, avec la ganle ordinaire, est, > dit-il, « dans
l'intérêt du roi et pour la tuition (conservation) delà
ville, j) el il faut avertir le gouverneur de ce qui se passe.
tie^ CHAPITRE XVIII. 515
Nicole Pitbou, en son n&m et au nom de ses adhérents,
offre de donner, pour garant de ce qu'il vient de dire, tel
nombre des leurs que le Conseil voudra ordonner. Enfin,
il somme « d'abondant > le maire et les échevins d'ea-
voyar vers le gouverneur, afin de l'avertir des entreprises
projetées contre la ville, et Tinformer < de la capitula*
tioQ faite entre les bourgeois de Troyes. »
L'assemblée, par son président, répondant à N. Pithou,
fait connaître qu'il y sera pourvu par l'avis du Conseil.
Cette séance, dont les débats sont ici rapportés
d'après un procès-verbal rédigé il y a plus de trois
siècles, avec ce style calme, vrai, simple, et que l'on
voudrait animer pour mieux faire comprendre la gravité
des événements dont il a fixé le souvenir, mais que ceux
qui ont été témoins d'émotions populaires peuvent plus
faclement se représenter ; cette séance dut être belle
d'émotion, en voyant Nicole Pithou, ce simple citoyen
prenant comme il arrive quelquefois, dans ces moments
de suprême danger, son mandat, non dans une accla-
mation populaire et générale, mais après avoir consulté
quelques amis, puis s'armer de courage, venir exposer
à un corps constitué qui lui est hostile, si ce n'est
ennemî, la situation delà population avec une éloquence
qui entraîne son auditoire. Quand, après le sommaire
discours de Nicole Pithou, M. de Vaubercey, blessé de
quelques expressions vives, ardentes, pout-étre irritantes-
et qu'il qualifie d'injures, que Nicole Pithou lui a pré-
sentement imposées comme autrefois, il déclare ne plus
vouloir s'immiscer dans les fonctions de maire, ni se
mêler des affaires de la ville. Cette séance dut rester
gravée dans le souvenir de ceux qui y assistaient. Ces
quelques mots en démontrent l'animation.
L'intervention de Nicole Pithou parait avoir produit
et maintenu le calme dans la cité et parmi la population
alors divisée en deux parties inégales, il est vrai, mais
516 HISTOIRE DE TROYES. i5d2
ardentes Tune contre Tautre. te maire, le Conseil de
ville, les ofïïciers de justice, par de sages mesures prises
avec équité, dictées par un sentiment de conciliation,
ont aussi coopéré de tout leur pouvoir a maintenir la
paix entre tous les habitants, qui, dans Tun et l'autre
camp, résistent à des suggestions étrangères, remontant
aux régions les plus proches du pouvoir royal. La ville
se sauve elle-même du péril dont elle était sérieusement
menacée. Que serait-il arrivé? Quels malheurs n'aurail-
on pas eu à déplorer, si d'Esclavolles, qui se prétend
porteur de pouvoirs dont il ne fait pas usage^ avait trouvé
aide et assistance, soit chez quelques notables citoyensi
soit dans le Conseil de ville? N'est-il pas heureux que ce
corps constitué, d'accord avec la justice, lui ait refusé,
dès son arrivée, des armes, des munitions et de Targent
pour armer et solder une centaine de soudarts, chargés
d'appuyer, de la force de leurs arquebuses, sa politique
agressive. N'est-ce pas agir avec sagesse que de refuser
l'entrée de la ville à un groupe de gentilshommes réfor-
més, qui, armés se présentent aux portes? Qu'est-ce que
cette force armée catholique qui se tient pendant dix
ou douze jours dans la banlieue? Qu'y fait-elle, sinon
attendre une occasion favorable pour surprendre la garde
en défaut et pénétrer en ville Cette troupe, placée sous
les ordres de M. de Rizaucourt, s'étant présentée aux
portes, les huguenots qui gardaient lui en refusèrent
l'ouverture en lui disant que s'il entrait dans la ville,
lui, qui n'a point de nez, n'aurait bientôt point de
tête (1)
Cette fois, la ville est sauvée du pillage, sans aucun
doute du massacre. 11 est vrai, suivant l'acte d'accusa-
tion que d'Esclavolles dressa contre les réformés, trois
hommes perdirent la vie. Ces meurtres sont toujours
(1) CoiiRTALON. Topogr.^ t. i*»", p. 110.
IMt CHAPITRE XVIII. 517
déplorables. Mais que sont les faits dont la ville de
Troyes a été le théâtre, si on les rapproche des massacres
de Sens et de Wassy.
N'y a-t-il pas des rapprochements bien fondés à faire
entre les scènes qui se passent en mars et avril dans ces
trois villes dominées par Tinfluence des princes lorrains.
Ne doit-on pas admettre, d'après ses propres paroles
comme d'après les documents authentiques, que d'Escla.
voiles est venu à Troyes, avec un ordre du roi et
de la reine-mère, avec des instructions des Guise, et
sans Taveu du gouverneur, pour diriger et influencer
les élections des échevins, alors que déjà, par des menées
catholiques, les gens des métiers avaient été écartés de
cette élection ? N'est-on pas bien prêt d'admettre une
pravocation d'en haut et de reconnaître que le massacre
de Wassy, celui de Sens et celui que Ton préparait à
Troyes étaient conduits par les mêmes gens et dirigés
par une même pensée: la destruction du calvinisme
par la persécution, par la mort et par la formidable inti-
midation que le meurtre et le pillage amènent toujours
avec eux et après eux.
Mais, à Troyes, les deux partis demeurent relative-
roant calmes. Les catholiques sont modérés. Aux fêtes
de Pâques, ils s'abstiennent de faire, comme de coutume,
les processions fraternelles. Les réformés n'abusèrent
point, si jamais ils le purent, de la partie de pouvoir
qui tomba entre leurs mains pendant quelques jours
seulement.
D'ËsclavoUes quitta la ville, peu après le 15, il se
retira peu satisfait du résultat de sa mission.
Le 20, les habitants mettent bas les armes. Us sont
c en bonne paix > et sur le bon vouloir du gouverneur,
la garde de la ville et des portes cesse. Si M. de Vau-
bercey se souvient encore du langage énergique de
N. Pithou,il oublie promptementla promesse, par lui faite,
518 IIISTOmE DE THOYES. tM»
de ne plus s'occuper des affaires de lit cité. Le 24 avril,
ii reparaît au conseil, après quelques jours d'abstention,
continuant ses pénibles et laborieuses fonctions, jusqu'au
jour, où descendant du pouvoir municipal, le choix des
électeurs le remplace par M. Claude Pinette (1).
Le comte d'Eu, gouverneur de Champagne, devenu duc
de Nevers, par la mort de son père, arrivée le 13 février,
prévenu des événements d'avril, se dirige vers Troyes
avec sa compagnie et celle de son frère Jacques de
Clèves, seigneur d'Orval et marquis d'isle CAumont).
Il s'arrête au château de Saint-Lyé ou il reçoit les nou-
velles de la ville et d'où il donne des ordres. Le duc-
gouverneur n'entre à Troyes qu'après le rétablissement
de l'ordre et alors que la population a mis bas les armes.
Il est en ville le 24 avril. Il y arrive avec sa compagnie,
qu'il y veut mettre en garnison, tandis que celle de son
frère serait répandue dans la banlieue. Mais, au moyen
de présents faits à son secrétaire et à quelques officiers
de sa suite, le Conseil espère dispenser la ville de cette
charge. Il tfen fut rien dans la circonstance et la compa-
gnie fui logée par voie de garnison. Le jeune gouverneur,
quelques jours après, veut faire pénétrer en ville une
compagnie de gens de pied. Le Conseil fait valoir « les
privilèges des habitants o et, celte fois, celte troupe ne
prend pas logis en ville
Le duc de Nevers est plein d'ardeur. Il n'a pas la
prudence, ni la maturité d'esprit de son père. Le 30 avril,
il demande la remise entre ses mains des clefs de la
ville et il veut, » pour aucunes causes à ce le mouvant, p
que les armes, déposées à rHôtel-de-Ville, soient portées
à riiôlel épiscopal où il est logé.
Le Conseil décide que les clefs lui seront présentées,
(1) Pour les troubles d'avril, voir notamment : Arch. mun. A. 14
et B.B.; i4« carton, Ire liasse.
1561 CHAPITRE XVUI. 519
mais en lui faisant observer que les clefs sont présen-
tées au roi et aux princes, qui, de suite, les remettent au
maire, en raison de la confiance qu'ils ont dans les
habitants et, « quant aux armes, qu*il y a place à l'Hôtel-
de-Ville pour les tenir sûrement. > Le duc, ayant ordonné
l'ouverture d'une troisième |)orte, celle du Beffroi, le
Conseil craint pour la sûreté de la ville. La porte de
Preize, s'ouvranl sur le grand chemin de Saint-Lyé, reste
murée, malgré le gouverneur, qui avait voulu la placer
sous la garde de sa compagnie, pour ce service, soldée
par la ville. Le Conseil ne veut rien payer. Le guet des
rues est augmenté. Des armes offensives et défensives
sont remises aux mains de ceux qui en ont la charge.
Le duc fit déposer des armes à l'hôtel épiscopal. Car,
c'est de là que sortent les arquebuses distribuées aux
gardes et aux dizaines, tandis que les hallebardes et les
voulges, appartenant à la ville, sortent de ses maga-
sins (i).
Le 4 mai, les réformés de Troyes dirigent sur Orléans,
une compagnie de trois cents hommes, destinés à porter
secours au prince de Condé. Cette troupe est rencontrée,
le 10, jour de l'Ascension, par la compagnie de M. de
Barbezieux, près de Senan (2). Avec l'aide de paysans,
cette compagnie se rue sur les réformés. Plusieurs de
ceux-ci sont tués, d'autres faits prisonniers et conduits à
Sens, à Joigny et ailleurs, d'autres enfin s'échappent et
gagnent Monlargis et Orléans (3).
Dans les mêmes jours, « le roi fait sonner le tam-
bourin » en plusieurs bonnes villes du royaume, pour
faire des recrues. Sur ses ordres, le capitaine de Rizau-
coufl fait des levées à Troyes, et les dirige sur Orléans.
(1) A. A. 14e carton, 2« liasse.
(2) Canton d*Aillant, arrondissement de Joigny (Tonne).
(3) DUHALLE. T. I«r.
5S0 HISTOIHE DE TKOYES. (562
Une partie de cettre troupe est attaquie vers Saint-Lyo
par les hug;uenots. Dans une autre lutte ayant eu lieu
près de la ville, un capitaine, Michel Fourey fui tué près des
vignes des bas clos de Croncels, Les duc de Guise et de
Montmorency faisaient aussi des levées, pour le roi, dans
leurs seigneuries de Champagne. Filles se faisaient avec
peine et sans grand succès. Les huguenots poursuivaient
ces recrues. Deux capitaines, faisant bt^ltre le tambour à
Rosnay, y furent tués(l).
Le jeune duc de Nevers, était fils de François deCIèves,
et de Marguerite de Bourbon, sœur d'Antoine, roi de
Navarre. Il sVUait attaché à son oncle le prince de Condé
et avait suivi le parti de la réforme. Plusieurs fois, il
avait promis de suivre le prince de Condé à Orléans avec
une troupe de noblesse d'élite et de gens de guerre.
Celte promesse avait été renouvelée par lui à Jacques
Spifame, ancien évêque de Meaux et de Nevers, que
le prince lui avait envoyé. Mais, le jeune duc changea
de sentiments et de conduite, à la persuasion de Des-
bordes, l'un de ses officiers et de Biaise de Vigenère,
son secrétaire (2).
Aussi, comme il arrive trop souvent, le duc de Nevers,
dominé |)ar Desbordes, déploya à Troyes une grande
éneri»ie contre les réformés donlil avait récemment aban-
donne les intérêts. Aux fêtes de Pâques, le clergé troyeii
n'avait point fait ses processions fraternelles, mais à
celles de la Fête-Dieu la procession fut célébrée avec une
grande pompe et, comme dit un annaliste catholique, il
la fit soutenir avec 80 ou 100 hommes delà compagnie
de Nevers.
. Le l*'»juin, il ordonne, en des termes d'une rare
énergie, la sortie des murs de la ville de tous les étran-
(1) DUHM.LE. T lor, p 103.
(i) De Thou. Hist. de mon temp$y iiv. xxxi> p. 411.
f5Hâ GHAPITKË XVlll. 521
gors « dans la journée, sur peine de lu vie, > et, sur la
ménne peine, il prescrit à tous les hôtelliers et autres
logeurs de gens passant et étrangers de venir déclarer
par écrit ceux qui sont logés chez eux, ce qui sera
continué chaque jour et sera t le billet » remis au
gouverneur ou au sieur Desbordes, lieutenant de sa
compagnie. Tout individu venant à Troyes n*y pourra
séjourner plus de vingt-quatre heures, à moins de causes
légitimes que Ton fera connaître au dit sieur Des*
bordes (1 ).
Le gouverneur ne réussit guère mieux à Troyes que
d*Esclavolles. 11 demande au conseil une somme de
600 liv, pour solder sa compagnie et les maire et
échevins lui répondent qu*il a autorité et commande-
ment sur les receveurs des tailles, qu*il peut leur deman-
der la somme dont il a besoin. Quant aux munitions, il
y a ordonnance sur la gendarmerie, prescrivant que
le taillon levé sur le peuple doit être employé à couvrir
ces sortes de dépenses. 11 est, de plus, fait observer
au gouverneur que jamais le maire et les échevins
n'ont fait venir de munitions à Troyes, que, du reste
et pour ce fait, ils n'ont aucune autorité sur les habi-
tants des villages (2)
Le jour de la saint Barnabe, il est procédé aux élec-
tions du maire. L'élu est M. Claude Pinette. Les protes-
tants espèrent en lui. 11 n'avait, jusque là, montré aucune
passion religieuse, mais, soit par conviction, soit par
faiblesse, soit en raison des circonstances ou à cause de
la présence des agents trop actifs du duc de Nevers,
avec la mairie de M. Claude Pinette, s'ouvre une ère de
persécution.
Le duc de Nevers gagne ses éperons dans sa campagne
(1) B B. t4* carton, U^ liasse. — Original,
(î) A. 44.
523 HisToms de troybs. im
contre la ville de Troyes, Il affirme sa conduite contre
les protestants, en leur ôtant, dès son arrivée, la faculté
de s'assembler, liberté qu'ils tenaient de Tédit de jan-
vier 1561 (v» st.). Le plus i^and nombre des habitants
et surtout le peuple murmurent. Les protestants com*
mencent à être maltraités. On s'en prend d*abord aux
livres qui, publiquement, sont jetés au feu. Les enfant»
sont arrachés du sein de leurs mères. On les conduit
dans les églises, où, de nouveau, ils sont baptisés. Les
cérémonies du mariage sont renouvelées, alors qu'elles
ont été célébrées, suivant le mode protestant. Bientôt
commencent les proscriptions, puis la vente à l'enchère
des biens meubles de plus de quarante des principaux
habitants. Plusieurs personnes sont mises à mort, soit
par les excès d'une population fanatique, soit par suite
de condamnations. Les femmes ne sont pas épai^nées,
trois sont cruellement traînées par les rues, puis jetées
à la rivière. Le maire et ses échevins contribuent à allu-
mer la fureur du peuple (1). Le 28 mai, un boucher,
nommé de Sellières, est tué par les gens du duc de
Nevers, avec lesquels des rixes sont fréquentes.
Le duc de Nevers quitte la ville dans le cours de
juin. II y laisse Desbordos, Tun des offîcieps de sa com-
pagnie, en qualité de lieutenant, et au moins une partie
de cette compagnie.
La garde de la ville se fait avec exactitude. Le li juillet,
on saisit en ville des armes qui y ont été achetées et qui
allaient être expédiées à Toul, à Neufchâteau et à Stras-
bourg. Ces armes, déposées après la saisie à Thôtel-de-
ville, sont rendues au marchand, originaire de Stras-
bourg, qui les avait achetées.
Le même jour, 14, le clergé se réunit et ensuite le
Conseil do ville pour nommer des députés chargés d'aller
(1) De Thou. Liv. XXXI, p. 412.
i562 CHAPITRE XVIU. 523
en cour porter plaintes contre les huguenots et s'occuper
de la fonnation d'une nouvelle compagnie de 300 hommes
de pied, chargée do la garde de la ville. Le Conseil
redoute le zèle de Mauroy, qui est en cour. Il l'informe
(]u'il n'ait pas à s* occuper d'obtenir arrêt du Conseil, afin
d'être autorisé à expulser de l'échevinage ceux qui pour-
raient être de la religion réformée; qu'il n'a aucun pou-
voir à cet eflet (I). Il était trop tard. Bientôt, sur la
demande du maire, des échevins et de la communauté
des habitants, le Parlement mettra l'arme la plus terrible
aux mains de ces gens que le zèle religieux rend aveugle,
et à qui la foi catholique trop ardente donne de la
cruauté
Avant que le Parlement ne délivre cet arrêt, la cour
en avait rendu un autre contre le culte réformé. Il était
ordonné que tous les prédicants, ministres et autres
officiers de la nouvelle secte seraient arrêtés et faits
prisonniers comme criminels de lèse-majesté divine et
humaine, séditieux et perturbateurs du repos et de la
tranquillité publics, afin d'être procédé contre eux,
comme il appartiendrait, et que ceux qui pourraient être
mis sous la main dû la justice seraient ajournés à com-
paraUre à la cour dans le délai de trois jours, avec an-
notation (saisie) de leurs biens.
Le 21 juillet, le cuisinier du sieur Desbordes ayant
dit à trois orfèvres qui, près de la Belle-Croix, chantaient
des psaumes en français, « avant six jours on vous fera
chanter un autre chant, > fut tué par ces orfèvres.
Le 26, dans une assemblée générale convoquée à
l'instigation de la reine-mère (2), il est décidé qu'il sera
formé, dans la ville, une compagnie de trois cents
hommes, € tous de la religion observée par le roi et ses
(i) A. 14.
(2) B. B. 14e carton, 2« liasse.
524 HISTOIRE DE TROYES. IM
"h prédécesseurs, depuis le roi Glovis. "h Cette compa^ie
aura pour chef un gentilhomme catholique, nommé par
le gouverneur. Il ne prendra d*autro titre que celui « de
gentilhomme de Mgr le duc de Nivernais, ayant charge
de 300 hommes de pied, ^ et sans qu*il puisse rien or-
donner sans prendre Tavis du bailli, de ses lieutenants,
du maire el des échevins. Les malfaiteurs qu'ils auront
arrêtés seront remis à la justice ordinaire. Un sieur d*As-
signy (1) est désigné de suite comme capitaine par le
duc de Nevers. La solde de cette compagnie doit être
prise sur les revenus des évêques, abbés et prieurs, non
résidant dans le bailliage, et le surplus, s'il y a lieu, sera
acquitté par le clergé, les bourgeois, manants et habi-
tants de Troyes (2). La solde des arquebusiers est fixée
à 6 livres par mois, et celle des autres gens d*armes à
5 livres.
Le 3 août, cette compagnie fait sa première montre.
Tous ces soldats, dès Torigine, sont reconnus pour être
le rebut de la population troyenne, comme la compagnie
de la ville de Sens, dite : des Pieds^Nus^ formée dans les
mêmes circonstances. Ils se jettent dans les maisons des
huguenots et les poursuivent avec la plus grande rigueur.
Ils les désarment avec violence ; ils brûlent leui^s livres
el font prisonniers tous ceux dont ils peuvent s'emparer.
Le peuple est si animé contre la réforme, qu'une vieille
femme, venue de Genève, ne voulant pas se mettre à
genou en l'église de Notre-Dame-aux-Nonnains, est jetée
à l'eau dans le ru Cordé, après avoir été tuée à coups
de pied et à coups de pierres (3).
Cette expédition, dans l'intérieur de la ville, aurait eu
un caractère juridique et elle aurait été faite sur Tordre
(1) Assigny, commune de Champcevrais, canto'i de Bleneau
(Yonne).
(2) A. 14.
(3) DUHALLE. T. 1er, p. 104.
iS(tt CHAPITRE XVI II. 525
de Desbordes. Ce lieutenant du duc de Nevers ordonne
aux ofliciers de justice d'avoir, avec leurs sergents et
leurs archers, à se trouver en sa demeure Tun des pre-
miers jours du mois d'août. Le maire, de son côté, aurait
donné secrètement ordre à tous ces mauvais garnements
de se joindre aux magistrats. Desbordes, avec les magis-
trats, leurs archers et sergents, et un grand nombre des
gens de la compagnie du duc de Nevers, en armes, par-
courent la ville et visitent les maisons des réformés. Leur
première visite est pour la rue Moyenne. Ils entrent de
Force dans les maisons des protestants, sous prétexte d'y
saisir des armes. Mais, de fait, les maisons sont pillées et
les bibles, les psaumes et autres livres à l'usage des ré-
formés sont pris et brûlés.
Le pasteur Jacques Sorel et sa femme, sur l'avis de
Nicole Pithou, d'Etienne Brunchié, avocat, chez lequel
il est logé, et Christophe Venel, se décident à sortir de
la ville. Ils sont aidés dans leur fuite par un domestique
de Caracciole. Sorel se retire à St-Mards, où il est reçu
chez Odard Pied-de-Fer, qui en est seigneur.
Le 5 août, l'expédition judiciaire continue. Une femme,
dite la Maçonne, est frappée de coups de dagues, traînée
dans les rues, puis jetée dans le ru Cordé. Le mâuie
jour, des soldats forcent des maisons, s'emparent des
enfants protestants et les portent dans les églises, afin
de les faire baptiser suivant le rite romain. On cite no-
tamment les enfants de Pantaléon Bon, menuisier; de
Jean Viot, menuisier; de Simon d'Arzillières, verrier; de
Honnet; de Louis du Lutel, contre-poinlier; de Biaise
Chantefoin et aulres. Cette bande armée se transporte
ensuite aux Buttes-des-Ârchers, où se fait le prêche,
s'empare de la chaire, la porte au Marché-à-Blé, et après
y avoir attaché un hareng saur (faisant ainsi allusion au
pasteur Sorel ) et placé une bible sur cette chaire, le feu
dévora le tout.
526 HISTOIRE DE TROYES. |S6t
Cette même bande conlinue ses tristes exploits. Martio
Adam est tué d'un coup d'arquebuse; Gallois est jeté à
la rivière ; Pantaléon Gauthey reste mort sur la place,
par 8uite de coups; Nicolas Henry est blessé à mort,
trainé dans les rues, puis jeté à Teau, ainsi que Robert
Pinard, arbalétrier. Jean Aubert, percé de coups d'épée,
et sa femme, sont jetés dans la rivière, au-dessus du
moulin de la Tour.
Un grand nombre de maisons sont abandonnées par
leurs habitants- Les portes en sont brisées par ces for-
cenés qui s'emparent des meubles, du vin, du blé, qu'ils
vendent à leur profit. Certaines de ces maisons sont
occupées par ces soldats; quelques-unes sont démolies.
On reproche à Desbordes de nombreux et importants
achats dont il ne paie point le prix. Il fait des emprunts
qu'il ne rembourse point.
A quelques jours de là, la maison de Christophe Ludot
est pillée et saccagée en son absence. Antoine Huyart,
seigneur de Presles et conseiller au bailliage, s'était
retiré à Orléans. Arrêté à Chaource, en revenant de cette
ville, il est a.T^ené dans les prisons de Troyes, où il est
détenu fort longtemps et d'où il est parvenu à s'évader.
L'une des héroïnes du protestantisme à Troyes est
Ambroise Pilhou, sœur de Nicole, de Pierre et de Fran-
çois, et femme de Claude de Marisy, seigneur de Valen-
tigny. Cette femme, d'un rare courage, est, en 1562,
l'objet d'une persécution qu'elle ne recherche point, mais
qu'elle soutient avec énergie, et qui se renouvella en
1572 (IK
Plusieurs de ceux que les Trois-Cents ont fait prison-
niers sont mis en liberté, parce qu'ils n'avaient été qu'au
prêche, et que, depuis, ils avaient fait profession de foi
de la religion catholique. Les soldats se plaignent, avec
;1) N. PiTHOU.
ISOf CHAPITRE XYIII. 527
aigreur, de ces élargissements. Courroucés contre les
huguenots, à Texcitation d'habitants catholiques et de
membres du clergé, ils se livrent à de nouvelles vio-
lences contre les réformés. Ils vont de nuit dans leurs
maisons, situées soit en ville, soit aux champs, les
pillent et en rançonnent les habitants, vident ces mai-
sons et emportent tout ce qu'ils peuvent, quoiqu'ait pu
dire et faire M. de Barbezieux pour empêcher ces excès
fâcheux. Les reproches du lieutenant du gouverneur ne
produisent aucun résultat favorable. Au contraire, il est
en butte à leurs menaces et à leurs paroles injurieuses,
ce qui l'indigna contre la ville. Ces soldats ne voulaient
obéir à justice (1). M. de Barbezieux était débordé, ses
ordres n'étaient pas exécutés : Desbordes était tout-puis»
sant à la tète de cette horde de malfaiteurs.
Le 47 août, le clergé de la ville, chanoines et autres
bénéficiaires font une profession de foi catholique (2).
Pendant les troubles d'avril les relations extérieures
et commerciales de la ville cessent entièrement. Les
marchandises et denrées emballées, fardelées et envais-
selées, ne sortent pas des murs, à l'exception des armes,
qui passent avec un certificat des échevins. Les intéres-
sés voient leur demande, tendant à recouvrer la liberté
d'expédier, refusée, les 15 mai et 6 juin. Ce n'est que le
18 août, que ces marchandises peuvent sortir de la
ville, après avoir subi la visite de Uesbordes et de six
notables bourgeois désignés par le Conseil (3).
En août, une procession extérieure doit être faite en
>iU6. Le clergé ne s'abstient pas, comme aux fêtes de
Pâques, soutenu qu'il est par Uesbordes et par le Con-
seiL Pour être sur que cette cérémonie ne sera point
(1) Duhàlle. t. !•', p. 105.
(2) Arch. dép. — Fonds de St-Etienne, Inventaire des hénèf,^
p. 46, 17 août 156t.
(3) A U.
588 HISTOIRE DB TnOYBS. «M
troubléOi le Conseil fait placer deux gardes à obaqù
porte et une garde à chacune des brèches qui sont aux
murailles. Un corps-de-garde prend place au Marché*
à-Blé, un autre à TEtape-au^Vin ; un k rentrée de la rue
Notre-Dame, et un quatrième près de St-Nixier. Las
portes sont tenues fermées, sauf les guichets des portas
de St-Jacques, du Beffroi et de Groncels (1).
Une réaction violente se fait sentir, Tautorité est entre
les mains des catholiques zélés qui sont appuyés par le
duc de Nevers et par Desbordes, son lieutenant. En août^
on dresse un rôle des suspects. Les curés, jes vicaires et
les marguilliers sont chargés de ce soin. Ce rôle est en-
suite déposé aux mains du maire. Il donne lieu à de
nombreuses réclamations. Il est interdit aux étrangers
d'apporter des lettres en ville sans les communiquer aux
gardes des portes, sous peine de la hart. Afln que per-
sonne n'en ignore, cette résolution est publiée au prOne
des églises paroissiales de la banlieue.
Le duc de Nevers ne séjourne pas en ville, il se tient
au château de St-Lyé, dépendant du domaine épisoopal,
et y habite, alors que Caracciole y est encore. C*est là
que Desbordes va prendre ses ordres. Un jour que celui-
ci s*y est rendu pour conférer avec le gouverneur de
Texécution de Tédit du 17 juillet, la foudre tombe sur le
château et tous deux subirent Tinfluence de Télectricité.
A la suite de cette conférence, et dès le lendemain de
son retour, Desbordes fait placer des gardes sur les rem.
parts et fait braquer des pièces d'artillerie contre la viUci
comme si elle était en état de siège. La ville est ensuite
sillonnée par la force armée, et le tambour bat comme
si elle était en danger. Cette démonstration inquiète les
réformés. Ils présument, avec raison, qu'elle est dirigée
contre eux. Ils suspendent leurs assemblées. Le plus
(i) A. 14.
I56!i GUAiniRË XYUl. 5:29
grand nombre, étant alors au prêche, ne rentre point en
ville do même que le ministre Frasnelle.
Outre les trois cents soudards formant une compagnie
à la solde de la ville, les habitants sont formés en com-
pagnies, par quartiers. C'est une nouvelle organisation
armée de la population troyenne ; elle remplace les
hommes de fer et les hommes de pourpoint. Un règle-
ment est proposé par le corps de ville, dans une assem-
blée tenue le 13 août, et à laquelle assistent le duc-
gouverneur, son lieutenant Desbordes et les autres offi-
ciers du roi.
Il est arrêté que les capitaines de chaque quartier
auront deux lieutenants, un enseigne et un centenier,
tous loyaux catholiques et de Tancienne religion, ainsi
qu'il sera certifié par les officiers du roi. — Les officiers
ne comprendront dans leurs rôles que des gens dont la
loyauté et la catholicité seront attestées par les mêmes
officiers du roi. Tous les admis seront invités à se mettre
en équipage d'armes, le plus promptement possible, et
prendront les armes auxquelles ils seront le plus aptes.
— Les réunions se feront aux lieux indiqués par les ca-
pitaines. — Les murailles, les portes et les remparts,
seront divisés par quartiers. — Cinquante charpentiers,
couvreurs et maçons, seront retenus en ville et dans des
lieux fixés à l'avance, pour porter secours en cas d'in-
cendie. — Ceux-ci ne seront pas de la nouvelle religion
et prêteront serment. — Les habitants de la banlieue
seront armés, afin de pouvoir rompre les courses des
ennemis. — Ils s'avertiront les uns et les autres, jus-
qu'en ville. — Ceux de la nouvelle religion, ayant des
armes, les déposeront à l'hôtel-de-vîUe. — Les biens des
absents seront saisis, mis sous la main du roi et donnés
en garde aux parents et voisins reconnus solvables. —
Les absents de la religion nouvelle, qui ont porté les
armes contre le roi et la ville, ne seront pas reçus en
III* M
530 HISTOUIK De TKOYKS. 45^^
ville, et ceux qui ne se sont point absentés seront mis
dehors, quelque profession de foi qu'ils fassent ou puis-
sent avoir fait, ainsi que ceux qui leur auront donné
conseil, aide et confort, et ce, selon les édits du roi et
les arrêts du Parlement. — Nul de la nouvelle religion
n'assistera au Conseil de ville pendant tout le temps que
le roi arbitrera. — Les trois cents hommes de pied,
levés par la commission du roi, garderont Tartillerie
placée sur les remparts et recevront les ordres du gou-
verneur, de son lieutenant et du maire. — Nul d'entre
eux ne sortira de la ville et ne se tiendra aux portes, s'il
n'y est par ordre, sous peine d'être pendu et étranglé. —
Sous la même peine, ils ne pourront, sans commande-
ment, arrêter aucun individu, entrer dans aucune maison
et attenter à aucun bien de quelque personne que ce
soit. — Nul ne sera exempt de la garde de la ville, eu
égard à Téminent péril. — Les portes du Beflroi et de
St-Jacques seront seules tenues ouvertes (1).
Cette nouvelle organisation armée des habitants ne
donne que 2,500 hommes (2), ayant pour chef un
enseigne-colonel, qui est François Format, fils de Claude.
Il fait ses preuve^ de calholicilé entre les mains de
Desbordes.
Toutes les mesures prises, avec tant de rigueur,
contre les protestants, décident le plus grand nombre à
quitter Troyes. Cet abandon de la ville rend le recoux-re-
ment des subsides et des emprunts royaux inipossiblc.
Les protestants Iroyens se jettent dans Bar-sur-Seine,
dès les [)remicrs jours d'août, croyant y trouver asile et
protection, au milieu d'une population qui compte un
grand nombre de leurs co-religionnaircs. Là, étant en
(I) B. B. 14'' carlon, 1«c liasse.
('2) Kn 1544, la ville curaple 3,875 hommes en rlat de porter les
aimes. La (lirfrrence entre ces deux rliiffres, doit donner à i)eu près
la forée du parti de la réforme.
1SM GHAPITUË XVIII. 531
force et pour se venger de la conduite des cathoiiqoes
troyens, ils se livrent à des excès qui en provoquent
malheureusement de plus regrettables encore.
La ville de Bar-sur*Seine — car Témotion est parlent
et la guerre avec elle — la ville de Bar-sur-Seine est
tombée aux mains des protestants. Elle est placée sous
le commandement d'un étranger nommé Jean leSemon*»
neux, ancien valet de l'évéque de Verdun, homme que
Ton croyait ferme en ses opinions et bon capitaine.
Nicole Pithou le qualifie en disant qu'il était plus propre
à débaucher une jeune fille qu à conduire des hommes
de guerre. Mais bientôt y arrive une troupe de huguenots
commandés par le capitaine Fréniz, surnommé l'Horrible,
en relation avec le prince de Portion, et qui, plus capa-
ble, prend le commandement de la ville.
Les protestants troyens se sont retirés dans les villages
du voisinage et aussi à Bar-sur-Seine, avec leurs femmes
et leurs enfants. En effet, la ville et le château ne pré-
sentent pas de sûreté, en raison du peu de force des for-
tifications de fun et de Tautre; et, parmi la population,
il n*y a ni union, ni ordre, ni police. Cette ville peut
craindre celle de Troyes, bien garnie d'hommes et de
munitions, occupée, commandée et dominée par de zélés
catholiques. Il serait difficile aux habitants de résister
avec succès à une attaque. Sans défiance et sans pré-
caution, mal leur en advint. Déjà, de concert avec Des-
bordes, Vignier, seigneur de Ricey, et le seigneur de
Yille^sur-Arce, ont réuni trois cents hommes qu'ils tien-
nent à Merrey, distant de Bar-sur-Seine d'environ trois
kilomètres.
Desbordes rassemble toutes les forces dont il peut dis-
poser. Celles-ci, réunies aux gens d*armes du duc de
Nevers, aux trois cents hommes de pied placés sous le
commandement du capitaine d*Assigny, et à environ
quatre-vingts gentilshommes, quittent la ville, enseignes
/-
532 HISTOIUK DE TUOYES. !3«
déployées, dans la nuit du 23 au 24 août, suivies du
lieutenant de robe-eourle et de ses archers, spécialement
chargés du soin de capturer les réformés. La ville de
Troyes envoie, pour les opérations du siège de Bar, un
double canon, trois grandes couleuvrines, deux faucon-
neaux, huit cenls livres de poudre à canon et des bou-
lets. Cent vingt chevaux sont occupés au charroi de ce
matériel de siège, qui doit être manœuvre par quatre-
vingts canonniers, pionniers, charpentiers, charrons et
maréchaux (1). Cette troupe se joint à celle du seigneur
de Ricey, à Viroy-sous-Bar.
Dès le lendemain, le double canon et les couleuvrines
sont braqués sur le château de Bar; la ville no pouvant
résister à une attaque, le château étant pris, ceux qui
occupent le château, veillent avec si peu de soin que
Tartillerie est braquée et les assiégeants au pied de la
muraille, avant que l'alarme ne soit donnée. Le capi-
taine Fréniz, resté en ville avec quelque cavalerie, en
sort sans porter secours aux assiégés du château. Il
abandonne ainsi les habitants et les gens de pied. Cette
cavalerie prend le chemin de Jaucourt, où existe un
château-fort appartenant à Jacques de Clèves, frère du
gouverneur de Champagne. Les gens d'armes de la com-
pagnie de Nevers poursuivent les cavaliers du capitaine
Fréniz, jusqu'au bois deSemond. Pierre Clément, sieur
do Pouilly (près Troyes), ne peut suivre. Il tombe aux
mains d'un sieur Spances, écossais, et d'un sieur de
Railly (2). Ceux-ci lui promettent la vie sauve, moyen-
nant rançon, et le laissent en liberté. Mais il est presque
aussitôt capturé par un inaréchal-des- logis de la com-
(1) A. H. — DuiULLE. T. i«^r, p. 106-107. — Courtalon. Topog.,
t. icr, p lli.
(2) Spances, lisez : d'Espances. — La famille de ce nom se divi-
sait en plusieurs branches. L'une HVlles, cftlle des d'Espances de
Railly, s*éleip:nit à Ervy, vers iS'iô.
i5C2 CHAPITRE XVIII. 533
pagnie de Nevers, de longue-main son ennemi, et qui,
comme Ton disait, « aboyait la confiscation. > Il le mal-
traita, lui cracha au visage et lui dit : c Je mangerai de
» la fressure avant dix ans. > Puis il le ramena à Bar-
sur-Seine. Clément avait en vain cherché refuge chez un
châtelain du voisinage, à qui il avait rendu service.
€ Mais, dit Nicole Pithou, service de seigneur n*est
• point héritage. >
Les catholiques, après la fuite des cavaliers de Fréniz,
se rendent sans peine maître de la ville. Sans commisé-
ration, ils exercent toutes sortes de cruautés, mettent à
mort tous ceux qu'ils rencontrent, soit hommes, soit
femmes ou enfants. Les assiégeants, la plupart troyens
et catholiques, recherchent les protestants leurs compa-
triotes, afin de les faire mourir. On cite plusieurs meur-
tres perpétrés avec une cruauté sans égale. Parmi les
victimes, on nomme : Pierre André, sa femme et leur
enfant; Guillaume Venel, Jean Cousin, Jean Baillet,
Claude Mérey, Rémi Poisson, Claude Havart, GuyotFour-
nel, Pierre de la Ilupproye, Nicolas Demy, Jean Bcnoist,
Rémi Cordier, Germain Viart, Jean Simon, dit Martinet;
Jean Lambert, Bernicart, Martin Adam, ditTrumclot, cl
d'autres encore. Plusieurs femmes sont tuées, d'autres
sont violées. D'autres se rachètent de la mort en payant
rançon. Le capitaine du château, Le Semonneux, est
pendu (2).
Le nombre des protestants morts, tant hommes que
femmes et enfants, est fixé à 160 (1). On compte seule-
ment dix ou douze prisonniers, parmi lesquels se trouve
le sieur de Pouilly, qui ne voulut pas abjurer, il fut con-
damné à être pendu. Lors de son exécution, qui oui
lieu sur la place du Marché-au-Blé, le 2 septembre, le
f\) NinoLE Pithou.
(2) CorRTALuN. Topog., t. icr, p. 112.
534 HISTOIRE DE THOYES. ises
peuple ameuté coupa la corde, lui arracha les yeux, lui
coupa le nez et les parties sexuelles, le traîna par la
ville jusqu'à la Cathédrale, et, enfln,. le jeta dans le ru
Cordé. D'autres prisonniers subirent le même sort. On
nomme encore le neveu de Pierre Clément, Nicolas Beau,
procureur, et Boudeville, chaussetier. Le premier fut
traîné dans les rues, mais le second ayant demandé on
Salve, son corps fut laissé en repos. Des trois enfants de
Beau, le duc de Nevers en aurait pris deux à sa charge,
et Desbordes le troisième (1). Edme Botta, maître des
écoles calvinistes, fut fouetté par toute la ville, pour
avoir conduit publiquement les enfants au prêche.
Le peuple, traînant dans les rues le corps de ce mal-
heureux Pierre Clément^ passa devant THôtel de M. Jean
de Mesgrigny, président au présidial. Gomme il n'avait
point signé la profession de foi soumise, dans le cours
d'août, au clergé et aux officiers royaux, celle bande
furieuse cria que si elle le tenait, elle lui ferait encore
pire.
Au siège de Bar-sur-Seine, le conseil de ville avait
envoyé, pour en suivre les opérations, Jean Gombaut. Cet
cchevin avait surtout mission de s'assurer de la remise
aux mains des troyens d'un certain Blampignon, dit
Prélat, € Tun des plus séditieux huguenots qui eût porté
les armes, » dit le registre *dcs délibérations du conseil.
Blampignon avait quitté Troycs et s'était réfugié à Bar-
sur-Seine, alors que ses co-religionnaires en étaient
maîtres. Dans une sortie, il tomba au pouvoir de la
troupe du sieur de Ricey. Il se racheta moyennant une
forte rançon, ce qui, dit le même document, troubla le
peuple et la ville. Gombault avait aussi mission de s'as-
surer s'il n y avait pas à Bar-sur-Seine des pièces d'ar-
tillerie fabriquées par les métiers de cette ville. En cas
(i) Breykr, Gourtalon, Duhalle. Mémoires^ t. icr, p. 106-107.
1563 CHAPITRE XVIII 535
d'aflirmative, Gombault devait se les faire remettre et les
ramener à Troyes. Il avait encore la charge de s* emparer
des biens confisqués sur les prisonniers, afin d'en
appliquer la valeur au paiement des frais du voyage et
du siège dont la durée fut de six jours {i).
La réaction catholique marche à grand pas. Les
violences sont excessives à Bar-sur-Seine, à Troyes et
dans la banlieue. Les groupes de protestants, rencontrés
dans les campagnes, sont poursuivis, chassés et mis à
mort. On compte, à Troyes, sept processions générales
depuis la Fête-Dieu jusqu'aux premiers jours de septem-
bre. En août, une profession de foi, en vingt six articles,
dressée par la faculté, est signée par les membres des
corps constitués, non sans résistance ou abstention de
quelques-uns. Celte profession de foi n'est autre que les
articles dressés en Sorbonne, en 4542, contrôles luthé-
riens, autorisés par François I^r et approuvés par Henri IL
Le 41 août, ces articles sont proposés à la signature
des membres du bailliage et siège présidial. Deux mem-
bres seulement ne veulent pas signer, ce sont: MM. Jean
de Mesgrigny, président, et Regnault, avocat. Le corps
de ville les signe le même jour. Le 17, le chapitre de
St-Etienne y donne son approbation. Le 30, le surplus du
clergé les approuve, et le lendemain est le tour des
avocats, des procureurs, des soi^ents et des marchands
qui signent, chacun dans leur ordre, ce premier acte de
la ligue (2).
Les assassinats juridiques se continuent pendant plu-
sieurs mois. La compagnie des trois cents est bientôt
l'objet de mesures sévères prises contre les hommes
qui la composent. Le conseil do ville, quelques jours
(1) A. 14.
(2) Sémtllard. t. lor. — Breyer. Arch. dép., fonds de St-
Etienne. Inv, des bénéfices, p. 16.
536 HISTOIRE DE TROYES. fses
après le siège de Bar-sur-Seine, veut défaire, en partie,
son œuvre. Au sein de ce conseil, on propose le renvoi
de cent hommes, des plus séditieux. Cet instrument,
crée un mois auparavant, est trouvé dangereux pour
la cause qu'il est chargé de soutenir et de défendre.
Avant de prendre parti, le clergé est consulté, et la
compagnie survit, dans son entier, à celte première
demande d'épuration.
La compagnie du duc de Nevers est aussi l'objet de
vifs reproches. Les soldats pillent les maisons de ceux
de la religion nouvelle. Ce pillage est tel que les habi-
tants craignent de ne pouvoir fournir quinze mille livres
demandées par le roi, ni satisfaire au paiement de la
solde de la compagnie des trois cents hommes de pied.
Le maire et les échevins, dès le 2 septembre, avouent
leur impuissance à faire cesser les vols et les pilleries
que, chaque jour, commettent ces deux compagnies.
L'échevinage a le commandement supérieur en main
dans ces malheureuses circonstances. < Cette commune
réactionnaire de 1562 > commande avec audace, non
pas seulement dans les affaires qui sont de sa compé-
tence, mais encore à Tégard des faits qui touchent à la
religion et à la justice. Si le lieutenant criminel donne
ordre au maire et aux échevins de faire faire le guet,
ceux-ci lui répondent que « ni lui ni ses prédécesseurs
n'ont le droit de faire pareil commandement ; qu ils ne
sont ni ses justiciables ni ses supérieurs (1er septem-
bre). > Puis, le 8, le conseil décide, en exécution de
l'arrêt du parlement du 22 août, que les huguenots pri-
sonniers seront envoyés à Paris pour y être jugés.
Cet arrêt du parlement, daté du 22 août, a été obtenu
par le clergé, l'échevinage et la communauté des habi-
tants, zélés catholiques. Il va immédiatement porté ses
fruits. Cet arrêt autorise et couvre de la plus audacieuse
impunité tous les forfaits qui ont été ou pourront être
156- CHAPITUE XVIII. 537
commis sous le voile de la religion. 11 est dirigé contre
tous ceux de la religion nouvelle qui habitent les villes
de Troyes, de Rosnay, de Bar-sur-Seine, de Céant-en-
Olhe, de Villemaur et autres lieux, ou qui se trouvent
dans ces lieux, et contre tous ceux qui se sont rendus à
Orléans, contre la volonté du roi. Cet édit prescrit le
remplacement des offîciers de THôtel-de -Ville professant
la religion réformée, et autorise Tassistance en armes
aux assemblées de Téchevinage. 11 ordonne Tarrestation
de tous ceux qui se sont rendus à Orléans, avec
armes, contre la volonté du roi, leur mise en prison et
leur conduite à la conciergerie du Palais, afm d'y être
jugés comme criminels de lèse-majesté divine et humaine.
Il prononce la confiscation et la saisie de tous leurs
biens. Ceux qui auront suivi les prêches feront confes-
sion de la foi catholique et se confesseront à ceux qui
ont le pouvoir de les absoudre. Ils recevront le créateur,
iront à la messe et à vôpres, les dimanches et les fêtes,
sinon les suppliants sont autorisés à les chasser et à les
expulser de la ville ou de les prendre et constituer pri-
sonniers et les envoyer à la conciergerie du Palais, afin
d'y faire leurs procès. Au lieu des stispicionués et mal
sentants la foi^ il sera commis, pour la garde et pour le
guet et à leurs frais, de bons catholiques. — Les prédi-
cants, ministres ou autres officiers de la secte nouvelle
seront pris au corps et conduits à la conciergerie du palais
pour procéder contre eux comme criminels de lèse-
majesté divine et humaine. — Tous ceux qui seront
trouvés pillant et saccageant les églises et maisons seront
considérés comme séditieux, rebelles et criminels de lèse-
majesté et ennemis de la couronne de France, ainsi que
leurs fauteurs et complices et, comme tels, la cour les
abandonne pour être défaits, taillés et mis en pièces
par le peuple, sans que les auteurs puissent être tenus,
repris et poursuivis en justice et ce, suivant Tarrêt de la
/MIT fe JPfï l
,% iiif»ijft -OÊis^tL h me*» iéanrÔRs oe poiprait-oo pas
le .ivni>r ir.»i: in un^ ^kiiôl «& B» il mit ihli w termes !
fjicv^^ K iir 34& ^^im jDinrtt. Qkea§ le 18 seplembrre,
.«» tnnjKïL Uittistm ^ïisae4!3& Sdiwni le Xairat, Jeao Le
T^rier. unofer IL «I^aoue Ld Ttfcer : Pierre Perricard,
if^aa Kifimv «l ^rHiii» L^ht. ja«i9 ^^KIâeliiers de ville et
^nvoBïivameaz^ >ie:iuî SLeyiittiit. a.7Qcat de la ville par
Jà ^séAX^\ti isi huL hi Ssvsa. ^ ^ avait refusé sa
ti^;ioir^ « ^ «itiOQs&fiJia îd l«h. Eo. remplacem^nl des
UttOfti'Mr^ û^ TÎljit. îtHic J-îSMÂsion avait été prononcée
^ Mk rn^^^rji^^ 'inoi néme !iia;iûciié choisissait : Jean Le
Tatt^e. !Di^7r!it»r : i^iipu» Jkaâry. Isan Gombault, Pierre
^ Amên^utmt. LsTirau GLanii^reaft et Pierre Belin ; Tavocat
4e .d vi;ti»: irA SuA^JA Ja£*^i»:w <;il: plus tard devint prévôt
4e lmf& et ue ^«^^ect Ait ua adomé Maoldier.
Celte iéar:*:e f *éparati03 se termina par la prestation
4e serment « sur I^ saints évangiles de Dieu, de ne
€ n^pofter aoeone chose délihérée et conclue par le
\i,7Kyi avo.r âv::: ortirr^-i du r'ariemeni de Paris l'arrêt
drj ii a«/i.. ie jrr.seu p-:u:s*j:; encore près du roi
1 ohu^ntr-n •]•:; .et::es len-iar.: à î'aire maintenir exclusive-
rneril ie ;;«'/i..>:r e.iire le> mains des catholiques. Dans
ce hul, il envoie au roi des commissaires porteurs d'ins-
tructions ^Jressées dans le but de faire connaître la
situation de la ville et des habitants. Ces instructions
reviennent à Troyes émargées des réponses du roi.
Ainsi les catholiques se disent vingt fois plus nom-
breux que ceux do la rnligion contraire et prétendent
que ceux-ci sont forains et étrangers pour le plus grand
nombre. — A cette déclaration, le roi répond que c'est
(1; A. 14, à la date du 17 septembre 1562.
1302 CHAPITRE XVIII. 539
avec grand plaisir qu'il apprend que la ville Je Troyes
renferme si peu tic gens de la nouvelle opinion.
Le trouble, apporté en ville, provient de rintelliçenco
des magistrats, notamment du président (Jean de Mes-
grigny), de Tavocat du roi, de cinq conseillers au baillago
et siège présidial et du lieutenant du prévôt qui fréquen-
tent les prêches, les assemblées et les exercices de la
religion réformée et qui, par leur exemple, entraînent le
peuple, comme par leurs fonctions maintiennent Texer-
cicc de la nouvelle religion ; que depuis les nouveaux
arréls rendus contre d'autres magistrats, les juges ont
abandonné la ville. — Le roi promet de sévir contre qui
il appartiendra.
Le plus grand nombre des échevins et conseillers,
Tavocat de la ville, le receveur des deniers communs
créés pendant les troubles, c par forces d'impression, »
se sont aussi absentés et ont quitté la ville, ainsi que
deux élus en l'élection qui sont de la secte nouvelle. —
Le roi répond que le plus grand bien pour la ville serait
de la voir quitter par tous les réformés.
La ville renferme au moins six mille hommes (1),
aptes à porter les armes et catholiques prêts à exposer
leur vie et leurs biens pour l'honneur de Dieu, le service
du roi et le maintien do la ville en l'ol^éissance de Sa
Majesté. — fn Le roi loue le nombre de gens de bien qui
lui sont aifectionnés dans la ville de Troyes et dit qu'il
en aura bonne souvenance. »
Après avoir félicité le roi du choix de M. Desbordes,
comme gouverneur de Troyes, il consent à ce c que les
soupçonnés de la nouvelle religion ne soient plus reçus
à Troyes et que la solde de la compagnie des 300 hommes
de pied soit répartie entre toutes les villes du bailliage.
(i) On .1 vu (fuc les habitants choisis et armes sont, en 1562, au
nombre do 2,500, catholiques, il est vrai.
540 HfiTOfBE DB TROTES. fsfi*
qui prenneot part i la SsAde des 50,000 hommes de
pied levés pour le roi, y compris tous les bénéficiers du
même ressort.
Le roi acei>rde aussi la suppression de la compagnie
des trois cents hommes de pied, puisque la ville possède
suffisamment de ^ns dévoués pour qu*elle puisse se
frarder eHe-mème et sans payer de gens d'armes.
Après avoir renouvelé certaines demandes résolues
déjà par Tarrét du :^ août, le roi déclare qu'il sera
pourvu au remplacement de M. de Melphe, évéque de
Troyes« et que. déjà. M. de Beauffreroont est chargé de
réconomat de révéché. Enfin le roi accorde au maire,
aux échevins et aux conseill*?rs de ville catholiques, le
droit de porter, eux et leur^ domestiques, des armes pour
leur défense. — Ut^e liberté est accordée aux gens de
Téfliso I .
Le conseil de ville eparé« les exclus sont remplacés par
des habitants qui r^'fusent de prendre part à ses travaux.
Ce même conseil demande à M. de la Rochefoucault de
Barbeiieux Texpulsion de la ville du baron de Plancy,
'lu oaD'tJtce Parue-îe, îii iiîarét:hi\l Re^nani et d'autres
eiTatifers L«:> "::. e.'T?> 'u P rte-ir'r.sei^nt et ilu Crois-
<sin: >ort :'erî:>'::j :i' :::i5u:e >. :o. oe ei t eu é^ard à
a reii^on. • Ma.^?- .e< ;^r<rcu:::n5. les pri-ehes, les
j-s-fiui-c-es >-c:':.cs e: .^s c.::.verit!cu es e':*nlinueiit. l^
•:onse:l de^ ie ;ut es rj:c:s:res : redicants seront arrélés
Av:-: le/.r^ v :-::.:>:> -: livres i la justice et choisit, à
f\-r:s. un s: 'te :- : :v.r :>: ?as laisser laniruir les
:x::s c:--::. :: > : :v^s â ij .:»:ur oor.trv les j^roles-
:a!::s-
M ôe Rj::e.- ^•,:x Sc : j:: i : :res:uc îcu ours à Troves,
f-- f<- l'z r . .- ■'p .'<* Llz-t.'z^^. i ^ï B:urgf*.
* *• •f
154» CHAPITRE XVlll. 541
pendant ces troubles, et n'était pas en sûreté pour lui-
môme. Louise de Glermont<Tonnerre, duchesse d*Uzès,
c qui possédait fort la reine-mère, i> Vinformait de ce
qui se passait à la cour. Tous les officiers du roi devaient,
en personne, justifier de leur foi. La duchesse connaissait
les secrets du cabinet et, chaque semaine, elle faisait un
voyage de Troyes à Orléans pour recueillir les nouvelles.
Elle fit pressentir à M. de Barbezieux qu'il pourrait être
lui-même interrogé sur sa foi et lui fit demander ce qu'il
répondrait. Celui-ci lui fit savoir, par Mergey, son secré-
taire, qu'il dirait son credo^ en latin, comme son pré-
cepteur le lui avait enseigné. Elle lui observa qu'il
faudrait l'expliquer en français, que le plus sûr pour lui
était de fuir la cour ; ce qu'il fit, avec Mergey, Ils se ren-
dirent en Allemagne, déguisés en marchands, et ne
revinrent qu'après l'orage apaisé (1).
Malgré les persécutions, les réformés ne se laissent
point abattre. Ils sont assez puissants, à Troyes, pour
obtenir, en septembre, un arrêt du conseil en leur faveur.
Cet acte, après avoir rappelé tous les faits dont la ville
a été le théâtre depuis l'édit du 47 janvier, la tenue des
prêches, les baptêmes et les mariages, la cène et autres
exercices de la nouvelle religion, à la mode de Genève,
la dispute avec les maîtres, la fréquentation des maisons
des pasteurs, avec lesquels leurs adhérens ont bu et
mangé, le port d*armes contre le roi et sa volonté, la
prise des clefs de la ville, restées aux mains des réformés
pendant huit ou dix jours, ainsi que la garde des portes ;
l'ouverture des lettres et paquets venant du roi et adres-
sées à ses officiers, le voyage à Orléans pour se joindre
à l'armée du prince de Gondé, la prise de possession de
Bar -sur-Seine; le roi, après avoir pris conseil de la
(1) MiRGET. Mémoires, p. 261. Ed. Buchon. Du Panthéon litté^
rait*e.
542 HISTOIRE DE TROYES. lâl»
reine, sa mère, et des gens du conseil, ordonne le main-
tien de la paix et la cessation des poursuites contre ceux
qui ont pris part aux désordres, en exceptant de ce
pardon général les chefs des séditions, les auteurs des
vols et des pillages des églises et maisons ; ceux qui ont,
sans congé du roi, levé des deniers et fait des enrôle*
ments, des achats d'armes et do munitions de guerre.
Cet acte, dit d'abolition, fut donné au camp de Sou-
dan (l)en septembre 1562, et obtenu, sans aucun doute,
par l'influence et le crédit de quelque haut solliciteur de
la cour (2).
Quelles que soient les réserves contenues dans cet
arrêt du conseil, les protestants de Troyes veulent en
faire usage. Il le font signifier aux officiers de la justice
royale, par Sébastien Savetier et Jean Clément, notaires.
Ces protestants, au nombre de vingt-quatre, sont
tous prisonniers (sauf les deux derniers). Ce sont les
sieurs Michel Marcassin (sans doute de la famille
qui compte plusieurs peintres- verriers), Ferry Manssel,
Guillaume Boucher, Pierre Laudereau, Jean Desjar-
dins, Jean Martel, Pierre Bierre, Joseph Lorin, Jean
Collot, Simon Petit, Jean Viart, Claude Boissonnot,
Simon Febvre, Jacques Robelin, Jean Amyot, Pierre
Lemoyne, Roger Havard, Nicolas Bourgoing, Nicolas
Pullyvat, Olivier Mynet, Urbain David, Eutrope Griveau
et Douge. Mais les officiers royaux ne veulent déférer à
cette signification. Us déclarent c qu'ils ont été préve-
> nus par le Parlement et que ces lettres d'abolition ne
> peuvent recevoir leur exécution qu'après leur enregis-
> trement à la cour. > Sans aucun doute, elles ne furent
pas appliquées.
{i) On trouve : Soudan, Seine-Inférieuro, et Soudan, Deui-
Sèvres.
(*2} Arch, mun. anc. fonds.
\5(&i CHAPITRE XVIll. 548
La contrée d*Olhe, — on le sait déjà, — est peuplée
de réformés. En avril précédent, la compagnie dite des
Pieds'Nus^ de Sens, qui vaut la compagnie des Trois-
Cents de la ville de Troyes, s'est deux fois jetée sur la
ville de Géant-en-Othe. Le 25 juillet, cette môme com-
pagnie et les trop zélés catholiques des communes cir*
convoisines, ayant pour seigneur le grand-prieur de
Guise, viennent de nouveau, au nombre de 2,000, atta-
quer Géant. Mais les habitants de celte petite ville, aidés
de Oudard Pied-de-Fer, seigneur de St-Mards, et du sei-
gneur de Gourmononcle, repoussent Tassant donné par
ces troupes, qui se dédommagent en pillant les maisons
sises en dehors de Tenceinte fortifiée. Le 24 août, jour
du siège de Bar-sur-Seine, les mêmes gens, sous le
commandement du capitaine Gayer, trouvent le moyen
de pénétrer dans la place. Us y mettent le feu et tuent
plusieurs habitants. Non contents de cette surprise, ces
forcenés reviennent encore à Géant, le 15 octobre, et y
commettent de nouveaux meurtres. Enfln, le 31 janvier,
ils égorgent encore seize malheureux qui jusque-là s'é-
taient soustraits à leurs coups. La tête de Tun d'eux,
placée au haut d'une pique, fut, pendant plusieurs jours,
promenée dans les villages voisins.
Dans l'été, l'une de ces hordes attaque le ch&teau de
Villeneuve-aux-Riches-Hommes, village dépendant du
diocèse et du bailliage de Troyes. Ge château appartient
à Antoine Raguier, seigneur d'Esternay et Tun des prin-
cipaux personnages du parti protestant. Lors de cette
attaque, il ne se trouvait au château que les dames de
la maison avec quelques serviteurs. L'une d'elles, pre-
nant avec énergie le commandement, encourage et arme
ses domestiques, combat à leur tête, manœuvrant elle-
même de petites pièces d'artillerie qu'elle dirige sur les
assaillants, et ainsi les force à la retraite. Ils ne quit-
tèrent la place qu'après avoir brûlé le moulin et les dé*
544 HISTOIRE DE THOYES. i^^t
penilances, qui, au dire de Bèze, étaient des plus belles
de France.
Quelques jours après, une autre bande, forte de cent-
vingt à cent-quarante arquebusiers, et conduite par Hélie
et Tricher de Maligny (!}, s'empare du château de Soli-
gny-lès-Etangs, appartenant aussi au seigneur d'Esler-
nay, et va de nouveau devant le château voisin de
Villeneuve-aux-Rîches-Hommes. Cette bande est mise en
déroute par une petite troupe placée sous le commande-
ment d'un gentilhomme protestant, qui tue plusieurs de
ces arquebusiers et fait vingt-cinq prisonniers (2).
Les deux Dierrey et le village de Morey (3), situés aux
limites de la contrée d'Olhe, dans la petite vallée du
Bétro, étaient habités par des réformés. L'un d*eux,
nommé Massicault, fut, en 4562, couché sur les alênes
d'un bourrelier, et la tête fut tellement serrée à l'aide
d'une corde, qu'il fut laissé pour mort (4).
La paix n'est pas faite entre les catholiques et les
protestants. Les premiers sont redevenus les maîtres.
Us ont le pouvoir en main. Ils se croient assez forts pour
maintenir, à l'avenir, leurs adversaires amoindris, dans
tous les cas pour les persécuter. Le Conseil redemande
à M. de Barbezieux, le 29 septembre, le renvoi de la
compagnie du gouverneur, <r en raison de la grande
foule qui pèse sur le peuple, d Le 2 octobre, il épure la
compagnie des Trois-Cents, en en renvoyant cent, < des
plus mutins, rebelles et séditieux. » 11 formule ses plain-
tes contre les chefs et les soldais, toujours au nom du
peuple qui souffre, < des pilleries, meurtres et insolences
(1) Sans doute Maligny, canton de Li^y (Yonne). — Au hameau
aujourd'hui ferme de Perthelaine, commune de Soligny, existait un
temple et un cimetière à l'usage des réformés.
(2) Hist. des cgi. réf., t. ii, p. 170. — De Thou. Histoire de mmi
temps.
(3) Ce dernier village n'existe plus.
(4) GouRTALO.N. Topog., t. m, p. 152.
IMf CMAPiTKE XYlll. 545
commis dans la ville et dans les villages voisins. > Il se
plaint aussi des querelles fréquentes, qui s'élèvent, au
guet et à la garde des portes, entre les habitants et les
gens de cette troupe si mal famée (1).
Malgré ces réformes, les poursuites contre les réfor-
més ne sont pas suspendues. Les arrestations conti-
nuent. Claude Lorsignol, receveur des aides; Jean
Durieu, maître de la Monnaie, et Urbain David, Thôte*
lier du Porc-Epic, sont faits prisonniers et conduits,
sous bonne garde, à la conciergerie du palais, c pour
fait de la nouvelle opinion. > La conduite de ces prison-
niers, mise à la charge de la ville, fut taxée aux trois
sergents qui la firent à la somme de 220 livres parisis.
Les portiers de la ville arrêtent un nommé Viennois,
que le Conseil fait expulser en lui défendant de rentrer
en ville avant trois mois et en lui prescrivant de s*en tenir
éloigné d'au moins dix lieues. Il fait les mêmes défenses
à Guillaume Durieu, fils d'un apothicaire. Il prononce la
confiscation des meubles d'un nommé Massicault. Ces
meubles sont déposés à l'hôtel-de-ville, jusqu'à ce que
cet individu se présente en personne au Conseil.
Dans le cours d'octobre, la crainte contre les ennemis
du dedans parait s'amoindrir. Mais elle reprend contre
ceux du dehors. On tend les chaînes dans les rues ; on
établit une surveillance spéciale, confiée à quinze
hommes de guerre chargés de découvrir les environs de
la ville et de les parcourir. Ils sont substantés et entre-
tenus par vingt-quatre villages de la banlieue (S). M. de
Barbezieux visite les dérivations de la Seine en bateau.
Il constate l'état des vannes tranchines. Le Conseil s'en-
tend avec des Cùrretiers aux chevaux, afin d'avoir des
(i) A.i4.
(2) A. 14.
m. 86
546 UISTOIKE DE TKÔYES. I56t
chevaux pour le service de la ville, du roi et des cour*
riers passant et repassant à Troyes (1).
Le maire, pour sa sûreté personnelle, se fait donner
une garde de quatre arquebusiers et de quatre hallebar^
diers (2).
Le princo de Gondé eut recours aux princes d'Aile*
magne pour avoir du secours. D'Àndelot alla les recevoir
et amena 12 cornetles de reîtres, faisant 2,600 chevaux,
et 12 enseignes de lansquenets, comprenant environ
3,000 hommes, fournis par le landgrave de Hesse.
Le duc de Nevers, ayant su Tarrivée de ces troupes
allemandes, alla à Montier-en-Der, où il assembla des
troupes de pied et de cheval et y forma un camp pour
empêcher les Allemands de passer. Ils étaient alors à
Montéclaire, près d'Andelot. Mais ces Allemands pas-
sèrent par Ghaumont, Glairvaux, Ghâteauvillain, Ghâ-
lillon, Tanlay, Noyers, Gravant et gagnèrent Orléans, où
ils se joignirent au prince de Gondé, qui avait sous ses
ordres un grand nombre de huguenots, tant de Troyes que
d*aulres lieux.
Les réformés de Vitry, de Wassy, de Noyers et d'au-
tres villes s'étaient réunis à ces Allemands. Ils pillèrent
à Ghâteauvillain, notamment le couvent des Gordelières,
firent des prisonniers, comme le seigneur de Gigny,
celui do Senecey, et Jacques Girardin, rançonné à
500 écus.
M. de Nevers, n'ayant pu empêcher la marche des
Allemands, se relira à Mussy, puis à Bar-sur-Seine,
attendant le maréchal de St-André, que le roi envoya à
son secours avec sa compagnie de cheval et quatre ou
cinq mille hommes de pied.
Le maréchal arriva à Troyes, avec ses troupes, le
(1) A. 14.
(21 A. IV
1509 CHAPITRE XVlll. 547
25 octobre, logea à Févéché, elle lendemain se rendit à
Bar-sur-Seine. Mais les Allemands étant déjà ay-delà de
Chfllillon, il revint avec M. de Nevers, sur la ville de
Troyes, où ils sentie 27 (1).
Un conseil de guerre est tenu, le 29 octobre, à Thôtel
de M. de Barbezieux (2), par le maréchal de St-André,
le lieutenant au gouvernement de Champagne, et plu-
sieurs autres officiers. Le maréchal aurait séjourné plu-
sieurs jours à Troyes (3). De Troyes il se dirigea sur
Sens (4).
Dans les mêmes jours, après la prise de Rouen, le
conseil du prince de Gondé, qui se tient à Orléans, con-
damne à la peine de mort Baptiste Sapin, conseiller de
Paris, et Jean de Troyes, abbé de Gastines, tous deux
arrêtés dans le Vendômois, alors qu*ils se dirigeaient
sur Tours, avec Odet de Selve, qui, en qualité d'ambas-
sadeur, se rendait en Espagne.
Les lettres, dites d^abolition, accordées en septembre,
ne mettent pas fln à la lutte, ni aux persécutions, ni aux
massacres. Après Texpulsion des réformés de la ville de
Bar-sur-Seine, ces derniers, au nombre d'une quaran-
taine de cavaliers venant de la petite ville d'Entrains
(Nièvre, arrondissement de Glamecy) (5), rentrent dans
cette ville le 26 janvier suivant et y pendent le procureur
du roi catholique, Ballet, qui, pendant les luttes précé-
dentes, avait eu le courage inoui de faire mourir son fils,
à cause de ses opinions religieuses. Dans cette nouvelle
attaque, il y eut encore à déplorer des meurtres, des
actes de pillage et de violence.
(1) De Trou. Bistoire de mon temps, t. h, p. 550. — Duiuu.b.
Mémoires^ t. i«r, p. 107 et 108.
(S) Cet hôtel était situé rue des Quinse-Vingts.
(3) GouRTUX)N. Topog,^ t. i«f, p. 113.
(4) De Tuou. Histoire de mon temps, t. u, p. 531.
5J Même ouvragey t. n, p. 412.
54-8 IIISTOIKE DE TKOVËS. 1563
A TroyeS) les catholiques prennent de nouveau les
armes. Ils envahissent les maisons des réformés, tuent
un grand nombre de ces malheureux persécutés. Quel-
ques-uns des réformés sont assez heureux de pouvoir
quitter la ville Des actes réciproques de cruauté s'ac-
complissent. Le 7 novembre, Guillaume Plumey, cha-
noine de St-Pierre et chantre de St-Etienne, avait été
tué d'un coup de pistolet, en se rendant à Toffice de
matines (1).
Le jeune duc do Nevers ne conserva pas pendant
longtemps le gouvernement de Champagne et de Brie.
Il ne devait pas garder ces hautes fonctions jusqu'à sa
mort. Blessé mortellement et par imprudence par Des-
bordes, Tun de ses gentilshommes, avant la bataille de
Dreux, il mourut le 10 janvier 1563 (n. st.).
Le gouvernement de Champagne est remis au duc de
Guise, François, fils de Claude, dans le cours de novem-
bre 1562. Ce nouveau gouverneur est à Troyes, dans le
même mois. Par ses ordres et sur la demande du Con-
seil, les armes déposées à l'évéché sont, après la levée
du camp d'Orléans, reportées à Thôtel-de-ville, d'où elles
avaient été enlevées selon la volonté du duc de Nevers.
Le Conseil en a besoin pour défendre la ville. On craint
les gens d'armes sortant du camp d'Orléans et qui com-
mencent à paraître aux environs de Troyes. Le nouveau
gouverneur prend gîle à l'évéché, alors sans maître, et
visite les domaines épiscopaux d'Aix et de St-Lyé.
Pendant l'hiver de 156:2-63, les huguenots, d'un côté,
et les troupes royales, de l'autre, sillonnent en tous sens
la Champagne méridionale. Une garde de vingt hommes,
soldée par la ville, est donnée à M. de Barbezieux, qui
alors réside presque toujours à Troyes.
Le président, M. Jean de Mesgrigny, est catholique
(I) CoruTM.oN. 'lopixj., t. i<?«', p. il!2.
\:m CHAPITKK WIII. 549
modéré, blâmant les actes de violence de Tun et l'autre
parti. Déjà, on a vu la mauvaise disposition de la popu*
lation catholique, zélée à son égard, le jour de Texécu-
tion de Clément, sieur de Pouilly. Le 8 février, son do-
mestique vint en ville, le maître étant à la campagne.
Le maître de fer et ses compagnons, étant de garde à la
porte, se saisirent de son cheval. Pour ce fait, appelés
à Thôtel-de-ville, devant le maire, les échevins et le
Conseil, afin de fournir leurs explications sur ce fait de
violences, le maître de fer et ses hommes, quoique n'é-
tant plus de service, se présentèrent en armes. Le maître
de fer prétendit que le maître et le domestique étant
suspects, on ne devait point leur permettre d'entrer, ni
de sortir de la ville.
Le Conseil invite Jacques Dorigny à quitter la ville,
« autant pour éviter les murmures, même la fureur du
peuple, que pour se mettre en sûreté (1). >
Le CQup de pistolet de Poltrot de Mérey, tiré, le
18 février, sur le duc de Guise, jette le désarroi dans le
parti catholique. Ainsi disparaît le principal chef du
parti catholique, à Taide d'un moyen violent trop souvent
mis en pratique à celte époque de suprême violence.
Le duc meurt le 54. Après les cérémonies funèbres, qui
égalèrent en magnificence, si elles ne les surpassèrent,
celles dont on honorait les rois de France, son corps est
conduit à Joinville, en passant par Paris et par Troyes.
Il arrive, dans cette dernière ville, le 25 mars, à deux
heures de Taprès-midi. Le clergé, le bailliage et le pré-
sidial, le corps de ville, les notables habitants, la nouvelle
milice bourgeoise vont recevoir les dépouilles mortelles
du duc-gouverneur, à l'église de St-Antoine. Le cortège
se dirigea sur la Cathédrale, où, le lendemain, fut célé-
br«^ un service solennel. L'oraison funèbre fut prononcée
(i) A. U.
550 mSTOlUB DE TROYES. i563
par le P. Bistenet, jacobin. Après le service, le clergé
conduisit le corps du duc jusqu'à rextrémité du fau-
bourg St-Jacques, et le Corps de ville et les habitants ne
le quittèrent qu'au Pont-Hubert.
Les catholiques ardents offrirent aux mânes du duc
un holocauste qui dut leur être agréable. A cet homme,
qui, — il y a bien des motifs de le croire, — a été l'ins-
tigateur du massacre de Wassy et de celui de Sens, qui
avait pris ses mesures pour les renouveler à Troyes, —
cette population lui offrit un holocauste qui dut faire
tressaillir son corps à peine refroidi, en pillant les mai-
sons et en tuant les réformés alors placés sous les
verrous.
Le 25 mars, jour de rAnnonciation, le corps du duc
arrive à Troyes, vers deux heures do l'après-midi, et, à
sept heures, une foule acharnée envahit la maison de
M. Jean de Mesgrigny, et, en son absence, la pille et la
saccage, puis dévaste la maison et rofficine de Gaulard,
apothicaire. Pendant ce pillage, des soldats « de conni-
vence avec le maire et les échevins, > s'introduisent dans
les prisons où sont détenus des catholiques et des pro-
lestants. Un nommé Perrenet, qui souvent allait les visi-
ter, excite les premiers à se prendre de querelle avec les
seconds, et leur 'fait entendre que, par ce moyen, ils
recouvreront leur liberté. Une querelle survient, la lu tic
s'engage, et bientôt, en ville, le bruit court que les re-
formés ont tenté de s'évader.
Le maire, accompagné des principaux chefs de la
bande armée, Perrenet, le pâtissier Margoulé, le bâtard
Mergey et un nommé Gouast accourent aux prisons,
suivis d'une nombreuse foule. Le premier prisonnier ré-
formé qu'ils rencontrent, est Jacques PuUinard, qui, de
suite, tombe sous leurs coups. Jean Collet et Jean Viard
ont la gorge coupée, et leurs corps sont jetés sur un
fumier. Ils recherchent Antoine Huyart avec ardeur.
1563 CHAPITRE XVIlï. 551
mais ils ne peuvent le découvrir. Le geôlier Tavait fait
cacher dans une petite chambre au-dessus de la porle
d'entrée. C*est ainsi qu'il échappa à la mort (1).
Celait dignement honorer, à son passage, celui qui,
de son vivant, avait reçu le surnom de : Boucher de la
France.
Le 29 mars, le bruit se répand qu'un édit de pacifica-
tion avait été, le 19, accordé par le roi. En toute dili-
gence, le Conseil de ville se réunit afin de décider qu'il
sera demandé au roi que cet édit ne soit pas exécuté à
Troyes. Requête, dans ce but, est rédigée au nom de
l'évêque, M. de Beauffremont, du clergé, des gens de
justice, du maire, des échevins, du conseil, du corps et
communauté, cité et faubourgs de Troyes. Il est exposé
dans celte requête que « tous les habitants sont prêts à
exposer leurs biens et leur vie pour le roi, ayant parcy-
devant rejetés tous moyens propres à rompre leur an-
cienne et fraternelle union en congnoissans l'incroyable
ruyne que l'opinion contraire à noslre religion anticque,
saincte, catholicque et romaine, a apportée en ladicte
ville, et craignant, par ce, de tomber en une totale des-
truction. » Enfin, il est demandé au roi qu'il no soit
point établi de prêche aux environs, à moins de quatre
ou cinq lieues. Le Conseil fait exécuter avec précipita-
tion les ordonnances antérieures rendues contre les ré-
formés. Il ordonne de s'assurer de ce qui est dû par ceux
<le la nouvelle opinion, sur les tailles du roi et sur celle
de la compagnie des trois cents hommes de pied, afin
de faire procéder, sans délai, par voie de prise de corps
(1) Celte chaïubre et cette porte ont été démolies en 1862. —
Nicole Pithou. — A. 14. — Cou étalon. Topog,, t. i^r, p. H3,
rapporte ce fait en ces termes : a II y av«iit alors plusieurs calvinistes
dans les prisons. Les soldats, emportés par le fanatisme, forcèrent
les prisons et massacrèrent^ à peu près à la même heure (celle de
renvaliissement de la maison de M. de Mesgrign\ ). quatre ou cinq
d** ces malheureux, sans qu'on ait pu en savoir le sujet. »
552 HISTOIRB DE TROYES. 151(3
elde saisie, à la vente de leurs biens. Il nomme ensuite
trois conseillers, pour estimer le dommage occasionné
« par les voleries et saccagements > exercés en ville, le
jour de VÂnnonciation.
Denis Clérey, sieur de Vaubercey, et Laurent Chante-
reau sont députés près du roi. Sur la requête présentée,
le roi ne Fit aucun droit (1). Aussitôt après la mort du
duc de Guise, il est question de mettre bas les armes,
et, comme il arrive souvent au XVI« siècle, la princesse
de Condé, Léonor de Roye, et la reine, Catherine de
Médicis, sont les premières personnes qui confèrent de
cette paix désirée par les deux partis. Le prince de Condé
se met on rapport avec les ministres calvinistes, réunis,
à Orléans, au nombre de soixante. Tous sont d'avis de
demander le rétablissement de Tédit de janvier. Le roi,
étant à Âmboise, ne remet pas en vigueur Tédit de jan-
vier, mais en donne un nouveau le 19 mars. — Per-
mission est donnée :ux gentilshommes, seigneurs, dans
leurs terres, de professer librement et publiquement la
religion réformée, et aux gentilshommes qui ont € quel-
que sorte de seigneurie, » môme permission pour leur
maison et pour leur famille, pourvu qu'ils ne demeurent
pas dans des villages et dans dos villes dépendant d'une
plus haute juridiction, exceptant celle du roi. — Dans
les bailliages d'où l'on appelle directement aux cours
souveraines (celui de Troyes est dans ce cas), une ville
sera assignée pour exercer publiquement la religion. —
Toute assemblée de réformés, dans d'autres villes ou
bourgs, est interdite. — Les prolestants sont autorisés
à s'assembler dans les villes, 011, avant le 7 mars, ils
pouvaient se réunir pour cause de religion. — Tout le
passé est oublié et mis au néant. — Le prince de Condé
est déclaré fidèle au roi, et il est reconnu que tous ceux
ri) A. 14.
1,WÎ CHAPITRE XVin. Ot>.i
qui ont suivi son parti, à cause Ho la religion, ont agi
avec bonne intention et pour le service du roi (i).
Par une déclaration du même jour, le roi, désignant
les villes où la religion réformée pouvait être exercée,
indique les faubourgs de Troyes pour Texercice de la
nouvelle religion et la tenue des assemblées des ré-
formés.
Après la publication de Tédit du 19 mars, les réfor-
més expatriés s'efforcent de rentrer en ville. Le premier
qui revient à Troyes est Nicolas Muffart, porteur deTédit
protecteur. Lorsqu'il se présente à la porte du Beffroi,
il est arrêté, fouillé et reçoit la mort de la main d'un
orfèvre nommé Simonnet-Petit. Deux autres réformés,
disposés à rentrer en ville, instruits du meurtre de leur
co-relîgionnaire, s'arrêtent à la Rivière-de-Corps, croyant
éviter le sort de Mugart. Mais, pas plus heureux que lui,
pendant leur sommeil, ils sont tués dans une grange
par le pâtissier Margoulé, l'un des envahisseurs des pri-
sons, le jour où passa à Troyes le corps du duc de Guise,
parle peigncur de laines et par Claude Jaunart. Déjà on
avait mis à mort plusieurs huguenots prisonniers.
Le 20 avril, le Conseil de ville rédige une nouvelle
requête au roi. A la prière, dit-il, de 40,000 habitants de
la ville, sans y comprendre 10,000 habitants des fau-
bourgs (2', il demande au roi de ne pas permettre, à
Troyes, Texécution du nouvel édit de pacification. Trois
nouveaux députés sont élus pour se rendre à la cour, y
présenter ces remontrances au roi, à la reine et au conseil
privé. Les premiers envoyés en cour n'étant pas de re-
tour, il est sursis au départ de ceux-ci. L'échec, supporté
par les uns, fit que les autres ne quittèrent point la
ville où l'on attendait le duc d'Aumale, Claude de Guise,
(i) De Tiiou. Histoire de tnon temps, t. n, p. 51^.
01) Ces chiffres nons paraissent exagérés.
554 HISTOIRE DE TROYES. 1563
oncle du duc de Guise tué devant Orléans. Le duc d'Au-
male n'arrivant pas, Timpatience prit le dessus, et, en
mai, les trois derniers délégués se rendirent près du roi.
Ils n'obtinrent rien de lui. Ils furent renvoyés au duc.
Si le Conseil de ville envoie ses représentants près du
roi, le parti protestant emploie les mêmes moyens et
envoie, de son côté, le conseiller au bailliage, Antoine
Huyart, sorti récemment de prison, afin d'obtenir am-
pliation de l'édit du 19 mars et de la déclaration royale
du même jour, ce qu'il obtint sans peine.
Le Conseil avait provoqué une de ces démarches qui
ne se font guère que dans les occasions de suprême dan-
ger. Pour motiver l'envoi des commissaires près du roi,
des notaires, <r députés du maire et des échevins, i se
transportent avec les maîtres de fer et les dizainiers de
tous les quartiers de la ville, dans chaque maison, y
prennent les noms et surnoms des chefs d'hôtels et de-
mandent à chacun d'eux < s'il entend et veut vivre selon
la vraye et ancienne religion catholique et romaine, et
s'il est d'avis que l'on présente requête au roi, à la reine
et à MM. de son privé conseil, tendante à ce qu'il leur
plut que, dans les faubourgs, il ne se fasse prêche ni
exercice do la nouvelle religion prétendue réformée (i). »•
L'édit du 19 mars, après leciucl les protestants atten-
dent avec tant d'inipatiencc et auquel les catholiques
réservent un si mauvais nccueil, parvint à l'échevinage
le 25 avril, par M. de Barhezioux. Après en avoir pris
connaissance, le (ionscil persiste dans sa résolution de
ne point le laisser exécuter avant l'arrivée du duc d'Au-
male; il appuie son relus près du lieutenant- général de
la province, sur l'approche des forces étrangères qui,
suivant lui, sont à dix ou douze lieues de la ville, et sur
(Ti B. H. 14^' r^irton, Uc liasse, cahier de \0t feuilles comprenant
les procès-verbaux des visites faites dans le cjuartier de Comporte.
9VCX les réponses de» habitants ; avril 1563.
les menaces, défit*, rcir:^ r: îr" . .:; -:!i> i • (:.->e5. «li-
venues depuis ia imh'^oaro:. *îe iVi:i ce ?de iVation I .
Les reîtres. en eff^'t. >*ap:»rs>c':-âieT:i: ie îa vî'ie Ac
Troyes, après leur renvoi qui ava.: su:\i de pr« îa pro-
mulgation du traité de paix, (juelqurs jo*jrsapr>è^. M. ^ie
Rarbezieux veut placer aux pc*rte5 de la viilo. Idissée<
libres, deux gentilshommes de >a CMmp>airiiie. Le Conseil
s*y oppose, en invoquant les anciens jmvilé^s de la
ville, confirmés par le rc»i et par ie dernier édit de paci-
fication. Les reitres s'appn>chent de la ville. Ils sont
signalés à quatre ou cinq lieues. Des protestants, aux-
r]uels rentrée de la ville a été refusée, se seraient etfor-
oés d'y pénétrer. A cette occasion, il y a prise d*armes,
€Bt par suite des blessés i . En mai. il n*y a que deux
f>ortes ouvertes, et le Conseil ordonne exclusivement
tout ce qui concerne la garde et la sûreté de la ville, qui
«^ toujours à sa solde la compagnie dos trois cents
tioinmes de pied, réduite à deux cents.
Les reîtres, auxquels se groupent des huguenots, cam-
pent à CefTonds, près de Monlier-en-Der, pillent cette
^ille et sa riche abbaye et voltigent par toute la Cham-
f lagne et jusqu'aux portes de Troyes. Ils quittaient
Orléans et étaient au nombre d'environ six mille.
Caracciole ayant quitté le siège épiscopal de Troyes.
l'économat en est confié à M. Claude de BeautVœmont
c]ui devint ainsi son successeur. (Claude de BeautVromont
^'tait fils de Claude, seigneur de Seey-sur-Saono, gou-
verneur de la Franche-Comté, et d'Anne de VitMiiie,
clame de Listenois et d'Arc-en-Barrois. Trésorier de la
collégiale de St-Martin de Tours, il fut abbé d'Acey et
de Balernes, puis deLongwy. Il aurait été sacré évéquc»,
flans la Cathédrale de Troyes, le 0 mai 1563, par les
<4) A. U.
(2) A. \L
556 HISTOIRE DB TROYES. 1563
évêqùes de Langres et de Poitiers. Son entrée solen-
nelle aurait eu lieu, suivant Tancienne coutume, le 21
du même mois (1), et, dès le 2i, le nouvel évêque aurait
ouvert un concile ou synode diocésain (2).
LMnstallation de M. de Beauffremont souleva quelques
difficultés entre lui et rarchidiacre et deux chanoines
assistants de la Cathédrale de Sens. L'archidiacre et les
deux chanoines de Sens devaient être avertis de l'entrée
de Tévéque, afm de procéder à son installation. Dans la
circonstance, Tarchidiacre avait droit à un marc d'or, et
les deux chanoines, chacun à un marc d'argent, plus les
frais de voyage et de séjour. N'ayant point été prévenus,
ces trois dignitaires poursuivirent M. de Beauffremont
aux requêtes du palais, et le 19 août 1564, celui-ci fut
condamné à payer la rémunération d'usage. Celte sen-
tence fui confirmée par la cour, le 27 février suivant (3).
Comme le dit Guillaume de Saulx : € La paix fut
agréée par tous, à divers desseins, » c'est-à-dire avec
divers sentiments. La reine ne se départit point de sa
résolution de tenir les deux partis dans la même balance.
Celui de Guise ou des catholiques ardents, atterré parla
mort de son chef, se releva en voyant donner l'ofTice de
grand-maîire de France et de gouverneur de Champagne
au fils aîné de ce duc, âgé de treize ans, nommé Henri,
et qui devint troisième duc de Guise par suite de la mort
prématurée do son père (4).
La reine-mère exécuta un projet qu'elle n'avait pu
réaliser deux ans auparavant, alors que François de Guise
ambitionnait le gouvernement de Champagne. Anne de
Bourbon, fille du duc de Montpensier, fut rappelée
(1) A. 14.
(2) SÉMILLIAKD. — COURTALON. TopOfJ.^ t. 10'*, \). 424.
(3) Vallet de ViRiviLLE. Arch. hist. de VAube, p. 97.
(i) Guillaume de Saulx. Mémoires^ p. 297, édition du Panthéon
littéraire.
1563 CHAPITHË XYIU. 557
d'Espagne, afin de la marier à François de Glèves, comte
d'Eu, et rassurer, par ce mariage, du gouvernement de
Champagne, après le duc de Nevers, son père. Ce rap-
pel d'Anne de Bourbon et son mariage avec François II
de Clèves, avaient pour but d'empêcher que « ceux (les
Guise) à qui le feu roi François II avait tiré des poings
ce gouvernement, par grand artifice, afm de le donner
au duc d'Orléans, son fils, en raison de son importance,
ne trouvassent moyen d'y rentrer (1). » Mais la reine
comptait sans le décès des deux ducs de Nevers, arrivé
à peu de temps l'un de l'autre (2).
Le jeune duc de Guise, né le 31 décembre 1550, n'é-
tait point en état de s'occuper des affaires de son gou*
vernement. Il fut placé sous la tutelle de son oncle,
Claude de Lorraine, duc d'Aumale, gouverneur de Bour-
gogne, qui eut la qualité de lieutenant au gouvernement
de Champagne et qui reçut bien souvent le titre de gou-
verneur de cette province.
Le duc d'Aumale se rendit à Troyes, vers le 12 juin
1563, porteur des instructions de la reine-mère qui lui
avait renvoyé les délégués du Conseil de ville deman-
dant l'inexécution de l'édit de pacification. Aussitôt sou
arrivée, le duc obtint du Conseil le licenciement de la
compagnie des deux cents hommes de pied. Il interdit de
sonner les cloches à l'ouverture comme à la fermeture
des portes de la ville. Il fit ordonner la réparation des
ponts, démolis à cause de la présence des reitres qui ont
disparu de la contrée Enfin, sur ses ordres, les armes
furent emmagasinées à l'hôtet-de-ville, et, par mesure
de police, les jeux de quille sont interdits dans l'intérieur
de la ville.
{i) Pierre de La Place, président de la cour des monnaies.
Commentaires de Vestat de la religion et respuhlique $ou$ Henry 11^
François II et Charles IX, Edition du Panthéon littéraire^ p. 154.
(V) François de Glèves était marquis d*l8lc (Aumont).
558 HISTOIRE DE TUOYES. t5«
Le séjour du duc dura plusieurs semaines. Ue Troyes,
il observe ce qui se passe en Bourgogne et en Cham-
pagne. Il est informé que d^Andelot a renvoyé de son
château de Tanlay tous les gens d'église, même les Cor-
deliers. Ce fait étant, suivant lui, contraire à Tédit, il en-
voie, le 28 juin, au comte de Tavannes, son lieutenant
en Bourgogne, Tordre d^informer sur ce fait et aussi sur
la nature des travaux que d'Ândelot fait exécuter au châ-
teau de Tanlay. Trois jours après, il fit savoir au même
lieutenant que les deux frères, Goligny et d'Andelot, se
sont mis en campagne. Us se sont joints à quelques
cavaliers et se réunissent à Valéry, dans la maison du
prince de Condé. Il y a lieu de veiller sur eux (1).
Le maire conserve sa garde particulière, et quelle
qu'ait été la volonté du duc d'Âumale, Tédit de paix n*est
pas exécuté à Troyes. On cite encore de nouveaux
meurtres commis pour cause de religion. Les réformés
sont en partie rentres en ville. Le 26 juin, le maire et
les échevins ordonnent aux dizainiers et aux sous-
di^ainiers de faire remplacer au guet ceux qu'ils trouve-
ront suspects (2). Le M juillet, une députation se rend
en cour pour obtenir qu'il n'y ait aucun prêche dans les
(i) Blq. natïe, coUection Delamarrc, 9484, f» 68 et 70. — Sur les
dépenses faites à Toccasion du séjonr du duc d'Aumale à Troyes.
Voir Ârch. raun. A. A. 44c carton, l^c liasse. — Dans les comptes
on trouve ce détail : la ville envoya au duc d'Aumalc^ alors à
Joigny :
Vingt plies 12 1. j» s. » d.
Deux cent-cinquante huîtres « escalées. » 3 2 6
Quatre cents molles ( moules) 2 » ^
Trois douzaines d'huîtres en Tescalle. . . 3 i2 »
Total 201.14 8. 6 d.
Ce prix fut réduit à 16 1. 14 s. 6 d. Damiens Gayart chasse*
marée à Troyes, avait apporté cette marée.
(i) B. B. Carton 14e, iro liasse.
156S CHAPITRE XYUl. 559
faubourgs. De leur côté, les pi-otesiants poursuivent
Texécution de Tédit de paix (1).
Les Guise continuent leurs actives menées pour acca-
parer le roi et couvrir de son autorité Texécution de leurs
volontés. Ils demandent Tintervention des armées étran-
gères. Ils comptent sur la protection du pape, sur celle
de la plupart des princes catholiques, sur Tintervention
directe du roi d'Espagne, Philippe II. Beaucoup d'argent,
provenant des villes de Paris, de Reims et de Troyes, a,
dit-on, été envoyé au cardinal de Lorraine pour ména-
ger une levée de six mille allemands. Dans un semblable
but, des intelligences se pratiquent avec les Suisses.
Tout se prépare pour la guerre. Les Guise essaient en
vain de faire croire que leurs adversaires sont ceux qui
en ont con^m le projet (2). Que de guerres sont ame-
nées par des souverains ambitieux, qui veulent faire
croire qu'ils ne se soumettent qu'à la nécessité!...
L'éloignement entre les catholiques et les protestants
continue. Le Conseil de ville s'oppose à la réintégration,
dans leurs fonctions municipales, de ceux qu'il en a éloi-
gnés pendant les troubles. Jean Mauroy, contrôleur en
l'élection, destitué de ses fonctions de conseiller de ville
pendant les troubles de 1562, obtient, en septembre 1563,
l'autorisation de les reprendre. Le maire, les échevins et
le Conseil s'opposent à Texécution des lettres du roi.
Le lieutenant-général au bailliage intervient. Nouveau
refus des officiers de la cité. Mauroy en appelle au duc
d'Aumale, qui charge M. de Barbezieux de le réintégrer
dans sa charge. Alors l'échevinage y consent, mais à la
condition que la réinstallation de Mauroy se fera par le
lieutenant du gouverneur, dans une assemblée consu-
laire, où Mauroy fera profession de sa foi et prêtera ser-
(1) A. 14.
(2) Blq. natie, mnsc. de Béthune, vol. 8675, t^ 67, d'après
M. H. DE Bouille. HisU de$ Ducê de Guise,
560 HiSTOlKE UË TROYES. i;^
ment de ne communiquer avec aucun de ceux qui pro-
fessent ia nouvelle religion; que M. de Barbezieux lui
fera les remontrances qu'il mérite; que Mauroy vivra
catholiquement.
Ces diverses instances durèrent plus de trois mois
(d'octobre à janvier]. Enfln, le 14 de ce dernier mois,
M. de Barbezieux réinstalla Mauroy dans ces fonctions,
en faisant seulement le serment ordinaire de ne rien ré-
véler des délibérations. 11 en fut de même des collègues
de Mauroy, éloignés avec lui du Conseil. Seulement, ceux
qui les avaient remplacés demeurèrent au Conseil jus-
qu'à leur extinction (1).
Dans le cours de novembre 1563, il est mis en vente
une partie des biens du clergé pour satisfaire aux besoins
de l'Etat. 11 est question de l'aliénation du château de
St-Lyé. Sur la prière de Nicole le Tartier, grand-vicaire
de M. de Beauffremont, le Conseil de ville demande que
ce château ne soit pas vendu et soit conservé dans le
domaine de Tévéché; on pourrait craindre, s'il était
aliéné, qu'il ne tombât entre les mains des ennemis du
roi (2). C'était faire une gracieuseté, au nouvel évéque.
La vente des biens du clergé de Champagne se monta,
en 1563, à 442,067 livres. L'évêché de Troyes fut com-
pris dans cette vente pour 146,478 livres (3).
(1) A. 44, et B. B. 14« carton, i^ liasse.
(2) A. 14.
(3) En voici le détail :
BMLUAGE DE VERMAMDOIS
(Evéchés de Laon, Reims et Qiâlons. )
Laon 59,7981. 2 s. lOd. t.
Reims 143,145 12 10
Châlons 34,255 3 7
QAILLIAGE DE VITRY
(Archevêché de Reims et évéché de Chilons.)
Vitry 67,4941. 5 8. 4d.t.
BAILUAGE8 DB
1568 GUAPiTRË XViU. 561
Peu après cette aliénation, le 3 mars 1564, le roi,
par lettres données à Fontainebleau, autorise le rachat
de ces biens, au moins pour le diocèse de Troyes. Ce
rachat aurait eu lieu moyennant les sommes suivantes :
lo 78,225 liv. tourn. pour le principal; 2o 11,247 liv.,
pour satisfaire les acquéreurs de leurs loyaux frais;
3o 3,150 liv à payer au syndic général du clergé de
France; 4o et enfin, à la charge de payer 3 den. tourn.
par livre, en faveur du receveur du diocèse. Ce rachat
ne s'opéra que lentement, car il n'était pas achevé en
1567 (1).
Les relations de la mairie et de la ville avec M. de
Barbezieux sont toujours bonnes. Aussi la ville lui paie-
t-elle, en 1563, le loyer de son hôtel, qui s'élève à
120 livres tournois.
Le duc de Lunebourg, le 19 novembre 1563, était à
Ramerupt, se dirigeant, avec dix-huit hommes, vers
Orléans. Au camp d*Amiens, en 1559, il avait eu que-
relle avec le duc de Guise. Assailli dans la chambre de
son hôtellerie, sur le consentement de Bussy-d*Amboise,
gouverneur de Ghâlons, on tua six des hommes de sa
troupe, et lui fut i^ravement blessé de treize coups de
pistole. On le porta à Châlons, où il mourut. Malfontaine,
BAILUAGES DE TR0TE8, SENS, 8ÉZANNE ET BAR-SUR-SBINE
(Evéclié de Troyes.)
Troyes 118,0031.15 8. 2d.t.
Sézanne 11,886 7 1
Sens 12,793 » »
Bar-sur-Seine 3,795 » »
BAILUAGE DE CHAUMONT
(Evécbé de Langres.)
Ghaumont.... 15,6081.14 8. 4d. t.
Somme totale 442,067 14 3 d. ob. t.
Arch. dép. 6. 228.
<1) Arch. dép. G. 228.
iiL 36
562 HISTOIRE DE TROYES. 1568
exécuteur de Bussy, apostat de la religion, fit porter en
triomphe, devant lui, 48 manteaux, 18 paires de bottes,
36 pistoles, et conduire 18 chevaux. (Histoire des Choses
mémorables advenues en France depuis 1547 jmquen
1597.)
CHAPITRE XIX
De «Tanvior 1SG3 (v. st.) èi .Tuillot IfSTO
SOMMAIRE :
Bar-sur-Seinc surpris par les réfonoés. — La peste à Troyes; les
hôpitaux condamnés à soulager les pestiférés, dont une partie
est placée au prieuré de St-Jean-en-Chûtcl, et Tautre à la Maison
des Champs. — Bureau de la Santé ; son organisation. — Ouver-
ture de inies traversières. — Construction, à rhôtel-de-ville, de
galeries pour abriter les justiciables de réchevinage. — De la
banlieue de Troyes ; Montgueux demande à en faire partie. —
Impôt sur le linge. — Ferme de la foraine ; celle de la maille
remplacée par une crue sur le sel. — Le commerce insiste pour
obtenir la liberté des transactions. — L'évéque et les bénéfi-
ciaires soumis à la taxe au profit des pauvres. — Le Conseil
veut racheter le droit de minage. — Création du tribunal con-
sulaire ; Christophe Angenoust, premier juge élu ; Jean Mauroy
et Jean Gombaut, premiers consuls; son règlement; Téchevi-
nage conservateur de cette juridiction. — Extinction de la Cour
des foires. — Voyage de Charles IX à Troyes ; détails ; entrée
du roi ; présents de la ville ; querelles religieuses, audiences
accordées aux réformés ; convocation de la noblesse de Cham-
pagne à Troyes ; traité avec la reine Elisabeth d'Angleterre. —
Licence de la cour, fêtes données au roi ; départ de la cour pour
Chàlons. — Le culte réformé rétabli à Céant-en-Othe. — Assem-
blée de la St-Barnabé; modifications aux anciennes coutumes*
élection ; annulation ; continuation des anciens maire et éche-
vins. — Denis Legras arrêté à. Trêves. — Interdiction de la
vente des vins étrangers dans les tavernes. — Chapeaux à la
Huguenote ; chausses ùl grosses bosses. — De la garde de la
564 HISTOIUE DE TROVES.
ville et de la province ; de la maréchaussée ; de la police des
marchés ; de la circulation monétaire. — Plainte contre les im-
pôts. — Projets de modification dans l'administration des jus-
tices seigneuriales et de rétablissement d'un parlement en
Champagne. La ville donne deux rossignols au duc d'Aumale.
— Projet de réunion de Tadministration des hôpitaux. — A.cbats
de seigneuries par Antoine Menisson, écuyer du prince de
Condé; inquiétude que donnent ces acquisitions à l'autorité. —
Réunions des protestants à Tanlay. — Impôt sur le papier;
émotion à ce sujet, suppression. — Conseils demandés par le
roi aux Troyens, sur l'acquit de ce qu'il doit à l'infante de
Portugal, sur la fabiique et la vente du pastel. — Emotion
populaire; pillage des maisons des réformés; N. Pithou se rend
près du roi ; concessions faites aux protestants. — Ce qui se
passe à Tanlay. — Modifications apportées à l'Aumône générale.
— Du ressort des Présidiaux ; mauvaises récoltes ; provisions
envoyées à l'armée royale. -- Question de préséance entre les
anciens maires. — Règlement intérieur du Conseil. — Assem-
blée de la St-Bamabé : élection du maire, des échevins et autres
offlciers. — Réunions des réformés à St-Pouange; elles sont
défendues. — N. Pithou et Robert Lebé, adjoints aux membres
du Consistoire. — Décri des monnaies ; pilleries. — Présents à
M. de Barbezieux. — Emprunt royal. - Mesures-étalons, en
pierre, placées sur le marché au blé. — Création des commis-
saires de police ou jugea politiques. — Mouvements réfor-
mistes. — Recherches contre les usuriers. — Schisme à l'égard
du culte de la Vierge, en Champagne. — Prêches et conventi-
cules. — Première assemblée générale du clergé de France;
députés du diocèse ; remontrances. — Reprises des hostilités.
— Réunions à Valéry, près Sens, et à Châtillon-sur-Loire. —
Organisation de postes à pied. — Projets des réformés, mesures
prises par les chefs catholiques. — Correspondance à ce sujet.
— Nouvel emprunt royal ; il est fourni en vaisselle et en bijoui.
— Traité pour procurer de l'argent au roi. — Pillage de la
maison Pithou. — Compagnie d'Aspremont ; fabrique de poudre
à canon. — La famille de Guise à Troyes; mesures de sûreté.
— ViM*îs au pouvoir des protestants. — Mouvement des armées
sur la Seine, vers la Lorraine, St-Florentin, etc.; pillage de
Nogent-sur-Seine ; rançon de la ville de Pont et de Villenauxe;
marche sur Sézanne et vers l'Allemagne — Autre mouvement
vers la Bourgogne ; pillage de Mussy, de Cravant, etc. — L'armée
royale est ramenée à Troyes ; conseils de guerre — Résolutions
et mesures prises contre les huguenots. — L'armée royale se
dirige vers la Lorraine, puis revient sur Troyes. — Reîtres et
huguenots sur la rivière de l'Ardusson. — L'armée royale mar-
che vers Paris. — Réduction de la compagnie d'Aspremont. —
CHAPITRE XIX. 565
Rentrée à Troyes des munitions de guerre conduites à Méry. —
Démolition des buttes des arbalétriers. — Paix de Longjumeau .
— Cautionnement donné par les Troyens à Charles IX, en faveur
du duc Jean Casimir. — Elections de 1568. — Retour à Troyes
des protestants ; prise d'armes, émotion en ville ; pillages,
meurtres ; processions de la Fête-Dieu. — Confrérie du Saint-
Esprit. — Premier serment de la Ligue. — Moulin à poudre à
canon — Bruits publics sur les affaires du temps. — Rencontre
de Raguier d'Esternay et du capitaine Foicy. ~ L'amiral attaqué
par la garnison de Chesley. — Officiers royaux protestants rem-
placés. ~ Mouvements des armées des deux partis. — Premier
siège de Noyers, marche sur cette ville par Saint-Mards et par
Tanlay ; meurtre de Sorel ; prise du château et de la ville de
Tanlay ; récit du siège de Noyers ; Barbezieux demande en récom-
pense les biens d'Antoine Mcnisson. — Opérations militaires du
capitaine Foicy ; prise de Traînel, ville et château. — Mesures de
sûreté prises en ville. — Le prince de Gondé est tué à Jamac ;
Te Deum. ~ D'Aumale et de Nemours en Champagne. — Moni-
toire contre les réformés ; mesures de police. ~ Second siège
de Noyers ; le château et la ville repris par de Sansac; prison-
niers amenés à Troyes ; le plus grand nombre est tué dans les
rues. — Siège de Vézelay ; la ville n'est pas prise; elle sert de
retraite aux soldats huguenots, qui viennent piller jusqu'aux
portes de la ville. — Levée de deniers ; craintes et mécontente-
ment. — Police industrielle. — Les reîtres aux portes de Troyes.
— Villeneuve-l'Archevèque prise par les huguenots. — L'armée
royale s'approche de Troyes. - Mouvements des armées fran-
çaise et allemande. — Mansfred dit &lâchefer. — Coligny près
de Troves. — Paix de Saint-Germain. — Conduite tenue à
m
Troves envers les réformés.
Le chapitre précédent contient le récit de la lutte si
ardente entre les catholiques et les réformés, connue
sous le nom de première guerre religieuse, et qui se ter-
mina, un mois après le meurtre du duc de Guise, par le
traité de pacification du 19 mars 1563, ou paix d'Am-
boise. Il faut remonter un peu au delà, afm de reprendre
le récit des faits qui n'appartiennent pas à cet ordre
d*idées. Cependant, il y a lieu de dire encore les faits
suivants, avant d*arriver au 19 mars.
Le 26 janvier 1563, les huguenots surprennent Bar-
sur-Seine pour la seconde fois. Ils y tuèrent quelques
566 HISTOIRE DE TKOYES. is63
habitants el notamment Rasiet, fils du procureur du roi,
et des réfugiés troyens. Ils enlevèrent du butin qu'ils
conduisirent à Tanlay. A la suite de ce fait, de nouveaux
meurtres furent commis à Troyes, sur des réformés.
Plusieurs de ceux-ci quittèrent la ville (1).
La peste envahit la ville de Troyes, dans le cours de
l'été de 4562. Le 47 juin, le bailliage condamne les hô-
pitaux à fournir un tiers de leurs revenus pour subvenir
à Tentretien des pestiférés, et à fournir, chacun, une re-
ligieuse pour les panser. En septembre et octobre, la
peste sévit avec force. La maison de ville et celle des
champs ne peuvent suffire à recueillir les malades. La
seconde, dit-on, est trop éloignée, et Ton ne peut y par-
venir à cause des grandes eaux. Le Conseil décide la
construction d'une chaussée pour s'y rendre. Mais le
temps el la maladie pressent. Le Conseil jette les yeux
sur le prieuré de St-Jean-en-Châlel, c qui est en bel air
et voisin de la maison de ville où sont les pestiférés : »
les malades étant dans les anciennes maisons, couchent
à la pluie et au vent. Le vicaire ne veut point abandon-
ner son prieuré ; mais, sur l'ordre de M. de Barbezieux, la
ville en prend possession et y place ses malades de la peste.
Le Bureau de la sanlé s'organise en octobre 4562.
11 se compose de personnes laïques et ecclésiastiques.
Son siège est à la chapelle de la Passion, en l'église des
Cordeliers. Ce bureau a son receveur, son grelfier, ses
sergents ou bedeaux. Ses ressources particulières se
composent d'une taxe levée sur les hôpitaux, d'une autre
payée par le clergé et fixée à cent livres par mois, puis
du produit d'aumônes et de quôles.
Ce bureau de la sanlé est chargé de veiller aux soins
à donner aux pestiférés. Il dresse des règlements portant
des peines d'amende et de prison.
(i) Duuàlle. Mémoires^ t. i«r, p. 109.
1563 CHAPITRE XIX. 567
L'épidémie règne en 1562 et en 1563. C'est la peste
noire ou peste à bubons. Elle avait pénétré en France
par le midi. Elle sévit de nouveau en 1567.
La ville manque, alors plus qu'aujourd'hui, de rues
traversières. De 1560 à 1562, l'échevinage en fait ouvrir
deux : celle qui prit le nom de rue Neuve-des-Boucheries
et qui met en communication la rue Moyenne avec la
place de l'Hôtel-de-Ville et la rue des Cornes qui unit
les deux rues de la Tannerie. Ces deux rues sont ou-
vertes afln de porter secours plus facilement en cas d'in-
cendie, et aussi la rue des Cornes, afin de pouvoir met-
tre les remparts de ce quartier en communication plus
rapide.
Alors, à Troyes, si l'on ne rend plus la justice sous un
chêne, sur la place publique, les justiciables et les assis-
tants ne sont pas mieux abrités. Les juges seigneuriaux
siègent au coin d'une rue, sur un banc, dans une petite
tribune, séparés des plaideurs et de l'assistance par une
simple barrière. Ceux qui rendent la justice au nom du
roi, ne sont guère plus à l'abri de l'intempérie des sai-
sons. L'échevinage tient ses audiences à l'hôtel-de-ville.
Les juges se tiennent à couvert, mais les plaideurs n'ont
aucun abri. Cet état de choses change en 1561 ; l'éche-
vinage fait édifier une galerie, c afin de retirer les per-
> sonnes qui assistent à ses plaids ordinaires et les met-
» tre à couvert en temps de pluie » (l).
Si la banlieue de la ville a des charges, elle jouit aussi
de privilèges. Les villages qui en dépendent sont tenus à
des corvées appliquées à des travaux de fortification.
Mais en échange, les habitants ont le droit de venir, en
ville, abriter eux, leurs biens et leurs bestiaux, en cas de
guerre, et ils sont dispensés du logement des gens do
guerre. Le village de Montgueux, situé à huit kilomètres
(1) B. 154.
56S HISTOIRE DE TROYES. isaS
de Troyes et compris dans la région naturelle de la con-
trée d*Olhe, ne faisait point partie de la banlieue
troyenne. Ce n'est qu'en mai 1562, que ce village y fut
compris, les habitants s'étant engagés à venir travailler,
par corvée, au profit de la ville (1).
En 1561, il est question d'établir un impôt sur le
linge. Cet impôt fut-il levé? Nous ne le croyons pas.
Dans tous les cas, il Taurait été contre l'avis du Conseil
.et des principaux marchands de la ville.
Le commerce demande toujours la liberté des tran-
sactions. La ferme de la foraine existe et existera encore
longtemps. Lors de l'adjudication des produits de celte
ferme, en 1561, le Conseil de ville insiste de nouveau,
afin qu'elle ait lieu à la charge de tenir exonérées de
toutes charges les marchandises amenées en ville pour
la foire franche.
Depuis 1556, la ferme de la maille a disparu. Le pro-
duit de cet impôt sur le pain fait défaut. Il est remplacé
par un autre, créé par un édit du 16 février 1561. C'est
une crue de deux sous six deniers par minot de sel
vendu au grenier de Troyes, qui en tient lieu (2).
Le 1er septembre 1563, un arrêt du Conseil du roi
taxe Tévêque de Troyes et les bénéficiaires ecclésiasti-
ques de ia ville, d'une taxe du douzième de leur revenu,
au profit des pauvres secourus par TAumône générale.
Vers la fin de ce mois de septembre, le Conseil de
ville se met en rapport avec le Chapitre de St-Elienne,
afin de lui racheter le droit d'inslituer les mesureurs de
grain et éviter ainsi les malversations reprochées aux
mesureurs (3).
Sous l'influence d'un sage et vertueux ministre, du
chancelier de France, Michel de L'Hospital, le roi crée,
(1) A. 14.
(2) A. 14.
(3) A. 14.
1564 CHAPITRE XIX. 569
en décembre 1563, la juridiction consulaire dans plu-
sieurs villes de France, à Paris, à Orléans, à Troyes, à
Reims, à Bourges, à Châlons, etc. Le Parlement, d'abord
opposé à renregislrement de Tédit, y consentit au mois
de février suivant.
Cette nouvelle juridiction connaît, à bref délai, de tous
les procès entre marchands, pour raison de marchandise,
et juge en dernier ressort jusqu'à cinq cents livres. Appel
peut être interjeté au Parlement, lorsque Tobjet du pro-
cès dépasse cette somme, la sentence demeurant exécu-
toire, mais sous caution.
Le tribunal consulaire se compose, à Troyes, d'un juge
et de deux consuls, et sa juridiction ne paraît pas s'éten-
dre au delà du territoire de la ville.
Le 15 mai 1564, dans une assemblée présidée par le,
maire, cinquante bourgeois marchands, — nombre fixé
par redit de création, — procèdent à Télection d'un juge
marchand et de deux consuls marchands, avant droit
d'exercer ces fonctions pendant un an. Les élus sont :
Christophe Angenoust, en qualité de juge, et Jean Mau-
roy aîné et Jean Gombault, comme consuls. Ils prêtèrent
serment au Parlement. Ceux de l'année suivante furent :
Pierre Nevelel, juge, François Paillot et Jacques Dori-
gny, consuls (1).
Cette nouvelle institution fut installée en la rue
Moyenne, dans une maison qu'avait habité Jean Lorin,
tabellion en cour d'église, et où pendait, pour enseigne,
le Laz <r amours (Petit registre de la police, arch. mun.),
(1) Le serment est d'abord reçu par le Parlement. En i573, les
anciens reçoivent celui des nouveaux élus. En 1660, c*est le lieute-
nant-général qui a ce pouvoir. En 1743, il y a serment au Parlement.
Puis, par arrêt du 24 mai 1758, retour au serment devant les an-
ciens, ce qui se pratiqua jusqu'en 1789. (Inventaire des titres de la
juridiction consulaire. Blq. de Troyes ) Aujourd'hui, ce serment est
prêté devant le tribunal civil, par délégation spéciale de la cour
d*appel, renouvelée à chaque instalUtion des magistrats consulaires.
570 HISTOIRE DE TROYES. 1564
OU de la Samaritaine (Inventaire des titres de la juridic-
tion consulaire).
Le maire et les échevins de Troyes étaient considérés
comme les conservateurs de la juridiction consulaire. Us
assistaient aux assemblées qui avaient lieu deux fois par
an. La première se tenait le mardi des fériés de la Pente-
côte, le jour du St-Esprit, dit le journal de Dare, après
la célébration d'une messe en Téglise St-Jean, dans
laquelle se faisait Télection du juge et des consuls (1).
Le maire et un échevin, ou, le maire absent, deux éche-
vins, tenaient c le contrôle des suffrages des élisans afin
de colliger les voix. > A la seconde de ces assemblées,
étaient installés les juge et consuls (2). Elle se tenait le
premier mardi ou le premier vendredi de juillet, jours de
plaidoieries. Ce jour-là, comme à celui de Télection, le
juge et les consuls n'ouvraient pas leurs boutiques (3).
Cette nouvelle juridiction rencontra des entraves, aus-
sitôt après son installation, dans les prétentions du pré-
vôt, du bailliage et siège présidial. Le maire, les éche-
vins et le Conseil de ville prêtent aux juge et consuls,
aide, assistance et confort, et font d'activés démarches
près du Parlement pour assurer rautorilé de la nouvelle
institution et le libre exercice de ses droits.
L'institution qui eut le plus à souHVir do la création
nouvelle fut la Conservation des foires. Elle perdait la
plus grande partie de ses anciens droits, puisque les juge
et consuls connaissaient de toutes les causes touchant
au trafic des marchandises. Le Garde des foires voyait
donc sortir de ses allrihutions une partie importante des
faits de sa compétence. L'appui du corps de ville ne
manqua pas aux magistrats consulaires. En 1567, les
(1} Plus tard, il y eut un syndic.
(2) Arch. mun. Petit livre de la Police^ f« 7, recto.
(3) Dare. Journal manuscrit, en la possession de M. de Rarberey.
j'en dois la communication à M. le baron René de Saint-Mauris.
^569 CHAP1TI\E XIX. 571
inarcliands-notablos s'assemblent pour aviser s'il est
utile et profitable de racheter rofflce du Garde et Conser-
vateur des foires, et de lui rembourser le prix de son
office, afin de réunir celui-ci à la juridiction consu-
laire (i). Ce rachat n'a pas lieu à cette époque, car
M. Le M3rguenat est encore titulaire de cet office en 1579.
Mais alors il gémit sur la situation qui lui est faite. Tout
porte à croire que cet office tomba en désuétude ou fut
supprimé à la mort de M. Le Ma«*guenat.
Peu après la création des juge et consuls, les magis-
trats établis décident qu'il sera fait c un impôt de
3,000 livres sur les marchands de la communauté de la
ville, » afin d'acheter une maison destinée à la tenue
des audiences et s'y installer définitivement. L'acquisi-
tion projetée n'eut pas lieu alors. Une levée de deniers,
sur la même communauté des marchands, est, le 20 dé-
cembre 1579, autorisée, et le produit est aflecté à l'ac-
quisition proposée. En IGU, une imposition de 2,500 iiv.
frappe la même communauté, dans le but de payer ses
dettes et de réparer la maison affectée au service des
magistrats consulaires (2).
L'emplacement de cette maison fut cédé, en 1670,
à la ville, qui y construisit l'une des ailes du principal
corps de l'hôtel-de-ville, à la charge d'accorder à la jus-
tice consulaire un lieu convenable. Cette proposition du
maire et des échevins fut agréée, et, depuis cette époque,
c'est-à-dire depuis plus de deux siècles, le tribunal de
commerce siège dans les salles qu'il occupe aujourd'hui.
En 15G9, la communauté des marchands décide
qu'elle aura, près de la juridiction consulaire, un procu-
reur-syndic chargé de veiller à la conservation de l'édit
de création et de faire toutes les réquisitions nécessaires
(1) A. 15.
(2) BIq. de Troyes. Inv. déjà cité.
572 HISTOIRE DE TROYES. 1561
pour assurer le bon ordre. Cet officier fut, peu après,
chargé de la recette des amendes, — peu importantes il
est vrai, — prononcées, dans des cas fort rares, par les
juge et consuls. 11 fut en outre créé quatre offices d'huis-
siers-audienciers, pour le service de cette belle et utile
juridiction (1).
Le roi venait d'atteindre sa majorité, et, depuis quel-
que temps, sa mère avait projeté pour lui un grand
voyage à travers la France. Les motifs allégués par
Catherine étaient fort plausibles : reconnaître par ses
propres yeux Télat du royaume ; montrer le roi majeur
aux provinces; faire sentir partout la présence du gouver-
nement; raff^ermirTautorilé centrale ébranlée parTanar-
chie et par les tyrannies locales, fruits de la guerre ci-
vile. La cour quitta Fontainebleau le 13 mars 1564, se
dirigea sur Sens, où elle arriva le 15 et passa plusieurs
jours. De Sens, le roi et sa nombreuse suite se rendirent
au château de St-Lyé, et de ce château à Troyes, où le
roi fit son entrée le jeudi 23 mars.
Les corps constitués de la ville et les habitants allèrent
au-devant du roi au delà du faubourg St-Martin Ce pre-
mier cortège avait à sa tôte les quatre compagnies de la
milice troyenne, armée seulement d'épées et de dagues.
En approchant du roi, toute la troupe passa devant lui et
le salua, puis forma un bataillon carré, en attendant
l'arrivée des autres parties du cortège. Parmi celles-ci
se tenait un grand nombre a: de sauvages bien accoutrés. >
Leur capitaine, couvert d'une armure d'écaillés, était
monté sur « une licorne > entièrement bardée de feuilles
de lierre, avec une housse garnie de même. Les tambours
battaient et les sauvages marchaient en bon ordre, les
uns montés sur des ânes, les autres sur des boucs et sur
des chèvres. Ils étaient armés d'arcs, dn flèches et de
(I) Hlq de Troyes. Inv. déjà cité.
15<U CHAPITRE XIX. 573
massues. Ils avaient à leur tête une enseig^ne, et, en
avant de l'enseigne, deux sauvages portant un écusson
de taffetas bleu, bordé de lierre, sur lequel se lisait un
quatrain en l'honneur du roi et resplendissait un soleil
d'or.
Après les sauvages (déguisement fort à la mode à
cette époque) venait une troupe de satyres, dont le
capitaine, vêtu de velours orange, tenait à la main un
grand dard, et avait un lieutenant habillé de velours gris.
L'enseigne de cette bande repri sentait une Diane. Ces
satyres étaient armés d'arcs, de flèches, de massues et
de casse-têtes, d'où pendaient de petites boules garnies
de pointes.
Venait ensuite une compagnie, richement vêtue, ayant
un capitaine à sa tête et suivie d'un grand nombre de
bourgeois et de marchands portant la livrée du roi. Cette
compagnie avait un guidon aux trois couleurs, blanc,
bleu et incarnat, en usage dans la ville de Troyes.
Le maire, les échevins et les conseillers de ville, tous
à cheval, venaient ensuite. Le maire, vêtu d'une robe de
velours, mi-partie rouge, mi-partie bleue. Les échevins
et les conseillers portaient des robes de damas de soie,
aux mêmes couleurs.
A la rencontre du roi et de la cour, le bailli, Anne de
Vaudrey, présenta le corps de ville au duc d'Aumale,
lieutenant du jeune Henri de Guise, son neveu, gouver-
neur de Champagne, qui, à son tour, le présenta au roi.
Le maire, les échevins et les conseillers descendirent de
cheval, se mirent à genou et conservèrent cette humi-
liante position pendant que le lieutenant-général au bail-
liage haranguait le roi et que le roi lui répondait. Après
celte réponse, le corps de ville remonta à cheval et (it
diligence pour se disposer à recevoir le roi à la porte du
Beffroi.
Mais avant d'entrer en ville, le roi et sa suite s*ar-
574 HISTOIRE DE TROYES. 15M
Fêtèrent, suivant la coutume, au couvent de St-Ântoine,
où il y eut collation et où le roi monta un cheval frais
pour faire son entrée en ville.
En dehors de la ville et près de la porte du Beffroi, se
tenaient les Cordeliers et les Jacobins. A cette porte, le
maire, accompagné des échevins, présenta au roi les clefs
de la ville et lui fit une harangue à laquelle le roi répon-
dit. Cette porte était décorée d'un groupe représentant
Charlemagne, Miner\'e et la Victoire ; et, pour que Ton
ne puisse se tromper sur Tintention, des vers disaient
que les vertus du jeune roi n'étaient pas moindres que
celles du grand empereur. L'histoire, on le sait, ne rati-
fia jamais cette flatterie.
Le cortège royal se remit en marche. Les sauvages,
les satyres, les bourgeois et marchands, le corps de
ville, les sergents et les bedeaux de la ville, avec leurs
robes mi- partie rouge et bleue et armoriées aux armes
de la cité; les sergents royaux, vêtus aux couleurs du
roi, et portant sur la poitrine et sur le dos les deux co-
lonnes entrelacées avec la devise du roi : Pietate et
Jitstitiâ; les notaires royaux, les procureurs, les avocats
et conseillers au bailliage, le procureur et Tavocat du
roi, tous en robes noires; le prévôt des maréchaux et ses
archers, le prévôt de la ville et son lieutenant, le lieu-
tenant-général et le lieutenant-particulier au bailliage,
accompagnés de René de Malain, seigneur de Missery,
lieutenant au gouvernement do Champagne, en résidence
à Troyes.
Puis venaient les seigneurs voyageant avec le roi, le
seigneur Strozzi, accompagné d'un grand nombre de
gentilshommes; — les trompettes, — les chevaliers de
Tordre du roi, — le colonel des Suisses, avec tambours
et fifres, à la tête de la garde du roi ; — Imbert de la
Platière, maréchal ; — de Bourdillon, Arthur de Cossé,
seigneur de Gonnor, grand panetier de France ; Phih-
1564 CHAPITRE XIX. 575
bert de Marcilly, seigneur de Sipierre, gouverneur du roi
d'Andelot et autres grands seigneurs ; Léonor de Chabot»
comte de Charny, seigneur de Boissy, grand écuyer de
France, « sur un brave cheval, bardé de velours bleu et
noir, semé de fleurs de lis d'or; ^ le grand écuyer,
vêtu de velours à ces deux couleurs semées de fleurs de
lis d*or, chaussait des éperons dorés et avait plume
blanche à son chapeau. Il portait en écharpe magnifique-
ment brodée, Tépée royale, dont le fourreau était cou-
vert de fleurs de lis d'or. Puis venait le roi, ayant une
belle plume blanche à son chapeau, monté sur un cheval
couvert d'un drap d'argent et bleu, et placé sous un dais
porté par quatre bourgeois vêtus de robes noires. Ce dais
était de velours bleu, frangé blanc et rouge avec de
petites crépines d'or, le fond semé de fleurs de lis et
portant les armes de France, la devise Pietate et Justitiâ,
les deux colonnes symboliques entrelacées et des K
couronnés.
Après le roi, venaient : le duc d'Orléans, son frère,
vêtu entièrement de drap d'or; le duc d'Anjou; François,
duc d'Alençon, ses deux autres frères ; Antoine de Bour-
bon, roi de Navarre; le connétable Anne de Montmo-
rency; les ducs d'Aumale et de Guise, Henri de Navarre,
d'Andelot, le duc de Montpensier, le prince de la Roche-
sur- Yon, le duc d'Uzès, le duc de Nevers et un grand
nombre de chevaliers, seigneurs et gentilshommes, com-
posant la suite du roi. La marche était fermée par des
troupes françaises et écossaises à cheval, armées de
courtes piques et de zagayes (1).
De la porte du Beffroi, le cortège royal passa par la
Pue des Trois-Têtes. En face de l'hôtellerie de ce nom,
était représentée, sur un échafaud, la France environnée
(1) GoDEFROY. Cérémonial français, Sébastien Gramoisy, 16i9.
T. I«r, p. 894. — DuHALLE. Mémotres^ t. i«^ p. 394.
576 HlSTOlilE DE TKOYES. 1564
de trophées militaires, avec une inscription rappelant les
victoires remportées par les Français. Sur la place du
Marché-au-Blé, en face de l'hôtellerie du Laboureur^
étaient élevées deux colonnes en plâtre, Tune dorée,
l'autre argentée, surmontées des statues de la Justice et
de la Piété, avec la devise royale : Pietate et Justitid,
Au bas de cette place, aux Quatre-Vents, était un arc de
triomphe où étaient représentés Minerve, Pallas et St-
Louis. Devant l'hôtel-de-ville, s*élevait un autre arc de
triomphe, surmonté d'une pyramide, c symbole de la
constante fidélité des habitants de Troyes envers le sou-
verain. j> Sur cette place, la fille du maire, montée sur
un char, présenta au roi un anneau et un cœur d'or, et
lui adressa le quatrain suivant, qui, comme dit Grosley,
a le mérite de la naïveté :
En un anneau tout rond et d*or b»en éprouvé.
Je vous offre le cœur de la cité troyenne :
Quelquefois le voyant, Sire, qu'il vous souvienne
Que son cœur est tout rond et tel sera trouvé (1).
Les rues parcourues par le cortège royal étaient en-
core ornées d'autres décorations. Le roi descendit à
l'évéché.
La reine-mère et les dames qui l'accompagnaient
entrèrent sans doute en ville après le roi, comme il était
habituel à cette époque et comme il avait été fait lors
de l'entrée, à Troyes, de Henri 11, en 1549.
Le surlendemain de son arrivée, le samedi, veille du
dimanche des Rameaux, le roi toucha, dans la Cathé-
drale, les écrouelles de deux cents malades. Les scro-
fuleux, à Troyes, ne faisaient pas défaut à cette époque.
On rappelle la cérémonie, mais on ne signale pas de
guérison. Le jeudi saint, il fit la cène à l'évéché et lava
les pieds à treize jeunes enfants pauvres, qu'il servit à
(1) Grosley. Notice sur Passerat.
t55i CHAPITRE XIX. 577
table. La reine-inère lava aussi les pieds de treize jeunes
filles pauvres.
Le poi, sa mère et leur nombreuse suite, séjournèrent
à Troyes pendant vingt-quatre jours. Il y eut tète presque
chaque jour. La ville otfrit un grand festin au roi, à sa
mère et aux grands seigneurs de leur suite, dans la
grande salle du palais royal, le mardi de Pâques. Six
musiciens jouèrent de leurs instruments pendant le
repas, il y eut des courses de bagues, auxquelles assis-
tèrent le roi et sa cour; des assauts d'armes, dans le
jardin placé derrière le palais royal. Une terrasse avait
été édifiée dans ce but; le 3 avril, elle lut attaquée et
défendue avec ardeur. Des pages et des laquais se mêlè-
rent à cette lutte qui dégénéra en rixe; des pierres furent
lancées et il y eut des blessés. Un jeu de barres fut éta-
bli au palais royal. Le jeune Henri de Bourbon (plus
tard Henri IV) y fut blessé (i). On fit de grandes pro-
menades sur l'eau, dans le canal des Trévois, depuis
Croncels jusqu'à Pélal et peut être au delà. On démolit,
à cet eflet, le pont des Champs et on décora de nom-
breux bateaux pour cette promenade royale.
L'ordonnateur de ces fêtes et le principal décorateur
était Dominique Florentino ou le Florentin, peintre et
sculpteur. Avec lui travaillaient le plus grand nombre
des artistes de la ville. François Gentil, François et
Nicolas Pothier, Augustin Cotelle, Nicolas Passot, Lau-
rent Gallois, Pierre Thays, Nicolas Charonnat, Nicolas
Cordouannier, Edme Huot et Genest Collet. Dominique,
Gentil et Passot exécutèrent les nombreux tableaux allé-
goriques décorant les rues parcourues par le royal cor-
tège. Les brodeurs déployèrent toute leur habileté pour
broder notamment un St-Louis et la France victorieuse.
Les nombreuses devises, vers et inscriptions répandus
(1) N. PiTUOU. Mémoire num%têerit,
III. S7
578 HISTOmE DE TllOYES. 1554
dans toutes les décorations artistiques sont l'œuvre de
Passerai, alors premier régent, à Paris, du collège de
Beauvais (1). Il est aussi Tauleur du quatrain dit au roi
par Mlle Pinette, ainsi que d'un chant d'allégresse sur
l'entrée du roi à Troyes (2).
La ville offrit à la reine un présent de linge fm; à
tous, les vins de la ville: la quantité réglée sur la
qualité du personnage. Le présent fait au roi fut un vase
d'argent, pesant trente-cinq marcs et dont rorfévrerie et
la ciselure furent confiées à Nicolas Boulanger, orfè\Te
à Troyes, à qui fut remis le modèle, sorti sans doute, des
mains de l'un des artistes de la ville. Ce vase était orné
de figures. Il avait c un parc », sans doute un socle,
assez grand pour y placer des personnages et des
plantes (3).
En passant à Sens, le roi n'avait pu entendre les
plaintes de Jacques Pcnon, son procureur dans cette
ville, où il venait de rentrer après une absence qui
remontait à la date des massacres. Le roi l'avait ajourné,
en l'invitant à se rendre à Troyes, afin que ses récrirai-
nations puissent être vérifiées. Penon se rendit donc à
Troyes et, le 28 mars, il produisit sa requête au roi, en
présence des gens de son conseil et d'une vingtaine de
personnes de la ville de Sens. Ceux-ci remirent au duc
d'Aumaleune requête au roi, tendant à faire interdire à
Penon sa rentrée à Sens. Celui-ci se plaignait de malver-
(1) A. A. 44c carton, 2* liasse. — Celte liasse, renfermant toutes
les pièces du compte des dépenses occasionnées par le passage du
roi, contient un grand nombre d'autographes des artistes «:i-dessus
nommés.
(2) Cette composition et quelques inscriptions en vers latins et
français, remplissent douze pages in-4« imprimées à Paris, chci
Brion, 1564. Voir aussi le P. Lelong, up 34.300.
(3) Marché entre le maire et les échevins, d'une part, et Nicolas
Boulanger d*autre part A. A. 44e carton, 2« liasse.
15C4 CHAPITRE XIX. 579
salions dans radministration des deniers de la ville, en
même temps que des mauvaises dispositions des catholi-
ques à regard des réformés (1).
Aussitôt que les réformés de Troyes surent que le roi
se disposait à venir en Champagne, ils dressèrent un
état des crimes, meurtres, spolialions et iniquités, dont
ils se considéraient les victimes. N. Pithou se rendit à
Sens afin dy voir le roi. Le prince de Condé, chef de la
réforme, le dissuada d'insister pour avoir audience de
Charles IX. Néanmoins, dans celte ville, Pithou demanda
à voir le roi; dans ce but, il se présenta à Tévêché avec
quelques réformés. Le maire et les échevins avaient
vu le roi et lui avaient fait pressentir la visite des réfor-
més. Aussi Taccueil fait à ces derniers fut-il défavo-
rable. Le duc d'Aumale, surtout, aurait fort mal mené
Pithou de Ciiamp-Goberl, considéré comme chef de
parti, à Troyes, prétendant que les réformés n'étant,
dans la ville, que de trente à quarante, le roi n'autori-
serait pas rétablissement d'un prêche dans les faubourgs
pour un si petit nombre.
Le sieur de Champ-Gobert fit observer au duc qu'ils
étaient au moins de quatre à cinq mille réformés quoi-
qu'ils eussent perdu beaucoup des leurs. Le duc l'inculpa
de mensonge et, avec dignité, Pithou soutint ce qu'il
avait avancé et offrit de justifier du nombre de ses co-
religionnaires par le rôle d'une taille levée sur eux
comprenant les noms de 450 chefs de maison, habitants
de la ville. La scène fut violente de la part du duc
d'Aumale. Le roi, cependant, donna audience aux délé-
gués des réformés en présence des oITiciers du bailliage
et de ceux de la ville. Noël Cocffart, lieutenant-général,
aurait donné des explications fort embarrassées et Philippe
(i) A. Guâlle. Le Calvinisme et la Ligue dans le département
de VYenne, t. l***, p ItO, diaprés B. Taveau.
580 HISTOlIiB DK TIVOYES. \mi
Belin, lieutenant particulier, aurait directement accusé
les réformés.
Le conseil royal aurait renvoyé toutes ces plaintes à
la reine-mère et notamment la demande relative au
changement de lieu pour la célébration du culte réformé,
et Morvilliers, alors maître des requêtes, aurait reçu la
mission de jug;er les questions touchant à la police et
aux affaires do la religion.
Le vendredi-saint, Pithou se présenta à la reine-mère
pour obtenir la désignation d'un lieu plus commode et
plus rapproché de la ville que Céant-en-Othe, pour la
célébration de la Pûque. Il n'obtint rien.
Si le clergé consentait à donner au roi des sommes
d'argent quelconques, sous une forme ou sous une autre,
il luttait avec la plus grande énergie, quand il s'agissait
de participer aux charges de la ville. La solde à payer
aux 300 hommes de pied entretenus par les habitants,
s'élevait pour les mois de mars à juin 1563, à 8,766 liv. t.
Les membres du clergé étaient, dans cette somme,
compris pour 3,265 liv. 16 s. 1 d. t. Ne voulant pas
payer, le maire et les échevins les poursuivirent. Profi-
tant de la présence du roi et de son conseil, le corps
échevinal assigna le clergé au conseil privé pour le
7 avril. La cause n'aurait pas clé appelée en raison d'un
projet de transaction arrêtée entre les délégués du clergé
et l'échcvinage. Mais ces pro[)Ositions d'arrangement
furent repousséos par quelques membres du corps ecclé-
siastique. Nouvelle citation fut donnée pour le 15. Mais
« par la délibililé de M. le Chancelier de Lho[)ital i» il
n'y eut pas de conseil. Le roi quitta la ville le lendemain.
Les parties le suivirent t\ Châlons, à Vitry, à Bar-le-
Duc et à Dijon, le roi n'ayant pas tenu conseil dans ces
différentes villes. Enfin les parties, de Dijon, sont ren-
voyées à Lyon, pour y plaider. Fatiguées, elles transi-
gèrent sur certains détails et le clergé paya la somme à
15«l CHAPITRE XIX. 581
laquelle il avait été imposé. Le tout fut approuvé par
une assemblée générale le 18 juillet 1564 (1).
Avant de quitter Fontainebleau, le roi avait envoyé à
ses otïiciers et à la noblesse de Champagne et de Brie,
mandement de se trouver à Troyes, pendant son séjour et
à jour fixe, afin d'entendre l'expression de sa volonté, tou-
chant la justice et Texécution des édils de pacification et
<le les exhorter à vivre en paix pendant'son voyage. Aux
nobles, le roi ordonna de garder la foi et la loyauté
qu'ils lui devaient, et, aux gens de justice, que, s'il sur-
venait quelques différends, ils s'adressassent à M. le duc
d'Aumale c garde du gouvernement de la province de
Champagne et de Brie pour M. de Guise, son neveu, •
ou à M. de Barbezieux, lieutenant de M. le duc d'Aumale,
auxquels il recommanda d'obéir comme à lui-même (S).
L'acte politique le plus important réalisé, à Treyes,
pendant le séjour du roi, serait le traité qui y aurait été
passé entre le roi de France et la reine d'Angleterre.
Le roi et la reine-mère ordonnèrent à Castelnau de
se rendre avec ses chevaux-légers sur le chemin de
Rouen, à la rencontre des deux ambassadeurs anglais
se rendant près du roi, qui ne voulait pas les voir. L'un
était Smith, ambassadeur ordinaire, et le second Trok-
morton, son prédécesseur. De Foix, ambassadeur fran-
çais à Londres, était étroitement observé et presque
prisonnier. Le roi voulait agir de même façon à l'égard
de Smith et refusait de recevoir Trokmorton qui s'était
efforcé de rompre le traité de Cambray et s'était rendu,
en France, sans sauf-conduit. Castelnau, ayant ren-
contré les deux envoyés d'Elisabeth, les prévint qu'il
avait mission de s'emparer d'eux, ne fût-ce que pour
les mettre en sûreté, il envoya d'abord Trokmorton sous
(i) Arch. clép G. 2Î1. Compte du syndicat de fêu M. le soui-
doyen de St^Etiennc^ M® Laurent Royer^ 1564-1565.
(2) Cl. Hatton. Mémoires, p. 376.
582 HISTOIRE DB TROYES. \yu
bonne garde au château de Saint-Germain et conduisit
Smith à Melun, puis à Meulan et à Paris.
Smith, ayant pris de nouveaux ordres de la reine
Elisabeth reçut avis de s*employer avec Trokmorton, au
traité de paix qui fut repoussé d'abord. C'était vers ce
moment que le roi se rendait à Truyes. Le roi se décida
à traiter par voie d'ambassadeurs avec les envoyés de
la reine d'Angleterre, Le détenu du château de Saint-
Germain fut amené à Troyes, par dix archers de la garde
du roi. Il fut défrayé le long de la roule et on voulut lui
faire croire que cette garde n'avait d'autre mission que
de l'accompagner. Le traité fut signé, le 11 avril, à
Troyes, el il y fut publié. Il y eut de grandes réjouis-
sances et des feux de joie.
Casteinau alla, en Angleterre, porter le traité i la
reine, la paix fut publiée le 23 avril (1).
Ce traité, signé à Troyes, amena la paix, entre les deux
nations rivales, à des conditions plus honorables, pour
la France, que celui de 1420.
L'histoire de France n'a pas d'époque où la licence et
le libertinag^o furent plus grands que le règne des Valois.
Portés par In nature vers les plaisirs sensuels, ils étaient
poussés, dans celle voie de jouissance charnelle et
d'épuisement, par leurs relations avec l'Italie, par les
courtisans et |)ar les femmes qui peuplaient leur cour.
Parmi les fêtes qui furent données au jeune Charles IX,
à son passage à Troyes, il en est une à laquelle on ne
pourrait croire, malgré le récit d'un auteur qui, quel-
quefois, peut être passionné, mais toujours véridique,
Nicole Pithou, et si un fait plus public et plus scandaleux
encore ne s'élail passé à Blois à l'entrée de ce jeune
roi. Au nîomenl où Charles IX, botté et prêt à monter
à cheval, on voulut l'égayer par un dernier spectacle,
(1) GàstelnaI'. Mémoires^ liv. v, ch. iv, vu et vni.
1564 GHAPITHE XIX. 583
qui fut le bouquet de toutes les fêtes qui lui avaient été
offertes. On le conduisit, dans un jardin voisin de Tévéché,
où des jeunes personnes, d*une grande beauté et entiè-
rement nues, exécutaient des danses ! Et dans ce
cortège d'un roi de treize ans se trouvaient sa mère
et deux cardinaux, celui de Bourbon et celui de Guise (1) !
Charles IX, sa mère et la cour quittèrent Troyes le
16 avril. Il allèrent coucher au village de Saint-Sépul-
cre, aujourd'hui Villacerf Le lendemain, ils gagnèrent
Arcis, puis Poivre, Dommartin, Ecury-sur-Coole et
Chalons ; six jours pour parcourir dix-huit lieues (2) ! De
là, le roi se rendit dans le Barrois. Il fut Tun des par-
rains du duc de Lorraine.
Pendant son séjour à Troyes, le roi accorda aux arba-
létriers les mêmes privilèges que ceux dont usaient ceux
de Paris, Lyon, etc. « Le papegault > devait être tiré
le dimanche de Quasimodo et celui qui Tabattait était
franc, pendant un an, de toutes tailles, aides et impôts
quelconques (3).
Après la paix d'Âmboise, les protestants de la contrée
auraient joui de quelque tranquillité. Le pasteur Jacques
Sorel revient d'abord à Troyes avec un autre jeune
ministre, nommé François Bourgoin. Us vont s'installer
à Géant-en-Othe, où ils célèbrent leur culte. Le 30 avril,
un consistoire est établi dans ce lieu et des diacres y
sont installés pour le service du culte. Afm de mettre
(1) On peut lire, dans les Mémoires de Gastelnau, liv. v, ch. vi :
« Adventure de la tour enchantée, entreprise par le roi et son frère,
k Fontainebleau. »
(2) CouRTALON. Topographie, t. i^"", p. HO et ii7. — On peut
consulter, si on le trouve, sur le passage de Charles IX à Troyes :
Les triomphes, grans hravetez et magnificences f aides pour Ventrée
de très hault prince Charles 9®, en la ville de Troyes, le jeudi
23 mars i564, av. Pasqiies, Lyon, Pierre Mérant, 1564, in-8o de
16 f. ( du catalogue Coste, 1854.) — Arch. mun. série K. 9. 126 f» et
A. A. carton 44«.
(3) H. no 1«r, p. 144 et suivantes.
584 HISTOIRE DE TROYES. 55^4
de Tordre dans la célébration de la cène, il est distribué
des mércaux ou jetons à ceux qui doivent y prendre
part. Ce méreau, en métal, porte une palme avec la
lettre initiale T, indiquant le bailliage de Troyes: Nicolas
Pithou avait la garde do ces méreaux.
A roccasion des élections des fériés de PAques, le
collège des bourgeois ne se présenta pas en raison de
difficultés, prenant leur source dans les querelles du
jour.
A rassemblée de la saint Barnabe de cette même
année 1564, le maire ancien remplit les fonctions de
président: fonctions qui ne sont plus soumises à l'élec-
tion. Le maire est assisté d'officiers royaux qui, autrefois,
ne se rendaient à TAssemblée qu'en leur qualité d'habi-
tants de la ville. Cette fois y sont présents René de
Malain, soigneur de Missery, lieutenant pour le roi à
Troyes, en l'absence do M. de Barbezieux, le lieutenant-
général et le lieutenant particulier au bailliage et enfin
le prévôt. C'est ainsi que se modifient les caractères
primitifs des institutions sous l'influence des troubles
même momentanés et aussi sous le développement
toujours croissant de rinllucnce do l'autorilé royale, qui,
dès cette époque, se fait scntii- dans l'administration de
la cité et ([iii, dans cette voie, va, dorénavant, faire de
rapides progrès.
En ellet, ot c'est |)our la première l'ois depuis l'institu-
tion do récbovinag(^ qu(î l'autorité royale s'immisce
d'une manière directe et absolue dans l'élection du
maire. Le maire et les éclievins avaient été élus le jour
de la saint Barnabe, <i selon les chartes confirmées par
les rois de France. ï> Le parti de l'opposition, c'est-à-
dire les adversaires du maire, Claude Pinette, avait
réussi au scrutin, malgré la présence et l'influence des
oftlciei's royaux. Le 1 i juillet, l'élection est cassée par le
roi. Le 7 se[)tembre, une nouvelle élection a lieu et la
tMU CHAPITRE XIX. 585
seconde confirme la première en portant Robert Angp-
noust, à la mairie, Claude Huez, Nicolas Lemaîlre,
Pierre Largentier et Nicolas à réchevinage, tous adver-
saires de l'administration précédcnlo, et nommés, ces
quatre derniers, en remplacement de Remy Laurent,
de Pierre Morillon, de Philippe Factet et de Jean de
Coussy.
L'ancien échevinage, — instrument des catholiques
ardents, — ne se tient pas pour vaincu et, malgré la
double élection qui s'est faite contre lui, les officiers
anciens no cèdent point la place aux nouveaux élus.
Claude Pinette remit au duc d'Aumale, avec le procès-
verbal de l'élection, un rôle indiquant les noms des élus
et « une humble demande au roi tendant à ordonner la
continuation dans leurs fonctions du maire et des quatre
échevins élus avec lui, sans que, par ce fait, il soit p(»rté
atteinte aux privilèges de la ville. ^
Le roi accueille cette demande avec faveur et l'ancien
maire et les quatre échevins continuent leurs fonctions,
malgré la double élection faite en faveur du parti opposé,
soutenu par l'opinion publique, fatiguée des violences
exercées par l'administration de Claude Pinette.
Pendant les troubles de 1563, un certain capitaine
allemand, Daniel de Schonnenbourg, avait été inquiété
à Troyes, en raison de l'état général des esprits. Mais,
bientôt, il recouvrit sa liberté. Denis Legras, membre du
conseil de ville, s'étant rendu, pour ses affaires, dans
rarchevéché de Trêves, eut le malheur de tomber entre
les mains de ce capitaine, qui, dans le cours de
juillet 156i, le fit son prisonnier. Legras n'obtint sa
liberté qu'en février suivant sur les pressantes démarches
faites près de l'archevêque de Trêves (1).
Le 28 août 15H4, le conseil de ville eut à donner son
;1) A. 15.
586 HISTOIRE DE TROYES. {5^4
avis sur l'application de Tédit de janvier précédent,
interdisant la vente, dans les tavernes et dans les caba-
rets, des vins étrangers au pays. Cette mesure était un
moyen d'éloigner les buveurs. Les taverniers étaient
bien approvisionnés de ces sortes de vins, car ils
demandèrent, en août, Tautorisation de les débiter, ce
qui leur fut accordé (1).
Cette mesure de police urbaine est un signe du temps.
En voici une autre qui ne Test pas moins. Alors, comme
de nos jours, les partis avaient choisi une forme spéciale
de chapeaux pour se distinguer. Ainsi les chanoines du
chapitre de St-Urbain défendent, le 24 avril 1564, à
leurs vicaires et aux prêtres habitués de leur église, de
porter des chapeaux à la mode des huguenots, ainsi
que les chausses à grosse bosse. Il s'agit ici de faire
disparaître un appendice du haut de chausses qui cons-
tituerait aujourd'hui une indécence bien caractérisée.
En juillet 1564, les bénéficiers du diocèse sont encore
taxés pour la solde de la compagnie chargée de la garde
de la ville (2). La garde du gouverneur et des lieute-
nants-généraux de Champagne est abolie. Cette garde
était à la charge de la province, y compris le bailliage
de Yermandois. Sa solde s'élevait, par an, à 1 1,280 liv, t.
et servait à payer un capitaine et cinquante hommes
d'armes (3). Malgré l'édit, le duc d'Aumalc voulut con-
(i) A. 15.
(2) Arch. dép. 2. (J. 2
Ç\) Suivant « un département » du 10 décembre 1503, cette somme
et les accessoires qui montaient à 14,0(X)liv. 10 s. t., étaient ainsi
répartis sur les habitants des villes, savoir :
Bailliage du Vermandois. . . 3,226 liv.
— de ïroyes 4,500
— de Vitry 37G
— de Chaumont .... 2i4 liv. 15 s.
— de Langres H3 15
— de Melun 3,043 6 s. 8 d.
F(aiiliage de
i56i CHAPITKE XIX. 587
server sa garde et demanda à la ville de la solder. Le
conseil s y refusa et ne voulut payer qu'après y avoir été
condamné (1).
En août 1564, deux généraux de la cour des mon-
naies, se rendent, à Troyes, pour informer sur des faits
relatifs à la circulation monétaire. Après avoir, comme
toujours, protesté de son humilité et de sa soumission
aux ordres du roi, le conseil de ville adresse ses
remontrances. Il informi*. les commissaires royaux que
depuis qu'en 1561 il a été défendu de forger des
douzains, il y avait grande pénurie de cette monnaie, au
coin du roi, ainsi que des autres monnaies royales.
Celles qui circulent sont les carolns de Besançon, de
Lorraine et de Genève et autres provenant des pays
limitrop.hes. Les habitants redoutent le décri des mon-
naies : mesure qui les appauvrirait, depuis deux ou trois
ans n'ayant reçu d'autres monnaies que des pièces
étrangères. Le conseil demande le maintien de la circu-
lation de ses monnaies, dizains de Besançon, de Genève
et vieux carolus de Lorraine; le titre étant supérieur à
beaucoup d'autres et le peuple refusant les autres mon-
naies de Lorraine et toutes celles qui sont nouvellemont
forgées. Enfin il repousse avec force le décri des mon-
naies étrangères avant que do nouveaux douzains et du
billon, au coin du roi, ne soient mis en circulation en
quantité suffisante. Peu après cette enquête monétaire,
le même conseil demande qu'il soit frappé, à Troyes,
desliardsau coin du roi c pour accomoder le peuple de
menue-monnaie (â).
HaiUiage de Sens 1 ,410 » »
- de Meaux i,066 13 4
A cette époque, le bailliage de Troyes renfermait vingt-quatre
villes closes.
(1) A. 15.
W A. 15.
588 HISTOIRE DE TROYES. i5*i5
Le 22 février 1565 (n. st.), le conseil de ville adresse
de nouvelles remontrances. Il se plaint des impôts qui
frappent les marchandises, et surtout d^un nouveau
subside établi sur les vins, subside de « trente patars »
sur chaque tonneau de vin entrant en ses < pays bas. >
Puis il demande la suppression d'autres impôts levés
sur les marchandises appartenant à des négociants
français et entrant ou sortant d'Anvers, contrairement
aux conditions fixées par divers traités de paix. Et,
conjointement avec Reims et d'autre villes de Cham-
pagne, celle de Troyes demande que des députés, choisis
dans ces villes, confèrent ensemble « de l'abolition de la
Foraine; i> ce droit d'entrée en France étant l'objet de
la plus vive répulsion de la part des commerçants.
 la suite des ordonnances d'Orléans et de Moulins,
renfermant des réformes importantes dans l'administra-
tion de la justice, il est bruit que les anciennes condi-
tions des justices seigneuriales seront modifiées. Il est
aussi question de la création d'une cour de parlement en
Champagne ; la ville de Troyes demande à en devenir le
siège, comme elle en avait le droit, ou tout au moins la
conservation du siège de l'un des deux présidiaux qui
doivent être mainlcnus dans la province (1).
En passant, il faut signaler le don de deux rossignols
que la ville lait au duc d'Aumale, en 1564 Ces deux
oiseaux avaient coûté cent sous tournois (2).
A la suite de l'arrél des Grands-Jours de 1535, l'admi-
nistration des hôpitaux, (l'hôtel Dieu le-Comte, St-Nicolas,
St-Esprit et St-Abrahaini, était confiée à des bourgeois
et, par ce moyen, s'était sécularisée. Cette administra-
tion collective donna bientôt la pensée de constituer un
seul et même établissement. Le conseil de ville, quoique
(1)A. 15.
Cl) B. 159.
1565 CHAiMTHË XlX. 589
(l'accord avec les gens du roi, ne put réaliser ce projet,
car la réunion ne s'en fit qu'en 1630 (1).
Les édits de paix sont exécutés que bien que mal.
Depuis les troubles, Antoine Menisson, écuyer du prince
de Condé, seigneur de St-Pouange et de Souleaux, où
il avait fait construire un château et à qui les catholiques
reprochent d'y avoir employé des pierres venant de
Tonnerre et destinées aux travaux de la cathédrale, a
acheté un grand nombre de seigneuries ou de parties
de seigneuries ou encore des droits seigneuriaux, ce
qu'il fait, sans doute, sans débourser beaucoup d'argeiU
et peut-être aussi avec l'aide des chefs du parti ou des
ressources du parti protestant. Ces acquisitions sont
d'autant plus faciles à réaliser que, vers cette époque,
une grande partie des droits royaux et seigneuriaux,
relevant des mairies royales, comprises dans la prévôté
de Troyes, est aliénée, et des biens ecclésiastiques ont
été mis en vente pour satisfaire aux taxes levées sur le
plergo. Menisson s'est rendu, dans l'intérêt de la reli-
gion réformée, acquéreur des seigneuries de la Motte-
Puiseaux, départie de celle de St-Aventin-sous-Verrières,
de partie de celle de Vendeuvre (le château et la ferme
des EpoissesJ ; les seigneuries de Preize, des Tauxelles,
<le la Vacherie, de la Moline, du petit St-Jacques, du
Labouras, du Pré l'Evoque, de la moitié de la seigneurie
de Lusigny, de Montiéramey, de Montreuil, du Mesnil-
St-Père, de Villy-en-Trodes, de Courteranges et autres
«^pendant de Lusigny. Ces acquisitions avaient été faites
dans le but d'y faire professer la religion réformée selon
redit du roi. Afin que la justice royale soit instruite de
sa volonté, Antoine Menisson fait signifier au procureur
du roi les noms de ses seigneuries et ses intentions
formelles d'y faire célébrer le nouveau culte.
(1)A. 15.
590 HISTOIRF: DK TROYES. 1565
Le conseil de ville, ayant toujours à sa tét€ Claude
Pinette, s'émeut de cette signification. Il députe quel-
ques-uns de ses membres à Antoine Ménisson, qui ne
tient aucun compte des observations qui lui sont faites.
Alors, au nom de la ville et par son procureur, le conseil
intervient dans le procès et s'efforce d'empêcher Antoine
Ménisson de faire pratiquer la nouvelle religion dans ses
seigneuries, dont le plus grand nombre sont situées aux
portes de la ville. Pondant ce débat, Ménisson fait tenir
un prêche à Souleau et y fait baptiser les enfants de ses
co-religionnaires : le conseil en instruit le duc d'Au-
male (1).
Do nouvelles ordonnances politiques sont publiées et
le conseil envoie son voyeur près du duc d'Aumale, dans
le but de l'informer des assemblées qui sont tenues à
Tanlay, sous la protection des Coligny.
Un édit de mars 1565 frappa le papier d'un impôt.
Les maîtres et ouvriers papetiers s'en émeuvent. Ils
portent leurs plaintes au conseil de ville. Us redoutent
pour l'avenir de leur industrie, alors très florissante à
Troyes; ils craignent sa ruine et que l'étranger n*en
profite. Le conseil s'émeut à son tour. Le 9 avril, il
envoie des commissaires près du roi, afin de lui exprimer
toutes ses craintes et lui exposer l'état de cette industrie.
Selon la déclaration des maîtres papetiers, cette fabri-
cation fait vivre plus de dix mille personnes, qui n'ont
pour ressources que leur travail quotidien. Les envoyés
de la ville ont mission de se réunir à ceux de Paris, de
Lyon, de Rouen, d'Orléans et d'autres villes de fabri-
cation.
Malgré les plaintes portées au roi, l'édit fiscal n'en
aurait pas moins été appliqué. Le 17 mai, au conseil, se
présentent un grand nombre de pauvres artisans, femmes
(1) A. 15 et B. B. 14 liasse Ire. — Original de signification.
I5II5 CHAPITKE XIX. 59i
et enfants c du métier de papier. > lU font savoir que
leurs maîtres les ont congédiés et que, ne travaillant
plus, ils n*ont plus de quoi vivre. Le conseil fait appeler
les maîtres. Se rendent près de lui, Jean Nivelle, Tainé,
Claude Denise, Simon Nivelle, Edmond Denise, Nicolas
Lebé, Jean Nivelle, le jeune, Thomas Joly, Claude Noël
et Claude Denise, le jeune. Ils déclarent que, ne pouvant
plus faire travailler leurs ouvriers, ils leur ont donné
congé. Ils exposent aussi que, pendant la foire qui se
tient, le plus grand nombre des marchands étrangers
n'ont pu faire leurs provisions de papier à cause du
nouveau subside et ont quitté la ville sans acheter. Les
maîtres papetiers ne peuvent entretenir leurs moulins et
les fermiers de ce nouvel impôt ont fait saisir tous les
papiers fabriqés. Sur la prière du conseil, les maîtres
consentent à reprendre leurs ouvriers et à les faire tra-
vailler pendant quelques jours, afin de faire cesser
Témolion du peuple. Il est décidé que les maîtres
papetiers accompagneront les conseillers de la ville qui
doivent se rendre près du roi (i).
Quelle que soit l'activité des démarches faites en
faveur de Tindustrie papetière, ce n'est qu'en 1566 que
le subside mis sur le papier est supprimé et aboli.
Ce résultat est dû aux efforts des députés de la ville
de Troyes réunis à ceux d'un solliciteur établi en perma-
nence par rinduslrie lyonnaise.
La ville de Troyes occupait une place fort élevée dans
la hiérarchie des principales villeô de France. Elle avait
(1) A. 15. — En 1552, les papetiers-jurés, qui relevaient de TUni-
versité, furent réduits à douze, savoir : quatre pour Paris^ quatre
pour Troyes et quatre pour Essonne. Ils étaient chargés de visiter
les papiers, «c de les apprécier et de les rebuter. » Avec Tautorisa-
tion de Henri II, la ville mit alors un impôt sur le papier. Mais rUnL
versité obtint la révocation de cet édit, portant préjudice à ses droits.
{Recueil des privilèges de V Université, d'après le manuscrit de
H. MUlard.)
5t^ HISTOIRE DR TROYES. tôiC
de nombreux et anciens titres qui la plaçaient parnit les
premières et les plus importantes villes de Iravaii, illn-
«lustrie et d activité commerciale. Capitale de l'anciea
comté de Champagne, ses habitants avaient, pendant
cette belle période de progrès et de liberté politique et
commerciale de la fin du XV^ siècle et de la première
moitié du XVI^. développé leurs relations dindustrie et
de commerce et s étaient largement initiés et adonnés
aux connaissances administratives. C*est à cette considé-
ration toute particulière que le conseil de ville était
quelquefois consulté sur des affaires relatives à Tadmi-
nistration de l'Etal. Ainsi, le roi demande, en juillet et
août 1505, » avis au conseil et à de bons habitants poor
donner expédiant afin de rédimer et acquitter Sa Majesté
envers l'Infante de Portugal. >
bans la même année, le roi consulte le même conseil
pour savoir s'il peut céder le privilège de la vente et de
la fabrique du pastel sans inconvénient pour le com-
merce et rindustrie. Le conseil répond au roi : c Cette
€ cession causerait le plus grave préjudice à vos sujets
c et le plus grand tort à vos finances. La liberté du
€ commerce est le meilleur moyen de le faire fleurir et
< augmenter. > El, citant un exemple, il continue sa
réponse en disant: « Le privilège, cédé à un seul, de la
• vente de l'alun a causé un grave préjudice, parce
< qu'en allant chercher celle matière en Roraanie, ainsi
< que le souffre, on y conduisait toutes sortes de mar-
< chandises et notamment des harengs blancs, des
< toiles, des canevas et d'autres marchandises. » Le
conseil termine ses observations c en suppliant très
humblement le roi de respecter et d'avoir égard aux
grandes charges, perles et dommages auxquels la
calamité du temps passé a réduit et précipité ses pauvres
sujets; de les maintenir en libre commerce et trafic de
marchandises ; lesquels, cessant, la fleur lui demeu-
1505 CHAPITRE XIX. 593
perdit inutile en son royaume et s'adonneraient les
artisans et corroyeurs du pastel à l'étranger et autre-
ment; telle invention lui apporterait perte de six deniers
pour un et à ses pauvres sujets le double (1). i^
Le 1er août, quelques huguenots se veng-èrent des
ourments dont ils étaient l'objet sur un nommé Claude
Linard, dit le Boudinier, l'un des trois cents hommes de
pied. Ce fait de vengeance occasionna une grande émo-
tion en ville. Le soir même, les soldats et le menu peu-
ple assaillirent les maisons des réformés, en rompirent
les portes et les vitres. La justice se transporta sur les
lieux du désordre, mais il n'y eut aucune répression.
Quelques réformés furent blessés. Un seul, nommé
Rambaut, fut tué le lendemain par des soldats catho-
liques (2). ^
N. Pithou se rendit à La Rochelle, pour y voir le roi
et lui demander la désignation d'un lieu plus rapproché
de Troyes que ne l'est Céant-en-Othe. Il ne peut voir le
roi. Admis près de la reine-mère, il n'en obtient rien.
A son retour, il se rend à Tanlay, pour y voir d'Andelot
et lui rendre compte de l'insuccès de son voyage (3).
Néanmoins, les réformés obtiennent de M. de Barbezieux
quelques concessions résultant de l'édit de pacifica-
tion (4).
Vers la fin de juillet, les trois frères de Châtillon se
tiennent à Tanlay avec des troupes. Celles-ci parcourent
les environs. Aussi, Pierre Belin se rend, sur les ordres
du duc d'Aumale, dans les environs de Bar-sur-Seine, de
Chaource et de Turgy, afin de s'informer et de découvrir
les courses des gens de guerre à la solde de la famille
(1) A. 15.
(2) DcHALLE. T. 1er, p. 111. — GouRTALON. Topographie^ t. i«r-
p. 118.
(3) N. Pithou. Ouvrage déjà cité.
(4) A. 15.
III. S8
594 HISTOIKE DE TROYBS. ues
(le Goligny, et placés à Tonnerre, à St-Vinneoier, à Si-
Martin-de-Molosme ot en d'autres lieux, sur la rivière de
TArmançon.
En octobre, dans une assemblée tenue à Tévêché, sous
la présidence de M. de Barbezieux, en présence de dépu-
tés du clergé, des gens du roi, du maire et du corps de
ville, de notables habitants et des proviseurs de TAumùne
générale, les règlements de cette institution sont renou-
velés et modifiés. — Il est décidé que les assistés, les
pauvres, demeureront sous la justice et la contrainte des
proviseurs de l'Aumône. — Ceux-ci peuvent employer
différents moyens de coercition par leurs bedeaux, jus-
qu'à Tusage du fouet, s'il en est besoin, contre les truands
et les bélitres trouvés en ville et rebelles au règlement
de police. — Tous les quinze jours, rej^herche sera faite
des artisans qui auront quitté leur métier pour travailler
aux œuvres publiques. — Des quêtes seront- faites en
faveur de TAumône générale — Les receveurs rendront
compte de leur gestion devant six commissaires, deux
du clergé, deux de la justice et deux du corps de ville.
— L'ouverture d'ateliers publics est décidée : il y sera
employé le sixième de la recette (1).
Il est question de remanier les circonscriptions des
sièges présidiaux. Les membres de celui de Troyes,
appuyés par les délégués du Conseil de ville, demandent
de faire comprendre dans son ressort les bailliages de
Langres, de Chaumont et de Vitry, le Barrois et les
comtés de Brionne et de Vertus, ressortissant alors i
d'autres bailliag:es; puis le bailliage de Sozanne, celui de
Mussy et les chùtelleiiies d'Kr\y, de St-Florenti'n, de
Dannemoinc et de Céant-en-Othe, qui, ci-devant, avaient
été distraits du bailliage comme du siège présidial de
Troyes. Cette requcMe n'est admise qu'en ce qui concerne
(i) M. 4. et A. 15.
156f> CHAPITRE XIX 505
Ie8 châtellenies d^Krvy, de St-Florentin, de Dannemoine
el de Géant (1). Quant aux autres bailliages, ils ne rele-
vèrent à aucune époque du présidial de Troyes.
La récolte de 1565 manque. Les grains sont rares et
fort chers. Le Conseil prend des mesures pour en appro->
visionner la ville, en y employant les deniers dont ii
dispose (2).
En décembre, il est demandé à la ville, pour les be-
soins de Tarniée royale, 200,000 pains et 3,000 paires
de souliers (3).
Jusqu^en mai 1566, il ne parait pas s'être élevé au-
cune difficulté, à Troyes, à Toccasion de la préséance.
Cette question aurait été soulevée, — on peut croire pour
la première fois, — entre les officiers de la ville. Il s'agit
de savoir quelle place occuperont les anciens maires
dans les cortèges. Il fut arrêté que le plus ancien des
anciens maires ou celui qui, présent, viendra en date
après lui, accompagnera et marchera avec le maire en
exercice, et ainsi pour les autres. Après les maires vien-
dront les échevins et les conseillers, par ordre et chacun
selon ses qualités, comme il est coutume dans ces sortes
de réunion (4).
Il semble qu'il y eut, à Troyes, quelques troubles, ou
qu*au moins la paix ne régnait pas sans partage dans
les esprits, car le Conseil de ville, réglementant la police
de ses séances, fait défense, < pour bonnes et justes
raisons, > à tous ceux qui assistent aux assemblées, de
ne point s'injurier, de ne point porter d'armes offensives,
à peine de 50 livres d'amende, au profit de la boîte des
pauvres, et d'interdiction d'assistance au Conseil pen-
dant trois mois. Et cependant, il y a évidemment un
(1) A. 15.
(2) A. 15.
(3) A. 15.
(4) A. 15.
596 HISTOIRE DR TROYES. 1&66
retour vers les idées de lolérance, puisque le Conseil
ayant obtenu Texclusion des cinq conseillers élus pen-
dant les troubles de 1562, Pierre Belin, Jean leTartier,
mercier, Jacques Aubry, Jean Gombault et Laurent Chan-
tereau, et ceux-ci s'étant pour\ us, le roi leur accorde des
lettres de réintégrande (1).
Le il juin 1566, jour de St-Barnabé, Claude Jaquot
remplaça, comme avocat de la ville, Nicolas Regnault,
qui semble avoir embrassé la réforme. Cet avocat, à l'ou-
verture de la séance, expose le but de la réunion,
c Prévoyant, < dit-il, » les comtes de Champagne de bonne
et heureuse mémoire, que la situation, fertilité et amples
commoditez de la ville et cité deXroyes, ne la pouvoient
suffisamment agrandir sans être policée et y établir
d^idoines et légitimes administrateurs publics, ont con-
cédé aux manans et habitans, eux assembler et convenir
en rhôtel et maison de ville, le jour de la St-Barnabé,
tant pour Télection d'un maire biennal que pour résoudre
d'autres ailaires publiques. » Puis, faisant Féloge du
maire sortant de charge, il s'exprime ainsi : c Que du
temps de M. le maire Pi nette qui a exercé si heureuse-
ment et dextrement sa charge, à Taide de Dieu qu'il a
toujours imploré en temps si tumultueux et si calamiteux
pendant quatre ans, temps pendant lequel il s'est pré-
senté toutes les calamités qu'un peuple peut ressentir,
après avoir provoqué la colère de Dieu, sans toutefois
que, par son induction, son labeur et ses diligences, la
peste, la guerre et la famine nous aient opprimé ou
offensé, et (jue, pour le remercier, on peut à bon droit
l'appeler un Abdias, intci*[)rète, serviteur de Dieu, et dire
que si Cicéron, pour avoir diverti la conjuration catili-
naire, a été appelé le père du pays, à meilleure raison
eejourd'hui le maire Pinette doit être reconnu et marqué
(i) .\ 5.
t56(i CHAPITRE XIX. 597
de ce titre excellent > L'orateur termine en demandant
^ qu'il soit procédé, consciencieusement, sincèrement,
de dextre et candide conscience, à Télection d'un maire,
au renouvellement de certains officiers et à différents
actes d'administration. » A la mairie, est élu M. Pierre
de Mauroy, écuyer, sieur de Vauchassis. L'assemblée
nomme ensuite les directeurs des hôpitaux, le receveur
de l'Aumône générale, le receveur et administrateur de
la maladrerie des Deux-Eaux, et enfin, elle procède à
l'adjudication de la ferme de la chaussée (1).
Antoine Menisson continue à réunir ses co-rcligion-
naires dans son château de St-Pouange et à y faire faire
des prédications. Le clergé troyen s'adresse au bailli
dans le but de faire cesser ces réunions. Le bailli, Anne
de Vaudrey, diffère l'exécution d'une sentence du bail-
Irage du 16 mars, portant défense au sieur do St-Pouange
d'exercer la religion réformée dans sa seigneurie. A la
fin de juin, une lettre du roi et une autre de la reine-
mère, du 27, ordonnent très expressément de faire
cesser l'exercice du culte réformé à St-Pouange et à
Lignières (2) : Menisson et le sieur de Lignières n'étant
point seigneurs châtelains (3).
Un jeune avocat, partisan de la réforme, François
Berton, se rend, en 1566, près du roi, alors à Moulins,
afin de faire changer le lieu de réunion des protestants
et permettre au pasteur de se rendre à Troyes, pour y
donner des soins et des consolations aux malades. Celte
démarche demeure sans succès. Ce dernier soin est dé-
légué à des hommes instruits, pieux et prudents, qui
reçoivent en môme temps la mission do donner l'ins-
truction à la jeunesse. N. Pithou et Robert Lebey, négo-
;l) A. 15.
(2) Canton de Chaource.
(3) B. B. 14e carton, S** liasse. Copies authentiques.
598 HISTOIRE DE TROYES. isee
ciant, sont adjoints, pour ces offices, aux membres du
consistoire (1).
En 1566, dans les premiers mois, le roi ordonne
« ie décri > de certaines monnaies. li est ordonné qu'elles
seront cisaillées et les morceaux remis à ceux qui les
apporteront.
Le 42 août, la ville présente des remontrances à
M. Dain, général des monnaies, alors h Troyes, pour
Texécution d'un édit royal sur la circulation des espèces
étrangères, venant de Lorraine, d'Allemagne, de Bour-
gogne et de Flandres. Ces monnaies sont tellement
abondantes qu'elles circulent presque exclusivement dans
toutes les campagnes. Le Conseil renouvelle ses plaintes
sur le défaut do monnaies au coin du roi, demande la
suspension de Teifet de Tédit, et à quelque temps de là,
il réclame Tautorisation do faire fabriquer à Thôtel des
Monnaies, « des douzains, des dizains et demi-dizains,
pour le soulagement du peuple (2). »
Les routes ne sont point sûres, les bouchers se plai*
gnent d'être pillés en allant, à la campagne, chercher le
bétail nécessaire à la nourriture des habitants. Ils deman-
dent à être autorisés à porter des armes (3),
Le Conseil demande que les dîmes soient levées en
argent, en raison des exactions et des pilleries commises
par ceux (jui les lèvent en nature.
Uans le cours de janvier, la ville et les faubourgs,
sous forme d'emprunt, sont taxés à 20,000 livres : somme
réduite, peu après, i\ 12,000 livres.
Le 2 février, l'archevêque de Sens, Nicolas de Pellevé,
vient à Troyes oi harangue le Chapitre de St-Pierre.
(1) N. PiTHOU. Ouvrage déjà cité.
(2) A. 15.
(3) A. 15. — Déjà les habitants de Montrcuil, venant vendre df's
porcs en ville, avaient formulé les mêmes plainte.s.
1566 GHAPITR£ XIX. 599
Il y a lieu de croire que les affaires du temps ne sont
point étrangères à ce voyage et à cette harangue (1).
On se plaint des mesures et des mesureurs. Le Conseil
décide que, sur la place du Marché-à-Blé, seront dispo-
sées des mesures en pierre, afln de servir d*étalon aux
autres (â).
Voici une de ces institutions qui, nées pendant les
troubles, survivent aux causes qui leur donnent nais-
sance. Un édit de 1566 ordonne Félection de commis-
saires de police, chargés de la sur\'eillance de chaque
quartier. La ville en dut avoir huit au moins, deux et
môme trois par quartier. Ces nouveaux agents du pou-
voir municipal, relèvent directement et absolument de
Téleclion de leurs concitoyens. Bien que le Conseil se
soit, en mai 1567, occupé de Tapplication de cet édit la
première élection des commissaires de police n'aurait
eu lieu qu'en 1572.
Ces commissaires de police, nommés pendant long-
temps € jyges politiques^ » constituent une nouvelle juri-
diction, dont les attributions sont prises sur celles du
maire et des échevins, et sur celles du prévôt, avec pou-
voir de condamner jusqu'à soixante sous d'amende.
Quoiqu'un règlement fût dressé par le Parlement, sur la
demande de Téchevinage, des conflits de juridiction s'é-
levèrent bientôt. Le prévôt surtout, voyait, par cette créa-
tion, perdre une partie des produits de son office. Après
1572, l'élection des juges politiques fut suspendue, pen-
dant plusieurs années. En 1586, le Conseil de ville dé-
cide que l'on demandera au roi le rétablissement des
juges ou commissaires politiques. L'élection de ces fonc-
(1) Sémillàrd. t. icr.
\2) Dans un grand nombre de Tilles du Midi, on voit encore beau-
coup de CCS étalons en pierre sur les places et dans les balles serrant
aux marchés.
600 HISTOIRE DE TROYBS. i56fi
tionnaires se fit peu après et, depuis lors, sans inter-
ruption pendant les XVIe et XVII* siècles
En 1566, quelques violences sont commises par les
protestants, dans les environs de Nogpent. M. de Besan-
court, qui habite La Saulsotte, après avoir frappé le curé
de ce village et d'autres ecclésiastiques, les met hors de
leurs maisons, s*empare de leurs revenus et de leurs
héritages. Raguier, seigneur d*Estemay, de la Motte-
Tilly, Courceroy, Soligny, etc., établit des écoles de la
religion rérormée dans les presbytères de ses seigneu-
ries. Sa mère, Charlotte de Dinteville, qui avait embrassé
la réforme, mourut en 1566 et fut enterrée près de son
mari, Louis Raguier, dans une chapelle par eux élevée
dans Féglise de la Motte-Tilly (I).
Dans le cours de Thiver 1566-67, le roi ordonna la
recherche des usuriers. Un nommé Michel Alexandre, de
Villenauxo, fui pourvu d'une de ces commissions pour
la Champagne. Il poursuivit un certain nombre d*indivi-
dus habitant les villes de Provins, de Yillenauxe, de
Meaux, de Reims, de Troyes, etc., et s'enrichit en ran-
çonnant ceux qu'il poursuivait (2)
Vers le nuMne lemps, s'éleva une sorte de schisme, à
l'égard du culte de la Vierge, en Champagne et en Brie,
et notamment dans les bailliages de Sens, de Melun, <lt^
Montereau, de Bray, de Nogent, «le Pont, de Troyes, de
Meaux, de Provins, etc. Il se répandit la croyance que,
pour honorer la Vierge, on devait s'abstenir de travailler
aux champs, le samedi, depuis l'heure de midi, et que ce
repos du samedi avait été formellement ordonné [)ar la
Vierge dans diverses révélations et apparitions. Une
jeune fille de Charly-sur-Marne prétendait avoir reçu ces
confidences et donnait des signes miraculeux de sa mis-
{,\) Cl. Hatton. Mémoires, i>. 40t>.
(2^ Cl. Hatton. Mémoires, p. 411.
1.S«: CHAPITRK XIX. 601
sion. Le cardinal de Lorraine, archevêque de Reims, fil
arrêter et interroger cette fille, qui, condamnée, fut brû-
lée vive, comme vaudoise et sorcière. — Au XIX' siècle,
on en est quitte pour quelques mois de prison. — Les
prêtres et les curés de la Brie tombèrent dans celte im-
piété ou la laissèrent propager. Claude Hallon, alors
vicaire aux Ormes, et le vicaire de Donncmarie, seuls,
refusèrent de croire à ces prétendues révélations, et en
détournèrent leurs ouailles (1).
Au printemps de 1567, t des prêches et des conven-
ticules » se tiennent à Troyes. On en signale notamment
chez un corroyeur nommé Vallon. Sa maison avait sa
principale entrée rue de la Grande-Tannerie et une
autre rue de Jargondis. Recherchés à cause de ces réu-
nions, il est constaté judiciairement qu'une quarantaine
de |»roteslants les fréquentent.
Le 25 septembre 1567, s'ouvrit, à Paris, la première
assemblée générale du clergé de France, assemblées qui
se continuèrent périodiquement jusqu'en 1789.
Le clergé du diocèse de Troyes prit place dans celte
assemblée. Le 7 août, par devant des notaires au bail-
liage, il faisait élection de six députés et d'un syndic.
Pour rédiger les cahiers de doléances à adresser au roi,
furent élus : Jacques Guillemet, doyen de Te^glise calhé-
drale; Pierre le Tartrier, doyen de Si Etienne; Nicole
Hennequin, doyen de St-Urbain; Nicole le Tartrier, oUi-
cial ; Edme Bizet, prévôt de Sl-Ktienne, et Jean Guille-
met, chanoine de la Cathédrale. Pour syndic, fut nommé
Guillaume de Taix, chanoine de St-Pierre, qui, à partir
de ce jour, prend place dans les affaires du clergé du
diocèse jusque vers la fin du XVU* siècle. A cette même
date sont dressés » les articles et remontrances du clergé
de Troyes, pour être présentés en rassemblée générale
ii ) Cl. Hatton. Méfnoires, p. 448.
60S HISTOIRE DE TROYES. 1567
de tout le clergé de France, qui se doit tenir à Paris, la
25 septembre. >
Ce cahier est signé de Nicole le Tartrier (1) et de
G. de Taix. Il renferme surtout des plaintes adressées
contre les seigneurs, même catholiques, qui pillent les
églises et les presbytères, frappent les prêtres, les mal-
traitent par eux-mêmes et par leurs valets, enlèvent leurs
biens, leurs provis'ons, s'emparent des bénéflces ecclé-
siastiques en prétextant que ces biens sont ceux de leurs
ancêtres, établissent des gens de guerre dans les habi-
tations des curés. Le clergé se plaint de la grande diffi-
culté qui existe pour lever les dîmes et de ce que les
bénéfices ecclésiastiques sont tenus par des personnes
laïques. Les juges royaux absorbent les privilèges de la
justice ecclésiastique, ne laissant pas même aux juges
d'église les causes qui leur appartiennent. Ce cahier, par
ses plaintes directes, particulières ou générales, ne mé-
rite qu'une attention limitée, car il ne s'occupe guère que
des intérêts purement temporels et alors actuels des
membres du clergé, sinon qu'il demande que les écoles
publiques ou particulières ne soient tenues que par des
personnes vues et reçues par les évêques ou leurs délé-
gués (2).
Les causes multiples qui amenèrent la reprise des
hostilités entre les deux partis, n'ont pas besoin d'être
recherchées ici. Tous deux sont mécontents. Les catho-
liques croient perdre du terrain ; les protestants préten-
(1) On trouve ce nom : ïe Tartrier et le Tartier.
(2) Arch. dé]). 2. G. 2. Ce cahier a été publié dans le Propagateur
de VAube du 20 mai 1844, avec tirage à part, in-8»^. Les archives
départementales de l'Aube j)ossèdent entre autres documents relatifs
à cette assemblée, des copies authentiques des cahiers des remon-
trances, i)Our les diocèses de Nevers et de Sens. Le cahier de Sens
est intitulé ; AHicles à remontrer en l^Assemblêe nationale indicte
à Paris au 2 i"}*^ jour de septembre i,56"7, jfour et au nom du clergé
du diocèse de Sens.
156T CHAPITRE XIX. 603
dent que la place qui leur est faite dans les affaires n'est
pas celle à laquelle ils ont droit. Le roi reproche à ceux*
ci de vouloir devenir les égaux des catholiques. A cet
état général des choses politiques et religieuses, se joint
le mécontentement des chefs des deux partis, au point
de vue do leur ambition personnelle.
Les chefs du parti protestant se sont^ déjà deux fois,
réunis à Valéry, chez le prince de Condé, et à Châtillon-
sur-Loire, chez Tamiral Coligny, sans pouvoir se mettre
d'accord sur la nécessité d'une nouvelle prise d'armes
contre Tautorité royale. Coligny, autant qu'il peut, arrête
la fougue do ses amis et partisans; mais, une fois l'at-
taque décidée, il propose et fait adopter le plan le plus
audacieux : insurger en masse les protestants, attaquer
et détruire les Suisses avant qu'ils soient renforcés des
troupes françaises, arrêter ou chasser de France le car-
dinal de Lorraine et s'emparer du roi, de ses frères et
de la reine-mère, et gouverner sous le nom de Charles IX.
A ces projets se bornent les pensées de Coligny. Le
prince de Condé ne vise alors à rien moins qu'à la
royauté.
Un service de « postes à pied, t> secrètement organisé,
transmet rapidement, d'un bout Je la France à l'autre,
les instructions des chefs rédigées « en chittres et en
écritures couvertes. » La noblesse protestante, sur le
qui-vive depuis plusieurs mois, doit être à cheval en
quelques jours. L'attaque est fixée à la St-Michel. Tandis
que divers détachements surprendront Toulouse, Lyon
Troyes et quelques autres places ; la noblesse des
provinces du nord se réunira à Rosoi-en-Brie, entre la
Seine et la Marne, et de là elle ira s'emparer du roi, la
cour devant s'établir au château de Monteeaux vers la
mi-septembre. Châtillon-sur-Loire est bientôt encombré
(le gens armés, et la Brie se couvre de cavalerie. La cour,
craignant une surprise, se réfugie à Meaux, le S5 sep-
604 HISTOIRE DE TROYES. \f»'
tembre, et les Suisses arrivent en même temps à Château-
Thierry. Le 29, après de longues discussions, le roi et la
cour rentrent à Paris qui, bientôt, est bloqué par Tar-
rnée protestante.
Le parti royal catholique prend ses mesures contre les
attaques dont il peut être Tobjet. Le 27 septembre,
Charles IX écrit de Meaux aux habitants de Troyes, à
Toccasion des nouveaux troubles, et leur recommande
ses intérêts. Le duc Henri de Guise, resté en tutelle sous
le duc d'Aumale, son oncle, et ses oncles les cardinaux
de Lorraine et de Guise, alors à Reims avec M. de Bar-
bezieux, se concertant sur les mesures à prendre pour la
sûreté de la province, écrivent aussi aux Troyens, à la
date du 29. Puis, M. de Barbezieux, étant à Châlons,
s^adresse aux gens du roi et aux habitants de Troyes,
pour leur recommander le service et la cause du roi. La
lettre du jeune duc de Guise et celle des cardinaux sont
remarquablement affectueuses et pressantes. Sur ces
lettres, reçues le 1er octobre, le Conseil prend toutes les
mesures usitées en pareille circonstance pour maintenir
la ville en sûreté. Il rétablit une garde de trois cents
hommes de pied, et, peu de jours après, cette force ar-
mée est placée sous le commandement du capitaine
d'Aprcmont, dont lo véritable nom est Jean Brehen. Il
était né à Monlley et résidait à Chessy, près d'Krvy Uno
^ardo spéciale est organisée, afin de prévenir la popula-
tion en cas d'incendie, et deux houimes veillent dans la
maison du maire, pendant la nuit.
Le 7 octobre, nouvelle lettre du duc de Guise adressée
aux maire ot échevias, engageant les troyens à persé-
vérer dans leur dévouement au roi.
Le 8, nouvelle lettre de Charles IX à l'évèque de
Troyes. Il veut que les ecclésiastiques se munissenl
d'armes spirituelles et temporelles pour défendre l'hon-
neur de Dieu contre les huguenots. Le lendemain 9, il
1507 rJIAPlTRE XIX. 605
est procédé à l'inventaire des meubles de ceux-ci par
les soins du bailli, qui avait sommé le clergé d'être
présent à cette exécution (1). Les huguenots ont donc
quitte la ville.
Le même jour, Charles IX, rentré à Paris, écrit à
Anne de Vaudrey, bailli. 11 remercie les troyens de leur
fidélité. Il annonce que les femmes et les enfants de
ceux de la religion réformée, qui se sont absentés, peu-
vent demeurer en ville. Tous ses efforts tendront à dis
siper ceux qui s'assemblent et favorisent la faction qui
s'est levée contre lui. Dans ce but, il se fera aider des
gens du plat pays et surtout de la noblesse. Si ceux de la
religion réformée, qui sont restés en ville, exécutent les
édits, ils peuvent ne pas s'absenter, « mais pour ne pas
« tomber en inconvénient, ne leur seront laissées aucunes
« armes ni moyens d'exécuter aucune mauvaise vo-
- lonté (2). -
Ce même jour le fils de Noël Coëffart, lieutenant-
4(énéral, est arrêté par des réformés (3).
Le duc de Guise et les cardinaux de Guise et de
Lorraine, alors A Chalons, écrivent aux maire, échevins
et habitants de Troyes, le 12, afin de presser un emprunt
à faire au profit du roi. Les deux cardinaux ne deman-
dent pas moins de 50,000 liv. t. et offrent leur garantie
personnelle. La réalisation de cet emprunt rencontre de
-sérieuses difficultés. Le 15, dans une assemblée com-
posée du maire, des échevins et des conseillers de ville,
du clergé et de cent notables habitants, l'emprunt est
refusé. Les motifs s'appuient sur le défaut de commerce,
la cherté des grains, les dépenses occasionnées par
Tentretien des fortifications qui s'élèvent par an, de 12
à 15,000 liv.; celles occasionnées par les gens de pied
(i) Breyer. Annales manusc. Bibl. de Troyes.
(i) A. 16.
(3; A. 16.
606 HISTOIRE DE TROYES. t5ft7
qui coûtent 2,500 liv. par mois ; dépenses qui pèsent
d'autant plus que les adhérents de la Faction et troubles,
€ se sont retirés et départis, après avoir enlevé et trans-
porté tous leurs biens meubles et avoir fait bourse de
longue main. > Mais, pour continuer et maintenir la
réputation des habitants et leur renommée de bons et
loyaux sujets, ils s'efforceront de trouver 25,000 liv.
tant en deniers, bagues d'or, que vaisselle d'argent, en
comprenant le clergé et les absents, » savoir: un tiers
pour le clergé, et deux tiers pour les habitants, présents
ou absents.
Guillaume de Meures est chargé de porter et de faire
connaître cette résolution aux cardinaux qui, le 21 octo-
bre, remercient les Iroycns de leur offre de 25,000 liv.;
le duc de Guise leur envoie aussi ses témoignages de
satifaction. Mais les deux cardinaux demandent que ce
prêt se fasse en en exceptant le clergé a parce
qu'ils ont à lui parler de plus grande chose dedans
peu de temps, d Dès le 29, M. de Barbezieux donne
quittance de onze mille livres versées à litre de prêt. (1).
Sans doute à l'occasion de cet emprunt le chapitre de
St-Pierre est taxé à 2,000 liv., et celui de St-Urbain,
ù 700. Ce dernier chapitre vend des joyaux de son église
jusqu'à concurrence de trente-huit marcs d'argent,
moyennant la somme de 672 liv. 17 sous et verse au
receveur du cardinal de Guise la somme de 600 liv.
5 s. (2).
Déjà dans le mois précédent, M. de Barbezieux avait
passé certains contrats de constitution de rente au profit
de M. do Beauffremont et d'autres ecclésiastiques. La
rente constituée était assise sur les droits du huitième
et du vingtième, levés dans le diocèse (3).
(i) A. 16.
(2) Almanach de Troyes, 1783, p. 25.
(3) Arch. mun.
1667 CHAPITRE XIX. 607
Les violences recommencent en ville. Le conseil
décide que le logis de Nicole Pithou sera occupé par les
soldats à qui la garde de la ville est confiée. Déjà Nicolas
Maillet, enseigne de cette compagnie, et plusieurs de
ses compagnons ont fait lever les serrures de la
maison de Christophe Ludot, absent, et, de son autorité.
Maillet a pris possession de la maison, sans faire inven-
taire.
N. Pithou a dû quitter la ville. Cet acte de prudence
était bien fondé, car sa maison fut la première livrée au
pillage des soldats d'Apremont. On espérait trouver chez
lui des papiers intéressants : le prince de Condé Tavait
nommé récemment Tun de ses gentilshommes ordinaires.
On ne découvrit, à une première visite, aucun papier
important, mais on se saisit du coin servant à frapper
les méreaux distribues à ceux qui suivaient la nouvelle
religion. D'autres maisons furent aussi désignées au
pillage. Dans une orgie qui eut lieu à La Verte (1), quel-
ques soldats de d'Apremont se donnèrent mission de
piller la maison de M. Nevelct, sieur de Dosches, élu en
Téleclion. Une nouvelle perquisition, dans la maison de
N. Pithou, amena la découverte de ses livres, rares et
précieux, ainsi que celle de ses manuscrits, fruits d'un
travail de plus de vingt ans et qui furent brûlés dans la
cour de François Mauroy Quelques-uns échappèrent à
Tauto-da-fé et passèrent, on ne sait comment, chez Anne
de Vaudrey, qui aurait profilé de quelques beaux meubles
de môme origine. De ce départ, date Texil de N. Pithou,
exil qui ne dura pas moins de dix-huit ans (2).
Le 3 novembre, le Conseil décide que la compagnie de
d'Apremont sera réduite à deux cents hommes, ce qui
n'eut lieu qu'en mars suivant. Cette compagnie a un ca-
(1) Hôtellerie située près de la Cathédrale et qui disparut vers
1830.
(2) N. Prraou.
608 HISTOIRE DE TIIOYBS. lâc;
pitaine aux gages de 55 livres par mois, un enseigne à
30 livres, « quatre caporalz » à chacun 17 livres 10 sous,
ilouze lampsades (1) à chacun 13 livres, quatre tabou-
rins à 6 livres chacun, et trois cents arquebusiers à
chacun 6 livres : le tout par mois. Sur ce nombre, huit
arquebusiers servent à la garde du bailli, et quatre hal-
lebardiers sont attachés au service du maire et aux
affaires de la ville \iK
La ville se fait délivrer douze milliers de salpêtre par
Uenis Clérey, c garde des bâtons et munitions de guerre
au gouvernement de Champagne et au magasin de
Troyes, > afin de faire fabriquer des poudres pour sa
défense. Le 15 novembre, le duc de Guise fait remettre
au maire et aux échevins, dix mille livres de poudre
« des trois sortes, * prises dans le magasin de Châ-
lons (3).
La ville est divisée en quatre quartiers et chaque quar-
tier en seize gardes et en seize dizaines. Chaque garde
comprend trente hommes de fer, et, chaque dizaine,
soixante et onze au plus. Les hommes de pourpoints
d'autrefois sont ceux qui, à cette époque, composent les
dizaines. Les capitaines, lieulenanls, enseignes, sergents,
maîtres de ter et sous-maitres de fer ne sont élus que
pour un temps limité (1).
Hans les premiers jours de novembre, arrivent à
Troyes, Antoinette de Bourbon, duchesse douairière de
Guise, le cardinal de Lorraine et celui de Guise, puis le
duc de Guise. Ils arrivent du nord de la Champagne,
sans doute de Ghalons, sauf le jeune duc qui venait de
Sens. Ils séjournent à Troyes environ quinze jours, et la
(1) Ou laucC'pessadCy de Titalien lancia spejz<ida : lance rompue.
C'étaient alors des aides-caporaux.
(2) A. 16.
(3) A. 16.
(4) Jean Dare. Jourt^al manuscrit déjà cité.
1567 CHAPITRE XIX. 609
ville leur fait présenter les vins d'honneur. La famille de
Guise avait tenu toute la Champagne, afin d'en réunir
toutes les forces et les joindre à celles de Bourgogne
que le duc d'Aumale avait rassemblées.
Les protestants ne peuvent, comme ils Tavaiont pro-
jeté, s'emparer de Lyon, de Troyes, de Toulouse et de
Metz. Mais ils prennent d'autres villes, telles qu'Orléans,
Dieppe, Auxerre, MAcon, La Charité, etc. Le 10 novem-
bre, a lieu le combat de St-Denis, dans lequel le conné-
table de Montmorency perdit la vip.
Le prince de Condé et les Coligny décampent de la
plaine de St-l)enis, le 14r novembre. Ils se dirigent vers
.Montereau et traversent la Champagne pour se rendre en
Lorraine. Une partie de ces troupes, commandées par le
prince de Condé et par Tamiral, assiège Pont-sur- Yonne
où s'était enfermé le duc de (luise. D'autres parties de
cette armée traversent, l'une, la Seine, à Montereau, et
l'Yonne, au gué de Port-Renard, et s'emparent de Bray et
de Nogent-sur-Seine, qui sont ravagées et rançonnées,
et une autre traverse la contrée d'Othe, entre Sens et
Troyes. Toute la vallée de la Seine, de Montereau à
Romilly, souffre du passage de ces troupes qui ravagent
l'abbaye de Scellières, près de cette dernière ville (1).
D'autres soldats huguenots, stationnés à Tanlay, s'abat-
tent sur Chaource et ses environs. Ils pillent plusieurs
églises, notamment celles de Metz-Robert, de Pont-Belin
et de Cussangy (2).
Le duc de Guise est contraint de sortir de Ponl-sur-
Yonno, d'où il se porte sur Sens avec sa compagnie.
Il fait venir de Troyes douze cents chevaux et une com-
pagnie de gens de pied, que le comte de Charny con-
duisit à Sens. L'amiral aurait été obligé de lever le
(1) Desguerrois. La Saincieté chrestienne^ f> 302 vo.
(2) CouRTALON. Topographie , t. v^s p. 1i8.
III. 39
RIO HISTOIUE DK THOYES. istil
siège. Le duc de Guise vint alors à Troyes, où se trou-
vaient les cardinaux de Lorraine el de Guise, et sa
grand*mère Antoinette de Bourbon (1).
L'armée royale, dont le chef apparent est le duc d'An-
jou, alors âgé de seize ans et demi, mais qui de fait est
sous les ordres du maréchal de Cossé-Brissac, est dirigée
sur Sl-Florentin où elle rencontre un corps d'ennemis
qui, pour l'arrêter, laisse dans cette ville deux cents
hommes d'armes et trois cents arquebusiers. Cette ville
est prise par l'armée royale. Celle-ci en fait sortir les
forces protestantes, qui se rendent à Auxerre et renfor-
cent ainsi la garnison de cette ville (2).
Le jour même où la ville de Bray se rend au seigneur
de Genlis, 28 novembre 1567, d'Andelot somme, avec
son avant-garde, les habitants de Nogent de se soumettre.
En s'emparant de cette ville, d'Andelot veut faciliter le
passage des troupes huguenotes. 11 n'y avait pour garder
la ville que les habitants et une compagnie d'italiens,
« gens assez mal en point. » Le capitaine de cette com-
pagnie avait pris, du consentement des habitants, le gou-
vernement de la ville. Ils refusent de rendre la ville à
d'Andelot. Celui-ci fait arriver, sous les murs de la ville,
l'armée placée sous ses ordres, avec l'artillerie qui avait
servi à prendre Bray. Il se loge au faubourg de la Cha-
pelle-de-la-ïrinité ci du Beschercau, vers le Petit-Sainl-
Laurent. Les habilanls paraissent vouloir résister contre
d'Andt^lot qui ne s'allend pas à prendre Nogent aussi
facilement que Genlis s'était rendu maître de Bray, à
moins que ce ne soit |)ar Tentremise du bailli Angenoust
el de quelques autnîs huguenots. Mais bientAt, v le ca^ur
«
(!) DiiHALLE. — GoL'RTALON. Topoijraphie, t. K»", p. 119.
(2) A. CuALi.E. Lr Cahnnisïnc et la Li(jnc dans le dcpartcment
(le rYinuie. — Brantôme. CÀié dans les additions aux Mémoires de
Castoinaii, t. ii, p. 4G2. — (4L. IIatton. Mémoires et pièces ju^tifi-
cativefi. p. \\(M\. — Castelnau. Mémoires, p. 217.
mi CHAPITRE XIX. 611
faillit aux Nogentins, et sans attendre le salut d'un
seul coup de canon, ils se rendirent, le jour de la St-
André. » Ils quittèrent leur ville par le faubourg de la
Belle-Dame, et se dirigèrent vers Provins, où ils arri-
vèrent à Touverture des portes. Il ne serait resté à Nogent
qu'une vingtaine d'hommes et autant de femmes (1)
L*armée de d'Andelot, entra dans Nogent le 3 décem-
bre. La ville fut pillée, les églises saccagées et brûlées,
et « Dieu sait la chère i> quW firent les huguenots. Les
dommages causés dans les églises s'élevèrent à plus de
20,000 livres.
Après la prise de Nogent, d'Andelot eiivoya une com-
pagnie à Pont-sur-Seine, afin d'y prendre garnison. Les
habitants la reçurent sans difficulté. Aussi la ville ne fut-
olle point pillée, mais elle paya rançon au prince de
Condé. De Nogent, d'Andelot se rendit devant Sens, où
étaient le prince et l'amiral qui en faisaient le siège. Il
laissa une compagnie à Nogent, afin de s'assurer dupas-
sage de la Seine.
En quittant Sens, le prince de Condé vint camper à
Ville-Cendrier, près de Provins. De là, il vint à Ville-
nauxe-la-Grande (2), où il entra sans difficulté, les portes
lui ayant été ouvertes. Il rançonna les habitanîs et brûla
les églises. Les habitations furent pillées, malgré les pro-
messes du sieur de Montgcnost et du sieur Patras, co.ï)-
mis par le prince pour composer avec les habitants. Il
séjourna deux jours à Villenauxe et se dirigea sur Sé-
zanne qui, à son tour, fut non seulement mise à rançon
de 14,000 livres (3), mais encore pillée en grande partie.
De Sézanne, il se rendit à Epernay, qui subit le même
sort, puis se dirigea vers l'Allemagne.
(i) Hatton. Métnoirea,
{'}) CheMieu de canton (Aube).
(3) Arch. dép. Compte du chantre de St-Urbain, aytidic du
clergé. 1572-1573.
612 HISTOIRE DE TROYES. isfii
La vallée de la Seine, depuis Montereau jusqu'à Méry,
fut parcourue par les deux armées. Ce pays nourrit les
gens de guerre pendant près d'un mois (1). L'armée
royale se tint d'abord aux portes de Nogent et de Pont.
De là, le due d'Anjou demanda à la ville de Tpoyes de
la poudre, des munitions de guerre, 4,000 paires de sou-
liers, 200,000 pains de 14 onces, des bœufs, des mou-
tons et d'autres vivres, ce qui fut envoyé (2).
Pendant le môme temps, une autre partie de l'armée
huguenote passait par la Bourgogne pour y vivre plus
facilement qu'en Champagne, c que nous avions mangée, >
dit Castelnau. Cette troupe força, prit et saccagea Mussy-
sur-Seine, Cravant-sur-Yonne et d'autres villes dont les
habitants furent ruinés (3),
Pendant que les armées courent la Champagne et que
la plus grande partie se dirige vers la Lorraine, il est
décidé que l'armée royale sera ramenée vers Troyes,
afin de se procurer des vivres et mettre cette ville à l'a-
bri d'un coup de main. En novembre et en décembre,
outre la garde de trois cents hommes, la ville renferme
trois « enseignes placées sous le commandement des
capitaines Foicy, Uizaucourl et Rennepont-St-Ouin. Le
I) décembre, il y en eut cinq : la quatrième, sous le capi-
taine Genetlc, et la cinquième sous le marquis de Ueynel.
Ces trou|)OS sont à la solde de la ville, sur laquelle est
levée, à cet ell'et, une somme de 8,800 livres. Le capi-
taine Riznucourt, ayant charge de deux cents hommes de
pied, touche 1,^200 livres par mois, ainsi que les capi-
taines Genette et Rennepont. Le capitaine Foicy reçoit
1,500 livres, étant à la lète de deux cents arquebusiers
à cheval et de quatre enseignes de gens de pied, ainsi
(l) Gl. Uatton. Mémoires, \k 475, 478, 493 et 505.
(2) DUHALLE. T. icr, p. 114.
(3) Castelnau. Mémoiresy p. 220.
1567 CHAPITIVE XIX. 613
que le marquis de Reynel, qui commande cent arquebu-
siers à cheval (1).
L'armée royale, séjournant à Troyes et autour de cette
ville, est passée en revue par le duc d'Anjou (2).
Le 1er décembre, il est tenu un premier conseil, en
rhôlel de M. de Barbezieux, où se trouvent le bailli, ses
lieutenants, le prévôt, le procureur du roi, le maire, les
échevins et les conseillers de ville avec un grand nombre
de notables habitants. Il est arrêté que pour payer la
solde des compagnies fixées à Troyes, et suivant les or-
dres du cardinal de Lorraine et du duc-gouverneur, les
meubles des huguenots absents seront vendus, leur ar-
gent sera pris, par emprunt, des femmes dont les maris
ont quitté Troyes et des huguenots présents. Dans le cas
où ils ne voudront pas s'exécuter, leurs meubles seront
vendus (3). Le lendemain, le Conseil arrête l'acquisition
de 1,200 hottes, de « 1-00 seilles d'osier poissé, » de
tOO pioches, de 200 piques, de 400 pelles et de falots,
pour les travaux des fortifications et les secours en cas
d'incendie.
Le 3, les mesures contre les huguenots sont plus
sévères. Le Conseil déclare qu'il est ordonné par M. de
Barbezieux que, c les hommes de la religion > seront
mis hors de la ville, et que les femmes seront mises
dans la maison de l'élu de Dosches (Nevelet), sous la
garde de deux sergents royaux. Les femmes qui voudront
sortir de la ville pourront la quitter avant le lendemain
à midi. Il est enjoint à celles qui resteront de ne pas
sortir de leurs maisons, soit de jour, soit de nuit, sous
peine de la hart. 11 leur est prescrit, sous la môme |)eine,
lorsqu'elles recevront des lettres ou quelques avis de
(l) A. 16.
[î) GuiLL. DE Sauia-Tavannes. Mémoire*, p. 439. 1"? col. éd.
du Panlht'on liUéraire.
(3; A. 1(5.
614 HISTOIRE DE TROYES. ise:
leurs maris, de venir les déclarer et révéler à Mw de Bar-
bezieux. Tout habitant, en état de porter les armes, se
tiendra prùt et armé chaque jour. II. est interdit de sonner
les cloches pendant la nuit, même les horloges, saut
celJes de St-Pierre et de St-Jean, qui servent au gueti
pendant la durée des troubles et sauf en cas d'incendie.
Le 8, il est interdit do mettre en mouvement les mouliiLs
à papier,, pendant la nuit (1). La garde dos fortifications
est confiée, par exception, aux officiers de la compagnie
de M. de Bai*bezieux, assistés des bourgeois de la
ville.
De ïroyes, Tarmée royale se dirige vers le nord de la
CUaiupagne et la Lorraine. Des fautes auraient été com-
mises dans cette armée qui aurait pu battre celle du
prince do Condé, à Noine-Dame-de-rEpÎDîe, près de
Châlons, avant sa réunion avec les retires (2).
La reine- more faisait surveiller la conduite des Guise
par le sieur de Tavannos. Après des marches inutiles,
qui s'étendirent jusque près de Verdun, ces deux armées
revinrent, sans combat, sur la ville de ïroyos. L'aroiée
royale vint camper aux environs, dans la plaine de Ste-
Savinc et au pied des coteaux do Monlgueux, où ello
demeura environ un mois, à partir du 10 janvier. Celte
armée aurait compté 100,000 hommes (3i. (iO nombre
paraît cxa^ijoré. Pendant ce sojom» de Tannée royale aux
portes de Troyos, lequel dura environ un mois, de Saulx-
Tavannos la passa en revue. Il changea le premier Tordre
d(is armes. Il composa les escadrons de deux cents pis-
toliers, en plusieurs rangs, à la manière mise en usage
parmi les reîlres. Quoi([u'il jugea la lance inutile, en rai-
son de sa vogue, il en conserva une file au premier rang
(1) A. 16.
(2^ Gasi'aud dl SAi;LX-'rAV.\NNF.j>. Mcmoivcs.
^3) DuiiALLE. T i-r, p 116, d'après les Mémoires Inanu^c^it« dfl
Nicole Mergey.
15(>« GHAPITRK XIX. 615
et au flanc droit des escadrons. Il soumit aussi la gen-
darmerie à un nouvel ordre en bataille.
Dès le mois de novembre, on avait réuni à Troyes de
nombreuses provisions pour l'armée royale. Il semble
que, dès ce moment, on eût pris ces mesures pour venir
passer, sous les murs de la ville, un quartier d'hiver.
Les Troyens redoutent l'arrivée de Tarmée du prince
de Condé. Aussi le Conseil arrête-t-il, le 5 janvier 1568,
que, si cette armée arrive à quinze lieues ou à quatre
journées de marche, on rompra tous les ponts de la
rivière d'Aube et de celle de la Seine (1). On resserrera
en ville tous les bateaux, bacs, nacelles et autres équi-
pages ; pour plus de sûreté, on les coulera à fond. Les
moulins à eau ou à vent seront démontés et leurs agrès
amenés en ville (2).
Ces prescriptions ne sont pas exécutées. L'armée cal-
viniste ne se présente pas. Les huguenots au nombre de
iO,000, se retirèrent vers Vilry et Wassy, puis vinrent
sur l'abbaye de Clairvaux qu'ils auraient brûlée et pillée
et de là auraient pris la direction de Tonnerre, ruinant le
pays sur une largeur de quatre à cinq lieues (3).
L'armée royale arrive seule et prend ses positions.
Avec le duc d'Anjou, se trouvent le duc d'Aumale, le duc
de Guise, M. de Montpensier, le duc de Longueville,
Sébastien de Luxembourg, seigneur de Martigues, le
comte de Cossé-Brissac, et Strozzi, ces deux derniers
commandant l'infanterie française, M. de Méreuil, M. de
Xemours, le prince Dauphin, etc. Les Suisses et les
Gascons se placent près de St-André et d'Echenilly, où
ils établissent des retranchements pour y mettre leur ar-
(1) Sur l'Aube, on cite ceux de Baudement, de Viâpres, d'Arcis,
de Ramerupt et de Lesmont ; et, sur la Seine, celui de Vallant.
(2) A. 10.
(3) DuHALi.K T. l'«, p. 116, d'après les Mémoires de Nicole
Meiv'ey.
616 HISTOIRE DE TROYES. 156K
tillerie en sûreté. D'autres sont campés près du Hame-
let, lieu (lit le Mont-St-Loup. Ceux-ci brûlent quelques
maisons. Des reîtres et des huguenots sont logés dans la
vallée de TArdusson; on les signale surtout à Ferreux
La banlieue a fort à souffrir de la présence de Vannée
royale. Le 13, le duc d'Anjou donne, • étant au camp
de Troyes, » lettres de sauvegarde aux officiers de justice
et à ceux de la ville, pour les exempter de tous loge-
ments, servitudes de guerre, afin de n'avoir aucun em-
pêchement au service du roi et à celui de la ville (l).
Le 19, il intervient de nouveau. Ses soldats ont brûlé
dix ou douze maisons, ils pillent, ravagent et contrai-
gnent leurs hôtes à leur fournir les vivres et autres den-
rées, sans les payer. Le duc défend aux gens de son
armée de prendre aucun logement sans bulletin des
maréchaux- de-logis.
Malgré ces défenses, les violences continuent. La plus
grande partie du faubourg StJacques est démolie. Les
habitants l'ont abandonné. Le duc d'Anjou, le 4 février,
avait accordé à ces malheureux habitants, lettres de
sauvegarde, on les dispensant du loj^cment des gens de
5;uerro et de loules fournitures, ('e renïèdc est bien voi-
sin de l'ironie CÎi.
La présence de rarmée a fait augmenter les denrées
de coïisoniiiialion. Le duc d'Anjou, le 10 février, en fixe
le prix Çf)].
L'armée royale (|uilte la plaine peu après le 10 février.
(I) A. 16.
{'!) A. 10.
(1^) Ces ])rix sont ceux 4111 suivent : l'avoine, à 7 s. 6d. t. le bois-
seau ; le foin, à (> don. le botteau de 3 livres ; la rorde de gros bois-
à 10 liv.; le fa^ot, à 6 den.; le sae de charbon de 3 boisseaux, i*
3 s. t.; le vin de Rour^roj^ne, à 2i liv. la queue, ou 18 d. la pinte,
le vin du (M'u,à 16 liv., ou VI d. la pinte; la livre de lard à larder.
4 s.; la journée d'un cheval fourni de paille, de foin et d'un derai-
boisseau d'avoine, est tarifée à 8 s. (A. 16.)
1568 CHAPITRE XIX 617
Une partie prend la route de Sens, Vautre celle de Nogent,
Provins, Nangis, BrieComlc-Robert, et toutes deux se
réunissent près de Paris (1).
Après le départ de Tarmée royale, la compagnie d' Apre-
mont est réduite à deux cents hommes, et le clergé fait
enregistrer, à la date du l^rrnars, au Conseil de ville,
la confirmation dos lettres de sauvegarde accordées au
clergé le 8 juillet 1501. Ces lettres dispensent le clergé
du logement des gens de guerre, excepté les cas d*émi-
nent péril et de présence du roi à Troyes.
En avril, on fait rentrer en ville des pièces d'artillerie
et des poudres conduites, par eau, à Méry (2), dans le
but de garder ce passage de Ja Seine.
Le Conseil de ville, motivant sa décision sur ce que
les buttes des arquebusiers, qui s'élevaient près de Téglise
de Si-Gilles, servent de repaires « aux larrons, à gens
lubriques et insolents, » en ordonne la démolition. Les
matériaux sont destinés h la construction d'une maison
où seront reçus les ()n?tiférés (3).
Pendant le siège de Chartres, L'Hospital presse la
reine-mère d'accorder la paix, c'est-à-dire le maintien
de l'édit d'Amboise, avec l'abolition de toutes les restric-
tions qui l'avaient modifié de|)uis 15(53. « La liberté
* religieuse serait ainsi maintenue aux réformés jusqu'à
» ce qu'il plut à Dieu que tous les sujets du roi lussent
» réunis en une seule religion, d (^etle paix fut signée,
le 23 mars, à Longjumeau.
Cette paix publiée, les protestants du bailliage, comme
après l'édit d'Amboise, se réunissent à Céant-en-Othe et
vont une école. Le G avril, le Conseil insiste pour qu'ils
ne puissent se réunir dans un lieu plus proche de la
ville. Il prétend que les réformés ne sont |>as, à Troyes,
( I ) Cl. Hatton. p. 5*20. — Duhalle.
\2) A. A. 8fi carton, "2* liasse, et A. I(>.
l3) A. 16.
618 HISTOIRE DE XROYES.
1568
plus de deux eents ; ce qui ne paraît pas exact. La paix
ne fut pas complète, à Troyes, comme on le verra
bientôt (1).
La paix de Longjumcau, boiteuse ou mal assise, est
achetée par Charles IX, bien plus qu'obtenue par la voie
des armes. Le trésor royal ne peut suffire à acquitter la
solde des lansquenets et des reîtres. Le roi, la reine-mère,
les frères du roi, les membres de la famille royale et
ceux du Conseil d'Etat, s'engagent personnellement,
suivant acte reçu par deux notaires au Châtelet, le 13
avril 1568, à payer, pour cette solde, la somme de
1,026,421 liv. 10 s. t., la moitié au mois de septembre,
à la foire de Francfort, et !a seconde moitié, le l^^r jan-
vier, dans la ville de Strasbourg.
Cet engagement ne suffit pas pour donner toutes ga-
ranties à ces créanciers. Le roi demande aux maire,
échevins et habitants de Troyes de servir de caulion à
lui, aux membres de sa famille et de son conseil, ainsi
qu'il en a pris l'engagement dans l'acte principal.
Le 14f avril, Charles IX invite les maire, échevins et
habitants, à lui servir de caution. Il annonce que, déjà,
il a pour garants envers le duc Jean (Casimir, son beau-
frère, le duc de Lorraine et les sieurs Israël, Mintrel et
lloorges Obrelz, allemands (sans doute banquiers juifs',
qui ont assignation suffisante |)Our assurer l'exécution
(le ses engagements.
Le 21, dans une assemblée générale des habitants,
les maire et échevins sont autorisés, au nom de toute la
communauté des habitants, à donner au roi la caution
qu'il demande. A cet ellct, Pierre Mauroy, sieur de Champ-
grillet, maire; Jean Ang^enoust, l'aîné; Edmond Maillet.
(1) A. U). - C«' nv'^^'** coninu'iico le l''«* octobre 1567 et li'uit lr
5 avril 1508, aussitôt après la publication delà paix de Lon^uiiiHau.
Il est uu iirécieux dorunieut pour cette p»Miode, aussi en avons-nous
usé largement.
1(Î68 CHAPITRE XIX. 619
Nioolds Lebé, Louis Lemairai, Jean Restample, Edouard
Pérault, Claude Dorieux, Nicolas de Machicourt, éche-
vins., souscrivent, devant Charpy et Breuchié, notaires,
Tacle du cautionnement que le roi s'est engagé à four-
nir, en plaçant au besoin tous les habitants de Troyes,
eux et leurs biens personnels, sous la contrainte de toutes
justices et juridictions de l'obéissance du roi, comme de
tous les princes et potentats de rMlemagne, de la Lor-
raine, de la Flandre et autres li.eux : les habitants de
Troyes pouvant, en cas de non exécution des engage-
ments du roi, être pris et arrôtés et leurs biens saisis et
vendus partout où ils seraient trouvés.
Cet acte est adressé au roi sans aucun délai. 11 vaut à
M. de Barbezieux, qui Ta obtenu, et aux Troyens, des
lettres de félicitation et de remercîments, datées de Paris,
du ^28 avril (1 \
La ville de Troyes jouissait alors, comme aujourd'hui,
d'une grande réputation commerciale; ses négociants,
riches et bien famés, fréquentaient les grandes villes des
bords du Rhin et celles des Flandres. Beaucoup d'entre
eux y étaient personnellement connus. A ces causes, les
Troyens eurent l'honnuur de cautionner le roi de France.
Si, dans cette circonstance, ils furent caution, souvent
déjà ils avaient été les ban(|uiers ou les préteurs de
François l^^, de Henri H, de François II et aussi de
Charles IX (2).
Des lettres -patentes du l<*r juin disposent que, parmi
les (juatre échcvins élus, chaque année, un avocat trou-
vera place. L'échevinage, composé surtout de négociants,
se pourvoit contre ces lettres. Le 18, il obtient un arrêt
du Conseil déclarant que « les officiers de justice et les
(I; AitIi. iiiun. aiic. ï. lay. 5. Pièces originales. — Groslkt.
Af/m. hisi.^ t. 11, p. 629.
(1, A. A. 21« carton, 1'« liasse.
B20 mSTOIRB DB TROYES. 1558
l^ns de pratique < ne pourront être élus maire, mais seu-
lement échevins ou conseillers, et sans qu'ils puissent
excéder le tiers des échevins et la moitié des conseillers.
Los élections de Pâques 1568 avaient provoqué cette
diiTiculté. Parmi les échevins élus ne se- trouvait pas
d*avocat Le collège réclama et demanda Tannulation de
l'élection. La décision du lieutenant-général fut favorable
à la prétention soulevée. Mais le maire et les échevins
s'étant pourvus, la question fîit résolue par Tarrét dn
18 juin. Ce débat se renouvela en 1570. L'avocat du roi,
à l'assemblée de l'âques, rappelant ce dernier arrêt, de-
manda l'élection, parmi les échevins, de deux personnes
de robe longue Les électeurs, qui, déjà alors, n'accep-
taient pas toujours les candidats recommandés, ne por-
tent leur choix sur aucun membre de ce collège. Les
avocats se pourvoient de nouveau devant le lieutenant-
général qui accueille favorablement leur requête. Nouveau
pourvoi du maire et des échevins. Enfin, un arrêt du
Conseil privé, du 15 septembre 1577, ordonne que les
officiers, gens de justice et de robe longue, pourront être
élus aux fonctions de maire, pour\*u qu'ils aient passe par
les charg:os d'ôelievin ot de consoiller de ville.
Après lo publication de la paix, un certain nombre de
protestants essaient de rentrer en ville. D'autres s'en rap-
prochent en jM'enant leur résidence dans les villages voi-
sins. Le 80 mai, quelques-uns des soldats d'Apreniont
sortent de la ville et se dirigent vers Montgueux, où est
venue se iixer une famille de réformés sortant de Saint-
.Mards. Dans la plaine, ils rencontrent un grouj)e d'anjue-
busiers, appartenant à la réforme. Il y a combat et ôeux
des scidats d'A[)remont sont tués.
Cette rencontre, hientc»t connue dans la ville, y jette h
plus vivp émotion. Les soldats d'Apremont parcourent
les rues et se saisissent d'un eertain nombre de réformés.
Il les cnfernHînt d'abord dans la balle aux cuirs, qui leur
1568 nUAPJTKE XIX. 651
sert de corps-de-gardo, puis ils les conduisent aux pri-
sons royales. Des maisons sont pillées; des hommes et
des femmes sont tués, puis jetés à Teau. Non contents
de ces meurtres, ces soldats, ivres de sang, se portent
aux prisons, tentent de les forcer en enfonçant les portes
à l'aide de poutres. Mais une pluie torrentielle les dissi-
pe, et, grâce à cette circonstance, les prisonniers échap-
pent à de nouvelles violences et sans doute à la mort.
Néanmoins, de vingt à vingt-cinq hommes ou femmes
auraient trouvé la mort. N. Pithou reproche aux officiers
royaux la lenteur qu'ils mirent à arrêter ces actes de vio-
lences et de meurtres (1).
A la même époque, se commettent de pareilles scènes
de violences à Rouen, à Bourges, à Issoudun, à Entrains
(Nièvre), à St-Léonard, à Sens, à Orléans, à Rlois, à
Ligny-en-Barrois, à Clermont en Auvergne, etc. (2).
Après ces événements, comment les catholiques n'au-
raient-ils pas craint? Aussi, le 15 juin, la Fête-Dieu est-
elle célébrée |)ar la |»rocession ordinaire, mais pour
t'viler toute attaque on place quarante arquebusiers ou
hallebardiers dans chacjue quartier de la ville (3).
La paix de Longjumeau n'a pas même pour résultat
de donner quelques instants de repos aux partis, qui res-
tent en armes, et dont Tactivité n'éprouve aucun ralen-
tissement.
A Dijon, en juin 1568, se renouvelle Tidée de fonder
une ligue à laquelle on donne le nom de Confrérie du
Saint-Esprit. Le but de cette association n'est nutre que
tie rallier les ardents catholiques de toutes les provinces,
sous un chef unique dont le nom serait connu plus tard.
Patronnée par de SaulxTavannes et ses deux fils, cette
{\) N. PiTHOU. Métnoires. — De Thou. Hist. de mon temps,
liv. XLiv. — Breyer. Sémill\rd. Duhalle. t. ler, p. 117.
(2) De Thou. Lieu cité.
(3) A. 15.
622 HISTOIRE DV, TKOYES. 1568
association a pour promotcilps principaux, Jean B(^gat,
conseiller au Parlement, et quelques autres membres de
celte compagnie. Chaque associé doit une cotisation
mensuelle et prête serment d'exécuter ce qui aura été
décide par le consistoire, sans acception de parenté, soit
de père, de mère, frère, sœur ou enfant. Bien qu'au nom
de Tavannes, il est dit que le roi approuve cette ligne,
le roi ne lui fut point favorable (1).
De Dijon, les promoteurs de cette association adres-
sent à Troyes, un livre ou registre^ destiné à inscrire les
noms des membres adhérents (2). Les Troyens restent
sourds à cette provocation. Le maire, Guillaume Format,
dit des Carreaux (3), voit toujours avec peine les trou-
bles et les agitations dont la ville est le théâtre. Comme
cette association n'est pas approuvée par le roi, il refuse
de la signer et avec lui le corps de ville et les habitants
Une copie de cet acte curieux est arrivée jusqu'à nous.
Il est daté du 25 juin 1568 et n'est souscrit que par
vingt-huit membres du clergé, ayant à leur tête M. de
Beauffremont, évêque, et appartenant aux trois chapitre^
de la ville (i).
(1 ) De la 3« guerre civile et occasions d'icelle, document insôré
dans VEstat de la France sous le règne de Charles IX, t. m.
(2) A. 15.
ÇVj Du nom d'un hameau situé au territoire de Vendeuvre, et
dont il était propriétaire et peut-être seigneur.
(4) En voici la copie :
H Serment des Associez de la Ligue chrestienne et roiale.
•) Nous soubsi^nez desirons pour nostre debvoir ot vocation chres-
tienne, maint(;nir la vraie esglise d«» Dieu, catholique et romaine, en
laquelle nous avons esté baptisez selon les traditions anciennes, de-
puis les apostres jusqu'à présent ; desirons aussi, selon la fidélité
que nou« avons à la couronne de ï'rance, maintenir icelle couronne
à la maison de Valois, [)oui* li's obli^racions que nous et nos prédé-
cesseurs avons et tenons de lad. maison, pareillement qu'en toute
scûreté et liberté nous puissions faire et accomplir le deub de nos
charges en ce qui concerne le senice de Dieu et de son esglise tant
f^ii l'ndministration de sa parole, saluts, sacrements, prières qu'a«tre>
1568
<:iiAPiTUE XIX. H23
Les menées continuent dans les deux partis. Les
huguenots sont inquiets des mesures prises par le roi et
par les catholiques. Des poursuites se font en cour de
Rome pour obtenir des bulles, afin d'autoriser Taliéna-
lion, jusqu'à 50,000 écus de rente, des biens de l'église,
le prix en provenant devant être employé à l'extermina-
tion des réformés. La ligue, dite: du Saint-Esprit, a fait
de rapides progrès en Bourgogne. Les prédicateurs
deviennent de plus en plus violents ; le bruit court que
fonctions csquelles nous sommes appeliez et tenus ; aussi que moien-
nant ce qu'il a pieu à Monseigneur le Lieutenant (le duc de Guise),
pour la majesté du roy en ses païs de C4hampagne et Brie, nous asso-
cier à la Société et Ligue roiale de la noblesse et estatz de ce gou-
vcrnomont cy-dessus insérée, pour en jouir selon sa forme et teneur,
par laquelle ledit sieur Lieutenant avec mesd. sieurs de la noblesse
(le redit jîouvernement et autres associez promettent eulx emploier
leurs personnes, vies et biens, pour la manutention de ladite esglise
et couronne, tant et si longuement qu'il plaira à Dieu que nous serons
par eux régis en nostred. religion apostolique et romaine, de nous
secourir et ayder tant de conseil, personnes que forces et de leur
pouvoir pour la conservation et manutention de nos vies, libertez et
biens, contre toutes personnes, sans nul excepter, foi's les personnes
dud. roy, nos seigneurs ses enfans et frères et la reine leur mère, et
ce, sans acception d'aucun parenlage ou alliance, ne délairons de
nous secourir et ayder contre les autres alliez et compris en cette
Société et de quelqu'état et condition qu'ils soient, en toutes nos
affaires et jdaintes procédantes pour raison de lad. association ou
entreprise qui pourroit estre faicte sur nous et nos biens par les
contraires ennemis et adversaires de la présente société et de nostred.
religion catholique et romaine, et ce incessamment et sans demeure
(retard), nous avons juré et promis, jurons et promettons par le
saint et incompréhensible nom de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit,
auquel nom nous avons esté bajitisez, que, pour ayder à l'entretene-
ment et manutention de la présente ligue, société et fraternité, nous
cottiser fsicj chascun selon nos puissances, pour ayder à lad. com-
pagnie et société de nos biens, toutes fois et quantes qu'entreprise
sera faicte pour la manutention de la présente alliance et société-
Kn ce faisant, nous sera promise et entretenue la société, amitié et
fraternité de tous les dénommez en la sainte ligue présente, tant de
la noblesse qu'autres pour nous ayder et défendre contre tous ceux
de party contraire qui nous voudroient faire tort, à nous ou à nos
biens et en tontes aiTaires où nous pourrions tomber. Lequel aydo et
624 HISTOIHK l)K TROYES. 156)(
les protestants n'ont plus que trois mois à vivre : alors
on les taillera tous en pièces. Quand même le roi
voudrait empêcher l'exécution de ces desseins, il ne le
pourrait pas et, s'il s'y opposait, on le mettrait dans un
monastère et l'on en ferait un autre (1). Les régiments
de Brissac et des enseignes de gens d'armes s'ache-
uiinent en Bourgogne, dit-on, pour surprendre le prince
de Condé dans son château de Noyers, et l'amiral Coligny
dans celui de Tanlay. La présence des suisses et des
troupes italiennes sur les bords de la Loire et de grands
mouvements de troupes en Bourgogne donnent les
craintes les plus vives aux huguenots, dans les mois
d'août et de septembre 1568. Le capitaine Foicy, de
Nogent-sur-Seine, le 20 août, à l'occasion de plaintes
secoiu's se fera aux despens de ceux de la j)résenle société qui por-
tent les armes par ordonnance et commandement dudit sieur lieute-
nant. Le tout soubz le bon plaisir dud. sieur roy nostre souverain
seigneur et de Messieurs ses lieutenants. En foy de ce nous avon>
signé cestes de nos seings manuels le 25c jour de juin 1508. »>
Signe : De La Rochette; C'^l. de Beauffremont, év. de Troyes;
J. Guillemet, doyen de Troyes; de Langhac, abbé de
St-Antoine; N. Tartrier, officiai; db Gyé, ^^rand-
archidiacre de Brie ; N. Hennequin, doyen de St-
Urbain; Yves le Tartrier, doj'en de St-Etienne.
(J. DE Taix, ch. de Tr.: C. IIevra^r, chantre de Troyc»s[
d'Amoncourt, abbé de Boulancourt ; Royer, sous-
doyen de St-Etienne; G. Miletz, scholastique ; Frotey.
ohan. de St-Etienne ; Joly, archid. de Brienne ;
F. Perricard, id.; Charles, cb. de Tr.; Juvenis, id.;
ViLLAiN, prieur de Ste-Maure, G. Mole, curé de Villy-
le-Marécbal ; J. Degrand ; Guillemet et Molero.n,
eh. de Tr.; Brodart, prieur de Notre-Dame-en-llle :
Peliei'x, trésorier de St-Etienne; Flodey, chan. de
Tr.; Prieux, id.; Le Mersons, chan. de St-Etienne.
(Blq. nat. Collection Dupuy, vol. 86, p. 186 recto.) — M. R. de
Rouillé, dans son Histoire des Ducs de Guise, cite un fragment de
cette pièce extrait du Portefeuille de Fonlanieu, vol. 316. — On
trouve aussi ce document au Journal de Heiwi III, par Pierre de
i/EsToiLE. T. m, p. 33 (1744V
(1) De Thou. Histoire de mon temps, ch. XMV.
1568 CHAPITRE XIX. 625
portées contre lui par Raguier d^Eslernay, informe
Charles IX d'une rencontre qui eut lieu entre eux. De
Bray, Foicy se serait rendu à Nogcnt, à Pont et à Méry,
où il aurait fait garder les ponts, mettre les bateaux et
bacs en sûreté, et rompre tous les gués jusqu'à ïroyes,
afin d'empêcher de traverser la Seine, tandis que d'Es-
ternay amassait, en Champagne, en Brie et dans TAuxer-
rois, environ 300 chevaux, qu'il divisa en cinq ou six
troupes commandées par le capitaine Archevêque d'Arles;
le capitaine, abbé de Saint-Michel de Tonnerre (un
Dinteville); le capitaine, abbé de Saint-Martin-sous-
Molosme (près Tonnerre), et les sires de liéthune, I rique-
mault et Besancourt, placés à la tête de 50 à 60 che-
vaux. — Il semblait que ces troupes allaient à la chasse
au loup (1).
Dans les remontrances adressées au roi par Tamiral
Coligny, au moment où le prince de Condé envoie les
siennes, il se plaint de ce que, trois ou quatre jours
auparavant, se rendant à Tanlay, sa demeure ordinaire,
et approchant du ch&leau de Chesley (!2), accompagné de
son train ordinaire seulement, la garnison de ce chûteau
sonna l'alarme fort longtemps avec le tambourin et il fut
tiré sur eux un grand non)bre de coups d'arque-
buses (3).
En septembre, le roi publie deux édits dirigés contre
les protestants. Le second retire leurs ofTices à ceux
de ses officiers qui font profession de la religion réformée.
(1) Cl. IIatton. p. 1147.
(2) Le texte porte : Chandelcy. Il faut lire Chesley. 11 n'y a point,
dans FYonne ou dans TAube, de lieu connu sous ce nom, tandis que
Chesley ( canton de Chaource ) avait un château-fort occupé par les
catholiques en relation avec la ville de Troyes, qui, en mars 1570,
leur envoie des armes. — (B. B. 14« carton, 2- liasse.)
(3) De la troisième guerre civile et causes d'icelle^ liv. ler, p. 46.
Document insi^ré dans le 3« vol. de V Estât de la France souê
Charles IX.
III. &0
issu Hii-TUBa. as ^lu^iai»^.
ÉamuiÈt Bm/TL t^i^iAsiiÈt: jil laiiliag^. -ts Kmçi^eé par
iBLâoi: de le^l^ VIST StnaûnL ¥sf7Ms t .
d» J 4*
*w»t 55 :»5 3CmX<0 Vtfmrrrtf^^ H!T_Ti: 3r» 6* ^itry, où il
fiîîlymii îT** «!§ trtiELÎtsE. crrjria fix jgmafiie^: ▼ fit
iuitire t^ i»:'iiJ*?î* et df* «mJterïTiK* fi*K -i» cloches
T«yi Je V*AVj^ ij .
Le priK* de Cc'iîiê aprt* rricr ïi^rti Le rot des
meskéef iirighs outre ::;:- «e TKiv. iTet tcote sa
fanijDe- 4Î2i»5 îe ctilean: de Nit-cKw L>tt rtl, atii balMte
célvi ie TauliT. va re^înire ir icrz»:»*- i Noyers, avec
sa îemmi ei sè* -q^aîft ci;f*ii& a^^^lCMs^^-» de 40 i
50 cLevainL Crai^ac! jh>iît eax ïiC-^îv. jj:: s^te- ie* nom-
breux avis cïiU ref-oivesl. I^sqikels *icc: «caîraiés par
la prései^ce d'octe force ansîée <H>s£>dc^> «îass cette
parbe de la Bour^'^e. Le prÎLce. rastlral. Lecrs femmes
et leurs ecfanls quitlest Noyers eî <e c.rjpèiit SLr la
Rocheî e : 3e cardisal lîe Cbaî:I]->r. ara:: -f^ i auîtté la
«^ft" ir: 5:1 î-r :^s i^ux ::r.-: ri-ux vhe's lu rarli
déré c:-T.:::r ::- : r^. "jir^ire i u: e r: jvr. e : vî< i'arp^es.
Les huiTJ^n.ts travail:.: avec .^^:c-r ijx :::: ::e3:!0DS
de Vjve:^ eî des i^ysies du tîi- n:e z-iri se réunissent
dans its irern:e:> :u:s de se::e::ib:e. jt Preov-^e-Seo 3.
t * « ■
— De si-r: • :!tr, Guili^sun.e de Saulx-Tavinnes donne
avis au roi de ces îaiîâ e: place Misser\. i.eu;enant de
(1^ N- PrTHVc.
,2» DuHAiiF. T. i^^. p. î!9.
(3i Cinton «ie rhie-sar-le-Serein I Yonne \ \iAn< le ToUini^ de
Nover?.
1568 CHAPITRE XIX. 627
M. (le Barbezieux, avec des troupes dans TAuxcis, afin
d'observer et de surveiller les menées des huguenots.
De Saulx-Tavannes presse en même temps le roi de
s'emparer de la ville et du château de Noyers, avant que
la garnison laissée par le prince de Condé ne soit ren-
forcée : garnison qui , suivant lui , se compose de
150 hommes. Il considère que M. de Barbezieux, avec
toute l'artillerie dont il dispose à Troyes, et aidé de
M. de Venteux, gouverneur de TAuxois, et de Prie, gou-
verneur de TAuxerrois, peut mener celle attaque à bonne
fin. Tavannes fait quelques tentatives pour obtenir par
adresse la réduction de celte ville. Ce fut en vain, le
capitaine Noguier, ayant la garde du château, ne vou-
lant rien décider sans Tautorisation du prince de Condé.
Le roi donne à Tavannes l'ordre d'assembler les forces
dont il peut disposer, d'y joindre celles que de Barbe-
zieux tient à Troyes et d'assiéger Noyers. Mais les troupes
de Tavannes sont dirigées sur Orléans. Celui-ci mande
à Barbezieux d'informer de Venteux et de Prie, de
l'époque à laquelle il pourra attaquer Noyers ; de Barbe-
zieux n'a, à Troyes, qu'une trentaine de lances (1) direc-
tement sous ses ordres. Mais il y a en garnison, en ville
et dans les environs, des forces plus considérables (2).
M. de Barbezieux, prétend qu'il ne peut faire quitter les
lieux a ses gens de guerre, parce qu'il n'a point d'argent,
que si la ville veut lui avancer mille livres, il dirigera ses
gens et l'artillerie du roi sur le château de Noyers. Le
maire et ses conseillers empruntent celle somme, en
leur propre nom, et la remettent à M. de Barbezieux, qui,
peu après, marche sur Noyers comme il l'avait promis,
avec toutes les forces qu'il a sous la main (3).
(1) Bibl. nat. Mnsc. de Béthunc. n« 8676, f>« 105 et 132.
(2) B. B. 14* carton, 2* liasse.
(3) A. 15.
628 HISTOIRE DE TROYES. 1^68
En quittant Troyes, les troupes de Barbezieux se
divisent en deux colonnes, Tune se dirige sur Tanlay,
prend le château et une quinzaine d*homnies y est laissée
en garnison. La seconde colonne passe par St-Mards, où
se trouvent un grand nombre de réformés encouragés
parle pasteur Sorel et par Oudart Pied-de-Fer, seigneur
de ce lieu. Les soldats catholiques s'emparent du
château sans aucune résistance, Oudart Pied-de-Fer
s'étant réfugié chez un parent. Un soldat, nommé Cour-
celles, neveu de Sorel, attire celui-ci dans un lieu
détourné et le tue (1). Un autre récit rapporte que Sorel
fut massacré avec une étrange cruauté par la compagnie
d'un lieutenant du prévôt des maréchaux, nommé Coquo
(surnom sans doute), lequel, dès le lendemain, reçut son
salaire de la main d*un sien archer qui le tua dans un
différend survenu entre eux à Toccasion du partage de
quelque butin (2j.
Barbezieux appelle près de lui M. de Prie, gouverneur
d'Auxerre, et la garnison de quelques villes voisines. Il
met le siège devant la ville de Noyers, dont il se rend
bientôt maître. Le capitaine Noguier qui commande la
ville et le château, se soumet le 2 octobre. La garnison
a la vie sauve et dans la population se trouve un certain
nombre de calvinistes d'origine troycnne. Barbezieux
s'engage à garantir du pillage le mobilier du prince de
Condé, dont inventaire doit être dressé. Cette capitula-
tion n'est point observée. Un grand nombre de soldats
sont lues ou dévalisés. D'autres sont retenus prisonniers
et, comme tels, anicîiés à Troyes. Ceux (jui écha|)pentse
réfugient à Vézclay, alors en possession des calvinistes.
Le château est saccagé et une partie des meubles est
(1) GouRTALON. Topographie, t. icr, p. i22, et N. Pithou. —
DUIIALLE.
(2) De la troisirmc guerre civile ...., p. 265. Doc. insère au t. m
do VHstai de la Fra)ice soua Charles IX.
1568 CHAiUTUE XIX. 6^29
enlevée et transportée à Troyes, au quartier général de
Barbezicux (1). On croit qu'il en a ainsi usé afin de s'ap-
proprier des meubles somptueux du chûteau de Noyers (2).
Barbezicux se justifie du reproche qui lui est adressé. 11
écrit au roi que ce mobilier a dix fois moins de valeur que
celle qu'on lui donne, et que, pressé par les menaces
des soldats, qui, faute de paiement, commençaient à
l'abandonner < il n'avait pas sceu vaquer à faire l'inven-
taire de ces meubles (3) . >
Après la reddition de la ville et du château de Noyers
et le 3 octobre, Barbezicux rer;d compte au roi des opé-
rations du siège et des circonstances qui accompagnèrent
cette expédition. Il l'informe qu'il s'est conformé aux
ordres qu'il a reçus de lui par M. d'Aumale, bien que les
entreprises par lui faites, dans l'intérêt du roi, lui aient
fait perdre au moins 50,000 livres. Il s'est acheminé sur
Noyers îivec les forces que lui avait données le duc
d'Aumale et celles qu'il avait sous son commandement.
Il mit le siège devant la ville. Après l'avoir battue t;n
brèche et au moment de l'assaut, les habitants se réfu-
gièrent dans le château ainsi (|iic la garnison qui défen-
dait la ville 11 fil battre le château (ses constructions
remontaient, dit-on, au \W siècle), et, l'ajaril pris, il y
fut trouvé deux cents soldats, qui, disait-on, voulaient
mourir au lieu de se rendre. Ils demandèrent à parle-
menter. Ils se contentèrent d'avoir la vie sauve et firent
serment de vivro calholiqnomont. M. de Barbezicux plaça
une garnison dans le château, afin de le conserver au
roi, ainsi que la ville « qui estoit réceptacle de ses enne-
{i) De la iroisimnr (juerrc civile p. 26i. Commentaire de
^tatii reipublicœ, paii. iir, lib. vu, p. 245, 240. — D'aj». A. Challe.
Le Calvinisme et la Ligue dans le département de VYonne^ t. i*?"",
p. 224.
(2) De Thou. nist. de mon temps, liv. XLiv, p. 224.
(3) Lettre de Barbezicux^ datée de Troyes, le 20 novembre 1568.
Hlq. nat. nmsc. St-Gerraain-Harlay, n" 320, f» 155.
630 HISTOIRE DE TROYES. 15^8
mis, » puis il envoya le surplus de ses troupes sur
Château-Renard (1), place tenue par les rebelles. En se
rendant de Troycs à Noyers, il prit le château de Tanlay,
où il mit en garnison une quinzaine de soldats. Recom-
mandant ensuite son intérêt au roi, il lui expose les
perles qu'il a eu à supporter, les gages des officiers
qu'il a payés, car c ils n'ont coutume de marcher sans
argent, » et la solde de ses gens de pied et, bien que le
roi lui ait destiné 6,000 liv. pour payer son artillerie, il
n'a rien reçu. Pour l'indemniser de toutes ses avances,
il demande que le roi lui fasse don des biens du sieur de
St-Pouangc (Antoine Menisson) et du sieur de Saicton
qui doivent être confisqués et dont le revenu est estime
de 3 à 4,000 livres. Il prie le roi de récompenser son
guidon j M. de Vulaines, (nommé plus habituellement le
capitaine Foicy) (2). Il désire pour celui-ci une place de
gentilhomme servant dans la maison du roi. Le roi peu
satisfait de ce qu'il eût laissé cinquante hommes armés
à Troyes, iM. de Barbezicux lui fait observer que cette
garnison n'est pas excessive « qu'il importe que les
habitants ne prennent envie de venir à sédition, y étant
assez faciles. Joint à cela que ce sera le moyen de décou-
vrir ceux qui pourraient consj)ircr quelques mauvais
dessoins pour perturber le repos public, conjoint au bien
du service du roi. > Enfin il signale à la bienveillance
royale do Misscry, son lioulenont, Montperrou, do Nuy,
de Poilly, de Villars et do St-Remy (3).
Le sieur de Vulaines (4>, après la prise de Noyers, est
(1 ) Loiivt. Possession des ('.oli}iny qui y avaient édifié nn château.
(2) Vulaines (Aube) et Toicy (Yonne), sont deux communes limi-
tro]dies.
(3) ]»lq. nat. ninsc. de St-(îermain-Harlay, n^» 320, f» 121.
(4) Il se nommait Ilodoard, sieur de Vulaines et de Foicy. Il était
originaire de Sens, neveu du chanoine Claude llodoart, qui, en 153."),
fonda le colléire <le Sens, et fivre d'im conseiller au baillia^'e de
celte ville qui suivit le parti de la réforme.
«568 CHAPITRE XIX 631
envoyé par Barbezieux sur Château-Renard. Après la
reddition de cette ville entre les mains des catholiques,
il revient en Champagne et se dirige surTraînel, petite
ville fortifiée avec château-fort, appartenant à la famille
Jouvenel (ou Juvénal) des Ursins, et dont le seigneur
< goûte la réforme » et accorde son appui aux protes-
tants. Dans Traînel sont réfugiés plusieurs huguenots de
Troyes, de Sens, de Nogent et d'autres lieux. Ils soutien-
nent Tallaque des troupes du sieur de Vulaines. Mais
celui-ci c échelle le château par dehors la ville, et, à la
diane, en prit les habitans et les dénicha, » de telle sorte
que la plupart se sauvèrent en chemise, les uns du côté
de la ville, les autres sur les champs. Les uns sont tués,
d'autres blessés et d'autres encore faits prisonniers. Tous
les biens des protestants sont pillés; mais ceux de
M. des Ursins et de son fermier sont respectés. On en fait
inventaire et ils sont laissés sous la garde de la garnison
placée dans le château et dans la ville.
M. des Ursins, informé de la prise de son château,
s'achemine, avec sa compagnie de cinquante lances des
ordonnances du roi, sur Traînel. Sa troupe s'arrête à
Melz-sur-Seine, et de là il fait sommation au sieur de
Foicy, de se retirer en abandonnant tout le butin dont il
s'était empare. Sans résistance, de Foicy déféra à cette
sommation (1).
Pendant les troubles de 1568, l'ouverture des portes
de la ville ne se fait qu'avec les plus grandes précautions,
chaque matin. Un sergent, nn maître de fer et celui qui,
pour la journée, prend la garde de la porte, vont se join-
dre avec la garde et le tambourin et tous ensemble se
rendent chez le maire pour y prendre les clefs. Avant de
procédera leur ouverture, un sergent et un certiiin nom-
bre de gardes vont, hors barrières, visiter les charrettes
(I) Cl, Hatton. Mémoires, p. 542.
632 HISTOIRE DE TROYES. 1559
charg^ées disposées à entrer en ville. Puis, le soir, les
clefs sont déposées aux mains du maire. En ville, il y a
deux corpsdo-garde : Tun à la halle aux draps, place de
l'Etape-au-Vin, et Tautre, en la Loge-aux- Maçons^ située
devant le portail de St-Pierre (1).
En décembre 1568, Benjamin du Ples^is, abbé de
Monticr-Ia-Celle, vendit les reliquaires et vases sacrés
de Tabbaye, pour une somme de 550 livres demandées
par le roi pour le cardinal de Lorraine (2).
L*hiver de 1568-69 paraît s'être passé à Troyes avec
calme.
Après la bataille de Jarnac (13 mars 1569), dans la-
quelle le prince Louis de Condé fut tué d'un coup de
pistolet tiré à bout portant par Montesquieu, il fut, à
Troyes, le 12 avril, chanté un Te Deum,
Au printemps 1569, une partie de Tarmée royale, pla-
cée sous le commandement alternatif des ducs de Ne-
mours et d'Aumale, parcourt la province et tente d'em-
pôcher Tentrée en France du duc des Deux-Ponts, qui,
avec 5,000 reîtres et 4,000 lansquenets, vient au secours
des armées protestantes. Le 12 avril, il est demandé
aux Troyens 30,000 pains pour le camp et Tarniée de
Champagne (3).
Le 17 juin, l'Eglise calliolique use contre les hugue-
nots d'une arme dont elle ne fait pas souvent usage à
cette épociue. Elle lance un monitoire contre ceux de la
religion prétendue réformée (i). Il faut le reconnaître,
les traits de cette arme étaient déjà bien émoussés. La
police urbaine se borne à des mesures d'ordre contre les
hôteliers et les cabaretiers (3). On renouvelle les ordon-
(1) A. 10.
(2) Histoire de Montier-la-Celîe^ p. 538. II n'y avait plus alors que
huit relij^ieux à l'abbayo.
(3) A. 10.
(4) P. 1er.
(3) P. 1er.
f.V(9 CHAPITRE XIX. 633
nanccs de bùrelé. Personne n'entre en ville avec des
armes. Ceux qui veulent y pénétrer doivent les laisser
aux portes. MM. de la justice ont Tœil sur les étrangers,
les vagabonds et les smpecls. Le prévôt est invité à faire
cesser les danses qui se font dans les rues, ainsi que les
brelans et jeux de hasard (1).
La ville de Noyers, dans le cours de 1569, retombe au
pouvoir des protestants. Louis Prévôt, sieur de San-
sac (2), ancien gouverneur de François II et gouverneur
de TAngoumois, après le siège de la Charité, qu'il diri-
geait, et après la bataille de Montcontour (30 septem-
bre 1569), se tient sur les confins de la Bourgogne, de
la Champagne et du Nivernais. Par ordre du roi et dans
ces provinces, il lève une armée. 11 réunit huit cornettes
de cavalerie et vingt-deux enseignes de gens de pied,
bientôt placées sous le commandement de Ilodoard, sei-
gneur de Foicy, avec quatre pièces de batterie et deux
couleuvrines. Après avoir mis garnison à Donzy, et ame-
né, conjointement avec Barbezieux, rarlillerie de la ville
de Troyes (3), il se dirigea sur Noyers, afin de reprendre
cette ville et le château. La garnison se rendit sans com-
bat, sous la seule condition d'avoir la vie s'auve. De Bar-
bezieux laissa une garnison à Noyers.
Les prisonniers faits dans cotte ville, au nombre de
soixante-deux, sont amenés à Troyes, par François Mé-
pesse, lieutenant du prévôt des maréchaux. A leur arri-
vée, le 18 octobre, la foulo ameutée se jette sur ces mal-
heureux sans défense. Elle les attaque à coups de bâtons
et à coups de pierres. Elle les poursuit avec le plus grand
acharnement, jusque vers Téglise de Notre-Dame-aux-
Nonnains. Cinquante sont tués, dit Courtalon (trente-
(1) A. 15.
(2) 11 a sans doute donné son n(»m à une propriété, sise à Barberey,
qui le porte encore aujourd'hui.
(3) Sémillard. t. m, p. 195.
634 HISTOIRE DE TROYES. iSflO
sept, dit Breyer), dans cette attaque féroce et inégale.
Ce qui reste vivant est conduit aux prisons royales, mal-
gré cette populace furieuse qui veut tout assommer (i).
Les cadavres, résultat de cette boucherie, sont déposés
au cimetière de THôtel-Dicu-le-Comte, compris dans
celui de St-Jacques-aux-Nonnains (â).
Le 6 novembre, le Conseil de ville délègue quelques-
uns de SCS membres qu'il charge d'aller rendre compte
de ces faits au duc d*Alençon et à Tarchevêque de
Sens (3).
De Sansac, après avoir mis Noyers sous Tautorité
royale, se rend sous les murs de Vézelay et en fait le
siège pendant plus de deux mois, mais sans succès. Sous
les murs de cette ville est tué « tout mort, » dit Hatton,
Hodoard de Foicy, qui avait toute Tinfanterie de siège
sous ses ordres.
Ce fut un jour de joie, dit le même chroniqueur, pour
les gens de village de vingt lieues à la ronde de Vézelay,
comme pour les habitants des villes de Pont, de Nogent
et de Bray, à cause des oppressions dont lui et ses gens
s'étaient rendus les auteurs (4).
Au siège mémorable de Vézelay se trouvaient parmi
les assiégés, notamment, les chevaliers du Boulet
(Boulay), de Lascngne, de Bezancourt, et le gendre de
Barbezieux, François des Barres, seigneur de Neufvi-
Banegon (5). Si Sansac n'eut pas de ménagements pour
(1) DuHALLE. T. i««', p. 120. — CouRTALON. Topographie, l. i",
\K 123'.
(2) Breyer. Mémoires
(3) A. 17.
(4) Cl. IIattox. P. 560.
(5) Neufvi-Hanegon, à cinq kilomètres de Moulins (Ailier). Dans
le vol. IX, p. 272, note 2c de V Histoire de^ Français, par Henri
Martin, on lit : « Kien ne fit autant de bruit que les exploits de la
chAtelaine de Hanej^on, jeune veuve, qui défendit intrépidement,
contre les catholiques, son manoir des montagnes de TAuvergnc.
Les caUioliques, contre leur ordinaire, traitèrent assea courtoise-
45G9 CHAPITRE XIX. 635
les protestants, il n'en aurait pas été de même de la part
de Barbezieux qui craignait pour son gendre. Avec ces
deux officiers supérieurs de l'armée royale, se trouvaient
aussi du Chatelet de Thaon et Anne de Yaudrey, bailli
de Troyes, ayant titre de maréchaux de camp (1).
Selon Hatlon, du Boulay, Lascagne, de Bezancourt et
François des Barres, c étaient de grands et insignes vo-
leurs de grands chemins et passages. > Us étendaient
leurs brigandages à douze ou quinze lieues de Vézelay,
faisaient des prisonniers, les conduisaient dans cette ville
et les mettaient à rançon. Ils venaient jusqu'aux portes
de la ville, à Bréviandes, où ils se saisirent de plusieurs
riches marchands de Troyes qu'ili> mirent à rançon.
Le revenu des biens des absents est toujours confis-
qué. Vers la fin de novembre, le maire, les échevins et le
procureur du roi, pressent le paiement, entre les mains
du receveur du donfiaine, de la somme de 1,300 livres à
prendre sur les biens des protestants absents.
Les affaires de finance sont l'objet de la préoccupa-
tion générale. Les catholiques sont en faveur, par con-
séquent le clergé. Celui-ci profite de la circonstance pour
se faire décharger de toutes levées de deniers. La ville
est frappée d'une taxe de 15,000 livres, à titre de don,
en faveur du roi. Celte somme n'a pu être réunie entière-
ment. Le collecteur, CUiude Dizy, est retenu prisonnier à
Châlons, parce qu'il nianque à cette somme celle de
1,298 livres. Le Conseil adresse au roi des remontrances
sur les privilèges excessifs accordés au clergé. Il est
proposé de convoquer une assemblée générale pour re-
nient ceUe héroïne. {La PopcUnière, 2e partie, f* 150.) Il y a de
curieux détails sur cet épisode dans les Annales d'Auvergne, no de
septembre et octobre 1839, publiées à Clcrmonl-Fcrrand. — Cette
jeune veuve n*est autre que Charlotte de La Rochefoucault, fille de
Charles do La Rochefoucault de Harbezieux, lieutenant au gouver-
nement de Champagne.
[i) Lettre de Sansac au roi, du 24 décembre 15^.
636 IlISTOmK DK TIIOYKS. 1500
partir cette somme de 15,000 livres. Les lettres accor-
dées au clergé, sont considérées t comme subreptices
et obtenues par imporlunité. > Le Conseil craint qu'en
faisant une nouvelle assemblée générale, il y ait danger
que < le peuple, qui se trouve grandement chargé et qui
est pauvre, ne s'émeuve et qu'on ne puisse réprimer ce
qui en pourrait advenir, parce qu'il y a apparence que
ceux du clergé soient exempts des charges publi-
ques (1). » Le Conseil appuie ses remontrances au roi
sur ce que ce sont les plus riches et les plus opulents,
ceux qui n'ont rien perdu par suilc des troubles, ceux
dont les biens sont situés dans l'enceinte de la ville et
qui ont toujours conservé leurs personnes et leurs biens,
qui sont dispensés de supporter les charges pu-
bliques. »
Ces plaintes sont d'autant plus fondées que la ville
esl endeltéc de 40,000 liv. t., et, pour couvrir cette dette,
résultat des troubles et de luttes armées, le roi autorise
le Conseil à établir « taille et impôt de cette somme,
sur tous et un chacun des habitants de quelque qualité cl
condition qu'ils soient, et à lever cette somme, dans le
cours (le trois années, par égales [)ortions, |)our éteindre
cette grosse detlo i2). »
Fn 15G9, Nicolas Dorigny établit une tannerie dans
la cour Bouvin (luudu Temple). L'éclievinage en or-
donne la su[>prcssion lîV), on exécution des anciens rùglo-
nients.
L'année 15G!) se passa à guerroyer outre Loire. Après
cette campagne, l'inniral de Coligny revint on Bour-
gogne et en Champagne, afin de se joindre aux nouvelles
troupes ({ue le prince d'Orange et autres seigneurs de-
(I) A. 17.
{2) F. "237, 238, 239, 210 ot 2il .
(3) A. A. 41c carton, Ire liasse.
i5fi5 CHAPITRE XIX. 637
vaient lui amener d'Allemagne, se porter ensuite vers
Paris et y tenter de nouveau le sort des armes (1).
En février 1570, les reîtrcs sont aux portes de Troyes.
Us sont logés dans les faubourgs. Pour empêcher le
pillage, les habitants et le clergé leur donnent des den-
rées et môme de Targent (2).
Les courses des soldats huguenots de Vézelay conti-
nuent aux environs do Troyes. En mars, ils font prison-
niers des laboureurs et des marchands. Ils ont arrêté
Nicolas de Corbcron, Pantaléon le Cornuat et Lespinette
(Pinette), chefs de maison de commerce, revenant de
Dijon. Les chevaliers du Boulay et deLascagne les con-
duisent à Vézelay. La ville s'engage à leur donner « aide,
confort et assistance. ]> Elle demande au roi leur élargis-
sement. En mai, un autre commerçant faillit être pris
dans le faubourg Croncels. En ce moment, M. de Barbe-
zieux parait sourd aux plaintes des catholiques et ne ré-
pond point aux requêtes qui lui sont adressées contre les
huguenots. La ville s'adresse à M. de Guise. Puis elle
prie, par son Conseil, M. de Barbezieux, afin de faire obs-
tacles aux courses des huguenots de Vézelay, qui vien-
nent piller jusque sous les murs de la ville, de distri-
buer sa compagnie de cinquante gentilshommes dans les
places d'Ervy, de St-Florentin et autres lieux situés aux
avenues de Vézelay, de La Charité, d'Auxerre et autres
villes occupées par les protestants (3). De son côté, le
Conseil prend ses mesures contre ces fourrageurs. Il
forme une compagnie avec les habitants, qui, à cheval,
devra parcourir les environs (4).
Le 10 juin, Villeneuve-rArchevêque est pris par les
soldats huguenots de Vézelay. Ils font des prisonniers
(1) Castelnau. êîémoires, p. 249.
(2) Sémillard. t. lor.
(3; A. 17.
(4) SÉMII.rARD.
638 HISTOIRE DE TROYES. 1570
qu*ils rançonnent à haut prix. Sur ce fait, le Conseil de
ville fait monter Tartillerie sur les remparts. Le 22, il
ordonne que les ponts-Ievis seront levés pendant la
messe, les dimanches et jours de fêtes, et pendant que
les portiers prendront leur repas. A partir du 25, la
garde de la ville devient encore plus sévère (I). Quelques
jours après, on apprend que Tarmée royale s'approche (2) .
Le règlement du 25 juin, dressé dans une assemblée,
porte qu'il sera fait recherche des personnes suspectes
de la nouvelle opinion. — Il est défendu aux huguenots
de sortir de leurs maisons, à quelque heure que ce soit.
— Ils seront servis, « domesliquemenl, » par des servi-
teurs et servantes qui leur seront donnés. — Tous
étrangers, vagabonds et gens sans aveu, sortiront de la
ville, sans délai, t sur peine d'être pendus et étranglés,
sans autre figure de procès. » — Recherche est ordonnée
des blés, avoines et vivres. — Chaque ménage est tenu
de faire provision de blés et de vivres pour trois mois, à
peine de prison. — Mandement est expédié dans tout le
bailliage pour faire apporter en ville les blés et autres
vivres, afin de les mettre à l'abri de l'ennemi, et ce, sur
peine du feu. — Quant aux faits de guerre, il est ordonné
que l'artillerie et les munitions de guerre seront visitées
et inventoriées, et qu'il sera fait provision d'oulils et
d'engins nécessaires aux travaux de terrassement et des
fortifications.
Dans les premiers jours d'août, les rcîtres, comman-
dés par Wolrad de Mansfred, qui a succédé au duc de
Deux-Ponts, sont dans les environs de Troyes, courant
et ravageant la campagne. Le 12 août, dans une assem-
blée, on essaie de prendre les moyens nécessaires pour
arrêter ces courses des reîtres, aux environs de la ville.
(i) P. ier.
(2) SÉMILLARl».
1570 CHAPITRE XIX. 639
et des troupes royales dans d'autres parties de la contrée.
Wolrad de Mansfred inspire la plus grande terreur. Il est
surnommé Mâchefer, Il a la réputation de manger tous
les jours, à son déjeûner, une salade de clous de char-
rette. Cette énorniité n'a rien qui doive surprendre,
quand on se rappelle celles qui circulaient pendant la
guerre de 1870 et pendant des troubles beaucoup plus
modernes et plus rapprochés de nous.
Les troupes royales, sous le commandement du maré-
chal de Cossé-Brissac, sont réunies près de Moret. C'eût
été grande joie, si celte armée eût été dissoute dans ce
iieu, car le maréchal n'eût pas eu à la conduire du côté
de Vertus, et elle n'aurait pas tait subir de grandes
pertes aux villes et pays de Montereau, de Sens, Bray,
Traînel, Nogent, Pont, Provins, Villenauxe et Sê-
2anne (1).
La gendarmerie, qui était dans la ville de Sens et sur
la rivière de Seine, traversa cette rivière à Bray, à
logent et à Pont, ainsi que par les ports et passages
situés entre ces villes et se dirigea vers la Brie, les 6, 7,
S et 9 août. Le maréchal se logea à Provins et y sé-
journa quatre jours. Il y fut défrayé par les habitants.
Puis il vint camper, avec ses troupes, près de Yillenauxe-
la-Grande, composa avec les habitants et ceux de Cha-
Jautre, sur le prix d'une rançon, et ces deux localités
évitèrent ainsi le pillage. Pendant que l'armée était près
de Villenauxe, les commissaires aux vivres vinrent à
Troyes, chercher cent muids de blé fournis par une
contribution levée en nature sur les habitants (2).
D'Hermé, rartillerie fut conduite en partie a Nogent,
tandis qu'une autre vint camper au hameau des Vi-
gneaux, commune de Barbuise. Dans les mêmes jours,
(1) Cl. Hatton. p. 599.
(2) A. il.
640 HISTOIHB DE TKOYES. 1570
rarniral de Goligny était campé proche de la ville de
Troyes (1 ).
De Villenauxe, le maréchal de Cossé-Brissac conduisit
ses troupes vers Sézanne, où il séjourna six jours, puis
il se dirigea sur Vertus, et là il la contjédia. Les alle-
mands, les reîtres el les suisses prirent le chemin de
Châlons, et les français rentrèrent dans leurs foyers. Les
compagnies entretenues furent envoyées prendre gar-
nison dans les villes frontières de Picardie et de Lor-
raine. Le reste de Tartillerie, ramené à Nogent avec ce
qui s'y trouvait déjà, fut conduit, par eau, à Paris (2).
Une nouvelle paix est signée à St-Germain-en-Laye,
le 8 août 1570. Le passé est oublié, la religion catho-
lique rétablie partout où elle a été suspendue. La liberté
de conscience est implicitement accordée par tout le
royaume. Le libre exercice de la religion « dite reformée»
est octroyé à toute personne ayant haute justice ou plein
fief de haubert, savoir : dans le principal domicile, que
le maître fût présent ou absent, et dans les autres mai-
sons, en sa présence seulement; le tout, tant pour te
seigneur que pour sa famille, ses sujets « et autres qui
y voudroient aller. » Les simples feudataires ont le môme
droit |)our eux, leur faniille et dix de leurs amis au plus.
L'exercice du cuUe réformé est maintenu dans les villes
où il se trouvait établi le l^r août 1570, et concédé Jdds
les faubourgs de deux villes de chacun des grands gou-
vernements de France. Ne doit élre faite aucune distinc-
tion, |)our cause de religion, dans les universités, écoles,
hôpitaux, maladreries et aumùnes publiques. * Ceux de
la religion » sont déclarés capables de remplir toutes les
charges royales, seigneuriales et municipales, el doivent
élre remis en possession de leurs otïîces.
(! A. 17.
"2 i'.i . IIatton. 3/t*m<)!rM, p. 51)0.
«571 CHAPITRE XIX. Mi
Cette paix donna satisfaction à la reine-mère qui au-
rait fait de plus larges concessions, si les protestants
eussent été plus exigeants. Coligny, alors chef de son
parti, était fatigué de la guerre et des désordres qui sont
la suite de ces luttes abominables.
Dans le cours de Tannée 1570, le calme aurait à peu
près été complet à Trêves. Néanmoins, en janvier, Nicolas
de St-Aubin est nommé contre-garde de la monnaie par
le maire et les échevins, en remplacement de Denis Lebé,
absent pour cause de religion depuis plus de deux
ans (1). En mai, on constate Tabsence de Claude de
Marisy, seigneur de Valentigny, de sa femme Ambroise
Pithou (2), de Denis, de Noël et de Robert Lebé, et de la
famille de Pierre Nevelet. Le Conseil de ville fait louer
leurs maisons au profit de la cause, par les officiers du
roi (3). Les Pithou ne sont pas à Troyes.
A peine est-il question de paix que le maire, les éche-
vins, le clergé et les officiers de justice font de nouvelles
démarches près des cardinaux de Lorraine et de Guise,
afin d'empêcher rétablissement d'un prêche dans la ville
ou dans les faubourgs.
Quoique Tédit ait donné des libertés aux protestants,
ceux de Meaux, de Troyes et de Sens se décident diffici-
lement à retourner à leurs domiciles. Les catholiques
gardent toujours et avec soin leâ portes de leurs villes.
Ce n'est qu'après la déclaration royale de janvier 1571,
ordonnant à tous les Français de mettre bas les armes,
que- la sécurité renaît dans les esprits et que les réformés
rentrent dans leurs anciennes demeures.
(1) A. 17.
(2) Ambroise Pitliou, femme de Claude de Marisy. tient, dans les
biographies de La France protestante, une place des (dus honora-
bles. Elle y est mentionnée comme femme d'un caractère énergicpje
et sup|K)rtant les pers«*culions et l'exil over le plus {^rand coura^re.
(3} A. 17.
III. Ui
648 HlSTOmB DK TROYBS. 1571
Véaselay conBerve l'exercice du culte réformé; maie
trop éloignée de la Brie et de la Champagne, les protes-
tants de Provins, de Meaux, Nogent, Troyes, Pont,
Séianne et autres villes de ces deux provinces, obtien-
nent, en vertu de Tarticle 8 de Tédit du 8 août, Tautori-
sation d'établir un prêche dans les faubourgs de Ville-
nauxe-la-6rande. Mais, comme le mandement royal ne
porte que Villenauxe, le bailli ne veut consentir à son
exécution, objectant que ce lieu doit être ViUenauxe-la-
Petite (canton de Bray-sur-Seine). Cette difTiculté empé^
cha l'établissement du prêche autorisé.
TABLE
i>u
(inAPîTBE Xllf (de septembre ^435 nu 22 juillet 4461 ). i
Chapitbe XIV (de juillet 4464 à septembre 4483) 74
Chapîtbe XV (de septembre 4483 à janvier 4515) 463
Chapitre XVI (de janvier 4545 à 4536) 283
Chapitbe XVII ( de 1536 au 40 juillet 4559) .^63
Chapitbe XVIII (du 40 Juillet 4 559 à janvier 4 563 (v. st.) 454
Chahtre XIX (de janvier 4 563 (v.st.) ùjuillct 4570) .. 563
THOYES. — TYP. BCRTn\ND-ilO.
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