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Full text of "Histoire de l'empire ottoman depuis 1792 jusqu'en 1844"

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^^^ 

^^^^>=^^^'^^ 



HISTOIRE 



L'EMPIRE OTTOMAN. 



Imprimerie de Guiraudbt et Jouaust, 
rue Saint-HoDorc ,315. 



fflSTOltfE 



DR 



L'EMPIRE OTTOMAN 



DEPUIS 1792 JUSQU'EN 1844, 



PAa 



E.E l|oi< JUCHBBBAU DE 8*-DBI«YS, 

MARÉCHAL DE CAMP, MINISTRE DE FRANCE EN GRÈCE EN L'ANNÉE 18:28, 
ANCIEN DIRECTEUR DV GÉNIE MILITAIRE DE L'EMPIRB OTTOMAN. 



TOME I. 




PARIS. 



AU COMPTOIR DES IMPRIMEURS-UNIS, 

QUAI MALÀQUAIS, IS. 
1844 



AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS. 



/MO 



L^auteur de V Histoire de f empire ottoman depuis 
1792 jusqt^en 1844 a publie en 1819 le Tableau 
historique des révolutions de Constantinople en 
1 807 «H 808, dans lesquelles ont péri les sultans 
Selim III et Moustapba IV, et le grand -visir 
Moustapba-Baïraclar^ révolutions qui furent le 
dernier triomphe des janissaires. 

Cet écrit, qui renfermait en- outre des rensei- 
gnements importants sur la Turquie, obtint un 
remarquable succès ; les publimstes de cette épo^ 
que en rendirent un compte très avantageux. Il 
fut lu avec un vif intérêt dans toute FEurope. On 
Tadmit à Vienne et à Saint-Pétersbourg comme 
un ouvrage classique , pour Tinstruction de ceux 
que des fonctions diplomatiques et consulaires 
appelaient dans le Levant. Les négociants qui 
avaient des relations commerciales ^d Turquie 
y puisèrent d'utiles renseignements. 

M. le comte deSégur, qui, pendant son ambas- 
sade en Russie sous le règne de Catherine II , 
avait étudié sérieusement la Turquie et avait ac- 
quis des connaissances profondes sur cet empire^ 



— VI — 

fit sur récrit de BI. Juchereau deS^ * it-Denys un 
rapport très favorable à F Académie française. 
Appréciant Pimportance des événements et le 
style élégant de Tauteur, il disait que le récit 
historique des [révolutions de Constantinople en 
4807 et 1808 avait le mérite d'intéresser et dln- 
struire comme une histoire bien écrite, et de 
plaire comme un excellent roman. 

Le comte de Hauterîve, qui avait fait un long sé- 
jour en Turquie lors de Tambassade deM. le comte 
de Choiseul-Gouffier, et qui, après avoir long- 
temps dirigé les affaires politiques au ministère 
des affaires étrangères à Paris , est mort en 1830, 
directeur des chancelleries de ce département 
ministériel , faisait un grand cas de cet ouvrage, 
et avait coutume de dire qini était non seule- 
ment le meilleur, mais encore le seul bon livre 
qu^on eût publié jusque alors sur Fempîre ot- 
toman. 

Encouragés par ces suffrages honorables et par 
l'accueil européen que cet écrit a obtenu, nous 
avons cru que le nouvel ouvrage de M. le général 
baron Juchereau de Saint-Denys que nous pu- 
blions aujourd'hui n'obtiendrait pas moins de 
succès : car, outre le récit, déjà publié, des ré- 
volutions de Constantinople en 1807 et 1808, il 
contient Thistoire complète de l-empîre ottoman 
depuis 1792 jusqu'à nos jours. 

Les renseignements statistiques très inté- 
ressants qui étaient épars et disséminés dans 



— vil — 

V Histoire des révolutions de Constaniinopïe en 1 807 
et 1808 sont réunis en un seul tout dans ce nouvel 
ouvrage, avec des corrections et de nombreuses 
additions, nécessitées par les changements qui 
se sont accomplis tout récemment dans l'admi- 
nistration et les institutions de cet empire. Ils 
composent, sous le titre àeStaUstitfuede Vempire 
otiomanj la première partie de cet ouvrage. 

Le récit liistorique se termine par des obser- 
vations sur les moyens que Fauteur regarde 
comme les plus convenables pour faire dispa- 
raître les institutions vicieuses et les abus suc- 
cessivement introduits qui sont la principale cause 
de la décadence progressive de Fempire ottoman, 
et pour opérer les modiGcations importantes qui 
seules peuvent assurer la conservation de son 
indépendance politique. 

Le sujet de ce livre touche , comme on le voit , 
aux destinées futures de TEurope et au repos du 
monde : cVst un motif de plus pour qu^il fixe 
l'attention du public européen. 



PRÉFACE. 



Les pays qui composent l'empire ottoman, étant placés aa centre 
de l'ancien monde, entre l'Europe^ l'Asie et l'Afrique, ont fixé 
dans tous les temps l'attention générale, tls jouissaient des avan- 
tages de la civilisation tandis que l'Europe occidentale était plon« 
gce dans l'ignorance'et la barbarie. On voyait dans la partie euro- 
péenne la Thrace, dont, les habitants avaient fait de grands 
progrès dans l'agriculture et dans les arts mécaniques ; la Macé- 
doine et la Thessalie , qui , profitant d'un climat doux et d'un soi 
très fertile , avaient perfectionné la culture des terres , ainsi que 
l'éducation des chevaux et des autres animaux domestiques; la 
Grèce^ qui, par ses connaissances étendues et variées dans la lit- 
térature , les sciences y les arts libéraux et le commerce , était 
devenue l'institutrice des nations. 

On remarquait dans i' Asie-Mineure des colonies florissantes 
fondées par les Grecs près du littoral maritime , et des royaumes 
nombreux et puissants, tels que la Fhrygie, la Galalie^ la By- 
thinie , la Lydie, la Carie , le Pont , la Gilicie et la Gappadoce. 

Le grand bassin de l'Euphrate, dont les habitants avaient pré- 
cédé les autres nations dans les arts de la civilisation , avait ren- 
fermé dans son sein , dès la plus haute antiquité , les royaumes 
d'Arménie , d'Assyrie , de Médie et de Babylonie. 

La Syrie , appuyée sur les deux versants du mont Liban , conte- 
nait des états florissants et prospères , et des villes industrieuses 
et manufacturières , entre autres Tyr et Sidon , qui dans leurs 
relations commerciales embrassaient tout le bassin de la Médi- 
terranée^ traversaient le détroit de Gibraltar^ et allaient opé- 



rer des échanges avec TEspagne , les Gaules et les Iles Britanni- 
ques.' 

L'Egypte, dont la parlie inférieure , q.Qi est la plus considéra- 
ble , doit sa naissance , ses progrès et sa grande fertilité aux al- 
lumions du Nil , était déjà civilisée et instruite dans les arts et les 
sciences lorsque la Grèce elle-même n'était qu'an pays barbare. 
Limités et retenus dans le bassin du Nil, ses habitants^ devenus 
trop nombreux et travaillant par conséquent à très bas prix, 
avaient construit des monuments considérables qoi^ par leurs 
grandes dimensions , excitèrent dans tous les temps Tétonnement 
et l'admiration des hommes. Mais , devenus les sujets d'une dy- 
nastie grecque , ils ne portèrent plus leur activité vers ces con- 
structions monumentales y sortirent de leurs limites^ et devinrent 
conquérants. — La Syrie fut alors soumise à l'autorité souveraine 
des Plolomées. 

Les Romains I en étendant leur domination sur tous ces pays, 
avjiient donné un plus grand développement à leur activité et à 
leurs progrès dans les arts et la civilisation. — A l'exception des 
provinces qui con^sent le bassin de l'Euphrale , et qui^ après de 
grandes révolutions, étalent devenues le théâtre de guerres de- 
structives entre les Romains et les Parthes , tous les pays que nous 
tenons de nommer se trouvaient dans une position florissante et 
prospère lorsque les Arabes y portèrent le joug de l'islamisme. 

Les arts de la civilisation se retirèrent devant le nouveau culte, 
qui faisait consister les plus importantes des connaissances hu- 
maines dans l'étude de VAtcoran. Quel affreux malheur affligea 
la race humaine lorsque le fanatique Omar ordonna la destruc- 
tion de la bibliothèque d'Alexandrie, ce recueil immense de 
tous les écrits et de toutes les découvertes de l'antiquité ! ! 

L'ardeur des premiers sectateurs du mahométisme avait favorisé 
leurs conquêtes , et avait fait tomber sous le joug des califes la 
Syrie, la Perse , tout le bassin de l'Euphrate, l'Egypte, les pro- 
vinces septentrionales de l'Afrique , et l'Espagne. Mais ce fana- 
tisme religieux ne tarda pas long-temps à s'affaiblir. — L'empire 
romain d'Orient résista et sauva sa domination politique en Eu- 
rope et dans une grande partie de TAsie-Mineure ^ les chrétiens 
espagnols commencèrent leur lutte, longue et glorieuse , oontre 
les Arabes j et finirent par les expulser de leur péninsule $ les Fran- 



— XI — 

,eai<} , commandés par Charles Marlel , avaient vainca et extermi- 
né dans une seule bataille la grande armée mabomélane qui avait 
entrepris la conquête des Gaules. 

li est assez probable que , battus et repoussés de toutes parts , et 
divisés entre eux par les prélenlions rivales des califes de diverses 
origines^ les Arabes auraient uni par perdre leurs premières 
conquêtes et par rétrograder vers la péninsule arabique^ berceau 
de leur existence, si les Tures, d^origine tartare, qui avaient em- 
brassé l'islamisme, ne les avaient remplacés dans leurs posses 
sions. 

Profilant de la dégénération et de la faiblesse des chrétiens d'O- 
rient, dits Romains, les Turcs seljoucides et les Turcs ottomans 
réussirent à s'étendre dans l'Asie-Mineure et en Europe , et à de- 
venir maîtres de Gonstantinople. 

L'agrandissement extraordinaire et rapide de l'empire ottoman 
est dû aux qualités guerrières et au carçictère énergique et entre- 
prenant des dix premiers empereurs de cette dynastie souveraine, 
ainsi qu'aux institutions militaires de ce peuple conquérant. 

Mais les qualités belliqueuses des sultans ottomans s'altérèrent 
et furent remplacés, à. dater de Mahomet 111, par la langueur 
née des plaisirs du sérail et des vices de l'oisiveté. Les institutions 
pailitaires reçurent à cette même époque de grandes altérations. 

Les armées turques , après avoir été^ suivant le dire du géné- 
ral comte Montecuculli , les plus instruites et les mieux discipli- 
nées de l'Europe, avaient fini par figurer au nombre des plus mau- 
vaises milices européennes , parce que , restant stationnaires, elles 
avaient négligé de prendre part aux progrès modernes dans la 
science de la guerre et dans les nouveaux systèmes d'organisation 
militaire. 

Les Janissaires , créés au commencement de la monarchie otto- 
mane , avaient été la principale cause des succès de leur nation. 
Leur gloire militaire avait augmenté leur influence sur le peu- 
ple. Ils avaient été utiles à l'autorité des monarques régnants, 
aussi long-temps qu'obéissant aux lois d'une discipline sévère , ils 
n'avaient vu dans leurs souverains que des généraux valeureux , 
marchant à la tête de leurs armées. Mais ces sentiments favorables 
s'étaient affaiblis avec le relâchement successif de la discipline mi- 
litaire , et surtout avec le mépris que leur inspiraient des monar- 



ÎII — X 

ques dégénérés , renfermés dans leur sérail. Mécontents ci indocU 
les , ils avaient fini par devenir les Instruments des factions. 

Les magistrats chargés de l'interprétation des lois et de l'admi- 
nistration de la justice ^ et les prêtres de toutes classes , faisant le 
service religieux dans les mosquées , avaient , dans les commence- 
ments, des fonctions distinctes , et formaient deux corps séparés. 
Mais, réunis sous la direction suprême du scheick-islam ou grand 
muphti , ces fonctionnaires ont fini par composer le corps des ou- 
lémas. Jaloux des ministres , et mécontents de leur souverain 
lorsqu'il refuse d'avoir une entière déférence pour leurs représen- 
tations , les oulémas sont devenus un obstacle à la marche du 
gouvernement ottoman et aux progrès de la civilisation. Ils ont été 
long-temps appuyés par les janissaires, qui croyaient avoir besoin 
de leur sanction religieuse. Ils exercent actuellement une grande 
inOuence sur les Osmanlis , fraction dominante de la population 
de l'empire. 

Les insurrections des janissaires contre l'autorité souveraine ont 
été assez fréquentes depuis le commencement du 17* siècle. Elles 
produisirent la fin tragique d'un très grand nombre de yisirs et 
de membres du divan ottoman; elles causèrent , en 1621 , la mort 
du jeune sultan Osman II.— Le sultan Moustapha I*% le sultan 
Mahomet IV, le sultan Moustapha II , le sultan Ahmet III, furent 
détrônés par les janissaires après avoir abandonné à leurs fureurs 
sanguinaires les principaux agents de leur autorité. 

La rébellion de 1730, qui porta Mahmoud I*' sur le trône, 
laissa pendant plusieurs mois la direction de l'exercice du pouvoir 
suprême entre les mains de Patrona Galil et des autres chefs de la 
révolte. Les rebelles ne furent comprimés que par l'indignation 
publique, qu'avaient excitée au plus haut degré leurs horribles 
excès, dont les oulémas eux-mêmes avaient éprouvé les effets. 

Les défaites nombreuses éprouvées par les armées ottomanes 
dans le cours du 18* siècle avaient faU sentir au sultan Mousta- 
pha m la nécessité indispensable d'assimiler les troupes ottoma- 
nes aux troupes européennes, et d'adopter les nouveaux change- 
ments opérés dans le matériel et l'instruction des armées. 

Le sultan Sélim III , fils du sultan Moustapha III , exécuta les 
intentions de son père. Profitant de quelques circonstances favo- 
rables, il était parvenu à créer le corps des nizam-gedittes , 



— Xlïl — 

qui farent armés comme les soldats européens , et qui reçarent la 
même instruclion militaire. 

Mais les janissaires , qui avaient été contenus avec peine pen- 
dant quelques années par un ' grand muphti , ami du sultan 
Sélim III , se révoltèrent en 1807, déposèrent le monarque no- 
▼ateur, et exigèrent l'abolition des nizam-gedittes. 

Reprenant les projets réformateurs du sultan Sélim III, qu'il 
avait voulu rétablir sur le trône , le grande visir Moustapha- 
Baïractar 6t créer par le sultan Mahmoud II, en 1808, le corps 
régulier des seymanis. Mais cette nouvelle tentative n'eut pas de 
succès. Les janissaires obtinrent un nouveau triomphe ; Moustapha* 
Baîractar périt et les seymanis disparurent. 

I/invasion de l'Egypte par une armée française en 1798 avait 
contraint la Porte à se jeter entre les bras de l'Angleterre , de 
la Russie et de l'Autriche , et à déclarer la guerre & la France. 
On regarda alors l'armée française comme perdue ; elle venait de 
Toir périr la flotte qui l'avait portée en Egypte ; elle avait à com- 
battre les forces réunies de l'Angleterre et de la Turquie ; les 
anciens maîtres du pays , les Mamelouks , vaincus et rejetés an 
delà des cataractes du Nil , pouvaient reprendre l'offensive et re- 
devenir formidables. Mais le chef de cette armée^ Bonaparte, 
sat trouver dans son génie les moyens de défendre et de conserver 
sa conquête , et même de l'améliorer par un excellent système 
d'administration. Convaincu que l'offensive est préférable lors- 
qu'on doit agir militairement contre des troupes mal instruites 
et peu aguerries , il osa marcher au devant de Tarmée ottomane 
qui devait déboucher de la Syrie. Il battit et dispersa les corps 
tares qui se trouvaient dans la Palestine , balaya complètement le 
mont Thabor et la partie méridionale de l'Anti-Liban , et arriva 
jusqu'à Saint-Jean-d'Acre, qu'il investit. —-Celte place importante 
serait tombée entre ses mains s'il avait eu à sa disposition des 
pièces de grosse artillerie pour battre en brèche les murailles. Il 
aurait su probablement proléger l'Egypte contre toutes les alla. 
ques, comme il fit à Aboukir en détruisant, à son retour de la Syrie, 
des troupes ottomanes qui , sous la protection d'une escadre an- 
glaise , avaient débarqué sur les rivages de cette rade , voisin e 
d'Alexandrie. 

Klëberi son successeur, imita son exemple et adopta son systê- 



— XIV — 

me de défense. — Mais Menou, qui remplaça Kléber par le droit' 
d'ancienneté , après l'assassinat de l'habile yainquenr d^Héliopolis, 
montra les lenteurs et les indécisions d'un chef militaire sans ac- 
tivité et sans talents. L'Egypte , conquise en 1798 , fut enlevée à lai 
France en 1 80t par une armée anglo-ottomane. 

Après le rétablissement de la paix en 1801 entre la France et 
la Turquie , la Porte ottomane resta sous l'influence de l'Angle- 
terre et de la Russie , avec quf elle avait contracté des alliances 
pendant l'expédition française d'Egypte. Cette influence avait em- 
pêché le gouvernement turc de reconnaître Napoléon comme em- 
pereur des Français lorsqu'il posa cette couronne sur sa tête vie* 
iorieuse. 

Mais la campagne de 1805 en Allemagne et le gain de la ba- 
taille d'Austerlitz par les Français avaient changé les dispositions 
politiques du divan ottoman. — Une ambassade solennelle fat en- 
voyée par lui à Paris pour féliciter Napoléon sur son avènement 
au trône impérial de France. 

Le général Sébastian! , qui avait rempli avec succès , en 1802, 
des missions importantes dans le Levant^ fut choisi en 1806 pour 
représenter auprès de la Subi me- Porte le nouvel empereur des 
Français. — Ses instructions avaient pour but de rompre l'alliance 
politique qui venait d'être renouvelée entre la Porte et la Hussie. 

Prévoyant qu'en faisant changer les hospodars de Valachie et de 
Moldavie, dont la Porte était mécontente, il parviendrait à obtenir 
le résultat qu'il désirait , il réussit à obtenir leur destitution. 

Vivement irrité , le gouvernement russe rompit à l'instant avec 
le divan ottoman , et , sans plainte préalable et sans déclaration 
de guerre , fit envahir par ses armées la Valachie et la Moldavie. 

La guerre ayant éclaté entre ces deux puissances voisines , l'An- 
gleterre chercha à rétablir la paix. Mais la voie des négociations 
ne lui parut pas suffisante ; elle envoya une flotte assez considé- 
rable, qui eut l'ordre de forcer le passage des Dardanelles et de 
mouiller devant le sérail de Gonstantinople. Cette entreprise auda- 
cieuse n'eut aucun succès. 

Ayant échoué devant Constantinople , les Anglais se rendirent 
immédiatement en Egypte , où la trahison leur livra la ville 
d'Alexandrie. — Mais, battues à Rosette par les palicares albanais 
de Méhémet-AIi ; les troupes anglaises durent capituler et renon 



— XV — 

t&ïrent à leur projet de conquérir l'Egypte. — Apres ces deux agrès* 
siens non motivées , la Porte se Til obligée de déclarer la guerre 
à P Angleterre. Cependant cette guerre^ dont les intérêts politiques 
de la Russie aiTait élé le seul motif , ne convenait ni à la Turquie ni 
à la Grande-Bretagne. On éfita de part et d'autre des attaques et des 
représailles ; la paix fut rétablie quinze mois après la rupture* 

Les hostililés commencées avec les Russes en 1806 avaient été 
interrompues par les révolutions arrivées à Constantinople en 1 807 
«t 1808 , et par les événements delà guerre terminée dans le nord 
do l'Allemagne par le traité de Tilsit. Un armistice eiigé par ce 
traité devait être employé à des négociations pour rétablir des 
relations amicales entre la Porte et la Russie. — Mais les négocia- 
teurs ne s'entendirent pas ; Napoléon cessa de montrer un intérêt 
protecteur en faveur des Turcs , les hostilités furent reprises en 
1809. Elles furent d'abord conduites avec peu d'activité^ mais le 
général Kaminsky leur imprima une forte et rapide impulsion 
dans la campagne de 1810. — Cependant les succès de cette cam<- 
pagne furent variés : vainqueurs à Routscbmik et A la grande ba-» 
taille de Battyn, les Russes furent r^oussés devant Silistria el 
Cbioumla, 

Kulusef , successeur de Kaminsky, eut de grandes difficultés à 
yalncredans sa campagne de 1811 avec une armée dont le départ 
^ àe trois divisions envoyées «n Pologne avait considérablement af^ 
iaiibli l'effectif. — Obligé de se tenir sur la défensive au nord du 
Danube , il prit des dispositions très sages» — Observant les moan 
vements de ses adversaires^ il profita on homme habile de leurs 
fautes stratègiquos pour les vaincre et les soumettre aux conditions 
d'une paix qui humilia la Turquie et contribua beaucoup à sauver 
l'empire russe de la raine dont lo menaçait alors une armée de 
400000 hommes , commandée par l'empereur Napoléon, 

N'ayant pas été appelée k coopérer aux délibérations du congrès 
de Vienne , la Porte devint étrangère à cette époque aux opérai 
Itons politiques du reste de l'Europe , et resta pendant cinq ans 
dans un tranquille isolement. Mais son repos fut interrompu en( 
1820 par une guerre contre Ali-Pacha de Janina , et en 1821 par 
l'insurrection des Grecs. ? 

Ali , le plus avide et le plus tyranntque des hommes , avait 
amassé une fortune confidérable qui donnait ombrage à son sou-> 



— XVI — 

Teraifi , et excitait Tavidité des ministres de la Porte. -— Il avait 
mérité plusieurs fois la mort par sa conduite criminelle ; mais ses 
richesses furent la principale cause de sa condamnation. — Actif, 
astucieux et plein de valeur , le pacha de Janin« résista long-temps 
aux forces nombreuses qui l'entouraient , et chercha à produire 
une grande diversion en sa faveur en excitant et en encourageant 
l'insurrection des Grecs. —Mais, abandonné par ses partisans et 
par ses propres fils , il tomt» et périt par le glaive des bourreaux. 

Les entreprises insurrectionnelles des Grecs n'eurent aucun 
succès en Yalachie, en Moldavie, en Bulgarie et en Macédoine , 
parce qu'elles étaient sans ensemble et décousues, et n'avaient au- 
cun appui. Mais les habitants de l'ancienne Grèce, plus unis, plus 
nombreux que les musulmans dans leurs provinces, et favorisés par 
les chaînes montucuses qui sillonnent la surface de leur pays^ surent 
se défendre, vaincre et repousser leurs adversaires. 

L'histoire des nations n'offre rien de plus digne d'admiration que 
la conduite des Hellènes depuis 1821 jusqu'en 1824. — N'ayant 
pour eux que leur valeur inébranlable et leur dévoûment patrioti- 
que , dépouillés presque entièrement de ressources financières , ne 
payant les équipages de leurs bâtiments armés que par des cotisa- 
tions volontaires de quelques riches propriétaires des lies d'Hydra, 
de Spetzia et d'Ipsara , on les vit attaquer, ruiner et exterminer 
plusieurs armées ottomanes envoyées pour les remettre sous le 
joug delà Porte, et combattre audacieusement des flottes turques, 
les détruire en partie par leurs brûlots , et finir par les obliger à 
rentrer dans le détroit des Dardanelles pour se placer sous la pro- 
tection des châteaux. 

Les produits des emprunts contractés à Londres en 1824 , et les 
dons généreux des philhellènes de l'£urope, loin de leur procurer 
les avantages qu'on devait attendre de ces secours, excitèrent 
parmi les Grecs l'amour de l'argent, affaiblirent l'ardeur de leur 
patriotisme , et produirent des divisions intestines. — Ils auraient 
fini par être vaincus et subjugués par les troupes égyptiennes, si 
les trois principales puissances de l'Europe, la France, l'An- 
gleterre et la Russie, ne s'étaient entendues pour les sauver du 
danger d'une complète extermination. 

La nouvelle guerre entre la Russie et la Sublime-Porte^ en 1828 
et 1829, assura et accéléra leur délivrance. 



— xvn — . 

On vil le»Tur€s, darant celle guerre, monirer dans la campagne 
de 1828 noe valeur digne des plus beaux temps de leur histoire ; 
mais dans celle de 1829 leur courage disparut. — La terreur pa« 
nique excitée parmi eux par le passage des armées russes à travers 
les Balkans , el par la marche rapide et les succès nombreux des 
troupes ennemies , paralysa tous leurs moyens de défense. Andri« 
nople se rendit sans coup férir. Conslantinople allait peut-être su- 
bir le même sort , si la paix , signée le 14 septembre 1829, n'avait 
mis un terme à la lutte entre la Porte et la Russie. 

Durant les guerres de l'insurrection de la Grèce, le sort politi- 
que de la Servie avait obtenu des résultats décisifs. — LesServiens, 
après avoir couru les plus grands dangers dans une lutte longue 
et glorieuse, ont fini par obtenir leur indépendance , et par former» 
sous la protection de la Porte , une principauté distincte , gouver- 
née héréditairement par une dynastie de leur choix. 

Ce fut également durant la guerre entre les Grecs et les Otto- 
mans que la milice des janissaires , plus dégénérée que jamais , et 
toujours insubordonnée et factieuse , reçut enfin , en 1826 , le châ- 
timent qu'elle méritait. Vaincus par les efforts réunis des autres 
corps militaires et des habitants de Conslantinople, et abandon- 
nés par les oulémas , qui avaient à se plaindre de leurs excès et de 
leurs outrages, les janissaires furent abolis. 

Quoique gouvernés avec sagesse et modération par leur prési- 
dent Capo d'Istria , les Qrecs s'étaient abandonnés de nouveau aux 
désordres de l'anarchie. Le chef de leur gouvernement avait été 
assassiné. 

Il fallut songer à donner à ces peuples remuants un gouverne- 
ment plus concentré et plus énergique que celui qui les avait régis 
jusque alors. On les soumit au régime monarchique , mais on leur 
donna pour roi un prince trop jeune pour gouverner par lui- 
même. Cette nation, qui sort à peine de l'état de captivité, et 
qui , depuis son insurrection , a été constamment agitée par des 
désordres anarchiques , n'est pas encore arrivée à l'état de calme 
et de soumission qui seul peut assurer son bonheur et sa prospé- 
rité. 

Méhémet-Ali , pacha d'Egypte , avait été long-temps pour le di- 
van ottoman un objet d'égards et de prédilection. On s'était servi 
de ses troupes nouvellement organisées et disciplinées à l'euro- 



— xvin — 

l^èenne 'pour combattre et asservir les Grecs. On arait augmenté 
«a puissance en ajoutant IMIe de Candie à ses domaines. 

Mais Ces faveurs avaient augmenté les dispositions ambitieuses 
€e ce pacha , devenu riche et puissant par l'amélioration de la 
culture des terres en Egypte, par la formation d*un grand nombre 
d'établissements industriels , et par les profits d'un commerce flo* 
rissant concentré dans ses mains. — Il se trouvait trop à l'étroit 
dans les limites de l'Egypte ^ et convoitait la Syrie. 

Malgré les représentations de la Porte , il osa, en 1832 , porter 
la guerre dans la Syrie méridionale , et s'empara de Saint-Jean- 
d'Acre. 

Furieux contre cette entreprise , exécutée avec succès malgré 
ses ordres , le sultan Mahmoud fit marcher des troupes contre ce 
pacha devenu rebelle. Mais les armées ottomanes furent successî-* 
vement vaincues à Homs , à Damas, à Alep et à Deylam. La Syrie 
tout entière passa sous le gouvernement de Méhémet-Ali. 

Non content de cette brillante conquête , le pacha d'Egypte or- 
donna à son fils Ibrahim-Pacha d'entrer dans l'Asie-Minenre avec 
ses troupes victorieuses. Le pachalik d'Adana fut promptemént 
parcouru et envahi ; les Egyptiens entrèrent à Konieh ou Ico- 
ntum. 

Une grande armée futjpromptement rassemblée à Kutaya , et 
marcha , sous les ordres du grand-visir Reschid-Pacha , contre les 
troupes égyptiennes. La bataille d'Iconium fut gagnée par Ibra- 
him ; le grand-visir Reschid tomba entre ses mains. — Loin de se 
lever en masse en faveur du monarque ottoman , les populations 
de l'Asie-Mineure se montrèrent indifférentes. Le sort de la dy- 
nastie ottomane paraissait compromis. — Obligé de se soumettre 
h la nécessité , le sultan Mahmoud consentit à céder à Méhémet* 
Ali la Syrie entière et le pachalik d'Adana. 

Les succès de Méhémet-Ali accrurent son avidité ambitieuse. 
Non content de ses nouvelles acquisitions , il demanda à être re- 
connu comme prince indépendant. Mais, combattu dans cette 
prétention exagérée par toutes les puissances de l'Europe, il exigea 
que la Porte reconnût comme héréditaires dans sa famille tous 
les gouvernemenls qui se trouvaient alors soumis à soir autorité 
directe. Cette demande irrita ad plus haut degré le sultan Mah- 
moud. Il consentait à donner à Méhcmet-Ali et à ses descendants 



— XIX — 

îe gonTernemeni de l'Egyple. Mais il exigeait , pour cette faveiir 
extraordinaire 9 que la Syrie entière, le pachalik d'Adana, et Tlie 
de Candie , lui fassent rendus. 

Cette demande parut sage à plusieurs des principaux cabinets de 
l'Europe. Mais Méhémet-Ali se montrait inflexible dans ses pro* 
positions. La guerre devenait inévitable entre le sultan Mahmoud 
et son puissant vassal. Elle pouvait allumer une conflagration gé- 
nérale en Europe , parce que la Russie , dans son nouveau traité 
de Hnnkiar-Skelessi y s'était engagée à protéger la Porte ottomane 
contre tous ses ennemis intérieure et extérieurs. 

Malgré les démarches des ambassadeurs européens , qui tous , à 
l'exception de celui d'Angleterre , voulaient sincèrement la paix ^ 
la guerre recommença dans la Haute-Asie entre les Turcs et les 
Egyptiens. Le sultan Mahmoud avait donné l'ordre, à Tinsu de ses 
ministres y au chef de sa grande armée réunie dans le voisinage de 
l'Ëuphrate , de passer ce fleuve à Bir, et d'envahir >e territorre ap- 
partenant à Méhémet-Ali. — La bataille de Nézib fut la consé- 
quence immédiate de ce mouvement agressif. Elle fut perdue pftr 
les Ottomans. 

Mais ce fut à cette même époque que , ruiné depuis long-temps 
par une maladie de langueur qui avait été causée par l'usage im- 
modéré des liqueurs alcooliques , le sultan Mahmoud finit sa car- 
rière active sans avoir pu terminer son ouvrage de réforme , et 
laissa à son fils aîné Abdul-Medgid son trône chancelant et l'obli- 
gation de continuer le régime d'innovations régénératrices qu'il 
avait adopté. 

Au lieu d'un congrès que proposait le prince de Metternich y des 
conférences furent établies à Londres pour terminer la question 
d'Orient. L'Angleterre, la Prusse, l'Autriche, la France et la Russie, 
prirent part à ces conférences. La Porte fut invitée à y envoyer un 
représentant. 

La France et la Russie se déclarèrent d'abord pour que la Syrie, 
réunie à l'Egyple , fût gouvernée héréditairement par Méhémet- 
Ali et sa famille. Les autres puissances furent d*un avis contraire. 

Le cabinet de Saint-Pétersbourg ne (arda pas à changer sa réso* 
lutîon. — La France se trouva isolée ; cependant elle tint ferme et 
persista dans l'opinion qu'elle avait émise. < 

Comme la question des affaires d'Orient offrait des difficultés 



— ÏX — 

que la force seale poaTaii faire disparallre , on résolut de mettre 
Ba à celte longae et épinease négociation. — La Russie, la Grande- 
Bretagne, l'Autriche et la Prusse, s'entendirent et signèrent à Lon« 
dres, sans la participation de la France, le traité du 15 juillet 
1840 , qui devait enlever à Méhémet-Âli le pachalik d'Adana , l'Ile 
de Candie et la Syrie entière, moins une partie méridionale de 
eette contrée. 

Méhémet-Ali refusa de se soumettre à la décision prise dans les 
conférences de Londres. Cependant il n'avait adopte aucun plan 
défensif ni aucune disposition particulière pour mettre en état de 
défense contre des flottes et des armées européennes les villes ma- 
ritimes de la Syrie. 

Attaquée par une flotte anglaise de plusieurs vaisseaux de ligne ,^ 
et par 8000 hommes de débarquement, la place maritime de Bey- 
routh se défendit mal. Sa garnison , qui ne s'était pas opposée au 
débarquement des troupes ennemies sur la plage voisine , resta in- 
active pendant près d'un mois. Le manque absolu de vivres la 
força alors à abandonner la place. 

Tortose , Seyd, Tyr et Tripoli , se soumirent à la première som- 
mation. La place importante de Saint-Jean-d'Acre , sur laquelle 
Méhémet-Ali avait fondé ses plus chères espérances , fut aban- 
donnée par ses défenseurs après un bombardement et une ca- 
nonnade de trois heures et demie. 

Pressés de terminer promptement la guerre d'Orient à cause de 
l'approche de la mauvaise saison, les Anglais se portèrent devant 
Aleiandrie avec une flotte redoutable vers la fin de novembre. Le 
Commodore Napier, chef de celte armée navale , S''empressa d'en- 
trer en négociation. Son langage, sa franchise, ses menaces mêlées 
d'éloges de la conduite de Méhémet-Ali , produisirent un grand 
effet sur l'esprit de ce pacha, que ses revers dans la Syrie, et sur- 
tout la chute subite de Saint- Jean-d'Acre, avaient complètement 
démoralisé. 

La paix fut conclue en un jour. — Méhémet-Ali consentit à éva- 
cuer toute la Syrie, le pachalik d'Adana et l'ile de Candie, et à 
rendre l'escadre ottomane , dont il était devenu maître par la tra- 
hison du capitan-pacha, sous la seule condition que r£gypte reste- 
rait à lui et à ses descendants avec le titre de gouvernement héré- 
ditaire. 



— Kl — 

La Syrie rentra sous la domination de la Porte ; mais ce fut poor 
être livrée aux horreurs de l'anarchie. — Les améliorations com- 
mencées s'arrêtèrent ; son commerce maritime et son commerce 
avec rinde et la Perse par les caravanes furent complètement pa- 
ralysés. 

Une fermentation générale et un sourd mécontentement conti- 
nuèrent à agiter les popul&tions chrétiennes de la Turquie. Elles 
s'insurgèrent de nouveau en plusieurs endroits dans le courant de 
l'année 1841 . <-> Mais leur mouvement , fait sans ensemble et non 
appuyé, s'arrêta ; les grandes puissances médiatrices intervinrent; 
le calme fut rétabli. 

Mais ce calme , qui s'est prolongé jusqu'à présent , n'est que 
temporaire. Les causes qui ont produit le mouvement insurrec- 
tionnel des rayas continuent à exister. — Les désordres recom- 
menceront, et finiront par avoir des résultats funestes, si la Porte, 
à qui la cause du mal n'er t pas inconnue , n'adopte pas , avec l'at. 
sistance de ses alliés , les remèdes que nous avons indiqués dans les 
deux derniers chapitres de cet ouvrage. 

Napoléon^ dont le puissant génie embrassait la plus grande par- 
tie des connaissances humaines, et qui était en même temps grand 
général , Judicieux appréciateur des besoins des peuples sous les 
rapports de la législation et de leurs intérêts politiques et com- 
merciaux , et se montrait également ami éclairé des sciences, des 
arts et de la littérature , avait coutume de dire que tout ouvrage 
historique un peu important doit être précédé du tableau statis- 
tique du pays. 

Ce grand homme en a donné un exemple dans le récit de ses 
mmortelles campagnes d'Italie , qu'il a dicté durant son exil à 
Sainte-Hélène. — Ce récit est précédé d'un tableau statistique de 
la configuration physique et de l'état réel des provinces italiennes 
qui avaient été le thé&tre de la guerre. 

Nous avons cru devoir suivre les préceptes de Napoléon , et nous 
avons fait précéder notre histoire de la Turquie par un tableau 
raisonné et détaillé de toutes les provinces qui appartiennent à cet 
empire , en y comprenant la Grèce, qui en a été récemment déta- 
chée. 

Ce tableau statistique nnus a paru d'autant plus nécessaire que 
toutes les provinces ottomanes, tant en Europe qu'en Asie , sont 



— XXII — ' 

gcfiéralemenl peu connues. — Les renseignements dont nous nous 
sommes servi ont été puisés aux meilleures sources. 

On parviendra toujours , dans les ouvrages historiques y à faire 
n^ieux apprécier l'état réel des nations en adoptant le principe de 
marier leur histoire avec leur statistique. 

De nombreux ouvrages ont été publiés sur l'empire ottoman. 
Mais plusieurs des écrivains qui se sont occupés de ce pays ont 
chercjié plutôt à voir des restes de monuments , et à établir des 
.conj<u:tures sur les événements des siècles reculés par l'examen des 
débris échappés à l'action du temps et aux ravages des guerres de 
la barbarie , qu'à faire de l'histoire proprement dite. 

L'ambassadeur anglais Porter a fourni , dans sop Tableau hii-- 
torique de V empire oUoman , des renseignements précieux et très 
intéressants pour l'époque où il a écrit, Marsigli nous a f^it con- 
naître l'organisation des armées ottomanes dans le temps de leur 
gloire et avant le commencement de leur décadence. 

Nous connaissons par les écrits de l'abbé Toderini l'état réel de 
la littérature turque dans le M* siècle. 

Le savant ouvrage du chevalier d'Ohson contient un tableau 
exact des institutions religieuses et civiles qui régissent cet em- 
pire. 

Knolles a publié dans la première moitié du 18' siècle une his- 
toire de Turquie , dont le célèbre critique Samuel Johnson a fait 
un grand éloge dans son Rambler, 

L'abbé Mignot , qui a écrit plusieurs ouvrages historiques, a cru 
devoir porter son attention sur les Turcs, Mais son histoire de ce 
peuple guerrier , écrite par un homme qui n'avait jamais mis le 
pied sur les terres ottomanes , se ressent de l'ignorance de l'écri- 
vain sur l'état physique de ce pays et sur les mœurs et les disposi- 
tions des peuples qui l'habitent. 

Le comte de Salaberry a livré au public en 1813 son histoire des 
l'empire ottoman. Ëîle yaut mieux que celle de l'abbé Mignot , 
parce que cet écrivain, ayant fait le voyage de Goifstantinople , 
avait acquis sur les lieux des renseignements utiles, et avait pu rec- 
tifier ou perfectionner dans son ouvrage les documents qu'il ayait 
obtenus. 

Eaton et Thornton , écrivains anglais , ont présenté dans leurs 
écrits , publiés au cgmmencement de ce siècle , des renseignements 



— XXIII rsr* 

jamineox sur les cvénemenls de cette époque et sur la position 
réelle de l'empire turc. 

Un savant orientaliste, M. Hammer, vient de pnbHer un grand 
ouvrage historique sur la Turquie. Son histoire, en 16 vol. in-8*y 
n'embrasse pas les temps actuels et laisse de c6té une grande 
partie de la dernière moitié du 18« siècle. Elle s'arrête au traité 
deKainardgi^ signé en 1774 entre la Russie et la Sublime-Porte. 
Ecrit d'après les historiens turcs , l'ouvrage de M. Hammer ne 
peut manquer d'exciter la curiosité et d'être lu avec un vif intérêt. 
Mais les auteurs orientaux dont il s'est servi voient l'histoire d'une 
manière bien difTérente que les Européens. Leurs récits histori- 
ques ressemblent beaucoup aux contes orientaux des Mille et une 
nuiti. On n'y trouve aucune réflexion profonde ni aucune idée phi- 
losophique. Les renseignements scientiGques et statistiques qui 
embellissent et perfectionnent l'histoire leur sont entièrement in- 
connus. 

Nous avons cherché, dans notre ouvrage historique, lequel, com- 
mençant à l'époque du traité de Tassy, embrasse les cinquante- 
deux dernières années , à concilier les intérêts de la vérité avec les 
progrès que l'histoire, qui est la branche la plus importante de la 
littérature moderne , a faits depuis environ un siècle. Repoussant 
toutes les fausses idées et les préjugés fondés sur des préventions 
religieuses et nationales , nous avons présenté le pays , les hom- 
mes et les événements, dans toute la simplicité de la vérité et avec 
rexactitudc d'un examen impartial et philosophique. 

Nous avons rempli notre tâche en conscience ; nous espérons que 
le public nous en saura gré. 



ru DE LA PRÉFAGF* 



HISTOIRE 



DB 



L'EMPIRE OTTOMAN. 

STATISTIQUE GÉNÉRALE. 

i«|Jortû. 

méotsnvMe yliywlqiae e< poIUlone. 



TURQUIE D'EUROPE. 

Ck>nfigaration physique. 

La Turquie d'Europe, qui est baignée sur les trois 
quarts de sa eirconfërenee par la mer Noire , la mer de 
TArchipel , l'Adriatique et la Méditerranée, s'appuie au 
nord sur le bassin du Danube. Elle présente sur sa sur- 
face un réseau de hautes montagnes avec leurs ramifi- 
cations. 

Lés points culminants d'où partent toutes les chaînes 
4e montagnes de la Turquie d'Europe sont au 42^ de- 
gré de latitude nord, et entre les 21 « et 22« degrés de 
longitude à l'est de Paris. Ils étaient connus autrefois 
MUS les noms de Scardus, Orbeius et Scomins, et sont 
I. 1 



désignés actaellement par tes Turcs sous les dénomina- 
tions de Schartagh , d'Egrisu et de Dub'nitza; leur di- 
rection moyenne est de l'ouest à l'est. 

Trois chaînes partent de ces points culminants , dont 
le Scardus est le plus élevé. 

La première, qui se dbtingue sous le nom de mont 
Hémus ou grands Balkans, a la même direction que les 
monts Scardus, Orbelus et Scomius, et peut être con- 
sidérée comme leur prolongement du côté de la mer 
Noire, où cette ehatne se termine pa^* une hauteur con- 
sidérable qui forme le cap Eminé. 

La seconde, qui sort du mont Scardus, le plus occiden- 
tal et le plus élevé des trois points culminants, se dirige 
vers le nord-ouest, sépare la Bosnie de laDalmatie,et va 
se réunir, en s'abaissant , avec les Alpes de la Garniole. 
Cette même chaîne , se protonge^nt v«rs le sud*sud-est, 
prend les noms de Pinde, de Parnasse, d'Hélicon et de 
Githéron, et s'arrête au cap Sunium et à l'isthme de Co- 
rinthe. Elle sépare l'Albanie, l'Epire, l'Acarnanie et la 
Phocide,de la Macédoine, delà Thessalie, de la Béotie 
et de l'Attique. 

La troisième chaîne , qui se détache du Scomius , le 
plus oriental des trois points culminants, se porte du 
c6té du nord, vers Orsova, où elle se réunirait à un ccmr 
tre-fort des monts Krapacks (Garpathes) de la TraosyN 
yanie si le Oaniube, précipitant ses eaux dans ce défilé 
extrêmement étroit, n'avait mis un obstacle à la jonotiom 
de ces deux lignes montueuses. Il parait qu'avant de 
parvenir k s'ouvrir un passage par la brèche d'Orsava, 
le Danube inondait la Basse-Hongrie et y formait ^ _ 
vaste lac, dimt les traces se rencontrent encore dans tes 
terrains marécageux au sud de Séguedin. 
Des mêmes sommets du ScftHuii» pp vpit s'élanoer 



~8 ~ 

v«ra \é Md«est le ttMMit Rbedope <m Dè8poto-Dagh\ qfA 
twvwse la Tbraee méridionale, et qui , ayant de se ter- 
miner sons le nom turc de Tekir-Dagh, près des rivages 
de la nver de Marmara , entre Ganos et Bodosto , est 
eonpé dans le défilé étroit de Tempyra, près de Thermo^ 
fitsa et de Trajanopolis, par la Maritza, qui porte dans lé 
golfe d'Enos et dans la mer Egée toutes les eaux dn bas-» 
sin de la Thrace. 
- Ayant Touyerture de ta brèche du Bliodope, près dis 
Trajanop^is,1e bassin de la Maritza dey ait être couverl 
d'eau. Andrinople est situé au point central où se réunis? 
sent à ce fleuye la Tundgia (Tunkils), quiyientdu 
nord; l'Arda (Harpesns), qui sort de l'ouest, et la Erkent 
(Ai^inus), qui vient de l'est. 

: Les Standche^Dagk ou petits Balkans , qni se déta« 
theiit des Grands Balkans près de l'extrémité orientale 
de cette dernière chaîne, longent la mer Noire du nord 
au sud jusqu'à rentrée du Bosphore, et bordent, à l'est, 
le:bassin de la Thrace. 

Les autres chaînons cft eontre^forts qui se détachent 
des ehatnes principales que nous venons 4e nommer 
sont : 

l» Les monts Pangéens^ si célèbres autrefois parleurs 
mini» d'argent; ils sortent du Bhodope; hauts et 
escarpés, ils ne latent pour la route de Gonstantinopla 
à Saiooique qu'un passage étroit près de la Gavalle et des 
rivages de la mer Egée ; 

2<» Les monts Ghalcidiens, qui, partant du Bhodope, 
ferment , eirtre Salonique et le gc^fe de Gontessâ , la 
presqu'île Ghalcidique, laquelle se termine à son extré- 
mité sud-est par deux larges baies , qui sont la baie de 
Cassandre et celle du mont Athos ; 

â^ La chaîne qui, sortant du PInde/dè temiine au 

1. 



— 4 ~ 

fliant Olympe et sépare la Macédoine de laTheMalie; 

A^ Le mont Ôthrys (Goora Youna), qui, se détachant 
da Pinde, coupe laThesâalie en deux provinces: la prei- 
miére est la Thessalie proprement dite, qui se compose 
en grande partie du bassin du Pénée ; la seconde est la 
vallée de l'Hellada ou Spercbius, qui s'appuie au sud sur 
le mont OEta. 

Le mont Othrys est la limite actuelle entre la Thessa- 
lie et le nouveau royaume de Grèce. Il était avec le 
mont Œta le rempart de Tancienne Grèce. Les Thermo* 
pyles terminent cette dernière chaîne près de la mer. 

Le mont Pélion et le mont Ossa, qui font partie de la 
aième^ chaîne et qui sont des contre-forts du mont 
Othrys, poussent le long de la mer des ramifications au 
nord et au sud, tant dans la Macédoine et la Thessalie 
que dans la Grèce. Ils ne présentent des ouvertures plus 
ou moins larges qu'à l'embouchure des cours d'eau qui 
les traversent. 

Le PInde, à qui les géographes modernes ont donné 
le nom de chaîne grecque ^ étant arrivé sur le territoire 
de l'ancienne Grèce, prend successivement les noms de 
Parnasse, de Githéron et d'Hélicon. Les ramifications de 
cette dernière montagne sont , à l'est, dans l'Attique, le 
mont Hymète, le mont Pantélique, le mont Parnète, et, 
à l'ouest, le massif montueux de la Mégaride. 

Ce massif s'arrête d'une manière abrupte à la terre 
basse qui, sous le nom d'isthme de Gorinthe, unit la 
Grèce avec la Morée (ancien Péloponèse). 

Le Parnasse et l'Hélicon séparent la Phocide (actuel- 

lement province de Salone) de la Livadie. Le Othéron, 

qui est situé au nord de l'Attique et au sud du canton de 

Thèbes, se prolonge jusqu'au cap Marathon. 

Le mont Parnète et le mont Pantélique s'élèvent dans 



— 6 — 

la partie orientale de TÀttique^ près du golfe d'Egripôi 
(Eripe), qui sépare la Grèce de l'Ile de Négrepont (aatre- 
fois Eubée). 

L'Ile Eubée se compose d'une chaîne calcaire depea 
de hantenr qui , sous le nom de montiEcba, est parallèle 
à la ligne du Parnasse et de l'Hélicon. 

Dans la partie occidentale de la Turquie d'Europe, 
Ters la mer Adriatique, les contre^forts de la chatne cen- 
trale sont plus éleyës et plus rapides que ceux de l'autre 
eôtë, et forment entre eux les yallëes âpres, difficileSt 
étroites et tortueuses, de l'Acamànie, de l'Albanie et dé 
l!£pire. Les plus remarquables de ces contre-forts sont : 
i^ le Monténégro, qui sépare l'Albanie de la Dalmatie; 
29 les Acrocérauniens , ou monts de la Chimère ; leurs 
aommets, entourés constamment de nuages, sont le se* 
jour favori des tempêtes, et leurs rivages escarpés^ bat* 
tus par des courants rapides, ont été dans tous les temps 
la terreur des navigateurs (1). Les monts Acrocérau- 
niens séparent l'Epire de l'Albanie. 

L'isthme de Gorinthe^ qui unit l'Attique et la Héga* 
ride à la Morée, est une terre généralement basse et ar- 
gilo-calcaire. 

Le roi Dëmétrius,. et après lui. les empereurs Néron 
et Trajan, avaient entrepris de couper cette langue 
de terre par un canal qui aurait réuni le golfe d'Athè- 
nes à celui de Corinthe; mais on ne voit que quel- 
ques fûbles traces des travaux de canalisation qui, 
commencés à ces époques éloignées, n'ont plu» été 
repris. On aperçoit à peine les vestiges de la muraille 
défensive qui était destinée à couvrir le Péloponèse con- 
tre les incursions des montagnards du Parnasse et du 



(I) Infâmes seopirios aerocenania. (Hmagb.) 



— 6 — 

fiflMle,^^ et GC^re les irruplîiHis des peuplés ûmmxtH 
- La Morée (anciemiement Pélopoiièse) forme nm sysr 
tëme montueux, distinct et tout à fait sëparfrdes chaînes 
qtti paircoiiretit la surface de la Turquie d'Europe. Elle 
préseote l'aspert d*un haut plateau qui s'appuie sur de» 
peutes rapidement inclinées vers la mer et sur cinq, 
grands contrè-forts dont les extrémités forment lesprin- 
eipaux promonloires de cette presqu'île. 

Cas promontoires s<mt : i^ le cap Tomése à l'extré* 
qjiité nord-ouest de la Morée; 2* le cap Sapienza, pris de 
Moden, au sud-anest ; 3« le cap Matapan (aneiennemeiit 
TéBare), au sud; 4^ le cap Saint- An^e^ autrefois MaKe,. 
au sud-est ; 5^ le cap Skillée, qui termine au nord^-est la 
presqu'He de Nauplie, Tis*A-»vis Tlie d'Hydra* 

Les pics les plus hauts des diverses chaînes montueuse» 
de la Turquie d'Europe ont les élévations ciraprès aor. 
desMis du niveau, des mers : 
Alpes Juliennes à l'ouest de la Bosnie: . • 3SS0 «^^ 

Alpes Illyriques. 2390 

LeScardus. ^ ....... \ . 2300 

LeKnde. . . . . 2060 

Le mont Hémus (Grands Balkans). . • 2260 
LementRhodope ........ 2040 

Le mont Olympe (deMaeédoine). ; . . 2000 

Le nsont Parnasse . 1600* 

Le mont Cithéron 1220 

. I^mnntHéliwn . 1«B0 

LemontOthrys. . . 1400^ 

Lemontœta 1600 

; Le mont Ma (lie ^ Candie) ..... 2260 
Les meiBts Krapariis (Carpathes) de la 

Transylvanie 3000 

Le plateau de l'Arcadie (Morée) . • • . J^/^: ' 



^7 — 

Géotogie et Météorologie. 

tes montai^ties de la Tarqnie d'Europe paraissent 
avoir été formées dans le grand cataclysme ou sonlëve- 
ment qai a donné naissance aux Pyrénées d'Espagne, 
à TAtias d'Afrique, aux Apennins d'Italie, aux Carpa*. 
^es de Hongrie , et à d'antres chaînes montueuses du 
eontiéent européen. 

c Les montagnes que nous venons de nommer ont gé- 
Bféridement la même direction et la même composition' 
que celles du système montueux de la Turquie , c'est-i« 
dire une inclinaison générale de l'ouest à l'est pour les 
iines, et du nord au sud pour les autres, avec les super* 
positions de substances semblables sur les crêtes et les 
sommités les plus élevées. 

Les chaînes principales de la Turquie et leurs plus 
hauts contre^forts ont un noyau granitique , avec des 
^perpositions schisteuses et calcaires. 

Elles paraissent avoir contenu autrefois de nombreux 
^Icans, qui ont bouleversé toute la surface du pays, 
et qui sont, presque tous, entièrement éteints. 

' Hais la base souterraine des lies de l'Archipel, et de la 
mer qui les environne, est encore travaillée dé notre 
temps par des feux intérieurs qui causent asse2 fré- 
qliemment des tremblements déterre, et qui , par des 
soulèvements brusques ou successif, donnent de temps 
en temps naissance à de nouvelles lies. 

^ I«'aetiott des anciens volcans est d'autant plus remar- 
quable que dans toute la Grèce on voit beaucoup de 
pies coniques et détachés, ainsi que des traces de grands 
bouleversements. Les couches y sont régulièrement in- 
cHttéOiisv^c Résinasses hétérogènes; Leur inclinaison i 



— »~ 

(dans qaelqiîes points, particulièrement dans les lies 
Ioniennes , est tout à fait perpendiculaire. 

Les affaissements partiels , produits dans les chaînes 
et leurs contre-forts par l'action dqs .volcaiMi»ont servi à 
établir des passages ou moyens de communication entre 
les pays voisins , siparés par des montagnes. 

€e sont probablement des affaissements swiblables ou 
brèches volcaniques qui ont occasionné les ouvertures 
du Bosphore et de l'Hellespont , et la formation du b^js- 
sin de la Propontide. On doit attribuer à la même caste, 
comme l'inspection des localités le démontre, les brè* 
ches ou défilés par lesquels les grands cours d'eau de la 
Turquie se sont ouvert des passages pour arriver à la 
mer: tels sont les défilés du Danube à Orsova; celui de 
la Maritza (Hèbre) à travers la chaîne du Bhodope ; ce« 
lui du mont Ossa, qui sert à l'écoulement du Pénée de 
la ThessayUe dans la mer de l'Archipel. 

Des eaux thermales, et des antres profonds d'où s'é« 
çhappent des vapeurs sulfureuses , sont un autre indice 
de la présence des feux souterrains sous la masse solide 
de la Turquie d'Europe, et sous la base plus facile à 
rompre et à soulever qui porte les eaux de l'Archipel. 

Plusieurs des iles Gyclades ont été agrandies par l'ac- 
tion souterraine de ces feux intérieurs. D'après les rap- 
ports comparés des historiens , treize lies nouvelles ont 
paru, depuis Homère , au dessus de la mer Egée. Deux 
lies anciennes (Chrisé et le Petit-Gameni ) sont rede-. 
scendues sous les eaux. Une nouvelle ile s'exhausse ac- 
tuellement près de l'Ile de Santorin, et ne tardera pas 
long-temps à paraître au dessus des flots. L'Ile Julia^ 
qui s'est montrée il y a quelques années au sud de la 
Sicile et {n-ës des lies de Malte et de la Pantelleria, dé- 
montre que les mêmes feux souterrains qui toormen-* 



tMt ettdtt^htmtf et les lies de rAreUi^ étèMMt léàr 
poissante action sons ia iUetle , sons la Calabre , bo» les 
lies loniemies et sons les eaax qai séparent Tltaiie de 
la Turquie el des rivages de rAfrique* 
- Nous terminerais ces observations géologiques par 
quelques détaib sur la composition des montagnes de la 
Turquie d'Europe. 

Dans les montagnes de la Bosnie » de la Servie et de la 
Bulgarie 9 on voit dominer les plus uciens ealeiArea à 
débris oi^aniques , et quelques grés formés postéHeure- 
ment. Ces calcaires sont ricbes en filons métalliques. 

Les vallées de ces provinces sont remplies de roehers 
descendus des montagnes , et ont pour base un sédimei^ 
argilo-calcaire. Les plaines de la Valaeble et de la MoU 
davie sont couvertes de dépéts semblables, et renfer- 
ment plusieurs bancs de sel ^emme. 

Toutes les collines de la partie orientale et Inférieure 
du bassin du Danube sont formées dtô mêmes ealeatres 
organiques qui dominent dans la Bosnie et la Servie. 
Mais le versant méridional des mêmes monti^gnes est 
couvert de rocbes schisteuses. Celles-ci se montrent sur 
les deux versants des Petits Balkans Jusqu'à peu éi 
distance du Bosphore, où elles sont remplacées perdes 
calcaires coquilliers et par des dépéts volcaniques. 

Ces dépôts calcaires sont antérieurs à ia formation du 
Bosphore , puisque les lies Gyanées et d'autres roehers 
qui se trouvent à l'entrée de ce canal sont composés de 
laves. — Dures à l'action des volcans , ces laves se pro* 
longent de l'autre câté du Bosphore à plusieurs lieues 
sur le sol de l'Asie. —Un affaissement de ces dépôts vol- 
caniques et de la base calcaire sur laquelle ils reposent.a 
produit l'irruption de la mer Noire dans le Bosphore » 
la Propontide, l'Hellespont et rArcbipeU 



— 10 — 

'i hé .mtat Rl9dop«5 le Sctrdiis, le Scômiu et le^ 
Siode présentent dans la Haute*Albanie. et dwt la Ma-^ 
cidoine supérienre des roebes nuaneèeS) des-catoirireS' 
primitifs, ainsi que des porphyres métallifères. 

Le Pinde méridional , le Parnasse, le Gitbéron , THé- 
licod et leors ramifleations immédiates renferment, > 
outre les rochers ci-dessus dénommés, des marbres sta- 
tuaires de la plus belle espèce. 

: Le monts Pangèens de la Macédoine étaient «élèbres< 
dans l'antiquité par la richesse de leurs mines d'argent' 
et de fèr««---Ge)les d'argent, quoique encore abondan^^ 
tes, ont èlé abandonnées à cause des vei^aiions dès* 
agents du fisc ottoman ; mais celles de fer continuent à*-' 
être exploitées, et pourraient être très productives si on" 
employait dans les usines turques les nouveaux procè^^ 
dés de l'industrie métallui^que. 

Les minés d'argent de l'Attique procuraient autrefois 
un grand revenu à la république athénienne, qui les' 
faisait tfavaftler par des esclaves* Elles ont cesséd'ètre ' 
explof I6e9 depuis la soumission de la Grèce à la dorni^ 
nation ottomane» Leur exploitation ne pourra pas être ' 
r^rise par le gouvernement hellénique tant que, par ' 
ledéfitut de population , la main^d'cBuvre restera à un 
prix élevé dans ce nouveau royaume. 

>Ott a découvert des mines considérables de houille 
on charbon de terre dans la ThessaHe et dans la Thrace. 
-^ Ces mines seront d'autant plus utiles qu'elles se treu« 
vent à peu de distance de la mer. — Les machines mé*' - 
caniques qui suppléent à la main-d'œuvre sont pfus ià- ' 
diipensaUes en Turquie que dans les pays4rès peuplés. - 

- Les mines de cuivre sont peu abondantes dans la Tur« -^ 
qute d'Iiurope. Mais elles sont Considérables et très ri*' > 
ches dans l'AsienKineiiK*^ , . . ;. . . * . / . - u 



. tes Çydades, qiri Cdnneiil 110 gccruf^ iQtrciiaire ci» 
milieu de la mer de l'ArcUpel, etlets Sporedas, qui sert 
dissèmioëes prto des rivages naritiineft de ru Turqatat 
d'Europe et de laTarquie d'Asie, dans les prelon^fiMSl» 
^esplus grands contre-forts de leurs qcioiitagnes^ préwst 
tent la même organisation géologique que Ifiê^sgéHiUBom 
montueux dont elles sont une dépendance. Granitiques^^ 
dans leur noyau et sur leurs sommités , elles offrent sw 
leurs flancs de grandes couches scbisteuiqs ou oaleaires. 
Leur plus grande richesse minéralegique conMSte dana 
leurs carrières de marbres statuaires. 

Comme les variations du climat physique d'un pay^t 
dépendent de sa latitude , de réiévaiion desterraîna^aa 
dessus du niveau des mers ^ de la pente gémèrale dan 
terres , de leurs expositionsf loeales, de la direction dca 
montagnes retativeineat aux quatre points eardiimux t 
du voisinage des grandes mers, des vents dominaiys, et 
des degrés relatife de culture et de population r on doit 
en conclure que latempératuredes provinces da ia Imy 
quie d'Europe est très variable, et que leurs produita 
agricoles doivent appartenir , selon les locaBtés, aux 
trois classes des végétations des régions froides, tem-* 
pérées et chaudes» 

Dans le bassin du Danube , la Yalacbie f la M^davieb 
et la Bulgarie, ont une température plus froide qufk 
c^Ue qui devrait correspondre à leur l^itude. Elles |iei 
sont pas abritées contre les venXs dunord^est, quileui^ 
viennent directement des vastes steppes.de la Bi|Bsi^ 
asiatique. 

La Servie et la Bosnie^ qui.sont coipprises ^falement» 
dans le bassin du Danube, sont garanties en partie des:, 
vents froids nord, par les nomblreux contre-fort^^des 
ntonië Krapapks.Mais, plus élevées- qfie les autres ^re^ 



^vinoes an même bassin et iBxposées à ractton immé-r 
dtote des tents qui descendent des Alpes illyriqnes , elles 
■ont plus fréquemment coinrertes de nuages et jouissent 
d'une température plus humide que celles du bassin in-* 
férieurdu^ Danube. Ces provinces produisent beaucoup 
de fourrages et une assez grande quantité de céréales et 
nourrissent de nombreux troupeaux d'animaux dômes** 
tkfues. 

L'Albanie 9 TEpire et l'Acamanie, contrées &pres et 
raontueuses, sont plutôt humides que froides. La haute 
chaîne du Pinde , qui leur sert de limite orientale , ar- 
rête et condense toutes les vapeurs qui leur viennent 
des mers de l'Archipel et de l'Adriatique. Les prairies 
smit abondantes et très productives dans ces provinces; 
mais leur sol, qui contient peu de terres végétales , 
excepté dans le fertile bassin d'Arta, convient peu à la 
e«lture du froment. 

La Macédoine et la Thessalie , couveHes contre les 
vents du nord et contre les froids de la Russie par le 
mont Himus, par le Bhodope, et par les ramifications 
montueuses qui longent le littoral maritime de ces deux 
provinces , jouissent d'une température douce , égale et 
vivifiante. Leur sol , composé de terrassements succès* 
il6 depuis la mer jusqu'aux sommités du Pinde, et en- 
richi par les détritus des montagnes , convient à la cul- 
ture de toutes les plantes des climats tempérés. L'air y 
est constamment pur et^alubre. — Les Macédoniens et 
les Thessaliens ont été et sont encore les plus beaux et 
tesplus belliqueux des Grecs, et les Grecs l'emportent 
en général pour la beauté et la force physique sur toutes 
tes nations européennes. 

La Macédoine et l'Épire produisent beaucoup de cé« 
rèales, possèdent un grand nombre de vignobles , 



— M — 

d'<Aviers et de màrien , et récoltent une quantité cm* 
ndéraUe de coton. 

La Thrace , abritée an nord par le mont Hémns f 
éprouve des froids beaucoup moins rigoureux que cenm 
qui se font sentir dans le basun du Danube. Les Tenta 
du nord-est, qui viennent directement des steppes de la 
Russie asiatique, et qui ne sont que fidUement adoudi 
dans leur température par leur trajet sur ta mer Nwroi 
sont froids pendant rbiver dans toute cette vaste pro- 
vince ; mais une fralcbéur agréable les accompagne pen* 
dant les ebaleurs de Tété. 

Les vMts du nèrd-^uest, qui descendent des Alpes il* 
lyriques et des monts Scardns, Orbelus et Scomins, no 
se font guère seiitir que pendant Tbiver et le printemps^ 
Mais » chargés d'orages , ils ocea^nnenl souvent , du* 
rant ces deux baisons , de violentes tempêtes dans tec 
plaines de la Thrace et dans la mer Noire > et apponent 
beaucoup de neige et dé pluie; 
' La Thrace, dont le sol est naturellement fertile^ pour- 
rait produire une grande quantité de céréales. La vigna 
y vient très bien et donne des vins liquoreux. Maisl'oli» 
vier n'y réussit pas, quoiquecette province ne soitsituée 
qu'entre les 10< et 44« degrés de latHude septentrionale. 
Onne voitd'ôKviers en pleine terre àConstantinople que 
dans les lies des Princes , à deux lieues à Test de cette 
capitale. Un feible bras de mer de de»x lieues de lar* 
geur suttt pour donner à l'air de ces Iles une tempéra-* 
tare convenable à la culture de l'olivier. 

' La Morée , dont le centre est occupé par le haut pla<- 
teauderArcadie, et dont le littoral maritime est dé<* 
coupé par des golfes profonds, j<Hiit d'une tèmpératurt 
toujours douce, qu<dque inégale ; elle est arrosée par dea 
ruisseaux nombseux et alHmd«nts# 



^ SfSTàUèesetsê^plilatè^ b\^û abritées et èwidteeii 
paries terres que les alluvions font descendre des mon^ 
fa^MSf £ctBV'ie»nènt à la ealtore de toutes les plantes 
f ttf»|>ée9iie8, et œèiiié d'une partie des végétaux ^deâ 
Iroprques. . 

-: Cette péninsule ^ qui ie^ bien flaeèe pour entretenir 
des relations commerciales d'une haute Importance , a 
besoin de population et de capitaux pour tira* ^parti des 
nesfisonrces qâe la nature loi a prodigoées« 
- UAttique, la Béoitié , la Livadie /la Hiociâe et l'Élo- 
lie,sont protégées contre les veiits froids par une s^ieifii 
cbatness pardîëles. Maid lein* sol est ^i géoéf al 1res 
ànlérienr à celui de laMacédoine et de la ThesëaUe* Lèn* 
paj^tation » rainée par la jgnerre, est insuffisante am 
travaux agricoles. Lenr manque de capitaux tes èns* 
^ke de .^nper à leur commerce oxtérieur lé dévdlop^ 
}>eairait dont il serait susceptible. 

Les Gyclades et les Sporades jouissent d'une tempéra«i> 
Iwe beaneotip plus douce sous les ràppoi^ts du froid et 
de la <di«leur ^ue les proipineesconltoeotales dé la Tur<4 
quie^ pavice que tous les vents^ y pénètrent sont adou^ 
eto par leur passage sur la mer. M^ ces Iles offinent 
presque partent un sdl pierreux et sec. Cependant, dans 
le fond des vallées et dims les plaines mariiimes, elles 
moslrelittiné force de végétation an moins aussi grande 
que celle dés provinces continenlales de leur voisî'^ 
n»g«* 

L'action puissante du ^leii sur lesisàUès det'Àfriquei 
ocoasionoe jpendant sept à bnit mois de Tannée dans la 
mer Egée, aiâSL que dans les mets de Syrie et d'Ej^pte^^ 
un vent presqueeonstant du nord, du nord-estoudpnord<< 
nui^st. Ces vents , qui se font sentir dans toute la m«r de» 
l'Ârcbipel et même d«ls le canal de l'Bdlespont, aecé^ 



— :ife -=. 

Ita^nt le Voya{]fe des bâtiment» qpii sont àeMliiés pour li 
côte de Syrie oa pour Alexandrie d'Éf^ypte ; mais ils ont 
un effet contraire à l'égard de ceux qui désireiit re^ 
monter le canal des Dardanelles pour se rendre à Gon- 
stantinople ou dans la mer Noire. 

Les vents d'ouest, du nord-ouest et du sod^ouest, 
soufflent très fréquemment dans les mers de la Syrie et 
de l'Egypte. Mais ils se montrent avec violence dans la 
mer de rArcUpel et dans le détroit des Dardanelles pén- 
daM les mois d'hiver. Le vent du 8«d*est (le fatal 
-kbamain du désert) nesoufOe que trèsrareiiieDt; nuitl 
il est malsain et suffocant pendant sa courte durée. 

Le courait venaut de la mer Noire se montre dao» 
toute ta merde l'Arehipel jusqu'au cap Saint^An^sifria 
4ïôte de la Marée , et jusqu'à* l'Ile de Rhodes, prè$ des ri- 
vages de l'Asie^MiDeure. Celai de l'Océan dans la Médfc- 
Aerraoée lopge la ^âte d'Afrique , et agit encore, quoi- 
que très affatMi » i^ur le littoral de l'Egypte et le long df 
J^ Syrie. - ^ 

La plus grande vHesse du courant océanique est d'An 
myriàmètre à l'heure dans le détroit de Gibraltar ; celle 
-du courant de la mer Noire eM de quatre milles uaoli'^ 
^ues à l'heure dans le canal des Dardanelles. 

Les atterrissements produits par les courants sont rer 
marquables dans les fonds de tow les grands golfes de 
Ja Turquie. Les observations faites par le moyen dee 
sondes nous f<mt connaître que les hases de la mer 
JNoire s'exhaussent progressivement et donnent Ueu de 
penser que ce b^aiio maritime finira un jour par se r^nr 
jfUr comme la mer d'Azof ou PaljUS:Méotide. -^ Getif 
dernière mer, qui pouvait être naviguée il y a cent cinr 
quanie ;aM par des navires de 200 tonneaniL , n- ad- 
met plus que desMiim^atf iB«a*iettr9.Ji 100 ioweaox:^ 



— 16 — 
par suite des sédiments pix^ressife de sable et de terre 
amenés par le Don ou Tanaïs à travers les steppes de ia 
Pologne et de la Russie. 



PROVINCES COMPRISES DANS LE BASSIN 
DU DANUBE. 

Le Dannbe (Ister) est le plus grand cours d*eau de la 
Turquie d'Europe. Après avoir traversé laSouabe,la 
Bavière, rAutriche et la Hongrie, ce fleuve entre , par 
le col d'Orsova, sur les terres de l'empire Ottoman, qu'il 
traverse sur une longueur de 60 myriamètres avant de 
se jeter, par plusieurs bouches, dans la mer Noire. 

Avant d'arriver à Orsova, le Danu)»e sert de limite 
septentrionale à la Servie depuis Belgrade jusqu'à la fron* 
tière occidentale de la Yalachie. La Save , qui est son 
pripcipal affluent en Turquie, et qui s'unit à lui an point 
très important de Belgrade , sépare l'Esclavonie autri- 
chienne de la Croatie turque et de la Bosnie. 

Le cours moyen du Danube est de Test à Toaest dans 
la Turquie, puisqu'il entre par 46"* de latitude à Bel- 
grade et Orsova et qu'A en sort par la grande bouche de 
Solina sous une latitude égale. Mais dans ce long espace 
ce fleuve suit une marche tortueuse et fait deux grands 
coudes , l'un du nord au sud depuis Orsova jusqu'à Yi- 
din, et l'autre dans un sens inverse pour se porter de 
Rassova à Galatz. — Resserré entre les Krapacks, le Da- 
nube coule avec une grande rapidité , à raison de 6,000 
mètres à l'heure , depuis Orsova jusqu'au delà de Yi- 
lïin. 

Sa marche se ralentit à Nicopolis; elle est alors de 
4>000 mètres à l'heure jusqu'à la mer. 



— 17 — 

Arexception de qaèlqaes chaînes de collines 5 qui 
sont situées sar le prolon{;ement des contre-forts dei 
grandes clialnes de montagnes , et à l'exception deqnel* 
ques points isolés de relèvement, connus sous le nom 
de Baba-Dagh et de Bach-Tépè , la partie inférieure et 
orientale des deux rives du Danube , dans te voisinage 
de son embouchure, ne présente qu'une surface immense 
de terre marécageuse d'environ 100 lieues carrées. Ces 
terres s'exhaussent annuellement par les inondations et 
par les dépositions sédimenteuses du grand fleuve. Elles 
finiront par former un vaste pays d'allavion comme le 
Delta d'Egypte. 

La bouche de Soulina est le principal débouché du 
Danube. Les autres bouches, qui sont celles de Kilia et 
d'Edriliis ou Saint-Georges, sont d'une navigation plus 
difficile. Elles deviennent quelquefois impraticable8|dans 
la saison des sécheresses. 

Il paraît démontré qu'avant de faire le détour ei*des- 
susmentionné, deBassova Jusqu'à Galatz, le Danube se 
portait directement vers la mer Noire, de l'ouest à l'est, 
et allait déboucher dans la rade de Kustendgé. — Mais 
les ensablements qui ont bouché l'entrée de cet ancien 
canal à Tchemavoda ont obligé le fleuve à prendre sa 
direction actuelle versGalatz, et ont plus que triplé 
dans cette partie de la Turquie l'ancienne longueur de 
son cours primitif. 

Le vaste bassin du Danube, qui est contenu au nord 
par les monts Krapacks de la Transylvanie, au sud par 
les Balkans, à l'ouest par les Alpes illyriques, et à l'est 
parla mer Noire, renferme cinq grandes provinces de 
l'empire Ottoman, à savoir la Yalachie et la Moldavie 
dans sa partie septentrionale ; la Bosnie , la Servie et la 
Bulgarie, dans sa partie méridionale. 

I. 2 



— 1« ~ 

" Nau9 allops prëseoter chacufle dô ces cinq proYitces 
sous les rapports de lear configaratioq physique, de leurs 
.divisions politiques » de leurs institutions, de leur indus- 
trie agricole et manufacturière, de leurs relations com- 
merciales, de leurs revenus .annuels, et des dispositions 
caractéristiques de leurs habitants. 

VALACHIE ET MOLDAVIE. 

Ces piTOvinces, quoique restées sous la souveraineté 
de la Sublime-Porte, s'en trouvent entièrement déta- 
chées sous les rapports physiques et militaires. 

Le Danube leur sert de frontière et de moyon de dé- 
fense contre la Turquie ; mais, traversées du nord au sud 
par des cours d'eau qui viennent des états russes et au- 
trichiens^ elles sont entièrement ouvertes et sans appui 
naturel du cAté de rAutriche et de la Russie. 

La Yalachie , qui est renfermée entre la Transylvanie 
et le Danube, et que le Séreth sépare de la Moldavie, est 
sillonnée du .nord au sud par un grand nombre de ri- 
,vjères qui versent leurs eaux dans le grand fleuve. 

Ces affluents du Danube soiU, en commençant par 
l'ouest, leSkill, l'Àluta, le Dombovitza ou Argis, la 
Yalonmitf a , ie Kalmasou et le Séreth. 

Le. bassin du Skill. forme la Petite-Yalachie. Les villes 
de ce bassin sont Grayova et Orsova. 

Dans le bassin de l'Aluta on voit la ville 4o Slatinaet 
celle de Tourmil sur: le Danube. 

Le bassin de la Dombovitza ou Argis occupe une 
grande partie de la principauté. On y distingue ia ville 
de Bukarest, capitale de toute la Yalachie; celle de Ter- 
govist, au pied du versant méridional des monts Kra- 
packs, et la place de Giurgiova, sorte D&nube, vis--à-vis 
Routschouk. 



^19 — 
teâ Dâces , rinças par Trajan , occupaient aDcienne- 

ment la YalacUe et la MoIdaTie. Passés sous \^ domipar 
tion romaine et mèlës à des colons romains > les babi- 

tanls de ces deux proytnces transdanubiennes prirent la 
langue et les mœurs de l'ancienne Bome. L'empereur 
Caracalla les déclara citoyens romains. Depuis ce temps, 
malgré toutes les révolutions et tous les cbangemepts 
politiques qui ont eu lieu> les Yalaques et les Molda^^es 
n'ant jamais cessé d'être distingués sous le nom de Rou- 
tnouni, ou Romains. Leur langue, leprs .piments, leur 
manière dé se yètir, ressemblent beaucoup à la langpe, 
aux alimenteet aux modes -d'habillement des ancieqs 
-Bomains (1). 

Les Goths, les Huns, lesBulgares, <mt sueceanyement 
trayersé et conquis ces proyinces^ meis sans s'y arrêter. 
Les Yalaques devinrent tributairea des Turcs en 1394, et 
sauvèrent ainsi leur nom , leurs usages et leurs proprié* 
tés. Ayant rejeté la domination turque en 1688 , et s'fr- 
tant mis sous la protection de l'empereur d'Allemagne^ 
qui avait promis de les soutenir, ils furentt lâchement 
abandcmnés, et après le traité de Garlowitz ils se virent 
contraints de rentrer sous l'obéissance dju Crrand<*Sei- 
gneur. La partie occidentale de la Yal^hie jusqu'à l'A- 
louta fut cédée à l' Autriche par le traité dePassarowitz, 
en 1718 ; mais les Autrichiens la perdirent en 1739. 

A l'époque du, même traité de Passarowitz, les Turcs 
prirent l'habitude^ de. choisir les hospodars de Yalachie 
et de Moldavie parmi les prineipales familles grecques 
qui habitent le faubourg nommé le Fanar, dans la ville 



(l}Beiii}coap de moU latins opt été consenrés dans la langue moldaro* 
valaqne. Jncipio se dit incep; mbui, alb; [donUnuSf Demm; «imia, 
massa ; verbum , Terbo; ea^t , cap ; «aiMHîPi TiHpaii niM^f mpi^er. 

2. 



— so- 
dé Gonstantinople. Alexandre Mavrocordato fut le pre« 
mier Grec de cette classe que la Porte choisit pour être 
> bospodar de Yalachie. Il s'était distingué comme négo- 
ciateur en faveur de la Porte au traité de Garlowitz. 

Ces gouyerneurs temporaires , nés à Gonstantinople, 
étaient naturellement disposés par éducation , par habi- 
tude et par intérêt de famille , à respecter et à exécuter 
servilement les ordres du Grand-Seigneur et des minis- 
tres ottomans. Ils étaient y comme tous les pachas, assu- 
jettis chaque année à la chance d'être révoqués ou réélus 
arbitrairement. Mais dans le traité de paix de Yassy la 
Bussie a insisté pour que cette révocation ou cette con- 
firmation annuelle fussent remplacées par la continua- 
tion des fonctions hospodorales entre les mains de la 
même personne pendant sept ans. Si cependant la con- 
duite de ces gouverneurs rendait indispensable leur des- 
titution dorant cet intervalle septennal , il était stipulé, 
dans le même traité, que les changements n'auraient 
lieii qu'avec les consentements réunis de la Russie et de 
la Sublime-Porte. 

Les hospodars actuels ne sont plus choisis parmi les 
Grecs de Gonstantinople , mais parmi les indigènes du 
pays. Leur règne n'est plus restreint à une durée sep- 
tennale. Mais, quoique sans limite dans sa durée, il 
dépend de la volonté des cours de Saint-Pétersbourg et 
de Gonstantinople. Les principaux emplois sont occupés 
par les boyards, qui composent la noblesse du pays. Gette 
noblesse était divisée en trois classes : la première con- 
tenait douze boyards dignitaires de la maison du prince, 
la seconde se composait de dix boyards employés comme 
chefs dans plusieurs branches administratives, etlatroi« 
sième renfermait tous les officiers subalternes dans l'ar- 
mée et dans les administrations. 



— 21 — 

Leg boyards des deux premières classes étaient admis 
dans le divan ou conseil suprène de justice. 

Depuis la nouvelle organisation, un sénat assiste le 
prince dans tout ce qui concerne les intérêts et les de- 
iroirs de l'administration publique* 

Les revenus de la Yalachie consistaient dans la dlme 
des produits des terres et du bétail et dans ceux de la 
capitation. — Dans un pays où le prix des principale» 
denrées était fixé par des ordres du prince, le com- 
merce était sans activité et les douanes rendaient peu de 
chose. 

Au commencement du 19<> siècle la totalité des reve- 
nus légaux de la Sublime-Porte dans la principauté s'é-» 
levait à dix millions de francs. Les dépenses ne montaient 
qu'à 8,SOO,000 francs. — Mais les extorsions du prince 
et de ses subalternes doublaient ordinairement les pro- 
duits des contributions ordinaires. — ^ C'étaient avec tes 
ressources obtenues par les impôts réguliers et par desr 
exactions de toiit genre que le prince payait le tribut 
régulier de la Porte , montant à deux millions de francs, 
qu'il était à même d'adresser tous les ans aux fêtes du 
Seyram, et dans d'autres occasions solennelles, des ca- 
deaux d'une grande valeur à la sultane Validé, au grand 
visir et à tous les ministres ottomans; qu'il faisait face à 
toutes les dépenses publiques, et qu'il se procurait un 
surplus considérable pour s'enrichir et pour enrichir ses 
parents et ses amis. 

C'était par suite de ce système oppresseur que la Ya- 
lachie , si heureusement située , et à qui la nature apro- 
digué ses faveurs, se trouvait et se trouve encore dans 
une profonde misère , et que sur le plus beau sol du 
monde la dépopulation s'accroit tous les jours par des 
émigrations en Autriche et quelquefois en Russie. 



^ 2» — 

Cependant , là serVitude ({tti tteiit dëiis l^à^HSélekéiit 
la plupart des paysans de ftt Pologne, de la Hongrie et- 
de là Russie, n'eliste pas en Valacbie. TonsIeisTalàques 
sront libres, et Ton ne voit de serfs parmi eux que dan# 
cette classe de vagabonds laquelle, rëparidiie dànstoua^ 
les pays, est connue en France sous lé noiti de Bolié* 
ihieiis. Ces Bobémiens sont attacbés Att itervice dén 
boyards* 

La 'Moldavie a perdu plus d'un tte^^ son antienne 
éurfàce. Ce tiers a été enclayè depuis f 813 dAii# les iai^ 
menses domaines de la Russie. 

£a partie montueuse de la Sïoldàvié Vei^s lés monts 
Kf apacitô est couverte de forèls. On y trouvé deà mi- 
Àes abondantes dé sel. lies inisseaui dès montagnes 
ébarriènt avec lésable quélquespaiRettes d'or. On y voit 
an£lsi des sources de réi^ine grasse ou de bitume. 

Le pays plat de la Moldavie eM très fertile, tiéiÉ il est 
^esqfud entfèrenîent inciilte. Lé frooHent y donne , 
cbriÉiné datts lès i]seiH«ujres partiel de là Yalaetiie, Si 
pouï^l , le seigle 30, Forge 60 et lé millet 300. — On y 
tirouvè des forêts entières d'2»rbrés fruitiers, surtout dans 
seë parties mot^euÉreif. 

Les fbrètis eUtrèmémeitt ëpaftlses' dé là HiikôViàe et 
it Eirgûitctte, surleseottfinsdela Bessarabie, étaient 
lé meiHèilr réint^art de là Moldavie contre les Tartates. 
Qes dééx graiides forêts se trouvent- comprises dans la 
partie cédée à la Russie en 1812. 

La fiiiipÀl'f dès Mdldavés'aetuéls^ proviennent des Va* 
laquëS' ëtàbfis dafn^ cette pï*OviDfcé' vers le 12« siècle. 
Une iritiplioû dé Tartafes, ayant dé noiTveau dévasté et 
dSpetUplé ce pays dans lé cours du^ 14« sièfele, une sfe** 
cohdécftlènie de VàlàqUcfti y'^ elitra sous lès ordre* dé 
Bogdanô^^éts^y fia.- C?estdftii*èffTOpirfiicéqueI*Blol- 



— 2» — 

dtofi^ est eomm par l«8 Tores sous te nom do BogJaate, 
Les Bohémiens y ^attachés conmieen Yalachie aux fa- 
milles des barons^ s'occupent prineipalement des tra- 
vaux des mines et des forges de fer. 

Les Turcs ne sont admis dans la Valacbie et la Mol- 
davie que pour motifs de commerce; mais ils ne peu« 
vent y posséder ni maisons ni terres , et ils n'ont pas le- 
droit d'y bâtir des mosquées. 

Les paysans moldaves ne sont pas libres comme ceux 
de la Yalachie : ils sont serfs; mais les seigneurs dont ils- 
dépendent n'ont pas le droit de les punir de mort. On 
ne compte dans toute la Moldavie que trois districts où 
les paysans jouissent de la liberté : ce sont ceux de JCtm* 
pùuUon (Gampo-Longo) , dans le territoire de Soutcbava } 
ieSurantzia^ dans le territoire de Pontna y et de-JTtr* 
ghtsche^ dans le territoire de Faltchi. 
' La mrfrfesse moldave se divise en trois classes comme 
dtts la Yalacliie. Les membres de la première classe 
sont appelés JBaron^; plusieurs d'entre eux font mon* 
ter leur origine jusqu'au temps des Romains. La seconde 
classe , dite des Cotirlenm , possède des villages ou dea 
métairies par le droit dé succession héréditaire. La troK 
nème classe , dite des Calarachers , reçoit du prince dee 
terres avec l'obligation de le suivre à la guerre à leurs 
propres frais. 

. Les Metzechis, qui cultivent leurs champs par^cnc^ 
mêmes ou par des valets à gages, sont agrégés à la no« 
blesse ^ mais ils sont regardés plntét comme des cultiva- 
teurs libres que comme des gentilshommes. 

togdane III soumit la Moldavie à la vassalité des 
Itecs. La famille des Dragozhites» à laquelle ce prince 
appartenait, s'étant éteinte dans son fils Etienne Vf, la 
eoui^onne cessa d'être htoédftaire. Le diolx du prinice 



- 24 — 

étant tombé «Dire les mains des bffir<Mib^ et cein-et ayant 
eu entre eux des disputes sanglantes pendant les élec- 
tions , les Turcs s'emparèrent peu i peu du droit de 
donner des princes à la Moldavie. 

Nous ayons dit plus haut, en parlant de la Yalachie , 
de quelle manière abusive les ministres turcs avaiei^ 
exercé au nom du sultan le droit de choisir les hospo- 
dars de ces deux provinces, et nous avons fait connaître 
les dernières dispositions diplomatiques relatives au 
choix et au système d'administration des nouveaux chefi 
appelés à les gouverner. - 

Un sénat pris parmi les barons moldaves assiste ae* 
tuellemeut le prince dans l'exercice de son pouvoir et 
dans toutes Icfs opérations relatives aux intérêts exté- 
rieurs et intérieurs de la principauté. D'après le système 
judiciaire qui règne en Turquie, l'hospodar, à l'exemple . 
des pachas, se rendait au divan trois fois la semaine pour 
y administrer la justice ; il était assisté par le métropo- 
lite et les barons. — Ce pouvoir judiciaire ne parait guè- 
re compatible avec le privilège souverain de faire grâce 
et de commuer les peines. 

Les revenus publics de la Moldavie ont toujours été 
beaucoup moins considérables que ceux de la Yalachie^ 
Cependant ils auraient pu les égaler et même les sur- 
passer à cause du produit des douanes dans les ports de 
la rive gauche du Danube. Ces ports, se trouvant à peu 
de distance de la mer Noire ^ sur un fleuve profond de 
6 &8 mètres dans cette partie de son cours, pouvaient 
faire un commerce actif et très avantageux. 

Privée d'un tiers de son ancienne surface et de presque 
tous les ports riverains du Danube , la Moldavie est 
beaucoup moins riche et moins importante qu'aupara* 
vaut. Les revenus du gouvernement étaient de cinq 



iBilHons de francs aa commencement de ce siècle ; ils ne 
dépassent pas actuellement quatre millions de la même 
monnaie. Les contributions illégales qui doublaient^ 
Tancien revenu auraient dû cesser d'exister depuis le 
nouveau système de gouvernement. Mais on assure que 
le peuple moldave , malgré son état de détresse, paie 
eneore près de six à sept millions de francs chaque an-* 
I née à son gouvernement hospodoral et aux agents avi- 
i des qu'il emploie. 

D'après les anciens auteurs^ la Moldavie pouvait met- 
tre près de cent mille hommes sur pied. Elle en fournis- 
sait à peine six mille au commencement du siècle actuel. 
Son contingent militaire ne dépasserait pas actuellement 
i 4^000 soldats. 

On donne à la Yalachie une population de 900,000 

âmes. Celle de la Moldavie s'élève à peine à 400,000. 

I La Moldavie y qui, de même que la Yalachie, s'appuie 

I sur la chaîne des monts Erapacks » s'avance bien plus 

I au nord que cette dernière province à cause du coude 

I long de 35 lieues que ces montagnes font du sud au nord 

depuis les environs de Fokchani, près du Séreth, jusqu'à 

Koloméa, vers les sources du Pruth. La Transylvanie 

forme sa frontière à l'ouest , la Podolie l'enveloppe au 

' nord, et la Bessarabie à l'est. 

La surface de la Moldavie contient : !<> le bassin du 

I Séreth, auquel celui de la Moldava se réunit près de la 

' ville de Roman ; le Séreth reçoit en outre, à peu de 

distance dé son embouchure dans le Danube, la rivière 

de Birlat j 2*" le Pruth , qui , né dans les monts Krapacks, 

[ auprès de Koloméa, coule d'abord de l'ouest L'est à au 

. pied de cette chaîne montueuse, sur une longueur de 

I 26 lieues. Il change ensuite son cours dans la direction 



dû nord an sud, et s^avance rajpidement vers le Bannbe, 
avec lequel il fait sa Jonction dans le voisinage de Ga- 
latz. 

Là snrface entière de la Y^Iachie est d'environ 3,000 
lieues carrées ; celle de la Moldavie est de 2,000. 

La ville de Kichenef, située entre le Dniester et le 
Pruthy est la capitale de la partie orientale, qui a été 
cédée à la Russie par le traité de Bukarest , en 1812. 

Le terrain de la Yalachie et de la Moldavie est plat et 
uni vers les bords du Danube. Mais il se rélève et s'ern* 
bellit en approchant des monts Krapacks. On y voit de' 
nombreuses et larges vallées remarquables par leur force 
de végétation et par l'abondance et la variété de leurs 
produits. 

Les terres des deux principautés sont généralement 
favorables à la culture de tous les genres dé céréales et 
d'arbres fruitiers. Leurs vignobles donnent en abondance 
dies vjbs peu liquoreux , mais vifs et pétillants comme 
ceux de la Hongrie et de la Grimée. Leurs prairies fé- 
condes nourrissent des chevaux petits , mais pleins de 
feu et de vigueur, ainsi que des troupeaux considéra- 
bles d'animaux appartenant auxl)elles espèces des races 
ovine ^ bovine et porcine. 

Ces deux provinces possèdent une assez grande qùan* 
tîté de richesses minérales. On voit en Yalachie une 
mine inépuisable de sel gemme. Le district de Éuzéo 
récèle une mine d'or et une d'argent. L'Aluta et la 
Dombovitzà charient des paillettes d'or. On trouve 
dans ces deux provinces des mines de cuivre assez ri- 
ches ; mais elles ne sont pas exploitées. 



--S9 



Lorsque les Turcâ possédaient la Transylvanie , dont 
les habitants , quoique chrétiens , leur étaient plus fato- 
rables qu'aux Autrichiens et aux itôngrois par stiite 
d'anciennes rivalités nationales , ils avaient pont se cou- 
vrir là haute chaîne desKrâpacks, et ils pouvaient , en 
descendant les vallées de ces montagnes , pénétrer Sans 
• difficultés jusqu'au centre dé la Aongrle et menacer la 
ville de Tienne. 

Les montagnes qui séparent laTiransylvanie de TaVa- 
lâchie ne sont qu'un grand contre-fort des Krapacks. La 
rivière Aluta prend naissance dans la Transylvanie et 
traverse ce contre-fort dans uû dé ses points d'abkisse- 
ment , pouV Se rendre au Danube par Slatfna et Tour- 
nout. Plusieurs autres défilés semblables, principale- 
nient vers lés sources du Skilï et de TArgis, existent 
dans ce même contre-fort, et sont utiles aux relations 
comitaerdalés dés Valaques avec les Transylvains. 

Séparée politiquement de la Transylvanie, la Valttchie 
rë^te ouverte aut troupes de la puissance qui possède 
la première de ces deux principautés. Le sort de la Va- 
lachle dépend donc de la maison d'Aùtridie; On peut 
en dire à peu près autant de la Moldavie , puisque la 
chaîne, quoique plus haute , qui la séj^are dé là Tran- 
sylvanie & l'^oirest, offine entre Eaittpoloûg' et Bisttrithun 
défilé adsez abordable. 

Les Busses, m'aîtresdé la Moldavie orientale' et dû 
bassin dà Pruth^, pourront prendre' par derrière la prin- 
cipauté actuelle de la Mùldàtie , et né trouveront piùs 
d'bbstcieles capables de lès arrêter pour se porter sUr le 
flâne droit dé la Vataèbî'e; 



-2d- 

Ges deux provinces transdannbieiines sont donc li« 
vrëes à la merci de la Russie et de l'Antriche. Leur sort 
assez probable est d'être un jour partagées par ces deux 
puissances voisines, pour devenir plus tard entre elles 
une cause fréquente de discussions et de guerre. 

Deux principales routes servent aux communications 
de la Yalacbie avec la Transylvanie ; Tune va directe- 
ment de Slatina à Hermanstadt par le bassin de l'Aluta ; 
Tautre, plus difficile, mais plus courte, lie la ville capi- 
tale de la Yalacbie avec la place forte de Sjronstadt sur 
la frondiëre méridionale de la Transylvanie. 

La route de Bukarest à Jassy traverse la Jalommitza à 
Zilova , passe par Fokcbany près du Séreth , se rend en- 
suite à Birlat et à Yasili et arrive à Yassy. 

On se rend de Yassy à Kaminiek dans la Podolie en 
longeant le Pruth vers le nord, et en traversant à Lipt- 
scbany la partie centrale de la cbalne montueuse des 
Krapacks. 

Un chemin sinueux, à travers un contre-fort des Kra- 
packs, se prolonge dans la Bessarabie et sert aux com- 
munications immédiates entre Yassy et Kicbeneff. Ce 
chemin, en se prolongeant au nord-est, traverse le 
Dniester à Novo-Dubosny, le Boug à Olviopol , et se 
porte vers le Dnieper par Elisabetb-Grand. 

La route directe de Bukarest à Yienne en Autriche 
passe par Slatina sur l'Aluta , par Krayova sur le Skill , 
et par Orsova au défilé de Ghernetz , où l'on voit les 
ruines d^un pont construit par Trajan : elle se dirige 
ensuite par Témeswar, par Ségédin et par Pesth, à tra- 
vers la Hongrie, pour arriver à Yienne. 

On se rend de Bukarest à Constantinople en passant 
par Routschouk sur le Danube , et par Teinova en But- 



garie. Cette route remonte les Balkans au défilé de 
Chtpka, et se dirige ensuite sur Andrinople parKeisen- 
luk et Eskizara. 

Le chemin de Bukarest à Belgrade passe par Krayova» 
Yidin et Sémendria. 

La route entre Bukarest et Galatz traverse un nom» 
bre considérable de yallées étroites, de cours d'eau et de 
terrains marécageux.. Assez bien tracée , mais mal con* 
struite , elle devrait être faite avec soin et solidité à 
cause de l'importance du pays qu'elle parcourt, et des 
grands changements opérés, depuis peu de temps, dans 
l'état politique des provinces arrachées à la domina- 
tion ottomane. 

La Bessarabie , habitée ancienpement parles Gétes, 
avait été peuplée ensuite par les Tartares Nogués. 
Ceux-ci , ayant presque tous abandonné la Bessarabie 
après sa soumission à la Russie , ont été remplacés par 
des colons militaires qui y sont disséminés et établis snùt 
vaut le système des généralats que rAutriche possède 
dans l'Esclavonie et la Croatie autrichienne. 

C'est à l'extrémité orientale de la Bessarabie que com- 
mence la plaine immense qui* s'étend au nord et au nord- 
est , et qui , dans son développement , embrasse la Rus- 
sie, la Pologne, et toutes les possessions russes dans 
l'Asie septentrionale. 

Composé de terres d'alluvion , le sol de la Bessarabie, 
sembisdile à celui de la Moldavie et de la Yalachie , peut 
produire annuellement des récoltes abondantes de cé- 
réales et de fourrages. Mais, entrecoupée de lacs et de 
marais, cette province ne pourra devenir florissante et 
peuplée que lorsque l'on aura pu faire disparaître les 
eaux stagnantes dont les vapeurs méphitiques nuisent à 
la santé et à la conservation des habitants. 



— 30 — 

Mûiis n'BBtMrons faA éans des détatb sur le» systèmed 
poKti^pies et admîBistratifs qai rëgissettt aotneHemeiit 
les deax principautés de Yadachie et de Moldayie. G^ 
systèmes épcouyeat toos les Jours dis modifleatious con- 
sidérables , d'après des ordres directs ou par l'iAOsLence 
4es agents de la Russie. Les ministres iurcs sont à cet 
égard dans une apatbie complète, quoique le scditan ot- 
tcHuan continue à jouir eu titre de suzerain de ces deux 
principautés* Ces cbangements fréquents, et les boule- 
versements inévitables qu^ils produisent, finiront par dis- 
poser ces peuples à désirer et à solliciter comme une 
laveur leur incorporation définitive à rempire mos^ 
eovite. 

C'est par de semblables moyens que le|[ouvernement 
russe , après avoir obtenu i l'indépendance des Khans de 
la Grimée par le traité de Kainardgy, excita la riva- 
lité et la division parmi les princes de la maison souve-^ 
>]raine de Guéray , obligea les Ebans régnants à tourmen- 
ter leurs parents elles peuples de cette fertile pénin- 
sule, entrava leur pouvoir par des intrigues, les dé- 
-goûta de l'exercice de l'autorité souveraine , et les dis- 
posa à faire l'abandon définitif de leur tr6ne entre les 
«uns 4u souverain de la Bussie. 



BOSNIE. 

La Bosnie tire son nom de la rivière Bomui^ dont le 
bassin occupe uQe grande partie de cette province. Ce 
pays , avfflEit de passer sous la domination des Turcs, 
était régi par des souverains qui avaient piMrté le titre, 
tant6tde rois^ tantôt de despotes, tautôt de bans ou 
vaivodes. 



> TaarcK) on des «QCÎeBs souvei^^iiift 4^ lajBos^e^ prit 
te titre 4e roi en 1376 , quoiqu'il rest&t , cwime ses^i- 
dëcessears, 'vassal de la Hongrie. Le. roi Etienne fut dé- 
trôné et tué par le sultan Mabomet II. Enleyéb aux 
Turcs parMathias Goryi^uSi roi de Hongrie ^.la Bosnie 
fut donnée généreusem^t par ce princeà j^icolas, fils 
d'Etienne y avec le titre de roi. . 

Soliman U Ja reconquit en X^^M ranoçxA à. siw 
empire. 

La Bosnie se divise en haute et basse. EUe est réunie 
avec l'Herzégovine et la Croatie ottomane soucf le gou- 
vernement d'un seul pacba. La Basse^Bospie, qui for- 
niait l'ancien royaume de Bosnie aju lâ« siècle , consiste 

. en dix provinces qui ont été divisées.par les. Turcs, en 

. trois sandgiakats : 1» le sandgiakat de Banîalouka ; 3« le 
sandgiakat d'Obraçk , où l'on voit les villes de Zvornîk 
et d'Objcack} :3o le safn^gial^at de Saraio , qui renferme 
les villes de Bosna-<Se^ai » capitale de toute la proyince, 
et de Traumk, résidence du pacha^gouverneur général. 
La Bosnie occidentale contient l'Herzégovine et la 
Croatie turque. La Croatie xittomane, comprise dans le 

. pachalik de Bosnie , depuis que rAutricbe en a fait la 
cession au Grand^Seigneur par la j>aix de Carlo witx^ 
contient quelques villes peu coosid^ables , entre autres 
Bihatz , anciennement Anseptola, et Bibograde , qui fut 
jadis la résidence des rois de Croatie. 

Mostar^ sur laNarentjie, est )a capitale de l'Herzé- 
govine. 

Les Bosniaques , les Serviens et les Salgares, parlent 
la langue slave, ce qui annonce une origine commune 
entre les populations de ces troii» provinces» qui avaient 
été envabies et peqplées.par des.conquérants sarmates. 



— 32 — 

La Bosnie a une surface de 2,50& lieues carrées» Elle 
renferme 600,000 habitants, parmi lesquels on compte 
300,000 musulmans , 200,000 chrétiens du rit grec, et 
100,000 catholiques romains. Ces derniers sont répanr 
dus dans les vallées du Yerbazatz et de TOsma. 

Le gouverneur général de la Bosnie , qui est un pacha 
à trois queues ou visir, réunit , comme les proconsuls 
romains 5 le pouvoir militaire et le pouvoir civil. Trois 
pachas à deux queues sont sous ses ordres dans des dis- 
tricts séparés. 

L'administration de cette province est divisée en 24 
capitaineries, dans chacune desquelles se trouve un 
commandant militaire, sous le titre de bey, et un cadi 
ou Juge. Quelques uns de ces beys obtiennent, pour 
leurs services, le rang et le titre de sandgiaks. Les em« 
plois de la plupart de ces agents sont héréditaires. 

Les milices locales, qui s'élèvent à 15,000 fantassins 
et 5,000 cavaliers, sont sous les ordres des pachas et des 
beys. Les chrétiens ne sont pas admis dans cette orga- 
nisation militaire. 

Les vaHées de la Bosnie sont généralement larges et 
fertiles; leur sol, dans les bas-fonds, se compose de 
terres d'alluvion. Les céréales y sont abondantes. On y 
élève une grande quantité de bétail^ et on exploite dans 
cette province plusieurs mines de fer. 

Le revenu agricole de la Bosnie est estimé à 60 mil* 
lions de francs; les produits de son industrie sont éva- 
lués à 20 millions de la même monnaie. 

L'impôt territorial et industriel est très modéré ; il 
n'est que de un et un quart pour cent du revenu brut, et 
s'élève à douze cent mille francs. Le karatch , payé par 
les chrétiens^ monte à 600,000 francs. 



-^ 33 — 

Les dôuaMS produisent annttellemeiit 30,<M)0 ft^anés. 

Le total des coàtribotions régulières ne dépasse 

{père chaque année la somme de 2,000,000 francs (1). 

Mais les extorsions des ag^enfa^ do gouvernement, 

surtout des beys héréditaires , enlèvent chaque année à 

la Bosnie la somme de 10 à 12 millions de francs, c'est- 

I à-dire six fois plus que la valeur des impôts réguliers qui 

entrent dans les caisses publiques* 
f La Bosnie expédie chaque année dans les états autii* 

! chiens, particulièrement en Dalmatie, des grains, des 
[ bestiaux , des cuirs , des laines^ et des fers , pour la va* 
f leur moyenne de 6 millions de francs. Elle importe an* 
nuellement pour 4 millions de francs en sucre , café, 
épiceries, draps et bonnets ; la balance commerciale est 
. donc de 2 millions de francs en sa faveur. 

Difficile à attaquer et facile à défendre, la Bosnie 

I avait toujours été regardée comme le principal boule- 

I vart de l'empire ottoman contre rAutriche. Mais cette 

! province est devenue beaucoup plus vulnérable , surtout 

du côté de l'Herzégovine, depuis que la Dalmatie a 

passé sous la domination de la cour de Vienne. 

SERVIE. 

« 

Les Serviens sont un peuple slave auquel l'empereur 
Héraclius céda cette province , alors ravagée par les 
I Avares. Ils ne tardèrent pas à se faire chrétiens. La par- 
tie orientale, jadis nommée Dardanie, a pris le nom 
de Bascie, à cause de la rivière Bascîa, qui la traverse. 

Les Bulgares s'emparèrent de la Servie en 920 ; mais 

I 

I (i) Soliman UVaw^qQe, satisfait de la conduite docile des Bosniaques etde 

I lears nombreuses conversions à rislamisrae, les délivraderobllgalion de payer 

an use le dixième des revenus ; mais il laissa une grande latitude au pouvoir 

^ do pacha et des beys. Ceux-ci furent chargés de toutes les dépenses locales. 

u 3 



— 34 — 

elte reUfra en 1036 tfOus la dominatioB des empertnrs 
grecs. Vers la fin du 11*" siècle Etienne fat cottronné roi 
de toute la Servie. Les Turcs la conquirent en 136S. 

La plus grande partie de cette province fut cédée aux 
Aiitrièbiens en 1718^ à la paix de Passarovi^itz, par suite 
des grandes Tictoires remportées par le prince Eugène 
de Savoie. Mais eHe fut rendue à la Porte par le traité 
de Belgrade en 1739^ à la suite des suceès des Turcs du* 
i^atit cette guerre. 

Les habitants de la Servie sont divisés en Servie» et 
en Rasciens. Ils parlent tous le slave et sont du rit grec 
On y voyait un assez grand nombre de mabométans. 

A la suite d'une longue lutte soutenue aveo gloire et 
avec succès contre la Pof te , sous le commandement da 
Czerni-Georges et ensuite deMiloscbi les Servions ont 
obtenu du gouvernement turc, par la médiation de la 
Bussie, une espèce d'indépendance politique. Ils ne fu- 
rent plud soumis à l'autorité du pacba, et eurent ua 
]prince cbotsi par eux et un sénat servien pour les gou- 
verner. 

Une lutte s'est établie récemment entre le prince et le 
sénat, pat* suite de la rivalité des pouvoirs dans une con-» 
stitution imparfaitement définie , qui n'offre pas d'autre 
balance intermédiaire que la médiation des puissances 
protectrices. 

Le mode de gouvernement qui régit la Servie est à 
peu près semblable à celui qui existe dans la Yalacbie et 
dans la Moldavie. Mais dans chacune de ces deux pro- 
vinces transdanubiennes on voit un corps de noblesse 
qui , possédant de grandes propriétés , est intéressé à 
conserver l'ordre public et à empêcher les insurrections 
populaires. Dans la Servie , où le despotisme turc avait x 
établi une égalité absolue , on ne voit guère , parmi les 



ptMfMBi lii flw teflonte» 4i ré|io4l]« «tstAitt «eë 
^ liommes d€ toutes les classes et sus èdscatlM, :q9l 
n^oat quelque consistimce dans le payscpM.partenovv^ 
lâr4e lecm sevTiees miKtalres^ 

SoQ»4e gooTernenéfil des Tares le pachaliis de^Sérvté 
M0tt ^visi tu quatre sâodffieluito : ±^ de Belfp^ade entre 
|«Brin«. 9 la Save et le Baoube ; 29 de Simendria , S*" de 
Kiisa t ^ de NoTi^Basw. 

Beat le temps des Bomains la Senrie était cmmua 
sons le aom de Méà» soférieure» et la Balgacie spw 
cetai de Véskt iofériewe* 

LasurCsee d« la Servie esid'eaTirra 3,000 lieues ear# 
rëes. Sou revenu agricole est estimé à 96 millioM da 
fiBaoes ^ s^ produits industriels sont de S à 6 minims do 
lam^e oioanaie* 

Le Servie ^ ayant «eqiris sea iadépeadanee poKtiqao 
sons la su^erainoti de la Porte , les hd^anls cbritieBi 
n'ont plus de Ifûaraeh à payer, L'ioipât exigé par le gm^ 
iFemraEient servien s'élève i peine à 6 millioas de francs. 
Il c^msiste dans la dtne des produits agricoles et iadus^ 
triais 9 rt dans les douanes. 

Les musuIaiaBS qui étisûçut établis dans la Servie y 
pmt^estès en asses grand nombre. Ils y vivent tranquii*' 
les et partageât les droits politiques des babîtanis cbréH* 
tiens de la province. €et exemple prouve que , par des 
lois wKormémeat protectrices, <m peutiaire vivre fra» 
lemelleaient ensemble dans le même pays les musul* 
Sians avec les cbrétians , en évitant toute distinction po* 
litique qui serait basée sur la différence des croyaaees 
M^^seâ» 

BULGARIE. 

flsttafittviios f eiÉauviawi qprd par le DmuI» , à 

3« 



Fflst fst la mer Noire, rt m mû par lesgrMidsBattàii^^' 
nu n^Qiit HéBBiis , ert séparée delà ^vie par le Timodr* 
Sa surface e;t df 3^000 lieues carrées. 

II paraîtrait, d'après les historieM bjzaotias, qutf 
Us HUBâ et les Bulgares ne formaieQt qu'une même na- 
Mon. Ces derniers venaienl du bassin du Yolga, d'oà 
dftrire leur nom de Youlgars ou Boulgares. Les Hum 
s'avancèrent vers l'ouest, et , après s'être emparés de la 
Hongrie et deià Pannonte, passèrent dans les GauleSt 
•ù ils furent en partie exterminés parles Francs réuahi 
aut Romains. Leurs débris retournèrent dans cette par*^ 
4iB du bassin du Danube , laquelle , d'après eus , a reçu 
«t conserve encore le nom de Hongrie. 

Lm Bulgares restèrent dans la Mésie inffarieupe et éé 
mêlèrent avec les populations sarmales qui les avaient 
firécédés. — Moins nombreux que les anciens habitants, 
les ûôuveaùx conquérants adoptèrent le langage slavoi 
«qui était bien différent de celui des Huns. 
. Sous le commandement de leurs propres rois, Vb$ 
Bulgares luttèrent long4emps contre les empereurs ro* 
mains d'Orient. Mais l'empereur Basile les soumit eu^ 
fièrement en 1010. Ils devinrent, quelque temps après, 
dès sujets soumis et dévoués, et rendirent de grands 
eervtces aux souverains de Gonstantinople. 
i Etienne, Toi de Hongrie, vainquit en 137S leur roi 
fiea, le tua et prit sa couronne. Secourus par les empe* 
«reurs grecs , les Bulgares né tardèrent pas à reprendre 
leur, indépendance nationale , et choisirent leurs roll 
îdans leur propre nation. 

Le sultan Amurat I«>^ les battit dans plusieurs reqcoii^ 
très. Bajazet l" soumit toute la Bulgarie , et l'annexa 
déâuitivement à l'empïre turc en 1396. 
: Ig^Botgareaspiit géaèralènmat aetifr, hqpnfttaitt 



— 87 — 

iadostrielit. Semblâbtes aux Auvergnate de là Fraitee \ 
ils Quittent en grand nombre leurs montagnes ponf 
i^erôiier da travail dans les autres provinces de la Tnr^ 
iltiie. * 

Ils s'appliquent avec zèle à la culture des terres, à 
l'éducation du bétail et au commerce. 

' On trMve des colporteurs bulgares , avec leurs ball^ 
de marcbaddisés , dans la Turquie d'Europe et quelfue* 
lois dans cieHe d'Asie. On les regarde eoQinie lespaUk*e-i 
' niers les plus soigneux et les plus intelligente de l'em'*' 
pire turc. Les écuried duGrand-Seignéur àConstantino- 
pie sent confiées exclusivement à des Bulgares. ' 

La population de la Bulgarie est estimée à environ 
700,000 babitante , dont les deux tiers professent la re^ 
ligîon cbrétienne. 

, Ou ne voit guère de musulmans que dans les villes et 
les grosses bourgades» Les juifs y sont en pelit nonibre: 
On aperçoit, sur une très grande partie de la surface de 
€|ette province, l'inculture', la solitude et la désèla^n. 

La Bu^arie est comprise dans le gouvernement du 
b^jflerbey , ou pacba de Roumél^e, qui réside à Sôplda; 
Elle est divisée en quatresandgiakate : 

l<>Le sandgiakat de Yiddin, qui contient la ville forte 
et importante de ce nom, et la forteresse de MouMaphé^ 
Pâcha-Palanka; 

2» Le sandgiakat de Sophie, ipii renferme la ville de 
jSoi^a (autrefois Sardica, fondée par ^empereur Jùstt^ 
nien ) ; la ville de Terndva, ancienne résidence dés rois 
Bulgares, et les deux passages de Kapouli-Derbend et 
de Sas-Derbend daàs lés montagnes dii centre de la 
«haine des Balkans; 

'S* Le dandg^akat de Nlc^polis, qui contient la ville 
importante de Nicopoiis silr le Qteube ; ies villes et fwJ 



— 88 — 

i$n9MiM RDQischoBk et de Giofgiôtra, plaotes Tis^ 
vis l'uM de rautre sur les deux rives da Daonbfe. Nom 
^i fivoiis déifà fiiU oonnallre rimportance mUitaiM et 
commerciale. Le fameux Hoostapha Balraitiir avatt étt 
•yaade fioutsdioak ; 

40 Le sandgialcatde Slistria, qai poesède laTilIsfbrti 
(Ai^iUlfltria, sur la rive droite da Danube^ les petites 
fortiMiseadeTMirtOttlteoy, dlsaetchi, de Toiottciia, et 
la^e tiis ittportattte de Varna, port exceitent sw la 
merNifrau 

£e Mmtta «griwie de la Baljfarle est estimé à M mll^ 
lions de Cpones par an. Celoi des établissemeots indus* 
tsiels de cette province ne dresse pas 10 minions de la 
même Monnaie. --^ La^Porte tire de ce pays 6 miHions 
et demi de francs par an pour la dlme des prodnitsdè 
terMiiet dé rindustrie , pour lebitail , pour le karadge, 
ou la oapitatton des cbrétietts, et poar les droits de 



«Jto toutes es provinces de la Turquie d'Europe la 
BulfMrie est eelle qni a le plus souffert , à cause du pas- 
sa|fb iMtluent des troupes ottomaoeset russes pendait 
la guerre , et surtout à eause des veMtioas de tousi^fin* 
MS ^t diss déprédations coaunîses par les corps irrégu* 
lieM M Mn soldés qui font partiov des années turques et 
moscovites. 

Sans les effisti désastreux de ces fléaux , trop sentent 
liftpilés depuis un siède et demi, la Bulgarie, dont te 
sirinest naturellement très fécond, 4oat les habitants sont 
hoiaètti, laborieux et très économes, et dent la posi» 
lion à l'extrémité orioitale dubasski du Danube leur of* 
fre d'utiles débouchés par le port de Varna sur la naer 
Koira» n'^auraitpàs nuniqué de derenir une des parties 
lesrplnailliietet teaptas itorissanlei de la Turquie. 



— 39 — 



province» tlavei . 

La Narenta, qui desceod du versant occidental des Al* 
pes illyriqaes et qui verse ses eaux dans la mer Adriati- 
que au dessous dti fort Opus, sur le territoire autrichien, 
occupe par son bassin la totalité de l'Herzégovine , qui 
est un saodgiakat dépendant de la Bosnie. — Les villea 
principales de ce bassin sont Mostur, résidence^ da sai^dr 
gîafcy Giamatb, Livno, Stralatz et Trébigné. 

Depuis que la Dalmatie appartient à la cour de Vienne, 
rSerzégovine , qui fait partie du même versant occi- 
dental des Alpes illyriques, peut être focUement envahie 
par le bassin de la Narenta et ne couvre plus la Bosnie, 

Lllnna, qui se jette dans la Save sur le (erritoire an-» 
trichien » forme par son bassin la Croatie turque* — Ce 
sapidgiakat est par conséquent aussi abordable queTSUr- 
zégovine aux incursions des armées autrichiennes. Les 
villes principales de la Croatie turque sont Gradisca, sur 
la Save; Bibak, Priédor et Pétrowitz, surTUnna. 

Le p9£ha de la Croatie turque réside tantôt à Gradybscai 
ettantôtàBibak. 

Les cours d'eau de la Bosnie tombent dans la Save et 
descendent du versant oriental des Alpes illyriques, qui 
aéparent cette grande province de l'Herzégovine et de la 
Dalmatie. En commençant à l'ouest^ on trouve l^le Yçr- 
liatz, qpi traverse la ville de Banialuka; 2^ la Bosna, 
dont un affluent baigne les murs de Travnik> séjour ha- 
Jiituel du pacha de Bosnie, et l'autre la ville de Bosna- 
Seralo : ces deux villes sont au pied du versant oriental 
4es Alpes tllyriennes, dans des vallées spacieuses et fer- 
tiles; Â* la Drioa bo^ienne, qui sépare la BQ^nie.d^fa 



-- 40 - 
Servie : on remarque dans ce bassin la place forte de 
Zwornik et la ville de Fœna; i!" la Morava, qui se jette 
dans le Danube à Sën[iendria : elle est composée de deux 
grands affluents , dont Tun vient de la haute plaine de 
Pristina et Tautre de celle de Yrana ; cette rivière oc- 
cupe les trois quarts de la surface de la Servie. . 

On voit dans le bassin de la Morava l^* la ville de Pris- 
tina; 2* celle de Missa , sur l'affluent oriental ; 2^ celle de 
Yrana, sur l'affluent occidental ; i"* Krugevatz, au point de 
réunion des deux affluents; goUssikza, ville forte sur le 
contre-fort qui sépare les eaux de la Drina de celles de U 
Morava; 6» Ghabatz sur la Save, à dix lieues à Touest 
de Belgrade; 7<> Belgrade, ville forte et très importante 
sous les rapports militaires et commerciaux : elle a été 
long-temps le boulevart des Turcs contre les entreprises 
dggressives des Autrichiens : le gouverneur turc de la 
Servie demeurait dans cette place , dont la citadelle est 
encore occupée par une garnison ottomane; S^ Sémen- 
drja , ville commerçante sur le Danube, à Tembouchure 
de la Morava et à cinq lieues à l'est de Belgrade; O^No- 
vo-Orsova , ville de guerre sur le Danube , à l'extrémité 
nord-est de la Servie : placée près de Gzernetz, dans l'é- 
troit défi!éjlu pont de Trajan, cette place est à la fois la 
clef de la Servie et celle de laValachie ; l'intérêt général 
de la Turquie exige impérieusement qu'au lieu d'être 
entourée d'une mauvaise enceinte , cette ville soit mise 
en état de faire une longue et vigoureuse ré^stance par 
de bonnes fortifications ; IQo Novi-Bazar, viHe d'une 
grande importance militaire et commerciale; 11<> Pris^ 
tina, sur le plateau le plus élevé de la Turquie d'Europe^ 
dans le bassin d'un affluent de la Drina. 

On voit encore dans la Servie le petit bassin de laCio^ 
lubara, dont les eaux tombent dans la Save entre; Gha*- 



— 4t — 

bâte et Befgrade^ et plasiears petits cours d^ean qat ar- 
rosent des vallées étroites; entre Sémendria et Nova* 
Orsova. 

Le Timok sépare la Servie de la Bolgarie et tombe 
dans le Danube entre Vîdin et Nova^rsova. — Vidin , 
sur la rive droite du grand fleuve ^ est une plaee impor-- 
tante , parce qu'elle se trouve sur le flâné oriental de la 
Servie et qu^elle peut prendre à revers toute la Yalacbie 
occidentale. Cette ville, qui devrait être très forte, n'a 
qu'un mur d'enceinte crénelé et flanqué de tours. Son 
réduit intérieur, de forme pentagonale , dont les mur» 
sont très élevés , n'a pas assez de capacité pour contenir 
une garnison nombreuse, et pourrait être attaqué imraé* 
diatement par la mine. Les angles saillants de ce réduit 
sont occupés par de petits testions. 

Les cours d*eau qui descendent de la chaîne centrale 
dans la direction du sud au nord ont très peu d'étendue 
jusqu'à risker. — On remarque seulement dans leurs 
bassins étroits, mais assez fertiles, le fort d'Iskèr, 
Palanqua , eties petites villes de Earalam et de Zibron i 
près du Danube. 

Mais la rivière d'Isker est d'un haut intérêt. EHe de- 
scend du nœud central qui lie leScomius, le montHémua 
et le Rhodope. Elle traverse la position importante de 
Soraakof et baigne les murs delà ville de Sophie. €ette 
dernière place, située sur la route directe de Belgrade 
àCIonstantinople, est la principale ctef de la Tbrace. 

Si la ville de Sophie était entourée de bonnes fortiS^ 
valions, eHe pourrait arrêter facilement dans les gorges 
ttroHes des montagnes voisines toutes les armées eur 
«emiesqui auraient débouché par Belgrade etpM'Sé'^ 
mendria pour ae diriger vers la Tbrace et: vers la cipttate 
delà Turquie. . * 



— 42 — 

Le Sereigo, dese^adwt dcis Salkaiu > arrose Ï4 petite 
vUle de Pleven nvent de se jeter da«sleDaimbe yis-è-^vis 
Tembouchare de l'Aluta. 

L'Oima, qui prend ëgalemeat sod origine d^ns les 
Billkaos, tra^ejTse une viillée fertile, longe le$ iimrs4e 
Nicopolis et se p^rd dans le Daimbe. 

NieopoUs, ville iipAportante sur le gr^d fleaire, est 
titopr^ d'aile )>oiitte muraille flanquée de tours , et 
contient uneeitadelle. — Le fort de Tournoul, yis-à-via 
die Ifieopolis, lui sert de tète 4e pont ponur pénétrer dans 
laYalachie. 

i^ vaste plaine qui environne NIcopoUs est eéittire 
ùm» Thistoire par la grande bataille que B^9(et I^^* y 
Signa en 1399 sur Sjigismond , roi de Hongrie. La cause 
de Sigismond , fils et frère d'empereur , intéressait alors 
tpnte l'Europe. Mille cavaliers français » formant avec 
tour suite un corps de 6^000 liommes, étaient accourus 
Il son secoure* On distinguait parmi eux le comte de Ne** 
yecs^ fii» du duc de Bourgogne , le connétable d'Artois , 
VamJflA de Vienne et le maréchal de BonciçauU. 

Les chevaliers français, s'étant jetés avec une tmpétuo* 
sltt valeureuse sur les janissaires, étaient parvenus à 
liss rompre étJes mettre en désordre ; mais, attaqqés en 
flanc >par. les spaAis qui venaient d'enfcmcer les troupes 
kongrois^, ils furent enveloppés et pris. — Le cruel 
Aflaiiet les fit tous égorger de sang-froid ^vant scf 
yeu^j à l'exception du comte de Nevers et du maréchal 
4e Boucicault 

Ayant qi^tté le champ de bataille avant l'entière dé^ 
fittte de ses troupes , Sigismond parvint i se sauver par 
le Dannbe et la mer Noire , et se retira à Gonatantinopln 
nnpv^ de l'empereur Manuel Patéologue. 

La Yantra , qui prend sa source an mont Bémus^ pris 



— 48 — 

ée £iâ>raa et do défflè de Gbipcâ, traTerse par elle* 
mteie et par ses àffitaents la ^ille de TernoTa, ainsi que 
Itt lotîtes villes éeSelvi» Nieopi et Bélla, avant de se je« 
ter, prés deSisleve, daas le Danabe. Sistove, qui est en* 
tonré d'un unir flanqué detevrs, est cèl^Fe parle traité 
cpn mit fia anx hostilités entre l'Autrielie et la Turquie, 
en 1791. 

Le LoDi, qui sort du plateau de Gbounla, coule dans 
«ae direction nerd^uest et traverse la ville de Éasgrad^ 
sevont de tomber dans le Danube ft Boutscbuk. 

Rimtsdmk est mie ville d^ime très grande importance 
militaire et commerciale. Située sur la route directe de 
Qoastantinople àBokarest, tette place , dont le nombre 
d'hid»itant8 s'élève à dO|ÛOO, avait pour tète de pont la 
finteimse de Giorgtouva sur la rive gauche du fleuve. — 
Bmits^ric est entourée d'une vieille enceinte flanquée 
de tours avec des fossés peu profonds. Les approches de 
eetie place ne sont pas protégées par des ouvrages avan- 
cés. Une tlevituée dans le Danube , entre Routschuk et 
Criorgiouva, n'est pas mème^occupée et défendue pardes 
ouvrages permanente. 

La petiteplace de Turtukeuy , située entre Routschuk 
^Silislria, vis-à-vis l'eaibouchure de TArgis, qui baigne 
les murs de Rukarest , n'a quelque importance militaire 
que parce qu'elle occupe un des passages du Danube. - 
Silistrla , ài'efiÉbouétare de la Drista , est une grande 
vUleGommerçante et militaire dent Tennemi a besoin de 
se nendre maître s^M veut epérerdans la partie orien- 
tale de la Bulgarie. CWte place, qtri forme un demi- 
eereleiflanqué détours, sur la rive droite du Danube, 
•st protège du céité dé ia campagne par une ligne de 
retioiltesltées ensemtte par desemirlines etpar im'nrt 
qui domine toute la position. 



~ 44 — 

Le coude qae fait le Danube à Basorâ pour se diriger 
au nord est protégé, sur la rive droite 9 par la forte** 
resse d'Hirsova , et sur la rive ifaucbe par celles d'Ilnral^ 
low et de Galatz. Les eaux du fleuve se divisent , mt 
toute la longueur de ce coude , en plusieurs branches 
gui, commençant à Hirsova, se réunissent de nouveau 
à Ibraîlow. ) 

Tout le terrain qui environne le Bas^Dapube » depuis 
Rasova Jusqu'à la mer Noire, est bas et marécageux. Les 
places d'Hirsova, d'Ibrailow et deGalalz, sont situées 
sur des hauteurs qui ont un faible commandement surles 
campagnes environnantes. La petite forteresse de Matet 
phin, vis-à-vis d'Ibrailow, celle d'Isakchy sur la m^e 
ligne, et celle de Toultscha, près du point de séparation 
des bouches danubiennes de Solina et de Saint-Georges, 
occupent de petites éminenees isolées au milieu des 
marais. 

. Entre Rasova, placé au commencement du dernier 
coude du Danube, et Kustengé , port de mer, on voit les 
grâces du canal naturel que ce fleuve suivait autrefois 
avant son détour vers le nord. Dans cet espace, qui n'a 
fue douze lieues de largeur, on voit les vestiges d'une 
ligne ^de retranchements que Trajan avait fait construire^ 
et qui est encore connue de notre temps sous le nom de 
rempart de Trajan. ? 

Si cette ligne de retranchements exbtait encore et n'a- 
vait pas été négligée et abandonnée d'abord par les 
Grées du Bas-Empire, ensuite par les Turcs, elle iijou«; 
terait une grande force à cette partie de la Bulgarie et 
obligerait les armées ennemies h manœuvrer plo^ i 
l'ouest avec le danger continuel d'être tournées suf le 
flanc gauche et sur leurs derrières par Ibraîlow et Hir^ 
ova. ■ ■ •* 



* Lès piaeas d'Ibrallow et dUlrsova , qui ne sont pro** 
tégées qoé par de mauvaises foriifications , devraient 
être mises dans uo meilleur état de défense , partieuiië* 
rement la seconde, qui possède un pont de bateaux per^ 
Bfaanent sur le Danube. 

. Âja dessoQsdlsaktchi , le Danul>e entre dans une plaine 
basse -et marécageuse et se divise en trois branches. 
Celle du milieu , dite de Soulina , est la seule navigable 
pont tes gros navires marchands ; les deux autres ne 
Mut aecessibles qu'à des bâtiments d'un faible tonnage; 
• . Le fort de Tôultscba , qui n'a pas la grandeur conve* 
sable à l'importance de sa position, protège la branche 
de Soulina« La branche du nord est défendue par la mati* 
^aise forteresse de Kilia ; la branche méridionale, dite de 
Saint-Geoi^es, n'a aucune défense. 

La branche de Kilia, qui baigne les murs d'Ismaîlow^ 
actuellement forteresse russe, n'a que deux brasses de 
profondeur avec un fond de vase et 200 mètres de laiv 
geur. — Il en est de même de la branche de Saint* 
Georges^ sous le rapport de la laideur et de la profon* 
dcur. 

. liais la branche de Soulina a 2S0 mètres de largeur 
moyenne avec une profondeur de quatre brasses. 

• Toutes les lies du Danube devant , d'après le traité 
.d'Andrinople , appartenir exclusivement à la Russie , la 
.Porte se trouve réduite an -avoir sur la rive droite du 
-Danubéqu'une frontière sans appui. Son territoire vers 
.les bouches de ce fleuve ^arrête au canal de Saint- 
Georges. 

Cet arrangement met toutes les bouches du Danube à 

.l'entière disposition de la cour de Russie, et la rend 

maîtresse de la navigation de ce fleuve. Elle n'a feit con- 

jélr^reljusqifiel aùcnne forteresse à ^embouchure do 



Moal de SouUm ; mais ses établiisemMto de^siniÉalne 
poor empèclier les progrès de la peste forcent tous les 
bàtimeiUs qui remontent le Danube à s'arrêter et à sta;» 
tionner devant ces postes sanitaires. 

Il serait plas que jamais de l'iixtèrèt de k Turquie éi 
recreuser l'ancien canal, obstrué depnis bien des sièeles, 
qni allait de Basava à Kustendgi^ et auquel le rempart 
de Tr^an était parallèle. 

La naTigation du Danube ^i rettreratt d'immeusei 
avantages, putsqu'au lieu d'une navii^ion tortueuse et 
difficile de 6&Ueues de longueur, les bâtiments n'au- 
raient à parcourir qu'un espace de 12 à 14 lieues daas 
le prcdongement direct du cours supérieur de ce fleuve^ 
Ce oanal ajouterait un très grand surcroit de fiircedé^ 
fensive & la frontière de cette partie orientale de la But» 
gàrie* 

Mais la Sublime-Porte e besoin de repos et d'argent 
pour entreprendre et exécuter ee grand et utile projet* 

Toutrespaoe renfermé eitfre le rempart de Tra|«it 
les deux coudes du Danube et la mer Noire, présente à 
l'est de la série des 'CoUines basses qui longent la riv^ 
4raite du Dani^ depuis Bassova jusqu'à Galata une 
immense surface marécageuse » dans laquelle an disti»- 
1^ le grand lac Bazéin (autrefois Halmyris)» 4ui com* 
jnunique avec la bouche danubienne de fieint*6eorgei. 
Le trop-plein des eaux de ee ltc<»)ule dai» la mer Noire 
par les bouches de Portincha-Boghaa et deJKtitciikt-Bog- 
baz. Le fort Karakerman défend celte partie du littoral 
maritime. On ne remarque dans ce grand espace maré- 
cageux que les petites villes de Badadagh et de Tcbar- 
dak, sur des éminences près de la rivière de T^tdava^ 
qui se jette dans le lac Bassein. 

Les cours 4'eatt de la parti* «cientale 4i la W^m 



— 47 — 

6%pfAÉ la JDIâtM de SHtotria jusqu'à la amr Noira «ont 
1^ la rivière de Tabac, qui deftceod des montagnes tvi- 
Éines de Varna:, et qui traverse la viHe de BazardgOL et 
les denx petites villes deBûyuk'KalnordfjretdeCodinii- 
kalnordgy, avant de se jeter dans le Danube. **-^ S» La 
rivière de Garassou , qui, aprèa avoir liaignè les mtin 
de Cara^Agehe , tonbe da«s le fleuve auprès et à Tomit 
de Bassova. 

On voit sur la côte maritime, entre le part de Eus» 
tenâ|;é et celui de Yarna, 1^ MangaÙ, à t'embMwkure de 
l'Âncba, qui descend des hauteurs voisines de Iteàrdgik ; 
2^ le pof t de Kava#na , près d'un fort sitnè sur le cap 
Crulgrad; 3* le port de BaMchik. Ces trois ports marili* 
mes, mal abrités, ne sont gnèi« que des points 4e 
l'eiàche pour les batMux pécheurs et ceux du petit ot- 
botage. 

Le port de Tarna, au nord des BalkMs, est la posi- 
tion la plus impertaate de la partie orlwtaie do la Bid- 
{fârie. Tout le commerce maritime de cette province se 
fait par Varna. Tous les voyajpeurs venant de Gonstaa- 
tinople qui veulent éviter le pass^^e diffleile et ineoiA- 
iiode des Bidkans se font débarquer dans cette vllle. 
^^Aucmie armée ennemie ne pourrait s'aventurer à 
paeser les montagnes et à pénétrer dans la Tbraee sans 
«'exposer à être Intercqitée dans sa ligne d'opératioB et 
«ans courir les {dus grands dangers, al elle n'avait la 
prudence d'assiéger et de prendre cette ville aurir 
time (1). 

(1) La plaine de Varna est célèbre dans lliistoire de la Tiir<|nie pour 
avoir été» «n 1444, le théâtre d'uoe aanglaDte bataille ^nUê le Mdftaii Mov- 
rad li et Ladiftlaa jTagellaDy roi de Pologne et de Hongcie. Hoarad Teoail 
ë^abdiifaer llmipire en Inreiir do Jauno Mahomet II, iod ffla. Iiadislaf criii 
detoir ifoOkar 4u déiardrei dtee niBocilé #ev 4éi«iir QnitâiiUf 9* 



^ AS ~ 

Variia, tombée entre les mains de l'ennemi, devient 

^ pour celui-ci un point d'appui et de départ pour une 

nouvelle ligne d'opérations vers le sud. ^—Placée près 

du lac de Devna, qui couvre une partie de son enceinte, 

i la plaee.de Varna termine lé bassin de la rivière de 

. Pravadi. Cette rivière traverse la ville de ce nom e^t 

(vend naissance dans les montagnes voisines de Ghi- 

oumla. 

C'est de ces hauteurs que descend le Lom, qui, après 
avoir baigné les murs deRazgrad, tombe dans le Danube 
à Routschouk. 

Cbioumla est donc le point central et dominant des 
. deux bassins du Lom et de la rivière de Pravadi. C'est 
pour ce motif que les Turcs, danstputes leurs guerres 
contre les Russes, ont établi sur ce point straté^que . 
un camp retranché enveloppé d'une très grande eor 
. ceinte. Maisi pouf que la défense de la ligne entre Routs- 
chouk et Varna fût facile et complète, il conviendrait 
que lés deux extrémités (Routschouk et Varna) fussent 
•mieux fortiflées, et que deux forteresses respectables 
* ftassent établies à Rasgrad et à Pravadi. 
. Le passage du Ruyuk-Camtcbtk est la route que l'en- 
.nemi doit adopter^ après la prise de Varna, pour pas- 
ser les Ralkans à une grande distance de Cbioumla; 
. après avoir pris la précaution de masquer cette dernière 
^place par un corps d'observation; c'est ce qu'a fait le 
-comte Diebitsch dans sa savante campagne de 1829» 



pie, alors menacé par les Turcs', et pour chasser ces derniers de I^arope. 
Ladislas avait sagement manœayré en longeant le rersant septentrional 
des Balkans poar passer cette chaîne da côté de la mer. Dans le combat ds 
Varna, la cavalerie hongroise avait culbuté les spahis turcs; mais les Jan- 
nissâlres résistèrent, et parvinrent, après une lutte acharnée /à enfoncer 
et disperser l^nnée de LadSstes» Ce prince ftit tué dans le combat» 



~ 49 — 

Le Kamtchik se compose de deux affluents (le Deli- 
Kamtchik et l'Âlkali-Kamtchik). Le dernier descend des 
environs de Chioumla. Traversant un bassin profond 
dont le passage est naturellement difficile, le Kamtchik 
n'a jamais été apprécié à sa juste valeur par les Turcs. Ib 
n'y avaient laissé qu'un petit corps d'observation durant 
la dernière guerre* Ce fleuve fut promptement traversé 
et occupé par l'armée du comteDiébitscb,qui ne trouva 
plus d'obstacle pour passer le défilé de Derbend dans les 
Balkans, et pour pénétrer jusqu'à la ville d'Aidos,au delà 
de cette chaîne. 

Ces malheurs auraient été évités par les Turcs s'ils 
avaient établi une forteresse près de Kemsikous, sur le 
Kamtchik, et plusieurs redoutes armées de canons le long 
de ce profond bassin , et s'ils avaient concentré sur ces 
points un corps d'armée de 25 à 30,000 hommes. Des 
retranchements semblables auraient dû avoir été établis 
àTchalicavak, entre les deux affluents du Kamtchik, afin 
de couvrir le défilé des Balkans au nord de Carnabat. 

Prlaelpalei roatei de commaBleatlon entre l^e prowlaeee 
Blavet et les antres provliieee tvr^pief • 

La principale route qui traverse la Bosnie est celle 
de Trieste à Constantinople. Cette route franchit l'Unna 
àNovi. — Elle remonte ensuite la vallée de la Senna, 
affluent de l'Unna , et passe sous le fort de Priédor. 

Cest à Priédor que se réunissent les routes de Bania- 
louka et d'Yaïtza. Celle de Banialouka à Belgrade passe 
Piar Maglaî, Tousla et Zévornik, et aboutit à Belgrade ; 
cdie de Yaltza se dirige sur Traunick , résidence du pa- 
cha de Bosnie. 

On va de Traunick à Bosna-Serraïs en longeant la 
Bosna. On rejoint à Yisoka la roule de l'Herzégovine, 
après qu'elle a dépassé le mont Ivan. On se rend de Yi- 
I. 4 



— so — 

sokai Bosna-Serraïs en remontant la vallée de Mighas- 
ka^ affluent de laBosné. 

Un chemin pratiqué sur le flanc oriental de la chaîne 
Hlyriqué sur une longueur de 60 lieues, conduit de 
Bosiia«SeiTaI$ à MitroTitza. 

En partant de ce dernier point et en remontant lé 
long de ribor, affluebt de la Drina , on arrive insensl^ 
blement par Foccia et No vi-Bazar Jusqu'à la haute et 
belle friainé de Cassova , Tun des points les plus élevés de 
la Turquie européenne. C'«st à l'extrémité de cette plaine 
que se trouve la ville de Pristina, au pied du Scardns. 

La plaine de Cassova et la viRe de Pristina sont regar- 
dées avec raison comme un point militaire de la plus 
haute importance dans la Turquie d'Europe. On se rend 
directement de Pristina dans la Macédoine par Goma^ 
nova. On descend de ce point élevé pour entrer dans le 
basânde laillorava, et pour pénétrer au eorar delà 
Servie à Krusdivatc , où l'on trouve le chemin de Bel^ 
grade à Andrinople, celui de Bosna*Serraïs par Usiksa, 
et celui de TAlbanie par Novi-Bazar et la vallée du Drin. 

Un corps {Aacé sur la plaine de Cassova pourrait se 
porter avec rapidité , suivant les événements y seit à 
l'est dans les provinces dont les eaux coulent dmis là 
mer de l'Archipel , soit à l'ouest dans celles qui sont at^ 
tenantes à ila mer Adriatique , soit au nord vers les ver* 
saute du Danube. 

La Oardaiùe illyrïque, actuellement Bosnie, est habi- 
tée par des hommes qu'on regarde eomme «u non^re 
des plus beaux et des plus belli^eux de la Turqui€f. 
Plusieurs empereurs romains étaient nés dans cette pap- 
tie de l'Ulyrie. 

La route de Bosna-Serraïs à Kragonievatz longe 4'4i£- 
tueiit oik^idental 4e la tiorava; et passe par la viUe d'Pi- 



-. ôl — 

saëk qui est dans une eituâ^oQ naturellement fprie. Si, 
enpartantdeKragonievatz on remonte l'affluent orientai 
4e la Uorava » du arrive à la yille importante de Nissa. 

Nifisa est sur la r4Uite directe de Belgrade à Gonstan- 
tinaple. En sortant de cette :idtlle pour se porter vers la 
ïhrace , on traverse Je contre^fort qui se détache du 
nœud du Scomius içt des Balkans, «ton arrive à Soplùe» 
au pied du vewmt septentrional du n^ont Hémus. On 
'Keiicontro ^enspite cette grande 4)hatne dans un point 
4'abaissenbent au Bhan d'Ormiantiè. On arrive après 
cela aux sources de la Maritza, et on longe cette rivière 
peiur .arriver af hilippopoli, dans la Ihrace. 

La roiite de Krusdievalz à JBelgrad^ longe la Morava, 
après la jonction des deux affluents de ce cours d'eau et 
passe par lacofdn et Baschina-Pidanka. 

M^ovi-Bazar, dans la partie méridionale de la Servie ^ 
est sitxiée au jicBud des routes de l'Albanie, do la Servie 
et de la Macédoine. 

Xa route de Novi*Bazar à Sculari (Albanie) traverse 
la chsyUie iUyriquie au pied du pic principal du mont 
Soardus ^ descend par Pèkia à Scutari. Celle de Novi- 
fiaur à Uscup en Macédoine passe à Mitrovitza sur VU 
bar^ travensbe toute la plaine de Gassova, arrive |i Pris- 
tina 9 montesaxbâlne.^ et descend à l'DscUp* 

La route de Belgrade h Yidin longe de l'ouest à l'est 
la rjvie droite du Danube EHe passe la Morava à Sémen- 
dria,itritvwie bi petite .vallée du Beket ceUe du Timock, 
ay^eint à Sceyova:le.cfafimin.d'Orsova à Yidin et arrive à 
MMe dernière ville. 

De yidÎQ on se rond à Açdrinople en ^passant «le long 
de la riye,4r,oile du Danube par Asker^Palanka, £ara«- 
Bum et Zébrut. AjrriKé à.ce.demier.point, on se. dé- 
tourne au sud-est et.oUipasse par>Orécbovilza, alevin , 



— 62 — 

Fotcha , Selvi et Cabrua , où l'on traverse le mont Hé» 
mus par l'étroit et haut défilé de Ghipka. On descend 
ensuite à Keisantg, ville florissante de la Thrace. Ce che«- 
min se réunit à Cabrua, sur le yersant septentrional des 
Balkans, avec celui d'Ândrinople àBoutschonk par Ter- 
nova, Bellaet Monaslir. On se rend aussi de Yidinà 
Boutschouk par un chemin qui longe la rive droite du 
Danube , et qui passe par Crevada^ Nicopolis et Sistovo. 
La route de Boutschouk & Varna, laquelle est prati^ 
cable aux voitures, passe par Basgrad, Chioumia et 
Pravadi. 

On peut se rendre directement de Boutschouk à Bas- 
grad et à Andrinople en passant par Osman-Bazar et 
par Schiatak, et en traversant les Balkans au défilé de 
Dobral , située au nord-est de la ville de Sélimia. Cette 
ville, qui occupe une bonne position militaire, est cé- 
lèbre par une foire annuelle qui attire les marchands des 
provinces voisines. 

De Boutschouk on se rend le long de la rive droite du 
Danube à Silistria, ensuite à Basova, Hirsova et Galatz. 
A l'exception des passages des chaînes des montagnes 
et de leurs plus hauts contre-forts, toutes les routes de 
la Bulgarie peuvent devenir carrossables après quelques 
travaux de construction et de réparation assez faciles à 
exécuter. 

La marche d'une armée ennemie par Boutschouk et 
Ternova offre de plus grandes difficultés que celles du 
voisinage de la mer. Outre les obstacles nombreux que 
présentent les localités dans le passage des plus hautes 
sommités du mont Hémus,les troupes d'invas'ton au- 
raient à redouter le manque de subsistances^ qui ne pour- 
raient leur arriver que des rives du Danube à travers une 
longue et pénible ligne d'opération . 



— 63 — 

Gependaati c'est par Boutscbouk que lefr Basses s'obs- 
tinèrent à pénétrer dans la Bulgarie et la Thrace du- 
rant la guerre longue et sanglante de 1807 à 1812. Mais, 
plus habile que ses prédécesseurs , et favorisé d'ailleurs 
par la faiblesse de la marine turque à la suite du combat 
de Navarin, le comte Diëbitsch laissa Boutscbouk à 
droite en 1829 , et manœuvra dans la partie orientale 
de la Bulgarie. 

Gomme les Osmanlis sont excellents^ par leur courage 
patient, pour la défense des places fortes, c'est en occu- 
pant par de grandes places régulièrement fortifiées, ou 
par des camps retrancbés d'un développement étendu , 
toutes les positions importantes , et en les appuyant par 
des corps mobiles > que la, Porte pourra éviter des mal- 
heurs semblaMs à ceux de la campagne de 1829. 

Nous avons indiqué plus haut, dans notre description 
de la configuration physique de^ cinq province^ turques 
qui composent le bassin oriental du Danube, les points 
militaires qu'il serait nécessaire de bien fortifier et ceux 
qu'il conviendrait d'occuper par des camps permanents 
et retranchés. 



Popntatioa des ¥Ulei let pins 

province» torqnei dn baitln dm Daniibe. 

Bosnie et HerzégOTine. 

Màstar, capitale de l'Herzégovine, floris- 
sante par son industrie et son commerce, 9000 ^«^i*- 

Livno (Herzégovine) 4000 

Zivornik (Bosnie), une des quatre forte- 
resses de la Bosnie. Les trois autres sont 
Vadruk, MaglaïetBihatz 6000 

Bosna-SerraiOj sur laMiliaska, affluent 



— Bi- 
de la Bosna. Se9^ mnrallles d'enceinte ont 
une épaisseur de quatre mètres. Cette ville 
est le centre du commerce de toute la Bos- 
nie ; elle contient des manufactures de laine 
et de coton et plusieurs tanneries. On y 
fabrique beaucoup d'armes blancbés et 
d'outils en fer. £lie est la résidence de plu- 
sieurs des princes ou beys héréditaires de 
la Bosnie. — Sa population est de . . . 60000 ^^^^ 
■ Traunik (sur la Bosna), résidence ordi- 
naire du pacha de Bosnie. Ce pachà con- 
serve le titre fastueux dé Visir de Hongrie. 9000 

Ya%tzù (ancienne résidence des rois de 
Bosnie) 3000 

Bihaîz (Croatie turqUë), regardée eoiilliè 
. une des meitleures places fortes de la pro- 
vince. 3B00 

Éttniùioukù (snrié Yerbalz), cfaéf-lién dû 
SiiUdgiakat de ce nonà. Cette vflle est clas- 
sée parmi tes premières placés dé guerre de 
cette partie de la Turquie ...... lâSOO 

Trébignéf place forte , siège d'un évèque 
cathoiixitie dans l'Herzégovine 9000 

Servie. 

SchabatZf SUT la Save (Servie) , est une 
ville assez importante par ses fortifications. 9000 

Belgrade^ au confluent de la Save et du 
Danube , est la place la plus renommée dans 
les annales militaires de la Turquie; elfe 
renferme beaucoup d'établissements indus- 
triels. Elle a été et est encore l'entrepôt 
principardu commerce deTrieste et de Pesth 



.- w - 

^ee CottstantinopTe et Salonique. ... • .30000 btbli. 

Sémendrîa, sur le Danube et la HoHva , 
Tille fortifiée , a été long-temps la résidence 
du prince Milosch et du sénat servien. . . 9$00 

iVova-Or^ova, ville forte près d'Orsoya. . BOOO 

Usihzay entre la Dr.ina et la Mprova , cen*- 
tre de plusieurs routes de commerce dans 
la Servie occidentale 4800 

Kruchevaiz , située au centre ie \^ prin- 
cipauté 9000 

Zt^ormft, surlaDrin^. €000 

Nissa, sur l'affluent oriental de |a Mo- 
rava', place forte 4000 

Novi-Bazarj chef-lieu du pays connu son^ 
le nom d'ancienne Dard^nie. îSOOO 

Pristina y au pied du Sçardips . mr hd pla« 
teau le plus élevé de la Turqipie central^ . §000 

Vrana, au pied de fOrbélus^ près deiJ 
sources de l'affluent oriental de Ia Hq- 
rava. 3000 

Kragotnevatz , centre du copuaerce de la 
Servie orientale. C'est dans cett^ ville que 
fat élu, en 1830, Milosch Obvénovit? comme 
prince héréditaire. .•...•• 6000 

Bulgarie. 

Vidiriy sur le Daaiube, ville forte, chef- 
lieu du Sandgiakat dp ce noiçi .... 20000 

Nicop!$Us, ville assez commerçanjte sur 
le Da&ube,. a été ruinée par les Russes 
pendant la campagne de 18tl. Cette ville 
commence ^ ^rtir4e ses jpuines. Elle avait, 
avant 181 1 , une population de 1 5 à 20 mille 



— 66 — 
«mes . ; : 9000b«bit. 

Sistova, ville importante par ses fabri- 
ques de coton et par ses tanneries; elle avait 
été également détruite par les Russes en 
1811 , et possédait alors , comme Nicopolis , 
environ 18 à 20 mille habitants . . . .10000 

Boutsehoukj ville forte et assez commer- 
çante sur le Danube , au sud de Giorgiovai 
qui lui servait de tète de pont. Giorgiova a 
été démolie; Boutschouk conunence à re- 
naître. Sa population actuelle s'élève à . *. 26000 

SitUtriaj chef-lieu de toutes les forteres- 
ses du Bas-Danube, intéressante par son 
commerce et sa position, possède. . . .12000 

Hirsova , petite place forte qui, avec cel- 
les de Uatchin, d'Tsakchy et de Toulscha, 
défend la rive droite du Danube. • • • BOOO 

Varna, port sur la mer Noire, est une 
ville très commerçante. Son port est pro- 
fond et assez bien abrité. Varna contient. . 20000 

^azardgik (sur la route de Varna à Silistria) 6000 

CAtoum/a (ville et camp retranché). Cette 
position était déjà importante du temps des 
Bomains. Elle contient, é 26000 

Basgrad (sur le Lom), petite ville assez 
commerçante 6000 

Temova , ancienne résidence des rois de 
Bulgarie, sur la Yantra^ entourée d'une 
forte enceinte flanquée de tours • • . • 12000 

Nicopi , petite ville sur la Yantra. . • 3000 

Babadaghy dans la Tartarie^Dobrudgé, 
près du lac Raséin, fait un grand commerce 
et occupe une bonne position militaire. . 7000 



— 67 — 

Samakoft petite ville où l'on exploite des 
mines de fer ; elle est à peu de distance des 
défilés de Kis-Derbend et de Soutou-Der- 
bend SOOOliM* 

Cabrua , sur la Yantra, prés da sommet 
du mont Hémus. On s'y rend par le défilé 
deCbipka. . 2000 

Lofscha (sur TOsma). 4000 

Ces trois dernières Tilles sont situées sur 
le versant septentrional du mont Hémus. 

Plévin^ surleSéresgn 3000 

SopAte (sur risker),ebeMieu du sandgiakat 
de ce nom , possède des fabriques de draps , 
de soieries , et de nombreuses tanneries. . 30000 

Cette grande ville est le séjour ordinaire 
du Bomely Yalici , ou principal pacha de la 
Romélie , quand il ne réside pas & Monas- 
tir en Macédonie. 

Dubnizza , sur la frontière de la Macé- 
doine , est une ville florissante par ses mi- 
nes de fer 6000 

Zibrouy sur le Danube 3000 

BelkQfsa,eji pied du mont Hémus. . . 3000 

Valachie. 

Bukarest, capitale, sur l'Àrgis ou Dombo- 
vitza, est la résidence de l'hospodar et du 
sénat qui gourernent cette principauté. Les 
consuls étrangers y demeurent. Cette ville 
entretient un grand commerce avec la 
Transylvanie et la Hongrie 80000 

Tergovist ^ sur l'Argis , ancienne résiden- 
ce des hospodars de Yalacbie, qui l'ont quit- 



• ^ 68 — 

tée en 1698. Cette yille est en décadence; 

Sa population actuelle est de SOOO ^^9bîi^ 

Ibrailow , place forte sur le Danube. Ses 
fortifications^ comme celles de Giorgiova, 
ont été rasées . / 4000 ' 

Fokchanyy près du Séreth et des frontiè- , 
res de la Moldavie. Une partie de cette ville . 
appartient à la Moldavie. 3600 

Slatina^ sur l'Aluta , et sur la route de 
Bokarest à Vienne > contient 4000 

Créiova, capitale de la Petite-Yalachie^ 
sur le Skhyll , renferine des établissements 
industriels. Le nombre de ses habitants est de 8000 

La route deBukarest àVienne la traverse. 

TournoUf sur le Danube, vis«à-vis Nico* 
polis 9 à laquelle cette petite ville servait de 
tète de pont ........... 2000 

Depuis le traité de paix de 1829 , les for* 
teresses de Toura^u, Giorgiova et Ibraïlow, 
sur la'rive gauche du Danube 9 n'appariiea- 
nent j^tns à la Sublime-Porte, 

Moldavie. 

Yassiff capitale , près du Prutb. On y fait 
un assez grand commerce ; mais on y voit 
peu d'établissements industriels ... « 30000 

Galatz , sur le Danube , entretient un corn* 
merce très actif. Des navires de 300 ton^ 
neaux peuvent remonter le Danube j^usqu'à 
Galatz 8000 

Soutchava y sur le Séreth , ville assez com- 
merçante 4000 

Sotheçhava^ dans la haute vallée de la 



— 8Ô — 

Moldatie, Titki autrefoid très commerçante aoOfti^^it- 
Aoritana ^ ëTèché, id. . . . . 3000 

Okna, petite ville importante par ses 

mines de sel gemme . 3600 

Kolomia^ sur lë Pmth» au pied des 

mbnt6 Krapaks. ......... 3000 

f^chùmoviiz ^ mt \b VtxHh. .... SOOO 

Bytlaty star là ro^te de BukafeM à Yassy. 2800 
iV. B. La population moye&be des ejnq provinces 

ottomanes qui composent la partie inférieure du bassin 

dn Daniibe est de 366 Ames pat lieue carrée. 



LA THRACE. 

La Tkrace est connae par les Tares sous le nom de 
Roumely , quoiqu'elle ne soit qu'une partie du grand 
pachalik de Roumélie, dont le gouverneur générât ou 
beyierbey a sous son commandement, dans les cas or- 
dinaires (1), la Bulgarie^ la Thraee , l'Albanie , l'Épire, 
le Macédoine et la Thessalie. 

La Thraee est limitée au nord par le mont Hémus» à 
l'ouest par les Alpes iiiyriques et le Pinde, au sud et à 
l'est par la mer. Les monts Pangéras la séparent de la 
Macédoine. 

Les anciens Thraces tiraient leur origine de la Haute* 
A^ie et étaient venus du Caucase et du Taums. Ils 
étaient civilisés, et cultivaient les beaux-arts, dont les 
Grecs allaient puiser chez eux la connaissance. 

(1) Cest-à-dire lorsqaMl n^existe pas dans ces provinces un homme 
paissant à qui les ministres de lu Porte accordent le titre et le pouToir 
temporaire de Vish' on ptcliQ è trois qneues, cômtne AH-Pacfaa, Mousta* 
pha-Ba'IracUr, etc. 



— 60 — 

Goiiquis par les Romains, ib se coofendireat avec 
leurs vainqueurs et perdirent leur ancien nom et leur 
langage. La population actuelle de la Xhrace se com- 
pose de Grecs, d'Ottomans et de Vlaques, répandus et 
établis dans la province. Ces Ylaques ne tirent pas leur 
origine de la Yalachie. On croit qu'ils sont les restes des 
anciens habitants de la Thrace qui se réfugièrent dans 
les montagnes à l'époque de la conquête des Romains. 
Eux-mêmes repoussent la dénomination de Ylaques, qui, 
à cause de leurs mœurs sauvages et de leur vie errante et 
nomade, leur a été donnée en dérision par les Esclavons. 

La Thrace se divise en quatre sandgiakats : i^ le 
sandgiakat de Tcbirmen , qui renferme la ville d'Ândri- 
nople et le bassin de la Maritza; 2^ le sandgiakat de 
Rierk-Klissia , qui contient la ville de Kierk-Elissia, et 
les ports de Bourgas et de Âynada, sur la mer Noire; 3« 
le sandgiakat de Yisé, dans lequel Gonstantinople est 
inclus; il renferme les deux versants des Petits Balkans 
qui longent la mer Noire ; 4o le sandgiakat de Gallipoli, 
qui commence à deux lieues à l'ouest de Gonstantinople 
et s'étend jusqu'à la Macédoine. Ce sandgiakat était, 
d'après les anciens règlements, sous le commandement 
du capitan-pacha. — Il renferme le mont Rhodope et 
là partie inférieure du bassin de la Maritza. 

La Thrace est la province la plus peuplée et la plus 
riche de là Turquie européenne. — Sa population est 
d'environ deux millions d'habitants , dont les trois cin- 
quièmes sont chrétiens et les deux cinquièmes musul- 
mans. Son sol est généralement très fertile et produit eu 
abondance des céréales et des fruits de toute espèce. 
Mais les deux, tiers de ce sol fécond restent improduc- 
tifs par défaut de culture. On y voit de beaux pâtura- 
ges, qui servent à nourrir une grande quantité de bétail. 



— 61 — 

On esljme à 90 millions de franefl le re^ena â(pricoIe 
de la Tlirace. Ses produits indastriels sont éyalaés à 30 
mflllons. Le Icaradge, ou capitation des chrétiens, est 
de 1,100,000 franes. Les droits des douanes à l'entrée et 
à la sortie donnent environ 600,000 francs. Les impôts 
sur les produits du sol et des manufactures s'élèvent à 
environ ll.fnillions de francs par année moyenne. 

La ville de Gonstantinople, qui forme «n district sé^ 
paré , n'est pas comprise dans ces évaluations. On assure 
que le gouvernement ottoman tire directemeirt de cette 
capitale un revenu annuel de 20 à 25 millions de francs, 
dont il dispose librement. 

La côte de la mer Noire dans la Thrace est une mine 
inépuisable de bois de toute essence et de charbon de 
terre. Le Rhodope et les monts Pangéens contiennent 
des mines de fer et d'argent. Mais ces richesses minéra- 
les sont négligées par le gouvernement turc, qui n'en 
tire qu'un faible revenu. Elles pourraient, dans le cas 
d'une bonne et intelligente exploitation, procurer cha- 
que année au trésor public un revenu considérable. 

Gours d'eau et mers enTiroQnantes , et rentes de commnoicallon 
de la Thrace. 

Cours d'eau. — La Maritza ou Hèbre forme le princi- 
pal cours d'eau de la Thrace; elle occupe, avec ses af- 
fluents, les trois cinquièmes de la surface de cette 
grande province. Ce fleuve prend sa source au point 
d'union du Bhodope avec le Scomius. 

Sur la rive droite de la Maritza on trouve Philippo- 
poli , ville assez considérable, à égale distance de Sophie 
et d'AndrinopIe. 

Andrinople, seconde ville de la Turquie d'Europe, 
est susceptible de devenir une place très forte, parce 



— «a ~ 

que Ifois dvièMs ^j rteftisf^nt, et parce que^ t^éeau 
ceiUi*fD4'i»ie Tdste plâiM , ^elle n'est domtnëe sur ametA 
foint £n avant des saillanU de son enceinte aetnelle^ 
f ni ecit Ainqiiie de tofurs , on i^onrrait établir de grands 
bartkiBS détaehte. Par le moyen de la Maritza, de la 
Tan4^a ietderArd«,Maefait facile de littr les ouvrages dè^ 
f ensifs de ceito ville par det canaux et ^TéiaMir des nui*» 
nceuvros d'ea^a iavoirables à la défense. 

La Tjuodja (Tunkns) vient des Balkans , dpnt cette n^ 
vièrelopge le pied du versant méridional, depuis &&» 
said9i4c jusqu'à Séëmia» avant de se détourner vers ie 
sud pour se porter sur Ândrinople ; l'Arda (Karpapuas) 
descend du Bhodepe et prend sa aouice près d'une 
bouripade qui lui donne son nom. 

Au dessous d' Andrinople la Maritza reçett l'Ërkéné, 
qfA t^ibverse la petite viHe de Tchatal-Bourgas. Après 
avoir accru Ae violun^ de ses ea»x par les rivières do 
&risédéré let de Gai^déré , qui descendent des petite 
Baftaw ^ passent prés de Sirkiglésîas, l'Ediéné se 
perd4«uis la Maritaa^ è pen de d^tance de Démotiva. 

Après avoir parcouru avec une grande rapidité la 
brèobe de Tempyra date le mont fibodope , la Maritza , 
qui porte des bateaux de 50 tonneaux depuis son em- 
])ouchure jusqu'à Andrinople^ verse ses omix par deux 
bouches , dont l'une va directement à la mer de l'Arcbi-- 
pei et l'autre dans le gcrife d!£nos (1). £999 e^ti^n pouit 
io^iortantqu'il est nécessairie de forlifieir. 

Les petites rivières de la TJ^ape, sur )e ve^rMn!; orien* 
tal des Petits Balkans, ont un cours rapide de 1res peu 

(1) D'après l'examen des localités , on est porté à croire qqe la Maritza ^ 
ayant Tépoque où elle s'est ouvert on passage à travers le mont Rhodope, 
]^ l'effet ou rastlstance iles tremblements de terre , formait un vaste lac 
moioccopait ose grande pictie4ub«asin fnt^riettr ilé la Tl»ace. 



— 63 — 

d'étendue. La phu conMérable , qui Tient du déiK de 
DoAal ettraTefse Aldos , %e perd dans le golfe de toar^ 
gas 9sr la mer Moire. 

Un autre eonrs d'eau , nommé Géri , et autrefois Méd- 
ias, sort du versant méridional du Rhodope et prend sa 
Muree au point où eette etiatne de montagnes fait sa 
Jonction afoc le prolongement occidental des Petits Bal- 
kans. Le Mêlas arrose la fertile plaine d'Ibridgé et se 
perd dans le golfe de Saros. Entre Temlïoucbure de la 
MaritEa et les frontières de la Macédoine on rencontre 
un autre petit cours d'eau qui descend du Rhodope cft 
baigne les murs de la viHe de Gumurdgina. 

Le Nestus, qui sort également du Rbodope , longe le 
pied du versant oriental des monts Pangéens.-ll sert de 
Hmites entre la Tfarace et la Macédoine. 

Mers. •^ La Tbrace est bornée t TEst par la mer 
Noire et parle détroit de Gonstantinople, au sud par là 
mer de Marmara , parie canal des Dardanelles et par la 
mer de fÂrcfaipel. Elle occupe la -position la plus favo* 
rable du monde pour le commerce, à cause de son toI- 
sinage- immédiat de l'Asie et de la méritoire , et à cause 
du grand nombre et de l'excellence de ses ports. 

Nous allons jeter un coup d'ceil rapide sur les mers et 
sur les canaux maritimes qui environnent cette pro- 
vince. 

La merKoire, anciennement 'Pont-EuxiUi est alimen- 
tée par le Danube , par le Palus-Méotides ou mer d'A* 
zofy et par plusieurs fleuves d'Europe et d'Asie. Elle a 
une longueur moyenne de 200 lieues de l'ouest à l'est, 
et une largeur de 42 à 90 lieues du nord au sud. Elle 
verse ses eaux dans la Méditerranée par le Bosphore, 
la Propontide et l'Hellespont. 

Cette mer, entourée de contrées montueuses à l'est, 



— 64 — 

aa sad et à roaest, n'est boraëe au nord tpiepar des 
Bteppes immenses , qui se lient avec les plateaux presque 
horizontaux de la Pologne et de la Russie européenne et 
asiatique. Elle ne renferme aucune lie qui annonce le 
trayail ancien ou récent de feux souterrains. 

Les sondages ont prouvé , comme nous Tavons di4 
plus haut , que , semblable au Palus-Méotide , la mer 
Noire perd annuellement de sa profondeur. 

Mais il faudra bien des siècles avant que ce vaste bas- 
sin maritime s'oppose, par son manque de profondeur, 
h la navigation des vaisseaux de haut bord. 

Lorsque son bassin sera devenu moins profond qu'à 
présent, cette mer cessera d'être aussi dangereuse aux 
navires assaillis par la tempête et poussés vers les côtes, 
parce que ceux-ci pourront y jeter l'ancre et s'arrêter 
partout, comme sur la Prôpontide, et sur les grands lacs 
du Canada , dans l'Amérique septentrionale. 

Le Bosphore, ou canal de Gonstantinople , est une des 
plus larges, des plus profondes et des plus belles rivières 
de la terre* On n'y voit ni ensablement ni roches ca- 
chées, ni bas fonds. Les navires, en montant ou en de- 
scendant ce canal, peuvent mouiller partout sans érainte 
de déraper. On les voit même toucher, avec leurs ver- 
gues, les maisons des deux rives, sans courir le risque 
d'échouer. 

Ce canal, sur sa longueur de 30,000 mètres, peut 
être considéré comme un port parfaitement sûr dans 
toutes les saisons. Son courant, venant de la mer Noire, 
est très rapide, excepté près des lieux abrités par des 
caps avancés; sa vitesse est d'environ 6,000 mètres à 
l'heure. 

Les vents du nord-est dominent dans ce canal et dans 
les lieux qui Tavoisinent ; ils sont ordinairement serçins 



— 08 — . 

rafiraleM«eBt Patiiiasplitee pendant Vile. Les rrâta 
du md sont sombres et pluvieux. — Les autres Teuts Be 
se font sentir que pendant les mois d'hiver. 

Le Bosphore présente de nombreuses sinuosités; mais 
son cours a une direction moyenne du nord-est au sud- 
ouest. 

Deux phares et deux châteaux, éloignés de 4,800 
mètres l'un et l'autre, ont été bâtis sur les deux pointes 
d'Europe et d'Asie. Ils montrent du c6té de la mer Noire 
l'entrée de ce canal. Ils sont inutiles à la défense, à 
cause de la grande distance qui les sépare. Leurs feux 
sont trop fichants pour être dangereux. Les deux châ- 
teaux de Garibch et de Poyras , construits en 1770 par le 
baron de Tott , sur deux caps , entre lesquels le canal 
n'a que 1,800 mètres de largeur, ont également le dé- 
faut d'être trop élevés et trop éloignés l'un de l'autre. 

Les batteries des deux cavacs d'Europe et d'Asie sont 
basses'et n'ont pas de casemates. Le Bosphore n'a sur 
ce dernier point qu'une largeur de 700 mètres. 

On trouve plus bas, en descendant le canal, deux 
batteries à fleur d'eau sur les rivages de Buyukdéré et 
^ de Thérapia, et une autre batterie semblable sur la 
plage asiatique dite Hunkiar-Skélessi. 

Les derniers châteaux défenstfs du canal sont â deux 
lieues au dessus de Gonstantinople, dans le point du 
plus grand rétrécissement. Connus sous les noms de 
Bomély^Hissar et d'Anadoly-Hissar, ces deux châteaux 
ont été construitÉ en 1453 par Mahomet II , â l'époque 
du siège de Gonstantinople ; mais ils n'ont pas le déve- 
loppement qui leur serait nécessaire et sont très mal ar- 
més. Les terrepleins des batteries basses sont trop étroits 
pour recevoir des canons de gros calibre. 

Tous les ouvrages destinés à la défense du Boa- 
I. 6 



— 66 — ' 

yluire ont le grand défaut d'être eomplètement do- 
miné» par teiB haatears Toisines et d'avoir été eonstmits 
sans art et sans défilement. Un corps ennemi qni débar- 
querait à Domuz-Derré sur le rivage- européen de )a 
mer Noire^ à denx lieues à Tonest du phare d'Europe, 
pourrait monter, sans beaucoup de difficultés , sur les 
hauteurs qm dominent les ouvrages défensifs de cette 
imrtie du canal , et les mettrait promptement dans la 
nécessité de se soumettre. 

Un autre corps ennemi qui opérerait son débarque- 
ment dans la petite baie de Riva, en Asie , répéterait là 
#âme opération et obtiendrait également un suceèis 
préiQpt et focile. 

Coratantinùpte. — La ville de Constantinople , placée 
à l'extrémité 'méridionale du Bosphore, occupe la plus 
belle position qui soit dans l'univers sous les rapports 
commerciaux , politiques et militaires. Son port, qui s'a- 
i^mce de plus d'une lieue dans les terres, a l'avantage 
de se curer naturellement par l'effet du courant du Bos- 
phore , qui , longeant le rivage de ce havre , rencontre 
au fond de la rade , prés du village d'Eyoub , les eaux 
du Barbyces (eaux douces). Ces eaux, en repoussant et 
en accélérant la vitesse du courant principal, empêchent 
la formation d'un dép6t sédiment eux. 

Ce port est susceptible de contenir une soixantaine de 
vaisseaux de ligne. 

Placé entre la mer Noire et la mer de l'Archipel , ap- 
partenant aux deux continents d'Europe et d'Asie, pos- 
fiédant dans son propre port , dans le Bosphore et dans 
la mer de Marmara, un mouillage vaste et sûr, capable 
de contenir toutes les escadres du monde entier, Cons- 
tantinople est et «era toujours , par sa seule position , 
une place commerciale de la plus haute importance. 



— OT — 

Totis les âftyires qui entrent dans la mer Ndire on qui 
en sortent sont obligés de passer devant la pointe da aè^ 
rail. Les plus grandes caravanes, qui viennent de l'Ift- 
doustati> de la Perse et de l' Asie-Mineure , abontiiaeilt 
à Scutari, faubourg asiatique de cette capiCale^ 
Le sort politique de Gonstantinople intéresse au pkii 
! haut degré toutes les puissauces d'Europe et d'Asie qiri 
f ont 00 peuvent avoir avec cette grande ville des rda^ 

tions de commerce. 
1 L'importance commerciale de Gonstantinople, qui est 

I déjà très grande , s'accrottra bien davantage lorsque lea 
progrès de la civilisation auront donné une plus grande 
I activité aux opérations d'échange entre les peuples. 

Le principe qui a pour objet de fortifier et de Mettre 
dans un bon état de défense les capitales des empires , et 
qui est approuvé par les politiques les plus profonds et 
par les militaires les plus judicieux , est d'une appltca^ 
tion encore plus nécessaire pour Gonstantinople qncf 
I pour toute autre résidence souveraine. 

|Sa chute entraînerait la raine ou la soumission de 
tout l'empire ottoman. Sa défense , appuyée par de bons 
ouvrages de fortifications, donnerait aux flottes et aux 
armées des nations intéressées à son salut le temps d'ae- 
eourir à son secours. . 
On a vu cette grande ville, pendant les deux siècles 
; qui ont précédé sa prise par le sultan Mahomet H , eon«* 
l stituer presque seule l'empire d'Orient , entretenir des 
r relations politiques et commerciales avec les autres peu- 
pies d'Europe et d'Aine, et conserver dans son sein les 
idèments d'une grande piroq[iérité. 

Mous aUone emieidérar Gonstantinople sous tes rap- 
ports de ses moyena naturels et artificiels de défense. 

6. 



— 68 — 

V 

Bâtie sur an promontoire triangulaire , et n'ayant 
qa'une seule ligne droite sur son front d'attaque du c6té 
de terre , cette capitale peut devenir une des plus fort^ 
places militaires de l'Europe. Les deux côtés du triangle, 
qui sont baignés parla mer, possèdent une muraille 
d'enceinte haute, épaisse et flanquée de tours. Ce serait 
en vain que les vaisseaux ennemis chercheraient , par 
une canonnade très vive, à entamer les épaisses murailles 
cimentées par les siècles. 

Le c6té de terre est le seul front qui soit susceptible 
d'être attaqué. — Ce c6té est couvert par trois rangs de 
^ murailles qui s'élèvent parallèlemei^t les uns au dessus 
des autres. Appuyés par le château des Sept-Tours sur la 
mer de Marmara , ces trois murs parallèles sont flanqués 
par des tours carrées sur toute leur longueur. 

On rendrait ce front excessivement fort et pour ainsi 
dire imprenable si , en dehors de re.nceinte actuelle , on 
établissait une ligne de fortifications bastionnées, avec 
des fronts â grandes demi -lunes, chemins couverts et 
ouvrages avancés. 

Cette ligne extérieure, sur laquelle on pourrait éta«- 
bHr 18 à âO grands bastions, jouirait de tous les avanta- 
ges qu'offrent les fh)nts bastionnés établis sur une ligne 
droite ou â peu près droite. Elle aboutirait d'un côté à 
la mer de Marmara, et de l'autre sur les hauteurs qui 
commandent le faubourg d'Eyoub et le fond du port de 
Gonstantinople. 

Les faubourgs dePéra, de Galata, deTophané, de 
l'Arsenal de marine et d'Hassékeuy, qui sont situés du 
côté du port sur le rivage opposé à Constantinople, 
pourraient être rendus susceptibles d'une très bonne dé- 
fense si on les enveloppait, dans leur ensemble, par une 



j — 69 — 

figne bastionnée qui occuperait les extrémités des haa* 
leurs de Dolma-Bukchë , du village grec de San-IHmitri 
et du cimetière juif de Hassékeuy. Cette ligne Tiendrait 
se joindre aux fortifications extérieures de I4 colline 
d'Eyoub et à celle du front de la capitale vers la cam« 
pagne. 

Une série nombreuse de redoutes construites en 
avant de cette ligne , avec flanquement mutuel , empé* 
cherait ou retarderait long-temps les approches de l'en- 
I nemi. 

Dans une grande population belliqueuse comme celle 
de Gonstantinople on ne manquerait pas dC: soldats va- 
I Icureux pour occuper et défendre tous les ouvrages dé«- 
fensifs. 

La partie asiatique de Gonstantinople, c'est-à-dire 
Scutari (Ghrysopolis) et Gadi-Keuy (Galcédoine), pour- 
rait être fortifiée de la même manière. Elle recevrait en 
I outre un excellent appui dans un grand ouvrage qui se- 
! rait construit sur la hauteur dominante de Bougourlou. 
Quant aux défenses actuelles du Bosphore, on pour- 
rait corriger leurs défauts en les défilant des hauteurs 
i voisines et en les couvrant par de forts épaulements ou 
I parados. Il serait nécessaire de construire sur les crêtes 
qui dominent les rives du canal deux châteaux en Eu- 
rope et deux châteaux en Asie. 
La grande muraille d'Athanase, connue ancienne* 
I ment sous le nom de Macbronticos , était destinée à cou- 
vrir contre les incursions des barbares du nord et des ~ 
brigands des provinces intérieures un arrondissement 
spécial en avant de Gonstantinople. Cet arrondissement 
avait une surface d'environ 70 lieues carrées. 

Le mur d'Athanase , dont la longueur était de 12 
lieues , commençait à l'est de Sélivria sur la mer de Mar^ 



— 70 — 
marii , montait les Petits Balkans et finissait à Tëtang de 
DereoQ aqr la mer Noire. 

Au lieu de rétablir cette ancienne muraille » dont on 
voit encore quelques vestiges ^ il serait plus convenable 
de construire sur la crête de la montagne un grand fort 
bastionnè, d'en établir un semblable à Dercon sur la 
mer Noire ^ d'élever une ligne de redoutes en arrière de 
la rivière encaissée qui tombe dans le grand étang de 
B«iyouk-Tcbekmedgé , et d'occuper militairement les 
deux bourgs d'Indcbigis et de Tchatatcha,qui se trou- 
vent sur ce cours d'eau, ainsi que la chaussée longue et 
éb^ite qui 5 portée sur des arceaux» traverse les deux 
laes près de la Propontide. 

Ces ouvrages seraient plus utiles et plus faciles à dé* 
fendre contre l'action de l'artillerie que le grand mur 
d'Àthanase, et formeraient une première enceinte avan*' 
eée pour la protection de la capitale. 

Ce court exposé doit suffire pour faire connaître coin* 
bien il serait facile de rendre Gonstantinople une des 
places les plus difficiles à aborder et la plus facile à 4é- 
fondre, avec l'assistance de la grande population qu'elle 
renferme. 

Mer d0 Marmara. — Depuis Sélivria Jusqu'à l'entrée 
des Dardanelles la côte européenne de la mer de Mar- 
mara est bordée d'une série de collines , qui réunissent 
les Petits Balkans avec le mont Rbodope. — On distingxie 
sur ce littoral maritime la petite ville d'Héraclée et la 
oitë commerçante de Rodosto. -^ Cette dernière ville, 
qui possède un bon port , et qui est traversée par la route 
de Salonique à Constantinople, est environnée d'un ter- 
ritoire très fertile et fait un comn(ierce considérable. 

La mer de Harmara ou Propontide est un vaste bas* 
sia qui a une longueur de 40 lieues sur une largeur 



— 71 — 

moyenne de 18 lieues. Peu profonde, elle offre partout 
un bon mouillage. — On a remarqué que , par les effets 
desatterrissements, son fond s'exhausse petit à petite 

On peut regarder celte mer intérieure commet on 
vaste tliéâtre dans lequel seraient parfaitement abritées 
des flottes nouvellement organisées* Ces flottes pour- 
raient manœuvrer, évoluer, s'instruire en attendant le 
moment favorable de débouquer, soit pour entrer dans 
la mer Noire y ou bien pour pénétrer dans celle de l'Ar- 
cbipeh 

La côte européenne de la Propontide n'offre qu'une 
ligne presque droite avec quelques rentrants peu pro- 
fonds et évasés ; mais la côte asiatique est découpée par 
les golfes spacieux et bien abrités d'Ismid ou Nicomédie, 
de Moundania ou Nicée, et par ceux' qui sont situés 
derrière la grande presqu'île deCyzique, ou d^oién 
les Ues de Marmara et de Buby. , 

HellespoHU — Le pourant du Boi^ihore est peu 
rapide dans la mer de Marmara, où les eaux: arrivantes 
trouvent un grand espace pour s'étendre et se dévelop- 
per; mais il acquiert une grande vitesse en entmt, 
près de Gallipoli, dans le canal dit des Dardanelles, an* 
trefois Hellespont. 

Gallipoli,. ville commerçante, capitale de la Ghetso- 
nèse de Tbrace , renferme des établissements conâdé*- 
râbles pour le service de la marine militaire de l'empire 
ottoman. Le capitan-pacba ou grand amiral de la Tur* 
quie est le gouverneur de la ville de GaUipoli , de la 
Gbersonèse , de tout le littoral méridional de la Thràee 
jusqu'aux frontières de la Macédoine , ainsi que de la 
Troade> des îles de l'Arcbipel et de tout ee qui consti- 
tuait anciennement les provinces maritimes de l'Ionie, 
de la Doride et de la Garie, dans l'Asie-Mineure. 



— 72 — 

Liet f rkiG^aux moyens défensifs da canal des Darda- 
nelles , en venant de la mer Eçëe , sont : 

l"" Deux forts situés l'an près du cap Sij^e en Asie » et 
Tantre sur le cap Eléonte en Europe. Une distance de 
plus de 4000 mètres les sépare l'un de l'autre. Les feux 
de leurs batteries ne se croisent que lorsque les canons 
sont tirés à toute volée et n'ont'par conséquent aucune 
précision dans le tir. 

SK» Un petit fort a été bâti sur la côte d'Europe pw le 
baron de Tott en 1771 , pour battre le mouillage dit des 
Taches blanches, près la Pointe des Barbiers, autrefois 
promontoire de Dardanus , sur ie rivage asiatique. Le * 
port des Taches blanches sert de mouillage aux bàti^ 
ments marchands qui, retenus par les vents contraires , 
ne peuvent pas refouler et remonter le courant de THel- 
lespont. 

S^Les deux châteaux des Dardanelles, séparés entre 
eux par une distance de 1800 mètres, commandent la 
passe la plus étroite du canal et croisent très bien les 
feux de leurs batteries. C'est dans les batteries basses 
de ces deux châteaux qu'on voit encore les énormes 
canons qui y ont été placés en 1460 par Mahomet II. 
Lançant des projectiles de granit ou de marbre du 
poids de 600 à 800 livres , ces canons ont la forme ^e 
cônes tronqués sans bourrelet de volée, sans tourillons et 
sans boutons de culasse. Immobiles et retenus dans leur 
recul par une forte muraille en maçonnerie , ils ne peu- 
vent tirer que dans une seule direction. Malgré leur 
poids immense, il serait assez facile de les faire mouvoir 
dans toute la largeur de leurs grandes embrasures, en 
les fixant sur des plates-formes très solides et mobiles qui 
seraient posées sur des corps^hériques roulant dans des 
rainures cirtulaires et coBcentriques. 



— 73 — 

C'est près du cbàtéaa asiatique que se trouve la Tille 
des Dardanelles, qui est la rësideDce habituelle des coït'- 
suis étrangers ainsi que du commandant supérieur de 
tous les ouvrages militaires de THellespont. 

La partie la plus essentielle de ce canal sous le rapport 
de la défense est celle de la pointé et presqu'île de Na* 
gara 5 sur laquelle s'élevait Jadis la ville d'Abydos, dans 
laTroade^ ' 

S'avançant vers les ruines de Sestos, en Europe, le 
prmnontoire de Nagara change la direction du canal. 
Gdni- ci forme sur ce point un grand coude presque à 
an^e droit, et présente en arriére, vers Gallipoli, un 
mouillage spacieux et très sûr. Une ligne de vaisseaux 
de ligne et de grandes frégates embossée au dessus du 
cap du Nagara pourrait, si elle était appuyée par des 
batteries établies sur lesdeux rives voisines, arrêter faci- 
lement dans ce passage tortueux toutes les flottes enne- 
mies, <pii, en combattant pour surmonter cet obstacle, 
auraient à redouter les feux des ouvrages de la c6te 
ainsi que les brùfots et toutes les matières incendiaires 
que les défenseurs du canal livreraient au courant. 

Des roches sous-marines dans le prolongement de la 
pointe de Nagara obligent les navires à serrer de très 
près la côte d'Europe pour remonter le canal jusqu'à 
Gallipoli. C'est donc sur ce versant de la Chersonèse , 
près de Bfaîtos, et à peu de distance des ruines de Sestos, 
qu'il conviendrait d'établir un triple étage de batteries 
dont les plus basses seraient casematées. 

Voulant profiter de la position extrêmement impor- 
tante du cap de Nagara , quelques ingénieurs français 
avaient proposé en 1807 d'établir sur cette pointe un fort 
carré à deux ou trois étages de batteries couvertes. 
Leurs feux, se croisant avec ceux du fort de Haitos, au- 



— 74 ~ 

çaient an effet puissant et terrible centre les navires en- 
nemis. Ceux-ci, obligés de changer atout moment leur 
directî<m dans ce passage nnueux, an milieu de feux 
croisés de toute espèce , auraient Men de la peine à 
aborder rescadredéfeasived'embossage placée en arrière 
du cap de Nagara. 

La Porte, qui avait a^rouvé l'utile projet des ingë^ 
nieurs français dans les moments de péril , ne tarda 
pas à l'abandonner lorsque ses craintes furent dtsaipées. 
Quelques batteries trop basses ont été ajoutées, il y a 
peu d'années, par des ingénieurs prussiens, auprès du 
château des Dardanelles d'Asie. Mais, malgré cette addi- 
lion^ le passage du canal de THellespont peut être con- 
sidérA comme étant a peu prës^ aussi facile qu'en 1807. 

Les Turcs continuent à mettre toute leur confiance 
dans les anciens châteaux, qui sont jnal tracés, mal 
armtéfii* construits sans solidité et dominés de toutes parts. 
Cea chAteaux peu utiles portent encore leurs anciens 
noms pompeux de KilidU Bahar et de Sulian-^Calesn , 
c'e$t-àrdire la oief des mers et la grande forteresse 
du sultan* liais la Gbersonèse de Thrace , placée entre 
l'Hellespont et le golfe de Saros, est la yrate def de cette 
mer* 

Aussir longue que le canal des Dardanelles, cette 
presqu'île compte seice lieues depuis Gallipoli jusqu'à 
la mer Egée. Elle est beaucoup plus haute que la cAte 
asiatique qui lui est opposée, et particulièrement yis-à* 
vis la Troade. 

La Cbersanèse de Thrace présente deux points de ré- 
tréeisseiqient d'environ deux lieues de largeur, l'un en 
avant de Gallipoli, et l'autre en avant de Maîtos. Les 
anciens Athéniens, sous le commandement de MUtiade, 
avaient fut construire une muraille appelée Hexamilon, 



— 78 — 
àcausedesa longueur de six milles,sar le premier de des 
cols, afin d'empêcher les Thraces de pénétrer dans la 
Qbersonèse. On voit encore les restes de cette ancienne 
fortification. 

Une armée ennemie qui débarquerait dans le gotfe de 
Sarosy près de Cardia, monterait sur les hantears qui 
commandent les forts et les batteries actuelles de THel* 
leqpont dans la Ghersonèse et s'en emparerait santbeau- 
eoap de difficultés. 

Des batteries défensives et fermées àJagoi^e devraient 
être établies sur les plages abordables du golfe de Saros. 
Deux forts seraient nécessaires sur les plus hautes crêtes 
montueuses de la Ghersonèse : Tun au dessus de Cralli- 
poli, et l'autre au dessus de Maitos. Ils devraient être ap- 
puyés par de nombreuses redoutes bâties sur les crêtes 
dominantes» ainsi que sur quelques parties favorables des 
versants, et sur les chemins de communication, qui sont 
très difficiles dans ce terrain inégal et brisé. 

Les possesseurs de la Ghersonèse de Thrace pourront 
seuls disposer en tout temps du passage de l'Hellespont^ 
et par conséquent favoriser ou entraver le ccHnmerce de 
Gonstantinople et de toute la mer Noire. 

Nous ne saurions trop recommander au gouvernement 
ottomiui de porter son attention sur cette Ghersonèse, qui 
est une des parties les plus importantes de son empire 
et qu^il doit considérer comme un de ses meilleurs 
moyens de salut. 

La vitesse du courant de l'Hellespont est égale à celle 
du courant du Bosphore. Les vents dominants dans ce 
canal sont ceux du nord et du nord-est pendant le. 
printemps et l'été , et ceux du sud et du sud-ouest du* 
rant l'automne et l'hiver. Ces derniers, ainsi que les 
vents du nord-ouest, soufflent quelquefois avec une ex- 



— 76 — 
Irème yioIeDce en dehors de rHellespoiit et dans les lies 
de l'Archipel. 

C'est surtout pour la navigation de THellespont , de la 
Propontide et du Bosphore , que les bateaux à vapeur 
sont de la plus grande utilité. On pourra, par leur moyen, 
remonter dans tous les temps ces deux courants rapides 
et on évitera de relâcher et de stationner quelquefois pen- 
dant un ou deux mois dans le mouillage de la ville des 
Dardanelles , lorsque les vents soufilent avec obstination 
du côté du nord et augmentent la rapidité du courant. 
. Les lies de Ténédos et de Lemnos sont situées à peu 
de distance de THellespont. La première n'a qu'un 
mouillage peu sûr (1), quoiqu'elle ait servi souvent de 
station aux vaisseaux de guerre chargés de bloquer les 
Dardanelles. 

Sa proximité immédiate de l'entrée du canal est son 
plus grand avantage. Lemnos possède quelques bons 
ports, entre autres celui de S.-Antoine, un des meilleurs 
de l'ÀrchipeK Cette lie serait une excellente station pour 
une escadre de blocus , si de ce point un peu éloigné on 
apercevait complètement l'entrée de l'HeJlespont. 

Routes principales de la Thrace. 

La principale route de la Thrace est celle de Vienne 
à Constantinople en passant par Belgrade. Cette route, 
après avoir traversé les villes importantes de Nissa et de 
Sophie , monte la chaîne des Balkans près des sources de 
la Maritza, par le défilé de Capuli-Dervend , ancienne- 
ment défilé de Trajan ; longeant ce fleuve , elle arrive 
successivement à Philippopoli et à Àndrinople. Elle se 
dirige ensuite au sud-est par Habsa, Babeski et Bour- 

(1) Statio maleflda Garenis. {Enéide de Vieoilb.) 



— 77 — 

gas. CoQp»it an delà de ce dernier point la chaîne des 
Petits Balkans dans son plus grand abaissement , elle ar- 
rive à Tchiorlou, ensuite à Sélivria, sur la Propontide* 
Ne quittant plus les bords de la mer de Marmara , elle 
passe parle Grand Pont et le Petit Pont, et aboutit bientôt 
après à Gonstantinople , où elle entre par la porte d'An- 
drinopie. 

Cette route n'offre des difficultés que jusqu'à Philippo^ 
poli dans les passages des montagnes. Mais^ la yallëe de 
la Maritzas'élargissantàrest de cette dernière yille, on 
pourrait parcourir facilement en voiture le reste du che- 
min jusqu'à la capitale de la Turquie. 

La route deBukarestetRoutschoukà Gonstantinople 
traverse les Grands BalfLan» ou défilé du Ghipka, et de* 
scend à Keisanluk , ville célèbre, ainsi que celle de Séii* 
mia, par ses nombreux champs de rosiers , dont les fleurs 
servent à confectionner les essences de roses. Gette 
route longe d'abord la rive gauche de la Tundja et passe 
par Eski-Zara. Parvenue à la Maritza, elle en suit le 
cours jusqu'à Andrinople , en passant par la petite ville 
et par le pont de Moustapha-Paeha. 

La route de Ghioumia et celle de Varna à Gonstanti* 
nople traversent les Grands Balkanset arrivent à Aïdos; 
se portant ensuite vers le sud , ces deux routes réunies 
laissent à gauche le port et la ville de Bourges, coupent 
les Petits Balkans près Faki^ et arrivent à la ville de 
Kirkiglisias (quarante églises). Ges deux routes font à 
Tchatal-Bourgas leur jonction avec le chemin direct 
d' Andrinople à Gonstantinople. 

Un chemin placé, entre ceux d'Aîdos et de Késanluk 
passe par le défilé de Dobral, arrive à Sélimia, et se porte 
ensuite directement sur Andrinople. 

Tous ces chemins sont mauvais. Gependant, au moyen 



— 78 — . 

de rèpiratioDS faites successivement et avec soin, on 
parvient à les parcourir avec de rartillerie de cun- 
pagne. 

Lorsqu'on veut se rendre directement par terre du 
port maritime de Bourgas à Gonstantinople en suivant 
te littoral de >a mer Noire, on ne trouve que des sentiers 
très difficiles qui traversent des vallées ëtraltes profon- 
dément encaissées. 

La route de Gonstantinople à Salonique, en Macédoine, 
suit le rivage de la Propontide jusqu'à Rodosto. Elle se 
détourne ensuite à l'ouest pour longer le pied du ver- 
sant méridional du Rhodope; dans cette dernière direc^ 
tion, elle traverse le Mêlas à Malgara, et passe successi- 
vement par les villes d'ipsala, de Foret, de Gumur- 
gina et d'Yenidgé , avant d'arriver au Nestus. Elle entre 
immédiatement après à la Cavalle. Cette petite ville assez 
mal fortifiée et placée sur la mer de l'Archipel , au pied 
des monts Pangéens, vis-à-vis l'Ile de Thasos, est re- 
gardée comme la clef de la frontière orientale de la 
Macédoine ; elle devrait être bien fortifiée à cause du 
passage étroit qu'elle occupe. 

Popalation des principales villes de la Thrace. 

Constantinople , à Textrémité méridio- 
nale du Rosphore • • . 800000 i^«M*- 

Andrinople^ sur la Maritza et au cen- 
tre de la Thrace. . 100000 

Cette grande ville a été la résidence des 
sultans ottomans depuis 1366 jusqu'à 14S3, 
époque de la prise de Gonstantinople ; elle * 
renferme des monuments magnifiques. Elle 
peut , par son heureuse position , devenir 



— 7« — 

le centre d'un eomaieree florissant. Nous 
avons expliqué plus liaut combien il serait 
facile d'en faire une forteresse redoutable. 

Philippopoliy sur la Maritza et sur la route 
de Tienne à Gonstantinople. Un tremble» 
ment de terre l'a en partie détrnite eu 1818 ; 
sa population est d'environ 20000 W*. 

Keisanliky au pied du versant méridio- 
nal des Balkans, sur la route d'Andrinople à 
Routschouk^t prés des sources de la Tundja. 12000 

Eskî-Zara^ au sud-est de Késanlik sur la 
Tundja , ville industrielle et commerçante. 8000 

Carnabat 2800 

Sélimiaj vîffe comnierçante sur le ver- 
sant méridional des Balkans. Ses tiabifants 
sont presque tous chrétiens. Sa foire annuelle 
y attire des marchands de toutes les con- 
trées voisines. . . • ISOOO 

SizeboU , à l'entrée du golfe de Bourgas. 3000 

Bourgas , port sur la mer Noire , au pied 
méridional des Grands Balkans .... 7000 

Ouroudjovay célèbre parune foire annuel- 
le. . ^ 300O 

Kirkigtisias , située sur le versant occi- 
dental des Petits Balkans, à Test d'Andri- 
nople ; ville très commerçante , entre d^ux 
belles et riches vallées ....... 1200O 

risa, près de la mer Noire, capitale du 
sandgiakat dans lequel Gonstantinople est 
compris 1200 

Aynadaj port sur la mer Noire, entre 
Bourgas et le Bosphore. ...... 3000 



— 80 — 

Média (aneienne Safanydessos), portée 
lamer Noire . . 4000*»«bit. 

Tchatal'Bourgoi , sur la route d'Ândrioo- 
ple à Constantinople 6000 

Erkéné, sur la rivière de ce nom, près 
de soa conflaeiit avec la Maritza. . • . 3000 

Teh^rlau , sar la route d'Andrinople ^à 
Crastaotinople 6000 

St/ivrta, surlaPropontide 8000 

Héraclée de Tbrace , sur la Propontide, 
petite ville maritime entre Bodosto et Sili- 
vria 1000 

hùdosîOy ville très commerçante sur la 
Propontide et sur la route de Constantino-' 
pie à Salonique. ......... 30000 

Les campagnes environnantes sont très 
fertiles. 

Gallipolij capitale de la Ghersonèse de 
Thraçe, à l'entrée septentrionale de l'Hel- 
lespont • 16Q00 

Gumurdgina^ sur la route de Constantino- 
pie à Salonique et près du rivage de la mer 
Egée. 6000 

Enos, port de mer à rembouchure de la 
Maritza , entrepôt du coogmerce d'Andrino- 
pie 8000 

Maytos, dans ia Ghersonèse de Thrace, 
près des ruines de Sestos 2000 

Férel, près d'Enos 200*0 

Démotica , sur la Maritza , près du con- 
fluent de l'Erkenè 3000 

Ipmlùj sur la route de Gonstantinople à 



— 81 — 
Saloniqoe , à l'est de la Maritza et à peu de 
distance d'Enos 2600 babi*. 

La population moyenne de la Thrace est de 416 âmes 
par lieue carrée. 

Couverte au nord par les Balkans, à l'ouest par les 
monts Illyriques ^ au sud par le mont Rhodope , et à l'est 
par le Bosphore , la Proponlide, l'Hellespont , ainsi que 
par le port de Bonrgas dans la mer Noire,'et par une côte 
inhospitalière et presque inabordable depuis ce dernier 
point jusqu'au canal de Gonstantinople , la Thrace s'ap.^ 
puie de tous côtés sur des limites naturelles très fortes 
et faciles à défendre. Réduite à elle-même, elle pour^ 
rait résister à de puissantes attaques , et serait suscepti- 
ble, par la fertilité de son sol, par la bravoure et l'in- 
dustrie de ses habitants , et surtout par sa position admi- « 
rable , de devenir en peu de temps une des parties les 
plus importantes et les plus prospères de l'Europe. 



MACÉDOINE ET THESSALIE, 

Macédoine. — La Macédoine faisait partie de l'an- 
cienne Grèce. Philippe, roi de Macédoine 5 coopéra à 
l'exécution du décret de la ligue amphictyonique con- 
tre les Phocéens pour les sacrilèges commis par ces der- 
niers dans le temple de Delphes. Alexandre, sonflls, fit la 
guerre contre les Perses, sous le prétexte de punir les 
uiciens outrages faits à la nation hellénique par les pré- 
décesseurs de Darius. 

Cette province s'appuie au nord sur le mont Rhodôpe 
et sur le bassin de Nestus , à l'occident sur la chaîne du 
Pinde , qui la sépare de l'Albanie, au sud sur la Thessa- 
lie , et à Test sur la mer Egée. 

I. * 6 



— 82 — 

Les Macédoniens, gouvernés par un roi^ et pouvant 
disposer -d'une grande force centrale, vainquirent et dé- 
truisirent toutes les républiques de la Grèce. Conquise à 
son tour par les Romains, la Macédoine devint une des 
provinces de ce grand empire. 

Ce fut à cause delà position centrale et importante de 
la Macédoine et de la Thessalie que vers la fin de la ré- 
publique romaine les grandes querettes entre les pré- 
tendants à l'autorité suprême forent terminées par des 
luttes sanglantes dans ces deux provinces. 

N'ayant pas été abâtardis par la domination des rav- 
pereurs d'Orient , les Macédoniens et les Albanais ré- 
sistèrent long-temps avec courage aux attaques des ar- 
mées ottomanes, et ne furent complètement soumis à 
rautorité de la Sublime-Porte que dans le courant du 
16e siècle. 

L'air de la Macédoine est pur, vif et très sain. Son sol 
est généralement fertile ; les grandes vallées et les ver- 
sants de ses montagnes inférieures donnent en abondan- 
ce du blé , de l'huile d'olive , du vin et des cotons. 

On trouve dans plusieurs de ses montagnes des mines 
•d'or, d'argent, de fer et de cuivre. Ses grandes chaînes 
sont couvertes de forêts épaisses depuis le milieu deleuss 
versants jusqu'aux plus bautes.sommités. — Les partiels 
inférieures des montagnes et leurs vallées intermédiai^ 
;res donnant, lorsqu'elles sont cultivées, une grande ^ 
jM>ndanee dc'produits agricoles. 

•Les habitants se ressentent de la vivacité de l'air lOt^de 
la salubrité du climat. Ils sont en général beaux, grands, 
«robustes, actifs, intelligents et belliqueux. — Les trois j 
fameux Kaprolis » qui gouvernèrent comme gran4a- 
visirs pendant trois règnes suecessife l'empire ottoman, ^ 
avec gloire'et succès, et liS sau itèrent des plus gran^P 



- w - 

«wigeri, «tdtaPt MaoMMteis. li«liélMt^Àli,qai>i «ift 
Ât VÉfff9te BM fnkam^ reepectabl», «t vA la goiiv^f^ 
ne avec aatant d'énergie que d'intelligence, est né 4 Lu 
Cavalie, dans cette province. 

La popolatipn de la Macédoine, sur une surface de 
1£00 lieues carrées, est estimée à 600,000 âmes , dont «n 
tiers professe la religion musulmane j les deux aiilrcip 
tiers ftont chrétiens,, à l'excepiion de plusieurs fisnîlkis 
|¥li?es, venues autrefois d'EsiiagAe. 

On distingue danslapepulation musulmane uneelasse 
particnlièro de Turcomans nomades , qui , semNêUes 
aux Turcomans de l' Asie-Mineure , négligent la culture 
des terres et mènent une vio errante avec laurs iroi^ 
peaux. Qn les nomme Yuruka. 

On ostime le revenu territorial de la Macédetee à 
environ 50 nùllioas de francs ^ et celui de son industrie 
eomi9orciale et lUianufactiirière à 20 millions. — Le gan- 
vememenl ottoman en tire 7 millions de francs par les 
Impôts. Les avanies et les extorsions des pachas , des 
«y ans et desprinâpaux dignitaires, s'élèvent, assure- 
t-on, à une valeur de 6 à 7 miUionsde la même moniiaie. 

La Macédaiue, qui est sous le eommàndement géné- 
ral du beylerbey de Romélie, est divisée en cinq sand- 
giakats : l"" de Saloiùque , 2» de Gustenéil , 3» d'Dscup, 
à9 de Monastir, et S"" d'Ochrida. Elle contient en outr 
.le heylik 00 principauté de Sérés, qui forme uuigonver- 
jMoiettt aéparé. La surface de la Macédoine présente les 
tassins du Strymon, du Yardar ou Axius et de THalyâc^ 
.mon. 

Le beylickoui^rJncipauté de Sérés est la partie la phis 

fertile et la plus riche de la Macédoine; c'est elle qui 

fournit la pltfs grande partie des cotons qui sontexpor^té 

de cette proj^jsice. Las forges de Dxaaa/et la ivîlla deLa 

6. 



— 84 — 

Civaiie sont sous la dépendaDee da bey de Séréi. Cette 
dernière yille est avantagensement sitnèe pour le corn- 
merce extérienr. 

La presqu'île Chalcidique , formée par le prolonge- 
ment des monts Pangéens, renfermée entre le golfe de 
Salonique et celui de Codtessa , et découpée à son ex- 
trémité par les golfes du mont Athos et de Cassandre , 
dépend du sàndgiakat de Salonique. Son sol est très fer- 
tile ; son commerce , favorisé par une position avanta* 
geuse , peut devenir actif et florissant. Sa défense est 
fiicile y parce que son isthme , couvert en grande partit 
par le lac Bechik , entre le golfe de Salonique et celai 
de Contessa , a peu de largeur. 

Le mont Àtbos^ qui forme une montagne isolée, est 
le point de la terre qui contient la plus grande agréga- 
tion d'établissements conventuels. Tous les moines dn 
mont Àtbos suivent la règle de saint Basile et se livrent 
les uns aux travaux de ragricuiture et les autres aux 
prières et aux contemplations de la vie cénobitique. Les 
Turcs les laissent tranquilles; aucun des dtedples de 
rislamisme ne réside parmi eux (1). 

La Thessalie. — La Tbessalie , appelée Yaniah par les 
Turcs, a joué un très grand r6le dans la plus haute an- 
tiquité. Les Thessaliens ont été civilisés avant tous les 



(I) Le moot Aihos, situé à l'eitrémlté orientale de la presqalle Ghàl*. 
cidiqpie , renfermatt , avait rinsorreetioQ des Grecs, Tingt^leai epoTeiitt» 
et , eo oatre, cinq cents chapelles, celkiles on grottes, qai servaient dlia- 
bitation à quatre mille moines. Ces religieux , dans les intervalles de leurs 
offices, labouraient la terre, cultivaient des vignobles et des oliviers, et 
élevaient beaucoup d^beHIes. de dernier article d'industrie les mettait en 
état d'exporter chaque année éOmille okes ou 80 mille kilogran. de oiie. 
Les mêmes moines , dans leurs loisirs , fabriquaient des Images de sainte , 
ainsi que des couteaux et des cuillères en bois. 

Le bourg d*Alvara » au pied du vers^pt oriental du mont Atbos , est le 



— 86 - 
aatres Grecs* L'agriculture, favorisëe par la fertilité do 
sol, y avait fait de grands progrès; les chevaux et lea 
bœufs de la Thessalie étaient considérés à cette époque 
commis les plus beaux de T univers. 

Les Tbessaliens inventèrent l'art de l'équitalion , ce 
fui fit donner le nom de centaures à quelques peupladet 
tbessalienneSy surtout à celles qui habitaient le mont 
PéMon et le mont Ossa. 

C'était dans la Thessalie que les anciens Grecs allaient 
chercher les plus beaux produits des arts manufactu- 
riers. Ce goût industriel existe encore , car la Magnésie» 
qui s'étend le long de la mer depuis le golfe de Yolo Jus- 
qu'à l'embouchure du Pénée, sur les versants et dans 
les vallées du mont Pélion et du mont Ossa» possè- 
de de nos jours les plus beaux établissements manufac- 
turiers àer toute la Turquie. Nombreux » industriels et 
belliqueux, les montagnards magnésiens » connus ac- 
tuellement sous le nom de Zagoriotes , paient un tribut 
à la Porte ; mais ils n'ont jamais permis à aucun musul- 
man de s'établir parmi eux. 

Soumis aux rois de Macédoine, après avoir été gou- 
vernés par plusieurs petits princes indépendants, parmi 
lesquels on distinguait la famille souveraine dont Achille 
a été le membre le plus iUustre , les Tbessaliens ont tou- 
jours suivi depuis cette époque le sort des Macédoniens, 
et sont tombés avec eux sous la domination romaine. 

port maritime où se fait le commerce (Texportation et d^importation dtt 
bafoitantt de cette montagne. Ce bourg est habité par cinq cents moines , 
^Mles dans ienrë relations oommercialea. 

Le premier séminaire ectiésiastiqae et la plus célèbre des écoles tbée- 
logiques de l^Église grecque se trouvent sur le mont Atbos. 

Un grand nombre de philosophes grecs habitaient cette montagne avant 
la naiseance du cMstitiiIsme, pour f mieui eoateaipler le del ei^bter* 
ver la nature. 



— 86 — 

La conquête de la Macédoine par les Tnrcs ftrt su! vîc 
finmédiatement par la soumission de la Thessâlie à la 
dfôthination du Grand-Seigneur. Le célèbre général turc 
Gavrino s'empara de ces deux provinces au nom àti 
sultan Hourad, qui, pour le récompenser, lui accorda dans 
hi lllàcfrdoine , près de Salonique, tout le terraih dont 9 
fiourrafC faîre le tour dans une journée. Les descendants 
de ce conquérant^ ayant réussi à conserver ce grand hé- 
rTIage , sànt les principaux propriétaires de C^s pro- 
Vltocei. 

Là surface dé la Thessalie est eslitnée à 800 lieues 
eàri^éefs. Sa popufetion s'élève à 2S0,000 âmes, tn tiers 
èè compose dé musulmans , les deux autres tiers sont 
chrétiens. 

Le t^evèniîi teifitorial de cette province est de ISùitf- 
Kàm de fraAc». Se^ produits industriels , dus à un grand 
ndlBibr<e d'établissements manufacturiers, ont une valeur 
èé 10 millions de frkncs par année. 

La Porte tire de ïa Thessalie un revenu annuel de 3 
millions et demi de Trancs pour ta dime des terres et des 
pfo'duits ihanuracturés , pour te kàradge ou capitation 
dis sujets non musulmans, et pour les douanes. Les ex- 
étctiohs des agents du gouvernement ottoman enlèvent 
ahnuèltemént aux habitants de la Thessafte une somme 
presque égale à celle des revenus réguliers. 

Gcftte province , la plus industrieuse de la Turquie , à 
toujours été plus ravagée que les autres par ses gouver- 
neurs particuliers; Les dévastations commises par les 
troupes ottomanes, qui l'ont frèqueoiBieiit traversée ptna^ 
dâmt leis guerres d'AR-Pacha et de rinsurreclion de la 
Grèce , ont considérablement diminué sa population et 
^aes richesses. -^Hais sea ressewces nMur^les et l'actif 
vite ingénieuse de ses habitants ont déjà réparé, en 



— w — 

éoii26 ans de paix , les maux des deroièie» guerres. 

ÇonMBQfileaiioDt de la Matédokif el de ta ThoMatt» 

avec les provioces voisines. 

Pour se rendre de Salonique à la frontière seplentrio- 
Baie de (a Tbessali e, on traverse FAxius , rHaliacmon , 
le canal de Karasmost , la plage basse et marécageuse de 
Botiée , la ville de Gathéri , enfin la grande et belle 
plaine de la Plerrie, qai s'étend jusqu'au pied du mont 
Ctfjpmpe. Remontant cette ebalne à travers des Ibrèts 
èpaîsees, on arrive au château de Platamona, qui, quoi- 
qae trè» défectueux , est regardé par les Turcs comme 
la clef du passage entre la Macédoine et la TbessaHe. . 

La routa de Salonique pour l'Albanie passe par PeMa 
etpar Yodina, et gagne ensuite la vallée de l'Érigon, 
qu'on remonte pour arriver à Moaastir. Lebaut et vaste 
plateau de Monastir est remarquable par sa fertilité et 
par les dispositions b^tlqueusès de ses habitants^ qui 
sont les pins beaux bommea de la Maeédoine. On passe 
ensuite le Pinde, prêt du bo«rg et du lac de Drraovo , 
et on descend à la ville d'Ocbrîda par un escarpement 
Bapide ^ air un terrain schisteux. 

IJne route romaine connue anciennement soui le 
nom de Vme égMaienne^ laquelle est conservée en 
partie, sortait de Salonique 5 traversait le Pinde et 
descendait à Dytracbium, actuellement. DarmEZo, sur la 
mer Adrialique. Cette route, qui était à peu près la mê- 
me que la précédente , avait une longueur de 60 tieuès. 
Sa construction solide lui a permis de résister en beau- 
coup d^endreits à l'action destructive de tant de siédes 
sous les gouvernements non réparateurs des Grecs du 
Bas-Empire et des Ottomans. 



-^ 88 - 

. Les RoBiftiQS se rendaieiit de Dyrraehiam à Blinde» 
par mer, et de Brindes à Rome. 

Les routes de communication de Salonique avec l'Al- 
banie, la Bosnie et la Haute-Thrace, se joignent à Dscup, 
à peu de distance des sources de l'Aiius et du Yardar, 
et près de l'angle que forme , en se réunissant , la chaîne 
du Pinde (albano-épirique) ^ et celle du Scardus et du 
Scomius , dont se détachent vers l'est les Balkans et le 
mont Rhodope* Pour arriver à Uscup , on remonte la 
vallée du Vardar, on passe par Gradiska et par Kuproli. 

Quand on veut se rendre d'Uscup dans rAlbanie , on 
monte la grande chaîne du Piude au village de Stratza ; 
on descend ensuite dans la plaine de Prisrend , on suH 
h l'ouest une route presque parallèle au Drin noir, et on 
arrive au lac de Scutari, et à la ville de ce nom, qui est 
la plus grande de l'Albanie. 

En traversant le haut et étroit défilé de Kaïmarouza^ 
sîtiié au pied du Scardus, en arrive d'Uscup à Pristina , 
et on trouve plus loin Novi-Bazar. 

D'Useup on $e rend dans la Servie par la ville de Ga- 
manova , et on parvient , par le défilé de Délibache , h 
Yrania et ensuite à Nissa > à vingt-cinq lieues plus air 
nord. 

. Le chemin d'Uscup vers la Haute-Thrace passe par 
Comanava «t Gustendil, longe le pied méridional du 
Scardus et du Scomius , traverse , près de Samatof , I0 
ntjsud qui joint le mont Hémus au mont Rhodope , et ar- 
rive, après avoir parcouru une distance de quinze lieues, 
à Phitippopoli, sur la Maritza. 

On va directement d'Uscup à Sérés, et de làà Prava, 
suc la route de- Salonique à Gonstaniinopie , en passant 
par Kùproli , Istip , Stromza , Mélénik d; Sérés. 



— 89 — 

Lft route directe de Salenlqiie k GOMlaiitiMple cort^ie 
le revers septentrional de l'istbme de la presqu'île Cbal«* 
eidiqueet leJacBichiqve. Elle pénètre «ntiiite dans le 
bassin da Strymon» traverse ce fleuve à sa sortie du lae 
Hakinos, près des ruines d*Àmpbipolis, et entre dans la 
spacieuse et fertile plaine de Séris. Puis elle débouche 
dans la vallée industrielle de Drama» et passe à tra- 
verse la plaine de Pbilippe , célèbre par la bataille dé- 
cisive qu'Antoine et Octave remportèrent sur Brutus et 
Cassius. Elle arrive enfin à Prava. 
. Prava possède de grands établissements de forges et 
de fonderies de canons de fer, debon]4>es et de boulets. 
Le minerai ferrugineux employé dans ces usines pro* 
vient des monts Pangéens j qui renferment également 
dans leur sein des mines d'or et d'argent, dont les an- 
ciens savaient tirer un parti utile par le moyen de leura 
nombreux esclaves. 

De Prava la route se rapproche de la mer Egée , et la 
serre de très près à la ville de La Gavalle, laquelle, bàtiè 
au pied d'un versant escarpé des monts Pangéens^ vis*^^ 
à-vis riie de Thasos, forme un assea bon port, et aert dé 
défense > par ses fortifications irrégulièresi à cette en- 
trée orientale de Ja Macédoine. 
; En sortant de La Cavalle, et par conséquent de la Ma- 
cédoine, la route de Salonique à Gonstanlinople se 
dirige à l'est p traverse le bassin du Nestus et àrrite à- 
Yénidgé de Thrace (1)« Après avoir passé la ville de 
Cttmurdgina; eUe va à celles de Mérée et de Féret. 
Cette dernière est située près du lac et de ta ville d'£nos« 

.{I) Us1i«bil«Dto des deox Téaidgé, de Thtms» et deUtcéMae, ctflti- 
▼ent et récoltent ud^ grande quantité de tabac très estimé dans le IjeYantv- 
La Yille de Ténidgé de Macédoine est voisine des mines d*Pelia« ville 
mtale4*Aleiindre le Graad' 



— 90 - 

C'est près des roiaes de Etorisque q«ie la route de Sa* 
toiiiqne à GeasiaAtiMpie traverse laMaritza. Elle eoten 
ensoUele rhrage de la mer Égèe, et arrivé an bourg de 
Haigara, sur la rivière de Mêlas, qui verse ses eaux an 
fond du goMfr de Saros. 

Après être arrivée à Ortcba , point de rftumm 4m 
cominuiiicatiotts de Gonslaiitiâople à GaMïpoli et de Coa- 
staûtinople à Sakmiqiie, cette deranère route francbH le 
lthodope> et se dirige par Yènidgik sur Kodosto, qui, 
par sa grandeur et sa pépalatiou , est la troisièote vUlo 
de la Thraee. Côtoyant le rivi^e de la mer de Marmara, 
et passant par Hèraclèe de Thrace, Sitivria , le firand 
Pont et le Petit Pont^ cette roule aboutltiConstantinople, 
où elle entre par la porte du ebàteau des Sept-Tours. 

Là ville d'Énos , qui est située près du lac de ee nom 
et de rembouehure de la Maritza , ooeupe une position 
très importante sur un istbme qu'il serait hcile de forti** 
Aer et de dèiMMbne. Enos est le dëbouebé commereial 
d'Andrlnople et de ta grande vallée de la Maritià. Une 
arasée ennemie qui se sentit emparée d'Andrinople n'o« 
serait pas s'aventurer vers la eapitale de Tempire si, 
avant de eommencer ses opérations, eUé ne s'était renduo 
maîtresse de la position d'Éoos , par laquelle ses adver- 
saires pourraient menacer et couper ses derrières. Des 
bateaux de 80 à 80 tonneaux peuvent remonter facile- 
ment la Marifisa jusqu'au centre de la Thrace* 

Entourée d'eau sur les trds quarts de son enceinte ^ 
la viUe d'Eoos né présente qu'un front Mroit du côté de 
la terre* Il serait donc fadie de fortifier et de déléndre 
cette position importante. 

Après avoir indiqirt les routes de eommunicatton qui 
lient ta Macédoirie avec les provinces voisines , nous al-! 
Ions désigner les principaux chemins qui traversait la 



— 9f — 

Tbesèftbel Ces dMaiki serreront à ftiirè mimx oomiaitre 
et apprécier là configurati<»B physicfue dee«tle pra^iUM. 
Eaiomèe êe motatagneft de iùûs tAXi» et kwtièe aa 
Bbré par le moiit Olywpe , à l'est {nr te Piade , àu god 
par le imnit Œta, et à t'e^t par lé PéHott et l'Ossà^ la 
Thessalie n'offre , entre TOsga et l'Olympe ^ipi'tffie seule 
brëebe paaC lacpielie s'échappe la titfère te Péfi«e ^m 
Irrrirer à la mer. la vue des lient pctti à etéité ^ti'a^ 
Tsait rotifertui^ de Mttë brèche ^ ta Tfteêsâlîe filMiàfl 
«Il TasÉe lae, dofit leis eaai e^ «mit ftcoâiées |Mr la taflM 
I de Tefliipé. 

I CempMëe li^vài sel d'âAiifiofl, Mt ThêM^ié ett utt 

I des pays les plos fert^es de PttttttVAPS «tprodâHî en ti)eth 

danee tous les fruits des clitifat# tempérés. L'oll? 1er 5 ^ 
«boBdè sariôiis tes TeUMiits deeaMntajfoeSy et le eotoii^ 
nier, qui croit dans les plaines et dans les vaHées tSÊé^ 
rleares, eeoipos^nt la principale re^owée û» cette 
proYince* 

La plaHie de Larissa oœupe la partie sepléAtrf<Malé 

da IrassiB de la Thessalie j cette de t^haiMle cetnfoie M 

ffartiè alériâioaale ; wm cbatne ile eoHJÉeS) emMé de« 

emctens sons le nom de monts Gynocé^ales sépara ces 

^euk plaines. 

I C'est prés de ces colliees el à peâ éè dièkiMe dé 

^ Marsalè f|tte Ait Uvréé la batatlle entf e César et Pdm- 

f fée. C'est an nittien de ces àoièmés coRines ipie le céVMl 

I Flanninior, faTerisé par la sntfaice eenpée et iaéigfale 

-du tert*aAn , iiatlit avec ses légions légères et trts mebU 

les les laardes phalanges macédoniennes, Qu'en avait 

jrèfifkrfléês jusque «l6rs comme 1n?i<icibles. 

^ Le vaUèé d«i Sperehiué , qde les ancleitô Grecs appe* 

I Ment Keliadav «ppnrteneit à la Thëseaile^ qnplqû'êltt 

en t^ Ij^ârée par la bmate cbniifé de l'Olhf^y ti 



- 9i — 

C«Ue diainé est devenue I4 limite septentrionale dd 
nouveau royaume de la Grèce. 

On voit partir de Larissa , qui est la ville principale 
4e la Tbessalle ^ quatre roules qui se dirigent levers U 
Grèce méridionale 5 2* vers le golfe et la ville de Volo^ 
3* vers la Macédoine , A^ vers TEpire. 

La route de Yolo côtoie le lac Barbéis, traverse là 
petite ville de Verestinos, et aboutit d'un cèté àYalo, et 
de l'autre k Armyros. Yolo et Armyros sont les deux 
marchés maritimes par ieaquels les industrieux bdiitants 
du Pélion et de TOssa , qui forment la grande confédé- 
ration du Zagori , autrefois Magnésie , font passer à l'é- 
tranger les beaux produits de leurs manufactures. — 
Ambélakia, placé au dessus dii défilé de Teinpé, est un 
des principaux foyers de IMudustrie manufacturière dés 
Zagoriens. 

Cette route , après avirir dépateé les deux ports de 
Yolo et d' Armyros , coupe la chaîne de l'Othrys pour 
pénétrer dans la Grèce méridionale. Descendue k la ville 
de Zéitun^ dans l'Hellada, elle se porte vers Textré- 
mité orientale du mont QEta, entre dans lé défilé des 
Tbermopyles , longe le rivage maritime du golfe de Ta- 
lanta , arrive à Talanta , pénètre ensuite dans le déflié 
du mont Gnémis et aboutit à la vHIe de Livadie. 

La route de Larissa , vers la Macédoine , se dirige au 
nord-est et longe le Pénée jusqu'au pied du mont Ossa« 
Ap9è8 avoir traversé une plaine délicieuse au dessous 
d'Ambélakia, eUe entre dans un ravin profond entre 
roiympe et l'Ossa. 

On voit alors le Pénéè se précipiter dans cette brèche 
^vec une extrême rapidité. Ses eaux bouillonnantes, 
èrisées par les rochers , y font entendre un bruit assour* 
flissant. Établie i^ des marbres inègaui et giiâsants^^ 



n'ayant qu'ime lirgevr de 15'à 30 pieds, sufpendaa m 
ptusieurs endroits sur des plans inclinés, an dessus d^ 
abymes, cette route est dangereuse dans tout cedéAlè» 
jgui a une lieue et demie de longueur. 

Mais , sortie de cette gorge, étroite y la route , après 
avoir suivi long -temps les sinuosités nombreuses du Pé- 
née y entre dans une pFaine Tertile , s'y promène et se re* 
plie en longs détours avec ce fleuve , et tombe enfin dans 
le golfe Therméen (1). La plaine maritime au delà da 
défilé est la célèbre vallée de Tempe , représentée par 
les poètes et par les historiens comme une des piqs belles 
parties de l'univers. 

A une demi-lieue à Test du défilé , la route rencon* 
tre un pont de douze arcbes qu'elle traverse pour mon** 
ter l'Olympe et arriver au château de Platamona. 

Nous avons déjà décrit la route de Salonique à Plati^ 
mone. 

Le, chemin de Larissa versTÉpire se dirigea l'ouest, 
et monte le long du Pénée jusqu'à la ville de Tricala»aa 
confluent du Léthéris, Tricala est le chef-lieu du saad- 
giakat de ce nom ^ qui enabrasse presque toute la surfoce 
de la Thessalie. 

Continuant à côtoyer les eaux du Pénée, à travers des 
gorges étroites , cette route arrive à des rochers escar- 
pés , nommés Météores , sur lesquels sont établis ^ sur des 
sites pittoresques, plusieurs c^ouvents de moines grec». 
Elle parvient ensuite au village de Malaeasçis^ d'où elle 
s'élève sur la crête agi Pinde. Descendant an village de 
Mezzova, elle parvient à la vallée de l'Aréthon^qui ap» 
partient à l'Épire. 

Le passage du Pinde entre la Xhessalie et l'Épire est 

(1 ) CTeil le nom ancien d» gett* ée fiilenlqiw. 



— M — 

ffè»|itottte* Les migefi séjonrDeivl pmIâMt une grande 
p«rtie 4e rflmèe «ur le» liante» «onamUte de eelte e\uî^ 
ne ceotraie. Le principal métier des haUtaot» de Mala^ 
cassis et de MezzoTo est de traMportei* d'un versaot j^ 
l^antre du Pinde lesmarebandiseset le» voyageuf». 

FopvHitieo de la liaێdo2iie.et de U TbatatK** 
Macédoine. 

Saloniqne, autrefois The»sahHiiqae, capitale de toott 
la prevince , ert sitaèe au pied du mont Kortiak , au fond 
du golfe Tbermëen. Cest ta première place commer'» 
(anie de la Turquie d'Europe après Genstantinopie ; 
die retiferme des fabriques très estimées de coton, d'é-^ 
toffes de soie , de tapis de laine y de maroquins et de 
plusieurs articles en cuivre , acier et fer. Les Juife, qui 
y sont nombreux , partagent avec les Grecs la supério^ 
rite daos tes itaanufactures et te commerce de la ville. 

La population de Sakmique est de . . . 60000 ^•^ 

Karavaria 9 im|K)rtante par ses fobriques 
#» €0fl0B et »es teintureries 9^00 

Vodina (anciennement Edessa), autrefois 
séjour ordinaire et asile funèbre de» roi» 
maoédeniens 4000^ 

Sérés^ capitale du beylkk de ce nom, 
copient des labriques de laine et de ooton , 
et feitua ^and commerce de tabac. Le co- 
Hn noir eat (^livé en abondance dans se» 
ewvir<m». Le nombre de ses habitants est de SOGOO^ 

Drama , ville industrielle célèbre par ses 
toges» dans le voisinage des ruines de Phi- 
lippe, contient. ......... SOOO 

Monastir (Bitbulia),>»ijy9[Hjirioi^ake û» . 



-«» — 

beyierbeys de Bomélie. Les terres du haut 
plateau sur lequel cette ville %A b&tie sont 
très fertiles ISOO&inMv. 

Gastoria , s»r le lac de ee aoan. . . . 6000 

TJseup eoBlient de iKiiiibfieuaes fwiMwriea, 
Sa position est très impontaote. Ciette vitte 
est le cher-lieu d'un sandjjfiakat 10000 

Kuproli , sur 4e Yardar AûOÙ 

Cette irille a. donné naissance aux trote 
Kuprolis, céMiresfgranâs-'yinrs de Teaipire 
ottoman. ... 

Stromza , près de ia fronlière 4Mrîentale de 
laproTinee •« . 3000 

Pëtrovick, célèbre par l'ex^eeUence df» 
ses tabacs • 6000 

Mdènick, pelUe ^iHe avtc arch^râché 
grec iOOO 

Gustendil, chef-^tea d'un aangiakat^ cé- 
lèbre par ses labriqiMa de fer et.de ouivre^ 
par ses bains sulfuranx «A par seSiOiims die 
cuivre argentifère. .. ,...•*♦. .. 8000 

L'empereur Joatinien était né dans eett? , 
ville. 

Pristina , ^u pied du S^ardus , e^t la rési* 
denee ordinaiire de l'inspecteur général des 
mines inâtaUîques^.abMâmtdanales«ion- 
tagnes delà Macédoine. Sa position militaire 
est d'une grandeimportance. Cette ville con- 
tient • . , 10000 

Nova-Berda, céièbre|par ses mines d'ar- 
gent^ 4ont J'ej^ploitMian «t peu active. . 30QO 

Yrana , renommé .par ses for|;as et par 
ses fabriques de faux et d'armes. . . . 4000 



Thessalie. 

Larissa , sur les bords éa PéDëe, famense 
par ses établissements mdaslriels, contient 30000^"*^'* 

Tricala, séjour du sandgiak delà province, 12000 

Ambélakia, dans la vallée de Tempe, 
contleni.de nombreuses excellentes fila- 
tures de coton. . . • 600O 

Pharsale , si {célèbre dans l'histoire , con- 
tient 700O 

Ses environs sont d'une grande fertilité. 

Zagora , chef-lieu du canton industriel de 
ce nom (autrefois Magnésie)* Ce canton est 
sous la protection spéciale de la sultane Va- 
lidé, qui en tire un revenu assez important. 4000 

Yolo y port de mer sur le golfe de ce nom. 
Connue autrefois sous le nom de Démétrias, 
cette ville constituait, avec Ghakis et Go- 
rinthe, les stations navales les plus importan- 
tes de l'ancienne Grèce. 600O 

Trikeri, à l'entrée du golfe de Yolo, a 
beaucoup souffert pendant la guerre de la 
Grèce. Sa population était de . ... . . SOOO 

La population moyenne de la Macédoine et de te 
Thessalie est de 420 habitants par lieue carrée. 



ALBANIE ET ÉPIRE. 

L'Albanie , séparée de la Macédoine et de fa Thessalie 
par la chaîne du Pinde , comprend Kancienne Hlyrier 
grecque et l'aire. 



— 97 — 

Annexée à la Macédoine par le roi Philippe, père 
d'Alexaddre le Grand , Tlllyrie grecque et l'Ëpire pas- 
sèrent sous la domination romaine après la défaite et la 
captivité de Persée. 

Les Albanais modernes parlent l'ancien illyrien, qui 
est une langue très difTérente de Tidiome slave. Les ha- 
bitants actuels de l'Epire sont i^ mélange d'Albanais et 
d'anciens Grecs. On parle également dans ces provinces 
la langue illyrique et le grec 'uigaire. 

Ce ne fut qu'après une lutte longue et sanglante que 
ces deux provinces passèrent sous la domination de la 
Porte. Le prince Scanderberg, le héros de l'Alba- 
nie, défendit pendant ' lon^yucs années avec un cou- 
rage persévérant l'indépenaânce de sa patrie. 

Devenus sujets de la Sublime-Porte , les Albanais con- 
servèrent leurs anciens usages. L'amour du pouvoir et 
de l'argent produisit parmi eux un grand nombre de 
conversions à la croyance mahométane. Cependant on 
trouve encore dans l'Albanie beaucoup de chrétiens ; ils 
sont aux musulmans dans le rapport de S à 4. — On 
estime 4900,000 âmes la population réunie de l'Albanie 
et de l'Epire. — La surface totale de ces deux provinces 
est de 2,200 lieues carrées. 

L'Epire » dont la superficie est à peu près égale à celle 
de la Morée , donne beaucoup moins de produits agri- 
coles qujB cette péninsule. Son aspect montueux et la 
rigueur des hivers dans ses hautes vallées et sur ses pla- 
teaux supérieursdiminuent la quantité de ses produits 
agricoles. Mais la grande et fertile vallée de TArta et 
les plaines maritimes baignées par les eaux de l'Adriati- 
que produisent beaucoup de céréales. 

Le mûrier, Tolivier et le cotonnier» ne sont pas euHivés 
àMm rAB>anie pi d^ios TËpire. Le froment ae parvient à 
I. 7 



- 98 — 

sa parfaite maturité que dans les vallées inférieures et 
dans les plaines voisines de la mer. 

Le revenu territorial de l'Albanie proprement dite 
s'élève à 28 millions de francs ; celui del'Épire à 16 mit- 
lions. 

■ Les revenus industriels de ces deux provinces sont de 
6 millions pour TÉpire , et de 4 millions pour TAlbanie. 

Le gouvernement ottoman ne tire que 6 millions de 
francs de toute TAIbanie. Les exactions des pacbas , des 
commandants militaires et des agents du fisc, montent à 
plus du double de cette somme. Ces spoliations tombent 
principalement sur les chrétiens. 

Les habitants des parties montueuses de l'Albanie et 
de rÉpire vivent très frugalement , et mangent généra- 
lement un pain grossier composé d'orge ou de maïs. Le 
climat rigoureux et humide des montagnes y arrête 
l'activité de la végétation et retarde la maturité des 
fruits et des céréales. 

L'industrie manufacturière des Albanais est dans son 
enfance; on n'y fabrique que des draps de laine ou des 
toiles de lin ou de chanvre d'une qualité grossière. — 
Accoutumés à une vie dure et active , aimant les fati- 
gues et les voyages , impressionnés pour les récits con- 
tinuels de guerre et de combats , les Albanais et les Épi- 
rotes quittent volontiers leur terre natale pour se pro- 
curer un meilleur sort dans les autres parties de la Tur- 
quie. C'est cet esprit d'émigration qui a rempli la Grèce 
de peuplades albanaises; c'est ce même esprit qui a en- 
gagé dans tous les temps les montagnards albanais et 
épiroles à s'enrôler comme soldats au service du gou- 
vernement turc ou à celui des pachas des provinces. 

On trouve dans l'Albanie et dans l'Épire des peupla- 
des chrétiennes du rit grec et du rit latin , qui sont U- 



— 99 — 

bres et iddépendantes, et que leâ pacbas, qui les Redou- 
tent, traitent avec beaucoup de ménagement. Ces peu- 
plades chrétiennes , entre autres les Souliotes, ont four- 
ni aux Gères leurs meilleurs défenseurs pendant leur* 
dernière lutte contre le gouvernement ottoman. 
. Les montagnes de l'Albanie possédaient autrefois de 
grandes richesses forestières. La France en tirait une 
grande quantité de chênes pour ses constructions nava- 
les. Elle y a entretenu jusqu'en 1794 un commissaire de 
marine chargé de la direction de ce service. 

Mais cette ressource importante est en grande partie 
épuisée dans les arrondissements voisins de la mer. Les 
montagnes éloignées du rivage maritime conservent 
encore dans leur intégrité leurs anciennes et belles 
forêts. 

L'Albanie proprement dite se divise en plusieurs 
sandgiakatsrde Scutari, de Prisrendi, d'Ochrida,de Del- 
vino, d'Avlona, de Bérat, et de Dubasin^qui tous dépen- 
dent du beylerbey de Romélie. L'Epire contenait les 
deux sandgiakats de Yanina et de Garlelie. Ce dernier 
fait actuellement partie du nouveau royaume de la 
Grèce. 

Ali*Pacha avait réussi par ses usurpations', par la cor- 
liiption des ministres de la Porte et par l'intrigue, à réu- 
nir dans ses mains et dans celles de ses enfants les gou- 
vernements de la plupart de ces sandgiakats, ainsi que 
ceux de la Thessalie et de Lépante. La Morée avût 
fini par tomber sous la domination de cette famille am- 
bitieuse. 

Nous ferons connaître dans le tableau historique que 
nous avons entrepris les moyens employés par cet hom- 
me astucieux pour obtenir l'agrandissement colossal de 

7. 



— 100 — 

sa maismi, ainsi qse les événements qui ont aaneBé 
sa ehute^et l'extermination de ses eafonts. 



Rmmi ê» conmaaiMticn «e l'AUiaBto «t 4e ripire 
avee les proviaees Yolslaes. 

Nous commençons par l'Épir e méridionale^ (tài rai* 
jf^rme la province d'Aria. 

La plaine d'Arta est une des pltrs fertfles de là Tnr- 
c(aie ; elle se compose d'un terrain d'àllovion formé par 
les sédiments des deux rivières (l'Artà et le Tourcha) 
(jui la traversent. 

La ville d'Arta et son golfe sont le principal débouché 
du commerce de PÉpire. ,0n entre dans ce golfs par le 
détroit de Prévësa , à l'extrémité duquel se trouvait au* 
trefois la ville d'Actium. C'est près la pointe d'Actium 
que la flotte d'Octave , favorisée par les localités ^ atten- 
dit avec confiance la flotte plus nombreuse d'Antoine 
et de ses aHiés. Octave avait imité dans cette circonstan* 
ce la conduite prudente de Thémistocle à Salamine. 
La victoire navale qu'il remporta soumit tout Tempire 
romain à son autorité. 

C'est par la ville commerçante de Yonitza , située sur 
le littoral tnéridional du golfe > qu'Arta entretient ses 
relations commerciales avec TAcardanie et t'ÉtOtie, pro- 
vinces du nouveau royaume de la Grèce. 

Une cliaine de montagnes (Chamouri } sépare l^Épire 
HHéridiônale ou proVitice d'Arta de l'Épire septentrionale 
ou province de Tatiina. — On voit dans ces montagnes 
les faibles restes de la brillante population des Soultotes. 
Le chemin de l'Acarnanie à Tanina passe à l'ouest du 
inont Càllldrotne^ côtoie là rive orientale du golfe d^Arta, 
traviérse Arta, laisse à gauche les hitmtisgttes de Souli, 



— 101 — 

remonte ub bwi conlre-f^rt au kbaa de Saint-DémiM 
et arrive sur le .plateau de Yaaiaa. 

Ce plateau , qm est un des plus éleyés de la Turfule 
^'Europe 5 renferoie un lac sans écoulenient. C'est sur 
la rive <)Gcid®Qla]e de ee lac qu'est située la ville de 
Tanina. 

Le chemin de Yanina à Larissa se diriged'abord vers 
Jfezsovo, passe ensuite le Pinde au dessus des commenta 
^isLdes Méiéore8,ei\(mgele Pénée jusqu'à la capitale de 
àà Biesçalie. 

La route de Yanina vers TAIbame se dirige au nord , 
traverse un contre-^fort dont le pied du versant septea- 
Irioifôlast baigna par les eaux de l'Aous^ et arrive par 
Je idéfilé de Clissoura dans la ville de Tépélen. — Elle se 
dirige ensuite vers Delvino, et descend, avec iaPanla , à 
da plage marécageuse de Butrinte. 

lia position du fort de Clissoura est d'une .haute iof 
4>drtaBce , parce que ce poini élevé oammande lespri»- 
fcip2Aesvattfes4exette partie de l'Albanie et louiesxei- 
les qui sedirigmt vers la Macédoine. 

jLol ville ^e Tépéleaoccupe une bonne position de pas- 
Hiage^qui domine le bassin de l'Aous.La vallée du Célyd- 
nuse^. protégée par la petite place d'Arg^ro^^Castron. 

Après avoir dépassé la pointe maritime des monts 
'Acrortnauniens, qui séparent l'Épire de l'Albanie , on 
j^tre dans le. golfe de Yafame. C'est dans ce golfe spa- 
tiaux et dans la ville de Yalone que beaucoup de bâti-. 
«nentSiéteangers vont foire des chargements considéra- 
bles en vulonée. Cette prodaction végétale , utile dans 
le tannage , le corroyage et la teinture y est fournie , en 
très grande abondance et d'une excellente qualité , par 
tes^chènes et les hêtres deç.monlagnes voisines. 

Aquatre lieues au nord de l'embouchure de l'Aons , 



— 102 — 

on trouve le Bérétino qai, contient dans son vaste fuiâsiâ 
la ville de Bérat et plusieurs grandes bourgades. 

Toute la côte maritime de l'Âlbanîe va , du sud au 
nord*, presque en ligne droite , depuis les monts Acro^ 
cèrauniens jusqu'aux montagnes de Monténégro. 

A cinq lieues au nord de l'embouchure du Bérétino y 
on trouve la rivière d'Elbassan et celle de Pékiné. On 
entre ensuite sur le territoire de Durazzo (autrefois Dy- 
raccbium). Cette ville , située au fond du golfe de ce 
nom , était du temps des Bomains le principal point de 
communication de la Grèce et de l'Italie. Le passage de 
mer de Dyracchyum à Brindes a une longueur de trente 
lieues. Nous avons dit plus haut que par la voie Egna- 
tienne on se rendait directement de Dyracchium à 
Thessalonique. 

Durazzo est situé à l'extrémité maritime d'un haut 
contre-fort qui se détache du Piode et qui est d'un abord 
difficile sur toute sa longueur. Tout le littoral depuis les 
monts Acro-Géranniens jusqu'à Durazzo présente une 
plaine basse et marécageuse entrecoupée d'étangs. 

Gette plaine s'accroît et s'exhausse progressivement 
par la terre que les pluies font descendre des monta- 
gnes. On distingue sur cette côte le lac Trabouchi, entre 
la rivière d'Aous et celle d'Elbassan. 

On trouve à quatre lieues au nord de Durazzo le golfe 
d'Alessio , dans lequel descendent la rivière de Matt, qui 
«e compose de sept à huit affluents; celle du Drin , qui 
est la plus considérable de l'Albanie , et la petite rivière 
de Tyranna. 

Dans le bassin de la rivière Matt on compte un très 
grand nombre de villages. 

Dans le bassin de la Tyranna on voit la ville de ce nom 
et celle de Groia. — Groïa était la ville natale de Scander 



— 103 — 

beg» on des plus illustres héros de rAlbanie. Ces deux 
Tilles sont comprises dans le sandgiakat de Dubasin. 

Le Drin^ qui dans son vaste bassin embrasse les deux 
cinquièmes de la Haute* Albanie, se compose de deux 
cours d'eau très considérables : i^ le Drin blanc , qui 
descend de la haute chaîne centrale et coule du nord au 
sud, et le Drin noir, qui se dirige du sud au nord après 
avoir pris naissance dans le lac d'Ochrida. Réunies au 
pied occidental du Pinde, un peu au dessous de la ville 
de Prisrendi, ces deux rivières se dirigent vers TAdria- 
tique par un cours sinueux de l'est à l'ouest, et seper**- 
dent dans le golfe d'Alessio. On remarque les villes de 
Pekia, d'Yacova et de Prisrend, dans le bassin du Drin 
Blanc, celles d'Ochrida et de Dibrésibre dans le bassin 
du Drin noir, et celles de Toplaya, de Zadrim et d'A- 
lessio dans le bassin des deux Drin réunis. 

La Boyana, qui sort de la haute chaîne centrale du Pin- 
de, forme le lac de Scutari et verse ses eaux dans la mer 
Adriatique , à deux lieues au nord de l'embouchure 
du Drin. 

Les principales villes du bassin de la Boyana spnt dé- 
menti , Tchiabak et Scutari. Cette dernière ville «est la 
plus importante de l'Albanie. 

Dulcigno est un port, de mer entre la bouche de la. 
Boyana et le cap Spitzo , qui est la limite méridionale de 
la Dalmatie. 

Les montagnes du Monténégro, qui dominent l'excel- 
lente et vaste baie de Gattaro , versent leurs eaux au sud 
dans le bassin de la Boyana. 

Rovtet de eommnnicalloB. 

Quant aux routes de communication de l'Albanie avec 
le autres pachaliks de la Turquie d'Europe, nous pren- 



— 101 — 

drons, comme faisalBDi les Romains , la ville[de Durazzo 
comme point principal du départ. 

Nqps avons fait connaître plus haut le chemin qui 
conduit de Durazzo à Salonique, par Elbassan , Ochrida 
et Monastir, villes que traversait l'ancieiine voie ro* 
maine dite Egnatienne. 

De Durazzo on se rend en Dalmatie par le khan d'Is- 
maël,prèsde Groîa, parles villes d'Alessio, de Scu- 
tari et de Cattaro. 

Les montagnes de Monténégro servent de limites en- 
tre l'Albanie et la Dalmatie. 

De Scutari on parvient à Novi-Bazar, en Servie, par 
. Prisrendi et Pristina. Ces deux dernières villes sont sé- 
parées entre elles par les montagnes.qui lient le Scardus 
avec les chaînes illyrique et dalmatique. 

La ville de Pristina sert également aux communica- 
tions de l'Albanie avec la Servie , et à celles de cette der- 
nière province avec la Macédoine. Le site de Pristina 
est le point le plus stratégique de la Turquie d'Europe. 

Un chemin direct unit la ville de Durazzo avec celle 
de Yanina par Bérat et le fort de Clissoura, où il se par- 
tage en deux branches : l'une passe par Tébélen, Argiro- 
castron et Butrinto , et l'autre par Permithia et Ostanitza. 

Papmàctoa «• l'AllMuda «t «• l'Êplre. 

L'Albanie se divise en Haute-Albanie; en Albanie 
moyenne et Basse- Albanie. Cette dernière constitue 
TÉpife. 

Haute- Albanie, 

Elle est limitrophe de la Dalmatie , on y distingue : 
Prisrendi, chef- lieu d'un sangiakat de ce nom, 
qui se prolonge jusqu'aux sommets de la haute chaîne 
centrale.^ Ses habitants se composent de Slaves et d'il 



— 105 — 

lyrieDS; on les représente comme sauvages et inbospita* 
liers. La population de ce canton s'élève à 18000 ^^ 

Orchrida , capitale du sandgiakat de ce 
nom , a dans son voisinage un lac et des mi- 
nes d'argent qu'on exploite avec peu de pro- 
fit. Cette ville est au pied du versant oc- 
cidental de Pinde. Le nombre de ses habi- 
tants s'élève à . . 8000 

Le haut et le bas Dibre occupent des val- 
lées hautes et très sauvages , mais assez fer- 
tiles. Ses habitants belliqueux fournissaient 
autrefois beaucoup de recrues à la milice 
souveraine d'Alger. Plusieurs deys de cette 
régence barbaresque étaient nés dans ces 
cantons montueux.La population de cet ar- 
rondissement s'élève à 20000 

Alessio est un port de mer à l'embouchu- 
re du Drin. C'est le siège d'un évèché catho- 
lique. On voit dans ses environs 32 villages 
peuplés d'Albanais belliqueux, qui sont 
presque indépendants das agents de la Su*- 
blime-Porte. La population d' Alessio est 
d'environ 3000 

Croia, patrie du célèbre prince Scander- 
berg. Sous la conduite de ce chef valeu- 
reux , dont la force physique égalait le cou- 
rage , les habitants de cette partie de la 
Haute-Albanie défendirent loag-temps leur 
indépendance nationale contre les Ottomans. 
Peu d'entre eux consentirent à abandonner 
la religion de leurs pères. La très grande 
majorité professe encore la religion catho- 
lique. Distingués des autres Albanais par 
l'appellation de Mirdites, ils leur sont bien 



— 106 — 

supérieurs par leurs idées morales et par 
leur loyauté. La famille Lecchi a continué 
à fournir le chef temporel de ces cantons. 
L'abbé mitre d*Orocher, du rit catholique , 
est leur chef spirituel La ville deCroïa ren- 
ferme une^population de . . • . . . 6000 ^w- 

Scutari , capitale de |a Haute-Albanie , 
située près de l'embouchure de la Boyana , 
et d'un lac spacieux , était naguère une ville 
fortiGée et très florissante par son com- 
merce sous le gouvernement de Houstapha- 
Pacha. Mais assiégée et prise en 1831 , et 
ayant perdu la protection vigilante de Mous- 
tapha, déclaré rebelle et vaincu , cette ville 
est tombée dans un état de décadence pro- 
gressive. La population , qui était de 35> à 40 
mille âmes avant 1831 , est réduite actuel- 
lement à moins de 20000 

Dulcigno^ port de mer, dont les habitants 
sont plus adonnés à la piraterie qu'au com- 
merce, renferme. 2000 

Antivari, siège d'un archevêché catholi- 
que , fait un commerce assez important en 
sel et en huile. Le nombre de ses habitants 
est de 6000 

Le Monténégro , placé au dessus^du golfe 
de Gattaro , entre la Dalmatie et la Haute-* 
• Albanie , est un canton montueux tout à 
fait indépendant de la Sublime-Porte. ^Son 
gouvernement est républicain. Il se compo- 
se d'un chef suprême et d'un conseil. L'é- 
vêque catholique de Monténégro participe 
à l'exercice de l'autorité souveraine. Getti- 
gué , chef-lieu de ce canton , a une popula- 



— 107 — 
tion d'environ 3O0O 

Albanie moyenne* 

À vlona, chef-lieu d'un sandgiakat, pos- 
sède un bon port. Le nombre de ses habi- 
tants est de 4000' 

Bérat, cheMieu d'un sandgiakat du même 
nom, dans un pays fertile, mais mal cultivé, 
contient 8000 

Tébëlen , dans les montagnes , place irré- 
gulièrement fortifiée, était lapatrie d'Ali-Pa- 
cha. Ses habitants sont au nombre de. . . 3000 

'Elbassan, chef-lieu d'un sandgiakat, a 
beaucoup souffert sous l'administration d'A- 
li-Pacha. La population de cette ville est de 4000 

Durazzo ( ancien Dyraccbium ) , port de 
la mer Adriatique , contient 6000 

Êpire ou BasBe-Albanie. 

Yanina, capitale del'Épire et d'un sand- 
giakat du même nom, était devenue une 
ville florissante et riche sous le gouverne** 
ment d'Ali-Pacha. Avide d'argent et de pou* 
voir, et ennemi de ses supérieurs et de ses 
égaux, qu'il s'efforçait sans cesse dé soumet- 
tre à sa volonté , et de dépouiller de leurs 
richesses , Ali protégeait le peuple et favo- 
risait l'agriculture, le commerce, et la pro- 
pagation des lumières. Il avait établi dans 
cette ville un lycée , une bibliothèque et des 
écoles élémentaires. La population d'Yani- 
na s'élevait à environ quarante mille Ames. 



— 108 — 

Mris on ne voit .en ce .moment au milieu 
des mines de cette ville qae quelques mil- 
liers de mahométans et de Juifs. Les chré- 
tiens l'ont entièrement abandonnée. Sa po- 
pulation actuelle est d'environ 5000*>nc«. 

Hezzovo , petite ville sur la grande route 
de Thessalie , £ait un commerce actif. Xe 
nombre de ses habitants s'élève à . . • • SOOO 

Prémithia et Glissoura sont deux postes 
fortifiés dans des positions importantes. 

Argyro-Castron , ville fermée , et impor- 
tante par ses relations commerciales , ren- 
ferme ..••••• 8000 

Delvino , chef-lieu d'un sandgiakat , pos- 
sède un 4;bàtean fort. Sa population a beau- 
coup souffert dans ces derniers temps; elle 
s'élevait dans le temps d'Ali-Pacha à envi- 
ron ....... . 8000 

La Selléïde, détrnite par Ali^Pacba et par 
les pachas qui lui succédèrent , a repris en 
partie, dans ces derniers temps,, son an- 
cienne liberté. Quelques am^de «es yîUii* 
ges ont été rétablis et: repeuplés; Onleompte 
actuellement àam ce canton montueux i^»!- 
viron £000 

Ârta, ville «atrelois très ilortoante, sor la 
rivière de ce nom et au. milieu d^iine plaine 
fertile , a beaoconp souffert da» fces ^401»* . 
niers temps, tant parlestdèvastatioBs^e la 
guerre que par la pesle. Sa population, qui 
était de 10 à ISmiite àaies, est réduite à SOOO 

Salogora , viile importantepar «es pêche- 
ries et par lei^ belles lof èts^ui l'environiieat, 



— 109 — 

est regardée comme Fe port d'Arta sur la ri* 

ve septentrionale du lac 2000 ^ 

Prëvésa, à Centrée du çolfe d'Aria et près 
de la [Jointe connue autrefois sous le nom 
d'Actium, est une Ville qui peut devenir 
très importante sous les rapports commer- 
ciaux et militaires. Sa population , qui s'éle- 
vait à 8000 âmes en 1820 , est réduite à . • 3000 

Parga^ ville florissante sous la domination 
vénitienne, est déserte depuis 1819. 

Les monts Acrocérauniens ou de la Chimère sont 
habités par des montagnards féroces , dont les disposi- 
tions dominantes sont pour le métier de voleurs ou de 
pirates. 

La population moyenne de l'Albanie et de l*Épire est 
de 400 âmes par lieue carrée^ 



NOUVEAU ROYAUME DE GRÈCE. 

La partie continentale qui compose le nouveau 
royaume de la Grèce contient les anciens sandgia** 
kats de Garlélie, de Lépanteet de Négrepont, une 
partie du sandgiakat de Thessalie], et le pachalik de 
Morée. 

Les lies de la Grèce étaient antreftHS sous la dépen- 
dance du capitan-pacha. 

Le sandgiakat de Carlélie renferme l'ancienne Acar* 
nanie, comprise entre le fleuve Achèlofls et la mer 
Ionienne. Il contenait , en outre , TEtolie occidentale , 
dite Epictète , qui avait pour limite, & l'est , le fleuve 
EveBos^ dit MtMHement Fidmria. 



-^110 — 

Le sandgiakat de Lépante, Important à cause de sa 
position, n'avait qu'une étendue peu considérable : au 
lieu d'être couvert d'étangs et de marécages, comme 
la Gariélie, il ne présente qu'une surface montueuse 
et des vallées étroites , profondément encaissées. 

Le sandgiakat de Négrepont s'appuyait, au nord, au 
mont Otbrys; à l'ouest, à la frontière orientale du 
sandgiakat de Lépante; au sud, sur le golfe de Go- 
rinthe, et sur les montagnes qui environnent l'isthme 
de ce nom dans sa partie septentrionale. L'Ile de Né- 
grepont, autrefois Eubée, l'Attique, la Livadie, la 
Béotie et la Pbocide , étaient comprises dans ce sand- 
giakat. 

Nous allons expliquer la configuration physique de 
la Grèce continentale, et, après avoir décrit ses villes , 
ses routes, ses produits variés et ses moyens de dé- 
fense, nous entrerons dans des 4étails semblables sur la 
Grèce péninsulaire , ou Morée. 

La chaîne du Pinde, qui entre en Théssalie et en 
Epire dans la direction du nord au sud , se détourne 
vers l'est en arrivant aux frontières du nouveau royaume 
de la Grèce. Son prolongement se lie successivement 
avec le mont Parnasse, le mont Hélicon et le mont Ci- 
théron, en poussant des ramifications vers la cbatoe 
montueuse qui borde le rivage de la mer Egée vis-à-vis 
rile de Négrepont. 

Avant de s'unir au Parnasse, le Pinde avait déjà 
poussé deux grands contre-forts vers l'est : l'un est le 
mont Othrys, au nord de la vallée du Spercbius, et 
l'autre le mont Œta , au sud de cette vallée. 

L'Acheloiis, qui partageait en deux parties, le sapd- 
giakat de Carlélie, prend sa source par le 40< degré 
de latitude nord, au point. de jonction. d^ Piade.avec 



— 111 — 

la ehatne qui sépare la Macédoine de la Thessalie , et 
qui se termine au mont Olympe. 

Après avoir arrosé ^ dans la partie très étroite de son 
bassin supérieur, les environs des petites villes de Lépé- 
nitze, de Gardiki, de Moussaca^ il reçoit à Selitza les 
eaux de la vallée de Garpenilzé , el se précipite vers la 
vaste plaine marécageuse de la Garlélie inférieure. 
Ses eaux se grossissent , dans cette partie de son cours, 
par des affluents nombreux qui viennent des lacs de 
Yrachori» d'Àngelo-Gastron , d'Ozéros et d'Ambrakia. 
Les villes de Catochi , de Trigardon , d'Anatolico , de 
Néocori , qui se trouvent dans la partie inférieure de 
son bassin, sont entourées de toutes parts par des 
marais. 

Missolongbi, situé dans un rentrant à l'est du golfe 
de ce nom, avait peu d'importance sous le rapport 
commercial et militaire ; mais cette petite ville s'est im- 
mortalisée à jamais par sa longue et glorieuse défense 
pendant la guerre de l'insurrection de la Grèce. 

Les villes principales de l'ancien sandgiakat de Gar« 
lélie , après celles que nous venons de nommer, sont 
Yonitza, sur la côte méridionale dn golfe d'Arta; Za- 
verda, au fond du golfe de ce nom; Dragomestre, dans 
une large baie parfaitement abritée par les lies Drago- 
nëros; et Vrachori, près du lac de ce nom. 

Les lies Ioniennes de Sainte-Maure ou Leucate , d'I- 
tbaque, de Gépbalonie et de Zante, forment un grand 
arc de cercle qui enveloppe l'Acamanie , l'embouchure 
du golfe de Patras et tout le littoral nord-ouest de la 
Morée. On ne conçoit pas comment les Turcs, en pre- 
nant possession de la Morée , n'ont pas insisté sur la 
cession de ces quatre lies par les Yénitiens, et n'ont pas 
offert d(Ç8 sommes considérables pour les avoir. *^ Ils 



— 112 — 

auraient M probablement secondés alors par la cour 
de Vienne 5 qui, dans, le traité de Passarowitv, veqait 
d'obtenir pour eux la cession de la Morée.. 

Le nouveau royaame de Grèce ne pourra jamais jouir 
d'une Yèritable indépendance tant que cesi quatre lies 
ne feront pas> partie de ses possessions immédiates. 

L'Ile de Gorfou, située beaucoup plus au nord* 
n'offre pas les mêmes inconvénients pour la Gréée, 
L'Ile de Cérigo, qui fait partie de la eonfédéralion 
ionienne, n'a aucune importance militaire ni commer- 
ciale , à cause de sa stérilité et de son manque absolu de 
ports et d'abris. 

Le sandgiakat de Lépante, dont l'E venus et ses a^ 
fluents occupent toute la surface 9 contient la. place de 
Lépante , fortifiée par quatre enceintes parallèles et do- 
minées par des hauteurs voisines. Les villes ouvertes de 
ce sandgiakat sont Garpénitzé au nord, Amourani à l'esté 
et Gosina & l'ouest. 

Le château de Bomélie , autrefois Rbium, qui croise 
ses feux avec le château de Horée (anti-Rhium), est le 
point le plus important du sandgiakat de Lépante. 

Ces deux châteaux ferment l'entrée du golfe die 
Gorinthe, qui e$t un vaste bassin intérieur entouré de 
montagnes et abrité des orages, entre la Bomélie et la 
presqu'île de Morée. 

Le sandgiakat de Négrepont était composé dans sa 
partie continentale 1<» de la vallée du Spercbius, entre 
le mont Othrys et le mont OEia ; â» de la vadiée â« Mar 
vro*Potamos (Céphise), qui verse ses eaux dans le lac 
de Topolios ou Gopaîs : fermé de toutes parts, le baasîii 
du Gépfaise constitue la fertile provinee de Livadie; 
3^ de la vallée de l'Asopus^qui, passant au pied 4e la 
ville de Thëbe6> se perd dans le eamd de Négrepont $ 



— 113 — 

fes vallées du Mayro-Potamos et de TÂsopus sont eom* 
prises entre la chaîne du mont Œta au nord, et 
celle dont le prolongement forme le mont Hëlicon, le 
mont Gythéron et le mont Parnës vers le sud; ip des 
cantons maritimes de Boudonitza et de Talanta^ voisins 
de nie Eubée; S<> de la Phocide, au pied méridional du 
mont Parnasse; 60 de l'Attique , au pied du€ytliéron, du 
Parnès et du mont Pentélique ; 7* de la Mégaride à l'ouest 
d'Athènes , et au nord de l'isthme de Gorinthe. 

Toute cett^ grande péninsule est bordée de golfes 
profonds et de ports excellents , parmi lesquels on distin- 
gue à l'est, vers la mer de l'ArchipeU le golfe de Yolo , 
celui de Zéitun , le canal de Talanta , le golfe de Nègre- 
pont , le port du Pirée au dessous d'Athènes, le vaste 
bassin de l'tle e Salamine , et à l'ouest , dans la mer de 
Gorinthe , la baie de Salone , eelle d' Aspro-Spitia et cellls 
de Livasdostro. 

On remarque dans la vallée du Sperchiusiavillede 
Bentina, près de la naissance de ce ba9sin|, et celles de 
Zéitun et de Patragik. 

les villes de la vallée du Géphise sont : !<> Lidoriki , 
près de la naissance du bassin et à peu de distance du 
défilé du mont Zonas , par lequel on passe de la Thessa- 
He à Lépante ; 2» Dadi , au centre du même bassin , et 
au dessous du mont Yagoura|; 3"* Livadie , sur une hau- 
teur et sur un petit afiuent de la même rivière , à deux 
lieues au dessus de son embouchure dans le lac Topolias. 

Dans la vallée de TAsopus ^ on trouve la ville de Thè- 
bes, située sur une élévation au dessus d'une des sour- 
ces de cette rivière, et les petites bourgades de Graïnada 
et d'Osopo. 

Dans les cantons maritimes de Boudonitza et de Ta- 
lanta, on voit à rextrémité orientale du mont Œta les 
I. • 8 



— 114 — 

Tbermopyles, passage autrefois très étroit et actuelle^ 
ment assez large , célèbre dans l'antiquité par la glorieuse 
défense de Léonidas. 

Boudonitza est une ville médiocre au pied du mont 
Cnëmis et à une lieue et demie de la mer; Talanta se 
trouve à une petite lieue du canal de ce nom. Cette ville 
est le centre d'un commerce actif entre la Grèce conti-- 
nentale et les provinces septentrionales dé la mer de 
l'Archipel. 

Dans la Phocide y située au pied du numt Parnasse , 
on trouve la ville de Salone, bâtie sur des bauteurs qui 
idom^nent le golfe de ce nom. Salone entretient des rela- 
tions commerciales avec Lidoriki, Boudonitza et Livadie 
par terre, et avec la Morée et les lies Ioniennes par mer. 

Au sud-ouest de Salone on remarque l'excellent port 
de Galaxidi. Les ruines du temple de Delpbes sont sur la 
route de Salone à Livadie. 

Les petites villes de Distoma et d'Aspro-Spitia dans 
la baie d'Aspro-Spitia sont les deux marcbés de la Li-* 
vadie dans le golfe de Gorintbe. 

La baie de Livadostro^ à Textrëmilé orientale du golfe 
de Gorintbe , doit son nom à une petite tle placée à son 
entrée. Cette baie est y du côté de la Morée , le débou- 
cbé commercial deJa ville de Tbèbes et de la vallée de 
l'Asopus. 

L'Attique est séparée du bassin de l'Asopus et de la 
ville de Tbèbes par le Citbéron , le mont Parnès et le 
mont Pantélique. Un contre-fort qui sort du mont Pan- 
télique et aboutit au cap Sunium partage l'Attique ea 
deux parties. Celle qui est à l'ouest comprend la plaine 
d'Athènes et celle d'Eleusis. La partie orientale , nom- 
mée autrefois la Parélie, est distinguée actuellement 
sous le nom de province du cap Golonna , parce que ce 



— 11& — 

cap porte les ruines d'an temple de Minerve, dont 
quinze colonnes sont encore debout. 

Tout cet arrondissement oriental est couvert de petits . 
cailloux roulés, et ne produit que des buissons épineux. 
Ces cailloux couvrent les fameux champs Phellennes, 
condamnés à une stérilité éternelle , et que les anciens 
disaient être réprouvés des dieux. — Mais c'est dans ce 
coin stérile de l'Attique, et sur les flancs du mont Lau- 
rium, que se trouvent des mines d'argent fort riches, que 
les Turcs et les Grecs modernes ont abandonnées ^ et qui 
formaient un des principaux revenus de la république 
athénienne. ** 

Les habitants du district du cap Colonne vivaient au- 
trefois du produit de ces mines. Ils ne tirent actuelle- 
ment leur subsistance que de la pèche. 

Mais cette partie orientale de l'Attique contient l'ex- 
cellent port de Rapthy, autrefois port Prasies , qui , dans 
sa forme circulaire , est protégé par deux Ilots à son 
entrée. 

L'Ile Longue ou Macronisi procure un bon mouillage 
entre elle et un rentrant formé par le mont Laurium. 

Le territoire d'Athènes comprend la plaine qui envi- 
ronne cette ville j il est fertile en vignes , oliviers et ar- 
bres fruitiers. 

Le canton de Marathon est situé aunord-est et au pied 
du versant septentrional du mont Pantélique ; celui d'E* 
leusis est placé à l'ouest d'Athènes, au sud du Githéron. 
La partie maritime de la plaine d'Eleusis était consi* 
dérée comme le territoire le plus fertile de la Grèce. On 
l'avait consacrée à Gérés , parce que ce fut sur ce point 
qu'eurent lieu les premiers essais des Grecs dans la cul- 
ture des céréales. 
Ces lieux furent vénérés dans la haute antiquité à 

8. 



— 116 — 

ctase de la célébration des mystères d'Eleusis , qo'o» 
croit avoir été conformes à l'idée jsublime d'un seul 
Biea, créateur et conservateur de l'univers, et principe 
de la plus saine morale. On pense que la croyance des 
initiés d'Eleusis avait beaucoup d'analogie avec celle de» 
premier» disciples du cbristianisme«r 

Atbènes> ancienne institutrice des Dati(nis,est la capi- 
tale actuelle de TAttique et du nouveau royaume de la 
/ Grèce. Le rocher aplati , au pied duquel cette ville est 
située, contient sur son sommet. les Propylées, le Par- 
thénon ou temple de Minerve, celui d'Erecthée et les 
deux théâtres de Bacchus et d'Hérode-Atticus. Les mu- 
railles qui les entourent forment l'Acropolis ou citadelle 
d'A4hèneSr 

L'ancienne ville d'Athènes environnait l'Acropolis de 
tous côtés. La ville actuelle n'occupe que le nord de la 
citadelle et forme un demi-cercle. Cette capitale est fer-* 
mée d'un simple mur crénelé qui a douze pied» de hau-: 
teur et deux d'épaisseur. 

La vHle modenie d'Athènes n'a guère qu'une lieue de 
circ<Hiféf ence. L'ancienne avait une enceinte de 60 sta- 
des ou de deux lieues et demie. Deux murs parallèles , 
dont l'un avait une longueur de 60 stades et l'autre de 
36 , liaient la ville d'Athènes aux enceintes des ports du 
Pirée et de Phalère. Ces deux ports étaient séparés en- 
tre eux par le port et la forteresse de Munychie. 

La capitale actuelle du royaume de la Grèce ne ren- 
ferme pas aujourd'hui plus de 12 à IS nulle habitants. 
— Le port du Pirée existe encore et présente un bassio 
obloDg de mille mètres de longueur. Les ports artifi- 
ciels de Phalère et du Munychie ont été comblés de- 
puis long-temps. Les petits ruisseaux du Géphise athé*» 
men et de rilissQS , qui coulent près d'Athènes , servent 



4 rairrosettient des champs voising , et vont se perdre eu 
se rëonissant dans un marais qui environne le Mrée. 

Depuis l'avënement du roi Othon , on a bâti quelques 
maisons dans le voisinage du Pirëe ; mais on n'y voit , 
malgré l'avantage de cette position maritime , qu'une 
faible population, à cause des eaux marécageuses de la 
plage environnante. Le premier devoir du gouverne- 
ment grec>st de faire disparaître ces marais insalubres. 

Athènes , par son acropolis et par sa position isolée, 
est susceptible de devenir une bonne place de guerre ; 
mais il serait nécessaire d'occuper par des forts détachés 
quelques hauteurs qui se trouvent dans le voisinage de 
cette capitate. 

L'Ile de Salamine faisait partie de l'Attique. Située 
devant Eleusis, elle forme une vaste baie, où l'on pénétre 
par deux passes : l'une à l'ouest, qui n'est actuellement 
accessible qu'à des barques , et l'autre à l'est vers le port 
du Pirée. Cette dernière ouverture a 1000 mètres de 
largeur. Les plus gros vaisseaux peuvent la traverser et 
mouiller avec sécurité dans la grande rade intérieure. 

€'est dans cett^Jpasse que fut livrée la bataille déci- 
sive gagnée par les Grecs sur les Perses , sous les yeux 
du roi Xerxès. —N'occupant, d'après les conseils de 
Thémistocle, 'qu'un espace peu étendu, les navires grectf 
présentèrent à l'ennemi un front compacte que ne put 
pas déborder l'immense flotte fournie par toutes les na- 
tions maritimesjqui obéissaient alors au sceptre du mo- 
narque de la Perse. 

Nommée maintenant Golouri à cause de sa ressem- 
blance àunferàl cheval, l'Ile de Salamine n'a qu'une 
superficie de quatre lieues carrées. Sa population est de 
450 habitants. La rade qu'elle forme avec la côle conti- 
nentale est une des plus belles et des plus vastes de la Grèce. 

Mégare, ville autrefois très importante, avait quel- 



-r- 118 — 

que ressemblance avec Aibënes. Les collines qui* la 
dominent étaient occupées par les citadelles de Caria 
et d'Alentoé. Deux longs murs unissaient Mégare 
avec le port de Nisée. On ne voit aujourd'hui sur rem- 
placement de Mégare qu'une misérable bourgade de 12à 
16 cents habitants. 

Les monts Kérata séparaient l'Attique de la Mégaride. 

Xénophon évaluait à 6 mille talents ou 32 millions de 
francs le revenu annuel du territoire de l'Attique. Ce 
même écrivain estimait à 18 millions de francs la valeur 
de ses produits industriels. 

' Le gouvernement athénien prélevait chaque année , à 
raison du dixième des produits, la somme de 5 millions 
de francs sur les revenus agricoles et industriels de cette 
république. 

Le revenu actuel de l'Attique pour le compte du gou- 
vernement grec ne s'élève pas à plos de 250 mille fr. : 
quelle différence entre l'ancien état de l'Attique et celui 
où elle se trouve réduite à la suite de la domination dea 
Turcs et de la guerre de l'insurrection ! 

L'ancienne population de l'Attique renfermait, d'a- 
près le dénombrement deDémétrius de Phalëre ,84 mille 
individus libres, 10 mille étrangers ef 400 mille esclaves 
des deux sexes. Le population entière de l'Attique ne 
s'élève pas actuellement à 30 mille âmes. 

Rome» de coauDmaicatlon ûêbm Ui partie emtlBentalB 
et leptentrionale du royavme de la Grèce. 

On se rend d'Athènes dans la Béotie par trois routes : 
lo éelle de File d'Eubée, 2^ celle de Thèbes, 3» celle de 
Platée et de Thespies. 

La route d'Athènes à Chalcis (Eubée) remonte le Ce- 
phise athénien jusqu'à sa source près des mines de Dé- 



— 119 —■ 

cëlie f dans un défilé entre le mont Parnès et le mont 
Pantélique ; elle descend ensuite dans la vallée de l'Aso- 
pus , traverse ce cours d'eau à Graïnada , et s'avapce 
jusqu'à Ghalcis le long de TEripe, en suivant la rive du 
port d'Aulis. C'est à Aulis que la flotte grecque qui al- 
lait à Troie fut long-temps retenue par des vents 
contraires. 

Pour arriver à Ghalcis on passe TEripe au dessus da 
fort Baba. Un pont construit sur ce détroit réunit la 
Béotie à l'Eubée. 

L'Eripe est un détroit peu profond qui ne peut être 
traversé que par des barques. G'est le seul point de la 
Méditerranée où l'on remarque quatre fois par jour 
Faction successive des marées. 

L'ile d'Eubée, qui s'étend parallèlement au littoral orien- 
tal de la Grèce depuis le golfe de Yolo jusqu'au cap Su-, 
nium, était autrefois bien cultivée et contenait une po- 
pulation nombreuse. On ne voit actuellement des signes 
de culture que sur quelques points situés près du littoral 
maritime des deux baies de Talanta et de Négrepont , 
principalement dans le voisinage de Ghalcis ou Egripo , 
et dans celui de la forteresse de Garysto, au sud de 
l'Ile. 

L'intérieur de l'Eubée est parcouru actuellement par 
des bergers dont les troupeaux errent sur les deux 
versante du mont iEcha. Gette montagne traverse l'Ile 
dans toute sa longueur. 

la côte maritime de l'Eubée est dangereuse et pres- 
que inabordable dans toute sa partie orientale du côté 
de la mer Egée ; mais ses rivages occidentaux offrent 
des ports excellents et des abris nombreux et sûrs dans 
les deux baies de Talanta et de Négrepont. 

La population entière de l'île d'Eubée ne dépasse pas 



— 120 — 
30 mille âmes sur une surface de cent lieues earréef* 
Elle renfermait 300 mille habitants dans les temps an- 
ciens» 

La route directe d'Athènes à la Tille de Thèbes tra- 
verse le mont Parnës au défilé de Katcha ^ et pénètre 
ensuite dans la vallée de TAsopus. 
' Le chemin d'Athènes à Platée et à Thespies suit la 
trace de l'ancienne voie sacrée jusqu'à Eleusis , psœse 
près des ruines d'Eleuthères (Gypto-Gastron), arrive à 
Platée et descend dans la vallée de l'AsopuSr 

Le plateau de Platée est un point d'une haute kn- 
portanccr Situé sur le mont Githéron , il renferme les 
sources de l'Asopus et celles du fledve Eroé , qui se jette 
au port de Livadostro (autrefois Creusis), dans la baie 
de Corinthe. 

On pourrait , sur ce plateau , réunir par un canal les 
eaux de l'Asc^us avec celles du fleuve Eroé, et établir 
une communication canalisée entre la baie de Gorinthe 
et celle de Négrepont^ 

Ge canal aurait l'avantage de couvrir militairement 
l'Attique , la Béotie méridionale et la Mégaride , contre 
les troupes ennemies qui viendraient de la Thessalie et 
des autres provinces du Nord. Il éviterait aux navires 
la navigation de tout le tour de la Morée pour passer 
du golfe de Gorinthe au centre de la mer Egée. 

La construction de ce canal serait facile et défen- 
drait toute la Grèce méridionale. Il serait, sou&ce der- 
nier rapport, plus utile, que le canal qui, destiné à tra- 
verser l'isthme de Gorinthe, a été tenté plusieurs fois, 
et a toujours été abandonné à cause des nombreux 
obstacles que présentent les localités. 

G'est près de Platée que fut livrée , entre les Grecs 
et les Perses > une grande bataille décisive qui mit fin à 



— 121 — 

tous les projets dlnvasion des rois de Perse contre ta 
Grèce. Là, Pausanias vainquit les Perses et leur gé- 
néral Mardonius, comme avait fait Miltiade à la ba* 
taille de Marathon > en prenant position dans des loca- 
lités coupées et difficiles , au pied des montagnes qui 
lui servaient d'appui. C'est pour n'avoir pas adopté un 
tel ordre de bataille que les Grecs furent vaincus et 
dispersés par les Macédoniens à Gbéronée dans une 
grande plaine ouverte et non accidentée. 

C'est aussi près de Platée , à Leuctres , qu'eut lieu la 
bataille dans laquelle Epaminondas et les Tbébains 
triomphèrent des Lacédémoniens, et mirent fin à l'a- 
scendant que ces derniers exerçaient depuis long-temps 
sur toute la Grèce. — Le résultat de cette bataille donna 
naissance à la ligue acbéenne et rendit la liberté aux 
habitants de la Messénie. 

De Platée on se rend à Thespies , au pied de THéli- 
€on, qu'on traverse au défilé de Zagora. Parcourant 
ensuite une vallée étroite, on arrive à la ville de Lir 
vadie. 

L'Hélicon est, de toutes les montagnes de la Grèce, 
la plus fertile et la mieut ombragée. Ses cimes sont 
couronnées de pins et de chênes verts. Les anciens 
avaient consacré cette montagne aux Muses : on y 
Toyait les bois des Muses et la fontaine d'Hippocrène. 

Thespies renfermait un nombre considérable de bel- 
les statues dues au ciseau des meilleurs sculpteurs de 
l'antiquité , entre autres à Praxitèle , à Phidias et à 
Myron. 

Il ne reste plus à cette ville, ancien asile des arts, 
que les avantages qui résultent de la beauté de son site 
et de la douceur de son climat. 

On tourne le mont Hélicon à l'ouest pour se rendre 



— 122 — 
de Thespies à Delphes , et on passe au sud de cette mon- 
tagne pour se diriger vers la ville de Tbëbes. 

Le chemin de Livadie à Delphes parcourt le pied du 
versant méridional du Parnasse , passe par le couvent 
de Saint-Luc , et arrive au village de Distomes. — Dans 
ce dernier lieu, le chemin se divise en deux branches : 
Tune descend vers la rade d'Aspro-Spitia , autrefois An- 
ticyre; et l'autre , remontant le versant du Parnasse, 
arrive à Delphes, actuellement Castri, où Ton ne 
rencontre plus que des ruines et l'ouverture d'un antre 
qu'on dit avoir été le séjour de l'ancienne Pytbonisse. 

Thèbes , qui continue à être la principale ville de la 
vallée de l'Asopus, a une population de 4 à 6 mille ha- 
bitants. Ceux-ci occupent l'emplacement de l'ancienne 
citadelle de Cadmée. 

La ville était bâtie autour de la Cadmée , et formait 
une enceinte circulaire de 43 stades ou 2 lieues de 
tour. Les anciens monuments qui y étaient renfermés 
n'existent plus aujourd'hui ; on n'y aperçoit que des 
tas confusément épars de ruines de toute espèce. * 

La ville de Livadie a remplacé l'ancienne ville d'Or- 
chomène , non* par le site , mais sous les rapports da 
commerce important qui se faisait entre le golfe de 
l'Eubée et celui de Corinthe. 

Orchomène, situé sur le lac Copaïs, à l'embouchure 
de l'Asopus , était , dans les premiers temps de la Grèce > 
un dès grands entrepôts du commerce de ces pays. 
Un village de 160 maisons occupe actuellement l'an- 
cien emplacement de cette ville , autrefois si florissante, 
près de laquelle Sylla défit Archélaûs, un des lieute- 
nants de Mithridate. C'est à Chéronée, qui se prou- 
vait dans le prolongement de la même plaine, que 
les Athéniens, égarés par la fougueuse éloquence de 



_ 123 — 

DémôsihèDes, et tralnaot à leur suite les Thébains et 
un corps considérable de PélopoDésieos, furent com- 
plètement vaincus et dispersés par les phalanges macé- 
doniennes que dirigeaient en personnes le roi Philippe 
et son fils Alexandre. 

L'histoire ne dit pas en quoi consistait le commerce 
d'Orchomène; mais celui que la ville deLivadie entre- 
tient actuellement avec Smyme et Gonstantinople par . 
le port de Talenta , et avec Ancône et Trieste par le 
port d'Aspro-Spitia (Antycira), consiste, pour les et* 
portations» en riz, huile, vins, cotons bruts ou fi- 
lés , garance et vermillon ; et , pour les importations , 
en draps, bonnets, verreries, quincaillerie, sucre et 
café. 

Placée près de la célèbre fontaine d'Hercinie et de 
Tantre de Tropbonius, la ville commerçante de Livadie 
contenait en 1820 une population de 15 mille habi- 
tants, presque tous chrétiens. Une mauvaise enceinte 
entoure cette ville ; une vieille citadelle la commande. 
' Importante par son commerce actif et par sa situation, 
la ville de Livadie devrait être mise dans un bon état 
de défense et servir de point d'appui aux troupes qui 
seraient chargées de couvrir et de défendre cette partie 
de la Grèce. 

La petite ville de Lidoriki , située à la naissance du 
bassin de l'Aspro-Potamos ou Géphise béotien , devrait 
également èlre fortifiée ; elle est placée sur le passage 
le plus court de la Thessalie vers Lépante. La route de 
Lidoriki à Lépante passe par le défilé du mont Zonas , 
entré le Parnasse et le Pinde , longe le mont Goraca , et 
^ traverse la petite ville d'Artolina et celle de Glima-Apa- 
no, avant d'arriver à Lépante. Ge chemin est celui que 
suivaient les armées turques pour se rendre directement 



— 124 — 
de Larissa à Lèpante , et de là à Fatras, ai»^ avoir tra* 
versé le détroit des deax châteaux de Romélte et de 
Morée. 

On suit de Test à l'ouest la c6te maritime septen* 
triouale du golfe de Fatras pour aller de Lépante à 
Mîssolongbi. Depuis ce dernier point on longe la rive 
droite de rAcbélous jusqu'à son confluent avec la ri-* 
viére d'i£tos, où Ton rencontre deux routes. Une , di* 
rigée à l'ouest , conduit au port de Dragomestre y sur 
la mer Ionienne , et plus au nord, à Yonitza , sur le lac 
d'Aria; l'autre, allant à l'est, se termine à Yracbori , 
ville centrale, dans la partie marécageuse du sandgiakat 
de Garlélie. 

PRESQU'ILE DE HORÉE. 

Connue des anciens sous le nom de Féloponèse , la 
llorée est une péninsule de près de mille lieues carrées 
de surface. La grande chaîne du Finde, qui s'attache 
vers 1q nord aux Alpes illyriques et dalmatiques, parait 
rompue au golfe de Gorinthe , où son abaissement forme 
l'isthme qui unit la Grèce continentale à la Grèce pé- 
ninsulaire; mais la chaîne dorsale des montagnes de la 
Grèce se relève au sud de l'isthme de Gorinthe et re-* 
parait dans le mont Giliène. Considérée dans son en- 
semble, la Morée présente l'aspect d'un grand cône 
tronqué , dont l'Arcadie occupe le plateau supérieur. 

Ge plateau est entouré de hautes montagnes qui se ra- 
mifient et poussent des contre-forts, dont les intervalle» 
forment , à l'orient , l'Argolide j au sud , la Laconie et 
la Messénie^ à l'ouest , l'Elide , et au nord l'Acbaïe. 

Du seiQ des montagnes qui couronnent et entourent 
l'Arcadie, on voit descendre, vers rest,rinnachus, qui 



— 12S — 

arrose la grande vallée de l'Argolide ; vers le sud, ITu*^ 
rotas et le Pamisns^ qui fertilisent la Laconie et la Mes- 
sénie ; vers Touest , l'Âlphée et le Pénée ëléen ; et vers 
le nord , lePirus, le Sëiinus et le Ghraiës, qai sillonneot 
les pentes escarpées et abruptes de l'Achaïe. 

Nés dans les hauts plateaux de l'Arcadie , ces divers 
cours d'eau se dirigent vers la mer. Quelques uns d'en- 
tre eux , tels que l'Innachus et le Paînisus , n'ayant pas 
une issue libre dans les montagnes qui entourent l'Ar- 
cadie, se sont ouvert un passage par des canaux sou- 
terrains. Après avoir disparu quelque temp9> ils se ren- 
contrent en bouillonnant et fournissent une très grande 
abondance d'eau. Ceux qui ont pu s'ouvrir un passage 
découvert coulent d'abord très rapidement dans des 
brèches étroites. Tels sont l'Eurotas et l'Alphée , dont 
les vallées supérieures sont si étranglées et si resser- 
rées à leur origine , qu'il est très difficile d'y entrer ou 
d'en sortir. 

Les contre-forts qui bordent de chaque cAté les prin^ 
cipales vallées de la Morée se terminent par des caps 
extrêmement saillants, parmi lesquels on distingue le 
cap Skilly, au nord-est; le cap Saint- Ange 6u Mallée, 
au sud-est; le cap Matapan ou Ténare, au sud; le cap 
Sapienza et le cap Gallo , au sud-ouest , près de Modon 
et de Navarin ; e cap Tornèse , au nord-ouest, vis-à-vis 
rtle de Zante ; le cap Bapa, à l'entrée du golfe de Patras, 
et le cap Antérium, occupé par le château de Morée ^ 
entre le golfe de Patras et celui de Corînthe. 

Le sol de la Morée et celui de presque toute la Grèce 
paraissent avoir été bouleversés par des volcans. On 
y remarque des montagnes soulevées et rompues par 
des feux souterrains; on voit en quelques lieux des 
affaissements produit3 par des mouvements convulsifs. 



— 126 — 

La Morëe est généralement nue et déboisée. Lejs 
plaines de l'Argolide/de la Messénie etl'£lide> abon- 
dent en céréales. L'Ârcadie possède d'excellents pâtu- 
rages. La Laconie est couverte d'oliviers et de nrûriers. 
L'Achaïe contient beaucoup de vignes et d'arbres 
fruitiers. 

Le cotonnier et le tabac croissent très bien dans 
toutes les vallées delaMorée. Les parties abritées, et 
surtout celles qui sont traversées par des cours d'eau , 
sont ombragées par des bois épais d'orangers et de ci- 
tronniers. On estime beaucoup les blés d'Argos et de 
Gastouniy le vin de Yostitza et de Sycione, l'huile de 
Mayna, sur les deux versants du Taygète (1) , les co- 
tons de Gaiamata et de Kisi, les figues de Coron et de 
Modon , les raisins de Patras et de Goriathe , les oran* 
ges et les citrons de Trézène et d'Hermione. 

L'industrie manufacturière de la Morée est peu de 
chose. Cette péninsule est pauvre en produits des arts. 
A l'exception de quelques toiles et de quelques draps 
grossiers qu'on fabrique dans les ménages ^ lesMoriotes 
tirent du dehors tout ce qui sert à leurs vêtements, et 
même les instruments les plus nécessaires à l'agriculture. 

Si l'on ajoute foi aux assertions de quelques écrivains 
anciens ,4a Slorée a nourri autrefois deux millions d'ha- 
bitants. Elle en nourrissait deux cent soixante mille avant 
la dernière insurrection de la Grèce. Cette population 
se composait de mahométans , de chrétiens et de quel- 
ques familles juives. Le nombre de mahométans était 
à celui des chrétiens dans le rapport de 1 à 5. 

Les habitants de la Morée n'étaient pas tous indigè- 
nes ; la plupart des familles mabométanes sortaient de 

(1) Contre -forf élevé qui se termine par le cap Matapan. 



— 127 — 
TAsie-Mineure; un grand nombre de chrétiens avaient 
une origine albanaise. Ces derniers figuraient parmi les 
plus actifs et les plus laborieux des chrétiens moriotes. 

Les mahométans habitaient les villes et occupaient les 
principaux emplois de l'administration et de la milice ; 
les Moriotes albanais se livraient presque tous au négoce 
et à la navigation , entre autres ceux qui habitaient les 
Iles d'Hydra et de Spetzia ; les Grecs indigènes étaient 
agriculteurs ou marins. Les deux tiers cultivaient les 
terres sous la dépendance des Turcs. 

La Horée était gouvernée par un pacha du premier 
ordre ou visir à trois queues , par des sandgiaks ou pa- 
chas à deux queues, par des beys qui commandaient 
dans les arrondissements ou dans les forteresses , et par 
des administrateurs locaux , nommés codja-bachis , qui 
étaient dans les cantons les subdélégués du gouverneur 
général. Ces codja-bachis étaient Grecs dans les cantons 
exclusivement habités par des Grecs. .Un conseil munici- 
pal composé des primats du pays assistait les codja- 
bachis dans leur action administrative. 

La justice civile , comme dans les autres parties de 
la Turquie, était rendue, dans les villes, par des ca* 
dis turcs. Mais on permettait, dans les campagnes, aux 
primats grecs ou turcs qui composaient les conseils 
municipaux , de juger comme arbitres toutes les af- 
faires civiles des habitants de leurs communes, en ré- 
servant à ces derniers leurs droits de recours aux cadis, 
et même auprès du gouverneur général. 

ProviDG«s, villes, roates de communication et ports de mer. 

L'Arcadie, province centrale, avait pour ville prin- 
cipale Tripolhza, où résidait le pacha ou gouverneur 



— 128 — 

général de la péninsule. Cette ville moderne avait été 
bâtie avec les débris àes trois anciennes villes arca« 
diennes de Palantium , de Tégée et de Mantinée. 

TripolHza et les plaines qui l'environnent dominent 
toute la péninsule. C'est le point le plus militaire de 
laMorée, parce que c'est de ce haut plateau que de*» 
scendent toutes les rivières et toutes les grandes vallées 
de la presqu'île. Cependant Tripolitza n'avait pour'dé'» 
fense^ avant l'insurrection des Grecs , qu'une muraille 
crénelée de douze à quinze pieds de hauteur et flau'* 
quée de petites tours. Saccagée par les Grecs et dé- 
truite par Ibrahim-Pacha, cette ancienne capitale, qui 
avait une population de IS mille Ames avant 1821 , 
contient à peine douze cents habitants. Ayant cessé 
d'être la capitale de la Morée, elle languit dans une 
espèce d'abandon et ne présente aux voyageurs qu'un 
océan de ruines. 

Cependant le nouveau gouvernement de la Grèce ne 
devrait pas oublier que , dans une guerre défensive , la 
principale force de la Morée consiste dans le site central 
et dominant qu'occupe la ville de Tripolitza. 

Il serait nécessaire d'en faire une place forte suscep* 
tible d'une longue résistance , et d'y concentrer, en cas 
de guerre, de nombreux approvisionnements et des 
magasins considérables d'armes et de munitipns. 

Les montagnes qui entourent la plaine de Tripolitza 
sont : à l'est, les monts Artémisius, Parténius et Par- 
non; au sud) les monts Cronius et Chelmos; à l'ouest, 
le mont Ménale, et au nord, un amphithéâtre de 
montagnes qui s'élèvent graduellement jusqu'au mont 
Cyllëne. 

Quand, en partaqt de Tripolitza, on veut pénétrer 
dans l'Argolide, on passe par le village de Sténo, prés 



— i2d ^ 

des raines ^e Tègée, et on descend dans la plaine 
d'Argos par le Trochos , chemin sinueux et très diffi- 
cile^ qui a été taillé dans le flanc oriental du mont 
Fartënius. 

L'ArgolidC) située entre le golfe d^ Athènes et celui 
de Nauplie, se compose du bassin de l'Innachus et du 
mont Arachné. Cette montagne se termine , à Test , par 
le cap Skilly, et se prolonge , à l'ouest , jusqu'au mont 
Gyllène. 

Sur le rivage maritime septentrionat du mont Arachné 
on voit, au nord, dans le golfe d'Athènes : 1» le port 
de Kikriés, autrefois Gencrëe; 2^ à l'est, ceux d'E- 
pidàure et de Métana ; vis-à-vis l'île d'Egine et à l'ex- 
trémité occidentale de l'Argolide, ceux de Trézëne, 
de Damala et de Poros. La rade de Poros, couverte par 
rtle de Galaurie, est une des plus belles et des plus 
sûres de la Grèce. Le comte Gapo-d'Istria , qui avait 
su apprécier cette position , y avait établi le principal 
aitrepôt de la marine militaire. 

Le port de Gastri, près des ruines d'Hermione et vis-à* 

vis l'Ile d'Hydra, offre également un excellent mouillage, 

Les autres villes ou plutôt villages maritimes de 

l'Argolide situés dans le golfe de Nauplie sont Granidi , 

Tournes, et le port Tolon. 

La ville de Nauplie , au fond du golfe de ce nom , 
est la plus importante des places fortes de la Grèce. 
Elle est dominée par le fort Palamiti , pantagone flan- 
qué de cinq bastious. Un petit fort nommé le Bourdgi , 
bâti sur un Ilot isolé près de la ville ^ défend sa rade par 
des feux rasants. 

Toute la côte maritime de la grande vallée formée 
par l'Innachus est basse et marécageuse. La ville d'Ar- 
I. • * 9 



— 130 ~ 

gos se troave sur an mamelon détaché , de foraie eo** 
niqne, près de la rive droite de l'Innaehus. 

C'est dans cette même plaine, au pied des iscmts 
Arachné , qu'on remarque les ruines cyclopéennes de 
Tirynthe et celles de Myeènes, Mycènes est à l'entrée 
des défilés qui conduisent d'Argos à Gorinthe par le ?al* 
Ion de Némée. 

Deux routes mènent de la plaine d'Argos au plateau 
de l'Arcadie. L'une longe le Charadius et passe par 
le Tillage d'Argenltzi pour arriver à Mantinée; l'autre, 
que nous avons décrite plus haut, se rend aux mou- 
lins de Lerne et aboutit à Tégée» — La preiûière tra* 
verse le mont Arthémisius, et la seconde le mont Par* 
thénius. 

La ville de Poros , qui est [située à l'extrémité mé- 
ridionale de l'ile de Galaorie (1), n'est qu'à une demi- 
lieue de Damala. Deux passes , l'une près de la ville de 
Poros, et l'autre entre l'Ile de Galaurie et la presqu'île 
de Méthana, permettent aux bâtiments d'entrer dans la 
rade de Poros. La dernière seule convient au passage des 
vaisseaux de baut bord. 

L'Argolide se termine , au sud des moulins de Lerne, 
au bourg ^'Astros , situé près des ruines de Tyrée. 
Astros a figuré dans la dernière insurrection de la 
Grèce comme un point central de réunion de deux as- 
semblées nationales. 

Le chemin difficile d' Astros à Monembasie côtoie le 
golfe argolique et se divise en deux branches. L'une va 
directement à Monembasie , en tournant la baie de Pra- 

(1) Llle de Galanrie était célèbre autrefois par un temple consacré à 
Neptune. C'est près Penceinte de ce temple que fat égorgé Torateor Qé- 
mostbènes par des sicaires qu'Antipateravait chargés de cet assassinat. 



~ 131 — 

lies, qui est le d^oochë maritime de la Lacome ; l'autre 
branche longe le pied des montagnes , traverse succès* 
sivement le village de Zacouna , le bourg de Prastos 
«t celui de Gosmopolis. 

LacQnie et Messénie. 

La Laconie est enferibëe entre deux chaînes de mon- 
tagnes, dont la plus orientale (le mont Zarex) aboutit 
au cap Malée, et dont l'autre, située à l'ouest de la pre- 
mière , finit , sous le nom de mont -Taygëte, au cap 
Blatapan. 

Le fleuve Eurotas , qui descend du plateau de Tégée , 
entre ces deux contre-forts , se dirige au sud et se jette 
dans le golfe laconique à travers des marais qui ont en- 
seveli l'ancienne ville d'Hélos. 

La vallée de l'Ëurotas est , après celle de l'Alphée , la 
plus longue et la plus fertile de la Morée. On y voyait 
autrefois ^ près de son origine , la petite ville de Bel- 
mine i à son centre , la ville de Sparte , et à son issue, 
celle d'Hélos. 

Le mont Zarex et le mont Taygète n'offrent guère , 
sur leurs sommets , que des rochers nus et presque im- 
productifs , au milieu desquels vivaient , sous la domina- 
tion ottomane , des peuplades chrétiennes que leur 
courage et les localités avaient rendues indépendantes. 
Les habitants de la première de ces deux montagnes 
sont connus sous le nom, de Zacouniotes ; on les re- 
garde comme les restes des anciens Lacédémoniens. — 
Ceux de la seconde ^e distinguent sous le nom de Mai- 
noies y et prétendent descendre dès anciens Spartiates. 
Mais les historiens du Bas-Empire et les traditions du 

9. 



— 132 — 

pays assurent qae les Maïnotes appartiennent à une 
peuplade albanaise qui vint s'établir en Morëe dans le 
courant du 10« siècle. 

Les Zakouniotes sont peu nombreux : leur nombre 
diminue tous les jours par leur émigration à Gonstanti- 
nople et à Smyrne , où ils se livrent au petit commerce 
de détail. 

Les Maïnotes quittent peu leurs montagnes, moins 
ftpres et moins stériles que celles qui sont habitées par 
les Zakouniotes. On compte près de 30 mille habitants 
dans le canton de Mayna. 

Pendant la dernière insurrection des Grecs , les Maï- 
notes ont rendu d'immenses services à la cause com- 
mune par leur zèle persévérant et par leur courage au 
milieu des plus grands dangers. Mais leur caractère est 
indocile. Accoutumés à Tindépendance sous le gouver- 
nement des Turcs, ils se courbent difficilement sous le 
joug d'un gouvernement régulier. C'était des côtes ma- 
ritimes des montagnes du Taygète que sortaient plu- 
sieurs des pirates avides et cruels qui ont infesté les 
mers de l'Archipel durant les dernières années de l'in- 
surrection de la Grèce. 

Quelques peuplades mahométanes habitaient dans le 
fond de la vallée de l'Eurotas, et formaient, en très gran- 
de partie , la population de la ville deMistra et celle du 
bourg de Bardounia. — Ce bourg ^ dont les habitants 
féroces et voleurs faisaient le malheur de la vallée , se 
trouvait à peu de distance de l'embouchure du fleuve. 

Mistraestpeu éloignée des ruines de la Ville de Sparte. 
Confuses et dispersées dans un lieu nommé Paléo-Ghori , 
ces ruines occupent des collines qui bordent la rive 
droite de l'Eurotas. 



~ 133 — 

Auprès de Mislra on trouve les restes d'Àmyclëe, au 
confluent de l'Eurotas et d'une petite rivière nommée 
anciennement la Tiase. 

Les villes de Mistra, Sparte etAmyclée, étaient placées 
à peu de distance l'une de l'autre^ sur la circonférence 
d'un même bassin. Sparte et Àmyclée avaient une posi- 
tion vraiment militaire. Mistra , située au pied du Tay- 
gète dans lé fond de la vallée de TEurotas y n'a d'autre 
avantage que de se trouvera l'entrée des défilés qui con- 
duisent dans la Messénie. 

Les environs de Mistra forment la plus belle partie de 
la Laconie. Les végétaux , les animaux, les hommes , y 
paraissent plus beaux que dans le reste de la Péninsule. 
Les femmes de Mistra sont aussi renommées pour leur 
beauté que Tétaient autrefois celles de Sparte. 

Monembasie , appelée communément Naples-de-Mal« 
voisie , au pied du versant oriental du mont Zarex, fait 
partie ^de la Laconie , dont elle est le débouché mariti-» 
me. Cette place, bâtie sur un Ilot escarpé qui ne tient 
au Péloponèse que par un pont de douze arches*, est na« 
turellemént très forte. Les Grecs ne l'ont prise, dans la 
première année de leur insurrection , que par la famine 
'après un long et rigoureux blocus. 

L'Ile de Gythère, qui porte le nom moderne de Ce- 
rigo, est placée entre la Morée et l'Ile de Crète ; ellesér 
pare la mer Egée de la mer Ionienne. Cette lie , qui con- 
tient la forteresse de San-Nicolo et celle de Capagli, est 
peu fertile et a^beaucoup de peine à nourrir sa faible po- 
pulation de dix mille âmes. Mais elle forme avec l'Ile de 
Gervi une rade excellente et spacieuse. Placée au sud de 
la Morée et à une très grande distance des îles Ionien- 
nes, elle devrait appartenir au nouveau royaume de la 



— 134 — 

Grèce , tant pour le protéjjer à l'entrée de TArchipel qne 
pour aetiyer à l'intérieur ses relations commerciales. 
Pausanias ne donnait qu^une largeur de 4 stades] au ea* 
ioial qui sépare Gythëre de la Morée. 

Les meilleurs mouillages de la baie de Laconie sont 
Kotoki, près de rembouchore de l'Eurotas, Yattby^ à 
peu de distance du cap Malèe et vis-à-vis l'Ile de Cervi j 
Gasteirampono, sur la rive orientale du golfe ; Kolothy- 
tbia, au pied du versant du Taygète. La Laconie finit 
près de Kitriès, à la rivière de Nados, où commence la 
Messénie. 

Après avoir quitté le Taygète , on entre dans la belle 
plaine de Galamata , qui s'étend depuis l'extrémité sep- 
tentrionale du golfe de Messénie jusqu'au mont Itbame* 
Geite grande plaine est arrosée par le Pamisus, qui sort 
à gros bouillons d'une source abondante du même mont 
Ithome, comme la fontaine de Yaucluse, en Provence^ 
ou celle de Nîmes, dans le département du Gard. 

Des vignobles , des oliviers et des arbres fruitiers de 
toutes espèces y entremêlés d'orangers, d'acacias, de 
lauriers-roses , d'aloës et de cactus , couvrent toutes les 
parties inférietires de la Messénie. G'est en portant la dé- 
solation dans cette belle contrée , et en faisant couper les 
arbres fruitiers et les vignes jusqu'à la racine, qu'Ibra- 
him-Pacha s'est mis sur la ligne des dévastateurs les 
plus impitoyables. 

Après avoir fait plusieurs détours près des bourgs de 
Boudia et de Soulima , le Pamisus , grossi par les eaux 
qui descendent du mont Lycée , se courbe à Jéférémini 
pour aller se jeter dans le golfe messénien , entre Nisi et 
Galamata. 
{ La petite ville de Nisi , qui avait disparu par le fea 



et le pillage des soldats égyptiens en 182f7, eommence à 
renaître de ses cendres , et même à prospérer à cause de 
ht beauté de sa position. 

La yiUe de Hessène était située au jiied du mont 
Rfaome et à la tète de cette grande yallëe. L'ancienne 
enceinte de cette Ttlle présente encore des restes impo- 
sants. 

Placée à Tissue des défilés de PArcadie, ta ville forte 
de Messène était destinée à défendre la Messénie contre 
Tes incursions des Arcadiens. — Un de ces défilés, par 
lesquels on traverse le mont Lycée ,f conduit dans la val* 
Ke de Lëondari ; l'autre aboutit dans la plaine de Sina- 
no , on de Mégalopolis. Ces défilés sont tous très faciles 
à défendre ; les chemins qui les parcourent sont généra*- 
lement étroits et encaissés. 

La ville d'Androussa , qui est dominée par un mau- 
vais château , était regardée comme la meilleure dé- 
fense du bassin du Pamisus. Mais , éloignée des sources 
et de la bouche de ce fleuve, elle serait moins suscepti- 
ble de protéger la Messénie que le bourg de Jéférémini, 
qui se trouve immédiatement à l'issue des défilés du 
mont Lycée. 

Cette dernière bourgade devrait être mise en état de 
défense. Il en est de même de celle de Nisi, qui, placée 
dans la partie inférieure du bassin du Pamisus, à peu 
de distance de la mer, pourrait arrêter les troupes en- 
nemies qui auraient débarqué à l'embouchure ou dans 
le voisinage de ce fleuve. 

Le pourtour du 'golfe messénien offre dans sa partie 
occidentale de très bons mouillages , entre autres ceux 
de Pétalidi et de Coron. Située sur un rocher qui forme 
l'extrémité du montlhomée, la forteresse de Coron n'a 
pour son enceinte qu'un développement de 600 toises. 



— 136 — 

Les hantenrs voisines qai la dominent sont nuisibles à 
sa défense. 

Le chemin de Coron à Modon traverse le mont Tho-' 
mëe et côtoie la baie dite da port phénicien , avant 
d'arriver à la plaine ondulée à l'extrémité de laquelle se 
trouve la forteresse de Modon. Celle-ci est fortifiée par 
une muraille flanquée de tours du c6té de la mer^ et par 
un front bastionné avec fossés extérieurs et un chemin 
couvert du côté de terre. Cette petite place , n'étant pas 
dominée , est plus susceptible de défense que celle de 
Coron. 

Pour se rendre de Modon à Navarin on suit un che-* 
min qui serpente dans un vallon agreste, bordé dç 
montagnes, et on traverse le mont Thématia. L'tle 
Sphactérie, située devant un profond rentrant de la 
mer, forme, à Navarin, le plus beau port de laMorée. 

On entre dans ce port par deux passes navigables. — 
Celle de l'ouest , dont la rive continentale présente les 
ruines de l'ancienne ville de Pylos, n'a aucun ouvrage 
défensif qui la protège. L'autre passe sert d'entrée aux 
plus grands vaisseaux. La citadelle, qui occupe la hau- 
teur, est peu spacieuse , et n'a du côté de la campagne 
qu'un front bastionné de peu d'étendue , sans demi-lune 
et sans ouvrages avancés. — L'importance de la rade de 
Navarin exige qu'on fortifie avec soin la ville, de Nava* 
rin et l'ile de Sphactérie. 

Les Turcs avaient conservé les forteresses de Coron 
et de Modon pendant toute la guerre de l'insurrection 
de la Grèce. La ville de Navarin, perdue par eux dans la 
première année, avait été reprise par les troupes égyp- 
tiennes d'Ibrahim-Pacha. 

L'expédition française envoyée en 1828 au secours 
des Grecs, sous les ordres du général marquis Maison , 



1 



— 137 — 

reprit en peu de Jours , et sans de grands efforts, ces 
trois places importantes. Elle soumit le fort Tornèse 
dans l'Élide et termina par la prise du château de Morée 
l'entière libération du Péloponëse. 

La Messénié se termine à la ville d'Arcadie (ancienne 
Gyparissa) , située sur là mer Ionienne , à dix lieues au 
nord de Navarin. Ses fortifications consistent dans un 
mauvais mur actuellement en ruines. La campagne en- 
vironnante est très productive. 

Le chemin de Navarin à Gyparissa passe au village de 
Gorgogliano, laisse à gauche Tile de Prodano , ancienne- 
ment Protè y et débouche, par le bourg de Philatra , à la 
plaine environnée par le golfe Gyparissien. 

De l'Élide. 

L'Elide est située entre l'Arcadie à l'est » la Messénié 
au sud, la mer Ionienne à Touest, et le golfe de Pat ras 
au nord. Plusieurs cours d'eau qui descendent des mon- 
tagnes de l'Arcadie parcourent l'Élide de l'est à l'ouest. 
On distingue parmi ces rivières, en commençant vers le 
sud, lo la Néda, actuellement Paulizza, qui prend sa 
source au mont Lycée et passe par le village de Paulizza, 
bâti sur les ruines de Phygalée, où l'on remarque le pé- 
ristyle presque entier d'un temple autrefois consacré à 
Apollon. Ce fut Sétinus , le plus célèbre des architectes 
de l'ancienne Grèce , qui construisit le temple de Phy- 
galée, ainsi que le Parthénon d'Athènes. — 2° L'Alphée, 
qui est le plus grand fleuve du Péloponèse ; descendu 
de l'Arcadie, il traverse la plaine de Mégalopolis, s'en- 
fonce y en se dirigeant au nord , dans une gorge profon- 
de, où il reçoit d'abord le Gorthynium , près de la ville 
de Gariténa, ensuite le Ladon, près du village de Péri, 



- fSS- 

ea dernier liea l'Erymantbe vers le bourç d'Àspro- 
Spitia. n pénètre 9 après ce dernier confluent, dans la 
plaine d'Olympie, d'où, se portant à l'ouest, il va se 
jeter par deux bouches dans la mer Ionienne, entre la 
petite ville de Pyrgos et le village d'ÀgoIinitza. 

Placée à quatre lieues de l'embouchure de l'Âlphée , 
entre le village de Phloca et celui de Miraca , la ville 
d'Olympie,Bicéfèbre dans l'antiquité par ses jeux oljm- 
piques, qui avaient lieu tous les quatre ans, n'offre plus 
que des ruines dispersées dans un Tadlon solitaire. 

Le temple majestueux de lupîler Olympien formait 
an toffg parallélogramme de âSO pieds de long , sur 9S 
pieds de large et 68 pieds de hauteur. 

30 Le Pénée éléen qui , descendu du mont Eryman- 
the , coule d'abord dans un vallon très encaissé . d'où il 
sort, vers les ruines d'Élis, pour entrer dans la fertile 
tallée de Gastouni. Il rerse ses eaux dans la mer entre 
le cap Fbéia et le cap Ghélonites. 

Le cap Phéia est surmonté par le petit fort de Gâta- 
zole; le Cap Ghélonites par le fort Tornèse. Ces deux ou- 
vrages fortifiés surveillent phitAt qu'ils ne protègent la 
vaste plage maritime de la baie de Gastouni. 

La plaine de Gastouni est une des plus fertiles de la 
Morée, et produit une abondante variété de céréales, 
devins, de coton, de soie et de lin; mais les ravages 
des Laliotes-Turcomans, venus de l'Asie-Mineure après 
la malheureuse insurrection de 1770, avaient porté la 
désolation dans cette partie de Ja Grèce. Les anciens 
habitants avaient été contraints à abandonner une gran- 
de partie de leurs terres, que leurs ennemis n'avaient 
' utilisées que pour y faire pattre leurs troupeaux. Les 
Laliotes furent les premières victimes de la vengeance 
des Grecs en 1821. 



— 139 — 

0epttis le cap Tornëse josqu'au i^pAraxe^ aetael- 
lement cap Baba, la côte de la Morëe présente une plage 
basse et marécageuse. On y remarque le port de Gbia* 
renza , le bourg de Lébéna , l'étang de Getiki , les ruine» 
de Gosmop<riis , et enfin le ruisseau de Larissus ^ actuel- 
lement Mana^ qui sert de limites entre l'Elide et l'A- 
chaïe. 

De l'Achale. 

C'est au cap Araxe que commence^ du eôté du Pélo^ 
ponèse, l'entrée du golfe de Patra^ Se courbant et se 
dirigeant à l'est, le rivage septentrional de la Morée 
se prolonge jusqu'à l'istbme de Gorinthe, et forme ayee 
les côtes de l'Etolie et de l'Acarnanie, qui lui sont op« 
posées f un vaste golfe qni est divisé en deux bassins. 

Ces bassins sont connus sous les noms de golfe de Pa<^ 
tras et de golfe de Gorinthe. Le détroit qui les sépare est 
défendu parles deux forts de Bhium et d'Anti-Rbium» 
et n'a qu'une largeur de dix-fauit cents métrés. 

Le port de Patras a été comblé en grande partie. Là 
ville de ce nom , bâtie à 600 toises du rivage maritime , 
possède une rade très vaste où les bâtiments mouillaient 
avec sécurité , lorsque les vents d'ouest ne soufflaient pas 
avec violence. 

Enricbie par un commerce actif et florissant , la ville 
de Patras contenait une population de 14 mille âmes , 
lorsqu'elle fut la première , en 1821 , à arborer le dra- 
peau de l'indépendance de la Grèce. — Les chrétiens 
de Patras, n'ayant pu se rendre maîtres d'une mauvaise 
citadelle qui commande cette ville, se virent contraints 
(l'^andonner leurs habitations , qui bientôt furent la 
proie des flsonmes.] 



— 140 — 

Malgré le triomphe des Grecs ^ la ville de Patràs con- 
tinue à être dans un état de ruines et d'abandon. Le 
commerce de cette échelle est presque nul ; les consuls 
européens ont cessé de l'habiter. 

Le chemin de Gastouni à Patras traverse le Pénée 
éléen , se rend dans le bourg d'Andravitza , passe le 
Pirus à Raminitza, et, longeant la côte maritime , ar- 
rive à Patras. 

Après le passage des deux forts de Rhium et d'Anti- 
Rbium , on entre dans le golfe de Gorinthe , qui est un 
prolongement de celui de Patras. La côte maritime de 
TAchaîe est droite et escarpée ^ et, à l'exception des en- 
virons de Patras et de Sicyone, elle présente partout un 
escarpement abrupte et presque inabordable. — Sa sur- 
face est sillonnée par une infinité de torrents qui descen- 
dent des montagnes. Les plus remarquables de ces cours 
d'eau sont le Sélinus, qui traverse le bourg de Yostitza ; 
le Ghratys, qui passe par le village d'Acrata; et TAso- 
pus achaîen, qui arrose la petite ville de Yasilica, sur 
l'emplacement de Sicyone. 

On voyait autrefois sur cette côte douze villes , unies 
entre elles par une fédération politique. Composée d'a- 
bord des cités de l'Achaïe, la fédération achéenne 
s'accrut, après la bataille de Mantinée, par l'admission 
de toutes les villes du Péloponèse qui venaient d'être af* 
franchies du joug des Spartiates. 

Formée pour combattre Sparte et Athènes, là ligue 
achéenne se réunit à ces deux états pour sauver la Grèce, 
menacée par les Macédoniens ^ après la bataille dé Ghé- 
rpnée. La division ayant afTaibli cette ligue par la suite, 
elle disparut au milieu des convulsions intestines. Les 
Macédoniens devinrent les maîtres absolus de toute la 



— 141 — 

6rëce> et les Bomains succédèrent à leur domination* 

Sicyone , qu'on rencontre sur la route de Fatras à 
Corinthe, est peu éloignée de cette ville. Un simple 
ruisseau» le Némée, séparait la Sicyonie de la GoriU'- 
thie. 

La ville moderne de Gorinthe se trouve sur rempla- 
cement de l'ancienne au pied de la montagne qui porte 
la forteresse dite Acro-Gorinthe. Situé sur une hauteur' 
escarpée quia 660 mètres d'élévation au dessus du ni- 
veau de la mer, cet acropolisest assi^etti dans son tracé 
à toutes les sinuosités de la montagne » sur un dévelop- 
pement de 2,800 mètres. Flanquée de tours et sembla- 
ble à Lépante , cette forteresse contient trois réduits 
distfaicis , situés les uns au dessus des autres. Elle ren- 
ferme , dans le premier réduit , une source abondante 
célèbre anciennement sous le nom de fontaine de Py-r 
rêne. 

Léchée est le port de Gorinthe dans le golfe corin- 
thien. La ville était unie autrefois au port par deux 
longs murs actuellement ruinés, comme ceux d'A- 
thènes. Les nombreuses ruines qu'on voit sur le vaste 
terrain compris entre Gorinthe et le port Léchée an- 
noncent que cette ville était autrefois populeuse et flo- 
rissante* 

Le petit village d'Examili, à Test de Gorinthe , doit 
son nom à la largeur de l'isthme, sur ce point. C'est près 
de ce village que l'empereur Néron avait essayé jadis 
de faire traverser l'isthme par un canal pour réunir les 
deux mers ; mais la dureté et l'élévation du terrain op- 
posèrent quelques obstacles qui firent abandonner l'en- 
treprise , quoiqu'il fût assez facile de les surmonter. 

Au lieadu canal projeté on construisit un mur que les 
Vénitiens réparèrent et que. les Turcs ont laissé tomber^ 



— lis — 

€e mur, flanqué de 36 tours , avait une Idigueur dd 
deux lieues et une élévation de douze pieds. 

On avait eu l'idée de protéger les deux extrémités de 
cette longue muraille par des forts , et de bâtir au cen^ 
tre de cette ligne une ville fortifiée qui aurait été en^ 
tourée par des ouvrages réguliers et par un fossé pro^ 
fond. 

Si Ton yeut fortifier convenablement l'isthme de Co^ 
rinthe et garantir sur ce point la Morée contre une in^ 
^ invasion du nord , le projet de construire une ville forte 
sur [l'emplacement que nous venons d'indiquer serait 
extrêmement sage. On pourrait même y établir, en cas 
de guerre et de danger, le siège du gouvernement hel^ 
lénique. 

Cette ville isthmique aurait, par le moyen des canaux 
ou par des chemins de fer, une communication prompte 
et facile entre la mer de l'Archipel et la mer Ionienne , 
et pourrait entretenir des relations commerciales très 
actives entre l'Europe et le Levant. En occupant le cen- 
tre de l'isthme, elle défendrait beaucoup mieux cette 
langue de terre que ne pourrait le faire l'Acropolis de 
Gorinthe, qui peut être tourné,|et dont les feux des bat- 
teries sont trop hauts et très fichants. 

Les Moriotes actuels se plaignent d'être abandonnés 
parleur roi, parce qu'il habile Athènes, ^ur la partie 
continentale de la Grèce. Les Grecs Roméliotes jette* 
raient 1^ hauts cris si le siège du gouvernement était 
transféré à Nauplie ou à Tripolitza dans le Péloponèse. 
Toutes ces réclamations n'auraient aucun fondement si 
le séjour du monarque hellénique était fixé dans l'isthme 
de Gorinthe , entre les deux parties rivales du même 
roya^ime , et dans la proxinoité immédiate des feux mers 
environnantes. 



— 143 — 

Roates. 

Les principales routes qui traversent le Péloponèse , 
et qui réunissent cette péninsule àla Grèce continentato, 
sont : 1^ la route de Tripolitza à Argos; nous l'avons 
décrite plus haut. 

2^ La route d'Argos à Castri (anciennement Hermio- 
ne) longe le golfe argolique, passe par Nauplie^ tourne 
le fort de Palamiti, traverse Jes villages de Drapano, de 
Toumus et de Dydioii^ et se rend à Castri , en laissant à 
droite la petite ville de Granidi. 

â^ La route de Laconie quitte le plateau de l'Arcadie 
vars les sources de l'Alphée , et , avant d'entrer dans le 
bassin de TEurotas^ se divise en deux branches, dont 
Tune traverse les ruines de l'ancienne ville de Belmine, 
près du village de Bouraïkos^ et l'autre passe par Sella- 
sie à travers des sentiers tortueux* C'est près de Sellasie. 
que se livra la bataille décisive qui soumit le Péloponèse 
et la Grèce àla domination des rois de Macédoine. Ar- 
rivée à Mistra , cette route communique avec Calamata 
en Messënie, par un chemin qui coupe le mont Taygète 
4U défilé dits des Portes. 

4o La route de Tripolitza à Coron sort de l'Arcadie 
près des ruines de Palantium , descend dans le bassin de 
l'Alphée et parvient à Léondari. Cette dernière ville est 
un des points les plus stratégiques de la Morée; elle est 
au centre de réunion de plusieurs chemins qui condui- 
^nt l'un à Coron , par les défilés du mont Lycée , l'au- 
tre à Mistra, par le défilé de Belmine, le troisième à 
Mégalopolis et à Gorinthe , en côtoyant l'Alphée. 

6^ On se rend de Tripolitza à Gastonni par deux che- 
mins. L'un d'entre eux , après avoirjtourné le mont Mé- 
nale, Mtre dans la vallée de l'Alphée pour se dirigei* 



— 144 ~ 

vers Gariténa ou vers Sinano. Gontinnant à longer le 
fleove , il arrive dans le vallon d'OIympie. L'autre che-* 
min traverse le Gorthinias vers le bourg de Dimitzana , 
le Ladon au village de Vanina , et le fleuve Erymantbe 
près du bourg de Fasa, où habitaient les musulmans Lal- 
liotes, qui étaient la terreur de ces contrées. Gotoyant 
ensuite le mont Pholoé, cette route débouche dans la 
plaine de Gastonni , vers les ruines d*Elis. 

G'^Le chemin deTripolitza à Fatras traverse la plaine 
de Mantinée et la ville de Galovritta, passe prés du 
couvent de Migaspéon, célèbre par Thospitalité gé- 
néreuse des religieux qui l'habitaient , descend avec le 
Pirus au khan de Goumenitza, et, après s'être élevé 
jusqu'au sommet d'un contre-fort de montagnes nom- 
mé le Panachaïon ^arrive, en serpentant , au village de 
Beyougli dans la plaine de Patras. 

70 Pour se rendre de Tripolitza à Corinthe on monte 
sur le plateau d'Orchomène , ensuite sur celui de Stim- 
phale , d'où l'on descend avec le fleuve Asopus à Si- 
cyone. 

8^ Mistra communique, avec Monembasie par un che- 
min qui s'élève par le village d'Ayos-Paulos (Saint-Paul% 
sur la crête du mont Zarex. Ge chemin descend ensuite 
par le village de Maries au littoral de Monembasie. 

Le plateau de l'Arcàdie , qui domine toute la péninsu- 
le, est, sous le rapport militaire, la partie la plus impor- 
tante de la Morée. — De ce plateau élevé on peut se 
porter rapidement sur tous les points où l'ennemi aurait 
opéré un débarquement, et le combattre avec avantage. 
Ge n'est qu'en traversant des défilés étroits et difficiles , 
en cheminant sur des routes extrêmement mauvaises, 
et quelquefois à travers des marécages, qu'un ennemi 
peut parvenir, après de grands efforts , à pénétrer dans 



— Î45 — 

TArcadie. Mais un général habile çbargé de la défense 
de la Morée troaverait toujours les moyens d'arrêter 
les corps ennemi» au milieu des précipices , s'il avait à 
sa disposition un nombre suffisant de troupes bonnes et 
dévouées. 

Les Turcs avaient agi sagement en établissant à Tri* 
politzale centre du gouvernement de la péninsule. — Ce 
fut par une connaissance parfaite de TArcadie que les 
Grecs insurgés dirigèrent avec succès leurs premiers ef«* 
forts contre cette ville centrale et dominante. 

Quand, en 1827, Ibrahim-Pacha parvint avec sesÉgyp^ 
tiens à s'einparer de cette place , la cause des Grecs se 
trouvait dans un état désespéré. Ils seraient retombés in- 
failliblement dans Teur première servitude si la France, 
la Grande-Bretagne et la Russie, n'avaient pris la géné- 
reuse résolution d'intervenir pour les défendre et les 
sauver. 

Nous terminerons le tableau physique du nouveau 
royaume de la Grèce en donnant quelques détails de- . 
scriptifssur les ties Gyclades et sur les îles Sporades,qui, 
d'après les derniers arrangements dictés par les trois 
puissances protectrices et]consentis parla Porte, on ( été 
déclarées comme faisant partie du nouvel état hellénique. 

Les Gyclades ont été ainsi nommées parce qu'elles 
forment un groupe circulaire autour de l'ancienne !lc de 
Délos. Les Sporades ou Iles dispersées sont disséminées 
hors des Gyclades, dans le voisinage immédiat des côtes 
maritimes de la Turquie d'Europe et de la Turquie d'A* 
sie. Les Sporades helléniques actuelles sont situées près 
du littoral de la Grèce. 

Naxos, qui a une population de 10000 âmes; Tinos* 
qui en contient 20000; Santorin , 7000; Siphanté^ 
I. 10 



— 14« — 

6000; S;r«, 9000;, IfyeoBi^ 3000; kmwgos^.^mt, 
forment U première classe des Iles Cyeiades* La^ s«h 
coude dusse eonUent l'ile de Mile, 600 habitante:; 
Nanpbio, 800^ Parcs, 900; Likino, SOO; Thermia^ 
1000; Zéa, 1200; Stampalia, 1200, Nio , 500 ; Àrgeft- 
Uère, 140; Aatiparos^ 120; Polycandro^OO; Sérîpbo, 
200. 

Les Sp^mides du royaume d^ la Grèce sont Hydra, 
dont lapopnkilion , qat s'élevait à 30600 àme^a^aot ta 
guerre , a élsft réduite à moitié. On a des motifs de |n^ 
Borner que ce rocher, presque stérile a^aoït sa prospé- 
rité eommercîale , finira.' par être abandonné dans qneU 
que temp»« On peut en dire autant de l'Ue de Spetjna^ 
qui, a'rat l'iasurreciion de la Grèce,, contenait 2SÛ0 
ha'bitaiits. 

L'ile d'Éfi^iiie dans tegolfe d' Athènes possjhie' une po^ 
pulation de 3000 âmes; l'ile de Golouri (autrefois Sala** 
mine) contient 450 habitants. Scopeios , dans le voisi- 
nage du goife deVolo:, esl haUté par ISOOpersomiaai 
Skiroft, par 600; Skéatos, près de Scopeios, par 50^; 
Poros , qui, avec Tlléde Galourie et lacôlede Trézte^ 
forme un dea naeilleurs ports de la Grèce, possède- une 
population de 6200 âmes< 

Le sol des^ iles Cyclades^et Spoi^des est^ presqae par- 
tout le même. G'est un: détritus de malières sdiieteuMl 
et calcaire», sivr uve-base granitique. Oa considère ces 
lies comme devant leur extsteaee à racikin> des^ volcans 
et dea soulèvements. 

Ces lies produisent de» vina, de l'huile d^olive > de 
la soie et uue grande abondance de-ficuitsk LesmailleuHi 
vins sont c«u«i des ttea miemisées , comme Kaxos et 
Saatwii»^ 



— 147 — 

Lef lies les plus peuplées sont celtes ^i mx pfrt^' 
dttits abondants du soi réunissent une industrie manu^ 
facturière , coBime Tino, qui exporte des soieries et des- 
bas de soie dans tout le Levant. 

Les iles de Uydra et de Spetzia, ayant profité des mal« 
hears causés au commerce de Marseille par la révol^H 
tion française, et s'étant faites les principaux colporteurs- 
du commerce extérieur dans le Levant et la Méditerra- 
née , devaient à ces circonstances favorables et tempo- 
raires leur grande prospérité. La paix générale de r£u- 
repe en 1815 commença leur décadence. 

L'Ile de Syra , loin de souffrir par la révokition de* la 
Grèce , a dû à cet événement sa richesse et sa prospé- 
rité. Gemme calhoUques , les habitants de Syra s'étaient 
tenus pendant les premières années de la guerre dans 
une espèce de neutralité entre les Grecs insurgés et les 
Ottomans. Par cette disposition , leur lie , placée dans 
une position centrale , était devenue le grand entrepôt 
des relations commerciales des Cyclades avec les^ ports 
de la Turquie. 

Cet état prospère n'a pas cessé avec la fin de la guer- 
re , parce que les habitudes étaient prises , et parce que 
cette île occupe une position importante , vers laquelle 
se croisent; les lignes commerciales qui existent entre 
CoDstantinople etMa Morée , et entre Sniyrne et Saloni- 
que. Les paquebots de France destinés pour Constantin 
nopié et Smyrne ont l'ordre de relâcher à Syra. 

L'Ile £ubée (Négrepont) contenait une population- 'de< 
30 à 40000 âmes» Mais les calamités de là guerre et 
l'exf isteton desmusulmans ont réduit ce nombre à plus^ 
de moitié. 

La plupart des habitants des Cyclades suivent- le rit 
grec; mais les populations industrieuses et florissantes 

10. 



— 148 — 
de Tinos et de $yra professent la religion catholique. 
Les habitants de Naxos et de Santorin sont mi-partis 
grecs et latins. On trouve dans l'ile de Naxos beaucoup 
de familles catholiques qui prétendent descendre de 
quelques uns des principaux seigneurs qui ont figuré 
avec éclat dans les guerres des croisades. Une de ces fa- 
milles porte le nom de Lusignan. 

PopolatloA «etaélle du royamne de la Grèce. 

Les habitants des ties de l'Archipel conservent beau- 
coup plus que ceux des provinces grecques du conti- 
nent les mœurs y le langage , les manières et Tapparefice 
physique des anciens Grecs. 

La population totale dès provinces continentales de 
la Grèce , y compris la Morée , s'élève à environ 600 
mille âmes, sur une surface de ISOO lieues carrées, ce 
qui donne 334 habitants par lieue carrée. 

La population des lies helléniques , sur une surface 
m<^yenne de 600 lieues carrées , correspond à 220 mille 
&mes, ou bien à 360 habitants par lieue carrée. 

La population entière du nouveau royaume de la 
Grèce contient environ 720000 habitants. 

Le villes principales de ce nouveau royaume sont : 

1* Dans la partie continentale ou Bomélie : 

Bassin du Sperchius, — Patradgilt, 3200 âmes; Zeitoun, 
3000 âmes. 

Bassin du Céphise^ qui se perd dans le lac d^Orchà' 
mène. — Livadie , 12000 âmes ; Lidoriki , 6000 âmes. 

Bassin de l'Asopus^qui se jette dans le golfe de Nègre" 
pont {rives de l'Aulide). — Thèbes, 2800 âmes; Talànta, 
port de mer sur le même golfe, 6000 habitants. 

Attique. — Athènes, capitale du royaume, près du 
port Pirée, 16000 habitants. 



— 149 — 

tle Eubée (Négrepont) .— Ghalcis , près^ du détroit de 
l'JEripe^ 8000 âmes ; Garysto , port de mer dans la partie 
méridionale de l'Ile Eabée, 2400 habitants. 

Phocide. — Salone , près du sommet du mont Par- 
nasse , au dessus du golfe de Livadostro, 3500 hantants. 

Étolie. r- Lépante, ville forte et port de mer, 2800 
habitants; Missolonghi, ville ruinée, célèbre par les 
sièges qu'elle a glorieusement soutenus contre les Turcs 
pendant l'insurrection de la Grèce, 1200 habitants. 

Acarnanie. — Dragomestre, port de mer vis*à-vis File 
Ionienne de Saint-Maure , 1000 habitants. 

Bassin de l'Achélous. -^ X.nQe\0'Castron y à peu de 
distance de l'embouchure du fleuve, 2000 habitants; 
Carpenitzè , dans les parties les plus élevées de la vallée 
de TAchelous ^ 2200 habitants ; Yonizza , ville commer- 
^nte près du rivage méridional du golfe d'Arta, 3200 
Ames. > 

Presqu^Ue de Morée, — Tripoli tza, au centre de la 
péninsule, 2200 habitants. Sa population était de 14000 
âmes avant l'insurrection de la Grèce. Galamata,port 
de mer, 1500 habitants. Sa population était de 9000 
Âmes avant sa destruction par Ibrahim-Pacha en 1827. 
Nauplie, ville forte et port de mer, 10000 habitants. 
Poros, port de mer dans le golfe d'Athènes, 6000 babi- 
llants. Mistra , dans la Laconie , 1800 habitants; elle en 
avait .5000 avant 1821. Garitena, sur l'Alphée et dans 
l'Arcadie , 3000 habitants. Gorôn , port de mer, 2000 
habitants* Modon, port de mer, 3000 habitants. Navarin, 
port de mer, pris par les Grecs , repris parles Égyptiens, 
incendié par la foudre du ciel , 920 habitants. Arcadia 
ou Gyparissa, port de mer dans la Messénie , 580 habi- 
tants. Gastouni, dans l'Élide ,4000 habitants. Léondart 



— f 50 - 

en Arcadie, 1^00 habitants. Galavirita , en Ârcadie» 
2600: habitants. Monembasie , 1800 habitants^ Retirés 
dans la citadeHe de Patras, les Lalliotes ont eansè , par 
-leur longue résistance et par leurs excursions dévasta- 
trices, la mine entière de la ville de Patras. Monem- 
'basie , âOOO âmes ; après avoir souffert les horreurs de 
la piBs croelle famine , les Turcs de cette ville -se ren- 
dirent aux Grecs insurgés. 

Parmi les habitants des provinces continentales de la 
firëce on comptait un musulman sur quatre chrétiens. 
L'expulsion des musulmans, qui étaient les plus ricfhes 
propriëtairai et les principaux ^capitalistes du pays , a 
fait IMM férte brèche à la population de la Crrèce et a 
porté on grand préjudice à son agriculture. 

La plupart des musulmans de la Morée tiraient leur 
origine de l'Asie-Minettre. Leur caractère était généra^ 
lement assez doux , à l'exception des Turcs de Bardon* 
nia, dans la Laconie , et de Lala, dans le bassin de l'Ai- 
phée. Ces derniers, qui se distinguaient par des dtoposi- 
tîons féroces et par un penchant à la déprédation , ve- 
«vàf^it de rÉpire et de la Macédoine , et n'étaient deve- 
nus nombreux qu'après les funestes résultats de l'insur- 
rection de 1770. 

On trouve dans la partie septentrionale du continent 
de la Grèce beaucoup de chrétiens dont les ancêtres 
étaient sortis de rAlbanie. Ils conservent encore le lan- 
gage et le costume militaire de leurs aïeux. ^ Ces chré- 
tiens , d'une origine albanaise , ont pris presque tous 
une part très active et très utile dans la défense de la 
Kberté de la Grèce , et se sont montrés intrépides guer- 
riers pendant la guerre , commerçants habiies et intel» 
ligents pendant la paix. 



— 161 ~ 

Aérant ' FinMireetioiii 4e tSQÏ^ le re^eira terrîlorkl de 
laStioFèe s^étevait à âS^m^ioDs 4e francs. La^if^deurde 
ses produits maaafacturiers était de 10 millioBS de la 
même no&Aaie. Le fisc ottMaaa ttrait-anDHeHeoimt de 
eelleféiiiiisale cinq miUioas «t 4eiiii de franot , (^«at-à^ 
dire trcns nrilM^iis et deiai peur la dtme des produits a-* 
gricoles et industriels , un million pour le karadge ou 
eapitation , et un mtlHoo pouri les douaMS. 

Le paeba , ses sobdélègiiés , les commandants dei iou- 
4melas5e$et les^empiôyés deseontributlons/enlaTaieiit 
«I aas aux habitants une sooime de prë&^ dix minions 
de fi^àncs chaque année , par des extorsions let des mal* 
Tersatiens de tout genre. 

Le revenu territmrialdelaGrèce continentale, située 
au nord de l'isthme de Gorinthe, y compris celai de Ttia 
dfEubée» était estimé à 18 nâllions de francs. Le rêve- 
jHi industriel et commercial de cette même partiede la 
Turquie ne dépassait pas la somme de millions. 

. La If^ie tirait de ces provinces deux miltîcms six 
cent miUe francs , tant pour la dtme des produits iadosi- 
triels et agricoles que pour le karadge et les douanes, 
Cependasfties agents du gouvernement turc trouvaieirt 
le moyen, en pressurant ces peuples, de leur arracher 
«mmeltement plus de S millions de francs. 

Les habitants des lies heUéniifues qui font partie eu 
nouveau royaume de la Grèce dépendaient, comme 
«eux des Iles Cyclades et Sporades de l'Areliipel, du 
commandement du capitan-pacbà, à qui ils payaient 
Jeurs redevances annuelles. Leurs contributi<»is de tout 
genre ne s'élevaient pas a 600000 francs par an. La fis- 
calité ottomane n'étant pas établie dans ces Iles, les ad- 
ministrations locales étaient presque partout confiées 



— 162 — 

aux^^onseils municipaux ; les spolialiouset lèâvexatloni 
tyranniques y étaient beaucoup plus rares que dans les 
autres parties de la Grèce. Nous avons vu que, sous les 
Turcs , le revenu régulier que le gouvernement ottoman 
tirait annuellement de toutes les parties qui composent 
ce nouvel état ne dépassait pas la somme de 6700000 
francs. 

Le karadge ou capitation a dû être nécessairement 
supprimé ; mais cette perte a été plus que compensée 
par l'accroissement des droits d'entrée sur les marchan- 
dises étrangères et par l'impôt impolitique exigé sur la 
sortie des produits agricoles et industriels du pays. On 
estime à 13 millions de francs par an le revenu actuel 
de la monarchie grecque. Ce revenu est dans un état 
progressif* • 

Il est reconnu insuffisant pour l'entretien d'un roi ^ 
d'une cour, des administrations civiles et judiciaires, 
des ambassadeurs et des consuls accrédités dans les 
pays étrangers > d'une armée de terre , d'une armée 
navale et de leur matériel, et pour l'acquittement des 
intérêts de la dette nationale. Il n'a pas été possible 
Jusqu'ici au gouvernement grec de parvenir, par la plus 
rigoureuse économie , à couvrir les dépenses publiques 
par les moyens de ses recettes ordinaires. Des emprunts, 
quoique modérés, sont devenus indispensables. Gepen- 
dftntles dépenses excessives faites pendant la guerre de 
l'in$urrection , et les frais extraordinaires nécessités par 
l'installation du nouveau monarque avçc sa cour et par 
la solde des troupes bavaroises qui l'accompagnaient, 
ont obligé la Grèce à contracter des emprunts pour plus 
4e 120 millions de francs. Ces emprunts ont pour garan- 
tie légale toutes les propriétés publiques du royaume. 



— 153 — 

* La erëation du royaume de ia Grèce a été représentée 
par plusieurs écrivains comme une entreprise compté* 
lement avortée (1)% 

Rien n'a été fait pour accroître la population et pour 
attirer en Grèce des émigrants chrétiens des autres par*- 
ties de la Turquie. Au lieu de cet accroissement dénré 
et cru infaillible, on voit tous les jours des Hellènes 
quitter leur pays, devenu libre, pour aller s'établir 
dans les provinces ottomanes. 

L'agriculture reste dans l'inertie , tant par le défaut 
de capitaux que par la rareté des ouvriers et le haut 
prix de ia main-d'œuvre. Les soldats bavarois qui sont 
rentrés dans leur pays natat auraient dû être retenus 
en Grèce par des concesâons gratuites d'une partie .des 
terrains appartenant & l'état. On aurait imité en cela la 
conduite sage et prévoyante du cardinal de Richelieu et 
de son habile successeur Golbert, qui licencièrent en 
Canada, dans la première moitié du 17« siècle, plu* 
sieurs régiments français, dont les officiers devinrent 
possesseurs de fiefs, et les soldats colons cultivateurs. 

Les- économies faites par les militaires bavarois, qui 
étaient soldés libéralement par le trésor grec, fieraient 
restées dans le pays , aU lieu de passer en Allemagne ; 
elles auraient accru la richesse nationale de la Grèce , et 
donné un développement actif à son industrie agricole. 

Ce pays, si avantageusement situé pour entretenir 
des relations commerciales entre l'Europe et l'Asie , ne 
possède pas la moitié des navires marchands qu'il avait 
avant son insurrection contre les Turcs. Les Hydriotes 
et les Spezziotes; animés par leur généreux patriotisme 
-pendant la jguerre^ et n'étant plus favorisés par les cir- 

- (1) Botre âuif es âUde , dtiis ses Ccmidératiom sur U Levant» 



— 1S4 -^ 

eoBsUnces qui leur procufaieiil antrefiois> cdusn» vas» 
saax de la SabUnie Porte, la libre ^entrée de toit$ lei 
ports de la Turquie , voient leur misère s'acBroAtreious 
lfiS;jottr& Il est aaseE probable, eomine nousravofisdëji 
observé 9 qu'ils ne tarderont pas long-temps à abandon'^ 
tterJeuts jnoebers stériles , que les immenses .profils de 
leur indusbie emannerci^ nvaiaiA couverts de palate de 
CMKbre, 

La population d'Ipsara , ebassée de rsoin Ae par les 
TttTes durant la guerre, reste eu grande fMirtieeiTante 
et disséminée parmi les Grecs. 

Les braves Palieares, défensenrs zélés et persèvé* 
4rants de lem* patrie , voient leurs services raécoonns on 
dédaignés et végètent dans la misère* K'^uraienl^ls pas 
le4roit de réclamer , à titre de don gratuit, une partie 
de «es teires ccoaquises «t conservées a« prix de leur 
«ang^etfiar la mort d'un très gnaadaombrë delaursoam* 
ftgttosnd'annes? 

La Grèce manque d'hommes et d^af|;ent« Les «apilaax 
«Qtrés dansée royaume par les emprunts, par les dé*^ 
l^nsés locales de l'armée française pendant am oeeupa* 
lion de la Hforée, et par les nombreux et généretfx pré» 
eents de Charles X., roi de France , et de l'empereur de 
fiussie, sont sortis du pays par diverses voies, «t surtout 
i eanse de la nécessité de payer le surplus de la valeur 
'des marchandises impmrtées. 

Le manque de population et de capitaux s«ra long* 
«temps, pour le nouveau royaume de Grèce, une cause 
retardatrice dans b marche de son développement et dé 
aa prospérité. C'est principalement pour ce motif que les 
-Grecs raisonnables doivent à jamais regretter l'expul- 
sion complète des musulmans qui habitaient la Grèce. 
Au lieu d'imiter les rois d'Espagne Philippe II et Phi- 



- 166 — 
Jtppa III d'Âutricbie , qui , égarés par le fanatiame reli- 
jgflevx , c)ia3sèreiit de la péainsiile espagnole , sous da 
mauvais prélextes, les Maures mnsulmaiis 5 qui étaient 
JeiB meilleurs cultivateurs du pays, les Grecs auraîentdù 
prendre pour exemple la conduite noble et plus pra-* 
4ente du gouvernement russe ^ qui a su conserver dans 
&es dernières conquêtes une i^rande petrtie des aaciens 
habitants , disciples de l'Alcoran. Loin de les vexer, il a 
étendu sur eux, avec impartialité, son action puissante 
pour les protéger et les contenir. 

Se trouvant à Tégard des disciples du Coran dans le 
rapport de 5 à 1 , et étant avec eux , pour les droits ci* 
vils et politiques, sur le pied d'une parfaite égaUté, les 
jchrétiens Grecs n'auraient eu rien à craindre de leurs 
compatriotes musulmans. La population de ce royaume 
n'aurait pas été affaiblie parle départ de plus de IfiOOOO 
individus. L'industrie plus avancée et les richesses de 
ces derniers n'auraient pas été irrévocablement perdues 
pour la Grèce. Que de temps il faudra aux Grecs pour 
réparer les funestes résultats de cette grande taite polr* 
tique ! 



ILE DE CANDIE OU CRÈTE. 

Située à Textrémité méridionale de la mer Egée, l'ila 
de Candie n'appartient ni aux Sporadesde la Gntee, ni à 
celles de l'Asie. Elle forme une masse distincte et déta- 
chée entre la Morée et T Asie-Mineure , elee trouyesur 
la route des bâtiments qui^ venant de l'ouest, se ren- 
dent en Egypte ou en Syrie , ou bien se dirigent à tra« 
vers r Archipel vers les grandes édbelles de Smyme^ 
de Gonstantinople> de Salonique et d' Athènes. 



-^ 1B6 -^ 

* Tant que la république de Venise a possédé iMie de 
Candie, pour la conservation de laquelle elle a fait> 
pendant plus de soixante ans, des efforts énergiques, 
persévérants et glorieux , elle a exercé une puissante 
influence sur tout le commerce du Levant, etprincipa» 
tement sur celui d'Alexandrie d'Egypte et des échelles 
de la Syrie. La perte de Candie a été pour les Vénitiens 
on grand pas vers leur décadence maritime et commer- 
ciale» 

La surface de Tlle de Candie, qui s'étend de l'est à 
Touest sur une longueur de 62 lieues et sur une largeur 
moyenne de 6 lieues, est de 372 lieues carrées. Sa po- 
pulation est égale à celle des Cyclades et des Sporades 
prises ensemble ; elle correspond à 4S0 habitants par 
lieue carrée. 

La forme de cette lie est renflée vers le centre ; les 
deux pointes, fortemetit allongées, sont comparées aux 
eornes d'un bélier. 

* La moitié des Candiotes professe la religion musul- 
mane ; l'autre moitié est chrétienne. Mais on ne voit pas 
entre ces deux portions du même peuple ces répugnan- 
ces et ces antipathies qui existent entre les musulmans 
et les chrétiens dans les autres possessions de l'empire 
ottoman. Les Candiotes musulmans s'unissent souvent 
par des mariages à des chrétiennes , sans que celles-ci 
soient obligées d'embrasser la religion de leurs époux. 
' Une chaîne de montagnes parcourt l'Ile dans toute sa 
longueur et présente trois points culminants : le mont 
Blanc ^ le mont Ida et le mont Dictée. Le mont Ida est 
au milieu 5 ses sommets , couverts d'une neige éternelle, 
s'élèvent dans les airs à la hauteur de 2260 mètres. 
Lemont Btanc , situé à l'ouest , est moins élevé qye le 
mont Ida. Le mont Dictée , qui termine la partie oriea^ 



— 157 — ^ 

taie dé l'Jle^ est beaucoup plus l>as que les deux autres 
pics. 

Les orangers , les oliviers , les mûriers et les vignes 
abondent dans les vallées basses et sur les plages mari- 
times; les flancs des montagnes sont couverts de chênes 
verts , de pins et de cyprès. 

La surface de cette lie a été bouleversée par des feux 
souterrains; ils ont ouvert trois brèches ou coupures 
dans la chaîne centrale des montagnes. C'est par ces 
trois brèches que passent les principaux chemins qui 
servent aux communications de la côte do nord avec 
celle du sud. 

Là première coupure est au sud de Rétimo et aépare 
le mont Blanc du mont Ida ; la seconde est au sud de la 
Tille de Candie, sur le chemin qui conduit aux ruines 
de Gortyne et à la plaine de Messara; la troisième est 
dans la partie la plus étroite de Tile près du golfe Mira-- 
bel , dans un endroit où la mer ne laisse qu'un isthme de 
trois lieues de largeur entre les deux côtes septentrio- 
nale et méridionale. 

La première de ces communications est protégée dm 
côté du nord par le château de Rétimo , la seconde par 
la forteresse de Candie , et la troisième par le fort de 
Spina-Longa , à l'entrée du golfe de Mirabel. 

La côte méridionale de Candie est toute droite et 
presque sans découpures; mais la côte septentrionale > 
déchirée par des golfes profonds 9 offre aux navigateurs 
des abris sûrs et des mouillages excellents. Les golfes 
les plus importants de cette lie sont ceux de Kissamos^ 
de la Canée , de la Sude et de Spina-Longa. 

 l'entrée occidentale du golfe de Kissamos , vis-à- 
vis rile deXérigo > on trouve le petit îlot de Carahousa, 



— 188 — 

qui a élè dans toos les temps le repaire des pirates. 
Ceux-ci <Mit causé beaucoup dédommages au commerce 
européea pendast unevpartie de la guerre de l'insurrec- 
Uonde te Grèce. Les Anglaia avaient pris le sage parti 
d'occuper cet Ilot et d'y établir une petite station marii- 
time. 

La yille de la CaDéC) dans le golfe de ce nom, à Test de 
Mhil de Kissamo», ne possède qu'un port artificiel à 
aH>itié comblé. La fertilité de la plage maritime qui en«- 
Tîronne ce vaste golfe est la principale cause de Tim- 
portanee de cette ville.* 

Le golfe profond de la Sude, séparé de celui de la 
Canée par la gorge étroite de la presqu'tte d'Akrotina^ 
est un des meilleurs ports des mers du Levant. L'Ile et 
le fort de la Sude le couvrent^ comme un brise*lame f 
contre le seul vent qui puisse y pénétrer, dans sa lon- 
gueur de plus de deux lieues. Ce port peut contenir un 
très grand nombre do vaisseaux de ligne. Une flotte 
stationnée sur ce point intercepterait facilement tous les 
bâtiments qui se rendraient soit à Gonstantinople , soil 
k Alexandrie d'Egypte. 

Le château de Bétimo , situé au centre d'un golfe 
tiAs évasé , ne possède qu'un mauvais port , et n'a d'im- 
portance , comme la Ganée , qu'à cause de la fertilité de 
la plaine qui l'environne. 

Entre Rétimo et la ville de Candie, la cdte maritime 
estpresque.inidiordable , à cause des nombreux ressauts 
du mont Ida* Le port de la ville de Candie est mauvais 
et incomplèteiQent abrité par l'Ile Die. Mais à l'est de la 
Tille de Candie, derrière le cap Saint-Jean, on voit la 
baie de Spiiia<»Longa, presque aussi vaste que celle de la 
Sude. 



— iss — 

\k e#te mèHdlOQate de ï&e , la b9iedm9fMtm(t% 
lu golfe de M^ssara^ an pied dn mont! Ma, et Isbme dé 
Hiérapllsa, aiv piedidœ moot Diclàe^ ne sent qiwcfes 
radesr dangweusesj, e:^»sèe9 aux safiaies^et ûmmatiemk 

L'ilede Candie est divisée en trois sandgiakats-r ia^ét 
la Canée , 2« de Bètimo , 3o de Candie. 

La yilte de Candie^ capitale de l'ile , a une population 
de 14000 âmes , RëUmo de 6000 , et la Canée de 8000. 

L'ile de Candie est généralement fertile; sa position, 
pour le eommeree^ est une des plus avantageuses de 
l'univers. 

La puissance européenne qui posséderait Ptle de Can- 
die aurâût la elef principale de la mer Egée , des mers 
d'Egypte , de Syrie et de Caramanie ^ ainsi que du grand 
canal qui sépare TAfrique des côtes méridionales de la 
Grèce. 

Il serait à désirer, pour l'intérêt général du commerce 
du Levant , que cette lie cessât de dépendre de la domi- 
nation ottomane, et fût déclarée un pays neutre sous le 
commandement spécial et distinct d'un prince bérédi- 
I laire^ <!!e chef^ personnellement intéressé à faire naître 

et à consolider la prospérité de son lle^ accueillerait dans 
I ses ports, d'une manière également favorable et protec- 

trice , les bâtiments de toutes les nations. Mais cette 
prospérité ne pourrait s'affermir qu'en donnant les mè • 
mes droits politiques à tous les habitants sans distinc- 
I tion. Cette juste concession , qui procurerait à l'Ile 



(f) LesSphakiotes^toas chrétiens, ont on caractère fier et indépendant 
eomme les Maynotes da mont Taygète , dans la Morée; ils ne permettent 
pa» aoK musulmans de s'établir parmi eui. 



« 



— 160 — 

tes immenses ayantages de la concorde et de rniiion j 
deyieBdrait un utite exempte pour (003 les antres gou- 
vernements de te f urifuie. Les dispositions actueltes 
des Candiotes rendraient assez facile dans cette île 
l'application de ce principe philanthropique et conser- 
Tateur. 



— 161 — 



TURQUIE ASIATIQUE. 



Celte partie de Tempire ottoman contient l'Asie- 
Mineure, à l'ouest; la Haute- Asie> entre l'Euphrate et la 
Perse , à l'est ; et la Syrie j au sud. 



ASIE-MINEURE. 

L'Asie-Mineure e$t une vaste presqu'île que la mer 
Ivoire 5 la Propontide^ la mer Egée et la mer de Syrie, 
entourent de trois côtés, et qui s'étend à l'orient jus- 
qu'au bassin de l'Euphrate. 

La surface de l'Asie-Mineure est de 24 mille lieues 
carrées; elle est, par conséquent, yingt-quatre fois plus 
grande que toute la Morée. 

Semblable à cette péniosule européenne, elle pré- 
sente, comme elle, la forme d'unyaste prisme tronqué, 
dont le plateau supérieur est une immense plaine très 
élevée au dessus de la mer, et dont les flancs sont déchi- 
rés par des cours d'eau qui se dirigent vers le bassin de 
l'Euphrate et vers les mers environnantes. 

Ce haut plateau central a 80 lieues de longueur, de 
l'ouest à l'est, depuis Affioum-Hissar jusqulà Gésarée de 
Gapadoce, et environ 60 lieues de largeur, du nord au 
sud, depuis Angora jusqu'à Konieh (1). Son pourtour 
occidental est couvert de bourgs et de villages, à cause de , 
son sol fertile et bien arrosé ; mais sa partie orientale 
n'offre guère que des pâturages dans lesquels errent, 

(1) Aatrefoig Iconfam. 

I. 11 



— 162 — 

avec leurs troupeaux, desTurcomans venus de la Haute' 
Asie. 

Des montagnes très élevées entourent ce plateau cen^ 
tral. On dislingue dans cet entourage le mont Gordion 
au nord 5 le mont Lycaon au sud , le mont Dindymène à 
Touest , et le mont Argée, qui est le plus remarquable par 
sa hauteur, à l'est. 

On trouve la ville d'Angora ( ancienne Ancyre ) a« 
pied du mont Gordion ; celle de Kutaye (Gotœum), ca- 
pitale de tous les pachaliks d'Anatolie , au pied du mont 
Dindymène; celle de Konieh (Iconium), chef-lieu du 
pachallk de la Garamanie , au pied du mont Lycaon , et 
celle de Kaïsaricé (Césarée de Gapadoce ) , au pied du 
gigantesque Argée. 

Ces quatre villes importantes sont situées vis-à-vis des 
principaux débouchés par lesquels les plaines mariti- 
mes de TAsie-Mineure et la vallée de TEuphrate com- 
muniquent avec le grand plateau central de celte pé- 
ninsule. Elles devraient être régulièrement fortifiées ; 
mais le gouvernement turc les a négligées comme la 
plupart de sites stratégiques les plus faciles à défendre, 
qui se trouvent en grand nombre dans ses vastes états. 

La Galatie (1) et la Haute-Pbrygie occupaient autre- 
fois le plateau central. La Gappadoce et. la Petite-Armé- 
nie l'entouraient à l'est; le Pont, la Paphlagonie et la 
Bylbinie, sur le littoral de la mer Noire, le couvraient 
au nord ; la Mysie, la Lydie etla Carie, sur la mer Egée, 
formaient , à l'ouest , la partie la plus fertile et la plus 
brillante de son entourage 3 la Lycie , la Pamphilie et la 



(1) On assure que la GaltUe doit son nom & une troape nombreuse de 
Gaulois qui , après avoir ravagé la Grèce et la Thrace, allèrent s'étaWir 
sur la partie la plus montueuse et centrale de i^Asie-Mmeiire. 



— 163 — 

Ciiicie, sur la mer de Syrie, présentaient vers le sud une 
zone montueuse, traversée de l'est à l'ouest par labaute 
chatne méridionale du Taurus. La Pisidie, la Lyaconie 
et risaurie, occupaient le terrassement intermédiaire 
compris entre le haut plateau du centre et la chaîne 
taurique du sud. 

On voit sortir du plateau central plusieurs contre-» 
forts qui aboutissent aux caps les plus saillants des mers 
environnantes. Les plus remarquables de ces contre- 
forts sont 1^ celui qui , partant du cap Anémour, prés 
de l'extrémité occidentale de la Garamanie, vis-à-vis 
l'île de Chypre, se porte au nord -ouest, passe par 
devant Âfioum-Hissar et Kutaya , et se dirige sur le mont 
Olympe d'Asie, d'où il se détourne à l'ouest pour aller 
se réunir au mont Ida , de la Troade ; 29 un autre con« 
tre-fort qui, allant du sud-ouest au nord-est , commence 
au cap Micale, voisin de l'Ile de Samos, passe à l'ouest 
auprès de Kutaya et de Boli , et se termine à la pointe 
de Eérembé, la plus septentrionale de l'Asie-Mlneure. 

Deux grandes chaînes , longeant les rivages de la mer 
Noire et de la mer de Syrie, lient entre eux les contre- 
forts du plateau central. La chatne méridionale, qui est 
beaucoup plus élevée que la chaîne septentrionale, 
prend le nom de mont Taurus , et la dernière se distin- 
gue sous celui d'Anti-Taurus. 

Ces deux grandes chaînes , le plateau central , les 
contre-forts qui se détachent de celui-ci, et leurs inter- 
sections nombreuses , présentent aux yeux du voyageur 
une image confuse et désordonnée en apparence. 

C'est à cause de cet ensemble entortillé que les an- 
ciens avaient donné aux monts Taurus et au plateau 
central, dont ils ne faisaient qu'un seul massif, le nom 
de Serpent-Sinueux. 

11. 



— 164 — 

La chaîne de rAnti-Taarus ou Taurus de la mer 
Noire se prolonge à Test, passe dans l'Arménie, entre 
Trébisonde et Erzeroum, et va se réunir aux monts 
MoschiqueSy qui sont eux*mèmes un contre-fort méridio'^ 
nal du Caucase. 

Le Grand-Taurus ou chaîne méridionale se prolonge 
également à l'est, traverse l'Euphrate, un peu au sud de 
Malatia, et va se joindre prés du lac de Yan^ qu'il enve-^ 
loppe, à la chaîne médique, laquelle, sortant du Caucase, 
sépare le royaume de Perse de la Turquie asiatique. * 

Du point de jonction du Grand-Taurus à la chaîne 
médique , près du lac de Van et du mont Ararat , on 
voit se détacher également à l'est une longue ligné mon- 
tueuse, à laquelle plusieurs géographes ont donné le 
nom dé chaîne indo-persique. Cette chaîne longe à peu 
de distance le rivage méridional de la mer Caspienne ^ 
passe prés de Téhéran, capitale actuelle de la Perse, 
traverse la province persane de Khorassan et celle de 
Hérat , sépare la Boukarie du royaume de Caboul ou 
Afghanistan , fournit plus à l'est les sources de l'Indus , 
et va se réunir aux monts Hymalaya, qui sont les mon^ 
tagnes les plus élevées de la terre. 

En parlant de la Syrie nous verrons que la chaîne du 
Taurus de l' Asie-Mineure se réunit , par le mont Ama- 
nus , à la chaîne du Liban et à ses ramifications. 

Le mont Caucase est une chaîne continue de monta- 
gnes de la plus grande élévation , laquelle occupe en« 
tiérement l'espace de terre ou isthme compris entre la 
mer Noire et la mer Caspienne par les 40 et 42 degrés de 
latitude nord. 

Son inclinaison est de Touest-nord-ouest à l'est-sud- 
est. Sa longueur est de 200 lieues en ligne droite. Il of- 
fre un massif aussi étendu et encore plus élevé que les 



— 16S - 

Âlpes d'Europe, puisque son pic dominant (le mont 
Elbourous) a une élévation de 5425 mètres au dessus du 
niveau die la mer. 

Les plus hautes sommités du Caucase sont graniti' 
ques ; mais ses flancs sont couverts de schiste et de grès. 
On trouve rarement du calcaire dans les hautes vallées; 
mais on en voit à nu et en^^très grandes masses sur le 
littoral maritime. 

Les pentes du Caucase sont extrêmement escarpées 
vers le nord, et descendent d'une manière presque 
abrupte sur le grand plateau qui termine de ce côté les 
vastes steppes de la Russie. Aux yeux des voyageurs 
qui viennent du nord > le Caucase présente de loin l'as- 
pect d'une immense muraille aussi imposante par sa 
longueur que par sa grande élévation. 

Ses pentes méridionales sont assez douces et se lient 
avec les chaînes montueuses dont nous avons parlé plus 
haut. 

Les sommités du Caucase sont couronnées de neiges 
éternelles ; mais ses flancs sont couverts d'arbres et de 
pâturages. Le luxe de la plus brillante végétation se 
montre principalement sur son versant méridional. 

En avant du flanc septentrional du Caucase on voit 
couler le Eouban vers la mer Noire ^ et le Térek vers 
la mer Caspienne. Ces deux cours d'eau descendent des 
plus hautes sommités placées au centre de la chaîne eau* 
cassienne. 

Le Kour, qui prend sa source près des mêmes crêtes 
du côté du midi , longe de l'est à l'ouest le pied méri- 
dional du Caucase , et verse ses eaux dans la mer Cas- 
pienne , après avoir reçu l' Araxe qui prend naissance 
dans les montagnes dont le mont Ararat est un des points 
culminants. 



— 166 ■- 

Les lignes militaires du Kouban et du Térek sont 
unies entre elles par les forteresses de Grégorieff , de 
Stavrepole et d'Ekatheringrad. 

Ces lignes sont bordées dans leurs intervalles par des 
hordes de Cosaques venus du I>on et du Borysthène. 
Ces mesures défensives font honneur à la sagesse du 
gouvernement moscovite. 

Les Gircassiens sont répandus sur tout le revers sep- 
tentrional du Caucase. Quoique appartenant par les trai- 
tés à l'empire russe ^ ce peuple est demeuré à peu près 
indépendant. 

La province du Daghestan , qui appartenait autrefois 
à la Perse , occupé la partie orientale du versant sep« 
lentrional du Caucase, et se trouve contiguë à la Gir- 
cassie. Le versant méridional de cette grande chatne est 
occupée, de l'ouest à l'est, par la Mingrélie, Tlmérétie, 
la Géorgie, et par la province, autrefois persane ^ du 
Chirvan. 

Trois routes conduisent des lignes du Kouban et du 
Térek dans la Géorgie «t la Mingrélie^ à travers la chaî- 
ne du Caucase : la première tourne le Caucase vers' la 
mer Noire ; la seconde passe le long de la mer Caspien- 
ne , et la troisième le traverse vers son centre à un coi 
élevé y d'où sort le Térek. 

La route de la mer Noire , qui est celle de l'entrée des 
Busses en Turquie , parcourt un terrain bas , souvent 
noyé vers le nord par les eaux qui s'épanchent du Kou- 
ban; elle était successivement défendue par les forts 
d'Anapa et de Soudjouck-Kalek, et par le château de 
Ghélindgik. 

Mais le fort d'Anapa et celui de Soudjouk-Calek ne 
peuvent être considérés que comme des batteries de 
côtes. Celui de Ghélindgik a très peu de développement 



— 167 — 

et oe suffit pas même pour défendre la belle rade de ce 
nom y qui peut recevoir les plus gros navires. -^ C'était 
dans ces trois échelles de la mer Noire, et dans le port 
de Poti , à Tembouchure du Phase y que les Gircassiens 
venaient autrefois vendre leurs marchandises aux Turcs. 
C'était là qu'on allait chercher les belles esclaves qui 
peuplaient les harems de la Turquie. 

On a peine à concevoir l'imprévoyance du gouverne- 
ment ottoman, qui, couvert par la ligne inabordable du 
Caucase , n'avait que ce seul défilé à défendre , et qui 
l'avait négligé au point de n'y établir que des batteries 
de côte et de petits ouvrages incapables de faire une 
longue résistance. 

Le même reproche doit être fait an gouvernement 
persan^ qui , ayant à couvrir à l'extrémité orientale du 
Caucase^prés de la mer Caspienne, le défilé de Derbent, 
encore plus difficile et plus étroit que celui d'Anapa, 
avait négligé de le fortifier, d'y établir une garnison 
suffisante , et l'a laissé tomber entre les mains des Rus- 
ses (1). 

La Daghestan ou le pays des Lesghi^, autrefois Da- 
hes , dans lequel se trouvent les Pyles albaniennes , a 
été cédé par la Perse à la Russie. — Ce fut un triste 
don pour cette dernière puissance , car les Lesghis ou 
Dahes sont encore , comme dans l'antiquité , la partie 
la plus féroce et la plus indomptable de la population du 
Caucase (2). 

Le troisième chemin , par le col du Térek et par le 
centre du Caucase, ne présente qu'un défilé continu 
au milieu de rochers escarpé^ et de précipices. Il n'ad- 

(1) Ce défilé était connu des anciens sous le nom de Pylw albaniennes, 
(2]lfutofli<riAiAei.(TnuinA.) ^ 



— 168 — 

met pas les voitures; les chevaux le passent avec la plut 
grande difficuilë : ces animaux ont besoin d'être soute- 
nus par des cordes , en plusieurs endroits , pour ne pas 
tomber dans les abymes. 

N^ayant plus à redouter les. formidables passages du 
Caucase , dont ils sont devenus les maîtres « lés Russes 
peuvent actuellement utiliser pour leur défense cette 
énorme chaîne de montagnes. 

Profitant de la faiblesse de ses ennemis et de ses bril- 
lants succès dans les dernières guerres, la cour de Saint- 
Pétersbourg est parvenue non seulement à enfermer 
tout le massif du Caucase dans ses possessions y mais en- 
core à s'étendre vers le sud. Elle s'est fait céder par la 
cour de Téhéran et par la Sublime*Porte la Mingrélie, 
l'Imirétie, la Géorgie, le Chirvan (ancienne Albanie), 
ainsi que tout le bassin du Kour, et la partie septentrio-* 
nale de celui de l'Araxe. Ce dernier bassin renferme la 
haute vallée d'Érivan; celui' du Kour contient le pa- 
chalik de Akalziké et la Géorgie turque. 

On peut dire que depuis ces concessions la Turquie 
asiatique et la Perse sont entièrement livrées à la merci 
de la Russie. C'est pour être maîtres absolus et tranquilles 
de cette frontière importante que les Russes travaillent 
avec persévérance, depuis de longues années, à soumet- 
tre complètement à leur autorité toutes les populations 
belliqueuses des deux versants du Caucase. 

C'est alors qu'ils pourront dire que toute l'Asie occi- 
dentale et méridionale, y compris l'Indostan, se trouvent 
ouvertes à leurs invasions. 

Mais revenons à l'Asie-Mineure, que nous avons quit- 
tée pour expliquer tout l'ensemble des chaînes mon- 
tueuses du système Tauro-Caucasien , et présentons le 
tableau des cours d'eau de cette vaste péninsule, de ses 



— 169 — 

vallées , de ses principales commnntcations et de ses Til- 
les 4es plus importantes. . 

En quittant les versants méridionaux du Caucase, on 
trouve la rivière du Phase entre les deux provinces de 
Mingrélie et d'Imirétie au nord, et la province de Gou- 
rié au sud. Tout ce bassin appartient actuellement à la 
Russie. 

On rencontre ensuite sur le territoire ottoman les 
Lazes , population guerrière et turbulente, qui habite le 
littoral maritime du pachalik de Trébisonde. Ce pachalik 
faisait partie autrefois du royaume du Pont. 

Après la chute de Constantinople, en 14S3, ce pays , 
malgré sa petite étendue, avait pris le titre fastueux 
d'empire de Trébisonde , sous la domination d'un des 
princes fugitifs de la maison de Comnène. 

La ville actuelle de Trébisonde a une très mauvaise 
rade. Elle aurait été mieux placée sur le site de Plata- 
na , où existe un bon port. 

Cependant Trébisonde est le débouché maritime de 
l'Àrménief. Cette ville est également importante sous le 
rapport militaire, parce qu'on pourrait, de ce point 
maritime, monter en quelques marches sur le plateau 
d'Erzeroum , qui domine toute la Turquie d'Asie. 

La côte maritime , depuis Trébisonde jusqu'à Sinope, 
est agréablement découpée par une infinité de cours 
d'eau qui descendent , soit du plateau central, soit de 
la chaîne peu élevée du Taurus septentrional. Parmi ces 
cours d'eau on distingue, de Test à l'ouest » l^'la ri- 
vière de Gumuch'Eané, qui a son embouchure près de 
la ville de Tiraboli ; 2"* le Thermodon , qui mouille les 
murs de Thermes 5 3"" le Yekil-Irmak (anciennement Iris), 
qui est formé par la réunion de l'afiQuent de Niksar et de 
celui de Tokat. 



— 170 ~ 

Le» yiHes du bàssiû de l'Iris sont Kara-Hissar, Niksar, 
Tokat , Amasie et Sansoum-Niksar. L'ancienne Néo-Cé« 
aarëe , et Kara-Hfassar » sont de petites villes peu impor- 
tantes. Mais Tokat, dMit la popalation est de 45000 ha- 
bilans, fait an commerce considérable en soie, en ma- 
roquins, et surtout en cuivre, que l'on exploite d^ns les 
montagnes voisines. 

Tokat est sur la route que suivent les caravanes qui 
de la Perse se rendent à Gonstantinople. L'enceinte de 
Tokat est protégée par deux petits forts extérieurs. Des 
tours carrées la flanquent sur tout son* développement* 
Cette ville , si importante par son commerce et sa posi- 
tion , devrait être mise dans un bon état de défense par 
des ouvrages aTancés. 

La ville d' Amasie a beaucoup perdu de son ancienne 
importance; mais» se trouvant sur le chemin de To- 
kat à la mer, elle se soutient encore par son commerce 
de passage. Le bourg de Tchar-Ghambey , aii dessous 
duquel l'Iris se jette dans la mer Noire, estaetueUemmt 
l'échelle maritime de Tokat et d' Amasie. 

Avant d'arriver au Kisit-Irmak ( autrefois Ualys) , qui 
est le plus grand cours d'eau de cetie péninsule, on 
trouve le golfe de Sansoun , avec le port et la petite ville 
de ce nom. Ce golfe , qui était assez profond, se comble 
tous les jours par les alluvions successives des fleuves 
Iris et Halys , qui s'y jettent. 

Cette diminution progressive de la profondeur de l'eau 
dans les ports maritimes se fait sentir sur tout le littoral 
de l'Asie-Mineure. 

L'Halys prend sa source dans le plateau central et le 
traverse. Son principal aCfluent, qui passe parla ville de 
Sivas , sort des hautes montagnes qui bordent â l'ouest 
le bassin de l'Euphrate. L'autre affluent vient du mont 



-- 171 — 

LycaoD et baigne les murs d'Àkséraï. Réunis près du 
bourg de Mandjour, au centre même du grand plateau, 
ces deux affluents coulent à peu de distance de Yeuzgat, 
et se jettent, après de longs et nombreux détours, dans 
la mer Noire , au dessous de Baffra. 

Yeuzgat est le séjour habituel de la famitte autrefois 
1res puissante des Tchapan-Oglou, dont le chef, par droit 
Iiéréditaire , gouvernait une grande partie du vaste bas* 
sin do fleuve Haiys. Ge privilège féodal a été aboli parle 
aultan Mahmoud. 

Sinope , port de mer et chantier de construction de la 
marine militaire de l'empire ottoman , est situé dans un 
golfe demi-circulaire, près du capindgé, qui est une 
des pointes les plus saillantes de l'Asie-Mineure vers le 
nord. 

 cinq lieues à Touest du cap Indgé on trouve le cap 
Kérempé, qui, s'avançant également vers le liord, ne se 
trouve plus qu'à 42 lieues de distance de la Tauride. 
G'ei^ la partie la plus étroite de ta mer Noire. 

On vx>it entre le cap Indgé et le cap Kérempé le port 
de Inépoli , qui est l'échelle maritime de la ville de Gas- 
tamouni , autrefois Pompéiopolis. Toute cette partie de 
la Paphlagonie est eouverte d'arbres forestiers et fournit 
en abondance des bois de construction au port militaire 
de Sinope. 

La côte s'abaisse au delà du cap Kérempé, et présente, 
après le petit port de Ghidros, celui d'Amasra, l'ancienne 
Amastris. 

Placé 9 ccmtme Sinope', sur l'isthme d'une péninsule, 
Amasra est également très facile à fortifier. Ges deux 
villes n'ont à présent qu'une enceinte en mauvais âat. 
Elles sont cependant d'une haute importance poHtiqueet 
militaire. 



— 172 — 

Au delà d'Amasra» on trouve le fleuve Partbënius, 
qui était la limite orientale de laBythinie. Ce coursd'eau 
est profond, encaissé, et navigable par des bateaux. Il 
descend du plateau central , et débouche dans la mer 
Noire , au dessous du bourg de Bastin. 

On trouve , plus à l'ouest , l'embouchure du Sangaris, 
autrefois Sangarius, avec le port d'Héraclée de Bytbi* 
nie> qui sert d'échelle à la ville assez florissante de Boli^ 

Le Sangariusse compose de trois affluents qui descen- 
dent, l'un de la haute plaine d'Angora, l'autre du mont 
Dindyméne, et le troisième du mont Olympe. Le bassin 
du Sangarius contenait autrefois les villes de Pessi- 
nonte, de Gordium , de Dorylée et de Bithynium , qui 
n'offrent actuellement que des ruines. Ses villes actuel- 
les sont Angora , Louka , Beybazar et Kutaya. 

Angora, autrefois Ancyra, est une des villes les plus 
importantes de l'Asie-Mineure. Sa population est d'envi- 
ron 40000 âmes. Son air atmosphérique, d'une extrême 
salubrité, est favorable à la longueur de la vie humaine. 
On attribue à ses beaux pâturages la laine soyeuse qui 
distingue les chèvres d^ ce pays. 

Située sur la plus facile et la plus importante des com- 
munications entre le rivage de la mer Noire et celui de 
la mer de Syrie, à travers le plateau central, la ville 
d'Angora fait un commerce actif et.florissant. 

Kutaya est la ville capitale de tout le pachalik d'Ana- 
tolie. 

Après le petit port de Galpé, la côte maritime ne pré* 
sente plus, jusqu'à l'entrée dtl Bosphore de Thrace , 
qu'une plage ouverte où Ton peut, presque partout, 
débarquer avec facilité et sans obstacle. 

On ne voit sur cette côte qu'un seul mojcen de dë« 
fense, qui consiste dans un petit fort carré , commandé 



- 173 — 

de toutes parts , au fond de la baie de Riva. Kons avond 
ea Toccasion de remarquer par Dous^mème , sur les 
lieux , combien il serait utile d'établir une ligne d'où-* 
yragesdéfensifs depuis la baie d'Artana, un peu à Test de 
celle de Riva, jusqu'au golfe de Nicomëdie, qui s'avance 
très profondément dans les terres. Cette ligne défensive 
n*aurait par terre qu'environ cinq lieues d'étendue. Elle 
pourrait être couverte par un canal qui serait alimenté 
par les eaux des petites rivières qui descendent, d'un 
c6të, dans le golfe de Nicomédie, et de l'autre dans la 
mer Noire. Appuyée par des redoutes et par des forts 
qui seraient construits à Riva, et dans la baie de l'Ancre, 
laquelle n'est qu'à 600 mètres du Bosphore , cette zone 
militaire pourrait être facilement défendue, et couvrirait 
parfaitement la ville de Scutari, faubourg de Gonstantino- 
pie , ainsi que tout le littoral asiatique du Bosphore et 
les ouvrages qui , de ce c6té , défendent le passage du 
canal. 

On pourrait même prolonger cette zone défensive 
jusqu'au Sangarius, qui n'est séparé que par une di-- 
stance de cinq lieues de l'extrémité orientale du golfe de 
Nicomédie. Cette seconde zone exigerait moins de tra- 
vaux que la première. 

Nous avons déjà démontré , dans nos considérations 
sur la Turquie d'Europe, qu'un oavrage semblable pour* 
rait être construit entre le littoral de la mer Noire et 
les lacs de Buyuck-Tchekmedgë et.Gutchuk-Tchekmed* 
gè , près de la mer de Marmara, de manière à couvrir et 
à isoler complètement lé rivage occidental du Bosphore, 
ses ouvrages défensife, la ville de Gonôtantinople et ses 
faubourgs européens. 

Nous avons décrit plus haut le Bosphore de Thrace 
dans sa configuration physique; nous avons fait appré-* 



. - 174 - 
cier rimmense importance de ce canal, qui lie deux 
mers 9 et qui, situé entre l'Europe et l'Asie , facilite et 
agrandit les relations commerciales de ces deux conti**- 

nents. 

A l'embouchure méridionale du Bosphore, la côte 
asiatique se détourne à l'est et forme le golfe de Nico- 
médie ou Ismit. 

A rentrée de ce golfe , on voit les lies des Princt^, qui 
sont couvertes d'oliviers , tandis que cet arbre toujours 
vert ne croit pas avec succès sur le continent voisin.. 
Le petit bras de mer qui sépare ces lies de la cMe asia- 
tique suffit pour y produire une élévation dans la tem- 
pérature moyenne de l'air. 

Le golfe de Mondania est au sud de celui de Nicomë- 
die. Les anciens le connaissaient sous le nom de golfe de 
Gius ou Cianien. Ce golfe re^it les eaux du lac Ascanius^ 
sur les bords duquel était située l'ancienne ville de Ni- 
cée , célèbre par le concile général de ce nom. 

Mondania est le port de Brousse (ancienne Prusse), 
ville considérable qui se trouve i sept lieues de la mer, 
au pied du mont Olympe. La population actuelle de Ni- 
comédie n'est que de ISOOàmes, celle deNicée de 12000^ 
mais celle de Brousse s'élève à plus de 50000 habitants. 

La vaste plaine qui entoure Brousse est couverte de 
mûriers. L'abondance des ruisseaux qui descendent de 
roiympe entretient partout la plus belle végétation. 
Des eaux thermales attirent dans cette ville des malades 
de toutes les parties de la Turquie. 

Le Bhyndacus prend sa source dans le mont Olympe^ 
et tombe dans la Propontide, entre le golfe de Monda- 
nia et là presqu'île de Cyzique. 

On voit encore sur Tisthme de Cyzique les anciennes 
ruines de la ville de ce nom. Cette presqu'île forme deux 



— 176 — 

vastes baies : l'ane à t'est, et l'autre à l'ouest. C'est dans 
la baie occidentale , couverte par la petite lie de Mar- 
mara (Proconèse), que l'Asopus et le Granique ont leurs 
embouchures. Ces deux derniers cours d'eau descendent 
du mont Ida de la Troade. 

Toute la côte maritime 9 depuis Gyzique jusqu'au cap 
Gara-Bogbazy à Tentrëe septentrionale de l'Hellespont, 
est basse et marécageuse. 

L'Hellespont a IS lieues de longueur, et sa largeur 
varie de 1800 à 6000 mètres. Son rétrécissement com- 
mence entre Tcfaardag (ancien Parium ) et la ville de 
Gallipoli. Sa largeur, sur ce dernier point, est de 4000 
mètres; elle diminue insensiblement jusqu'à ^tre réduite 
à 1800 mètres à la pointe de Nagara , entre les ruines 
d'Âbydos et celles de Sestos. 

Nous avons déjà décrit les ch&teaux destinés à la dé- 
fense de l'Hellespont. Nous ajouterons que sur la côte 
d'Asie, près du fort de Sultan-Calessi, on voit, aux 
bords du Rhodius, la ville moderne des Dardanelles, 
qui contient environ 6000 habitants. 

Le mont Ida, qui alimente l'Asopus, le Granique , le 
Khodius et le Simols , renferme , avec toutes ses bran- 
ches, l'ancienne Mysie, dans laquelle la Troade était 
comprise. 

La plaine de Troie , arrosée par le Simoïs et le Sca- 
. mandre , avait quatre lieues de longueur sur deux de 
largeur. Il parait certain que c'est au pied de la colline 
où natt le Scamandre , et près d'un lieu nommé Bounar- 
Bachy, qu'était située Ilion , ou l'antique Troie. La ci- 
tadelle, nommée Pergame, occupait le sommet de cette 
coHine. La ville d'AIexandria-Troas était située près de 
la mer, loin de l'emplacement de l'ancienne ville d'Ilion. 



— 176 — 

Ses murs d'enceinte sont encore remarquables entre le 
cap Sigée et le cap Lectos (aujourd'hui cap Baba.) 

Dans le golfe d'Adramiti , on voit la ville de ce nom 
et les ruines d'Assos. C'était à l'entrée de ce golfe que 
se terminait l'ancienne Mysie y dont la côte sur la mer 
Egée prenait le nom d'Eolide. 

Yis-à-vis les lies Hécatonises du golfe d'Adramit , on 
voyait naguère la florissante ville de Gydonie , qui devait 
sa prospérité à ses fabriques, et à un excellent collège où 
beaucoup de familles grecques du Levant avaient cou- 
tume d'envoyer leurs enfants pour y recevoir une édu- 
cation littéraire et industrielle. Fondée sous le règne du 
sultan Sëlim III , et protégée par ce prince , cette ville 
avait acquis en peu de temps une population indus- 
trieuse qui s'accroissait tous les jours. Mais au commen- 
cement de l'insurrection de la Grèce elle a disparu sous 
le fer fanatique des musulmans de l'Asie-Mineure. On 
n'y voit plus que des ruines. 

C'est près de Cydonie , nommée Aïvali par les Turcs^ 
que se trouve le meilleur mouillage entre le golfe d'A- 
dramiti et l'ile de Lesbosou Mytilène. 

Cette dernière lie , qui est très fertile et couverte d'o- 
liviers, possède plusieurs ports spacieux, profonds et 
très sûrs. Celui de Hiéro, actuellement port Olivier, 
près de la poUrte méridionale de l'ile, vis-à-vis le golfe 
de Smyrne , est le mieux abrité. 

Dans le grand canal de Lesbos, vis-à-vis la côte d'Asie, 
on voit le port de Mytilène. Caloni, sur la côte occi- 
dentale de la même île, offre un mouillage aussi vaste 
que celui de Hiéro. — Le port de Sigri, près des ruines 
de Méthymne, est ouvert, dans le nord de l'Ile, aux 
navigateurs qui viennent de l'Hellespont. 



— 177 — 

Après le canal de Lesbos on arrive au cap Sapa^ en- 
suite aux ties Arginus, et enflil an golfe où débouche 
le Caicus. Ce fleuve vient des montagnes qai lient le 
mont Ida au mont Olympe ; il arrose la plaine de Kirk- 
Agach et celle de Pergame. 

Pergame, ancienne capitale des rois atalaïdes, est 

 quatre lieues de la mer. La ville moderne, construite 

' sur l'emplacement de l'ancienne , a une population de 

6000 habitants. Le cotonnier Tait la principale richesse 

des plaines environnantes. 

Avant d'entrer dans le golfe de Smyrne, on trouve, 
en venant du nord, les baies de Gumes, de Phocée la 
vieille et de Phocée la nouvelle. Phocée la vieille est le 
berceau de Marseille. Son port est excellent ; il est le 
refoge ordinaire des bâtiments que la contrariété des 
vents empêche d'entrer dans le golfe de Smyrne. — 
Une forteresse trop élevée est destinée à protéger ce 
- port. 

Le golfe de Smyrne , qui a dix lieues de profondeur, 
est bordé par la péninsule de Phocée, par le cap Ma- 
léna, aujourd'hui Carabouroun, vis-à-vis les bouches 
de l'Hermus; par i^ lies Yourla, et au fond par la 
ville de Smyrne, bâtie sur la croupe du mont Pagus. — 
Ce golfe contient plusieurs havres excellents. Mais les 
cours d'eau qui y tombent , et particulièrement l'Her- 
mus, y déposent beaucoup de sables, dont l'effet 
successif est de diminuer la profondeur des eaux et 
de rendre impraticable aux gros navires plusieurs ra- 
des dont le mouillage étaitsautrefois fréquenté par eux. 

Les lies de Vourla, vis-à-vis Smyrne, sont presque 
contiguës à la presqu'île de Glazomène. Elles couvrent 
actuellement les vaisseaux de ligne contre les vents du 
1. 12 



— 178 — 

large*i et leur procurent , sous leor protection > 1^ meil- 
leur mouillage de tout le golfe. 

Le Mêlés y faible cours d'eau , sépare] la ville actuelle 
de Smyme du site qu'occupait rancienne, du temps 
d'Homère. OuToit très peu de monuments antiques dans 
cette ville , qui est une des plus anciennes de la terre. 

Des vaisseaux de tous les pays affluent dans le port 
de Smyrne. Des caravanes de chameaux y apportent 
des produits de toute l'Asie. 

Le commerce immense de cette échelle était évalué 
annuellement (1), avant le siècle actuel, à 100 mil- 
lions de francs y tant pour les entrées que pour les sorties 
des marchandises qu'apportaient les navires et les ca- 
ravanes. Mais il a commencé à déchoir depuis le com- 
mencement de ce siècle y et surtout depuis que les Eu- 
ropéens vont chercher en Egypte les cotons qu'ils avaient 
coutume d'acheter à Smyrne et à Salpnique. 

La population de Smyrne est d'environ 120 mille ha- 
bitantSy dont 60 mille professent la religion musulmane. 

Entièi^ement livrés au commerce, les habitants de 
de cette ville dédaignent toute autre occupation. Ses 
environs sont tristes et nus, comme ceux de presque 
toutes les villes turques. Les jardins seuls sont cultivés 
avec soin par des Grecs. On voit abonder, dans les vsd- 
lées voisines, l'olivier, l'oranger et le grenadier, parce 
que ces arbres nécessitent peu de travail et de soins. 

L'Hermus, qui descend du mont Dindymène, tra- 
verse successivementle bourg de Gadore et les plaines de 
Sardes, de Sélinde et de Magnésie. Il tombe dans le golfe 

(1) C'était ropinion de Peyssonet, ancieD consul géDéral de Franee, qui 
a écrit, avant la révolation française de 1789, un oayrage excellent sor 
le commerce du Levant. 



-^ 179 — 

de Smyrae. Ce fleuve séparait autrefois la Mysie de kii 
Lydie , et le littoral de TEolide de celui de l'Ionie. — 
Ou se rend en dix^huit heures de marche de Smyrne 
à Pergame , eu passant l'Hermus et en traversant le mont 
Sardana , pour descendre dans la vallée du Gaïçus. — 
Quand on veut aller de Smyrne^à Magnéâe , on quitte la 
route de Pergame au village de Hadgilar, et on s'élève 
sur le mont Sypèle pour descendre par une pente rapide 
à Magnésie , après huit heures de chemin. Magnésie est 
une ville de 26 mille habitants : six mille sont chrétiens 
ou Juifs, et le reste se compose de mabométans. 

Kirk-Agach, situé près des sources du Gaïcus, et Âk- 
hissar, près de l'origine de THyllus, sont deux marchés 
renommés pour la vente des cotons. Ces cotons sont gé- 
néralement filés et teints en rouge j on les recherche « 
dans la Turquie, pour la beauté et la solidité de leur 
couleur. 

Sardes, ancienne capitale de la Lydie , n'est plus ha* 
bité que par dés bergers nomades. — Le ruisseap qui 
traverse ses ruines tombe dans l'Hermus. C'est l'ancien 
Pactole; mais on y trouve très rarement des paillettes 
d'or. 

L'Ionie occupait le littoral maritime de cette partie 
de la Lydie. 

On voit les ruines d'Ephèse dans la vallée du Gaystre. 
On s'y rend par le village d'Ayas-Houk, après avoir tra- 
versé le mont Galésus. — Le Gaystre descend du mont 
Tmolus. 

L'Ile de Ghio et celle de Samos sont situées, la pre- 
mière à l'ouest du golfe de Smyrne, et la seconde devant 
la c6te maritime de l'Ionie. 

L'ile de Ghio, qui a neuf lieues de long sur une lap 

12. 



— 180 — 

gém moyenne de qaatre lieues , est située vis-à-vis le 
port de Tchesmë (1), de la presqu'île de Glazomène. 

La fertilité de son sol, la douceur de son climat et ses 
relations de commerce entretenues avec Smyrne^ avaient 
fait de rile de Ghio une terre opulente et le séjour le plus 
délicieux de l'Archipel. Sa population s'était élevée à 
plus de 80 mille habitants. 

Mais , amollis par une vie douce et efféminée , les ha- 
bitants de cette lie étaient regardés dans tout le Levant 
comme manquant de courage et d'énergie. Nous ferons 
connaître dans nos récils historiques l'horrible cata- 
strophe qui a fait périr une grande partie de cette po- 
pulation. 

L*lle de Samos , montueuse et difficile , n'a pour res- 
source principale que ses vignobles. 

Les montagnes de Samos paraissent se confondre avec 
le mont Mycale , qui forme l'extrémité occidentale d'une 
des branches du Taurus. 

En sortant du golfe d'Ephèse par le canal de Samos, 
on entre dans celui de Milet. Les atterrissements du 
Méandre ont changé l'aspect du golfe de Milet; l'an- 
cienne ville de ce nom a disparu dans les^marais. Le fond 
de la baie est devenu un lac séparé de la mer ; on ne 
trouve que des eaux pestilentielles dans les lieux où s'é- 
levait la plus belle cité de l'Ionie. 

Le Méandre naît au sud d'Afioum-Hissar (2), sur le 
plateau central de TAsie-Mineure; Il fait un grand nom- 



Ci) Célèbre par la destmction d^une 0otte ottomane par les Russes en 
1770. 

(â) Afflonm-HIssar est^ après Smyrne, la pins grande ville de PAsie- 
Mineure. Son commerce esl très actif; sa population s'élève à 45000 âmes. 



^181 — 

bre de circuits dans les plaines de Trallès, d'Aotioche 
et de Magnésie , avant de se jeter dans la mer. Ce cours 
d'eau servait autrefois de limite entre la Lydie et la 
Carie, et entre le littoral de Tlonie et celui de la- 
Doride. 

La côte maritime s'abaisse ensuite vers le sud. Sou . 
aspect est très dentelé. Sur les ruines d'Halicarnasse. on 
trouve la forteresse moderne de Boudron. Cette forte- 
resse n'est qu'un carré médiocre flanqué de tours , avec 
un donjon au centre. Elle domine ^ entre l'Ile de Cos et 
le continent, la passe par laquelle on pénétre dans le 
golfe Céramique. 

Tous les monuments anciens ont disparu dans la Ca- 
rie; on ne voit aucune trace du temple de Vénus, ni 
du célèbre tombeau de Mausoie, bâti par la reine 
Ârtémise. 

Après le golfe Céramique on rencontre le golfe de la 
Doride , et plus loin celui de Macri, qui est le plus beau 
mouillage de la côte (1). 

L'ancienne Carie finissait au golfe de Macri, où com- 
mençait la Lycie. 

L'Ile de Rhodes, située devant le golfe de Macri , à la 
pointe sud-ouest de l'Asie-Mineure, occupe une posi- 
tion extrêmement importante , parce que tous les bâti- 
ments qui se .rendent de THellespont et de la mer Egée 
dans les mers de Syrie et d'Egypte sont obligés de la 
reconnaître. 

Cette ile, qui a appartenu à Tordre de Saint-Jeaurde- 
Jérusalem, a été long-temps le boulevart de la chré- 
tienté contre les Turcs. — Après avoir repoussé leurs 

(1) La flotte anglaisé qui se rendait en Egypte avec une armée expédi- 
tionnaire en 1801 séjourna pendant quelques semaines dans la rade de 
M«rmorice, voisine du golfe de Nacriw 



— 182 — 

attaques, elle finit par succomber, dans le 16« siècle , à 
ta fia d'une très longue et très glorieuse résistance op- 
posée par le grand-maltre Yilliers de TIsle-Adam à une 
>armée de 120 milte Osmanlis. Les forces ottomanes 
étaient commandées par le sultan Soliman le IMagnifique 
en personne. 

On voit encore à Rhodes , en assez bon état de con- 
senration, le palais du grand-maitre , les maisons des 
principaux dignitaires de Tordre , et leurs armoiries 
sculptées au dessus des portes d'entrée. Mais le port de 
sette ville, qui I4 première, dans l'antiquité, a publié 
les lois commerciales et consulaires des nations, est 
presque entièrement comblé ; ses fortifications tombent 
en ruines et ne sont plus susceptibles de défense. 

En continuant à longer la côte, on trouve, à Test du 
golfe de Macri,le cap Yedi-Bournou , connu autrefois 
sous le nom de Gragus de Lycie. 

Ce cap est surmonté par un pic dominant qu'on pré- 
sume être l'antique Gragus. 

On rencontre ensuite les ruines de Tancienne ville de 
Patara. Ayant été réparée par Plolémée Philadelphe , 
cette ville était devenue célèbre sous le nom d^Arsinoé. 

L'Ile de Gastel-Bosso (autrefois Mégiste), est à l'est 
d'Arsinoé. On trouve , au nord de cette tie , sur la terre 
ferme , le port de Yathy, qui offre un bon mouillage 
protégé par deux petits châteaux. 

Le promontoire Sacré , bordé par les petites fles Ghé- 
Udomennes , était autrcHfois la limite entre la mer Egée 
et la mer de Chypre. On le nomme actuellen(ient cap 
K^donia. 

Après avoir doublé le cap Eélidonia, on entre dans 
le golfe de Satalie, au fond duquel on trouve la ville de 
ce nom. Cette ville, bâtie eit amphithéâtre wr les pre- 



Te 



— 183 — 

1,^ miers gradins da mont Glimax ^ est entouré d'une faible 
op, enceinte et possède une population de 8000 habitants, 
QB( presque tous musulmans. 

^ Le mont Glimax servait autrefois de limite entre la 

^' Lycie et la Pamphilie. 

Le cap Anémour, qui est la pointe la plus méridionale 
gi. d^ l' Asie-Mineure , sépare les deux grands golfes de Sa- 
jg talieet d'Alexandrette, qui s'avancent l'un et l'autre 

profondément dans les terres. 
j( Sur le littoral oriental du golfe de Satalie on voit 

I descendre rapidement plusieurs cours d'eau qui vien- 
^ nent de la chaîne du Taurus méridiQnal ou grand Tau- 
,i' rus. On y aperçoit aussi les ruines assez bien conservées 
de quelques villes anciennes , entre autres celles d'Eski- 
jj Adalia (Adalie-la-Yieille) et de Sélinonte ou Trajanopo- 
^ lis» où mourut l'empereur Trajan. Le Sélinus, qui tra- 
* vei^e cette dernière ville , séparait autrefois la Pamphi- 
^ lie de la Cilicie. 

A Test du cap Anémour, on rencontre le cap Kizli- 
raan , autrefois Possidonium , et plus loin la petite ville 
^ de Kélindris (anciennement Gelinderis). 
I C'est dans le port assez bien abrité de Kélindris 

qu'on s'embarque ordinairement pour se rendre à Gé- 
rina , dans l'Ile de Ghypre. La distance entre Kélin- 
dris et Gérina est de dix- huit lieues marines. On a éta- 
Ui un service régulier entre ces deux villes pour la 
correspondance de Gonstantinople avec l'tle de Chypre* 
En sortant de Kélindris on trouve, à l'est, le cap 
Sarpédon, et un p^u plus loin la petite ville de Se- 
leflcé (ancienne Seleucia Thrackœa)^ sur le Galycadmus, 
dont le bassin contient le bourg d'Eminné et la petite 
ville de Moût. 
Entre l'emboucliure du Calycadinus et celle du Lami^ 



— 164 — 
on aperçoit leg deux forts, actueltement ruinés, de 
Korgos et de Cateler. Près de ces forts sont les ruines de 
Gorycos et celles de Sébaste. 

Le Lamis séparait autrefois la Giiicie Thrachœay ou 
montagneuse , de la Giiicie Campestris , qui est beau- 
coup moins accidentée et plus fortile que l'autre. 

On trouve dans cette dernière province les ruines de 
la yille de Soli ou Pompéiopolis , reconstruite par Pom- 
pée après l'extirpation des pirates ciiiciens. Pompéiopo- 
lis était ^ dans l'antiquité , une des villes les plus impor- 
tantes de cette partie de l'Âsie-Mineore. . 

A deux lieues à l'est de Soli, on arrive au port de 
Mersina. Cette rade ouverte a l'avantage de posséder un 
fond d'une très bonne tenue : c'est pour ce motif qu'elle 
est fréquentée par les bâtiments européens. Les con- 
suls de France et d'Angleterre qui résident à Tar- 
sous ont établi à Mersina de vastes magasins , où 
des presses hydrauliques et autres presses ordinaires 
sont employées à comprimer et à réduire à un moindre 
volume les laines et les cotons qui doivent être embar- 
qués dans le port. Ils ont réuni sur ce point plusieurs 
familles venues de Die de Chypre et de l'intérieur de 
l'Anatolie. 

Le village de Mersina s'accrott tous les jours et de- 
viendra très important par ia suite. Étant situé à l'ouest 
des marais , il ne souffre pas des émanations des plaines 
insalubres de Tarsous et d'Adana , parce que les vents 
de ces parages soufflent continuellement de l'ouest et 
du sud-ouest pendant les chaleurs de l'été. 

Le port de Kasanli , étant plus rapproché de Tarsous 
que celui de Mersina , est fréquenté par les navires sy- 
riens et par les caboteurs du pays. Mais les marais qui 
Tentourent rendent son séjour très dangereux. 



— 18S ~ 

Long-temps négligée , la ville deTarsons, qui avait 
été,' dans l'antiquité, sous le rapport des sciences et 
des beaux-arts , la rivale d' Athènes et d'Alexandrie 
d'Egypte, commence à sortir de sa langueur pour pren- 
dre depuis quelques années un développement rapide- 
ment progressif! Les cuivres de Tokat, au lieu de sui- 
vre la longue route maritime de la mer Noire , du Bos- 
phore , de l'Hellespont et de l'Archipel , étaient portés 
par terre à Tarsous , pour être expédiés ensuite vers la 
Syrie et l'Egypte. 

La proximité de Tarsous à Tokat était le motif de cet 
envoi direct, qui procurait aux négociants intéressés dans 
ces transports une grande économie d'argent et de 
temps. Mais les réclamations et les instances des com- 
merçants de Smyrne, qui voyaient avec dépit que cette 
branche importante de leurs relations commerciales 
allait leur être enlevée , parvinrent , en 1834 , à faire 
reprendre aux expéditions des cuivres de Tokat leur 
aàcienne direction. 

Ce système , favorable seulement aux lâonopolqjURS , 
'mais contraire au bon sens et à l'intérêt des peu^es,l»i 
peut pas durer long-temps. Les cuivres de Tokat repren- 
dront probablement bientôt la route de Tarsous, pour 
la fourniture de ce métal aux pacbaliks de Syrie et à 
l'Egypte. La Porte, qui vient de faire rentrer Tarsous et 
Adana sous sa dpmination directe > n'a plus les mêmes 
craintes et les mêmes motifs politiques qui lui avaient 
fait prêter, en 1834 , une oreille attentive aux réclama* 
tions intéressées des négociants de Smyme. 

Les expéditions de Tarsous et d' Adana en cotons et en 
laines prennent tous les jours un plus grand développe- 
ment. La vaste plaine maritime placée au-dessous de ces 
deux villes produit en abondaace des cotons de très bonne 



— 186 ~ 

qualité. Les laines de la Caramanie ont toujours été 
classées parmi les plus belles de la Turquie. En les sou- 
mettant à l'action puissante des presses faiydrauliques , 
on rend leur transport par mer plus facile et moins 
coûteux , et on les garantit presque entièrement des 
dangers d'une fermentation intérieure. 

Tarsous, deyenu une échelle importante de l'Asie- 
Mineure, a une population progressive de 10000 âmes. 
Le Cydnus, qui traverse cette ville, et qui fut remonté 
autrefois avec une pompeuse magnificence par la flotte 
des galères de la reine Gléopfttre , se trouve actuelle- 
ment obstrué par une barre sablonneuse à son embou- 
chure. 

' La ville d'Adana, chef-lieu du pachalik de ce nom, 
possède une population de 20 à 25000 Ames , laquelle 
entretient un commerce actif avec les villes importantes 
de Césarée de Gappadoce , d'Alep et de Damas. 

Le Sarus baigne les murs d^Adana. Ce cours d'eau et 
celui du Gydnus causent, à fépoque des chaleurs, par 
Leurs inondations durant l'automne et l'hiver , l'insalu- 
brité de cette partie très fertile de la Caramanie. On 
avait proposé à Ibrahim-Pacha de réunir au pied du 
Taurus, par un grand. canal, les eaux du Sarus à celles 
du Gydnus, et de couper la plaine par de nombreux ca- 
naux intermédiaires. La salubrité du pays aurait été 
assurée, et ses produits végétaux seraient devenus beau- 
coup plus considérables. Ge projet avait plu à Ibrahim- 
Pacha et avait été approuvé par Méhémet-Ali. Il aurait 
re$u son exécution si le pays était resté sous la domina* 
lion égyptienne. 

Situés au pied des débouchés de la chaîne môntuense 
qui les environne au nord , Adana et Tarsous occupent 
des positions très importantes sous le rapport militaire. 



— 187 - 

La ville de Tarsous est plus susceptible d'être mise 
dans un bon état de défense ; celle d'Âdana a le grand 
défaut d'être complètement dominée par des coteaux 
voisins. 

Les gorges du Sarus étaient les Pyles ciiicienne», par 
lesquelles les anciens descendaient du plateau central 
pouf se rendre an littoral maritime de la Gilicie. Les 
défilés qu'on traverse pour aller d'Adana àAIexandrette, 
le long du golfe , étaient les Pyles maritimes. 

En arrière et au sud des Pyles ciliciennes^ Ibrahim- 
Pacha avait fait construire à Kulek-Boghas huit batte- 
ries formidables, contenant ensemble 160 bouches à feu. 

Une mine de plomb argentifère d'une grande richesse, 
trouvée dans le voisinage de ce défilé, avait été mise ea 
exploitation par les Égyptiens. Dés ingénieurs euro- 
péens dirigeaient les opérations métallui^iques. Cette 
mine rendait 45 à 60 pour 100 de plonib d'une excellente 
qualité. 

La ville d'Issus , située autrefois au centre des Pyles 
maritimes , a disparu sout tes eaux d'un marais qui cou- 
vre l'importante position qu'elle occupait. 

Le Pyrame, qui descend du point de jonction du Tau* 
rus aveei'Amanus, tombe dans le golfe d'Alexandrette, 
après avoir traversé la ville de Marach et le bourg de 
Messes. On trouve sur ce dernier point le seul pont qui 
existe pour les communications de laCaramanie avec la 
Syrie. 

La vaHée du Pyrame , quoique naturellement fertile , 
s'est pas cultivée. Elle est habitée par des hordes errantes 
de bergers turcomans. 

La province de Haraeb, située avantageusement ejitre 
les montagnes, est très productive. 



— 188 — 

ILE DE CHYPRE. 

L'Ile de Chypre est une des plus grandes de la Médi- 
terranée. Placée devant le cap Anémour, elle a une 
forme semblable à celle de la c6te asiatique qui lui est 
opposée j c'est-à-dire saillante vers le sud et rentrante 
yen le nord. Le canal qui la sépare de laCaramanie a 
une largeur moyenne de 18 à 20 lieues. 

La surface totale de l'Ile de Chypre est dé 280 lieues 
carrées. Sa longueur est de 45 lieues depuis le cap Saint- 
Epiphane, à l'ouest, jusqu'au cap Saint-André, à l'est. 
Une chaîne montueuse la traverse dans toute sa lon- 
gueur. 

Un plateau supérieur, où se trouvent le bassin et la 
ville de. Nicosie, occupe la partie centrale de l'Ile. Ce 
bassin doit avoir formé anciennement un lac , dont les 
eaux se sont écoulées à l'est par la vallée étroite qui se 
prolonge jusqu'à Famagouste. 

Le sol du bassin de Nicosie est très fertile. La végéta- 
tion la plus brillante et la plus variée règne sur ce plateau, 
ainsi que sur ses versants vers la mer. 

La ville de Nicosie, qui est la résidence du pachâ^ de 
Chypre, renferme une population de 12000 âmes près-, 
que entièrement musulmane. Les chrétiens habitent les 
plages et les villes maritimes au nombre de lOOOO. 

On respire l'air le plus pur à Nicosie et dans les par- 
ties montueuses de l'Ile. Mais des vapeurs méphitiques 
qui s'exhalent des eaux stagnantes des plages maritimes 
causent pendant les chaleurs, et surtout durant l'au- 
tomne, des fièvres intermittentes dans tous les lieux voi- 
sins de la mer. 



~ 189 ~ 

Cette canse activé de mortalité a fait atendonner lea 

anciennes villes de Paphos, d'Amatbonte et de LimassoL 

On en ressent les funestes effets même dans la ville de 

Larnaca^ qui est le port le plus commerçant de toute 

nie. . 

Chypre exporte annuellement une quantité considé* 
rable de soie, de coton , d'huile d'olive et de vins liquo- 
reux. Ces vins se conservent pendant un très grand nom«^ 
bre d'années , et sont recherchés dans toute l'Europe 
pour leurs qualités stomachiques. 

Quelques écrivains politiques donnent la préférence à 
rtle de Chypre sur l'Ile de Candie, parce que cette pre- 
mière , étant placée au vent des côtes de la Syrie et de 
l'Egypte, a un commandement direct sur toute la partie 
orientale de la Méditerranée. Mais l'tle de Candie , se 
trouvant également au vent des côtes de TAfrique et des 
rivages syriens , exerce une surveillance immédiate sur 
tous les navires qui se portent vers l'esté ainsi que sur 
ceux qui entrent dans la mer Egée ou qui en sortent. 

L'tle de Candie est , sur ce rapport, bien supérieure à 
l'autre. Elle a , en outre^ l'avantage de pouvoir être plus 
facilement défendue, de posséder une population plus 
guerrière et beaucoup plus nombreuse , et d'avoir sur 
ses rivages un grand nombre de baies spacieuses par- 
faitement abritées. 

Chypre, au contraire, ne possède pas sur tout son 
littoral maritime un seul port qui soit parfaitement sûr. 

Après avoir décrit la côte maritime de l'Asie-Mineure, 
et ses cours d'eau qui se perdent dans la mer, jetons un 
coup d'œil sur les provinces intérieures de cette vaste 
péninsule. La Pisidie, la Lycaônie et Tlsaurie, placées 



— 11» — 

M md du plateau central rt au oerd de la ebaine iiièri<> 
dionale du Tauros, sur un terrassement de plus de 200 
UHses d'élévation au dessus du niveau de la mer^ soat 
mal cultivées et con(iennent une faible population* On 
n'y remacque qu'une seule ville importante , qui est 
Konieb, anciennement Iconium, capitale de la Ly- 
caonie« — Konieb a été le séjour des sultans Seljon« 
cides, qui ont tenu long-temps sous leur domination 
une grande partie 8e l' Asie-Mineure. 

Une muraille épaisse, flanquée de tours très rappro* 
cbées, enveloppe cette ville. — Un petit fort carré, où 
l'on voit le palais à demi-ruiné des anciens sultans Sel- 
joucides, lui sert de citadelle. Les campagnes environ*- 
nuites donnent en assez grande abondance des céréales 
et des fruits à noyau. 

Les campagnes de la Lycaonie , de l'Isaurie et de la 
Pisidie, sont trop peu peuplées pour être cultivées d'une 
manière utile. On y trouve beaucoup de pâturages , oit 
des Tureomans nomades )|connu8 sous le nomdeYou*- 
rouks, mènent paître leurs troupeaux* 

La Gappadoce ne possède actuellement qu'une seule 
Tille , Kaïsarieb / nommée Gésarée par les Romains, et 
plus anciennement Mazaca , dont la population mélan*^ 
fée dépasse le nombre de 60 mille habitants. Elle est 
remplie d'établissements industriels. Ses relations comr 
merciales embrassent toute l'Asie-Mineure , l'Arméoie 
et le bassin de l'Eupbrate. On évalue à 40 millions de 
francs la valeur totale de son commerce d'importation 
et d'exportation. Elle a de grands rapports de commerce 
avec Tarsous et Adana« 

Kaïsarieb occupe une position extrêmement impor- 
tante, parce qu'elle se trouve à la tête de la vallée du 



— 191 — 
Mêlas. Ce eoun d'eau , qai descend des hantes somr 
mités du mont Argëe et coule vers TEuphrate^ tombe 
dans ce fleuve près de la ville de Malatbia. 

Les provinces intérieures de TÀsie-Mineure renfer- 
maient autrefois des villes riches et florissantes, et une 
population industrieuse qui tirait un grand parti de la , 
fertilité naturelle du sol. Mais, à l'exception de quelques 
villes placées dans des positions qui ont été et qui se* 
ront toujours importantes, et de quelques portions de 
terrain cultivées à cause de leur extrême fertilité, on 
voit errer sur les plateaux les plus élevés de cette péi- 
niosule des bergers yourouks , et principalement des 
hordes nomades de Turcomans, qui, descendus autres- 
fois, avec leurs troupeaux» de la Haute-Asie , ont ccm* 
serve les mcBurs pastorales et simples de leurs ancêtres. 

Les Turcomans sont les meilleurs de tous les peuples 
nomades de la Turquie d'Asie. Ib vivent sous des tentes 
coniques et mènent à peu près la même vie que 1^ 
Kurdes.; mais ils valent beaucoup mieux que ces der-* 
niers. Ils se gouvernent d'après leurs propres usages^ 
et ne paient qu'un léger tribut au gouvernement ot- 
toman. 

L'Euphrate et l'Arménie forment la limite orientale 
de l'Asie-Mineure. Le mont Amanus la sépare de la 
Syrie. 

Observations générales sur PAsie-Mineore et sar la population 
de cette péninsule. 

L'Asie-Hineure, placée au centre de l'ancien monde, 
arrosée par un grand nombre de cours d'eau , possédant 
un sol généralement fécond , entourée par la mer de 
tow cAtés , et s'appuyanti l'est sur l^Ëopbrate, devrait 



-• 192 — 

^tre une des parties les plus riches et les plus peuplées- 
de l'univers. 

Quelques écrivains lui donnent 12 millions d'Ames ^ 
d'autres 8 millions. Nous ne croyons pas> d'après des ren- 
seignements récents puisés aux meilleures sources ^ 
qu'on puisse évaluer à plus de 6 millions le nombre -to- 
tal des habitants de cette péninsule. Dans ce nombre , 
A millions sont musulmans et 2 millions sont chrétiens. 
On y compte quelques milliers de Juifs. 

Mais la population musulmane n'est pas homogène ; 
elle est composée de plusieurs peuplades : les unes sont 
encore errantes ; les autres , sédentaires , sont agglomé- 
rées principalement dansles villes. Cette dernière classe^ 
trois fois plus nombreuse que l'autre , se compose en 
grande partie d'Osmanlis (1) , qui sont les véritabres 
enfants de la Sublime-Porte, et qui se considèrent com- 
me la classe la plus noble de toute la population de 
l'empire. 

Craignant la chute de leur domination dans la Tur- 
quie d'Europe, les Turcs regardent l' Asie-Mineure com- 
me leur dernier et agréable refuge. Mais^ ayant perdu la 
ligne défensive du Caucase, qui était autrefois leur sauve- 
garde , ne possédant aucune place régulièrement forti- 
fiée y n'ayant pour appui que quelques cours d'eau qu'il 
est facile de tourner dans les parties supérieures de 
leurs bassins , n'ayant pas fortifié les débouchés du pla- 
teau central et les principales villes de cette position do- 
minante , les Turcs auraient bien de la peine à défen- 
dre et à. conserver cette péninsule contre des armées 
ennemies , qui pourraient être assistées par des flottes 

(1) Ce nom vient d*Osmani premier fonditeiir de la dynastie ottomane. 



— 193 — 
maQŒuyraBt dans la mer Noire et dans les mers de l'Ar- 
chipel et de la Syrie. 

Gomme le plateau central de rAsie-Mineure est le 
meillear boulevart des Turcs , ceux-ci doivent l'occuper 
fortement , et surtout fortifier avec soin ses débouchés. 
Ils pourraient de ce point dominant arrêter, menacer 
ou tourner les corps ennemis qui pénétreraient dans 
celte presqu'île. 

Ce fut pour avoir quitté ce plateau central, afin de 
se porter dans les vallées inférieures, queMithridate fut 
vaincu par les Romains. 

Population des YiHes d« PAsie-HineQre. 

Kutaya, siège du beyicrbey de l'Anado- 
ly , au pied du mont Gordion], et sur un 
afQuent du Sangarius, renferme 35000 ^^ 

Affioum-Kissarj qui fabrique et exporte 
beaucoup d'opiuin , et qui possède de nom- 
breuses manufactures de laine, de coton 
et de soieries, contient. ...... SOOOO 

yikcheirj ville industrieuse ^possède . . 2S000 

Cette ville et celle d'Affioum-Eissar 
sont situées dans le plateau central. 

Brousse f au pied du mont Olympe, an- 
cienne capitale de la Bythinie, célèbre par 
ses^bains sulfureux, possède une popula- 
tion de 40000 

Moundania , servant de port maritime à 
la ville de Brousse, renferme . . . ' . 10000 

On voit dans son voisinage les ruines^de 
Nicée , où fut convoqué , en 32S , le pre- 
mier concile écuménique des chrétiens. 
I. 13 



— Î9Ê — 

IfOtmid (iattcienneineBt Nîconiéâf e) , port 
4e mer . ; • • 800#«a«» 

Smyme: Ceite yNte marilimey te phis 
fommerçafite de PAsie-lHiDeuTe, renferme l'SOMO» 

les suj'ete des antres natioBs de l'Europe 
y forment y comme à Gonstantinople , une 
population à part, laquelle est indépei»- 
dante de» autorités locales et des lois du 
pays , et quf ^ dans son ensemble , présente 
f itaiage de là civiiisation européenne ao 
milieu des mœurs asiatiques. 

La ville de HaîvalU, port de mer, nom- 
m ^e Gydonie par les Grecs, était une créa- 
tion de ta fin du 18* siècle; elle était deye* 
Bue en peu d^années une des villes les plus 
florissantes de la Turquie. Buinée et dis* 
persëe par les Turcs' en 1821 , sa population 
de 36000 âmes a été réduite à . . . . . SCO 

UUedeChio , qui contenait 80 à 100 mille 
habitants^ n'en contient aeUiellement cpie 
64 rnOle, qui se soutiennent par diverses far 
briques et par la euKure du mastic. 

Uile deMétélin (Lesbos), malgré sa grai^ 
de fertilité et ses bons ports , ne possède 
fuo V 75000 

Samog^ qui a su défendre son indépen- 
dance pendant la guerre de Tinsurrection 
de la Grèce , a vu sim ancienne population 
s'accroître au lieu de s'affaiblir, et a obte^ 
ftu l'avantage de ccmiposer un petit état sé^ 
paré et d'être gouvernée par un prince 
chrétien. Sa population est de .... SSOOd 

Kanié (ancieki Iconium), capitale de 



— 196 — 

toute la Caranmiic, se tr4>uye, deptih 
deux siècles , dans un état de lente déca- 
dence. Elle contient ....... 36000 tesi» 

La' ville de Karamafiy qui a donné le 
nom à la province » était autrefois très rm* 
portante. Le nombre actuel de ses habi- 
tants est de lOOOe 

Tokat, ville grande et industrieuse, fait 
un commerce très actif avec la Perse , l'in- 
térieur de l'Asie-Mineure et Constantino- 
ple; elle tire un grand profit des mines de 
cuivre qui se trouvent dans son voisinage. 
On lui donne. . . \ 60000 

Sivas , chef-lieu du pachalik de ce nom. 
Ses environs renferment des mines de cui- 
vre riches et abondantes. Placé sur une 
des parties les plu»élevées du plateau cen- 
tral, et près des sources du Kiziiirmak 
(Halys) , Sivas est une excellente position 
militaire qui commande les principales 
routés de la péninsule 16000 

Bâfra , près de Tembouchure du fleuve 
Halys, est important sous les rapports mi- 
litaires et commerciaux. Sa population est 
de ... 18000 

AmasiCy ville très commerçante dans le 
bassin de l'Iris. . . . '. 30000 

SansovTif port de mer, à douze lieues 
d'Araasie , possède 12000. 

Yeuzgal , séjour ordinaire de la branché 
aînée de la puissante famille de Tchiapan 
Oglou, contenait 16600 

César ée de CappaHoce, florissante par son 

13. 



— Î96 — 

commerce et son indaslrie*, se tropTe eu» 
te bassin du Mêlas d'Asie , qui est un des af- 
ftaentsdel'Eupbrate. Bâtie au pied do mont 
Argée> GésarAe occupe une position mili- 
taire d'une très haute importance. Son 
commerce est très florissant. On lui donne 60000 

Trétnionde, cbef-Beu du pacbalik de ce 
nom , sur le rivage de la mer Noire. Son 
port est peu sûr, ses fortifications sont etk 
mauvais état. Le cuivre et les esclave» ve^ 
BUS du Caucase étaient les articles les plus 
importants de son commerce d'exportation. 
Sa population, actuellement décroissante, 
est de 38009 

Sinope , ville maritime dont les monta- 
gnes voisines sont couvertes de forêts, pos- 
sède , pour le service delà mer Noire , lo 
second cbantierde la marine militaire de 
Fempire ottoman. Le nombre de^sesbabi- 
Imts s'élève à . ; 1200O 

Castamouniy ville en décadence à peu do 
distance de la mer Noire , contient . • • 1400O 

Elle est située sur une rivière du même 
nom, afQuent du fleuveHalys. Elle contenait 
50000 habitants au milieu du 17« siècle, d'a- 
près le dire de l'écrivain turc Hadgy*Kalâ. 

JBo/i, ville industrielle et commerçante, - 
placée sur la route que suivent les carava* 
nés de la Perse, et de l'Indostan , contient 2000O 

Angora^ située sur un des quatre prioci- 
paux débouchés du plateau central , près 
des sources du Sangarius, renferme beau- 
coup de fabriques et fournit au commerce 



"d^exportàtion des camelots faits avec le 
poil doux et soyeux des chèvres de cette 
partie de l' Asie-Mineure. 

On remarque que les chats et les lapins 
de cette ville et de ses environs ont, comme 
les chèvres du pays , un poil fin et soyeux. 
On attribue cet «ffet aux qualités de l'air 
et à la bonté des eaux qui descendent du 
mont Gordion. Le nombre des habitants 
de cette ville ^st de • ^ . . . . ^ 4S000 

BoudroUy autrefois Halycarnasse, située 
vis-à-vis l'ile de Gos, à l'entrée du golfe cé- 
ramique. Ge port renferme des chantiers 
de construction pour la marine de l'empire^ 

Ges chantiers étaient placés autrefois 
dans l'iie de Rhodes ; ïiïais on les a transfé^ 
rés à Boudron à cause des ensablements 
devenus très rapides des ports rhodiens , et 
parce qhe les montagnes de cette partie du 
continent asiatique sont couvertes d'épais- 
ses forêts. La population de Boudron est de 60M 

Macri et Marmoritzasoni deux villes im- 
portantes par leurs ports. La première con- 
tient 3000 àmes,^t la seconde 2000. 

Patora ou Arsinoéj autrefois très célèbre 
par son oracle d'Apollon, est actuellement 
tout à fait déserte ; mais on voit encore de^ 
bout ses principaux édifices, ses temples 
6t son grand théâtre. 

Sato/te, ville commerçante dans le|frand 
golfe de ce nom , contient environ • • • lOOOO 

Selefkéj ancienne Séleude , présente les 
raines nombreuses dé plusieurs grands édi- 
fices. Il en est de même de la ville de Soli 



— 1Ô8 — 

ou PompéiopoliSy dont 44 colonnes restées 
debout ornent encore l'entrée de son port 
artificiel. La population de Selefkë est de 6000 A>»»< 

Tarsous et Adana sont les principales 
Tilles de la partie méridionale et maritime 
de laCaramanie. Nous avons fait connaître 
plus haut leur importance et leur piaula- 
lion. 

Marach , yille d'une médiocre étendue 
et elief4ie« d'un sandgiakat de ce nom , «st 
située au centre de Yaitées larges et ferti- 
les. Cette Tille contient i . 10000 

En supposant., comme nous TaTons dit plus haut ^ que 
la surface entière de l'Asie-Mineure soU de â4 miHe 
lieues carrées, et que sa population ne s'élève pas au 
delà de 6 millions d'èmes, on aura 2&0 ^personnes par 
lieue carrée. Ce résultat, que nous croyons le plus aç^ 
proximatif de la vérité , est bien inférieur à celui que 
donnent les tableaux statistiques, comparés^ de la popu* 
lation des provinces turques de l'Europe (1). 

GÉOLOGIE , itlÉTÊOROLOGIB ït PROl^DlTS. 

La constitution géologique de l'Asie -Mineure est à 
peu près la même que celle de la Turquie d'Europe. Les 
sommets granitiques de ses montagnes annoncent l'an-^ 
ciennelé a leur formation. Leurs versants sont couverts 
de couches schisteuses, et, dans plusieurs parties, de 
)>ancs calcaires brisés et fortement inclinés^ 

On y exploite des mines riches de fer et de cuirre. 

(1) Diaprés ce tâbleaa la population des ailles est eonsidérable. Mais on 
ae tromipef'aH 4>eancoap si on càlcalalH, par analogie /celle des caiopàgnea 
d'après les principes statlsll(|«68 adoj^tés ponr PEtirope; Dans les pays mai 
goa?ernés et infectés par des hordes de déprédatevrs les ailles t'ieer^t* 
sent en raison delà dépopulatton des campagnes. 



~ 199 — 
L^reaLltfM^Bde>ee dernier méfiai e«t ia^principate fDaim 
de la yraode popalMioQ et de Ja prospérité de Ja ville ^de 
Tbksft, et de tapreviaeeqm ea dépeod. r^^LeBactokt» 
éum la Lydie>freoiaitaiit?efoi8 des [paillettes dWi; ouqa 
cette source de richesse a dispara depaîs,loiig-4eiiy[^. 

Les ^Mls du nord domiaeDt sur toute la sorlsie^e de 
l'Àsîe-liiMiii^et €M(iBfieiit.à«e;faB?e sentir j^usqii'aw 
«ira{^ mAritii&es A&rAEriqoe^ C'est àcausedejadwe^a- 
tioB de ces vents dominaais qu!«a dit igné I^AiSîe-Miiieiui^ 
et les Mes qiii en dépend^sat isoat au vent dis (a $ym et 
deFÉg^^tei. 

Ces mêmes vetttsTefroidîssMt betacmp dattww^fii^ 
ture ^ 1-air sur le rivs^ se|»te&trioiial de l'iMe'^Sfi^ 
Heure. Ils diminuent les grandes chaleurs de. Il eôte;iwt- 
ridionâle, ety entretiennent une température douce qui, 
ssms eux , serait ëtoufTante pendant les mois d'été. 

La tègétatiou des cétes septetArfonales de eétiie pé» 
ninsule ressemble à celle de la Thrac^e, Mais derrière le 
grand plateau tealràl, et dans les proviàceé der^orwest^ft 
du midi/on voit réussir à la fois les plantes 4es paystèm«> 
pérés et celles de TÉgypte et de la Syrie. 

Des forêts de hêtres et de chênes verts couvrent dans 
le nord les versants des montagnes. — Les figuiers, les 
lauriers roses , les sycomores, les arbres fruitiers de tou» 
tes espèces, y compris l'olivier cft lé mûrier, ^ôlit uoiïh 
breui dans les provinces du mtài et de l'ouest , bù le dur- 
tônnier est cultivé abondamment et avec succfès. 

Oh eslime à 420 millions de francs le revémi territo- 
rial de toute rAsie-Miiieure ; ses produits industriels sont 
évalués approximativement à 90 millions de la tdhtaé 
monnaie. La dlme dé la Porte sur tes èen% ptuâhîta 
territoriaux et industriels est de 50 milHons 4e frataM. 
ïln réunissant cette somme aux produits du Ukafr^je^ 



-- 200 - 
des mines métalliques et des douanes, le gou vente-» 
ment turc tire chaque année de cette belle portion de 
ses possessions asiatiques un revenu d'environ 6S mil- 
lions de francs. Les dépenses locales absorbent une gran* 
de partie de cette somme. ^ . 

Sous un meilleur système d'administration cette pé- 
ninsule procurerait facilement an Grand-Seigneur ,un 
revenu annuel trois fois plus considérable , par la seule 
voie des contributions régulières. 

Les exactions des pachas et des agents de toute classe 
de Tautorité souveraine sur cette population, plus tran- 
quille et pliis soumise que celle de la Turquie d'Euit>pe, 
s'élèvent, assure -t-on, chaque anliée à plus de 30 mil* 
Hons de francs. 



BASSINS D£ L'EDPHRATE ET DU TIGKE, 

GONTBlfANT LUS PACHALIKS d'eRZEROUM, DE KAR8, DE VAK^ 
DE DIARBÉKIRi DE KOUSSOUL , DU KURDISTAN ET DE 
BAGDAD. 



En parlant du Caucase , nous avons fait connaître que 
la Russie, profitant de ses victoires, s'est fait céder 
par la cour de Constantinople et par celle de Perse tous 
leurs droits de souveraineté sur cette région montueuse, 
et que, non contente d'occuper les deux versants de 
cette chaîne , elle a porté ses limites jusqu^à la rive 
gauche de TAraxe, en renfermant dans ses états tout 
le bassin du Kour (autrefois Gyrus), qui se jette dans la 
mer Caspienne. 

La nécessité d'occuper le bassin du Kour dans toute 



— 201 — 

8on étendue porta la Russie à exiger de la Sublime* 
Porte dans le traité d'Andrinople , en 1829, la cession 
définitive de la place importante d'Akalsiké, qui se 
trouve à la tête de cette vallée» — Akalsiké est une ville 
de 12000 âmes. 

Gomme les sources de TAraxe se trouvent comprises 
dans le pachalik de Kars , il est probable que , dans une 
nouvelle guerre , la Russie exigera impérieusement la 
cession de ce pachalik» — Sa nouvelle frontière s'appuiera 
alors sur les monts Motchiques, sur le mont Abos et 
sur le mont Ararat , d'où découlent les affluents de TEu- 
phràte* 

Le mont Abos donne naissance à TAraxe sur son ver* 
sant oriental , et à TEuphrate sur son versant occiden- 
tal. 

L'Arménie , qui était dans Tantiquité un royaume 
florissant , se divisait alors en Grande et Petite-Armé- 
nie. Cette dernière, placée sur lé versant oriental du 
grand plateau de T Asie-Mineure, était comprise entre 
fEuphrate, Tlris et l'Halys, et renfermait le bassin du 
Mêlas. 

La Grande-Arménie contenait les sources de l'Eu- 
phrate et du Tigre. Formant actuellement le pacbalik 
d'£rzeroum,elle est divisée en Haute et Basse-Arménie. 
La première s'étend , du nord au sud , depuis Erzeroum 
jusqu'à Moncb> entre le mont Abos et les monts Niphates. 

L'Arniénie entière a pour limites le mont Abos au 
nord et le mont Massius au sud. 

La Haute- Arménie , qirî contient Erzeroum , est fer- 
tile en pâturages. La Basse-Arménie produit beaucoup 
de grains et de fruits. On voit à ses deux extrémités 
orientale et occidentale les villes d'^^rgdna et de Zahoun. 



~ 202 — 

Le plateau d'Erïeroum est le peint domiaant de 
forte la Turquie d'Asie. C'est de ce point que »pai4wt 
tes différentes routes qui condaisent à l'Asie-Mineure» 
à la Perse, et daûs le bassin de l'Eupbrate. 

Les routes principales de l'Asie-Mineure se «Mri^ent: 
une vers Malatbia, au conflu'enl de Mêlas et de 4'ïu* 
pbral^; une à fiivas; une troisièûie à Amésie, et uns 
ipialriène à Trébtsonde. 

liftiroûtede Matatbia descend a?ec l'alfltteat septc^ 
trionâl de l'Eapbrate. £Ue se porte , au sud, à Bir , et à 
l'oirest, vers Gésarée de Gappadoce. La i^oute de .$Uim 
quitte à Erzeingbian celle de Malathia, passe par Ak^ 
Xjbéir auttiit d'arriver )i Sivas^ près des soudées du 
Jteute Haiys , et se rend ensuite à Tokat 

Celle d'Amasie passe par Kara-Hissar» situé sur «in 
nffluent orientd de ritis, et ensuite par NUcsAr» «a^nt 
4'arriTerc'à Amasie. £Ue se )prolQiige aji^e^ Vlris juttiufi 
Sans<mn eur te littoral de la sier Noive. 

La renie d'SrzerouineÀtoîeifus^'afu bour|f deSyennes 
'l'affluent septentrional de rjSuphirate. Slle s'élébvé -en»* 
suite sur la cbalne de montagnes qui lient le mont Xmi- 
jrus aust.monts Moschiques, et descend daBS. la vallée da 
JBatbyn, près de ^eybonrt. 

. C^vissant une autre ^latne de montagnes couroft-* 
nées par le mont R^s, eette route arrive dans VfApns 
.vallée dé drumueh-Kbane. Après ee^ vallée, elle isn^ 
monte ia dernière cbatne de rAnti-TaaruSx,i9uiiovme 
sur ce point la ceinture de la mer JHoîre, et arrive. en 
dstoier lieu à Trét>ifiende par le viHage de Glieveelie. 
GeUe rente est très diffioile dans toute sa iQi^uear. 
s la route d'Erzei^ouni i^eips la Géorgie ireversete rnoot 
Abos^ d'oâ sortent , d'un eôté^^J'fiuphreHe^^etcde l'autre» 



TAraxe. Après ètrfi descendm., i>ar Hassaii-KbâM^ éku 
la vallée flerAraxe» elle s'élève, par KarsiHi ipàrGouInri, 
»«r >le plal&au de la Géorgie • 

;La roule de la Perse côtoie t'Araxe, et s'élève, |Mr le 
Buyiastèred'Ulch-Mtaziii) jusqu'à ta fort^esse d'EriiraB^ 

La ville d'ArEeroiim ou Etzeroum , andenoe citadelle 
bâtie par les BomaiBiB (1), possède une popuMiou de 
80 mille habitants, deux tiers Turcs et un tiers «hré- 
iiens» Elle est située au fHedtnème du moBt Abee^ ^flaus 
une vaste plaine^ tout près de la priucipale source de 
l^Euphrate. Cette Ville peut être considérée comme la 
def du grand bassin qui s^éteod depuis le Caucase |us- 
f^^âU<golfe tPeiHique et à la mer de rinde* 

La plaine d'Erzéroum, q«i est extrèmemeilt élevée 
au âessiis du niveau des uiers , éprouve pendant l'hiver 
des froids très rigoureux. Cepend^oit ses produitssoht 
considérables en céréales et en fourrages. 

L'Eopbrate , apuès avoir traversé la vUle d'ËrziIno- 
hian (ancienne Satala), reçoit dans la plaine de Palou 
Ifaffluent qui vient du mont Ararat^yetqve Ton iMnfme 
Mouraâ*Gbai. 

«Su àortmit d)e ta plaine de I^Aojt, TEiiphrate., rèutti 
au Mourad<;hàî, deseeild., à ^travers une ^forge pro* 
fmde., à Malathia, ou il reçoit sur ^sfei rive (krotte'le 
Mêlas , qui vient du mont Argée <dé la Gappaâœe. 

C'est au dessous de Malatbia que l'Euphrate coupe 
diins un point d'abMssement la di^ne mèkriâtonale du 
laurus. Cette chatne/sedir^e versiee anoAtsMédhiBee^ 
qui descendent du mont Ararat dans le frroiimgfHBieBt 
des moâls Moscfaiques^ 

Les'sommttës eu Taurus qui sont situéNBS àl/Ctt de la 



(I) Amroiim -, en sméaNmi ligiitfe.tiitdeile i1m 



. — ao4 — 

brèebe faile par TEuphrate prennent le ndm^de monU 
JNiphates. C'est des monts Niphates que sort le Tigre. 

Âpres la brèebe du mont Taarus> l'Euphrate traverse 
le petit boiifg de Samosate , qui était autrefois une ville 
considérable , et fait un petit détour à Touest vers Ha- 
racbe. Il prend ensuite ^ près de Bir, son cours général 
au sud-est , pour se diriger vers le golfe Persique. 

Bir (ancienne Btrthâ), sur la rive gaucbé d^ fleuve » 
et RouDi-Kalé , petite forteresse sur la rive droite , sont 
deux bonnes positions de passage. Les Romains passaient 
l'Eupbrate à Roum-Kalé (autrefois Zeugma) . Les cara* 
v«nes qui Viennent d'Alep lé passent à Bir, sur un ba6» 
Comme Bir est un point d'intersection des routes de la 
plaine et de celle des montagnes , il conviendrait que 
cette ville de passage fût régulièrement fortifiée. Elle 
n*a & présent qu'une mauvaise enceinte et un petit fort 

en ruines. « 

« 

Au dessous de Bir, le terrain se dépouille d'arbres et 
de verdure pour se couvrir de sel gemme. 

Le fleuve entre alors dans le désert qui se prolonge 
jusqu'à l'Arabie. Après avoir baigné les ruines de Hié'- 
repolis , de Tapsaque, de Nicépborium et de Circésium, 
il passe à Ana> à Hitte , et arrive à Felôudgé. C'était là 
que commensait le mur médique , qui joignait ce fleuve 
au Tigre dans les points de leur plus grand rapproche-- 
ment. 

On passait anciennement l'Euphrate à Hiéropolis 
quand on venait d'Antioehe, et à Tapsaque quand on 
arrivait de PalmirCi 

Hiéropolis et Tapsaque ont disparu; maisNicépho^ 
rium et Circéfiium existent encore sous les noms mo- 
dernes de Racca et de Kerkisieh. 
, Les caravanes qui viennent d'Alep et de Damas par 



— 205 — 

le désert passent le fteuve, les premières à Racca> et 
les secondes à Kerkisieb. 

Ana (autrefois Anatho) est une ville ouverte , en- 
tourée de jardins. -^ Hitte (l'ancienne Aiopolis), étant 
placé au dessous d' Ana, sur une éminence arrondie, 
pourrait être mise dans un bon état de défense. 

De Hitte à Féloudgé et à Ambar on ne compte que 
quatre journées de caravane. 

Près de Féloudg^é sont les ruines de l'ancienne Macé» 
prata, où commençait la partie occidentale du mur 
médique qui allait joindre le Tigre à Sitac et fermait en- 
tièrement la Babylonie. Ce mur» ayant vingt lieues de 
longueur, était bordé d'un canal dans lequel on avait 
dérivé les eaux des deux fleuves , de sorte qu'on pas- 
sait en bateau de l'un à l'autre. 

La Babylonie, étant un pays plat, avait été découpée 
anciennement par une foule de canaux qui étaient aug- 
mentés par les deux fleuves. 

L'Euphrate commence à Féloudgé à être navigable 
pour des bateaux. Il ne l'est, au dessus de Féloudgé, que 
par des radeaux que soutiennent des outres remplie 
d'air. 

La navigation du Tigre étant difficile à cause du couiiS 
tortueux et peu profond de ce fleuve dans sa partie 
inférieure , les habitants de Bagdad s'embarquent à 
Féloudgé pour descendre l'Eupbrate jusqu'à Bassora. 

Hellâ^ bâti sur les ruines de Babylone^ près de ta 
rive droite de TEuphrate » est à quinze lieues au dessous 
de Féloudgé et à dix-buit lieues au sud de Bagdad. — 
Sa population est de 10 mille habitants » presque tous 
marchands ou'^bateliers. 

Comme toutes les villes bâties au milieu, du désert , 



Hella possède une ^aste esceiote ent^mrée d^n mni 
en terre où tous les habitants des campagnes cnvirim- 
luntes se réfugient en cas d'invasion. Ces murs suffisent 
pMir arrêter les Arabes. 

BafcyloBetfrait, selon Strabon, une enceinte de seize 
lieues de tour. L'Euphrate , passant au milieu de celte 
gfunde YtHe, la coupait en deux parties qui communi- 
quaient entre elles par un seul pont de pierre. Mais des 
bosquets, des vergers, des jardins, étaient renfermés 
dau cette mste enceinte. 

Hella est actuellement , comme Bagdad , un des grands 
entrepôts du commerce de l'Inde. 

A neuf lieues au sud de Helta , à l'ouest de l'Euphrate, 
et au. milieu du désert, on trouve les ruines de Konta 
et les deux villes célèbres de Mesched-Husseyn et de 
Meacbed-Ali, qui sont vénérées par les musulmans de 
la secte d*Ali , parce qu'elles contiennent Tune le torn* 
beau d'Alix gendre du prophète, et Tautre celui de son 
peiit-fib Husseyn. 

Sacca, Lemlouna, Samosale, sont des villes de peu 
d'importance situées sur l'Euphrate, au dessous de Hella* 
Corna est au confluent des deux fleuves. Quoique la 
peaUioQ^ de cette ville soit très importante, elle est 
presique déserte , et n'a pour défense qu'un mur en terre. 

Le Tigre doit sa naissance à troia affluents qui vien- 
nent des monts Niphates ,et des montagnes qui environ^ 
neirtielac de VaaJl tf averse d'abord la ville d'Argan, 
où Ton iravaille te miiierai de cuivre qu'on extrait des 
monti^poes voisines* 

Il passe ensuite à Diarbekir (ancienne Amide), qui 
est, comme Erzeroum, le siège d'un pacha à tro:e 
queues. Cette ville contient beaucoup d'^blissenents 



— 207 — 

tiiAistriels. ia grande plaine qui renviroiiiie est très 
fertile. La population de cette viHe s'élëye à 3*5 mille 
habitant»^ presque tous musulmans. 

Située sur une éminence dont le Tigre baigne trois 
etftës, ta vitle de Diarbekir serait très l^eile à défendre , 
si son front abordable était régulièrement fbrtifié. Les 
muraiffes qu? l'entoureiU sont hautes , épaisses et solide- 
meut eonstruftes^ 

Le ebàteau de Kaffa, au dessous de Diarbekir, c^t 
dans une position natureilement forte ; mais H' a trop 
peu de capacité pour joner un r6le important. 

Après avoir reçu FErzen, le Tigre parcourt une gorge 
étroite , et court , en tombant de cascade en cascade , sur 
un lit de roeben^. 

n reçeit, au dessus de to petite vilïe de Sjésiré, son 
affliient le plo5 orientai, qui descend dès moulagiies du 
lac de Van. Cet affluent ^ nomnié Khahoup^ passe par 
Bedlw et par Sert, autrefois Tigr»-Nocertev au^ pied du 
plateau sur te<pMl la ¥itle moderne d*Jkmadie (t) a élé 
bAtte. 

En sortant des enTireas mMitueux de Zalwu^ leT^re 
entre dans une vaste plaine, à l^erigiBe de laquelle on 
trouye tes mines de l'aneieane NiniteiL Yis^ihvis ces 
rwnes, et sot la ri ve^ droite du fleoye, os remontre te 
yiifo As Moiissoii). 

Cette ville, qui a 4S mille âmes de populatkm, est 
située sur ta route suivie par les caravanes qui vont de 
PAsie^Mineute dans là Per^ et dans l'indostm. Sfom ën^ 
mimhbiy dont le eircait. est d'une lieua et demie, re^ 



(l>Ailiêdl0k#i#t« 46-5006: li9bitaiitr,.e«^l» réflMoaceid'wi ^ M«édi- 
ttire qui préteod descendre en ligoe directe de U famille des Abassides^ 



— 208 — 
ferme de tris grands Jardins et consiste dans une ma-» 
raille en terre. Les Yë^îdis , peuple voleur, descendant 
des Assyriens, habitent les deux rives du Tigre depuis 
Moussoul jusqu'à Bagdad. 

C'est à Moussoul que le Tigre commence à devenir 
navigable pour des bateaux plats. 

Tout le pays bordé à l'ouest par le Tigre , et compris 
entre ce fleuve et la chaîne mëdique, depuis le voisi- 
nage des sources de l'Euphrate jusqu'à Scherzour» s'ap- 
pelle Kourdistan. Il est divisé en deux parties par la 
chatne des monts Niphates. 

La partie septentrionale du Kourdistan renferme le 
pachalik de Bayazed et celui de Van. La partie méridio- 
nale contient les petits pachaliks de Bedlis, d'Àmadie, de 
Zahou, de Djalamerket de Scherzour. Ces pachaliks 
formaient la partie montagneuse de l'ancienne Assyrie , 
dont Niniye était la capitale. , 

Les eaux du Tigre , qui descendent avec rapidité ^ 
coulent à raison de deux lieues et demie à l'heure, de- 
puis Moussoul jusqu'à Bagdad. La vitesse de ce fleuve 
se ralentit au dessous de cette dernière ville. 

A quatorze lieues au sud de Moussoul , on arrive au 
confluent du Tigre et du Zab. Ce dernier cours d'eau 
prend sa source dans les montagnes qui bordent la par- 
tie méridionale du lac de Yan. Il était connu des anciens 
sous le nom de Lycus. 

Le Gaprus ou petit Zab verse ses eaux dans le Tigré 
un peu plus bas que le Lycus et à peu de distance de la 
petite ville d'Arbil ou d'Arbelles, célèbre par la bataille 
qui décida du sort de Darius, et soumit la Médie et la 
Perse à l'autorité d'Alexandre le Grand. 

Le bourg d'Altoun-Koupri , dans une Ile du Caprus^ 



— 209 — 

occupe une bonne position, parce que c'est parce bourjf, 
et par le port qui en dépend, que passe la route qui tra- 
verse la chaîne mëdiqne et pénètre dans la Perse. 

Les Persans , dans leurs guerres contre les Turcs, 
suivent ce chemin pour descendre dans la vallée du 
Tigre (1), 

Quoique place forte sur la frontière de la Perse , Al- 
toun-Eoupri n'a pour défense qu'un petit fort en terre. 
Entre AUoun-Koupri et Bagdad on trouve, sur un 
petit affluent du Tigre , la ville de Kerkoud , dans une 
vallée riante , avec une population de SOOO habitants. 
Un simple mur, bâti en terre et percé de créneaux , 
forme son enceinte extérieure. 

Le pétrole qu'on emploie dans ce pays à l'éclairage 
sort de plusieurs ravines situées dans le voisinage de 
Kerkoud. 

De Kerkoud on se rend au bourg de Davick , et en- 
suite aux villages de Douz-Lermal , de Kifri et de Sama- 
ra, sur un sol caillouteux , pour arriver à Bagdad. 

Cette grande ville s'élève comme un oasis au milieu 
des déserts. Le calife Almansour fut son fondateur. Il la 
fit bâtir dans l'année 76*2 de l'ère chrétienne, et y trans- 
féra le siège du caKfat , qui jusque alors avait été établi 
à Kuffa* Cette ville, plus grande que Moussoul, forme 
un demi-cercle sur le Tigre. Spn mur d'enceinte , du côlé 
de la campagne , est bâti en briques cuites au feu. 11 
est flanqué par de hautes tours casematées ; un large 
fossé l'environne. Un petit réduit servant de citadelle se 

(1) La plupart des rivières de cette partie de l^Asle n^ont pas de pont. On 
les passe dans l^hiver sur des radeaux soutenus par des outres enflées. Un 
homme s'aide d'une des outres pour nager, et conduit les chevaux par la 
bride. Cette manière de passer les rivières a toujours été suivie dans cette 
partie de l'Orient. 

I. 14 



— 210 — 

trouve k TaDgle septentrional de cette enceinte mal 
fortifiée. 

Cette ville serait susceptible d'une bonne défense si 
on établissait une série d'ouvrages avancés au delà des 
fusses des murs actuels de son enceinte. 

JJn grand faubourg , entouré d'un mur de terre ponr 
résister aux Arabes , existe sur l'autre rive du fleuve; 
il communique avec la ville par un pont de bateaux. 

Bagdad a une population d'environ 100 mille habi- 
tants , savoir : 50 mille Arabes, 10 mille chrétiens et 
Juifs , 40 mille Turcs. Les Turcs seuls font le service 
militaire, 

Le territoire autour de Bagdad est léger, mais tris 
fertile. Il produit du blé , du vin , du coton y des dattes 
et toutes portes de fruité. 

Le Tigre , qui a 300 mètres de largeur devant Bag- 
dad f reçoit , à trois lieues plus bas , le Diala ou le Délas 
des anciens , qui descend du mont Zagrôs , une des plus 
hautes sommités de la chaîne médîque. C'est dans le 
bassin du Délas que passe la route qui va à Kirmancha 
et à Hamadan, dans l'ancienne Médie. 

Après le confluent du Délas, le Tigre fait de non^ 
breux détours. On remarque les ruines de Sélencie sur 
une riye , et celles de Ctésiphon*sur l'autre. Ces deux 
villes furent la résidence des .anciens rois de Perse. Près 
de Séleucie, situé sur la rive droite, commençait le 
grand canal de jonction entre l'Euphrate et le Tigre. 

Toute Ja zone de terrain entre le Tigre et la chaîne 
médique, depuis le Délas jusqu'au golfe Persique, est 
une plaine unie et rase , qui n'est sillonnée que par quel- 
ques cours d'eau , dont le Kèré , qui vient de la Perse ^ 
est le plus important. Toute cette zone n'est habitée que 
par des Arabes errants. 



— 211 — 

La Babylonie se termine par une lie dont Pangle le 
pias méridional se trouve au confluent de l'Euphrate et 
du Tigre. C'est la petite et faible forteresse |de Korna 
qui a remplacé sut ce point important Tancienne ville de 
Digba. 

Le fleuve formé par ta réunion de l'Euphrate et du 
Tigre était connu des anciens sous la dénomination de 
Pasitigre. Les Arabes et les Turcs le distinguent sous le 
nom de Chat-el-Arab. 

On compte 1 S lieues de distancedeKornaà Bassora (1) 
et 18 lieues de Bassora au golfe Persique. Le Pasitigre 
se termine par deux bouches , dont la plus occidentale 
est seule accessible aux bâtiments de moyenne grandeur. 

Le commerce actuel de l'Inde dans ces pays suit la 
route ci-après : 

On se rend de l'embouchure du Pasitigre à Bassora 
dans un jour, avec le secours de la marée, et de Bas- 
sora à Korna dans un autre jour. On remonte ensuite 
PEttphrate jusqu'à Hella, où l'on décharge les marchand 
dises » que l'on porte par terre jusqu'à Bagdad et à 
Mooflsouly quand elles doivent prendre la route de la 
Mésopotamie^ ou bien jusqu'à Damas et Âlep, lorsqu'el- 
les sont destinées pour la Syrie et l'Asie Mineure. 

Un gouvernement civilisé qui posséderait les deux 
bassins de l'Euphrate et du Tigre ne manquerait pas 
d'établir un grand entrepôt à Korna, et de rendre uar- 
Tigables le Tigre jusqu'à Moussoul et l'Euphrate jus- 
qu'à Bir. Il ouvrirait peut-être aussi un canal entre 
BIr et Antioche , en utilisant les eaux du Chalus et de 
l'Oronte. 

(1) Eavora, ville 4e 10 mille Ames, était aatrefois le chef-lieu dhm p&- 
cbalik qiii a été réani à celui de Bagdad. 

14. 



— 212 — 

Si la construclioD de ce canal offrait des difficvUés 
insurmontables ou trop grandes, ce qui n'est guère pro- 
bable , on pourrait le remplacer par un grand chemin 
de fer d'environ 3S à 40 lieues de lon;;ueur. 

Les pays situées entre l'Euphrate et le Tigre, ou bien 
tenant immédiatement à ces deux grands fleuves par 
ieurs affluents , sont l'Arménie ; la Mésopotamie , com- 
prenant laBabylonie; le Kourdistan ottoman/ et l'Arabie 
septentrionale. 

A ces détails descriptifs sur l'Euphrate et sur le Tigre 
nous ajouterons quelques observations sur les pays bai- 
gnés par ces deux grands fleuves , et particulièrement 
sur l'Armëmie et la Mésopotanie. 

L'Arménie est un pays montueux , entremêlé de val- 
lées et de coteaux. Elle a pour limite au nord le pacha- 
lik de Trébisonde et la frontière russe du Caucase ; à 
l'est la chaîne Médique ; à Touest l'Euphrate , et au sud 
les monts Niphates et la vallée du Tigre. Les anciens 
avaient donné le nom de Petite Arménie à des pays pla- 
cés à l'ouest de l'Euphrate, et qui , faisant partie de l'A- 
sie Mineure , ont été enclavés dans le gouvernement 
général de cette péninsule. 

La Mésopotamie , située au sud de l'Arménie, avait 
été ainsi nommée par les Grecs à cause de sa position 
entre l'Euphrate et le Tigre. Sa forme, oblongae, est 
renflée vers le milieu. 

On la divise en quatre zones, qui se prolongent d'un 
fieuve à l'autre parallèlement entre elles. 

La première zone est montueuse et s'étend sur le re- 
vers méridional de la chaîne Taurique jusqu'à Djésiré. 
On y remarque i^ la ville de Severak (ancienne Sauzer); 
2^ Mqrdin , 8000 âmes , sur un escarpement du mont 
Masius; 3» les ruines de Dara, qui était jadis le boule- 
vart de l'empire romain; i^ Diarbekir ou Amide. 



- 213 -^ 

L^s fortifiGations de Dara étaient regardées coknme le 
theM'OBuvre de l'architecture militaire des anciens. 

Cette place avait deux enceintes : l'une , intérieure ^ 
de 60 pieds de haut, avec'des tours qui en avaient lOOj 
r^utre^ extérieure, était moins élevée. Un fossé profond 
couvrait chacune de ces deux enceintes. 

La seconde zone de la Mésopotamie est lég^ërement 
enduiée; elle s'étendait depuis le pied des montagnes 
jusqu'au confluent du Ëbabour. Les anciens la divi- 
saient en deux régions : l'Osrhoéne, à l'occident, et la 
Migdonie , à l'orient. 

£desse> actuellement Orfa , était la capitale de la pre» 
mière, et Nisibe celle de la seconde. Orfa, dans une po- 
sition naturellement forte, possède une citadelle d'un 
abord très difficile, ainsi qu'une bonne enceinte. On 
regarde cette place comme la clef de la Mésopotamie. Sa 
population est de 2S mille âmes. Les campagnes qui 
l'«nvironnent sont très fertiles. 

A neuf lieues au sud-est d'Orfa on trouve Harran, 
autrefois Kharran, patrie d'Abraham. C'est près de Har* 
rail que périt Crassns avec son armée entière. 

l^sibiuj autrefois ville florissante, n'est plus qii*un 
mauvais village, à. cause des rizières et des eaux sta- 
gnantes qui existent dans lés environs. 

Les Yéridis, habitant cette deuxième zone , sont igni- 
cotes ou adorateurs do feu , et adorent le bon et le mau- 
Tais principe. Leur culte, qu'ils cachaient autrefois sous* 
des pratiques chrétiennes, et actuellement sous des pra- 
tiquas musulmanes, est regardé comme un reste défi- 
gurë de la religion des anciens mages. 

L^ Yëzidîs sont , comme les Kourdes, à moitié pas- 
^aurs et à moitié cultivateurs. On en trouve "beaucoup 
égidement sur la rive orientale du Tigre et dans toute 
ancienne Assyrie. 



— 214 - 

La troisième zone s'étend au sud jusqu^à l'istlime 
fermé Jadis par le mur Médique. C'est une vaste plaiaa 
qui n'est cultivable que sur les bords des deux fleuves. 
On n'y voit génère que des terres blanchâtres, impré* 
gnées de sélénlte et de sel marin. Ce désert paratt p'a- 
voir Jamais été que faiblement habité. 

La quatrième zone s'étend depuis le mur Médîque 
Jusqu'au confluent des deux fleuves. C'est l'ancienne 
Babylonie ou Chaldée, qui est une terre d'alluvion, 
comme le Delta égyptien. 

Le vent du sud, qui cause une chaleur étouffante , M 
qui amène quelquefois avec lui des nuées de sauterelles, 
est le plus grand fléau de la Babylonie. Coupée par de 
nprobreux canaux d'irrigation, cette province était cou' 
verte autrefois de champs de blé et de sésame» de jar- 
dins potagers et de vergers. Il n'y reste plus rien de ce» 
anciennes cultures ; toutes les villes d'autrefois ont dis- 
paru, les bords seuls des deux fleuves sont habitte et 
imparfaitement cultivés. 

Le Kourdistan, qui fait partie du bassin du Tigre, lon- 
ge la rive orientale de ce fleuve à l'occident , et la chatne 
Médique à rest. Il est divisé en deux régions distinctes 
par les monts Niphates. Nous avons fait connaître. plus 
haut les noms des pachaliks qui se trouvent dans le 
Kourdistan. La région septentrionale du Kourdistan 
possède beaucoup de bons pàturages> et la seconde ust 
fertile en grains et en fruits. Celle-ci contenait la yiûe^de 
Ifinivke , capitale de l'ancienne Assyrie. 
. Les Kourdes sont des peuples à moitié sédentaires et 
à moitié nomades. La plupart d'entre eux errent avec 
leurs troupeaux pendant l'été , et ne se fixent que pen- 
dant l'hiver dans les villes et dans les villages. Gouyer- 
nés par leurs propres lois » les Kourdes proposent eux*- 
mêmes leurs beys ou chefs au sultan des Turcs. Ce mo- 



— 218 — 
Viàrqoé lés nomme et les institue , et , par Voie d'encou- 
r^ement et jpour acquérir leur affection , les élève quel- 
quefois au rang de pachas. Mais les pachas kourdes du 
Kourdislan septentrional sont toujours subordoianés 
aux pachas turcs d'Erzeroum et de Van, et ceux du 
£ourdistan méridional aux pachas turcs du Diarbékir, 
de Moussoul et de Bagdad . 

Le manque d'obéissance de la part des beys ou pa^ 
ehas de nation kourde à Tégard des pachas turcs est fré- 
quemment une cause de guerre entré la Sublime-Porte 
et cette population indocile et guerrière. Tel était le mo- 
tif des hostilités qui ont eu Heu dans ces derniers temps, 

Quelcpies écrivains ont prétendu cpie les Sourdes 
étalent d'origine tdrtare; mais la hauteur de leur taiHe> 
la grandeur de leurs yeux, la coupe de leur visage et ta 
blancheur de teur teint , démentent cette origine. Il est 
{irobdrie qu'ils sont indigènes et qu'ils descendent des 
anciens Mèdes. Ils parlent une autre languo que oelle 
des Turcs et sont régis par d'autres usages* 

Les E^urdes excellent à monter à cheval : comme 
tous les peuples pasteurs, ils dédaignent de combattre è 
pfed. On les regarde comme les meilleurs cavaliers de 
fAsie. Semblables aux anciens Parthes, ils fuient avec 
la même rapidité qu'ils avancent, et se retournent avec 
leurs chevaux pour combaltre* Ils manient très bien le 
sabre et la lance , et font assez souvent usage d'arcs et 
de flèches. Ils sont , comme les Yésidis, hospitaliers et 
déprédateurs; mais, ^employés comme soldats ou pour 
«rvir dZescorte aux voyageurs, ils-sont très idèles à 
leurs engagements. 

Hhfm avons déjà mentionné , en faisant la description 
dnbasÂn du Tigre, les villes, les villages et les cours 
d'eau qui sont compris dans le Kourdistan méridional* 
Kous allons dire quelques mots sur les pachaliks de Van 



— 216 — 

et de Bayazed , qui oceupeDt ie Koiirdistan septentrional 

Bayazéd, situé au point de jonction de la chaîne da 
Taurùs et de la chaîne Mëdique, occupe une position 
extrêmement importante. La ville de Tan , sur la riye 
orientale du vaste lac de ce nom, qui ressemble à une 
mer intérieure , contient une population de 2S mille ha^ 
bitants. Le nombre des habitants de Bayazed est d'en<* 
viron 20 mille. 

Ces deux villes sont les principaux débouchés du com' 
merce de TArméhie avec la Perse. 

Depuis que les Busses sont en possession du bassin de 
l'Araxe , c'est sur Van et Bayazed que doivent pivoter 
les armées ottomanes destinées soit à défendre cette 
partie de la frontière turque y ou bien à faire une in^ 
cursion sur le territoire persan. 

Lies lignés d'opérations des Turcs, en avançant vers 
l'est 9 doivent avoir pour point de départ et d'appui la 
place de Van et celle de Bayazed. 

Mais ces deux villes sont bien loin d'être dans un bon 
élat de défense. Cependant , depuis les derniers traités 
qui ont changé la délimitation de ces pays^ Van et Baya-^ 
zed sont les véritables clefs de la Turquie asiatique^ 
soit à l'égard de la Perse , soit à l'égard des possesseors 
actuels de l'Araxe et du Kour. 

La surface de l'Arménie est de 8 mille lieues carrées^ 
Celle de l'Assyrie de 6 mille ; celle des trois zones sep*^' 
tentrionales de la Mésopotamie , 6 mille; celle de laBa* 
bylanie , 3 mille. Total 22 mille lieues carrées* 

La population de ces provinces est de 2 millions d'âmes 
dans l'Arménie , de 1200 mille âmes dans l'Assyrie , dé 
700 mille âmes dans les trois zones septentrionales de 
la Mésopotamie, et de 600 mille âmes dans ta Babylonien 
ce qui fait 205 habitants par lieué carrée^ 



ARABIE. 

L^Arabie, qui borde TËaphrate à l'ouest, depuis ââ 
tortie des montagnes jusqu'au golfe Persique, et qui est 
baignée par les eaux de ce golfe , par celles de la mer 
Rouge et par Focëan Pacifique, est une vaste pënin* 
8ulè sablonneuse, dont la superficie est de 120 mille lieues 
barrées. 

Il est probable que sa population entière ne dépasse 
pas le nombre de trois millions d'habitants. La moitié 
habite les villes, et l'autre moitié erré dans les déserts 
de l'intérieur. 

D'après ces données, l'Arabie, dans toute sa vaste 
étendue, ne renferme que vingt-cinq personnes par 
lieue carrée. 

Le sol de l'Arabie est couvert d'une croûte blanchâtre 
imprégnée de sel marin. Les oasis, qui consistent dans 
des points cultivés de très peu d'étendue , sont dissémi'*> 
nés souvent à de grandes distances les unes des autres 
sur la surface sablonneuse de cette immense péninsule. 

Hais les bords maritimes de l'Arabie sont générale- 
ment hérissés de coltines , au pied desquelles croissent le 
caféier, l'aloès, et toutes les plantes aromatiques de 
rinde 

Sans les oasis , sans le cheval , et surtout sans le cha« 
meau ^ l'intérieur de l'Arabie n'aurait pas d'habitants et 
ne pourrait pas même être traversé. 

Les oasis, où l'on voit l'eau arriver à la surface du 
sol et quelquefois même jaillir à plusieurs pieds de faau^ 
teur, paraissent devoir leur existence à des puits arté-^ 
siens naturels. ^ Les cours d'eau souterrains qui coulent 
au dessous de couches profondes de sable, trouvant 



— 218 — 

sur quelques points des obstales qui les arrêtent et quel» 
qaes fissures qui favorisent leur ascension, montenl et 
s'élèvent Jusqu'à la superficie du sol. Les oasis servent 
non seulement à désaltérer les voyageurs et leurs onon- 
tures» mais encore à faire naître une brillante végéta- 
tion dans un rayon proportionné à la quantité des eaux 
ascendantes. 

Le cheval arabe est regardé comme le prototype de 
son espèce. 1(1 se distingue des autres chevaux par la fi* 
liesse de sa taille et de sa tète, par la sécheresse de ses 
Jambes et par la petitesse de son sabot. Vif et léger, il 
devance les autruches à la course ; tous ses mouveoients 
sont pleins de feu , de souplesse et de grâce. Abandonné 
A lui-même , il est doux , familier et caressant. Anhoé 
l^la pression du genou de l'homme qui le monte ^ H 
part comme l'éclair et vole comme le vent. 
. Les Arabes ne touchent jamais du fouet ni de l'éperon 
leurs chevaux, et les traitent comme leurs propres en* 
fants. Ces animaux sont élevés dans la tente au milieu 
de la famille, dont aucun membre ne pense à manger 
avant que ce noble quadrupède ait re^u sa nourriture. 
. Un autre animal , plus fort et plus patient que le che- 
val, est le compagnon indispensable de l'Arabe dans sa 
vie errante : c'est le chameau, dont la constitution pfay<* 
sique est faite pour le désert. Il peut vivre plusieurs 
Jours ^ans boire et sans manger; il porte sur le dos des 
fardeaux très lourds , et s'abaisse pour recevoir sa 
charge. On l'appelle avec raison le vaisseau du désert. 

Le lait du chameau est la principale nourritura» de 
l'Arabe ; sa peau le chausse; son poil sert à le vêtir. 
. I^es Arabes ont une petite taille , le corps maigre, les 
jambes grêles et la peau brune ; mais ils ont la tête ovale , 
le front haut , le nez aquilin , les yeux noirs et bien fea^ 



dus» le^ regard yif, mais doux... Ils apparliemieiit à la 
ract eaacasîenne , et n'ont aucune stmilftude physique 
avec les Mongols d'Asie ni avec les Etbiopiens d'Afrique* 

Les Arabes des villes vivent presque tous sous un 
gou vouement tbéocratique; leurs prêtres sont leurs 
premiers magistrats. Les Arabes des campagnes errent 
dans le désert. Connus sous le nom de Bédouins, ils 
vivent comme les anciens patriarches , et ne connaissent 
encore que le gouvernement de la famille» 

Quand plusieurs familles se réunissent pour composer 
une tribu,. leurs chefs cboiMSsent un cbeikprindpal, à 
qui ils servent de conseillers. 

La guerre est t'élément dés Bédouins : ils suivent les . 
araolées ^utôt pour piller que pour prendre part aux 
combats, à peu près comme les Kourdes ou comme les 
anciens Partbes. 

Tout corps qui reste en carré ou en colonne n'a rien 
à craindre des attaques des ^Arabes ni de toutes les 
troupes de cavalerie légère de la même espèce , parce 
qu'à leurs feux disséminés il peut opposer un feu nourri, 
régulier et constant. 

• Ne pouvant pas être agriculteurs à cause de la stérilité 
de leur sol , les Arabes se sont faits pasteurs et voleurs. 
Mais leur position géographique entre l'Asie , l'Afrique 
et l'Europe, semble les appeler à être les agents et les 
colporteurs, du commerce de ces trois continents. En- 
richis et civilisés parles riche^es que procure l'industrie 
commerciale, ils abandonneraient la vie nomade et leurs 
dispositions actuelles au brigandage. 

LesArabes professent tous la religion musulmane ; mais 
leurs croyances, et surtout leurs pratiques religieuses, 
M sont pas uniformes. On a vu s'élever de nos jours une 



— 220 — 
1100 veMe secte qni menaçait d'englontir toutes les autres i 
e'est celle des Wahabis, qui habitent le Nedgid ou le 
plateau central de l'Arabie. 

Les Wababis ont pris leur nom d'Abdoul Wabab , le 
père de leur fondateur, qui vivait Ters le milieu du 
18< siècle' de notre ère. Ils professent l'islamisme tel 
que I Mahomet l'a enseigné , mais dégagé de toutes les 
pratiques et des institutions qui y ont été mêlées parles 
commentateurs et les prêtres. 

Ils n'ont pas de Jeûne ni d'ablutions légales , et ils ne 
reconnaissent pas d'imans ou prêtres» On peut les re-* 
garder comme les méthodistes du mahométisme. 
. Cette secte, convenable aux Arabes pauvres et er-* 
rants au milieu des sables, avait fait de très grands 
progrès; mais elle a été arrêtée dans sa marche envahis- 
saute par les troupes régulières de Méhémet«*AIî, vice^ 
roi d'Egypte» 

Les géographes ont divisé l'Arabie en trois parties. 
L'Arabie Pétrée, l'Arabie Déserte, l'Arabie Heureuse. 

L'Arabie Déserte ou Nedgid occupe les sept huitièmes 
de la Péninsule; mais l'Arabie Pétrée ne comprend que 
le coin nord-ouest e cette vaste région , près de l'isthme 
de Suez,. et contient, entre le golfe de Suez et celai 
d'Akaba, la mont Oreb et le mont Sinaï. Ces deux mon- 
tagnes sont situées à l'extrémité méridionale d'une 
chaîne înontueuse , laquelle se rattache par des collines 
de sable aux montagnes de la Syrie. 

L'Hedjaz, dans lequel l'Arabie Pétrée.se trouve corn-* 
prise, s'étend le long du littoral oriental de la mer 
Bouge jusqu'en l'Arabie Heureuse. Il contient 1<^ la ville 
de Médine, qui est la seconde des villes saintes, et qu^- 
renferme le tombeau de Mahomet; elle a pour port de 



_ 221 — 

mer pu échelle le port et la ville de Yambo. La popula^ 
lion de Médine est de 30 mille âmes; celle de Yambo est 
de 5 mille. 

2o La ville de La Mecque , lieu de naissance du pro- 
phète Mahomet, coutient 60 mille âmes de population 
Djedda, dont le commerce, déjà florissant, acquiert tou^ 
les jours un plus, grand développement , est l'entrep^ 
maritime des relations commerciales de la grande etim 
portante ville de La Mecque. Le nombre des habitants 
de Djedda s'élève à 30 mille. 

L'Arabie Heureuse est sitqée à la partie sud-ouest de 
la péninsule arabique, et s'étend depuis l'extrémité mé« 
ridionale de THedjaz , sur la mer Bouge, jusqu'au* dé- 
troit de li<.bel*Mandeb , et depuis ce dernier point jus- 
qu'à l'ex rémité orientale de l'Hadramaût , sur la mer 
des Indes. Ses villes maritimes sont Acaba (1), Lobéia, 
Obéida et Moka, sur la mer Rouge ; Adeui Sahar et Ke- 
sem, sur l'océan Indien. Ses villes intérieures sont Sana 
et Stamir, au centre de la province ; Hamdan , près de 
l'Hedjaz -, Damar et Eataba dans la partie méridionale, 
Mareb sur la frontière de l'Arabie Déserte. Sana est la 
plus importante de ces villes; elle contient 25 mille ha- 
bitants. 

Makalla, port de mer, est la ville principale de l'ima- 
nat d'Hadramaût. 

La ville de Moka, qui a été long-temps le principal 
port de l'Arabie dans la mer Rouge , commence à dé- 
cliner ; mais celle d'Aden, située près de Tocëan Indien, 
à peu de distance du détroit de Babel-Mandeb , est dans 
un état progressif. Placée sur une presqu'île , la ville 

(1) Acaba , à l'extrémité d'ane branche septentrionale de la mer Rouge. 
On croit avec assez de raison 'qa'Acaba était Tancien port Asiongamber, 
d'où iMurtûent les flottes de SalomoD. 



dTAéK'fit fliAe à défendre. Soa pott est yaste et Met 
^mié. Les Angiei», foi en onl pris possession depuis 
plusieurs années , se moirtrent disposés à garder long- 
temps cette position importante. 
\ Des monti^es peu élevées qui aenrent de près la 
liète méridionale de TArabie ne laissent qu'an petit 
qepaee cultivable entre elles et la mer. 
Y II n'en est pas de même de Timanat de Mascat, situé 
ià la pointe sud-est de la péninsule arabique et à Textré^ 
mité méridionale du golfe d'Oman, qui est lui-même 
un prolongement du g(rife Persique. Cet imanat a acquis 
une haute importance. 

La ville de Mascat , bâtie vis-*à-vis et à peu de distance 
des bouches de l'Indus et des côtes occidentales du Bé* 
loutchistan et de riodostan, fait un commerce avanta- 
geux qui a pris , depuis 1^ commencement de ce siècle , 
uu développement extraordinaire; 

La province de Mascat a une extension de plus d^ 
80 lieues le long de la mer, depuis le cap Moyandor, 
placé à l'extrémité du golfe Persique et près de l'Ile 
d'Ormus, jusqu'au cap Rosalgat. Elle s'étend à plus de 
35 lieues dans les terres. Le sol en est fertile ; ses pro- 
duits sont riches et variés; une grande abondance 
d'eau descend des montagnes environnantes. Outre la 
ville principale de Mascat, on remarque dans cette pro- . 
vince le port d'Oman , qui donne sou nom au golfe 
voisin, et ceux de Kalat et de Bosalgat, ainsi que la 
ville intérieure de Rostalc. Toutes les villes de l'imanat 
de Mascat sont dans un état progressif. 

L'iman de Mascat est un prince indépendant. Il ne re- 
connaît ni l'autorité des Turcs ni celle des Persans; mais 
il est plein d'égards et de ménagements pour ta Gompa-» 
gnie anglaise des Indes orientales^ avec laquelle il entre» 



— 223 — 

tient des relations commerciales d'one très ba«te im- 
portance. Ce prince possède en outre les llea Kichon et 
Ormus, et l'Ile Zanzibar en Afrique. 

Le Labse on Bahrain a été long-temps le repaire de 
nombreux et bardis pirates » ^ont la flottille se compo- 
sait de 60 gros bâtiments et de 800 barques. Les Anglais 
les ont détruits en 1809. Elkatif, Zoaf et Gran» étaient 
les villes principales de ce district. 

L'ile de Babrain est* célèbre par la pèche des pmies. 

La ville de Déria, devenue assez considérable , dans 
le Nedjed, ancienne capitale des Wahabis, a été corn- 
plètement détruite en 1819 par une armée égyptienne 
dont Ibrabim-Pacha était le chef. 

L'Arabie, moins l'imanat de Mascat, se .trouvait, 
avant les derniers événements , sous la dépendance du 
vice-roi d'Egypte. Ce prince énergique y conservait 
Tordre et la tranquillité. Il est à craindre que la secte 
fanatique des Wababis, laquelle avait été vaincue et 
dispersée, mais non détruite, par Méhémet-Ali , ne re- 
paraisse avec ses dispositions féroces, ses prétentions 
ambitieuses et son zèle de prosélytinne. 



LA SYRIE. 

Le Taurus , après avoir entouré Te golfe d'Alezan^ 
drette , se prolonge à l'est sous le nom de mont Amar 
nus. Il pousse au sud un contre-fort qui ^ sous le nom de 
mont Gasius , se rattacherait immédiatement à la cbain? 
du Liban sans la brèche faite par le fleuve Oronte pour 
se porter vers la mer Méditerranée. 

La chaîne des montagnes du Liban se dirige du nord 



— 224 — 

aa sud jusqu'aux collines de sables de Tisthme de Suez. 
Elle se compose du Liban proprement dit , qui se ter- 
mine au cap de Seyd, et de TAnti-Liban, qui, commen- 
çant au grand noeud de jonction des deux montagnes, 
près de Balbek , suit également une direction du nord an 
sud jusqu'aux frontières de l'Arabie. 

C'est près de ce nœud central, qui offre les pics les 
plus élevés des deux chaînes , qu'on voit sortir quatre 
cours d'eau : i^ L'Oronte, qui se porte yers le nord; 
2<» le Chrysoroas» qui se dirige à l'est vers Damas; 3<> le 
Léontes, qui coule à l'ouest vers l'ancienne ville de Tyr; 
4» le Jourdain, qui, descendant vers le sud, verse ses 
eaux dans le lac Asphaltite ou mer Morte (1). 

Les plus hautes sommités des deux Libans ont une 
élévation de 3000 mètres au dessus de la Méditerranée. 
Les autres crêtes de ces deux chaînes ne dépassent pas la 
hauteur moyenne de 2000 mètres^ et s'abaissent suc- 
cessivement en descendant vers le sud. 

Un contre-fort du Taurus, parallèle au mont Casius et 
au Liban, sépare le bassin de l'Oronte du haut et large 
plateau d'Alep, et va se réunir au nœud central du Li- 
ban et TAnti-Liban. — On voit partir de ce dernier point 
une autre chaîne moins élevée qui va se réunir à l'Anti- 
Liban sur les frontières de l'Arabie , et qui borde à l'est 
le bassin du Jourdain et de la mer Morte. 

Toutes les montagnes de la Syrie sont calcaires et pa- 
raissent avoir été bouleversées par des*feux souterrains. 
Lears versants occidentaux sont assez rapide» du côté 
de la Méditerranée ; mais les pentes vers l'est sont plus 
inclinées et ont une faible élévation au dessus des 

(i) Quelques Toyageon prétendent atoir reconnu des traces qui porte- 
raient à croire que le Jourdain versait autrefois seseaui dans le golfe Ara- 
ba de ta mer Rouge. 



— 226 — 

grandes et hautes plaines d'Alep et de Damas et du pla-* 
teau général de l'Arabie. 

La Syrie a 150 lieues de long, depuis Aïntab, au pied 
du mont Amanus, jusqu'à Gaza, prés des frontières de 
l'Egypte. Sa largeur moyenne est de 30 lieues^ sa su- 
perficie totale est d'environ 4000 lieues carrées. 

Le sol de la Syrie est généralement fertile ; il offre les 
productions de tous les pays, à cause de sa latitude, de 
la direction et de l'exposition de ses montagnes, de 
leur composition calcaire , de la chaleur qui règne dans 
ses vallées, profondément encaissées, et de la douce 
température de ses plaines maritimes , rafraîchies par 
les vents dominants du nord et du nord-ouest» 

Le Liban voit croître à ses pieds et sur les parties in- 
férieures de ses versants les orangers , les cédratiers , le 
mûrier, le noyer, le cotonnier, et tous les arbres fruitiers 
d'Europe. Les cèdres, les hêtres et les chênes-verts, 
couvrent la région moyenne de ses montagnes jusqu'aux 
limites des neiges éternelles. La vallée de l'Oronte pro- 
duit les plus beaux blés et possède de vastes et gras 
pâturages. Le Jourdain nourrit sur ses bords le palmier, 
la canne à sucre et le caféier. La côte syrienne de la 
Méditerranée est plantée d'oliviers et de vignes qui 
donnent des huiles et des vins de bonne qualité. Le ta- 
bac de ce pays est recherché dans tout l'Orient. Le co- 
tonnier est cultivé avec succès dans cette province. 

La population de la Syrie se compose des restes mé- 
langés des Grecs, qui Tenlevèrent aux Perses; des 
Arabes, qui la conquirent sur les Grecs, et des Turcs, 
qui la soumirent à leur domination , après en avoir ex- 
pulsé les Mamelucks. — Il faut y ajouter des hordes de 
Turcomans, de Kourdes^ d'Ansaris, ainsi que des tri- 
I. 15 



bfiftda Sf^rAnUKf 9 de Dru8«s et d« Uutualtei qui y sont 
venues de toutes les contrées de rOriyitf • 

l4 r^kP^difièQe ^e^ anciens Sjrien^ ^ dfsfwm et »'est 
cQp(bip4iie mmi le^ Arabes* 

l»t^ iangufi syriaqqe n'est çpnnue que de cpelque» 
prêtres cbr«ti^n3f qm SQ^t les Miterprëles der£vugU& 
«icril ou.to4doU dam c^i Meim idiome durant i^s pre- 
miejii sMdf^ du christianisme. 

L'arabi» f At le laiigae coounupe de tous, les bi^anta 
4e lu Syrie» 

iM Xar<»et les Grecs q'baibîteiit guère que lea Tilles. 
h99 Ambm forment, dans les campagne^, le fond de la 
population, Lea An^ari^» les IfaroniteSf les Prasea et les 
Hntu^U^ sopt cantonnas dans les montagiies^ dont ils 
d^fendrat^ les approcbes^ et où ils consenrent leur iodèf- 
p^adance. Les Turcooi^ns et les Kourdes errent avec 
leuns tcpupeau^^ près d^a rives de TOraote. LesBédouhiti 
VMLt dts^^it^és dians La vallée du J(ourdain et sur toute 
1^ lisière dn déserta 

Toua Iw peuples des moptagiies et. toutes lea tribua 
çrçantes^sont moins les sujets 49» Tur^aque leura tri'^ 
butaires. 

Le> Mban e^t babU^ par les Ansaris, les Maronites 
et \^^ Druses; L'AQti->lHibftn p^ir tes MutuaUs* On voii; 
dans I(^s montagne» de la J[udèe les Maplousins, qiu 
n'ont ^mm pu ètrii soumis à l'autorité de la Porte. 

LesMqtaaH^ 9t les Naploiiislna sp^t< musulmana de la 
secte d'Alv Les Qru^es professant la religion mu$ubnan4i) 
avef; 4^s pratique» cbrétiennes^etJdolAtres. I^es Maror 
n^tessont çbrëtiens caiholiques , et le» Ansari» sont h^^. 
UpQûte» Qu adorateurs du soleil. 

l4 Syrie w w^wXiim a«ei;de cér^lei po«r w ciqnr 



-,227 - 

sotDtatation ; mais elle échange avec l'Egypte une. partie • 
de sa soie , de son coton et de ses vins , contre du riz et 
du blé. Elle vend aux Européens du coton , de la soie et 
des noix de galle en échange des denrées coloniales , 
des draps et autres produits industriels. 

L'industrie manufacturière de la Syrie est tout à fait à 
l'état d'enfance, excepté dans les viilesd'Alep et de Damas. 

L'Oronte et le Jourdain sont les deux seuls cours 
d'eau importants de la Syrie. Ils coulent, le premier, 
dans la direction du sud au nord, et le second dans 
celle du nord au midi. Ils prennent naissance l'un et 
l'autre, comme nous l'avons dit plus haut, dans le nœud 
de jonction du Liban et de l'Anti-Liban, au dessus des 
ruines^ de Balbek. Coulant entre deux chaînes parallèles^ 
lisse jettent, l'un dans le golfe d'Alexandrette , après 
avoir traversé la brèche étroite qui existe entre le mont 
Casius et le Liban ^ et l'autre dans le lac Asphalite ou 
mer Morte. 

Le mont Garmel , près de la ville deSaint-Jean-d'Acre, 
divise la côte syrienne de la Méditerranée en deux litto- 
raux maritimes, dont l'un était connu des anciens sous 
le nom de Phénicie et l'autre sous celui de Palestine. 

Les deux chaînes du Liban et de l'Anti-Liban, qui 
traversent la Syrie du nord au sud, la divisent en deux 
zones : l'une occidentale , qui comprend la Phénicie et la 
Palestine , et l'autre orientale , qui contient le pacha- 
likd'Alep, celui de Damas et la partie orientale de la 
Judée» 

Zone occidentale. — La Phénicie commence, au nord» 
par Alitxandrette , qui ^ sans son insalubrité, serait, de 
ce côté, la clef de la Syrie. Mais le terrain qui environne 
^M^ vîU^ est^ si bas» qufi 1?# ^aux, »0^trM vaut pas d'é- 

16. 



— 228 - 

ooulemeiit, s'y arrêtent et corrompent l'air atmos^ë- 
rlqne. 

Cette place, antrefois importante, n'est pins aujour- 
d*bui qu'une misérable bourgade. Elle devrait être for«* 
tifiëe , si l'on pouvait parvenir à assainir ses environs. 
Elle sert de port à Alep pendant Tbiver ; mais on évite 
ses approcbes durant les cbaleurs de Télé. Les bàliments 
mouillent alors dans un petit port , près des ruines de 
Sèleucie , à l'emboucbure de TOronte. 

La ville de Séleucie, bâtie au dessus du port , sur un 
versant rapide du mont Corypbée , était , sous les Sé« 
leucides, la plus forte place de la Syrie. 

Laodicée , nommée maintenant Latakié ^ fut bâtie par 
Seleucus Nicanor, qui lui donna le nom de Laodicée, sa 
mère. Ses vins sont estimés; ses tabacs ont une fla|[rance 
qui les fait préférer à tous les tabacs du Levant. 

De Laodicée on se rend à Tripoli de Syrie, le long de 
la mer, en passant parTortose. Le Liban , très élevé sur 
ce point , serre la côte maritime de très près et pousse 
en mer le cap Ganzir, qui s'avance vers l'Ile de Chypre* 

Tripoli est la résidence d'un pacha. Sa population est 
de 8 à 10 mille âmes. Son territoire est fertile, mais 
l'air des environs est très malsain. On y voyait, il y a 
quelques années , une factorerie européenne qui s'est 
retirée à cause de l'insalubrité du pays. 

A douze lieues au sud de Tripoli , on trouve la ville 
de Biblos, qui, bâtie sur une colline près de la mer, 
renferme actuellement 2 à 3000 habitants. La rivière 
d'Adonis coule au pied de Biblos. 

Les montagnes dont on côtoie le pied entre Tripoli 
et Biblos sont les plus élevées du Liban. 

Les cèdres si vantés autrefois ^ dont il ne reste plat 



_ 229 — 

que Quelques groupes» se trouvent dans cette partie de 
la chaîne , et principalement sur le nœud très éleyé qui 
unit lé Liban à TAnti- Liban. 

La distance de Biblos à Beyrouth est de huit lieaeâ. 
On la parcourt à travers un pays fertile qui est le mieux 
cultivé de toute la Syrie. La ville de Beyrouth (ancieii- 
nement Berythe) est située sur un haut promontoire 
qui est baigné par la mer sur trois côtés. Quoique cette 
position soit facile à fortifier, Beyrouth n'a qu'un mau- 
vais mur d'enceinte* Son port est petit. Cette viHe ma- 
ritime, dont la population est de 6600 habitants, parmi 
lesquels on compte 4000 chrétiens , est l'entrepôt corn*- 
jnercial des Druses et des Maronites qui habitent les 
montagnes voisines. Le village et le portdeDjébail, sur 
la route de Beyrouth au Liban ^ occupe une position 
très importante. C n fort la protège. 

On parcourt dix lieues, le long de la côté maritiuM 
et toujours au pied des montagnes, pour se rendre de 
Beyrouth à Seyd , anciennement Sydon. C'est sur cette 
route qu'on voit , sur la pente des montagnes , le lM)Urg 
de Déir-£l*Kamar, qui est le séjour ordinaire de t'émir 
ou prince des Druses. Cet émir, qui commandait éga* 
lement les Druses et les Maronites , conservait dans son 
palais une chapelle chrétienne et une mosquée musul* 
mane« 

Les Druses mahométans sont de la secte d'Aii, et les 
Maronites sont des chrétien» unis à l'église romaine. Ils ' 
ont conservé une lithurgie et des coutumes particu- 
lières. Les Druses et les Maronites i[ivent presque dans 
les mêmes lieux. Ils étaient confondus , jusqu'à ces der- 
niers temps, sous le même gouvernement; mais les 
Druses habitent plus particulièrement la partie du Liban 



--.230 — 

'iiii'Él'trottt«t Seyd et Beyrouth, et les Ifaroniles eétle 
.fpi est eatre Beyrouth et Tripoli* 

Seyd s'étend le long du rivage de la mer et lï^est 
isnné foe d'un sinsple mur. — Cette ville tire sa pria' 
cipale défense d'une grosse tour dite le fort Neuf, ia^ 
-quelle est située sur un rocher élevé. 
' Eulrepèt de la vallée 4e Balheck«t do pachalik de Da- 
mas, Seyd est une ville assez conmerçante. On y eoniple 
•8Q00 habitants, don! 3000 Turcs et 3000 clurétiens. 
- La distance de Seyd à Tyr est de sept Keues. La ville de 
Tyr, que les Àrai»es appellent Tso«rr» est bftiie sur une 
«péninaBle triangulaire de 600 toises 4e côté. L'isthme 
^i l'attache au contineat est un saUe mêlé île coquilles 
-et 4'autres matières rapportées. 

L'ile sur laqueHe était bâtie fancieune ville àe Tyr 
consiste dans un roc schisto-calcaif e très setide. On est 
««torisé à regarder l'istbme qui Vami au contifient 
sonaïue n'étant autre chose que la jetée constf uite par 
AlexaodnB le Graad à l'époque du siège, 

3>e chaque cété de la péninsule tyrienne on voit deui 
ndesiqui smit les n^teures de la côte. EUes sont abri« 
téas- eontjre l'action des vagues par deux Mgnes de. ro* 
obéra à fleur d'eau qui partent des deux^ extrémités ex* 
linciwresd<$ la presqu'île. 

Tyr était, avant l'époque d'Alexandre, un de» plus 
frands comptoirs de l'Asie ; elle échangeait les bMS du 
Llhaft^ les tapis de la Ferse, les tissus de l'Inde et les 
parfums de TArabie^ contre le lin d'Ej^pte, la pourpre 
de l'Archipel 5 le suivre da l'Asie *Mi»euTe et Tor de 
l'£spagae« 

Cette ville , étant le seul endroit sur la côte de Syrie 
a» tanaiure ait ébauché un port , il serait asseôi lacile es 



— Ml - 

lui tëtÊArë s^ft ânetdiltl« impofttiiieé. Il faMA-âll, pMf 
cela, dëtraire la jetée construite par Afttâttdi% ël %ië^ 
h\lt dent ttiAleâ aoi deux ètti'MiitèD d» la pt*«»qli'ile, 
êti pfdfitatit dès éèùt H^fnés Al^i tocherd % nèisti d^ab 
qai s'avancent dam la mit. Où h^rùtëûëlhrMl Mil ptki , 
dont tés sabhes amoncelés ôM eibansM le fond. 

Ënlf è Ty r et Sydon , ëti Voit r«âlbou«hiit% dtl L«b«tè^ 
(aujourd'hui Kasmië). Gè pétft ftt^té dé^Md du mmé 
4ui unil le Uban à l'A^ti-LIban an déiMto^é BàWéki 

Après a? oir arrosé la Célésyrie on Syité ûte%kéf dfiMI 
fibimtiee parce qu'elle est profondètn^nt «iicidAttftitt le 
Léontèa verse ses eant dans la mèfMéà\iétmi«ê. 

L^ânclenne ville d^ Balbëk» plACée à M ttte dé édite 
vallée 9 était riebé et floriMante autroMte, à éttilié dé 
da position eAtre tyr et Palmyre. ^ Ses mltiéâF^ nihà 
qéè céHes ée Paimyré , iittestent §a grandeur passée; M 
idlle moderne dèBalbekne rénAfraie que 1900 bridlMlit»^ 

Là nMe de Balbek où Géléfytlé 6st héMtée en gmtêè 
parâe pair deil Ifnttialis. Séti soi est un dés pluâ IMtiléi 
de la Syrie. 

La distérticé de Tyr 6 Acre ést de neof liéttea< A«r^ bu 
Ahka (Mtrëfoils PtolémMs) e0l as^id sur on prtHhdtitbit^ 
que la ibér éiivf rotkne de trois» cétés# Un fort qui M éert 
de atadelle défend cette ville sur lé quaîriétaé cdté. 6tf 
y t igotMé , dans ces dernierd tenfié , déttt bMtioli^ |>eu 
spàeiedt et ibal défilés , dont les ftâùcs i$bnt trot^ pëtHfe 

ïï'ayttnt pu fMrè Hile b^èché prailcaUè à raéciéttoé 
eileélftte dé Stfittt-^Jean-'d'Acré à causé du manqitfé dé 
grôMe aHitlérié , les Frati$aiè vétfos d'Égyptie en l79tr 
tentèrent de brusquer f attaqué dé cette ptaéè; téttfs 111 
furent repoussés. 

€klp1tale dé toiité le PbiMlMé ^ AdHê é été Ibrig^teMps 



-^ 231 - 
gouverné par D|«zzar-Pacha, célèbre par son conrage 
et par sa cruauté. 

Le mont Carmel , qui forme la limite septentrionale 
de la Palestine , s'arrête près de la ville d'Acre« Son pie 
s'élève à unejgrande hauteur dans les airs« 

On se rend d'Acre à JafFa par deux routes : l'une cd* 
toie le rivage maritime et tourne le mont Carmel à 
l'ouest ; l'autre le tourne à l'est* 

En sortant d'Acre , on côtoie la baie de Kaîfa, qui a 
près de trois lieues de circuit. La viUe de Kaïfa, peuplée 
de 2000 âmes 9 est entourée d'une muraille flanquée de 
tours, au pied d'un contre-fort du mont Carmel. 

La baie de Kaïfa reçoit le Cison et le Bélos. Le Cison 
arrose une riante vallée, d'où on s'élève jusqu'à la. plaine 
d'Esdrelon , couverte de villages. Mais lé Bélos , qui est 
OBtouré de marais près de son embouchure 9 remonte 
jusqu'à la plaine de Nazareth, que le mont Thabor sépare 
de celle d'Esdrelon. Nazareth est une ville de 3à4 mille 
habitantSi la plupart chrétiens, avec quelques fiuH^les 
juives. 

Le chemin d'Acre à Damas passe par Nazareth, monte 
ensuite au village de Cana, sur la crête de lachatne 
moQtueusequi borde le Jourdain, et descend au pont de 
Tacoub sur ce fleuve. 

Jaffa (ancienne Joppé) a un port qui a été progrès- 
sivement comblé par les altérissements. Les vaisseaux ne 
peuvent mouiller qu'à une lieue du rivage* Sa poputa- 
tion est d'environ 4000 habitants. Cette ville est entou- 
rée d'une mauvaise enceinte crénelée ; deux petits forts 
la défendent du côté de la mer. La campagne qui l'envi- 
ronne est très fertile. 

Au sud de Jaffa on rencontre la petite ville de Ramié 



-. 233 -^ 

on Bama (ancientie Arimathie), qui est peuplée de 3000 
habitants. Tout le pays euTironnant est plat ou légère- 
ment ondulé. On y cultive avec succès la vigne ^Tolivier, 
le mûrier, le cotonnier et Toranger. 
- De Jaffa on se rend à Gaza k travers une plaine unie, 
parsemée de monticules sablonneux . 

Les sables envahissent successivement le rivage niarl- 
time de cette partie de la Syrie. Les populations s'éloi- 
gnent et montent sur les hauteurs à mesure que les sa* 
bles s'avancent dans les terres. Des lieux qui étaient ha- 
bités autrefois et qui bordaient la côte maritime en sont 
maintenant éloignés de 4 à SOO tmses. 

Gaza est la dernière ville de Syrie du côté du sud» 
comme Âintab l'est du côté du nord. Ces deux places 
sont très mal fortifiées. 

La seule défense de Gaza consiste dans un fort circa* 
laire , flanqué de tours , lequel a 40 toises de diamètre. 
Il est construit sur une colline , au pied de laquelle la 
ville a été bitie. 

Le territoire de Gaza est très fertile ; il produit, com- 
me celui d'Egypte , des cannes à sucre et des dattes. 

Zone orienla/e*— Au pied du mont Amanus est située 
la ville d'Aintab» dont les maisons élevées, et bâties en 
aniphithéfttre les unes au dessus des autres, présentent 
des terrasses qui servent de rues. Cette ville contient 
une population de 12,000 habitants. Mais, quoique étant 
au nord la principale clef de la Syrie, elle n'est environ- 
née que d'un simple mur. Une petite citadelle est placée 
au centre de cette enceinte. 

On descend d'Aintab à Alep avec le cours du Chalus. 
Alep (anciennement Bénna) se trouve dans une plaine 



— 234 — 

èl6iFèei que le GbàhM arrosé a?alit de se perére dons 
im tiiârals y^isie. 

C;ett6 ytlle occupe plostearsieolHiies^ êttt ta ftas bante 
desquelles la citadelle a été construite. Groapée waêoui 
deeette citadelle et entourée d\iii mor wéneté^ la IrfUe 
d'AJep a un circoit d'uM Heiie et demie. Sa popotattoo 
s^élétàità 1GO,000 habitants^ iDM«tié ebrétienS et moitié 
miiBQlaians. Vu Irembleinent de terre récent a détroit 
M tDoUié des maisons et des habltairtsdeMtte Tille cmn^ 
mel^çattte. Ale|^ 4 tou|o«i*s été le eiége d'an paehalik de 
premier rang. 

Le sol des environs d'Alep est d'une nature caloàtre 
et Martenae^ Snr pinsieors points le tuf se lÉomlre à peu 
de profèndeur. Mais ks environs de celte ville sonigé*^ 
néralement fertiles et produisent dn iMon, du sésame^ 
dttmMIét^ du tahac^ de rboHe, d« vkiét des fruits ex- 

dette tille est PeitttepAt du commerce de la Haute' 
Asie avec la Syrie. Les caravanes de la Perse et du bai* 
siÉ Ite nBapbrale passent ordinairement par Alep^ 

Le ebidnen Taurique , qui sépare le plateua d'Alep 
de la vallée ^de TOronte, est peu élevé; il est même 
k peine senèîUe Sutr plusieurs points. On le retra- 
télrse au bourg de Baua, quand oé va d'Alisp à Antio^ 
die. Tous les tiHageS de ce cbattton Sbttt babttéS |^ar le§ 
Ansaris, peuple bèiiocole, pauvre, Immoral et géilér^de^ 
mentmfpfisé. 

Aiifddeb, autrefois Abtiocfte, éSt située M (btié d'un 
ctHxde que bit TOronte, en se couirbant à roueâl pour 
aller se jeter dans la mer Médlten^anée vers les roines^ 
de Sèleacle. 

Aûtiocbe élàtt blKS dés prlbëlpàles tflles «» retnptre 



-- 238 - 

romah». Sa poptillattoDs'élcivait à «00,000 âtaies. La ville 
moderne , qui n'occupe que la siïtème partie de l'âft*- 
detfne, confient à peu près 6,000 babitMit«, presque 
tous mahométans. 

Les ttfufs de raDCiennê Antioebe «vatent 60 pieda de 
haùtsurOpteès d'épaisseur. Ilaétnei^t flanqués de touis 
carrées. La Tille moderne est tout à fait sans ééîem^. 

On passe TOronte dur im pont de pierres. £n «Atoyant 
la rire droite de ce flesve, on entré dans la belle YaUée 
de Daphûé. 

Quand on remonte TOronte Ters sa source^ en trouve 
successivement Chugre , Apamée y Epipbame et Enaièse. 

Chagrè (ancienne Séleude-Bélus) est une petite ville 
euverte eut la rive gauche du fleuve. 

Apamée, aétuellement Kamieh, est située stu sud de 
Cbngre, sur la rive droite de l'Oronte. Quelque rltinée^ 
elle ^ encore renommée pour la bonté de b«s p4tu- 
rages, qui nourrf^satent,dans le tettpsdeâéleseus) trois 
cents élàloDs et tjiente mille eavolea. 

Epiphanie, aetueltement Haniav contient aOyOOOàabb* 
tants. Cette viHe est une bonne position dé paisafg»^ 
parce qu'elle se trouve à l'entrée d'une (j^orge qin eal 
ttaver^e parla route d'Atepà ïripoli. Cette route «oiipe 
là cbalne du Libaa sur m» de see sommets les pins éle^ 
Vés. Entourée de campagnes fertiles, cette vile ert»ooo^ 
sidérée comitie le gi^sMer de la Syrte. 

Emése, à présent Hems, sur ta rive éraiHe de FOreste^ 
est assis autour d'un céoe tronqué, qui porte uaéeita* 
délie à son sommet. Les murs d'Emése et ceux de sa ch 
tadellesont dans un é)at complet dé dégpraéalièn. 

L^ga qui commande à Emëae a sou» sa juridlctiaU 
immédiate le viflage de Tadmeur, Autredui Pabnyre, à 
36 fieues plus i fest, dans le centre du cbtoert. Leai ola- 



— 236 - 

gniflqnes raines de Palmyre font connaître son ancienne 
splendeur. Cette viHe devait ses richesses à son com- 
merce, et son commerce à sa situation sur la route de la 
Méditerranée au golfe Persique. Lorsque Zénobie eut 
été vaincue par l'empereur Aurétien et amenée à Rome 
comme captive , Palmyre perdit peu à peu son com« 
meree, qui prit une autre direction. N'ayant autour 
d'eux qu'un sol aride, les habitants de cette ville com- 
merçante se dispersèrent de toutes parts. Les monu- 
mentsfde Palmyre, préservés par la sécheresse de l'air 
du désert, se sont parfaitement conservés. 

La source de l'Oronte se trouve dans les montagnes 
qui forment le nœud des deux chaînes du Liban. 

Après avoir traversé les montagnes, la route d'Alep i 
Damas descend , avec le Chrysoroas , dans la plaine de 
cette dernière ville. 

La ville de Damas, à l'est de Seyd et sous la même la* 
titude, est située dans une vaste plaine. Les eaux du 
Chrysoroas, qui se partagent en un grand nombre de 
canaux , divisent Damas en plusieurs quartiers. On ne 
voit rien dé plus riant dans le monde que les environs de 
cette ville orientale. 

Damas, dont le circuit a phis de 6,000 mètres, est 
fermé par un double mur sur les trois quarts de son 
pourtour. Une citadelle carrée, flanquée de tours, dé- 
fend le quatrième côté. La population de cette ville est 
de près de 100,000 habitants , dont les trois quarts sont 
musulmans ; le reste se compose de chrétiens et de 
juifs. 

Un pacha du premier rang, qui prenait le titre dTmir* 
fiadgi ou de conducteur de la caravane de la Mecque, 
gouverne Damas et la provmce qui en dépend. 
Le commerce de tranniet un nombre considérable de 



— 237 — 

fabriques de soieries sont la cause de la grandeur et d» 
la prospérité de Damas , qui a toujours été une ville flo« 
lissante depuis plus de trois mille ans. 

Les quatre pachaliks de la Sytie (Acre , Tripoli , Alep 
et Damas ) avaient été réunis |epuis 1832 entre lès 
mains du pacha d'Egypte. Les lerniers événements 
Tiennent de les faire rentrer sous l'ajtorité directe delà 
Snblime*Porte. ^ 

La route de Damas à Gaza traversera vallée du Jour- 
dain. Ce fleuve prend naissance dansJ'Anti-Liban, se 
mêle aux eaux des lacs de Houle et de !Ubériade^ et va 
se perdre dans la mer Morte. Les versants i^s moiitagoes 
se dépouillent de verdure aux approches de*:e dernier 
lac. 

Après avoir franchi le Jourdain , la route de lAmas 
s'élève sur les montagnes qui bordent la rive occidentait* 
du fleuve et descend vers Safad et Loubi dans une vallée 
qui sépare le Garmel de TAnti-Libao. 

Une autre route encore plus difficile que celle que 
nous venons de décrire côtoie le Jourdain jusqu'à Jéri* 
cho, vers l'origine du lac Asphaltite, et traverse la chatne 
syrienne à Jérusalem pour descendre ensuite vers le litr 
toral de la Méditerranée. 

Safad (ancienne Bétulie) et Lonbi offrent une bonne 
position de passage^ parce que ces bourgs sont situés au 
débouché des montagnes et à la tète de la vallée trans- 
versale, dite anciennement Galilée, qui est creusée en- 
tre r Anti-Liban et le Garmel. Les collines parsemées 
dans cette vallée se groupent autour du mont Thabor, 
qui domine d'un côté la vallée du Jourdain , et de l'au- 
tre le littoral de la Méditerranée. 

Deux autres chemins, impraticables à l'artillerie, Ira- 



— 288 — 

versent la ehaine i yrieane vers Samm» et ?en Naplous, 
Samarie n'est plss aujourd'hui qu'un mauvais village au 
milieu d'un cercle de mofitagnes arides. Mais Napious, 
aneiennement Sichem, htué à cinq lieues au sud deSa- 
mariei renferme une population de 4 j| 6^000 mpisul*^ 
mm» arm%ères et ims enclins au brigandage. 

On trouve dans tes environs de Naplous plusieurs fa- 
milles de juifs samaritains qui conservent» dans un dia* 
lecte particulier/ le Pentateuqtte de Moïse » et qui vont 
tous les ans invnoler l'agneau pascal sur le mont Gari« 
rim. 

En seporttnt au sud ^ on trouve à quelques lieues de 
Naplous ^8 montagnes entièrement nues qui parais- 
sent p/oir été bouleversées par des feux souterraio&i 
Cfbx au milieu de cette terre de désolation qu'on arrive 
à Jérusalem, berceau du christianisme. 

Cette ville, bâtie sur le bord oriental d'une des hautes 
crêtes de l'Anti-Liban, a la forme d'un carré long, dont 
rextrémité sud-est se termine à un grand ravin dont le 
fond sert de lit au torrent du.Gédnon. Ce mvin fi^me Jai 
vallée de Josaphat. 

L'enceinte de Jérusalem , restaurée par* Soliman le> 
Magnifique, se compose d'un mur or^elé, flanqué de* 
tours. Son développement est d'environ 4,000 m^res. 
Le mont Golgota ou Calvaire et l'église du S.-Sépulci'e 
sont au nord^ le mont Moriat, sur lequel on voy^aitau^ 
trefois le temple de Salomon, remplacé par la mosquée 
d'Omar, est àl'est« 

On donne à Jérusalem une population de 12 à 13,000 
habitants , parmi lesquels on compte 6,000 chréitiejas de- 
différentes sectes , autant de jui6 et 2 ou 3,000 mufcdr 
mans. 



— 239 — 

A â0m% lieues w sud de JéruealeiQ, sur le reveni 
oriental du même platea» , on trouve la yille de Beth^ 
Mena, oà Baquft Jésua-Cbriak. Sa popnlatioïi est de S^COQ 
batritaiito, moitié Turca et moitié cbrétieo0» 

HébroD , au sud de Betbléèm et sur le mAm0 reveni 
de la cbaiDe de l'AutirLibaB , est sftué sot i^q terrain 
motes no et plvsirarièqiae celui qui e4t. occupé pat lei 
villes^ die Jérusalem et de Betbiéem. 0|r y v^it» 4it-09y 
le lombeao d'Abrabaoïv 

ta population d?Hébreft est de 3^Q0O^b4bita»is, pu/h 
que tous mahonétans. SemUabiesiaux. S{ll|}ouij|is, ilf 
coulant le pAys^et se livrent au brigiiodage« 

La zone orientale de la Syrie e^ ten^inée au;^ud pur 
Hébron; la zone occidentale finit à Gaza. On entri^enr 
suite dans^ In désert de Sae^ et^ dapf celpi de l'Ar^ie 
Bétréa. 

i^wini^Tio^s. o^NiMUifSS si^a h^ syrib, 

I) estt très difficile de fixer avec exapli^ude la pop^*- 
lutipn de toute. la Syrie, l^e gouvernement turc n'^j^a- 
m9i^ rc)cours ^ dés déAombrements pour connaître le 
iH>inbr.€i précis de sessujets el leurdivisipn par croyance 
religieuse. D'après des renseignements pris avec tout' 
te ^Î9 possibl(s il parjurait que la population entière 
4f^ l|i $yrle ne s'élève pas tout à fait à deux inUliops 
d'âmes» ce qui donne près de SQO babitants par lieue 
carrée* 

IM^is cette population n'est pae^ a^bluble à, qeille 4e 
r Asie-Mineure j elle est encore inoins bomogèiie q^e 
duns lf|S autres parties de la Turquie* — Lea n^usujm^n^ 
de l'AiMe-Mineure sont Turcs elmeLparlj^i^lq^iAelal^ni;^ 
iwqm^ Cmi^ de la Syrie sont Arab^ et i^e paxl^^t^ que^ 



— aïo — 

la langue arabe. Les chrétiens et les juife se trouvent en 
Syrie dans la même dépendance que dans l'Asie-Mineure 
à l'égard de la Porte et de la nation conquérante. Leur 
nombre est dans le rapport de 2 à 3 relativement à celui 
des musulmans. 

Mais les habitxnts des montagnes forment un peuple 
à part; musulnians ou chrétiens, ils s'entendent entre 
est pour ne pa^er à la Porte qu'un tribu faible et uni* 
forme, et pourf epousser l'autorité de ses agents. — Maî- 
tres des montagnes, et par conséquent de toutes les roor 
tes, ils tiennent entre leurs mains les destinées de la 
Syrie. La population réunie de ces montagnards (Dra- 
ses, Mironites^Mutualis etNaplousins) s'élève a 340,000 
ftm«s. 

La géologie de la Syrie est semblable à celle de TAsie- 
Mineure. On y voit les mêmes éléments constitutif dans 
les plaines et dans les montagnes. Le Liban n'est qu'une 
ramification méridionale du Taurus. Mais pendant que 
l'Asie-Mineure , solidement établie sur sa base, ne ren- 
ferme plus de volcans allumés, et n'éprouye que rare-- 
ment et faiblement les effets désastreux des tremble- 
ments de terre , la Syrie est constamment travaillée par 
^ des feux souterrains qui entr'ouvrent et bouleversent 
sa surface. 

Le climat de la Syrie est généralement doux et très 
salubre, excepté dans les vallées trop encaissées, et dans 
les plaines basses et marécageuses voisines de la mer. 
Les vents du nord qui, dans le bassin de l'Euphrate, 
suivent le cours de ce fleuve, et soufflent pendant les 
trois quarts de l'année , dominent également dans la Sy- 
rie , où leur direction se trouve déterminée par celle 
des deux chaînes de montagnes. 
Dépouillées de leurs forêts par une très ancienne de- 



— 241 — 
stniction y décomposées à leur surface par lesoaux plu- 
viales et par les vapeurs de la mer, les montagnes de la 
Syrie sont généralement nues, excepté sur leurs plus 
hautes sommités. Mais, enrichies parleurs dépouilles, les 
vallées possèdent une couche profonde de terre végé- 
tale , et jouissent d'une fertilité o^traordinaire. 

D'après quelques observations de M. Arago, publiées 
dans l'Annuaire du Bureau des longitudes, il parait c^f, 
tain que la température de la Palestine n'a pas éprouvé 
de modifications, et qu'elle est encore à présent ce qu'elle 
était il y a' plus de trois mille ans, à l'époque de l'arriyée 
des Israélites. 

On estime à 116 millions de francs le revenu territorial 
de toute la Syrie. — Ses prodoits manufacturiers, qui 
sont plus considérables à Alep et à Damas que dans tout 
le reste de la province , sont évalués à 30 millions de la 
même monnaie. 

Le dixième exigé sur les revenus agricoles et manu- 
facturiers, le karadje payé par les rayas non musul- 
mans, et les droits des douanes, procurent à la Porte, 
pour toute la Syrie, un revenu annuel de 19 à 20 mil- 
lions de francs. Les exactions des pachas et de tous les 
agents de Tautorité souveraine enlèvent en outre à 
cette province, par des moyens illégaux, une valeur 
à peu près égale à la moitié de celle que la Porte en re- 
tire par la voie des contributions ordinaires. 

Le sort politique de la Syrie a été presque toujours 
attaché à celui de l'Egypte — Pour mieux s'assurer la 
possession de la Syrie , Gambyse passa le désert de Suez 
et se rendit maître de l'Egypte. Alexandre suivit la 
même marche et conquit le bassin du Nil. 

A la suite des guerres qui eurent lieu entre les suc- 
cesseurs de ce grand conquérant, les Ptolémées, lûallrea 
I. ^6 



— 242 — 

de l'Egypte y ^ tardèrent pas long-4eiftp8 à y réunir fa 

Syrie. 

Les ll«MiMpw$*dèfeni à la fois «Egypte el la Syrie. 
— le eaHto Omar porta dans ees deux provlneeste dra- 
peau de rislamisme et le» seomît à raatûrité des sui>. 
cesseurs du Propliète. 

' Les Mamelduks , qui «abUrent leur empïre en Egypte 
aor iea ruines do trône des califes , s'emparèrent bientôt 
après de toute la Syrie. 

Les erolsés dirètiens, qui pririmt Jérasalem et éla- 
Mirent nu noutean royaume dans la Palestine pendant 
la dernière année du !!• siècle, en furent chassés, après 
une kitla pins glorieuse que longue , par Saladin , sou- 
éan des Maaselouks d'Egypte. 

Saint Louis, que ses qualités d^bomme d'état et de 
iAge politique rendent aussi estimable aux yeux de la 
postérité que ses vertus cbrèttennes, sentit que la eon- 
q«èto da TEgypte était indispensable pour affermir la 
dominatioii des chrétiens dans la Palestine. 

QuoiquMl échoua dans son entreprise par la folle té^ 
mérité de son frère à la bataille de la Mansoura, et en- 
core plue par les funestes effets de Tinondation du Nil , 
qui enveloppa son armée, il n'eut pas moins la gloire 
d'av<)ir su apprécier la véritable position des chrétiens 
dans FOrient, et d'avoir entrepris de résoudre la question 
la plus importante des opérations des croisades. 

Sélim 1^, empereur des Ottomans , détruisit l'autorité 
souveraine des Mamelou|(s dans la Syrie^ et bientôt après 
dans toute l'Egypte. 

Itapotëon, après s'èlre emparé de fEgypte, se porta 
en Syrie avec une grande fraction de son armée, et se 
rcndtt maître de la Palestine. S'il échoua devant Saint- 
jBàtt^JMM^ Oé fat par suite d'uiie eirconstanee acci- 



. — 243 — 

dentelle qui avait fait tomber son artillerie de siège entre 
les mains des Anglais. 

Il n'est pas étonnant que Méhémet-Ali , maitre actuel 
de l'Egypte et favorisé par là victoire, ait insisté si 
long-temps pour que la Syrie restât annexée & ses états 
d'une manière permanente et héréditaire. 

Cependant , quoique doué d'une grande sagacité , Mé- 
hémet-Ali avait fait la faute de soumettre les habitants 
de la Syrie à un système administratif identiquement 
semblable à celui qu'il avait établi en Egypte. Mais les 
Egyptiens, soumis depuis 900 ans au gouvernement des 
Mamelouks , milice tout à fait étrangère au pays , étaient 
devenus le peuple. le plus docile et le plus soumis de la 
terre; tandis que les Syriens, habitués à des agitations 
politiques et à des guerres intestines auxquelles toutes 
les classes dé la population avaient été appelées à prendre 
part , et renfermant au milieu d'eux , sur les plus hautes 
montagnes, des peuplades belliqueuses et ennemies du 
joug étranger, ne formaient qu'une agrégation hétéro- 
gène , turbulente , et très difficile à comprimer et à 
contenir. 

Les Egyptiens supportaient sans se plaindre les taxes 
énormes qu'on leur avait imposées et se soumettaient 
tranquillement au tribut progressif de la conscription 
militaire ; mais ces vexations avaient fortement irrité 
les habitants de la Syrie, qui, après plusieurs tentatives 
de soulèvements partiels, particulièrement parmi les 
Dnises et les Maronites, avaient fini par disposer les po- 
pulations, en 1840, à une insurrection générale Contre 
le vice-roi d'Egypte. 



16. 



246 — 



EGYPTE- 



Nous avons fait connaître , dans nos considérations 
sur la Syrie , la direction de la grande cbatne montueuse 
qui , après avoir embrassé la vailëe du Jourdain et de 
la mer Morte, se prolonge, au sud, jusqu'au mont 
Sinaî entre les deux golfes de Suez et d'Àcaba. — Une 
des branches de cette cbalne suit , en Arabie , le bord 
oriental de la mer Rouge, et s'arrête au détroit de Ba- 
bel-Mandeb, d'où elle se détourne, à l'est, parallèlement 
à la c6te méridionale de cette péninsule, Jusqu'au cap 
Rasalgat, dans Timamet de Mascat. Arrivée à ce dernier 
point, elle se ramifie et forme un massif montueux qui 
occupe toute la surface de cette dernière province Jus- 
qu'au détroit d'Ormus, dans le golfe Persique. 

Deux chaînes qui sortent des montagnes de la Lune , 
dans la Haute -Abyssinie, suivent presque parallèle- 
ment une direction vers le nord. Très élevées et voi- 
sines l'une de l'autre dans la Basse-Abyssinie , le Sénaar 
et la Haute-Egypte, elles s'abaissent insensiblement, et 
s'écartent en avançant vers la Méditerranée. Elles fi- 
nissent par se confondre avec les plages sablonneuses 
du littoral maritime. L'espace qui les sépare constitue, 
le bassin du Nil. 

Ce grand fleuve coule du sud au nord dans la vallée 
dont nous venons de parler, et, après un cours de 156 
lieues depuis la Nubie jusqu'au Caire, se divise en 



--246 — 

deiix canaux pour former le Delta. Il se jette par deax 
. bouches dans la mer Méditerranée. 

La vallée supérieure du Nil n'a que trois lieues de lar-* 
geur moyenne entre les deux chaînes montueuses , qui, 
sur un long espace , présentent Taspect de deux hautes 
murailles. Mais, arrivées à la hauteur du Caire, les 
deux chaînes, alors considérablement abaissées, s'é- 
cartent pour se porter, l'une au nord-^st , vers l'isthme 
de Suez, et l'autre au nord^ouest, vers les plateaux 
sablonneux de la Libye. 

Le Delta, qui commence près de la ville du Caire, pré- 
tente la forme d'un grand triangle irrégulier dont le côté 
oriental a 36 lieues de long, le côté occidental 42 lieues, 
et le côté septentrional ou maritime 72 lieues, en sui- 
vant la courbure des rivages. Les angles Ue ce triangle 
sont occupés par la ville du Caire au sud^ par celle de 
Peluae au nord -est, et par celle de Rosette au nord- 
ouest* 

Un éésert sablonneux et aride entoure le Delta dans 
toutes les parties où les eaux du Nil n'ont plus d'accès. 

Lacbatne orientale^ qui sépare la vallée du Nil des 
eaux de la mer Rouge , est escarpée et se montre coupée 
à pic sur plusieurs points. La chaîne occidentale ou Li- 
byq«e a un talus plus doux, et ne consiste, vers le Delta, 
que dans une série de collines sablonneuses et basses qui 
finissent par disparaître dans le v<>isinage de la Médi- 
terranée. 

Les deux chaînes, avant leur écartement à l'entrée 
du Delta, sont formées de superpositions cafcaires au 
dessus d'un noyau granitique. Toute la vallée du Nil , et 
iprincipalement le Delta » ne contient qu'un terrain d'air 

lUVÎMI. 



~ 247 -r- 

Le Mil esl le bienfaiteur de l'Egypte. Si, iuivitfilla 
^o^ritioB d'Albaquerque, on avait pudëtoqrner wn 
€0ur9 et le faire tomber dans la mer Rouge , l'Egypte ' 
eerait devenue un désert aride. 

Le Delta s'est formé peu à peu par les dépositions 4u 
Kil durant ses inondations annuelles. — D'u^ris le n^ 
p#rt d^Hirodote» fondé sur les récits des prètreu é|^p- 
IMBS, cette grande tie triangulaire était encore entière-^ 
ment couverte par les eaux quelques siècles ava^t 1q 
règne de Sésostris. -^ Avant l'âorivée d'Alexandre , 
toutes les grandes villes de l'Egypte étaient situéea dani 
ta vaUée supérieure au dessus du Delta. 

La lai^feur moyenne du Nil est de 30O mètres; m 
profondeur est de quatre mètfes» Comme la pente du lit 
de ce fleuv« n'est que de 33 centimètres sur 2000 mètreci 
«on ccMirant ordinaire parcourt une lieue i l'heure. 

Les pluies abondantes et continues qui tombent , aa 
priniçilips, dans les montagnes de l'Abyssinie, entre In 
ligne éfuatoriale et le tropique du Cancer, grossissenl 
considérablement les eaux du Nil. Ce fleuve commence 
à monter vers le sobtioe d'été, et continue i croître Jus- 
qu'à l'éqwnoxe d'automne. Après quelques jours d'étal^ 
U baisse graduellement jusqu'au solstice d'hiver, époque 
de sa rentrée complète dans son lit naturel. 

Le Nil, en couvrant l'f^ypte de ses eaux, y déposo 
un limon noir qui est la cause de l'extrême fertilité de 
ce pays, et qui évite aux cultivateurs l'emploi desen^ 
grais. Lorsque rinoodalâon est très élevée > une plua 
grande surface de l'Egypte se trouve couverte par }W 
eaux , et «es produits agricoles sont plus considérddea» 
C'était pour obtenir ces résultats dans les crues d'eau 
d'une faible ou médiocre hauteur que les anciens JEgyp* 
tiens avnient creusé de nombreux canaux et des réser*» 



— â48- 
voira d'une vaste étendue, et qu'ils avaient Inventé les 
roues à chapelets (norias) pour faire monter les eaux 
dans les lieux où l'inondation n'avait pu atteindre. 

Les montagnes de TEgypte , étant peu élevées et non 
boisées, ne peuvent pas arrêter les nuages qui, glissant 
Sur leur surface, s'avancent vers le sud jusqu'aux hautes 
chaînes de l'Àbyssinie. C'est par ce motif qu'il ne pleut 
jamais dans la vallée du Nil , et que le tonnerre et la grêle 
7 sont presque inconnus. 

Les vents sont alises dans cette vallée pendant Tété et 
l'automne, et soufflent alors du nord ou du nord-ouest 
sans intermittence; mais ils deviennent très variables 
pendant l'hiver. S'établissant au sud pendant le prin- 
temps , ils soufflent quelquefois avec une extrême vio-* 
lence dans cette direction. Le kamsin ou vent du sud 
est celui qui vient de la Libye; il pousse devant lui des 
tourbillons de poussière, ternit l'éclat du soleil , embrase 
l'air, et arrête ou embarrasse la respiration des animaux. 
Ces ouragans terribles sont heureusement rares, et ne 
durent presque jamais plus de trois jours. 

La température de toute la vallée du Nil est modérée : 
le thermomètre de Réaumur y monte rarement, en été , 
au dessus de trente degrés, et ne descend jamais, en hi- 
ver, à plus de six degrés au dessus du point de congé- 
lation. Les gelées y sont inconnues. 

Resserré entre deux chaînes de montagnes, le bassin 
du Nil se trouve protégé par elles contre les envahisse-* 
ments des sables. Quelques brèches peu larges qui 
existent dans la chaîne Libyque offrent à leur invasion 
tin libre accès. On a reconnu qu'on peut arrêter leura 
ravages et fermer ces issues soit par des plantations de 
palmiers, de sycomores ou d'acacias épineux, soit par 
de hautes murailles qui rempliraient toute la brèche. 



— 249 — 

En sortant de la Nubie poar entrer en Egypte , le Nil 
fait un saut d'environ un pied de hauteur qu'on ap« 
peUe ses cataractes. Cette chute est à peine sensible 
dans les hautes eaux. 

On trouve au dessous dès cataractes les deux petites 
lies de Pbilé et d'Éléphantine , et la ville de Syëne. 

L'Ile de Philè, qui renfermait le tombeau d'Osiris, 
était un lien sacré pour les anciens Egyptiens. L'Ile 
d'Eléphantine, un peu plus grande, était autrefois l'en- 
trepôt du commerce de l'Egypte avec l'Ethiopie. 

La ville de Syéne^ actuellement Assouan^ n'a plus 
qu'une enceinte délabrée. — Cette ville , ainsi que les 
Ues de Philé et d'Eléphantine , étaient regardées an- 
ciennement comme les barrières de l'empire romain. 
Trois cohortes étaient chargées de défendre cette partie 
de la frontière. 

Cette délimitation a existé pendant la longue admini- 
stration des Mamelouks. Mais le yice-roi actuel d'Egypte, 
ayant eu des démêlés avec les princes du Sénaar ou Nu* 
bie , dirigea contre eux ses armées victorieuses , et , après 
une lutte d'une assez courte durée , soumit leurs états à 
sa domination personnelle. . . 

On se rend de Syène au Caire par une route qui côtoie 
la rive droite du Nil. On trouve sur cette route deux 
positions militaires favorables à la défense de la vallée : 
l'une est au défilé de Silbilis, çt l'autre au défilé de Gi- 
bilin, entre Esnë et Thèbes (1). Les deux montagnes 
parallèles se rapprochent tellement sur ces deux points, 
qu'on pourrait défendre leur passage avec des forces peu 



(1) Ce sont les teals endroits de FEgypte où Ton troaye encore des 
crocodiles. 



— 280 - 

ttombreuseg appayéw par des eoiipures et par des re^ 
tranchemeiits.' 

Bn sortait du défilé de Gibilin, la tasain du Nil ifé^ 
largit, et on trouve, à trois lieues ploa bas, les niimk 
de la TiUe de Tbëbes, qui oecupaK toute la vallée et se 
prolongeait sur les deuiL rives du fleuve. 

Thèbes, d'après l'étendue de ses ruiiiês, avait àéax 
liraes de diaoïétre et six à stpi lieues de tour. Mi^ dons . 
cette grande enceinte on voyait de pombreuk jardins, 
comme dans toutes les villes d'Orient. 

Les raines de Gamac et de Luxor sont au dessous de 
Ttaëiies, lur la rive orientale du fleuvé« On voit en iice^ 
sor l'antre rive, celles du temple de Memnon. -s- On trouve 
plus loin, en desc^dant te NU, les viltes dé Kous, de 
Coptes et de Kenné ^ sur la rive droite , et éeltes de Né* 
gadi, Ballas et Tentyra, sur la rive gauche» 

Lee ruines de Tentyra (actuellement Detidé/a) S4nt 
les plus bellea defEgypte^ On voyait au plafond d'«ine 
des saUes de son temple le Mdiaqne cireuMrê qui m 
trouve octneilement à Paris. 

Kenné est aetueHement là vfHe ta plus céinmerdalBlé 
de la Haute-Egypte. Elle entretient des réiattonê coui- 
merdak»6 avec ie Sénaar «t l' Abyesinie , et avee Gossëir, 
aiir la mer Rottge* 

Lés villes de Kenné, Kons et Goplos, sont placées aux 
trois débottchés d'une longue VaMée ^i tompt U chaîne 
orientide et descend à la mer Bouge. Au point d'em* 
brMchemeot des routes de cette valMe on trotorve le 
^riUs de Guîta, sur remptacémenl de PhénleoUéDu 
puits de Guita deux routes principales mènent l'une à 
Bérénice et l'antre i Cos&èir. La route de Bérénice va an 
sud-est , et celle de Gosséir directement à Test. 



-^ 281 — 

La roQte de Gosséir traverse des mentagnes peu éler 
fdes dont le noyau «si granitique. Etabli sur un fond 
ffMiée et ^iat , cette route se compose des débris dès hau*^ 
letirs voisines. On peut, sai» de grandes difficultés ^ la 
parcourir en voiture sUr toute sa longueur» qui est de 
42 lieues. Plusieurs voyageurs qui ont bfea examiné les 
localités pensent qu'en aplanissant la partie eralrale^ 
«0 commencenietit de la descente vers la iuer BougOi 
^n parviendrait à construire une route presque entière* 
filent borîzontale qui pourrait servir aussi i l'établisse-* 
ment d'un chemin de fer. 

Ce mode de i(»>mmunicatioo serait beaucoup flm fa- 
cile à établir et à conserver qu'un caiial ou an obemin 
-de fer à travers l'isthme de Sues. Au lieu des sables lé- 
^rs, sans cesse remués par les vents > et qui peuvent 
combler çn peu d'heures toutes les etcavatioÉS %tti se- 
raient pratiquées dans la langue saUenneuse de Suez, le 
tAemin de Coseéir eerait établi sur une base graAîfique 
"ei solide. 

La route de Cosséir procureridt en outre l'avantage 
d'éviter aux navires les graves inconvénients de laMvi-- 
^tion du golfe de Suez et dé la partie septentrionale 
4e la Irner Rouge dans des espaces étroits et au milieu 
de bas^fonds. — Cette rouie ferait entrer toute r%yple 
^ns le parti^e des avantages du commerce ée l'Indei, 
tandis que ceHe de Suez seriaÂt lent à fiiit m dehors d« 
iMssin du Mil. 

C'était par te vaUée de Cosséir qu'Alburqnerque vou^ 
lait jeter le Mil dans la mer Rouge, afin d'assurer à ja- 
mais aux Portugais la jouissance exdttSive du commerce 
de rinde par la nouvelle voie maritime dit cap de Bonne- 
Espérance. Si ce projet^ qui devait fêke di^araitre-de 
la surface de la terre la magnifique vallée de TEgypte , 



— 2B2 - 

avait pu recevoir son exécution , le Portugal , à qui la 
domination et lé commerce de l'Inde ne tardèrent pas à 
être enlevés par ies Hollandais et par les Anglais, n'au- 
rait pas joui long-temps des avantages exclusib que cet 
acte anti-philanthropique était destiné à lui procurer. 

Le port de €osséir occupe le ibnd d'une baie demi- 
circulaire qui s'ouvre à l'est. Un rideau de la côte Fa* 
brite vers le sud ; un banc de corail et de madrépores 
qui s'avance à 500 mètres dans la mer vers le nord 
pourrait être utilisé pour servir à l'établissement d'un 
môle. 

Un mauvais château flanqué par quatre tours est la 
seule défense de Kosséir. 

Les caravanes qui vont de Kosséir à Kenné y appor- 
tent du café et des gommes d'Arabie; elles en exportent 
du bléy de l'huile et du miel. 

Le port de Bérénice, beaucoup plus au sud que celui 
de Kosséir, est au fond d'une large baie. Mais la côte 
environnante est d'une pauvreté hideuse; sa distance 
du Nil est de plus de 80 lieues, et la chaîne orientale ne 
présente, dans cette partie, aucune brèche qui puisse 
servir à l'établissement, d'une route directe avec Syène. 

En descendant le Nil après Siouth, on voit sur la rive 
gauche la ville de Gii^é, que sa population et son corn* 
merce rendent assez importante. Siouth , placé sur une 
^minence , à une demi-lieue de la chaîne occidentale, 
occupe un site excellent pour l'établissement d'une for- 
teresse. Cette ville sépare la Haute-Egypte de l'Egypte 
moyenne. 

De Siouth au Caire, la chaîne orientale serre de très 
près la rive droite du Nil, et ne laisse, vers la petite ville 
de Cheik'Abad, qu'une zone très étroite , tandis que la 
chaîne occidentale s'éloigne peu à peu du fleuve et pré- 



— 233 — 

sente sur la rive gauche, où sont les villes de Manralouty 
de Mélaouï et de Mynié , une large bande de terrain* 
Cette bande, s' élargissant successîvementy devient eniio 
trop étendue pour pouvoir être inondée. Elle prend 
alors le nom de province de Fayoum. 

Afin de suppléer aux inondations du fleuve , on a 
construit , dans des temps très anciens, le canal Joseph, 
qui , sortant du Nil près de Méiaoui , porte dans le 
Fayoum les eaux nécessaires. — Mais la partie occiden- 
tale du Fayoum se trouve dè|à envahie par les sables 
que les vents poussent de la Libye et ne jouit plus des 
avantages que le canal Joseph procurait aux anciens ha- 
bitants. 

' Comme le canal Joseph , qui coupait en deux la pro« 
yince de Fayoum , a sufQ pour arrêter la marche enva- 
hissante des sables, peut-être serait-il utile de creuser 
plus à l'ouest un autre canal qui, communiquant avec le 
premier, porterait la fertilité dans la partie, devenue 
stérile. — Des plantations de palmiers et de sycomores, 
sur la rive gauche du nouveau canal, seraient un obsta- 
cle de plus contre la marche progressive des sables du 
désert. 

La plaine autour de Minié est une des plus riches de 
l'Egypte. Une infinité de petits canaux lient, dans cette 
partie, le canal Joseph avec le Nil. 

Au dessous de Bénisouer, à trente lieues plus bas que 
Minié, les deux chaînes sont rompues de nouveau. Par 
la brèche de la chaîne orientale, on se rend à la mer 
Rouge eu suivant la vallée dite des Charrios; par celle 
de la chaîne occidentale on arrive à la ville de Médineh, 
dans le bassin inrérieur de Fayoum. L'ancien lac Méris 
se trouvait dans cette partie de l'Egypte. Ce lac avait 
3,600 stade» ou environ 72 lieues de tour. Il n'avait pas 



- 2S4 — 

été ereosè par tes mains de rbomme , comme quelques 
anciens historiens ToDi assuré; mais il parait que le« 
" Egyptiens l'avaient entouré d'une digue pour en retenir 
les eaux. 

Au delà du Fayoum , la clialne occidentale se rappro- 
che du Nil. C'est là qu'on commence à découvrir cette 
multitude de pyramides qui s'étendent jusqu'à Gizeh. 

C'était dans l'endroit le plus resserré de celte partie 
de la vallée qu'on distinguait la grande ville de Mem- 
phis, qui avait trois lieues de tour. Située sur la rive 
occidentale du fleuve, elle renfermait le palais des Pba*- 
raons , dont on voit encore des vestiges. Baignée d'un^ 
côté par le Nil , elle était séparée de la chaîne Ubyque 
par un canal particulier. La plaine des Momies se trou- 
vait à l'ouest de ce canal. 

Sur la rive droite du Nil, à peu près à la hauteur dea 
ruines de M emphis , on voit une autre brèche dans la 
chaîne orientale. C'est par cette brèche qu'en 26 heures 
on arrive sur le rivage de la mer Rouge, aux puits d'Eh 
sonach , à six lieues au sud de Suez. 

Au delà de Memphis , les deux chaînes s'éloignent 
l'une de l'autre et vont aboutir à la Méditerranée en 
laissant entre elles le Delta qui forme l'Egypte infé- 
rieure. 

Le Caire , situé à trois lieues au sud de la pointe mé-- 
ridionale du Delta, a été bâti au pied du mont Mokatan, 
à un quart de lieue du Nil. Cette ville, fondée par les 
Arabes, a été nommée par eux El-Kaîra ou la cité vic- 
torieuse, immédiatement après la conquête qu'ils firent 
de l'Egypte. Son enceinte , qui a trois lieues de dévelop-» 
pement , se compose d'une simple muraille flanquée de 
tours. Sa population s'élève à 250,000 habitants. 

Le château du Caire est bâti sur les flânes du mwA 



— 2*8 — 

Mokatae. Son enceinte a près d'un quart de lieue de 
tour. £IIe est formée d'une bonne muraille solide et 
flanquée de tours carrées. On monte à ce cbàteaii par un 
double escalier taillé dans le roc, et on j trouve un 
puits de 280 pieds de profondeur sur 42 pieds de cireon* 
lérasce. C'est le puits Joseph. 

Les petites villes voisines du Caire en sont considérées 
comme les faubourgs. Gizeh est célèbre par ses pyra- 
mides) Fostad el Bouiac servent de port à cette capitale, 
le premier pour les bateaux qui montent le Nil, et l'au- 
tre pour ceux qui le descendent. 

 l'angle où le Nil se divise en deux branches pour 
embrasser le Delta, on trouve la ville de Daraoué. Les 
Français, pendant leur occupation de l'Egypte, avaient 
formé le projet de bâtir sur ce point une ville nouvelle, 
laquelle, couverte par des digues et des ponts«barrages, 
aurait été régulièrement fortifiée. Cette ville, sens le 
nom de Franeepolis, serait devenue le principal point de 
défense de tout le bassin du Nil, et un excellent entre- 
pèt cemmeroial pour la Basse-Egypte (1). Les ponts-bar- 
rages 4ivec les écluses auraient servi à contenir et à éle- 
ver les eaux du fleuve, afin d'accroître l'étendue des 
arrosements. Le Nil se jetait autrefois dans la mer par 
sept branches différentes^ Elles ont été réduites à deux , 
celle de Damiette et celle de Rosette. Les autres, ob- 
fltruées par les sables de la mer, se sont perdues dans les 
lacs qui bordent le littoral maritime. 

On va du Caire à Héliopolis, et de là à Suez, par Bil* 
béis , sans entrer dans le Delta. L'intrépide Eléber a 
rendu à jaorais célèbre le bourg de HéliopoHs, où, avec 

(1) U nfttaH» d'tpràs ktsëariiiirtt nowtUet éê IVgfpW, qii« Mébémil- 
AU a résolu d^exécoter ce graqd st utils projet. 



— 266 -- 
10,000 Français , il remporta une victoire complète et 
décisive sur une armée ottomane de 80,000 hommes 
commandée par le grand visir Yusuf-Kior-Pactia. 

Bilbéis, ville de quatre mille âmes, est à l'entrée d'une 
vallée qui coupe la chaîne orientale, déjà très basse dans 
cette partie de i'E};ypte. Cette vallée conduit à Suez,. en 
tournant le mont Mokatan. Elie était connue des anciens 
sous le nom de Héroopolis. 

Quoique ayant été cultivée dans les temps anciens par 
TefTet des inondations fécondantes du Nil, qui y pénér 
trait à cette époque, cette vallée est aujourd'hui presque 
entièrement déserte. Mais on y voit encore le tracé du 
canal qui unissait autrefois le Nil à la mer Rouge. Ce 
canal sortait du Nil près d'Héliopolis, entrait à Bilbéis 
dans la vallée de Héroopolis , et la quittait pour débou- 
cher à Suez. 

L'isthme de Suez , qui sépare les deux mers, n'a que 
120,000 mètres de largeur. Gomme il est constaté que le 
niveau de la mer Rouge est de 26 pieds' plus élevé que 
celui de la Méditerranée , les anciens Egyptiens avaient 
pensé qu'il était plus prudent de construire le canal de 
Héroopolis que d'en creuser un à travers les sables mou- 
vants de l'isthme de Suez. 

L'histoire nous apprend que le canal de Héroopolis, 
dont on a reconnu le tracé durant l'expédition française 
en Egypte , avait été commencé sous le roi Nékos, et 
achevé par Darius, roi de Perse. 

Si l'ancien canal de Héroopolis était rétabli, les com- 
munications deviendraient extrêmement promptes en- 
tre la mer Rouge et la mer Itféditerranée. Les bâtiments 
d'un moyen tonnage passeraient d'une mer à l'autre, 
et les avantages résultant du commerce de l'Inde se. 



— 267 — 

feraient sentir dans toute la vallée inférieure du Nil. 

Le gouvernement égyptien est intéressé au rétablis- 
sement du canal de Héroopolis, car un canal direct à 
travers l'isthme de Suez^ si son exécution ou plutôt sa 
conservation est possible, porterait le commerce de l'Inde 
hors la ligne du bassin du Nil. 

La mer Rouge se termine vers l'isthme de Suez en 
deux golfes, séparés entre eux par le mont Sinaî. Le 
fort de Suez est au fond du golfe de ce nom , et le fort 
d'Acabà se trouve à l'extrémité de l'autre golfe. La vue 
des lieux semble démontrer que le Jourdain, qui se perd 
actuellement dans la mer Morte , versait autrefois ses 
eaux dans le golfe Acaba. 

Le petit fort de Thor est situé prés du cap Bas-Maho- 
met, à l'extrémité méridionale du mont Sinaî. 

En partant de Belbéîs pour aller dans la Syrie , on 
traverse des déserts, et on rencontre quelques oasis,* 
entre autres celles de Koraîm, de Sorrak et de Salahié. 
Cette dernière est sur la lisière du désert. 

On trouve ensuite les postes de Kalié et d'El-Àricb, 
que les.Fran{ais avaieat fortifiés. L'oasis d'El-Arich co- 
cupe une position très importante; les troupes et les 
caravanes sont obligées de passer sous le feu de ses bat- 
teries. 

On va de Salahié à Péluse en tournant le lac Men- 
zaleh à droite; on le tourne à gauche pour aller à 
Damiette. Péluse et Damiette sont situés aux deux ex- 
trémités opposées du lac Menzaleh. 

Damiette, dont la population monte à 12,000 âmes, 
est l'entrepôt de l'Egypte avec la Syrie. Péluse n'offre 
qiue quelques ruines et le petit fort mutilé Ae Tinieh au 
milieu des boues. 

Pour se rendre par terre du Caire à Alexandrie, on 
I. 17 



— 258 — 

côtoie la Iwancbe occidentale du MiK— OoiriMiTe 4 Ter* 
raoeh dea dynes sablonoeuses formëea par les venta 
d'ouçat 4e la Libye. Os reiuarque à l'ouest et ^fès de 
Terraneh la vaUée des lacs de Natron ^ que <'oiD traverse 
pour entrer dans celle du fleuve sans eau. 11 paraîtrait 
qne les eaux du Nil parcouraient autrefois ces yailëes 
pour aUer se jeter dans le lacMaréolis, quittait alors un 
golfe de la Méditerranée. 

Tonte la zone comprise entre le Nil el la chaîne oc- 
cidentale est actuellement couverte de sables e4 perdue 
pour la culture. On pourrait la rendre féconde et pro^ 
ductive comme autrefois si l'on y ramenait les eaux du 
fleuve. De Terraneh on se rend à Rhamaniecfa, posHimi 
extrêmement importante sur la riv« du Nil. Sais, placé 
vis-à-vis Rbamaniech de l'autre côté du fleuve , posséf- 
daitdans les temps anciens un.acropolis dont on voit 
encore les ruines. 

Un chemin conduit directement de Rbamaaiech à 
Alexandrie. Il tourne d'abord à l'ouest» passe à Daman- 
hour et côtoie le canal d'Alexandrie jusqu'à l'extrémité 
d'une chaussée construite près du lac Maréotis, Il tra^ 
verse ensuite une plaine sablonneuse couverte d^ uw* 
ceaux de décombres. 

Dans leur expédition d'Egypte, les Anglais, voulant 
enlever à la garnison française d'Alexandrie l'eau que 
fournissait à cette ville le canal alimenté par le Nîl) 
avaient détruit une partie de la chaussée latérale. Cette 
mesure^ autorisée en quelques circonstances par les lois 
de la guerre 9 était repoussée ici par celles de rhunpta- 
nité. Gar^ en détruisant le canal d'Ales^a^drie, c'étiâjt 
porter la désolation dans cette partie florissante du bafr 
sin du Nil ; c'était la rendre entièrement au désert. 

Les Turcs^^êut renlr^sdaQsla,pç!^ssiiçw4erEgypte, 



— 289 — 

s*««if rcssèrent de réparer l'acte de yaDdaHsme cmnnite 
par le» Allais , «I firent fermer d^une manière solide^ 
fmr les soins d'un ingénieur européen (1), la brèche 
|iar laquelle les eaux du canal d'Alexandrie s'étaient 
écoulées pour inonder la plage inférieure. 

Un autre cbemtn sortant de Rbamaniech traverse le 
canal d'Alexandrie , côtoie la rive gauche du Nil et ar- 
rive à Bosette. 

Rosette» qui a une population de lO^OOO habitants, 
est le grand entrepôt du commerce du Caire avec 
Alexandrie. — Le fort Julien, situé i une lieue et demie 
au dessous 4e Rosette, défend la bouche occidentale du 
Nil* Un autre fort semblable, du nom de Lesbecb, pro- 
tège ià bouche orientale de ce fleuve. Ces deux entrées 
sont obstruées par des bancs de sables^ et ne sont acces- 
sibles qu'à des barques du pays connues sous ie nom de 
fermes. 

L^ ingénieurs français avaient, durant Texpédition 
d'Egypte, entrepris des travaux dont le but était de dés- 
eèstnter les deux entrées actuelles du fleuve, de resser- 
rer son Kl sur ces points importants et de contenir ses 
eaux par des digues et des éperons ^ jusqu'à 2 ou 300 
taises au delà de la côte maritime. 

La Iroute de Rosette à Atexamlrie tourne à Touest , 
tràverte une plage sablonneuse, se courbe ratre ta mer 
^ les lacs Edkon et Madteh jusqu'à Aboukir. Elle se 
iN^iODge «nsuHe entre la mer et le lae Maréotrs , jus- 
^^à Alexandrie. Cette même route est eonliDUée jus- 
qu'à la tour des Arabes et jusqu'au cap 'îaposîris, auquel 
^ènt almrtir la chaîne occidentale de ta vallée du Mil. 

Ln ranle d'Abookir^ situfée prés de la route de Rosette 



17. 



— 260 — 
à Alexandrie, est la plus vaste de l'Egypte. Son mouil- 
lage est d'une bonne tenue, mais il n'est pas abrité. Les 
yents.dominants du Nord y soufflent souvent avec une 
extrême violence. Le fort d'Aboukir est trop mal plaeé 
pour défendre cette rade d'une manière utile. 

Alexandrie s'étendait autrefois depuis le cap Zochias 
jusqu'à la petite lie d Phare. 

Appréciant l'importance de la position de l'Egypte 
entre la Méditerranée et la mer Bouge, et entre les 
deux continents de l'Asie et de l'Afrique, Alexandre le 
Grand, qui, durant sa courte carrière, s'est montré aussi 
grand bomme d'état que grand capitaine, cbercha sur 
la )>lage égyptienne un port pour en faire le centre du 
commerce du monde. Les bouches du Nil, obstruées par 
les sables, n'en offraient aucun. La petite lie du Phare 
le frappa; il reconnut de suite l'immense parti qu'on 
pourrait en tirer, et il y fonda la ville qui porte soi 
nom. Elle avait la mer au nord et le lac Maréotis au 
sud. 

Un mêle de sept stades de longueur joignit l'Ile da 
Phare au rivage jusqu'à un Ilot avancé ^ où l'on établit 
la tour des signaux. 

Le mêle de l'Ile du Phare divisait le port en deux 
bassins. A l'est était le grand port, et à l'ouest le port 
Eunostus. Deux coupures, avec ponts-levis, dans le mêle 
intermédiaire, permettaient aux bâtiments de passer 
d'un port dans l'autre. La ville entourait le grand port; 
le faubourg de Nicopolis s'étendait le long du port Eu- 
nostus. 

Un mur d'enceinte de trente stades de longueur dé- 
fendait la ville du côté de terre. Les deux enceintes de 
terre et de mer avaient un développement de 80 stades 
ou 8,000 mètres. 



— 261 — 

Alexandrie était autrefois une ville très oomidérable) 
dont on estimait la population à plus de 600,000 âmes. 
Son musée, sa bibliothèque ptolémaîde, ses nombreux 
Boonumentset son commerce, y attiraient une foule d'é- 
trangers de toutes les parties du monde. Elle était le 
foyer des lumières et le centre actif des plus grandes re« 
lations commerciales. La population d'Alexandrie est 
réduite actuellement à 30,000 habitants. 

Les Arabes, en s'emparant d'Alexandrie, réduisirent 
à moitié son ancienne enceinte et détruisirent sa biblio* 
thè^ue et son musée. Les Turcs, qui s'en rendirent mat* 
très dans le 16* siècle, diminuèrent considérablement sa 
rarfoce habitée , de manière qu'elle n'occupe plus au* 
jourd'hoi que la jetée qui joignait l'Ile du Phare au ri- 
Tage. Cette jetée a été élargie par les atterrissements. 

Ce n'est que dans les parties abandonnées de l'an* 
eienne enceinte qu'on voit les anciens monuments, tels 
que la colonne dite de Pompée et les deux obélisques de 
Clèopâtre. 

La tour des signaux, sur le prolongement oriental de 
File du Phare , avait une élévation de 400 pieds. Elle 
lètait divisée en plusieurs étages ou galeries , soutenues 
par des colonnes de marbre. Un miroir d'acier poli, placé 
au faite , était disposé de manière à rendre visibles les 
Bavires éloignés. 

Celte tour a été remplacée par un fort carré qui croise 
ses feux, devant l'entrée du grand port, avec un autre 
petit fort situé à l'opposite, sur la pointe du cap de 
Lochias. 

Le grand port a trop peu de fond et né peut recevoir 
que des frégates» Le port occidental (Eunostus), admet 
des vaisseaux de ligné ; mais ils ne peuvent y entrer 
sans être allégés, à cause d'un banc sablonneux i|uise 



— 362 — 
trauve à l'ouverture. Le creasemeat de ce baie serait 
une optratioo très utile et doublerait rintpertauce 
d'Aletandrie* 

' Les eavinoos de cette ville sont nos et fort tristes^ Ce 
B*^ qu'en approehant de Roaette , sur les bords dte V»f 
qu'on recopualt ta fertile et riehe Egypte et sa brillante 
végétation. 

MHrULTlOff. — RICHBSSB. — * OOirvANBUBlIf. 

La surface de toute l'Egypte n'est que de 2^000 lieoe# 
carrées, savoir : 1,400 lieues, pour le Delta et sesaoms 
latérales, et 600 lieues pour la vallée du Nil depuis le 
Séuaar iusqu'ra Caire inclusivement^. La surfoee eo-* 
tière de l'Egypte n'est que la moitié de cdle delà Syrie; 
elle est à peu près égale aux deux tiers de œlle de la 
ïhr^ce/ 

Sa population est estimée à deux mUUons d'habllantsf 
ce qui donne 1,000 individus par lieue carrée* Cette 
paipulalio», qui est très forte relativement au reste de la 
Turquie , doit être regardée comme foihle es raison de 
la fertilité de la terre et de la variété de ses produite 

Qn distingue dans cette population 1* les Coptes, qui 
paraissent être les habitants primitife, et qui tiennent 
beaucoup , par leur visage et par leurs tonnes, au type 
distinctif des nations africaines ; 2» les Grecs , qui eon-- 
qoirenjbce pays.sur les Perses; 3^ tes Arabes^ qui l'énle- 
vàrent aux Grecs ; 4<» les Mamelouks et tea Tares , qui 
ont pris et gouverné l'Egypte après les Arabes. 

Les Coptes et les Grecs professent la religion eh^i^ 
tienne ; mais les Arabes et les Turcs sont tous nrasoi 
maos* Les Arabes, qui ferment le fond de la pc^olatiep, 
iMbitent et cultivent les campagnes. On leur donne la 



imn de fellaliSypoiir tes distingaer de9 Arabes^bèdtîaifts^ 
qm errent dans te désert* 

Les Grecs habitent les viltes de la c6te, cil' ihr se lf«^ 
\rent au commerce extérieur et intérielii^. LeA Copiée 
s'aiiaehent a» commerce intérieur, et sont spéeialeBftent 
chargés de la pereeptioii des impôts. 

Depuis la* destruction de ta puissance des MameloôÉs^ 
les Turcs ou Osmanlis occupent dans toute t'Ëgy^ lei 
principaux emplois de Fermée et ceux de fadministra;- 
tîon civile. Hébémet-AU » en détruisant les cheft et' leS' 
piinei^ux officiers^ des Mamelouks, avait attàcfad & sa- 
personne les jeunes gMS et les soldats obscurs éa eotpé 
qu'il' venait d'abolir. 

Sous l'adminMtration des Mameloulks, TEgypte Avait 
un pacha i trois queues qui était eendé la gôuYei^ner. 
Mats ce gouverneur général nommé par la SubHme* 
Porte était sans cesse entravé dan? l'exercice de Éàiùi 
autorité légitime par Topposition eï la résistance detf 
elM^ des Mamelouks. 

Ce corps militaire , composé d'esclaves achetés dsm 
ledaucase ou de renégats européens, s'était eniparé dé 
toutes les propriétés publiques. Il possédant en outre dètf 
iels spéciaux qui appartenaient , par Bsurpalion ou par 
d'anciennes coBcessioBS , à cette corpk^ration guerrière'. 

Les Mamelouks s'étaient réservé tous les gouverné^ 
ment» particuliers des pr<»Yinces égyptiennes et le e&m'- 
mandement des villes et des principates bti^urj^det. -^ 
C'était depuis plus de huit cents ans que l^gypte-gS^ 
nrisscM sous te joug tyrannique de ces soldats étrangers» 
qui n'admettaient aucun Egyptien dans teurs rang^i -^ 
Sélim I^ concfuit l'Egypte dans te 16» sièete; m^ il 
«pirgna tes Mameteruks, dontll estimait la bratoui^, et 



~ 264 -* 

leur laissa leurs l>ien8, leurs privilèges et leur autorité 
militaire, en se contentant d'exiger d'eux un tribut an^ 
nuel y et le serment d'obéir en toutes choses à la Su-* 
blime-Porte et à ses mandataires dans le pays. 

Les Mamelouks payèrent toujours avec assez d'exac- 
titude le tribut annuel , qui avait été considérablement 
réduit par l'effet de la dépréciation successive de la 
monnaie légale de l'empire ottoman ; mais ils gouver-* 
nèrent le pays à leur guise, et ils se montrèrent souvent 
indociles envers le pacha envoyé par la Porte? Ils ne 
respectaient, dans ces derniers temps, les ordres du 
gouverneur général que lorsqu'ils étaient conformes à 
leurs vues et favorables à leurs intérêts particuliers. 
Tel était l'état des choses en Egypte lorsque les Fran^ 
çais y débarquèrent, en 1798, sous les ordres du gêné* 
rai Bonaparte. La lutte des Mamelouks et leur résistance 
prolongée contre l'armée française furent glorieuses 
pour eux et les firent classer parmi les meilleurs soldats 
de cavalerie légère ; mais, vaincus dans toutes les ren-* 
contres par l'infanterie française , ils durent céder le 
terrain et se retirer dans les parties les plus méridio^ 
nales de la HautC'Egypte. 

C'est dans le moment critique de leur plus grand 
abaissement, et lorsque leur nombre était réduit de plus 
des deux tiers par les victoires de l'armée française , que 
la Sublime-Porte , rentrée dans la possession de l'E^ 
gypte , en 1803, par l'assistance de l'Angleterre, résolut 
de mettre iBn à Texistence de ce corps d'étrangers. 

Le premier acte d'hostilité du gouvernement turc fut 
la défense de porter et de vendre dans les ports égyp- 
tiens des esclaves achetés dans les montagnes du Caucase. 
Ce fut en vain que les Mamelouks , craignant le sort qui 



— 268 — 

leur était réservé , demandèrent la protection de T An* 
gleterre. Celle-ci leur fit de vaines promesses qui . ne 
furent accompagnées d'aucun effet. 

La perte des Mamelouks devint certaine aussitôt qu'un 
simple palicare macédonien, Méhémet-AH , parvint, par 
ses services et par son adresse insinuante , à être investi 
du titre et du pouvoir de pacha d'Egypte. Trop fin pour 
employer immédiatement la violence et trop faible en- 
core pour Texercer ouvertement, il entra en négocia- 
tion avec les chefs et les principaux officiers des Ma- 
melouks. Après avoir réussi à les endormir par des pro* 
messes fallacieuses, il attira les principaux chefs dans 
son palais, les fit entourer dans une cour par ses soldats, 
et parvint, par un feu dominant et caché, à les exter- 
miner jusqu'au dernier. 

Un firman de la Porte abolit alors à jamais le corps 
des Mamelouks. Le pouvoir de visir et le gouvernement 
de l'Egypte furent remis en entier entre les mains de 
Méhémet-Ali. 

Mais la position du nouveau gouverneur général de 
l'Egypte ét^ait bien différente de celle des pachas des 
autres provinces ottomanes. Il n'avait pas, comme ces 
derniers , à craindre les réactions et la résistance des 
Janissaires, puisqu'il n'en a jamais existé en Egypte* 
L'influence prépondérante des Mamelouks avait totale- 
ment comprimé depuis long-temps toutes les prétentions 
des corporations religieuses et celles des conseils muni- 
cipaux chargés du recouvrement des impôts. 

Les habitants des villes et les cultivateurs des cam- 
pagnes n'avaient jamais été appelés à prendre part à des 
mouvements insurrectionnels contre le gouvernement 
ou ses mandataires; ils ne savaient que travailler, obéir 
et payer. 



Mèhémet-Ati , en suoeèdaiil aux lïamel<mk8 , avait 
hérité de leur poavofr absola, de leurs richesses terri- 
toriales et de leur ascendant incontesté sur les E^ptiens 
de tonte classe, qu'un long esclavage et lliabil^de 
avaient renduis les hommes les plus dociles die la tei^e. 

Les quatre cinquièmes des terres de l'Egypte appar^ 
tenaient exclusivemmt aux Mamelouks comme des fiefs, 
à chai^ de senriee militaire; le cinquième restant 
cotaposaK les propriétés dès mosquées, celles de quel- 
ques corporations municipales , et celtes de 6000 fa- 
nriHes dites mu/léuna, qui devaient lenfs terre» à des 
eoMessions ou à des achats. 

Méhémet-Ali s'empara de toutes les propriétés des 
MMMtouks, et usurpa successivement les terres du 
clergé musulman et celles des nmitézinB, de manière à 
devenir le grand et presque le seul propriétaire de la 
Vattée eu Nil. N^ras allons faire connaître le nature de ta 
|My>priélé en Egypte avant les modifications apportées 
par le pacha dans le système des propriétés rurales. 

Les changements opérés par cet actif et intelligent 
administratear, rtntroduction de nouvelles cultures, et 
tes instftutioBS politiques administratives et militaires, 
ént changé la face du pays et ont donné en peu d'années 
ma développement extraordinaire à ses richesses et à sa 
puissance. 

CONSTITUTION ira LA PROMIÉT*. 

La propriété est établie en Egypte sur des bases toutes 
tfifrérentes de celtes qui existent en Europe. 

Il parait, d'après quelques documents que Thistolre 
ancienne nous a transmis» que, dès le temps des Pba* 
raons, la propriété du sol appartenait au souverain, et 



-^ 287 — 
^é e^était diaprés ce principe fiiibleiiieût modifté qué^ 
ce pays était régi par les rois de là dynastie des Plolê-' 
méè et pietr lès Romains. 

fiorsque Anlrou fit la conquête de l'Egypte an nokil 
deTislamisme) le calife Omar, qui régnait alors, dè^' 
ctara que^ suivant TAleoran, la terre appartient à Olen, 
et au souverain > qui en est le représentant. MMs l'appli- 
cation de ce droit ne fut pas faite avec rigueur : les piio^ 
priétaires restèrent en jouissance des terres qu'ils possé- 
daient au moment de la conquête. Cependant leurs hé^ 
riliers ne pouvaient leur succéder et entrer en jouis- 
sance qu'après avoir versé dam la caisse du prince sou- 
verain une contribution proportionnée à la grandeur de 
l^éritage. 

Ces dispositions restèrent en force sous h domination 
des califes successeurs d'Omar et so'us le gouvernement 
des sultans ciroassiens. 

SéHm I***, ayant détruit le pouvoir de ces sulliàns et 
fait disparaître le dernier des califes Fatimites, qui nV 
vait aucune autorité réelle , mais au nom duquel l'Egypte 
était gouvernée) donna une nouvelle forme au système 
de propriété. Il déclara que les terres concédées origi- 
nairement par les princes appartiendraient désormais 
au souverain. Le propriétaire ne fut plus qu'usufruitier': 
à sa mort, ses biens immobiliers tombaieiit dansfeda^ 
maine du fisc. 

Mais, s'étant emparés de tous les poifvefrs, a^nt rè^ 
duit à rien l'autorité du pacha mandataire de la f^rte^ 
et ayant expulsé lesterfterdars ou trésoriers qui gAiwent 
les propriétés au nom du Grâné^Seigneur, les Mame- 
louks disposèrent de toutes les terres à leur guise, s'at- 
trjbuèrent toutes celles qui étaient i leur convenance, et 



-368- 

tt^eurent aucun égard pour les droits que le gouTerne- 
ment ottoman pouvait prétendre. 

Cependant, par suite de transactions approuvées par 
les dieb de cette milice et obtenues à prix d'argent, 
6000 chefs de famille conuus sous le nom de multézins 
étaient considérés comme possesseurs réguliers de plu^ 
«eurs terres qu'ils faisaient cultiver à leur propre compte 
on par des fellahs. 

Chaque multézin transmettait ses propriétés foncières 
à ses enfants ou à ceux qu'il désignait pour ses héritiers 
par testament. Mais, pour entrer en jouissance, le suc- 
cesseur était obligé, comme nous l'avons dit plus haut, 
de payer au trésor public une somme d'argent destinée 
à représenter la terre qui, à son défaut, aurait dû faire 
retour au gouvernement. 

Les biens des mosquées étaient respectés comme pro<* 
priétés sacrées. Ils étaient régis, comme dans le reste 
de l'empire ottoman, par la législation spéciale des Va- 
koufe. 

Ce système de propriété fut conservé scrupuleuse- 
ment par les Français , qui n'y firent aucun changement 
pendant toute la durée de leur occupation. Ils se con- 
tentèrent de se substituer, comme vainqueurs, aux 
droits des Mamelouks, et à ceux du gouvernement ot- 
toman dans la jouissance des revenus publics. 

Mettre de TEgypte après l'entière destruction des 
Mamelouks, Méhémet-Ali se montra encore plus avide 
que tous les gouvernements qui l'avaient précédé. |I1 
parvint, en 1808, à opérer une grande révolution ter- 
ritoriale qui le rendit propriétaire de presque toutes les 
terres de l'Egypte. 

S'étant fait représenter ^es titres des multézins, il 



— 269 — 

prétendit que la plupart étaient irrégnliers et les abolit* 
Ayant respecté pendant quelque temps les biens ya* 
koufs des mosquées , il finit par se les approprier en se 
chargeant des dépenses de l'entretien da culte. Cette 
mesure , qu'il n'adopta que lorsqu^il eut à sa disposition 
une armée régulière , complètement soumise à ses to • 
lontés, est un exemple dont la Sublime-Porte pourra 
profiter un jour pour sortir de ses embarras financiers, 
qui sont une des principales causes de sa faiblesse ac- 
tuelle. 

Après s'être substitué aux Mamelouks, aux raulté* 
zins, et aux nazirs ou directeurs des biens desmosquées^ 
Mehéraet-Ali s'est trouvé directement en rapport avec 
les fellabs. 

Ces paysans, employés à la culture des terres, reçoivent 
en argent ou en nature un salaire évalué à 7 ou 8 sous 
par jour. Quelquefois des terres leur sont assignées & 
titre de tenanciers; mais ils en sont expulsés à la moin- 
dre plainte. 

Employés comme tenanciers , les fellahs reçoivent des 
agents du pacha les instruments aratoires et les bestiaux 
nécessaires à l'exploitation. Lorsque les récoltes sont 
faites , elles sont achetées pour le compte du pacha au 
prix qu'il a fixé. Les céréales seules sont exceptées de 
cette mesure. 

Le monopole ou le droit exclusif que s'est réservé le 
gouvernement égyptien d'être le seul acheteur du plua 
grand nombre des produits du sol embrasse principale* 
ment le coton, le riz , la gomme , l'indigo, Topium et le 
sucre. On a prétendu que ce genre de monopole a tou- 
jours existé en Egypte, et qu'il a pour but principal 
d'assurer la perception des impôts. 

Mais l'exemple des antres provinces ottomanes dé*; 



_ 270 — 
montre fdé les httpâls peuvent être pépias en<an*(feiit el 
9 n nature sans que les gouverneurs se réservent le droit 
exclusif de rachat et de la vente des denr^ées. L'avidité 
doit être conâdérëe comme le seul motif qui a porté 
Méhémet*Ali à établir le monopole dans toute la vallée 
du Mil , et à lui donner te développement dont il est 
wsceptibte. 

BCVEKUS PUBLICS EN Ê6TPTB. 

Les revenus que les impositions procurent au vice-roi 
d'Egypte sont de trois sortes : les uns sont fournis par 
l'impôt territorial, d'autres par l'impôt personnel, et 
d'autres par les douanes. 

L'impôt foncier, levé sur les terres et connu sous le 
nom de miry, équivaut, dans tout l'empire ottoman, à 
la dixième partie du revenu. Mais pour éviter toutes les 
difficultés d'appréciation le vice-roi se fait payer à rai- 
son de dix francs par feddan pour les terres de moyenne 
valeur, et de 14 à 15 francs pour les bonnes terres. Le 
feddan est estimé à 40 ares. Toutesles terres» sans dis- 
tinction , sont soumises à cette redevance. 

Vimpôt personnel est fixé au douzième du* revenu 
supp5»sé du contribuable. Tous les adultes, mosulmaos 
on rayas, y sont soumis dès l'âge de douze ans. 

Les rayas , malgré le kattychérif de Gui -Hané , conti- 
nuent à payer en outre le karad|e en Egypte. 

Les douanes sont affermées. Les concessionnaires sont 
des négociants turcs > copbtes ou arméniens, qui for- 
aient entre eux une société particulière. 

Les droits de douanes stipulés dans lea capitnlationa 
et les traités de commerce sont perçus sur les mar- 
cbandises importées d'Europe et sur celles qui son! tir 
pèdiées h rttranger*Le pâcba fixe arbitrairesMit le^ re- 



_ 271 — 

éw9nee$ que doivent payer à letrr entrée les marchan- 
dises apportées par lesçarayanes delà Syrie» de l'Arabie, 
du Sénaar et du Darfour. 

On perçoit en Egypte d'autres impôts annuels qui sont 
inconnus dans le reste de la Turquie. Les bœufs et les 
yacbes sont taxés par tète à 4 francs. I}s paient 3 fra^acig 
lorsqu'ils sont vendus à des bouchers,; le gouverneiment 
dans ce dernier cas se réserve les peaux. Les chameaux 
et les brebis paient un franc par tète. Les barques dp 
Nil sont soumises à une redevance de 50 francs par an. 
Une somme d'un demi-franc est exigé par chaque pal- 
mier lorsqu'il commence à donner des fruits. 

Tous les habitants d'un même village sont solidaires 
entre eux pour le paiement de l'impM. Cette loi, utile 
an gouvernement» est très injuste envers les habitants : 
elle oblige le travailleur intelligent et actif à combler le 
déficit qu'occasionne la paresse ou l'inhabileté de ses 
compagnons. 

Le miry ou impôt foncier prodtiit annuellement en 

Egypte . . i 28120006 fr. 

L'impôt personnel 8750000 

Le karadje sur les non-musutmans • . 80000 
Le droit sur les bestiaux donne . . 160000 
Le àteit sur tes successions est de . . 350000 
id. sur les dattiers . . . . . . . 800000 

1^. sur les barques ....... <80000 

M. sur la pèche. 300000 

fd. sur les céréales. ...... 4500000 

Produit des douanes et octrois. . . . 3080500 

Droits sur les vins et liqueurs .... 350000 

Sur les musiciens, efranteurset danseuses 120200 
Sur ies octrois du Fayoum et sur le séné . 96500 

A reporter . . 47877200 



— 272 — 

Report . . 47877200 fr- 

Bénéfices sur la vente du coton, de l'indi- 
g05 du sucre , du vin , du riz, du miel, de la 
cire, des graines oléagineuses, du nitre , 
de la chaux, du plâtre , des pierres, de la 
soude et du sel ammoniac • 1 5680800 ^T* 

Bénéfices sur l'hôtel des monnaies . . 375000 
Id. sur les toiles fournies par les 
manufactures égyptiennes appartenant au 
pacha 15000000 

Sur les fabriques du pacha en étoffes du 
soie 1250000 

Sur les tuirs bruts et apprêtés . . . 900000 

Sur la vente des nattes 150000 

Total des recettes. • . . 65813000 



Les dépenses moyennes pendant chacune des dix 

dernières années ont été : 

Pour le tribut envoyé i la Porte . . . 1500000 ^^ 

Pour le budget de Tarrnée 15000000 

Pour les traitements des grands officiers 

et chefs d'administration 5000000 

Solde de la cavalerie turque irrégulière. 812000 

Solde des Arabes bédouins. .... 650000 

Pour le matériel de guerre 1750000 

Pour les fourrages, mules, chameaux . 315000 

École militaire 200000 

Budget du personnel de la marine . . 7500000 

Construction des bâtiments de guerre. • 1875000 
Frais pour chantiers de construction des 

barques à Boulac . . . . • . . . . 41200Q 

A reporter. . . 35014000 fr- 



— 273 — 

Report. . • 38014000 fr- 

Entretien des fabriques industrielles et 
salaires des ouvriers 27S0OOO 

Entretien des employés des administra- 
tions civiles 2S00000 

Rations de bouche accordées aux em- 
ployés 625000 

Pensions des multézins et à des chefs 
d'Arabes 1190000 

Constructions de palais , ponts , digues y 
fabriques, et pour les objets venant d'Eu- 
rope pour les fabriques 4125000 

Entretien des palais du vice-roi ... 1260000 

Dépenses de bouche du vice-roi . . . 500000 

Pour achats de cachemires, étoffes de 
soie et bijoux 1760000 

Dépenses pour les caravanes des pèle- 
rins . 250000 

Total . . 50454000 



La recette présente par année un excédant de 1 5369000 
francs. 

Mais ces excédants accumulés ont été absorbés par 
les dépenses extraordinaires des guerres soutenues par 
Méhémet-Ali contre la Sublime-Porte et par les frais que 
lui ont occasionnés son occupation de la Syrie, et celle 
des provinces d'Adana, de Tarsous et de Marach. 

ADMINISTRATION INTÉRIEURE DES PROVINCES ÉGYPTIENNES. 

La plus gfjande confusion régnait dans l'administra- 
tion des provinces égyptiennes sous le gouvernement 
des Mamelouks. La division du pays entre ies différents 
I. 18 



— 274 — 

bey» variait tous les jours suiyant l'ascendant, Iliabiletè 
et Tavidité de ces commandants militaires. 

Mëhémet-Ali a changé entièrement les anciennes di- 
visions, si confuses et si variables, et a soumis le pays 
à des classifications administratives. 

II a établi sept gouvernements principaux , à la tète 
desquels il a placé sept intendants appelés moudyrs. 
Quatre de ces gouvernements sont situés dans ia Ba^e- 
Égypte; un dans TÉgypte moyenne, et deux dans la 
Haute-Egypte ou Egypte méridionale. 

Ces gouvernements sont divisés en départements et les 
départements en cantons. Les chefs de départements 
sont nommés mamotir^ ou lieutenants > et ceux des can- 
tons narirs ou agents comptables. Les chefs de villages 
ou maires sont appelés cheiks-el-beled. 

Le cbeik-el-beled a une action directe sur les fellahs, 
et remplit auprès d'eux les fonctions de juge-arbitre. Ce 
magistrat est responsable du paiement des contributions. 

Le chef 9(fe canton ou nazir a une surveillance vigi- 
lante sur ses administrés. Il punit les fautes commises 
et la négligence portée dans l'exécution des travaux 
ordonnés par le gouvernement. 

Le mamour ou le chef de département doit porter sa 
principale attention sur les travaux de l'agriculture et 
dé l'industrie. Il est chargé en outre des levées d'hom- 
mes pour le service militaire. Les travaux publics et les 
fabriques sont sous sa surveillance immédiate. 

Le moudyr fdit de fréquentes visites dans les dépar- 
tements qui composent son gouvernement. Il veille à 
l'exécution des ordres du vice-roi , et soigne Tentretien 
des cananx ^ des ports et des digues. 

Les moudyrs et les mamours sont obligés d'envoyer 
chaque semaiqe au ministre de rintérieur un rapport 



— 276 — 

sur les opérations faites et sur tes mesures qu'il con- 
yieut d'entreprendre. Après une discussion dans le con- 
seil central , composé des ministres et des conseillers 
d'état, les décisions définitives sont prises par le vice-roi. 
Les^ mamours et les cheiks^el-beled sont presque tous 
indigènes. Animé par des disposilionslibérales^ Méhémet- 
Ali. a appelé aux fonctions de mamour plusieurs chré- 
tiens du pays. 
Les moudyrs sont tous Turcs. 
La justice est encore à présent rendue aux Égyptiens, 
comme auparavant, par des cadis qui appartiennent 
au corps des oulémas. Leurs fonctions ne sont pas limi- 
I teés aux divisions administratives nouvellementétablies. 
' Comme les cheiks-el-beled sont plutôt administrateurs 

que juges et n'exercent dans les causes litigieuses des 
I fellabs qu'une action conciliante et arbitrale , les cadis 

I ont conservé l'usage de nommer dans chaque village un 

ag^nt ou chaked, qui est chargé de rendre la justice, et 
i de faire en outre les fonctions d'officier et de notaire. 

Les moudyrs, les mamours, les nazirs et les cheiks-el- 
beled, sont de simples administrateurs , et n'ont aucune 
fonction publique à exercer. Ces employés reçoivent 
. des traitements proportionnés à leur grade et portent 

des uniformes dîstinctifs. 

Les emplois des moudyrs ou gouverneurs sont occu- 
pés par des pachas ou généraux , ou par des beys ou co- 
lonels. 

Les moudyrs n'ont aucune action sur les villes du 
Caire , de Damiette et de Rosette. Ces villes sont sous la 
direction de gouverneurs particuliers. Alexandrie est ad- 
ministrée par le vice-roi lui-même, et, en son absence, par 
le coÉiseilde ses ministres. — Cne police sévère et vigi- 

18. 



— 276 — 
laoie conserve Tordre et la tranquillité dans ces quatre 
villes , qui sont les plus importantes de TÉgypte. 

MëhémeUAIi a montré des vues profondes et un gé^ 
nie supérieur dans le système d'administration qu'il a 
établi en Egypte. Les succès qu'il a obtenus sous ce rap- 
port sont brillants et solides. Mais dans toutes ses insti- 
tutions il n'a considéré que lui-même et ses propres in* 
térèts. Foulés par un despotisme sans contrôle , les peu* 
pies n'ont été regardés par lui que comme des instru- 
ments serviles destinés uniquement à accroître ses ri- 
chesses et sa puissance. Malheureux sons les Mamelouks^ 
les fellahs le sont également sons un gouvernement qui 
ne cesse de les harceler et de les faire travailler pour le 
profit et la grandeur de leur maître. 

La population de KEgypte, loin de s'accroître par 
l'effet des institutions qui ont considérablement aug* 
mente les richesses territoriales, industrielles et com- 
merciales, de ce pays, ainsi que sa puissance militaire 
et navale , a beaucoup souffert depuis trente ans par 
les guerres que Méhémet-Ali a eu à soutenir. 

ARMÉE RÉGULl&RE. 

Afin de tenir les Egyptiens dans une dépendance ab- 
solue du gouvernement qui pèse sur eux , Méhémet^AH 
a senti la nécessité d'organiser une armée régulière , 
complètement soumise à ses ordres et à sa volonté. 

Ayant combattu contre les Français et ayant été té- 
moin des batailles d'Aboukir et d'Héliopolis , Méhémet- 
Ali avait compris et su apprécier les avantages de la tac- 
tique européenne. Toute son attention et ses efforts se 
portèrent sur la création d'une armée régulière aussi- 



— 2T7 — 

tôt qoe les circonstances se montrèrent favorables à 
l'exécution de son projet. 

Les palicares de l'Albanie ^ de TEpire et de la MAcé* 
doine, qui long-temps avaient composé sa svule force ^ 
se montraient souvent indociles et séditieux , et fati- 
guaient leur chef par des demandes continuelles d'ar- 
gent , qu'ils accompagnaient de menaces. 

Mébémet-Ali sentait avec raison qu'une armée régu- 
lière ferait succéder en Egypte l'ordre à l'anarchie, et 
qu'elle donnerait une plus grande force au chef de la 
contrée. 

Des officiers français et italiens qui avaient servi sous 
les ordres de Napoléon furent les premiers instructeurs 
des nouvelles troupes disciplinées. Le plus distingué de 
ces instructeurs fut M. Sève, actuellement Soliman-Pa- 
cha, qui avait été aide-de camp des maréchaux Ney et 
Grouchy. Successivement chef de bataillon et colonel (1), 
Soliman devint générai de brigade à son retour de l'ex- 
pédition de Morée , et obtint le grade de général de di- 
vision après la première campagne de Syrie. 

Lorsque son projet d'organisation d'une armée régu- 
lière fut bien arrêté, Méhémet-Ali fournit à M. Sève 
500 Mamelouks, anciens débris de la redoutable milice 
qui portait ce nom, et le chargea de les instruire au 
manjment des armes et aux écoles de peloton et de 
bataillon; A ce corps de 500 hommes tous les grands 
du pays reçurent l'ordre d'ajouter leur contingent , ce 
qui porta àjmille le nombre de ces jeunes soldats. 

Tel fut le premier noyau de l'armée égyptienne. 



(i) Ce fat avec le grade de colonel et sous le titre de Soliman-Bey que 
M. Sève fit la campagne de Morée contre les Grecs. 



— 278 — 

Àfln de. dérober aux soupçons du fanatisme Cessai 
qu'on voulait faire , on choisit la Yilie d'Assouan $ au^ 
pcè$ de la première cataracte du Nil , pour être comme 
le chef-lieuse l'instruction militaire. 

Mëbémet-Ali y fit construire quatre casernes spa^ 
eieusea, où les mille-premiers élèves furent enfermés et 
dressés aux principes du métier. 

Les instructeurs eurent de nombreux obstacles à 
vaincre. Le principal était la répugnance des musui^ 
mans à obéir à des chrétiens. — Ce ne fut qu'au bout de 
trois ans que l'instruction de ces élèves fut considérée 
comme complète. Ils étaient destinés à servir comme of- 
ficiers et comme instructeurs dans les nouveaux cadres 
de l'armée régulière. Mais , pour remplir ces cadres, il 
g'agissait de trouver des soldats. Le vice-roi ne pouvait 
pas les prendre parmi les Turcs ou les Albanais , qui déjà, 
sur quelques tentatives qu'on avait laites pour les régu- 
lariser, s'étaient révoltés contre lui. 

N'osant pas encore , pour former ses nouveaux soN 
dats, avoir recours à la population égyptienne, Méhé-* 
met-Ali résolut de faire venir pour cet objet des nègres 
du Kordolan et du Sénaar. Trente mille de ces noirs 
fiireBt dirigés sur Bénéhali, dans la Haute-Egypte. 

Les soldats déjà disciplinés et instruits quittèrent As^ 
souan et descendirent à Bënéhali. Ce fut là que furent 
formés, dans le mois de janvier 1823, les six premiers 
régiments égyptiens , dont les élèves venus d'Assouan 
devinrent les officiers. 

Toute Tannée 1823 et tes premiers six mois de 1824 
furent employés à instruire les nouveaux corps. Dans le 
mois de juin de cette dernière année, Méhémet-Ali en- 
voya le premier de ces régiments dans l'Arabie centrale. 



— 279 — 

et le second dans le Sënaar. — Les quatre autres ri^r 
meuts furent expédiés pour la Morée sous les ordres 
d'Ibrabim-Pacha. 

Ces nègres périrent en grand nombre, parce qup le 
climat d'Egypte , et encore, plus celui de la Grèce, leur 
était défavorable. Quoique assez rol^ustes en appa- 
rence , ces hommes n'étaient pas propres à supporter les 
fatigues de la guerre. 

Sentant déplus en plus chaque jour le hesçin d'une 
armée régulière pour ^'exécution des vastcis projets qu'il 
avait conçus , le vice-roi réalisa alors Tidée l^ardie de 
recruter ses troupes parmi les Egyptiens. 

La tentative était périlleuse ; les Arabes se montrèrent 
1res irrités. Il y eut des soulèvements partiels ; mais il^ 
furent bientôt réprimés par l'énergie terrible de Méb^ 
met- Ali et de son fils Ibrahim. 

Cependant, se voyant mieux nourris et mieux vètqs 
sous les drapeaux du pacha qu'ils ne l'avaient été d^ns 
leurs villages, les fellahs s'habituèrent assez prompte-^ 
ment à leur nouvelle condition. Appelés à cette époque 
en Egypte, le général Boyer et le colonel Godin don* 
nèrent la dernière main au perfectionnement de l'armée 
égyptienne. 

L'infanterie a constamment occupé la sollicitude du 
vice-roi. Une école de 400 élèves , que ce pacha fit éta- 
blir à Damiette, était destinée à fournir aux régiments 
de cette arme leurs officiers et leurs sous-officiers. 

Ce ne fut qu'au retour des troupes égyptiennes de ïfk 
guerre de Morée que commença Torganis^tion de la ca- 
valerie régulière. Convaipcu , par la vue des manoeuvres 
des cavaliers français qui se trouvaient en Grèce, que la 
cavalerie régulière a sur celle qui nel'e^t pas Içs paénies 
avantages que l'infanterie instruite et disciplinée pos-* 



- â8ô- 

ftédë à l^ëgard de rinfanterie sans instruction 6t saûft 
discipline , Ibrahim-Pacba ^ retourné en Egypte , s'em^ 
pressa de proposer à son père d'organiser des régiments 
de chasseurs, de lanciers et de cuirassiers. 

On fit venir d'Europe des instructeurs européens. Une 
école de cavalerie fut établie à Giseb, dans l'ancien pa« 
lais de Mourad-Bey. Cette école contient actuellement 
300 jeunes élèves. 

L'artillerie régulière fut organisée à la même époque 
que l'infanterie. On prit pour l'instruire des officiers 
européens qui presque tous avaient appartenu aux 
armées de Napoléon. Une école d'artillerie et du génie 
fut établie à Terrât. Elle contient en ce moment 400 
élèves. On y apprend, outre l'arabe et le turc, les 
sciences et les arts nécessaires à ces deux armes , entre 
autres l'arithmétique, la géométrie, l'algèbre , la méca« 
nique , le dessin et les fortifications. 

L'administration militaire de l'armée égyptienne a été 
établie , pour toutes les armes, sur le modèle des troupes 
françaises. Les magasins de l'état fournissent aux corps 
les munitions de guerre, les vivres, rbabillement , Tar* 
moment, les médicaments , et tous les objets dont ils ont 
besoin. 

L'administration particulière des corps est très simple. 
Les régiments n'ont pas d'achats à faire, pas de marchés 
à passer, et par conséquent pas de manlment de fonds. 

Le service de santé a également pour base Torga^ 
nisation actii«He des hôpitaux français. Chaque régi- 
ment possède le personnel et le matériel nécessaires 
pour former en toute occasion des hôpitaux régimen- 
taires. 

La nourriture des soldats égyptiens se compose de ra* 



— Ô81 ^ 

tioùs de pain y de viande, de riz , de lentilles , de bearrei 
d'boile, de savon, le tout en quantité suffisante et de 
bonne qualité. 

L'uniforme des troupes égyptiennes est adapté au 
climat. Il a peu de similitude avec l'habit des militaires 
européens, mais il n'a pas la coupe et l'ampleur incom* 
mode des anciens babits et des pantalons desOsmanlis. 
— Le bonnet ou fez continue, au lieu du shako , à être 
le couvre-^hef des soldats égyptiens. — Mais ce fez , ser- 
rant de trop prés la tète , empêche la libre évaporation 
de cette partie du corps , et cause souvent des maladies 
cérébrales sous l'action puissante du soleil d'Afrique. 

Les brandebourgs , par leur nombre et leur position , 
distinguent des soldats les caporaux et les sergents; les 
broderies et les diamants signalent les différents grades 
des officiers et des généraux. 

La solde du simple soldat est trop faible ; elle consiste 
dans une somme de quinze piastres turques par mois ou 
de deux sous et demi par jour. Les simples officiers ont 
une solde qui varie depuis 40 jusqu'à 120 francs par mois* 

Mais le traitement des officiers supérieurs et des of« 
ficiers^généraux est considérable. La solde d'un chef de 
bataillon est de 600 francs par mois; celle d'un colonel 
est de 2000 francs par mois; celle d'un général de bri- 
gade, de 3000 francs; enfin celle d'un lieutenant-géné- 
ral , de 48000 francs par an. 

Méhémet-Ali , en donnant à ses officiers supérieurs 
et à ses généraux des appointements aussi élevés , avait 
pour but d'attacher à sa nouvelle armée les Osmanlis les 
plus influents. 

Le Gode militaire français , traduit en arabe , sert à 
régler la discipline de l'armée égyptienne. La baston^ 



— 28a- 

nade, qui était souvent employée dans le commence* 
ment comme châtiment, e^t actuellement très restrc^inte 
dans son application. On cherche à l'abolir» 

Les fellahs égyptiens sont généralement robustes, 
bien conformés, sobres; ils supportent bien les fatigues* 
Intrépides dans le danger et soumis à leurs che&, ils 
vont au feu avec audace , et ne se laissent pas abattre par 
les revers. 

Mais , de même que dans les armées indiennes sou^ 
doyées par la compagnie anglaise des Indes orientales , 
les soldats égyptiens ne jouissent que d'un avancement 
très limité, et ne parviennent pas aux grades d'officiers 
Supérieurs. — On assure, peut-être injustement, que 
ces hommes sans instruction, et élevés depuis leur en-- 
fance dans un. état dîabjeelion complète, n'apprécient 
Jamais la dignité de leur nouvelle position lorsqu'ils 
sont promus au grade d'officier supérieur. Mais réta- 
blissement d'écoles régimentaires , et les écoles centrales 
d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, pourraient 
servir à fournir aux fellahs qui y seraient admis l'éléva- 
tion d'âme et les connaissances utiles qui sont indispen- 
sables à un bon officier. 

D'après les états statistiques les plus récents , l'armée 
de terre du vice-roi d'Egypte était dernièrement ainsi 
composée : 

Garde particulière du vice-roi^ — composée d'un ba- 
tailton d'artillerie, de trois régiments d'infanterie et de 
deux régiments de cavalerie, en tout • . 12000 i^oinn»- 

Garde d'homieur du généralissime . • 500 

Cinq régiments d'artillerie dont trois 

i pied et deux à cheval 11600 

A reporter . . . 24000 »»oroin. 



— 283 — 

BepûH. . . 34000 honn. 

Sei2e batteries de six pièces . . . < 1800 
tJn régiment du train d'artillerie^ • . 1200 

Benx bataillofis du génie 1600 

Trente^ six régiments d'infanterie de 

Mgae 118000 

Quinze régiments de caraterle « • . 12000 

Un dépôt d'officiers ...... 800 

Total de l'armée régulière . . . 156000 *»<»»"»• 

Mëhémet-Ali entretenait en outre à sa solde 26000 
hommes de troupes irrégulières , composées d'AlbanaiS) 
de Macédoniens, de Gandiots et d'Arabes bédouins. 

Il a eu l'idée fort sage d'enrégimenter la garde natio^ 
nale des principales villes d'Egypte. La 'population du 
Claire fournit huit régiments de gardes nationales , dont 
l'effectif s'élève à 27000 soldats* 

Celle d'AIe'xandrie fournit 2 régiments. 6800 ^^om»* 

Celle de Damiette un régiment (1)« . . 3400 

Celle de Rosette un régiment. 

Celle du Vieux- Caire un régiment. 

Celle de Boulac un régiment . . 

Total . 



3400 
3400 
3400 



47000 h<imm« 



La garde nationale est desitsèe à dtfendire le pays et 
scm gouvernement. La partie mobilisée de 4!ette fard« 
lait le même service que l'armée régulière. 

Les fabriques du Caire fournissent 15000 ouvriers qal 
lEont journellement l'exercice et les manœuvres militai- 



(1) La force de ces réd^menu Tarie fréquemment; elle descend qaelqoe- 
fois à raoîDs de 3000 hommes. 



— 284 — 

res. Ce nombre peut être porté à 80 mille en cas de 
besoin. 

Non content de former une armée de terre disponi- 
ble de 200 mille hommes, Méhémet^Ali, qui voulait 
étendre ses possessions vers le nord , et dont le com- 
merce extérieur était une des principales ressources ^ 
porta une grande partie de son attention vers sa marine 
militaire. 

Aidé par le zélé et les talents de M. de Gérizy, ingé- 
nieur de la marine de France , le vice-roi d'Egypte par- 
vint à réparer promptement les désastres de la malheu- 
reuse affaire de Navarin , et à établir un arsenal de con- 
struction à Alexandrie. Jusque alors les bâtiments de 
guerre du pacha avaient été construits par contrats dans 
les ports maritimes de la France , ou dans celui de Li* 
Tourne. Ces navires n'avaient aucune uniformité dans 
leur coupe y dans leurs corps et dans leur gréement. 

Malgré de nombreux obstacles, dont une^ grande par^ 
lie provenait des anciens chefs de construction, M. de 
Cérizy parvint à établir, prés d'Alexandrie, l'arsenal de 
marine sur une plage sablonneuse, et y fit construire 
quatre cales en maçonnerie pour les vaisseaux de moyen- 
ne grandeur, quatre avant -cales prolongées en mer 
pour les vaisseaux de premier rang , ainsi que trois cales 
pour les frégates et les bâtiments inférieurs. — Un ma- 
gasin général pour le dépM des munitions navales , des 
corderies , des ateliers de forge , de serrurerie , de fon- 
derie, de plomberie, de ferblanterie ^ de vitrerie, de 
poulieries, de voilertes, de cabestans, de gouvernails , 
de charronnage, furent créés sous la direction et par les 
soins de M. de Cérizy. 

Tous les travaux maritimes ont toujours été exécutés 
par les indigènes, qui ont montré une aptitude étonnante* 



— 285 — 

On employait jouroellement 7 à 8000 de ces ouvriers. 
Après le départ de M. de Cërizy, deux bassins de ra* 
doub ont été construits sous la direction de M. Mongeb, 
ingénieur français. Cet ingénieur eut de très grands 
obstacles à vaincre par suite de la nature du fond, qui, 
dans'le port d'Alexandrie, est vaseux Jusqu'à une pro* 
fondeur de 60 pieds sous l'eau. 

La flotte égyptienne se compose actuellement de onze 
vaisseaux de ligne , sept frégates^ cinq corvettes et neuf 
bricks de guerre. L'effectif de ses équipages est d'envi- 
ron 16 000 hommes. 

Mébémet-Ali a adopté , pour la composition de son 
armée de terre et de ses équipages maritimes, un sys- 
tème de recrutement qui est non seulement tyrannique, 
mais funeste au pays. Tous les écrivains et tous les voya* 
geurs sont d'accord sur ce sujet. C'est te système des 
presses anglaises pour le service de la marine. Mais ces 
presses n'agissent en Angleterre que dans quelques oc- 
casions urgentes pour compléter les équipages des bâti- 
ments qui sont sur leur départ. Elles n^enlëvcnt que des 
marins ou prétendus marins. 

Maïs lorsque le vice-roi a besoin de soldats ou de 
marins, il envoie des compagnies de recruteurs dans 
toute l'étendue de la vallée du Nil. Ces soldats se jettent 
sur les villages et saisissent le plus d'hommes qu'ils peu» 
vent arrêter. Ces prisonniers sont aussitôt attachés avec 
des cordes. Suivis de leurs mères, de leurs femmes et 
de leurs enfants, ils sont conduits au chef-lieu du can- 
ton , où un médecin choisit parmi eux ceux qui sont 
aptes au service. 

Ce mode de recrutement, dans lequel on ne tient au- 
cun compte des circonstances d'âge et de famille , nuit 
beaucoup à la population et plonge les fomUles dans la 



— 286 — 

désolation el la misère. A l'approche des reeruleors, les 
jeunes gens et les hommes Yalides se réfugient dans le 
désert. Les cnltores sont abandonnées. — Ne pouvant 
pas prendre les hommes les plus convenables au service 
militaire , les recruteurs sont obligés de se contenter 
d'individus d'une constitution débile, que les maladies 
ne tardent pas à décimer. 

Les efTets de ce système sont funestes. — On peut ju- 
ger de la grandeur du mal en pensant que , sur une 
population de moins de deux millions d'âmes^ Méhémet- 
Ali entretenait dernièrement une armée permanente de 
plus de 200000 hommes pour son service de terre et 
de mer. On levait un soldat sur dix individus de la po^ 
pulation égyptienne, femmes et enfants compris. On 
était ainsi aux travaux agricoles et au soutien des fa- 
milles deux hommes valides sur cinq delà même classe. 

A moins de se rappeler ces marches de peuples no- 
mades qni se mettaient autrefois en mouvement en 
masse avec femmes , enfants et troupeaux, pour faire 
des conquêtes à l'époque du démembrement de l'empire 
romain, on ne trouvera dans l'histoire aucune nation 
sur laquelle on ait porté plus loin Tabus de la conscrip- 
tion militaire. 

' La garde nationale, qui s'occupe du service militaire, 
sans cesser d'appartenir à la vie civile, a pour but de 
préparer les Arabes au service actif de l'armée régu- 
lière; mais elle est encore bien loin d'affaiblir les répu- 
gnances des fellahs égyptiens pour la carrière des armes 
et de réparer lés maux cruels causés par le système ac- 
tuel de recrutement. 

C'était pour s'emparer de la Syrie que Méhémet-Ali 
avait donné un si grand développement à ses forces mi- 
litaires» C'était pour conserver sous sa domination les 



— 287 — 

proYinces syriennes, dont les peuples inquiets et (urbu- 
ténts i^fésentent un si grand contraste avec les dociles 
et laborieux Egyptietfs, que le vice-roi continuait à aug- 
menter ses forces de terre et de mer et à faire des dé- 
penses considérables au dessus de ses moyens. Quelques 
amis sincères de Mèhfèmel-Ali pensent que la perte de la 
Syrie est pour l'Egypte une cause de repos et de pros- 
périté, et un moyen d'accroissement pour la population 
égyptienne. 

£n perdant Tobjet de son ambition personnelle et en 
renonçant |>ôur le moment au projet de l'annexion de la 
Syrie à ses possessions égyptiennes, MébémeUAIi pourra 
porter toute Tactivité de son génie vers les sources fé- 
condes qui alimentent la prospérité de l'Egypte et de- 
venir le bienfaiteur d'un pays dont il s'était contenté de 
faire l'instrument de sa grandeur personnelle. 

A6RIGULTUBB. 

Méhémet-Âli a donné quelque extension à l'industrie 
agricole de l'Egypte. Mais sur la quantité de 7014600 
feddans de terrains cultivables dans la vallée du Nil il 
n'y en a que 3790820 qui soient mis en culture. 

Gomme la fertilité de l'Egypte a pour cause les inon- 
dations du Nil , dès la plus haute antiquité les cultiva- 
teurs de cette contrée se sont constamment occupés du 
prineipe auquel est attachée sa prospérité agricole, c'est- 
à-dire de porter les eaux du fleuve sur la plus grande 
surface possible du territoire. Les anciens Egyptiens 
-avaient construit un nombre considérable de canaux 
^ avaient donné les soins les plus attentifs à leur con- 
^rvation. 

Mais la plupart des canaux et des grands réservoirs 



— 288 - 
d'eaa furent négligés et finirent par être entièrement 
obstméft sous le gouvemement des califes et surtout sous 
la domination ruineuse des beys mamelouks. Les prin- 
cipales digues , dont la destination spéciale est de rete- 
nir sur les terres les eaux amenées par l'inondation da 
fleuve et de servir de chemins entre les villages , ont 
disparu en beaucoup d'endroits et n'ont été conservés 
que dans les ligues des principales communications. 

Mébémet-Ali mérite les plus grands éloges sous ce 
rapport important. Il a imité l'activité industrieuse des 
anciens Pharaons; il a fait faire un très grand nombre 
de canaux et il a rétabli plusieurs des digues et des 
chaussées nécessaires aux irrigations et aux communi- 
cations rurales. 

Mais il est bien loin d'avoir atteint le grand et utile 
résultat que la vallée du Nil avait acquis dans les temps 
de ses anciens rois et de la domination romaine. La paix 
lui est indispensable pour entreprendre et exécuter ces 
grands et utiles travaux. 

L'inondation du Nil divise l'année en trois périodes 
agricoles. — Les céréales sont généralement cultivées sur 
les terrains inondés ; leur produit est considérable. — 
Mais on sème assez fréquemment le froment sur les ter- 
res délaissées par les eaux ; ce végétal, dans ce dernier 
cas, a besoin d'arrosements artificiels. On remarque que 
ce dernier produit est inférieur à l'autre pour la quan- 
tité, mais qu'il lui est bien supérieur pour la qualité. Les 
plantes légumineuses sont ensemencées à la même épo- 
que que les céréales. 

Le cotonnier n'est cultivé en grand que depuis l'an- 
née 1821. Avant cette année, le coton était d'une qua- 
lité inférieure et peu recherchée dans le commerce. 
M. Jumel, négociant français, ayant remarqué dans le 



— SI89 — 

jardin de Méhëmei-Ali, au Caire ^ quelques cotooniers^ 
arbustes qui, venus des Indes, étaient employés comme 
objets d'ornement , recommanda au pacba d'en préférer 
la culture à celle des cotonniers herbacés, et obtint son 
autorisation pour cultiver cette plante dans toute la 
vallée du Nil. 

Le nouveau genre de coton a pris le nom de M. Ju- 
mel ; il est devenu la principale branche des produits 
agricoles de TEgypte. Le sol de cette contrée lui est très 
favorable. 

L'Egypte produit aussi de l'indigo d'une très bonne 
qualité. Le riz est cultivé avec beaucoup de succès dans 
le Delta et dans les terres basses, qu'on peut submerger 
à volonté. Le sol égyptien produit aussi beaucoup de lin 
et de chanvre de bonne qualité. 

Depuis que Méhémel-Àli a fait planter trois millions 
de mûriers dans la Basse-Egypte, la soie est devenue un 
des principaux articles des produits agricoles de la vallée 
inférieure du Nil. 

Cette fertile province a coutume de produire, an- 
née moyenne, 2800000 hectolitres de blé, 1300000 
hectol. de fèves, 1200000 hectol. d'orge, 300000 hect. 
de maïs, 1400000 hectol. de dourat, 160000 hectol. de 
riz; 320000 hectol. de lentilles, pois chiches, lupins ^ 
100000 hectol. de graine de lin, de chanvre, de laitue, 
de sézame et de carthame. 

'• Les autres produits agricoles sont : S millions de 
kilogrammes de coton arbuste , 220 000 kilog. de coton 
herbacé, 410000 kilog. de sucre provenant de cannes à 
sucre, 810000 kilog. de lin, 960000 kilog. d'indigo, 
19000 kil. d'opium, et 8000 kilog. de soie. On doit 
ajouter à ces produits végétaux 1620 000 kilog. de ken- 
I. 19 



— 290 - 

né, dMi les fémmet font use tr^s grande eoDSommaitiâA 
en Orient. 

Le Tice-roi a établi en Egypte , pour son compte par- 
ticulier, nn fort grand nombre de ûlaturee de coton , et 
de fabriqms de loilea de lin , d'indiennes, de draps, de 
tissus dé laine , d'étoffes de soie , de fez ou bonnets , 
ainsi que des fonderies de fer et des manufaçtqres d'ar- 
mes de gnerre. 

On a objecté contre ces établissements industriels : 
l^' que la chaleur et les variations du climat détruisent 
promptement les machines qu'on est obligé de faire ve- 
nir de l'étranger ; 3<> que les Arabes , qui sont en général 
bons cultivateurs, montrent très peu d'aptitude pour 
rindnstrie manufacturière; 3<> que l'Egypte ne pourra 
jamais se servir avec avantage et économie des machi*- 
nes à vapeur, attendu qu'die manque entiëremenit de 
combustible ; 40 qu'il ne convient pas à un gouverne*- 
ment de diriger pour son propre compte de pareille^ 
entreprises, parce qu'aucune émulation, aucun înté-f 
rét direct , ne stimule s^ agents. 

L'expérience a prouvé la valeur de ces objections. 
— La plupart des objets inéuetriels produits par les fa^ 
briques égyptiennes sont plus imparfaits que ceux d'Eu* 
rope, et coûtent davantage. 

Méhémet-Ali a voulu affranchir son pays des tributs 
qu'il paie à l'industrie étrangère. Mais ces idées étroite^ 
qui ne conviennent pas même à des poi^lations isolées , 
sont contraires aux grands principes qiH doivent avoir 
pour but d'établir entre les diverses nations d^esmoyeM 
d'échange réciproquement utiles. 

L'Egypte est essentiellement un pays agricole. C'ept 
vers Tagriculture que son gou»vemement doit diriger 411 



— 291 — 

principale atteqtioo. Les produits de son sol seront yen* 
dus en plus grande quantité si les peuples commerçants 
peuvent se les procurer, en tout ou en partie , avec pro- 
fit , par l'échange dé leurs propres produits naturels ou 
industriels. 

COMMERCE. 

L'Egypte occupe la plus belle position commerciale 
qui soit au monde ^ elle reçoit par le port d'Alexandrie 
tous les articles de commerce du nord et de l'occident. 
Les caravanes d'Afrique qui se rendent en Asie sont 
obligées de traverser la vallée du Nil. Maîtresse de la 
mer Rouge, l'Egypte doit être nécessairement un jour, 
surtout depuis l'invention des bâtiments à vapeur, le 
grand chemin de transit du commerce de l'Europe avec 
les Indes orientales, l'Asie méridionale, et tous les 
états qui existent ou se formeront dans l'immense bassin 
de la mer du Sud. 

Les marchandises que l'Europe envoie annuellement 
en Egypte ont une valeur de 80 millions de francs, dont 
une partie est exportée dans l'intérieur de TAfrique et 
dans l'Arabie. Dans ces objets de l'industrie européenne 
les tissus de coton figurent pour 16 millions de francs. 
Cette branche doit nécessairement décroître ; mais l'É- 
gypte , qui n'a ni bols , ni charbon , ni huile , ni vins , 
sera toujours pour ces objets sous la dépendance des 
puissances européennes qui possèdent ces articles essen- 
tiels. 

Depuis que Méhémet-Ali a donné un grand dévelop- 
pement à ses constructions navales , la valeur des bois 
importés en Egypte montait, année moyenne ,,à 9 mil- 
lions de francs. Celle des fers était de 4 millions et demi; 
celle du charbon de terre d'un million et demi. Les 

19. 



— 292 - 
hoiles et les vins qui arrivent à Alexandrie sont esti- 
més à près de 2 millions de francs. 

La cochenille, qui coûte annuellement aux Egyp* 
liens 1 150 000 francs, serait une dépense qu'ils pour- 
raient facilement éviter en plantant des cactus codie- 
nilliers, et en élevant en grand nombre les insectes 
qui produisent cette brillante teinture. 

Les marchandises que l'Egypte envoie en Europe et 
en Amérique ont actuellement une valeur moyenne de 
42 millions de francs. Le coton figure dans ces importa- 
tions pour une somme de 24 millions , le riz pour 4 mil- 
lions » les gommes pour 3 millions, les céréales et les 
légnmes pour 3 millions, l'indigo pour près de 2 millions, 
les dattes pour 1 200 000 francs , l'opium pour 1 millioD, 

Les exportations égyptiennes , qui consistent presque 
entièrement en produits végétaux , doivent nécessaire- 
ment s'accroître en raison des progrés de l'art agricole 
et de l'extension des espèces cultivées. 

Les exportations et les importations sont à peu près 
égales dans les rapports commerciaux de l'Egypte avec 
l'Autriche et la Turquie , et présentent une valeur an- 
nuelle de 12 millions de francs. L'Angleterre ne tire 
d'Egypte que pour une valeur de 6 millions et demi de 
francs, et y importe des marchandises pour plus de 15 
millions. Les cotonnades sont le principal objet de Tim- 
portation anglaise. 

La France semblerait faire avec l'Egypte un commer- 
ce désavantageux , puisqu'elle exporte de ce pays ponr 
11 millions de marchandises et qu'elle n'y envoie que 
6 millions de ses produits naturels ou artificiels. Mais 
les denrées fournies par l'Egypte à la France sont pres- 
que toutes des matières brutes dont l'industrie française 
sait tirer un parti avantageux. 



— 293 — 

La Syrie tire d'Egypte des marchandises pour la va* 
leur de 3 millions. Elle y envoie pour plus de 6 millions 
de diverses denrées. 

On évalue à 10 millions de francs le commerce total 
de TEgypte par la mer Rouge et par les caravanes. Le 
café consommé en Egypte lui vient en grande partie 
de l'Arabie. 

Les importations à Alexandrie ont actuellement une 
valeur plus grande que celle des exportations. Mais cette 
différence tient aux circonstances accidentelles qui , 
dans ces dernières années, ont porté Méhimet-Ali à 
former et à entretenir une marine et une armée beau- 
coup trop considérables pour les besoins et la défense de 
son pays. 

La paix est le principe vital de la prospérité de TE-» 
gypte; il serait à désirer pour le repos de l'univers que 
ee pays, si heureusement situé , fût déclaré neutre par 
toutes les grandes puissances de l'Europe. 

Dans la plupart de ses institutions en Egypte Méhé- 
met-Ali n'a eu généralement en vue que sa grandeur et 
ses richesses personnelles. — ^ Mais il existe un objet im- 
portant pour lequel H mérite les plus grands éloges , et 
qui excitera à jamais la reconnaissance des Egyptiens : 
c'est l'instruction publique. 

Après avoir été le berceau des science^ et lé flambeau 
où venaient s'éclairer les plus grands génies de la Grèce, 
l'Egypte était tombée dans l'ignorance et la barbarie au 
7« siècle , lorsque les Arabes , favorisés par le zèle d'une 
nouvelle religion , s'emparèrent de la Syrie et de la val- 
lée du Nil. Ce fut alors que la bibliothèque d'Alexandrie, 
immense et précieux recueil des découvertes de l'anti- 
quité^ devint la proie des flammes par ordre du calife 
Omar. 



— 294 — 

Les àaccesseuri de ce farouche calife né motitrèrent 
t)as ce fanatisme a?eugle. Les plus célèbres d'entre eux, 
et parmi ceux-ci Aaroun-el-Baschid et Âlmansour, pro- 
tégèrent les lettres, et firent faire aux sciences, entre 
antres à la mécanique et à la chimie, quelques progrès 
utiles. 

Mais la littérature et les sciences rétrogradèrent ra- 
'pidement lorsque la vallée du Nil tomba sous le pou- 
voir oligarchique des Mameloulcs. — Le peuple égyp- 
tien cessa d'apprendre à lire et à écrire. Le peu de 
science qui restait en Egypte était monopolisé par les 
t)olémas. Ces derniers s'instruisaient au Caire dans la 
grande mosquée d'EUAsar, où Ton enseignait , comme 
dans la Solymanie de Gonstantinople , la philosopMe 
d'Aristote , les règles des langues arabe et persane , 
l'interprétation de l'Alcoran, Thiàtoire des califes, et 
quelques notions plus souvent fausses que vraies sur la 
cosmographie et la géographie. 

Les Français ne restèrent pas assez long-temps en 
^gyp^® pour répandre l'instruction et les lumières par- 
mi les populations indigènes. 

C'est à Méhémet-Ali qu'était réservée la gloire impé- 
rissable de rétablir le culte des sciences et des lettres 
dans une contrée où elles avaient fait leurs premiers 
progrès et porté leurs plus beaux fruits. 

Le vice-roi, au commencement de son règne, avait 
établi quelques écoles élémentaires^ — Mais, comprenant 
bientôt que c'était à l'Europe qu'il devait s'adresser, il 
envoya en France et en Italie plusieurs jeunes musul- 
mans pour y recevoir leur éducation. Ceux-ci sont de- 
venus les instructeurs des indigènes. Les plus distingués 
de ces élèves ont occupé des ministères ; d'autres ont été 
mis à la tète des établissements scientifiques ou indus- 



— 808 — 

triels. Placés sous la direction de M. Jmnard ^ les élèves 
égyptiens envoyés en France ont tronvé dansée sivant 
IHustre un véritable père et on guide sûr pofiir leurs 
études. Leurs progrès, constatés par des eiamens publics 
& Paris, ont été généralement brillants. 

Des écoles primaires ont été ét«blfes dans les ^vin<* 
ces égyptiennes. On en compte quarante dans M Basse** 
Egypte , et vingt-six dans la Haute. Chacune de ces 
écoles se compose de cent élèves depuis l'âge de huit 
ans jusqu'à douze ans. On leur enseigne les premieff* 
èléfnents de la langue arabe et l'arithmétiqoe. 

Les éeo\es primaires servent à alimentsr les deom 
écoles pi^paratoires du Caire et d'Alexandrie. Les objet! 
4'enseignement dans les écoles^ préparatoires scmt les 
mathématiques, la géographie, l'histoire et te dessin. La 
dorée des études est de quatre années. 

Les élèves les plus distingués des écoles préparatoires 
passent, suivant leurs dispositions et leurs capacités^ 
dans les écoles spéciales du génie , d'artilterie , de cava- 
lerie^ d'infanterie', de médecine , de médecine vétéri* 
naire, d'agriculture, des langues, de musique, etdes arti 
et métiers. 

Les élèves des écoles dans toute l'Egypte, au nombre 
de neuf mille, sont logés, nourris, vêtus et payés par 
le gouvernement. 

CANAUX ET BASSINS. 

La prospérité agricole de l'Egypte dépend du Nil. 
Plus on arrêtera ce fleuve dans sa marche vers la mêt^ éà 
répandant l'action fécondante et prodoctive de ses eaux 
à une grande distance de chacune de ses rives , pluà on 
accroîtra les ressources , la population, la civilisation et 
la puissance de l'Egypte, N'étant jamais arrosée par les 



— 296 -- 
eaax plaViales, celte contrée a besoin d'irrigations na- 
turelles ou factices. 

Dans l'élal actuel du pays, l'administration seule peut 
se charger de ces travaux. Si elle est bonne, énergique 
et prévoyante, elle s'occupe de la construction et dei 
('entretien des canaux, des digues et des bassins de ré- 
serve. Lorsqu'elle est mauvaise et oppressive, elle né- 
glige ces objets et les laisse se dégrader et se combler. 
C'est ce qui avait lieu sovs la domination des Mame- 
louks. 

Si nous avons donné des éloges à Méhémet-Âli pour 
la protection puissante qu'il a accordée à la propaga- 
tion des lumières et à la civilisation de ses peuples, il 
en mérite également piiur les nombreux travaux qu'il 
a fait exécuter relativement aux canaux d'irrigation , 
aux grandes chaussées de retenues, et aux spacieux basr 
sins qu'il a fait creuser pour servir de magasins de ré- 
serve dans le cas d'une baisse des eaux du fleuve. 

Il a commencé par faire creuser et mettre en bon état 
les anciens canaux -de Joseph, de Meys, de Chibin-el- 
Koum et de Mahmoudyé. Le canal Joseph s'étend, pa- 
rallèlement au fleuve, depuis Millaouy jusqu'à l'entrée du 
Fayoum. Le canal de Meys prend ses eaux dans le Nil à 
une lieue du Caire , et se porte, au nord-est , à la droite 
de la rive de la branche fluviale de Damiette. Le canal 
de Chibin-el-Koum prend ses eaux dans cette même 
branche du Nil, traverse le Delta , et débouche dans la 
branche de Rosette. Le canal de Mahmondye sert aux 
communications enlre Alexandrie et le Caire. Tous ces 
canaux sont navigables. 

Plusieurs autres canaux d'irrigation » d'une moindre 
grandeur que les précédents, ont été construits dans le 
Delta. 



~ 297 — 

Sur la plupart des canaux creusés par les ordres de 
M^èmet-Ali on a établi des ponts-barrages. Ceux-ci « 
en maintenant les eaux à une certaine élévation , per« 
mettent de porter les arrosements à de plus grandes 
distances, et augmentent la zone cultivable. 

On obtient aussi des ponts-barrages la facilité d'arro- 
ser les terrains ensemencés deux ou trois fois après, 
l'inondation , et de rendre par ce moyen les récoltes 
plus belles et plus abondantes. 

Des bassins ont été creusés dans la Haute-Egypte au 
moyen de digues qui , de chaque côté du Mil , vont abou- 
tir aux montagnes. Ces bassins se remplissent au mo< 
ment de Tinondation générale. Quand elle a cessé , les 
bassins supérieurs se déversent dans les bassins infé- 
rieurs jusqu'à ce qu'ils soient mis à sec par les arrose- 
ments successifs. 

Mais le plus beau travail de Méhémet-Âli est la con- 
struction le long du Nil et sur ses deux rives, tout au- 
tour du Delta , d'une digue de deux mètres de hauteur 
et de six mètres de largeur, sur une longueur totale de 
' plus de deux millions de mètres. Ces digues retiennent, 
les eaux du Nil dans leur lit , empêchent les dommages 
qu'elles pourraient causer dans les grandes crues, et 
permettent de régulariser et de faire bâter davantage 
l'action fécondante du fleuve à l'époque du commence- 
ment de sa rentrée dans son lit ordinaire. 

Il reste à exécuter un grand projet de ponts- barrages| 
qui avait été déjà conçu par les ingénieurs de l'expédi- 
tion française en 1799 , et qui avait obtenu l'approba- 
tion du général en chef Bonaparte. Ce ponl-barrage de- 
vait commencer près du Caire , à l'entrée du Delta , sur 
les deux branches de Rosette et de Damiette. On serait 



— 298 — 

devena par ces constractions nattre absola d«8 Msx dtt 
fteuve ; on aurait rendu les arresemeats faciles ei coa» 
stants, et on aurait doublé, aux dépens du désert, les 
aones latérales de culture. 

C'était doubler par conséquent ta surface coltivaMe 
de la Basse-Egypte , et augmenter proportionnellement 
éa grandeur et sa prospérité. 

Mais ces grands travaux demandent une surveillance 
active et une protection constante et prolongéci. On ne 
peut pas attendre de pareils résultats de pachas transi- 
toires qui, envoyés dans ce pays, ne penseraient qu'à 
le tyranniser et à s'enrichir, et laisseraient périr toutes 
les constructions destinées à vivifier l'Egypte. 

L'intérêt de ce pays et celui même des grandes pms- 
éances qui entretiennent des relations commerciales avec 
le bassin du Nil exigent que ce pays soit administré nofi 
par des gouverneurs passagers , mais par une dynastie 
qui , sous la souveraineté de la Sublime-Porte , en lui 
l^ayant un tribut annuel, jouisse hréréditairement du 
droit de gouverner cette grande et importante province. 
Ce résultat a été obtenu en 1841. 

Nous terminerons cet article par quelques observations 
sur l'isthme de Sues et sur le projet de jonction de la 
mer Rouge i la Méditerranée. 

La mer Rouge est séparée de la mer Méditerranée par 
un isthme sablonneux qui a 28 lieues de largeur. EHe 
est 8 mètres plus haute que la Méditerranée. 

Si une communication par un canal navigable eiistait 
entre la mer Rouge et la mer Méditerranée , le» bàti- 
menis qni se rendent 'actuellement aux Indes orientales, 
en tournant le vaste continent de l'Afrique et en dou* 
blant le cap de Bonne-Espéranee , s'épargn<>rai*ent une 



-- 299 — 

distance i pârcoiirir de plus de 3000 lieues , et ëvitC'^ 
raient le dooMe passage de la lijpie équinoxiaie , aind 
que les maladies et les daagers de ces passagfes. 

Sésostris avait commencé la construction d'un canal 
qui devait établir cette communication des deux mers. 
Mais y au lieu de chercher à la faire passer à travers 
l'isihme de Suez ^ il eut pourvut de liek- leNîl à la mer 
Rouge par un canal navigable. Continué parNéchos 
et par Darinss, ce canal ne fut achevé que par Ptoiémée 
l>hiladelphe. 

Il parait, d'après Strabon , que ce canal était garni de 
))ortes doubles qui , semblables aux écluses de nos car 
naux modernes , s'ouvraient pour le passage des vais- 
seaux , et se fermaient immédiatement après. Sa lon- 
gueur était de SO lieues > sa largeur de 120 pieds , et sa 
profondeur de 30 pieds. Les b&timents à voiles qui le 
parcouraient pouvaient se croiser sans accident. 

Partant de la branche pélusienne do Nil , au dessous 
de Bubasie et prèsd'Héroopolis, ce canal allait aboutir 'à 
la pointe la plus septentrionale du golfe Arabique. Les 
vaisseaux de la mer Rouge , étant arrivés à la prise d'eau 
de ce canal, pouvaient descendre le Nil jusqu'à la 
mer, ou le remonter jusqu'à Mempbis » et de là jusqu'à 
Thèbes. 

Les eaux de ce canal , servant aussi à fertifiser les 
terres adjacentes , avaient donné naissance , sur les deux 
rives, à plusieurs villes opulentes , entre autres à Hèroo- 
|iolis, Bubasie, Sérapium et Arsinoé. 

Trajan avait fait creuser le canal de Ptolomée et con- 
struire un canal de jonction qui se prolongeait jusqu'à 
Memphis. 

Amrou, conquérant de TEgypte, avait fait établir, 
-par ordre du calife Omar, un canal qui , se rendant du 



— 300 — 

Gaîr€ àColflomi sur la mer Rouge, était destiné & faci- 
liter et à accélérer l'arrivée des contributions en céréales 
et autres graines alimentaires que tes provinces égyp* 
tiennes fournissaient alors aux villes saintes de la 
Mecque et deMédine.Ge canal, qu'on a laissé s'obstruer, 
n'existe actuellement que sur une longueur de quatre 
lieues, depuis le Grand-Caire jusqu'au lac des Pèlerins 
(Birket-ElHadgi). 

Les ingénieurs français, pendant l'expédition d'E- 
gypte , avaient reconnu et constaté la direction du canal 
de Ptolomée , et déterminé ses anciennes dimensions. 
Après avoir fait un nivellement exact du terrain entre 
Snex, le Caire et Péluse, ils avaient présenté le pro- 
jet d'un canal qui aurait été alimenté par les eaux du 
Nil. 

Il serait à désirer que ce canal fil^t construit sur d'as- 
sez grandes dimensions pour admettre des bâtiments 
propres, par leur volume , à servir utilement à la na- 
vigation directe entre la Méditerranée et la mer des 
Indes. Mais la construction de ce canal ne suffirait pas ; 
il serait en même temps indispensable de creuser la 
branche pélosienne du Nil depuis Péluse jusqu'à Héroo- 
polis , et de donner la profondeur nécessaire au port de 
Péluse , dans lequel les eaux sont devenues extrême- 
ment basses par suite des sédiments vaseux que les 
siècles y ont accumulés. 

Un grand canal à travers Tistbme de Suez est regardé 
assez généralement comme impraticable , à cause de 
l'extrême mobilité des sables qui couvrent cette langue 
de terre. 

Un autre projet, difficile également sous le rapport 
de l'alimentation des eaux , et qui offrirait aussi de 
très {grands inconvénients par suite de la nature du ter- 



— 301 — 

Vain él de la mobilité des sables , consisterait dans un ca* 
nal à grandes dimensions, qui, commençant près de 
Péluse , irait aboutir directement à Suez. On propose de 
lui donner la largeur et la profondeur nécessaires pour 
admettre les grands bâtiments des Indes et les vaisseaux 
de ligne de premier rang. On éviterait par son moyen 
la navigation du Nil jnsqu^au Caire, et celle du canal 
d^Héroopolis jusqu'à Suez. 

Mais des ingénieurs judicieux et habiles qui ont bien 
étu( lié les localités regardent comme à peu près imprâ-* 
ticable. sous le rapport de Talimentation des eaux, le 
grand canal direct de Péluse à Suez. Ce canal présente- 
rait en outre l'inconvénient d'occasionner des frais Im- 
menses et continuels, tant pour son entretien que pour 
ses fréquentes réparations. Ils craignent que les sabled 
mouvants du terrain qui devrait être traversé ne fissent 
disparaître un jour, à la suite d'un grand vent , le canal » 
avec ses rigoles alimentaires et toutes ses dépendances. 

D^autres personnes ont proposé d'établir, au lieu d'un 
canal entre Péluse et Suez , un grand chemin de fer. 
Mais ce chemin , qui serait peut-être insuffisant pour le 
transport des marchandises volumineuses qui viennent 
de rinde, ne pourrait guère être utile que pour accé- 
lérer la marche des voyageurs. Il serait à craindre, 
comme pour le canal direct de Péluse à Suez, que 
les sables de Tistbme n'arrivassent à le couvrir à plu- 
sieurs pieds de hauteur, et à le faire entièrement dis- 
paraître. 

" Le canal d'Héroopolis est donc le seul qui paraisse 
convenir aux communications par éau entre la mer 
Rouge et la mer Méditerranée. 

Nous avons fait connaître plus haut les frais énormea 
qu'il occasionnerait à cause du creusement de toute ta 



— 302 -- 

branche péliisieune du Nil, et de la création d'un port 
à Pëluse et d'un autre à Suez. Mais, vu Timportanee de 
l'entreprise , ces considérations d'économie ne doivent 
pas arrêter le gouvernement égyptien. 

Les canaux , les chaussées , les ponts-barrages et les 
grands réservoirs, ont pour but d'étendre les arrose* 
ments sur la surface de l'Egypte , et par conséquent d'en 
accroître la zone cultivable. Mébémet-Ali a déjà rendu 
sous ce rapport de grands services à la vallée du Mil ; 
mais il lui reste encore beaucoup à faire pour parvenir 
aux grands résultats qu'avaient obtenus les Pharaons et 
les Ptolémées. 

Sans les deux grandes chaînes latérales qui bordent 
de chaque c6té la vallée du Nil, les sabfes de la Libye 
l'auraient bientôt envahie , et auraient transformé cette 
belle partie de la surface de la terre en un sol aride , 
brûlant, et complètement improductif.— On remarque 
que les sables du désert ne manquent pas de pénétrer 
dans quelques brèches ou interruptibns que présentent 
les deux chaînes montueuses, et qu'ils s'étendent suc- 
cessivement, en portant avec eux la sécheresse et la 
stérilité. 

Mais on a reconnu qu'il est assez facile de remédier à 
ce grand inconvénient. Il suffit de faire, dans les inter* 
valles des brèches, des plantations considérables de syco- 
mores et d'acacias, et de creuser en arrière de cette 
première ligne des fossés qui se lient au Nil, et soient 
bordés de plusieurs rangs d'arbres. 

On arrêterait par ce moyen , comme l'expérience le 
prouve , la marche des sables du désert, et l'on donne- 
rait aux terres voisines une fécondité active par le moyep 
d'irrigations auxquelles fourniraient les eaux des nou- 
veaux fosséi^. 



- 303 — 

InJèpendammeiit de rirroplioB des sables, les ùAluk» 
cultiratears de l'Egypte ont à craindre les ineursiona 
fréquentes et subites des Arabes bèdouios » qui , sortant 
inopinément du désert, porteni la dévastation daas les 
-viiia^es, et enlèvent aux malheureux babilanta des can^- 
pagnes le peu que leur a laissé l'avidité du fisc. 

Napoléon, pendant son expédition d'Egypte^ avait 
réussi à remédier en grande partie à ee |;rave Inconvé- 
nient en créant des compagnies de dromadaires, qui 
étaient spécialement chargées do poursuivre à outrance 
les Arabes voleurs, de les prendre, de les détruire, ou 
de les forcer à rentrer à une grande profondeur dans 
Kinlérieur du désert. 

Méhémet-Ali entrelient à sa solde un corps assez cou* 
sidérabte d'Arabes bédouins qui servent con^me éclai- 
reurs dans ses armées, et qui, lorsqu'il sOQt stationnés 
en Egypte , doivent courir contre les voleurs de leur 
propre nation. Il parait que cette mesure est insuCfisante 
et qu'elle est bien loin de rendre au pays la sécurité doiijL 
il jouissait sous la protection des compagnie^ franfaifes 
de dromadaires. 

On accuse même les Bédouins $(Aii» de s'enten4re 
quelquefois avec leurs compatriotes nomades pour dé^ 
pouiller les habitants qu'ils devraient défendre. 

Arrêté dans ses projets ambitieux et dépouillé des 
provinces syriennes, qui étaient et auraient été longtemps 
pour lui un fardeau dispendieux plutôt qu'une posses- 
sion productive, MébémetAli doit, dans son intérêt et 
dans celui de l'Egypte , porter toute son attention et 
toute l'activité de son génie créateur vers les peuples qui 
restent soumis à son autorité. 

L'Egypte a besoin d'un prince qui s'occupe de proté- 
ger l'agriculture, qui permette aux cultivateurs de dis- 



— 304 - 
poser librement de leur portion personnelle dans les 
produits agricoles, qui accorde au commerce «on libre 
cours, qui garantisse les habitants des campagnes contre 
les incursions et les brigandages des Arabes voleurs, et 
qui empêche par des plantations d'arbres et par d'aulres 
obstacles reconnus utiles l'enyahissement des sables du 
désert. J'ajouterai qu'il convient que le prince con- 
struise des canaux, des chaussées, des ponts-barrages, 
des réservoirs dans tous les points nécessaires ^ afin 
d'étendre l'arrosement des terres et d'accroitre la sur- 
face cultivable de la vallée ; qu'il établisse des commu- 
nications par eau^ et dans quelques cas, peu nombreux, 
perdes chemins de fer entre le Nil et la mer Rouge ; qu'il 
crée des ports à Rosette, Damiette, Suez ; qu'il base bâ- 
tir des forteresses aux points stratégiques des frontières 
et de rintérieur, et que par des lois protectrices, sage- 
ment et inftpartialement exécutées, il protège les habi- 
tants contre les attentats sur leur vie et sur leurs pro- 
priétés , et contre tout acte de tyrannie de la part des 
autorités de toute classe. 

Ce n'est qu'à ces conditions que Héhémet-Ali et ses 
successeurs héréditaires pourront être considérés comme 
les régénérateurs réels de l'Egypte et comme ses vérita- 
bles bienfaiteurs. 



— 305 — 



STATISTIQUE GÉNÉRALE. 



2' ^atlit. 



Instumionii polltlanefit rellglenses, 
mllltalrefi, flnanelères et commerciales. 

Après la description , sous les rapports géographi- 
que , physique, politique et militaire, des difTérentes 
provinces, autrefois des royaumes , qui composaient au 
commencement de ce siècle l'empire ottoman en Eu- 
rope, en Asie et en Afrique^ nous allons faire connaî- 
tre les formes et l'action du gouvernement central qui 
était destiné à lier ensemble en un seul faisceau toutes 
les parties hétérogènes de cette vaste agrégation et à lui 
imprimer le mouvement et la vie. 

Nous exposerons les changements qui ont été opérés 
dans ces institutions depuis le commencement de ce siè- 
cle, et nous terminerons ce travail statistique par un 
exposé de l'état actuel de l'industrie et du commerce, 
ainsi que des dispositions particulières des différentes 
populations de ce vaste empire. 

DU GRAND'SEI^REUR ET DE LA DYNASTIE OTTOHANE* 

A la tète de l'édifice politique de Fempire ottoman se 
trouvent le Grand-Seigneur et sa dynastie impériale. . 
1. 20 



— 3C6 — 

L'empereur des Turcs est regardé par tous les maho- 
métans sunnites (1) comme le successeur légitime du 
prophète et des califes orthodoxes. Il possède comme 
eux le pottToir du Milab ou titre , et celai du Kiliteh ou 
épée , c'est-à-dire l'autorité religieuse et l'autorité tem- 
porelle. 

Mais les califes, qui étaient ou prétendaient être de la 
race de Mahomet, n'avaient dû leur puissance souve- 
raine qu'à leur titre de premier iman ou chef du sacer- 
doce. 

Les empereurs ottomans ^ étant d'origine tartare, 
ji'ont dû, au contraire , qu'à leur épée et à leurs succès 
militaires , leur autorité religieuse et les honneurs du 
califat. 

Cependant le prophète Mahomet avait dit dans l'Alco- 
ran que l'iman principal ou le chef des musulmans de-^ 
vaii être de la race des Coureischs. La famille à laquelle 
appartenait Mahomet tirait son origine' de Zihr-Gou- 
reisch , dont descendaient également les Ommiades el 
les Âbassides. 

Les princes de la maison ottomane seraient donc ex- 
clus, d'après la décision formelle du prophète, du titre 
de calife et du droit de remplir les fonctions de l'ima- 
neth. 

Les auteurs eanoniqucâ turcs étaient fort embarrassâa 
pour concilier la décision de Mahomet avec la puis-- 
sance religieuse de leurs empereurs. Mais Youssouf, uià 
des plus anciens commentateurs de l'Alcoran , leur a 
paru avoir levé toutes les difficultés qui pouvaient nal- 



(1) Les mahométans soot divisés en deux classes : les sehiites et les «m- 
nites. Les premiers abhorrent les trois premiers califes , les seconds ont an 
gran^ i*e8^i f t^ p (e#r niMofrè. 



— 307 — 

tre à ce siijet, en ittsérant dans sdti commeniaire I'oIjk 
sertatièB suivante : 

« L'autorité d'un prince qui aurait usurpé le sacer- 
doce par la force ou la violence ne laisse pas d'être 
légitime, parce qu'après l'extinction du califat parfait, 
c'est-à-dire de celui qui a été exercé légitimement 
pendant trente ans par les quatre premiers successeurs 
du prophète (Mahomet avait annoncé que le califat 
parfait ne durerait que trente ans) , la souveraine 
puissance est censée résider en la personne du vain- 
qfueur, du dominateur, du plus fort , dont le droit de 
commander est fondé sur celui des armes. >» 

Les premiers empereurs ottomans se sont toujours 
intitulés califes ou premiers imans dans leurs états. Ce- 
pendant un doute fut montré à ce sujet par Bajazet I^^ 
qui, craif^nant que, pendant sa mardhe contre les armées 
cbrétiennes qu'il défit à Nicopolis , les princes musul- 
mans de rAsie-Mineure et le^ Mamelouks de l'Egypte 
et dé Syrie ne s'entendissent pour lui ravir ses états 
asiatiques, envoya une ambassade solennelle au calife 
du Caire pour lui rendre hommage et pour lui deman- 
der l'investiture de ses conquêtes et de celles de ses 
aïèufx. 

M.iîs Sélim I*»*, ayant vaincu les Mamelouks et ren- 
versé leur domination en Syrie et en Egypte, n'imita pas 
Bâjazet l^^. Loin de demander l'Inveslilure de ses con- 
quêtes à Mahomet XII , dernier calife de la race des 
Abassides qu'il trouva au Caire, il le traita en rival et 
en ennemi, et le força à lui remettre lé sandjak-scherif 
ou drapeau du prophète et à renoncer à son titre de 
premier iman. Le schérif de la Mecque, de la race 
d'Ali, s^étant soumis à la même époque à l'autorité de 
Sélim I«^et lui ayant fait présenter par son fils les clefs 

20. 



— 308 — 

de ta Kéabé, personne n'a osé refuser, depuis celle épo- 
que, aux empereurs ottomans , le titre de calife et de 
premier iman de la secte orthodoxe des Mahomëtans 
sunnites. 

Les droits du premier iman sont exposés dans Técrit 
de Omer Nessefy sur les dogmes de l'islamisme (1) : 

tf Le premier iman a le droit et Tautorîtë de veiller à 
l'observation des préceptes de la foi, de faire exécuter 
les peines légales, de défendre les frontières, de lever 
des armées, de percevoir les dîmes, de réprimer el 
punir les rebelles et les brigands, de dire les prières 
publiques les vendredis et dans les beyrams, et de 
juger les citoyens. » 

Quoique s'intitulant califes et premiers imans, les pre- 
miers empereurs ottomans préféraient la vie active des 
camps et les périls des combats à Texistence efféminée 
des califes qui, à Bagdad, au Caire, à Maroc et en Es- 
pagne, se disputaient entre eux le titre suprême du sa- 
cerdoce musulman. Ils dédaignèrent de remplir par eux- 
mêmes les fonctions sacerdotales et judiciaires qui leur 
appartenaient et chargèrent le muphti (2) de l'interpré- 
tation des lois religieuses, confièrent aux mollas et aux 
cadis l'administration de la justice, et laissèrent aux 
scbeiks et aux imans les cérémonies ordinaires du culte. 

Cette négligence trop prolongée des sultans ottoman» 
à remplir leurs devoirs sacerdotaux et judiciaires ac- 
coutuma peu à peu les peuples à considérer les oulémas 



(1) Cet écrit Uent liea de cstéctaisme dans les écojes pobliciaes et dant 
les médressés. 

(2) Le sultan Araarath I«s troisième empereur des Turcs, fut le premier 
qui commença , à un flge déjà avancé, à assister aui prières publiques, el 

* è réciter le Namaz comme premier iman , diaprés les conseils de MolU- 
Ftmery, q«i éUit alors roupliti. 



— 309 — 

comme les seules personnes qui eussent le droit d'exer- 
cer ces fonctions. Le monarque , qui aurait dû être le 
seul oracle de la loi, se vit réduit à consulter le muphit 
sur le sens et l'application des lois^ et se trouva lié dans 
Texercice de son autorité suprême par les fetfas de ce 
pontife. Cette influence des oulémas aurait fini peut-être 
par arracher l'autorité souveraine à la maison ottomane, 
8i les princes régnants n'avaient eu la sagesse de conser* 
Ter et même d'exercer fréquemment leur droit, inhé- 
rent à la qualité de calife , de changer à volonté les 
agents de leur puissance religieuse aussi bien que ceux 
de leur puissance politique et militaire. 

Une des causes qui contribuèrent le plus à augmenter 
l'influence politique des oulémas fut leur zèle ardent, 
l'austérité de leurs mœurs et leur humilité apparente, 
pendant les trois premiers siècles de la monarchie. Ils 
furent humbles, modestes et obéissants, aussi long-temps 
que les empereurs ottomans , commandant eux-mêmes 
leurs armées, furent couronnés par la victoire. Les ou** 
lëmas ne manquèrent jamais alors de trouver un accord 
parfait entre les lois du prophète et les volontés du mo* 
narque régnant. 

. Mais lorsque, détestant les fatigues de la guerre, les 
sultans ottomans se renfermèrent dans leurs harems , 
confièrent le commandement des armées à leur grand 
visir ou à des pachas et éprouvèrent des revers, les ou- 
lémas , possédant une grande influence sur un peuple 
fanatique et mécontent, commencèrent à secouer le joug, 
à faire sentir leur importance et à se montrer récalci- 
trants. 

Cependant les oulémas ne tardèrent pas à s'apercevoir 
que leur influence politique serait précaire et incertaine 



-^ 310 — 
tant qu'eUe n'aurait pour appui que l'aïUQur capricieuit 
de la populace. Ils travaillèrent dès lors à s'attacher le 
cori»s des janiasaires. , 

L'empire ottomao^ dont toutes les institutions soni es* 
sentîeUement tbëocratîques et militaires, et qui ne peut 
être fort que lorsque le chef de l'état Test aussi , a yh 
naître sa faiblesse et sa décadence de l'affalhlissement de 
l'au^rité souveraine. 

Ia résistance des ouléoias et des lanissaires contre le 
chef de la religion et de l'état , ne devant son origine 
qu'à Ja révolte et à des usurpations, au lieu de tendre à 
modifier le despotisme du souverain et d'avoir des résut^ 
tels avapitageux à la Kberté du peuple et à la prospérité 
généirale , est non seulement la principale cause de la 
foiW^se actuelle de l'empire ottoman » mais encore de 
l'ignorance et de la barbarie des Turcs. 

Car, les oulémas et les janissaires^ c'est-à-dire les ma-* 
gistrids et les soldats , qui , par la nature de leurs fonc^ 
tionsy n'auraient dû être que les instruments du soave^ 
rain, ea étant devenus les rivaux, le gouvernemrat se 
trouva très souvent sans force et le pays sans protection* 

Quant à l'ignorance et à la barbarie qu'on reproche 
aux Turcs, et que plusieurs écrivains attrihnent à l'isla- 
misme sans considérer que les Arabes, qui ont répond» 
cette religion dans une grande partie de la terre, cuitt-» 
valent avec succès les arts et les sciences dans le temps 
que l'Europe chrétienne était plongée dans la plushon-» 
teuse ignorance , ce n'est également que dans la puia* 
sauce politique de ces deux corps qu'on doit en chercher 
le motif. Les oulémas ont toujours craint rintrodae^n 
des lumières et l'étude des sciences exactes, qui auraient 
pu jeter damépris sur l'Aicoran, sur ses obscurs et nom^ 



— 311 — 

breax commentaires, sm rifluaeiise csi^tteotion de fMfus 
servent contradictoires des mupbtis, et ente sur tout 
rédifice de leur érudition théologique* 

Les janissaires , qui avaient abandonaé leurs ancicW 
règlements de discipline, et qui avaient contracté Tèsh 
bitude de ne faire qu'un service peu pénible , prèieii^ 
daient que le mèno^ sabre invincible qui avait cooqaitf 
tant de royaumes suffirait pour les défendre , et re^* 
taient avec horreur la disciplÎBe sévère des FraBcs» 
leurs armes perfectionnées et leurs nouveaijix systènnea 
de tactique. 

Ces deu% corps, en empêchant la Turquie de se mottre 
au niveau des autres puissances europé^aies, et d'adop^ 
ter leurs découvertes utiles et leurs institutioDS B9iU« 
taires , avaient augmenté sa faiblesse , sa misère et Sfadé* 
pendanee , à mesure que les états voisins s'étaient élevée 
par leurs forces , leurs richesses , leurs lumières , et leiirs 
progrès rapides dans tous les genres d'industrie. 

Plusieurs écrivains qui n'ont jugé du gouYernemeoft 
turc q«e par les apparences ont cru que l'aiitorilé du 
Grand-Sei^eur était illimitée , parce qu'ils l'eut vu dii* 
poser arbitrairement de la vie de ses ministres eiée sei 
serviteurs; mais le pouvoir du Grandi-Seigaeiir sur seai 
ministres est celui d'un maître à l'égard de ses esclaves* 
Tout Turc qui accepte un emploi au service de la Parèt 
renonce à sa liberté, et met ses biens et son existence à 
la disposition d- ua maitre dont il m'est plus le sujet » mais 
l'esclave. Il n'en est pas de même des autres Offiiafilto.> 
ainsi que des rayas ou sujets non musulmans de Vm^ 
pire : ceux-ci ne peuvent être condamnés que par ba 
tribunaux, d'après les lois existantes , et sur la dépaai'- 
tion de deux ou plusieurs témoins. Les janissaires, tes 
bQstangis, les canonoiers et les autres militaires, SMt 



— 312 — 
jagés par un tribunal particulier établi dans chaque 
eorps. Il est vrai qu*\\ arrive quelquefois que le Grand' 
Seigneur, exerçant l'antoritë prévôtale qui lui appar- 
tient conime chef d'un gouvernement militaire , et qu'il 
délègue à son grand-visir et aux pachas des provinces, 
fait punir tout homme pris en flagrant délit, sans suivre 
les formalités des sentences judiciaires ; mais dans ces 
occasions peu fréquentes y qui ont pour but de frapper 
de terreur par la promptitude et la sévérité du chàti** 
ment une populace naturellement féroce et inquiète , 
le crime est toujours avéré. 

En voyant les entraves mises à l'autorité du souve- 
rain , les révolutions fréquentes qui ont bouleversé cet 
empire , la mort et la déposition d'un si grand nombre 
de sultans 5 et les révoltes successives de tant de pachas 
eontre l'autorité de la Porte , on peut être étonné qu'au- 
cun de ces événements n'ait produit le démemtH*ement 
d'une seule province , et que la dynastie ottomane con- 
tinue à occuper ce trône orageux. 

Cependant cette maison souveraine , malgré la fin tra^ 
gique de plusieurs de ses chefs ^ non seulement n'a rien 
à craindre de pareilles révolutions ^ mais elle est même 
te seul lien politique qui unisse toutes les parties de cet 
empire, et le pivot sur lequel repose l'existence des 
deux Turquies. 

Cette circonstance tient aux institutions primitives 
qui ont présidé à l'existence et préparé la grandeur de 
cet empire 5 au souvenir de l'illustration des premiers 
empereurs, et à l'isolement dé la dynastie ottomane an 
milieu d'un peuple composé d'individus plutôt que de 
familles. 

Osman I«^ fondateur de cette monarchie, au lieu de 
donner leliom de Turcs à ses soldats, qui, d'origine 



— 313 - 
taftàr^, auraient dû porter cette détiominaiioti , alors 
coii;mane à toutes les bordes qui , depuis Genghiz^Khan^ 
étaient sorties des pays situés au deià et au nord de 
rOxus pour ravager TAsie-Mineure et la Syrie, les ap* 
pela 08manlis{i), c'est-à-dire enfaos d'Osman. 

Ce prince ne respirait que l'amour de la gloire et des 
conquêtes ; mais , observateur sévère de la discipline et 
de la justice > il vivait avec simplicité parmi ses soldatf>^ 
comme un père au milieu de ses enfants, et leur prodi- 
gttaît lesricbesses que ses conquêtes lui procuraient dans 
an pays abondant et fertile. Ses vertus , imitées par ses 
successeurs immédiats , attirèrent , par l'espoir d'acqué- 
rir des richesses et d'en jouir en paix sous un gouver- 
nement protecteur, la foule des aventuriers qui rava-- 
geaient, dans les 14« et 16« siècles, TAsie-Mineure et 
la Syrie, et que les armées conquérantes de Genghiz- 
Kban et de ses successeurs avaient laissés derrière elles 
dans leurs marches rapides. Ceux-ci , n'ayant d'autres 
points de réunion que la famille ottomane , s'attachèrent 
à elle avec zèle et fidélité , lui procurèrent bientôt un 
ascendant irrésistible dans l'Asie-Mineure , en chas- 
sèrent les Grecs, renversèrent le trône du sultan d'Ico- 
ninm, passèrent en Europe , et fixèrent en peu de temps 
le siège de l'empire dans la Thrace, sous le sultan Amu- 
rat l^^. Ce prince , par l'institution des janissaires, donna 



(1) Les Osmanlis se regardent comme insultés lorsqu'on les appelle 
Turcs, expression qu'ils emplolentipour désigner un homme grossier. 

Le mot turc éUit employé depuis le G* siècle de Thégire pour dési- 
gner dans rOrient les Scytties ou TarUres venus h la suite de Genghiz- 
Khan, et ceux de toutes les armées des conquérants ou brigands qui ont 
passé rOxus depuis cette époque pour se porter en Syrie ou dans TAsie- 
mineure. {Voyez le GuUstan du poëte persan Sctieik-Saadi, qui vivait 
dans le milieu du 6' siècle de Tbégire.) Nicéphore appelle Turcs les sol- 
dats d'Aladin, sultan d'Iconium. 



— 314 — 

une plus grafièe force et un nouvel Mêi à sa tsaàlh. 
Ces iHNMreaux sol4af s , tous prison&iers 4% gueire ou en^ 
fants de tribut , n'ayant pins de parents , ne pouvant pa§ 
se marier» se regardaient comme appartenant 4t la &•< 
mille régnante « à laquelle de bons traitements, des fa« 
Tears nombreuses et leurs succès militaires^ les atta« 
chèrent de plus en ploa. 

La coutume qui estnU loo(p<*temps de ne eonférier les 
^gnitës les plus hautes ^ les plus loa*ati¥es qu'à des 
iiob*Qg|llaflS ou pages Alerès dans le sèraiL, et règle- 
ment eselaves du suUan , àonora ce dernier titre , H tt 
coasid^er comme esclaves du souverrâi tous ceux qai 
parvinrent par la stiiie à occuper les principaux emplois 
à la cour, à l'armée, et dans radministralioo deé pr6«* 
vinees. Le droit qu'ont les maîtres d'hériter de leurs es« 
claves s'appliquait» dans ce eas , au souverain rolalivs<* 
ment aux principaux foneticmnaires de l'empire , emt 
pèchft qu'aucune famtUe ne s'élevât et ne se soutint m 
dessus delà m«ltit«de, et établit une égaKtè parfaite 
cotre t^us les Oamanlis. 

Ces principes, ceoaervés avec soin» et pour iesqueb 
on ne trouve quelques exceptions que dans ie^ provinces 
éloignées de la capkale, sont cause que les fisunillcs 
turques (i) n'ont pas de iH>m dtstinetif et héréditaire^ 
que chaque individu y est connu par une dénominatim 
religieuse ou par quelque sobriquet fondé sur des qua- 
lités morales ou des défauts physiques; que la gloire et le 
mérite des ancêtres sont nuls» et que les descendants 
directs ^^a plus illuiM:res visiffsou pachas exercent sou- 
vent les emplois les plus vils, aussi bien que ceux du 



(i) Il n^eii ett pas de même en f ersé et en Arabie : les familles ont dei 
noms distinctifil et conservent avec soin lear arbre généakpQUO. 



— 3J8 — 

]prophète^qu£ Vqu voit .«aejquofoîs traîner I^W* torliiaii 
vert daii3 l'f vlUsjifeiiicot et Jfa houa. La facile oMomiw 
est la sieiule <iui ait ud 119m ^ uoe desceadaneie svlvia « i^ 
droits hé^éiditairesy iine existence polit^joe^. £lk «4t le 
point de réunion générale; tout s# rapf^orte à e|le; ^ 
est tout; qm ne voit qu'eue et 1^ f^aHilw : Vwe ne poMVi* 
rait pa^ exiger san# l'autr^. 

MoQs^ venons de voir que , wioiqiafi la ^yn^iMÀe ot|^ 
mane soit solidement établie sur le trône de cet eioj^ri^»^ 
dont l'existence tient à la sieime, la personne du sultan 
régnant est exposée à des dangers continuels. M?is, oatr^ 
ces dangers» qu'une copduite s|ige et e^odéréi^ petui 4^« 
tourAer, l'empereur oitoman anra^t à craindre t'ainbî* 
tion de ses frèries et de ses parents, sans les précantifos^ 
cruelles qui ont été adw^^s pQur éviter les guerres €^ 
Tiles , lesquelles ont e^sangiaité la Turquie durait les 
deux prepniers siècles de son exisieuce. £1^ devaient 
presque toutes lepr origine à l'ineeirtiiude du droit 4e 
successîpn au tr^ne parn^ les princes de la niai^^on Qlf#!» 
m^ne(l). 

Autrefois les jeunes sultans jouissaient de la mimm Hr 
berté que les autres sujets de l'empire , et étaient souinent 
employés dans le commandement dea armées et le gou- 
vernement des provinces. Mais ploûeuirs de ces pr4nt^ 
se rendirent coupables de révoUe et mèDfte de cruautift 
envers leur souverain et leur père. Sélup I^^^ dépens et 
fit mourir Bajazet II , son père. Celui-ci lutta long-tempa 
contre son frère ^iziiu (2) pour 1^ succession au trÔRe^ 
Le grand Soliman lui-ipème fut exposé au danger d'être 
détrôné par son fils M oustapba. Ce dernier empereur, à 

(i) Uo empereur mort ou déposé est ordinairement reip^UiBé P4I^ la 
prince le pins igé de la famille. 
(2) Gantemir l^appelie Jem. 



— 316 — 

qui les Tares donnent le nom de Canuni , parce quMI fît 
réunir dans un code général les principales lois et les rè^ 
glements militaires de l'empire, établit pour règle inva- 
fiable et perpétuelle qu'à l'avenir tous les sultans appar- 
tenant à la race ottomane seraient élevés dans le sérail 
sous les yeux du sultan régnant , qu'ils n'en sortiraient 
qu'avec lui , et qu'ils ne seraient plus employés dans le 
commandement des armées et le gouvernement des pro- 
vinces. 

Cette loi , fondée sur l'esprit de vengeance et de ja« 
lousie qui animait alors le grand Soliman , ne fut exé-* 
cutée avec rigueur que depuis Mahomet III. Elle mit fin 
à tous les troubles que l'ambition des jeunes princes au« 
rait pu exciter; mais elle a porté un coup mortel à la 
gloire et à la prospérité de l'empire ottoman. 

Depuis cette époque les jeunes sultans languissent 
dans une prison rigoureuse jusqu'à leur mort ou jus- 
qu'au moment heureux de leur avènement au trône« 
Appelés à devenir les chefs d'une nation belliqueuse , au 
lieu de vivre dans les camps et au milieu des soldats, ils 
n'ont devant les yeux que des eunuques noirs et la cap- 
tivité. 

Un kodgea ou précepteur, choisi pour son austérité 
réelle ou apparente parmi les mudéris Ou docteurs de la 
loi, est chargé de les instruire dabs l'Aicoran, de leur 
apprendre les éléments des sciences cultivées autrefois 
par les Arabes , ainsi que les calculs chimériques de l'as- 
trologie , qui sert à diriger les opérations importantes de 
ce gouvernement (1), et enfin de leur faire connaître 

(i) Les Arabes, comme on peat le voir dans rcavrage intéressant de 
Pabbé Toderinl snr la littérature turque, avalent tfaduît les écrits d'A- 
ristotesur la logique, la morale, la physique, Phistoire naturelle et la 
rhétorique; ceux de Dioscoride sur la botanique, les aphorismes médi 



- 317 -- 

taiites les fiuesses da farei^ce style bizarre , mélangée 
d'arabe » de turc et de persan , dont on se sert dans la 
chancellerie ottomane. 

Ce professeur^ toujours animé par l'intérêt du corps 
auquel il appartient , met sa principale élude à envelop- 
per l'esprit de ses jeunes élèves de tous les préjugés qui 
sont propres à leur inspirer une haute admiration pour 
Vérudilion théologique des oulémas, et un souverain 
mépris pour les connaissances et la civilisation des 
peuples infidèles. Des femmes dont la stérilité est con- 
statée par leurs rides et par leur âge avancé sont char- 
gées de consoler ces princes des rigueurs de leur prison; 
mais elles ne servent qu'à énerver leur âme et à détruire 
leur santé. 

Pouvait-on espérer de former des hommes et surtout 
des princes avec un pareil genre d'éducation? Il en est 
sorti en général des êtres abrutis et efféminés. 

eaax dHippocrate , les ouvrages de Ptoloméesur Tastronomie; fts y avaient 
«jooté des découvertes utiles et avaient inventé l'algèbre et la chimie. 

Qaantà ^astrologie, dont ies fauL principes sont respectés dans toutes 
tes provinces turques , et même par les ministrea de la Porte , le prophète 
Mahomet Ta condamnée formellement dans son Alcoran. « ^Jouter foi aui 
prédictions des devins, c^est commettre, dit-il, un acte d^nfidélité. » 

Malgré le respect que les musulmans ont pour TAlcoran et pour tout ce 
qu'il renferme , il n'y a pas de loi religieuse qu'ils observent moins que 
eelle qui défend d'avoir recours aux devins et aux astrologues , et d^ajonter 
foi à leurs prédictions. 

Les promesses dea devins préparèrent la grandeur de la maison otto- 
mane en excitant Ertogul et-Osman I«' à former des entreprises hasardeu- 
ses qui les rendirent bientôt maîtres d'une partie de l'Anatolie. 

Lorsqu'on sultan ottoman monte sur le trône, on écoute attentivement 
les premiers mots qu'il prononce, et on les regarde comme un pronostic 
du bonheur ou du malheur de son règne. 

La paix , la guerre , les résolutions importantes, ne sont arrêtées ou Gom« 
mencées qu'aux époques fixées par les astronomes. 

Le Munedgim bachy ou chef des astrologue» est un des princIfMnK ett- • 
ci«r» du sérail et du corps des Oulémas» 



— 318 — 

La série brtltanie ( dont Thistoire des nations Q'ofn*e 
aucun autre exeibpie) de^ dix |lrémiers eHfipereurs dtio^ 
mans, qui tous coopérèrent par leur prudence et leurs 
Ver tds guen-iëres à la gloire et à ra};;ramiisseme^t de cet 
eikipire, flit remplacée par une ligne honteuse de {^rinces 
qui , incapables de soutenir lés fatigues de la guerre et 
de montrer des sentiments dignes de la force d -ftme et 
dtk courage de leurs ancêtres , abandonnèrent entière-^ 
ment les rênes de l'état à leurs ministres et s'endormi- 
rent dànsVindolence et la volupté de leur barem. 

La dégradatioii' de la maison souveraine eut une in- 
fluence funeste sur l'empiré. L'action du gouvernement 
ftjt afTalblie. L'estime de cette nation de soldats pour 
ses premiers maîtres avait accru l'autorité du souverain; 
son mépris pour leurs successeurs la diminua, et fit naî- 
tre, comme lious aVons vu, les prétentions et l'influence 
des janissaires et des oulémas. Le courage et la discipline 
sévère des janissaires , les dispositions belliqueuses du 
peuple et surtout les divisions des princes chrétiens, ont 
soutenu pendant lotig-temps et' même jusqu'à la fin du 
17^ siècle la gloire du nom ottoman. 

Mais depuis l'époque de la réclusion des princes les 
Hhfites de la Turquie ont cessé de s'étendre. Les armées 
ottomanes, jusque alors invincibles, ont éprouvé des re- 
vers; les révoltes des pacbas ont déchiré l'çmpire, et 
c'est deptiis la mort du grand Sotiman que la nrisère et 
la dépopulation toujours croissantes sont devenues le si- 
gne évident d'une lente décadence. Celle-ci a réduit cet 
état colossal, qui renferme lés plus belles provinces do 
monde, et qui a menacé autrefois d'engloutir l'Europe , 
à jouer un rôle presque insignifiant dans la confédéra- 

Les empereurs ottomans; devenus d'autant plus cruels 



~ 319 — 
qu'ils étaient làcbes et effémiaés, oe se contentèrent pas 
de donner des fers à tous les membi%s de leur famille^ 
mais» craignant que la nuûsoa souveraine ne devtnt trop 
nombreuse à cause du grand nombre de femmes renfer- 
mées dans les harems, ils eurent soin, à leur avénemeiil 
au trône , d'ëlagiier par le fer ou par le cordon toutèl» 
le& ^ancbes collatérales et inutiles , afin de donner pios 
de vigueur, disaient^ils, au tronc principal (1). 

Le lâche et cruel Mahomet III fit périr ses dix-neiif 
frères et toutes le& concubines que son père avait laisséea 
enceintes, et resta seul de toute sa Cumlte. Par suite ée 
cette politique barbare , tous les enfants mâles nés du 
mariage d'une sœur oa4'uoe cousine du sultan régnant 
avec un des sujets de l'empire étaient condamnés i une 
mort inévitable au moment de leur naissance. 

Des actes trop fréquents de cette poUtiqiue cruelle ont 
exposé plusieurs fois la dynastie ottomane aii danger 
inamineot de son extinction, et avaient engagé les janis- 
saires a se déclarer les tuteurs et les gardiens des prince» 
captifs. Les dernières révolutions, qui oat fait périr le» 
sultans Sélim et Moustaphai n'avaient laissé que le sul- 
tan Mahmoud pour seul soutien de la famUle souveraîBe 
et de l'empire (2). 

Maigre les prétentions de la famille tartare des Crim'^ 
Cuéray^ laquelle regarde le trône ottoman comme de- 
vant lui appartenir dans le cas de l'extinctioQ de la mai- 
son régnante, il est probable que les Osmanlis repousse^* 
raient ces princes tartares, qui sont tombés à leurs yeux 



(i) La maison des^ calil^s abassid€s , cPaprèis le dénombrenfient fait Pàn 
3&1 de riiégk« j^ar les ordres d» calife AMaliali lU, inonlail à SS^miUe lft«- 
dividus, taat princes que princesses. 

{1t) T<^x d^OhsoD. 



— 320 — 
dans un état d'aviUssement depuis qu'ils ont perdu la 
Crimée. 

Tous ceux qui ont bien vu l'empire ottoman , et 
qui ont étudié avec soin ses lois , ses intitulions , ses 
usages et les dispositions des peuples , sont tout à fait 
eonvaincus que l'extinction de la maison régnante en- 
traînerait avec elle la dissolution de cet empire. Mais 
tant que cette maison existera, elle est appuyée sur 
des racines trop profondes qui , nées avec cette mo- 
narchie, en ont toujours été le soutien, pour qu'elle 
ait à craindre d'être renversée par des révolutions in- 
térieures. 

Plusieurs sultans ont péri ; mais le trône dynastique 
s'est toujours montré inébranlable au milieu des plus 
grands orages. 

Dans les dernières luttes entre le sultan Mahmoud et 
le pacha d'Egypte, quelques écrivains européens ont cru 
que rien n'était plus facile à Méhémet-Ali que de mar- 
cher sur Gonstanlinople pour s'asseoir sur le trône de la 
maison d'Osman. 

Mais ce vieillard aussi sage qu'ambitieux connaît 
trop bien sa position personnelle et celle de la famille 
souveraine qui régit la Turquie pour chercher à éten- 
dre sa domination dans les pays qui ont été le berceau de 
hi maison d'Osman, qui sont pleins de ses souvenirs, et 
qui ont toujours montré , même dans les temps des ca- 
Hfes de Bagdad et de Damas, une grande aversion pour 
la domination arabe. 

La maison ottomane , qui règne depuis plus de SOO ans, 
s'est identifiée complètement avec le peuple osmanli , 
dont Texistence politique dépend de la sienne. Sa do- 
mination n'avait pas la même base solide sur les popula- 



— SStt — 

tkms arabes de TEgypte et de la Syrie, anprês de»- 
quelles elle était restée comme étrangère» 

0«a»t à la maison dont Méhémet-AK est îe fondateur 
et le chef, elle est trop récente pour avoir acquis des 
racines profondes et une consistance solide en Egypte et 
en Syrie, 

EBe a dû nécessairement fouler ses peuplés pour ob- 
tenir et accélérer sou agrandissement • Elle a commis 
d'ailleurs la grande faute de ne pas identifier ses intérêts 
particuliers avec les intérêts publics des peuples qu'elte 
gouverne , et de se montrer tout à lait étrangère à leur 
égard» 

DES OITLÉVAS, UE LA LÉGISLATTON OTTOHANff, 
ET DES INSTITITTIONS ECCLÉSIASTIQUES ET JUDICIAIBES» 

Les oulémas, par leur influence sur Fe peuple et par 
la nature de leurs fonctions judiciaires et religieusest^ 
dans un gouvernement tbéocratique , forment la bran- 
che la plus importante de l'état après le souverain. Il 
est nécessaire de faire connaître leur composition, leurs 
devoirs, leurs prérogatives, et les moyens sur lesquels 
repose toute leur influence politique. 

Ce corps se divise en deux classes : celle des hommes 
de loi et celle des hommes d'église.. Il n^y a guère d'exem- 
ple qu'Hun individu ait quitté l'une de ces deux classes 
pour passer dans l'autre. 

Les fonctions de tous les membres du corps des oulé- 
mas étaient primitivement sacerdotales et judiciaires, 
parce que TAlcoran sert de base à toutes les lois religieux 
ses, civiles et politiques , des musulmans» Mais comme 
un même homme ne pouvait pas suffire aux pénibles 
devoirs que lui imposaient l'administration de la justice 
K 2t 



— 332 — 

et les nombreuses prières du culte mahométan, une dis- 
tiDction eut bientôt lieu entre des fonctions si différen- 
tes. Les cadis ou juges formèrent un corps séparé de 
celui desimans ou prêtres et s'occupèrent exclusivement 
de la justice et de l'interprétation des lois. 

Les cadis^ ayant le droit d'exiger des rétributions as- 
sez fortes pour toutes les causes soumises à leurs tribu- 
naux , devinrent riches. Les imans, ne recevant que des 
salaires modiques sur le revenu des mosquées» dont l'ad- 
ministration ne leur était pas confiée, restèrent pau- 
vres. Cette circonstance rendit la classe des prêtres in- 
férieure à celle des hommes de loi , et cette dernière 
attira par ses avantages les intrigants et les ambitieux. 
Cependant les im^ns n'auraient pas manqué d'acquérir 
Tascendant que les hommes d'église possèdent facile- 
ment chez une nation fanatique et itérante, si le 
muphti, en qualité de chef du corps , n'avait pas con- 
servé soigneusement le droit exclusif de nommer à tous 
les emplois ecclésiastiques. D'ailleurs la coutume qui 
s'établit bientôt de ne choisir pour le service des mos- 
quées que ceux des élèves qui montraient le moins d'a- 
dresse, d'intelligence et de zèle pour l'étude, et de ré- 
server les autres élèves pour la magistrature, rendit la 
classe des prêtres inférieure à celle des juges, non seu* 
lement par les richesses, mais encore par les lumières et 
les talents. 

Cependant les hommes de loi , sentant l'importance 
des fonctions sacerdotales, n'y renoncèrent jamais d'une 
manière expresse et les remplissent encore dans quel- 
ques circonstances. C'est ioême pour consacrer ce prin- 
cipe que le muphti a seul le droit de réciter les prières 
dans les deux événements les plus importants de la vie 
des empereurs turcs, c'est-à-dire à leur avènement aa 



— 323 — 

tr6iie et à leur morti et que les deux chapelains du se- 
rail , quoique sortis de la classe des imans, font partie 
du premier ordre de la magistrature. 

Tous les Osmanlis peuvent prétendre à être admis 
dans le corps des oulémas. Mais les jeunes gens destinés 
à cette carrière doivent faire leurs études sous le titre 
de softQS ou patients dans les médressés ou collèges de 
théologie et de droit , qui sont attachés aux grandes 
Sf^squées dans les villes principales de l'empire. Ces 
élèves subissent, après quelques années d'étude, un exa- 
men peu rigide sur l'Alcoran, sur la langue arabe et sur 
la psalmodie des prières publiques, et peuvent dès lors 
être employés au service des mosquées; mais, admis dans 
le sacerdoce , ils ne doivent plus avoir d'autre vue que 
de terminer leur carrière dans cette classe inférieure du 
corps des oulémas. 

Les soflas qui se destinent à la judicature doivent 
continuer leurs études, et parviennent, après plusieurs 
examens et une assez longue attente , au titre de muta- 
»m, qui est le premier grade d'introduction dans la 
classe des hommes de loi. Ces mulazims deviennent cadis 
ou juges, et naïbs ou lieutenants déjuges. 

Mais ceux d'entre eux qui , fondant leurs espérances 
sur leurs talents, leurs connaissances et leur bonne con- 
duite , ou bien sur la faveur plus puissante des chefs du 
corps, désirent acquérir le titre de mudéris ou docteur, 
doivent continuer leur ennuyeux noviciat pendant sept 
ans, après lesquels ils subissent un dernier examen en 
présence du muphti. Ce pontife a seul le droit de leur 
conférer ce titre honorable, sans lequel on ne peut par- 
venir aux principales dignités de la magistrature. 

Les enfants des principaux oulémas sont dispensés de 
ces lentes et nombreuses formalités par une coutume in- 

21. 



— 324 — 

juste et contraire à Tessenee de ce gouvernement, et 
dont l'a faiblesse sente dn souverain a pu permettre l'in- 
troduction. Elevés dans la maison paternelle, ils ob- 
tiennent souvent le titre de mudéris avant l'âge de dix- 
neuf ans, et se trouvent , par ancienneté , à la tète du 
corps avant d'avoir atteint leur quarantième année. Les 
enfants des visirs et des grands dignitaires de la Porte 
obtiennent quelquefois un pareil avantage par la faveur 
spéciale du Grand-Seigneur, et sont distingués sous le 
titre de hey-mollas. Mais ces derniers exemples sont 
rares; tandis que les privilèges des enfants des mollas, 
ne dépendant pas de la faveur du souverain , çont de^ 
venus, par l'usage, les droits légitimes d'une aristo- 
cratie héréditaire. 

Les mudéris de Constantinople sont divisés entre eux 
en dix ordres ou grades successifs , dont le plus élevé 
est celui de Soulimanyé. Ceux qui sont parvenus i ce 
dernier grade peuvent prétendre aux principales digni- 
tés de la magistrature. 

Les mudéris des autres villes de l'empire ne con» 
courent pas avec ceux de la capitale, et n'ont d'autre 
perspective ou d'autre destination que les emplois de 
muphti de province ou les fonctions de professeurs 
dans les collèges de droit. 

La loi d'ancienneté est suivie avec assez de rigueur 
pour les premiers grades de la hiérarchie des mudéris (1«). 
Hais la volonté du muphti dérange souvent l'ordre ré- 
gulier du tableau dans les grades supérieurs, et pour 
le choix des sujets qui sont appelés aux emplois de ca- 
dis-askers et à ceux démolies de première et de deuxième 
classe. 

(i) r&yex d*OlMm. ' 



— 328 — 

Les deux cadis-askers de Romélie et d'ÀDfttolie, le 
stambol-cadisi ou juge de Constantinople, et lés mollas 
de la Mecque et Mëdine , d'ÂndriDople , de Brousse, de 
Damas, du Caire , de chacun des trois faubourgs de la 
capitale (Gaiata, Scutari et Eyufo), de Jérusalem, de 
Smyme, d'Alep, de Larisse et de Salonique^ occupent 
dix-sept tribunaux, auxquels on parvient successive- 
ment par ancienneté ou par faveur, et font partie du pre- 
mier ordre de la magistrature. Celui-ci se compose non 
seulement des titulaires actuels, qui ne peuvent jamais 
rester plus d'une année en fonction , mais encore de tous 
ceux qui, ayant occupé un de ces tribunaux, conservent^ 
avec le droit d'être réélus, les honneurs de leur der« 
niëre dignité. Les individus de ce premier ordre sont 
au nombre de cent. Leur chef, qui est le plus ancien 
de ceux qui ont occupé la dignité de cadis-askers de 
Romélie, est connu sous le nom de réis ouléma. Il jouit 
de très grands honneurs , et succède ordinairement à la 
dignité vacante de muphti. 

Les deux cadis-askers de Romélie et d'Anatolle sont 
les chefs des cadis ou juges, l'un en Europe et l'antre en 
Asie, et nomment à tous les cadilics vacants dans leurs 
départements respectifs. Le premier, ayant une juri- 
diction plus étendue, et pouvant seul juger les causes 
relatives aux revenus de la couronne , a le pas sur son 
collègue. 

La loi , qui exige que tous les cadis soient remplacés 
dans leur emploi au bout de dix-huit mois d'exercice , 
afin de les empêcher d'acquérir une influence locale qui 
pourrait devenir dangereuse ou incommode au gou- 
yernement , augmente le crédit et les richesses des ca- 
dtsaskers , à cause du choix des nouveaux juges, et par 
les profits qu'ils retirent de ces fréquents changements. 



— 326 — 

Cinq grands officiers du sérail , quoique n'étant pas 
employés à des fonctions judiciaires, sont considérés 
comme appartenant à ce premier ordre de la magistra- 
ture , et peuvent y parvenir aux dignités les plus émi- 
nentes. Ceux-ci sont le khodgea ou précepteur du sul- 
tan , le hékimbachy ou premier médecin , le munedgin- 
bacby ou chef des astronomes ou astrologues, et les 
deux hunkear-imamis ou chapelains du Grand-Seigneur. 

Lesmollas des dix yilles de Bagdad , Bosnia , Mérascb, 
Sophie, Belgrade, Àlntah, Kutaya, Conya, PhilipopoH 
et Diarhékir, forment le second ordre de la magistra- 
ture. Celui-ci se compose des mudéris qui, ne comptant 
pas sur la faveur des chefe du corps , n'ont pas la patience 
d'attendre leur rang tardif d'admission dans le grade 
élevé de la Soulimanyé. Leur carrière est limitée ; ils 
ne doivent pas espérer de sortir de ce second ordre. 
Leurs fonctions sont annuelles el amovibles comme danà 
l'ordre le plus élevé. 

Nous avons vu que les mudéris étrangers à la capitale 
n'avaient d'autre perspective que celle d'être employés 
comme muphtis de province ou comme professeurs de 
médressés. Ces muphtis ont dans leur district particu- 
lier des fonctions analogues à celles de grand muphti ou 
chef suprême du corps , en sa qualité d'interprète des 
lois; mais, comme leurs décisions ne sont relatives qu'à 
des questions individuelles et à des intérêts peu impor- 
tants, leur influence politique est peu de chose, et leur 
rang est subordonné à celui du cadi de la province. 

Les divers classements des oulémas , et les barrières 
insurmontables qui les séparent, sembleraient annoncer 
qu'il existe une dépendance et un droit d'appel des tri- 
bunaux des cadis à ceux des moUas et des cadis^askers. 
Cependant tous ces magistrats, et même les naïbs qui, 



— 327 - 

admis dans le corps de la Judicature sous le titre de mtt« 
lazims , achètent des mollas et des cadis , moyennant une 
rente annuelle , le droit de remplir pour eux leurs fonc- 
tions judiciaires, jugent en premier et dernier ressort , 
tant au civil qu'au criminel , et remplissent en outre les 
fonctions de notaire et celles d'officier de police. Leur 
mode de jugement est très expèditif. 

Les parties directement intéressées plaident par elles^ 
mêmes : la déposition de deux témoins suffit pour con* 
atater le fait et pour guider la conscience des juges. Cette 
précipitation et la corruption des juges et des témoins 
dictent assez souvent des sentences iniques. 

Hommes (téglise. — Les hommes d'église se divisent 
en scheiks , khiatibs , imans et muezzins. Les premiers 
font les fonctions de prédicateurs ; les khiatibs sont char- 
gés de la surveillance^deja mosquée, et ne récitent que 
les prières du vendredi ; les imans remplissent toutes les 
fonctions journalières du culte , et les muezzins appellent 
du haut des minarets les musulmans à la prière. Tous 
ces hommes d'église sortent des classes élémentaires des 
médressés , dépendent du muphti pour leur nomina- 
tion et leur avancement, et ne connaissent, par in- 
térêt et par habitude , d'autre volonté que celle de ce 
pontife. 

Le muphti et le grand-visir sont les lieutenants du 
Grand-Seigneur , l'un dans l'exercice de sa puissance 
spirituelle , l'autre pour l'autorité temporelle. Ces deux 
grands officiers de l'empire sont égaux en dignité et 
marchent sur la même ligne. 

La durée de leurs fonctions n'est pas limitée. Seuls 

parmi tous les dignitaires de l'état ils sont supposés être 

nommés à vie. Mais le muphti est l'oracle de la loi : 

outes les nouvelles lois et les questions relatives aux 



— 328 — 

grands iatèrèts de l'empire doivent lui être soumises j il 
partage, par ses fetfas ou décisions légales, la puissance 
législative du souverain et l'action du gouvernement. 11 
dirige aussi, comme chef d'un corps dont les principaux 
emplois sont soumni sa nomination, l'influence poli- 
tique que celui-cia acquise^ Le grand-visir, au contraire, 
n'est que la créature de la faveur, et n'a d'existence que 
par elle. La mort était presque toujours le terme de sa 
grandeur précaire^ tandis que le muphti n'avait k 
craindre que la destitution et l'exil. 

D'ailleurs ce dernier châtiment, que le souverain 
peut infliger sans danger lorsqu'il n'a d'autre intention 
que de punir les prévarications et les intrigues person* 
neUes d'un muphti trop avide ou trop remuant, aurai! 
des résultats funestes si ce pontife était considéré piff 
les oulémas comme ia victime malheureuse de son zèle 
pour la religion , l'état et les intérêts de son corps. Le 
nouveau muphti, quoique souvent ennemi personnel de 
son prédécesseur, serait alors obligé de suivre les mêmes 
principes et de s'exposer au même sort. L'obstination 
du gouvernement, dans un pareil cas, produirait in- 
failliblement une insurrection dangereuse pour le sou- 
verain , et toujours fatale à ses ministres* 

Tel est l'effet de la puissance qu'a acquise et qu'exerce 
par son chef un corps qui, autrefois faible, soumis et 
respectueux , n'était que l'instrument aveugle de l'au^ 
torité souveraine, et qui est parvenu, par sa politique 
et ses privilèges, à se rendre indépendant d'elle et à la 
maîtriser. 

Les privilèges communs à tous les oulémas sont de 
ne payer aucune taxe ni aucune imposition publi- 
que, de ne pouvoir pas être punis de mort et de n'être 
pas exposés à la loi arbitraire des coniiscations« Seuls ils 



Jottbsent de œs prérogutives dans un pays où la mort et 
les coDflseaitons étaient les moyens ordinaires dont le 
monarque se servait à Tégard des fonctionnaires publies 
pour affermir sa puissance et augmenter ses revenus. 

Les auteurs turcs remarquent que c'est depuis envi- 
ron deux siècles que les oulémas jouissent sans obsta- 
cle de ces privilèges, qui leur avaient été souvent con- 
testés par les souverains antérieurs à cette époque. Cette 
observation prouve que la faiblesse des sultans dégéné- 
rès a pu seule leur concéder de si grands avantages. 
Mais le plus grand privilège que les chefs des oulémas 
ont retiré des calamités publiques et de la faiblesse du 
gouvernement est d'avoir réussi à former dans leur 
corps une véritable aristocratie^ en assurant à quelques 
familles la jouissance héréditaire et presque exclusive 
des principales magistratures, et en assujettissant le 
sultans à suivre dans le choix du muphti l'ordre des 
classements établis par les règlements du corps (1). 

Les oulémas, possédant des lumières que les Turcs 
estiment, et des richesses, qui inspirent du respect dans 
tous les pays , et ayant acquis des droits et des privilèges 
qui les rendent presque indépendants de l'autorité sou- 
veraine , sont un objet continuel de terreur et de jalou- 
sie pour les monarques régnants. Cependant , quoique 
souvent ennemis de la personne du monarque, on peut 
les régarder comme un ferme appui de l'ordre actuel 
des choses et de la dynastie ottomane. 

La cause d'une telle conduite tient à leur éducation , 
A leurs principes et k leur état politique. Destinés à rem- 



(1) Le Grand-Seigneur ne cheisît plus les miiphtis que parmi les cadis- 
«skers ou les maphtis déjà destitués. Il les prenait autrefois indisiincteineiit 
parmi tous les membres de Tordre Judiciaire. 



— 330 — 

fjlir des fonctions parement ecclësiastiqaes et jndlciai* 
rés*, ils sont élevés dans la haine des armes et dans la 
jaionsie des hommes de goerre. La crainte que cenx-ci, 
en s'iatroduisant par eux , ne dérangeassent l'ordre des 
classements fondés sur des connaissances et dès études 
tfaéologiqaes', et ne parvinsent à les assimiler aux au- 
^tres corps de l'état, leur a fait adopter de bonne heure 
pour loi fondamentale que tout ouléma serait à jamais 
exclu de la prêtrise et de la magistrature , aussit6t qu'il 
aurait accepté des fonctions|qui ne seraient ni sacerdo- 
taies ni judiciaires. 

Cette loi, exécutée avec une rigueur inflexible, a 
établi une barrière insurmontable entre les hommes de 
guerre et les oulémas. La politique , l'intérêt et la crainte 
d'un danger commun , les ont réunis quelquefois pour 
déposer un monarque dont ils étaient également mé* 
contents, et pour le remplacer par un prince de la même 
famille , sans considérer cette action comme une infrac- 
tion aux lois de l'empire. Mais comme toute révolution 
qui aurait pour but de renverser la dynastie actuelle 
ne pourrait être conduite et soutenue que par des hom- 
mes de guerre et par un 'général audacieux , à qui rien 
ne paraîtrait sacré , elle serait vue avec horreur par les 
oulémas , dont les droits , les privilèges et l'influence po- 
litique, s'écrouleraient avec les débris de la maison otto- 
mane, à laquelle sont attachés les lois fondamentales et 
les institutions de cet empire. 

LégUkUion ottomane. — Ayant fait connaître le corps 
des oulémas, ses droits ^ ses privilèges , ses fonctions et 
son influence, nous croyons devoir présenter quelques 
détails sur la législation générale de l'empire ottoman 
et sur ses institutions ecclésiastiques, 

L'Alcoran est la base de toutes les lois religieuses, ci-* 



— 331 — 

viles et poliliques, des musulmans. Hais un nombre in* 
fini de commentaires sur ce livre sacré ont souvent 
embrouillé le véritable sens des paroles du prophète et 
rendu difficile l'application de ses préceptes. 

Herbelot dit, dans sa bibliothèque orientale, que le 
nombre des tefsirs ou commentaires sur l'Alcoran est si 
considérable , qu'en donnant le titre des ouvrages et les 
noms des auteurs on en ferait un gros volume. Cette 
multitude d'opinions diverses laisse un vaste champ à la 
conscience des juges et à l'interprétation desmuphtis. 

L'Alcoran contient à la fois les lois sacrées et les lois 
civiles. 

Les lois sacrées regardent i^ la foi , c'est-à-dire la 
croyance en Dieu, aux anges, aux livres divins, aux 
prophètes, au jugement dernier et aux commandements 
de Dieu; 29 le culte, c'est-à-dire les ablutions, les priè- 
res, l'aumône^ les jeûnes, le pèlerinage à la Mecque. 

Les lois civiles comprennent les lois pénales , parmi 
lesquelles figurent la peine du talion; les lois relatives 
au mariage, qui autorisent la répudiation de la femme 
en lui payant une dot ou une somme stipulée dans le 
contrat, et les lois sur les successions, partages et dis- 
positions testamentaires. Les droits des douanes et les 
règlements des objets administratifs font partie des lois 
civiles. 

Mais indépendamment de l'Alcoran, écrit par Maho- 
met, la jurisprudence musulmane s'appuie sur le Siot* 
nethj qui est le recueil des lois prophétiques non écrites 
parle prophète; sur l^Idjama-y'Vmmethj qui contient les 
lois apostoliques des quatre premiers califes ; sur le Kiass 
ou recueil des lois canoniques ; sur le Cantm-Nameh ou 
législation impériale du sultan Soliman le Magnifique ; 



~ 332 -► 

SUT les* aDciennes coulâmes dites Adet , et sur TOurf oa 
ordonnances particaiières du sultan régnant. 

Le Sunneth embrasse toutes les paroles, maximes et 
lois orales da prophète, ses actions, ses œuvres, ses pra« 
liqaes, son silence même sur les différentes actions des 
hommes; ce silence a été interprété comme une appro^ 
iMtion tacite. 

Vldjama-y-Ummeik contient les explications, les glo- 
ses et les décisions légales des quatre premiers califes 
sbr différentes matières théologiques, morales , ciriles, 
drimtnelles, politiques, etc. Ces gloses et ces décisions 
«ont presque aussi respectées que les préceptes de TAU 
coran et les lois orales de son auteur. 

Le Kiass est un recueil de décisions canoniques, fai* 
tes par les imans interprètes des premiers siècles du ma- 
liométisme. 

Le Camun-Nûmeh^ ou recueil des règlements de Soli- 
man le Grand , est relatif à l'organisation et aux procé- 
dures des tribunaux , aux usages ei coutumes du sérail 
(le harem non compris), à la discipline et au service des 
troupes de terre et de mer, au gouvernement central de 
la Porte , à l'administration des provinces, et aux rap- 
ports politiques des Osmanlis , tant intérieurs qu'extér 
rieurs. Ces règlements firent cesser toutes les disputes 
qui s'élevaient fréquemment entre les principaux agents 
et les employés de l'état relativement à Tordre et aux 
préséances et fixèrent leurs devoirs et leurs app<Nnte- 
ments. 

Les dispositions du Canun-Nameh ont servi de règle 
de conduite aux successeurs deSoliman , et ont toujours 
été tellement respectés, qu'aucun d'entre eux n'a osé y 
faire des changements ou des modifications importantes. 



— 333 — 

VAéet aa cootume varie Miivant Tes provioiees et 
tt'«si relatif qu'à des usage» loeaux» Ce» usages sont re- 
speeUs el suivis toutes les fois qu'ils n'offreDt rien de 
eoDiraire aux préceptes de l'Aleoraa, aux lois orales du 
Sunneêh et aux règlements du Canun-Nameh. 

VOurf est le pouvcnr arbitraire du sultim ; c'est par 
tai qu'ii peut coadamner à mort ud coupable pris en 
flagrant délit , sans suivre les formalités des tribunaux 
de justice ; c'est par lui qu'il peut faire &ter chaque jour 
la vie à quatorze personnes appartenant à sa famille, à 
son sérail, ou aux grands dignitaires de l'empire, par ca 
seul mouvement moral que tes Tures appellent inspira^ 
iion. C'est par lui qu'il a le droit de faire de nouveaux 
règlements d'administration et de police et de modifier 
les anciens» 

Les iuriscoBSuUes en corps des oulémas étudient 
l'Alcoran, le Snnnetb , ridjama-y-Ummetb et le Kiass, 
et en font l'application dans les jugements. 

Les infractions an Canun-Nameb et aux Katty-€be- 
riffs ou ordonnances du prince régnant ne sont pas de 
la compétence des oulémas, et ne doivent être jugées 
que par les officiers civils et militaires du gouvernement. 

Le président Montesquieu n'avait eu , d'après Ri- 
cault, qu'une idée imparfaite de la législation des Turcs^ 
sur laquelle le chevalier d'Obson et l'abbé Todérini ont 
jeté un si grand jour en publiant, depuis ta mort de cei 
illustre écrivain , les fruits de leurs savantes et labo- 
rieuses recherches. Il est tombé dans de graves erreurs 
sur les lois de succession et d'hérédité qui existent dans 
l'empire ottoman» 

Ces lois sont fixées par le prophète lui-même dans le 
chap. 4 de l'Alcoran : <r Dans les successions^ dit le pro* 



— 334 — 
MtÊ» » ttOgMr{ea aura connne deux filles* SU ne rer* 
te que des filles et qu'elles soient aa nombre de plus de 
deux» ¥oiis lenr donnerez les deux tiers de rhèritage da 
défont, et seulement la moitié s'il n'y a qu'une seule fille. 
» Le père et la mère du mort doivent avoir le sixième 
de ses biens, s'il laisse des enfonts. S'il n'en laisse pas, 
le père et la mère partageront l'héritage dans la pro- 
portion de deux tiers pour le mari et d'un tiers pour la 

femme. 

» Quant aux biens de vos femmes , la moitié v^us ap- 
partient de droit, si elles ne laissent pas d'enfants; au- 
trement vous n'en prendrez que le quart, après le paie^ 
ment des legs, des dettes et autres obligations. 

9 On accordera à vos femmes, après votre mort, le 
quart de votre héritage, si vous ne laissez pas d'enfants 
ou autrement elles n'auront qu'un huitième. » 

Un homme qui hérite de son frère mort sans enfants 
doit payer au souverain un droit de trois pour cent, A 
défaut de frères, les biens passent aux neveux. Les cou- 
sins ne sont pas admis à hériter. 

Dans les successions collatérales, les terres labourar 
Mes de quelque étendue sont dévolues au souverain et 
servent à former des fiefs militaires. 

L'héritage d'un homme mort sans enfants, sans frères 
ou sans neveux, appartient au trésor public, qui, d'après 
le Ganun-Nameh, ne doit faire valoir ses droits qu'après 
un délai de sept ans, afin de donner le temps aux héri- 
tiers légitimes de se faire connaître et de présenter leurs 
réclamations. 

Les femmes partagent^ par égales portions, avec leurs 
frères, les biens dits vakoufs, qui sont censés appartenir 
aux mosquées. 



— 335 — 

Nous CT0J0D9 qu'il est nécessaire de donner m qnel- 
ques détails sur les biens dits rdftoti/Sr, q«i ontaugmentè, 
et qui, à moins d'une réforme utile dans cette partie de 
la législation ottomane , augmentent considérablement 
tous les îours les richesses des mosquées et par eonsé^ 
quent l'influence des oulémas. 

Les vakoufs se partagent en trois classes : la première 
comprend la propriété des mosquées; la seconde est re- 
lative aux fondations établies pour le soulagement des 
pauvres ; la troisième est celle des vakoufs eauêumiers, 
qui sont distingués des aulres par leur nature et par dea 
eàraetères qui leur sont propres. 

Les vakoufs des mosquées se composent de tous les 
biens meubles et immeubles qui sont destinés à la 
construction préparation et entretien de ces lieux con- 
sacrés au culte public , ainsi qu'à la subsislanee des mU 
nistres qui les desservent. Chaque vakouf a son muié- 
véli ou régisseur, qui est obligé de soumettre ses comp** 
tes à un nazir ou inspecteur» 

Les fondateurs de ces vakoufis ont coutume de dési* 
gner dans l'acte même de donation dans quelle classe ou 
dans quelle famille doivent être pris les régisseurs et 
l'inspecteur des biens de la fondation. — Plusieurs d'en- 
tre eux ont exigé que ces administrateurs fussent ton* 
jours choisis parmi leurs descendants directs, ou dans 
les branches collatérales de leurs familles ; ils ont assuré 
par ce moyen à leurs enfants et à leurs parents la jouis* 
sanee d'une partie de ces biens, qui, ayant une destina- 
lion sacrée , ne pouvaient plus être assujettis à la loi des 
confiscations. Les nazirs et les mutévélis des mosquées 
impériales sont ordinairement les premiers personnages 
de l'empire. Le grand- visir est de droit le nazir des 
mosquées fondées par Mahomet 11^ Sélim I«r etSolimanlI; 



— 336 — 
le mnphti Test de celles qui ml été conslniiteeel dotées 
par Bajazet II et Ahmed I. 

Quant aux autres mosquées impériales , le chef des 
enniiques blanes en a eu long-temps la directioD. H«s 
nnfiuence croissante des kislars-agas sous des saltam 
efféminés a Tait 6ter aux chefs dès eunuques blancs cette 
inspection honorable et très lucrative pour la remettre 
au chef des gardes intérieurs du harem (1)« 

Le kislar-aga , dont le Grand-Seigneur est nécessaire^» 
ment l'héritier, est chargé en outre de tous les vidcouft 
appartenant aux irilles saintes de la Mecque et Médine^ 
et de plus de cinq cents mosquées ordinaires^ dont les 
fondateurs ont confié l'inspection à ce premier ministre 
de l'intérieur du sérail. 

Comme les recettes des mosquées non impériales sont 
infiniment supérieures aux dépenses , les nazirs et les 
mutéYélis faisaient autrefois des profits considérables qui 
étaient perdus pour la mosquée et pour Tétat. Maho* 
met II, désirant mettre fin à ces abus et procurer an 
mtn ou trésor public des ayantages que les inspecteurs 
ou les régisseurs se réservaient exclusivement , afferma 
ces emplois pour une ou deux années par un ImîI dans 
lequel le fermier s^obligeait , après avoir payé les nà^ 
Distres du culte , les dépenses d'entretien et les pensions 
constituées sur le vakouf ^ à verser une somime conve* 
nue dans les caisses du gouvernement. * 

Mais ces fermiers temporaires ne faisaient aucune ré- 
paration, vexaient les habitants des domaines vakoufe, 
et fatiguaient les terres pour en tirer de pins grands 
profits. Conseillé par le grand-visir Elmas-Pacha , le suk 



(1) Le sérail eoniitoe tout le palais. Le barem est la partie réseryée 
pear ThabitatioB des fèmmei» 



— 337 — 

tan Moustapha II convertit les baux annuels ou limités 
en fermes viagères sous le titre de malikianës. — Les ré- 
gisseurs des malikiauës sont obligés de payer d'avancé le 
prix de leur acquisition , et de verser dans les caisses du 
miri une redevance annuelle. 

Monstapha III soumit au système des malikianés Tad- 
ministration de la plupart des revenus de l'état. Il éten- 
dit la même mesure aux mosquées impériales en payant 
au kislar-aga une indemnité annuelle de 800 000 francs, 
au grand-visir une autre de 2S0 000 francs, et autant au 
mupbti. 

Mais, cédant aux sollicitations pressantes du kislar-aga, 
du grand-visir et du muphti , le faible sultan Âbdul-Ha- 
med rendit à ces grands officiers l'inspection et Tadmi- 
nistration suprême des mosquées impériales. 

La fondation onéreuse des mosquées impériales n'é- 
tait pas abandonnée aux caprices des monarques ré- 
gnant?. Ils ne pouvaient former de pareils établissements 
qu'après avoir fait quelques conquêtes ou battu les en- 
nemis de l'empire dans une grande bataille. 

Les vakoufs , dont les fondations sont relatives au sou- 
lagement des pauvres^ sont réglés par des principes sem- 
blables à ceux qui régissent les revenus des mosquées 
ordinaires, c'est-à-dire le régime de malikianés. — Avant 
cette mesure, ces vakoufs avaient beaucoup souffert de 
la négligence et des déprédations des anciens régisseurs. 

L'excédant .des recettes des mosquées impériales sur 
les dépenses, lequel est considérable même après que le 
kislar-aga, le grand-visir et le mupbti, ont prélevé les 
sommes qu'ils ont coutume d'en tirer, est versé dans les 
caisses du basné ou trésor particulier du sultan. Il est 
destiné à former une masse à laquelle on ne doit toucher 
I. 22 



— 338 — 
que dans les ciroonstances les plus critiques, et pour Im 
besoins les. plus pressants de l'état. 

Tous les bieBS vakoufe soat inaliénables, parée qu'aai^ 
ternies de la lai la propriété est transportée à 0ieu mènie, 
et que les hommes n'en ont que l'usufruit. 

Les yakoub de la troisième classe, dits vakoufs cou- 
iumierSy sont fondés sur la cession qu'un particulier fâtt 
de sa propriété à une mosquée , moyennant la réception 
d'une somme équivalant à la dixième ou douzième par- 
tie de sa valeur estimée. Ce propriétaire continue à 
jouir de son bien, et paie à la mosquée une rente pro* 
pojrtioonée à l'intérêt de l'argent qn'U a reçu. — Le 
bien est alors à l'abri non seulement de toute confisea* 
tioQ, mais encore de toutes poursuites judiciaires, parce 
que tout vakouf est une propriété sacrée sur laqueUe 
nul créancier ne peut former de prétentions. — Après la 
mort du vendeur, le bien passe à ses enfants de l'un et 
de l'autre sexe , qui partagent entre eux ces hérédités 
par égales portions. — Le vendeur lui-même ou ses 
descendants ont le droit de céder cette même propriété 
à d'autres personnes avec le consentement du régisseur 
de ta mosquée ; mais celui-ci a le droit d'exiger, dans ee 
cas, une indemnité pour cette vente ou pour ce trans* 
fert. 

La mosquée hérite de ce bien vakouf si le propriétaire 
meurt sans enfants. L'es héritiers collatéraux ne peuvent 
élever aucune prétention. Les petits-fils eux-mêmes sont 
exclus de la succession de leur grand- père si celui-ci a 
survécu au père de ces enfants , attendu , dit la loi, que 
le défunt n'a pas pu transmettre à ses fils un droit dont 
il ne jouissait pas encore lui-même. 

Malgré les préjudices qui résultent des vakoufs coii* 



— 339 — 

tamiefs pour les biriiiers éloignés et pour les parents 
collatéraux » les propriétaires se laissent éblouir par les 
avantages dont ils jouissent personnellement dans ces 
aliénaticHis. — Comme ces ventes peuvent être faites 
également par les musulmans et les non-musulmans , sans 
aucune différence dans les privilèges qu'elles procurent, 
il en résulte qu'une très grande partie des immeuMes , 
dans ce vaste empire, se trouve engagée envers les 
temples musulmans. 

Ces opérations ne sont sanctionnées par aucune loi j 
elles n'ont pour base que la coutume adet ; elles tendent 
à frustrer les créanciers légitimes de leurs justes pré- 
tentions contre leurs débiteurs de mauvaise foi; elles 
sont fondées sur des actes simulés et contraires dl^ns le 
fond à la vérité. Pouvant être considérées coo^me frau* 
duleusesy elles devraient être abolies comnae portant le 
trouble dans toutes les transactions de la vie sociale. 

Tout en prohibant pour l'avenir la création de nou* 
veaux vakoufs coutumiers, le gouvernement devrait 
ordonner une révision générale et scrupuleuse de tous 
les vakoufs de ce genre, soit qu'ils se trouvent encore 
entre les mains des familles, ou qu'ils soient tombésdans 
le gouffre des propriétés ecclésiastiques. Tout en conser- 
vant les droits acquis , il pourrait en faire une ressource 
importante pour l'accroissement des revenus publics. 

Avant de terminer le chapitre des oulépaas et des insMP» 
ttttions religieuses de la Turquie, nous croyons devoir 
ajouter quelques détails sur les mosquées de toute classe, 
sur les médressés ou collèges qui en dépendent , sur les 
mektèbes ou écoles publiques de tout genre, et sur les 
imarets (batelleries ou hôpitaux), qui doivent égale- 
ment leur existence à la munificence des sultans, ou à 
des fondations charitables faites par des particuliers. 



— 310 — 

Toas les temples mosulmaDS s'appelaient aotrefoià 
messdgiijlf qui signifie lieu d'adoration. Cette dénomina- 
tion est restée aux édifices peu considérables qiîi sont 
destinés au culte. Les grandes mosquées sont désignées 
par le mot dgiamis. 

Les temples de la Mecque et de Médine ont conservé 
Tancienne dénomination de messdgid, à laquelle on a 
ajouté le nom de schérif ou sacré. 

Les temples musulmans se divisent en mosquées im* 
périaies, mosquées ordinaires et messdgids. 

Les mosquées impériales n'existent que dans les 
grandes villes de la monarchie qui ont été la résidence 
des monarques ottomans on des anciens califes. Telles 
sont Brousse et Ândrinople, le Caire ^ Damas , Bagdad 
et Gonstantinopie. Cette dernière ville contient quatorze 
mosquées impériales. 

Les mosquées ordinaires et les messdgids doivent leur 
fondation à la libéralité des particuliers. On compte 200 
mosquées ordinaires et 300 messdgids dans la ville et les 
faubourgs de Constantinople. 

Un messdgid devient dgiami lorsque quelques âmes 
pieuses consentent à y établir un kiatib pour la prédica- 
tion, et une tribune pour le sultan régnant. 

On voit souvent , à côté ou dans le voisinage immé^ ^ 
diat des grandes mosquées impériales ou particulières, 
fm collège conssacré à l'étude du droit et de la théologie, 
dans lequel on admet les personnes vouées & la carrière 
des oulèmias. 

Les illustres sultans Mahomet II, Sélim I«' et Soliman 
leMagnifique, tous protecteurs zélés des sciences, avaient 
exigé qu'à l'étude du droit et de la théologie on ajoutât , 
dans les médressés des mosquées impériales , un collège 
consacré spécialement à l'étude de la géographie, de 



-^ 341 -* 

rbfstoire , de la médecine , de la physique ^ de Tastroilo» 
tnie et des mathématiques , comme c'était l'ancien usage 
du temps des califes abassides ^ entre autres sous les glo^ 
rieux règnes d'Aaron-EI^Reschid et d'Almansor. Mais 
les vues éclairées des monarques ottomans que nous ye- 
nous de nommer n'ont pas été secondées par leurs suc- 
cesseurs, et l'étude du droit et dé la théologie est deve^- 
Due presque l'unique objet de l'attention des élèves des 
médressés. 

Les étudiants des médressés sont divisés communé- 
ment en dix classes : 1^ de grammaire, 2* de syntaxe, 
3<^ de logique, io de morale, 6* de rhétorique, 6<>de 
théologie, 1^ de philosophie , 8^ de jurisprudence , 9^ de 
l'Âlcoran, 10» des lois orales du Prophète. 

On voit souvent à côté des médressés, par suite de ia^ 
même fondation, 1"* des imareths ou hôtelleries pour les 
voyageurs et les pauvres; 2» des hôpitaux pour%s ma- 
lades ; 3<» des bibliothèques pour les étudiants ; et 4* des 
mektèhes ou écoles publiques ouvertes aux enfants des 
familles indigentes. 

Les imareths distribuent journellement la nourriture 
à un grand nombre de pauvres ainsi qu'aux étudiants 
qui occupent des chambres dans les collèges* Les ima- 
reths seuls de Gonstantinople nourrissent tous les jours 
plus de 30000 personnes. * ' 

Les malades admis dans les hôpitaux des mosquées 
«ont bien nourris et soignés avec un zèle charitable. 
Mais la partie médicale est négligée à cause de l'igno- 
rance des médecins. 

Les enfants indigents admis dans les mektèhes y ap- 
l>rennent à lire, à écrire, la religion et les premiers élé- 
ments de la langue tuf que* 

Les bibliaihèques publiques , qui sont au nombre de 



-^ 343 - 
-38 dans la ville de Gonstantinople, renferment beaueotijf 
d'oQvrages sur la religion et peu sur lès sciences. On y 
trouve un assez grand nombre d'écrits historiques et des 
reeneiis de poésies légères dans le genre allégorique et 
erotique. 

Les bibliothèques sont ouvertes ao public pendant 
toutes les saisons de Tannée^ excepté les vendredis et 
len samedis. 

Tous les oulémas de la branche Judiciaire, c'est-â-^dire 
4e muphti , les cadis-askers, les mollas de toute classé et 
les eadis, ont un droit de surveillance sur tes établisse-» 
nents religieux ou charitables que nous venons de nom" 
mer. La plupart d'entre eux obtiennent le titre ^ les 
fonctions et les profits des régisseurs et inspecteurs des 
mosquées* — Ils ont en outre leurs droits ou honoraires 
comme juges sur toutes les causes soumises à leur tri^ 
bunal: Ces droits sont communément du dixième de la 
valeur de l'objet contesté et s'élèvent quelquefois davan^ 
tage« Que d'abus au nom de la reli{];ion et de ta loi, que 
de réformes importantes que réclament à ce sujet la 
justice, l'humanité et l'intérêt public I ! ! 

Mais ta réforme de ces abus est une tâche difficile et 
dangereuse* Elle aurait été impraticable pendant l'exi-* 
stence des janissaires* 

C'est avec beaucoup de courage et de sagesse et avec 
de grands ménagements qu'un prince réformateur doit 
entreprendre de changer le système actuel de }à r^e 
des propriétés ecclésiastiques et des établissements pu* 
blics de charité et d'éducation , et de faire disparaître 
les abi» qui accompagnent l'administration de la justice. 

Quelques personnes sages pensent que^ pour parvenir 
plus facilement à ce but , il serait convenable de parta^ 
ger tes oulémas en deux corps distincts et séparés. L'un 



— 343 — 

i»3(ereerâit exclusivement les fooctions Jadiciaires, ist 
l'autre les fonctions ecclésiastiques. Ghacuti de ces^^Mrpt 
aurait un chef particulier et indépendant qui travaille* 
ràit directement avec le €rand-Seigneur. 

Une distinction existe déjà entre les magistrats et left 
prêtres, puisqu^on ne peut pas passer d'une de teè deuk 
classes dans l'autre. Mais le muphtt est le chef supéri^r 
de ces deux portions du corps des oulémas et les tient 
liées sous sa dépendance. 

Les imans et les khiatebs qui se trouvent datift tià 
rang subalterne, et qui n'ont guère pour ressource que 
les salaires qui leur sont payés par les mutévélis ou ad- 
ministrateurs des mosquées, seraient certainement coti- 
tetits de s'élever à une position plus indépendante et 
plus heureuse, et de former, sous un chef particulier, 
une corporation tout à fait distincte. Ils appuieraient 
probablement ces nouveaux changements, parce quilis y 
trouveraient pour eux-mêmes un accroissement d'ifetl- 
trortanee et de richesses et qu'ils sortiraient de leur pirai* 
lion subalterne et humiliante. 

En qualité de souverain et de calife ou pt^tiiiet itMn, 
le Grand^Seigneur continuerait à être le chef suprême 
du corps des ecclésiastiques et de*celui de la magistra- 
ture. 

rORCES MILITAIRES. 
Armée de terre. 

Des janissaires et des autres corps militaires de Tem- 
pire. —Nous allons parler en premier lien des JanissaireSj 
qui, ayant été les principaux auteurs de la gloire de cet 
empire , étaient devenus par leur fanatisme et leur iâ-^ 
discipline la cause de sa décadence actuelle. 

Les premiers empereurs turcs ne durent leurs aiiceès 



— 344 — 

eotttre k» Grecs énervés qu'à la réunion volontaire et 
accidentelle de leurs compatriotes tartares^ que l'eapoir 
du butin du celui d'un établissement conforme à nos 
anciennes tenures féodales attiraient sous leurs dra« 
peaux victorieux. Hais les services de ces guerriers 
peu disciplinés cessaient ou devenaient peu utiles aos^ 
sitôt qu'ils avaient obtenu la récompensa qui les avait 
attirés. Le concours seul de nouveaux aventuriers éga« 
lement avides soutenait et alimentait les armées otto- 
manes. 

Âmurat I<^ sentit le défaut de ces rassemblements pré^ 
caires, et résolut de former un corps permanent qui re^ 
çût une solde régulière du trésor impérial^ et qui , par 
son institution même, ne dût jamais posséder des timars 
ou domaines féodaux. Il employa à la formation de ce 
nouveau corps ses propres esclaves , et ordonna que le 
cinquième des prisonniers de guerre et le dixième des 
enfants des villages chrétiens et tributaires y seraient 
incorporés. Ce prince sut toujours se procurer, par sa 
grande économie, des fonds suffisants pour fournir une 
nourriture saine et abondante et une solde exacte à ces 
nouveaux soldats. Il les rendit dociles par sa sévérité 
impartiale et ses faveurs , et braves et infatigables par 
l'exemple de sa bravoure et de son activité. Résolu d'a- 
jouter aux bienfaits les prestiges de la religion, toujours 
puissante sur une jeunesse nouvellement convertie, il fit 
appeler Hadgi-Bektache , le plus célèbre santon de ce 
siècle, et Tinvita à bénir et à nommer cette association 
déjeunes guerriers. Bekiacbe les nommsi janissaires (1)^ 
les bénit et leur inspira par ses discours un enthou* 
siasme brûlant. Il fut l'auteur de leurs règlements de 

(t) Nouveaai solda ts* 



-348 - 

âUcipline* La numehe blanche de santon, suipendue au 
bonnet de janissaire » rappelait sans cesse à ces soldats 
les conseils et les lois qu'ils avaient reçus de loi. Bekta- 
che était devenu leur protecteur céleste. Son nom invo* 
que dans les combats a servi plusieurs fois à ranimer 
leur courage et à décider la victoire. C'est au nom de ce 
même santon qu'on a toujours vu se former à Gonstaa- 
tinople ces attroupements nombreux de janissaires qui 
ont déposé tant de sultans et fait périr leurs ministres. 

Les janissaires, étant une troupe permanente de sol- 
dats aguerris et soumis à une discipline sévère , devin- 
rent le principal appui des armées ottomanes et acqui- 
rent un ascendant irrésistible sur toutes les levées féo- 
dales qu« les chrétiens opposèrent alors aux entreprises 
des Turcs. La cohérence inébranlable des rangs serrés 
de leurs colonnes d'infanterie les fit triompher de la ca* 
Valérie brillante que les confédérés chrétiens amenèrent 
dans les plaines de Gassovie» de Nicopoli, de Varna et 
de Mohatz, et détruisit l'empire des soudans d'Egypte, 
dont les cavaliers circassesy mamelouks, étalent regardés 
comme invincibles. Ils ne furent vaincus que lorsqu'on 
leur opposa des troupes d'infanterie permanentes, régu- 
lières et disciplinées comme eux. 

Le commencement du 17" siècle est l'époque intéres- 
sante où plusieurs souverains de TEurope , entièrement 
délivrés des entraves du système féodal , commencèrent 
& avoir sur pied des troupes nombreuses d'infanterie. 
Celles-ci, constamment occupées d'opérations et de ma- 
nœuvres militaires, acquirent la force d'ensemble et l'ac^ 
tivité d'action , qui sont les premières qualités des ar- 
mées. La tactique, la stratégie, l'attaque et la défense 
des places, furent étudiées avec soin et avec succès. Les 
chances de la guerre dépendirent moins du nombre et 



^ 346 — 

ééê dii|MMiUoii8 deê «oldato et purent être floutnieés an 
eâlcul. 

On vit alors Turenne couvrir avec moins de 40 000 
itotaïaieB les (Vontitres du nord'-est de la France » que 
littBMde 1 50 000 ennemis menaçaient sur difftrents pointa. 
Les progrès de quelques peuples dé TEurope dans Part 
de la guerre devinrent bientôt communs aux autres b9l* 
lions chrétiennes, qne ridentitë ou la similitude d^6pi<- 
nfotas religieuses dispose à adopter les nouvelles {natitu*' 
tiens et les découvertes utiles ; mais ils ftii^nt perdus 
pour les Turcs. 

G*est à peu près à cette même époque que les empe^ 
reurs lures, élevés dans la captivité du sérail et cessant 
d'être guerriers^ virent leur autorité s^afFaiblir avec la 
l^rte de leur réputation, que les oulémas commencèrent 
à acquérir une iniuence contraire à l'esprit militaire de 
cet empire, et que les Janissaires, au lieu d'être, comme 
autrefois , les défonseurs du trône, devinrent les instru-* 
ments aveugles de l'ambition des prêtres et des magis* 
trats. Nous avons vu plus haut qu'il était de l'intérêt 
des ouMmas de s'opposer fortement à l'introduction des 
nouvelles armes et des institutions militaires, qui au^ 
raient rendu au souverain son ancienne force, et aux 
troupes leur discipline. 

Les ettipereurs turcs , au lieu de combattre les funes- 
tes effets de la potitique des oulémas en se rapprochant 
des Janissaires et en gagnant leur estime et leur affec* 
tlon, se firent un devoir constant de leur montrer de 
l'élolgnement et sapèrent eux-mêmes les fondements 
de leur autorité en changeant entièrement la composi- 
fion de ce corps. 

Les janissaires avaient été remarquables jusque vers 
le miHeu du 16« sièdè de notre ère par leur bravoure, 



leur disdpilM 1^1 teut- dévoùtti^lit à1è«ir BéttVerAtM ^ j^tbé 
tiu'ils n'avaitdùt formé Jusqlie alors qu'uM àflêOciatioU flè 
jéHÀés ësêlâves qui > sans patrie » sans parents et «âiks 
ibytutÉe^tegardâientleor corps cotnine leur patrie, le 
Git^Bd-Seignetir eomAie tew père^ et n'aiteàdaientièttr 
fbrtoneqae de leur valeur et de leur boiioe eeiHlafVK 
M Àh eè^ qualités, qui les avaient rebdcis utiles aufc i^^ 
tk^eprisés militaires des monarques ottomans, disparurent 
en partie lorsque ces souverains, endormis dans leur 
barem, préférèrent les plaisirs à la gloire, dédaignèrent 
leurs soldats ) et permirent que l'esprit d'indisdpline et 
ûé faction s'introduisit et s'aflermtt dans leurs Ironpes» 
Ecoutant les conseHs de. leurs lAches eonrtisans , et én«* 
traînés par la malheureuse influence de leur édui^ation 
efféminée^ ces empereurs turcs crurent quil était plus 
ïiimple et pins avantageux d'affaiblir et de dénaturer la 
tnililro des janissaires que de se corriger ent*mèneév 

Les services importants que les Janissaires avàiient 
, lièndus à Tétat leur avaient acquis de grands privilégéa, 
qui excitaient l'envie des autres corps militaires et du 
reste de la nation. Ces privilèges, qui avaient survécu à 
ta gloire et à la discipline des janissaires, étaient d'être 
le prunier corps militaire de l'état 5 de servir de gnrde 
Au souverain aussitôt qu'il sortait de son sérail ; de rece- 
voir du trésor impérial , outre une nourriture saine et 
nbondante, une solde qui, modique d'abord, s'aeerois* 
sait aVec les années de service ; et d^obt^nir enfin , dans 
un âge avancé , une pension de retraite et des comman- 
dements militaires. Ils formaient, pendant la paix, la 
|;;arde sédentaire des places de guerre, dont les cleft ne 
pouvaient être confiées qu'à des officiers de ce corps. A 
l'avènement d'un sultan, ils avaient coutume de rece- 
voir^ comme les gardes prétoriennes des empereurs ra« 



— 3« — 
uaiBS , une gratification coasldérable , que rëpulsémôiit 
do trésor public ne permettait pas de lear payer depuis 
pliMieurs règnes (1). Tous ces privilèges généraux et 
particuliers t acquis par des services importants et par 
des actes honorables de dévoùment, avaient fait naître 
dans le cœur des musulmans nés libres le désir de pou'^ 
voir y participer. On permit d'abord à un petit nombre 
de ces derniers d'entrer dans le corps des janissaires , et 
on cessa d*y incorporer les prisonniers de guerroi. Ceux** 
ci furent vendus pour augmenter les revenus de Tétat» 

Le concours des musulmans fit abandonner peu à peu 
l'usage d'exiger des villages chrétiens la dtme des enfante 
m&les pour en former les compagnies des agemoghians 
ou des novices du corps. Déjà, vers l'année 1680, lés 
rayas étaient entièrement délivrés de ce tribut, le plus 
cruel de tous ceux qui leur avaient été imposés par le 
droit de conquête. On permit aussi d'inscrire sur les 
contrôles des Odas un grand nombre de volontaires, 
qui, ne faisant aucun service, ne recevaient aucune 



(i) Quelques odas afaient des privilèges particuliers. Les cinq premiers 
odas étaieut toujours employés à la garde des places de guerre les plm 
Importantes, et leurs ehefs en étaient de droit gouverneurs» Las 60«, 
61«, 62* et 6a* Odas, dits des Solacs, étaient composés de soldats d'élite 
pris dans tout le corps des janissaires. Ceux-ci marchaient toujours à côté 
du sultan , avalent un casque doré et un habit semblable à «élut des gardes 
îles empereurs grecs, et étaient armés de lances» même en temps de pab 
et durant les cérémonies religieuses. Les 64«, 68« et 71* odas , étaient emr 
ployés h la garde des chiens et des oiseaux de chasse du Grand-Seigneur, 
quoique les princes ottomans eussent renoncé depuis long-temps sux plai« 
eirs fatigants de U chasse éussi bien qu'aux dangers de la guerre. Les 
cheb de ces odas» ayant Tavantage d'approcher souvent du souvernn, pw- 
venaient facilement à des dignités éminentes. Le 17* oda , dit des Cérias , 
avait le privilège honorable, en temps de guerre, de placer ses tentes vis- 
À^s eelte du Grand'^igneur, ^e manière h obliger celui et à les traverser 
fonr 4ïntrer dans la aieniK. 



— 349 — 

iolde; mais qui, fiers de porter le nom de janissaires^ 
étaient sûrs de trouver dans les soldats de ce corps des 
proteetears zélés, pour lesquels ib deyenaient eux- 
mêmes des compagnons utiles dans les, moments de crise 
et d'insurrection. Quelques chrétiens même furent ad* 
mis à cet honneur. 

Comme une volonté libre guidait le choix de ces vo- 
lontaires inscrits, on vit les rôles de quelques odas cé- 
lèbres se composer de plus de dix mille noms , tandis que 
d'autres n'en contenaient pas deux cents. Il résulta de 
l'abandon du principe primitif, qui n'admettait que des 
enfants de tribus, des esclaves et des prisonniers de 
guerre, dans le corps des janissaires, que cette milice 
cessa d'être un instrument facile à manier entre les 
mains du gouvernement, et que, identifiée avec la na- 
tion , elle fut entièrement sous l'influence des opinions 
populaires. 

L'ancienne discipline , qui avait été le nerf et la gloire 
des janissaires, ne tarda pas à s'affaiblir : les musul- 
mans libres avaient trop de peine à se soumettre an ré- 
gime imposé à des esclaves. Les lois concernant le ce* 
iibat des janissaires furent négligées; on permit aux 
hommes mariés d'habiter hors des casernes. 

Comme une ancienne loi refusait la soupe aux janis- 
saires qui n'étaient pas présents aux heures de distribu- 
tion , le gouvernement crut qu'ii lui serait plus avanta- 
geux d'augmenter ses revenus par la diminution.de la 
consommation des vivres que de forcer ses soldats à 
remplir leurs devoirs en recevant avec exactitude leur 
subsistance journalière. 

Les casernes des janissaires ne furent plus habitées que 
par des hommes qui , étant sans métier et sans industrie, 
n'avaient pas d'autres moyens de se procurer la Buhsi^ 



— 3*0 — 

6lMce« Les exeretees et le» ttaBmavres ordoonés per 
le grand Soliman furent abandonnés. Les Janissaires ne 
«e rassemblèrent pins qn'anx époques du paiement de ia 
solde pour défiler par ordre el deux à deux devant les 
nazirs ou inspecteurs. 

Ils ne firent plus que le service des gardes et des pa« 
trouilles. Leurs armes , en temps de paix , ne fiirent que 
de simples bâtons -, on leur défendit de porter dos ar- 
mes à feu ou des yatagans ou sabres , parée que em hon^ 
mes insubordonnés auraient été plus nuisibles qu'util 
les à la tranquillité publique , avec des instruments de 
guerre. 

La résidence dans les casernes n'étant plus indispen- 
sable pour recevoir la solde des Janissaires , tous les em- 
ployés du gouvernement eurent soin de faire inscrire 
leurs domestiques sur les réies des soldats actifs de ce 
corps , et les firent salarier par l'état. 

Les pensions de plusieurs outuracsou vétérans furent 
souvent accumulées sur la tète d'un courtisan ou d'un 
valet ; la solde même des Janissaires , étant payée sur 
des certificats individuels des cbefe de corps, fut sou-r 
mise k un agiotage favorable à la malversation , et rui* 
neux pour les soldats. 

Ainsi la' gtotre, la discipline, les exercices, Fexpé- 
ri^ice militaire, et la force morale et physique des ja-^ 
fiissaires, disparurent ; mais leur orgueil ^ leurs préroga- 
tives, leur importance politique et les dépenses de Télat 
pour leur entrelien, s'accrurent au lieu de s'affaiblir, et 
le souverain se trouva mattrisé par une troupe qu'il levait 
cherché à réprimer en la dénaturant. 

Le corps des janissaires , qui comptait 400 mille noms 
inscrits sur ses registres , et qui recevait annueUement 
4u gouvernement la solde de plus de 60 nûUe soldats 



— 351 — 
IS'èteiidus a€li&, n'a jamaia foiiroi dass le coars des titris 
dernières guerre un conlingeot de plai de 25 nulle kenn 
Biefi. Ceiis^-ei y nouveaux dans l'eserciee de» amies el 
D'ayant pas rtiabUude d'agir en masse, ne présenlaieM 
en général que Taspeel d'une col;iue séditieuse » plua 
bruyante que brave , et plus disposée à se d»peraer qu'à* 
combattre. 

Goimme les principaux acteurs des vèvotntinMdeCon- 
stantinople appartenaient à toutes les classes du oeifs 
4es janissaires , et quelques uns même aux dernières , il 
est nécessaire d'entrer dans qurtques détails sur la com«* 
posilion de ce corps. 

Le eorps ou orla des janissaires a été divisé par les rè^ 
glements du grand Soliman en 196 odas , d'après le 
nombre des chambres qui étaient destinées à cette trou* 
pe dans les casernes de Gonslantinopte. Ces 196 odaa é- 
laient divisés en 101 odas de jaja-beys, 61 de belukia, 
et 34 de seymanys. Les premiers , à qui la garde des 
places de guerre et des frontières était spécialement con- 
fiée y se distinguaient des autres par le ^oit qu'avaient 
leurs officiers de porter des bottes jaunes el d'aeeompa- 
flner à cbeval Ta^a des janissaires , tandis que ceux du 
bolukis et des seymanys ne pouvaient avoir que des 
bottes rouges et étaient obligés de suivre à pied leur 

général. 

Celte organisation avait éprouvé peu de changemenis. 
La distinction des couleurs des boites existait encore ; 
maïs 1^ fonctions et l'importance de ces trois corps fr'é- 
taient confondues. Comme nous l'avons dit, quelques 
uns de ces odas ou régiments, tels que le 31*, étaient 
très forts dans ces derniers temps, et renfermaient plus 
4e 10 mille soldats et volontaires inscrits , d'autres n'a- 
vaient pas 260 hommes ; la force de la plupart d'entre 



— 352 — 
eiix roulait entre 4 et 600 Janissaires de toutes dënomi- 
aations. Le 65« oda, auquel appartenait le soldat qui 
osa porter ses mains criminelles sur la personne sacrée 
d'Osman II dans Témeute de 1623 , n'existait plus de- 
puis cette époque, et, malgré tant de séditions postérieu- 
res, n'avait pas encore cessé d'être un sujet d'anathème 
dans les prières du soir des janissaires. 

La célébrité ou le discrédit de chacun de ces odas, 
ainsi que Tétat de population et les dispositions plus ou 
moins belliqueuses des habitants du district particulier 
destiné à son recrutement , étaient la cause de cette dif- 
férence, que les militaires européens, regardaient avec 
raison comme une irrégularité monstrueuse et prouvant 
combien le gouvernement turc était lié par les ancien- 
nes institutions devenues abusives. 

Les premiers janissaires, qui habitaient plus souvent 
les camps que les casernes, étaient distingués entre eux 
par les numéros des marmites employées à leur usage. 
De là provenaient le titre de tchiorbadgy ou directeur 
de la soupe donné au chef de chaque oda , et l'impor- 
tance attachée aux fonctions de la cuisine. 

L'akchy ou cuisinier, les karakouloudgys ou marmi- 
tons, les saccas ou porteurs d'eau, devinrent les sous- 
offlciers de chaque oda , et furent chargés de l'arresta- 
tion et de la punition des coupables. Les marmites elles- 
mêmes, étant le point principal d^ réunion des janissai- 
res , acquirent une plus grande considération que les 
drapeaux. Le bairactar ou porte-enseigne fut subordonné 
à l'akchy ou cuisinier. 

La division des janissaires par odas nécessita l'addi- 
tion de deux nouveaux emplois. Les odas-bachy ou 
cbefr de chambrée, les vékils-kb<adgy ou dépensiers, de- 
vinrent les lieutenants du tchiorbadgy ; les premiers pour 



- 3S3 — 

la surveillance el la discipline intérieure , et les autres 
pour la comptabilité et les vivres. 

Les tchiorbadgfs étaient choisis par l'aga des janissai- 
res, qui avait coutume de vendre cette place à un odaba- 
chi pour la somme de 5 ou 6 mille piastres. La solde d'un 
tcbiorbadgy était peu de chose , mais ses profits étaient 
considérables, et ce titre ouvrait la carrière aux pre« 
mières dignités militaires de l'état. Les tchiorbadgys , 
profitant du système corrupteur qui régnait dans toutes 
les branches du service public, s'efforçaient de s'indem- 
niser de leurs avances en disposant des emplois subalter- 
»nes. Mais les odabachis, qui ne pouvaient être choisis 
que parmi les janissaires du même oda, et qui n'avaient 
pas entre leurs mains la distribution de la solde et des 
vivres, finançaient peu pour leur charge » non lucrative. 
Tirés du nombre des janissaires du même oda, et ayant 
dû passer par tous les grades, ils étaient regardés par les 
soldats comme leurs défenseurs naturels et jouissaient 
d'une influence qui les rendait formidables à leurs chefs. 

La solde d'un odabachi était de 120 aspres par jour, 
celle du cuisinier de 90, celle du bairactar de 80; les 
marmitons et les porteurs d'eau recevaient 60 à 60 
aspres; les outuracs ou vétérans avaient jusqu'à 90 
aspres. La solde moyenne des simples janissaires était de 
20 aspres (1) . 

Ces rapports, qui établissaient une différence de solde 
trop faible entre des fonctions si différentes , ne pou- 
vaient convenir qu'à un corps composé primitivement 



(I) Cent vingt aspres valent une piastre turque. La piastre, qui valait 
4 fr. 80 c. vers le commencement du 18* siècle , est réduite actuellement 
à 25 cent, par suite de Taltération des monnaies. 

I. 23 



— 354 - 
d'hommes égaux par leur état d'esclavage. Depuis la ré- 
duction de la piastre turque à la 18« partie de sa valeur 
primitive , la différence de golde entre ces divers em- 
plois était devenue encore moins sensible ; la considéra- 
tion attachée an grade et à la supériorité d'appointe- 
ments avait été réduite presque à rien ; les officiers 
n'avaient pu commander qu'en flattant les soldats, et le 
gouvernement avait perdu le plus puissant moyen d'in- 
fluencer la soldatesque par la voie de ses officiers. 

Le corps des janissaires recevait du trésor public, yen» 
la fin du 17« siècle, la somme de 3 784 bourses (1) pour 
sa solde annuelle ; ce qui fait un peu plus de 9 millions 
de francs, puisque la piastre turque valait alors environ 
4 francs 80 centimes de notre monnaie actuelle. Si Ton 
ajoute à la solde le prix des comestibles fournis aux sol- 
dats qui habitaient les casernes de Gonstantinople et 
celles des places de guerre, on aura une somme d'envi- 
ron 36 millions de nos francs pour le total des dépenses 
occasionnées à l'état par le corps des janissaires. 

Les chefs principaux qui composaient l'état-major gé- 
néral des janissaires étaient l'aga des janissaires (jenit- 
cheri-agasi), le seymen-bachi, l'istambol-agasi, le kiaya- 
bey, le yenit-cheri-effendi , le musur-agasi, le bach- 
tchiaous et l'orta-tchiaous. 

L'aga des janissaires était le chef suprême du corps. 
Il choisissait à son gré tous les généraux et les colonels 
de son arme, faisait arbitrairement la distribution des 
détachements qui devaient composer la garnison des 
villes de guerre confiées aux janissaires, et nommait les 
gouverneurs de ces places. Ces nominations, pour les- 

(1) La bourse est de cinq cents piastres. 



— 385 — 

quelles il consultait ses intérêts pécuniaires et politiques, 
augmentaient considérablement sa fortune et soute- 
naient son crédit. 

Pouvant être destitué et mis à mort sans jugement, 
par ordre du Grand-Seigneur, comme un de ses escla- 
ves, l'aga des janissaires n'avait de ressource, pour évi- 
ter ou éloigner cette disgrâce, que dans l'affection de 
ses soldats. C'est vers ce but que tendaient ses princi- 
paux efforts , et lorsqu'il avait réussi à acquérir sur les 
janissaires une influence prédominante, il devenait alors 
l'homme le plus dangereux pour l'autorité souveraine. 

' Mais la situation de ce chef était plus incommode que 
brillante et plus dangereuse qu'utile : car il craignait 
d'un côté les caprices du monarque et les intrigues d'une 
cour corrompue; de l'autre il était en butte à tous les 
mouvements séditieux d'une soldatesque indisciplinée, 
qui, semblable à une populace devenue souveraine^ 
ajoutait plutôt foi aux accusations qu'aux éloges, n'en- 
censait que pendant un moment, et dont les caresses 
excessives étaient toujours Tavant-coureur de la mort* 
Les empereurs ottomans avaient coutume autrefois 
de conférer cette importante dignité à un de leurs itch- 
oghlans élevés dans le sérail. Mais depuis que les janis- 
saires étaient devenus si puissants, c'était parmi les offl* 
ciers de l'état-major général ou parmi les simples tchior- 
badgys, c'est-à-dire parmi des hommes élevés dans le 
corps et imbus des principes qui y dominaient , que le 
Grand-Seigneur était obligé de choisir celui qu'il desti- 
nait à remplacer un aga mort ou destitué, ou celui dont 
les fonctions avaient cessé de droit après un an d'exer-* 
cice. Cette limitation dans le choix des hommes appelés 
à cette haute dignité aurait été le coup le plus terrible 

23. 



— 356 - 

porté à l'autorité souveraÎDC et à la tranquillité de reiO' 
pire, si les janissaires n'avaient eux-mêmes détruit l'ef- 
fet de cette grande prérogative par leur indiscipline et 
leurs cruautés. Car la fin tragique de plusieurs agas, que 
les janissaires ont sacrifiés à leurs fureurs, avait rendu 
timides la plupart de ceux qui étaient appelés à remplir 
ces fonctions précaires et dangereuses. Ceux-ci, na- 
geant entre deux écueils et instruits par le sort de leurs 
prédécesseurs, se sont presque toujours efforcés de com- 
primer les mouvements séditieux de leurs soldats^ et ont 
montré de grands ménagements pour la cour. 

Les dernières révolutions de Gonstantinople en sont 
un exemple. Excitées par des chefs subalternes et diri- 
gées par les oulémas, toutes ces insurrections ont tou- 
jours entraîné et quelquefois englouti dans leurs mou- 
vements rapides les agas des janissaires; mais elles n'ont 
jamais reçus d'eux leur première impulsion. 

Le seymen-bacby était le chef de ces odas de janissai- 
res qui étaient compris dans la classe des seymanis. 
Premier lieutenant de Taga, il avait coutume de lui suc* 
céder et le remplaçait de droit, sous le titre de yenit- 
chéri-agasi-caimacan, toutes les fois que celui-ci s'éloi- 
gnait de Gonstantinople en temps de guerre pour ac- 
compagner le grand-visir et prendre le commandement 
des janissaires de Tarmée. 

Le yenit-cheri-kiaya-bey était le second lieutenant de 
l'aga des janissaires. Il expédiait au nom de celui-ci les 
brevets des officiers et les ordres de mouvement et de 
service, et recevait tous les rapports. On le regardait 
comme le chef d'état-major général de ce corps. 

L'istambol-agasi commandait tous les janissaires de 
Gonstantinople. Get emploi était d'autant plus impor- 



-- 3S7 — 

tant, que c'était dans la capitale que les janissaires mon- 
traient leur funeste ascendant contre Tautorité du gou- 
vernement. 

Le yenit-cheri-effendi était le juge du corps. Tous les 
différends importants qui s'élevaient entre les janissaires 
étaient soumis à son tribunal. Les soldats accusés d'un 
crime capital ou d'un acte d'insubordination qui cessait 
d'appartenir par sa gravité à la police intérieure et par- 
ticulière des odas étaient renvoyés devant lui. Mais ses 
sentences étaient soumises à l'approbation de l'aga des 
janissaires , qui jugeait en dernier ressort. 

Le musur-agasi était l'agent de tout le corps des janis- 
saires auprès de la Sublime-Porte , et tirait son nom du 
musur ou cachet du corps , qu'il portait sans cesse sur 
lui. Il résidait constamment auprès du grand-visir. Son 
devoir consistait à être le défenseur des intérêts collec- 
tifs et individuels des janissaires auprès du gouverne- 
ment. Il avait le droit de réclamer ceux d'entre eux 
qui avaient été arrêtés , afin de les envoyer à la police 
particulière de leur oda ou devant le yenit-cheri-effendi. 

Le bacti-tchiaous était chargé de l'admission des nou- 
veaux soldats, et de tenir les registres du corps. Il de- 
vait recevoir les derniers en les tirant par l'oreille et en 
leur donnant un soufflet. Ce traitement , qui n'était pas 
humiliant dans un pays où les coups ne sont que le 
simple châtiment d'une faute commise , avait pour but 
de faire sentir aux jeunes esclaves admis dans ce corps 
leur extrême dépendance à l'égard de leurs supérieurs, 
et la soumission aveugle qu'ils leur devaient. 

L'orta-tchiaous était chargé de l'exécution de toutes 
les sentences prononcées par l'aga des janissaires, par 
le yenit-cheri-effendi, ou par les chefs des odas. Il était 
aidé dans ses opérations par deux tchiaous. 



— 358 — 
. Tout janissaire condaniDé à mort perdait ce titre ho- 
norable ayant d'être exécuté. Son [nom était rayé des 
registres de son oda. Cet exemple de respect pour Tbon- 
ncnr du corps avait un effet puissant et utile lorsque 
les janissaires étaient des esclaves enorgueillis par la 
victoire , et habitués aux vertus de leur état par un rude 
apprentissage et par une discipline sévère : il était de- 
venu une simple formalité depuis que ce corps s'était 
confondu avec la nation musulmane. 

Depuis que lesîanissaircs étaient devenus dangereux 
au gouvernement par leurs fréquentes révoltes, et pres- 
que inutiles à la défense de l'état par leur ignorance et 
leur indiscipline^ il paraissait de l'intérêt du souverain 
de corriger ou de licencier cette milice pernicieuse. Le 
premier de ces deux partis aurait été le plus sage , puis* 
que ce corps , par son ancienneté , ses services et son 
état actuel , était un des éléments essentiels de cette 
monarchie militaire. Le^second était difficile et dange- 
reux. 

La régénération des janissaires aurait été praticable 
lorsque ce corps ne contenait que des esclaves quelque- 
fois turbulents , mais toujours faciles à ramener. Depuis 
que la composition de cette milice avait changé de na- 
ture , et que les monarques énervés avaient mieux aimé 
porter la langueur des harems dans le sein de la disci- 
pline militaire que de soumettre eux-mêmes et leurs sol- 
dats à la vie dure et rigoureuse des premiers temps, les 
janissaires ne pouvaient plus être corrigés que lorsque le 
souverain et la nation Tauràient été eux-mêmes. 

Un prince qui, né dans le sérail, élevé dans la mol- 
lesse , captif pendant la meilleure partie de sa vie , et 
enchaîné dans ses opinions par les préjugés les phis 
propres à abrutir l'esprit humain , aurait porté sur le 



— 359 — 

trAne le discernement nécessaire pour connditre le néant 
de sa grandeur apparente et les vices des institutions 
actuelles , et qui , en faisant les réformes indispensables, 
aurait donné lui-même l'exemple des vertus et des qua- 
lités nécessaires à ses ministres et à ses soldats, aurait 
été un phénomène extraordinaire qu'il n'était guère rai- 
sonnable d'attendre et d'espérer. Cependant cet homme 
Vest trouvé dans le sultan Mahmoud. 

Les malheurs des dernières guerres auraient dû ou- 
vrir les yeux aux Turcs. Mais, conupe les armées vic- 
torieuses des Russes n'avaient pas entore, avant 1829, 
passé la chaîne des Balkans, la populace de Gonstanti- 
nopie et les habitants de l' Asie-Mineure, égarés par les 
jactances des janissaires, attribuaient leurs revers à la 
trahison. 

Les oulémas, qui connaissaient la véritable cause du 
mal , se contentaient d'attribuer les nombreuses disgrâces 
des dernières campagnes à la colère céleste , et ne man- 
quaient jamais de proposer de l'apaiser par le sacrifice ' 
des ministres qui leur donnaient ombrage. 

11 était à craindre que cet aveuglement ne se dissipât 
que lorsque, attaqués par des armées nombreuses dont 
la marche ne serait plus gênée par des considératiops 
politiques , les Turcs auraient vu leurs troupes disper- 
sées, la Romélie envahie, Gonstantinople menacée, et 
les Grecs en armes. Cet événement a eu lieu en 1829. 

Malgré les reproches qu'on devait faire aux janis- 
saires, on ne pouvait cependant s'empêcher de recon- 
naître que l'existence de ce corps était une des causes 
qui avaient le plus contribué à la conservation de l'inté- 
grité de cet empire contre les entreprises intérieures des 
paehas et des gouverneurs de provinces: car il formait 



— 360 — 

«ne puissante corporation, qoi étendait ses nombren^ef 
ramifications dans toutes les provinces, et qui ne rece- 
vait son mouyement que d'elle-même ou de son chef. 

Avant qu'un pacha parvint à acquérir assez de ri- 
chesses pour se procurer une armée particulière et per- 
manente, et se mettre à Tabri de l'avidité et des persé- 
cutions du gouvernement , les janissaires de sa province 
étaient pour lui ce qu'étaient ceux de la .capitale à re- 
gard du Grand-Seigneur et de ses ministres. Leurs me- 
naces et leurs mouvements avaient souvent paralysé 
dans leur origine les projets criminels d'un pacha plus 
ambitieux que puissant; et leurs plaintes, adressées à 
leur chef, et portées par lui au pied du tréne , avaient 
coûté la vie à plusieurs de ces gouverneurs. 

Nous avons vu que les janissaires^ devenus formi- 
dables à l'autorité souveraine , s'étaient constitués d'eux- 
mêmes les tuteurs des princes captife du sérail. En ar- 
rachant plusieurs d'entre eux à la mort qui leur était 
destinée par des empereurs ombrageux et cruels , ils ont 
empêché plus d'une fois l'extinction entière de la mai- 
son ottomane , et ont par conséquent sauvé l'empire. 

Mais ce corps n'existe plus. Nous ferons connaître les 
causes de sa chute et les grands événements qui l'ont ac- 
compagnée et suivie. 

Artillerie. — Les mémoires intéressants du baron de 
Tottnous apprennent que, sons les règnes de Mousta- 
pha III et d' Abdul-Hamid , les Turcs n'avaient pas encore 
de oanons de campagne. Cependant ils s'étaient montrés 
autrefois égaux, et quelquefoissupérieurs, aux autres na- 
tions européennes, dans l'usage de l'artillerie, et avaient 
profité avec soin de toutes les nouvelles découvertes. 
Leurs progrès ne se sont arrêtés que lorsque les oulémas 



— 361 — 

et les janissaires, en paralysant complètement Tactioa 
da gouvernement, eurent porté l'inertie dans toutes les 
branches de l'administration publique. 

Depuis cette époque, l'orgueil des Turcs, n'étant plus 
nourri que par le souvenir de leurs anciennes victoires, 
les porta à concevoir une admiration stupide pour les 
instruments de guerre qui les leur avaient procurées, et 
à dédaigner, autant par indolence que par mépris, les 
progrès successifs des Francs dans l'art militaire. 

Les batteries de côte étaient armées de canons mons- 
trueux , dont quelques uns, sans affûts, sans tourillons, 
sans boutons de culasse, et ne pouvant être remués, 
servaient à lancer des boulets de granit de 7 à 800 livres. 
La principale défense des remparts de leurs villes de 
guerre consistait dans des canons qui , placés sur des 
affûts longs et massifs, lançaient des boulets de 120 livres, 
et nécessitaient l'emploi de plus de 20 canonniers pour 
être remis en batterie. 

A ces armes gigantesques , dont les batteries de côte 
et les places de guerre continuent à être armées, ils 
ajoutaient , pour leur artillerie de siège , des pièces de 
canon de tous les calibres , depuis celui de quarante jus- 
qu'à celui de douze ; et , par un sentiment de haine contre 
toute innovation , ils conservaient avec soin aux pièces 
nouvellement fondues et à leurs affûts les proportions 
et les formes qu'elles avaient dans le temps de leur adop« 
tion en Turquie. 

Us ne faisaient pas de distinction entre l'artillerie de 
siège et celle de campagne. L'artillerie qui suivait les 
armées ottomanes se composait quelquefois de pièces de 
canon déplus de dix calibres différents, et dont les longs 
affûts étaient portés sur des roues basses et pleines. 
Celles-ci, qui n'offraient que peu de prise à l'action des 



— 362 — 

leviers , s*enga^eaîenl facilemeot sur des romtes mal en-- 
tretenues, et retardaient à tout instant fa marche de 
l'armée. Des buffles, animaux très vigoureux , mais 
lents , pouvaient seuls convenir pour former les attelages 
de canons si lourds et d'affûls $\ peu roulants et si 
massifs. 

Le corps des artilleurs avait un chef particulier ; mais 
t) dépendait , par son organisation , de celui des janis- 
saires, et en tirait les hommes qui étaient nécessaires 
à son service. Les 16« et 18« odas des janissaires étaient 
spécialement destinés à accompagner et à servir Tartil- 
lorie, et se distinguaient des autres odas par des images 
de boulets et de canons peintes sur leurs drapeaux par- 
ticuliers. 

Le relâchement de la discipline parmi les janissaires 
avait nécessairement influé sur les artilleurs. Ceux-ci ne 
faisaient presque jamais les manœuvres du canon ; leurs 
officiers n'allaient à aucune école ; et cet art, qui a be- 
soin de quelque étude et de beaucoup de pratiqne, n'é- 
tait cultivé que par un petit nombre d'amateurs. Ces 
derniers devenaient des hommes extrêmement précieux, 
les instructeurs du corps et la ressource des armées, 
lorsque la guerre obligeait la Porte d'envoyer son artil- 
lerie en campagne. 

Dans la guerre terminée par le traité de Kàinardgi, 
l'artillerie des armées russes, par la vivacité de son feu , 
l'activité de ses mouvements et ses effets destructeurs, 
avait toujours paru aux yeux des Turcs phis nombreuse 
qu'elle n'était en effet. Au contraire, les canons traînés 
à la suite des armées ottomanes étaient ordinairement 
embarrassés dans les boues ou encombrés sur les routes , 
lorsqtre ceux des Russes étendaient déjà leurs ravages 
sur les colonnes profondes de l'infanterie et de la cava- 



— 363 — 

lerie euneinie. La plupart des canons (arcs élaieot dé- 
truits ou démontés avant de pouvoir combattre; les 
autres, ne faisant qu'un feu lent et incertain , ne produi- 
saient aucun résultat utile : les uns et les autres ne man- 
quaient presque jamais de tomber en masse entre les 
maios de l'ennemi après une défaite. 

Moustapba III, effrayé par les revers de ses armées et 
par ses pertes considérables en arlillerie^ résolut de 
substituer aux canons massifs traînés par des buffles des 
. pièces légères de campagne attelées avec des chevaux. 
Ses ordres menaçants, son zèle et sa fermeté, ne pro- 
duisirent d'autre effet que de faire fondre, monter et 
équiper à Gonstantinople quelques pièces d'artillerie lé- 
^ gère par les soins du baron de Tott. Celui-ci forma une 
centaine de canonniers. 

€es nouveaux canons ne furent pas envoyés aux ar- 
mées ; les efforts du baron de Tott pour perfectionner 
. les diverses branches de l'artillerie devinrent inutiles. 
Moustapba III mourut; la paix se fit, et rien ne fut 
changé dans le personnel et le matériel de Tartillerie ot- 
tomane. 

Dans la guerre terminée par le traité de Yassy, les 
défauts de l'artillerie turque se firent d'autant plus sen- 
tir que celle des Russes s'était J>eaucottp perfectionnée 
pendant la paix précédente. Mais l'indolent et vieux 
Abdul-Hamed n'avait ni volonté ni intelligence , et fai- 
sait consister la sagesse à laisser régner tous les abus. 

SélimlII , doué d'un génie actif, et animé par l'exem* 
pie de son père (Moustapba III ) , forma la résolution 
hardie de régénérer ses armées et sa nation. Il demanda 
des officiers intelligents à la France, à la Suède et à 
l'Angleterre , accueillit ceux qui lui furent envoyés par 
ces puissances amies , les encouragea par ses largesses, * 



— 364 — 

et adopta plusieurs de leurs projets pour le génie mili- 
taire , la marine et l'artillerie. 

Les fonderies turques avaient été dirigées avec assez 
d'intelligence, vers la fin du 17« siècle, par un renégat 
italien nommé Sardi, autrefois officier de l'artillerie 
vénitienne. Cependant celui-ci, que les Turcs regardent 
comme le régénérateur de leurs anciens établissements 
de Tophané, et dont les écrits en langue turque sur l'ar- 
tillerie existent encore et sont estimés , se contenta de 
perfectionner les fourneaux , la composition des moulef, 
la fonte et la polissure des canons ^ mais il se vit obligé 
de suivre les anciens modèles. 

La fonderie de Topbané , mise par les officiers fran> 
(ais sur un pied respectable , fut destinée à servir de 
modèle aux autres établissements du même genre. Les 
fourneaux furent perfectionnés ; on discontinua de cou- 
ler des canons au dessus de trente-six livres de balle ; on 
adopta les nouvelles dimensions des pièces françaises. 
Des canons de 12, S et 4, furent exclusivement destinés 
à l'usage de l'artillerie de* campagne, d'après le systè- 
me Gribeauval , qui régnait alors en France. La con- 
struction des affûts fut dirigée par des ouvriers français. 
Ceux-ci ne tardèrent pas à former des élèves babiles. On 
abandonna, dans la fonte des canons de bronze , l'usage 
inutile des noyaux ; et les pièces , coulées entières , fu- 
rent forées par des alézoirs verticaux et horizontaux , 
qui existent et qui ont été perfectionnés depuis cette ë- 
poque. 

Les nouveaux changements ne furent pas adoptés avec 

un esprit servile d'imitation pour tout ce qui tenait à 

l'artillerie française : car les Turcs , ayant remarqué , 

par des expériences répétées , que les obusiers allongés 

de six pouces des Busses avaient une portée plusëten- 



~ 365 — 

dne que ceux que la France leur avait envoyés Jes pré* 
férèrent à ces derniers et les adoptèrent. Ils ont ajouté 
dernièrement, par des raisons semblables, des pièces 
de 6^ suivant le modèle autrichien , à leur artillerie de 
campagne. 

Les oulémas et les janissaires ne firent entendre au- 
cun murmure à l'occasion de ces changements opérés 
dans le matériel de l'artillerie, parce que les malheurs 
des dernières guerres en avaient fait sentir la néces- 
sité : ces innovations utiles ne portaient d'ailleurs au- 
cune atteinte à leurs privilèges. Mais lorsque le sultan 
Sëlim voulut organiser le personnel de l'artillerie , et 
parut disposé à adopter pour cette arme le système d'or- 
ganisation et la discipline des Francs, il connut bientôt 
par les murmures des soldats combien cette entreprise 
serait dangereuse. 

Ce monarque laissa aux topchis leurs titres et leurs 
prérogatives de janissaires^ mais il divisa ce corps en 
110 odas de 120 hommes chacun. Les officiers et sous- 
officiers de ces odas devaient avoir les mêmes titres, 
jouir de la même solde et obtenir les mêmes récompen- 
ses que ceux des janissaires. Mais la solde moyenne du 
simple canonnier, au lieu d'être de 20 aspres par jour, 
fut portée à 40 aspres, afin que cet encouragement utile 
servit à grossir ce corps, que le sultan Sélim avait réso- 
lu de soumettre à une discipline sévère, et dont il vou- 
lait se servir comme d'un modèle et d'un appui pour ses 
autres réformes militaires. 

Le chef du corps, sous le titre de topchi-bachi, obtint 
les honneurs de pacha à deux queues, et reçut 30 mille 
piastres d'appointements annuels ; mais on lui ôta les 
droits abusifs qu'il retirait de la fabrication de ija poudre, 
des fonderies, et de la vente des emplois. Un nazir ou 



— 3G6 — 

intendant fut chargé de Tadministration des vivres, de 
la solde des troupes et de la comptabilité de toutes les 
dépenses relatives aux établissements d'artillerie, et re- 
çut 10 mille piastres d'appointements. Ces deux ebers, 
naturellement rivaux , eurent des attributions qui les 
forcèrent de se surveiller mutuellement^ et purent cor- 
respondre séparément avec le grand-visir. 

Cependant, dans la crainte que leur intérêt personnel 
ne les réunit pour tromper le gouvernement et le voler, 
le sultan Sélim avait ordonné que toutes les opération» 
importantes relatives à l'artillerie et aux établissements 
qui en dépendent seraient discutées et déterminées dans 
un divan composé du topchi-bacbi, du nazir, du direc- 
teur des fonderies, et de tous les tchiorbadgys du corps 
qui se trouveraient à Constantinople. 

L'ambassadeur de France, Aubert-Dubayet, avait 
amené avec lui à Constantinople un détacbement d'ar- 
tillerie à cbeval. Les manœuvres promptes et précises 
de ces canonniers, et les mouvements rapides des pièces, 
qui pouvaient suivre partout la cavalerie, même sur les 
chemins les plus difûciles, étonnèrent et enchantèrent 
les Turcs. On s'empressa d'imiter les Français : on 
agrégea deux compagnies d'artillerie à cheval au corps 
des topchis. Tous les canonniers turcs désirèrent faire 
partie de ce nouveau corps d'élite ; une émulation utile 
s'établit entre les soldats admis à cet honneur. Leur 
bonne volonté et les excellentes qualités des chevaux 
turcomans rendirent bientôt ces nouvelles compagnies 
comparables par la vivacité des feux, la célérité des ma- 
nœuvres et'la bonté des attelages, à tout ce qu'il y a de 
plus parfait dans ce genre dans les armées européennes. 
Ce corps s'accrut par la suite, et s'élève en ce moment à 
près de 800 hommes. 



_ 367 — 

La discipline des arlilieurs à pied et à cheval fut sé- 
vère sous le goirvernement du sultan Sëlim. Tous les 
soldats non mariés étaient astreints à se retirer le soir 
dan^ les casernes, où l'on avait rétabli les lois rigoureu* 
ses qui ei^istaient autrefois parmi les janissaires, et les 
sages précautions qui tendaient à garantir la jeunesse du 
plus affreux des vices. Les canonniers se rassemblaient 
deux fois par jour et s'exerçaient trois fois la semaine 
aux manœuvres du canon ; ils avaient reçu un uniforme 
distinctif, lequel, assorti au costume asiatique, était ce* 
pendant commode pour la guerre et convenable aux 
fonctions de leur état. 

Depuis la déposition de Sélim la discipline des topchis 
s'était affaiblie; les exercices étaient dévenus plus rares 
elles mœurs moins pures; cependant le bon esprit éta- 
bli dans ce corps par le sultan Sélim , dont la mémoire 
est toujours chère aux topchis , n'était pas entièrement 
éteint. Les canonniers se rassemblaient encore une fois la 
semaine pour s'occuperde manœuvres, etse distinguaient 
des autres militaires par leur bonne conduite envers le 
public et par leur entière soumission au gouvernement. 

Le sultan Mahmoud leur a donné une nouvelle orga- 
nisation régulière qui les assimile aux corps de l'artille- 
rie européenne. 

Les arabadgis ou conducteurs de l'artillerie ne se com- 
posaient autrefois que de charretiers de toutes religions, 
et principalement de Bulgares, ramassés à Gonstantino- 
pie ou sur les routes que les armées traversaient pour se 
rendre aux frontières. Le sultan Sélim les organisa mi* 
litairement et leur donna un chef particulier connu sous 
le nom d'arabadgi-bacbi. Mais l'institution de cette trou- 
pe, négligée depuis la mort die ce monarque, était res- 



— 368 — 

tëe imparraite ; les arabadgis, conservés en petit nombre 
eo temps de paix, étaient bien loin de ressembler à ces 
soldats da train ^ si braves, si patients et si utiles, qui 
sont devenus depuis 40 ans une arme importante dans 
les troupes européennes. Le sultan Mabmoud les a in- 
corporés dans son artillerie. 

Les dépenses totales du corps des topchis, et des éta* 
blissements qui en dépendent , montent à près de 4 mil* 
lions de francs; mais on ne fait pas entrer dans cette 
somme la valeur du cuivre fourni par les riches mines 
de Tokat , du fer qu'on retire du mont Hémus et du 
mont Bbodope, et des bois qui sont coupés dans les fo- 
rêts impériales. L'abondance du cuivre, ses bonnes qua- 
lités, et la facilité de son transport par mer, de Trébison- 
de à Gonstantinople , ont engagé la Porte à n'employer 
que ce métal pour son artillerie de terre et de mer, et à 
ne faire usage du fer qae pour les projectiles de toutes 
espèces. 

Bombardiers. — Les bombardiers ou combaradgis for- 
ment un corps séparé de celui des topchis , et ont un 
chef particulier connu sous la dénomination de comba- 
radgi-bachi. Leur organisation était toutà fait différente 
de celle des topchis et des janissaires, et annonçait la nou- 
veauté de leur institution. Ils sont divisés en escouades 
de 15 hommes chacune^ sous la surveillance d'un chef 
qui porte le titre de calfa. L'ofQcier qui commande cinq 
de ces escouades prend le litre de bach-calfa ; et il existe 
douze de ces officiers supérieurs dans tout le corps des 
combaradgis. 

Les bombardiers faisaient partie autrefois du corps des 
canonniers; mais la difficulté de trouver dans toute Tar* 
t'rilerie ottomane des hommes capables de faire le service 



— 369 ~ 

des mortiers à bombes engagea, au commeocement du 
18^ siècle, le célèbre renégat baron de Bonneval (1), 
connu depuis sous le nom d'Ahmet- Pacha, à proposer au 
gouvernement turc de former un corps particulier de 
bombardiers, dont il devint le chef. Ce corps, composé 
primitivement d'Albanais et de Bosniaques, dont tes 
combaradgis actuels ont porté jusqu'à ces derniers tendps 
le bonnet distinctif , se fit d'abord remarquer par une 
discipline sévère et par son instruction. Mais , négligé 
bientôt par le gouvernenient , dont il avait fixé dans les 
premiers temps l'attention et la bienveillance , il com- 
mença à décliner, et tomba enfin dans cet état de tor- 
peur et d'inertie où languissaient tous les corps mili- 
taires au moment de l'avènement du sultan Sélim. 

Ce prince rétablit l'ancienne discipline , ordonna des 
exercices fréquents, perfectionna tous les établissements 
relatifs à cette arme par des règlements sages , leur assi- 
gna les fonds nécessaires , et mit à la tète de ce corps un 
renégat anglais très intelligent^ du nom de Campbell, 
qui avait été officier supérieur dans les armées britan- 
niques (2). 

Mineurs. — Les laghumdgis ou mineurs sont séparés 



(1) Le baron de Bonnefal fat la victime de son caractère capricieux , 
difficile et intraitable. l\ servit d'abord la France, sa patrie, contre TAu- 
triche, et combattit ensaite en faveur de celle-ci contre la France, H alla 
enOn offrir sçs services aux Turcs, et trahit sa religion pour se venger des 
mauvais traitements quil prétendait avoir reçus de la Cour de Vieone. 11 
moarut négligé et méprisé par les Turcs , qui Pavaient d'abord accueilli et 
ftit pacha à deux queues. Sa famille existe encore en Turquie, et languit 
dans la misère. 

(8) Ce malheureux Campbell, connu par les Turcs sons le nom de tngliz- 
Mimitapha , est mort dans la plus profonde misère. Vn autre renégat an- 
glais nommé Sélim , homme de beaucoup d'esprit et de talents, a été en* 
I. 24 



— 370 — 
dés bdmbardieit souâ les ordres d'uù chef parliculier in- 
titulé Idghumdgîs-bachi. Leur organisation et leur cos- 
tume sont semblables à ceux des bombardiers. Ils sont 
divises en escouades de quinze hommes , et ont pour of- 
ficiers des calfa et des bach-calfa. Letir fbrce totale est 
d'eiivik*on 200 hommes. Ils s'exercent fréquemment à la 
construction des minés, pour lesquelles ils ôàt dè^ tables 
UHei ûei ouVragës français relatifs à cet art, et ils 
dàettebt dahs lédr construction beaucoup dé tempe , de 
patiékicé et de solidité. Il n'existe parmi eux aiicùn offi- 
cier qui eùtende parfaitement la théorie des minés et des 
cbUtrë-mines, et qui puisse faire un bon usagé dé ces 
îHoyehs puissants d'attaque et de défense. 

Autrefois les calfa et les bach-càlfa des bombardiers 
et de^ mineurs devaient servir également comme iiigé- 
tiieiirs militaires , et avaient ordre de se rendre deux 
fbfs par sefaïaSde à t'ëcôle de Sulitzé, où des khodgéas 
btt pi*ôfés^éui*s étaient destinés à léiir donner des leçons 
sur les mathémâtit|ués, lé dessin et leà fortificatiotis. Qn 
n'obéissait point à cet ordre; dés khédgëas igiibrants , 
quoique assez bien salariés, se rendaient en vain à l'école 
mt jôlirà fixés pour id^ruiré \bè officiers &é èes deux 
corps : personne ne se présentait ; les professeurs ne por- 
taient aucune plainte ; les cinefs n'y mettaie&t auctin 
intérêt f le gottvérfjielnémt ne demaâdait Mtm ràt>pdH j: 
et Ifes Turcs , qu^oh regardé comme les inventeurs du 

core plus malhearem que Gampbell. H n*a{ias en , eonmid Ititv do plaee 
éoiinente, et est mort dans le désespoir et la mendicité. Le sort de ces re- 
négats ne parait pas malheareax aui Tares , qui sont accoatmnéii è tes iil« 
stabilités de fortaoe, et qui passent, sans s^mmiTOir» de l^opnleBce i la 
nUsère ; mais il n*est pas encoorafeant peur les Francs , <|tti croient parva- 
Bir à un état brillant et henreiix en Turquie en tkiiar&nt In religion de léato 
pères. 



— 371 — 

système bastionnë, et qui les premiers ont fait usa(][e de 
parallèles et de tranchées , n'avaient plus parmi eux un 
seul ôfHcier qui fût en état de conduire un siège. 

Ingénieurs militaires (muendis) . — Mécontent de la 
défense des places d'Oczakow et d'Ismaïlow, dans la- 
quelle les Turcs n'avaient montre qu'un courage aveugle, 
le sultan Sèlim avait senti combien il lui était important 
d'avoir de bons ingénieurs militaires. Il résolut de don- 
ner une organisation plus complète à ce corps et à l'école 
de Sulitzé. Les vieux khodgeas furent renvoyés et rem- 
placés par d'autres professeurs qui avaient été autrefois 
les élèves volontaires du général Laffitte'(l). Des jeu- 
nes gens furent admis à l'école de Sulitzé depuis l'âge 
de huit ans jusqu'à celui de douze, et reçurent, par 
voie d'encouragement , les vivres , et un traitement de 
1 S piastres par mois. 

Ceux de ces élèves qui, après quelques années d'étude, 
avaient acquis assez de connaissances pour se rendre 
utiles, passaient à une classe supérieure, et obtenaient, 
sous le titre de muendis-calfa ou sous-ingénieurs, des 
appointements de 30 à 40 piastres par mois. Tous les 
professeurs de l'école de Sulitzé , et une vingtaine d'an- 
ciens élèves , qui, après huit ans d'étude , avaient donné 
par leurs travaux des preuves suffisantes de leurs ta- 
lents et de leurs connaissances dans le génie militaire, 
formaient le corps des muendis ou ingénieurs. 

Le traité de l'attaque et de la défense des places de 
Tauban, lequel avait été déjà traduit en turc par un 
prince de Valachie , fut imprimé. Des traductions de 

(1) Le général L^tteayaitété entoyé en furqoie parVanden gouyer- 
neoient royal, il resta près de quatorze ans à Goiistaiitlnople , y forma flïth 
sieors élèyes dans la science éeB fortifications, et fût i;b8r||éde ^ueUiDia 
opérations dans la gaerre qui éclata entre les Tares et les Russes ent787. 

24. 



— 372 — 
plosiears autres ouvrages sur l'art militaire et les ma- 
thématiques obtinrent le même honneur. Une biblio- 
thèque, composée des meilleurs livres français sur l'art 
de la guerre^ la physique^ l'art illerie et les fortifications, 
et contenant près de 400 volumes, parmi lesquels on 
distinguait l'Encyclopédie française, fut établie à l'école 
de Sulitzé pour l'usage des professeurs et des élèves. On 
y ajouta des instruments excellents, qu'on fit venir d'An* 
gleterre et de France , pour faire des opérations géode- 
siques. Un professeur de langue française fut attaché à 
cette école , et parut une nouveauté extraordinaire et 
hardie dans un établissement d'éducation où des musul- 
mans seuls pouvaient être admis. Enfin quelques offi- 
ciers supérieurs du génie militaire, français ou anglais, 
furent employés successivement , pendant plusieurs an- 
nées, pour être les directeurs principaux de l'école de 
Sulitzé et pour surveiller et instruire les professeurs et 
les élèves. 

L'ancienne loi qui ordonnait aux calfa et bach-calfa 
des bombardiers et des mineurs de se rendre deux fois 
par semaine à l'école de Sulitzé continua à subsister; 
mais on dispensa ceux d'entre eux qui étaient avancés 
en Age de cette obligation inutile, et l'on réserva la 
moitié des emplois d'officiers de ces deux corps pour les 
élèves de l'école. Le meinmar-aga, qui est le contrôleur 
général de tous les édifices publics et particuliers , fut 
attaché avec tous les officiers qui dépendent de lui au 
corps du génie militaire. Le sultan déclara , dans son 
katticherif, que cet emploi honorable et utile cesserait 
d'être accordé à la faveur, et qu'il servirait de récom- 
pense, à l'avenir, i ceux des ingénieurs militaires qui 
se seraient distingués par leur zèle, leurs connaissances 
et leurs services. 



~ 373 — 

Le sultan Sélim, qui avait étudié ayec fruit, dans les 
écrits laissés par les Arabes, les ouvrages d'Aristote et 
les sciences pbysico-matbématiques, et qui était regardé 
par les Turcs comme le meilleur poète et l'écrivain le 
plus pur et le plus élégant de son siècle , se faisait un 
plaisir de visiter souvent incognito Técole de Sulitzé, 
d'y déposer toute la morgue d'un sultan, d'interroger 
lui-même les jeunes élèves , d'examiner avec soin les 
plans, les cartes et les nouveaux projets de constructions 
militaires, et d'encourager par ses largesses les profes- 
seurs, les ingénieurs et les élèves dont il était satisfait. 

Les attentions continuelles de Sélim pour cet établis- 
sement, qu'il chérissait, excitaient une émulation géné^^ 
raie parmi les élèves. L'école de Sulitzé se perfectionnait 
tous les jours et faisait naître les plus flatteuses espéran- 
ces; mais la déposition de ce prince fit tomber dans la 
langueur cet établissement de sa création. 

Les bach-calfa des bombardiers et des mineurs , les 
professeurs de l'école de Sulitzé et les principaux ingé- 
nieurs, au lieu d'être payés par le trésor public, obtien- 
nent des timars, dont ils ne peuvent jouir que pendant 
la durée de leurs fonctions (1). Un seul nazir est chargé 
dérégler la solde des bombardiers, des mineurs et don 
ingénieurs militaires, ainsi quéles dépenses de l'école de 
Sulitzé, delà fonderie des mortiers à bombes et des pro- 
jectiles creux, et enfin de tous les ateliers de construc- 
tion qui dépendent de ces trois arknes. Toutes les sonn 
mes portées sur le tableau général de la comptabilité de 
ce nazir montent à près de 1 800000 francs. 

Les dépenses relatives à la réparation des places de 

(1) Ramto-paelia, qai fat Dommé eapiUn-paeha oa grand-amiral derem- 
pire pendant le visiriat de Moastapha-Bairaciar, avait été nazir da génie 
militaire pendant les années 1806 et 1807. 



guerre ou à la cotistnicUoii de Muveeun ouvrages de 
fortification ne dépendent pas de la comptabilité du 
génie militaire, et sont supportées ordinairement par les 
provinces dans lesquelles ces travaux doivent être exé* 
cutés; mais si les ouvrages sont importants et peuvent 
occasionner des frais considéraI>les, le gouvernement 
fait choix alors d'un nazir particulier pour en surveiller 
et payer les dépenses. Celui-ci, pris autrefois parmi les 
hommes enrichis au service de Tétat, n'ignorait pas 
qu'il devait faire de fortes dépenses, qui ne lui seraient 
Jamais remboursées; mais il s'eu consolait en pensant 
que de plus grands malheurs pouvaient lui arriver, que 
ce choix lui sauvait la vie, et qu'en perdant une grande 
partie de ses richesses, il acquérait le droit de solliciter 
un nouvel emploi qui l'indemniserait bient6t de toutes 
ses pertes. Dans ses changements sur l'organisatioD et 
le service de ces trou armes, le sultan Mahmoud les a 
rapprochées autant qu'il a pu des institutions euro- 
péennes (1). 

Pompiers. — Les toulumbadgis ou pompiers forment 
un corps destiné à arrêter les incendies, et sont divisés, 
A Constantinople, en 4 odas de âOO hommes chacun. Ils 
tenaient par leurs institutions au corps des janissaires, 
dont ils avaient été tirés primitivement. Leur habille-* 
m«il ressemblait à celui des artilleurs. 

Les ravages effrayants causés par les incendies ont 
-tàli établir des régies sévères de précaution et de police 
pour arrêter les progrès des flammes et empêcher les 
vols et les autres crimes qui ont coutume d'accompa- 
gner ces funestes événements. Aussitôt que tes cris ariar- 

(1) Plufiftun de» nùoiHr^» > eu ptcliM «( de» obcA U» pUu dUUqsttét 
des c<»rpi miliiyiny, «ort^ai da nonO^re des Mèv^A de rècoledu géoie 
militaire. 



— 37« -- 

maoM de feu s^ sont fait entendre du haut de» tours 
destinées à cet usage y et que la voix lugubre des gar- 
des de nuit les a répétés dans tous les quartiers de 
Constantinople , le grand-visir, le capitan-pacba, l'aga 
des janissaires et tous les commandants militaires, doir 
vent quitter leurs palais pour se porter en toute hâte au 
lieu de l'incendie. Le Grand-Seigneur lui-pnème est obli- 
gé par Tusage de sortir de son harem« de monter à cbe- 
yal, et quelqujefois de traverser en bateau le ^ospbore 
au milieu d'une nuit orageuse/pour donner l'exefpple du 
zèle, animer les travailleurs, et effrayer les vole^r9 par 
dç^ supplices immédiats et rigoureux . 

Si> dans ces occasions malheureuses, le Qr^nd-S^^l- 
gi;ieur arrive axf. lieu de Vinoendie ayaut pion gr^ qd-vislr» 
celui-ci est condamné k Iqi payer une forte amende* l<e 
capitan-pacha et l'aga des japissaires sont traités de mé* 
me s'ils se laissent précéder par le grand-visir, et Us 
exercent un droit semblable à l'égard de leurs |si|bordon< 
nés. Ces règlements , ipstitués par Mahomet II, confir- 
més parles canoni^ du grand Solimaii, et consacré^ par 
l'usage, sont trjès louables et rappellept l'activité de^ 
premiers enipereurs turcs. 

Itfaiç ils servent quelquefois à causer le joial qu'ils sont 
destiné? ^lempècher : car, lorsque le|i japis^aire9,mécop- 
tent^ de leur sjouveraip» veulent Im dopper de v|ve voie 
une leçon utiie, il|s mettent le feu dans un de$ quartiers 
de Gopstanlinople , et Tot^ligent ainsi k venir entendre 
par lui-même leurs menaces ^éditieus/es et le? ipotifs de 
leur mécontentement. 

Que de chagrins, d'inquiétudes et de fatigues, les mo- 
narques ottomans n'éviieraient-ils pas , que 4e malheurs 
et de désastres seraient épargnés aux habitants de Con- 
stantinople et des villes turques, si, au lieu de rues é« 



- 376 — 

iroites et de maisons bàlies eu bois, le gouVefiielneii( 
pouvait exiger que tous les édifices publics et particu- 
liers fussent construits à l'avenir avec des pierres ou des 
briques 9 si communes dans ce pays et si durables sous 
ce climat conservateur! Mais l'usage, ennemi de toute 
innovation utile, engage Jes Turcs et leurs sujets à bà- 
tir leurs maisons comme elles Tétaient autrefois. Aucun 
d'eux ne consent à mettre ses propriétés à la disposition 
d'un gouvernement toujours avide et nécessiteux, et à 
renoncer à son terrain pour y percer des rues ou des 
places publiques; les lois et les oulémas viennent à l'ap- 
pui de ces prétentions particulières ; la religion sanc- 
tionne cette résistance en consacrant le principe dange- 
reux qu'il est inutile de s'opposer aux arrêts du destin. 
Enfin , le souverain , sans force , voit sa capitale devenir 
tous les jonrs la proie des flammes sans pouvoir préve- 
ùir les effets d'un si funeste aveuglement. 

Armuriers (Dgébedgis). — Les dgébedgis forment un 
corps très ancien , dont l'existence est particulière à la 
Turquie, et dont les fonctions ont toujours été d'ac- 
compagner les équipages, les vivres et les munitions 
de guerre, dans les marches, et de les protéger durant les 
combats. Ce corps, qui devrait être composé d'armuriers 
pour la réparation des armes , et de soldats disciplinés 
pour la défense des équipages , n'existait que de nom 
avant le sultan Sélim. Cependant il figurait pour une 
somme assez forte dans les dépenses du trésor. Mais les 
timars destinés au paiement des officiers étaient parta- 
gés entre les principaux employés du sérail et de la Porte, 
et la solde des dgébedgis, détournée de sa première desti- 
nation, ne servait guère qu'à alimenter la foule des va- 
lets, des intrigants et des espions qui entouraient ces 
grands personnages. 



— 37t - 

Le mat était si cnraciûë, que le suttan Sélim , ayant 
toulu rendre à ce corps sa première organisation , ne 
put pas y réussir entièrement. La déposition de ce mo- 
narque a fait renaître les anciens abus, et ce corps, qui 
Compte près de 4 mille hommes sur ses registres, qui 
possède de droit plus de 60 timars , et qui retire près de 
600 mille fr. du trésor public, aurait peine à réunir 500 
bommes efTectifs.pour marcher à la suite des armées. 

Le sultan Sélim , en rétablissant Tancienne discipline 
des dgébedgis , avait Tintention de réunir les armuriers 
de ce corps dans une ou plusieurs manufactures d'ar-^ 
mes, afin de pouvoir mettre de l'uniformité dans Tar- 
mement des troupes ottomanes. Mais ses tentatives n'eu* 
rent qu'un faible succès. Les armuriers de Gonstantino* 
pie, dont une grande partie appartenait au corps des 
dgébedgis, crièrent contre ces innovations sous le pré-* 
texte que leur but impie était de changer la forme de ces 
armes terribles avec lesquelles les fidèles ottomans 
avaient conquis tant de royaumes. Les autres corps de 
métiers de la capitale s'intéressèrent à leurs cris et à 
leurs prétentions, et le sultan, conseillé par des minis- 
tres intéressés à la conservation des abus, se vit obligé 
d'abandonner ou de modifier ses projets. 

Chaque armurier suivit sa routine particulière. Les 
soldats turcs continuèrent à se pourvoir eux-mêmes , 
suivant leur caprice , d'armes de toutes formes et de 
toutes espèces. Les nizamgedittes mêmes ne purent ja-* 
mais être armés d'une manière uniforme, parce que les 
manufactures établies par le sultan Sélim ne suffisaient 
pas à leur fourniture. 

Les armes d'un soldat turc (infanterie ou cavalerie) 
consistaient en général en un fusil dont le canon et la bat- 



~ 378 — 

terie ressemblaient à ceox des anciens fuaUs espagnols, 
en un sabre courbe et une paire de longs pistolets. Pea 
d'entre eux faisaient usage de la baïonnette» quoique les 
fetfiis des mupbtis eussent reconnu TutUité de cette ar- 
me, laquelle, adoptée par les nizam-gedittes, avait pres^ 
que enliërement disparu depuis leur abolition. 

(.es àmélipriitions commencées par le sultan SéUm UI 
dans l'organisation et le service des canonniers, bombar- 
dins, ingénieurs militaires et armuriers, ont étéacbevées 
et perfectionnéeis par le sultan Mahmoud II, aussitôt que 
ce monarque temporisateur et patient , mais inébranla- 
ble dans ses résolutions, a pu 3'occuper^ pour tous les 
établissements militaires, des réformes dont l'e^périeiiice 
avait démontré l'utilité. 

Des spahis ou cavalerie permanente SQtfda^ée par 
l'élat, — Les spahis étaient divisés en six bulu)($ p|i içé- 
giments» dont chaque chef s'appelait bulpk-agass). {.e 
premier buluk , fort d'environ 8000 boiçmes , se distin- 
guait des autres par la cornette roqge, et avait poiir 
chef le spahilar-agassi ou général commandant le corps 
des spahis. 

Le second buliik marchait sous la cornette jaiine. Il 
n'était composé que d'environ 600 cavalieji^; mais son 
chef était le seliçlar-agassi ou le porte-glaive du Sultan. 
C'est aux spahis de la cornette jaune , qui formaient Ja 
principale force des armées d'Osman l^^, qu'on doit at- 
tribuer les premiers succès des Osmaulis et la fondation 
de cet empire. Us jouissaient de très grands privilège* 
Leur chef était un des personnaoges les plus importanta 
du sérail. Tous les cavaliers de ce buluk étaient traités 
comme oflfpiçrs , et avaient leurs appointements assignés 



— .379 -- 

sur d99 <io& on timars. Les pi^es du Qmnd-S^igMânr: 
ambiUonoaieiit la faveur d'être admU dan^ ce corps dia* 
Uoguô , qui faisait uq service constant auprès de la per- 
sonne du monarque. 

Le trotsième bnluk, delà cornette verte, était fort 
d'environ 1000 hommes. 

Le quatrième buluk, distingué par la cornette Mancbe^ 
était de la même force que le préeédenU 

Le cinquième et le sixième buluk, ^ui avaient des 
cornettes mi-partie rouge et jaune ^ et verte et biancke, 
formaient ensemble un effectif d'environ ISOO cavaliers. 

Le corps entier des spahis était d'environ 12000 hom-. 
mes. Il avait été beaucoup plus considérable autrefois; 
mais cette cavalerie, qui coûtait près de. 3 millions de 
francs au trésor public , avait excité plusieurs fois des 
troubles à Gonstantinople. 

Les spahis se montrèrent turbulents et séditieux long<^ 
tamps avant les janissaires, parce qu'ils abandonnèrent 
beaucoup plus tôt que ces derniers les règles sévères de 
lenr ancienne discipline. La Snblime-Porte , voulant se 
délivrer de ces cavaliers incommodes , se servit des ja«* 
nissaires pour les réprimer, et n'eut pas de peine à di-' 
mînuer leur nombre en limitant l'achat des chevaux , 
sous le prétexte souvent bien fondé des embarras du 
trésor public. 

Tchiaom. ~ Les tchiaous formaient autrefois un des 
corp# de la cavalerie permanente soudpyée par l'étal^ 
ipoais ils ne servent en général a^jourd'bui que coonne 
huissiers de justice en temps de paix, et comme cour* 
rlers en temps de guerre. Ils sont au nombre d'environ 
neuf cents à Gonstantinople. Leur chef, connu sous le 



— 380 — 

litre de tchiaoo8*bachy, doit rester constamment auprès 
du grand-visir, et fait exécuter ses ordres. Il est chargé 
de lui présenter tous les personnages importants qui ob- 
tiennent l'honneur d'une audience publique. C'est à ce 
titre qu'il (ait les fonctions d'introducteur des ambassa- 
deurs. 

Les tchiaous coûtent peu à l'état , et sont payés sur des 
timars et sur les profits qu'ils retirent des jugements 
dont l'exécution leur est confiée. 

Tels étaient les corps d'infanterie et de cavalerie qui, 
étant constamment sur pied , recevaient presque tous 
leur solde du trésor public. Ils formaient la milice régu- 
lière et disponible connue sous le nom de capiculi ou 
d'esclaves de la Porte. Mais, outre cette milice capiculi, 
le gouvernement turc avait et a encore le moyen d'ac- 
croître considérablement ses armées en temps de guerre 
en appelant à lui les troupes connues sous le nom de to- 
pradis et de serratculis, et les corps particuliers com« 
mandés et soudoyés par les pachas. 

Tapraclis. — Les topraclis (1) ou troupes du pays 
sont la même chose que les rassemblements de nos an- 
ciennes monarchies féodales. Mais les fieiis ou timars sont 
mieux réglés en Turquie qu'ils ne l'étaient dans le reste 
de l'Europe, parce que le gouvernement a toujours été 
assez fort pour empêcher ces terres féodales de devenir 
entièrement héréditaires dans les familles. Le possesseur 
d'un fief n'a aucun droit légitime de domination et de 
justice sur les personnes qui l'habitent. Sa seule préro- 
gative est de retirer la dlme des biens qui ont été desti- 
nés à cet usage dans le temps de la conquête , ou le 

(1) Toprac veut dire terre ou payé. 



— 381 — 

produit des terres réservées poar la couronne, et con- 
cédées précairement^r le souverain. 

Lorsque les Turcs s'emparaient d'un pays, ils avaient 
toujours coutume de partager en trois parties les do- 
maines nationaux et les impôts territoriaux. La première 
de ces portions appartenait aux mosquées, la seconde à 
la couronne , et la troisième était destinée à composer 
des ziamettes et des timars en faveur des serviteurs et 
des défenseurs de l'état. La partiç destinée aux mos- 
quées n'a fait que s'accroître aux dépens de la couronne 
par les fondations pieuses et trop fréquentes des mo- 
narques ottomans. Les ziamettes et les timars, qui sont 
toujours restés les mêmes, ont cessé de répondre au 
but utile et politique qu'on s'était proposé en les créant. 
Les revenus appartenant à la couronne ont été détour- 
nés en grande partie de leur destination primitive par 
l'avidité des ministres , des officiers du sérail , et de la 
foule des principaux agents de l'autorité souveraine. 

Le territoire de l'empire ottoman avait été divisé en 
210 beyiiks, en 300 zaïmats, et en 60000 timars. La 
différence de revenu établissait la subordination, de ces 
divers grades. L'obligation des timariots est de marcher 
sdus les ordres des zaïms; ceux-ci obéissent aux beys; 
ces derniers sont sons le commandement des paebas. 
Mais cette dépendance relative entre les beys, les zaïms 
et les timariots, n'existe qu'en temps de guerre et pen- 
dant leur réunion. Ils rentrent tous^ en temps de paix, 
sous la juridiction commune des pachas^ des ayans mir 
litaires et des cadis. 

Chacun de ces possesseurs de iSefs doit se faire accom- 
pagner d'un homme à pied à raison de 8000 aspres de 
son revenu. La masse résultant de tous ces rassemble- 
ments devrait être d'environ 120 000 hommes (cavalerie 



— 382 — 

et kiftniterie mèMefi). Mai6, niftlgrèles ordres tnefiâçaftts 
de ia Porte, il est rare de voir datiâ les armées ottomanes 
plus de 30000 Immines appartenant à la classe des to- 
pracHs. Il est Inatile de parler et la discipline et de l'n- 
lilité de ces corps de troupes , rassemblés k la hâté , com- 
battant sans ordre , variant sans cesse , et dispersés pen- 
dant lapait. 

' SeftatculiSé — Les serratculis sont cbargès spécia- 
tetnent de la défense des frontières éé l'empire. Ils se 
composent dMnfknterie et de cavalerie. L'infanterie 
serratcoli se divise en trois parties : les azzaps on sol- 
dafb d'élite ^ les seymenys et les musselins. Ces derniers 
servent en général comme pionniers, et sont employés 
anx réparations des routes et aux travaux militaires. La 
Tavalerie serratculi se compose de gunginllis ou grosse 
cavalerie, 4ni reste dans lés places de guerre, de beslys 
ôtt cavaleHe légère, et de delys (1) ou partisans. 

Toutes ces troupes reçoivent leur solde sur des fonds 
particuliers établis dans leur province. Elles dépendent du 
pacha du pays, et l'accompagnent lorsque le Ihéfttre de 
la guerre n*est pas trop éloigné des frontières qu'elles 
sont chargées de défendre. Depuis long-temps les serrat- 
culis ne sont plus rassemblés qu'au moment d'Un danger 
pref96aÉt. Ils ne reçoivent de Solde, pendant leur réunion, 
qUiB isur é^È fonds mis provisoirement à la disposition 
-des pachas , et ne forment des corps respectables que 
dans quelques provinces, telles que l'Albanie , la Bosnie 
et la Macédoine, où Tâpreté du climat, là nature tnon- 
tueuse du sol et des mœurs austères, ont ûonSérvé le^ 
liabif udes guerrières dès àndéïis habitants. 



, (1) Dely, en tare, yent ëire fint. Cette déaominatioa sert à caractériser 
le courage bouillant et inconsidéré de ces partisans. 



- 383 - 

Lés (roapes ^rratculis que là ftomëlie, là Bosnie et 
rAlbanie , ënvoieiit aux armées ottomanes près des rives 
du Danube , sont pour elles un renfort important , qui 
peut s'élever, dans quelques circonstances, à prés de 
40000 hommes d'infanterie et 10000 chevaux. Mats les 
Berratculis des provinces asiatiques sont la soldatesque là 
moins estimée de Teitipire. 

Des troupes particulières des pachas, sandjeaks, et des 
principaux àyans. — Lorsque les circonstances nécessi- 
tent un rassemblement de troupes dans une des provin- 
ces de l'empire , là Sublime-Porte autorise le pacha qui 
là gouverne à se procurer les fonds nécessaires et à le- 
ver un ^orps pour le service de l'état. Ce pacha ne man- 
que pas de profiter avec empressement de cette autori- 
sation avantageuse. Il rançonne les riches particuliers, 
dispose des fonds publics, s'efforce, sous le prétexte de 
l'inlérèt de la religion, d'arràchèr de l'argent aux àvàres 
èconolnes des mosquées , et parvient bientôt à créer des 
corps de cavalerie et d'infanterie toujours plus nôfn« 
bréux que les rassemblements exigés par le gouverne- 
faieùt. Ces pachas, d'abord fidèles observateurs des or- 
dres du sultan, exécutent avec ponctualité ce que là 
Porte leur commande, et se battent avec zèle cTontré ses 
éntiemis extérieurs ou contre d'autres pachas rebelles ; 
mais, devenus riches par leurs extorsions multipliées, et 
puissants par l'affeclion de leurs troupes, auxquelles îtk 
s'efforcent de plaire en leur permettant la licence, ils ont 
coutume d'oppôsèr des difficultés au licenclment de 
leurs soldats lorsque le danger qui en avait nécessité là 
levée a cessé d'exister, et se mettent quelquefois en état 
de rébellion, si le gouvernement insiste sur l'exécution 
de cette mesure. 

C'est ainsi que s'est formé le pouvoir Indépendant dû 



— 384 — 

fameux pacha de Sain UJean- d'Acre (Dgezzar), qui, 
ayant élë autorisé par la Porte à lever des troupes pour 
combattre les Druses et les pachas rebelles d'Âlep et de 
Damas, défit d'abord les ennemis du gouvernement, an- 
nexa leurs armées à la sienne et devint assez puissant 
pour n'exécuter les ordres du Grand-Seigneur que quand 
ceux-ci convenaient à ses intérêts particuliers. 

Passavan-Oglou , pacha de Yiddin , profita également 
de l'ordre qu'il avait reçu de lever des troupes pour 
contenir les Serviens. Plus imprudent et moins politique 
que Dgezzar, il se mit bientôt en état de rébellion ou- 
verte, fit trembler le sultan par ses courses dans la Bo- 
mélie, et se rendit enfin assez redoutable pour obliger la 
Porte à ordonner une marche générale des fidèles mu- 
sulmans contre ce perturbateur du repos public. 

Le pouvoir de Moustapha-Bairactar, qui Tut assez fort 
pour renverser le sultan Moustapha , changer tout le 
ministère ottoman , et se constituer lui-même grand-vi- 
sir, ne dut son origine qu'à une cause semblable. La 
Porte s'est repentie plus d'une fois d'avoir permis à l'ar- 
tificieux Ali-Pacha de lever des troupes pour marcher 
contre Passavan-Oglou , les Suliotes et les brigands de la 

Romélie. 

» 

Les pachas ne sont pas les seuls qui aient réussi à se 
constituer des armées particulières et permanentes. Les 
familles de TehiapanOglou (1) et de Garaosman-Oglou , 
qui, quoique composées de plus de cent branches colla- 
térales, étaient devenues riches et puissantes par leur 
réunion volontaire et compacte sous un chef de leur 

(i) Les Tchiapan-Ogloo dominaient dans le nord de PAsie-Mineure. Les 
Garaosroan-Oglon étaient ponr ainsi dire les sonverains des riches proyîn- 
ces qui avoisinent Smyme. La domination de ces familles a été en grande 
partie détraite par le sultan Mahmoud. 



~ »6 — 

sang, ayaient des adhérents nombreux et des troupes 
soudoyées, qui leur donnaient une très grande influence 
dans les affaires de la Turquie. Quelques riches bèys ou 
ayans, tels que ceux de Sérés dans la Macédoine, 
et de Pliilippopoli dans la Thrace, étaient parvenus, 
par leurs qualités personnelles et par leurs richesses'long- 
iemps accumulées dans le secret , à réunir autour d'eux 
un nombre d'hommes suffisant pour se faire craindre de 
leurs voisins, et se rendre utiles et formidables à la 
Porte. 

Le gouvernement turc punissait autrefois comme un 
acte de rébellion tous les rassemblements militaires qui 
continuaient à exister malgré ses ordres. Mais depuis 
que ies janissaires , par leur indocilité , étaient deve^" 
nus plus nuisibles souvent qu'utiles à l'autorité souve- 
raine « que les troupes féodales ou topràclis ne servaient 
plus guère qu'à embarrasser la marche des armées , à 
consommer inutilement beaucoup de vivres et de four* 
rages, et à ravager les provinces, le gouvernement 4urc 
s'était vu obligé de mettre presque tout son espoir dans 
les serratculis, surtout dans les troupes particulières 
soudoyées par les pachas. 

C'était dans une armée régulière que le sultan Mah- 
moud, éclairé par l'expérience , avait tout spécialement 
placé ses espérances pour la défense de son empire et 
l'affermissement de son autorité souveraine. 

Les* troupes particulières des pachas, qui ont com- 
posé la principale force des armées ottomanes dans les 
dernières guerres contre les Russes , avaient pour ainsi 
dire transformé la Turquie en une agrégation de pe- 
tits souverains qui se surveillaient mutuellement , qui 
combattaient souvent entre eux , et qui n'avaient d'autre 
point politique de réunion que le Grand-Seigneur, au«* 
I. 26 



— »6 — 
.^Ml ito étooiiéistmMl fréqiie«ioieiii, sans «easer î«- 
mais 4e le reeennaltre pour leur chef saprème. Ils pré- 
«enterairal une image exacte de ce qu'èiaU l'empire 
genaaQiqœ dans les derniers ten^s, si les pa^as et les 
ayws parvenaieirt è obtenir l'liérédit« de leor pouvoir 
dws leurs bmiUes. 

Obier?atioiis générales sur la tactique des Turcs. 

Les armées torques, qui conquirent tant de royaumes, 
avaient une excellente tactique, dont tous les auteurs 
iBonlMiporaifiS s'accordent à faire le plus grand ^ge. 
Leur cavalerie, composée de dievaiix forts , vigoureux 
et «nfatigddes, et d'hommes bien armés et sans cesse 
exercés, ne cédaient pas par le courage à nos brillants 
ot valeureux chevaliers des temps de la féodalité et les 
surpassaient en discipline. Leor infanterie, vivant sons 
un régime austère et s' occupant continuellement de ma- 
nœuvres et d'exercices sous les yeux de leurs monarques 
guerriers , avait une immense supériorité sur tous ces 
vilains mal armés qui suivaient à pied les chevaliers 
chrétiens. 

Ces deux armes, au lieu d'agir inconsidérément et en 
isolant leurs mouvements, ne recevaient leur impulsion 
que de la main du chef. La. cavalerie couvrait les deux 
ailes de l'armée et remplissait les intervalles des diverses 
colonnes d'infanterie. Une forte réserve composée de 
trOiUpes d'élite 3e tenait toujours prête à réparer les ac- 
cidents et à soutenir les corps qui étaient ou paraissaient 
Mtablés par des forces supérieures. 

Les Turcsont toujours fait usage de l'ordre profond 
dans toutes les manœuvres d'attaque et de défense , et 
c'esl dans l'emploi sagement combiné des divers grou« 
pes de cavalerie et d'in&oterie, qui se mêlaient et s'ap* 



— 387 — 

puyaient mutuelienoenl suivant les circonstaDces et les 
localités^ que CQDsistait le mérite principal de la tactique 
de leurs généraux. Les évolutions sur trois rangs et en 
ligue leur ont toujours été inconnues. 

Les anciens Turcs, suivant Galchondille , étaient très 
savants dans la castramétation. L'assiette de leurs camps 
était toujours bien choisie, les divers corps étaient pla- 
cés dans un ordre parfait ; la plus grande tranquillité et 
la propreté y régnaient sans cesse. Des retranchements 
construits avec soin les mettaient à l'abri de toutes sur- 
prises, et lorsque l'occupation précaire d'une position ne 
leur donnait pas le temps de s'y retrancher, les chariots 
de bagages étaient toujours disposés de manière à oppo- 
ser à l'ennemi des obstacles difficiles à vaincre. 

Les Turcs ont été les premiers à faire usage de poa* 
tons portés sur des baquets pour la construction des 
ponts. Ils sont aussi les inventeurs des tranchées et 4es 
parallèles pour l'attaque des places fortes. 

Les Turcs actuels font leurs mouvements en colonnes 
comme leurs ancêtres; mais ils ne savent pas, comme 
eux , mettre de l'ensemble dans les manœuvres combi- 
nées de leur infanterie et de leur cavalerie. Leurs camps 
sont en général mal choisis et rarement retranchés. Les 
cadavres des chevaux, qu'on y laisse pourrir, en rendent 
le séjour aussi malsain que désagréable. Il ne reste par- 
mi eux aucune trace et aucune idée des baquets et des 
pontons qui suivaient les armées ottomanes dans leurs 
expéditions en Hongrie. Ce n'est que depuis l'établisse- 
ment de l'Ecole du génie à Constantinople que les Turcs 
ont appris à connaître par les soins des instructeurs eu- 
ropéens, en consultant leurs archives militaires, ces cher 
mins et ces parallèles de tranchée dont leurs anciens in- 

2& 



— 388 — 

génieurs ont été les iuventeors et qui ont tant illustré le 
•iége de Candie. 

Dans ses mémoires , MontécucolK présente les Turcs 
comme des modèles à suivre pour leur manière de 
conduire la guerre. Il louait leurs marches , leurs cam- 
pements et leurs dispositions pour le combat. La glo* 
rieuse victoire de Saint-Gotliard qu'il remporta sur eux 
en 1664 , comme généralissime de l'armée chrétienne, 
ne diminua pas la haute opinion qu'il avait connue de ce 
peuple guerrier. 

En effet on vit ces mêmes Turcs, 20 ans après la ba- 
taille de Saint-Goihard» envahir de nouveau la Hongrie, 
et s'avancer jusqu'à Vienne, dont ils entreprirent le siège. 

L'Allemagne était menacée de passer sous la domina- 
tion ottomane, lorsque Jean Sobiesky, à la tète de 40 
mille Polonais, vint se réunir aux troupes autrichien- 
nes* Par un coup de main aussi habile qu'audacieuse- 
ment exécuté, le roi de Pologne fit lever le siège de la 
capitale de l'Autriche et prépara la série des catastro- 
phes qui obligèrent la Sublime-Porte à céder à l'Autriche» 
par le traité de Gadoviritz, la Hongrie, TEsclavonie et la 
Transylvanie, et à abandonner dans cette même circon- 
stance la ville et le port d'Asoph aux Russes et à resti- 
tuer aux Vénitiens les conquêtes qu'ils avaient faites sur 
eux pendant la même guerre. Dans les dernières années 
du 17« siècle les Turcs se virent refoulés aux limites qu'ils 
avaient encore à l'époque du traité de Yassy en 1792. 

Ces résultats si funestes pour les Turcs furent dos aux 
brillantes victoires que le prince Eugène de Savoie rem- 
porta sur eux par son habile tactique, par la rapidité 
de ses mouvements, et en prenant constamment sur eux 
l'offensive. 



— 389 - 

les janissaires ont été loDg-temps la terreur des ar« 
mées chrétiennes, parce que, avant le milieu du 17«siè* 
de, riofanteric européenne n'avait pas encore reçu son 
organisation régulière. 

La réputation de la cavalerie légère des Turcs s'est 
soutenue jusque dans ces derniers temps. La cavalerie 
turque gravit au galop les montagnes et descend de même 
à travers les rochers et les buissons. Elle débouche à 
Timproviste par les sentiers les plus étroits pour tomber 
sur les flancs et sur le derrière de l'ennemi ; les terrains 
les plus coupés lui sont favorables» On ne saurait trop se 
tenir en garde contre ses attaques impétueuses et impré* 
vues» 

Toutefois des revers récents ont diminué son audace. 
Elle n'hésitait jamais autrefois et se lançait avec fureur 
sur les corps ennemis aussitôt qu'elle les apercevait. Le 
désordre même de sa marche et de ses attaques était 
une cause de confusion et de terjeur pour ses adversai- 
res. Mais, armés comme eux et combattant de même, les 
€osaques russes ont donné aux cavaliers turcs, dans ces 
derniers temps, de si sévères leçons, que ces derniers ont 
perdu une grande partie de l'audace impétueuse qui était 
leur principale qualité. 

Le prince Eugène, qui avait su bien apprécier les ar- 
mées ottomanes, avait reconnu que c'était à leur babi- 
tude de prendre toujours l'offensive qu'elles devaient 
leurs anciens succès. — Il retourna contre eux ce même 
principe et les battit dans toutes les circonstances. 

T^es généraux russes qui ont obtenu sur les Turcs des 
succès brillants et décisils, tels que les Romansow, les 
Swarow, les Diébitch et les Paskewitth , ne se sont ja- 
mais tenussur la défensive à leur égard, et, quelle que fût 
l'infériorité numérique des troupes sous leurs ordres, 



— 390 — 

ils n'ont jamais manqué de se porter en avant et d'être 
les agresseurs dans toutes les attaques. 

Quelques écrivains qui n'avaient aucune idée précise 
de la composition des armées ottomanes ont attribué à 
l'abolition des janissaires les revers des Turcs en 1829. 
Mais les janissaires des derniers temps étaient tout à fait 
dégénérés. Ils ne présentaient plus comme autrefois des 
colonnes inébranlables d'infanterie auxquelles se ral- 
liaient toutes les autres troupes dans les cas de revers. 
lis n'avaient plus d'ensemble , de discipline et de subor- 
dination. C'était souvent par eux , et par suite de leur 
manque d'ordre et de bravoure , que commençaient les 
défaites. — D'ailleurs, dans les plus {];randes armées ac- 
tives on voyait rarement , depuis un siècle , un noyau 
de plus de 12 à 15 mille janissaires. 

Armée de terre actuelle de la Turquie. 

Depuis l'abolition des janissaires le sultan Mahmoud a 
pu donner à ses institutions militaires le développement 
qu'il désirait obtenir depuis long-temps. Mais la néces- 
sité de tout créer^ et de faire, pour l'habillement et Tar- 
mement de ses nouvelles troupes, des dépenses considé- 
rables, a soumis son travail d'organisation militaire à des 
limites déterminées par l'état des finances de l'empire. 

D'après les derniers états officiels l'armée régulière se 
compose ainsi : 

Garde impériale . 10 0001 

Régiments d'infanterie de ligne. . . 92 000 

Troupes d'artillerie 26 000 

Bombardiers 4 000 

Mineurs et dgebedgis . . , . . 1 800 

Cavalerie régulière (troupe légère), 2S 000 



— 391 — 

Les traopes irrëgalières à pied et à cheval, connues 
sous les anciennes dénominations de topralis, serrateulis, 
cavalerie irrégulière , delys et troupes particulières des 
pacbas, sont estimées à 145000 hommes. Elles pourraient 
être doublées dans les moments d'élan national et de 
grands dangers pour l'empire. 

L*inranterie régulière actuelle est armée, comme celle 
des grandes puissances européennes^ avec fusil à baïon- 
nette et sabre. On a supprimé les habits flottants et les 
pantalons larges, qui gênaient la marche du soldat. 

Le turban, qui, s'imprégnant facilement d'eau en 
temps de pluie ou de brouillard , entretenait une bu^ 
midité malsaine autour des tempes et sur le haut de la 
tète du soldat 9 a disparu pour faire place à un bon- 
net cylindrique rouge en feutre épais et imperméable. 
— Les cheveux ne sont plus rasés. — L'habit ^ coupé 
à Teuropéenne , mais moins serré au corps que celui 
des Russes^ laisse une grande facilité à tous les mouve* 
ments. 

Le nouveau costume est très convenable à la guerre. Il 
est moins beau dans les représentations théâtrales que 
celui que les Turcs portaient autrefois , et qu'ils devaient 
aux Grecs efféminés du Bas-Empire. 

On sait combien le costume a d'influence sur le peu- 
ple. — C'était pour faciliter et accélérer la civilisation 
de ses sujets que Pierre le Grand avait insisté avec fer- 
meté, et même en faisuit usage de moyens très rigou- 
reux ^pour opérer le remplacement du costume asiatique 
par un habillement analogue à celui des E^ropé^ns. 

La même idée a frappé l'esprit du sultan Mahmoud. Il 
a senti que , pour faciliter dans son empire l'intf oduc* 
tion des inslitotions des Francs , il fallait faire disparat-^ 



— 3M - 
tre la grande différence qui existait dans les eastames 
apparents des deax peuples. 

Les employés du gouvernement et les militaires de 
toute classe sont obligés d'adopter le nouveau costu- 
me que porte le Sultan. La même obligation n'a pas 
été imposée aux autres Osmanlis : on a laissé librement 
agir sur eux Teffet progressif de l'exemple et celui de 
l'ambition. 

Puisque la population cbrétienne de Tempire otto^ 
man se trouve en grande majorité dans la Turquie 
d'Europe , et puisqu'elle est dans le rapport de trois à 
cinq dans l'Asie ottomane, plusieurs écrivains poli- 
tiques s'étonnent avec raison que les chrétiens de cet 
empire , qui sont aussi braves que leurs compatriotes 
mabométans, ne soient pas appelés pour prendre part 
à la défense des intérêts communs. La religion, dît-on , 
s'y oppose. Cependant les neuf dixièmes des équipages 
des bâtiments de guerre se composent de chrétiens. — 
Les soldats employés au train d'artillerie de campagne 
et à la construction des retranchements défensife sont 
presque tous chrétiens. C'est avec des Albanais cbré« 
tiens que Reschid-Pacha est parvenu , dans ces derniers 
temps, à étouifer une insurrection dangereuse dans 
TAIbanie , et à faire rentrer dans le devoir les Albanais 
mahométans. 

C^est àsa prudente mesure d'admettre à son service^ 
sans avoir égard à leurs croyances religieuses, les 
hommes de mérite de toute nation , que la Russie doit 
ses plus brillants succès dans la guerre et dans sa diplo- 
matie , et la position brillante où elle se trouve. On voit 
dans les armées russes un grand nombre de généraux 
étrangers, et quelques généraux et colonels musulmans. 



— 39a — 

Btais , arrêté par des préjagés populaires ptolAt qoé 
reltgieaX) et qui n'ont pour base que l'ancien orgueil 
des Osmanits , le Grand-Seigneur se voit encore con* 
traint de ne faire entrer dans ses armées qu'en qualité 
de simples instructeurs des ofQciers chrétiens d'un très 
grand mérite ^ qui seraient bien plus utiles à la tète des 
corps. Il se trouve réduit à faire commander ses armées 
par des chefs sans expérience, qui, la plupart, con- 
naissent à peine les premiers éléments de la guerre. 

La formation de régiments chrétiens , et principale-^ 
ment de rayas (1), à la solde de la Turquie, et l'admis'- 
sion de généraux et d'officiers non musulmans dans les 
troupes ottomanes, nous paraissent le moyen le plus 
sûr et le plus expéditif d'assimiler entièrement les ar- 
mées turques aux armées européennes, et de leur faire 
comprendre par des succès l'utilité de la connaissance 
des grands principes de la tactique et de la stratégie. 

Lorsque les Tartares du Budgeak et de la Grimée 
dépendaient de la Sublime-Porte , les corps nombreux 
de cavalerie légère qu'ils envoyaient au secours de 
leurs alliés servaient, par leurs courses continuelles et 
hardies , à éclairer une très grande étendue de pays en 
avant des armées ottomanes , et permettaient à celles-ci 
de vivre sans inquiétude et sans prendre de précautions. 
Les Turcs, aveuglément soumis à l'habitude , n'ont pas 
encore changé leur ancien système de surveillance ; 
BMiis, n'ayant plus les mêmes èclaireurs vigilants, ils 
ont été plus d'une fais cruellement p«inis de leur négli* 
gence dans le cours des deux deraiàres guerres. Sen- 



(l]Toat raya employé è la défense de Tétat est délivré de Tobligatioa 
de payer le kharadge. 



— 394 — 

tant lagrandear de la perte qu'ih avaient faite, ils n'ont 
pu s'empêcher de gémir en pensant <|ae ces mêmes 
Tartares qui étaient lear sauvegarde rendent actuel- 
lement à la Russie les services utiles que la S«ri>lime- 
Ferte en recevait autrefois. 

De la MtrîBe. 

Les Turcs, pendant les deux premiers règnes des sul- 
tans Osman l^^ et Orcan , n'avaient aucune idée de la 
marine, et témoignaient pour la mer cet éloîgnement 
qu'elle inspire aux pei\ples des montagnes ou de l'in- 
térieur des continents. Quoiqu'ils se fussent déjà rendus 
maîtres du golfe de Nicomédie et d'une grande partie 
de la c6te orientale de la Propontide sous le règne d'Or- 
een , ils regardaient les détroits du Bosphore et de rHel* 
lespont comme une barrière insurmontable, et ce ne 
M qu'en 1356 qu'ils tentèrent le passage du canal de 
Gallipoli, et pénétrèrent dans la Tbrace , opération har- 
die qui décida du sort de l'empire grec , et que les 
empereurs de Gonstantinople auraient pu empêcher en 
faisant stationner quelques vaisseaux dans ces mers 
resserrées. 

Lorsque le sultan Mahomet II s'empara de Gonstanti- 
nople y il dirigea son génie actif du c6té de la marine , 
traita avec ménagement les Génois de Galata, en tira* 
d'excellents pilotes et beaucoup de marins, créa une 
flotte respectable , et s'en servit pour soumettre le» îles 
de l'Archipel et les provinces maritimes de la Boraélie. 
Ses successeurs immédiats s'occupèrent avec zèle de l'a- 
grandissement et du perfectionnement de leur marine, 
tinrent constamment sur pied des escadres nombreuses, 



— 395 — 
les employèrent utileinent pour faciliter la coDqiiète des 
lies Hn portantes de Chypre et de Rhodes ^ et luttèrent 
avec succès contre les forces navales de la république dQ 
Venise. 

Le r;rand Soliman , voulant augmenter sa puissance 
maritime et diriger l'attention de ses sujets vers la mer, 
donna au capitan-pacha ou grand amiral la préémi- 
nence sur tous les pachas à trois queues, et attacha les 
revenus de toutes les l^es de l'Archipel et de quelques 
provinces maritimes au département de la marine. 

Mais la bataille de Lépante fut funeste à la puissance 
navale des Turcs. Depuis ce coup terrible, la marine 
ottomane n'a plus eu d'éclat. 

Avant la guerre terminée par le traité dje Eaïnardgi, 
les flottes turques , qui ne sortaient du port de Gonstan'* 
tinople que pendant les mois d'été pour croiser dans les 
mers de la Syrie et de l'Archipel , et pour purger ces pa- 
Tà^^es des pirates qui ont encore la coutume de le$ in- 
fester, étaient composées de gros vaisseauii de gucrra 
nommés caravelles et de frégates. 

Ces caravelles, ayant leur poupe surchargée d'une 
monstrueuse dunette, étaient hautes, courtes, m^ 
gréées, et ne pouvaient guère naviguer que dans la sai** 
son favorable choisie pour leur apparition dans ces mers. 
Les capitaines, pris parmi les valets du capitan-pacba ou 
des grands personnages du sérail et de la Porte ^ n'agis- 
saient que comme simples passagers, et laissaient diriger 
toute la manœuvre par des pilotes provençaux ou grecs. 
Ces derniers , n'ayant à leur disposition que des maleloti 
indociles, inexpérimentés, et ramassés à la hâte dans 
toutes les rues de Gonstantinople , mettaient leur con- 
fiance dans des esclaves chrétiens tirés du bagne , et 
surtout dans les matelots qui avaient été pris sur les 
corsaires de Tordre de Malte. 



— 396 — 

L'artillerie de ces yaiiseaux , formée de cabons dé 
toute espèce de calibres et montés sur des affûts à longs 
flasques ) souvent ne permettait pas de faire feu des deux 
bords. 

Lorsqu'une de ces caravelles était attaquée , la confu- 
sion ne tardait pas à se mettre parmi les éléments bi- 
zarres qui composaient son équipage. Le capitaine , igno- 
rant , mais responsable sur sa tète ie la conservation du 
bâtiment, reprenait alors le commandement, et se don- 
nait beaucoup de mouvement pour tout confondre. Les 
matelots turcs étaient toujours prêts à crier à la trahi- 
son contre leurs camarades d'une autre religion, et sur- 
tout contre les malheureux esclaves qui exécutaient 
les manœuvres. Leurs cris menaçants se mêlaient aux 
plaintes des canonniers, à qui on apportait rarement les 
boulets et les gargousses convenables à leurs pièces. — 
LMnfortuné pilote, abasourdi par les vociférations et 
les menaces du capitaine et des matelots musulmans . 
ordonnait en tremblant la manœuvre, au milieu des 
poignards dirigés contre loi. 

Dans cet état de choses , ces câlt'avelles ne pouvaient 
faire qu'une faible résistance quand elles étaient atta- 
quées avec vigueur et intelligence. L'histoire des cheva- 
liers de Malte nous présente des exemples nombreux 
d'énormes vaisseaux ottomans attaqués et pris par des 
bâtiments maltais qui n'avaient pas la sixième partie de 
leur force et de leur volume. 

t Lorsque les Russes montrèrent aux yeux étonnés des 
Turcs une flotte ennemie qui , partie de la mer Baltique, 
avait pénétré jusque dans TArchipel , et que la malheu* 
reuse issue du combat de Tchesmé eut fait sentir an 
gouvernement ottoman les défauts des anciens vais- 
seaux et de leurs équipages, la construction des cara- 
velles fut )Bibandonnée. Les vaisseaux turcs prirent une 



— 3ÎI7 — 

forme qui se rapprochait de celle des vaisseaux ea« 
ropéens ; mais leur armement , la composition de leurs 
équipages et l'ignorance des capitaines , n'éprouvèrent 
aucun changement. 

Les efforts continuels de l'infatigable Hassan-Pacha (1) 
ne servirent qu'à augmenter le nombre des navires et à 
perfectionner un peu le matériel de la marine. Mais, 
quoiqu'il eût établi une école pour l'instruction des of- 
ficiers , et des casernes spacieuses pour le logement des 
galiondgis , les officiers continuèrent à croupir dans une 
honteuse ignorance , et les marins ne cessèrent pas d'être 
turbulents , féroces et indisciplinés. 

Le règne du sultan Sélim fut l'époque où Taneien sys- 
tème de construction navale fut entièrement abandonné. 
Le choix que ce prince fit de Gutcbuk-Husseyn-Pacba (â), 
un de ses pages favoris, pour la dignité de capitan-pacha, 
fut un événement heureux pour la marine ottomane. 
Gutchuk-Husseyn^ actif, infatigable, hardi, sévère, 
très intelligent , extrêmement généreux , et sûr de la fa- 
veur de son mattre, résolut de faire une révolution 
complète dans le département qui lui était confié. Il y 
réussit. 

Il engagea son souverain à demander des ingénieurs- 
constructeurs à la France , son ancienne alliée , et à la 
Suède , qui j par ses derniers efforts en faveur des Turcs, 
en méritait également le titre. La France envoya 

(1) HassaD-Pacha ^ Dé à Alger et sorti de la classe des simples matelots, 
se fit remarquer par udb bravoure brillante au combat de Tchesmé. Il ftil 
fait capitan-pacba et occupa pendant plusieurs années cette place émi* 
nente. 

(S) Russeyn, né en Géorgie, aT«t été donné au sultan Sélim pour le 
servir pendant sa première jeunesse et sa captivité. L« jeune esclave «al 
plaire à son mattre. Celui-ci apprécia ses talents naturels, le fit capitaa* 
pacba , et , bicnt6t après . lui donna une de ses cousines en mariage* 



— 398 — 

MM. Boi, Brun et Benoit. La Suède fit passer à Cou* 
stanlinople plusieurs ingénieurs^ dont un seul (M. Bodé) 
se rendit utile par la construction d'un bassin et de plu- 
sieurs ouvrages hydrauliques. 

Les ingénieurs français donnèrent aux vaisseaux turcs 
la coupe y les proportions et les gréements qui étaient 
suivis dans le port de Toulon. Les magasins de la marine 
furent abondamment pourvus de tous les objets néces- 
saires. Plusieurs chantiers furent mis en activité. Le 
plus grand ordre y régna. Les anciens chantiers de 
construction établis à Bhodes (1) et à Sinope ne tar- 
dèrent pas à èlre mis sur un pied respectable, a Tur- 
quie vit sortir en peu d'années de ses ports près de vingt 
vaisseaux de ligne, dont quelques uns, à trois ponts, pou- 
vaient être mis en parallèle avec les plus beaux navires 
delà France ou de TAngleterre. 

L'école de marine fondée par le baron de Tott , réta- 
blie par Hassan-Pacba , fut mise par Gutchuk-Husseyn 
en état de pouvoir être utile. Des professeurs habiles 
dirigés par des ingénieurs européens furent chargés de 
l'instruction de plus de 200 élèves qui , divisés en deux 
classes, étaient destinés à fournir des ofQciers pour la 
marine et des ingénieurs pour les constructions na- 
vales. 

Les marins, encouragés par les largesses de Gutchuk- 
Hussen, et contenus pur sa sévérité inexorable, cessè- 
rent d'être redoutables aux habitants de Gonstantinople 
par leur licence et par leurs excès dans des croisières sur 
les mers de l'Archipel et de la Syrie. 

Les superbes forêts de la chaîne méridionale du Tau- 



Ci) Le chantier de construction de Rhodes a été transférée Blacri, dans 
TAsie Mineare et à Boudroan. 



— 8©9 ^ 
ra9 et de sea nombreux contre-forts et celles de l'Anti- 
Taurus furent mises sous linspection d'hommes in* 
slriiîts qui en réglèrent les coupes et en asrarèrent la 
conservation. Les mines fort riches de enivre des envi- 
rons de Tokat et de Trëbisonde furent soumises à une 
9age régie. Elles augmentèrent considérablement les re- 
venus publics et fournirent abondamment tout le métal 
nécessaire pour le doublage des vaisseaux de l'état et 
pour les fonderies de canons. 

Toutes ces améliorations faites en peu. d'années, et la 
force navale de la Turquie élevée au point de la faire 
figurer parmi les puissances maritimes de l'Europe, 
prouvent ce que peut le génie d'un seul homme dans 
ces contrées si riches et si favorisées de la nature. Mais 
la mort de Gutcbuk-^Husseyn et surtout la déposition du 
sultan Sélim avaient fait retomber la marine dans son 
état primitif de faiblesse et de langueur. Les matériaux 
étaient devenus rares; les établissements d'instruction 
avaient été négligés 3 les marins ou galiondgis avaient 
repris leur vie licencieuse ; l'argent manquant, les con- 
etructions nouvelles ne suffirent plus pour remplacer les 
vides que la main destructive du temps cause prompte- 
ment parmi ces machines si périssables et si fragiles. 

Aussitôt que le sultan Mahmoud a pu surmonter, par 
L'abolition des janissaires, les obstacles qui entravaient 
sa marche et ses projets, il porta vers sa marine sa vo- 
lonté de fer et sa persévérante activité. Les chantiers 
de ^nope et de Gonstantinople lancèrent un grand nom- 
bre de vaisseaux de ligne, de frégates et d'autres bâti- 
ments de guerre qui pouvaient lutter avec les meilleurs 
modèles sortis des ports de la France et de la Grande- 
]keta^e. Plusieurs d'entre eux périrent au combat na- 
Tal de Mavafin. 



— 400 — 

Mais 9 loin de se laisser décourager par cette catastro*» 
pbe inatlendae , le monarque ottoman fit reprendre 
arec un nouveau zèle les travaux de ses cbantiers ma- 
ritimes, et bientôt la marine turque fut aussi nombreuse 
et aussi belle qu'auparavant. 

L'école de marine, qui , depuis le baron de Tott, son 
fondateur, avait été succesûvement rétablie et aban* 
donnée, a re$u une nouvelle organisation qui Ta mise 
dans le cas de pouvoir fournir des officiers instruits pour 
le service des bâtiments de Tétat. 

Mais on a laissé subsister un ancien abus qui seul 
suffit pour détruire tous les avantages qu'on doit atten- 
dre des nouvelles améliorations. 

Les fonctions de capitan*pacha ont continué à être 
confiées à des intrigants du sérail, à des hommes tout è 
Ciit étrangers à la profession navale, tandis que cet em* 
ploi , de la plus haute importance , ne devrait apparie* 
nir qu'à des officiers généraux honorables par leur an- 
ciens services comme marins, et ayant donné par leur 
conduite des preuves certaines de leurs talents et de leur 
fidélité. 

Les emplois d'amiraux et de capitaines de vaisseaux, 
qui devraient être également la récompense du talent et 
des services maritimes, sans exclusion des chrétiens, 
s<Hit encoce donnés à des intrigants, étrangers à la pro* 
fession de marin. 

En voyant le superbe port de Gonstantinople, calme 
dans tous les temps, et où plus de cinquante vaisseaux 
de ligne peuvent mouiller sans danger; en longeant le 
détroit du Bosphore, qui, sur une longueur de sept lieues 
et sur une iargein- moyenne de cinq à six cents toises, 
offre partout un mouillage tranquille, commode, et 
d'une bonne tenue ; en parcourant la VroponCide ou 



— 401 — 

merde Marmara, ce vaste et magnifique bassin d'envi- 
ron mille lieues carrées de surface , où des escadres nou- 
vellement armées peuvent man<£uvrer, jeter l'ancre, 
s'exercer et former leurs équipages sans crainte qu'un 
ennemi pins fort ou plus expérimenté vienne les inter- 
rompre; en descendant le célèbre détroit des Darda- 
nelles, facile à défendre , et qu'on doit regarder comme 
un port sûr dans toute sa longueur, qui est de seize lieues, 
on ne peut s'empêcher de reconnaître que cet empire, 
qui possède une population susceptible de devenir très 
nombreuse et des ressources immenses pour le matériel 
de la marine, pourrait être facilement et en peu de temps 
une des premières puissances maritimes de l'Europe. 

En 1838 , la flotte impériale de la Turquie se compo- 
sait de 18 vaisseaux de ligne, de 25 frégates, de 6 cor- 
vettes, et de 25 bâtiments inférieurs. 

DES REVENDS DE l'eMPIRB OTTOMAN. 

Les revenus de l'empire ottoman se composent de deux 
parties : i^ ceux du miri ou trésor public; 2* ceux du 
basné ou trésor particulier du Grand-Seigneur. 

Les revenus du miri sont soumis à une comptabilité 
très compliquée , mais sagement distribuée dans ses dé- 
tails. Le grand-terfterdar est le contrôleur en chef des 
finances. Tous les comptes doivent être soumis à son 
approbation : aucune somme, quelque petite qu'elle 
soit, ne peut sortir des caisses du trésor publie sans son 
ordre particulier. 

Les principaux bureaux de la terfterdarie sont au 

nombre de douze. Les emplois de chefs de ces bureaux 

sont regardés comme très honorables : les ministres , en 

quittant leurs fonctions, sont charmés de pouvoir les 

I. 26 



— 402 - 

t>btemr. Un archiviste est attaché à chacun de ces bu- 
reaux. 

1® Le premier de ces bureaux est celui du bach-mou* 
kassébé. On y règle la comptabilité géoérale. 

2" Celui du buyuk-rousmanié est chargé de la rentrée 
des deniers publics , et de donner des acquits définitifs. 

3» Malié est le bureau d'où sortent tous les firmans re- 
latifs aux finances^ les beraltes ou lettres patentes qui 
paient un droit au gouvernement^ telles que celles qui 
sont relatives aux nominations des métropolitains grecs, 
latins, arméniens , sont délivrées par le chef de ce bu- 
reau. 

4o Malikiané est le bureau où l'on afferme tous les 
domaines nationaux et les revenus publics qui ne sont 
pas en régie. 

5<> Le merkoufat est le bureau de l'administration des 
postes. Il est chargé en même temps de l'approvisionne- 
ment de la capitale. 

6® Biiyuk-vakouf et kutchuk-vakouf sont deux bu- 
reaux établis pour la régie et la comptabilité des biens 
et revenus appartenant aux mosquées de fondation im- 
périale. 

7* Le maden-calémi est le bureau chargé des produits 
des mines métalliques de tout genre. 

8« Le buyuk-calémi est chargé des dépenses relatives 
à l'entretien des grandes forteresses. 

9<> Le kntchuk-calémi doit s'occuper des fraie relatifs 
aux forteresses du second ordre. 

IC» Le haremein est chargé d'administrer les revenus 
des villes saintes. 

llo Le broussa-calémi a l'administration particulière 
des revenus de la province de Brousse , qui , ayant des 



— 403 — 

l'ancienne capitale de l'empire ottoman , est soumise h 
un système moins oppressif de taxation. 

12^ Le mulsalefat a seul le droit de recueillir les sue- 
cessions de ceux qui ont encouru la peine de mort et de 
confiscation (1). 

Les comptes de tous ces bureaux sont soumis à l'in- 
spection du premier d'entre eux , qui est le bacb-mou- 
kassébé, d'où émanent tous les mandats sur le trésor 
pour les difTérenls services (2). 

Le terfterdar envoie tous les jours au grand-visir un 
état de situation des finances , ainsi que dé la rentrée et 
de la sortie des fonds pendant les vingt«quatre beures. 
Cette comptabilité journalière > la sage répartition ded 
bureaux et la simplicité du travail, y font régner le plus 
grand ordre. Quoique dans ce gouvernement orageux 
les terfterdars et les chefs d'administration soient sou- 
vent les victimes des intrii'ues de la cour ou des mouve- 
ments populaires , le système des finances n'est pas dé- 
rangé ^ parce que les employés subalterne^ n'ont rien à 
craindre de ces vicissitudes , ne sont pas çbangés, et 



(1) La peine de eoBfltcatioD vient d^tre abolie {Mr le kaUy-cliérIf ito 
dalané. Le «illan.Mahmond avait donné à ce sujet an ordre sembla])le qui 
avait été Imparfaitement exécuté. 

(2) Toat homme qui a une somme à réclamer dn gouvernement turc 
pour appointements, pensions , ou fournitures , doit présenter sa demande^ 
avec des pièces à Pappui , au bureau de la comptabilité générale. Le chef 
de bureau énonce son opinion par écrit sur la validité de la demande, et 
envoie sa déclaration au terfterdar et au grand-visir. Si ces deux personna- 
ges approuvent la décision du bach-moukassébé , et si celle-ci est favorable 
À la demande du solliciteur, on prépare dans les mêmes bureaux un tes- 
jceré ou mandat sur le trésor public. Cette nouvelle pièce doit être revêtue 
de la signature du grand trésorier , dn grand-visir et du tchiaous-bachy (ce 
dernier servant à con&mer la signature du premier ministre], elle devient 
«ton un otdre payable an pottenr, et sans quittance, par le ei^er dp 
miri. 



— 404 — 
continuent à diriger sur des principes invariables la 
marche des affaires de ce département. Les impôts régu« 
liers sont assez modiques. Les terres ne paient que la 
dtme; mais le produit de cet impôt n'entre pas en entier 
dans les caisses de Tëtat : une partie en a été détournée^ 
depuis long-temps pour former de nouveaux timars, 
lorsque les terres de conquête , destinées à cet usage , 
avaient été entièrement distribuées. 

Les maisons muiktes ou libres ne paient qu'un droit 
qui varie depuis quatre jusqu'à douze piastres par an. 
Celles qui dépendent du vakouf et appartiennent aux 
mosquées (et c'est la grande majorité) ne paient aucun 
impôt , comme servant à l'entretien du culte. Ces deux 
objets, qui devraient composer une des principales 
branches des revenus du gouvernement , ne procurent 
pas au miri la somme de 8 millions de francs. Les do- 
maines de la couronne devraient être considérables , 
puisque le tiers de tout le territoire conquis appartenait 
de droit au souverain. Mais la manie des legs pieux et 
de la fondation fastueuse de ces grands et riches éta- 
blissements connus sous le nom de mosquées impériales, 
et que chaque souverain a le droit de bâtir, pour éter- 
niser son nom, après avoir remporté quelque victoire 
sur les ennemis de l'islamisme , ont absorbé une grande 
partie des domaines de la couronne. Ceux qui restent 
sont peu considérables, et n'augmentent pas de 10 mil- 
lions de francs les revenus de l'empire. 

Les douanes de Gonstantinople, de Smyrne,et des 
antres échelles du Levant , produisaient autrefois un re^ 
venu considérable , parce que la population , étant plua 
riche et plus nombreuse, faisait une plus grande con- 
sommation de marchandises européennes, et n'avaU 
pas encore adopté aussi généralement qu'à présent fa- 



— 40K — 

ftàge ruineux des cachemires et dés marchandises de 
rinde, si préjudiciables aux richesses d'un pays , et si 
faciles à soustraire aux recherches des douaniers. Ce? 
pendant ce système était contraire aux vues politiques 
qui dirigent les autres gouvernements, et favorisait les 
Francs ou étrangers, qui ne payaient que trois pour cent 
de droits d'entrée , aux dépens des rayas ou sv^eià , qui 
en payaient cinq : loin de suivre la marche progressive 
du prix des marchandises importées, il était réglé sur 
un tarif ancien et invariable. 

Le produit principal de ces douanes consistait dans 
l'entrée dés tabacs, dont la consommation est immense 
dans ce pays, où cette plante narcotique fonne un des 
besoins essentiels des habitants. Les droits de gabelle 
ont toiqours été fort modiques, et donnent à peine un 
revenu de 2 millions. 

Les douanes sans gabelle rendaient à peine 12 millions 
de francs, lorsque le sultan Sélim, ayant le projet de 
former une armée disciplinée à l'européenne, sentit la 
nécessité d'améliorer ses finances. Il éleva à six pour cent 
le droit d'entrée des tabacs, assujettit le vin et reau*-de- 
vie à un droit de deux paras par oque (1) pour la pre* 
mière de ces denrées, et de quatre paras pour la se- 
conde (2) ^ et soumit les soies , les cotons , les poils de 
ctèvre , le café , les bestiaux , les fruits secs, enfin pres^ 
que toutes les marchandises et denrées du crû du pays^ 
à payer un impôt modéré à leur entrée dans Constantt- 
ttople et dans les viUes principales (3). 

(1) L'oque est an poids usité en Tarquie et correspond k ^00 dragmot. 

(â) Ce droit déplut aux fêlés masaloiaiM, parée qa^l suietionnalt la 
vente publique de ces liqueurs prohibées. 

(3) Parles nouveaux droits du sultan Sélim, la soie paie deux piaaifef 
qiMQze paras par telfé» les cotons un para par oque» les baatiaatwi pm 
par tête ^ et le café huit paras par oque. 



— 406 — 

Gé9 droite triplèrent presque les produits des contrit 
bulfoBS iBdirectes, et les portèrent à près de 39 raillions 
de fraues. 

Le kharadge, ou la capitation que paient tous les rayas 
00 sujets non musulmans de l'empire^ a toujours été une 
dtos braBehes principales des revenus du gouvernement 
les femmes> les enfants, les Jeunes gens au dessous de 
f âjfe de quatorze ans, fet les mendiants infirmes, sont 
seuls exceptés de cet impôt, qui , loin de suivre les rap- 
ports des fortunes, ne varie que depuis 3 Jusqu'à 14 
piastres (1). 

Le produit de cette capitation a été destiné par les 
premiers empereurs turcs à assurer la solde des Janis- 
saires, C'est d'après cette considération que cette puis- 
SMte milice s'est constituée et déclarée dans tous les 
temps la protectrice des rayas et les a souvent garantis 
collectivement de quelques mesures rigoureuses éternel- 
les adoptées à leur égard par des empereurs fanatiques. 

La capitation, étant établie sur une classe divisée en 
pliisieurs nations, lesquelles^ soumises par une longue 
habitude, sont sans moyens de résistance, a pu être mô- 
diflée d'après la marche progressive du prix des den- 
rées, et a subi un accroissement sensible depuis le der- 
nier siècle* Le kharadge levé sur les seuls rayas de la 
eapitale procure au miri un revenu de près dè>6 mil- 
lions. On peut estimer à 18 millions de francs le produit 
de la oipitation dans tout l'empire. 
Le gouvernement ottoman pourrait retirer d'assi9 

■' (t) La capiiatiôn des inSdèlM est établie par leg lois mêmes de l'AIco- \ 
raDu qui leur permet de continuer à professer leur religion en pa^nt an ' 
MmL Ltê lois sévères relaU?emeiit an cosUmie des rayas oat prlaci- 
liÉtoiMiit p^ar bat de fiiire comtaitre fadleneiit aui collecteiirs du kta^ 
radge les iodiyidus qui doivent payer la cspitalioo. 



— 407 — 

grands avantages du monopole des grains, que les Turcs 
trouvèrent établi à Gonstantinople par ces empereurs 
grecs qui, réduits à leur seule capitale, cherchaient 
tous les moyens possibles de se créer des revenus, non 
pour soudoyer des armées capables de défendre leur em- 
pire, mais pour soutenir un faste arrogant et pour satis- 
faire la foule avide de leurs nombreux courtisans, por*- 
teurs de grands titres. 

Les cultivateurs ne peuvent pas exporter leur blé hors 
des limites de leur province et sont obligés de vendre lé 
surplus de leur consommation pour un prix modique 
aux préposés du gouvernement. Ceux ci doivent faire 
passer ces blés dans les greniers publics de Gonstanti- 
nople, seul dépôt où les boulangers de cette capitale et 
des envirous peuvent se pourvoir des farines nécessai- 
r à leur manutention. 

Ces restrictions contraires à la prospérité générale de 
Pempire, mais favorables à la population de Gonstanti- 
nople, que la Porte a toujours soin de ménager en te- 
t le pain à un prix très miodéré dans cette capitale, 
devraient procurer un revenu considérable au miri; 
mais la malversation, plus active en Turquie que partout 
ailleurs, parce qu'elle est soutenue par les grands qui s'y 
intéressent , détruit presque tous les avantages que ce 
monopole devrait produire , et réduit à moins de 6 mil- 
lions de francs le revenu réel que le miri retire de cette 
mesure ruineuse pour l'agriculture (1). 

L'exploitation des mines d'or, d'argent , de fer et de 
cuivre, pourrait devenir un objet important à cause de 
leur richesse et de leur abondance ; mais le gouverne- 



Ci) Le sulUn Mahmoad a sQpprimé la plupart des monopoles de ce 
genre , et a rendu au commerce des céréales une assez grande liberté. 



— 408 — 

ment , aceoutumë à être volé par ses sabdélégués, qu'il 
rançonne à son tour, a renoncé à l'idée de les faire ex^ 
ploiter pour son compte, les a affermées et en retire 3 à 
4 millions de francs. 

La plupart des impôts dont nous venons de faire 
mention sont donnés à ferme sous le titre de malikia* 
nés aux plus grands personnages de l'empire, contre les- 
quels personne n'ose lutler aux enchères publiques de 
Gonstantinople. Ceux-ci en retirent des profits considé- 
rables , qui forment quelquefois leurs seuls émoluments 
pour les divers emplois qu'ils occupent. Revendus à des 
agents subalternes, ces impôts sont augmentés par l'a- 
vidité des traitants^ La nation paie le double de ce que . 
le gouvernement exige , et les rayas, toujours faibles et 
souvent persécutés impunément, supportent en grande 
partie le poids do ces aggravations. 

Le sultan Sélim avait cherché à mettre fin à ces abus, 
et avait soumis à une régie (1), dont lui-même avait in- 
venté le mode d'administration , les malikianés les plus 
forts et les plus productifs. Cette opération , qui existe 
encore en partie, et contre laquelle luttent sans cesse les 
principaux agents de l'autorité souveraine , a fait rega^^ 
gner au miri un revenu annuel de plus de 6 millions. 

Ce monarque infortuné, qui ne s'occupait que du bon* 
heur de son peuple et de la prospérité de son pays, con* 
xiaissant l'inutilité du service des troupes féodales ou 
topraclis, avait ordonné que toujs les timars au dessus de 
50 mille piastres de revenu rentreraient dans les domai- 
nes de la couronne après la mort des titulaires actuels 
et seraient attachés au miri. Cette mesure a beaucoup 



(1} La régie établie par le snilan Sélim a été perfectionnée par le sultan 
Mahmoud. 



_ 409 — 

auçoieiité les ressources financières de Tempire. Le fisc 
fut autorisé par un firman à exiger annuellement 1 500 
aspres des beys^ 800 des zaims et 120 des timariots. Les 
tavernes, souvent proscrites et toujours improductives, 
furent soumises par ce monarque éclairé à un droit de 
licence qui augmenta les revenus du gouvernement; le 
renouvellement annuel des firmans et berattes de nomi* 
nation à toutes les charges publiques devint aussi une 
nouvelle source de richesses pour l'état, parce que cha- 
que brevet ou patente fut soumis à une taxe proportions- 
née à l'importance et au produit de ces emplois. 

Les sages dispositions de Sélim^ ses nouveaux impôts, 
sa vigilance continuelle, parvinrent enfin à faire monter 
à près de 200 mille bourses ou plus de 200 millions de 
francs les revenus du miri , qui ne s'élevaient pas à 100 
mille bourses lorsque ce prince monta sur le trône (1). 

Mais le sultan Sélim, entraîné par les embarras conti- 
nuels des trois guerres qui affligèrent son règne, fut obli- 
gé, pour faire face à ses dépenses, de continuer à faire 
usage de la voie pernicieuse de l'altération des mon- 
naies, mesure dont il reconnaissait en gémissant les abus 
et la tendance funeste. Cette altération fut faite même 
avec si peu dé modération, que la piastre turque, qui se 
soutenait encore à 50 sous au commencement du règne 
de ce prince, était tombée à 30 sous vers le temps de sa 
déposition (2). 

(i) Lorsque le sultan Sélim fut déposé, la faction triomphante de* 
manda an nom du peuple Tabolition des taies établies par ce prtnce. Hais 
les besoins du gouTernement furent plus écoutés que les cris des sédi- 
tieux, et les taies restèrent , quoiqu'elles eussent été destinées primitive- 
ment au soulien des niiam-jedittes. 

(2) Cette conduite imprudente , qui date du commencement du iS* siè- 
cle , a réduit la piastre turque , qui valait encore près de cinq ftmics à cette 
époque, à la vingtième partie de sa valeur, c'eif à-dire à 25 centime. 



— 410 — 

Je ne m'arrêtai pas à détailler les effets nuisibles 
qui résultent d'une pareille mesure , laquelle ne tend pas 
seulement à anticiper sur les revenus, mais encore à les 
détruire. Je ne la comparerai pas à la voie des emprunts 
perpétuels ou racbetables , laquelle 5 en accroissant les 
charges futures d'un pays pour le paiement des intérêts 
annuels, tend du moins à donner une plus grande circu - 
lation aux capitaux. Je me contenterai de faire observer 
que dans un pays régi par un système d'administra* 
lion fondé sur d'anciens usages , et où l'établissement 
d'une nouvelle taxe produit toujours une réaction vio- 
lente et dangereuse contre le souverain et ses minis- 
tres, il serait presque impossible par les impAts de 
compenser le déficit produit par la dépréciation des 
monnaies. 

Le mal aurait été irréparable , la marche du gouver- 
nement aurait été entièrement entravée , si la Sublime- 
Porte , au lieu d'être payée pour ses contributions sui- 
vant des cotes fixées en numéraire , n'avait pas eu le 
droit d'exiger en nature le dixième de tous les produits 
agricoles et industriels. La position dépendante des rayas 
a permis au divan ottoman de donner au icharadge ou 
droit de capitation payé par eux un accroissement pro- 
portionnel suivant la valeur des monnaies. 

Mais le tarif des douanes, basé sur des stipulations 
établies avant la dépréciation des monnaies , a causé au 
gouvernement turc de très grandes pertes jusqu'au mo- 
ment où, par de nuuveaux traités, il a pu donner au^ 
marchandises importées ou exportées une valeur d'^ 
prédation conforme au taux réel de l'argent monétaire 
circulation» 

L'achat des matières néeessaires aux diverses admi* 
nistration^ de l'état n'a pu manquer d'accroître leé 



- 411 — 
dépetised en ràisofei de la valeur descendante des mdn* 
haies. 

Convaincu par ces tristes résultats de rénormîté de là 
fSîuf e (fu'il avait commise èfi altérant sies monnaies , lé 
divan ottoman a abandonné depuis plusieurs années ce 
système pernicieux, tl laisse sans altération aux valeurs 
métalliques leur tant commercial , qui n'est actuelle- 
ment, pour ta piastre turque on koumch ,. que la vlngfléme 
partie de ce qu'il était vers le milieu du tS^ siècTe. Cette 
piastre vaut uniformément , depuis quinze ans, dans les 
rapports d'écbange , la somme de 26 centimes (monnaie 
de France). 

On estime à environ 160 millions de francs fe revenu 
annuel que la Sublime-Porte retire de ses contributions 
de toute nature dans toute l'étendue de Tempire. On a 
beaucoup de peine à concevoir comment, avec un tel 
t*evenu, le gouvernement ottoman peut faire face à tous 
ises besoins. Mats les ministres , qui reçoivent tort peu 
ëe chose du trésor public , retinrent des timars qùlb ac* 
cumulent, et surtout des présents, sans lesquels on n*ob* 
tient rien dans ce gouvernement corrompu , un revenu 
non seulement suffisant pour feurs dépenses fastueuses, 
mais encore pour leur peritkettre d'acheter des bijoux 
précieux qu'ils s'efforcent de soustraire à Kavidité du fisc 
en cas de disgrâce. 

Les gouverneurs des provinces et Tes commandantît 
des villes vivent aux dépens du pays qu'ils administrent,' 
et versent de l'argent dans les caisses du miri. 

L'administration de la justice se fait aux d!épeni9 dés 
plaideurs et des condamnés. Les juges, qui retirent dix 
pour cent de tous les procès , au lieu d'être à charge à 
Tétat, sont obligés de payer une redevance au trésot' 
piMie* 



- tiâ — 

Lçs Irais du culte sont couverts par les reTMm àêà 
mosquées, et celles-ci , dont les recettes sont infiniment 
supérieures aux dépenses ordinaires^» agrandissent tous 
les jours leurs immenses cafMtaux , et irersent une partie 
de leur surplus dans les caisses du miri. 

Les grandes routes et les édifices publics sont en gé*- 
néral réparés et entretenus par les produits des legs 
qu'une piété éclairée a destinés à cet usager Si les pro- 
duits de ces fondations ne suffisent pas^ le déficit des 
dépenses reste à la charge des proYÎnces» C'est également 
aux frais des provinces que sonl faites les réparations peu 
considérables des places de guerre qui y sont enclavées* 
Nous avons vu que , lorsqu'il s'agit de la construction 
d'une nouvelle forteresse ou de l'addition de quelques 
ouvrages importants aux fortifications d'une ancienne 
ville de guerre , la Porte , suivant son ancienne coutume» 
choisit un ou deux individus enrichis au service de 
l'état, et les force à dépenser pour l'intérêt général une 
partie des richesses acquises par eux aux dépens du 
public 

Les chefe militaires et les principau x officiers des corps 
permanents retirent leurs appointements d'un ou plu* 
sieurs timfirs mis à leur disposition. 

La marine jouissait exclusivement de tous les revenus 
des lies de rArcbipel et de quelques provinces maritimes» 
et n'a commencé à être à charge à l'état que depuis que 
ces lies ont cessé d'appartenir à la Sublime-Porte etqne 
les provinces ont été appauvries par Jes vexations con* 
tinuelles d'une administration tyrannique. Son matériel 
et celui de l'artillerie coûtent peu de chose au miri. 

Lorsqu'une nouvelle guerre contre les infidèles néces- 
^te des dépenses extraordinaires» le Grand-Seigneur a 
le droit alors de lever une contribution particulière:sw6 



- «3 - 

te CRre de safanf é sur tous ses sujets , et (Ten étendre 
même PapplicatioD aux propriétés ecciésfastiques. 

C'est ainsi qu'avec un revenu d'environ ISO million» 
de francs le ^uvernement ottoman parvient & subvenir' 
& tous ses besoins, à remplir ses engagements avec assez 
d'exactitude et à mettre ses dépenses annueiles au ni^ 
veau de ses recettes. 

La caisse particulière du Grand-Seigneur, sous le non» 
ée kasné, a pour revenus t'investiture des pachaliks, le 
droit d'hérédité du souverain à l'égard de tous tes agents 
de son pouvoir militaire et civil, les tributs de TEgypte, 
et ceux des provinces de Yalachte» de Moldavie et de 
Servie , les diverses denrées fournies par quelques pro* 
YÎBces pour l'usage du sérail, et enfin les présents en-^ 
Yoyés au monarque à l'occasion des fêtes annuelles dos 
beyrams et de la circoncision des jeunes princes. 

Ces revenus sont presque tous accidentels et indéter- 
minés ; cependant ils suffisent aux dépenses énormes du 
sérail. 

Ainsi la substance arrachée aux peuples par des ad- 
ministrateurs insatiables n^est pas perdue pour le souve- 
rain. Mais la Turquie, victime de ce système aussi ab- 
surde que vicieux, voit dépérir insensiblement sa popu- 
fation, son agriculture, son commerce et toutes les bran* 
ches de son ancienne industrie. 

Les biens des mosquées, qui n^étaient composés pri- 
mitivement que du tiers des terres conquises , ont ab- 
sorbé par des acquisitions successives les deux tiers des 
propriétés immobilières de Tempire. Lés mosquées doi- 
Tcnt cet accroissement considérable de fortune aux legs 
pieux des souverains et des riches particuliers, aux fou- 
dateurs des mosquées impériales , et surtout au système 
^es vakoufs. 



— 414 — 

Si^ par une révoiaiion heureiue , les monarques ot-* 
tomans pouvaàenl reprendre loua les timars et les biens 
des mosquées en se cliargeant de toutes les dépenses du 
culte 9 et soi^ettre en même temps les revenus de l'état 
i une sage administration, la Purte retirerait facilepient 
S à 600 millions de francs de toutes ses possessions asia- 
tiques et européennes. Le souverain deviendrait fort , 
parce qu^il serait riche ; la corruption , le vol et le péca- 
lat| ne formeraient plus la base vicieuse de l'administra- 
tion de cet empire ; l'ordre et la prospérité publique 
renaîtraient en peu de temps, et la Turquie reprej»* 
drait en Europe la place éminente qui lui a^mrtirat. 
C'était à ce résultat favorable que tendaient tous les ef* 
forts et les changement opérés par le sultan Mabmo^. 

GOVMEKGE DB LA TUKQOIB. 

Avant que le commerce de l'Inde eût pris une nou- 
velle direction vers le milieu du 11^ siècle , et que les 
Européens, en créant des colonies en Amérique, eus- 
sent procuré de nouveaux débouchés à leur activité in- 
dustrieuse , le Levant était le grand théâtre des spécu- 
lations des principaux commerçants de l'Europe. On 
allait y chercher lés marchandises de l'Inde et de la 
Perse , les drogues de la Tartarie et les produits riches 
et variés des provinces ottomanes et de l'Arabie. Ce 
commerce, concentré pendant long -temps entre les 
mains des Vénitiens et des Génois , soutenait la puis- 
sance et faisait la richesse de ces deux républiques. 
Celles-ci n'en tirèrent jamais les profits dont il était sus- 
ceptible, à cause de leur jalousie mutuelle. Le sénat de 
Venise sacrifia souvent ses avantages commerciaux à 
l'orgueil de sa domination sur quelques lies de l'Archi- 



— 415 — 
pel^ et lutta avec gloire, mais sans succès , eonlre la 
Turquie^ dans le temps de. sa splendear et de sa plas 
grande force. 

Les ressources du commerce du Levant restèrent 
long-temps inconnues aux autres nations de l'Europe. 
Jacques Cœur, dans le cours du 1S« siècle, étonna nos 
ancêtres par la prompte création et la grandeur de sa 
fortune personnelle, qu'il devait, dit -on, au commerce 
du Levant, et passa pour sorcier aux yeux du vulgaire. 

Les Anglais, qui connurent de bonne heure les grands 
avantages qui résultent du commerce extérieur, dirigè- 
rent dès le 16« siècle leur attention vers l'Orient. Leur 
compagnie du Levant fut créée sous le règne de Jac* 
ques l^', environ cinquante ans avant l'expédition des 
chartes qui constituèrent les compagnies des Deux-In- 
des et du Sud. C'est au commerce de Turquie que les 
plus anciennes maisons commerçantes de la Cité de Lon- 
dres doivent le commencement de leur fortune (1). C'est 
en se livrant à des spéculations heureuses dans cette 
partie du monde que les plus illustres familles d'Angle- 
terre parvinrent à réparer les pertes qu'elles avaient 
éprouvées dans le cours des guerres civiles. Le titre de 
facteur de la compagnie du Levant fut long-temps con- 
sidéré en Angleterre comme extrêmement honorable. 

La France^ qui a eu des relations amicales avec la 
Turquie dès le commencement du 16® siècle, s'est laissé 
devancer dans le commerce du Levant comme dans 
celui des Indes orientales et de l'Amérique par TAn- 
gleterre et la Hollande. Cependant le baron de Brè- 



(1) Le fameux Hampden, si célèbre dans les guerres civiles dtt régna 
de Charles I'% éuit factenr de la compagnie anglaise du Levant » et i 
rut à CoDstantinople, où Pon voit encore son tombeau» 



— 416 — 

ves (1), ambassadeur de Henri IV près la Sublime-Porte, 
ètaii parvenu par son adresse insinuante à obtenir de 
très grands avantages commerciaux en faveur de la 
France. Il s'était fait constituer par la Porte le protec- 
teur de tous les Francs trafiquant dans le Levant, et il 
avait réussi à obtenir un-firman dn Grand-Seigneur qui 
défendait à tons les bâtiments européens de se présenter 
dans les mers de la Turquie sous un autre pavillon que 
celui de France. 

Hais l'esprit belliqueux et turbulent né de nos guer- 
res civiles, lequel animait alors toute la nation française, 
la misère générale et les orages continuels du règne de 
Louis XIII, donnaient peu de dispositions aux Français 
pour les spéculations commerciales. 

Ce ne fut que lorsque Golbert , par de sages disposi- 
tions, eut ranimé l'industrie nationale et favorisé le 
commerce extérieur, que les négociants français diri- 
gèrent leur attention du c6té de la Turquie. Nos manu- 
factures de Lyon , du Languedoc et de la Provence , 
furent animées par ce commerce, dont les retours 
étaient aussi avantageux que les envois. 

Les grands profits qui résultaient du commerce de ces 
riches contrées devinrent un puissant motif de haine et 
de jalousie entre les puissances maritimes qui y parti- 
cipaient. 

Les parages de la Turquie furent souvent témoins de 
combats terribles que se livrèrent les flottes rivales de 
l'Angleterre, de la France et de la Hollande, dans les- 
quels s'illustrèrent les Black, les Ruyter et les Duquesne. 

Un séjour de quelques années dans lé Levant suffisait^ 
dans ces temps heureux , pour faire la fortune d'un né- 

(i) G^est Ini qai a fait bâtir le palais de France h Péra. 



— 417 — 

gociaDt actif et économe. C'est avec une surprise mêlée 
d'envie que les commerçants actuels observent , par la 
lecture des livrés de correspondance de leurs prédéces- 
seurs, qu'une spéculation était alors regardée comme 
peu heureuse si elle ne produisait qu'un profit net de 
f ingt-cinq à trente pour cent sur la facture d'achat. 

Cependant les Hollandais , s'étant rendus maîtres du 
cap de Bonne-'Espérance , et ayant formé de nombreux 
établissements dans les lies les plus importantes de la 
mer des Indes , se retirèrent peu à peu du Levant, vers 
le commencement du 18« siècle, pour diriger la plus 
grande partie de leurs capitaux vers le riche et immense 
marché des lies des épiceries et de la presqu'île de Tin-' 
dostan. 

Les Anglais, négociants et conquérants à la fois, 
ayant arraché plusieurs des lies Antilles à l'Espagne^ 
fondé un vaste empire sur le continent de l'Amérique 
septentrionale, établi de nombreux comptoirs sur la 
côte d'Afrique, et étant devenus maîtres de la riche pro- 
vince du Bengale^ où ils prenaient et achetaient de pre- 
mière main les marchandises de Tlnde , se monfrërent 
avec moins d'afQuence dans les marchés de la Turquie* 

Le nombre des facteurs anglais établis dans les échelles 
diminua à tel point , que la compagnie du Levant , qui 
avait été chargée , par les conditions de sa charte de 
création, de toutes les dépenses relatives à l'entretiea 
de l'ambassade et des consulats d'Angleterre en Turquie, 
se vit obligée en 1754 d'avoir recours à la bienfaisance 
du parlement britannique. Celui-ci , voulant encourager 
cette ancienne et respectable branche du commerce de 
r Angleterre, et se trompant sur la cause du mal, crut 
qu'il suffisait de mettre fin au monopole , et permit à 
tout parlieulier de faire librement le commerce du Le- 
I. 23 



— 418 — 
tantea payant une ftdble redevance à la compagirie, et 
en promettant par serment d'obéir à ses règlements et 
aox ordres de ses gouvemenrs. La factorerie anglaise du 
Levant continua à être chargée de l'entretien des ambas- 
aadears et des consuls; mais, devenant plus pauvre de 
jour en Jour, elle n'a pu faire face à ses oMigations, et 
le gouvernement anglais s'est vu obKgé, il y a environ 
quarante ans, de payer lui-même ses représentants et 
ses agents consulaires. 

La France , à qui le commerce du Levant convient 
beaucoup plus qu'aux deux autres puissances à cause 
de sa proximité de la Turquie, mit toujours beaucoup 
de zèle à entretenir ses relations commerciales avec elle, 
et profita de quelques circonstances politiques pour leur 
donner un plus grand développement. Outre l'envoi 
des prodoits de ses manufactures et des denrées de se» 
colonies 3 elle avait trouvé le moyen d'établir entre les 
provinces maritimes de l'empire ottoman un commerce 
de cabotage qui lui était plus profitable que celui de ses 
relations directes. 

La terreur que les corsaires mattais (1) inspiraient 
dans tous ces parages engageait les commerçants turcs 
et grecs à se servir de bâtiments français pour faire 
transporter avec sûreté leurs marchandises d'une échelle 
à l'autre. 

Le commerce français du Levant, favorisé par toutes 
ces circonstances, était devenu actif et avantageux. 
La France, d'après les calculs de M. Peyssonel, y cm- 

(1) Par ces corsaires maltais Je n^ai pas rintention de désigner les bâU- 
roents armés appartenant à Tordre de Saint-Jean de Jérusalem, et com« 
mandés par des chevaliers ; mais des embarcations, souvent légères , diri- 
gées par des aventuriers de toute espèce, et dont Parmement était auto- 
risé par le grand-mattre, en sa qualité de souverain de ille de Slàlte. 



— 4W — 

ployait encore en 179â un capital de 30 millions de francs. 
Ce capital y circulait avec une extrême rapidité, tant à 
cause de la promptitude des envois et des retours dans 
le commerce direct que de l'activité des opérations par- 
ticulières qui avaient Heu entre les difTérentes échelles. 

II est à craindre que plusieurs des ressources que la 
France retirait du commerce du Levant avant la guerre 
de 1793 n'aient disparu pour toujours. Les riches capi- 
talistes de Marseille, de Lyon, et de nos provinces méri- 
dionales, ont péri presque tous avec leurs richesses sous 
le régime de la terreur. Notre colonie de Saint-Do- 
mingue, d'où nos négociants de la Provence retiraient 
les plus utiles denrées de leur commerce du Levant, 
languit dans la misère sous le vain titre d'état indépen- 
dant. Malte, dont les corsaires aussi audacieux qu'a- 
vides, en effrayant les Turcs, les obligeaient à avoir 
recours à la protection du pavillon de France , a passé 
sous le joug de l'Angleterre. La Porte , qui a été irritée 
contre nous à cause de notre invasion de TEgypte, n'a 
plus pour nous cette prédilection et cette confiance 
qu'elle nous témoignait autrefois comme à ses plus an- 
ciens et plus fidèles alliés. Les négociants turcs, n'ayant 
plu^ depuis long-temps de communications directes avec 
nos ports, s'étaient procuré par d'autres voies les mar- 
chandises que nous avions la coutume de leur fournir. 

Les négociants français, aussi bien que ceux de la 
Hollande et de l'Angleterre, s'accordaient d'ailleurs à 
se plaindre , plusieurs années avant l'époque de notre 
révolution , que le commerce du Levant n'offrait plus les 
mêmes avantages qu'autrefois , et attribuaient le peu de 
débit de leurs marchandises et la diminution d^e leurs 
profits à la misère toujours croissante et à la dépopula- 

27. 



— 430 — 

tiim de la Turquie (1). Ces causes doiveot avoir eu né« 
cessairement une grande influence sur la décadence du 
eonunerce des Francs dans le Levant; mais elles ne sont 
pas les seules. 

Je crois qu'on ferait bien de regarder comme un dea 
principaux motifs du peu de succès de nos spéculations 
commerciales en Turquie le réveil de la nation grecque, 
les progrès rapides qu'elle a faits depuis environ cin- 
quante ans dans la civilisation^ et surtout l'introduction 
de ses négociants dans le commerce de notre continent. 
Autrefois les Grecs, accablés sous le joug du despotisme 
ottoman, ne portaient pas les spéculations de leur com«> 
merce languissant et timide au delà des limites deTem- 
pire turc, et recevaient, à l'exemple de leurs maîtres, 
iea marchandises d'Europe de la main des facteurs eu- 
ropéens établis dans les échelles. Hais, réveillés depuis 
plas de cinquante par l'espérance souvent trompée d'un 
avenir plus heureux, ils ont étudié notre langue et adop- 
té une partie de nos mœurs et de nos usages. Ils ont 
cherché à connaître l'Europe en la parcourant. Leurs 
négociants, aussi sagaces que hardis, n'ont pas tardé à 
reconnaître qu'en allant chercher eux-mêmes dans les 
villes manufacturières et dans les grands marchés de 
l'Europe les marchandises que les facteurs européens y 
faisaient acheter par leurs correspondants, ils pourraient 
lutter contre eux et obtenir des profits considérables. 



(1) Cette dépopolatfon est tellement sensible dans qnelqnes provinces, 
que de vingt villages florissants qoi existaient autrefois dans les environs 
d'Alep on en voit i peine quatre on cinq. La tyrannie des gonvemeors des 
provinces force les babitantsdea campagnes k se retirer dans Iea vilKei , où 
lûentôt la misère Iea dévore. 



— 421 — 

Vàéme en les débitant à un prix inférieur à celui de leurs 
riyaux. 

On a vu les plus riches d'entre eux quitter leur pays 
natal, traverser obscurément les villes principales de 
l'Europe, y vivre avec la plus sordide économie, et faire 
des achats considérables sans avoir aucun commis pour 
les aider dans leurs courses et dans le travail de leur 
correspondance. 

Pensant que les draps d'Allemagne, quoique en géné- 
ral grossiers et mal teints , leur convenaient mieux, à 
cause de la modicité du prix et de la facilité de leur 
transport par le Danube , que ceux de France et d'An- 
gleterre, ils en importèrent une grande quantité en 
Turquie, les vendirent à un prix modéré et accoutumé* 
rent peu à peu les Turcs à se servir de ces draps et à les 
préférer aux autres. On les a vus , durant la dernière 
guerre entre la Turquie et l'Angleterre, faire parterre 
des expéditions immenses de coton en France, en Suisse 
et en Autriche , accompagner euX'-mèmes les voitures 
durant leur long et pénible trajet par la Hongrie et TAl- 
lemagne, et montrer autant d'adresse et d'activité dans 
leurs opérations commerciales que de parcimonie dans 
leur manière de vivre. 

L'activité des commerçants grecs ne se fit pas remar- 
quer seulement dans les principales échelles; on vit les 
insulaires de l'Archipel, et entre autres les habitants de 
la petite lie d'Hydra et ceux des petits Ilots connus sous 
le nom de Spezzia et d'Ipsara, construire des navires de 
plus de deux cents tonneaux , parcourir la Méditerra- 
née, se lancer dans l'Océan, et aller chercher les denrées 
coloniales à Londres et jusque dans les principaux ports 
dé l'Amérique. 

Les Anglais ont coutume de porter dans le Levant des 



— 422 — 

drapS; dont les Turcs font pea d'usage, de la quincail- 
lerie , des outils de fer, des montres, des pendules, du 
plomb, du fer-blanc, de l'étain, de la morue, quelques 
percales et de la cochenille, ainsi que du sucre et du 
café. 

Leurs exportations] consistent en soie écrue, cotons, 
poils de chèvre et de chameau, tapis, café de Moka, 
drogues médicinales , Tins, huiles, bois d'ébëne, bois de 
cyprès, miel, cire et fruits secs. 

La France y importait des draps de toute espèce, fort 
estimés dans le pays , de la quincaillerie , des montres, 
des denrées coloniales, des fefs ou bonnets, des toiles et 
beaucoup de soieries. Elle en retirait à peu près les mê- 
mes objets que l'Angleterre. La promptitude des envois 
et des retours rendait ce commerce infiniment plus pro- 
fitable à la France qu'à l'Angleterre. — Mais notre com- 
merce avec le Levant, étant contrarié par les causes que 
j'ai indiquées plus haut et qui tiennent aux événements 
des époques les plus malheureuses de i^otre révolution, 
aura beaucoup de peine à reprendre une partie de son 
ancienne activité. 

La Hollande , qui apportait dans le Levant le fruit de 
l'industrie des autres peuples, en exportait des matières 
brutes qu'elle allait débiter dans les pays manufacturiers, 
n est probable que le nouveau gouvernement des Pays- 
Bas, quia perdu ses plus belles colonies de l'Inde, fera 
des efforts pour rendre à la Hollande cette branche de 
son ancien commerce de transport. Les draps de la Bel- 
gique sont estimés dans le Levant. Le roi de ce nouveau 
royaunïe entretient en Turquie un ministre plénipoten- 
tiaire et des consuls. 

L'Autriche, qui est parvenue à réunir à ses vastes do- 
maipesi tous les états maritimes de l'ancienne républi- 



— 423 — 
que de Venise , latte avec avantage contre les autrui 
puissances commerçantes dans les marchés de la Tnr- 
qaie. La ville de Venise avait des manufactures parti* 
caliëres dont les produits n'étaient destinés que pour le 
commerce du Levant. Ce sera sous le paviNon d'Autri- 
che qu'on verra entrer à Tavenir dans ces éelfelles les 
verres de la Bohème , les draps de l' Allemagne, les pro- 
duits des manufactures de la Suisse et tes soieries de là 
Lombardie. Ce pavillon y deviendra plus emnmvn ifaé 
ceux de France et d'Angleterre. 

L'Espagne , qui depuis plus de soixante anf tt fâfl sa 
paix avec les Turcs^ et qui entretient coiÉitamment ttë 
envoyé extraordinaire à la Porte et des consuls Aans teë 
échelles, n'a jamais eu de relations commerciales avec le 
Levant. Cette puissance, qui, ayant les plus belles et les 
plus riches colonies du monde , négligeait le commerci^ 
de ses propres états, ne pouvait guère s'occuper de ce*^ 
li^i d'un pays où elle aurait eu à lutter contre les nations 
les plus industrieuses de l'Europe. 

La Russie est de toutes les puissances européenHesf 
celle qai fait le commerce le plus avantageux avec la 
Turquie, car elle n'en reçoit qu'un peu de vin et des 
fruits secs, et elle y fait des envois considérables de 
beurre, de suif, de caviar, de goudron, de toiles, de 
fourrures et de grains provenant de la Pologne et dekfc 
Grimée. Elle attire à elle une grande partie de l'argent 
des Turcs et travaille à leur ruine autant par son conr- 
merce que par sa politique. 

C'est avec les provinces méridionales russes dont la 
prospérité, guidée par les principes les plus sages, croit 
tous les jours d'une manière merveilleuse , et dans les- 
quelles on a vu le hameau obscur de Ehodgea-Bay ehan* 
ger de nom(l), s'agrandir, et devenir, en moins de^cin* 

(i) Odessa. 



_ 424 — 
qaanteans, une des villes les plus commerçantes dé VEn* 
Tope, qu'il conviendra dorénavant aux puis^nces à qui 
les Turcs ont permis le passage de la mer Noire> d'aller 
chercher un théâtre actif et profitable pour leurs spécu- 
lations commerciales. 

Le coinmerce que les Turcs' faisaient autrefois avec 
les Indes et la Perse se soutient encore par des cara- 
vanes, dans lesquelles les Arméniens sont les princi- 
paux intéressés. Mais depuis que les marchandises de 
ces pays ne sont plus destinées comme autrefois à être 
exportées pour l'Europe , et sont consommées presque 
entièrement dans le pays , ce commerce est devenu ex- 
trêmement préjudiciable à la Turquie, dont il enlève le 
numéraire (1). 

Les caravanes qui se rendent de l'Inde dans la Tur- 
quie se partagent , après avoir passé la Candahar et le 
pays des Afghans , en deux parties, dont l'une prend la 
route d'Ispahan et se rend de là à Bagdad et à Alep , et 
l'autre marche directement sur Téhéran, capitale ac* 
tuelle des rois de Perse, et se dirige, après cela, sur 
Gonstantinople par Sultanié, Erzeroum , Tokat et An- 
gora, 

Nous allons présenter quelques détails sur les relations 
commerciales que la France ehtretient actuellement 
* avec la Turquie. Ils sont fondés sur le tableau général 
du commerce extérieur de la France , publié annuelle- 
ment par l'administration des douanes. 

(i) Sartoat par la grande eonsommalion des châlea de cachemire, dont 
la mode s^est trop généralement répandue depuis soixante ans « et qni sont 
deyenns poar les deux sexes des classes un peu opulentes un objet de 
première nécessité. Le nouveau costume adopté par le sultan Mahmoud 
pour les militaires de toute classe et les employés civils tend à diminuer 
en Turquie la consommation du chfties de Tlnde. Cest tm grand serrice 
ique ce prince a rendu & son pays. 



— 425 — 

IMPORTATION DE TURQUIE EN FRANCR , 
Par année mojenne, depuis 1880 ju8qa*en 1840» 

Prix 

Kîlog. du kilog. Franés. 

Soiei. , 90000 40 6 3600000 

éponges.: . « . ./ 31000 5 » 155000 

Salep 5240 6 p . 31440 

Fraits secs . . • , » » • 66 910 

Tabacs 7000 140 16100 

Gommes 92003 . 1 40 128000 

Sacsrésinenx .48000 . 2 40 . 118200 

Opiam 23000 32 » 866000 

Ilniles d'olives pour fabriques 802 000 » 70 561400 

Coton de Turquie 1500000 ) «TinnAn 

Coton d'Egypte • • • 2600000 | . *^*"'^ 

Garances 42000 » 75 31500 

Noixde galle 315000 2 » 636000 

Avelanëdes. • 680000 » 30 904000 

Cuivre coulé en masse 50200 2 » 100400 

Patrons de Turquie et d'Egypte. ... » » » .. 263550 

grammes. 

Or en monnaie 280000 »» 840600 

Argent en lingoU 9235000 > » 1847 000 

Divers articles » »» 500000 

Total des importations par année. . . 15 344 500 



EXPORTATION DB FBANGE EN TURQUIE 
Par année moyenne, depuis 1880 jusqu'en 1840. 

Prix 

Kilog. du kilog „ Pranet. 

Potosons salés 102000 : » » . 46000 

Dents d*éléphant ^2200 7 » 15400 

GoBMMibles *8500 1 20 9800 

FruiU confiU et autres 11200 » .» . 11300 

Sucre brut et terré 1040Q » » 7800 

Sucre terré « . • • • » » » 334000 

Sirops, confitures. . 7000 180 12600 

Café 962000 » 1284000 

Epiceries. • . 7500 4 50 33750 

Arepwtw . • . 1726650 



— 426 — 

Prants, 

JUpart. . .1726650 

Prix 

KiU§. du Hhg. 

MoscadM t050 7 » 44350 

Poivre pimenU 122 400 » » 171 ;>00 

Térébenthine distillée 110 000 » » 77000 

Banmet (bentoin, copahn) 8000 » » 94000 

Liège S6000 1 90 31000 

Bols de teintnre » ww 60000 

lUrbre » v» 4000 

Briqwt et ardeiset. » » » 1O200 

Bmaftt 84000 » » 15000 

grammes, 

Orflléforfole 90000 » 50 45000 

kilog. 

Ver et acier 308OOO » » 151200 

BUin 16000 2 SO 39800 

Mercnre natif. 1100 460 5060 

Addes minérani 2800 »» 3 050 

Produits clilmi^es » » », 70180 

Goehenille » »» 1760000 

Indigo 3200 20 » 64000 

Goalears 8000 3» 25000 

Médicaments 500 10 » 5000 

Cacao et chocolats préparés 460 7 » 322Û 

teere raffiné en pains 8150000 l 40 3125000 

litres. 

Tin en futailles 800000 » 50 400000 

Idem en boateilles et liqnears douces. 36 000 1 50 51 000 

Bière 4 500 » 30 1 350 

Bau-de-vie 15000 1 » 15000 

kiiof. 

Poterie grossière et faïence 74 000 » 40 29 600 

Poteries fines » »» 18000 

Borailaine. 9000 5 » 480001 

Miœift grand» et petits. » » » 51800 

Bomcilles Tidea. 220000 » SO ggtOOO 

Odstani. 15000 % » 3d.0N( 

Teireries (autres que ctiHaw) 910000 1 » SlOOOi^ 

VoUes écrnes. 2140 14 » 2»9M^ 

DvepÀdelainei 232000 27 » d38ir0i» 

BtellM diverses , serges , Insools , etc. . . 7 000 26 » 182 âM» 

BôBMterie 184)00 26 » 4il8€60f 



A reporter] 



. 16161420 



— 427 — 



RêporU .... 

Prix 

Kilog. «lu kifag. 

Btoffos pures unies et tissus en soie. . . 5 500 1^20 » 

Btoffin de soie façonnées 540 50 » 

grnmm 

Idem brochées d*or et d'argent. • . . 960 000 25 » 
Etoffes mêlées de fil , coton et antres ma- 
tières, et brochées d^or et d'argent. • 4 900 110 » 

Crêpes 2200 88 » 

Tulles et dentelles. » » » 

Rnbans , 600 120 » 

Toiles percales 520 15 » 

Idem peintes 3 iOQ 23 « 

ChAlcs et mouchoirs de coton. . » » . » » » 

Etoffes printanières 350 14 » 

Couvertures de laine 620 8 » 

Chapeaux 312 14 ^ 

Cartons et papiers d'enveloppe. . . , . » » y 

Papierblanc 9600 2 50 

Livres en français et autres langues. . . » » » 

Cartes à jouer. ......... 2 740 5 » 

Cartes géographiques » ^ , 

Gravures ^ ^ ^ 

Peaux tannées et corroyées » ,^ » 

Idem préparées ou vernissées. ... » » » 

Idem ouvrées (gants) » » » 

Idem ouvrées (autres que gants). . . » , , 

Limes et rApes „ . , 

Outils de pur fer „ „ ^ 

Ouvrages en plomb « „ ^ 

Idem en fonte n „ . 

kilog. 

Idem en fer 130000 » SO 

Idem en étain , ^ ^ 

Idem en enivre. „ ^ ^ 

Orfèvrerie (or ou yecmeil) , ^ , 

Idem en argent. 

Buonterie d'or (non compris les pierres ^^^. 

précieuses) 600000 » 24 

finies fines iSOO 4» 

A rep(ni$r . . 



'Frants, 

16 161 420 

600 000" 
T0200 

462000 

283 6Qa 

4600Q 

72000 

im 
*m 

113Ç$. 
56 400 
24000 
60000 
15 700 
3S00 
77 OX) 

908000 

131400 
34480 

480000 

6500 

24000 

«56000 
210 

117 OOp 

6200 

3400 

83880 



144000 
4800 

19739 818 



— 428 — 

Report : l97t388IS 

Prix 

Xilçgm du Hlog, 

piMpiét. 16 000 10 » leoooo 

Hacbinef » »» 10000 

Armes k feo de lue 2 100 15 » 34 500 

PeDdoles » »» 189600 

MmiIreB en or, en argent ov en enivre. • 8 000 » » 6 400 

iti7og. 

Cootellerie 4850 12 » 58200 

Merceries comninnes. 3200a 6 » 192000 

Idem fines 2400 14 » 35600 

Aiguilles. 42» 40 i* 16800 

Divers articles de Industrie parisienne. . » » » 75 000 

Meubles. » »» 180000 

Instruments d^artslibéraai et de mnsiqae. » » » 28600 

Linges et habiliemenU 3500 » 20 7000 

Modes » »» 36000 

Diyers articles non mentionnés dans ce 

tableau. » » » 140000 

ToUl des eiportations de France en Turquie 20800018 

Total des exportations de Turquie en France 15 344 500 

L'excédant de la yaleur des importations sur les 
exportaUonsestde . 5455518 

Nous croyons devoir faire remarquer que dans les ex- 
portations de la Turquie destinées pour la France ûga^* 
rent des valeurs de 2687 000 francs en or et en argent 
monnayés ou en lingots. 

Le chiffre des importations de la Turquie en France 
n'est guère que la moitié de ce qu'il était du temps de 
M. de Peysonnel, avant la révolution française de 1789. 

Les exportations de la France pour la Turquie ne va- 
lent guère plus des trois cinquièmes de ses exportations 
d'autrefois. La différence provient de la diminution dans 
les envois des draps de laine de toute espèce^ des soie- 
ries de toute qualité, des objets de quincaillerie et d'hor- 



— 429 - 

togerie et des denrées coloniales. Les nouveanx concur- 
rents qvti ont porté préjudice à l'industrie commerciale 
delà France en Turquie sont Venise, Trieste, les pos« 
sessions illyriennes de la maison d'Autriche, les nou- 
veaux états maritimes du roi de Sardaigne , la Sicile, et 
les £tats-Unis de l'Amérique septentrionale. Les Âmé^ 
ricains figurent principalement pour l'article important 
des denrées coloniales. 

Mais la France fournit depuis une quinzaine d'an- 
nées à la Turquie des objets de modes et de luxe, des 
livres, des gravures et une assez grande quantité de pro- 
duits chimiques, qui ne faisaient pas partie de ses ancien- 
nes expéditions. Ces envois, qui sont dans un état pro^ 
gressif , annoncent que le goût de la civilisation se dé- 
veloppe et se propage dans cette partie du monde. Les 
progrès des lumières et de la civilisation dans les deux 
Turquies sont à désirer pour la France, tant sous le rap- 
port des intérêts généraux de l'humanité que sous celui 
de ses propres intérêts commerciaux. 

L'Angleterre et la Hollande ne font plus avec le Le- 
vant un commerce aussi considérable qu'autrefois. Em- 
brassant dans ses relations commerciales les cinq parties 
du monde et possédant des colonies florissantes, la Gran- 
de-Bretagne ne porte plus qu'un intérêt secondaire h 
son commerce de Turquie. Mais ce pays est pour elle du 
plus haut intérêt à cause de ses communications beau- 
coup plus courtes avec l'Indostan par cette voie que par 
celle du cap de Bonne-Espérance. 

La Hollande, peu manufacturière, n'a jamais fait en 
Turquie, comme ailleurs, qu'un commerce de trans- 
port. Mais les peuples, plus avisés qu'autrefois, portent 
eux-mêmes leurs produits industriels aux lieux de con- 



— 430 — 

tMNMAira. Les draps de lamé, les toiles de Ihi et les 
deÉteUesde la Belgique, sost |>ortés aetaellemeiït par les 
Belges ëax-«èines éans les èetielies du Levant. 

Les BiafoiiàBdises importées en Tnrqme payaient et 
paiettt eneorey à lear entrée dans les ports, un droit de 
trois pour eeni snr une appréoiation fixée par le traité 
de tarif. La même raarefae était sirivié poarles marchan- 
dises exportées. Mais, la valeur des denrées de tout gen- 
re ayant éprouvé de grandes Variations par suite des 
vicissitudes du commerce et dés progrès de l'industrie, 
H les moïknaies dé la Turquie ayant subi de grandes 
altérations qui ont diminué considérablement les prix 
commerciaux , un nouveau traité de tarifentre laSubli- 
me-Porie et les autres goiivememenlts européens était 
devenu iodispensalrfe. 

DM>arqnées dans les villes maritimes, leë marchandi- 
ses importées étaient en outre assujetties à payer, à leur 
entrée dans les provinces intérieures et dans quelques 
localités particulières , plusieurs droits extraordinaires 
qui, dans leur ensemble, s'élevaient quelquefois à 12 et 
15 pour cent. 

Ces droits, qui frappaient également les marchandises 
destinées à ^exportation et è l'importation, et dont l'a- 
Vidlté des agenis^ dtf fisc ottoman attgméntait souvent la 
valeur, empêchaient les marchands européens de diriger 
par eux*mrèmes dès expéditions commerciales dans fintë- 
rîeur des deux Turqtilefi, et les obligeaient à avoir recours 
à des intermédiaires qui accaparaient les profits et fai- 
sAienila loi pour la fixation des prix deventeetd'achs^. 
Les principaux gouvernements de TEurope crurent 
devoir prendre à cet égard, avec la SuMîme-Porte, des 
arrangements qui, aj^anf pour base une nôovielle éva- 



— 431 — 

lufllion d«s prix des marahaDdises, Absent disparaître les 
asciens abus et ouTrisseat aux commerçants européen» 
le commerce intérieur et le coffimerce extérieur des 
deuxTurquies, tmit sur le littoral maritime que dans 
riotérieur des provinces* 

Nous allons présenter quekiuee détails sur le dernier 
traité de commerce condu entre la France et la Porte- 
Ottomane , ea 1838. 

Dès Tannée 1636 la France avait conclu avec le sultan 
Soliman H, dit le Magnifique , un traité qui , sous le 
nom de capitulations, régit encore les Européens ré^ 
sâdani dans le Levant* D'après quelques modifications 
que ces capitiiMioBS'Ont subies sous le règne de Mah- 
moud l^'j en V14Û y eu ce qui concerne les droits d'en- 
trée et de sortie sur les marchandises importées ou 
exportée»' pair les Eutopéens^ il fut stipulé qu'elles se-* 
raient soumises à un droit uniforme et égal de trois pour 
cent) d'après les bases d'un tarif fixant leur valeur. 

Le gouvernement ottonum ayant commis l'énorme 
faute d?aJtérer ses monnaies au point qu'elles n'ob- 
tiennent, dans les échanges du commerce extérieur^ 
que la vingtième partie de leur valeur primitive ^ et le 
.tarif d'évaluation des marchandises^ étant établi sur la 
valeurréelle des anciennes moBnaies , il en résultait un 
énorme déficit dans le trésor par la^dîminution progres- 
sive du produil des douanes; 

Appelées à> prooéder à un règlement plus conforn»e 
aux règles de l'équité et aux intérêts de l'empire otto- 
aian, les nations européennes* iaÉéressées au commerce 
de la Turquie se prêtèrent san» beraeoup de difficul- 
tés à adopter de noUTcHes bases d'appréciation qui 
missent les produits des douanes turques au taux de la 
vaieisrrèdle fixée par les anciennes capitulations. 



— 432 — 

Le saltan Soliman II avait accordé en outre aux né- 
{^ocianls européens l'avantage de transporter* d'une 
échelle à l'autre , sans addition d'impôt , leurs marchan- 
dises qui avaient acquitté le droit de troto pour cent. 
Hais de nombreuses difQcultés avaient fini par entraver 
l'exercice de cette faculté. Ces obstacles , suscités par la 
Porte, avaient acquis par leur longue durée le caractère 
d'un droit légal auquel les ministres du divan ne con- 
sentaient à faire quelques exceptions que comme une fa- 
veur, et pour des services politiques qu'ils exigeaient en 
échange. 

Cédant aux instances de la Sublime-Porte , le marquis 
de Rivière, ambassadeur de France en 1818, avait con- 
senti à faire dans l'ancien tarif des changements néces- 
sités par l'altération des monnaies. Son travail de ré- 
duction, approuvé par le gouvernement français, avait 
été adopté par le cabinet de Vienne. Mais la cour de 
Saint-Pétersbourg l'avait repoussé comme trop favo- 
rable aux intérêts de la Turquie. 

Le commerce de Marseille regarda le nouveau tarif 
adopté par le marquis de Rivière non comme un retour 
à la valeur réelle des anciens droits établis par les capi- 
tulations, mais comme un accroissement, quoique pu- 
rement nominal , des impôts sur l'entrée et la sortie des 
marchandises européennes* 

Le divan ottoman continuant à altérer d'une manière 
aussi exorbitante qu'absurde ses monnaies courantes, 
qui étaient aussitôt évaluées en piastres turques en rai- 
son de leur valeur métallique, et ces piastres servant de 
base au tarif des douanes, un nouveau travail de régu- 
larisation était devenu indispensable en 183S. 

La France fut la première à entamer avec la Porte des 
négociations relatives à ce (raVail , et proposa de mettre 



— 433 — 

QD terme aux obstacles abusifs <)ui entravaient Tinlror 
doetion des marchandises européennes dans l'intérieur 
de l'empire. Elle désirait aussi faire disparaître les mo- 
Bopoles, création de nouvelle date, qui dénaturaient 
d'une manière grave l'esprit des anciennes conventions^ 

Le traité à intervenir devait avoir pour base la haute 
pensée de garantir aux commerçants européens une sé- 
curité complète pour les droits qu'ils avaient à payer sur 
les marchandises qu'ils importaient on exportaient non 
seulement dans les échelles maritimes, mais aussi dans 
les provinces intérieures. Les négociations commencées 
à ce sujet par l'amiral Boussin au nom de la France, et 
continuées pendant son absence temporaire par le mar- 
quis xl'Eyragues, chargé d'affsfires , furent conduites par 
eux avec beaucoup d'activité et d'intelligence. Les com- 
missaires turcs auraient voulu augmenter le droit fon- 
damental de trois pour cent sur l'importation et l'expor- 
tation. Mais, après une longue discussion sur la quotité 
de ces droits , on convint de part et d'autre que les mar- 
chandises achetées dans l'intérieur paieraient, à leur 
' sortie de la Turquie , un droit de neuf pour cent^ et que 
' les marchandises débarquées et introduites dans les états 
ottomans seraient soumises à l'ancienne redevance de 
trois pour cent. 

L'ambassadeur de la Grande-Bretagne, lord Pon- 
sonby, adopta ces conditions. Mais, en consentant à faire 
ces concessions importantes , les deux ambassadeurs de 
France et d'Angleterre s'entendirent pour déclarer et 
feire constater dans le nouveau traité que leurs gouver- 
- nements respectife ne renonçaient pas aux privilèges 
des traités antérieurs; que leur motif actuel, était d'a- 
néantir les abus consacrés par le temps , et que leur 
principal but tendait à assurer à leurs négociants la U- 
I. 28 



— 484 — 

berté et la séeurité doot leur comiDerce avait été privé 
depuis plusieurs années. 

Quant à la demande de l'abolition de tous les mono- 
poles , elle paraissait devoir rencontrer une forte oppo** 
fiition de la part du gouvernement ottoman. Hais le réis- 
effendi de cette époque, Reschid-Pacha, crut voir dans 
cette suppression une arme puissante contre le vicenroi 
d'Egypte. Son opinion fut approuvée par le sultan 
Mahmoud, qui témoignait en toute occasion, à haute 
voix , sa haine contre son redoutable vassal , qui avait 
combattu avec succès son autorité souveraine, rt avait 
humilié son amour-propre. La demande de la suppres- 
sion des monopoles fut promptement accordée. 

Lord Ponsonby aurait 'désiré obtenir l'admission sans 
droit d'entrée , dans tous les ports ottomans, des mar- 
chandises destinées au simple transit à travers les pro- 
vinces de la Turquie. Cette affaire était du plus haut 
intérêt pour la Grande-Bretagne , puisqu'il est constaté 
que les Anglais envoient en transit, par Gonstantinople, 
et encore plus par Trébisonde, des prodints manufiate- 
turés estimés à la valeur de 40 millions de francs^ pour 
être vendus dans les marchés de l'Asie , bors des li- 
mites de l'empire turc. Mais, malgré l'insistance del^en- 
voyé de la Grande-Bretagne, le divan ottoman reflosa 
de renoncer à ses droits d'entrée pour 1<» mai^handisea 
destinées au simple transit 9 mais il rédmsit ce droit à 
deux pour cent au lieu de trois. 

Rompues et renouées à plusienrs reprises , les négo« 
eiations pour le traité de commerce furent «nfin termi- 
nées dans ie mois d'août 1838, ^ signées par lord Pon- 
sonby le 17 du même mois. 

L'amiral Boussin, qui avait tardé à recevoir do^sm 
gouvernement des pou voirs assez étendus pour coMhve^ 



— 435 - 
les obtint enfin , et apposa sa signature au traité dans 
la journée du 23 novembre de la même année. 

Les avantages obtenus par la France et l'Angleterre 
par ce traité sont : 

1^ La faculté d'acheter librement sur les lieux d'ori- 
gine et d'exporter les produits de la Turquie sans autre 
droit que celui de neuf pour cent au point d'embarqué- 
ment. 

2'^ La conservation du droit d'entrée très modéré de 
trois pour cent sur les marchandises importées par les 
Européens dans les ports ottomans, et destinées à la 
consommation du pays. Ce droit est perçu d'après un 
nouveau tarif d'évaluation annexé au traité de com- 
merce. 

3« La libre circulation des marchandises d'importa- 
tion dans l'intérieur de l'empire , soit pour la consom- 
mation ou soit en transit, moyennant un droit addition-' 
nel de deux pour cent. 

4o L'abolition des monopoles et des privilèges. 

S® La fixité dans les droits. 

La Russie , dont le tarif ne devait échoir que quelques 
années après, loin d'opposer des entraves à la con- 
clusion de ce traité , déclara qu'elle était disposée à 
approuver en temps utile tout traité qui obvierait aux 
abus introduits dans l'application des conventions an- 
térieures > et qui mettrait toutes les nations sur un pied 
d'égalité parfaite* 



VIH DU nUHBBR VOLUME. 



— 437 ~ 

I I " I ■ 

TABLE DES MATIÈRES 

CONTKMDI» DAN9 LB tOMB l*'^. 



STATISTIQUE GÉNÉRALE, 

éRUtÈBB vJLWïïB.^GÉOGRAPmE PHYSIQUE ET POUTIQ^É^ 

TURQUIE D'EUROPE» 

Configuration phy«qu6 . v 1 

Géoologf e et Météorologie 7 

pROVIlfCBS GOMPRI8B8 DAMS LB BÀ88IM DU DàMUBB .... 16 

Valacbie et Moldavie « . 18 

Communications et positions militaires. ...... 27 

Bosnie. ... 50 

Servie «.....>.... 33 

Bulgarie. « ^ 35 

Cours d'eau et principales communications dans les provins- 

ces slaves 39 

Principales roules de commtinication entre les provinces 

slaves et les alitrës provinces turques. ...... 49 

Population des villes les plus remarquables des dnq provin- 

* ces turques du bassin du Danube ^ ht 

Thbacb .....»•.. 59 

Cours d'eau^ mers environnantes et comraimicatfoDs. . . 61 

Routes principales 76 

Population des principales viHesv . . > « . • • -76 



— «» — 

UicÉDontt tt ToiMiii. ....«.>. ««81 
Communications avec les proiriiioes ¥oUine8 • . « . • 87 

Population. . . « » • . > • 9& 

AuÂini et Bnn 96 

Routes de communication arec les provinces voisines. . . iOO 

Population. 104 

GiÈGB (nouveau royaume) .......... 109 

Routes 4e communication dans la partie contkienlale et sep- 

tentrioule 118 

Presiiulle de Morée .124 

LaconieelMesséide IM 

Élide 137 

AiMe. .139 

P<^ulation actuelle du royaume de la Grèce ..... 148 
lu nu Ganmi ou Gaim. .......... 1$# 

TURQUIE ASIATIQUE. 

AsBr-HlNIUBS .........»•..• 16i 

Ré de Chypre 188 

OlMcrvations générales sur TAsie-Mineure et sur la popu- 
lation de cette pàûnsnle .......... 191 

Population des villes de TAsie-Mineure. ...... 193 

Géoologie, météorologie et produits. . • 198 

Rassuis m l'Edhoate n nu Tiean ....... 20O 

AmÀBn 217 

Strik. 223 

Considérations générales swr la Syrie • 239 

EGYPTE 245 

Kpulatiouy richesses^ gouvernement. ...... %6% 

Ganstitution4ilia«i«iiri(ilé SSi 

Revenus publics . . . . , 27^ 

^Aidministration intérieure des provinces éfiiptienn^. . . 273 



— 43» — 

Pègm. 

Anoée » 27d 

Agriculture 287 

Gommeree 291 

Canaux et bassins 295 

2* P^BTiB BB hJLSTJLTtBTiiiWi.— INSTITUTIONS POLITIQUES 9. 
RELIGIEUSES, MILITAIRES, FINANCIÈRES ET COMMER-^ 
CIALES. 

Du grand-seigneur et de la dynastie ottomane • • . • 305 
Des oulémas^ de la législation ottomane, et des institutioBS 

ecclésiastiques et judiciaires 321 

Forces militaires. — Armée de terre ••••»«. 3&3 
Observations générales sur la tactique des Turcs» . . . 386 
Organisation de Tannée de terre aetaeUe '•••••» 390 

Marine 394 

Des revenus de l'empire ottoman 401 

Commerce de la Turquie 414 



fin BB Là TAUB BB TOBDI V. 



ni 



APR 3 6 1940